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Synthèse du rapport sur la certification des comptes du régime général de sécurité sociale - Exercice 2023
La mission de certification et ses enjeux
La mission confiée à la Cour
La Cour des comptes établit chaque
année, en application de l’article
LO. 132-2-1 du code des juridictions
financières, un rapport sur la
certification des comptes du régime
général de sécurité sociale, qu’elle remet
au Parlement et au Gouvernement.
Pour exercer cette mission, la Cour
applique les normes internationales
d’audit (ISA).
La Cour formule sur les comptes une
opinion motivée et indépendante,
après avoir collecté les éléments qui
lui permettent d’apprécier la régularité
et la sincérité des comptes du régime
général de sécurité sociale et la fidélité
de l’image que donnent les comptes
sur le résultat, la situation financière et
le patrimoine de ce régime.
Le champ de la certification
Le rapport annuel de la Cour présente
dix opinions
:
l
six
portent sur les comptes respectifs
de l’activité de recouvrement et des
branches maladie, accidents du travail-
maladies professionnelles (AT-MP),
famille, vieillesse et autonomie ;
l
quatre
concernent les comptes
des organismes nationaux : Agence
centrale des organismes de sécurité
sociale (Acoss), Caisse nationale
d’assurance maladie (Cnam), Caisse
nationale des allocations familiales
(Cnaf) et Caisse nationale d’assurance
vieillesse (Cnav). Les comptes de la
Caisse nationale de solidarité pour
l’autonomie (CNSA) sont ceux de la
branche autonomie.
L’activité de recouvrement, c’est-à-
dire le réseau des Urssaf et des CGSS
outre-mer, assure le recouvrement de
cotisations et contributions sociales,
d’impôts et taxes affectées et de
produits divers, pour le régime général
et pour d’autres attributaires (autres
régimes et organismes de sécurité
sociale, Unédic, État, etc.).
Les prélèvements publics mis en
recouvrement par ce réseau pour
les branches du régime général
et d’autres attributaires ont atteint
590 Md€, dont 524,2 Md€ pour le
régime général et 138,7 Md€ pour les
autres attributaires.
Les prélèvements sociaux soumis à certification
CERTIFICATION DES COMPTES
DU RÉGIME GÉNÉRAL
DE SÉCURITÉ SOCIALE -
Exercice 2023
Points essentiels
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Synthèse du rapport sur la certification des comptes du régime général de sécurité sociale - Exercice 2023
La mission de certification et ses enjeux
Les charges soumises à certification
À titre principal, les charges soumises
à certification correspondent
à des prestations des branches du
régime général et à des prestations
de solidarité versées par les
caisses d’allocations familiales
pour le compte de l’État (aides au
logement, AAH, prime d’activité)
et des départements (RSA).
En 2023, ces charges ont
atteint
567,5 Md€, soit 21,5 % du PIB,
dont
515,7
Md€ pour les branches du
régime général.
Source : Cour des comptes
Charges du régime général en 2023 (en
Md€ et
%)
Compte tenu des autres produits
et transferts internes à la sécurité
sociale, ainsi que du financement de
dépenses par l’État et les départements
(107,7 Md€, contre 106,9 Md€ en 2022),
les montants de produits relevant de
la mission de certification de la Cour
ont atteint
695,5 Md€ (26,3 % du PIB)
en 2023
, dont 505,1
Md€ pour les
branches du régime général.
Répartition entre les attributaires en 2023 (Md€ et %)
A-A : Agirc-Arrco FC : France compétences
Source : Cour des comptes
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Synthèse du rapport sur la certification des comptes du régime général de sécurité sociale - Exercice 2023
Depuis l’exercice 2006, la certification
des comptes apporte une contribution
déterminante à la transparence et à la
fiabilisation des comptes de la sécurité
sociale :
- le degré de fiabilité des comptes du
principal régime de sécurité sociale fait
l’objet d’une opinion indépendante et
motivée ;
- les constats de la Cour sur l’efficacité
des dispositifs de contrôle interne
fournissent des indications précises
pour améliorer le paiement à bon droit
des prestations sociales et l’exhaustivité
de la collecte des prélèvements sociaux.
Dans le rapport sur la certification des
comptes du régime général de sécurité
sociale, la Cour distingue :
- les « anomalies significatives » qui
traduisent des désaccords sur les
comptes d’une part ;
- les « insuffisances d’éléments
probants », qui reflètent des incertitudes
sur les montants comptabilisés d’autre
part.
L’apport de la certification des comptes
Les opinions de la Cour sur les comptes 2023
Pour l’exercice 2023,
la Cour :
l
se trouve dans l’impossibilité de
certifier les comptes de la branche
famille et de la Cnaf
(la Cour avait
refusé de certifier les comptes 2022) ;
l
certifie avec réserve les comptes
des quatre autres branches de
prestations du régime général ;
l
certifie avec réserve les comptes de
l’activité de recouvrement ;
l
certifie avec réserve les comptes
des organismes nationaux.
Au total, la Cour formule
39 observations sur l’ensemble
des branches et de l’activité
de recouvrement du régime général.
Pour l’avenir, l’évolution des constats
de la Cour dépend du
renforcement
des moyens affectés à la conduite
des chantiers de grande ampleur
relatifs aux systèmes d’information et
au contrôle interne,
afin de maîtriser
les risques financiers qui affectent
les prélèvements sociaux (non-
exhaustivité) et les prestations (erreurs
d’attribution et de calcul), et de
l’amélioration de la justification des
enregistrements et des estimations
comptables.
6 anomalies comptables significatives,
contre 11 en 2022 (- 5).
43 insuffisances d’éléments probants,
nombre identique à celui observé en
2022.
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Synthèse du rapport sur la certification des comptes du régime général de sécurité sociale - Exercice 2023
Les principaux constats de la Cour
sur les comptes 2023
1 - L’exercice 2023 s’inscrit dans le contexte particulier des suites du refus
de certifier les comptes de la branche famille et de la Cnaf
La Cour avait refusé de certifier les
comptes de la branche famille de 2022
en constatant que, au regard du niveau
auquel se situaient les indicateurs et
de l’absence d’évolution du dispositif
de contrôle interne, elle ne disposait
pas de perspectives d’amélioration
des constats réitérés en matière
d’incidence financière résiduelle après
contrôle interne. La situation a évolué
favorablement sur certains aspects en
2023. Toutefois, ces progrès, encore en
cours, ne permettent pas de certifier les
comptes de la branche.
En premier lieu, la Cnaf a élaboré un
plan d’action partagé par l’ordonnateur
et le directeur comptable et financier,
destiné à garantir le paiement à bon
droit des prestations. Toutefois, du fait
de son déploiement récent - à compter
du second semestre 2023 - ce plan
n’apporte pas encore d’assurance
raisonnable sur la maîtrise par la
branche des risques affectant les
opérations que les caisses réalisent.
Par ailleurs, en dépit du maintien
cette année, pour la première fois
depuis trois exercices, des objectifs
des contrôle assignés aux CAF et de
la progression de la performance
financière des contrôles, la capacité
de détection des erreurs par le réseau
demeure très inférieure au risque induit
par l’insuffisante fiabilité des données
déclarées par les allocataires.
En témoigne l’indicateur de risque
résiduel relatif aux données déclarées
à 24 mois, qui se stabilise certes, mais
demeure à un niveau élevé (7,4 %,
contre 7,6 % au titre des prestations
de 2021, soit 5,5 Md€ d’indus et de
rappels qui ne seront jamais détectés).
L’indicateur de risque résiduel relatif
aux données entrantes à 9 mois
affiche quant à lui une dégradation,
s’établissant à 10,9 % des prestations
versées en 2023 contre 9,9 % en 2022.
Cette tendance fait peser une
incertitude sur l’évolution de la maîtrise
du risque financier, dont l’amélioration
n’est, à ce stade, pas confirmée.
Enfin, le niveau des erreurs imputables
aux caisses elles-mêmes ne s’améliore
pas sensiblement non plus. Les charges
de la branche et les opérations que
celle-ci réalise au titre de ses opérations
propres et pour le compte de tiers se
trouvent donc affectées d’incertitudes
majeures.
Le risque estimé par ces indicateurs
ne peut être circonscrit à des comptes
précis rendant l’incidence sur les états
financiers difficile à identifier. Au regard
du caractère diffus des conséquences
des insuffisances d’éléments probants
relevées au terme des travaux, la Cour
ne peut se prononcer sur le caractère
régulier, sincère des comptes de la
branche et la fidélité de l’image du
résultat des opérations de l’exercice
écoulé, ainsi que de la situation
financière et du patrimoine à la clôture
de l’exercice.
Dans ces conditions, la Cour s’est
trouvée dans l’impossibilité de certifier
les comptes de la branche et de la Cnaf
de 2023.
A retenir
Plus d’un quart des montants versés
en 2023 (29,5 %) au titre de la
prime d’activité est affecté d’erreurs
non corrigées neuf mois après
leur paiement, ces erreurs étant
principalement des indus.
Un cinquième des prestations versées
au titre du revenu de solidarité active
dans le même intervalle est également
objet d’erreurs non corrigés, et un peu
moins d’un huitième pour les aides au
logement, les difficultés faisant à la
réforme de ces aides tendant à être
surmontées.
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Synthèse du rapport sur la certification des comptes du régime général de sécurité sociale - Exercice 2023
2 - Une évolution contrastée en 2023 des dispositifs de maîtrise des risques
financiers
L’importance des erreurs qui
affectent les prestations versées et
comptabilisées par rapport aux
règles de droit qui s’appliquent à leur
attribution ou à leur calcul affecte
la correcte représentation que
donnent les comptes des branches
de prestations de leurs droits et
obligations à l’égard de leurs principaux
tiers : les assurés, les allocataires, les
professionnels et établissements de
santé réglés en tiers payant.
La principale caractéristique de
l’exercice 2023 en matière de contrôle
interne reste la dégradation de la
capacité des dispositifs de maîtrise des
risques à prévenir les risques de portée
financière, avec des évolutions variables
selon les branches.
La mise en œuvre à compter du
1
er
janvier 2023 du décret du
30 septembre 2022 relatif au contrôle
interne dans les organismes de sécurité
sociale a été prise en compte par toutes
les caisses mais parfois avec retard.
La
branche vieillesse
voit de nouveau
augmenter le nombre d’erreurs de
liquidation et l’incidence financière
de celles-ci. Cette dernière peut ainsi
être estimée à 1,2 % du montant
des prestations liquidées en 2023,
majoritairement détriment des assurés.
Concernant la
branche maladie,
la
fréquence des erreurs qui affectent
les remboursements de frais de santé
augmente légèrement, à hauteur de
8,3 % mais leur montant estimé baisse
à 3,1 Md€. La fréquence ces erreurs
relatives aux indemnités journalières
est quant à elle en diminution, à 7,7 %,
mais augmente en valeur à 0,5 Md€ .
Pour l’ensemble des branches de
prestations du régime général, les
valeurs des indicateurs de risque
financier résiduel sont éloignées des
objectifs fixés par leurs conventions
d’objectifs et de gestion avec l’État
pour la période 2023-2027.
Pour
l’activité de recouvrement,
sous réserve de limites, la mesure des
erreurs liées aux données déclarées
par les cotisants affiche en 2023 un
risque résiduel, provisoire, d’environ
2,5 Md€. S’agissant de la fraude, elle
est estimée à 4,6 Md€ sur le seul champ
des employeurs du secteur privé.
Une prestation de retraite
nouvellement attribuée sur huit a
été affectée d’au moins une erreur
de portée financière en 2023, contre
une sur sept en 2022. C’est également
le cas d’une indemnité journalière sur
treize.
Le montant agrégé des erreurs
affectant les règlements de frais de
santé en 2023 atteint 3,1 Md€ contre
3,8 Md€, mais il s’agit d’un montant a
minima (en particulier, il ne couvre pas
les séjours dans les hôpitaux publics et
privés non lucratifs).
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Synthèse du rapport sur la certification des comptes du régime général de sécurité sociale - Exercice 2023
3 - D’autres désaccords, ainsi que des limitations à l’audit des comptes,
sont relevés
Même si des désaccords sur les comptes
de la sécurité sociale sont toujours
présents, la Cour note avec intérêt
une baisse significative des anomalies
significatives (5 en 2023 contre 11
en 2022) ainsi qu’une stabilité des
insuffisances d’éléments probants (43).
Pour la
branche maladie
, La validité
d’une dette très ancienne de 0,8 Md€
à l’égard de certaines catégories
d’hôpitaux n’est pas démontrée. Le
maintien en comptabilité d’une dette
très ancienne dont l’exigibilité paraît
juridiquement éteinte, et sans qu’aucun
texte règlementaire ne prévoie à ce
jour son apurement, soulève une
interrogation au regard du principe
comptable de sincérité, qui doit
conduire la Cnam à corriger cette
situation.
La Cour relève également que de
nombreuses pièces justificatives
étayant les dépenses de prestations en
nature ne sont pas accessibles lors des
contrôles. À l’occasion de la réalisation
de l’indicateur de risque résiduel de ces
prestations, la Cour a évalué le non-
respect du principe de vérifiabilité entre
2,5 et 5,2 Md€.
L’établissement des comptes de la
branche autonomie
demeure affecté
d’un dysfonctionnement de son progiciel
comptable qui s’ajoute à plusieurs autres
limites importantes de l’outil.
Des désaccords sur les comptes de
l’activité de recouvrement
sont liés
à des situations persistantes de non-
respect du principe de tenue de la
comptabilité en droits constatés et du
La fraude aux prestations sociales
L’évaluation de la fraude aux
prestations sociales constitue une
priorité. Alors que les mesures
gouvernementales sont engagées
(plan du 30 mai 2023, réunion du
conseil d’évaluation des fraudes,
35 mesures du plan de lutte
contre la fraude fiscale, sociale et
douanière en décembre 2023), les
caisses nationales ont procédé à
l’évaluation de la fraude pour les
opérations qu’elles gèrent.
L’assurance maladie
a poursuivi et
étendu sa démarche d’estimation de
la fraude à plusieurs domaines en
2023 (notamment les chirurgiens-
dentistes et les médecins spécialistes),
confirmant l’enjeu significatif de la
fraude, le total des estimations réalisé
s’établissant entre 1,4 et 1,9 Md€ sur
un périmètre couvrant, à ce stade,
moins d’un tiers de ses dépenses. Les
indus notifiés au titre de la fraude
progressent de 30 %.
Après avoir produit une première
estimation de la fraude en 2022,
la
branche vieillesse
a poursuivi
ces travaux, qui ne trouveront leur
conclusion qu’à la fin du premier
semestre 2024.
La
branche famille
a reconduit cet
exercice biennal en 2023. La fraude
potentielle représente 4,9 % des
prestations légales versées, soit
3,90 Md€ 2,8 Md€ estimés en
2021), le RSA, la prime d’activité,
et les aides au logement étant les
prestations les plus susceptibles de
fraude.
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Synthèse du rapport sur la certification des comptes du régime général de sécurité sociale - Exercice 2023
principe de prudence. Des incertitudes
pesant sur le recouvrement des
créances limitent le niveau d’assurance
sur la fiabilité du montant calculé des
dépréciations.
En outre, des incertitudes affectent
nouvellement l’estimation des
produits à recevoir de prélèvements
sociaux. D’autres continuent d’affecter
l’estimation des produits à recevoir
de remises dues par les entreprises
pharmaceutiques, en forte hausse à
nouveau en 2023 (ce qui affecte le
solde de la branche maladie, ainsi que
sur le taux d’évolution des dépenses
relevant de l’objectif national de
dépenses d’assurance maladie
Ondam).
La branche
vieillesse
continue de
composer avec une pluralité de
répertoires de données de carrière et
d’outils de fiabilisation. Par ailleurs, les
provisions pour rappels ne relevant
pas du champ de l’EIRR sont estimées
selon une méthode insuffisamment
formalisée, assortie de contrôles trop
peu tracés, ce qui fragilise le processus
et rend difficile sa reconstitution.