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ENTITÉS ET POLITIQUES PUBLIQUES
AUDIT FLASH
Avril 2024
LE CONTRÔLE BUDGÉTAIRE
AU MINISTÈRE DES ARMÉES :
PREMIER BILAN
DE L’EXPÉRIMENTATION
Exercices 2022-2023
COUR DES COMPTES
3
SOMMAIRE
4
PROCÉDURES ET MÉTHODES
7
SYNTHÈSE
10
RECOMMANDATIONS
11
INTRODUCTION
12
I - DES RÉSULTATS ENCOURAGEANTS À RENFORCER
EN TERMES DE CONTINUITÉ ET DE FLUIDITÉ
DU SERVICE
12
A - Un contrôle budgétaire repris avec efficacité
par la direction des affaires financières
du ministère des armées
16
B - Un enjeu majeur
 
: renforcer les ressources humaines
pour consolider ces résultats dans la durée
17
C - Une relation à fluidifier avec la direction du budget
et avec certains responsables de programme
18
D - Les perspectives après deux ans d’expérimentation
21
II - DES CONTRÔLES À RENFORCER AVANT DE PERENNISER
LA NOUVELLE ORGANISATION
21
A - Des contrôles à renforcer sur les principales zones
de risques
25
B - Des contrôles à renforcer dans certains domaines pour tirer
pleinement les conséquences de la nouvelle organisation
27
C - Une responsabilisation accrue des gestionnaires publics
29
LISTE DES ABRÉVIATIONS
31
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS, ORGANISMES
ET PERSONNES CONCERNÉS
PROCÉDURES ET MÉTHODES
4
LE CONTRÔLE BUDGÉTAIRE AU MINISTÈRE DES ARMÉES : PREMIER BILAN DE L’EXPÉRIMENTATION
Les rapports de la Cour des comptes sont réalisés par l’une des six chambres
thématiques
1
que comprend la Cour ou par une formation associant plusieurs
chambres et/ou plusieurs chambres régionales et territoriales des comptes.
Trois principes fondamentaux gouvernent l’organisation et l’activité de la Cour
ainsi que des chambres régionales et territoriales des comptes, donc aussi
bien l’exécution de leurs contrôles et enquêtes que l’élaboration des rapports
publics qui en résultent : l’indépendance, la contradiction et la collégialité.
L’indépendance
institutionnelle des juridictions financières et l’indépendance
statutaire de leurs membres garantissent que les contrôles effectués et les
conclusions tirées le sont en toute liberté d’appréciation.
La contradiction
implique que toutes les constatations et appréciations faites
lors d’un contrôle ou d’une enquête, de même que toutes les observations et
recommandations formulées ensuite, sont systématiquement soumises aux
responsables des administrations ou organismes concernés . Elles ne peuvent
être rendues définitives qu’après prise en compte des réponses reçues et, s’il y
a lieu, après audition des responsables concernés.
La collégialité
intervient pour conclure les principales étapes des procédures
de contrôle et de publication. Tout contrôle ou enquête est confié à un ou
plusieurs rapporteurs. Le rapport d’instruction, comme les projets ultérieurs
d’observations et de recommandations, provisoires et définitives, sont
examinés et délibérés de façon collégiale, par une formation comprenant au
moins trois magistrats. L’un des magistrats assure le rôle de contre-rapporteur
et veille à la qualité des contrôles.
Sauf pour les rapports réalisés à la demande du Parlement ou du
Gouvernement, la publication d’un rapport est nécessairement précédée par
la communication du projet de texte, que la Cour se propose de publier, aux
ministres et aux responsables des organismes concernés, ainsi qu’aux autres
personnes morales ou physiques directement intéressées. Leurs réponses
sont publiées en annexe du rapport publié par la Cour.
Le présent audit flash a été conduit sur le fondement des articles L. 111-3
et suivants du code des juridictions financières. Il est rendu public en vertu
des dispositions de l’article L. 143-1 alinéa 2 du même code. Contrairement à
1. La Cour comprend aussi une chambre contentieuse, dont les arrêts sont rendus publics.
COUR DES COMPTES
5
d’autres publications de la Cour des comptes, il ne donne pas lieu à un rapport
exhaustif sur un organisme ou une politique publique mais permet de dresser
dans un délai resserré un état des lieux factuel sur un dispositif public bien
délimité.
Dans le présent audit, la Cour examine l’expérimentation conduite par le
ministère des armées en 2022 et en 2023 visant à internaliser au sein de
la direction des affaires financières du ministère les activités de contrôle
budgétaire jusqu’alors effectuées par le contrôleur budgétaire et comptable
ministériel. La Cour apprécie, à ce titre, si la continuité du service a été assurée,
si le niveau de contrôle budgétaire est adéquat et si les contrôles effectués
sont suffisamment traçables et documentés pour permettre un audit externe.
Il ne s’agit ni d’un contrôle de la régularité des engagements budgétaires pris
par le ministère des armées en 2022 et en 2023, ni d’une appréciation du bon
emploi des crédits budgétaires consommés.
Le lancement de l’audit flash a été notifié le 4 octobre 2023 au secrétaire
général pour l’administration du ministère des armées, au chef d’état-major
des armées, au délégué général pour l’armement, à la directrice du budget,
au contrôleur budgétaire et comptable du ministère des armées et, pour
information, au chef du contrôle général des armées. L’instruction a été
conduite sur pièces et sur place auprès des services concernés du ministère des
armées et du ministère de l’action et des comptes publics. Elle a notamment
permis l’examen d’un échantillon représentatif de 25 dossiers pour lesquels
des observations avaient été formulées par le contrôle budgétaire
a priori
mis
en œuvre par la direction des affaires financières du ministère des armées.
Les observations provisoires de la Cour ont été délibérées par la quatrième
chambre le 14 décembre 2023 et adressées pour contradiction aux
destinataires de la notification, ainsi qu’au directeur général des finances
publiques. Après examen des réponses reçues, le présent rapport définitif
a été délibéré le 19 février 2024 par la quatrième chambre présidée par
M. Charpy, président de chambre, et composée de MM. Tournier, Courtois,
Frentz, Chatelain et Michelet, conseillers maîtres, ainsi que de M. Jourdan,
conseiller référendaire, en tant que rapporteur, et de M. Spilliaert, conseiller
maître, en tant que contre-rapporteur.
6
LE CONTRÔLE BUDGÉTAIRE AU MINISTÈRE DES ARMÉES : PREMIER BILAN DE L’EXPÉRIMENTATION
Le comité du rapport public et des programmes de la Cour des comptes, composé de
M. Moscovici, Premier président, M. Rolland, rapporteur général du comité, M. Charpy,
Mme Camby, Mme Démier, M. Bertucci, Mme Hamayon, M. Meddah et Mme Mercereau,
présidentes et présidents de chambre de la Cour, M. Strassel, M. Lejeune, M. Serre,
Mme Daussin-Charpantier, Mme Renet et Mme Bonnafoux, présidentes et présidents
de chambre régionale des comptes, ainsi que M. Gautier, Procureur général, a été
consulté sur le projet d’audit le 27 février 2024. Le Premier président en a approuvé la
publication le 23 avril 2024.
Les rapports publics de la Cour des comptes sont accessibles en ligne sur le site internet
de la Cour et des chambres régionales et territoriales des comptes :
www.ccomptes.fr
COUR DES COMPTES
7
SYNTHÈSE
Une expérimentation qui donne des résultats, mais dont les facteurs clés
de succès doivent être confortés dans la durée
En 2022 et en 2023, la direction des affaires financières du ministère des armées
(DAF) a assuré avec volontarisme l’internalisation du contrôle budgétaire,
auparavant effectué par le contrôleur budgétaire et comptable ministériel
(CBCM). L’audit flash réalisé par la Cour montre que la mission a été reprise avec
efficacité par le ministère des armées : les délais de contrôle, les échanges avec
les gestionnaires et le volume des observations formulées sont comparables à
ce qu’ils étaient avant l’expérimentation. Il montre également, sur l’échantillon
représentatif de 25 dossiers examinés par la Cour, que le contrôle
a priori
effectué
par la DAF est de qualité.
Il convient à présent de conforter les facteurs qui ont permis ces résultats. Le
premier tient à l’existence d’un effectif de contrôleurs budgétaires suffisant, en
nombre et en compétences, pour assurer la mission. Le transfert en 2022 des agents
servant auparavant auprès du CBCM avait grandement contribué à la réussite de
l’expérimentation. La plupart d’entre eux ayant changé d’affectation et certains
bureaux de la DAF en charge du contrôle budgétaire souffrant de sous-effectifs, il
est impératif d’affecter les moyens humains nécessaires à cette mission. Le second
facteur repose sur la confiance entre les acteurs de la chaîne budgétaire. De ce
point de vue, la mise à jour du protocole liant le ministère des armées au ministère
chargé des comptes publics est important car il doit être l’occasion d’alléger le
formalisme de la documentation demandée par la direction du budget, d’ouvrir aux
agents de la DAF les formations et les réunions d’échanges destinées aux équipes
des CBCM et de rétablir le lien entre le contrôle budgétaire relevant désormais de
la DAF du ministère des armées et le contrôle comptable relevant de la DGFiP. Il
conviendra aussi de traiter la question de l’organisation du contrôle budgétaire
des opérateurs relevant du ministère des armées, qui est toujours réalisé par
le CBCM, ce qui ne paraît pas viable à terme. Dans ces conditions, la poursuite
de l’expérimentation en 2024 doit être l’occasion d’étudier ce que pourrait être
l’organisation optimale pour le contrôle budgétaire des opérateurs.
Avant d’envisager de pérenniser la nouvelle organisation, il conviendra d’effectuer
un bilan de l’expérimentation en 2024, comme le prévoit d’ailleurs l’avenant au
protocole du 8 janvier 2024 liant le ministère des armées au ministère chargé des
comptes publics. Si l’internalisation du contrôle budgétaire à la DAF était confirmée,
il serait utile de prévoir une clause de réexamen dans cinq ans, afin de tirer un retour
d’expérience qui pourrait aussi bénéficier aux autres ministères qui envisageraient
également de se voir déléguer le contrôle budgétaire exercé par leur CBCM. Sur
ce point, l’expérience du ministère des armées montre qu’une direction financière
puissante et correctement dotée en personnels qualifiés constitue un prérequis à
la réussite de l’internalisation du contrôle budgétaire au sein des ministères.
8
LE CONTRÔLE BUDGÉTAIRE AU MINISTÈRE DES ARMÉES : PREMIER BILAN DE L’EXPÉRIMENTATION
Renforcer les contrôles et préparer les gestionnaires publics à faire face à une
responsabilisation accrue
Le renforcement des contrôles doit concerner en premier lieu les principales
zones de risques budgétaires : la soutenabilité des investissements pluriannuels,
la gestion du reste à payer qui en résulte, et la maîtrise de la masse salariale. Il
suppose que la DAF poursuive les actions engagées afin de mieux maîtriser la
soutenabilité budgétaire, mais aussi qu’elle s’appuie sur les entités du ministère
disposant de la meilleure expertise en la matière  : la direction des ressources
humaines du ministère des armées (DRHMD) et la direction générale de
l’armement (DGA). Ainsi il paraît souhaitable que la DAF continue de s’appuyer
sur la DRHMD pour le contrôle de certains actes budgétaires de masse salariale.
De même, le rehaussement à 100 M€ du seuil de contrôle
a priori
des actes du
programme budgétaire 146 « équipement des forces » constitue une délégation
de fait du contrôle à la DGA, qui a dû renforcer en conséquence son contrôle
interne financier.
Le renforcement des contrôles doit aussi se matérialiser par une amélioration
qualitative des contrôles
a posteriori
, notamment en examinant les suites données
par les gestionnaires aux observations des contrôles
a priori
qui concernent environ
le tiers des actes visés. Il est aussi nécessaire que la direction du budget s’organise
pour auditer le contrôle budgétaire effectué pour son compte, notamment par la
DAF au ministère des armées.
L’expérimentation de l’internalisation du contrôle budgétaire au sein de la DAF
s’inscrit dans la logique de l’organisation budgétaire mise en place par la loi
organique relative aux lois de finances (LOLF) du 1
er
août 2001 dont l’esprit visait à
renforcer la responsabilité des gestionnaires publics. Cette expérimentation n’est
pas sans conséquence sur le nouveau régime de responsabilité des gestionnaires
publics entré en vigueur en 2023. Au titre de son autorité fonctionnelle, la DAF
doit accompagner les gestionnaires dans les actions qu’ils doivent mettre en
place, notamment en matière de contrôle interne financier, pour préserver leur
responsabilité. Ceci concerne plus particulièrement les domaines qui, du fait
du caractère pluriannuel des projets, présentent le plus de risques en matière
de soutenabilité budgétaire  : les responsables des budgets opérationnels de
programme (BOP) du programme 146 d’équipement des forces à la direction
générale de l’armement (DGA), du programme 178 de préparation et d’emploi
des forces à l’état-major des armées (EMA), dans les états-majors d’armées et
les directions et services interarmées (DSIA), ainsi que le BOP relevant du service
d’infrastructure de la défense (SID) du programme 212 de soutien de la politique
de défense. Il est dès lors indispensable que les gestionnaires publics répondent
systématiquement par écrit aux observations formulées lors du contrôle
budgétaire
a priori
, en précisant les actions éventuelles qu’ils ont mises en place,
charge à la DAF de leur faire un retour sur le caractère adéquat de la réponse.
COUR DES COMPTES
9
Conclusions principales de l’audit
1. Le ministère des armées, de par son poids financier et les effets de la loi
de programmation militaire, représente un enjeu majeur de soutenabilité
budgétaire pour l’État. Ainsi le reste à payer à fin 2023 de la mission défense
(c’est-à-dire les engagements pris avant fin 2023 notamment sur les
investissements pluriannuels (armement, maintenance, infrastructures, etc.)
qui vont nécessiter des crédits de paiement dans les années à venir) s’élevait à
97,4 Md€ (contre 90,7 Md€ à la fin de 2022). La masse salariale du titre 2, pour
environ 265 000 emplois civils et militaires, représentait 22,3 Md€ de crédits
de paiement en 2023 (contre 21,5 Md€ en 2022).
2. L’audit effectué par la Cour des comptes lors de son instruction, sur un
échantillon représentatif de dossiers, montre que l’internalisation du contrôle
budgétaire au sein de la DAF du ministère des armées, expérimentée depuis
2022, donne de bons résultats, en termes de continuité du service et de qualité
du contrôle notamment.
3. Le transfert des agents du CBCM à la DAF en 2022 a favorisé ce résultat.
Il convient à présent de maintenir dans la durée l’effectif nécessaire à cette
mission, en nombre et en compétences.
4. Le bilan de l’expérimentation en 2024 devra être effectué avant de décider
une éventuelle pérennisation de la nouvelle organisation. Ce bilan doit être
l’occasion de revoir le formalisme des documents demandés par la direction
du budget, de cadrer les échanges entre la DGFiP et le ministère des armées
et d’examiner l’organisation du contrôle budgétaire des opérateurs. En cas de
pérennisation de cette délégation du contrôle budgétaire, il serait souhaitable
de prévoir une clause de réexamen dans cinq ans.
5. Compte tenu de l’entrée en vigueur du nouveau régime de responsabilités
des gestionnaires publics et de la responsabilisation accrue des ordonnateurs
qui résulte de l’allègement du contrôle budgétaire, les chaînes de contrôle
interne doivent être renforcées en particulier au sein de l’état-major des
armées, responsable de l’ensemble des budgets opérationnels de programme
du programme 178, et du service d’infrastructure de la défense pour le budget
opérationnel de programme dédié aux infrastructures du programme 212.
10
LE CONTRÔLE BUDGÉTAIRE AU MINISTÈRE DES ARMÉES : PREMIER BILAN DE L’EXPÉRIMENTATION
RECOMMANDATIONS
• Recommandation 1
Réduire le formalisme documentaire demandé à la
direction des affaires financières par la direction du
budget et fixer les relations articulant le contrôle
budgétaire relevant désormais de la direction des
affaires financières et le contrôle comptable relevant de
la direction générale des finances publiques (
ministère de
l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle
et numérique, ministère des armées
).
• Recommandation 2
Réaliser un bilan de l’expérimentation fin 2024 et
examiner l’opportunité d’une délégation du contrôle
budgétaire des opérateurs à la direction des affaires
financières du ministère des armées ; prévoir en cas de
pérennisation de la nouvelle organisation une clause
de revoyure dans cinq ans (
ministère de l’économie, des
finances et de la souveraineté industrielle et numérique,
ministère des armées
).
• Recommandation 3
Mettre en place une structure d’audit permettant
à la direction du budget de s’assurer que le contrôle
budgétaire réalisé pour son compte est effectué
conformément à ses directives et de façon homogène au
sein des différents ministères (
ministère de l’économie,
des finances et de la souveraineté industrielle et
numérique, ministère des armées
).
COUR DES COMPTES
11
INTRODUCTION
Le ministère des armées s’est inscrit dans la démarche d’allègement du contrôle
budgétaire et de responsabilisation des gestionnaires publics initiée depuis 2018
par le comité interministériel à la transformation publique (CITP). Cela s’est
traduit notamment par le relèvement des seuils de contrôle
a priori
sur les actes
d’engagements budgétaires en 2019, la création d’un document de programmation
unique (DPU) à la place des deux documents préexistants, ainsi que la mise à
disposition en ouverture de gestion de 75
% des crédits, contre 25
% précédemment
en 2020 et un nouveau rehaussement des seuils en 2021. À cet effet, le décret
2018-803 du 24 septembre 2018 modifiant le décret n°
2012-1246 du 7 novembre
2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique (GBCP) a permis de déroger
à certaines dispositions par voie expérimentale.
Dans ce contexte, le ministère des armées a engagé en 2022 et en 2023 une expéri-
mentation visant à internaliser au sein de la direction des affaires financières (DAF) les
activités de contrôles budgétaires auparavant effectuées par le contrôleur budgétaire
et comptable ministériel (CBCM), à l’exception de celles relatives aux opérateurs sous
tutelle du ministère. Cette démarche répond à la
« volonté de réforme structurelle
de l’organisation financière au sein des ministères  »
exprimée par le 5
ème
comité
interministériel à la transformation publique du 5 février 2021. Elle est régie par l’arrêté
ministériel du 22 décembre 2021 portant expérimentation relative à l’organisation,
au fonctionnement et aux missions des acteurs en charge de la gestion et du contrôle
budgétaire et par le protocole signé par le ministre des armées et par le ministre chargé
des comptes publics le 9 décembre 2021.
Cette expérimentation, qui se poursuit en 2024, porte sur des masses financières
importantes : 54,8 Md€ de crédits de paiement ont été consommés sur la mission
budgétaire
Défense
en 2023. Elle intervient sur un domaine des dépenses publiques qui
présente des risques importants de soutenabilité budgétaire du fait des engagements
pluriannuels pris pour le financement de l’équipement des forces. Ainsi, à la fin
de l’année 2022, les restes à payer
2
sur la mission budgétaire
Défense
s’élevaient à
92 Md€. Enfin cette expérimentation s’inscrit dans la logique de l’organisation
budgétaire mise en place par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) du
1
er
août 2001, dont l’esprit visait à renforcer la responsabilité des gestionnaires publics.
Réalisé au dernier trimestre 2023 auprès du ministère des armées et du ministère
chargé des comptes publics, le présent audit flash a pour objet de dresser un premier
bilan de cette expérimentation. Il s’est notamment appuyé sur un contrôle sur
pièces portant sur un échantillon représentatif de 25 contrôles
a priori
effectués
par la direction des affaires financières en 2022 et en 2023 dans le cadre de
l’expérimentation. Il dresse un premier bilan des résultats obtenus en matière de
qualité et de continuité du service (1) et présente les conséquences à en tirer pour
le maintien d’un niveau adéquat de contrôles en regard avec les risques et pour
les implications qui en résultent en termes de responsabilité des gestionnaires
publics (2). Il vise à aider les responsables publics à décider du meilleur parti à tirer
du prolongement de l’expérimentation en 2024 et à se prononcer ensuite sur une
éventuelle pérennisation de cette nouvelle organisation.
2. C’est-à-dire les autorisations d’engagement qui devront être couvertes par des crédits de paiement
ultérieurs.
12
LES AIDES DE LA CNAM À LA PRÉVENTION DES RISQUES PROFESSIONNELS : UNE EFFICACITÉ NON DÉMONTRÉE
I - DES RÉSULTATS ENCOURAGEANTS À RENFORCER
EN TERMES DE CONTINUITÉ ET DE FLUIDITÉ DU SERVICE
A - Un contrôle budgétaire repris avec
efficacité par la direction des affaires
financières du ministère des armées
1 - Un important périmètre d’activités
de contrôle transférées et des mesures
adéquates prises pour assurer
la séparation des tâches
La définition du contrôle budgétaire est
précisée dans l’article 87 du décret GBCP du
7 novembre 2012 qui dispose :
«  Le contrôle budgétaire est exercé, sous
l'autorité du ministre chargé du budget, par
un contrôleur budgétaire.
Ce contrôle porte sur l'exécution des lois
de finances et a pour objet d'apprécier le
caractère soutenable de la programmation,
effectuée en application de l'article 66,
et de la gestion en cours, au regard des
autorisations budgétaires, ainsi que la qualité
de la comptabilité budgétaire. Il concourt, à
ce titre, à l'identification et à la prévention
des risques encourus, ainsi qu'à l'analyse des
facteurs explicatifs de la dépense et du coût
des politiques publiques ».
Au titre de l’expérimentation conduite en 2022
et en 2023, le contrôle budgétaire transféré du
contrôleur budgétaire et comptable ministériel
(CBCM) à la direction des affaires financières
du ministère des armées (DAF) porte sur
l’ensemble du budget des missions
Défense
et
Anciens combattants
, sur le programme 191
«  recherche duale  »
, le budget opérationnel
de programme
«  défense  »
du programme
723
«  opérations immobilières et entretien
des bâtiments de l’État  »
ainsi que sur les
comptes de commerce 901
«  approvisionne-
ment de l’État et des forces armées en produits
pétroliers, biens et services complémentaires »
et 902
« exploitations industrielles des ateliers
aéronautiques de l’État  »
. Le CBCM conserve
le contrôle budgétaire des opérateurs rattachés
au ministère des armées, ainsi que les postes
d’administrateurs correspondants.
Le contrôle budgétaire vise à garantir la qualité
comptable et la soutenabilité des opérations
lors
de
l’engagement
des
autorisations
d’engagement (AE) et lors de l’affectation
des crédits de paiement (CP). Il se matérialise
par des opérations de contrôle
a priori
des
opérations concernées qui débouchent sur
un visa, sur un visa avec observation ou sur
un refus de visa. Les seuils rendant le visa
obligatoire pour les opérations hors masse
salariale ont fortement augmenté au cours
des années récentes, notamment pour le
programme budgétaire 146
« équipement des
forces »
, comme le rappelle le tableau ci-après.
Ces seuils s’entendent au niveau de l’ensemble
d’un marché, qu’il soit pluriannuel ou constitué
d’une
succession
d’actes
individuels
d’un
montant inférieur aux seuils.
COUR DES COMPTES
13
L’activité de contrôle budgétaire concerne
aussi
les
documents
de
programmation
budgétaire : le document prévisionnel unique
(DPU) pour les dépenses hors masse salariale
et le document prévisionnel de gestion des
emplois et crédits de personnels (DPGECP)
pour la masse salariale en début d’année, ainsi
que leur actualisation ultérieure
via
les deux
comptes rendus de gestion (CRG) de juin et
de septembre. Ces contrôles apprécient la
soutenabilité budgétaire et la qualité de la
programmation. Ils débouchent sur une note
d’avis, favorable, favorable avec réserve ou
défavorable, transmise à la direction du budget.
Le contrôle budgétaire transféré à la DAF est
délégué par le ministère chargé des comptes
publics, qui reste responsable de la préparation
des lois de finances ainsi que des lois de fin de
gestion et d’approbation des comptes.
Lorsque la DAF a repris ces activités auparavant
exercées par le CBCM, elle les a affectées à
des bureaux spécifiques du service
« synthèses
et pilotage budgétaire  »
  : SPB3
«  exécution
budgétaire  »
pour le contrôle des documents
de programmation et SPB5
«  conformité et
maîtrise budgétaire  »
pour les activités de
contrôle
a priori
sur les opérations hors masse
salariale. Ceci permet une séparation des tâches
effective avec la sous-direction
« déterminants
de la dépense et performance »
, qui assure la
gestion budgétaire du programme 212, dont
le responsable de programme est le secrétaire
général pour l’administration, supérieur direct
de la directrice des affaires financières. Dans
la même logique, la séparation des tâches est
effectuée par rapport aux autres bureaux de la
DAF qui assurent la préparation des dossiers en
vue de leur présentation au sein des organes
de gouvernance : la commission d’examen des
investissements
4
(CEI) et le comité financier
interministériel
5
(COFIN).
Tableau n° 1 : évolution des seuils de déclenchement du contrôle
a priori
Source : Cour des comptes à partir des données de l’administration
En M€
Seuils en 2013
Seuils en 2022 et 2023
Programme 144
Titre 3
: 7 M€
Titre 5
: 5 M€
Titre 6
: 0,5 M€
10 M€
Programme 146
100 M€
Programme 178
14M€
3
ou 7 M€
Programme 212
7 M€
3. Le seuil de 14 M€ s’applique pour le programme 178 aux opérations exécutées par la direction de la maintenance
aéronautique, le service de soutien de la flotte, la plateforme du commissariat de Rambouillet et le service de l’exécution
financière, de la gestion logistique des biens et de la comptabilité de la direction générale de l’armement  : sont
particulièrement concernés les marchés de maintenance.
4. Instance interne au ministère des armées qui prépare les réunions du comité ministériel d’investissement pour valider
les décisions majeures d’investissement.
5. Instance de gouvernance associant le ministère des armées et la direction du budget.
14
LES AIDES DE LA CNAM À LA PRÉVENTION DES RISQUES PROFESSIONNELS : UNE EFFICACITÉ NON DÉMONTRÉE
À l’occasion des contrôles sur pièces conduits
sur un échantillon de contrôles
a priori
, il n’a
pas été repéré de situations où cette séparation
des tâches aurait été mise en défaut par de
potentiels conflits d’intérêts pouvant résulter
des différentes responsabilités de la DAF et de
son rattachement au secrétaire général pour
l’administration.
2 - Un processus adapté pour le contrôle
budgétaire de la masse salariale
Afin de tenir compte de la complexité
6
et de la
sensibilité
7
de la masse salariale du ministère
des armées, l’organisation mise en place
pour le contrôle budgétaire repose sur une
coopération étroite entre la DAF et la direction
des ressources humaines de ce ministère
(DRHMD) à qui est déléguée une partie des
tâches du contrôle.
Un
bureau
PRH7
« 
mission
de
contrôle
budgétaire  »
a été créé au sein du service
«  politique RH  »
de la DRHMD afin de servir
de guichet unique à l’ensemble des dossiers
de masse salariale soumis au contrôle
a priori
.
Ensuite, le contrôle lui-même est effectué, soit
par le bureau SPB4
« synthèse ministérielle de
la masse salariale  »
de la DAF, pour les actes
collectifs ou les actes individuels susceptibles
d’avoir un impact significatif sur la masse
salariale, soit par le cabinet du secrétaire général
pour l’administration pour les actes individuels
du personnel du cabinet du ministre, soit par le
bureau PRH7 pour les autres actes individuels.
Par ailleurs, la programmation budgétaire et le
suivi de l’exécution de la masse salariale sont
préparés par les bureaux PRH2
«  synthèse et
pilotage des effectifs »
et PRH5
« synthèse et
pilotage de la masse salariale »
de la DRHMD,
qui soumettent ensuite pour visa le document
prévisionnel de gestion des emplois et des
crédits de personnel (DPGECP) au contrôle
du bureau SPB4
« synthèse ministérielle de la
masse salariale »
de la DAF.
Les contrôles sur pièces conduits sur un
échantillon d’actes lors du contrôle de la Cour
n’ont pas révélé d’anomalie dans les opérations
de contrôle de la DAF. En outre, la fluidité des
relations entre les bureaux SPB4 et PRH7 est
actuellement facilitée par le fait que le chef de
bureau de PRH7 à ce jour en poste est l’ancien
adjoint au chef de bureau de SPB4. Ainsi,
cette organisation, en apparence complexe,
paraît pertinente car elle permet d’utiliser les
compétences rares nécessaires au contrôle là où
elles se trouvent. Une organisation alternative
consistant à confier l’ensemble des activités de
contrôle budgétaire au bureau SPB4 de la DAF
risquerait d’engorger ce bureau au détriment
de la qualité des contrôles, et nécessiterait
des échanges importants avec la DRHMD sur
les sujets les plus complexes. L’organisation
actuelle mérite donc d’être maintenue.
3 - Des délais respectés et une qualité
maintenue du contrôle budgétaire
Le tableau ci-après montre que les délais
de réalisation des contrôles budgétaires
a
priori
réalisés par la DAF dans le cadre de
l’expérimentation sont restés comparables à
ce qu’ils étaient à l’époque où le contrôle était
effectué par le CBCM. Ils sont réalisés dans un
délai moyen inférieur aux 15 jours demandés.
6. Le ministère des armées dispose d’une grande variété de statuts civils et militaires, aux modalités de rémunérations
variées, avec une part importante de contractuels et un taux de rotation élevé qui font de lui le premier recruteur
de l’État.
7. Des effets « boule de neige » peuvent se produire sur les rémunérations en fonction de mesures de revalorisation
prises ailleurs dans l’État (par exemple au ministère de l’intérieur pour les militaires de la gendarmerie nationale)
qui créent une attente légitime chez les personnels du ministère des armées.
COUR DES COMPTES
15
Cela montre que l’expérimentation a été
conduite dans des conditions satisfaisantes en
termes de fluidité du contrôle, dans un contexte
marqué par la croissance du budget du ministère
des armées et donc de la masse des opérations
à contrôler. Ce constat est corroboré par les
responsables de programme.
Sur les actes soumis au contrôle
a priori
, la
part des visas avec observations est de 34
%
des actes visés sur les neuf premiers mois de
2023 et de 32
% sur l’année 2022, à comparer
aux 35
% observés en 2021 lorsque le contrôle
relevait du CBCM. Le même constat de qualité
du contrôle peut être formulé s’agissant de la
masse salariale, pour laquelle il y a eu 95 visas
en 2022 dont 23 avec observations, et 65 sur
les neuf premiers mois de 2023, dont 38 avec
observations.
Il n’y a pas eu de refus de visa en 2022 et en
2023. La DAF est en effet parvenue, grâce
aux échanges avec les ordonnateurs, à des
solutions permettant l’octroi du visa. Cette
pratique n’est pas nouvelle et les refus de visa
étaient devenus très rares lorsque le contrôle
était effectué par le CBCM car les éléments
posant difficultés trouvaient généralement
une solution satisfaisante après échange avec
les ordonnateurs.
Tableau n° 2 : délais moyens observés pour les opérations de contrôles
a priori
Tableau n° 3 : résultats des contrôles
a priori
hors masse salariale
Source : direction des affaires financières
Source : direction des affaires financières
En jours
2021
2022
2023 (8 mois)
Hors masse salariale
5 jours
Masse salariale
8,5jours
8
5 jours
5 jours
6 jours
6 jours
En jours
2021
2022
2023 (9 mois)
Nombre actes visés
1 019
1 227
800
Dont suspensions
148
52
61
Dont observations
357
394
274
8. 98 % des actes ont été visés en moins de 15 jours. L’augmentation du délai moyen constaté en 2023 est liée
à des suspensions, pour obtenir des informations complémentaires, qui étaient nécessaires.
En outre, le tableau ci-après montre que ces
contrôles
a priori
hors masse salariale se sont
traduits par un nombre conséquent de visas avec
observations (résultant de la détection d’une
anomalie) et de visas avec suspension (assortis
de demandes de précisions complémentaires
pour poursuivre le contrôle). Les contrôles sont
donc de qualité et ont bien permis de détecter des
anomalies, ce qui est confirmé par les contrôles
sur pièces effectués lors de l’audit flash.
16
LE CONTRÔLE BUDGÉTAIRE AU MINISTÈRE DES ARMÉES : PREMIER BILAN DE L’EXPÉRIMENTATION
Pour relever cet enjeu majeur, plusieurs mesures
doivent être envisagées :
arbitrer les allocations de ressources au sein
du secrétariat général pour l’administra–
tion, afin que les besoins des bureaux
en charge du contrôle budgétaire soient
rendus prioritaires lors des sorties d’instituts
régionaux d’administration ;
obtenir de la direction du budget que les
agents bénéficient de la formation continue
adéquate et du même niveau d’information et
d’échanges que leurs collègues qui œuvrent
auprès des CBCM des autres ministères,
ce qui favoriserait aussi l’émergence d’une
communauté de contrôleurs budgétaires
au niveau de l’État. Une première réunion
de travail visant à avancer sur ce point s’est
tenue le 19 janvier 2024 ;
valoriser le travail de contrôle budgétaire
effectué par une plus grande implication de la
hiérarchie pour obtenir que les observations
formulées soient suivies d’effets, notamment
en termes d’adaptation du contrôle interne
financier.
B - Un enjeu majeur : renforcer
les ressources humaines pour
consolider ces résultats dans la durée
La mission de contrôle budgétaire repose
sur un effectif limité, mais compétent, dans
la mesure où des agents qui exerçaient
auparavant cette mission auprès du CBCM
ont été mutés à la DAF. Ils ont joué un rôle
décisif pour assurer la continuité et la fluidité
du contrôle, en faisant bénéficier la DAF de
leurs compétences, de leurs méthodes et de
leurs procédures. Ainsi, cinq agents servant
auprès du CBCM ont rejoint début 2022 le
bureau SPB5 de la DAF et trois autres le
bureau SPB4.
Néanmoins, l’évolution de carrière des agents
a entraîné des départs  : début novembre
2023, il ne restait plus que trois de ces agents
au bureau SPB5 et aucun à SPB4.
Il importe de maintenir dans la durée, en
nombre et en compétences, le volume d’agents
nécessaires à la mission de contrôle budgétaire,
afin de confirmer en 2024 les résultats obtenus
en 2022 et 2023 et de pouvoir envisager
à terme de pérenniser le dispositif. Or le
tableau ci-dessous montre qu’à la suite des
départs, les effectifs des bureaux concernés
étaient insuffisants début novembre 2023,
particulièrement pour le bureau SPB5 au cœur
du dispositif.
Tableau n° 4 : effectif total des bureaux de la DAF traitant du contrôle budgétaire
Source : DAF du ministère des armées (situation au début du mois de novembre 2023)
Nombre d’agents
Effectif théorique
Effectif réel
Écart
Bureau SPB3
10
9
-1
Bureau SPB4
12
9
-3
Bureau SPB5
7
3
-4
COUR DES COMPTES
17
C - Une relation à fluidifier avec la
direction du budget et avec certains
responsables de programme
1 - Une transmission de documents
à la direction du budget, en retrait par
rapport aux exigences du protocole
conclu par les deux ministères
Conclu le 9 décembre 2021 entre le ministre
des armées et le ministre chargé des comptes
publics, le protocole régissant l’expérimentation
prévoyait, dans son annexe 3, la transmission
par la DAF, à la direction du budget, d’un certain
nombre de documents. Il s’agissait de fournir à
la 5
ème
sous-direction de la direction du budget
une information équivalente à celle qu’elle
obtenait auparavant du CBCM, qu’elle pouvait
ensuite facilement interroger pour demander
des précisions complémentaires.
Même si l’important travail de synthèse de la
DAF est reconnu et facilite les travaux de la
direction du budget et qu’entre l’une et l’autre
les relations de travail sont bien établies, la
direction du budget a relevé que l’ensemble
de la documentation prévue au protocole
ne lui avait pas été fournie en temps et en
heure et qu’elle ne disposait pas toujours de
l’information nécessaire à ses travaux. Tel est
le cas notamment :
du plan prévisionnel des actes de gestion,
actualisé deux fois par an, qui décrit, par
gestionnaire et par grade, les prévisions
mensuelles de recrutement et d’avancement
pour l’année en cours et l’année suivante,
fourni en 2022, mais pas en 2023 ;
de la programmation initiale actualisée
lors du premier compte rendu de gestion,
transmise dans sa version complète avec
retard en 2022 (le 13 juillet au lieu du 15 juin)
et en 2023 (le 6 juillet au lieu du 15 juin) ;
des
notes
d’analyses
trimestrielle
de
l’exécution, permettant une comparaison
entre la programmation et l’exécution, qui
n’ont pas été établies alors qu’elles sont
jugées indispensables par la direction du
budget.
Un groupe de travail réunissant les deux
directions a été mis en place afin d’établir un
nouveau protocole régissant de façon pérenne
leurs relations. Ce cadre de discussion devrait
être mis à profit pour alléger les exigences du
protocole, en supprimant les documentations
les moins utiles, pour améliorer la capacité
de la direction des affaires financières à
s’y conformer, et pour mettre en place des
mesures permettant une plus grande fluidité
dans la relation.
À ce titre, la direction du budget devrait pouvoir
interroger directement certains responsables
de programme budgétaire, ce qui y irait dans
le sens d’une plus grande responsabilisation de
ces derniers conformément à l’esprit de la LOLF.
Certains responsables de programme paraissent
en effet suffisamment armés pour entretenir
une relation directe avec la direction du budget,
notamment pour les dépenses d’investissement
du programme 146 et les dépenses de masse
salariale du programme 212.
2 - Une sollicitation forte des équipes
en charge des programmes d’armement
pour établir les documents de fin
de gestion 2023
Le programme 146 porte, avec les programmes
d’armement, la plus grande part des investisse–
ments du ministère des armées. Il s’agit de
projets technologiques complexes dont le
développement et la production s’étalent sur
plusieurs décennies, ce qui est source de grandes
difficultés pour la programmation et l’exécution
budgétaire. La direction générale de l’armement
18
LE CONTRÔLE BUDGÉTAIRE AU MINISTÈRE DES ARMÉES : PREMIER BILAN DE L’EXPÉRIMENTATION
a développé une expertise rare, y compris sur
les aspects budgétaires, pour pouvoir conduire
ces programmes d’armement qui représentent
un enjeu majeur pour le ministère.
Pour autant, en 2023, les travaux de fin de
gestion qui nécessitaient l’émission par la
DAF d’une note d’avis sur le compte-rendu
de gestion (CRG2), ont été perçus comme
particulièrement lourds par les équipes du
responsable du programme 146 d’équipement
des forces. Ils estiment avoir été sollicités
davantage que d’habitude pour préparer et
modifier les documents en appui du compte
rendu de gestion. En effet, la DAF a dû
pleinement s’approprier son rôle de contrôle, ce
qui l’a conduite à soumettre aux responsables
de programme des questions concernant les
documents qu’ils avaient préparés afin d’être en
mesure de donner une assurance suffisante à la
direction du budget sur l’effectivité du contrôle
effectué. Disposant d’une vision très large des
enjeux financiers et budgétaires du ministère,
elle peut être amenée à poser davantage de
questions que ne l’aurait fait le CBCM.
Les contrôles
a priori
effectués par la DAF
sur les actes du programme 146 ont été
néanmoins jugés satisfaisants, tant dans la
fluidité des échanges entre les équipes que
dans la transmission des observations, en vue
de leur prise en compte par le contrôle interne
financier. Cette transition aisée a été facilitée
par le transfert des équipes du CBCM aux
bureaux de la DAF pour assurer la continuité
du service. Par ailleurs, l’acculturation de la
DAF aux particularités du programme 146
est reconnue, ce qui lui permet de remplir
efficacement sa mission sur les avis de
programmation. Enfin, l’expérimentation a
été l’occasion pour la DAF de moderniser le
contrôle du document de programmation
unique (DPU) et des comptes rendus de gestion
(CRG) par le déploiement d’outils d’analyse
des données (
Data Qliksense
) qui font gagner
du temps et sécurisent les analyses.
Il n’en demeure pas moins que le niveau de
fluidité attendu de l’expérimentation n’est
pas encore au rendez-vous et qu’il convient
d’en tirer les leçons. Cela suppose d’accroître
le niveau de coopération et de confiance
entre les acteurs, ce qui, là aussi, pourrait
être favorisé par la possibilité laissée à la
direction du budget d’échanger directement
avec certains responsables de programmes.
Une telle pratique permettrait une meilleure
fluidité de l’information, réduirait la perception
d’asymétrie de l’information entre les acteurs
et diminuerait, au niveau de la DAF, le risque de
« contrôle excessif », conséquence de la crainte
de paraître en retrait de ce que souhaite la
direction du budget en matière de contrôle.
D - Les perspectives après deux ans
d’expérimentation
1 - Une relation à rétablir entre le contrôle
budgétaire et le contrôle comptable
Lorsque le contrôle budgétaire était assuré
par le CBCM, celui-ci pouvait faire jouer à plein
les synergies entre le contrôle comptable et
le contrôle budgétaire. Dans certains cas, les
travaux du contrôle comptable pouvaient
apporter des éléments utiles au contrôle
budgétaire
en
permettant
une
meilleure
compréhension du sous-jacent des opérations
concernées. Dans d’autres cas, les anomalies
détectées lors du contrôle budgétaire, en
particulier celles qui entraînaient un refus de
visa, pouvaient être prises en compte par le
contrôle comptable pour bloquer le paiement
des opérations concernées.
L’internalisation du contrôle budgétaire au
sein de la DAF a fait perdre le bénéfice de ces
synergies. Certes, les informations disponibles
dans
Chorus
permettent
au
contrôleur
COUR DES COMPTES
19
budgétaire et au contrôleur comptable d’avoir
une certaine connaissance des travaux de
l’autre. Par ailleurs des liens informels ont été
conservés entre les équipes, notamment grâce
aux agents provenant des équipes du CBCM
qui servent désormais à la DAF. Toutefois,
cette
situation
ne
saurait
être
regardée
comme satisfaisante car elle repose en partie
sur des liens
intuitu personae
qui risquent de
se distendre avec le temps.
S’il n’y a pas eu de refus de visa en 2022 et 2023
lors du contrôle budgétaire réalisé par la DAF,
les visas avec observations, qui représentent
environ un tiers des actes visés, hors masse
salariale, ainsi que les suites qui leur sont
données, devraient être systématiquement
transmis au CBCM afin qu’il puisse les prendre
en compte dans ces travaux de contrôle.
L’alimentation du contrôle budgétaire par le
contrôle comptable concerne en particulier
les sujets les plus complexes liés à l’application
des clauses des grands contrats d’armement
qui relèvent des opérations du programme
146 et présentent des risques importants
de soutenabilité budgétaire. Cette question
pourrait trouver un début de solution à travers une
délégation d’une partie du contrôle budgétaire à
la direction des plans programmes et budget de
la direction générale de l’arme–ment, qui peut
s’appuyer sur l’expertise du SEREBC. Mais une
telle disposition semble loin d’être suffisante.
Il paraît donc indispensable que les suites à
donner
à
l’expérimentation,
actuellement
discutées entre le ministère des armées et la
direction du budget, intègrent également la
direction générale des finances publiques pour
les sujets touchant aux conséquences sur le
contrôle comptable de la réorganisation du
contrôle budgétaire. Il convient de s’entendre
sur les modalités futures d’un niveau suffisant
d’échanges entre le contrôle budgétaire et le
contrôle comptable pour que les deux activités
se nourrissent mutuellement.
2 - Une expérimentation menée à terme
grâce à la maturité de la direction
financière du ministère des armées
L’article 1
er
de l’arrêté du 22 décembre 2021
portant expérimentation relative à l’organi–
sation, au fonctionnement et aux missions des
acteurs en charge de la gestion et du contrôle
budgétaire, incluait plusieurs ministères  :
le
ministère
de
la transition
écologique,
le ministère des armées, le ministère de
l’intérieur et le ministère de la mer. Dans les
faits, l’expérimentation de l’internalisation du
contrôle budgétaire au sein de la direction
financière des ministères concernés n’a été
conduite qu’au ministère des armées et, sur
un périmètre beaucoup plus restreint avant
d’être arrêtée, au ministère de la transition
écologique. Le ministère des armées est donc
seul à poursuivre l’expérimentation en 2024 et
à envisager de pérenniser cette organisation.
Cette dernière décision ne devra être prise
qu’après avoir dressé le bilan de la poursuite
de l’expérimentation en 2024.
Le ministère des armées remplissait en effet
trois facteurs clés permettant d’augurer la
réussite d’une telle expérimentation. D’abord,
il disposait d’une DAF bien structurée, dotée de
ressources humaines suffisantes en quantité
9
et en qualité et jouant un rôle important. En
particulier, depuis 2014, la DAF exerce une
autorité fonctionnelle renforcée sur la fonction
financière du ministère des armées, qui lui offre
un accès large aux informations financières et
un droit de regard sur le fonctionnement de
9. Environ 230 personnes travaillent à la DAF en 2023.
20
LE CONTRÔLE BUDGÉTAIRE AU MINISTÈRE DES ARMÉES : PREMIER BILAN DE L’EXPÉRIMENTATION
l’ensemble des services financiers du ministère.
Elle a également contribué à la mise en place
d’un contrôle interne financier plus développé
qu’ailleurs, même si, comme l’a déjà souligné la
Cour dans ses notes d’évaluation du contrôle
interne ministériel, il demeure perfectible pour
la couverture des risques de soutenabilité
budgétaire.Enfin,le fonctionnement budgétaire
très centralisé du ministère des armées facilitait
la mise en œuvre de l’expérimentation.
Le fait que le ministère des armées se trouve
seul aujourd’hui à avoir internalisé le contrôle
budgétaire emporte deux conséquences. D’une
part, de sa réussite dépend l’élargissement
potentiel de cette organisation à d’autres
ministères qui pourront bénéficier de son retour
d’expériences. De ce point de vue, s’il était
décidé de pérenniser la nouvelle organisation
au ministère des armées à l’issue de la
poursuite de l’expérimentation en 2024, une
clause de réexamen dans cinq ans serait utile.
D’autre part, il est important que sa position
singulière ne l’isole pas du réseau des CBCM qui
continueront, partout ailleurs, à exercer leurs
missions. Il faut donc organiser un système
dans lequel les agents du ministère des armées
en charge du contrôle budgétaire bénéficient
des formations, des réunions et de la diffusion
d’informations que la direction du budget met
en place, dans le cadre de son rôle d’animation
du réseau des contrôleurs budgétaires.
3 - Le contrôle budgétaire des opérateurs
exclu de l’expérimentation
Dans le cadre de l’expérimentation, le CBCM
auprès du ministère des armées conserve
un bureau de trois personnes en charge
du
contrôle
budgétaire
des
opérateurs
entrant dans son périmètre. Il s’agit de huit
opérateurs et de trois établissements n’ayant
pas le statut d’opérateur
10
pour lesquels
le CBCM exerce le contrôle budgétaire et
siège dans les organes de gouvernance en
tant qu’administrateur. Par ailleurs, le CBCM
exerce les fonctions d’administrateur au sein
de cinq autres opérateurs
11
, sans exercer le
contrôle budgétaire qui est effectué par des
CBCM en région, dans un contexte où le non
cumul des fonctions de contrôleur budgétaire
et d’administrateur ne facilite pas l’exercice
du contrôle. En effet, un contrôle efficace est
facilité par une bonne connaissance de l’entité
concernée, qui peut être acquise à travers
l’exercice des fonctions d’administrateur. Enfin,
d’autres opérateurs œuvrant pour le ministère
des armées échappent au contrôle budgétaire
du CBCM placé auprès de ce ministère : parmi les
principaux figurent le Commissariat à l’énergie
atomique
et
aux
énergies
renouvelables
(CEA) et le Centre national d’études spatiales
(CNES), dont la tutelle principale est assurée
par d’autres ministères et dont le contrôle
budgétaire relève des CBCM compétents sur
les missions budgétaires concernées.
Cette organisation n’est pas satisfaisante.
D’une part, le maintien auprès du CBCM
d’un bureau limité à trois personnes pour le
contrôle budgétaire des opérateurs n’est pas
viable à terme. Cette situation mobilise aussi
beaucoup de temps du CBCM pour exercer les
mandats d’administrateur, autrefois pris en
charge par le chef de la division du contrôle
10. Ces huit opérateurs sont l’Établissement de communication et de production audiovisuelle de la défense, l’Office
national des anciens combattants et des victimes de guerre, l’Institution nationale des Invalides, le Musée de l’armée,
le Musée de l’air et de l’espace, l’Ordre de la Libération, l’École Polytechnique et l’Institut polytechnique de Paris. À
ceux-ci, s’ajoutent trois organismes relevant du ministère des armées qui n’ont pas le statut d’opérateurs : l’Institution
de gestion sociale des armées (IGESA), l’Établissement public en charge de la gestion du fonds de prévoyance militaire
et du fonds de prévoyance aéronautique (EPFP) et l’Académie de la marine.
11. Il s’agit de des Écoles nationales supérieures des techniques avancées de Paris et de Bretagne, de l’École de l’air et
de l’espace, de l’École navale et de l’Institut supérieur de l’aéronautique et de l’espace.
COUR DES COMPTES
21
budgétaire. D’autre part, fruit de l’histoire,
l’organisation éclatée du contrôle budgétaire
des
opérateurs
et
des
établissements
œuvrant pour le ministère des armées n’est
pas de nature à permettre une appréhension
globale des risques budgétaires. Or ces
structures peuvent présenter des risques
significatifs, par exemple, en cas de mauvaise
gestion entraînant des pertes et un besoin de
recapitalisation, ou bien en cas de débudgé–
tisation de certaines dépenses, lorsque les
opérateurs financent des actions sur leur
substance, alors qu’elles relèvent du budget
du ministère des armées.
La question de l’organisation du contrôle
budgétaire des opérateurs doit donc être
traitée.
La
logique
de
l’expérimentation
conduite pourrait amener à évaluer si un
transfert à la DAF du contrôle des opérateurs
et des effectifs du CBCM affectés à cette
mission ne serait pas de nature à renforcer la
cohérence et l’efficacité globale du contrôle
budgétaire au sein du ministère des armées.
II - DES CONTRÔLES À RENFORCER AVANT DE PERENNISER
LA NOUVELLE ORGANISATION
A - Des contrôles à renforcer sur
les principales zones de risques
1 - La soutenabilité budgétaire
des investissements pluriannuels
Le ministère des armées est le premier
investisseur de l’État. Son action en faveur
de l’équipement des forces a consommé
23,7 Md€
12
de crédits de paiement en 2022 et
conduit à engager un volume très important
d’autorisations
d’engagement
sur
des
projets s’étalant sur de nombreuses années.
Dans ce contexte, le contrôle budgétaire,
désormais exercé par la DAF, doit porter une
appréciation sur la soutenabilité budgétaire
de ces investissements.
L’exercice ne pose pas de difficulté particulière
dans sa dimension annuelle car le contrôle
consiste, d’une part, à viser les documents
de
programmation
en
appréciant
leur
soutenabilité en regard des crédits votés par le
Parlement et, d’autre part, à effectuer un
contrôle
a priori
sur les actes en s’assurant
qu’ils sont bien prévus dans les documents de
programmation.
En revanche, le contrôle de la soutenabilité
budgétaire est beaucoup plus délicat dans sa
dimension pluriannuelle, qui constitue une
particularité propre au ministère des armées
du fait de la longue durée des projets et des
autorisations d’engagement pluriannuelles que
cela implique. Il en résulte un niveau très élevé
de restes à payer, qui s’élevaient à 97,4 Md€ à la
fin de 2023 (contre 90,1 Md€ à la fin de 2022),
montant en forte croissance par rapport aux
52 Md€ de la fin de 2017. Ce reste à payer
représentait, à la fin de 2022, l’équivalent de
3,1 années de ressources futures sur le pro–
gramme 146
13
(2,1 années sur le programme
178), en tenant compte de la trajectoire
budgétaire en croissance qu’a prévue la loi de
programmation militaire 2024-2030.
12. Chiffre correspondant au périmètre de l’agrégat « équipement » de la loi de programmation militaire.
13. Les restes à payer du programme 146 devraient atteindre 59,7 Md€ à la fin de 2023, soit l’équivalent de 3,5 années
de ressources futures de crédits de paiement.
22
LE CONTRÔLE BUDGÉTAIRE AU MINISTÈRE DES ARMÉES : PREMIER BILAN DE L’EXPÉRIMENTATION
Cette situation est à l’origine du principal risque
budgétaire pour la mission
Défense
, qui est
assorti de facteurs d’aggravation importants.
Ainsi, la dégradation de la situation des finan-
ces publiques fait peser un risque sur la capa-
cité de l’État à tenir la trajectoire budgétaire
ambitieuse de la loi de programmation mili-
taire. De même, le retour de l’inflation et les
difficultés à prévoir l’évolution d’indicateurs
macroéconomiques moins stables que par
le passé, constituent un défi pour estimer le
niveau des crédits de paiement nécessaires
pour apurer les autorisations d’engagement.
En effet, les marchés d’armement sous-jacents
sont sujets à des formules complexes de révi-
sion de prix, en fonction de l’évolution des
coûts des facteurs, eux-mêmes susceptibles
d’être affectés par l’inflation.
Le ministère des armées a déjà été confronté
en 2009 et en 2014 à la nécessité d’ajuster en
urgence à la baisse sa trajectoire de crédits
de paiement pour la rendre compatible avec
les ressources disponibles. Cela s’est traduit
par des annulations de commandes et des
reports de livraisons qui ont été dommagea-
bles pour l’équipement des forces et coûteuses
à moyen terme pour les finances publiques
en raison des dédits qu’il a fallu consentir
aux industriels. Cela illustre la façon dont le
risque budgétaire lié à un reste à payer élevé
et croissant peut se manifester s’il n’est pas
correctement maîtrisé.
Dans le passé récent, le ministère des armées
avait pu s’appuyer sur des éléments conjonc-
turels favorables pour gérer ce risque  :
inflation moins forte que prévu en 2019 et en
2020, retards de certains programmes d’arme-
ment pendant la crise sanitaire, permettant
de repousser la consommation de crédits
de paiement. Ce n’est plus le cas aujourd’hui
et il est donc nécessaire que le contrôle
budgétaire soit renforcé pour permettre une
meilleure appréhension du risque, laquelle
favorisera une prise de décision éclairée pour
ajuster la trajectoire de crédits de paiement
nécessaires à l’apurement du reste à payer.
La DAF a pris l’initiative en 2023 de mettre
en place des groupes de travail, associant la
direction générale de l’armement et l’état-
major des armées, pour traiter la question de
l’évolution des coûts des facteurs, celle de
l’impact des fondamentaux macroéconomi-
ques moins stables et du retour de l’inflation.
Cette initiative permettra à la DAF de conforter
ses compétences dans ce domaine, particuliè-
rement complexe pour l’exercice du contrôle
budgétaire, notamment pour apprécier la
soutenabilité d’un engagement.
Il paraît cependant nécessaire d’aller plus
loin en augmentant la connaissance fine
du contrôle budgétaire sur le sous-jacent
des programmes d’armement et l’ingénierie
contractuelle d’opérations qui se tradui-
sent par des autorisations d’engagement
pluriannuelles et des restes à payer. Cette
connaissance existe à un degré élevé au sein
de l’agence comptable des services industriels
de l’armement du département comptable
ministériel (DCM-ACSIA) relevant du CBCM
et, pour ce qui relève du programme 146,
au sein du service de l’exécution financière,
de la gestion logistique des biens et de la
comptabilité (SEREBC) de la direction des
plans programmes et budget de la direction
générale de l’armement.
Ayant
repris
les
fonctions
de
contrôle
budgétaire,la DAF ne peut s’appuyer sur l’ACSIA,
comme pouvait le faire dans le passé le CBCM.
Or, parmi les dépenses d’investissement, celles
qui touchent aux programmes d’armement
sont particulièrement complexes car elles
portent sur des projets technologiquement
COUR DES COMPTES
23
risqués qui s’étalent sur plusieurs décennies.
Dans un contexte marqué par la rareté des
ressources humaines hautement qualifiées,
aptes à maîtriser cette complexité, il paraît
illusoire de vouloir recréer complètement
cette compétence fine au sein de la DAF. Une
possibilité alternative pourrait consister à
déléguer une partie du contrôle budgétaire
des actes relevant du programme 146 à la
direction des plans programmes et budget de
la direction générale de l’armement, à l’image
de ce qui a été effectué pour certains actes
de masse salariale, où le contrôle budgétaire
s’appuie
en
partie
sur
la
direction
des
ressources humaines.
De fait, le rehaussement important des seuils
de contrôle
a priori
sur le programme 146
(100 M€ actuellement contre 5 M€ en 2013)
constitue déjà une forme de délégation,
puisque le contrôle des actes d’un montant
inférieur à 100 M€ repose sur le contrôle
interne financier de la direction générale de
l’armement. Le renforcement de ce contrôle
interne a été décidé avec la création d’une
mission
«  méthodes, métiers et contrôle
interne financier »
qui sera rattachée au futur
directeur de la préparation de l’avenir et de la
programmation.
2 - La soutenabilité de la masse salariale
La masse salariale constitue également une
zone de risque budgétaire importante pour le
budget du ministère des armées. En 2022, les
montants en jeu représentaient 21,54 Md€ de
crédits de paiement consommés en titre 2 sur
le budget de la mission
Défense
et un effectif
réalisé de 266 783 emplois
14
civils et militaires.
Ce risque s’était manifesté de façon importante
au début de la décennie 2010, époque où le
ministère de la défense ne parvenait pas à
programmer et à exécuter de façon fiable sa
masse salariale. En fin de gestion, il était ainsi
contraint d’abonder le titre 2 de montants
dépassant la centaine de millions d’euros pour
pouvoir payer les traitements et les soldes de
fin d’année. Cet abondement s’effectuait au
détriment des investissements dans l’équipe-
ment des forces qui étaient pour partie annulés
par des décrets d’avance et des lois de finances
rectificatives. Une situation de cette nature
s’était reproduite au milieu des années 2010
avec la perte de contrôle du processus de paye
des soldes des militaires, lors de la crise de
« l’écosystème Louvois »
. Le phénomène avait
rendu encore moins prévisible l’exécution de la
masse salariale et accru le risque budgétaire,
tout en causant un préjudice important aux
militaires concernés.
Le ministère des armées a pris des mesures
énergiques pour reprendre le contrôle de sa
masse salariale. Cela a permis une réduction
des dépassements par rapport à la program-
mation de la masse salariale, qui atteignaient
456 M€ en 2012, 234 M€ en 2013 et 321 M€ en
2014. Le tableau ci-dessous montre que ces
écarts ont été réduits sur les années récentes,
mais ils n’ont pas pour autant disparu. Il est à
noter qu’en 2023, comme en 2018 et 2019, les
dépenses de masse salariale ont été inférieures
aux crédits ouverts, des difficultés de recru-
tement n’ayant pas permis au ministère de
respecter ses prévisions d’effectifs.
14. Chiffre exprimé en équivalent temps plein annuel travaillé (ETPT).
24
LE CONTRÔLE BUDGÉTAIRE AU MINISTÈRE DES ARMÉES : PREMIER BILAN DE L’EXPÉRIMENTATION
Tableau n° 5
 
: écart entre la programmation et l’exécution des crédits de masse salariale
de la mission budgétaire
Défense
Source : direction du budget
En M€
2017
2018
2019
2020
2021
2022
2023
Écart entre
la programmation
et l’exécution
+112
-114
-112
+35
+4
+92
-72
Le nouveau système d’information
«  Source
solde  »
, développé en utilisant avec succès
les méthodes de conduite de projet des
programmes d’armement, ainsi qu’une nouvelle
organisation avec une autorité fonctionnelle
renforcée octroyée à la direction des ressources
humaines du ministère des armées (DRHMD),
ont conduit au transfert de l’ensemble de
la masse salariale sur le programme 212 de
soutien de la politique de défense, dont le
responsable est le secrétaire général pour
l’administration. Le directeur des ressources
humaines du ministère de la défense dispose
d’une délégation du responsable de programme
budgétaire pour programmer et exécuter la
masse salariale. Force est de constater que ces
mesures ont porté leurs fruits, dans la mesure
où les problèmes d’erreurs de soldes ont
quasiment disparu
Pour autant, les facteurs de risques budgétaires
pesant sur la masse salariale du ministère des
armées demeurent. Ils sont intrinsèquement
liés l’importance des masses budgétaires en
jeu, à la diversité et à la complexité des statuts
et du régime indemnitaire et à la rotation
importante des personnels liée à l’emploi de
nombreux contractuels. De ce point de vue,
les bons résultats obtenus depuis 2019 en
matière d’exécution budgétaire sont pour une
part significative imputables à la sous-exécution
du plafond d’emplois, qui contribue fortement
à limiter les risques de dérapage de la masse
salariale. Ainsi en 2022, il y avait 4 589 emplois
de moins que ce que prévoyait le plafond
d’emplois de la loi de finances initiale, en raison
notamment
de
difficultés
de
recrutement,
particulièrement
dans
les
spécialités
sous
tension sur le marché du travail
15
.
Compte tenu de ces éléments, il est utile de
maintenir une implication forte de la direction
des ressources humaines du ministère de
la défense dans les activités de contrôle
budgétaire. Ainsi, le bureau PRH7
«  mission
de contrôle budgétaire »
du service
« pilotage
des ressources humaines  »
doit continuer
d’exercer, par délégation de la direction des
affaires financières, le rôle de guichet unique
pour l’ensemble des dossiers de masse salariale
nécessitant un contrôle budgétaire
a priori
et
d’effectuer lui-même le contrôle pour les actes
individuels, hors personnels du cabinet du
ministre. La direction du budget doit également
renforcer son contrôle en la matière grâce à
l’accès dont elle dispose depuis janvier 2024
au système d’information INDIARému traitant
de la masse salariale des militaires.
15. Comme par exemple les atomiciens, les mécaniciens aéronautiques, les personnels de santé, etc.
COUR DES COMPTES
25
B - Des contrôles à renforcer
dans certains domaines pour tirer
pleinement les conséquences
de la nouvelle organisation
1 - Renforcer les contrôles
a posteriori
comme a commencé à le faire
la direction des affaires financières
du ministère des armées
L’allègement de l’activité de contrôle
a priori
du fait du rehaussement des seuils doit
s’accompagner d’un accroissement notable
de l’activité de contrôles
a posteriori
. En effet,
le contrôle
a priori
permet de bloquer une
opération présentant un risque de soutena–
bilité budgétaire, mais sa mise en œuvre est
consommatrice de ressources car il suppose
d’examiner les actes un par un. Le contrôle
a posteriori
intervient après l’opération et
permet,
via
des analyses englobant un champ
large constitué d’opérations du même type,
d’identifier des anomalies et d’en tirer les
conséquences, soit en termes de responsa-
bilité individuelle des agents en cause, soit
en termes d’amélioration du contrôle interne
financier, de manière à réduire le risque que de
telles anomalies se reproduisent.
Ainsi, l’internalisation du contrôle budgétaire
à la DAF devait s’accompagner d’un déve-
loppement de l’activité de contrôle
a posteriori
qui est, actuellement, encore trop limitée. La
direction du budget n’a ainsi pas utilisé son
droit de tirage
16
en 2022 et en 2023, même si la
commande passée par la direction du budget
au réseau du CBCM, et exécutée par la DAF pour
le ministère des armées, qui visait à contrôler la
baisse du recours aux prestations de conseils,
illustre ce que pourraient être ces contrôles
a posteriori
. La DAF a privilégié la reprise de
la mission de contrôle
a priori
en 2022 et n’a
émis son premier plan annuel de contrôle
a
posteriori
qu’en juillet 2023. Ce plan prévoyait
la réalisation de trois contrôles
a posteriori
pour vérifier notamment la correcte imputation
budgétaire des données de masse salariale sur
le budget opérationnel de programme des
opérations extérieures et la fiabilisation de la
programmation et du suivi des restes à payer
sur le marché de maintenance verticalisé de
l’hélicoptère Fennec.
La poursuite de l’expérimentation en 2024
devrait se traduire par une croissance sensible
des activités de contrôles
a posteriori
. D’une
part, il est nécessaire que la direction du
budget utilise son droit de tirage et une
possibilité similaire pourrait être ouverte aux
responsables
de
programmes
budgétaires
de la mission
Défense
. D’autre part, la DAF
doit développer son activité de contrôle
a
posteriori
pour apprécier si les suites données
aux observations qu’elle a formulées dans le
cadre des contrôles
a priori
sont satisfaisantes.
Le nombre de visas avec observations est en
effet très important, représentant de l’ordre du
tiers des actes visés en 2022 et 2023.
Aujourd’hui, ces observations sont insuffi-
samment suivies. Le travail sur échantillon
conduit par la Cour montre que les visas avec
observations sur les actes de masse salariale
ne donnent pas lieu à réponse formelle des
ordonnateurs. Quant aux autres actes, hors
masse salariale, sur 20 dossiers examinés,
seuls 10 ont donné lieu à une réponse formelle
de l’ordonnateur. Il est donc nécessaire d’exiger
une
réponse
systématique
des
ordonna-
teurs aux visas formulés avec observations.
Ces réponses serviront ensuite de base aux
contrôles
a posteriori
de la DAF qui viseront
16. Le protocole régissant l’expérimentation permet à la direction du budget de commander une fois par an une analyse
budgétaire fondée sur des contrôles
a posteriori
.
26
LE CONTRÔLE BUDGÉTAIRE AU MINISTÈRE DES ARMÉES : PREMIER BILAN DE L’EXPÉRIMENTATION
à apprécier si les mesures prises à la suite
de l’observation sont ou non satisfaisantes,
notamment quand elles impliquent une amé-
lioration du contrôle interne financier.
La DAF a entrepris cette démarche en com-
muniquant mensuellement, depuis août 2023,
aux autorités responsables du contrôle interne
financier, une typologie de ses observations. Un
point sur les conséquences qui en ont été tirées
en termes d’amélioration du contrôle interne
financier a été effectué lors de la réunion du
comité ministériel du contrôle interne financier
de début 2024 et la DAF a prévu d’intégrer
dans son plan de contrôle
a posteriori
le suivi
des observations formulées lors des visas du
contrôle budgétaire. À terme, l’on peut espérer
de cette démarche une réduction du nombre
de visas avec observations, une maîtrise
renforcée des risques budgétaires et une plus
grande fluidité du processus de contrôle au
sein du ministère des armées.
2 - Tirer les conséquences des anomalies
détectées par le contrôle budgétaire
pour améliorer le contrôle interne
financier du ministère des armées
Il est essentiel que les contrôle
a priori
des
actes budgétaires donnant lieu à visa avec
observations soient pris en compte pour
ajuster, lorsque cela est nécessaire, le contrôle
interne financier, afin d’éviter que l’anomalie
ne se reproduise. Ceci est d’autant plus
important
que
l’augmentation
des
seuils
déclenchant le contrôle
a priori
prive les
ordonnateurs de la protection que leur assurait
un tel contrôle et que nombre d’ordonnateurs
ne sont pas des experts de la règlementation
et de la gestion budgétaire, notamment dans
les états-majors.
Conscient de ces enjeux, les responsables de
programme disposant des équipes les plus
structurées (comme à la direction générale
de l’armement pour le programme 146) ont
entrepris de renforcer le contrôle interne
financier, notamment avec la création de
la mission
«  méthodes, métiers et contrôle
interne financier  »
. Les autres, en particulier
l’état-major des armées, ont besoin d’être
accompagnés dans cette démarche. Il est
donc souhaitable que, forte de son autorité
fonctionnelle renforcée, la direction des affai-
res financières du ministère des armées se
donne les moyens de les accompagner dans
leurs actions visant à améliorer le contrôle
interne financier.
3 - Un audit interne à mettre en place
par la direction du budget
Le contrôle budgétaire internalisé au sein de la
DAF du ministère des armées demeure délégué
par le ministère de l’action et des comptes
publics, qui reste responsable notamment de
la préparation de la loi relative aux résultats de
la gestion et portant approbation des comptes
de l'année. Dans ce cadre, il est indispensable
que la direction du budget se dote des moyens
d’apprécier si le contrôle budgétaire délégué
à la DAF est effectué conformément à ses
besoins.
Cela nécessite la création d’une structure
d’audit
interne
capable
de
donner
cette
assurance à la direction du budget et de susciter
l’amélioration continue du contrôle budgétaire.
Bien entendu, le ministère des armées est, à ce
jour, concerné au premier chef par ses audits,
en raison du transfert à la DAF des activités de
contrôle budgétaire qui le singularise au sein
de l’État et des enjeux majeurs liés à la masse
et à la nature de son budget. Néanmoins,
cette structure d’audit interne a aussi vocation
à se déployer sur les activités de contrôle
budgétaire des autres ministères. Il appartient
à la direction du budget d’apprécier si cette
structure d’audit doit être positionnée en son
COUR DES COMPTES
27
sein, ou, dans un premier temps, auprès du
CBCM du ministère des armées.
C- Une responsabilisation accrue
des gestionnaires publics
L’expérimentation
de
l’internalisation
du
contrôle budgétaire à la DAF du ministère des
armées s’inscrit dans une évolution plus large
de la règlementation, avec un nouveau régime
de responsabilité des gestionnaires publics
17
.
De ce point de vue, outre la couverture des
risques budgétaires, au premier rang desquels
figure la soutenabilité, un des rôles du contrôle
budgétaire consiste à accompagner les ordon-
nateurs dans les actions qu’ils doivent mettre en
place pour limiter les risques de mise en cause
de leur responsabilité personnelle. Des actions
devraient être engagés dans trois directions : le
renforcement du contrôle interne financier ; une
attention plus forte portée aux observations
issues du contrôle budgétaire ; une formalisation
et une traçabilité accrues des actes de chacun
des acteurs.
La
nécessité
de
maintenir
un
processus
de contrôle budgétaire fluide à effectifs
constants, dans un contexte marqué par des
engagements financiers toujours croissants
du ministère des armées, s’est traduite par un
allègement du contrôle budgétaire
a priori
,
qui s’est matérialisé pour une part notable par
l’augmentation des seuils de déclenchement
du contrôle. Cette augmentation des seuils
ne signifie nullement la fin des contrôles de
la Cour des comptes pour les investissements
d’un montant inférieur. En particulier, l’obli-
gation de mettre en place des dispositifs
de contrôle interne fait partie des règles
d’exécution des dépenses et de gestion des
biens, au sens du nouvel article L. 131-9 du
code des juridictions financières, entré en
vigueur le 1
er
janvier 2023. Elle s’impose donc
aux gestionnaires publics, indépendamment
des seuils utilisés pour le contrôle budgétaire
a priori
. Ceux-ci doivent en conséquence amé-
liorer l’efficacité de leur contrôle interne
financier pour préserver au mieux leur respon-
sabilité personnelle.
La DAF, au titre de son autorité fonctionnelle
sur la fonction financière, a un rôle important
à jouer pour les accompagner. Il lui appartient
de les aider à améliorer le contrôle interne
financier et de les informer des évolutions de
la jurisprudence en matière de mise en cause
de la responsabilité des gestionnaires publics.
Par ailleurs, l’examen d’un échantillon de
25 contrôles
a priori
ayant donné lieu à
observations a montré que, dans seulement
10 cas sur 25, des réponses écrites avaient
été formulées en retour des observations
dont étaient assortis les visas. Pour éviter que
cette absence de réponse ne soit interprétée
lors d’un contrôle ultérieur comme une négli-
gence, susceptible de constituer une faute de
gestion, il est nécessaire que les ordonnateurs
prennent systématiquement position sur les
observations formulées par le contrôle bud-
gétaire, en précisant, s’il y a lieu, les mesures
correctives engagées, notamment en termes
d’amélioration du contrôle interne financier.
Enfin, la répartition des rôles au sein de la
DAF doit être mieux formalisée de manière à
s’assurer de la séparation effective des tâches
17. Depuis le 1
er
janvier 2023, le régime spécifique de responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics
a disparu au profit d’un régime de responsabilité unifié des gestionnaires publics, qu’ils exercent des fonctions
d’ordonnateur ou de comptable. L’ordonnance du 23 mars 2022 et son décret d’application du 22 décembre 2022
prévoient un régime de responsabilité commun aux ordonnateurs et aux comptables dans lequel sont poursuivies les
infractions constitutives d’une faute grave ayant causé un préjudice financier significatif.
28
LE CONTRÔLE BUDGÉTAIRE AU MINISTÈRE DES ARMÉES : PREMIER BILAN DE L’EXPÉRIMENTATION
entre la personne qui réalise les diligences du
contrôle budgétaire et celle qui signe l’avis et
que chaque contrôle
a priori
soit supervisé.
De même, les diligences minimales à réaliser
lors des actes de contrôle budgétaire doivent
être précisées et leur mise en œuvre effective
régulièrement contrôlée.
COUR DES COMPTES
29
LISTE DES ABRÉVIATIONS
DCM-ACSIA
Agence comptable des services industriels de l’armement
du département comptable ministériel
CBCM
Contrôleur budgétaire et comptable ministériel
CEI
Commission d’examen des investissements
CITP
Comité interministériel à la transformation publique
CMI
Comité ministériel d’investissement
COFIN
Comité financier interministériel
CRG1 et CRG2
Comptes rendus de gestion de juin et d’octobre
DAF
Direction des affaires financières
DPGECP
Document prévisionnel de gestion des emplois et crédits
de personnel
DPU
Document de programmation unique
DRHMD
Direction des ressources humaines du ministère des armées
ETPT
Équivalent temps plein annuel travaillé
GBCP
Gestion budgétaire et comptable publique
LOLF
Loi organique relative aux lois de finances
SCAF
Système de combat aérien du futur
SEREBC
Service de l’exécution financière, de la gestion logistique
des biens et de la comptabilité
COUR DES COMPTES
31
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS
ET ORGANISMES CONCERNÉS
Réponse reçue à la date de la publication (
24 avril 2024)
32
Réponse de monsieur le ministre des armées
Réponse reçue après la date de la publication
34
Réponse conjointe de monsieur le ministre de l'économie, des finances
et de la souveraineté industrielle et numérique et de monsieur le ministre
délégué chargé des comptes publics
32
LE CONTRÔLE BUDGÉTAIRE AU MINISTÈRE DES ARMÉES : PREMIER BILAN DE L’EXPÉRIMENTATION
RÉPONSE DU MINISTRE DES ARMÉES
Le ministère des armées s'est en effet inscrit dans la démarche interministérielle d'allègement du
contrôle budgétaire et de responsabilisation des gestionnaires publics. Il a engagé, depuis 2022,
une expérimentation d'internalisation au sein de la direction des affaires financières (DAF) de la
plupart des contrôles budgétaires (hors opérateurs) antérieurement exercés par le contrôleur
budgétaire et comptable ministériel (CBCM).
Je suis heureux que le ministère des armées soit le fer de lance de cette réforme visant à accorder
plus de marges de manoeuvre aux responsables et gestionnaires publics, dans un esprit à la fois de
confiance et de responsabilité. La logique à l'œuvre, qui irrigue également l'institution du
nouveau
régime unifié de responsabilité financière des gestionnaires publics (RGP)
1
, nous permet de gagner
en souplesse. Cela nous oblige, en particulier dans un contexte où la Nation consent un effort
budgétaire conséquent pour le ministère, dans le cadre de la loi de programmation militaire.
C'est donc avec satisfaction que je note les conclusions favorables de l'audit flash conduit par
la Cour, qui viennent conforter celles de la mission d'audit menée conjointement par le contrôle
général des armées (CGA) et le contrôle général économique et financier (CGefi) au premier
semestre 2023
2
.
L'internalisation des contrôles budgétaires est une organisation innovante. Elle renforce le
positionnement du responsable de la fonction financière ministérielle (RFFiM) comme partenaire
stratégique des responsables de programme. Elle lui permet d'exercer la plénitude de ses
responsabilités en en faisant le garant de la régularité et de la soutenabilité budgétaire, en lien
avec le ministère chargé du budget.
À ce titre, je ne partage pas la position de la Cour qui, dans son projet de rapport définitif, considère
favorablement la possibilité pour la direction du budget de solliciter directement certains
responsables de programmes budgétaires. Je ne sous-estime pas, en effet, les conséquences
négatives que ce type de contournement aurait sur la capacité du RFFiM à structurer, en interne
au ministère comme vis-à-vis de la direction du budget, un dialogue constructif, appuyé sur des
données cohérentes et fiabilisées.
Cette prééminence du RFFiM n'interdit pas au demeurant son contrôle par une structure externe.
Je souscris à ce titre à la recommandation de la Cour visant à mettre en place une structure d'audit
du contrôle budgétaire, qui permettrait de garantir la robustesse du dispositif, à la condition que
cette structure ne soit pas spécifique au ministère des Armées. Elle doit superviser l'ensemble des
contrôles budgétaires qu'ils soient internalisés, à l'instar du ministère, ou qu'ils soient exercés par
les CBCM.
1. Ordonnance du 23 mars 2022 relative au régime de responsabilité financière des gestionnaires publics.
2. Rapport définitif n 023-106 du 30 juin 2023, CGA-CGefi.
COUR DES COMPTES
33
Enfin, j'ai signé, le 8 janvier 2024, avec le ministre chargé des comptes publics un avenant au
protocole d'expérimentation du 9 décembre 2021, pour prolonger d'une année le dispositif
expérimental et permettre à nos deux ministères de conduire des travaux complémentaires,
afin d'atteindre l'objectif partagé d'une pérennisation de ce mode de fonctionnement au
1
er
janvier 2025.
Ces travaux complémentaires répondent d'ores et déjà à certaines des recommandations et
observations formulées par la Cour. Ils intègrent en particulier la formalisation d'un cadre d'échange
pérenne entre contrôle budgétaire et contrôle comptable. Si ces échanges sont importants, je
voudrais insister sur le fait que, quelle que soit l'expertise du département de contrôle comptable
sur les marchés d'armement, la distance nécessairement accrue entre les deux entités dans le
cadre de l'expérimentation est compensée par le gain en matière de maitrise de la soutenabilité
pluriannuelle des investissements. La DAF dispose d'une connaissance intime de la programmation
pluriannuelle du ministère, en ce qu'elle contribue à la construction de la LPM et à son actualisation
annuelle, comme au déroulé des principaux programmes, via sa participation à la comitologie des
investissements. L'exploitation de cette synergie guide nos travaux préalables à la pérennisation.
Le bilan de l'expérimentation de l'internalisation du contrôle interne représente également,
comme souligné par la Cour, une opportunité d'examiner des modalités alternatives d'organisation
des contrôles exercés sur tes opérateurs du ministère. La situation actuelle, marquée par le
maintien d'effectifs limités auprès du CBCM pour le seul contrôle des opérateurs, ne parait en
effet pas durable.
Je conclus par la nécessité que la nouvelle organisation soit pleinement traduite dans les
textes réglementaires encadrant la gestion publique. Il s'agit de consolider ce dispositif, tout en
garantissant qu'en soit tiré l'ensemble des bénéfices attendus tant au regard de la responsabilité
des gestionnaires publics sur l'ensemble de la chaîne hiérarchique, que du renforcement de la
fonction financière ministérielle. Une action conjointe résolue de mon ministère et de celui des
comptes publics doit permettre d'y parvenir d'ici le 1
er
janvier 2025.
34
LE CONTRÔLE BUDGÉTAIRE AU MINISTÈRE DES ARMÉES : PREMIER BILAN DE L’EXPÉRIMENTATION
RÉPONSE CONJOINTE DU MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DES FINANCES
ET DE LA SOUVERAINETÉ INDUSTRIELLE ET NUMÉRIQUE
ET DU MINISTRE DÉLÉGUÉ CHARGÉ DES COMPTES PUBLICS
Vous avez bien voulu nous transmettre le rapport relatif à l'audit flash intitulé « Le contrôle
budgétaire au ministère des armées: premier bilan de l'expérimentation - Exercices 2022-2023 »,
rapport que la Cour a récemment publié. Les analyses et recommandations formulées par la Cour,
dont nous avons pris connaissance avec intérêt, appellent de notre part les remarques suivantes.
Nous partageons l'analyse de la Cour quant aux résultats globalement encourageants de
l'expérimentation de rapprochement progressif de la direction des affaires financières (DAF), du
ministère des armées (MINARM) et du service de contrôle budgétaire ministériel. Cependant, nous
partageons également la mise en exergue de divers points d'attention, notamment la nécessité
de conforter le développement des analyses a posteriori, afin de maîtriser efficacement les risques
financiers, et la situation des ressources humaines affectées au contrôle budgétaire internalisé,
tant en nombre qu'en compétences.
Un rendez-vous de bilan de l'année 2024 a été prévu à l'avenant au protocole. Des travaux
d'approfondissement viseront à préparer une pérennisation à compter de la gestion 2025, afin
notamment de
- formaliser, sans les alourdir, le contenu et les échanges d'information en vue de fluidifier le
dialogue de gestion entre les ministères;
- mieux prendre en compte l'enjeu des ressources humaines;
- mieux intégrer les agents du MINARM chargés du contrôle budgétaire au réseau animé et formé
par la direction du budget (DB).
Ces travaux d'approfondissement seront également l'occasion de définir les procédures d'audit
que la DB pourra mener dans le cadre pérennisé, pour garantir dans la durée la qualité de la
comptabilité budgétaire du ministère et la robustesse des procédures de contrôle. Cette année
doit aussi permettre au MINARM de converger en matière de procédures dérogatoires, avec par
exemple la réactivation des travaux sur la pertinence des avances de trésorerie et la mise en place
d'un groupe de travail sur l'introduction d'un comptable public dans la chaîne solde des forces
armées et de la gendarmerie, ce qui reviendrait à mettre fin, à terme, à la procédure de l'avance de
trésorerie solde pour les rémunérations non directement liées aux contingences opérationnelles,
ainsi que la Cour des comptes le préconisait dans ses observations définitives du 27 novembre 2021
sur « les rémunérations des militaires ».
Nous rejoignons le constat fait par la Cour d'une transmission de documents en retrait par
rapport aux exigences du protocole conclu avec le MINARM. Comme le rappelle la Cour, le
contrôle budgétaire internalisé au sein de la DAF du MINARM demeure délégué par le ministre
délégué chargé des comptes publics, qui reste responsable de la préparation des lois de finances.
Cet axiome doit constituer le sous-jacent inamovible de toute réflexion concernant la quantité,
la qualité ou l'exhaustivité des transmissions d'informations attendues de la DAF par la DB.
COUR DES COMPTES
35
En outre, nous vous faisons part de nos réserves sur l'analyse de la Cour tendant à proposer un
transfert de l'activité de contrôle budgétaire des opérateurs à la DAF. Deux arguments principaux
viennent en appui à cette réserve :
- l'architecture des systèmes d'information financière entre l'État et les opérateurs ne permet
pas à la DB de disposer d'un accès aux informations comparable à celui qu'offre Chorus;
- ce transfert ne serait pas pertinent ni levier d'allègements significatifs, dans la mesure où
le service du contrôle budgétaire ministériel n'exerce pas exclusivement la fonction de contrôle
budgétaire des actes. En effet, pour certains établissements, il détient un rôle d'administrateur,
le contrôleur budgétaire en région é:tant alors chargé du contrôle budgétaire des actes, ou un
rôle de tutelle financière qui ne peut être assuré que par le ministre chargé du budget, en vertu
de l'article 174 du décret n°2012-1246 du 7 novembre 2022 relatif à la gestion budgétaire et
comptable publique.
S'agissant de l'organisation actuelle du contrôle budgétaire de la masse salariale, nous ne partageons
pas l'appréciation de la Cour et nous proposons que les réflexions se poursuivent. En effet, la solution
alternative consistant à confier l'ensemble du contrôle budgétaire à la DAF semble mériter des
explorations complémentaires.
Enfin, vous trouverez, en annexe, quelques remarques complémentaires concernant les
recommandations du rapport.
36
LE CONTRÔLE BUDGÉTAIRE AU MINISTÈRE DES ARMÉES : PREMIER BILAN DE L’EXPÉRIMENTATION
ANNEXE
Remarques sur les recommandations
Réduire le formalisme documentaire demandé à la direction des affaires financières (DAF)
par la direction du budget (DB) et fixer les relations articulant le contrôle budgétaire relevant
désormais de la DAF et le contrôle comptable relevant de la direction générale des Finances
publiques (DGFiP).
Cette recommandation reçoit notre accord mais nous souhaitons l’assortir de quelques réserves.
L’avenant au protocole a prévu la mise en place d’un groupe de travail portant sur le contenu et
les modalités de partage des informations entre la DB et la DAF. Il revient à la DB de spécifier
au mieux ses besoins et à la DAF d’y répondre dans un esprit de gestion apaisée, conformément
à l’état d’esprit qui prévalait au lancement de l’expérimentation. Les documents à transmettre,
comme leur calendrier de communication, ont été déterminés d’un commun accord lors de la
rédaction du protocole pour permettre à la DB de disposer du niveau d’information nécessaire à
son suivi et n’ont fait l’objet d’aucune modification au sein de l’avenant au protocole signé en début
d’année. Aucune réduction du « formalisme documentaire » demandé à la DAF ne semble donc
justifiée. En outre, il peut être relevé que les expérimentations des documents de programmation
rénovés en 2020, puis celles des acteurs de la gestion en 2022, constituent d’ores et déjà des
actions d’allègement de production documentaire au bénéfice des ministères. En contrepartie,
il leur est demandé d’améliorer leur capacité à rendre compte de l’exécution et des évolutions
de la programmation dans le cadre d’un dialogue de gestion plus régulier et moins formel. Nous
tenons également à préciser que les documents listés dans le protocole ne sauraient constituer
un plafond ou un plancher de sollicitation par nos services de la DAF du ministère des armées
(MINARM) : dans le cadre de leur mission, ils peuvent être amenés à solliciter le MINARM sur toute
demande utile, sans qu’il leur soit opposé la présence ou non dans le protocole de contrôle, ni
d’exiger d’en connaître l’utilisation finale.
S’agissant de l’articulation des contrôles budgétaire et comptable, le ministère délégué des
comptes publics souscrit pleinement à la recommandation appelant à la définition d’un protocole
d’accord régissant les relations entre la DAF (contrôle budgétaire) et la DGFiP (contrôle comptable)
prenant en compte les conséquences de la nouvelle organisation. La préservation des synergies
entre contrôle budgétaire et contrôle comptable qui existaient au sein du service de contrôle
budgétaire et comptable ministériel (CBCM) près le MINARM dans son organisation précédente
présente effectivement un caractère stratégique. À cette fin, instruction sera donnée au CBCM
près le MINARM d’établir en 2024, en lien avec la DAF, un projet de protocole d’accord régissant
les relations entre les deux services sur ce plan.
Réaliser un bilan de l’expérimentation fin 2024 et examiner l’opportunité d’une délégation
du contrôle budgétaire des opérateurs à la DAF du MINARM ; prévoir en cas de pérennisation
de la nouvelle organisation une clause de revoyure dans cinq ans.
Cette recommandation reçoit notre accord partiel. Si le principe de faire un bilan de
l’expérimentation en 2024 n’appelle pas d’observation de notre part, nous sommes en désaccord
avec la proposition de la Cour visant à favoriser l’intégration des opérateurs dans le périmètre,
COUR DES COMPTES
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pour les raisons suivantes : limites de système d’information et absence de pertinence en termes
de simplifications attendues.
Par ailleurs, comme la Cour a pu le constater, le dispositif actuel mis en place par la DAF doit
encore s’étoffer et se stabiliser, tout en bénéficiant actuellement des compétences des anciens
agents du département de contrôle budgétaire du CBCM, et, conformément aux textes en vigueur,
le contrôle budgétaire demeure exercé sous l’autorité du ministre chargé du budget. Ainsi, si une
clause de réexamen à cinq ans permettait d’effectuer un bilan sur le long terme des modalités
de mise en œuvre de la délégation de contrôle accordée à la DAF du MINARM, il pourrait être
utile de préciser que, par définition même de la délégation, l’inscription d’une telle clause dans la
règlementation ne saurait être interprétée comme signe de l’impossibilité pour le ministre chargé
du budget de reprendre sa délégation, si cela se révélait impératif avant le 1
er
janvier 2030.
Mettre en place une structure d’audit permettant à la DB de s’assurer que le contrôle
budgétaire réalisé pour son compte est effectué conformément à ses directives et de façon
homogène au sein des différents ministères.
Cette recommandation reçoit notre plein accord. En termes de méthodologie du contrôle
budgétaire, l’examen des réponses des ordonnateurs aux observations accompagnant les visas
et les suites qui leur sont données trouvent aussi leur place, dans le cadre du droit commun du
contrôle budgétaire, dans le rapport annuel réalisé par le CBCM. Ce rapport annuel comporte
une appréciation de la qualité des dispositifs de contrôle interne financier mis en œuvre dans le
ministère. C’est aussi dans le cadre de ce rapport annuel que pourraient être exposés les résultats
du contrôle budgétaire, ainsi que dans le cadre de la comitologie ministérielle dédiée à la maîtrise
des risques à laquelle participent la DAF, les ordonnateurs et le CBCM.
Le présent rapport
est disponible sur le site internet
de la Cour des comptes :
www.ccomptes.fr
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Avril 2024