SNCF VOYAGEURS
PRÉSIDENCE
Campus Campra, 4 rue André Campra
CS 20012
–
93200 Saint-Denis
Madame Inès-Claire Mercereau
Cour des comptes
13 rue Cambon
75001 PARIS
Saint Denis, le 12 septembre 2024
Madame la Présidente,
J’ai pris connaissance de votre courrier en date du 15 juillet dernier, par lequel vous m’avez
communiqué les observations définitives intitulées « Les transports express régionaux à
l’heure de l’ouverture à la concurrence –
Rapport de suivi ».
Plusieurs points de ce rapport attirent particulièrement mon attention et appellent à mon
sens certaines précisions, que je souhaite voir publiées conjointement avec ces observations
définitives.
1.
Concernant la transmission de données aux Régions
En page 5, il est indiqué que «
des progrès doivent encore être réalisés notamment de la part
de SNCF Réseau
», cette appréciation conduisant la Cour à estimer que la recommandation
correspondante n’a été que partiellement mise en œuvre. La Cour précise so
n analyse en
page 19 lorsqu’elle écrit
que «
La Cour constate que sa recommandation n° 7 de 2019 a été
suivie d’effet, même si les évolutions positives intervenues sont davantage le fruit de décisions
de justice que de diligences spontanées de SNCF Voyageurs
».
S’il ne m’appartient pas de me prononcer s’agissant de SNCF Réseau, je souhaite souligner,
pour ce qui concerne SNCF Voyageurs, l’importance des progrès accomplis depuis le
rapport de 2019 tant en termes de rapidité de transmission que de complétude des données
transmises, ce alors même que ce sujet représente une charge croissante pour les directions
régionales TER depuis la publication du décret n° 2019-851 du 20 août 2019 (dit « décret
données »), dont la jurisprudence a utilement permis de clarif
ier l’interprétation et de bâtir
une compréhension partagée avec les Autorités Organisatrices.
En pratique, les données sont le plus souvent fournies sous un mois, après concertation avec
la Région concernée pour expliciter la nature des données disponibles, afin que la Région
puisse disposer de données consolidées et stabilisées.
Pour autant, certaines données, notamment relatives au matériel roulant et aux installations
fixes, nécessitent un délai de traitement plus long (de l’ordre de deux à trois mois) afin d’en
garantir la fiabilité. Ceci s’explique par le volume des données dont il est question, par leur
dispersion ainsi que par leur complexité (notamment lorsqu’il s’agit de «
détourer » les
SNCF Voyageurs SA , 4 rue André Campra, 93200 Saint-Denis
519 037 584 R.C.S. BOBIGNY
données pour les faire correspondre aux bornes du lot envisagé par la Région). A titre
d’ordre de grandeur, le volume de données à transmettre pour chaque lot ouvert à la
concurrence représente plusieurs dizaines de milliers de fichiers, ce dans un contexte où
l’intensification du rythme de cette ouverture à la
concurrence conduit les différentes
Régions à solliciter simultanément SNCF Voyageurs au titre de nombreux lots.
Malgré ces contraintes objectives, SNCF Voyageurs met tout en œuvre pour réduire ces
délais et organise systématiquement des réunions explicatives pour accompagner la
transmission de ces données et garantir que les Régions puissent se les approprier
pleinement.
Enfin, il me semble nécessaire d’attirer l’attention de la Cour sur le fait que la
recommandation n° 7 de son rapport public thématiq
ue d’octobre 2019 et les constats
associés (pages 81 et suivantes du rapport) portaient sur le seul périmètre de SNCF
Mobilités. En tant que tels, ils ne concernaient pas SNCF Réseau, contrairement à ce que
suggère le présent projet de chapitre.
Dès lors, et compte tenu des éléments exposés ci-
dessus s’agissant des progrès réalisés par
SNCF Voyageurs, il me semble que la recommandation de 2019 pourrait être regardée
comme mise en œuvre, d’une part, et que la phrase selon laquelle «
les évolutions positives
intervenues sont davantage le fruit de décisions de justice que de diligences spontanées de
SNCF Voyageurs
» n’est pas conforme à la réalité.
2.
Concernant les risques pesant sur le processus de mise en concurrence
SNCF Voyageurs partage l’analyse de la C
our, en particulier sur la nécessité de définir et
respecter un calendrier d’ouverture des lots certes rythmé mais « étalé » dans le temps, ce
afin de permettre aux candidats de préparer leurs réponses dans les meilleures conditions,
au bénéfice des Régions.
En revanche, certains points doivent à mon sens être soulignés :
-
En début de page 25, il est mentionné que «
les candidats non retenus ne sont
indemnisés qu’à hauteur de quelques centaines de milliers d’euros dans le meilleur
des cas
» : ce constat devrait être actualisé, les indemnisations prévues par les
Régions pour les candidats non retenus ayant significativement augmenté à
l’occasion des appels d’offres les plus récents.
-
A cette même page 25, le rapport identifie un risque s’agissant de «
la possibilité
d’implantation par les concurrents de leurs propres centres de maintenance pour ne
pas dépendre de ceux de la SNCF, ce qui suppose que le foncier nécessaire soit
disponible dans un calendrier compatible avec la mise en service prévue
». Il est à
noter que la construction d’ateliers n’est pas une condition de l’ouverture à la
concurrence
: elle résulte d’un choix de l’Autorité organisatrice, dans des conditions
prévues au cahier des charges de l’appel d’offres et qui à ce titre s’imposent à tous
les candidats. Par ailleurs, le transfert de propriété des ateliers de maintenance TER
aux Régions, tel que prévu par la loi, permettra aux Autorités organisatrices de mettre
les installations à disposition des futurs exploitants d’un ou de plusieurs lots. Il n’y a
donc pas de risque de «
dépendre des ateliers de la SNCF
», ce d’autant moins que
les différents exploitants d’ateliers mis à disposition par les Régions seront dans
l’obligation d’en permettre l’accès aux autres opérateurs via une offre de
mainten
ance régulée et contrôlée par l’ART, ce afin de garantir l’absence de
discrimination à l’encontre des autres opérateurs.
3.
Concernant les outils de mesure de la qualité de service
En page 41, il est indiqué que «
La méthode de suivi des retards de SNCF Voyageurs qui
n’enregistrait que les retards supérieurs à cinq minutes en considérant que ce seuil n’était
franchi qu’au
-
delà de 5’59’, a fait l’objet de critiques depuis de nombreuses années
».
Pour rappel, cette norme de 5 minutes et 59 secondes est fixée par le gestionnaire
d’infrastructure, dans son document
intitulé « OP 515
–
Management de l’exploitation ».
SNCF Réseau indique en préambule de ce document qu’il «
présente les règles à appliquer
sur le RFN
» et précise qu’il s’applique à toutes les entreprises ferroviaires. Dans son annexe
1 («
Les indicateurs utilisés dans le management de la performance
»), la partie 2
(«
Ponctualité et régularité
») indique ainsi sans ambiguïté que «
Tous les trains sont
considérés comme réguliers si leur écart horaire au dernier PR [point remarquable] observé
est inférieur ou égal à 5 minutes 59 secondes
». Mes équipes tiennent évidemment ce
document à votre disposition.
S’il est ainsi loisible à tout un chacun, et a fortiori à la Cour, d’estimer qu’il serait souhaitable
de mesurer les retards à partir de seuils inférieurs, nous sommes pour notre part tenus, en
notre qualité d’exploitant ferroviaire, appliquer les règles et principes édictés par le
gestionnaire d’infrastructure au bénéfice de l’ensemble du système ferroviaire.
S’agissant du seuil de 1 minute 0 seconde évoqué par
la Cour durant l’instruction, je ne peux
que confirmer la réponse qui a été apportée à l’équipe de contrôle
et qui est rappelée en
page 41 du rapport : ce seuil n’est pas intégré à nos outils, car il est trop bas pour être
pertinent dans une approche opérationnelle.
4.
Concernant la réalisation de l’offre et la ponctualité
En page 5, il est indiqué que «
S’agissant de la qualité de service, les constats de 2019 restent
valables : tant la proportion de trains déprogrammés ou annulés que la ponctualité, se situent
à des niveaux préoccupants.
», cette appréciation étant reprise dans le corps du rapport en
page 40. Il me semble nécessaire de nuancer ce constat.
La régularité des TER doit être remise en perspective avec le contexte auquel notre activité
est confrontée, lequel est non seulement défavorable mais en dégradation. En effet, TER doit
faire face à des difficultés systémiques qui affectent significativement les conditions dans
lesquelles nos trains circulent :
-
L’augmentation du nombre de travaux, liés
au vieillissement des infrastructures et aux
grands programmes de rénovation engagés par SNCF Réseau, se traduit par des
contraintes fortes sur la production ;
-
La multiplication des événements climatiques provoque d’importantes perturbations,
dont les effets sont sensibles au-
delà du jour J (conséquences sur l’infrastructure, le
matériel, etc.) ;
-
Enfin, la hausse sensible de la fréquentation, si elle représente bien sûr une évolution
positive dont nous nous réjouissons et que nous continuons à encourager aux côtés
des Autorités Organisatrices, se traduit à certaines heures et sur certaines lignes par
des tensions sur la capacité d’emport offerte et de manière générale par des
conséquences sur la qualité du service (temps d’échanges en gare allongés,
augmentation des incidents voyageurs, etc.).
Dans ce contexte, il me semble nécessaire d’isoler, parmi les causes d’irrégularité, ce qui
relève de la responsabilité du seul exploitant (« causes internes TER ») : sur ce point, je
souligne que les causes internes T
ER ne comptent que pour un tiers des causes d’irrégularité
constatées, et que ces causes internes ont moins progressé depuis 2019 que les autres
causes (qu’il s’agisse des causes «
Réseau » ou des autres causes externes). Il est en outre à
noter que les ca
uses d’irrégularité externes peuvent mécaniquement induire une hausse des
causes internes TER : cette perméabilité est un facteur avec lequel nous devons composer.
A titre d’exemple, une tempête, qui génère le jour J des retards ou suppressions de trains
qui seront catégorisés en causes externes, peut également entraîner les jours suivants des
indisponibilités de matériel (en raison de chocs ou de chutes d’arbres survenus durant la
tempête) qui seront regardées comme des causes d’irrégularité internes. Pour
tant, et malgré
ces impacts induits par les causes externes, nos causes internes restent contenues (3,1 % en
2023) et en amélioration significative par rapport à la période 2016-2018 (environ 4 % sur la
période).
Ces bons résultats, obtenus en dépit de ce contexte défavorable, témoignent de nos efforts
qui se poursuivent mois après mois pour apporter la meilleure qualité de service aux
voyageurs.
Je tiens en outre à rappeler que la comparaison entre 2022 et 2023 présente des limites
importantes, compte tenu du fait que les plans de transport sont restés allégés pendant
plusieurs mois de l’année 2022 en raison des conséquences persistantes de la cri
se sanitaire.
Cet allègement des plans de transport a mécaniquement bénéficié à la régularité globale
de nos trains.
Enfin, le rapport souligne l’existence de disparités régionales importantes : celles
-ci sont
notamment liées à de nombreux facteurs qui p
euvent fortement varier d’une région à l’autre,
tels que l’état et la densité du réseau, la densité du trafic, le parc de matériel roulant (état,
âge, volume). L’existence de ces différences structurelles entre les régions limite
nécessairement la portée de ces comparaisons. Par ailleurs et sur ce même sujet, que la
phrase qui, en début de page 41, mentionne un écart entre la Bretagne et les Hauts-de-
France «
de 126 % toutes causes confondues et de 146 % pour les causes TER
» est
surprenante dans sa formulation
: s’agissant de taux d’irrégularité mesurés en pourcentage,
il aurait été plus lisible de raisonner en « points
» d’écart. En l’occurrence, l’écart entre les
taux d’irrégularité mesurés dans ces deux régions était de 6,5 points en 2023 (toutes causes
confondues).
5.
Concernant la connaissance des besoins et attentes des clients
En pages 31 et 32 du rapport, la Cour évoque « une connaissance des usagers insuffisante »,
précisant que «
Les AOM doivent aussi, pour remplir pleinement leur rôle, acquérir une
connaissance des pratiques de déplacement des différentes catégories de voyageurs, et ce
tant pour les déplacements en train que par d’autres modes de transport
». Plus loin, la Cour
estime que «
La connaissance précise des motivations et des freins à l’
usage des TER - qui
doit distinguer les cas où une offre existe de ceux où elle est lacunaire ou éloignée - paraît en
revanche presque totalement négligée
». Tel n’est pas le cas
: chaque Région définit
annuellement avec SNCF Voyageurs une feuille de route
d’études qu’elle souhaite voir
réalisées sur son territoire, et SNCF Voyageurs dispose en outre d’un observatoire des
mobilités régionales (dénommé « Régioscopie
») dont l’objet est précisément de proposer
aux Autorités organisatrices des analyses approfondies du profil de nos clients, de leurs
besoins et attentes en matière de mobilité, de leurs pratiques en termes de modes de
transport. Ces travaux se fondent sur le croisement de nombreuses sources de données
(enquêtes auprès des voyageurs, étude de données démographiques et économiques,
analyse de traces mobiles, etc.) qui en font toute la valeur. Il me semble dès lors nécessaire
de le signaler pour nuancer les constats formulés par la Cour sur ce sujet.
Je vous remercie de l’attention portée à ces remarques et vous prie d’agréer, Madame la
Présidente, l’expression de ma haute considération.
Christophe Fanichet
Président-Directeur général