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ENTITÉS ET POLITIQUES PUBLIQUES
L’ORGANISATION
TERRITORIALE
DES SOINS
DE PREMIER
RECOURS
Cahier territorial
de l’Aveyron
Rapport public thématique
Mai 2024
L’organisation territoriale des soins de premiers recours - mai 2024
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
Sommaire
Procédures et méthodes
................................................................................
5
Synthèse
.........................................................................................................
9
Introduction
..................................................................................................
13
Chapitre I
Des tensions dans l’accès aux soins de premier
recours, amplifiées par la mauvaise répartition de l’offre
.......................
15
I - Une demande de soins tendanciellement en hausse
..................................
15
A - Un vieillissement marqué qui retentit sur la demande de soins
......................
16
B - Un territoire montagneux qui complique les déplacements
............................
16
II - Une offre insuffisante
...............................................................................
18
A - Des densités en professionnels de premier recours contrastées
......................
18
B - Une fragilité marquée pour la densité de médecins généralistes
.....................
20
C -
Des signaux d’alerte encore non consolidés
...................................................
21
Chapitre II Des mesures efficaces mais qui supposent
un partenariat avec les professionnels libéraux
........................................
25
I - Des mesures diverses
................................................................................
25
A - Les aides directes
............................................................................................
26
B -
Le soutien à l’exercice coordonné
..................................................................
26
C -
Les emplois aidés permettant d’économiser du temps médical
......................
29
II - Une efficacité contrastée
..........................................................................
29
A - Éléments généraux
..........................................................................................
29
B - Des effets différents selon la stratégie retenue ?
.............................................
30
Chapitre III
La définition en cours d’une action plus structurée
et plus ambitieuse
.........................................................................................
33
I - Des cibles confirmées et élargies
..............................................................
33
A -
La recherche d’un bon usage des soins
...........................................................
33
B - Un accès aux soins placé sous tension de résultats
.........................................
34
II -
La recherche d’une gouvernance territorialisée
.......................................
35
A - Des instances de concertation opérationnelles
................................................
35
B - Des orientations nouvelles à arbitrer
...............................................................
36
Conclusion générale
.....................................................................................
39
Liste des abréviations
..................................................................................
41
Annexes
.........................................................................................................
43
L’organisation territoriale des soins de premiers recours - mai 2024
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Procédures et méthodes
En application de l’article L. 143
-6 du code des juridictions
financières, la Cour des comptes publie chaque année un rapport public
annuel et des rapports publics thématiques.
C
es travaux et leurs suites sont réalisés par l’une des six chambres
que comprend la Cour ou par une formation associant plusieurs chambres
et/ou plusieurs chambres régionales ou territoriales des comptes.
Trois principes fondamentaux gouvernent l’organisation et l’activité
de la Cour ainsi que des chambres régionales et territoriales des comptes,
donc aussi bien l’exécution de leurs contrôles et enquêtes que l’élaboration
des rapports publics : l’indépendance, la contradiction et la collégialité.
L’
indépendance
institutionnelle des juridictions financières et
l’indépendance statutair
e de leurs membres garantissent que les contrôles
effectués et les conclusions tirées le sont en toute liberté d’appréciation.
La
contradiction
implique que toutes les constatations et
appréciations faites lors d’un contrôle ou d’une enquête, de même que t
outes
les
observations
et
recommandations
formulées
ensuite,
sont
systématiquement soumises aux responsables des administrations ou
organismes concernés ; elles ne peuvent être rendues définitives qu’après
prise en compte des réponses reçues et, s’il y a l
ieu, après audition des
responsables concernés.
Sauf pour les rapports réalisés à la demande du Parlement ou du
Gouvernement, l
a publication d’un rapport est nécessairement précédée par
la communication du projet de texte, que la Cour se propose de publier, aux
ministres et aux responsables des organismes concernés, ainsi qu’aux autres
personnes morales ou physiques directement intéressées. Dans le rapport
publié, leurs réponses sont présentées en annexe du texte de la Cour.
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COUR DES COMPTES
6
La
collégialité
intervient pour conclure les principales étapes des
procédures de contrôle et de publication. Tout contrôle ou enquête est confié
à un ou plusieurs rapporteurs. Le rapport d’instruction, comme les projets
ultérieurs d’observations et de recommandations, p
rovisoires et définitives,
sont examinés et délibérés de façon collégiale, par une formation
comprenant au moins trois magistrats. L’un des magistrats assure le rôle de
contre-rapporteur et veille à la qualité des contrôles.
L’enquête a été pilotée par la formation interjuridictions (FIJ)
relative à « l’organisation territoriale des soins de premier recours ». Elle a
associé la sixième chambre de la Cour des comptes et onze chambres
régionales et territoriales des comptes : Bourgogne-Franche-Comté,
Bretagne, Corse, Centre-Val de Loire, Grand Est, Île-de-France, Nouvelle-
Aquitaine, Nouvelle-Calédonie, Occitanie, Pays de la Loire et Provence-
Alpes-
Côte d’Azur. Des mono
graphies territoriales, complémentaires des
analyses nationales, ont été établies sur le périmètre de la Communauté
professionnelle territoriale de santé (CPTS) de Châteaubriant, en Loire
Atlantique, sur
le département de l’Aveyron
et sur le territoire de Nouvelle-
Calédonie. Dans chacun de ces cas, les observations provisoires ont été
soumises à la contradiction des responsables des politiques analysées.
Le présent cahier territorial a été délibéré en même temps que le cahier
national, le 19 janvier 2024, par la formation interjuridictions présidée par
Mme Hamayon, présidente de la sixième chambre, et composée de
M. Colcombet, conseiller maître, Mme Daussin-Charpantier, Mme Bonnafoux,
présidentes de chambre régionale des comptes, MM. La Marle, Pagès et
Landais, présidents de section de chambre régionale des comptes, Mme Jagot,
première conseillère de chambre régionale des comptes, ainsi que de M. Rabaté,
conseiller maître, rapporteur général, Mme Mazuir, première conseillère de
chambre régionale des comptes, rapporteure générale adjointe, et en tant que
contre-rapporteur, M. Colcombet, conseiller maître.
Il a été examiné le 27 février 2024 par le comité du rapport public et des
programmes de la Cour des comptes, composé de M. Moscovici, Premier
président, M. Rolland, rapporteur général du comité du rapport public et des
programmes, Mme Démier, M. Bertucci, M. Meddah et Mme Mercereau,
présidentes et présidents de chambre, M. Soubeyran, M. Glimet et M. Machard,
présidents de section représentant les présidentes et président des première,
quatrième et sixième chambres, conseillers maîtres, M. Lejeune, M. Serre,
Mme Daussin-Charpantier, Mme Renet et Mme Bonnafoux, présidentes et
présidents de chambre régionale des comptes et M. Gautier, Procureur général,
entendu en ses avis.
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PROCÉDURES ET MÉTHODES
7
Les rapports publics de la Cour des comptes sont accessibles en ligne
sur le site internet de la Cour et des chambres régionales et territoriales des
comptes : www.ccomptes.fr.
Ils sont diffusés par La Documentation Française.
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Synthèse
Dans le cadre de l’enquête relative à l’organisation territoriale des
soins de premier recours
1
, la chambre régionale des comptes (CRC)
Occitanie a examiné, dans une première phase, les aides destinées à
améliorer l’accès aux soins de premier recours accordées par le conseil
régional d’Occitan
ie
2
, par le conseil départemental de l’Aveyron
3
et par les
deux communautés de communes de l’Aubrac et du Grand Rodez
4
. Dans
une deuxième phase, ont été analysées les soutiens accordés par l’
agence
régionale de santé (ARS)
d’Occitanie et par la
caisse prim
aire d’assurance
-
maladie (Cpam)
de l’Aveyron. Fondé notamment sur la consultation dans
le département, en avril 2023, de trois ateliers d’acteurs, consacrés
respectivement aux soins programmés, aux soins non programmés et aux
démarches "d’aller
-vers" les populations les plus éloignées des soins, cet
examen vise à analyser le degré de cohérence et la pertinence de l’ensemble
des aides et des interventions publiques en faveur de l’accès aux soins de
premier recours.
L’écart croissant entre, d’une part, une d
emande de soins de premier
recours dynamique, due notamment au vieillissement de la population et à
la progression des maladies chroniques, et, d’autre part, une offre marquée
par des pénuries ponctuelles pour certaines professions de santé (médecins
généralistes ou chirurgiens-dentistes, notamment), est illustré de manière
frappante dans le cas du département de l’Aveyron
: le vieillissement de la
population y est nettement plus marqué que dans le reste de la région
Occitanie et
a fortiori
que dans le reste de la France. Or, le caractère
montagneux et rural du territoire renforce les difficultés d’accès.
L’offre de soins de premier recours, quant à elle, est très inégale
selon les territoires (par communauté de communes, par exemple), certains
1
Enquête associant la sixième chambre de la Cour des comptes et dix chambres
régionales et territoriales des comptes.
2
Région Occitanie, rapport d’observations définitives du 24 mars 2023.
3
Département de l’Aveyron
, rapport d’observations définitives du 17 décembre
2022.
4
Communauté de communes Aubrac
,
Carladez et Viadène
, ROD du 21 décembre
2022 ;
Communauté d’agglomération de Rodez
, rapport d’observations définitives du
8 février 2023.
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COUR DES COMPTES
10
étant très peu dotés en professionnels pour plusieurs catégories essentielles
de soins : chirurgiens-dentistes, masseurs kinésithérapeutes, et surtout
médecins, de médecine générale ou des autres spécialités sans plateau
technique. Pour ces deux dernières professions, les densités moyennes sont
en baisse et constituent un goulet d’étranglement dans l’accès aux soins ou
le suivi des patients chroniques.
Des actions significatives ont pourtant été engagées par l’ARS
d’Occitanie ou la Cpam de l’Aveyron. Elles ont apporté
en particulier
5
un
soutien efficace aux projets de maisons de santé pluriprofessionnelles
(MSP - fin 2023, 31 étaient labellisées par le comité départemental chargé,
en Aveyron, d’approuver les projets de MSP
; 21 avaient signé l’accord
conventionnel interprofessionnel - ACI - relatif aux structures de santé
pluriprofessionnelles) et, dans une moindre mesure, aux équipes de soins
primaires (ESP, encouragées par les ARS) ou aux communautés
professionnelles territoriales de santé (CPTS, soutenues par l’ARS et
la
Cpam). Plus récemment, de nouvelles formes de coopération entre
professionnels de santé ont été mobilisées, de même que le recours à des
assistants médicaux, qui permettent de développer les patientèles, à effectif
de médecins donné.
Cette stratégie partenariale connaît des réussites évidentes,
notamment dans l’Aubrac, dont la densité en médecins généralistes est
restée satisfaisante, mais au prix de l’aggravation de l’accès aux soins de
premier recours dans des territoires très carencés. C’est en parti
e le reflet
de la polarisation des aides sur des partenariats avec les acteurs de la santé
qui ne « maillent » pas le territoire départemental de manière exhaustive
ou équivalente. Les leviers qui permettraient un ciblage territorial ou social
plus marqué, comme le déploiement de centres de santé ou le
développement d’actions de soutien en provenance des hôpitaux de
proximité, sont demeurés très peu mobilisés.
Parmi les divers documents qui détaillent le projet régional de santé
pour les années 2023 à 2028, une feuille de route du schéma régional et des
schémas territoriaux prévoit des mesures innovantes, notamment en faveur
de l’éducation thérapeutique et de l’information sur le bon usage des soins.
Cependant, à ce stade, font encore défaut les outils qui permettraient
à l’ARS, à la Cpam, à la région et au département d’établir un inventaire
5
On pourrait également mentionner
le déploiement d’outils d’appui aux professi
onnels :
le service d’accès aux soins (SAS), en cours de mise en place, pour rendre plus efficace
l’accès à des soins non programmés
; ou celui dispositif
d’
appui à la coordination de
l’Aveyron, qui soutient et appuie les professionnels dans l'analyse et la coordination d’un
parcours de santé complexe, en accompagnant la personne et/ou son entourage.
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SYNTHÈSE
11
global des territoires les plus démunis à l’échelle des CPTS
. Il conviendrait
à cet effet de systématiser pour chacune le recueil des indicateurs
pertinents, et notamment
: le niveau de l’APL pour les médecins
généralistes, la part du nombre de passages aux urgences sur les
classifications cliniques les moins graves (CCMU1), le pourcentage de
patients sans médecin traitant. Il conviendrait ensuite de cibler des plans
d’actions correctives adaptés
; enfin de mobiliser de manière coordonnée
et dans la durée, par une gouvernance territorialisée, les moyens des autres
collectivités publiques, des professions de santé et des usagers, dans le
double objectif de sou
tenir les initiatives qui permettent d’accroître l’offre
de soins et de constituer un socle minimal dans les territoires carencés.
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Introduction
Dans le cadre d’une enquête de la Cour des comptes et de
dix
chambres régionales et territoriales des comptes, la chambre régionale des
comptes (CRC) d’Occitanie a examiné les aides destinées à améliorer
l’accès aux soins de premier recours accordées par le conseil régional de la
région Occitanie
6
, par le consei
l départemental de l’Aveyron
7
et par les
deux communautés de communes de l’Aubrac et du Grand Rodez
8
. Dans
le prolongement de ces enquêtes, la CRC a participé aux travaux des
juridictions financières sur «
l’organisation des soins de premier recours
»
9
.
Ont notamment été organisés, en avril 2023, trois «
ateliers d’acteurs
»
pour recueillir les avis des professionnels de santé quant aux perspectives
d’évolution de l’organisation des soins de premier recours.
Les spécificités démographiques et géographiques du département
de l’Aveyron ont confirmé ou accentué les constats faits au niveau
national
:
l’écart croissant entre les demandes de soins de premier recours
et l’offre disponible, ce qui se traduit par des difficultés d’accès accrues à
ces soins (I) ; le caractère souvent efficace mais trop peu ciblé des
interventions (II) et, donc, la nécessité d’une réorientation partielle des
aides, vers les outils et les territoires qui sont les plus carencés (III).
6
Région Occitanie
, ROD du 24 mars 2023.
7
Département de l’Aveyron
, ROD du 17 décembre 2022.
8
Communauté de communes Aubrac
, Carladez et Viadène, ROD du 21 décembre 2022
et
Communauté d’agglomération de Rodez
, ROD du 8 février 2023.
9
Ces travaux ont conduit, dans un premier temps, à une publication sur les interventions
des collectivités territoriales : «
Mieux coordonner et hiérarchiser les interventions des
collectivités territoriales dans l’accès aux soins
» (chapitre 7 du rapport public annuel
de la Cour des comptes de mars 2023). Dans un deuxième temps,
l’
enquête a porté sur
les politiques nationales et sur leur mise en
œuvre par les
agences régionales de santé
(ARS) et par les
caisses primaires d’assurance maladie (Cpam). Elle a donné lieu au
cahier national du rapport public thématique dont le présent rapport constitue un cahier
territorial.
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Chapitre I
Des tensions dans l
’accès aux soins
de premier recours, amplifiées
par la mauvaise
répartition de l’offre
Selon un document préparatoire du projet régional de santé (PRS)
relatif au département de
l’Aveyron,
« alors même que le vieillissement de
la population majore son besoin en soins
(I)
, la démographie médicale
vieillissante a engendré un effondrement récent de la densité médicale. Le
département est confronté à des difficultés d’attractivité des profession
nels
de santé, hormis pour les infirmiers »
(II), et ce, même si les indicateurs
disponibles ne reflètent qu’en partie ces tensions, notamment pour ce qui
concerne les territoires les plus carencés en offre de soins de premier
recours (III).
I -
Une demande de soins tendanciellement
en hausse
Le constat national d’une demande croissante en soins de premier
recours trouve une illustration particulière dans le département de
l’Aveyron, pour deux motifs aggravants
: le vieillissement de la population
qui augmente la demande de certains soins (A)
et l’enclavement de certains
territoires (B).
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COUR DES COMPTES
16
A -
U
n vieillissement marqué qui retentit
sur la demande de soins
13,8 % de la population aveyronnaise ont plus de 75 ans
; c’est trois
points de plus que dans la région (10,7 %) et quatre et demi de plus que la
moyenne nationale (9,3
%). Or, cette tranche d’âge est la plus représentée
dans la consommation de soins infirmiers ou, même, de kinésithérapie et
de médecine générale, comme le montre le tableau qui suit.
Certes, la population âgée de plus de 75 ans est stable depuis 2013
mais ce répit est passager. Le vieillissement se poursuit : la part de la
population âgée de 60 à 74 ans a augmenté de 18,4 % à 20,5 %, de 2013 à
2018 ; 34,3 % de la population avait plus de 60
ans en 2018. Selon l’Insee
les personnes de plus de 65 ans représenteront plus de 37 % de la
population en 2050, contre 27
% aujourd’hui.
Tableau n° 1 :
part des personnes de plus de 75 ans
dans la consommation de soins
Aveyron
Occitanie
France
Omnipraticiens
24,7 %
19,5 %
16,9 %
Infirmiers
70,4 %
65,9 %
59,8 %
Kinésithérapeutes
33,7 %
34,2 %
30,1 %
Chirurgiens-dentistes
11,5 %
9,7 %
9,1 %
Source : système national des données de santé, 2020
En relation avec ce vieillissement, la part des patients reconnus en
affection de longue durée (ALD) était en 2019 de 25,2 % en Aveyron,
contre 22,6 % au niveau régional et 21,3 % pour la France entière.
B -
Un territoire montagneux qui complique
les déplacements
Deuxième contrainte particulière pour l’accès aux soins de premier
recours, le département de l’Aveyron est un département étendu
10
, peu dense
(31,9 hab./km²)
et
montagneux.
Soixante-treize
des
304 communes
aveyronnaises présentent une densité inférieure à 10 hab./km², 148 comptent
10
Le 5
e
département français le plus étendu mais avec une population de
279 000 habitants seulement. Ces chiffres, et les suivants, sont issus des travaux de
l’Insee, à partir des données des derniers recensements (2018 pour la population).
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DES TENSIONS DANS L’
ACCÈS AUX SOINS DE PREMIER RECOURS,
AMPLIFIÉES PAR LA MAUVAISE RÉPA
RTITION DE L’OFFRE
17
moins de 500 habitants ; 94 % de la superficie du département sont classés
en « zone de montagne
». L’Aveyron est ainsi un département enclavé,
éloigné des métropoles du sud de la France. Rodez, le chef-lieu du
département, au centre de ce dernier, se situe à 150 km de Toulouse (deux
heures de route), à 170 km de Montpellier (deux heures également) et à
250 km de Clermont-Ferrand (2 h
50 par l’autoroute).
On sait que le recours aux service
s d’urgence peut servir de substitut
aux carences de l’offre de soins de premier recours. Une telle option (certes
dommageable du point de vue de l’efficience globale des soins et de la bonne
gradation des soins mais qui vaut mieux que l’absence de soin) p
araît souvent
hors d’accès des patients du département. Une grande partie du département
est située entre 30 et 60 minutes d’un service d’urgence, comme le montre le
graphique qui suit. Cette contrainte, liée à la géographie et aux conditions de
transport,
exige d’autant plus une organisation efficace et maillée des soins
de premier recours sur l’ensemble du territoire.
Carte n° 1 :
d
istance par rapport au service d’urgence le plus proche
Source : cartosanté (données 2023)
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COUR DES COMPTES
18
II -
Une offre insuffisante
Alors que la demande de soins tend à augmenter et qu’un accès
aux soins de premier recours est une exigence renforcée, l’offre en soins
de premier recours est inférieure à la moyenne nationale, même si c’est
de manière contrastée selon les professions (A) et si elle présente de
grandes variations selon les territoires (B).
A -
Des densités contrastées en professionnels
de premier recours
La densité et la répartition territoriale des professionnels
11
sont très
variables selon les professions, même p
our celles que l’on considère très
généralement comme essentielles à l’accès aux soins diversifiés
12
qu’implique le premier recours.
Elles sont satisfaisantes pour deux de ces professions. La densité
d'infirmiers libéraux, en premier lieu, s’établit à 341,2
/100 000 hab. en
Aveyron, soit à un niveau proche de la moyenne pour la région Occitanie
(317,5), niveau nettement supérieur à celui de la France métropolitaine
(196,4). Vingt-deux centres de soins infirmiers, employant des infirmiers
salariés, sont aussi présents sur le territoire. Toutes les communautés de
communes (CC) présentent des densités supérieures à celle de la région,
variant de 208,1 pour la CC Aubrac, Carladez et Viadène à 704,2 dans la
CC Aveyron Bas Ségala Viaur. De même, la densité des pharmacies est
satisfaisante. En
2021, l’Aveyron comptait 110 pharmacies d’officine, soit
5,5 % des pharmacies de la région (la population aveyronnaise représente
4,7 % de la population régionale selon le recensement de 2018). Toutes les
intercommunalités ont, au moins, une pharmacie d'officine sur leur
territoire, même si, avec 24 pharmacies, la communauté d’agglomération
de Rodez regroupe 22 % des pharmacies du département, suivie par les
communautés de communes les plus urbanisées.
En revanche, comme le montre le tableau détaillé qui suit, les
densités sont préoccupantes pour trois autres des professions essentielles à
11
Une analyse en termes d’APL confirme la d
iversité des données (voir
infra
).
12
Aucune définition rigoureuse de la notion de soins de premier recours ne fait l’objet
d’un consensus
; la définition qu’on peut en retenir est «
fonctionnelle », en ce sens que
son périmètre peut varier en fonction des questions organisationnelles posées, mais la
liste des principales professions qui constituent des points d’entrée dans les soins, n’est
pas contestée : médecins généralistes et spécialiste accessibles directement, infirmiers,
masseurs-kinésithérapeutes, pharmaciens, sages-femmes, chirurgiens-dentistes.
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DES TENSIONS DANS L’
ACCÈS AUX SOINS DE PREMIER RECOURS,
AMPLIFIÉES PAR LA MAUVAISE RÉPA
RTITION DE L’OFFRE
19
l’accès aux soins de premier recours
: les médecins généralistes, les
chirurgiens-dentistes et les masseurs-kinésithérapeutes.
Tableau n° 2 :
densité des professionnels de santé libéraux
(pour 100 000 habitants, en 2021)
Source : données 2021 du répertoire partagé des professionnels de santé (RPPS) retraitées par le
centre régional d'études, d'actions et d'informations (CREAI) et
l’
observatoire régional de la santé
(ORS) d’Occitanie
En 2021, la densité en masseurs-kinésithérapeutes (MK) libéraux était
assez proche de la moyenne nationale (100,8/100 000 hab. en Aveyron
contre 104,1 en France métropolitaine ; 145,3 en région Occitanie) mais ces
densités varient de 50,5 pour la communauté de communes du Pays de Salars
à 191,7 pour celle de Monts, Rance et Rougier
13
.
De même pour la densité de chirurgiens-dentistes, assez proche en
Aveyron de la densité nationale (50,8/100 000 hab. contre 54,7 en France
métropolitaine, 67,0 en région Occitanie) : les communautés autour de Rodez
13
Ce dernier
est d’ailleurs le seul territoire à être
relativement plus favorisé du fait d’une
densité de MK supérieure à celle de la région. Trois territoires sont plus défavorisés
avec des densités inférieures à 65 : CC de la Muse et des Raspes du Tarn, CC du Pays
de Salars, CC Comtal Lot et Truyère.
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COUR DES COMPTES
20
et de Millau affichent une densité de chirurgiens-dentistes supérieure aux
densités nationale et régionale ; une communauté de communes (de la Muse
et des Raspes du Tarn) ne compte aucun dentiste, et trois autres
14
ont une
densité inférieure à 25, soit deux fois moins que la densité départementale.
B -
Une fragilité marquée pour la densité
de médecins généralistes
L’Aveyron affiche une densité de médecins généralistes libéraux
(ou
mixtes)
de
76,2/100 000 habitants,
contre
85,2
en
France
métropolitaine et 96,9 en région Occitanie.
À l’échelle in
fra-départementale, les EPCI présentent des densités
très disparates, variant de 36,3 pour la plus faible, dans la CC de la Muse
et des Raspes du Tarn, à 110 pour la plus élevée, dans la CC des Causses à
l’Aubrac.
L’analyse en termes d’
accessibilité potentielle localisée (APL),
détaillée dans le tableau qui suit, confirme ce constat. Certes, cette analyse
est fondée sur des valeurs un peu plus anciennes (compte tenu des délais
nécessaires à la consolidation des données) mais elle présente l’avantage
de tenir compte de la disponibilité effective des médecins et du potentiel
variable de demande de soin de la part des patients en fonction de leur âge.
Un niveau d’APL inférieur à 2,5 est souvent considéré comme le signe
d’une tension forte sur l’accès aux soi
ns.
En outre, la possibilité de produire des indicateurs paramétrés en ne
prenant en compte, par exemple, que les médecins de moins de 65 ans (voir
la colonne de droite du tableau) permet «
d’anticiper
» l’aggravation
prévisible à l’horizon de trois ou cin
q ans, quand les médecins de plus de
65 ans se seront arrêtés de travailler. Pour l’Aveyron (
comme dans de
nombreux autres départements)
, on y trouve la confirmation de la
dégradation relative attendue dans l’accès aux soins de médecine générale,
au cours
des prochaines années. À défaut de mesures d’organisation
volontaristes, l’accès aux soins courants, notamment non programmés,
dont le médecin généraliste est le pivot, risque de devenir difficile dans de
nombreuses parties du département,
même avec le progrès que
pourrait
représenter le déploiement du service d’accès aux soins (SAS) pour les
soins non programmés
.
14
CC du Plateau de Montbazens, CC Pays Ségali Communauté, CC du Pays Rignacois.
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DES TENSIONS DANS L’
ACCÈS AUX SOINS DE PREMIER RECOURS,
AMPLIFIÉES PAR LA MAUVAISE RÉPA
RTITION DE L’OFFRE
21
Tableau n° 3 :
i
ndicateur d’accessibilité potentielle localisée (APL)
des médecins généralistes (2018)
Source : données 2021 du répertoire partagé des professionnels de santé (RPPS) retraitées par le
centre régional d'études, d'actions et d'informations (CREAI)
et l’
observatoire régional de la santé
(ORS) d’Occitanie
C -
Des signaux d’alerte encore non consolidés
Le cumul de ces analyses permet de commencer à établir une carte
des difficultés différentielles rencontrées par les territoires. Plusieurs
indicateurs peuvent être mobilisés, en complément du taux d’APL, en
commençant par les taux d’assurés sans médecin traitant.
On observe dans la carte qui suit (
établie par la Cpam pour l’année
2022) que les valeurs sont très hétérogènes pour ce taux, de moins de 5 % à
plus de 20 % selon les communautés de communes, pour une moyenne
départementale de 11 %. Cependant, la carte des territoires les plus fragilisés
n’
obéit pas à des déterminations simples : le bassin de Decazeville, urbain,
est pénalisé pour l’accès aux médecins généralistes, au contraire du plateau
rural et enclavé de l’Aubrac, au nord du département.
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22
Carte n° 2 :
répartition des assurés sans médecin traitant
Source : c
aisse primaire d’assurance maladie de l’Aveyron
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DES TENSIONS DANS L’
ACCÈS AUX SOINS DE PREMIER RECOURS,
AMPLIFIÉES PAR LA MAUVAISE RÉPA
RTITION DE L’OFFRE
23
D’autres indicateurs ont été envisagés pour suivre de manière
complémentaire
les
soins
non
programmés
mais
les
données
correspondantes n’étaient pas disponibles pour l’Aveyron
:
-
le
suivi des taux d’hospitalisations évitables pour suivre de manière
complémentaire l’accès aux soins programmés
;
-
les taux de passages aux urgences pour des motifs ne demandant pas
d’exploration complémentaire, codés CCMU
1, pour analyser l’accès
aux soins non programmés.
Dans le cahier national du présent rapport, deux autres indicateurs
ont été envisagés pour analyser la plus ou moins forte capacité des
professionnels de soins de premier recours à « aller vers » les patients les
plus éloignés des soins du fait de leurs fragilités particulières
15
: le taux de
personnes (de plus de 50
ans) sans soins de médecine générale dans l’année
et le taux de patients sans médecin traitant parmi les bénéficiaires de
l’assurance complémentaire santé solidaire (C2S).
Les d
onnées transmises par la Cpam de l’Aveyron montrent que le
premier indicateur, suivi par bassin de vie, est instructif mais seulement à
un niveau assez global (compte tenu de l’effectif souvent faible d’assurés
concernés par la C2S dans ces bassins). L’ind
icateur relatif aux taux de
personnes sans contact avec un médecin généraliste, fondé sur un effectif
plus significatif, se révèle lui aussi utile (voir en annexe n° 2).
D’autres indicateurs sont suggérés par les documents issus des
travaux préparatoires du Projet régional de santé (PRS) pour les années
2023-
2028, en particulier la part des patients bénéficiant d’un programme
d’éducation thérapeutique
16
. Dans l’ensemble de la région, selon le PRS,
1,3 million de personnes vivaient, en 2021, avec au moins une maladie
chronique,
dont
des
troubles
psychiques.
Cependant,
seulement
33 249
d’entre elles suivaient effectivement un programme. Une
décomposition par département et par bassin infra-départemental de cet
indicateur serait instructive quant au niveau des a
ctions d’éducation
intégrées dans les soins programmés et quant à la qualité de leur ciblage.
15
Personnes avec handicap, notamment psychique, personnes âgées peu autonomes à
leur domicile, enfants dans des familles vulnérables…
16
La notion de programme peut être entendue de manière large, comme incluant, outre
les patients suivis dans le cadre
d’un service hospitalier dédié, ceux suivis par un
e
infirmière de santé publique « Asalée » ou ceux qui sont inclus dans les protocoles
Sophia voire Prado de la Cnam.
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Chapitre II
Des mesures efficaces
mais qui supposent un partenariat
avec les professionnels libéraux
De
nombreuses mesures de soutien sont déployées par l’
agence
régionale de santé (ARS)
d’Occitanie et la Cpam de l’Aveyron, en relation
avec celles des collectivités territoriales (I). Elles sont cependant
concentrées sur l’appui apporté aux
« projets médicaux » établis par des
structures de soins coordonnés et n’intègrent pas d’objectif de déploiement
d’une offre minimale dans les territoires très carencés en termes d’offre
libérale (désignés parfois comme « zones blanches ») (II).
I -
Des mesures diverses
Trois types de mesures peuvent être distinguées, qui, toutes, sont
mobilisées par l’ARS et par la Cpam
: des aides directes aux professionnels
de santé pour les inciter à s’installer ou à maintenir leur activité en Aveyron
(dans les zones sous-denses) (A)
, des aides aux structures d’exercice
coordonné (B)
, enfin le soutien à des emplois qui favorisent l’économie de
temps médical (C).
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26
A -
Les aides directes
L’ARS d’Occitanie a publié en septembre 2019 un document de
bilan intermédiaire du plan « Ma santé 2022 », dans lequel il était rappelé
que, dans le projet régional de santé 2019-2022, les mesures et les moyens
étaient renforcés significativement pour favoriser l’accès aux soins, et ce,
dans une logique de partenariat : pour toute la région, 206 étudiants en
médecine bénéficiaient d’une bourse d’étude dans le cadre des «
contrats
d’engagement de service public
», 500 internes avaient bénéficié de forfaits
pour compenser des frais de transports, un forfait avait été mis en place
pour les internes en médecine dans les zones de montagne et pour les
maîtres de stage (les deux, pour 200
€ par mois, pendant les mois de stage).
Des aides majorées venaient alors d’être mises en place, pour toute
installation en exercice coordonné en zone de montagne, en complément des
aides à l’installation (40 contrats étaient signalés comme actifs pour une
garantie de revenu, dans le cadre du contrat de praticien territorial sur la
région ; un nombre non précisé de contrats
17
était encore en cours
d’exécution pour les contrats d’aide à l’installation ou à l’exercice
coordonné).
B -
Le soutien à l’exercice coordonné
Le tableau d’ensemble qui suit, tiré du «
portrait de territoire »
relatif à l’Aveyron établi en novembre 2022, montre l’importance relative
des structures d’exercice coordonné, en l’occurrence les maisons de santé
pluriprofessionnelles (MSP) : 31 étaient en fonctionnement en 2023,
présentes dans 11 intercommunalités
18
. On décompte une MSP dans neuf
communautés de communes et jusqu’à cinq MSP «
socles » dans la
communauté de communes Aubrac, Carladez et Viadène, mais on relève
aussi quatre EPCI sans MSP
19
.
17
L’aide prévue en zone de montagne est versée par l’ARS aux médecins qui
s’installent dans une zone hors ZIP, mais située en zone de monta
gne. Elle ne peut donc
être cumulée avec les contrats de l’assurance maladie, réservés aux seuls ZIP.
18
Les antennes, quant à elles, sont implantées dans neuf EPCI ; les effectifs sont
compris entre une antenne dans sept territoires et trois antennes dans les CC Monts,
Rance et Rougier et CC Comtal Lot et Truyère.
19
Dans le cadre des annonces récentes du Gouvernement (engagement de porter le
nombre de MSP à 400 sur le plan national) un contingent de MSP supplémentaires est
envisagé.
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DES MESURES EFFICACES MAIS QUI SUPPOSENT
UN PARTENARIAT AVEC LES PROFESSIONNELS LIBÉRAUX
27
Les autres structures d’exercice coordonné sont beaucoup plus
limitées en nombre : on décompte trois centres de santé polyvalents et
22 centres infirmiers. Quant aux communautés professionnelles territoriales
de santé, CPTS, (qui constituent des structures interprofessionnelles de
concertation,
de coordination et souvent de soutien aux innovations,
mais
pas de soin), leur maillage était peu avancé en 2022 : deux CPTS étaient
conventionnées en décembre 2023 (pour les deux communautés de
communes de l’Aubrac
20
), deux avaient transmis leur projet pour examen à
l’ARS, une avait établi sa «
lettre d’intention
», selon le document de suivi
transmis par la Cpam.
Tableau n° 4 :
nombre de CPTS
21
, de MSP en 2022
Source : fichier national des établissements sanitaires et sociaux (FINESS) 2022 de la direction
générale de l’offre de soins (DGOS
)
20
La CPTS Nord-Aveyron recouvre 38 communes dans trois EPCI (CC Aubrac,
Carladez et Viadène, CC des Causses à l'Aubrac et CC Comtal Lot et Truyère) pour
26 720 habitants, soit près de 10 % de la population du département.
21
Depuis lors, une deuxième CPTS a atteint un stade de maturité qui lui
a permis d’être
signataire de l’accord national
. Ce niveau reste faible par rapport au degré
d’avancement moyen national). Trois autres en sont au stade de la validation de leur
projet par l’ARS (dont une CPTS correspondant au «
Grand Rodez »).
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COUR DES COMPTES
28
Les MSP ont donc fait l’objet d’une attention particulière de la part
des financeurs publics et ont mobilisé une part significative des aides à
l’investissement en premier lieu, au fonctionnement en second lieu.
Les aides à l’investissement ont été principalement apportées par les
collectivités du bloc communal (pour un peu plus de la moitié du coût
brut
22
global), puis par l’État, qui contribue pour une part significative au
total des subventions (au côté des autres collectivités comme la région et
le département). Outre le
fonds d’intervention régional (
FIR), sont
mobilisées d’autres
formes de cofinancements prévus dans le cadre des
politiques contractuelles de l’État
23
(contrats de ville, de ruralité, action
cœur de ville, petites villes de demain, contrat de relance et de transition
énergétique). En moyenne, les projets conduits par les collectivités sont
subventionnés à hauteur de 50 %.
Tableau n° 5 :
répartition des subventions aux projets de MSP
(en milliers d’euros)
Montant de
l’investissement
Département
État
Région
UE
Total des
subventions
Part des
subventions
41 869
3 968
8 820
3 042
3 089
18 919
45 %
Source : CRC, à partir
des éléments du département de l’Aveyron
24
Des aides significatives ont aussi été apportées dans la phase de
préfiguration et de conception, notamment par l’ARS (sur les crédits du
FIR). Après l’entrée en service des bâtiments, des aides sont ensuite
apportées au fonctionnement pour les structures éligibles à l’Accord
conventionnel interprofessionnel.
21 structures ont ainsi bénéficié d’une
aide récurrente moyenne d’environ 300
000
€ en 2022.
22
Les loyers ultérieurs réduisent plus ou moins fortement cette dépense brute.
23
De même pour les apports de la région, issus de divers fonds régionaux (contrats
"Bourgs-centres Occitanie", contrats territoriaux Occitanie).
24
Données relatives aux projets financés par le département (avec un principe de
cofinancement systématique) consolidées pour la période de 2013 à 2021 : trente et une
maisons de santé, cinq cabinets de pratiques coordonnées, cinq antennes et un cabinet
dentaire. L’aide versée par
le département s’est élevée en moyenne à 94
478
€, pour un
montant moyen de projet de 996 884
€.
Depuis 2008, le département a ainsi versé
3,9
M€, soit 9
% du montant total des projets financés.
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DES MESURES EFFICACES MAIS QUI SUPPOSENT
UN PARTENARIAT AVEC LES PROFESSIONNELS LIBÉRAUX
29
C -
Les emplois aidés permettant d’économiser
du temps médical
D’autres aides, plus récentes dans leur principe, sont en croissance
rapide. C’est en particulier le cas des aides apportées à l’emploi d’assistants
médicaux qui se sont élevées au premier semestre de 2023 à 225 475
€,
correspondant au soutien à l’
emploi de 11 assistants. Seize médecins
généralistes avaient signé un contrat, prévoyant un engagement
d’accroissement de l’activité en contrepartie de l’aide.
De manière moins ciblée, des emplois salariés d’infirmières de santé
publique sont mis à la disp
osition des médecins par l’association Asalée,
qui contribuent à améliorer les prises en charge et à diminuer le besoin de
temps médical.
II -
Une efficacité contrastée
Les effets globaux de ces diverses aides sont difficiles à apprécier,
notamment pour c
e qui concerne l’évolution de l’accès aux soins de
médecine générale (A). Une analyse plus attentive fait apparaître des effets
contrastés selon les territoires
: lorsque les interventions peuvent s’appuyer
sur les projets de santé élaborés par les professionnels, elle se révèlent
efficaces ; en revanche,
le risque apparaît de laisser perdurer ou s’aggraver
les difficultés d’accès dans des territoires carencés (B).
A -
Éléments généraux
Pour apprécier l’efficacité de ces mesures, le point le plus sensible est
l’accès aux soins de médecine générale. Plusieurs stratégies indirectes
peuvent y contribuer, notamment l’éducation des patients, afin de réduire le
nombre des consultations médicalement inutiles. L
’ARS d’Occitanie a
engagé une réflexion novatrice par bien des aspects sur ce point
sans qu’il n’y
ait pour le moment
de plan d’action systématique et aux effets mesurables.
Une autre manière d’optimiser le temps
médical disponible est de
favoriser les coopérations entre professionnels de santé. Mais
les effets sur
le temps médical disponible de ces protocoles ne sont pas connus.
Les efforts destinés à inverser les évolutions démographiques ont
des effets assez limités. Le bilan établi par la chambre régionale des
comptes (sur les aides du département mais, en réalité, sur l’ensemble des
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COUR DES COMPTES
30
aides, y compris sur celles de l’ARS), a conclu d’une manière prudente
25
,
à partir des données transmises par les services du conseil départemental
(à partir des constats de l’ordre départemental des médecins) :
«
s’il est
impossible de mesurer l’impact spécifique de la politique du département
sur le nombre de médecins présents sur le territoire, il est possible de
constater une stabilisation de la démographie médicale. En effet, entre
2013 et 2021, selon le département, 107 médecins généralistes ont cessé
d’exercer sur le territoire, 99
généralistes se sont installés. Le solde
« installations-départs »
26
est donc négatif (- 8). Rapporté au nombre
d’habitants, la densité pour 10
000 habitants en Aveyron a diminué de
0,7 point entre 2014 et 2021 (de 8,8 à 8,1), soit la même proportion que la
France dans son ensemble (de 9,3 à 8,6) »
.
Les chiffres sont encore moins bons s’agissant de
s spécialistes :
toujours selon les données du conseil départemental, relatifs aux flux
d’arrivées et de départs ou de cessations d’activité
; entre 2013 et 2021,
49 ont cessé leur activité et 22 se sont installés depuis. Le solde est donc
négatif et le taux de remplacement de 45 % seulement.
B -
Des effets différents selon la stratégie retenue ?
Une analyse plus fine, par territoire, semble mettre en évidence des
évolutions et des choix différents. A
insi, dans l’Aubrac, les efforts des
communautés de com
munes ont porté surtout sur la constitution d’un
réseau de MSP, fortement médico-centrées, ce qui a permis de stabiliser à
un niveau assez élevé la densité des médecins généralistes malgré les
contraintes géographiques et les problèmes d’accessibilité. En
revanche,
les densités relevées dans les trois communautés de communes de la CPTS
sont
médiocres,
s’agissant
des
infirmières
27
,
des
masseurs-
kinésithérapeutes et des chirurgiens-dentistes (voir
supra
, tableau p. 11).
Dans d’autres territoires,
les principales professions de santé sont
réparties de façon très hétérogène. Il existe aussi des situations de carence
qui traduisent la difficulté à trouver des points d’appui susceptibles de
25
CRC Occitanie,
Département de l’Aveyron
, rapport précité d
’observations définitives.
26
Le suivi du nombre de médecins conventionnés avec la Cpam met en évidence une
évolution encore plus préoccupante : de 249 en 2013, ce nombre est passé à 225 en 2023
pour les médecins généralistes (- 9,6 %). Quant au nombre de médecins spécialistes
conventionnés dans le département, il est passé de 163 en 2013 à 120 en 2023
(soit
26,4 %).
27
Les infirmières salariées, qui exercent en centres de soins infirmiers, ne sont pas
décomptées cependant. Plusieurs centres de soins infirmiers sont présents dans le
territoire de la CPTS.
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DES MESURES EFFICACES MAIS QUI SUPPOSENT
UN PARTENARIAT AVEC LES PROFESSIONNELS LIBÉRAUX
31
fédérer les professionnels de santé dans leur diversité et d’accueillir
étudiants, internes ou remplaçants.
Les résultats ainsi obtenus, inévitablement hétérogènes, sont pour
partie le reflet d’une stratégie régionale explicite
:
«
l’ARS a fait le pari des
territoires en Occitanie, en s’appuyant sur les acteurs locaux pour
construire les réponses les plus adaptées aux besoins territoire par
territoire
[…]
. Elle fait le
choix du partenariat pour la mise en œuvre des
mesures »
. L’ARS n’avait donc pas préféré, dans la période couverte par le
précédent projet régional de santé (de 2019 à 2022), structurer une politique
fondée sur des objectifs propres, incluant la recher
che d’une offre «
socle »,
y compris dans des territoires enclavés et carencés.
Les retards constatés dans l’émergence des CPTS comme le très
faible développement des centres de santé polyvalents (et ce, malgré la
politique régionale annoncée visant au dép
loiement d’un réseau de centres)
et le faible développement des équipes de soins primaires
28
constituent
autant de traductions de la difficulté d’identifier ou de mettre en place des
structures relais dans le département, qui ne soient pas issues de projets
portés par les professionnels eux-mêmes.
28
Trois équipes étaient soutenues par l’ARS en 2022.
Ces structures, moins exigeantes
en termes de coopérations entre professionnelles de santé que des structures d’exercice
coordonné, ont pu représenter parfois une formule de transition vers une MSP. Elles
peuvent également servir de point d’appui, dans les territoires où les professionnels sont
dispersés ou peu désireux de s’engager dans des projets plus ambitieux
.
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Chapitre III
La définition en cours d’une action
plus structurée et plus ambitieuse
Dans la recherche de solutions concrètes aux difficultés croissantes
d’accès aux soins de premier recours, les documents récemment publiés en
annexes du projet régional de santé (PRS), pour la période de 2023 à 2028,
témoignent d’un infléchissement vers un
e stratégie plus structurée dans ses
cibles (I) et dans sa gouvernance (II). Pour autant, dans la phase
intermédiaire de mise en place des outils nouveaux, il n’est pas évident que
toutes les conditions de réussite soient réunies.
I -
Des cibles confirmées et élargies
Deux orientations, sinon complètement nouvelles du moins
présentées de manière renouvelée, apparaissent dans le PRS
et font l’objet
de deux engagements
: la recherche d’une régulation de la demande de
soins (engagement n° 3) (A) et
d’
une
amélioration de l’accessibilité, placée
sous tension de résultat (n° 4) (B).
A -
La recherche d’un bon usage des soins
Un des engagements du « PRS 3 » consiste à
« accompagner chaque
personne pour lui permettre d’être actrice de sa santé
»
. Il est notamment
souligné
«
qu’une communication en santé claire adaptée au public cible
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COUR DES COMPTES
34
doit faciliter la compréhension des attitudes favorables à la santé, la
lisibilité de l‘offre et son bon usage
»
(p.65).
Il est également souligné que les
« professionnels des soins
primaires ont un rôle majeur pour limiter le poids du gradient social. Le
développement de leurs pratiques en exercice coordonné est un facteur
favorisant la pris en compte de la démarche préventive. Ils devront être
soutenus par l’émergence de dispositifs de coordination, d’aide à
l’orientation, d’appui à la gestion des cas complexes
»
. De fait, le schéma
régional de santé 2023-2028 qui détaille les orientations duPRS, décrit
quelques-uns des dispositifs qui devront être soutenus :
« éducation
thérapeutique »
,
« psychoéducation »
,
« pair-aidance »
(p. 51), efforts
multiformes de lisibilité des parcours, en particulier à l’intention des
personnes âgées, développement d’outils au service des partenariats…
Toutefois, ces objectifs sont peu assortis de cibles quantitatives
quant à l’effet attendu
: on ne prévoit pas, par exemple, (en tout cas à ce
stade) d’interroger des échantillons d’usagers sur leur connaissance des
parcours ou sur leurs pratiques d’éducat
ion thérapeutique (dont les diverses
modalités ne sont ni décrites, ni
a fortiori
consolidées, dans une mesure
globale). Or, la réduction des demandes abusives ou inutiles de soins
dépend notamment d’un apprentissage, auprès des professionnels de santé,
de la part des patients dont les démarches devraient être mesurées et tracées
(on décompterait, par exemple, le nombre de patients ayant fait l’objet
d’une proposition de soutien dans la durée ou d’un programme actif).
B -
Un accès aux soins placé sous tension de résultats
Un deuxième engagement, pour un meilleur accès aux soins,
s’inscrit dans le prolongement des actions antérieures mais selon une
formulation renouvelée. Il consiste en effet à déplacer l’accent, des leviers
vers les résultats attendus. En effet, selon le PRS
«
l’aggravation des
disparités d’accès aux soins entre départements avec une situation
préoccupante de désertification médicale dans certains départements (09,
32,46)
[confirme]
ainsi l’intérêt de privilégier la maille départementale et
infra-
départementale pour appréhender l’accès aux soins
»
(p. 67). Il est
donc prévu de
« réduire les disparités territoriales, graduer, organiser les
ressources au mieux en fonction des caractéristiques de chaque territoire
et de son écosystème »
.
« Le soutien de ces dynamiques passe
[poursuit le
PRS]
, par l’élaboration de projets de santé globaux dans les départements,
à l’échelle des CPTS et des SAS, et incluant les établissements de santé,
intégrant notamment les plateformes et les outils de collaboration et
associant plus fortement des collectivités territoriales »
.
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LA DÉFINITION EN COURS
D’UNE ACTION PLUS ST
RUCTURÉE
ET PLUS AMBITIEUSE
35
Cependant, les actions destinées à traduire cette orientation
demeurent encore peu précises, dans cette phase initiale de mise en œuvre,
et rarement assorties de cibles, en direction des professionnels de santé
notamment. Il est ainsi signalé, dans le schéma régional (p. 99), que
« seules 20
% des MSP mettent en œuvre au moins un protocole de
coopération »
; mais bien que
des actions incitatives sont prévues, auprès
des professionnels, aucun
e cible quantifiée n’est identifiée, quant à la
part de MSP impliquées dans ces protocoles
.
II -
La recherche d’une gouvernance
territorialisée
En direction des collectivités territoriales et en relation avec la
Cpam, plusieurs outils ont été successivement dép
loyés par l’ARS pour
améliorer les partenariats entre décideurs et financeurs publics, notamment
dans le champ des soins de premier recours (A
). Ces progrès n’ont cependant
pas encore permis d’établir une gouvernance partagée capable de construire
un proj
et territorial et d’en suivre la mise en œuvre, même si les documents
publiés dans le cadre du
PRS s’efforcent d’aller dans ce sens
(B).
A -
Des instances de concertation opérationnelles
Pour coordonner les interventions des différents financeurs publics
en
faveur de l’accès aux soins de premier recours, plusieurs instances ont
été progressivement constituées.
Un comité départemental de suivi des exercices coordonnés se tient
deux fois par an, en début d’année et à l’automne. Sont réunis à cette
occasion l’AR
S, la Cpam, la mutualité sociale agricole (MSA), la préfecture,
le département, la région, les unions régionales des professionnels de santé
(chirurgiens-dentistes,
masseurs-kinésithérapeutes,
médecins,
orthophonistes, pharmaciens), les conseils départementaux des différents
ordres (infirmiers, médecins, masseurs-kinésithérapeutes) et la fédération
Occitanie-Roussillon des maisons de santé (FORMS). Ce comité est piloté
et animé par l’ARS. Il a notamment pour objectif de contribuer au
pilotage
de la politique de santé de proximité, de donner son avis et d’approuver les
projets d’équipes de soins primaires, les projets de santé et de suivre le
fonctionnement des maisons de santé pluriprofessionnelles. Il assure le suivi
de toute question relevant de la politique locale de santé.
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COUR DES COMPTES
36
Le PRS 2018-2022 avait envisagé
« une territorialisation de
l’action, avec notamment la mise en place d’un dispositif de pilotage et
d’une démarche d’évaluation tout au long de sa mise en œuvre
»
, comme
le résume le PRS suivant, en admettant notamment que la pandémie de
covid-
19 n’a permis que des progrès partiels dans la méthode.
Le PRS pour 2023-2028 a repris cet objectif qui a été traduit en
« schémas territoriaux de santé » au niveau départemental (en pratique,
territoires de santé, au sens de la « démocratie sanitaire », et département
coïncident en Occitanie, et donc en Aveyron). Pour en permettre la
déclinaison territoriale, à un niveau infra-départemental, est intervenue en
décembre 2023 la signature
29
d’un «
pacte territorial en santé pour le
département de l’Aveyron
», pour la durée du PRS (2023-2028). Ce pacte
prévoit que seront établis des plans d’actions, ensuite contractualisés avec
des « porteurs de projets » (à désigner), mais définit aussi en amont
l’association à la démarche des autres financeurs
: Cpam et caisse de MSA
Pyrénées-
Nord, la région Occitanie et le département de l’Aveyron. Il
prévoit aussi une consultation périodique du conseil territorial de santé
(CTS) sur les objectifs et les progrès réalisés.
B -
Des orientations nouvelles à arbitrer
En revanche, les modalités de mise en œuvre de la programmation
et du suivi des actions à venir ne sont pas encore claires, en ce sens qu’elles
ne permettent pas, à elles seu
les, de passer d’une logique de moyens à une
logique de « mise sous tension de résultats » (la nécessité de cette évolution
est reconnue par l’ARS Occitanie, sans que sa traduction opérationnelle,
difficile il est vrai, soit réalisée). Cet objectif suppose
d’arbitrer plusieurs
points qui sont encore flous en l’état.
En premier lieu, il convient de clarifier la carte des territoires de
contractualisation
.
Tant
qu’un
maillage
exhaustif
du
territoire
départemental par
des CPTS n’est pas disponible, plusieurs solutions de
substitution sont envisageables : on peut considérer les EPCI comme
circonscription d’action pertinente (éventuellement, avec leur accord, un
regroupement d’EPCI), en admettant que leurs élus ont une mi
ssion
implicite de coordination de l’action des collectivités, notamment pour
l’accès aux soins de proximité. On peut aussi identifier une carte probable
29
En présence de la ministre déléguée
chargée de l’
organisation territoriale et des
professions de santé. Ce pacte préfigure
la conclusion de pactes pour l’ensemble des
départements de la région.
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LA DÉFINITION EN COURS
D’UNE ACTION PLUS ST
RUCTURÉE
ET PLUS AMBITIEUSE
37
des futures CPTS et contractualiser avec les équipes de soins primaires
(MSP ou ESP) présentes sur ce territoire.
Dans sa réponse au document provisoire, l’ARS indique s’efforcer
d’élargir le périmètre des CPTS existantes ou de susciter de nouvelles
communautés, dans les territoires non desservis. En l’absence ou en
l’attente d’une CPTS, elle envisage de d
ésigner par appel à projets un chef
de file (collectivité territoriale, hôpital de proximité…) chargé, sur son
territoire, de structurer une offre socle de proximité, en relation avec les
professionnels, en lui donnant par contractualisation les moyens d’a
ctiver
tous les leviers possibles (boîte à outils).
En deuxième lieu, il convient d’établir pour ces différents territoires
pertinents un état des lieux des alertes ressenties par les patients,
indispensable pour en déduire un plan d’actions prioritaires d
istinguant,
autant que possible, trois volets complémentaires
30
et assorti d’indicateurs
objectifs (initiaux et en cible, au terme d’une trajectoire pluriannuelle). Il
convient donc aussi d’arbitrer le contenu d’un « tableau de bord » sélectif,
visant à objectiver un ordre de priorités (en appréciant par territoire et par
fonction un niveau de besoin, éventuellement modulé par l’importance des
populations exposées aux différents risques d’accès dégradé aux soins de
premier recours).
Enfin, un inventaire au moins indicatif des ressources disponibles
devrait être réalisé, que ces ressource proviennent des fonds gérés par
l’ARS, des
ressources des régimes de sécurité sociale ou des crédits
d’intervention des collectivités régionale et départementale.
Cet inventaire préalable servirait de base à un contractualisation
avec les porteurs de projets qui devrait être globale, par subdivision infra-
départementale, pour en garantir la cohérence. Un quatrième arbitrage
devra sans doute intervenir sur les modalités de cette contractualisation, qui
devrait être à la fois « montante » (en ce sens qu’elle doit être attentive à
aider les projets déjà formulés) mais aussi en partie « descendante », pour
favoriser
31
une organisation des soins de premier recours cohérente dans
tous ses segments, même sur des points que les acteurs locaux, au niveau
infra-départemental, auraient pu sous-estimer.
30
Soins programmés, soins non-programmés et actions «
d’aller
-vers ».
31
La mobilisation des initiatives des offreurs de soins peut alors se faire par appel à
projets ou à manifestation d’intérêt, réservé dans un premier temps aux structures
d’exercice coordonné ou regroupé, puis
, à défaut, à des structures suscitées par les
pouvoirs publics, notamment auprès des établissements sanitaires, pour la création de
centres de santé ou pour la transformation de centres de soins infirmiers en centres de
santé polyvalents.
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38
Bien entendu, le contenu des actions doit répondre aux spécificités
de
chaque
bassin,
mais
il
conviendrait
qu’un
plan
soit,
tout
particulièrement, établi dans les bassins de vie les plus carencés du point
de vue de l’offre de soins de premier recours.
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Conclusion générale
L’examen des difficultés croissantes dans l’accès aux soins de
premier recours
dans le département de l’Aveyron, difficultés qui devraient
encore s’accentuer en raison des tendances de la démographie médicale au
cours des prochaines années, met en évidence certaines limites dans la
méthode adoptée pour tenter d’y remédier
: le seul soutien aux projets
établis par les professionnels de santé libéraux, même regroupés sur une
base interprofessionnelle, ne suffit pas, car subsistent des territoires
carencés, privés de relais ou de « locomotives ».
Une logique de « socle » ou de filet de sécurité doit donc être
déployée, en complément, par les différents acteurs publics et notamment
par la
caisse primaire d’assurance
-maladie (qui peut distribuer des moyens
substantiels
via
ses dispositifs conventionnels) mais, pour ce faire, une
chaîne de décision doit être identifiée, depuis le repérage des difficultés à
l’échelle pertinente des
communautés professionnelles territoriales de
santé ou, dans une pé
riode de transition, d’autres découpages infra
-
départementaux, jusqu’à la définition de plans d’action priorisés par
territoire puis à des bilans périodiques et à des réajustements, en fonction
des premiers retours d’expérience.
Le « PRS 3 » a posé dans ce sens des jalons importants mais il
demeure encore insuffisamment précis et opérationnel, ce qui risque d’en
entraver l’ambition et la capacité d’entraînement auprès des autres
décideurs et financeurs publics, coresponsables, à un titre ou à un autre, de
l
a mise en place d’un accès aux soins de premier recours moins inégalitaire
et plus efficace, du point de vue des politiques de santé.
Un travail complémentaire devrait se fixer un objectif de pilotage
territorial de l’offre de soins de premier recours
, en relation avec la Cpam
et le département de l’Aveyron
ainsi qu’avec
la région Occitanie. Comment
peut-on fonder le repérage des actions prioritaires sur quelles subdivisions
infra-départementales et à partir de quels indicateurs de besoins, qui peut
(et doit) les prioriser, quels outils complémentaires mobiliser dans les
territoires les plus carencés ? À ces questions, la démarche engagée par
l’ARS, en relation avec les caisses d’assurance maladie (Cpam et Cmasa)
et les collectivités, régionale et départemen
tale, a commencé d’apporter des
solutions pragmatiques et parfois novatrices
. Cependant, la mise en œuvre
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40
d’un pilotage effectif, guidé par la mesure des résultats, suppose une
« chaîne
» complète, du repérage des priorités à l’analyse du degré
d’atteinte
des objectifs dans chaque subdivision (les CPTS, en général).
Compte tenu de sa complexité et des enjeux, il s’agit d’un chantier de
moyen terme.
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Liste des abréviations
ACI
...............
Accord conventionnel interprofessionnel
ADOPS
........
A
ssociation départementale pour l’organisation de la permanence
des soins
ALD
.............
Affection de longue durée
APL
..............
Accessibilité potentielle territorialisée
ARS
..............
Agence régionale de santé
CAF
..............
Caisse d’allocations familiales
CCCD
..........
Communauté de communes de Châteaubriant-Derval
CCN
.............
Communauté de communes de la région de Nozay
CGCT
...........
Code général des collectivités territoriales
CLS
..............
Contrat local de santé
CPAM
..........
C
aisse primaire d’assura
nce maladie
CPTS
............
Communauté professionnelle territoriale de santé
CSP
..............
Code de la santé publique
CSS
..............
Complémentaire santé solidaire
CTS
..............
Conseils territoriaux de santé
EPCI
.............
Établissement public de coopération intercommunale
FIR
...............
Fonds d'intervention régional
GPSRN
........
Groupement des professionnels de santé de la région de Nozay
LAD-SELA .. Loire-Atlantique Développement
Société d’équipement
de Loire-Atlantique
MG
...............
Médecin généraliste
MMP
............
Maison médicale pluriprofessionnelle ou pluridisciplinaire
MSP
..............
Maison de santé pluriprofessionnelle
MT
................
Médecin traitant
ORS
..............
Observatoire régionale de la santé
PDSA
...........
Permanence des soins ambulatoires
PFA
..............
Patientèle file active
PMT
.............
Patientèle médecin traitant
PRS
..............
Projet régional de santé
PS
.................
Professionnel de santé
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42
ROSP
............
Rémunération sur objectifs de santé publique
SISA
.............
Société interprofessionnelle de soins ambulatoires
SNP
..............
Soins non programmés
SRS
..............
Schéma régional de santé
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Annexes
Annexe n° 1 :
incidence du vieillissement démographique
sur les dépenses de santé
......................................................
44
Annexe n° 2 :
quels indicateurs pour la mission «
d’aller vers
» ?
..............
46
Annexe n° 3 :
extraits du document de travail «
Mise en œuvre
d’un pacte territorial en santé dans le département
de l’Aveyron
»
.............................
Erreur ! Signet non défini.
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44
Annexe n° 1 :
incidence du vieillissement
démographique sur les dépenses de santé
Comme le démontre la DREES
32
, en moyenne, les dépenses de santé
progressent avec l’âge du fait de la dégradation de l’état de santé.
Relativement élevée autour de la naissance, la dépense moyenne diminue
ensuite rapidement et se stabilise, avant de progresser à nouveau à un
rythme soutenu aux alentours de 50 ans. Au niveau national, en 2015, la
dépense moyenne d’un homme âgé de 70 à 74 ans est ainsi près de
huit fois
plus élevée que celle d’un homme de 20 à 24 ans.
Graphique n° 1 :
consommation moyenne de soins
par tranche d’âge
Source : échantillon général des bénéficiaires (EGB) de la caisse nationale de l'assurance maladie
des travailleurs salariés ; DREES, comptes de la santé
Le profil des consommations médicales se modifie lui aussi. La part
de la consommation attribuable aux plus de 60 ans atteint même 60 % pour
les transports de malades et 67 %
pour les soins d’auxiliaires médicaux.
32
Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques du ministère
de la santé.
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ANNEXES
45
Graphique n° 2 :
r
épartition des dépenses de santé par tranche d’âge
Source : échantillon général des bénéficiaires (EGB) de la caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs
salariés ; DREES, comptes de la santé
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Annexe n° 2 :
quels indicateurs pour la mission
«
d’aller vers
»
?
Parmi les missions essentielles que doit exercer l’offre de soins de
premier recours,
l’
une, souvent peu vis
ible, concerne le déploiement d’une
offre en direction des personnes les plus éloignées du soin. Sur ce volet,
deux indicateurs ont été retenus d
ans le cahier national, l’un p
ertinent à un
niveau
assez global (par exemple au niveau départemental), l’autre
susceptible de déclinaisons plus fines, au niveau des territoires de
contractualisation (infra-départementaux). Les données recueillies pour
l’Aveyron confirment l’utilité de ce double éclairage
.
La Cpam a transmis un tableau présentant les taux de patients sans
médecin traitant, avec la moyenne « tous assurés » et celle pour les seuls
patients vulnérables (identifiés par le bénéfice de la C2S). Cependant, les
données sur les écarts
ne sont pertinentes qu’à un niveau agrégé. En effet,
au niveau des bassins de vie, le nombre de personnes concernées est très
faible en général, ne permettant pas de produire des données assez robustes
(mais il serait intéressant de tester les données consolidées par CPTS).
Seules certaines paraissent significatives (et préoccupantes, ou du moins à
expliquer) : pour les bassins de Decazeville où ce taux est de 29 % (pour
une population d’assurés en C2S de 1
400 assurés environ), ou de Figeac
(taux de 32 % pour une population de 350 personnes en C2S).
L’écart mesuré au niveau du dé
partement est de dix points (11 % en
moyenne contre 21 % pour les assurés en C2S). Il confirme le constat de la
pertinence de cet indicateur sur le plan national.
Un autre tableau, lui aussi transmis par la Cpam, paraît en revanche
plus adapté pour repérer de manière précise une moindre couverture par les
soins des personnes (cet indicateur ne cible pas d’emblée une forme de
vulnérabilité). Le taux de personnes de plus de 50 ans qui n’ont pas eu de
soin avec un médecin généraliste pendant l’année paraît
constituer un
indicateur plus solide comme le montre le deuxième tableau qui suit.
On y lit que les écarts maximaux entre « bassins de vie » vont d
’un
à trois (et encore, d
’un
à deux si on écarte la situation exceptionnelle de
Pont de Salars). Apparaissent en particulier les situations atypiques des
certains territoires ruraux isolés, comme le bassin de Réquista, ou la partie
située en Aveyron des bassins de vie de Bédarieux (on note un taux de
29 %)
, et d’Aurillac. Certes les effectifs conce
rnés y sont très réduits, mais
le risque de déni d’accès sans doute avéré.
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ANNEXES
47
Tableau n° 6 :
taux de patients de plus de 50 ans
sans soins de médecin généraliste en un an
Bassin de vie
Assurés de plus de
50 ans ayant
consulté un
généraliste au
moins une fois sur
les 12 derniers
mois (nov. 2022
à oct. 23)
Pop. protégée
CPAM 12 de plus
de 50 ans
Part des assurés
de 50 ans et plus
n'ayant pas eu de
soins avec un MG
Rodez
20 421
23 7 01
14 %
Decazeville
7 569
8 638
12 %
Baraqueville
2 393
2 726
12 %
La Canourgue
313
370
15 %
Laissac
1 895
2 149
12 %
Le Vigan
317
370
14 %
Millau
12 222
14 228
14 %
Saint-Affrique
6 907
8 132
15 %
Sévérac-le-Château
1 365
1 575
13 %
Maurs
163
185
12 %
Pont-de-Salars
1 346
1 483
9 %
Figeac
2 710
3 210
16 %
Marcillac-Vallon
3 966
4 589
14 %
Naucelle
1 841
2 103
12 %
Bozouls
1 147
1 278
10 %
Lacaune
183
225
19 %
Lodève
75
93
19 %
Hors département
ou Insee inconnu
1 045
1 459
28 %
Bédarieux
12
17
29 %
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48
Bassin de vie
Assurés de plus de
50 ans ayant
consulté un
généraliste au
moins une fois sur
les 12 derniers
mois (nov. 2022
à oct. 23)
Pop. protégée
CPAM 12 de plus
de 50 ans
Part des assurés
de 50 ans et plus
n'ayant pas eu de
soins avec un MG
Alban
41
46
11 %
Laguiole
637
731
13 %
Montbazens
1 578
1 779
11 %
Saint-Geniez-d Olt
1 468
1 703
14 %
Espalion
4 189
4 714
11 %
Entraygues-sur-Truyère
835
944
12 %
Aurillac
34
46
26 %
Mur-de-Barrez
1 449
1 664
13 %
Réquista
3 047
3 610
16 %
Rieupeyroux
1 897
2 241
15 %
Rignac
1 341
1 575
15 %
Villefranche-de-
Rouergue
8 830
10 451
16 %
Aveyron
91 236
106 035
14 %
Source : système national des données de santé
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