COMMUNIQUÉ DE PRESSE
Le 27 juillet 2023
LA FISCALITÉ NUTRITIONNELLE
Dans son rapport publié en février 2023 «
La taxe sur la valeur ajoutée (TVA), un impôt à recentrer sur
son objectif de rendement pour les finances publiques
», le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO)
rappelait que le cadre de la TVA, conçu selon un raisonnement par grandes catégories de biens et de
services, ne permettait pas une modulation efficace de la taxation en fonction de
l’impact
nutritionnel
d’un
aliment. En revanche,
d’autres
taxes visant spécifiquement à améliorer la qualité nutritive des
aliments et boissons consommés constituent un levier pertinent de fiscalité comportementale. Tel est
l’objet
de cette note approuvée par le CPO dans sa séance du 13 juillet 2023 et qui formule
deux recommandations.
La présente note a pour objectifs de dresser un panorama de la fiscalité applicable spécifiquement aux
boissons et aliments (hors TVA),
d’examiner
en particulier
l’efficacité
de la fiscalité nutritionnelle, soit en
France les contributions sur les boissons sucrées et édulcorées, et
d’étudier
ses pistes
d’amélioration
et
d’extension.
La fiscalité française sur les produits alimentaires présente peu de cohérence en matière de santé
publique
A côté de la TVA
s’est
construite une fiscalité alimentaire spécifique, portant uniquement sur les boissons.
Les boissons alcoolisées sont assujetties à des accises, selon le type de produit et, pour certains
d’entre
eux, leur titrage alcoométrique :
ces impôts ont généré 4,3
Md€
de recettes en 2022. Les boissons non-
alcoolisées
sont soumises à la contribution sur les boissons sucrées, la contribution sur les boissons
édulcorées et la contribution sur les boissons non alcoolisées, qui ont rapporté 0,
5
Md€
en 2022.
Un rapport public thématique de la Cour des Comptes de 2016
mettait en lumière
l’absence
de cohérence
de la fiscalité sur les boissons alcoolisées et préconisait le relèvement des droits
d’accise
afin de
contribuer à réduire les consommations à risque.
En France, la fiscalité nutritionnelle se limite aux contributions sur les boissons sucrées et sur les
boissons édulcorées toutes deux créées en 2012, et affectées à
l’assurance
maladie. Le barème de la
contribution sur les boissons sucrées a été refondu en 2018 pour le rendre progressif en fonction du taux
de sucres contenu dans la boisson. En dépit de cette réforme, la taxe française demeure moins ambitieuse
que le barème britannique entre 50 et 130 g/L. La contribution sur les boissons édulcorées
n’a
pas été
réformée et représente un montant forfaitaire minime (3,17
€/hectolitre).
Sous réserve
d’un
ciblage pertinent, la fiscalité nutritionnelle constitue un outil efficace pour améliorer
la qualité de
l’alimentation
des citoyens.
Une littérature économique fournie montre que la fiscalité sur les boissons à base de sucres ajoutés
conduit à une augmentation des prix des boissons ciblées et à une diminution des ventes,
d’autant
plus
marquée parmi les personnes en situation de surpoids et
d’obésité.
En France,
l’évaluation
empirique de
l’impact
de la réforme de 2018 est en cours sous
l’égide
du ministère de la santé, avec des conclusions
prévues pour
l’automne
2023.
Si
l’acceptabilité
de la fiscalité nutritionnelle peut être limitée,
a fortiori
pour les catégories
socioprofessionnelles les plus modestes, celle-ci ne pèse sur le budget des ménages que
s’ils
ne peuvent
pas modifier leur panier de consommation. Surtout, en réduisant davantage leur consommation de
produits peu sains, ce sont aussi les plus modestes qui voient la qualité de leur alimentation
s’améliorer
davantage avec des effets positifs sur leur état de santé.
Une taxe nutritionnelle insuffisamment ou mal ciblée est néanmoins susceptible
d’avoir
des effets limités,
voire adverses, en raison des substitutions parfois difficilement prévisibles opérées par les
consommateurs.
Plusieurs pistes de renforcement de la fiscalité nutritionnelle peuvent être envisagées, en complément
d’autres
leviers de politiques publiques
Des ajustements de la fiscalité nutritionnelle pourraient permettre de réduire la consommation des
produits les plus gras ou sucrés.
L’outil
fiscal doit être utilisé de façon complémentaire avec
d’autres
politiques publiques, de manière à ne pas faire reposer la contrainte uniquement sur le consommateur,
par exemple en jouant sur la réglementation du contenu des aliments et en renforçant
l’information
sur
la nocivité des produits les plus néfastes et sur les substituts possibles.
À court terme,
le CPO recommande
de rendre plus efficace la fiscalité nutritionnelle existante en tenant
compte des résultats de
l’évaluation
en cours, par exemple en augmentant les barèmes des contributions
sur les boissons sucrées et édulcorées et en élargissant
l’assiette
aux boissons à base de soja, voire aux
sirops.
À moyen terme,
le CPO recommande
d’étudier
l’extension
du champ de la fiscalité nutritionnelle au-
delà des boissons en ciblant les produits sucrés ou contenant des additifs nocifs pour la santé.
En revanche, l’institution
d’
une taxe globale sur la qualité nutritionnelle des produits à partir du Nutri-
Score, paraît à ce jour hors de portée pour le CPO dès lors qu’elle nécessiterait une généralisation de
celui-
ci et la mise en place d’une toute autre infrastructure d’adminis
tration et de contrôle.
Quelle que soit
l’option
choisie,
l’élargissement
du périmètre de la fiscalité nutritionnelle est soumis à
certaines conditions. La taxe ne doit pas être calibrée en fonction de son seul rendement à court terme
mais aussi des économies de dépenses publiques, en
l’occurrence
de santé, qui peuvent résulter de
l’évolution
des comportements.
L’existence
d’une
offre de substitution, sous la forme de produits plus
sains abordables pour les familles les plus modestes, est nécessaire pour faciliter
l’acceptabilité
sociale
dans le contexte inflationniste actuel.
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Julie Poissier
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Le Conseil des prélèvements obligatoires,
une institution associée à la Cour des comptes
Le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) est «
chargé
d’apprécier
l’évolution
et
l’impact
économique,
social et budgétaire de
l’ensemble
des prélèvements obligatoires, ainsi que de formuler des recommandations sur
toute question relative aux prélèvements obligatoires
».Placé auprès de la Cour des comptes et présidé par le Premier
Président de la Cour des comptes, le collège du CPO comporte seize membres, huit magistrats et hauts fonctionnaires
et huit personnalités qualifiées choisies, à raison de leur expérience professionnelle, par les Présidents de
l’Assem
blée nationale, du Sénat et du Conseil économique, social et environnemental, ainsi que par les ministres
chargés de
l’économie
et des finances, des affaires sociales et de
l’intérieur.