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ENTITÉS ET POLITIQUES PUBLIQUES
L’ORGANISATION
TERRITORIALE
DES SOINS
DE PREMIER
RECOURS
Rapport public thématique
Synthèse
Mai 2024
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
g
AVERTISSEMENT
Cette synthèse est destinée à faciliter la lecture et l’utilisation du
rapport de la Cour des comptes.
Seul le rapport engage la Cour des comptes.
Les réponses des administrations, des organismes et des collectivités
concernés figurent à la suite du rapport
.
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Sommaire
Introduction
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .5
1
Un accès aux soins de premier recours
de plus en plus contraint
7
2
Des mesures successives, peu coordonnées
et de moins en moins orientées vers les territoires
qui en ont le plus besoin
11
3
Une politique publique à « mettre sous tension »,
avec un affichage clair des résultats à atteindre
13
Recommandations. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Introduction
Les Français ont de plus en plus de mal à accéder aux soins de premier recours,
au point que l’on qualifie une partie importante du territoire national de « désert
médical » . Définis de manière large par l’article L . 1411-11 du code de la santé
publique (CSP), les soins de premier recours recouvrent, outre les soins des
médecins généralistes et de quelques spécialistes accessibles en accès direct,
les conseils des pharmaciens, les soins infirmiers et de kinésithérapie, les
soins dentaires ou ceux assurés par les orthophonistes ou les psychologues .
L’importance de ces soins - parfois aussi appelés soins primaires ou de première
ligne - a pourtant été reconnue et promue depuis plus de quarante ans par
l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et par l’Organisation de coopération
et de développement économiques (OCDE)
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Elle a été consacrée en France
par plusieurs lois qui ont cherché à améliorer la couverture des besoins par des
équipes de professionnels de premier recours, disponibles et compétents, facteur
reconnu comme décisif de l’efficacité du système de santé .
1 . Avec la Déclaration d’Alma-Ata de 1978 relative à la place des soins primaires dans les
systèmes de santé, ces enjeux ont été identifiés il y a presque 50 ans par l’OMS . L’OCDE, quant
à elle, a consacré de nombreux rapports appelant l’attention sur la nécessité de développer les
soins primaires .
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
1
Un accès aux soins de premier
recours de plus en plus contraint
En France comme dans l’ensemble
des pays développés, les déséquilibres
s’aggravent entre la demande et l’offre
pour ce type de soins .
L’offre de soins résulte d’évolutions
complexes et contradictoires des
effectifs des professionnels de
santé comme de la modification des
comportements de ces professionnels,
notamment de la diminution des
créneaux de soins ouverts en soirée ou
les week-ends .
La demande, quant à elle, augmente
en raison de la fréquence croissante
des pathologies chroniques qui
induisent un volume de soins dits
« programmés » de plus en plus
important (ils représentent 70 %
environ de la charge de travail des
médecins généralistes) . Du fait de la
saturation des agendas mais aussi de
l’évolution des demandes, en outre, les
patients rencontrent de plus en plus
de difficultés à trouver une réponse
à leurs demandes de soins dits « non
programmés » .
Plusieurs indicateurs quantitatifs
traduisent ces tensions : les délais
moyens pour obtenir des rendez-
vous avec les médecins s’allongent,
selon les données disponibles - même
lacunaires . La part de patients sans
médecin traitant s’accroît, de même
que la part de médecins ne prenant
plus de nouveaux patients . Les efforts
réalisés pour « aller-vers » les patients
les plus éloignés du soin se heurtent
aux mêmes difficultés, liées à la
saturation de l’offre médicale . Parmi
les patients sans médecin traitant, la
part des plus précaires (bénéficiant
de l’assurance complémentaire santé
solidaire - C2S), plus importante,
s’accroît aussi proportionnellement
plus vite .
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Un accès aux soins de premier recours
de plus en plus contraint
Inadéquation entre offre et demande de soins : des conséquences dommageables
Augmentation
de la part des patients
sans médecin traitant
Délais
qui s’allongent
Aggravation
des inégalités
territoriales
Risque de
relations dégradées
entre le professionnel
et son patient
Déport
sur les urgences
Moins d’efforts
pour atteindre
les patients les plus
éloignés du soin
Source : Cour des comptes
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Un accès aux soins de premier recours
de plus en plus contraint
Les analyses plus particulières relatives
au département de l’Aveyron, ou
encore plus nettement au territoire
de Nouvelle-Calédonie
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, montrent
l’ampleur des carences constatées
dans certains territoires, dans lesquels
l’offre de soins de premier recours est
très faible, alors que l’enclavement
de ces territoires rend souvent les
déplacements vers des lieux de soins
longs .
Plus généralement, les inégalités
dans la répartition géographique des
professionnels sont importantes et
s’aggravent globalement : le taux de
patients sans médecin traitant peut
représenter jusqu’au quart des patients
(soit deux fois plus que la moyenne)
et le taux de passages aux urgences
sans gravité particulière atteindre
40 % dans certains territoires, comme
dans les Ardennes, par exemple,
selon l’observatoire des urgences de
Grand Est . Derrière ces données, se
profile le risque de relations parfois
dégradées entre les professionnels de
santé et les patients avec notamment
la multiplication de consultations
limitées à un seul « motif » .
2 . Même si la santé est une compétence du territoire et ne relève donc pas de la compétence
des autorités de métropole, l’examen de l’organisation des soins de premier recours en
Nouvelle-Calédonie met en évidence l’acuité des différences de situation entre provinces et entre
territoires plus fins, et l’importance d’une stratégie globale, coordonnée, pour répondre aux défis
liés à ce premier échelon de soins .
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Un accès aux soins de premier recours
de plus en plus contraint
Nombre de médecins généralistes, hors médecins à expertise particulière,
pour 100 000 habitants en 2021
Source : Cnam
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Depuis la fin des années 1990, divers
plans ou mesures ont été déployés
pour mieux organiser les soins
de premier recours, en améliorer
l’efficacité ou équilibrer leur répartition
géographique .
L’accent a d’abord été mis sur le rôle
de « pivot » donné aux médecins
généralistes «  référents  », puis
« traitants » . Des « réseaux de soins »
ont été organisés pour faciliter cette
orientation et partager la charge du
suivi des patients . Divers « pactes »
ou « plans » ont ensuite cherché à
renforcer et à mieux orienter les aides
versées aux professionnels de santé
pour favoriser leur installation, ou leur
maintien, dans des zones peu dotées
en médecins .
À partir des années 2010, l’objectif
a p l u t ô t é t é d e d é v e l o p p e r
d e s st r u c t u re s d e s o i n s d i te s
« coordonnées » : maisons de santé
pluriprofessionnelles ou centres de
santé médicaux et polyvalents . Plus
récemment, la priorité a été donnée
également au développement des
coopérations entre professions de
santé et à l’optimisation (ou à
« l’économie ») du temps médical .
En parallèle, diverses mesures ont
été adoptées, visant à confier à des
établissements sanitaires des missions
d’appui aux professionnels libéraux de
premier recours .
Ces mesures sont restées dispersées .
La loi de juillet 2009 dite « hôpital,
patients, santé, territoires - HPST »
avait pourtant posé le principe d’une
responsabilité publique « d’organiser
les soins de premier recours » et confié
aux agences régionales de santé la
mission de sa mise en œuvre, mais
celles-ci n’ont pas disposé d’outils
juridiques ou financiers suffisants pour
bâtir une stratégie d’ensemble .
La stratégie esquissée au niveau
national, avec les lois de janvier
2016 et de juillet 2019, puis avec la
stratégie nationale de santé pour
les années 2017-2022 a réaffirmé
le caractère indispensable de la
modernisation et de l’adaptation des
soins de premier recours . Cependant,
cette stratégie est demeurée peu
traduite en objectifs opérationnels
évaluables . Les bilans effectués
décomptent le nombre de dispositifs
déployés, s’intéressent parfois aux
montants mobilisés mais détaillent
peu les difficultés rencontrées et ne
rapprochent pas les résultats obtenus
des ambitions affichées, ni même des
moyens financiers affectés, qui ne
font pas l’objet d’une consolidation .
Le contraste est donc important entre
Des mesures successives,
peu coordonnées et de moins
en moins orientées vers les
territoires qui en ont le plus besoin
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
l’ambition des mesures annoncées
et le « sentiment d’abandon » que
peuvent connaître les habitants des
territoires les plus fragilisés .
Qu’il s’agisse des aides directes aux
professionnels de santé, destinées
à favoriser leur installation ou leur
maintien en zones fragiles, ou de
celles visant à développer l’exercice
coordonné entre professionnels
ou à économiser le temps médical,
la multiplication même de ces
dispositifs dont certains sont encore
en phase de montée en charge, et leur
instabilité dans le temps rendent une
consolidation globale des résultats très
difficile . La pertinence de ces divers
outils n’est pas garantie, d’autant
moins que les aides proposées sont
peu ciblées .
Des éléments positifs sont à noter,
certes, par exemple s’agissant de la
mise en place du service d’accès aux
soins . Dans l’ensemble, cependant,
du double point de vue de l’accès aux
soins et de la réduction des inégalités
territoriales et sociales de santé, les
aides apportées, même en hausse, se
révèlent insuffisantes si l’on en juge
par leur faible impact .
En outre, la possibilité pour les
professionnels de métiers différents
d ’o rg a n i s e r d e s co o p é rat i o n s
structurées est insuffisamment
mise en pratique . Nombre d’études
comparatives montrent que les
délégations de tâches du médecin
vers d’autres professionnels de santé
sont moindres en France que dans les
autres pays développés .
Une politique insuffisamment ciblée
Une stratégie hésitante
Des impacts non évalués
Une absence de ciblage des territoires les plus en difficultés
Des indicateurs qui ne permettent pas de mesurer des résultats concrets
Source : Cour des comptes
Des mesures successives, peu coordonnées
et de moins en moins orientées
vers les territoires qui en ont le plus besoin
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
À partir des différents outils et leviers
progressivement rassemblés, quelle
devrait être la méthode pour diffuser
dans les territoires les pratiques les
plus efficaces et les plus efficientes ?
Les analyses détaillées incluses dans
les cahiers territoriaux contribuent
à rendre plus concrètes les pistes
d’évolutions proposées dans le cahier
national . L’analyse des différentes
interventions publiques menées
dans le périmètre de la communauté
professionnelle territoriale de
santé (CPTS) de Châteaubriant, en
Loire-Atlantique, montre en premier
lieu l’intérêt d’actions proches
du terrain et adaptées aux réalités
locales : dans leur multiplicité et
leur diversité, les aides accordées
par les collectivités territoriales en
complément des dispositifs nationaux
y ont contribué à une dynamique,
mais encore fragile ou insuffisante .
L’analyse des interventions menées par
l’ARS et la Cpam dans le département
de l’Aveyron met en évidence,
en deuxième lieu, des réussites
indiscutables, notamment dans le
périmètre de la CPTS de l’Aubrac,
mais permet de relever à l’inverse la
persistance ou même l’aggravation de
situation de carences, dans plusieurs
bassins de vie .
Pour consolider et rendre durables
les dynamiques positives déjà
engagées et surtout pour éviter
que ces dynamiques « n’oublient »
des territoires entiers, une stratégie
globale est indispensable, destinée
à mobiliser de manière ajustée les
leviers disponibles, en fonction des
alertes identifiées dans chaque
territoire . Comme le montrent les
premiers travaux engagés en ce sens
dans le département de l’Aveyron, la
définition au niveau des départements
de projets territoriaux d’organisation
des soins de premier recours, déclinés
ensuite par CPTS (ou bassins de vie,
en leur absence), paraît prometteuse
et mériterait d’être généralisée .
Ces projets, placés sous l’égide des
délégations départementales des
ARS et des Cpam mais ouverts à
des partenariats, devraient être
clairement animés par une logique de
résultats, à partir d’une batterie très
sélective d’indicateurs « d’alerte » . Les
administrations nationales, quant à
elles, devraient ajuster leurs outils pour
soutenir et outiller cette démarche,
en guidant et évaluant de manière
périodique ses progrès .
Au service de ces projets territoriaux,
les aides existantes seraient adaptées,
en devenant plus sélectives et
ciblées sur les territoires ou les
patients les plus vulnérables . Dans
les territoires les plus carencés, des
interventions plus volontaristes
sont indispensables, cependant,
avec le déploiement si nécessaire de
Une politique publique à « mettre
sous tension », avec un affichage
clair des résultats à atteindre
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Une politique publique à « mettre sous
tension », avec un affichage clair
des résultats à atteindre
centres de santé hospitaliers ou le
déploiement de cabinets médicaux
secondaires, soutenus par des aides à
la construction et l’aménagement et
– à terme – par une obligation
d’exercice partiel en zones sous-
denses, en contrepartie de la possibilité
données aux médecins, généralistes
et spécialistes, de s’installer dans des
zones les mieux dotées .
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
1.
Inscrire dans les missions des
schémas territoriaux de santé la
réduction des inégalités sociales et
territoriales de santé
(ministère de la
santé).
2.
Établir au niveau national un suivi
annuel de la politique d’amélioration
de l’accès aux soins de premier
recours, placé sous le pilotage
administratif du secrétariat général
des ministères chargés des affaires
sociales
(ministère de la santé).
3.
Prévoir, dans le cadre des négocia-
tions conventionnelles entre la CNAM
et les médecins libéraux, qu’une part
des aides à la création d’emplois
d’assistants médicaux soit allouée, de
manière distincte, sur des critères de
priorités territoriales (par exemple de
50 %)
(ministère de la santé, Cnam).
4.
Pour développer la coopération
entre professionnels de santé,
conditionner l’aide apportée aux
différentes structures d’exercice
coordonné par la signature de
protocoles
(ministère de la santé,
Cnam).
5.
Encourager les médecins à venir
exercer à temps partiel dans les
zones manquant de professionnels
d e s a n té   : à c o u r t te r m e e n
complétant les aides des collectivités
territoriales à l’équipement de
cabinets secondaires ; et, à plus
long terme, en conditionnant toute
nouvelle installation dans les zones
les mieux dotées en médecins à
un engagement d’exercice partiel
dans les zones les moins bien dotées
(ministère de la santé).
6.
Étendre aux médecins hospitaliers
exerçant dans des centres de santé
hospitaliers la possibilité de percevoir
une rémunération partiellement
indexée sur leur activité, dans des
conditions juridiques sécurisées
(ministère de la santé).
7.
Dans les zones manquant de
professionnels de santé, confier
aux hôpitaux une mission d’intérêt
général nouvelle, consistant à
déployer des centres de santé
polyvalents
(ministère de la santé).
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