RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS,
ORGANISMES ET PERSONNES CONCERNÉS
LES FINANCES
PUBLIQUES LOCALES
2023
Rapport sur la situation financière
et la gestion des collectivités territoriales
et de leurs établissements
Fascicule 2
Les perspectives financières
pour 2023, la libre administration
sous un angle financier
Octobre 2023
•
RÉPONSES
DES
ADMINISTRATIONS,
ORGANISMES ET PERSONNES
CONCERNÉS
Réponses reçues
à la date de la publication (24/10/2023)
Réponse de la Première ministre
................................................................
4
Réponse de la présidente des Régions de France
........................................
5
Réponse du président de Départements de France
....................................
15
Réponse du président d’Intercommunalités de France
.............................
21
Réponse de la présidente de France Urbaine
............................................
24
Réponse du président de Villes de France (VdF)
.....................................
31
Réponse reçue après la date de publication
Réponse du président de l'Association des maires de France (AMF)
...........
34
Destinataires n’ayant pas répondu
Monsieur le président de l'Association des petites villes de France (APVF)
Monsieur le président de l’Association des maires ruraux de France (AMRF)
COUR DES COMPTES
4
RÉPONSE DE LA PREMIÈRE MINISTRE
Par courrier en date du 15 septembre 2023, vous m’avez transmis
votre rapport sur la situation financière et la gestion des collectivités
territoriales et de leurs établissements publics - Fascicule 2. Celui-ci
appelle de ma part les observations suivantes.
Le Gouvernement prend bonne note des «
perspectives d’évolution
des finances publiques locales
» pour l’année 2023 dressées par la Cour, qui
souligne les incidences de la « dégradation de la conjoncture économique »
ainsi que la divergence de la situation financière du bloc communal d’une
part et des départements et régions d’autre part. Toutefois, cette observation
doit être analysée avec prudence, les remontées comptables accessibles à ce
jour demeurant provisoires et les recettes encaissées n’étant pas
nécessairement toutes titrées. Par ailleurs, la « dégradation » analysée par
la Cour intervient dans un contexte marqué par la situation financière « très
favorable » des collectivités mise en exergue par tous les indicateurs :
épargnes brute et nette, trésorerie, investissement au terme de l’année 2022.
Enfin, si le moindre dynamisme des recettes s’explique en partie par
le ralentissement de l’inf
lation, ce dernier réduit également la pression à
la hausse qu’elle a pu exercer sur certaines dépenses locales au cours des
derniers mois.
Dans ce contexte, et au regard du nécessaire rétablissement des
finances publiques pour l’ensemble des administrati
ons publiques, les
développements de la Cour sur les modalités de la contribution des
collectivités à cette ambition ont retenu mon attention. Dans le contexte de
l’examen parlementaire, en cours, du projet de loi de programmation des
finances publiques (PLPFP) pour les années 2023 à 2027, il importe de
rappeler l’intérêt de la maîtrise des dépenses de fonctionnement des
collectivités, sans pour autant remettre en place de mécanismes de
coercition ou de contractualisation.
En plus de renforcer leur résili
ence et de contribuer à l’atteinte des
objectifs de finances publiques de la France, une telle maîtrise est en effet
susceptible de leur permettre de dégager les marges nécessaires au
financement des investissements dans des priorités comme la transition
écologique et énergétique.
Je souscris pleinement à l’appréciation générale qui soutient
l’institution d’un mécanisme de résilience financière pour faire face aux à
-
coups de la conjoncture et conforter l’autonomie de gestion financière des
collectivités. Dans le cadre des Assises des finances publiques, le ministre
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS, ORGANISMES
ET PERSONNES CONCERNÉS
5
de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique
a annoncé, dans cette logique, engager une réflexion sur un « principe
d’auto
-assurance des recettes des collectivités territoriales ».
Le Gouvernement partage le propos de la Cour relatif au
renforcement de la dimension péréquatrice des concours financiers de
l’État aux collectivités.
À l’instar de la Cour, le Gouvernement partage le constat émis sur la
possibilité de renforcer les dispositifs de péréquation horizontale, aussi bien
au niveau du bloc communal
–
fonds de péréquation des ressources
intercommunales et communales, fonds de solidarité des communes de la
région d’Île
-de-France -, que régional. Les mécanismes de solidarité que
peuvent instaurer les intercommunalités comme les pactes financiers et les
dotations de solidarité communautaire pourraient également être renforcés.
Par ailleurs, le rapport fait le constat d’un « saupoudrage » de la
péréquation vertical
e qui intervient principalement par l’intermédiaire de
la dotation globale de fonctionnement, dont il préconise une plus grande
concentration. La dispersion des attributions au sein des dotations de
péréquation doit pourtant être relativisée. S’agissant de
la dotation de
solidarité urbaine et de cohésion sociale, bien qu'elle soit attribuée à deux
tiers des communes de plus de 10 000 habitants, elle demeure très
concentrée. Chaque année, son mode de calcul conduit à concentrer les
hausses d'attribution sur les collectivités les plus fragiles. Ainsi, les
attributions varient de 4
€
par habitant (Castelnau-le-Lez, 34) à 719
€
(Clichy-sous-Bois, 93).
Par ailleurs, la poursuite du redéploiement des dotations forfaitaires
vers de la péréquation, au sein de la DGF des communes, semble
difficilement soutenable. Cette évolution a en effet pour inconvénient de
reporter désormais sur des communes aux indicateurs de richesse moins
élevés le financement de la hausse de la péréquation verticale (DSU, DSR)
par écrêtement de la dotation forfaitaire. Toute réforme de la DGF doit donc
s’appréhender à l’aune du manque de lisibilité et d’équité des dotations
forfaitaires du bloc communal, mais en préservant néanmoins l’équilibre des
budgets locaux des différentes collectivités.
RÉPONSE DE LA PRÉSIDENTE DES RÉGIONS DE FRANCE
Les observations formulées par la Cour appellent de ma part les
réponses suivantes sur la situation financière des régions en 2023 (I), la
contribution des collectivités territoriales au redressement des finances
publiques
(II),
sur
la
péréquation
financière
(III)
et
sur
la
contractualisation (IV).
COUR DES COMPTES
6
I - La situation financière des régions en 2023
La Cour relève que les collectivités territoriales dans leur ensemble
ont connu en 2021 et 2022 une « situation financière très favorable sur un
plan global » : cette affirmation
n’est toutefois pas exacte s’agissant des
régions. Dans une exigence de précision, il conviendrait donc de nuancer
le constat selon lequel cette situation « a été partagée par toutes les
catégories de collectivités (communes, établissements publics de
coopération intercommunale, départements et régions) ». En effet, comme
la Cour a pu le souligner dans ses précédents rapports consacrés aux
finances locales, les régions ont constitué la seule catégorie de collectivité
à ne pas retrouver en 2021 et 2022 le niveau d’épargne brute ni la capacité
de désendettement constatés en 2019 : leur situation
n’a donc pas évolué
« très favorablement » sur la période.
Il
me semble tout aussi inexact d’affirmer que «
Les collectivités du
bloc communal sont celles qui supportent le plus fortement les conséquences
directes et indirectes de l’inflation, compte du poids des dépenses de
personnel (38 % de leurs charges de foncti
onnement en 2022) et d’achats de
biens et de services (25,3 %)
». Afin d’éclairer cette conclusion, il aurait été
utile que la Cour présente une analyse globale des coûts directs et indirects
liés à l’inflation supportés par chaque catégorie de collectivit
é. En effet, les
régions continuent d’être significativement impactées en 2023 par la forte
hausse des prix de l’énergie, principalement dans les lycées, les transports
ferroviaires et les transports interurbains et scolaires
1
, se traduisant par une
hausse
de leurs dépenses atteignant près d’un milliard d’euros et nettement
supérieur au rythme constaté de l’inflation. Dans sa note de conjoncture
publiée en septembre 2023, la Banque Postale relève notamment que, pour
2023, les charges à caractère général des régions «
d’un montant de
4,7
Md€, augmenteraient à un rythme plus dynamique qu’en 2022 (+
7,5 %
après 4,4 %), les effets de la hausse des prix 2022 se faisant ressentir avec
un peu de décalage, les prestataires de service des régions réévaluant leurs
tarifs progressivement ».
Je tiens également à rappeler que la « hausse des prélèvements sur
recettes exceptionnels » constatée par la Cour consécutive à la mise en
œuvre de dispositifs visant à atténuer les conséquences de l’inflation sur
les dépenses des collectivités territoriales ne concerne que marginalement
les régions. En effet, si « La loi de finances rectificative du 16 août 2022
1
Source : enquête déclarative réalisée à l’automne 2022 auprès des
régions et actualisations
des données relatives aux évolutions de charges des TER selon les devis SNCF actualisés
pour 2022 et 2023. Ces chiffres n’incluent pas l’Ile
de France dans la rubrique « transports
» qui dépend d’IDFM et qui subit aussi pleinement les conséquences de l'inflation.
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS, ORGANISMES
ET PERSONNES CONCERNÉS
7
avait créé trois prélèvements sur recettes à caractère exceptionnel, dotés
de 568
M€ au total, afin de soutenir les collect
ivités dans le contexte
d’inflation », les Régions ont seulement bénéficié d’une dotation de 18
M€
au titre de la revalorisation des rémunérations versées aux stagiaires de la
formation professionnelle, soit environ 3 % du montant total.
Par ailleurs, en 2023 « un nouveau prélèvement sur recettes
exceptionnel
(« filet de sécurité ») d’un montant de 1,5
Md€ est créé afin
de soutenir les collectiv
ités face aux conséquences de l’infla
tion sur leurs
dépenses. Par rapport à celui créé par la loi de finances rectificative
d’août
2022 (pour un montant de 430
M€), l’objet de ce nouveau prélèvement est
recentré sur la seule croissance du prix de l’énergie, à l’exclusion de la
revalorisation
du point d’indice, son champ d’application est étendu à
l’ensemble
des
collectivités
et
ses
conditions
d’attribution
sont
assouplies
». Si l’intention du législateur était louable, le décret
d’application de ce filet de sécurité examiné le 18 avril par le comité des
finances locales rend inopérant ce dispositif pour les régions. En effet, ni
les dépenses de transports scolaires et interurbains, ni l’impact de
l’infla
tion
sur les prix de l’énergie dans les lycées ne relèvent de ce filet de
sécurité, dont la mise en œuvre gagnerait à être évaluée pour souligner
l’écart entre l’ambi
tion affichée et la réalité de la mobilisation.
S’agissant des prévisions de recettes, après une hausse du produit
de TVA de + 8,56 % en 2022, la Cour note que « La DGCL indique
anticiper une augmentation de l’ordre de 5
% des recettes de TVA des
collectivités territoriales en 2023 » et que « Si cette prévision et celle
d’inflation de l’Insee de début juin (+ 4,5
%) se réalisent, les recettes de
TVA des collectivités territoriales connaîtraient une légère progression en
volume ». Toutefois, le projet de loi de finances pour 2024, présenté
ultérieurement à la transmission de ce projet de rapport abaisse la
progression des recettes de TVA des collectivités territoriales de + 3,7 %
en 2023 (contre une prévision de + 5,1 % inscrite en LFI 2023, soit une
différence de près de 210
M€ par rapport aux prévisions budgétaires des
Régions) et une inflation de + 4,9 %, soit une baisse en volume de - 1,2 %
des recettes de TVA des collectivités territoriales.
La Cour relève de nouveau que « Les recettes liées aux taxes sur les
« cartes grises » devraient continuer à diminuer ». Le produit de cette taxe
n’a en effet atteint que 1,9
Md€ en 2022
, soit une chute de 300
M€
(- 12,6 %) par rapport à 2021, correspondant à une baisse plus importante
que celle enregistrée en 2020. Le produit de cette taxe est en recul de
–
17 % entre 2019 (2,3
Md€) et 2022, se traduisant par une
perte de
rendement de l’ordre de 400
M€, liée notamment à la chute du nombre de
véhicules vendus et à l’exonération de droit sur les véhicules 100
%
COUR DES COMPTES
8
électriques depuis 2020 sans prévoir de compensation de cette perte de
recette aux régions (Régions de France estime la perte cumulée liée à cette
exonération à 120
M€ entre 2020 et 2022). En raison de la suppression
d’exonérations régionales sur les véhicules di
ts « propres » (notamment
les hybrides) et du relèvement par certaines régions du tarif du cheval-
vapeur, les recettes de la taxe sur les certificats d’immatriculation sont en
légère hausse de + 4 % entre janvier et août 2023 par rapport à la même
période en 2022. Toutefois, le projet de loi de finances pour 2024 prévoit
une nouvelle baisse de son produit de - 5,6 % en 2024. Régions de France
partage ainsi le constat de la Cour émis dans le cadre du premier fascicule
de son rapport annuel, consacré aux finances locales, et estimant que « Le
produit de cette taxe est appelé à décroitre de manière continue ».
S’agissant des parts variables de TICPE perçues par les
régions (près
d’un
quart de la fraction de TICPE leur revenant), leur produit est en baisse de
- 2,8 % entre janvier et août 2023 par rapport à la même période en 2022.
Cette situation crée une discordance de plus en plus profonde entre
la nature des recettes et celle des investissements attendus de la
collectivité. Il apparaît ainsi de plus en plus incohérent que les régions
continuent de percevoir des recettes carbonées liées à l’automobile alors
même
qu’elles
sont
attendues
par
l’État
pour
cofinancer
les
investissements au titre de la transition énergétique et dans le secteur des
transports et des mobilités, investissements qui conduisent mécaniquement
à réduire leurs recettes. Régions de France partage ainsi l’une des
propositions de la Cour émises dans son rapport relatif aux scénarios de
financement des collectivités, visant à recentraliser les parts régionales de
TICPE et la taxe sur les certificats d’immatriculation et à les remplacer
par une fraction de fiscalité dynamique.
La Cour note par ailleurs que « les recettes liées aux dotations et aux
participations ont connu une forte contraction, pour des motifs qui restent à
préciser ». Ce constat découle notamment du gel de la dotation de 107
M€
prévue par l’article 95 de la LFI 2023 visant à compenser aux régions la
baisse des frais de gestion relatifs à la CVAE et à la CFE et qui leur avait
été également versée en 2022. Régions de France a enjoint le Gouvernement
par courrier en date du mois de juin dernier de ne pas attendre la fin de
l’année 2023 pour verser cette compensation due aux régions.
La Cour souligne qu’au cours «
du premier semestre 2023, les
dépenses de personnel ont connu une progression notable par rapport à la
même période de l’année 2022 (+ 7,6
% pour les départements, + 7,0 %
pour les intercommunalités, + 4,1 % pour les communes et + 3,7 % pour
les régions) » et que cette évolution «
traduit notamment l’effet en année
pleine de la revalorisation de 3,5
% du point d’indice au 1
er
juillet 2022 ».
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS, ORGANISMES
ET PERSONNES CONCERNÉS
9
Pour les r
égions, la revalorisation du point d’indice s’est traduite en 2022
par une hausse de 54
M€ de leur masse salariale, avec une prévision d’une
hausse de 120
M€ en année pleine dès 2023. Par ailleurs, la revalorisation
désormais annuelle de la rémunération des stagiaires de la formation
professionnelle selon l’inflation se traduit en 2023 par une augmentation
des dépenses des Régions de près 36
M€.
En 2023, la Cour note que «
Compte tenu de la persistance d’une
inflation élevée, plusieurs mesures salariales ont été accordées aux agents
des fonctions publiques » et que ces dernières « seront financées par les
budgets des collect
ivités territoriales. Après un coût de l’ordre de 2,2
Md€
en année pleine 2023 pour celle de 2022, la nouvelle revalorisation du
point d’indice pèserait sur les budgets des collectivités à hauteur de
1,0
Md€ en année pleine
2024 ». Ainsi, en prenant en considération les
revalorisations salariales annoncées par le Gouvernement en juin 2023
sans concertation préalable des employeurs territoriaux, de manière
cumulée entre 2022 et 2024,
l’impact pour les
r
égions s’élève à près d’un
demi-
milliard d’euros.
En r
aison de la perte de dynamisme d’une partie des recettes
régionales, d’une forte hausse des dépenses en raison de l’inflation et
d’une inadaptation des mécanismes de soutien, ainsi que le relève la Cour,
les données comptables des collectivités au 30 juin 2023 font apparaître,
s’agissant de l’épargne brute, « une chute pour les régions (de l’ordre de
17 %) ». Dans sa note de conjoncture publiée en septembre 2023, la
Banque Postale anticipe également une baisse de l’épargne brute des
Régions de près de
–
2 % en 2023. Les conseils régionaux pourraient ainsi
être confrontés à devoir baisser leur niveau d’investissement, afin de
réguler leur perte d’épargne brute sans accroître la dette. En pareille
hypothèse, leurs dépenses d’investissement pourraient constitu
er la
principale variable d’ajustement alors même que les besoins en termes
d’investissement pour la transition énergétique, et notamment dans le
secteur des mobilités et des transports, n’ont jamais été aussi importants.
II - La contribution des collectivités territoriales au redressement
des finances publiques
La Cour estime que « Compte tenu de leur poids financier dans
l’ensemble des administrations publiques
, les collectivités territoriales
doivent apporter une contribution au redressement d’ensemble
des finances
publiques ».
Toutefois,
comme
la
Cour
le
relève
par
ailleurs,
«
Contrairement à l’État, les collectivités ne peuvent recourir à l’emprunt
que pour financer des dépenses d’investissement, à l’exclusion de dépenses
de fonctionnement ». Les collectivités territoriales ont ainsi dégagé un solde
COUR DES COMPTES
10
positif continu depuis 2015 (qui s’est notamment élevé à 4,7
Md€ en 2021 et
4,8
Md€ en 2022). Par ailleurs, comme la Cour des comptes a pu le constater
dans son rapport annuel public 2023 consacré aux 40 ans de la
décentralisation, le léger accroissement du poids des finances locales au sein
des finances publiques (17 % en 1980 et 19
% en 2021) ne s’est pas traduit
par une augmentation de la dette locale où cette dernière « a été
progressivement maîtrisée et son poids ramené de 9,4 points de PIB en 1993
à 8,4 points en 2021 ». Ainsi que la Cour avait pu le constater, «
l’
État porte
l’essentiel de l’augmentation de l’endettement public au cours des trente
-
cinq dernières années »
. Il revient donc à l’État d’app
orter en premier lieu
une « contribution notable »
à l’équilibre des comptes publics, alors que
ceux des collectivités territoriales ne sont pas déficitaires.
S’agissant plus par
ticulièrement des régions, avant la crise
sanitaire,
leurs dépenses de fonctionnement se trouvaient en 2019 au même
niveau qu’en 2015, pour les Régions fusionnées comme pour les autres
régions, hors transports transférés et gestion des fonds européens
2
.
L’épargne brute des Régions a également enregistré une évolution
moyenne de 5,7 % entre 2015 et 2019 et la capacité de désendettement a
enregistré une baisse continue depuis 2016 (5,5 ans) pour atteindre 4,3 ans
en 2019, soit une baisse de près de 22 %.
Les collectivités ont ainsi fait la démonstration de leur capacité de
bonne gestion : elles maîtrisent leurs dépenses et leur endettement, tout en
produisant un effort sans précédent de hausse de leur investissement. Elles
ont su démontrer leur capacité à piloter en responsabilité leurs finances
comme en attestent les équilibres budgétaires évoqués précédemment.
La Cour estime que « la diminution du poids financier des dépenses
des collectivités rapportées à la richesse nationale est susceptible
d’emprunter deux modalités : un encadrement direct de l’évolution des
dépenses des collectivités par l’État ou un ralentissement induit par celui
de ses transferts financiers aux collectivités
» en précisant qu’elle
« e
xplore cette seconde voie en soulignant qu’ell
e requiert un
élargissement du périmètre de l’objectif de maîtrise des transferts
financiers, aujourd’hui étroit, à l’ensemble des transferts financiers de
l’État, notamment aux transferts de TVA visant à compenser la suppression
d’impôts locaux
». Il est ajouté que «
Cette voie paraît d’autant plus
justifiée que les modalités de la compensation de la suppression de la taxe
d’habitation sur les résidences principales et de la cotisation sur la valeur
ajoutée des entreprises par des recettes de TVA pourraient engendrer, de
2
BIS 150 DGCL - «
Les dépenses de fonctionnement des régions se trouvent en 2019 au
même niveau qu'en 2015, pour les régions fusionnées comme pour les autres régions
».
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS, ORGANISMES
ET PERSONNES CONCERNÉS
11
manière permanente, un gain net pour les collectivités »
et qu’il
« conviendrait de mettre en place par catégorie de collectivités des
dispositifs de résilience collective, alimentés par une fraction de la
dynamique positive des recettes de TVA qui leur sont affectées ».
Je tiens à rappeler en premier lieu que la Cour ne mentionne pas
que
les régions ont pleinement subi les conséquences de la crise sanitaire
alors qu’elles sont, de surcroît, l’échelon de collectivité qui a le plus
augment
é son niveau d’investissement pour accompagner le plan de
relance de l’État. Ainsi, au cours de l’année 2020, en neutralisant la
recentralisation de la compétence apprentissage, les régions ont enregistré
une baisse de 206
M€ de leur fraction de TVA, de 10
0
M€ de leur fraction
de TICPE et de 208
M€ de la taxe sur les certificats d’immatriculation. A
ces pertes se sont également ajoutées des baisses de recettes dans le secteur
du transport public de voyageurs, accompagnées d’une hausse sensible des
charges supportées par les r
égions, sans que l’État n’apporte aucune
compensation financière. Les régions ont ainsi vu leur épargne brute
chuter de 21,6 % en 2020 et leur capacité de désendettement se dégrader
de 4,3 à 6 ans.
Les r
égions s’opposent fermement à to
ut encadrement de la
dynamique des fractions de TVA qui leur ont été allouées (ce raisonnement
s’appliquant également à tout fonds de réserve mutualisé s’appliquant sur
ces
fractions
de
TVA).
Les
collectivités
territoriales,
et
plus
particulièrement les régions, se voient progressivement privées de tout
levier fiscal leur permettant de disposer de ressources avec un pouvoir de
taux et / ou d’assiette. Ainsi que la Cour le rappelle dans ce rapport
provisoire, les r
égions ne disposent plus en effet d’une aut
onomie fiscale
que sur 8,5 % de leurs recettes de fonctionnement, à savoir la taxe sur les
certificats d’immatriculation et la part Grenelle de TICPE, qui sont par
ailleurs
confrontées
à
une
baisse
structurelle
comme
rappelé
précédemment. Les recettes de TVA produisent en outre un effet
péréquateur entre l’ensemble des
régions.
Je tiens également à souligner que les affectations de fractions
d’impôts na
tionaux aux collectivités territoriales résultent principalement de
décisions de l’État visant à compenser la suppression d’impôts locaux
dynamiques.
Ainsi, la dynamique de fracti
ons d’impôts na
ti
onaux s’est
substi
tuée à la dynamique d’impôts locaux supprimés. Dans un contexte
inflationniste, se traduisant par une hausse des charges des Régions dans les
lycée
s et les transports de près d’un milliard d’euros en 2023,
tout
encadrement de la dynamique de TVA aurait pour conséquence de dégrader
durablement l’épargne brute des Régions qui ne disposent plus par ailleurs
d’autres rece
ttes dynamiques. Enfin, les collectivités territoriales ne sont pas
COUR DES COMPTES
12
responsables de l’affecta
tion de fraction de TVA aux organismes de sécurité
sociale (61,2
Md€
3
) et à l’audiovisuel public (3,8
Md€), visant à compenser
des baisses et des suppressions de cotisations et d’impôts.
La Cour estime par ailleurs que « La diminution de la DGF entre
2014 et 2017 (à hauteur de 10,6
Md€) s’est ainsi accompagnée d’une
diminution du poids financier des dépenses publiques locales par rapport à
la richesse nationale mesurée par le PIB (à hauteur de 0,7 point, voir
graphique n° 1 supra) ». Une telle affirmation occulte deux constats qui
démontrent son caractère partiel : d’une part, cette baisse de la DGF s’est
traduite par une contraction automatique de 11
% de l’investissement local,
ce qui est néfaste
à l’économie et à l’emploi ; d’autre part, elle s’est révélée
sans impact sur la dette publique qui a augmenté au cours de cette même
période (passant de 76 % à 79,6 % du PIB pour les administrations centrales
quand celle des administrations publiques loc
ales s’est maintenue à 8,8
%
du PIB). Ce constat atteste une nouvelle fois que les collectivités territoriales
ne sont pas responsables de l’endettement massif de notre pays.
En note liée au graphique de l’évolution des dépenses des collectivités
territoriales au cours des dernières années, la Cour précise que
«
contrairement à des périodes antérieures, l’évolution des dépenses des
collectivités depuis 2011 n’a pas été affectée par de nouveaux transferts de
compétences de l’État
». Si, au niveau global, il n’y a pas eu de nouveaux
transferts de compétences de l’État vers les collectivités territoriales, les
transferts de compétences entre catégorie de collectivités comme le transfert
aux régions des compétences transports scolaires et interurbains et
développement
économique
pourraient
utilement
être
rappelés.
Il
conviendrait également de souligner l’impact croissant du poids des normes
décidées par l’État pour les collectivités, dont le coût est estimé par le CNEN
à 2,5
Md€ pour 2022 après une augmentation cumulée de 1,9 Md€ entre
2017 et 2019, selon un rapport de la délégation aux collectivités territoriales
du Sénat. Ces données, couplées à l’impact des mesures salariales pour les
agents de la fonction publique décidées par l’État, relativisent l’analyse de
la Cour estimant que « les collectivités disposent de capacités de décision
sur leurs dépenses plus étendues que sur leurs recettes ».
La Cour relève que « Les règles de compensation des transferts de
compétences, par référence au coût historique, conduisent à ne pas
actualiser les montants des compensations en fonction de l’évolution du coût
des compétences transférées, même quand les collectivités n’ont que peu de
leviers sur celui- ci
». En effet, à titre d’illustration, les
dotations générales
de décentralisation et dotations à résilience collective, alimentés par une
fraction de la dynamique positive des recettes de TVA qui leur sont affectées.
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS, ORGANISMES
ET PERSONNES CONCERNÉS
13
III - La péréquation financière
Au sein de son développement consacré à la péréquation, la Cour
estime que « la péréquation horizontale des régions a un caractère
symbolique ».
Je conteste ce dernier point qui ne reflète pas la réalité du
nouveau mécanisme de péréquation régionale et du rebasage de la fraction
de TVA s’étant subst
ituée à la part régionale de CVAE.
La loi de finances initiale pour 2022 a en effet réformé en
profondeur le système de péréquation régionale. À la suite de la
suppression de la part régionale de CVAE et de son remplacement par une
fraction TVA, les régio
ns s’étaient engagées à définir un nouveau fonds de
péréquation régionale avec une traduction législative au sein du PLF
2022. Il s’agissait plus par
ti
culièrement d’arrêter entre elles, à la demande
du Premier ministre, la manière de répartir leurs ressources issues de la
réforme de la taxe professionnelle.
Comme la Cour le souligne désormais, les régions ont considéré
dans un premier temps que la substitution de la TVA à la part régionale de
CVAE « fait disparaitre les écarts de croissance de cette ressource entre
les régions, au profit d’une progression uniforme
». Les régions ont
également cherché à gommer les disparités issues de la réforme antérieure
et qui pouvaient générer des différentiels artificiels. Dans ce cadre, les
régions ont intégré dans la fraction de TVA -ex-CVAE- les montants issus
de l’ancien fonds de péréqua
tion régionale et les prélèvements au titre du
FNGIR. Par ailleurs, le redécoupage des régions intervenu en 2016 a
conduit à niveler les inégalités entre régions.
Ainsi, ce nouveau système de péréquation horizontale permet de
gommer les écarts à la croissance moyenne de la ressource de TVA, qui
représente 89
% des ressources qui se sont substituées à l’ancienne taxe
professionnelle. Les r
égions ont également proposé la création d’un
dispositif supplémentaire de solidarité au bénéfice de la Corse et des
régions et collectivités d’Outre
-Mer, compte tenu des spécificités liées à
leur insularité ou à leur situation ultra-marine. Cette proposition prend la
forme d’un fonds de solidarité in
édit, auxquels contribuent seules les
Régions de métropole. Ce fonds a été doté en 2022 d’un montant égal à
0,1% de la fraction de TVA ex-CVAE, soit près de 10
M€. À compter de
2023, ce fonds montera en charge chaque année à hauteur de + 1,5 % de
la dynamique cumulée (en complément de la péréquation régionale portant
sur le rebasage de la fraction TVA) dont le montant pourrait atteindre
22
M€ en 2023, soit une augmentation de 130 % par rapport à 2022. Il
s’agit, là encore, d’un effort de solidarité conséquen
t, complémentaire de
celui que l’État doit, en premier lieu, à l’endroit de ces collectivités. Pour
toutes ces raisons, je m’oppose ainsi à l’invitation de la Cour proposant de
«
réexaminer l’ampleur et les modalités de la péréquation financière entre
les régions ».
COUR DES COMPTES
14
Enfin, au sein du chapitre portant sur « la péréquation verticale » il
serait utile de
rappeler que, contrairement à son principe, qui s’entend
comme les
concours financiers directs de l’État visant à
réduire les
disparités de richesse entre collectivités, une partie significative de son
augmentation au cours des dernières années a été financée par un
écrêtement de la dotation globale de fonctionnement et par une
mobilisation des « variables d’ajustement », entrainant une baisse cumulée
de 315 M
€ de leur DCRTP et DTCE, entre 2017 et 2022. Les collectivités
se retrouvent ainsi mises à contribution pour financer des orientations
décidées par le seul Gouvernement.
IV - La contractualisation
L’analyse de la Cour sur cette problématique est particul
ièrement
précise et complète. Les régions en partagent les grandes lignes et
notamment le fait que la multiplication des dispositifs contractuels a
souvent conduit à rendre l’action publique peu lisible mais aussi peu
efficace et peu efficiente.
À cet égard, les régions ne peuvent que regretter les modalités
d’élaboration et de mise en œuvre par l’État des CRTE. Elles regrettent
que ce dispositif, qui n’a pas fait l’objet d’une véritable concertation avec
le niveau régional, complexifie un peu plus le paysage contractuel
notamment par rapport à leur intervention en faveur des territoires de
projets compte tenu de leurs compétences et prérogatives historiques en
matière d’aménagement du territoire en général, de cohésion territoriale
en particulier.
Plus globalement, les r
égions partagent l’analyse de la Cour selon
laquelle une clarification des compétences entre l’État et les collectivités
d’une part, entre les collectivités d’autre part ainsi qu’un renforcement du
rôle de chef de file sur les compétences partagées est fortement souhaitable
dans les meilleurs délais. À cet égard, les r
égions sont prêtes à s’impliquer
pleinement dans une démarche de concertation dans ce domaine si l’État
décidait de la mettre en place dans l’intérêt général de notre
pays.
Tels sont les éléments de réponse dont je souhaitais vous faire part
en vue de leur prise en compte dans le projet de rapport du fascicule 2
portant sur la situation financière et la gestion des collectivités
territoriales et de leurs établissements.
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS, ORGANISMES
ET PERSONNES CONCERNÉS
15
RÉPONSE DU
PRÉSIDENT DE DÉPARTEMENTS DE FRANCE
Départements de France (DF) remercie la Cour pour les travaux
actuellement conduits sur les finances publiques locales et se tient à sa
disposition pour toute information complémentaire.
Chapitre I : Les perspectives d'évolution des finances publiques
locales et de leur gouvernance
Des facteurs d'incertitude sur l'évolution des résultats des
collectivités en 2023
La Cour évoque l'hypothèse retenue par le programme de stabilité
d'une diminution de 6% des recettes de DMTO pour l'année 2023. Celle-ci
est contredite par les récentes remontées réalisées par Départements de
France auprès de ses membres. Ainsi, au 13 septembre 2023,
53 Départements ont communiqué leur produit DMTO encaissé au 31 août
2023. Le produit DMTO 2022 de ces Départements représentait 47,9 % du
produit total de cette même année. Le produit consolidé des DM TO 2023
des Départements ayant répondu est inférieur de 18,1 % au produit 2022.
S'agissant des prélèvements sur recettes visant à atténuer les
conséquences de l'inflation sur les dépenses des collectivités territoriales,
DF tient à rappeler que les Départements étaient exclus du dispositif en
2022 et que les conditions associées au mécanisme pour 2023 rendaient
dès le départ assez faible la probabilité que les Départements puissent
percevoir une telle aide. En ce sens, il avait été demandé au Gouvernement
la prise en compte d'un certain nombre de dépenses indirectes (SDIS,
collèges plus particulièrement) sans qu'aucune réponse n'ait été apportée
sur le fond.
Concernant l'évolution des dépenses sociales, DF observe comme
la Cour une évolution constante des dépenses d'APA et une augmentation
importante des dépenses PCH. En sus des observations émises, les
Départements sont plus particulièrement attentifs à la progression,
particulièrement forte dans certains territoires, des dépenses d'ASE. DF
partage également les inquiétudes de la Cour quant à l'exposition des
Départements à un « effet-ciseau défavorable » en 2023.
Une contribution des collectivités territoriales au redressement des
finances publiques à définir
DF regrette que la Cour puisse préconiser « d'étendre le périmètre
de l'objectif pluriannuel de maîtrise des transferts financiers de l'État aux
collectivités à l'ensemble de ces transferts afin de peser plus efficacement
sur l'évolution des dépenses des collectivités ». Une telle mesure ne ferait
COUR DES COMPTES
16
qu'accroître la défiance entre l'État et les collectivités territoriales,
d'autant DF rappelle son opposition constante vis-à-vis des réformes
fiscales successives qui les ont conduits à la perte du foncier bâti et de la
CVAE. En parallèle, DF réitère son accord de principe quant à une
participation des Départements à la poursuite d'un objectif concerté, et
non de type « Cahors », de maîtrise de ses dépenses publiques pilotables
(à la demande de DF, la loi de programmation des finances publiques
prévoit à ce stade de son examen le retraitement des dépenses AIS et ASE.
Les relations État/collectivités territoriales souffrent déjà suffisamment des
signaux contradictoires consistant à requérir, en même temps, une
contribution au redressement des finances publiques (de l'État) et une prise
en charge toujours accrue au titre de la transition énergétique et
écologique (sans compter les mesures décidées par l'État mais financées
en tout ou partie par le secteur local
revalorisations salariales, indexation
du RSA, avenant 43, etc.).
De telles décisions inédites s'agissant des cotisations soulèvent des
questions de principe qui doivent être préalablement traitées. DF émet à
ce stade les plus grandes réserves quant aux propositions de la Cour.
Chapitre II : L'autonomie financière des collectivités territoriales :
une notion débattue, un dialogue avec l'État à mieux structurer
Une approche quantitative de l'autonomie en recettes peu opérante
DF ne peut que partager (et regretter !) le constat de la Cour
s'agissant de « la définition extensive de la notion de « ressources
propres » » (qui) prenant en compte des recettes sur lesquelles les
collectivités n'ont pas de pouvoir de décision, a amoindri la portée de
l'article 72-2 (de la Constitution) ».
Un pouvoir fiscal érodé, désormais concentré sur le bloc communal
Si tant est que ce soit nécessaire, DF réaffirme son opposition à la
proposition de la Cour s'agissant du scénario d'évolution du financement
des collectivités territoriales mentionné dans son rapport de septembre
2022 et qui consisterait notamment à attribuer au bloc communal les
recettes DMTO.
Une autonomie en dépenses délicate à apprécier, mais plus forte
que l'autonomie en recettes
S'agissant « des ressources supplémentaires pour les départements
au-delà du droit à compensation du transfert du RMI/RSA », la Cour
mentionne à ce titre le relèvement du taux maximal de DMTO que peuvent
fixer les Départements et la rétrocession de la totalité des frais de gestion
qu'il percevait au titre de la taxe foncière sur les propriétés bâties en 2014.
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS, ORGANISMES
ET PERSONNES CONCERNÉS
17
DF rappelle que ces ressources étaient initialement destinées à compenser
l'évolution des trois AIS (RSA mais également APA et PCH). En
l'occurrence, c'est suite à plusieurs contentieux relatifs à la compensation
du RSA que l'État a modifié en loi de finances l'objet initial des ressources
mentionnées en faveur uniquement du RSA et alors que la notion de « reste
à charge » s'entend à l'égard de l'ensemble des allocations individuelles de
solidarité.
DF conteste l'analyse de la Cour des comptes s'agissant de lier les
DMTO au financement des dépenses sociales. En effet, les DMTO,
ressource certes évolutive au regard d'un cycle qui est différent de celui de
l'économie, ont vocation à soutenir le financement des investissements des
Départements, les montants étant par ailleurs presque équivalents. C'est
d'ailleurs dans l'objectif de lisser le financement des plans pluriannuels
d'investissement qu'a été demandé, et obtenu, par DF la mise en place d'un
mécanisme de réserve individuelle des DMTO. La Cour mentionne
d'ailleurs plus loin en ce sens (p 77) « compte tenu des aléas affectant cette
recette, des mécanismes de mise en réserve prudentielle des produits des
DMTO des départements ont été mis en place. Ils ont pour objet de lisser
les recettes perçues les années favorables afin de garantir la capacité de
ces collectivités à faire face à leurs engagements, notamment pluriannuels
s'agissant des investissements, en cas de conjoncture défavorable du
marché immobilier ».
Faire évoluer les objectifs et les modalités du dialogue entre l'État
et les collectivités
La Cour évoque la nécessité de responsabiliser plus fortement les
collectivités face aux aléas de la conjoncture économique. Elle ajoute par
ailleurs que « la demande d'autonomie financière qu'expriment les
collectivités territoriales peut sembler contradictoire avec le recours
régulier au soutien de l'État en cas de pertes inhabituelles de recettes ou
de hausse exceptionnelle des dépenses Il semble à DF que cette
observation serait très juste si tant est que l'État, en ce qui concerne les
Départements, ne les avaient pas privés de toute capacité à lever l'impôt
en cas de difficultés conjoncturelles. DF rappelle en ce sens que
l'augmentation du taux de taxe foncière, quitte à le diminuer ensuite, avait
permis à un certain nombre de collectivités départementales de traverser
la crise de 2008/2009. Les Départements ont qui plus est très peu bénéficié
des « soutiens de l'État devant les aléas » mentionnés...
L'analyse de la Cour s'agissant des justifications apportées à
l'augmentation du montant des recettes de DM TO mises en réserve fait
abstraction des dépenses supplémentaires subies par les Départements, du
fait du contexte inflationniste et surtout des décisions récemment prises par
COUR DES COMPTES
18
l'État mais financées en toute ou partie par les collectivités. Cette situation
a conduit les Départements lors du dernier CFL à demander la répartition
intégrale des recettes perçues au titre du fonds globalisé de péréquation
DM TO.
DF rappelle son attachement à ce que les mécanismes d'auto-
assurance demeurent facultatifs et soient activés sur une base volontaire
dictée par la situation financière distincte de chaque Département.
Chapitre III : La péréquation financière : un effort à amplifier et à
mieux cibler
Si les dispositifs de péréquation sont perfectibles, il est
inenvisageable pour DF de réfléchir à une évolution de la péréquation
horizontale entre Départements avant que l'État ne pallie aux carences de
la péréquation verticale qui placent un certain nombre de Départements
en difficulté.
Par ailleurs, il apparaît difficilement acceptable de renforcer la
péréquation au sein de la DGF sans revalorisation de cette dernière. DF
rappelle que la non-indexation de la DGF a ainsi « coûté » aux
Départements 438 millions d'euros en 2022 et 865 millions d'euros en 2023.
DF a néanmoins quelques précisions à apporter à la lecture des
observations de la Cour.
La Cour mentionne que « seul le fonds national de péréquation des
DM TO a connu une forte augmentation sur la période (+ 88 % entre 2016
et 2022), en raison de la forte progression du produit de cette imposition
». DF rappelle que l'augmentation du fonds globalisé n'est pas uniquement
dû au dynamisme des recettes associées mais également à la décision de
ses membres de procéder à une réforme du mécanisme (2019 : création du
fonds de soutien interdépartemental, 2020 : mise en place du fonds
globalisé avec évolution du dispositif de prélèvement).
La Cour évoque la nécessité de « corriger les biais du potentiel
financier ». Si les Départements reconnaissent la nécessité de faire évoluer
le potentiel financier, il s'oppose à une telle réforme dans le PLF pour 2024
dès lors que ne peuvent être simulées dans leur entièreté les conséquences
d'une telle réforme dans l'attente d'une évolution (en cours de discussion)
des dotations CNSE.
DF n'est pas favorable à l'accroissement du volume financier de la
péréquation des DM TO entre les Départements dans le contexte incertain,
tant en termes de ressources que de dépenses, qu'ils rencontrent
actuellement.
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS, ORGANISMES
ET PERSONNES CONCERNÉS
19
S'agissant du fonds de sauvegarde, des travaux sont conduits au sein
de la Commission des Finances de Départements de France, ainsi qu'avec
le Gouvernement, pour davantage cibler les Départements les plus en
difficulté.
Chapitre IV : La contractualisation : un mode d'action publique
incontournable, une efficience à renforcer
Départements de France partage le diagnostic concernant la
politique contractuelle de l'État qui forme un ensemble très complexe, peu
lisible, et insuffisamment cohérent. Ainsi, le rapport souligne à juste titre
un manque de pilotage, un trop grand nombre de contrats (auquel il faut
ajouter les AMI), des calendriers et mandats de négociation inadaptés, le
manque de suivi et d'évaluation ainsi qu'une absence d'articulation entre
CRTE et CPER. La préconisation consistant à vouloir réduire le nombre
de dispositifs relève du bon sens, mais c'était déjà l'ambition des CRTE
dont on a vu qu'ils sont dans les faits peu intégrateurs avec un accès aux
financements qui ne sont pas simplifiés (AMI, demandes de DETR, etc.).
Le rapport souligne que la contractualisation est un moyen pour
l'État d'influencer les collectivités dans les choix de leurs projets. On
pourrait compléter ce constat en soulignant qu'aux origines de la
décentralisation routière il avait été convenu d'un décroisement des
financements, l'État finançant son réseau et les Départements le leur. Or,
via les CPER, les Départements ont été appelés à cofinancer les projets de
développement et de modernisation du réseau national sur leur budget
propre. La contractualisation est donc également pour l'État un moyen de
faire financer par les collectivités les projets qui relèvent de ses propres
compétences.
La Cour se dit favorable à une nouvelle phase de décentralisation
et pour une répartition des compétences entre collectivités plus
rationalisée dans la logique de bloc de compétences. Départements de
France partage la volonté de renforcer la décentralisation, mais conteste
la logique rigide et artificielle des blocs de compétences qui ne correspond
pas aux besoins des territoires et à l'efficacité des politiques territoriales.
Celles-ci nécessitent en effet de prendre en compte les différentes échelles
territoriales. Ainsi, Départements de France tient particulièrement à
garder le tourisme en compétence partagée et continue à revendiquer la
possibilité d'aider les entreprises locales surtout en cas de crise (sanitaire,
climatique...).
Une décentralisation basée sur le strict principe des blocs de
compétences serait finalement fondée sur une conception théorique et
artificielle de l'action publique qui réduirait les Départements à un unique
COUR DES COMPTES
20
rôle social et de financeur du bloc local. Or, dans les faits, les domaines
d'intervention ont des limites poreuses et sont complémentaires (à titre
d'exemple les domaines de l'insertion, la formation, le développement
économique, le développement local...). Par ailleurs, l'articulation des
échelles géographiques doit également être prise en compte (les enjeux de
développement et de mobilités par exemple ne sont pas les mêmes au
niveau régional et départemental de même le périmètre des nouvelles
Régions ne correspond pas à des identités touristiques et pourtant l'aide
aux entreprises touristiques relève de leur compétence).
Le rapport préconise le renforcement du rôle des collectivités chefs
de file et des conventions territoriales d'exercice des compétences (CTEC).
Le rapport regrette que la notion de chef de filât soit de portée limitée et
que CTAP et CTEC fonctionnent mal. Départements de France revendique
la notion de chef de filât. Cependant son renforcement se heurte au
principe de non-tutelle d'une collectivité sur une autre et de manière
pragmatique à la question des moyens financiers et des compétences
techniques mobilisables.
Le rapport préconise une meilleure articulation des CPER et CRTE
en associant davantage les Départements à ces derniers. Concernant les
CPER, Départements de France demande depuis longtemps que les
Départements soient mieux associés aux négociations des CPER, ce qui
dans les faits est très inégal. Les Départements ne peuvent pas être
simplement les co-financeurs des projets choisis par l'État et les Régions.
Départements de France demande donc la création de contrats de Plan
État/Région/Département.
Départements de France partage avec la Cour le souhait de
circonscrire le recours aux appels à projets et appels à manifestation
d'intérêt qui désavantagent les collectivités disposant de peu de moyens
techniques et financiers.
La Cour préconise de faciliter l'accès des collectivités du bloc local
aux financements notamment par le biais d'une plate-forme en cours de
montage par l'ANCT. Elle préconise également de mettre en place des
documents communs entre les financeurs pour simplifier la recherche de
financements par les collectivités. Les Départements pourraient constituer
expérimentalement dans un premier temps un guichet unique instructeur des
demandes de financements (au titre de leur vocation de solidarité
territoriale) complété par un appui en ingénierie (pour lequel Départements
de France demande un chef de filât) qui pourrait inclure un appui à la
recherche des financements mobilisables (ce qui existe déjà dans certains
Départements). Dans cet esprit, Départements de France a d'ailleurs adopté
une résolution demandant de confier aux Départements les moyens
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS, ORGANISMES
ET PERSONNES CONCERNÉS
21
consacrés par l'État à l'ingénierie de proximité (recrutement de chefs de
projets dans les territoires) dans une logique de véritable décentralisation
de l'ingénierie et pas seulement de simple déconcentration.
RÉPONSE
DU PRÉSIDENT D’INTER
COMMUNALITÉS
DE FRANCE
Le rapport s’intéresse plus particulièrement aux perspectives
financières des collectivités territoriales et à leur gouvernance.
Je souhaite saluer le travail de la Cour, dont les analyses,
conclusions et recommandations qui concernent les intercommunalités
appellent de notre part certaines observations.
Concernant
les
perspectives
financières
des
collectivités,
Intercommunalités de France souhaite nuancer l'appréciation des
magistrats sur les capacités financières des collectivités du bloc local en
2023.
Si en 2022, les recettes des communes et des intercommunalités ont
connu une forte croissance, après deux années difficiles, de nombreux
facteurs d’incertitude pèsent sur la dynamique de leur panier de ressources
pour 2023 ainsi que sur les prévisions pour 2024.
Les recettes de TVA annoncées à hauteur de + 5,1 % dans le projet
de PLF pour 2023 devraient finalement connaitre en fin d’année une
croissance plus faible évaluée à + 3,7 % dans le PLF 2024. Des
régularisations négatives pourraient intervenir sur les douzièmes de 2023
et de 2024. Rappelons que désormais la TVA représente près de la moitié
(41
%) des ressources fiscales des intercommunalités et près d’un tiers
(27
%) de l’ensemble de leurs recettes. En outre, en 2024, les prévisions
économiques laissent présager une évolution des recettes de TVA plus
modeste (+ 4,5 % dans
le PLF 2024) inférieure à l’inflation.
En parallèle, les charges vont conserver une certaine dynamique.
Le fléchissement de l’inflation annoncé pour fin 2023 et surtout 2024
(prévisions Banque de France / Insee) pourrait se faire avec retard sur les
dépenses des collectivités dont une partie relève d’accords contractualisés
au moment où l’inflation était forte. Selon plusieurs témoignages
d’intercommunalités, des paliers de niveau de prix ont été franchis.
Surtout, les effets des hausses attendues concernant les charges de
personnel vont se faire durablement
sentir : effet en année pleine (2023)
de la revalorisation de la hausse de 3,5
% du point d’indice actée en juillet
2022 (coût évalué à 2,26
Md€ pour une année complète) auquel s’ajoute
COUR DES COMPTES
22
une nouvelle hausse de 1,5 % pour le dernier semestre 2023 annoncé par
le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, ainsi que la
prime pouvoir d’achat pour les petits salaires qui, même si elle n’a pas de
caractère obligatoire, sera difficile à repousser. Pour mémoire, les
charges de personnel représentent 27 % des dépenses de fonctionnement
des groupements à fiscalité propre et 53 % pour les communes.
La moindre progression des recettes et la dynamique renforcée des
dépenses pourraient déboucher sur un effet de ciseaux préjudiciable à
l’engagement attendu des collectivités du bloc local en investissement. Il
pourrait surtout creuser les écarts déjà existant entre collectivités
concernant la solidité de leur situation financière.
La situation, des communes pourrait être un peu plus favorable.
Elles ont en effet bénéficié d’une bonne évolution de la taxe foncière tirée
à la hausse par un coefficient de revalorisation des valeurs locatives de
+7,1 %. Pour autant cette dernière ne concerne que les locaux
d’habitation, l’évolution des bases des locaux commerciaux est bien plus
modeste et il faut s’attendre une baisse des DMTO.
En conséquence notre association récuse vivement les conclusions
de la Cour sur le fait que «
l’épargne des collectivités du bloc
communal
pourrait continuer à augmenter et leur permettrait de participer au
redressement des comptes publics soit sous une forme d’encadrement des
dépenses, soit par une limitation des dotations ».
En première ligne pour investir dans la transition écologique et
énergétique dans le cadre, notamment, de la planification écologique
engagée par le Gouvernement, les collectivités du bloc local sont appelées
à fournir pour les 10 prochaines années un effort financier majeur qui
dépasse largement le niveau des investissements réalisé jusqu’alors.
Intercommunalités de France considère que cet effort de financement doit
être mieux pris en compte dans les solutions proposées par la Cour.
Concernant l’autonomi
e fiscale et financière des collectivités
locales, Intercommunalités de France alerte sur son recul régulier depuis
plusieurs années. De nombreux dispositifs participent à rogner les
capacités d’actions et d’initiative des collectivités.
En témoignent le recul de la fiscalité territorialisée et généraliste au
profit d’une fiscalité dédiée, le remplacement progressif des dotations
globales libres d’emploi par des subventions ciblées en particulier vers les
projets environnementaux, le développement de techn
iques d’appel à projet
qui laissent de côté les collectivités les moins bien outillées en ingénierie.
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS, ORGANISMES
ET PERSONNES CONCERNÉS
23
Nous partageons le constat de la Cour sur le caractère très peu
protecteur du principe d’autonomie financière. Le concept de ressources
propres s’est révélé trompeur et doit être redéfini. En effet, il n’a pas
prémuni la fiscalité locale contre des prélèvements conduite par l’État
pour financer ses propres politiques, comme en témoignent les nombreux
allégements fiscaux catégoriels (suppression de moitié des valeurs
locatives des locaux industriels, suppression de la TH, exonération de droit
de la TFPB des bailleurs sociaux pour la remise aux normes énergétiques
de leurs logements dans le projet de loi de finances pour 2024…).
La Cour oppose la demande accr
ue d’autonomie financière de la
part des collectivités à la multiplication de dispositifs d’aides pour
surmonter les aléas (crise sanitaire, inflation…). Ces dispositifs n’ont
toutefois concerné qu’un nombre limité de collectivités et les montants
finalement distribués se sont révélés inférieurs aux enveloppes annoncées.
Intercommunalités de France ne partage pas non plus la conclusion
que fait la Cour considérant que « le resserrement souhaitable de ces
dispositifs devrait avoir pour corollaire un développement des mécanismes
d’auto
-assurance des collectivités ».
En effet, les collectivités en difficultés financières n’ont pas
forcément les moyens d’alimenter un fonds d’auto
-assurance. De plus le
fonctionnement de ce dernier tel qu’il existe actuellement
pour les
départements est beaucoup plus contraint que l’utilisation classique des
réserves comptables (excédents), ce qui en limite largement l’intérêt. Au
final, les mécanismes d’auto
-assurance ne semblent pas contribuer à
l’amélioration de l’autonomie fi
nancière des collectivités.
Si les collectivités entendent se montrer responsables, aux côtés de
l’État, pour maitriser la dépense publique, elles doivent également pouvoir
pleinement jouer leur rôle en matière de transitions écologique et
énergétique et réaliser les investissements correspondants.
Concernant la contractualisation, Intercommunalités de France
salue les conclusions des magistrats appelant à privilégier le CRTE comme
contrat intégrateur.
Ce renforcement de ces contrats devra s’appuyer sur de
s annexes
financières de manière à donner aux collectivités la visibilité et la
prévisibilité nécessaires pour investir et participer activement au
développement du pays. Les CRTE pourraient notamment s’adosser à des
engagements pluriannuels regroupant et
consolidant l’ensemble des
financements publics (fonds vert, fonds ministériels dédiés, DSIL, DETR,
dotation relance …).
COUR DES COMPTES
24
Une loi de finances spécifique aux collectivités serait un gage de
clarification et de transparence. Elle permettrait en outre de restaurer la
confiance dans les relations financières entre l’État et les collectivités.
RÉPONSE DE
LA PRÉSIDENTE DE FRANCE URBAINE
Par courrier en date du 15 septembre, vous nous avez adressé le
rapport intitulé « La situation financière et la gestion des collectivités
territoriales et de leurs établissements
–
Fascicule 2 ». Ce rapport appelle
de notre part les observations exprimées dans le présent courrier.
1- La remise en question des transferts correspondant à la
compensation de la suppression d’impôts
locaux : une perspective
incompréhensible et inacceptable
Alors que, rapport après rapport, la Cour ne cesse, à juste titre,
d’appeler à une plus grande maturité dans les relations financières entre
l’État et les collectivités, il est pour le moins parado
xal de proposer une
minoration des transferts correspondant à la compensation de la
suppression d’impôts locaux. Sachant que la responsabilisation des parties
est un objectif partagé, comment considérer qu’il ne serait pas
déresponsabilisant de faire supporter aux collectivités une part toujours
plus importante des conséquences financières des décisions d’amputations
des impôts locaux dont elles subissent par ailleurs les nombreuses
conséquences néfastes (délitement du lien fiscal, diminution de leur
capaci
té de résilience budgétaire, …) ?
Un tel scenario ne pourrait qu’être synonyme de perte de confiance
des exécutifs locaux dans la parole de l’État, alors même que les
collectivités ont démontré qu’elles ne contribuaient aucunement au déficit
des finances
publiques : si l’on prend la seule situation des collectivités au
sein des APUL, elles ont su dégager un solde positif de 4,8
Md€ en 2022,
de 4,5
Md€ en 2021, de 0,2
Md€ en 2020, de 1,2
Md€ en 2019 et de
4,2
Md€ en 2018
3.
La remise en question de la légit
imité de l’affectation aux
collectivités de la dynamique de la TVA est tout particulièrement
choquante dans la mesure où elle serait synonyme de double peine : la
perspective de perte de ressource après l’effectivité de la perte du lien
fiscal (que d’aille
urs le rapport mentionne en des termes explicites et
partagés : «
En outre, les entreprises contribuent moins à la couverture
des charges des collectivités et les habitants locataires de leur logement
3
Page 86 du rapport 2023 de l’OFGL
.
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS, ORGANISMES
ET PERSONNES CONCERNÉS
25
plus du tout. De manière générale, la perte de pouvoir fiscal des élus
semble remettre en cause l’un des attendus des lois de décentralisation,
selon lequel le transfert d’impôts aux collectivités devait renforcer la
démocratie de proximité et le consentement à l’impôt
».
Elle est étonnante alors qu’est enfin imminente la publication du
texte d’application du l’article 55 de la loi de finances pour 2023 relatif au
« fonds national d’attractivité économique des territoires
» (projet de
décret FNAET présenté au Comité des finances locales du 26 septembre).
La décision du législateur d’affecter au FNAET la croissance du produit
de quote-part de TVA venant compenser la CVAE ne peut être assimilé à
une soi-disant « surcompensation
». Le FNAET est le fruit d’un objectif
partagé de politique publique, à savoir : inciter les exécutifs
intercommunaux (mettant en œuvre des moyens budgétaires et fonciers en
faveur des entreprises) à agir au service des priorités nationales visant la
réindustrialisation du pays).
En substance, France urbaine récuse avec la plus grande fermeté
l’idée de minoration des quote
-
part d’impôts partagés alloués aux
collectivités en compensation de fiscalité locale supprimée. Pour conforter
la maîtrise des charges publiques locales dans un contexte où, par ailleurs,
une accélération des dépenses des grandes villes, grandes communautés et
métropoles en faveur de la transition écologique est exigée, France urbaine
estime que la voie à privilégier consiste à ce que soit mis un terme aux
incessantes injonctions de l’État de demande d’accompagnement financier
des décisions budgétivores qu’il n’a de cesse de décider unilatéralement.
2- Autonomie financière et autonomie fiscale : des clarifications
bienvenues
France urbaine rejoint la formation inter juridictions (FIJ) dans ses
analyses relatives aux confusions découlant des notions, trop souvent mal
comprises, d’autonomie financière, d’autonomie fiscale et d’autonomie en
dépenses :
-
« La définition extensive de la notion de « ressources propres » a pu
ainsi créer un malentendu quant à la portée de la garantie donnée aux
collectivités en 2003 ».
-
« La logique qui prévaut à la détermination du ratio peut conduire à
des dévolutions paradoxales du point de vue des collectivités. Ainsi,
toutes choses égales par ailleurs, la baisse de la DGF entre 2013 et
2017 a mécaniquement favorisé l’augmentation du ratio d’autonomie
financière ».
-
« Des dépenses relevant de compétences obligatoires sont fortement
contraintes par la loi (comme les allocations individuelles de solidarité
COUR DES COMPTES
26
à la charge des départements). Mais des dépenses facultatives (comme
celles liées au temps périscolaire) apparaissent tout aussi contraintes,
en raison d’une forte demande sociale ou d’exigences régl
ementaires
(normes d’encadrement ou relatives à la restauration)
».
Sur ce sujet, France urbaine :
-
Regrette que le Gouvernement se soit affranchi des dispositions de
l’article 16 de la loi de finances initiale pour 2020 relatives à la
suppression de la
taxe d’habitation sur les résidences principales
prévoyant, avant le 1
er
mars 2023, la remise d’un rapport du
Gouvernement au Parlement visant à évaluer le dispositif de
compensation aux collectivités de la suppression de la THRP
4
.
-
Souscrit à la recommandation n° 2 de la récente note du rapporteur
général
du
budget
de
l’Assemblée
nationale
intitulée
«
Communication relative à l’autonomie financière et à l’autonomie
fiscale des collectivités territoriales à l’issue des réformes des
finances locales
5
», à savoir : « Étudier la pertinence et les modalités
de la constitutionnalisation d’un niveau minimal d’autonomie fiscale
pour le bloc communal »
3- Auto-assurance et mises en réserves : de fortes réserves
s’agissant des grandes villes, grandes communautés et métropoles
En ce qui concerne l’idée d’auto
-assurance, France urbaine
rejoint
la Cour s’agissant des mises en réserves individuelles
« (..
.) une extension
aux recettes de TVA du dispositif de mises en réserve individuelles des
recettes de DMTO par les départements ne semble pas constituer une piste
à privilégier, compte tenu de l’absence de solidarité financière entre
collectivités inhérente à ce dispositif et de la moindre exposition des autres
collectivités que les départements à des effets de ciseau en recettes et en
4
« H.- Une évaluation du dispositif de compensation prévu au présent IV est réalisée au cours du
premier semestre de la troisième année suivant celle de son entrée en vigueur.
En vue de cette évaluation, le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er mars de cette même
année, un rapport qui présente les effets du dispositif de compensation prévu au présent IV,
notamment :
1° Les conséquences sur les ressources financières des communes, en distinguant les communes
surcompensées et sous-compensées, et sur leurs capacités d'investissement ;
2° Les conséquences sur les ressources financières consacrées par les communes à la construction
de logements sociaux ;
3° L'impact sur l'évolution de la fiscalité directe locale et, le cas échéant, les conséquences de la
révision des valeurs locatives des locaux d'habitation ;
4° L'impact sur le budget de l'État. »
5
file:///F:/Telechargements
_FC/Autonomie%20financi%C3%A8re%20VDEF.pdf
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS, ORGANISMES
ET PERSONNES CONCERNÉS
27
dépenses ». D’autant que comme la Cour le relève, les fonds mis en réserve
subissent l’érosion monétaire.
Quant à la mise en réserve collective des recettes, nous persistons à
douter de la pertinence qu’il y aurait à dupliquer aux EPCI, et s’agissant
de la TVA, le mécanisme en vigueur pour les départements en matière de
DMTO. D’une part, parce que la TVA n’a jamais souffert de
« baisses à
deux chiffres » malheureusement observées en matière de DMTO (c’est
d’ailleurs un des arguments mis en avant par le gouvernement pour
« vendre
» aux élus locaux la suppression de la CVAE). D’autre part, parce
que le bloc communal bénéficie d’u
ne assiette de ressources bien plus
diversifiée et stable que ne l’est celle des départements.
C’est à l’aune de ces considérants qu’il nous semblerait souhaitable
de repréciser les termes de la recommandation n° 16.
4- Péréquation : priorité à la correction des biais
Tout comme la Cour, France urbaine appelle de ses vœux la
poursuite de la dynamique de péréquation.
Mais, surtout, tout comme la
Cour, France urbaine estime qu’« il convient tout d’abord de corriger les
biais qui affectent les critères de potentiel financier et de revenu pris en
compte pour attribuer les concours de péréquation ».
Le rapport analyse ces différents biais et formule opportunément des
propositions qui rejoignent largement celles exprimées par notre
association. Ainsi, nous convergeons :
-
Sur le fait que « l’indicateur du potentiel financier par habitant ne
suffit pas à caractériser les communes défavorisées » et que « la
fiabilité de la référence au potentiel fiscal, et donc également au
potentiel financier, est affectée par des bases fiscales très anciennes
et désormais très peu représentatives de la richesse des territoires ».
-
Sur la proposition consistant à ce que le revenu fiscal de référence
remplace systématiquement le revenu imposable en tant que critère de
charge. Ainsi que sur le bien-
fondé d’une « prise en compte du revenu
médian, (... qui), permettrait de mieux objectiver la pauvreté relative
des habitants des territoires et les besoins en services publics qui en
découlent ».
6
« Afin de prémunir les collectivités des conséquences de conjonctures économiques
dégradées, mettre en place ou renforcer des mécanismes complémentaires de mises en
réserve individuelle et collective de recettes ; réserver en conséquence le soutien de
l’État à des situations exceptionnelles (ministères de l’économie et des finances et de
l’intérieur et des outre
-mer) ».
COUR DES COMPTES
28
Au-delà de la question des indicateurs, des évolutions que le Cour
appelle de ses vœux sont partagées par France urbaine, tant en ce qui
concerne la DSR, laquelle relève plus du saupoudrage que de la péréquation
(98
% des communes de 500 à 10 000 habitants étant éligibles), qu’en ce qui
concerne la DNP, dont les montants devraient être intégré au sein de la DSU
et de la DSR (« les règles d’éligibilité de cette dotation conduisent à
s’interroger sur la justification de ce concours financier »).
À notre sens, le renforcement du ciblage de la DSR, que le Cour
recommande, mérite d’autant plus d’être priorisé que « la progression plus
forte de la DSR que de la DSU, y compris en 2023 (en cumul, + 46 % contre
+ 27
% pour la DSU entre 20217 et 2023) affecte l’équité de traitement
des communes urbaines défavorisées par rapport à la plupart des
communes rurales ».
Par contre, il nous semble que la formulation de la recommandation
n° 2 (Sans accroître le montant global de la DGF renforcer les dotations
de péréquation verticale ...) ne devrait pas ignorer la réalité des obstacles
techniques. À savoir, que dès lors que le « gisement » que représentait la
DGF de Paris s’est tari, il devient difficile de justifier un financement par
écrêtement de la dotation forfaitaire conduisant à ce que les communes les
mieux loties (en situation dite de « DGF nulle ou négative ») soient exclues
de l’effort. Le rapport s’en fait d’ailleurs au chapitre 3 (« L’exclusion de
l’effort d’écrêtement des communes qui ‘ont plus de dotation forfaitaire
(...) suscitent une difficulté d
’acceptation des communes écrêtées »).
Enfin, s’agissant du FPIC, il y a à notre sens deux conditions
préalables à son augmentation. La première est une requalification du
FPIC en un fonds de péréquation de correction des inégalités de
ressources, mais, également, de charges (ce que le rapport mentionne en
ces termes : « Par ailleurs, la prise en compte non seulement d’un critère
de ressources (potentiel financier), mais aussi d’un critère de charges
(revenu) pour déterminer ceux des ensembles intercommunaux qui
contribuent au FPIC renforcerait le caractère péréquateur de ce
dispositif ». La seconde est la correction des biais des indicateurs eux-
mêmes (cf. supra). Ceci, sachant que, par ailleurs, nous convergeons pour
considérer qu’il conviendrait d’assoup
lir les règles de majorité afin de
faciliter les répartitions dites dérogatoires. En d’autres termes, une
«
refondation » du FPIC doit précéder l’augmentation de son montant.
5. Contractualisation : des contrats sans engagements.
France urbaine partage la grande majorité des formulations et
préconisations de la Cour : un évidement progressif du caractère
programmatique des contrats pour se résumer à de la valorisation de
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS, ORGANISMES
ET PERSONNES CONCERNÉS
29
crédits ; la persistance délétère et systématique de logiques d’appels à
projets en
silos ministériels qui doivent conduire l’ensemble des
administrations
–
au-delà des efforts précieux du ministre de la transition
écologique pour faire bouger les lignes
–
à s’interroger sur leur mode de
dialogue avec les territoires. Et surtout, une absence persistante de tout
engagement financier sur le temps long au service d’une vision partagée
de l’aménagement du territoire (à laquelle se substituent des programmes
sectoriels qui ne font que peu de place au fait urbain : Petites villes de
demain, Acti
on cœur de ville, Villes moyennes, Villages d’avenir…).
Car au-
delà de l’ambition intégratrice, inachevée à ce stade, des
exercices contractuels de type « contrats de réussite de la transition
écologique », France urbaine veut d’abord appuyer fortement le
constat
de la Cour suivant lequel « sauf exception, les dispositifs contractuels ne
bénéficient pas d’enveloppes spécifiques ».
Si, comme le rappelle la Cour, les contrats conclus entre l’État et
les territoires ont historiquement porté une vocation programmatique
–
ce
que rappelle la Cour en évoquant l’enjeu initial des CPER : identifier les
« actions co-financées » et permettre aux territoires « de programmer des
opérations importantes »
–
force est de constater que du point de vue des
territoires urbai
ns, la notion de contrat s’est détournée de cet objectif
central pour se limiter à un discours de la méthode, mobilisateur de temps
et de moyens sans aucune contrepartie financière gage d’engagement
opérationnel.
Et si France urbaine partage l’objectif de rationalisation du paysage
contractuel défendu par la Cour, elle souhaite tout de même indiquer que ce
n’est plus l’objectif premier. Ce discours de la méthode, qui voudrait en
quelque sorte construire une tuyauterie théorique parfaite devient le prétexte
à repousser perpétuellement le dialogue démocratique relatif aux
engagements financiers pluriannuels réels (par ailleurs défendus par la
Cour) dont conviennent l’État et les territoires pour assurer la transition
écologique et sociale. Il en résulte que les grandes villes et agglomérations
sont dans l’incapacité de sécuriser des programmations pluriannuelles
d’investissement (PPI) ambitieuses, à la hauteur des défis. Or sur les
territoires urbains, les CRTE devraient avant tout, dans un contexte de
planification écologique, avoir l’ambition de constituer de véritables CPER
métropolitains, avec un volet interterritorial.
France urbaine partage à ce titre le constat que l’articulation entre
CRTE et CPER n’a pas eu li
eu, parce que les CPER, élaborés dans un
temps et une méthode contraints, ont insuffisamment pris en compte les
réalités territoriales (ce qui s’est notamment vu à travers l’insuffisance des
volets métropolitains, pourtant obligation légale).
COUR DES COMPTES
30
Nous constatons également, à la lecture de la récente circulaire
relative aux nouveaux « contrats de réussite de la transition écologique »,
une déconnexion potentiellement démobilisatrice entre les attendus
formels de méthode (projet de territoire, débats, orientatio
ns, objectifs…)
et l’urgence de trouver des solutions de financement conjoint. Et, au
-delà
des efforts du ministère de la t
ransition écologique d’inscrire nommément
un principe de « pluri annualité d’engagement » demandé par France
urbaine, le risque de li
miter cette approche à la seule possibilité d’un
financement pluriannuel par projet, et pas par contrat.
France urbaine souhaite également alerter la Cour : oui, des
collectivités ont plus de mal que les autres à accéder aux démarches
contractuelles. Mais
la grille de lecture de l’ingénierie (qui sous
-entend
que les « gros » sont favorisés par rapport aux « petits ») n’est pas
suffisante. La méthode de territorialisation du Fonds vert a confirmé un
risque avéré de saupoudrage, bien identifié par la Cour, et qui ne met pas
l’accent sur les opérations d’envergure, et qui confronte donc notre pays à
des équations financières insolubles. France urbaine ne peut donc que
pleinement souscrire aux deux recommandations formulées par la Cour,
c’est
-à-dire par ordre de priorité, le fait de donner une réelle dimension
financière (« en précisant notamment dans une annexe financière les
engagements pris par chacun des signataires et en évaluant régulièrement
leur mise en œuvre ») et d’intégrer l’ensemble des ministères da
ns une
logique territoriale qui s’extirpe de la croyance tenace dans les appels à
projets comme outil d’existence symbolique (« autour des CPER et des
CRTE, en leur intégrant autant que possible les autres dispositifs
contractuels (ministères de l’intérieu
r et des outre-mer et de la transition
écologique et de la cohésion des territoires) ». Le ministère de la transition
écologique est aujourd’hui pleinement engagé pour faire évoluer cette
culture mais se trouve bien seul face à la tentation persistante des autres
ministères de conserver des dispositifs à leur main.
Autre
point
d’alerte
qui
pourrait
faire
l’objet
d’une
recommandation complémentaire salutaire, et qui vise à réaffirmer un
principe intercommunal aujourd’hui battu en brèche par les évolutions
contractuelles qui se dessine. La nouvelle circulaire CRTE positionne en
effet le CRTE, de fait, comme une liste de projets qui pourraient être
remontés à la fois par les maires ou les intercommunalités, sans
reconnaître la pertinence d’une approche intercommunale en tant que telle
dans la planification écologique.
Telles sont les observations que nous souhaitions porter à votre
connaissance.
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS, ORGANISMES
ET PERSONNES CONCERNÉS
31
RÉPONSE
DU PRÉSIDENT DE VILLES DE FRANCE (VDF)
Villes de France - qui rassemble les maires de villes de 10 000 à
100 000 habitants et leurs présidents d'intercommunalités - défend la
place et le rôle des villes infra-métropolitaines, charnières entre les
grandes métropoles et les espaces ruraux, qui bénéficient du programme
«
Action cœur de ville
» prolongé jusqu'en 2026. Je tenais à vous
remercier d'avoir invité Villes de France à formuler ses remarques à
propos de ce second fascicule du rapport public 2023, qui est consacré
aux perspectives d'évolution des finances publiques locales pour l'année
en cours, aux thèmes de l'autonomie et de la péréquation financière, et à
la contractualisation.
S'agissant des perspectives financières pour 2023, au niveau des
Villes de France, les taux d'épargne brute ont été les plus impactés en
2022 au sein des communes (notamment pour les strates 10 et 11 qui
correspondent aux villes de 20 000 à 50 000 habitants) par rapport à
2021. Cette tendance devrait se reproduire en 2023, en dépit du
coefficient de revalorisation des valeurs locatives, la TFPB ne
représentant que le tiers de nos recettes de fonctionnement en moyenne.
Cette baisse de l'épargne brute dans nos villes est révélatrice des
charges de centralité qui pèsent sur nos budgets locaux, avec des dépenses
de
fonctionnement par habitant difficilement compressibles (dépenses liées
aux écoles, à la petite enfance, aux services culturels, sportifs et de loisirs).
II faut souligner que dès 2022 les villes moyennes ont été plus que toutes les
autres strates de communes, impactées par la reprise des coûts de l'énergie
(avec un filet de sécurité sans effet pour celles-ci), les mesures salariales
intervenues en 2022 sur le point d'indice (avec 80 % d'agents de catégorie
C), et l'augmentation des dépenses courantes liées à l'inflation.
Avec les dernières mesures prises par l'État en matière de politique
salariale, la proportion élevée d'agents de catégorie C dans la pyramide
de nos effectifs, et l'importance des bas salaires dans les villes moyennes,
nous anticipons aussi une dégradation de nos charges de personnel, dans
les mêmes proportions qu'en 2022, et cela en 2023 comme en 2024.
Le quasi gel en volume de la DGF, et tes politiques de
compensation des réformes fiscales passées souvent non indexées,
aggravent ce phénomène pour les Villes de France, qui ont une
dynamique de leurs recettes de fonctionnement très relative dans le
contexte inflationniste actuel. En 2023, le tassement de l'épargne brute
devrait donc se confirmer dans les villes moyennes.
COUR DES COMPTES
32
Les capacités de désendettement des Villes de France se situaient
globalement comprises entre 5 et 7 ans, avec un ratio qui s'est dégradé
dans pratiquement toutes les strates correspondant aux villes de 10 000 à
100 000 habitants entre 2022 et 2021. Compte tenu de ce qui précède sur
l'évolution de l'épargne brute et de la poursuite des investissements à mi-
mandat (année de reprise traditionnelle des investissements dans le cycle
électoral), le ratio de désendettement devrait se dégrader également en
2023.
À titre prévisionnel, au niveau des villes moyennes, la fiscalité
historiquement élevée (avec un effort fiscal proche de 1,5 pour les villes
adhérentes à Villes de France) ne permettra pas - sauf exceptions locales
- une utilisation accrue du levier fiscal sur les ménages ; un recours au
levier fiscal qui sera en revanche plus étendu dans les EPCI (TEOM,
Gemapi...).
Vis-à-vis du programme de stabilité, les villes moyennes pourront
donc difficilement s'accorder avec l'objectif d'une progression de leurs
DRF inférieure de 0,50/0 de l'inflation, dans un contexte de forte attente
de revalorisation du traitement de base dans la fonction publique (et de
déficit d'attractivité) : pour les Villes de France cet objectif n'est pas
tenable en 2023 et celui-ci sera sans doute difficile à tenir en 2024.
Au-delà de l'adéquation de nos recettes à nos dépenses, du
caractère limité de nos ressources fiscales par rapport au revenu médian
des habitants de nos villes, le contexte inflationniste rend nécessaire
d'aligner sur l'évolution des prix, les transferts financiers de l'État comme
la dotation globale de fonctionnement, dont l'enveloppe globale est
pratiquement gelée depuis 2018, avec à la clef une réelle perte de pouvoir
d'achat pour le bloc local.
La DGF pourrait faire l'objet d'ajustements conjoncturels, le cas
échéant ciblés, sans préjudice d'une réforme de cette dotation à moyen
terme. En résumé, il est important de souligner l'existence des disparités
qui peuvent affecter le bloc local derrière une situation d'ensemble
favorable, et les mécanismes de solidarité nécessaires qui en découlent
pour les villes moyennes.
Vis-à-vis d
’
une « auto-assurance » de nos ressources - au-delà de
l'intérêt de ce principe à titre facultatif et individuel - Villes de France
exprime des réserves sur l'utilité et l'efficacité d'un tel dispositif, qui
priverait de recettes les collectivités locales en période favorable.
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS, ORGANISMES
ET PERSONNES CONCERNÉS
33
Pour ce qui est de l'autonomie financière, de ses rapports avec le
principe de libre administration, et des garanties apportées par le niveau
des « ressources propres », Villes de France estime que celle-ci a été
sérieusement malmenée ces dernières années, et que les villes moyennes
ne disposent en réalité plus que d'une autonomie de gestion pour exercer
des compétences générales au niveau du bloc communal.
Les réformes fiscales et financières intervenues depuis une
quinzaine années, ont conduit à réduire considérablement l'autonomie
fiscale des collectivités, avec la disparition progressive des impôts directs
locaux liés aux compétences exercées avec un pouvoir de taux comme la
TP et la TH, puis la perte de la dynamique liée à la CVAE. Le déphasage
entre inflation et ressources compensées aboutit à réduire même notre
autonomie financière, avec la remise en cause possible de dotations et de
compensations dans les lois de finances successives.
Villes de France estime en outre que les transferts de charges de
l'État à destination des collectivités locales, sont de moins en moins bien
compensés, et de plus en plus réguliers (passeports biométriques,
missions de police...), ce qui aboutit dans les faits à dénaturer la libre
administration des collectivités locales. Chaque transfert de compétences
doit normalement être évalué et compensé, selon le triptyque «
compétences - ressources moyens ».
Quelle que soit la tendance affectant l'évolution des ressources des
collectivités du bloc local pour cette seconde partie de mandature, il est
indispensable d'assurer surtout une prévisibilité des ressources, à travers
une loi de finances spécifique, ou bien à défaut un pacte ou contrat
pluriannuel.
S'agissant des mécanismes de péréquation abordés dans votre
relevé d'observations, Villes de France estime que l'intercommunalité ne
doit pas être le lieu d'organisation de la réduction des inégalités entre
communes. Les Maires sont plutôt favorables à une intensification de la
péréquation verticale, qui permet d'utiliser des critères nationaux
objectifs, et d'éviter les difficultés de redistribution à l'échelle de I'EPCI,
quand les règles de représentativité isolent de facto la ville-centre. Pour
cette raison, Villes de France est très réservée sur la possibilité de mettre
en place des mécanismes qui privilégieraient une redistribution par
l'EPCI d'une DSC obligatoire ou d'une DGF locale.
Afin d'intensifier la péréquation, Villes de France estime toutefois
préférable de consacrer des abondements externes, et non de privilégier
COUR DES COMPTES
34
une politique de redistribution interne (cf. écrêtement de la dotation de
base), en ce qui concerne la DSU.
La politique passée de rattrapage de la DSR sur la DSIJJ depuis
2018, nous interpelle aussi au regard des charges de centralité, et de
l'équité qu'impose les différences de structure des dépenses et des recettes
entre communes. A minima, une restriction du nombre de communes
bénéficiaires à la DSR, permettrait effectivement une intensification des
dotations d'aménagement et un rééquilibrage au profit des villes
intermédiaires de plus de 10 000 habitants,
En ce qui concerne la contractualisation, Villes de France est de
même favorable à une rationalisation du paysage contractuel entre l'État
et les collectivités territoriales autour des CPER et des CRTE, en leur
intégrant autant que possible les autres dispositifs contractuels. Une
meilleure articulation entre les CPER et CRTÇ dans le temps serait
souhaitable, de même qu'une diminution du nombre d'appels à projets ou
à manifestation d'intérêt lancés par les ministères ou les Agences
dépendantes de l'État.
RÉPONSE DU
PRÉSIDENT DE L'ASSOCIATION
DES MAIRES DE FRANCE (AMF)
Les conclusions à tirer de la situation financière du bloc communal ne
peuvent uniquement reposer sur le montant de l’épargne ou, plus
globalement sur les excédents comptables.
Le respect de la règle d’or
s’impose à tous les budgets locaux et
interdit en effet le déséquilibre budgétaire. L’analyse financière des
collectivités locales ne peut donc s’arrêter à la constatation du respect de
la règle d’or et doit ainsi être complétée par la mesure de l’évoluti
on de
l’investissement. Ainsi par exemple, pendant la baisse des dotations, les
ratios d’épargne et de dette sont restés très satisfaisants, l’épargne ayant
même légèrement augmentée. Cependant, les investissements avaient
baissé de plus de 14 milliards d’
euros par rapport au mandat précédent.
En 2023, les dépenses de fonctionnement sont alourdies par
l‘inflation et la hausse des taux d’intérêt, ainsi que par la forte hausse des
dépenses de personnel. L’augmentation de 3,5
%, puis de 1,5 % du point
d’indice et l’ajout de 5 points d’indice induisent une charge annuelle
supplémentaire de plus de 2 milliards d’euros environ pour le bloc
communal :
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS, ORGANISMES
ET PERSONNES CONCERNÉS
35
Md€
2022
2023
2024
Hausse du point d’indice
de 3,5% instaurée en 2022
0,600
1,2
1,2
Hausse du point d’indice
de 1,5% instaurée en 2023
-
0,250
0,500
Ajout 5 points instauré en 2023
-
-
0,523
TOTAL charges supplémentaire
0,6
1,45
2,223
Concernant les recettes, le fascicule 2 du rapport de la Cour fait
état d’un gain pour les collectivités de près de 6
Md€ en 2022.
Ce gain
serait le résultat de la différence entre ce qu’auraient été les recettes de
taxe d’habitation et de CVAE des régions, et les recettes de TVA attribuées
aux collectivités pour compenser leur suppression en 2022. Le premier
fascicule du rapport de l
a Cour faisait déjà état d’un gain de 6 Md€ induit
par les modalités de compensation de la taxe d’habitation sur les
résidences principales (THRP).
Toutefois, l’AMF conteste ces gains. La loi de finances pour 2020 a en
effet revalorisé les bases de THRP se
lon l’indice des prix à la consommation
(IPC) au 30 septembre, soit 0,9%, et non selon l’indice des prix à la
consommation harmonisé (IPCH) de novembre qui s’élevait à 1,2
%.
La compensation de la THRP a été calculée en 2020 à partir des
taux de THRP à leur valeur de 2017 : les 6 100 communes et 280 EPCI
ayant augmenté leur taux de THRP entre 2017 et 2019 se voient refacturer
la partie du produit correspondant à cette augmentation de taux, prélevée
sur leurs avances de fiscalité, et encaissée par le budget
de l’État.
Le dispositif de compensation de la THRP s’est accompagné du gel
des taux de taxe d’habitation sur les résidences secondaires de 2020 à
2022, du gel des taux issus de la répartition des différentes taxes
d’équipement (TSE), du gel de la taxe pou
r la gestion des milieux
aquatiques et la prévention des inondations (GEMAPI) sur la THRP à leur
niveau de 2019, du gel des effets des délibérations prises sur la taxe
d’habitation sur les logements vacants (THLV) au titre des impositions
dues en 2020, 2021 et 2022.
Le dispositif de compensation des pertes de THRP pour les
intercommunalités via la TVA induit aussi des pertes de recettes. Pour
mémoire, la compensation de la THRP est financée par un prélèvement sur
la TVA pour les EPCI et pour la ville de Pa
ris pour partie. S’ajoute la
compensation de la CVAE financée aussi par un prélèvement sur la TVA.
COUR DES COMPTES
36
Au total, si la THRP n’avait pas été supprimée, toutes choses égales
par ailleurs, l’évolution aurait été la suivante
Md€
2020
2021
TOTAL
TH estimée
21,91
21,95
43,86
TFPB estimée
20,77
20,81
41,58
TOTAL estimé sans suppression de TH
42,68
42,76
85,44
Or, l’évolution des ressources de TH, de TFPB, et de la fraction de
TVA a été la suivante :
Md€
2020
2021
TOTAL
TH réellement encaissée
21,22
-
21,22
TFPB réellement encaissée
20,77
34,30
55,07
Fraction de TVA encaissée
-
8,10
8,10
TOTAL estimé avec suppression de la TH
41,99
42,40
84,39
Ainsi la comparaison avant/après suppression de la TH implique
une perte de plus d’un milliard d’euros pour le bloc communal
:
Md€
2020
2021
TOTAL
TOTAL estimé avec suppression de la TH
41,99
42,40
84,39
TOTAL estimé sans suppression de la TH
42,68
42,76
85,44
Différence
- 0,69
- 0,36
- 1,05
Concernant la compensation de la THRP via la TVA, la Cour
reprend les prévisions du programme de stabilité sur l’augmentation de
5,8 % des recettes de TVA en 2023. Cependant en 2023, la prévision
d’évolution des quoteparts TVA versées aux
collectivités est de 3,7 %
7
par
rapport à 2022. Cette augmentation est largement inférieure à
l’actualisation des bases en 2023 (+
7,1 %). En outre, comme le souligne
d’ailleurs la Cour, une part croissante des ressources locales est
désormais adossée à la conjoncture économique, affaiblissant à due
concurrence le rôle contra cyclique des communes et des EPCI.
De surcroît, il est utile de souligner la volatilité des fractions de TVA
en compensation de la suppression de la THRP et de la CVAE au bénéfice
de la ville de Paris et des intercommunalités. Selon les estimations
indiquées dans la loi de finances pour 2023, le produit de la TVA devait
augmenter de + 5,1 % en 2023. Les services de l’État ont cependant
confirmé en octobre 2023 que cette progression serait de + 3,7 %, ce qui
7
Annexes au PLF 2024 - Voies et Moyens (tome 1)
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS, ORGANISMES
ET PERSONNES CONCERNÉS
37
entraînera des corrections des versements dans le dernier trimestre 2023
pour les intercommunalités et la ville de Paris. Par ailleurs, le montant
définitif de TVA nationale pour 2023 sera connu au premier trimestre 2024
et entraînera de nouvelles corrections des versements au premier trimestre
2024. Ces évolutions ne font l’objet d’aucune information aux élus locaux
de la part des services de l’Etat. Or, ces décalages constituent un risque
financier pour les intercommunalités qui ne peuvent pas sécuriser leur
budget. Le taux d’évolution de la TVA nationale pour 2024, associé au PLF
pour 2024, prévoit une progression de + 4,5 % à ce stade. Il ne sera
sûrement pas repris entièrement dans la préparation budgétaire de ces
collectivités qui appliqueront des progressions inférieures par prudence.
Il semblerait utile de stabiliser ces reversements qui connaissent plusieurs
modifications annuelles et qui laissent ces collectivités dans l’incertitude,
et pour le moins, informer régulièrement les élus.
Par ailleurs, après la suppression de la THRP, 3,4Md€
d’impôts
économiques perçus par le bloc communal ont aussi été supprimés par une
réduction
de
moitié
la
valeur
locative
des
établissements
industriels (1,75
Md€ au tire de la taxe foncière, 1,56 Md€ au titre de la
CFE). 18 000 communes et tous les EPCI ont été concernés. Si la
compensation tient compte de l’évolution des bases, son calcul est réalisé
sur des taux gelés à leur valeur de 2020.
La compensation de la CVAE a été minorée. La CVAE qui aurait dû
être encaissée par les collectivités serait de 11,265 Md€ en 2023, soit un
écart de 765 M€ par an par rapport à la compensation 2023
(10,5
Md€).
L’AMF demande à connaître le montant précis de CVAE
réellement encaissé par l’
É
tat au titre de l’année
2023.
La THLV a été sévèrement attaquée en 2023 puisqu’un peu plus de
2500 communes ont perdu le pouvoir de l’instaurer, en raison du nouveau
décret sur le zonage TLV de tension, pris en application de l’article 73 de
la loi de finances 2023. Si l’AMF a soutenu l’élargissement de ce zonage,
elle demandait concomitamment la décorrelation de la THRS et de la
THLV pour ne pas amputer le pouvoir fiscal des communes. Par ailleurs,
les deux zonages du parc immobilier des résidences secondaires et du parc
immobilier vacant sont tout à fait différents et correspondent à deux
marchés immobiliers distincts.
Les exonérations et abattements de taxe foncière sur les propriétés
bâties (TFPB) s’appliquent aujourd’hui pour les logements sociaux
financés avant 2021, et les logements intermédiaires achevés avant 2023
restent très mal compensées. La compensation est limitée sur les dix
premières années après l’agrément pour les logements sociaux, or les
exonérations longue durée peuvent durer jusqu’à 30 ans aujourd’hui.
COUR DES COMPTES
38
L’AMF réitère donc la demande d’inscrire dans la loi le principe d'une
compensation à 100% de tous les abattements et exonérations de TFPB
lorsque ces dispositifs ont été décidés ou sont soutenus par l'État, et de
façon pérenne (et non pas jusqu’en 2026, et pas
seulement pour les dix
premières années), pour garantir un modèle économique et fiscal de la
construction juste pour les communes.
La revalorisation des bases de 7,1% s’est donc appliquée à des
montants qui auraient dû être plus importants si le taux de
ces taxes n’avait
pas été gelés pendant trois ans. En outre, avant la suppression de la THRP,
les deux tiers du produit fiscal reposaient pour moitié sur la THRP et sur
la TFPB pour l’autre moitié. Désormais, plus 62% du produit fiscal
s’appuie sur la TFPB
.
Ainsi compte tenu des réductions inédites des marges de manœuvre
du bloc communal, en euros constants (car il est indispensable de tenir
compte de l’inflation), le montant des investissements risque de progresser
faiblement par rapport à 2022. Les investissements subissent en outre une
l’inflation qui peut être plus ou moins importante selon la date à laquelle
les marchés sont conclus et les investissements réalisés. L’impact de la
hausse des prix sur les budgets locaux peut être ainsi bien plus important
q
u’une moyenne annuelle.
La contraction de l’investissement du bloc communal observée
depuis 2014 semble ainsi devenir structurelle.
Les dommages collatéraux de la suppression quasi totale du levier
fiscal
L’anéantissement progressif des marges de manœuvr
e et la
concentration du panier fiscal sur les seuls propriétaires affaiblissent la
capacité d’agir des communes et des EPCI. La preuve en est avec
la
multiplication les dispositifs de soutien mis en place par l’Exécutif pour
maintenir les équilibres suite
au retour de l’inflation
: la réduction
continue du levier fiscal débouche en effet sur la multiplication des filets
de sécurité, certaines collectivités n’ayant plus assez de marge de
manœuvre pour faire face aux retournements de la conjoncture.
La réduction du levier fiscal pèse aussi sur la visibilité des décideurs
locaux pour ajuster les recettes au financement des grandes priorités
nationales. La nouvelle donne fiscale à la main de l’
État, la baisse de la
DGF, le fléchage des dotations, sont autant de freins au financement des
grandes priorités nationales, l’autofinancement nécessaire au bouclage
des plans de financements devenant difficile à estimer. En l’état, les
équilibres et les marges de manœuvre des collectivités pourraient ne pas
leur permettre de participer à une augmentation annuelle des
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS, ORGANISMES
ET PERSONNES CONCERNÉS
39
investissements écologiques évaluée à de 6,5 Md€ par an
8
. Ce montant
représente en effet pour l’ensemble des collectivités 10
% d’augmentation
annuelle de leurs investissements. Les 62 Md€ de prélèvement sur
la DGF
auraient été bienvenus pour participer au financement de la transition
énergétique, du logement, à la réindustrialisation le pays, plutôt que d’être
absorbés par un déficit qui ne se réduit pas.
Participation des collectivités locales à la réduction du déficit de
l’État
La Cour des comptes
9
recommande une nouvelle restriction des
ressources locales via une diminution de la part de TVA qui leur est
affectée.
L’AMF rappelle que les collectivités locales contribuent à la
réduction du déficit de l’État
depuis 2010 à hauteur de 62 milliards d’euros
pour le seul bloc communal, avec l’encadrement, le gel puis la réduction
de la DGF.
Les taxes locales participent aussi à la réduction du déficit de l’
État
puisque la CVAE supprimée pour les collectivités locales en 2023,
continuera d’être encaissée par l’
É
tat jusqu’en 2027. Il en a été de même
pour la THRP, supprimée pour les collectivités locales en 2021 et
continuant d’être encaissée par l’
État en 2021 et en 2022.
La suppression des ressources locales aggrave en outre le déficit du
budget de l’
État. Outre la compensation de taxes locales supprimées, la
réduction progressive du levier fiscal local pèse sur le budget de
l’
État :
certaines collectivités locales n’ayant plus assez de marge de
manœuvre fiscale po
ur faire face aux retournements de la conjoncture, les
filets de sécurité se sont multipliés.
Les collectivités locales sont pourtant un atout pour l’équilibre des
comptes de la Nation, finançant en effet plus de 70
% de l’investissement
public hors R & D. Leurs dépenses représentent moins de 12 % du PIB et
restent inférieures à la moyenne européenne à 18
%. En outre l’ensemble
de la dette des APUL reste stable aux alentours de 9 % du PIB depuis 1995,
alors que la dette publique totale à 56,5% du PIB en 1995, est à plus de
112 % du PIB au premier trimestre 2023
10
8
Source : I4CE, Les besoins d’investissement et d’ingénierie pour la neutralité carbone
,
octobre 2022
9
Rapport sur les finances publiques locales 2023
–
Tome II
10
INSEE
COUR DES COMPTES
40
Sur l’objectif partagé d’amélioration de la péréquation
L’AMF réfute la terminologie de «
péréquation verticale » pour
qualifier la péréquation existant au sein de la DGF : la progression de la
péréquation est entièrement financée par les écrêtements internes à la
DGF. Il s’agit donc bien d’une péréquation assurée par les collectivités
elles-mêmes.
L’AMF s’oppose à un renforcement de la péréquation au sein de la
DGF qui serait financé par les parts forfai
taires, dans le cadre d’une
enveloppe constante, comme le propose la Cour. Elle estime au contraire
que l’État doit participer au renforcement de la péréquation, en vertu de
la solidarité nationale. La DGF doit ainsi renouer avec le principe de la
péréquat
ion verticale, d’autant plus que les dispositifs horizontaux de
solidarité existent par ailleurs (FPIC, mécanismes au sein des EPCI, etc.).
Au-
delà, diminuer à l’aveugle les montants individuels de dotation
forfaitaire via l’écrêtement ne permettra pas de
réduire de manière
équitable les écarts de dotation forfaitaire. L’écrêtement communal n’est
pas exempt d’effets contre
-
péréquateurs, qui se sont d’ailleurs amplifiés
avec les réductions massives de dotation entre 2014 et 2017 puis le gel de
la DGF. En eff
et l’écrêtement concerne d’une part des communes
relativement pauvres : le seuil de potentiel fiscal au-
delà duquel s’applique
l’écrêtement demeure faible, malgré son relèvement en 2022. D’autre part,
un nombre croissant de communes ne perçoit plus de dotation forfaitaire ;
cela a pour double effet qu’elles ne participent plus au financement de la
péréquation, alors même qu’il s’agit le plus souvent de communes à niveau
élevé de potentiel fiscal, et que l’effort se reporte sur les autres communes.
Comme le rappelle la Cour, la disparition de la dotation forfaitaire de la
Ville de Paris, dont l’écrêtement en 2022 représentait quasiment 20 % de
l’écrêtement total des communes, aura un effet de report massif si
l’écrêtement devait être réintroduit. La question
du financement des
besoins internes à la DGF et notamment de la hausse de la péréquation se
posera donc nécessairement dès 2024, sauf à réintroduire la revalorisation
annuelle de la DGF.
Par ailleurs, la suppression de la dotation forfaitaire revient, pour
les communes concernées, à leur faire porter le financement de
compétences régaliennes. Ainsi des compétences régaliennes exercées au
nom de l’État (gestion des registres d’état civil et des registres électoraux,
organisation locale des élections, délivra
nce des titres d’identité, pouvoirs
de police du maire, etc.) se retrouvent financées par l’impôt local, alors
même que le pouvoir fiscal des communes ne cesse de se réduire.
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS, ORGANISMES
ET PERSONNES CONCERNÉS
41
La péréquation horizontale est également financée par le budget des
intercommunalités, à travers la diminution annuelle de la dotation de
compensation. Cette dernière représente presque les trois quarts de la
DGF des EPCI, et est écrêtée chaque année depuis 2012 afin de financer
les contraintes qui pèsent sur l’enveloppe de la DGF du b
loc communal
(hausse de la population, hausse des dotations de péréquation DSR et
DSU, hausse de la dotation d’intercommunalité, etc.). Depuis 2012, plus
de 1 Md € ont été prélevés sur la dotation de compensation des EPCI à FP
(le taux moyen annuel d’écrêt
ement est de - 1,85 %). Ce système porte une
atteinte au principe de la compensation des réformes fiscales et l’AMF a
toujours plaidé pour que les compensations fiscales soient maintenues
dans la durée et toute réforme serait de nature à inquiéter les collectivités
qui bénéficient également d’autres compensations d’impôts locaux
supprimés. Les élus sont, par ailleurs, relativement prudents au regard des
mécanismes dits « dynamiques » qui viseraient à utiliser l’argent dû aux
collectivités locales pour opérer des rééquilibrages entre elles, dans une
période financièrement compliquée pour les collectivités.
L’AMF ajoute que l’écrêtement sur les parts forfaitaires n’est pas
le seul vecteur de financement horizontal de la péréquation au sein de la
DGF. Ainsi, la
réforme de la Dotation d’aménagement des communes
d’outre
-mer (DACOM), déployée de 2020 à 2023, a été menée sans crédits
dédiés supplémentaires. Cette revalorisation aurait dû être financée au
moins en partie par l’
État
, comme l’avait proposé le CFL en jui
llet 2019.
L’AMF regrette que cette dotation des communes d’outre
-mer ne soit pas
évoquée par la Cour.
Au total, l’AMF réitère sa demande d’un retour à l’indexation de la
DGF sur l’inflation, condition du respect de la parole de l’
État et de la
capacité d’
action des communes. La revalorisation de la DGF de
320
millions d’euros en 2023 (+
1,7 % pour le bloc communal), si elle
constitue une première étape, est loin de compenser l’inflation prévue pour
2023, qui s’ajoute à celle supportée en 2022. Contrairement
à ce
qu’affirme la Cour, cet abondement n’a pas supprimé totalement
l’écrêtement en 2023, les EPCI ayant subi une minoration –
certes plus
limitée que les années passées-
de leur dotation de compensation (27 M€).
L’indexation à hauteur de l’inflation est n
écessaire pour maintenir le
montant de l’enveloppe en euros constants et pour répondre à la question
du financement de la péréquation au sein de la DGF.
L’AMF précise également qu’il est nécessaire de revenir à une
progression équilibrée et suffisamment dynamique de la DSU et de la DSR
en PLF 2024. La revalorisation de la DGF est enfin indispensable pour
engager une réforme de la DGF, qui devra notamment s’attacher à réduire
COUR DES COMPTES
42
les écarts de dotation non justifiés par des différences de situation. Cette
réforme nécessitera de réinterroger les critères de répartition. Cela
concerne à la fois les critères de ressources (notamment le potentiel fiscal et
financier des communes), qui comme l’indique la Cour, ont largement perdu
leur pertinence en raison des suppressions successives de ressources locales,
et les critères de charges. Enfin, cette réforme devra être articulée avec celle
des dispositifs de péréquation horizontaux, comme le suggère la Cour.
L’AMF s’oppose aux propositions de la Cour sur la péréquation de
la DETR et de la DSIL. L’AMF dénonce ce mélange des genres entre le
soutien aux priorités définies par l’
État, et la péréquation qui a pour
objectif de réduire les inégalités entre les collectivités. L’AMF propose par
ailleurs la simplification des procédu
res d’attribution, ainsi que la
constitution d’un seul dossier par projet pour accéder à l’ensemble des
dotations, et non un projet par dotation. Le principe « dites-le nous une
fois » serait ainsi respecté.
L’AMF s’oppose aux propositions de la Cour sur l
e FCTVA. La
Cour indique en effet que «
À effort financier constant pour l’État, le taux
de prise en charge par le FCTVA serait réduit, tandis que seraient
augmentées les dotations de l’État à l’investissement qui concourent à la
transition écologique. ».
Le FCTVA n’est pas d’une dotation d’investissement. Le FCTVA a
pour
objectif
de
compenser
en
partie,
sur
certaines
dépenses
d'investissement, la TVA réglée par les collectivités locales.
Les collectivités locales portent plus de 70 % des investissements
publics. Cette compensation forfaitaire permet une affectation libre
d’emploi et donc immédiatement mobilisable. Transformer le FCTVA en
dotation fléchée aurait pour conséquence de déséquilibrer tous les
programmes d’investissements et constituerait un risque d’effondrement à
court terme.
L’équilibre des budgets locaux dépend de la couverture de la dette
par les ressources propres. Le FCTVA, ressource propre externe, participe
ainsi directement à l’équilibre financier des collectivités locales.
Transformer le FCTVA en dotation modulable, conduirait à placer
l’ensemble des collectivités locales en situation de déséquilibre structurel
puisque le FCTVA ne serait plus une ressource propre.
Cette difficulté se doublerait d’un risque systémique pour les
marchés financiers, les prêteurs devant revoir à la hausse le montant de
leurs fonds propres
: l’ensemble des notations attribuées aux collectivités
locales seraient en effet revues à la baisse, l’exclusion du FCTVA des
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS, ORGANISMES
ET PERSONNES CONCERNÉS
43
ressources propres impliquant le bouleverseme
nt de l’analyse du risque
collectivités locales.
L’AMF s’oppose aux propositions de la Cour concernant la
péréquation dans l’intercommunalité. L’accroissement des volumes
financiers du FPIC et du FSRIF et la modification de leur mode de
répartition ne sont pas des réformes attendues. En outre, dans un contexte
de réduction des marges de manœuvre, le renforcement de la péréquation
réduirait les ressources des collectivités contributrices.
Par ailleurs, modifier la répartition du reversement ou du
prélèvem
ent du FPIC entre les communes d’un ensemble intercommunal
pour l’aligner sur celle qui existe entre les ensembles intercommunaux
(c’est
-à-
dire en fonction de l’indice synthétique de reversement qui tient
compte pour 60 % de l’écart au revenu moyen nationa
l, 20
% de l’écart au
potentiel financier agrégé moyen national et 20 % de l’écart à l’effort fiscal
moyen national) nécessite des simulations précises afin de mesurer
pleinement les impacts. Enfin, assouplir les conditions de majorité pour
répartir de manière dérogatoire ou libre le FPIC
–
comme le propose la
Cour
–
n’est pas une solution pour les intercommunalités, sauf à chercher
à imposer des répartitions qui pourraient être défavorables aux communes
sans leur accord. D’ailleurs l’inverse n’est pas poss
ible ! En effet, les
fiches de notification du FPIC sont envoyées par les préfectures aux seuls
EPCI à fiscalité propre, les élus des conseils municipaux n’ont donc pas
toujours ces informations relativement complexes. Il est, au contraire de la
proposition de la Cour, nécessaire de privilégier les accords locaux tels
qu’ils existent aujourd’hui en apportant de l’ingénierie financière aux élus
locaux. La transparence est la seule solution durable et acceptable pour
les communes comme pour l’intercommunalité
.
Le versement de la DGF territoriale, au niveau intercommunal,
pour favoriser la péréquation au sein même des EPCI ne résoudra jamais
les problèmes d’écart de richesse au sein des territoires. Cette possibilité
existe d’ailleurs déjà dans la loi, sans qu’aucun territoire ne se soit saisi
de cette opportunité. Il s’agit en effet d’éviter la tutelle des
intercommunalités sur les communes, dans un contexte où les enjeux de la
réindustrialisation, du réchauffement climatique et de la crise sociale sont
importants. Il serait très risqué de priver des communes des recettes de
DGF qui représentent une part significative de leur budget.
Contractualisation
L’AMF souscrit à une partie des observations de la Cour portant
sur la multiplication « des contrats qui nuit à leur cohérence globale et
complique leur accès pour les collectivités », le maintien de nombreux
COUR DES COMPTES
44
appels à projet ou à manifestation d’intérêt portés par l’État sur des thèmes
voisins ainsi que leur contradiction avec l’ambition affichée d’agrégation
et de transversalité des CRTE. Elle partage également l’appréciation de la
Cour sur «
l’absence de vision globale de leur financement
».
En revanche, elle s’étonne de ses développements sur «
le
renforcement du rôle des chefs de file » et l’accroissement
de la portée des
«
conventions territoriales d’exercice concerté (CTEC)
». Pourquoi
utiliser ce qui ne fonctionne pas - depuis près de 10 ans
–
et dont le concept
reste flou, et chercher à lui donner des missions supplémentaires ?
De même, l’AMF s’interro
ge sur les parties concernant la poursuite
« de la rationalisation des compétences
» considérant qu’il s’agit d’un
autre objectif que ceux portés par la contractualisation entre l’
État et les
collectivités, qui vise avant tout à accompagner la mise en œuvr
e des
politiques publiques locales.
S’agissant des propositions de la Cour, l’AMF aurait préféré une
analyse porteuse davantage de novation en la matière. Le foisonnement
contractuel -et sa persistance malgré la création des CRTE-
n’a pas permis
de ration
aliser le paysage contractuel. Une telle ambition s’avère
particulièrement complexe, lourde à gérer (multiplicité des durées, des
périmètres et des acteurs y compris étatiques concernés par les différents
dispositifs publics).
Sur les CRTE, les communes et leur intercommunalité se sont assez
vite interrogées sur leur réelle valeur ajoutée, craignant en l’absence
d’engagements financiers pluriannuels qu’il ne s’agisse que d’un affichage
au moment où de nouvelles contraintes apparaissent (ZAN, réforme CVAE,
inflations, crises, etc.).
La proposition de la Cour visant à « renforcer la portée des
dispositifs contractuels, en laissant le temps nécessaire à leur
négociation
» pourrait être intéressante si ces dispositifs s’accompagnent
de réels moyens financiers permettant une visibilité annuelle ou
pluriannuelle (et non de recyclage de crédits) et d’ingénierie pour toutes
les intercommunalités et communes.
En effet, les enquêtes de 2021 et 2022 de l’AMF soulignent ainsi
des
financements dédiés très insuffisants et une absence de visibilité
pluriannuelle (recyclage des crédits), une articulation complexe entre
CRTE et contrats préexistants, le maintien des appels à projets et un
contrat global parfois lourd et complexe, nécessitant un besoin
d’ingénierie. S’ajoute un
e inquiétude quant au rôle des communes se
considérant écartées des CRTE, les objectifs étant définis par l’
État, puis
directement soumis aux communes par les préfets.
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS, ORGANISMES
ET PERSONNES CONCERNÉS
45
L’évolution des CRTE en tant que «
contrats de réussite pour la
transition écologique » dans le cadre de la planification écologique est une
mesure, tandis que demeure la démarche relativement descendante de
l’
État selon un calendrier trop resserré. Si elle doit permettre de maximiser
l’action des communes et de leur intercommunalité en faveu
r de la
transition écologique, il est indispensable de leur donner plus de visibilité
quant à leurs moyens et de respecter leurs compétences, leurs rôles et le
choix des projets.
Concernant les CPER « mobilité », l’AMF souscrit au constat de la
Cour qui dé
nonce un pilotage insuffisant des contrats par l’État. Le
rapport souligne que ces CPER ont également « souffert d’un calendrier
irréaliste, à rebours des ambitions affichées par l’État ». Par ailleurs, les
intentions de prise en compte des spécificités régionales figurant dans les
pré-
mandats des préfets n’ont pas été reprises dans les mandats définitifs.
Sur le calendrier, la transmission des mandats CPER devait être
faite courant février, mais les mandats de négociation des contrats de plan
État-régions
(CPER) n’ont été transmis aux préfets qu’en juin. Le
calendrier des discussions avec les régions s’annonce donc serré. Déjà en
mars, il était jugé difficile à tenir. Concernant les montants des
investissements, l’État prévoit une enveloppe de 8,6 milliards d’euros pour
la période 2023-2027. Toutefois, pour Régions de France, cette enveloppe
est insuffisante estimant que les montants alloués aux transports sur 2015-
2022 s’élevaient au total à 11,7 milliards d’euros : 7,1 milliards d’euros
pour les CPER 2015-
2020, 1,7 milliard d’euros pour leur prolongation en
2021-
2022, auxquels elle ajoute 2,9 milliards d’euros dans le cadre du
plan de relance et de la loi d’orientation des mobilités.
L’AMF conteste un mécanisme d’auto assurance permettant à l’
État
de se défausser sur les collectivités locales
Cette proposition modifie les rapports institutionnels entre l’
État et
les collectivités locales par le biais comptable. Cette nouvelle vision de
l’organisation du pays qui serait désormais fondée sur la partition des
risques est très éloignée des principes actuels. La Constitution instaure en
effet un État unitaire décentralisé qui implique le partage de la charge de
l’intérêt général entre l’
État et les collectivités.
Au-
delà, l’AMF alerte sur les conséquences d’un
e nouvelle
réduction des ressources locales affectées au financement des services
publics et à l’investissement. Cette disposition sur l’auto
-assurance
pourrait être synonyme, si elle n’était pas volontaire, d’écrêtement imposé
des recettes. Il y aurait dans ce cas une atteinte nouvelle et grave à la libre
administration des budgets locaux.
COUR DES COMPTES
46
Elle intervient de surcroit dans un contexte de recentralisation des
recettes des collectivités locales qui les prive de marges de manœuvre
:
après avoir nationalisé l
eurs recettes, il est contradictoire que l’
État se
désengage de l’exercice de la solidarité financière.
Enfin,
cette
proposition
serait
éventuellement
susceptible
d’accroitre les marges de manœuvre des collectivités aux recettes
dynamiques, mais elle ne serait en rien une réponse pour les collectivités
qui font face à de faibles recettes fiscales et à des charges élevées.
La Cour estime « opportun que le Haut conseil des finances
publiques locales émette un avis sur les dispositions du projet de loi de
finances qui intéressent les relations financières des collectivités
territoriales avec l’État
». L’AMF rappelle cependant que le projet de loi
de finances est présenté chaque année et en priorité devant le Comité des
finances locales. L’AMF demande ainsi à la
Cour de justifier des raisons
pour lesquelles le CFL, institution élue démocratiquement par l’ensemble
des collectivités, ne pourrait continuer d’exercer cette mission qui rentre
parfaitement dans son objet.
CNRACL
Fort de ces contributions sur la protection sociale et dans la
continuité des réflexions engagées l’AMF a lancé récemment des travaux
sur l’équilibre des régimes de retraite dans la FPT avec l’ensemble des
présidents des organismes sociaux de la FPT, à l’initiative de l’AMF.
Limiter la réponse à une augmentation des cotisations ne répond en rien
aux enjeux et besoins qui pèsent aujourd’hui sur l’ensemble des risques
sociaux des agents territoriaux et leurs organismes de gestion. Il est urgent
de travailler à regarder les interactions entre retraites, invalidité,
maladies, prévention, handicap.
Une des principales difficultés mises en avant de la CNRACL est son
déficit structurel depuis 2020 dû à :
•
La participation de la CNRACL à la compensation entre les régimes. La
CNRACL est un important contributeur au titre de la compensation
démographique entre les régimes, dont les transferts représentent 7 %
de ses charges (800 M€ en 2022). Au total et depuis la création des
mécanismes de compensation en 1974, la CNRACL a contribué à
hauteur de près de 80 milliards à la solidarité entre régimes (48,8
Md€
pour la compensation et 28,5 Md€ pour la surcompensation).
•
Le déclin du rapport démographique dû à la montée des contractuels.
En effet, la population cotisante du régime décroît depuis 2016, alors
qu'elle avait régulièrement augmenté dans le passé. Ce renversement de
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS, ORGANISMES
ET PERSONNES CONCERNÉS
47
tendance, qui risque de se poursuivre à court terme, se reflète via un
indicateur central en matière de retraites : le rapport démographique.
Ce ratio, qui mesure· le nombre de cotisants pour un retraité, est ainsi
passé de 2,3 à 1,7 entre 2007 et 2017 pour être aujourd’hui à 1,25. Cette
tendance se poursuivra dans les années à venir en raison des départs en
retraite d'effectifs importants de fonctionnaires territoriaux recrutés à
l'occasion de la première vague de décentralisation. Mais cette baisse
du ratio s’explique aussi par la montée des recrutements de contractuels
dans la fonction publique, qui sont affiliés au régime général de la
CNAV. On estime qu’un recrutement sur 2 dans la FPT
se fait
aujourd’hui par recrutement direct.
•
Et enfin, de façon moins structurelle, les dettes des employeurs
défaillants. Ces défauts de paiement sont en nette augmentation : en
2020, ce sont, en effet, plus de 318 millions d’euros de contributions qui
n’o
nt pu être honorées. Ce défaut de paiement est essentiellement
imputable à des structures relevant de la fonction publique hospitalière
qui cumulent 258,6 millions d'euros de créances (81,14% du total des
créances).
De
leur
côté,
les
collectivités
territoriales
et
les
établissements publics locaux défaillants ne représentent que 18,6% des
sommes dues à la CNRACL (59,5 millions d’euros). Trois employeurs
défaillants affichent des créances particulièrement lourdes : le centre
hospitalier d’Ajaccio (76,37 millions d’euros) qui ne verse plus sa
contribution patronale depuis 2007, le Centre hospitalier universitaire
de Martinique (40,72 millions d’euros) et la Ville de Fort
-de-France
(20,43 millions d’euros).
Envisagée une augmentation des cotisations versées par les
employeurs pour équilibrer les comptes de la CNRACL nécessite de poser
plusieurs pré-requis et appelle à une vision globale et transversale.
Une augmentation d’1 point de cotisation équivaut environ à
600
M€ de dépenses supplémentaires annuelles pour
les employeurs
territoriaux, déjà contraints par ailleurs. À noter aussi que dans quelques
mois la réforme APR annoncée par le ministre de la Transformation et
Fonction publiques risque d’augmenter l’assiette de cotisation.
Il est donc indispensable :
•
d
’avoir dès maintenant une vision globale : taux (réforme des retraites)
+ assiette (réforme des rémunérations),
•
de questionner le champs des cotisants au regard des recrutements de
plus en plus nombreux de contractuels,
COUR DES COMPTES
48
•
de recouvrer les créances auprès des employeurs défaillants : une
augmentation de cotisation ne doit pas servir à couvrir ces dettes,
•
de mettre fin à la compensation de la CNRACL vis-à-vis des autres
régimes,
•
de
regarder
l’interaction
entre
retraites,
invalidité,
maladies,
prévention, handicap afin de prendre en compte tous les paramètres
sociaux et leurs incidences financières à l’ensemble des organismes
concernés et en évaluer les impacts.