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PRÉSENTATION À LA PRESSE DES OBSERVATIONS DÉFINITIVES PORTANT SUR
LE CONTRÔLE DU CENTRE POMPIDOU
Mardi 23 avril 2024
9h30
Allocution de Pierre Moscovici,
Premier président de la Cour des comptes
Mesdames et messieurs,
Bonjour et merci de votre présence.
Je suis heureux de vous accueillir pour vous présenter le
rapport de la Cour relatif au contrôle du
Centre national d’art et de culture Georges Pompidou,
plus connu sous le nom de « Centre Pompidou ». Vous aurez sans doute noté que par un
hasard du calendrier, cette présentation intervient
quelques jours après l’anniversaire des 50
ans de la disparition de
l’initiateur d
e ce musée parisien, le 2 avril 1974.
À mes côtés, sont présents
Nacer Meddah
, président de la 3
e
chambre,
Christine
de Mazières
,
la contre-rapporteure et présidente de la section culture et communication, ainsi que les
rapporteurs :
Pierre Barry
, conseiller référendaire en service extraordinaire et
Gilles Moya
,
vérificateur. Je cite aussi,
Vincent Peillon
, conseiller maître en service extraordinaire.
Je souhaite les remercier chaleureusement pour leur implication et pour leur travail
approfondi, dans un contexte particulièrement dense pour le Centre Pompidou.
***
I.
Avant de revenir sur le contexte particulier du contrôle, permettez-moi de revenir
rapidement sur la nature de cette publication.
Ce rapport s’inscrit dans le cadre de nos cycles réguliers de contrôles des comptes et de la
gestion des grands opérateurs du secteur culturel.
Le dernier contrôle du Centre Pompidou, clos par des observations définitives et non publiées
en août 2014, concernait les exercices 1999 à 2012.
Il était donc temps d’y revenir
!
La période couverte par le rapport s’étend de
2013 à 2022, décennie qui recouvre les
présidences d’Alain Seban (2007
-2015), Serge Lasvignes (2015-2021) et Laurent Le Bon
(depuis juillet 2021).
Je précise qu’il ne s’agit pas d’un rapport exhaustif sur les activités du Centre, l’instruction
ayant été ciblée sur les
principaux enjeux auxquels l’institution a été confrontée au cours de
la dernière décennie ; mais je vais y revenir.
Par ailleurs, le périmètre de ce rapport se limite
au Centre Pompidou au sens strict : il ne couvre pas les deux organismes rattachés au Centre
que sont
la Bibliothèque publique d’information (Bpi) –
q
ui a fait l’objet d’un référé à la
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ministre de la culture en date du 20 novembre 2020
et
l’IRCAM.
Il ne traite pas non plus du
Centre Pompidou-Metz, qui est un établissement public de coopération culturelle autonome
et distinct de sa maison mère.
*
II.
Ces précisions étant faites, j’aimerais rappeler que le
contrôle de la Cour est
intervenu à une étape clé de l’histoire du
Centre Pompidou.
D’une part, i
l a été mené au lendemain de deux années de crise sanitaire, qui ont fortement
perturbé la fréquentation et les finances du musée
. Dans la même décennie, les attentats de
Paris de 2015 avaient déjà eu des répercussions importantes sur le fonctionnement de
l’établissement
. Il résulte de ce contexte une difficulté certaine pour dégager des tendances
de moyen et long terme, dans les performances de la gestion du Centre Pompidou sur les dix
dernières années.
Ce
contrôle s’inscrit
aussi dans une période charnière, au cours de laquelle les équipes
doivent mener en parallèle deux projets immobiliers, déterminants
pour l’avenir de
l’établissement
:
-
d’une part,
celui de la fermeture totale du site de Beaubourg pour au moins
cinq ans, de 2025 à 2030, afin de mener une campagne de travaux de
restructuration du bâtiment et de réaménagement de ses espaces intérieurs ;
-
d’autre part,
celui de
la construction d’un
e nouvelle antenne à Massy, le futur
« Centre Pompidou Francilien », qui devrait commencer
à l’été
2024 pour une
ouverture escomptée en 2026.
Pour la Cour, la p
ériode qui s’ouvre
doit permettre au Centre de mener une réflexion globale
sur son avenir.
Elle doit être envisagée comme une opportunité pour mener à bien des
réformes trop longtemps repoussées, pour moderniser sa gestion, et pour retrouver à la
réouverture les marges de manœuvres qui lui font aujourd’hui défaut.
III.
Venons-en aux principaux constats et recommandations de la Cour. Le rapport livre
trois grands messages que je souhaite porter à votre connaissance :
Le premier concerne le modèle économique du Centre Pompidou,
tel qu’il a été
conçu et
mis en œuvre au cours de la dernière décennie.
Notre rapport apporte un éclairage sur les
forces de ce modèle, notamment une politique volontariste de valorisation de la marque
« Centre Pompidou » qui commence à porter ses fruits. Mais nous insistons aussi sur ses
points persistants de fragilité : une fréquentation assez terne et des dépenses de structure
très dynamiques ;
Le deuxième message est un message de vigilance vis-à-vis des
projets d’investissement du
Centre Pompidou
: leur a
mpleur pose une question de soutenabilité à l’échelle non seulement
de l’établissement
, mais aussi du ministère de la culture ;
Enfin, le troisième message porte sur
l’indispensable remise à plat du
cadre de gestion du
Centre Pompidou, notamment dans le domaine des ressources humaines,
qui n’a pas évolué
depuis le dernier rapport de la Cour de 2014.
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*
En premier lieu, donc, ce rapport analyse de façon approfondie la soutenabilité du modèle
économique du Centre Pompidou.
Par modèle économique, j’entends ici la capacité de l’établissement à générer
un volume de
ressources propres suffisant pour assurer le financement de ses projets de développement
et de ses investissements, en complément de la subvention pour charges de service public
que lui verse chaque année l’
État.
Au cours de la dernière décennie,
l’établissement s’est
efforcé de faire évoluer son modèle économique
. Cette évolution s’est appuyée sur une
politique de diversification de ses ressources propres. Le Centre a, pour ce faire, recherché
une valorisation de ses principaux actifs
: d’abord,
la notoriété croissante, notamment à
l’international, de sa marque
« Centre Pompidou » ; ensuite, ses collections, riches de plus
120
000 œuvres,
et représentatives de tous les aspects de la création en art moderne et
contemporain ;
l’expertise développée par ses équipes en matière d’ingénierie culturelle et
muséale ; et enfin, le bâtiment emblématique de Renzo Piano et Richard Rogers.
Au sein de cette politique de diversification et de mise en valeur, je veux souligner ici
l’une
des principales réussites du Centre Pompidou au cours des dix dernières années, à savoir la
valorisation croissante de la marque « Centre Pompidou ».
Au niveau international, cette politique de marque lui a notamment permis de répondre à une
demande d’ingénierie muséale et culturelle en plein essor, de la part des pays émergents
dépourvus de collections, mais pas uniquement.
Le Centre a ainsi développé une offre complète de prestations de conseil et de prêt
d’œuvres
.
Cette stratégie a parfois débouché sur la création
d’
implantations provisoires
(Centres Pompidou de Malaga et Shanghai et, à venir, de Bruxelles et de Jersey City). Près de
dix années après son lancement avec
l’ouverture du Centre Pompidou provisoire de Malaga
(Espagne), cette politique de rayonnement à l’international est encore dans une phase
expérimentale, en cours de structuration. Cela tient à la fois à la longueur de maturation des
projets, mais aussi à
l’impact de la crise sanitaire
, qui est venue ralentir sa montée en
puissance.
Même s’il apparaît
prématuré de tirer un bilan définitif de cette politique de partenariats
internationaux, la Cour
considère qu’
elle gagnerait à être davantage formalisée
. Il
conviendrait de définir une véritable stratégie de développement, adossée à une évaluation
exhaustive des coûts
, qu’il faudrait à terme
refacturer aux partenaires. Cela nécessiterait le
déploiement par le Centre
d’une comptabilité analytique en coûts complets.
Au-
delà des projets de développement à l’international, le Centre dispose encore de marges
de manœuvre pour augmenter la part de ressources propres dans
son budget.
En effet, le modèle économique du Centre Pompidou repose encore largement sur les
recettes qu’il tire de la fréquentation de son site historique parisien.
Or, cette fréquentation
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est restée relativement stable au cours des dix dernières années,
à la différence d’autres
grands musées parisiens comme le Louvre.
Le rapport n’établit
pas de corrélation directe entre cette érosion de la fréquentation et
l’arrivée de nouveaux lieux d’exposition d’art moderne et contemporain, souvent d’initiative
privée, comme la Fondation Vuitton ou la Bourse de commerce.
En revanche, nous faisons
le constat d’une réduction
, dans la programmation de la décennie
écoulée, des expositions « à fort de potentiel de visiteurs », réunissant au moins 400 000
visiteurs.
De même, la fréquentation du Centre n’
apparaît pas suffisamment tirée par ses
collections permanentes qui, en dépit de leur profondeur et de leur richesse, ne contiennent
pas d’œuvres aussi
immédiatement identifiables que
la Joconde
ou
Guernica
qui justifient à
elles seules la visite
d’un large public
.
Avec 2,62 millions de visites en 2023, le Centre Pompidou
n’a pas
retrouvé son niveau de
fréquentation de 2019 (3,27 millions de visites), ni même celui de 2022 (3 millions).
Cela est
dû notamment au
mouvement social qui a contraint l’établissement à fermer pendant 23
jours, à compter de mi-octobre 2023. Cette situation
contraste avec celle d’autres musées
parisiens, qui ont connu des hausses de fréquentation en 2023 (le Musée du Louvre ou le
Musée d’Orsay,
dont la fréquentation a par exemple augmenté de +18%).
Dans la perspective de sa réouverture, le Centre Pompidou doit
mettre en œuvre une
stratégie pour développer sa fréquentation, notamment auprès des visiteurs étrangers.
Le
taux de visites de la part de cette population
s’établit à s
eulement 35 à 40% du total selon les
années. Cela contraste avec le nombre de visiteurs étrangers
observé dans d’autres musées
nationaux parisiens ; 70%
pour le Louvre, par exemple, ou 57% pour le musée d’
Orsay. De
plus, ce
n’est pas cohérent avec
la notoriété croissante du musée à
l’international.
Le potentiel du Centre Pompidou en termes de recettes de mécénat apparaît également
sous-exploité
surtout lorsque l’on considère
sa notoriété accrue à l’internationa
l. Cette
notoriété
devrait lui permettre d’améliorer sa capacité à lever des fonds auprès de mécènes,
notamment étrangers.
L’établissement en est conscient, et
il travaille actuellement à
la
structuration d’une politique active de prospection de mécènes étrangers.
La politique de diversification de ressources propres
n’a pas achevé sa montée en puissance,
et e
lle n’a pas permis de conforter la soutenabilité du modèle économique
du Centre
qui
est par ailleurs confronté à une croissance continue des dépenses de structure.
La crise
sanitaire de 2020-2021 est venue rappeler le poids encore prépondérant de la subvention
globale de fonctionnement versée par l’État
,
dans le financement de l’établissement
.
C’est pourquoi, à
côté du développement des ressources propres, le Centre Pompidou doit
s’engager résolument dans une plus grande maîtrise de ses dépenses
. Cela lui permettra de
regagner des marges de manœuvre, alors qu’elles sont aujourd’hui
réduites ; en raison de la
rigidité de la masse salariale (+ 1
M€ par an)
, mais aussi en raison des dépenses liées à son
parc immobilier en location, qui doit être rationalisé.
Ces marges de manœuvres
supplémentaires lui seront indispensables pour être
en mesure d’absorber de
nouveaux coûts
de fonctionnement, au premier rang desquels ceux relatifs au futur site de Massy.
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Pour finir sur cette première partie, le Centre Pompidou doit poursuivre ses efforts pour
faire évoluer son modèle économique,
en s’efforçant
à la fois de développer ses ressources
propres, mais aussi de contenir la progression de ses dépenses de structure.
Le rapport de la Cour montre bien qu’à l’heure actuelle, le Centre n’a pas les moyens
de
financer par lui-même ses projets
de développement et d’
investissements.
Comme nous
allons le voir, il est contraint de se tourner :
-
vers l’
État, pour financer la rénovation technique de son site principal ;
-
vers les collectivités territoriales et le secteur privé,
dans le cadre d’un
partenariat
public-privé, pour construire sa nouvelle antenne de Massy ;
-
vers des mécènes étrangers pour permettre la réalisation de son projet culturel.
*
C’est
le sens du deuxième message que je souhaite porter à votre attention : un message de
vigilance sur le
s projets d’investissement
immobilier du Centre Pompidou.
Le Centre Pompidou a mené en parallèle au cours des dernières années deux opérations
immobilières d’ampleur
.
Ces opérations sont importantes par les enveloppes financières
qu’elles vont mobiliser –
d
e l’ordre de 600 M€ de
crédits budgétaires, mais aussi par leur
complexité technique.
La première de ces opérations immobilières est la restructuration du bâtiment historique de
Beaubourg.
Conçu au début des années 70 et inauguré en 1977, le bâtiment principal du
Centre Pompido
u doit faire l’objet d’une remise aux normes complète
. Un projet global de
rénovation a été
élaboré à partir des années 2010 sous la forme d’un schéma directeur
technique. Les travaux de désamiantage, de mise en sécurité
et d’
accessibilité prévus dans ce
cadre
s’avèrent indispensable pour permettre au Centre de continuer à fonctionner.
Le rapport de la Cour revient sur la genèse de ce schéma directeur, f
ruit d’une gestation
particulièrement longue.
Cette lenteur
s’explique
à la fois par la complexité intrinsèque du
projet sur le plan technique, par
l’importance des enveloppes financières à mobiliser (de
l’ordre de
358 M€ en coût
s complets
selon l’estimation de la Cour
), mais aussi par la difficulté
pour la tutelle et les présidences successi
ves du Centre Pompidou d’accepter le
principe de
fermer le site pour réaliser les travaux. Pourtant
, il s’agissait de toute évidence du scénario à
privilégier.
Ce n’est qu’en 2021 que l
e schéma directeur technique a été définitivement mis sur les rails,
dans un contexte économique dégradé
. Le rapport documente la hausse continue de
l’enveloppe financière prévisionnelle
du projet. Nous soulignons aussi que son coût est encore
susceptible d’évoluer à la hausse, à la suite des résultats de l’attribution des
marchés de
travaux ou d’aléas de chantier.
Mais
l’histoire ne s’arrête pas là
.
Peu après sa nomination en juillet 2021, l’actuel président
de l’établissement
, Laurent Le Bon,
a proposé d’adjoindre à ce programme technique, un
schéma directeur culturel, désormais connu sous le nom de « Centre Pompidou 2030 ». Ce
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projet consiste
à apporter des modifications à l’aménagement des espaces intérieurs
, afin
d’améliorer leur fonctionnalité et leur attractivité auprès des visiteurs.
Ce schéma directeur
culturel, très ambitieux, a un réel potentiel de développement pour le Centre. Mais son ajout
tardif a complexifié le pilotage du projet
, notamment avec l’organisation d’un second
concours de maîtrise d’œuvre.
Surtout, le financement de ce schéma directeur culturel demeure non bouclé à ce jour : en
effet, si le financement du volet technique du schéma directeur est entièrement pris en
charge par l’État, le volet culturel devra être financé sur ressources propres de
l’établissement
. Or, le Centre ne dispose que de peu de temps
, au plus tard d’ici début 2025,
pour réunir les
169 M€
manquants.
L
’ampleur et la complexité de ce double programme de travaux
requièrent le déploiement
d’outils de
pilotage pour assurer, sur la durée du chantier, une maîtrise des risques en
termes de respect des enveloppes financières et des délais.
Sur la base du retour
d’expérience positif du dispositif
de pilotage du projet de rénovation de la Maison de la Radio,
l’appui d’un expert indépendant en charge d’une mission d’audit
in itinere
du chantier devrait
être envisagé.
Bien évidemment, ce projet de restructuration globale implique au préalable le
déménagement complet des collections, ainsi que la réaffectation des personnels sur
d’autres sites (500 agents sur
1000 que compte le Centre).
Ces adaptations sont réalisées
dans des conditions qui ont été tardivement arrêtées, ce qui a pesé sur le climat social de
l’établissement
comme en témoigne le récent conflit social
que j’évoquais.
J’en
viens maintenant au second projet immobilier du Centre Pompidou : la construction à
Massy (Essonne) d’une nouvelle antenne
, « le Centre Pompidou francilien »
. Ce Centre doit
comporter des espaces dédiés à la conservation de ses réserves,
d’une part
, et des espaces
d’expositions ouverts au public
,
d’autre part
.
Là encore, ce projet est le fruit d’une longue gestation
. Le Centre Pompidou est confronté à
une dispersion de ses réserves, en grande partie externalisées dans des locaux inadaptés et
loués à des bailleurs privés depuis les années 2000.
Il n’est bien sûr pas le seul dans ce cas.
L
a Cour ne peut qu’approuver la démarche du Centre Pompidou
: elle vise à trouver un lieu
de réserve des collections nationales qui lui ont été confiées, à la fois unique, pérenne et
répondant aux normes de conservation préventive.
Mais le rapport constate que le projet a
fortement évolué dans ses ambitions. Il est passé
d’un équipement purement technique à une
véritable antenne du Centre, autour du concept de réserves ouvertes au public, et cela
n’a pas
été sans conséquence sur le dimensionnement des espaces, la complexité de conception d’un
bâtiment à double usage, et les coûts de fonctionnement associés.
En dépit des soutiens financiers conséquents obtenus des collectivités territoriales
partenaires du fait de cette évolution, l’équilibre économique global de l’opération n’a pu
être complètement assuré
. L
’absence de marges de manœuvre budgétaires du Centre a
contraint celui-
ci à s’engager dans la passation d’un marché de partenariat public
-privé.
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Au final, l
e changement de nature du projet, couplé au choix de mener l’opération dans le
cadre d’un
montage complexe comme le contrat de partenariat, a conduit à des dépassements
importants des estimations initiales.
Le coût complet du projet devrait s’élever au total à plus
de 254
M€ sur 25 ans
. Les principaux facteurs de ces dépassements sont la sous-évaluation de
certains postes de dépenses et le contexte inflationniste.
Il faut bien se rendre compte que le
Centre Pompidou est susceptible d’étendre de façon
illimitée ses collections
: il intervient dans le domaine de l’art moderne et contemporain,
par définition sans borne temporelle
. Sur la décennie 2013-2022, plus de 21 000
œuvres ont
été acquises, soit plus de 2 000
œuvres par an.
À cet égard, la
durée réelle d’amortissement
du nouvel espace de réserves construit à Massy, par rapport à sa durée théorique de 25 ans,
reste à préciser, surtout au regard du rythme très élevé
d’accroissement des collections et de
la configuration des mobiliers de stockage.
Les deux projets que je viens d’évoquer, ne concernent qu’un seul opérateur du ministère,
mais ils
vont mobiliser près de 600 M€ sur une période de trente ans environ.
Il
s’agit de
montants considérables qui viennent étayer ce que le ministère de la culture qualifie lui-même
de «
mur d’investissements
». Cette
expression traduit bien l’impasse dans laquelle il se
trouve,
pour financer à court ou moyen terme l’ensemble des p
rojets patrimoniaux que lui-
même ou ses opérateurs portent.
Ce «
mur d’investissement
» est un sujet majeur de soutenabilité budgétaire, sur lequel la
Cour est revenue dans le cadre de ses différents rapports
:
qu’il s’agisse des crédits
exceptionnels à la culture qui ont profité au Grand Palais et au château de Villers-Cotterêts,
du château de Chambord
qui a fait l’objet d’observations définitives récemment publiées
, ou
encore des notes d’exécution budgétaire relative à la mission Culture.
*
Enfin, et ce sera mon troisième et dernier message, je voudrais évoquer la nécessaire remise
à plat, pendant la période de fermeture, du cadre de gestion du Centre Pompidou.
Cette remise à plat est nécessaire en particulier dans le domaine des ressources humaines
.
Dans son précédent rapport datant de 2014, la Cour pointait déjà la nécessité de moderniser
la gestion des ressources humaines et le dialogue social de l’établissement. Près
de dix ans
plus tard, force est de constater que les progrès dans ce sens sont plus que limités.
A fortiori,
au cours des dernières années, la superposition de la conduite des projets stratégiques et la
poursuite de ses activités courantes
a mis l’établissement sous tension, notamment sur le plan
des ressources humaines.
Dans ce domaine, le Centre doit nécessairement procéder à des réformes structurelles.
Il
conserve en effet des modalités de gestion des RH dérogatoires au droit commun dans de
nombreux domaines,
parmi lesquels le statut des personnels, l’organisation et la durée d
u
travail des agents postés, et les modalités de conduite du dialogue social.
Par ailleurs, notre rapport rappelle que l
’établissement ne peut plus se contenter de piloter
son plafond d’emplois au fil de l’eau
:
il doit s’engager dans la mise en œuvre d’une véritable
politique de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences.
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Des carences préoccupantes ont également été constatées dans le domaine de la prévention
des risques psycho-sociaux, et elles doivent être corrigées sans délai.
De même, pour mener à bien ses projets stratégiques, le Centre Pompidou a besoin de
poursuivre la structuration de son organisation
et d’étoffer ses outils de
contrôle interne,
dont la maturité apparaît aujourd’hui insuffisante.
Dans la perspective de la fermeture, il est
essentiel que l’établissement veille à maintenir le collectif de travail
;
en s’appuyant sur une
communication interne démultipliée.
Le statu quo
sur l’ensemble des sujets que je viens d’évoquer n’apparaît plus
tenable, au
regard des échéances lourdes auxquelles le Centre Pompidou est confronté.
La gestion des
ressources humaines doit redevenir une
priorité pour l’établissement,
non seulement pour
préparer le volet RH de sa fermeture, mais également pour récupérer les marges de
manœuvre en termes de masse salariale et d’emplois qui lui font actuellement défaut
, dans
la perspective de la réouverture.
***
Voilà, mesdames et messieurs, les principales observations que je souhaitais partager avec
vous.
En guise de conclusion, je voudrais revenir sur le rôle clef de la tutelle, dans le pilotage et
l’accompagnement
d
’un opérateur comme
Centre Pompidou.
Sur la période contrôlée, la
Cour a constaté que le Centre Pompidou n’a
pas pu nouer avec le ministère de la culture un
dialogue stratégique suffisamment structuré. Vu les efforts budgétaires considérables
consentis par l’
État, passés et à venir, le dialogue stratégique avec la tutelle ne saurait se
limiter au suivi de la bonne mi
se en œuvre des grands projets de l’établissement.
Alors qu’il est engagé dans plusieurs projets déterminants pour son avenir et massivement
financés
par l’État, le Centre Pompidou n’a pas formalisé
ses orientations stratégiques dans
un document partagé avec la tutelle, ni discuté un tel document au sein de son conseil
d’administration.
Le Centre
n’est
, par ailleurs,
toujours pas doté d’un projet scientifique et
culturel.
Le Centre n’est
pas non plus lié à sa tutelle par un cont
rat d’objectifs et de performances
depuis 2020, ce qui ne saurait se justifier.
Les travaux d’élaboration du prochain
contrat
d’objectifs et de performances (COP) couvrant la période de fermeture (2025
-2029) doivent
donc démarrer sans délai.
Dans ce dialogue stratégique renouvelé, il apparaît indispensable que la tutelle joue
pleinement son rôle de pilotage ; elle doit, en particulier, formaliser ses attentes en termes
de réformes structurelles à mener, dans la perspective de la réouverture.
Merci de
votre attention. Je suis à votre disposition, ainsi que l’équipe qui a conduit ce rapport,
et que je remercie à nouveau pour ce gros travail, pour répondre à vos questions.