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PREMIÈRE CHAMBRE
QUATRIÈME SECTION
S-2024-0681
OBSERVATIONS DÉFINITIVES
(Article R. 143-11 du code des juridictions financières)
LA VALIDATION DES ACQUIS DE
L’EXPÉRIENCE DANS LA
FONCTION PUBLIQUE DE L’ETAT
Le présent document, qui a fait l’objet d’une contradiction avec les destinataires concernés,
a été délibéré par la Cour des comptes, le 27 mars 2024.
LA VALIDATION DES ACQUIS DE L’EXPERIENCE DANS LA FONCTION PUBLIQUE DE L’ETAT
1
TABLE DES MATIÈRES
TABLE DES MATIÈRES
..............................................................................................
1
SYNTHÈSE
......................................................................................................................
3
LISTE DES RECOMMANDATIONS
..........................................................................
6
INTRODUCTION
...........................................................................................................
7
1
LA VALIDATION DES ACQUIS DE L’EXPERIENCE DANS LA
FONCTION PUBLIQUE D’ETAT, UN DISPOSITIF MAL NE ET PEU
PILOTE
....................................................................................................................
8
1.1
Une extension sans ambition à la fonction publique d’État, par analogie
au secteur privé
...................................................................................................
8
1.1.1
Le cadre général
........................................................................................
8
1.1.2
Une ambition contrariée par une absence d’adaptation à la fonction
publique
...................................................................................................
10
1.1.3
Une fonction publique restée en marge de la réforme de la VAE en
2022
.........................................................................................................
11
1.2
Une mobilisation médiocre de la VAE, très marginale et en relatif déclin
dans la fonction publique d’État
.......................................................................
14
1.2.1
Dans la fonction publique d’État, une part infime des congés de
formation destinée à la VAE, due en partie à la structure des
effectifs.
...................................................................................................
15
1.2.2
Des opportunités plus larges, encore à saisir dans les fonctions
publiques hospitalière et territoriale
........................................................
17
1.3
Un dispositif lourd et complexe dénué d’avantages directs pour la
promotion pour les agents publics
....................................................................
18
1.3.1
La non-valorisation de la VAE dans les parcours professionnels
des agents
................................................................................................
18
1.3.2
Un dispositif trop lourd et complexe
.......................................................
20
2
LA VAE, UNE REPONSE COMPLEMENTAIRE AUX DEFIS DE LA
FONCTION PUBLIQUE
.......................................................................................
25
2.1
Inclure la VAE dans les leviers de la gestion des ressources humaines de
la fonction publique d’État
...............................................................................
25
2.1.1
La VAE : un dispositif supplémentaire pour la gestion
prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences
.................
25
2.1.2
La VAE comme outil de « rebond professionnel » en seconde
partie de carrière
......................................................................................
26
2.2
Élargir les modalités de recrutement grâce à la VAE
......................................
27
2.3
Mettre en place un pilotage de la VAE dans le secteur public
.........................
29
LA VALIDATION DES ACQUIS DE L’EXPERIENCE DANS LA FONCTION PUBLIQUE DE L’ETAT
2
ANNEXES
......................................................................................................................
32
Annexe n° 1.
Les candidats à la VAE selon les ministères
certificateurs
...............................................................................................
33
Annexe n° 2.
Comparaisons internationales
...............................................
34
LA VALIDATION DES ACQUIS DE L’EXPERIENCE DANS LA FONCTION PUBLIQUE DE L’ETAT
3
SYNTHÈSE
La valorisation des acquis de l’expérience (VAE) constitue l’une des voies d’obtention
d’un diplôme, d’un titre ou d’une certification professionnelle aux côtés de la formation initiale
et de la formation continue. La France est considérée, sur le plan européen, comme l’un des
pays qui dispose grâce à la VAE d’un système intégré et global de validation des acquis de
l’apprentissage ; pour autant elle n’est pas parvenue à en faire un dispositif largement utilisé
par les salariés du secteur privé et par les agents publics.
Un dispositif passé inaperçu dans la batterie
des outils de promotion professionnelle
Ouverte à un large spectre de bénéficiaires dès sa création, la VAE n’a fait l’objet de
dispositions spécifiques au secteur public qu’à compter de la loi du 2 février 2007 relative à la
modernisation de la fonction publique et sur le périmètre limité des droits à congés. Les
ambitions affichées dans le protocole d’accord signé préalablement à la loi entre le
Gouvernement et les organisations syndicales, puis dans le mandat d’un groupe de travail mis
en place en 2008, n’ont pas été suivies d’effet. Alors qu’elles visaient à valoriser davantage
l’expérience dans le recrutement mais aussi dans la promotion de grade et dans l’avancement,
la VAE n’a été en définitive que très marginalement retouchée, en 2021 seulement, pour
allonger le droit à congé de certains publics prioritaires. Les évolutions apportées ensuite au
dispositif par la loi du 21 décembre 2022, portant mesures d’urgence relatives au
fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi, n’ont comporté aucun volet propre
à la fonction publique.
Ainsi, transposé directement du secteur privé au secteur public sans adaptation aux
spécificités du statut de la fonction publique et de la gestion des ressources humaines dans le
secteur public, le dispositif est très peu mobilisé par les administrations et les agents eux-
mêmes. Chaque année depuis 2012, entre 80 et 300 agents seulement sont concernés par un
congé VAE au sein de l’ensemble de la fonction publique d’État.
Dès lors, la VAE est un levier de promotion professionnelle marginal, réservé à des cas
particuliers, ce qui conduit à la qualifier de dispositif « de niche ». La question se pose en
revanche différemment au sein des deux autres versants de la fonction publique : les besoins de
reconnaissance des compétences acquises dans le secteur sanitaire et social (soins infirmiers,
petite enfance par exemple) et dans la fonction publique territoriale (emploi de secrétaires de
mairie par exemple) sont plus importants et la VAE y est plus souvent mobilisée.
Une utilisation contrariée par un dispositif très lourd
et un faible impact sur la carrière des agents
Le dispositif obéit à une procédure très complexe et chronophage qui a conduit les
agents publics à s’en désintéresser ainsi que leur employeur. Par ailleurs elle n’est pas articulée
avec les autres leviers de gestion des ressources humaines, notamment avec les formations
LA VALIDATION DES ACQUIS DE L’EXPERIENCE DANS LA FONCTION PUBLIQUE DE L’ETAT
4
internes organisées par les ministères qui permettent des changements significatifs de postes,
voire de catégories.
Surtout, telle qu’elle est conçue à ce jour, la VAE n’a pas d’effet sur la carrière des
agents publics : l’absence de prise en compte de l’expérience professionnelle validée par ce
processus formel de certification, tant lors du recrutement dans le cadre des concours, pierres
angulaires du statut de la fonction publique, que dans les critères de la promotion interne ou de
l’avancement de grade, font obstacle à sa montée en puissance.
La Cour estime donc, au regard des nouveaux défis d’attractivité et d’allongement de la
vie professionnelle auxquels la fonction publique d’État est désormais confrontée de façon
structurelle, qu’un intérêt plus important devrait être porté à la VAE. Celle-ci enrichirait les
moyens dont disposent les gestionnaires publics pour recruter, promouvoir et gérer les carrières
en reconnaissant mieux les compétences acquises.
La simplification du parcours de la VAE dans la fonction publique, qui tiendrait compte
des spécificités de chaque versant de la fonction publique, devrait ainsi être engagée par la
DGAFP.
Donner davantage de visibilité à la VAE pour accroître
les moyens de la politique des ressources humaines
À
cet effet, la Cour identifie des marges de progrès dans trois axes principaux.
Intégrer la VAE dans la gestion des « ressources humaines », notamment pour
développer les secondes carrières
Dans un contexte de tensions sur le marché du travail, la mise en
œ
uvre dans la fonction
publique d’une gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences (GPEEC),
est une exigence. Or la VAE n’est pas clairement identifiée comme un des outils mobilisables
et la Cour recommande ainsi de la reconnaître explicitement comme l’une des mesures
d’accompagnement intégrées au processus de GPECC. Elle répond notamment aux défis des
« rebonds » en seconde partie de carrière à condition d’être adaptée à la gestion publique.
Élargir les modalités de recrutement et de gestion de carrière grâce à la VAE
La VAE pourrait pallier les difficultés de recrutement en complétant les voies d’accès à
la fonction publique par le concours : dans cette perspective, il conviendrait d’identifier les
métiers requérant un diplôme, un titre professionnel ou un certificat pour l’obtention desquels
la VAE pourrait être utilisée. Une fois simplifiée, elle diversifierait aussi les moyens qui
permettent d’ouvrir des perspectives de carrière accrues. La Cour estime que des mécanismes
pourraient être mis en place pour que l’obtention d’un titre grâce à la VAE ait un impact
immédiat et direct sur le déroulement de la carrière des agents.
Piloter la VAE dans le secteur public d’État
Pour mobiliser le potentiel du dispositif, son pilotage, inexistant jusqu’à présent, devrait
être envisagé. Dans cette perspective, il est nécessaire que la fonction publique soit intégrée
dans le nouveau portail France VAE pour faciliter les démarches et mettre en place des
remontées d’indicateurs et de données fiables.
LA VALIDATION DES ACQUIS DE L’EXPERIENCE DANS LA FONCTION PUBLIQUE DE L’ETAT
5
***
En conclusion, la fonction publique d’État s’est jusqu’à ce jour privée d’un instrument
supplémentaire de mesure objective des acquis de l’expérience professionnelle de ses agents,
et de leur reconnaissance effective dans leur parcours de carrière. Remédier à ce défaut
contribuerait, certes très partiellement, à faire face aux difficultés actuelles que rencontrent les
gestionnaires publics pour pourvoir à certains métiers.
Aussi la Cour émet cinq recommandations pour valoriser la VAE dans la panoplie des
moyens de la gestion des ressources humaines publiques.
LA VALIDATION DES ACQUIS DE L’EXPERIENCE DANS LA FONCTION PUBLIQUE DE L’ETAT
6
LISTE DES RECOMMANDATIONS
Recommandation n°1 (DGAFP) :
Profiter de la mise en place de la plateforme
numérique France VAE pour intégrer les agents publics au dispositif.
Recommandation n°2 (DGAFP) :
Engager avec la DGEFP la simplification du
parcours de la VAE dans la fonction publique, notamment en améliorant son articulation avec
les autres dispositifs de formation professionnelle.
Recommandation n°3 (DGAFP, SG MEF)
: Insérer la VAE dans les mesures
d’accompagnement intégrées au processus de GPEEC.
Recommandation n°4 (DGAFP) :
Identifier dans le répertoire métiers de la fonction
publique ceux d’entre eux requérant un diplôme, un titre professionnel ou un certificat qui
pourrait être obtenu par VAE.
Recommandation n°5 (DGAFP, SG MEF) :
Elargir la possibilité de recrutement sur
titres, y compris par la reconnaissance des acquis de l’expérience professionnelle
(recommandation complétée).
LA VALIDATION DES ACQUIS DE L’EXPERIENCE DANS LA FONCTION PUBLIQUE DE L’ETAT
7
INTRODUCTION
Établie par la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002, la VAE constitue, aux
termes de l’article L.6111-1 du code du travail, une troisième voie d’accès aux diplômes et aux
titres professionnels, voire une quatrième voie, à côté de la formation initiale, de la formation
continue et de l’apprentissage. Elle permet à toute personne engagée dans la vie active de faire
valider les acquis de son expérience tout au long de sa vie pour favoriser son insertion ou son
évolution professionnelle. Elle constitue un levier d’accès à la certification, accessible sans
condition d’âge, de nationalité, de statut, de niveau de formation ou de qualification. Toutes les
certifications inscrites au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP), soit
environ 2 700 certifications, peuvent être obtenues par la voie de la VAE.
Selon l’Inventaire européen sur la validation des acquis d’apprentissage non formel et
informel, la France est considérée comme l’un des pays européens les plus avancés en matière
de validation de l’apprentissage non formel et informel parce qu’elle dispose avec la VAE d’un
système intégré et global
1
.
Ce n’est que par analogie avec les droits reconnus aux salariés de droit privé que la
possibilité de faire reconnaître leur expérience professionnelle a été accordée aux
fonctionnaires, sans pour autant que cette reconnaissance s’accompagne d’une modification
profonde des modalités de gestion de la fonction publique. L’obtention d’un titre par cette voie
n’a ainsi aucun impact sur le déroulement de la carrière des agents publics, alors que le
dispositif pourrait constituer un outil supplémentaire pour adapter la gestion des ressources
humaines face aux nouveaux enjeux d’attractivité et d’allongement des carrières.
La Cour s’est donc interrogée sur l’absence d’effet de la VAE dans les parcours
professionnels de la fonction publique d’État et propose une analyse en deux temps. Elle
s’attache tout d’abord à identifier les principaux freins qui ont limité le déploiement de la VAE,
puis dans un second temps, examine comment le dispositif pourrait être adapté pour constituer
un levier permettant, parmi d’autres, de répondre aux nouveaux défis de la fonction publique.
1
European inventory on validation of non-formal and informal learning 2014
, country report France
, Claire
Duchemin, Cedefop, 2014
.
LA VALIDATION DES ACQUIS DE L’EXPERIENCE DANS LA FONCTION PUBLIQUE DE L’ETAT
8
1
LA VALIDATION DES ACQUIS DE L’EXPERIENCE DANS LA
FONCTION PUBLIQUE D’ETAT, UN DISPOSITIF MAL NE ET
PEU PILOTE
Le nombre de personnes s’engageant dans une démarche de validation des acquis de
l’expérience diminue depuis plusieurs années. Ce mouvement, qui est encore plus prononcé au
sein du secteur public, a des causes diverses, relevant autant de l’agent public (volonté ou non
de s’inscrire dans un processus complexe de certification) que de l’administration qui l’emploie.
Elles tiennent notamment aux modalités de gestion de la fonction publique qui peinent à prendre
en compte la VAE dans le recrutement comme dans le déroulement de carrière des agents.
1.1
Une extension sans ambition à la fonction publique d’État, par
analogie au secteur privé
1.1.1
Le cadre général
La volonté de créer une voie parallèle d’accès aux diplômes est ancienne : dès 1934,
l’obtention du titre d’ingénieur diplômé par l’État a été permise par la reconnaissance de
l’expérience professionnelle. La loi du 20 juillet 1992
2
a par la suite mis en place la « validation
des acquis professionnels » (VAP), qui rend possible l’acquisition d’un diplôme de
l’enseignement supérieur délivré sous l’autorité d’un ministère certificateur sur la base d’acquis
validés en situation professionnelle. Jugée trop centrée sur une logique de sanction du cursus
de formation, la VAP a été réformée par la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale
3
.
Cette loi, qui reconnaît l’existence d’un droit individuel à la formation et donne toute leur portée
aux formations en alternance, acte la création de la validation des acquis de l’expérience (VAE).
La VAE s’appuie sur un processus de reconnaissance externe aux entreprises. La
certification, délivrée par des organismes publics
4
ou privés, assure la transférabilité des
expériences professionnelles, bénévoles ou non salariées
5
d’un contexte à l’autre. Le législateur
estimait ainsi que le dispositif présentait un double intérêt : d’une part, il rend possible pour les
salariés la possibilité de faire reconnaître de manière formelle les connaissances qu’ils ont
acquises au cours de leur expérience professionnelle ; d’autre part, il permet aux entreprises
d’identifier plus précisément les compétences recherchées, favorisant ainsi une meilleure
adéquation entre les attentes du marché de l'emploi et les qualifications des salariés.
Par la suite, un accord national interprofessionnel a été conclu le 20 septembre 2003 par
les partenaires sociaux dans la perspective de mettre en place les conditions destinées à
permettre aux salariés de se former tout au long de la vie. C’est sur cette base que la loi du
2
Loi n° 92-678 du 20 juillet 1992 relative à la validation d’acquis professionnels pour la délivrance de diplômes
et portant diverses dispositions relatives à l’éducation.
3
Loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale.
4
Plusieurs ministères sont certificateurs.
5
Rapport public thématique « La formation professionnelle tout au long de la vie » Fait à la Cour, septembre 2008.
LA VALIDATION DES ACQUIS DE L’EXPERIENCE DANS LA FONCTION PUBLIQUE DE L’ETAT
9
4 mai 2004 relative à la formation tout au long de la vie et au dialogue social a été adoptée en
reconnaissant que la formation professionnelle était un enjeu national. Le processus de la VAE
a ensuite été enrichi au fil du temps
6
.
La France a été précurseur par rapport aux autres pays : il faut par exemple attendre le
conseil européen du 20 décembre 2012 pour que soit fixé dans l’Union européenne un cadre
stratégique en matière de compétences, reconnaissant l’importance de la validation des
apprentissages.
La stratégie européenne en matière de compétences
La VAE s’inscrit dans le cadre de la recommandation du Conseil européen du 20
décembre 2012 relative à la validation de l’apprentissage non formel et informel
7
et dans le
cadre de la stratégie européenne en matière des compétences en faveur de la compétitivité
durable, de l’équité sociale et de la résilience en considérant que la formation se développe à
tout moment et par différents moyens, formels ou non, notamment en situation de travail. Avec
son cadre stratégique dans les domaines de l’éducation et de la formation (« Éducation et
formation 2020 »), l’Union européenne s’est fixé, à l’horizon 2020, sept objectifs appelés
critères de référence. Ce cadre stratégique étant arrivé à son terme, l’Union européenne a prévu,
au début de l’année 2021, de nouveaux objectifs à l’horizon 2030.
Par ailleurs, la stratégie européenne en matière de compétences prend la forme d’un plan
quinquennal destiné à aider les particuliers et les entreprises à développer des compétences plus
nombreuses et de meilleure qualité. Cette stratégie européenne en matière de compétences
comprend 12 actions qui s'articulent autour de quatre piliers :
•
Un appel à unir nos forces dans le cadre d’une action collective ;
• Des actions visant à garantir que les personnes possèdent les compétences
professionnelles adéquates ;
• Des outils et initiatives visant à soutenir les personnes dans leurs parcours
d’apprentissage tout au long de la vie ;
• Un cadre pour libérer les investissements dans les compétences.
La stratégie européenne en matière de compétences fixe ainsi des objectifs à atteindre
d’ici à 2025, sur la base d’indicateurs quantitatifs bien établis de participation d’adultes à
l’apprentissage au cours des 12 derniers mois et de proportion d’adultes ayant eu une expérience
d’apprentissage récente.
6
La loi du 23 mai 2006 relative au volontariat associatif et à l’engagement éducatif est venue ainsi élargir le public
éligible en ouvrant la possibilité de prendre en compte le « volontariat » au titre de la validation des acquis. La loi
du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie s’inscrit dans
ce même mouvement d’ouverture en autorisant les conseillers municipaux, généraux et régionaux ayant exercé au
moins une mandature complète à faire valoir leur expérience au titre de la VAE. La loi du 5 mars 2014 relative à
la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale a supprimé la condition d’avoir exercé au moins
un mandat complet et étendu le dispositif aux responsables syndicaux. Enfin, la loi du 8 août 2016 relative au
travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels a assoupli les
conditions d’accès à la VAE en ramenant la durée d’activité minimale requise à un an au lieu de trois dans le
dispositif initial et en étendant le champ de l’expérience aux périodes de formation en milieu professionnel. Elle a
également ouvert la validation aux sportifs de haut niveau.
7
Recommandation du conseil du 20 décembre 2012 relative à la validation de l'apprentissage non formel et
informel (2012/C 398/01).
LA VALIDATION DES ACQUIS DE L’EXPERIENCE DANS LA FONCTION PUBLIQUE DE L’ETAT
10
1.1.2
Une ambition contrariée par une absence d’adaptation à la fonction publique
L’État joue un double rôle dans le déploiement de la VAE : d’une part, les ministères
constituent des organismes certificateurs VAE qui délivrent, au côté des organismes privés, et
tant aux agents publics que privés, des diplômes relevant de leur domaine de compétences ;
d’autre part, l’administration en tant qu’employeur, peut mobiliser le dispositif pour valoriser
l’expérience accumulée par les fonctionnaires tout au long de leur carrière.
Le rôle des administrations en matière de délivrance des diplômes et titres
professionnels a été acté et mis en pratique dès la création de la VAE.
En revanche, la mobilisation du dispositif par l’État en tant qu’employeur a été plus
tardive. Il faut attendre la loi du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique pour
tirer les conséquences de la formation professionnelle tout au long de la vie, en transposant la
VAE dans le secteur public. Ce décalage de cinq ans illustre le peu d’engouement suscité par
la VAE au sein de la fonction publique. En outre la loi de 2007 ne prend en compte la VAE
pour les fonctionnaires qu’au travers l’ouverture à leur profit, d’un droit à congé spécifique
8
.
Cette même loi définit la finalité du dispositif comme étant de mieux profiler les parcours
individualisés dans la fonction publique
9
.
Pourtant, préalablement à l’adoption de cette loi, un protocole d’accord relatif à
l’amélioration des carrières dans la fonction publique avait été signé le 25 janvier 2006 par le
ministre de la fonction publique et trois organisations syndicales représentatives dans la
fonction publique (UNSA, CFDT et CFTC) et affichait d’importantes ambitions pour la
validation des acquis de l’expérience qui figurait parmi ses principales dispositions. À ce titre,
l’accord visait à une meilleure prise en compte de l’expérience professionnelle dans les
concours (pour la dérogation aux conditions de diplôme, en substitution d’une épreuve) ainsi
que pour la promotion interne (part de la promotion interne élargie ; secondes carrières) et à
l’institution d’un droit individuel à la formation (de 20 heures par an cumulables sur six ans,
avec possibilité d’imputation des congés de validation des acquis de l’expérience sur ce droit à
la formation).
En cohérence avec l’accord de 2006 dans sa rédaction initiale, le projet de loi de
modernisation de la fonction publique défendait une valorisation de l’expérience
professionnelle aux objectifs larges au sein de la fonction publique. Or, contrairement à
l’ambition initiale, le texte finalement adopté ne s’est pas accompagné d’un changement de
paradigme : sa portée a été très limitée en matière de prise en compte et de pilotage de la
validation des acquis de l’expérience au sein de la fonction publique, avec la seule prise en
compte d’un droit à congés spécifique, ce qui traduit une prise de distance réelle par rapport
aux ambitions affichées initialement.
Un groupe de travail visant à promouvoir davantage l’utilisation de la VAE au sein des
entreprises du secteur public
10
a ensuite été mis en place dès septembre 2008. Très ambitieux
également, il avait notamment pour objectif de formuler des propositions concrètes sur la
8
Dans la mesure où cette procédure requiert souvent, au préalable, un bilan de compétences, l'institution d'un droit
à congé pour validation des acquis d'expérience est assortie de l'institution d'un droit à congé pour bilan de
compétences.
9
Antoine Delblond, « La validation des acquis de l’expérience : les atouts de la fonction publique territoriale »,
Revue Dalloz
, Septembre/Octobre 2011, pp. 266-273
10
Rapport public thématique « La formation professionnelle tout au long de la vie » Fait à la Cour, le 30 septembre 2008.
LA VALIDATION DES ACQUIS DE L’EXPERIENCE DANS LA FONCTION PUBLIQUE DE L’ETAT
11
suppression des éventuelles barrières à l'adoption de la VAE dans le contexte spécifique du
secteur public et la démarche était également motivée par la volonté d'optimiser l'impact de la
VAE dans le secteur public, tout en garantissant une cohérence avec les enjeux spécifiques de
la fonction publique. Ces réflexions n’ont cependant pas abouti à modifier le cadre légal de la
VAE au sein du secteur public pendant plus de dix ans.
L’unique et dernière autre disposition spécifique à la fonction publique n’a en effet été
introduite que récemment, par ordonnance en 2021, renforçant le droit à congé pour certains
agents publics prioritaires
11
. Le décret d’application de cette ordonnance, en date du
22 juillet 2021, prévoit ainsi que les publics prioritaires (agents relevant des catégories C sans
baccalauréat, les agents handicapés ou ceux exposés à un risque d'usure professionnelle
bénéficient de dispositions spécifiques), s’ils démontrent une expérience professionnelle d'au
moins un an en lien avec la certification recherchée, peuvent se voir accorder par
l’administration un congé de 72 heures, au lieu de 24 heures, soit pour la présentation du dossier
VAE, soit pour suivre une formation préparatoire au dossier VAE. Cette extension de la période
à 72 heures vise à faciliter la présentation du dossier devant le jury et, ainsi, l’aboutissement du
parcours de VAE pour permettre la montée en compétence de ces candidats.
Le caractère limité des ajustements apportés à la VAE pour la transposer à la fonction
publique tient à une approche restrictive de la DGAFP qui estime que ce dispositif n’est adapté
qu’à un faible nombre de profils personnels.
1.1.3
Une fonction publique restée en marge de la réforme de la VAE en 2022
La loi du 21 décembre 2022
12
réforme la VAE, sans distinguer entre secteur privé et
secteur public. Elle prévoit notamment la création d’un service public de la VAE, la
reconnaissance de la notion de parcours de validation des acquis de l’expérience ou encore la
possibilité de ne viser que l’acquisition d’un bloc de compétences.
La réforme de la VAE :
La réforme est construite autour de 3 axes : moderniser, simplifier et sécuriser les
parcours de VAE.
• Moderniser : création d’un service public de la VAE matérialisé par une plateforme
numérique, concentrant l’information et l’orientation des usagers dans les différentes étapes du
parcours et mis en
œ
uvre, au niveau national, par un groupement d’intérêt public (GIP) dont les
parties prenantes seront les principaux acteurs de la VAE : l’État, les Régions, Pôle emploi,
l’AFPA, les OPCO et les AT Pro ;
• Simplifier : facilitation de l’étape de recevabilité et raccourcissement des parcours avec
la possibilité de ne viser qu’un bloc de compétences ;
• Sécuriser : accompagnement individualisé et renforcé dès l’inscription sur le portail.
Possibilité de bénéficier de formations complémentaires de courte durée requises pour
11
Ordonnance n° 2021-658 du 26 mai 2021 qui prévoit un renforcement des droits des publics prioritaires.
12
Loi du 21 décembre 2022 portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue
du plein emploi.
LA VALIDATION DES ACQUIS DE L’EXPERIENCE DANS LA FONCTION PUBLIQUE DE L’ETAT
12
l’obtention de la certification, afin de favoriser les chances de réussite. Allongement de la durée
d’absence autorisée pour les sessions de jury.
Le déploiement de la réforme est prévu en 2024, après conclusion et approbation de la
convention constitutive du GIP et l’entrée en vigueur des textes d’application.
Son contenu découle directement du rapport de mars 2022,
réalisé par Mme Claire
Khecha et MM. Yanic Soubien et David Rivoire,
et de l’expérimentation REVA (Cf. annexe
n° 1) lancée dans la foulée.
LA VALIDATION DES ACQUIS DE L’EXPERIENCE DANS LA FONCTION PUBLIQUE DE L’ETAT
13
L’expérimentation « REVA » : un écosystème qui laisse peu de place à la fonction
publique
La start-up d’État « REVA » (« REconnaître » et « VAlider »), renommée France VAE,
a été créée sous le pilotage du Ministère chargé du travail, pour expérimenter des hypothèses de
valorisation des parcours de VAE. L’expérimentation avait pour objectif de permettre la mise en
test d’une plateforme numérique partagée entre les certificateurs, les services publics, les
organismes de formation et l’utilisateur. Opérationnelle depuis septembre 2022, cette plateforme
numérique doit rendre possible une véritable logique de parcours pour le candidat et faciliter la
gestion de la voie d’accès à la certification. Elle représente la voie unique de candidature à partir
de la saisine en ligne sur la plateforme du projet de VAE.
Le rapport de l’expérimentation note que « toutes les parties prenantes […] saluent
unanimement les innovations apportées » par la loi du 21 décembre 2022 : le ministère du travail
estime ainsi que le processus de transformation de la VAE serait « dans une phase de montée en
puissance » et que la rapidité des avancées aurait permis de « maintenir la mise en tension de
l’ensemble des acteurs ». Le rapport pointe toutefois les cas du ministère de l’Enseignement
supérieur et du ministère de la Santé et de la Cohésion sociale qui « nécessitent encore un travail
approfondi avec REVA et l’écosystème ». Un dialogue a été engagé avec ces acteurs afin de créer
des conditions plus favorables à l’adoption du nouveau modèle de VAE, mais plusieurs obstacles
sont encore identifiés et obligent à émettre des réserves à ce stade sur leur capacité à déployer
pleinement la réforme ».
L’ambition est de lever les freins à la VAE, pour en faire un véritable tremplin vers la
qualification et l’emploi avec pour objectif de passer de 30 000 à 100 000 parcours par an d’ici
2027. Aucun objectif spécifique n’est cependant fixé pour le secteur public.
Le déploiement du portail France VAE fin juillet 2023 préfigure la future plateforme
nationale. Il est prévu que l’ensemble des certifications accessibles par la voie de la VAE soit
intégré début 2024. À ce jour, la DGEFP a saisi la DGAFP afin de savoir si les agents publics
pouvaient être insérés dans le dispositif, dont la plateforme, dans le cadre d’un projet de décret.
Au regard des impacts, notamment en termes budgétaire et organisationnel, la DGAFP
expertise actuellement une éventuelle intégration de la fonction publique dans le dispositif mis
en place dans le secteur privé, ce qui permettrait à la fonction publique de bénéficier d'un
dispositif « clé en main » sur la VAE, identique au secteur privé.
La création d’un service public de la VAE représente une étape importante. Aussi elle
estime souhaitable de prévoir une insertion rapide de la fonction publique dans le portail
numérique France VAE.
Recommandation n° 1.
(DGAFP) : Profiter de la mise en place de la plateforme
numérique France VAE pour intégrer les agents publics au dispositif.
LA VALIDATION DES ACQUIS DE L’EXPERIENCE DANS LA FONCTION PUBLIQUE DE L’ETAT
14
1.2
Une mobilisation médiocre de la VAE, très marginale et en relatif
déclin dans la fonction publique d’État
Les chiffres existants sur la mobilisation de la VAE, que ce soit dans le secteur privé ou
dans le secteur public, montrent une mise en
œ
uvre qui demeure limitée. Seules sont disponibles
les données sur les certifications accordées par les ministères certificateurs à des agents publics
et privés, au côté des organismes privés et pour les diplômes relevant de leur domaine de
compétences. Sur ce champ très spécifique, le nombre de dossiers est en forte diminution sur
les années récentes. Le taux de réussite est faible, compris entre 35 % et 45 %.
Certifications délivrées par les ministères : un nombre de dossiers en baisse,
un taux de réussite très faible
D’après les derniers chiffres datant de 2022 et mis à disposition par la direction de
l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) dans le cadre du Jaune
budgétaire 2024 (« formation professionnelle »), près de 44 000 dossiers de candidature relatifs à
la VAE dans les différents ministères certificateurs
13
ont été jugés recevables pour l’obtention d’un
diplôme délivré par l’État (hors MESR). Cela correspond à une diminution de 14 % par rapport à
2021. Parmi eux, environ 30 000 candidats se sont présentés devant un jury en vue de l’obtention
de tout ou partie d’un titre ou d’un diplôme, soit une baisse de 3 % par rapport à 2021. Mais parmi
ces derniers, seuls 18 500 candidats ont été reçus
avec la certification totale en 2022 (un chiffre
stable par rapport en 2021).
En 2022, comme par le passé, les principaux ministères pourvoyeurs de diplômes grâce à
la VAE sont le ministère de l’éducation nationale et le ministère chargé de la santé et des affaires
sociales. En effet, plus de 86 % des candidats recevables et présentés visent une formation délivrée
par l’un des deux ministères (48 % pour celui de l’éducation nationale et 38 % pour celui de la
santé et des affaires sociales). Cela s’explique par la spécificité des titres délivrés par ces deux
ministères (diplôme d’aide-soignant, d’éducateur spécialisé, d’éducateur de jeunes enfants etc.),
rattachés à des métiers bien définis, susceptibles d’être pourvus aussi bien dans le secteur public
que dans le secteur privé, et donc plus susceptibles de pouvoir rentrer dans une démarche de
validation des acquis de l’expérience.
Le ministère chargé de la santé et des affaires sociales conserve un nombre de candidats
proche de celui de 2021, tandis que celui de l’Éducation nationale connait une diminution de 25 %
du nombre de candidats recevables entre 2021 et 2022. Cette baisse s’accompagne d’une baisse de
14 % des effectifs de candidats présentés et de 12 % pour les reçus. Cette diminution peut en partie
s’expliquer par le fait que le titre le plus demandé par les candidats présentés (diplôme d’État
d’éducateur spécialisé) a augmenté de niveau, en passant de Bac+2 à Bac+3.
Après la forte chute enregistrée en 2020 du fait de la crise sanitaire et le rattrapage
consécutif observé en 2021, l’année 2022 semble s’inscrire dans la tendance d’avant crise, avec
un nombre de candidats orienté à la baisse.
13
Seules les données relatives aux demandes de certifications déposées par des candidats issus du secteur privé ou
fonctionnaires auprès des ministères sont disponibles. Le suivi des demandes traitées par les autres certificateurs
est défaillant.
LA VALIDATION DES ACQUIS DE L’EXPERIENCE DANS LA FONCTION PUBLIQUE DE L’ETAT
15
1.2.1
Dans la fonction publique d’État, une part infime des congés de formation
destinée à la VAE, due en partie à la structure des effectifs.
Un usage de la VAE anecdotique
Dans la fonction publique d’État, la formation continue représente 84 % des jours de
formation professionnelle et la préparation aux examens et aux concours, 14 %. Le congé pour
VAE est en revanche proche de 0 %. En 2021, seuls 212 agents de l’État ont bénéficié d’un
congé de VAE, soit près de 580 jours de congés. Ces chiffres sont relativement stables depuis
2012 (entre 80 et 300 agents par an concernés par un congé VAE).
Tableau n° 1 :
Nombre moyen de jours de formation professionnelle par agent selon le dispositif
et la catégorie hiérarchique en 2021 (en nombre de jours)
Catégorie
A
Catégorie
B
Catégorie C et
ouvriers d’État
Ensemble des
personnels
Répartition par
dispositif (en %)
Formation continue
1,4
2,5
1,7
1,6
87
Congé de formation
n.s.
0,1
n.s.
n.s.
n.s.2
Préparation aux examens et
concours
0,1
0,5
0,1
0,2
11
Bilan de compétences
n.s.
n.s.
n.s.
n.s.
n.s.
Validation
des
acquis
de
l’expérience
n.s.
n.s.
n.s.
n.s.
n.s.
Période
de
professionnalisation
n.s.
n.s.
n.s.
n.s.
n.s.
Ensemble
1,6
3,1
1,9
1,9
100
Note de lecture : n.s. : non significatif
Sources : rapport annuel sur l’état de la fonction publique, édition 2023.
Enquête annuelle Formation, DGAFP
– SDessi ; Siasp, Insee. Champ : Personnels civils des ministères hors établissements publics, y compris ceux en
poste à l’étranger. Les ministères de la Justice et de la Culture intègrent les effectifs en formation de certains EPA
(établissements publics à caractère administratif), dont ceux de l’École nationale de la magistrature et du musée
du Louvre, par exemple. Note : l’ensemble des jours de formation pour les agents par catégorie diffère légèrement
du total de la ligne de la catégorie, pour des questions d’arrondis. Lecture : En 2021, les agents ont suivi en
moyenne 1,9 jour de formation professionnelle.
La mobilisation de la VAE est en général mal déclarée par les agents publics. Dans les
cas où elle s’articule avec d’autres dispositifs, tels le CPF, elle n’est pas systématiquement prise
en compte et son évaluation peut donc être sous-évaluée.
La DGAFP manque ainsi d’un outil robuste pour mesurer le recours au dispositif de la
VAE dans la fonction publique et les données disponibles ne lui permettent d’évaluer le degré
d’investissement des employeurs de chacun des trois versants, ni d’être en mesure de connaître
les trajectoires de carrière des bénéficiaires ou encore de calculer le coût complet du dispositif.
Ce manque de données est également vrai dans la plupart des autres pays européens :
aucun des pays n’est en mesure de fournir - ne serait-ce qu’un ordre de grandeur- du taux de
mobilisation du dispositif.
En France, si une étape importante a été franchie avec la mise en place de la plateforme
numérique de France VAE, il apparaît nécessaire de profiter de la montée en puissance de cette
LA VALIDATION DES ACQUIS DE L’EXPERIENCE DANS LA FONCTION PUBLIQUE DE L’ETAT
16
plateforme unique pour fiabiliser la remontée des données, y compris sur le champ de la
fonction publique.
Pour tenter de pallier l’absence de données fiables, la DGAFP mène chaque année une
enquête auprès des services de formation des départements ministériels
14
: il leur est notamment
demandé de recenser le nombre de stagiaires ayant bénéficié d’un congé de VAE et le nombre
de « jours-stagiaires » correspondant. L’enquête ne porte donc pas spécifiquement sur la VAE
mais sur les congés qui y sont associés, qui ne se concrétisent pas nécessairement par
l’aboutissement d’une VAE. En contrepartie, certaines VAE peuvent être préparées sans
sollicitation d’un congé.
Le facteur explicatif de la composition des effectifs par catégorie
La faiblesse de la mobilisation de la VAE au sein de la fonction publique d’État tient aussi
à la part des agents de catégorie A qui y est plus forte que dans les deux autres versants
15
, ce qui
limite d’autant le vivier de candidatures à une VAE, compte tenu du niveau de diplôme déjà
détenu par ces agents. Fin 2021, la part des agents de catégorie A représentait 56 % des effectifs
de la FPE, contre respectivement 13 % dans la FPT et 40 % dans la FPH (y compris médecins et
internes). Il faut cependant observer que la VAE pourrait être assez adaptée à une catégorie très
nombreuse d’agents de catégorie A, celle des enseignants.
La situation des ministères économiques et financiers
La structure des effectifs des ministères économiques et financiers (MEF) est caractérisée
par une surreprésentation des agents de catégorie A et A+ au sein des directions d’état-major. Le
secrétariat général dénombre, pour un coût minime, 47 agents pour l’ensemble des ministères hors
DGFiP ayant bénéficié de la VAE, essentiellement pour des diplômes de master en droit et en
affaires publiques, en partenariat avec l’Université Paris Dauphine-PSL. L’une des raisons
avancées pour justifier ce faible recours se trouverait dans la politique de recrutement qui conduit,
de façon fréquente, à un écart de qualification important entre le niveau requis et le niveau de
formation nettement plus élevé des candidatures qui conduit les agents concernés à ne pas attendre
de réunir les conditions de la voie interne pour passer les concours de la catégorie supérieure.
La Direction générale des finances publiques (DGFiP) dénombre trois à quatre cas par an
seulement, qu’il y ait demande de congé ou non. Ces demandes résultent d’initiatives individuelles.
La Direction générale des douanes, par ailleurs certificateur d’entreprises de logistique, a
mis en place deux parcours professionnels spécifiques mobilisant le dispositif. Le premier est
consacré aux agents occupant des fonctions numériques de proximité. Ceux-ci ont exprimé le
souhait d’une reconnaissance personnelle de leur expérience à travers l’obtention d’une
qualification particulière, notamment pour les postes de gestionnaires de réseau informatique et de
techniciens des systèmes d’information.
Par ailleurs, les MEF peuvent compter sur l’appui de l’Institut de la gestion publique et du
développement économique (IGPDE) et de leurs propres écoles de formation pour offrir un
accompagnement personnalisé aux agents désireux de dérouler un véritable parcours. Pour la seule
DGFiP, cinq agents sur six bénéficient d’une promotion au cours de leur carrière. En moyenne,
14
D
écret n° 2020-1493 du 30 novembre 2020 relatif à la base de données sociales et au rapport social unique dans la fonction publique et
arrêté du 7 mai 2021 fixant pour la fonction publique de l'État la liste des indicateurs contenus dans la base de données sociales.
15
Le poids des enseignants explique la prépondérance de la catégorie A dans la FPE. Hors enseignants, un peu
moins d’un agent civil de l’État sur trois et un militaire sur huit relèvent de cette catégorie.
LA VALIDATION DES ACQUIS DE L’EXPERIENCE DANS LA FONCTION PUBLIQUE DE L’ETAT
17
50 % des agents recrutés en catégorie C sont promus en catégorie B et 25 % sont promus en
catégorie A. De telles promotions, qui peuvent intervenir à tout moment de la carrière, peuvent
contribuer à expliquer le peu de succès de la VAE, d’autant qu’un tiers des promotions se réalise
durant les cinq premières années de la carrière et 60 % pendant les dix premières années.
1.2.2
Des opportunités plus larges, encore à saisir dans les fonctions publiques
hospitalière et territoriale
Le dispositif, tel qu’il est conçu actuellement, pourrait sembler davantage adapté aux
autres versants de la fonction publique, mais y reste pourtant marginalement utilisé.
La fonction publique hospitalière tout d’abord dispose de son propre Organisme
paritaire collecteur agréé (OPCA), l’Association nationale pour la formation permanente du
personnel hospitalier (ANFH) qui collecte et gère les fonds consacrés au financement du plan
de formation (2,1 % de la masse salariale), des dispositifs individuels (cotisation de 0,2 % de la
masse salariale), incluant notamment la validation des acquis de l’expérience (VAE), ainsi que
les fonds consacrés au financement des études promotionnelles (0,6 % de la masse salariale) au
bénéfice des personnels relevant de la FPH. En 2022, 1 259 dossiers de validation des acquis
de l’expérience ont été déposés et financés
16
.
La fonction publique hospitalière compte de nombreuses professions réglementées
accessibles sur titre ce qui pourrait donner à la VAE un intérêt dans le déroulé de la carrière.
Néanmoins, l’exercice sans titre étant illégal, la VAE ne peut être mobilisée que dans des cas
spécifiques : pour les agents dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé ;
pour des actions de reconversion permettant d'accéder à des emplois exigeant une qualification
nouvelle ou à de nouvelles activités professionnelles
17
à l’instar du dispositif de VAE hybride
mis en
œ
uvre au sein de l’Ehpad d’Argonne (Grand Est).
Une optimisation du parcours de certification : la VAE hybride
Pour faire face à la pénurie d’aides-soignants, les établissements d’hébergement pour
personnes âgées (Ehpad) du Groupement de coopération sociale et médico-sociale (GCSMS)
Meuse ont décidé de puiser parmi les Agents des Services Hospitaliers Qualifiés (ASHQ) dont
ils disposaient. En mettant sur pied une VAE hybride, dotée d’un solide accompagnement, ils
leur permettent de valoriser leur expérience professionnelle et de la transformer en diplôme
d’État d’aide-soignant. Ils fidélisent ainsi leurs agents tout en répondant à leurs besoins.
De son côté, la fonction publique territoriale est caractérisée par une prédominance
d’emplois de catégorie C pour lesquels les employeurs locaux rencontrent des difficultés de
recrutement (attractivité) et qui sont particulièrement impactés par l’allongement de la durée
des carrières (usure professionnelle, reconversion en cours de carrière, maintien dans l’emploi
des agents les plus âgés). La VAE, qui pourrait constituer une réponse à ces défis désormais
particulièrement prégnants, a vu son suivi et sa mise en
œ
uvre confiés par la loi au Centre
16
Données d’activité 2022 de l’ANFH complétées des données de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris
17
Article 1, 4° et 5° du décret n°2008-824FPTLV de la FPH.
LA VALIDATION DES ACQUIS DE L’EXPERIENCE DANS LA FONCTION PUBLIQUE DE L’ETAT
18
national de la fonction publique territoriale (CNFPT), en sus de la formation initiale et continue
des agents territoriaux.
D’après ce dernier, si les collectivités craignaient initialement un afflux massif de
demandes, avec un risque de freiner le développement du processus en interne
18
, ces craintes
ne se sont pas concrétisées et l’utilisation du dispositif reste marginale au regard du nombre
total d’agents relevant de la fonction publique territoriale (1,9 millions d’agents). En 2019,
2 840 dossiers de VAE ont été déposés (contre 4 900 en 2017). Les fonctionnaires sont
surreprésentés parmi les dossiers ayant débouché sur une validation puisque 90 % des dossiers
avec validation les concernent, les 10 % restants correspondant aux contractuels.
La VAE demeure cependant un outil intéressant pour certains cas spécifiques et les
besoins et les modalités de mise en
œ
uvre varient selon le type de collectivités et les emplois
composant leurs effectifs. Ainsi, comme une qualification est exigée pour de nombreux emplois
relevant du secteur de l’animation ou du domaine sanitaire et social, plusieurs communes ont
été conduites à qualifier leur personnel pour maintenir leur service d’aide à domicile. Il en est
de même s’agissant des établissements et service d’accueil des enfants de moins de six ans : les
communes sont parfois confrontées à des difficultés de recrutement pour atteindre le nombre
requis de professionnels diplômés au regard des normes à respecter.
Dans certaines régions, à la suite de l'intégration des personnels techniques, ouvriers, et
de service (TOS), des commissions de recrutement interne ont été mises en place afin que les
agents sans spécialité intéressés par un changement de fonction (restauration, lingerie,
maintenance, magasinage, etc.), puissent faire acte de candidature sur ces postes sur la base
d’un diplôme référent ou d’une validation des acquis et de l’expérience (VAE).
Au total les initiatives dans les deux autres versants de la fonction publique, même si
elles sont plus développées que pour l’État, demeurent également marginales.
1.3
Un dispositif lourd et complexe dénué d’avantages directs pour la
promotion pour les agents publics
Dans la plupart des cas, la VAE n’est pas une fin en soi, mais une étape ou un outil pour
atteindre d’autres finalités, la première étant la qualification et la montée en compétence. Force
est cependant de constater que cette dimension n’a actuellement pas ou peu d’influence dans le
secteur public, pourtant confronté à des tensions de recrutement sur certains postes, notamment
ceux accessibles sur titre, faute d’avoir été adapté aux modalités de gestion de la fonction
publique.
1.3.1
La non-valorisation de la VAE dans les parcours professionnels des agents
Dans la fonction publique, l’accès à l’emploi titulaire s’effectue en effet quasi
exclusivement par concours, qui, pour les concours externes, repose sur un niveau de diplôme
18
CNFPT Rapport d’étude de Mai 2009.
LA VALIDATION DES ACQUIS DE L’EXPERIENCE DANS LA FONCTION PUBLIQUE DE L’ETAT
19
déjà acquis. La titularisation d’un agent contractuel intervient, sauf dérogation prévue par la
loi
19
, sous cette même condition.
Comme le soulignait l’Inspection générale de l’administration en 2014
20
, les obstacles
au développement de la VAE tiennent donc principalement à l’absence d’impact sur le
déroulement de carrière de l’acquisition d’un nouveau diplôme. Les certifications obtenues via
la VAE ne sont pas nécessaires pour passer un concours interne, lequel répond déjà à une
logique de reconnaissance de l’expérience sans toutefois donner lieu à certification. Le diplôme
n’est, par ailleurs, pas (ou très peu) pris en compte dans les choix d’avancement de grade ou de
promotion interne et ne permet pas d’être dispensé de la réussite à l’examen professionnel
21
.
Au surplus, les administrations employant principalement des agents publics à profil généraliste
offrent naturellement moins d’opportunités de déploiement de la VAE que celles en recherche
de profils spécialisés, porteurs d’une certification ou d’une qualification professionnelle, ce qui
va réduire
de facto
le « champ des possibles ».
Aussi, faute d’être plus fortement mobilisée pour l’obtention d’une certification
préalable à l’inscription à un concours ou d’être prise en compte dans le parcours de carrière
des agents, la VAE présente davantage un intérêt de développement personnel qu’un prérequis
à l’évolution professionnelle. Dans ces conditions, un agent a plus d’intérêt à consacrer du
temps à la préparation d’un examen professionnel qu’à la constitution d’un dossier de VAE,
même facilité par la mise en place d’une plateforme.
L’absence de traduction concrète de la VAE dans l’évolution professionnelle des agents
publics constitue un point d’actualité sur lequel travaille le ministère de la transformation et de
la fonction publique avec la DGCL.
Si aujourd’hui, l’appartenance à un corps ou cadre d’emplois et/ou une catégorie ainsi
que l’ancienneté prennent le pas sur une quelconque prise en compte de cette voie d’accès à la
certification, certaines pistes d’évolution ont cependant d’ores et déjà été investies par les
employeurs publics : elles visent à mieux associer la formation, voire la certification à la
promotion envisagée.
Cette démarche est déjà mise en place dans le domaine hospitalier pour financer les
départs en formation vers des catégories supérieures. Le centre national de la fonction publique
territoriale (CNFPT) développe des dispositifs de formation inspirés de la VAE, mais distincts
et adaptés aux spécificités de chaque secteur. C’est dans cette perspective que s’inscrit la loi du
30 décembre 2023 visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie, avec un plan de
requalification de C en B et, à terme, un recrutement en catégorie B ou A. Des programmes
dédiés à la police municipale et plus particulièrement à la brigade cynophile ont également été
mis en place.
Dans le cadre d’Accès, parcours et rémunération (APR), le ministre de la transformation
et de la fonction publiques souhaite donc développer, sur ces modèles de « formation-
promotion », des accélérateurs de carrière
dans lesquels l’obtention d’un titre ou d’une
19
Exemple : loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions
d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses
dispositions relatives à la fonction publique.
20
IGA, rapport sur la formation des agents territoriaux : bilan, analyse et perspectives d’avenir, juillet 2014.
21
Des illustrations concrètes ont été fournies à la Cour : par exemple un agent ayant accompli un parcours de VAE
aboutissant à l’obtention d’une licence, n’a pas constaté de changement significatif dans sa trajectoire
professionnelle.
LA VALIDATION DES ACQUIS DE L’EXPERIENCE DANS LA FONCTION PUBLIQUE DE L’ETAT
20
certification pourrait permettre une promotion interne. La VAE pourrait alors gagner en
attractivité, en permettant à un agent qui a fait la démarche personnelle de faire valider ses
acquis par un diplôme ou titre de bénéficier d’une promotion interne.
L’amorce d’une prise en compte de l’investissement personnel des agents
Au sein de la fonction publique territoriale, l’emploi de secrétaire de mairie, en l’état
des textes, ne peut déjà être pourvu que par le recrutement d’agents appartenant
a minima
à un
grade d’avancement de la catégorie C. Or il est constaté que de nombreuses communes ont
procédé à des recrutements au premier grade, en C1. La loi visant à revaloriser le métier de
secrétaire de mairie, intègre par ailleurs le concept de « promotion formation ». Cette voie de
promotion interne ne concernerait, à ce stade, que l’accès au cadre d’emplois de rédacteur
territorial (catégorie B). En cas d'appétence pour la fonction de secrétaire de mairie, l’agent
pourra s’engager dans une formation personnalisée d'une durée de 40 à 50 jours ou plus. Si cette
formation est validée, elle permettrait de passer en catégorie B.
Ces réflexions et initiatives doivent être poursuivies pour reconnaître la formation et la
VAE comme des leviers réels de promotion.
1.3.2
Un dispositif trop lourd et complexe
La procédure de VAE compte trois étapes principales : le dépôt d’un dossier de
recevabilité de la candidature, qui vise à vérifier la justification de la durée de l’exercice
d’activités à caractère professionnel en rapport direct avec la certification visée, puis, une fois
le dossier de recevabilité jugé recevable, la constitution du dossier de validation, qui décrit les
activités réalisées, l’environnement de travail et les compétences mobilisées, et enfin le passage
devant un jury de validation, qui accorde une validation totale ou partielle ou refuse la
validation.
LA VALIDATION DES ACQUIS DE L’EXPERIENCE DANS LA FONCTION PUBLIQUE DE L’ETAT
21
Schéma n° 1 :
Le circuit de la VAE
Source : ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation
LA VALIDATION DES ACQUIS DE L’EXPERIENCE DANS LA FONCTION PUBLIQUE DE L’ETAT
22
L'ensemble du dispositif de la validation des acquis de l'expérience fonctionne de
manière similaire pour les agents publics et pour les salariés issus du secteur privé. Cependant,
la forme que prend la demande de VAE dépend étroitement du degré de connaissance du
dispositif et de maturation du projet par les agents intéressés. L’implication du demandeur est
essentielle, tout au long des étapes sur lesquelles repose la démarche de VAE.
La démarche est chronophage et demande des compétences spécifiques : la constitution
du dossier comprend des questionnaires longs, avec des questions parfois subtiles, visant à
restituer l’expérience professionnelle et les savoir-être. Les dossiers exigés sont volumineux et
l’accompagnement est fortement conseillé et considéré comme un facteur clé de réussite, quel
que soit le niveau de l’agent demandeur. En effet la mise en mot des expériences individuelles
doit être valorisée dans un lexique particulier de la VAE, ajoutant une difficulté supplémentaire
pour les candidats. Le candidat doit prendre par ailleurs, dès le début du parcours, des décisions
cruciales notamment pour déterminer le diplôme visé qui sera le plus à même de correspondre
à son expérience. Il lui faut aussi déterminer les compétences déjà acquises, celles restant à
acquérir, et identifier le bon certificateur délivrant le diplôme visé.
Enfin, la grande pluralité des acteurs de la VAE (employeurs, services des ressources
humaines, centres d’aides, différents accompagnateurs jusqu’aux certificateurs) est source de
complexité. L’enchevêtrement qui résulte de cette diversité, et auquel tente de remédier le
portail France VAE, compromet la lisibilité de la procédure.
Au final, le parcours d'un candidat à la VAE dure en moyenne 16 mois selon les données
du ministère du travail. Ce délai pour valider l’ensemble de la certification est particulièrement
long et illustre la lourdeur générale du processus.
Par ailleurs, si près d’une personne sur deux connaît le dispositif de la VAE
22
, cette
perception est trop partielle, et les espoirs d’une reconnaissance de son expérience se heurtent
à l’incompréhension des modalités effectives de validation.
Les parcours de VAE se caractérisent en effet par une forte diminution du nombre de
candidats à chaque étape
: entre le dépôt du dossier et son examen par un jury puis entre le
passage devant le jury et l'obtention de la certification. Le taux d'obtention d'une certification
complète des candidats, originaires du secteur privé comme de la fonction publique, ayant
déposé un dossier s'est ainsi élevé à 39 % en 2019 puis à 43 % en 2020, très faible en
comparaison de taux de réussite proches de 100 % pour des certifications obtenues par d’autres
mécanismes publics.
Ces contraintes multiples et un taux d’échec dissuasif expliquent pourquoi le nombre de
personnes s'engageant dans une démarche de validation des acquis de l'expérience diminue
depuis plusieurs années
.
Le calibrage du dispositif mériterait d’être revu au regard des nouveaux
défis d’attractivité et d’allongement de la vie professionnelle auxquels la fonction publique est
désormais confrontée.
Il conviendrait d’engager dans les plus brefs délais une réflexion pour simplifier le
parcours de la VAE dans la fonction publique, en tenant compte des besoins propres à chaque
versant de la fonction publique. Pour la DGAFP, une telle perspective pourra se réaliser par le
biais de l'intégration des agents publics dans le dispositif VAE « universel » actuellement porté
par le secteur privé et une simplification de l'articulation du dispositif VAE avec les autres
22
Enquête BVA sur la perception de la VAE, juillet 2016, citée dans le rapport « évaluation de la politique publique
de validation des acquis de l’expérience » réalisé par l’IGAS et l’IGAENR, octobre 2016.
LA VALIDATION DES ACQUIS DE L’EXPERIENCE DANS LA FONCTION PUBLIQUE DE L’ETAT
23
dispositifs de formation existants notamment le compte personnel de formation ou le congé de
formation professionnel. Par ce biais, il s'agirait par exemple, selon la DGAFP, d'obtenir via la
VAE une partie d'une certification, complétée d'une formation mobilisée dans le cadre du CPF
afin d'obtenir un diplôme ou titre complet.
Pour la Cour, un rapprochement de la DGAFP avec la Délégation générale à l’emploi
et à la formation professionnelle (DGEFP), administration compétente pour assurer le pilotage
du dispositif de validation des acquis de l’expérience tous secteurs confondus, s’impose.
Recommandation n° 2.
(DGAFP) : Engager avec la DGEFP la simplification du
parcours de la VAE dans la fonction publique notamment en améliorant son
articulation avec les autres dispositifs de formation professionnelle.
______________________ CONCLUSION INTERMÉDIAIRE ______________________
Instaurée par la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale, la VAE a été conçue
sur un spectre large, couvrant à la fois le secteur privé et le secteur public. Il faut attendre la
loi du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique pour qu’une disposition fasse
l’objet d’une adaptation propre à la fonction publique – adaptation limitée à la création d’un
droit à congé spécifique, étendu par ordonnance plus de dix ans plus tard, en 2021, à certains
agents prioritaires. La réforme de la VAE, portée par la loi du 21 décembre 2022, est
ambitieuse, avec l’objectif de multiplier par trois le nombre de parcours et de déployer un
portail numérique unique. Elle s’adresse cependant indifféremment au secteur privé et au
secteur public et, à ce jour, la place des employeurs publics dans la nouvelle organisation
demeure encore imprécise.
Le dispositif est en décalage avec les modalités de gestion de la fonction publique. Sa
lourdeur et sa complexité, avec des questionnaires chronophages et un accompagnement
indispensable pour la constitution du dossier, sont d’autant plus décourageantes que la réussite
d’un diplôme par la voie de la VAE n’a en général par la suite aucun impact sur le déroulé de
carrière. Malgré la prééminence des voies classiques de recrutement et de progression
(concours, examens professionnels, …), des réflexions sont en cours, d’une part pour renforcer
l’incidence de l’obtention d’une certification dans les processus de promotion interne et,
d’autre part, pour mettre en place des processus de « formation-promotion », permettant de
faire un lien direct entre la formation suivie, le titre obtenu et l’évolution de carrière qui en
découle.
L’outil de la VAE, tel qu’il est conçu actuellement, reste donc inadapté et peu utilisé.
En constante décroissance depuis 2009, sa mobilisation par les agents publics est concentrée
au ministère de l’éducation nationale et au ministère chargé de la santé et des affaires sociales
qui délivrent des titres rattachés à des métiers bien définis. En dehors de ces deux ministères,
dans la fonction publique d’État, et bien que des données fiables manquent pour établir un
diagnostic précis, l’utilisation du dispositif est minime. Dans les autres versants de la fonction
publique, la VAE pourrait sembler, de premier abord, davantage adaptée aux enjeux, compte-
tenu par exemple des nombreuses professions réglementées accessibles sur titre dans la
fonction publique hospitalière et de besoins spécifiques dans certaines collectivités
territoriales. Le dispositif reste cependant peu utilisé : sa lourdeur et la rigidité des règles de
gestion des ressources humaines, avec par exemple la détention d’un titre indispensable pour
LA VALIDATION DES ACQUIS DE L’EXPERIENCE DANS LA FONCTION PUBLIQUE DE L’ETAT
24
acquérir de l’expérience dans certains métiers du soin, empêchent une réelle montée en
puissance.
LA VALIDATION DES ACQUIS DE L’EXPERIENCE DANS LA FONCTION PUBLIQUE DE L’ETAT
25
2
LA VAE, UNE REPONSE COMPLEMENTAIRE AUX DEFIS DE
LA FONCTION PUBLIQUE
La fonction publique rencontre aujourd’hui des difficultés pour s’adapter à certaines
évolutions de la société, notamment dans les domaines particulièrement sensibles du
recrutement et l’accompagnement des seconds temps de carrière, liés à l’allongement de la
durée de vie au travail.
Aussi, sans remettre en cause les principes fondateurs du statut qui garantissent l’égalité
d’accès à la fonction publique ou encore une carrière et une promotion sociale grâce à la
formation professionnelle, des évolutions, incluant une plus forte prise en compte de la
validation des acquis de l’expérience, pourraient être envisagées.
2.1
Inclure la VAE dans les leviers de la gestion des ressources humaines
de la fonction publique d’État
Il appartient à chaque employeur public de se doter d’une véritable gestion
prévisionnelle des emplois et des compétences. C’est un enjeu majeur pour donner à la fonction
publique le moyen de s’adapter à l’évolution sociale et à la demande en matière de services
publics, mais c’est aussi un besoin essentiel pour faire face à l’usure professionnelle qui
s’aggrave avec l’allongement de la durée des carrières et le recul de l’âge de la retraite.
2.1.1
La VAE : un dispositif supplémentaire pour la gestion prévisionnelle des
emplois, des effectifs et des compétences
En 2021, l’âge moyen des agents de la fonction publique est de 44 ans, contre 41 ans
dans le secteur privé
23
. Il était de 42 ans en 2011 et sur la période 2011-2021, l’âge moyen des
agents publics augmente donc au total de deux ans. Sur cette même période, la part des moins
de 30 ans baisse d’un point, celle des 50 ans et plus augmente de six points : la fonction publique
compte désormais 2,5 agents de 50 ans et plus pour un agent de moins de 30 ans, alors que ce
ratio est de 1,5 dans le secteur privé. Ce phénomène structurel de vieillissement des agents
publics trouvera son terme avec des départs plus nombreux à la retraite dans les années qui
viennent, sauf à ce que des recrutements de personnes en seconde partie de carrière contiennent
ce processus.
Ce constat a conduit les missions d'inspection
24
à caractériser une situation des
ressources humaines « sous grande tension » posant de manière critique l'enjeu du
23
L’âge moyen dans la fonction publique est issu de Siasp, tandis que celui dans le privé provient de l’enquête
Emploi. Dans cette source, l’âge moyen dans la fonction publique est aussi de 44 ans.
24
Comité de pilotage inter-inspections dans les DDI (Inspection générale de l'administration (IGA) - Inspection
générale des affaires sociales (IGAS) - Inspection générale de la jeunesse et des sports (IGJS) - Inspection générale
des services de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (IGSCCRF) - Conseil général
de l'environnement et du développement durable (CGEDD) - Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et
LA VALIDATION DES ACQUIS DE L’EXPERIENCE DANS LA FONCTION PUBLIQUE DE L’ETAT
26
renouvellement des compétences, en particulier dans les métiers techniques et dans
l'encadrement. Pour y faire, elles recommandent la généralisation des méthodes de gestion
prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences (GPEEC), notamment pour
identifier les compétences critiques, en raison de leur technicité, du temps de formation
nécessaire, de la rareté de l'offre de formation initiale. La définition d’une telle politique est un
préalable à toute élaboration d’une stratégie de ressources humaines.
Comme la Cour l’a souligné dans son rapport dressant un bilan de la loi de
transformation de la fonction publique
25
, la mise en
œ
uvre d’une GPEEC s’avère souvent
difficile parce qu’elle se heurte régulièrement, pour certains services, à un contexte
institutionnel, réglementaire, socio-économique instable qui impacte leurs missions, quand
d’autres connaissent des évolutions organisationnelles fréquentes.
Pour autant, les difficultés de recrutement et d’attractivité sur certains métiers
réglementés invitent à promouvoir davantage de nouvelles approches
(accompagnement
formation, diversification des profils, valorisation des parcours professionnels, etc.) et à
mobiliser la validation des acquis de l’expérience afin de pourvoir aux postes correspondant à
des métiers réglementés ou pour lesquels une qualification particulière est exigée.
À l’instar de la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de
la vie et au dialogue social qui a instauré des dispositifs d’accès des salariés du secteur privé à
la formation continue et intégré la VAE au c
œ
ur du processus de GPEEC, il conviendrait de
reconnaître davantage la VAE comme l'une des mesures d'accompagnement intégrées au
processus de GPEEC, au même titre que le bilan de compétences, dans le but d’optimiser la
gestion des compétences au sein des administrations.
2.1.2
La VAE comme outil de « rebond professionnel » en seconde partie de
carrière
Depuis 2015, l’âge de départ à la retraite des fonctionnaires civils a reculé d’un an et un
mois. En 2022, il est de 61,9 ans en moyenne, tous motifs confondus. Les agents sédentaires
partent en moyenne à la retraite à 63,7 ans.
Le relèvement de l'âge légal de départ à la retraite pose de façon plus aiguë la question
de la deuxième partie de carrière des agents exerçant des métiers pénibles. L'objectif pour
l'employeur est de maintenir l'agent dans l’emploi le plus longtemps possible, tout en préservant
sa santé.
Pour autant l’allongement des durées de vie active s’accompagne souvent, pour
certaines catégories d’agents, d’une progression des inaptitudes au travail et d’une
augmentation des maladies professionnelles. Certains métiers sont particulièrement usants et
reconnus comme tels (infirmier, agent pénitentiaire, etc.). Après de nombreuses années
d’activité, beaucoup d’agents publics aspirent donc à exercer un emploi en lien avec leur
univers professionnel avec une moindre exposition à la fatigue physique et/ou mentale.
des espaces ruraux (CGAAER)), Mission d'examen de l'organisation et du fonctionnement des directions
départementales interministérielles,
rapport de synthèse 2017, avril 2018.
25
Cour des Comptes, RPT La loi de transformation de la fonction publique : bilan d’étape, novembre 2023.
LA VALIDATION DES ACQUIS DE L’EXPERIENCE DANS LA FONCTION PUBLIQUE DE L’ETAT
27
En pareilles circonstances, il y a un véritable enjeu à anticiper le vieillissement au
travail. La pénibilité des métiers est un sujet de plus en plus prégnant dans la fonction publique
et le défi est donc de gérer, sur un temps long (la carrière) les étapes de la vie professionnelle
des agents au regard de leur expérience et de leurs compétences, tout en assurant leur
employabilité et en répondant aux besoins évolutifs des services, dans un contexte de profonde
transformation.
Les exemples de difficultés pour une valorisation de la fin de carrière sont nombreux :
blocage de l’avancement, insuffisance de dispositifs de prévention des situations d’usure
professionnelle ou absence de réflexion sur les emplois utiles pour le service public et adaptés
aux agents en fin de carrière. La VAE peut constituer un des outils d’anticipation des situations
d’usure professionnelle. La mobilisation de la VAE permettrait de proposer différents types de
postes aux agents en fin de carrière dans le cadre d’une mobilité considérée non plus comme
un outil de gestion des difficultés mais comme une opportunité de « rebond professionnel ». Le
dispositif est bien adapté à certains profils professionnels, comme ceux des agents peu qualifiés
puisqu’il privilégie l’expérience acquise avec l’âge sur la capacité à passer des concours ou des
examens professionnels.
Recommandation n° 3.
(DGAFP, SG MEF) : Insérer la VAE dans les mesures
d'accompagnement intégrées au processus de GPEEC.
2.2
Élargir les modalités de recrutement grâce à la VAE
Depuis la loi du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique, il est possible
d'introduire une épreuve de reconnaissance des acquis de l'expérience professionnelle (RAEP)
dans les concours de la fonction publique et ainsi de faire valoir les compétences acquises, mais
ce dispositif reste d’une utilisation marginale.
Dans la fonction publique de l'État, le nombre d'inscrits aux concours a chuté de 30 %
entre 2010 et 2020 alors que le nombre de postes à pourvoir augmentait fortement. Le taux de
sélectivité est ainsi passé de 11,7 à 5,5. En 2020, 5,2 candidats se sont présentés pour une place
ouverte en catégorie A, contre 8,9 en 2010.
La nature des épreuves, parfois trop théoriques et formelles, dissuade également
de facto
des candidats : cette difficulté, maintes fois relevée, reste un obstacle à un recrutement élargi,
alors que dans de nombreux métiers le fait de ne pas maitriser des standards académiques n’est
pas un critère pertinent pour apprécier le niveau de compétence professionnelle demandé.
Parfois le concours est perçu par les candidats qui ont décroché un diplôme ou acquis une
expérience professionnelle, comme « un moyen de les empêcher d’entrer dans le secteur
public »
26
.
Sans remettre en cause le principe du concours qui demeure une voie d’accès permettant
une sélection de candidats qualifiés, des ajustements pourraient être pratiqués en assurant une
articulation plus forte entre validation des acquis de l’expérience et concours sur titres, à
26
Selon une expression de l’Association des DRH des Grandes Collectivités Territoriales,
LA VALIDATION DES ACQUIS DE L’EXPERIENCE DANS LA FONCTION PUBLIQUE DE L’ETAT
28
l’image de ce qui a été mis en place dans les professions sanitaires et médico-sociales pour
l’obtention du diplôme d’IBODE (infirmier de bloc opératoire diplômé d’État (IBODE).
Plusieurs partenaires étrangers, interrogés dans le cadre de l’enquête, rappellent d’ailleurs
l’importance du diplôme dans le déroulement de carrière dans la fonction publique :
l’Allemagne, le Danemark, le Luxembourg et de nombreux pays de l’Est européen (Slovaquie,
Roumanie, Chypre, Lituanie…) déclarent qu’un fonctionnaire ne peut postuler à un grade
supérieur à son diplôme.
En France, le répertoire métiers des trois fonctions publiques gagnerait à être davantage
mobilisé afin de permettre aux agents d’actualiser leur bilan de compétences en fonction des
métiers exercés et d’identifier des certifications susceptibles d’être motrices pour leur carrière.
L’utilisation plus systématique du répertoire métiers par les employeurs permettrait aussi à ces
derniers d’adapter l’offre de formation et de promouvoir des parcours professionnels. À ce titre,
la réforme engagée
par les ministères économiques et financiers dans la perspective du
recrutement d'ingénieurs de l'industrie et des mines a conduit à recourir, durant une période de
quatre ans, à ce type de recrutement.
Dans ce cadre, les dispositions relatives à la validation des acquis de l'expérience, à la
reconnaissance de l'expérience professionnelle, voire aux développements de certificats de
qualification professionnelle adaptés au secteur public permettraient de concevoir des parcours
de formation dans un certain nombre de filières professionnelles, les corps plus généralistes au
sein desquels sont recrutés des candidats ayant suivi des cursus de formation très diversifiés
apparaissant moins adaptés au recrutement sur titres.
À cette fin, le répertoire métiers devrait permettre d’identifier ceux qui requièrent un
diplôme, un titre professionnel ou un certificat et pour lesquels la VAE offrirait une voie
d’accès. Alors qu’aujourd’hui la VAE est un parcours difficile qui n’offre aucune garantie à
celui qui le mène à son terme avec succès, cette perspective donnerait de l’intérêt au dispositif
en permettant la progression de carrière de l’agent qui a réalisé un tel parcours.
Recommandation n° 4.
(DGAFP) : Identifier dans le répertoire métiers de la fonction
publique ceux d’entre eux requérant un diplôme, un titre professionnel ou un certificat
qui pourrait être obtenu par VAE.
D’autres catégories d’agents pourraient également relever d’un tel aménagement.
Cela pourrait être le cas des apprentis ayant réalisé leur apprentissage dans une
administration et ayant montré leur capacité à s’intégrer, ou encore des titulaires d’un diplôme
permettant d’exercer dans des professions règlementées (infirmière, médecin par exemple)
voire des titulaires d’un diplôme garantissant un niveau d’étude conforme aux attendus d’un
grade (ingénieur par exemple). Si la DGAFP reconnaît que les apprentis du secteur public
pourraient effectivement bénéficier, sous certaines conditions, d'une VAE, elle souligne
néanmoins que cette hypothèse n’en demeurerait pas moins marginale dès lors que les apprentis
sont majoritairement en formation déjà diplômante dans le cadre de leur apprentissage.
Au-delà, la VAE pourrait également contribuer à l’intégration des agents contractuels.
Pour de nombreux agents non titulaires, le diplôme constitue en effet une condition nécessaire
et indispensable pour accéder au concours. Dans certaines administrations où l’équilibre entre
LA VALIDATION DES ACQUIS DE L’EXPERIENCE DANS LA FONCTION PUBLIQUE DE L’ETAT
29
titulaires et contractuels peut être source de tensions, la VAE pourrait constituer le support
adapté afin d’intégrer les agents contractuels et les inscrire dans une évolution de carrière, qui
fait encore défaut pour nombre de contractuels.
La VAE s’appuie sur des épreuves adaptées aux agents ayant déjà accumulé des
expériences professionnelles : la constitution d’un dossier pour présenter son parcours et sa
motivation, un entretien avec un jury pour vérifier la capacité du candidat à travailler dans le
secteur public. Son développement constituerait, plutôt que la mise en place de dispositifs
alternatifs (concours réservé par exemple), un mode de reconnaissance et donc de recrutement
particulièrement adapté à tous ceux qui ont à faire valoir une expérience professionnelle, un
parcours en alternance ou un diplôme opérationnel.
Comme la Cour l’a déjà écrit
27
, le concours sur titres est un dispositif prévu par le statut
de la fonction publique qui est aujourd’hui très peu utilisé. La DGAFP considère que ce type
de sélection est approprié dans le cas de la recherche de compétences spécialisées mais qu’à
l'inverse, il n'apparait pas adapté pour des recrutements plus généralistes tels que celui des
attachés notamment. Néanmoins, dans tous les métiers où l'élargissement du concours « sur
titres » est possible, le recours à cette voie de recrutement doit être encouragé comme l’illustre
la circulaire n° 6419/SG du 29 septembre 2023 sur la rénovation des concours d'accès à la
fonction publique de l'État en faveur du développement de « la possibilité de recours aux
concours sur titre et travaux ». Selon la DGAFP, la VAE, via la certification professionnelle,
pourrait ainsi être utilisée pour permettre à des personnes d'acquérir un titre à finalité
professionnelle et ainsi favoriser le recours aux concours sur titres par les candidats.
Pour la Cour, l’élargissement de la VAE à un nombre plus important de filières devrait
être engagé afin de mieux répondre aux problèmes d’attractivité que connaissent les métiers de
la fonction publique et permettre aux employeurs publics de se saisir pleinement du dispositif.
Recommandation n° 5.
(DGAFP, SG MEF) : Élargir la possibilité de recrutement sur
titres, y compris par la reconnaissance des acquis de l’expérience professionnelle
(recommandation complétée)
2.3
Mettre en place un pilotage de la VAE dans le secteur public
Mobiliser davantage, étendre et mieux accompagner la VAE devrait permettre de
favoriser les recrutements dans des secteurs en très forte tension. Cela implique, d’une part que
l’employeur public soit partie prenante à la mise en place de France VAE afin de donner toute
sa place à la fonction publique dans le processus en cours de construction et d’autre part, de
mieux connaître les emplois requérant un diplôme, un titre professionnel ou un certificat sur
lesquels la VAE permettrait de se positionner afin d’aider les agents et leurs employeurs à s’en
saisir davantage. Ces évolutions vont non seulement permettre d’instituer un guichet unique
pour les démarches des candidats mais aussi de disposer d’une information contemporaine sur
leur profil et les certifications poursuivies.
27
Cour des Comptes, RPT La loi de transformation de la fonction publique : bilan d’étape, novembre 2023.
LA VALIDATION DES ACQUIS DE L’EXPERIENCE DANS LA FONCTION PUBLIQUE DE L’ETAT
30
Au-delà des emplois d’ores-et-déjà éligibles, une réflexion devra être conduite pour
apprécier les possibilités d’une extension du champ des emplois concernés au regard de
l’évolution des métiers publics et ainsi étendre les possibilités de concours sur titres. Pour cela,
des indicateurs fiables doivent pouvoir être directement élaborés pour permettre une meilleure
connaissance des secteurs sur lesquels les candidats pourront se positionner et les employeurs
susciter la demande de VAE, notamment lorsque les agents n’ont pas connaissance du
dispositif. Cette réflexion doit aussi permettre d’enclencher la mise en place d’une démarche
collective, qui consiste en un accompagnement ciblé d’un groupe d’agents sur un même
diplôme
28
. La principale caractéristique de ces démarches collectives réside dans
l’investissement de l’encadrement, lequel joue un rôle central dans l’information générale sur
le dispositif. De telles démarches ne sont pas suffisamment développées.
Il reviendra à la DGAFP d’établir, avec les représentants des deux autres versants, les
conditions de collecte de ces données, susceptibles, entre autres usages, de faciliter le
déploiement d’un véritable outil de gestion et de communication de la VAE dans la fonction
publique.
La qualité de l’information sur les emplois concernés ou susceptibles de le devenir sont
indispensables pour piloter le dispositif. Elle en garantit non seulement le bon fonctionnement,
mais elle permet également de prendre des décisions adéquates pour lancer des programmes de
formation adaptés, par exemple.
______________________ CONCLUSION INTERMÉDIAIRE ______________________
La fonction publique fait face à de nouveaux défis d’attractivité et d’accompagnement
des agents, notamment en fin de carrière. Or une prise en compte renforcée de la VAE dans la
politique de ressources humaines pourrait constituer une des réponses à ces enjeux.
En premier lieu, le vieillissement structurel de la masse salariale dans les
administrations justifie d’anticiper au mieux les besoins en ressources et d’identifier les
compétences « critiques » : dans cette perspective, la GPEEC doit favoriser le déploiement
d’une véritable stratégie « ressources humaines » dans le secteur public. Pour autant, sa mise
en
œ
uvre s’avère souvent difficile. Surtout, elle n’est pas articulée avec la validation des acquis
de l’expérience, qui pourtant pourrait permettre de pourvoir des postes pour lesquels une
qualification particulière est nécessaire. La VAE devrait donc être positionnée au c
œ
ur du
processus de GPEEC.
Dans le contexte d’allongement des durées de vie active, la VAE constitue aussi un outil
permettant d’anticiper des situations d’usure professionnelle : des actions de formation
pourraient donc en ce sens être proposées aux agents en cours de carrière, pour leur permettre
un « rebond professionnel ».
28
La mise en place d’une démarche collective suppose de cibler un diplôme pour lequel le nombre d’agents
concernés est suffisamment important. La proximité du contenu du diplôme avec l’activité des agents est
également prise en compte.
LA VALIDATION DES ACQUIS DE L’EXPERIENCE DANS LA FONCTION PUBLIQUE DE L’ETAT
31
La seconde difficulté à laquelle se heurtent les employeurs publics est le déficit
d’attractivité des métiers de la fonction publique, dans un contexte particulier de tensions sur
le marché du travail.
Or ce déficit d’attractivité peut s’expliquer par les modalités de recrutement des agents,
qui repose très majoritairement sur un système de concours complexe et valorisant
essentiellement des connaissances académiques, sans tenir compte des expériences accumulées
au cours de la vie professionnelle. La VAE pourrait se substituer à certaines de ces voies de
recrutement et faciliter les recrutements pour des postes spécifiques. Dans ce cadre, il
conviendrait d’identifier les métiers requérant un diplôme, un titre ou un certificat susceptible
d’être obtenu par la VAE, et de communiquer sur ces métiers.
Plus généralement, l’outil de la VAE pourrait renforcer l’attractivité des parcours au
sein de la fonction publique, en offrant la possibilité aux agents de faire reconnaître la valeur
de leur savoir-faire et de leurs compétences. Ainsi, alors qu’à ce jour, la VAE n’a aucun impact
direct et immédiat sur la carrière, elle devrait être davantage prise en compte, non seulement
pour le recrutement, mais aussi pour la promotion interne et l’avancement de grade.
La période est favorable à une plus forte valorisation des acquis de l’expérience dans
la fonction publique d’État, en prenant notamment appui sur les pratiques de consolidation du
dispositif engagées dans les autres versants de la fonction publique.
L’outil pourrait d’ores et déjà être pleinement mobilisé pour résoudre des points de
blocages spécifiques et bien identifiés : recrutements de personnes expérimentées mais ne
disposant pas des diplômes prévus règlementairement pour occuper un poste ou pour passer
un concours, reclassements et rebond professionnel de « deuxième carrière », valorisation des
diplômes obtenus par la hiérarchie etc…
Mais pour s’assurer d’un réel déploiement du dispositif, en adéquation avec les
nouveaux besoins, son pilotage devra être renforcé. Dans cette perspective, il est indispensable
que la fonction publique participe dans les plus brefs délais à la mise en
œ
uvre de France VAE.
Il est également nécessaire d’opérer un travail de recensement des emplois sur lesquels la VAE
pourrait se positionner et d’en étendre le champ. Cette extension ne pourra être réalisée sans
la mise en place d’indicateurs et de données fiables dont le management devra se saisir pour
piloter de façon efficace l’outil.
LA VALIDATION DES ACQUIS DE L’EXPERIENCE DANS LA FONCTION PUBLIQUE DE L’ETAT
32
ANNEXES
Annexe n° 1.
Les candidats à la VAE selon les ministères certificateurs
...............
33
Annexe n° 2.
Comparaisons internationales
............................................................
34
LA VALIDATION DES ACQUIS DE L’EXPERIENCE DANS LA FONCTION PUBLIQUE DE L’ETAT
33
Annexe n° 1.
Les candidats à la VAE selon les ministères certificateurs
Tableau n° 1 :
Nombre de candidats à la VAE recevables, présentés et reçus
selon le ministère certificateur (hors MESR)
Nombre de candidats
recevables
Nombre de candidats
présentés
Nombre de candidats
reçus (Validation totale)
2020
2021
2022
2020
2021
2022
2020
2021
2022
Ministère
de
l’éducation
nationale (CAP au BTS)
21 830
26 400
21 070
15 223
16 520
14 504
10 483
11 180
9 954
Ministère de l’agriculture
629 (1)
775
772
378 (1)
157
459
309 (1)
111
343
Ministère chargé de la santé
et des affaires sociales
10 931
17 778
16 513
8 090
11 521
11 655
3 619
5 405
5 672
Ministère de l'emploi
3 219
3 156
3 003
1 209
669
1 557
941
525
1 241
Ministère de la jeunesse et
des sports
1 711
1 856
1 352
1 160
1 200
1 053
619
578
490
Ministère de la défense
210
278
357
136
216
184
116
183
153
Ministère de la culture
168
529
737
394
449
518
209
228
290
Ministère de l'écologie
226
56
68
403
160
125
61
31
28
Ensemble des
ministères
certificateurs
38 924
50 828
43 872
26 993
30 892
30 055
16 357
18 241
18 171
(1) Les données 2020 du ministère de l’Agriculture hors enseignement supérieur sont estimées à partir des données 2019
auxquelles ont été appliquées l'évolution 2019/2020 moyenne de l’ensemble des ministères ayant fourni les données.
Source : ministères certificateurs– traitement Dares.
Champ : candidats recevables, appartenant au secteur privé ou au secteur public, présentés et reçus à une
certification délivrée par un ministère hors MESR.
Lecture : En 2022, le ministère de l’agriculture comptabilise 772 candidats recevables, 459 candidats présentés
et 343 candidats reçus avec une certification totale.
Source : Jaune budgétaire « Formation professionnelle » PLF 2024 - ministères certificateurs-traitement Dares.
LA VALIDATION DES ACQUIS DE L’EXPERIENCE DANS LA FONCTION PUBLIQUE DE L’ETAT
34
Annexe n° 2.
Comparaisons internationales
La Cour des comptes a procédé à une comparaison internationale avec l’aide de la
Direction générale de l’administration et de la fonction publique et de son réseau européen des
administrations publiques ainsi que sur la base de recherches documentaires.
Cet exercice s’est heurté à l’absence de données suffisamment précises, qui limitent la
portée des résultats. L'absence de crédits budgétaires, de dépenses identifiables et de chiffres
rend la comparaison difficile, d'autant plus que les dispositifs dans chaque pays présentent des
variations importantes en fonction des contextes institutionnels et des histoires propres à chaque
administration. La comparaison a mis d’ailleurs en évidence des diversités importantes dans les
responsabilités en matière de gouvernance de la formation individuelle, de la formation continue
des agents et des questions RH : il est donc nécessaire de prendre en compte ces spécificités dans
toute tentative d’implémentation ou d’adaptation de dispositifs similaires en France.
Ce travail offre cependant des pistes de réflexion pour améliorer la gestion des
ressources humaines et renforcer l'efficacité des politiques de formation au sein de
l'administration publique française.
Introduction : une dynamique européenne très ancienne de reconnaissance des
compétences professionnelles :
La Validation des Acquis de l'Expérience (VAE) en France constitue un mécanisme
permettant aux individus d'obtenir une certification, sur la base de compétences personnelles
acquises au fil de leur carrière. Cette approche centrée sur les agents de la fonction publique
semble unique, bien que d'autres pays européens présentent également des mécanismes de
reconnaissance des compétences professionnelles, qui s’inscrivent dans une dynamique
européenne ancienne.
Dès les années 1990, une proposition d’Edith Cresson, présentée dans un livre blanc,
évoquait la création d'accréditations européennes basées sur des standards internationaux de
compétences dans des domaines spécifiques. Ces accréditations, comme le "permis de conduire
informatique" scandinave, pouvaient être obtenues en passant des tests dans des centres
agréés.
29
Bien que l'objectif n’étaient pas de remplacer les diplômes, ces accréditations
représentaient une solution simple pour reconnaître les compétences, face à un système
européen jugé trop académique, ce qui compliquait l'établissement d'équivalences entre les
diplômes à l'échelle européenne.
Par la suite, le Royaume-Uni a développé les
National Vocational Qualifications
(
NVQs
), définissant les principaux emplois éligibles selon une logique de niveaux et s’appuyant
sur des qualifications délivrées par des centres de validation. Au milieu des années 80, ce
système représentait la démarche la plus aboutie de certification nationale des compétences
professionnelles en tant qu'alternative aux titres universitaires.
30
Les compétences validées
correspondaient cependant davantage à des performances, mesurées par la capacité à exécuter
une tâche dans des conditions spécifiques, plutôt qu’à des connaissances théoriques. Par
ailleurs, bien que les organisations syndicales aient été consultées, le processus a manqué d'une
29
FAURE Martine et MASSACRET Michel, 1997, « Le Livre blanc sur l’éducation et la formation : Objectifs,
commentaires, bilan et perspectives », Revue internationale d’éducation de Sèvres, 1 décembre 1997, no 16, p. 113 118.
30
BESSY Christian, 2000, « La certification des compétences en Grande-Bretagne », Formation Emploi, 2000,
vol. 71, no 1, p. 21 35.
LA VALIDATION DES ACQUIS DE L’EXPERIENCE DANS LA FONCTION PUBLIQUE DE L’ETAT
35
réelle concertation avec les partenaires sociaux. Malgré ces imperfections, l’'initiative anglaise
a eu un impact significatif sur les débats au sein de la Commission européenne en matière de
formation et de qualification dont le CEDEFOP était responsable.
31
Le « Processus de Copenhague », initié en 2002 pour renforcer la coopération
européenne dans le domaine de l'enseignement et de la formation professionnels (EFP), a
justement établi plusieurs jalons significatifs. La Déclaration de Copenhague de 2002 a
notamment jeté les bases d'une coopération volontaire des États membres, mettant l'accent sur
l'amélioration de la transparence via le développement de l'information, de l'orientation et du
conseil. Elle a également préconisé la mise en place d'instruments de reconnaissance mutuelle
et de validation des compétences, ainsi que l'amélioration de la qualité des formations par le
biais de l'assurance qualité.
I.
Organisation de la coopération européenne dans le domaine de l'enseignement et
la formation professionnels (EFP) ou dit
vocational education and training
, (
VET
)
a.
Cadre européen dans le domaine de l’enseignement et de la formation
professionnelle
L'enseignement et la formation professionnels (EFP) constituent dans l’Union
européenne un pilier essentiel pour préparer les citoyens à la vie professionnelle, en développant
les compétences nécessaires pour maintenir leur employabilité et répondre aux exigences du
marché du travail. En Europe les systèmes d'EFP reposent sur un réseau bien établi de
prestataires qui dispensent tant l'enseignement et la formation professionnels initiaux (EFPI)
que l'enseignement et la formation professionnels continus (EFPC).
L'EFPI se déroule généralement au niveau de l'enseignement secondaire de deuxième
cycle ou de l'enseignement post-secondaire non supérieur, se délivrant dans un cadre scolaire
ou professionnel. Les lieux d'enseignement incluent des salles de classe traditionnelles, des
centres de formation, et des entreprises. L’EFPC intervient en revanche après l'entrée dans la
vie professionnelle, et vise à améliorer les connaissances, acquérir de nouvelles compétences,
se reconvertir, ou poursuivre le développement personnel et professionnel.
La coopération européenne dans le domaine de l'EFP a été engagée en 2002, dans le
cadre du processus de Copenhague, puis a été renforcée par la suite par plusieurs initiatives
(communiqué de Bruges ; conclusions de Riga).
32
L'EFP a plus récemment été désigné comme
domaine prioritaire de l'Espace européen de l'éducation, pour la période 2021-2030. Les États
membres, via le Conseil de l'UE, se sont ainsi fixé pour objectif que d'ici 2025, au moins 60 % des
jeunes diplômés de l'EFP bénéficieraient d'une exposition à l'apprentissage en milieu professionnel.
De plus, en novembre 2020, le Conseil de l'UE a adopté une recommandation en faveur
de l'EFP, mettant en avant des principes essentiels pour une adaptation rapide aux besoins du
marché du travail et la fourniture d'opportunités d'apprentissage de qualité pour les jeunes et les
adultes. Cette recommandation met particulièrement l'accent sur la flexibilité accrue, le
31
MERLE Vincent, 2007, « Genèse de la loi de janvier 2002 sur la validation des acquis de l’expérience :
Témoignage d’un acteur », La Revue de l’Ires, 1 juillet 2007, n° 55, no 3, p. 43 71.
32
Coopération
européenne
renforcée
en
matière
d’enseignement
et
de
formation
professionnels,
LA VALIDATION DES ACQUIS DE L’EXPERIENCE DANS LA FONCTION PUBLIQUE DE L’ETAT
36
renforcement des possibilités de formation par le travail et l'apprentissage, ainsi que l'amélioration
de l'assurance qualité dans le domaine de l'enseignement et de la formation professionnels.
33
b.
Gouvernance et déploiement de dispositifs de reconnaissance de l’expérience
La France, en accord avec les directives européennes visant à faciliter la mobilité
professionnelle, a participé à la construction d’un cadre d'équivalence entre certifications
(CEC)
34
et compétences validées en cours de vie active (ECVET). Dans les années 2000, la
France a mis en place un dispositif national pour les certifications émises en dehors du système
éducatif, ainsi que la procédure formalisée de validation des acquis de l'expérience (VAE), qui
s’inscrit dans cette dynamique européenne globale. Ces initiatives avaient pour objectif de
fournir des références sur le marché de la formation, attestant des compétences non formelles
acquises grâce à l’expérience. Le Cedefop classera dès lors la France parmi les rares États
membres ayant conçu son système de formation professionnelle continue comme élément d'un
régime intégré de "formation tout au long de la vie".
35
En 2004, le communiqué de Maastricht a renforcé la volonté de favoriser la création
d'environnements favorables aux apprentissages par le travail, et le développement des
compétences des enseignants et formateurs. Le Communiqué d'Helsinki en 2006 a adopté le cadre
unique Europass pour la transparence des compétences et qualifications. Il lance également le
développement de trois nouveaux outils communs : le Cadre européen des certifications (CEC), le
Système européen des crédits d'apprentissage pour l'enseignement et la formation professionnels
(ECVET), et le Cadre européen de référence pour l'assurance qualité (EQUAVET).
Enfin, en 2010, le communiqué de Bruges, a fixé des objectifs stratégiques à long terme
(2011-2020) pour la coopération européenne en EFP (
vocational education and training
,
VET
).
Trois cadres de référence communs ont été conçus, auxquels les États membres sont invités à
rattacher leurs dispositifs nationaux respectifs.
36
c.
Perspectives en Europe d'ici 2035
Alors que 40 % des employeurs déclarent avoir du mal à trouver des candidats possédant
les compétences nécessaires pour développer leur entreprise et innover
37
, la nouvelle stratégie
européenne vise à répondre aux nouveaux défis rencontrés par le monde professionnel. L’UE
préconise ainsi une augmentation des niveaux de compétences, la promotion des compétences
transversales et l'anticipation des besoins du marché du travail.
Le Centre européen de formation professionnelle (CEDEFOP)a réalisé un sondage auprès
de diverses parties prenantes, incluant chercheurs, enseignants, employeurs, syndicats, et décideurs
33
Initiatives
en
matière
d’enseignement
et
de
formation
professionnels,
European
Education
Area,
34
Europass, Union Européenne : Comptant 8 niveaux, le CEC est un cadre, fondé sur les résultats d'apprentissage,
pour tous les types de qualifications, qui sert d’outil de transposition entre les différents cadres nationaux des
certifications. Il contribue à améliorer la transparence, la comparabilité et la transférabilité des qualifications et
permet de comparer les qualifications de différents pays et institutions.
35
DAYAN Jean-Louis, 2019, « La réforme française de la formation professionnelle vue d’Europe : des progrès,
mais peut mieux faire : », Savoirs, 1 octobre 2019, N° 50, no 2, p. 21 36.
36
international-formation/les-objectifs-politiques-processus-et-communiques.
37
Dix
actions
pour
contribuer
à
doter
les
personnes
de
meilleures
compétences
en
Europe,
LA VALIDATION DES ACQUIS DE L’EXPERIENCE DANS LA FONCTION PUBLIQUE DE L’ETAT
37
politique. Cette enquête a montré une conviction majoritaire en faveur d'un renforcement des
développements dans le domaine des
VET,
sous réserve d’une amélioration des relations entre
formateurs et employeurs et d’une meilleure anticipation des compétences requises.
L’expression de ces besoins a conduit l’Union Européenne à donner l’exemple dans la
gestion de carrière de ses agents publics et à mettre en place une procédure de certification.
Cette procédure permet aux agents de postuler à des postes plus élevés en fonction de leur
expérience
38
, selon un dispositif de reconnaissance des acquis similaire à la VAE française.
Tout comme dans le système français, l'importance des diplômes et certifications pour
le développement de carrière varie en fonction de catégories de postes pour les agents de l’UE.
Des exigences minimales d'éducation formelle sont liées aux groupes tels que les
administrateurs (AD), les assistants (AST) et les secrétaires/greffiers (AST/SC), catégories
correspondant au système A, B et C français.
Le dispositif de reconnaissance des acquis mis en place dans l’administration
européenne offre cependant aux fonctionnaires de l’UE la possibilité de postuler à un poste
nécessitant un niveau académique élevé sans le diplôme requis. Les agents ayant un niveau
initial inférieur peuvent ainsi accéder à des groupes de fonctions supérieurs sur la base de leurs
expériences et formations professionnelles.
Cette capacité européenne à prendre en considération l'expérience acquise est bien plus
développée qu’en France. Alors que la VAE française n’a pas d’impact direct sur la carrière ou
la rémunération des agents publics, le dispositif européen de certification a un effet immédiat
sur la carrière. Nommée « procédure de certification », il permet aux fonctionnaires AST de
postuler à des postes du groupe AD, sous réserve de disponibilité de postes.
L'École européenne d'administration (EuSA) est responsable du programme de
certification, elle comprend une évaluation interne, une formation axée sur les compétences et
des examens organisés par l'Office européen de sélection du personnel. L'EuSA collabore avec
des entrepreneurs externes pour la conception des examens et la prestation du programme de
formation, bien que les évaluations soient effectuées par des membres du jury nommés par les
institutions. Les participants au programme de certification bénéficient par ailleurs de jours de
formation considérés comme du temps de travail, avec la possibilité de prendre jusqu'à 5 jours
de congés spéciaux. Actuellement, environ 75 nouveaux participants rejoignent le programme
chaque année, avec un taux global de réussite d'environ 90% pour les candidats qui se présentent
pour la deuxième fois au dispositif.
II.
La Reconnaissance de l'Apprentissage Non Formel et Informel
a.
Les équivalents au système VAE à la française
Au-delà du développement de la formation professionnelle et de la certification, le
programme français de Validation des Acquis de l'Expérience vise à offrir de nouvelles
opportunités, en particulier aux personnes les moins qualifiées. Il offre la possibilité d’obtenir
un diplôme sans retourner dans le système scolaire formel et d’attribuer des qualifications par
la reconnaissance de l’apprentissage. Des dispositifs proches ont été mis en place en Norvège
pour le secteur privé et en Irlande et en République Tchèque dans le secteur public.
38
Procédure de certification qui permet à des Assistants (AST) de postuler à des postes du groupe Administrator (AD).
LA VALIDATION DES ACQUIS DE L’EXPERIENCE DANS LA FONCTION PUBLIQUE DE L’ETAT
38
En Irlande, l’administration accorde une importance croissante à la flexibilité des
modèles de travail dans le cadre de son renouvellement stratégique. Actuellement, tous les
grades ne sont pas pourvus par des concours publics : de nombreux postes sont ainsi pourvus
par des voies internes et interdépartementales, privilégiant l'expérience et le service minimum
(généralement deux ans dans le poste actuel sont requis). Contrairement aux processus de
nomination publique, ces voies internes n'imposent pas nécessairement des exigences de
qualifications formelles, mais évaluent plutôt les compétences professionnelles et l'expérience
des candidats acquise au sein de la fonction publique. Concrètement, la valorisation de
l’expérience se fait via le mécanisme de Reconnaissance des Acquis Antérieurs (Recognition
of Prior Learning - RPL) mis en place par l'Institute of Public Administration (IPA). Ce
processus, suit les cadres nationaux établis par Quality and Qualifications Ireland (QQI) et l'IPA
tient le rôle d’agence de développement du secteur public.
En République Tchèque, les diplômes universitaires jouent un rôle essentiel dans le
recrutement des fonctionnaires, notamment pour les postes de haut niveau, les certificats
attestant des compétences linguistiques et des formations professionnelles des fonctionnaires.
Pour autant, un programme de « Compétence Administrative » a été mis en place et se
concentre sur l'utilisation de technologies de pointe dans le cadre de la mise à niveau continue
des compétences et de l'acquisition de nouvelles compétences des fonctionnaires. L'objectif du
programme est de développer et de certifier un ensemble de connaissances, de compétences et
de compétences basées sur la législation nationale, la pratique, ainsi que les normes
internationales, à travers un cadre de formation complet. Le programme vise également à améliorer
les connaissances administratives et numériques ainsi que les compétences des participants pour
améliorer les services fournis aux citoyens et accélérer leur développement de carrière.
En Norvège, la Direction de l'éducation et de la formation, a élaboré en 2013 des lignes
directrices nationales pour permettre de valider des apprentissages formels et informels au cours
de la carrière. L'objectif de ces lignes directrices nationales est de garantir l'application de
procédures de validation solides, conduisant à des pratiques similaires dans tous les comtés et
municipalités norvégiens.
39
En France, la création du service publique de la VAE, de sa
plateforme centralisée ainsi que la simplification du dispositif a vocation, dans le même sens, à
homogénéiser les pratiques.
40
b.
La nécessité d’un effet direct sur la carrière et l’importance de la formation
complémentaire
D’autres pays européen ont un système de reconnaissance de l’expérience proche de la
VAE française mais vont plus loin : comme le dispositif mis en place pour les agents européens,
ils sont davantage reconnus par l’administration, avec un effet plus ou moins important sur le
déroulement de carrière des agents publics.
En Slovaquie, par exemple, l'admission des agents publics exige des qualifications en
termes d'éducation, de compétences spécifiques, de domaine d'études et d'expérience
professionnelle. Mais les fonctionnaires ont non seulement le droit mais aussi l'obligation de
suivre une formation continue, telles que les formations professionnelle, linguistique,
39
in-europe/systems/norway-2019 , 30 avril 2019.
40
Recotillet Isabelle, Werquin Patrick, The French VAE: Recognition of Non-formal and Informal Learning as a
Visa for a Job, 2009, s.l., CEDEFOP, (coll. « European Journal of Vocational Training »).
LA VALIDATION DES ACQUIS DE L’EXPERIENCE DANS LA FONCTION PUBLIQUE DE L’ETAT
39
managériale, personnelle et informatique. Bien qu'il n'y ait pas de programme directement
comparable à la VAE, si un employé améliore ses qualifications, le service va alors lui accorder
un congé rémunéré, une compensation salariale et/ou le remboursement des coûts liés aux
études. Sans effet direct sur la carrière, la démarche individuelle de montée en compétence est
donc bien reconnue et valorisée au sein de l’administration slovaque.
En Hongrie bien qu’il n'existe pas de système complètement équivalent au dispositif
français de la "VAE", un fonctionnaire dont le niveau d'éducation diffère de celui requis pour le
poste peut être promu exceptionnellement à un poste exigeant un niveau d'éducation plus élevé.
Ceci est possible s'il peut justifier d'une expérience professionnelle deux fois plus importante dans
des emplois nécessitant un niveau d'éducation inférieur au sein des organismes publics, par rapport
à l'expérience professionnelle requise pour l'affectation au poste auquel il aspire. De plus, il doit
avoir travaillé de manière continue dans le même organisme public pendant au moins deux ans. En
outre, la nouvelle loi sur la fonction publique stipule qu'un fonctionnaire peut être promu s'il a été
évalué comme "réussi" ou plus une fois et s'il existe un poste vacant auquel le fonctionnaire peut
être affecté au cours du processus de promotion. La reconnaissance de l’expérience a donc un effet
direct sur la carrière sans pour autant certifier une compétence particulière.
Le Luxembourg a également mis en place des mécanismes spécifiques tels que "carrière
ouverte" (pour les fonctionnaires de plus de 10 ans de carrière) et "voie expresse" (pour les
fonctionnaires de plus de 15 ans de carrière et ayant occupé des fonctions dans le groupe salarial
supérieur) pour permettre aux fonctionnaires d'accéder à des groupes salariaux supérieurs. En
revanche, les procédures concernant l’ancienneté et la formation sont beaucoup plus exigeantes
que dans le dispositif français de VAE : les dispositifs de carrière ouverte et de carrière express
sont en effet complétés par un examen ainsi qu’une formation.
L'Estonie enfin ne dispose pas d'un mécanisme spécialisé pour les fonctionnaires, mais
elle dispose d’un système équivalent à la VAE française pour l’ensemble du marché du travail.
Ce dispositif,
« Occupational Qualification Certificates »
41
, permet de confirmer la
qualification selon des normes prédéfinies par l'expérience professionnelle et la réussite d'un
examen qui sanctionne le parcours du candidat. Le développement personnel des employés, y
compris des fonctionnaires, est largement soutenu en Estonie ainsi les enjeux de formation et
de formation continue sont très prégnants. Les universités du pays proposent par exemple des
micro-diplômes adaptés à ceux qui souhaitent changer de carrière.
c.
Le développement de la formation continue
La formation continue est reconnue dans de nombreux pays comme un levier essentiel
dans le développement des compétences individuelles. Instrument capital pour maintenir
l'expertise tout au long d'une carrière et acquérir de nouvelles capacités professionnelles, la
formation continue permet aussi de prendre du recul pour renforcer les compétences.
En France, les gouvernements successifs ont accordé depuis plusieurs décennies une
importance toute particulière au développement de la formation professionnelle continue,
inscrite dans des objectifs de performance des entreprises, de sécurisation des parcours
professionnels et de plein emploi.
C’est également le cas de la Finlande pour qui les enjeux de la formation continue ont été
principalement mobilisés pour faire face aux défis liés au vieillissement de la population active,
41
LA VALIDATION DES ACQUIS DE L’EXPERIENCE DANS LA FONCTION PUBLIQUE DE L’ETAT
40
aux restructurations et aux licenciements. En 2018, la France
42
et la Finlande
43
ont simultanément
entrepris une réforme de leur système de formation, encourageant les individus à construire leur
avenir professionnel grâce à des parcours de formation plus flexibles et individualisés.
44
La validation des apprentissages non formels et informels bénéficie de racines
relativement anciennes et bien établies en Finlande, avec une législation développée et la
reconnaissance des acquis antérieurs est particulièrement mobilisé dans toutes les qualifications
de la formation professionnelle.
45
. Cependant, les pratiques n’ont pas été uniformisées par des
dispositions législatives et il n'existe pas ainsi reconnus comme faisant partie de la qualification.
Certains pays sont plus avancés que d’autres concernant la progression de la formation continue
des adultes en situation de travail. La carte ci-dessous
46
réalisée par le Cereq
47
met en évidence
des comportements très disparates entre les différentes entreprises européennes en matière de
pratiques de formation.
L’évolution des pratiques de formation en Europe en 2005, 2010 et 2015
Source : centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq), BREF n°392 - 2020
42
Loi du 5 septembre 2018 relative à la liberté de choisir son avenir professionnel
43
Loi du 1
er
janvier 2018 relatif à l’enseignement et la formation professionnels (EFP)
44
Agnès CHECCAGLINI (Céreq) Isabelle MARION- VERNOUX (Céreq), Regards comparatifs sur la formation
en Europe : un plafond de verre du côté des entreprises françaises, Céreq Bref, n° 392, Juin 2020, p.3
45
europe/systems/finland-2019, 23 avril 2019.
46
Agnès CHECCAGLINI (Céreq) Isabelle MARION- VERNOUX (Céreq), Regards comparatifs sur la formation
en Europe : un plafond de verre du côté des entreprises françaises, Céreq Bref, n° 392, Juin 2020, p.3
47
Cereq: Le Centre d'études et de recherches sur les qualifications est un établissement public français à caractère
administratif créé en 1971 qui réalise des études dans les domaines du marché du travail, des qualifications et de
la formation professionnelle.
LA VALIDATION DES ACQUIS DE L’EXPERIENCE DANS LA FONCTION PUBLIQUE DE L’ETAT
41
On constate que les entreprises françaises sont plutôt bien engagées dans la formation
de leurs salariés par le biais de cours et de stages (bleu foncé sur la carte). Cependant,
l'utilisation
d'autres
formes
de
formation,
telles
que
les
conférences,
les
séminaires,
la
rotation des postes, la formation en
situation
de
travail,
ainsi
que
l'accueil
d'apprentis,
est
moins
répandue en France par rapport à
d'autres pays européens.
L’analyse
de
l’évolution
dans le temps du taux de recours par
les entreprises à des formations en
situation de travail offre un autre
regard
mais
confirme
l’hétérogénéité de la mobilisation de
la
formation
continue
par
les
entreprises dans les différents pays
européens.
Ainsi, ’entre 2005 et 2015, la
part d'entreprises européennes ayant
recours à des formations en situation
de travail est passée de 33% à 44 %.
En
France,
la
proportion
d'entreprises utilisant cette modalité
de formation est restée relativement
stable au cours de la même période
(autour de 20% d’entreprises ont
recours à la formation en situation
de travail), en raison notamment du
cadre législatif et réglementaire
favorisant
traditionnellement
les
cours et les stages. Cependant, la loi
de 2018 pour la liberté de choisir son
avenir
professionnel
pourrait
conduire la France à se rapprocher
de
la
tendance
européenne
en
reconnaissant
les
actions
de
formation en situation de travail
(Afest)
48
comme des formations à
part entière.
49
48
La VAE et l’Afest (Action de Formation En Situation de Travail), deux dispositifs, qui ont en commun de
concevoir les apprentissages en mobilisant l’activité de travail.
49
Béatrice Delay, Anne-Lise Ulmann, Exploiter les vertus potentiellement formatives du travail : de la VAE à
l’Afest, Dans Savoirs 2023/1 (N° 61-62)2023/1 (N° 61-62), L'Harmattan, pp. 135 à 147
LA VALIDATION DES ACQUIS DE L’EXPERIENCE DANS LA FONCTION PUBLIQUE DE L’ETAT
42
Le pays dans lequel la progression est la plus notable est la Suède, où l'éducation des
adultes en situation de travail s’est fortement développée entre 2010 et 2015. D’après le
CEDEFOP ces dispositifs se déclinent en diverses formes, adaptées aux différentes situations.
Les apprenants âgés de 20 ans et plus peuvent accéder à des parcours modulaires adaptés à leurs
besoins individuels, leur permettant d'obtenir une qualification dans un nouveau domaine ou
d'étudier les cours requis pour accéder à l'enseignement supérieur professionnel ou général.
L'éducation des adultes non formelle, également bien établie, se concentre principalement sur
des cours orientés vers des compétences spécialisées, visant particulièrement à intégrer les
chômeurs ou les migrants récemment arrivés sur le marché du travail. Le financement de cette
éducation non formelle provient des frais de scolarité, des entreprises et des organisations, avec
également des subventions publiques. Depuis 2016, les qualifications et certificats non formels
peuvent être référencés dans le cadre national des qualifications suédoises (SeQF).
Pourtant d’après les réponses obtenues par la Cour des comptes, les fonctionnaires
suédois estiment qu’il n'existe pas de stratégie commune de développement professionnel pour
l'ensemble de la fonction publique. Chaque agence est responsable du développement
professionnel de son propre personnel, sans système permettant la mobilité des fonctionnaires
entre les agences. Le recrutement se fait sur le marché ouvert, basé sur la compétence et le
mérite, avec une flexibilité accordée à chaque agence pour déterminer le niveau d'éducation
requis pour chaque poste. Il n'y a pas de mécanisme de validation spécifique pour les
fonctionnaires sur le marché du travail suédois, et aucune institution spécifique n'est désignée
pour ces programmes. Les employés qui souhaitent étudier ont le droit au congé éducatif en
vertu de la loi suédoise sur le droit au congé éducatif (Studieledighetslagen), applicable à
l'ensemble du marché du travail suédois.
Dans certains pays, les entreprises combinent la formation et le travail pour développer
les compétences de leurs employés. En 2015, les entreprises allemandes sont un exemple
emblématique de cette approche, accueillant 64 % d'apprentis (contre 55 % en 2005) et
organisant des formations en situation de travail pour 64 % d'entre elles (contre 48 % en 2005).
Une étude du Cedefop souligne d’ailleurs que le Danemark, l'Allemagne et l'Autriche sont des
pays où l'accent est mis depuis longtemps sur l'acquisition de connaissances pratiques, avec une
forte coordination entre les employeurs et les partenaires sociaux pour garantir un flux de main-
d'
œ
uvre qualifiée, stimuler l'innovation et favoriser la croissance. Pour autant, aucun dispositif
particulier n’y a été mis en place pour les fonctionnaires.
Ainsi, au Danemark, le développement des compétences se fait localement sur le lieu
de travail, et il n'y a pas de procédures centralisées. Les fonctionnaires peuvent cependant
demander des subventions pour le développement individuel des compétences grâce au Fonds
d'aptitudes de l'État, financé par les partenaires sociaux.
III.
Des procédures de GPEC pour les agents publics des pays étrangers
a.
Des systèmes de bourses et une information centralisée
Un dispositif intéressant, se rapprochant du système français, est mis en
œ
uvre à Chypre,
bien qu’il n’existe pas d’équivalent à la VAE. Les qualifications académiques et
professionnelles, telles qu'un diplôme universitaire ou une certification, jouent un rôle crucial
dans le développement de carrière des fonctionnaires et comme en France, les candidats doivent
posséder les qualifications requises définies dans le schéma de service du poste spécifique pour
lequel ils postulent. La Commission de la Fonction Publique, est le seul "mécanisme"
LA VALIDATION DES ACQUIS DE L’EXPERIENCE DANS LA FONCTION PUBLIQUE DE L’ETAT
43
reconnaissant l'expérience acquise par les fonctionnaires pendant leur service public, et prend
en compte cette expérience lors de la prise de décision pour les promotions. L'Académie
chypriote de l'Administration Publique (CAPA) définit la politique d'apprentissage et de
développement dans la fonction publique.
Il existe enfin un système de bourses spécialisées qui pourrait inspirer le modèle français
Ces bourses qui peuvent être accordées par la Fondation d'État des Bourses d'Études à la
demande des autorités compétentes, sont destiné au développement professionnel, notamment
pour les secteurs de la fonction publique qui souffrent d’un manque d’agents compétents.
Lorsque la formation est jugée nécessaire par les ressources humaines ou les administrations
dans un domaine sans personnel qualifié, une démarche d’anticipation des besoins humains est
ouverte sur les secteurs en tension au sein de la fonction publique, ce mécanisme est ainsi
similaire aux outils français de GPEC.
Une stratégie spécifique en matière de ressources humaines a également été mise en
place dans le système roumain. En effet le pays a organisé une centralisation des besoins de
formation des fonctionnaires assurée par l'Agence Nationale des Fonctionnaires. Un rapport
annuel fournit des données détaillées sur les plans de développement professionnel, sur les
fonds alloués, sur la corrélation entre la planification approuvée et les résultats obtenus, sur les
domaines prioritaires de formation, ainsi que sur les thèmes spécifiques des programmes de
développement professionnel.
Bien que la Roumanie n'adopte pas la VAE comme mécanisme formel de
reconnaissance de l'expérience, la gestion des compétences et la formation continue constituent
des éléments clés de son approche en matière de ressources humaines dans la fonction publique.
Enfin, en Grèce, des démarches d’unification des dispositifs est à l’
œ
uvre. En effet, alors
que jusqu'à récemment, les diplômes académiques jouaient un rôle majeur dans le processus de
recrutement et de sélection des fonctionnaires, avec l'introduction d'un nouveau système de
recrutement, le focus s'est élargi pour inclure les compétences, notamment les neuf
compétences définies dans le Cadre unifié des compétences de 2022. Pour chaque compétence,
il existe ainsi un parcours d'apprentissage différent à suivre. Le plan de développement
comprend également une planification du temps pour chaque action convenue et une section
pour les objectifs de carrière des employés, à lier ultérieurement aux parcours de carrière
développés. Pour les agents publics, la Grèce a mis en place le programme de Compétence
Administrative qui se concentre sur l'utilisation de technologies de pointe dans le cadre de la
mise à niveau continue des compétences et de l'acquisition de nouvelles compétences des
fonctionnaires, avec pour objectif ultime d'assurer un fonctionnement et une prestation de
services plus rapides et plus efficaces par les organisations publiques. L'objectif du programme
est de développer et de certifier un ensemble de connaissances, de compétences et de
compétences basées sur la législation nationale et la pratique, les normes internationales et les
bonnes pratiques, à travers un cadre de formation complet. Le programme vise également à
améliorer les connaissances administratives et numériques ainsi que les compétences des
participants pour améliorer les services fournis aux citoyens et accélérer leur développement de
carrière. Ce mécanisme de certification interne est sanctionné par un examen écrit afin de
valider la compétence acquise.
En conclusion, formation continue et gestion prévisionnelle des emplois et des
compétences (GPEC) sont très imbriquées dans certains pays et constituent des outils essentiels
pour anticiper et répondre aux besoins en compétences au sein de la fonction publique. En
intégrant la VAE dans une démarche GPEC, les organismes publics peuvent.
LA VALIDATION DES ACQUIS DE L’EXPERIENCE DANS LA FONCTION PUBLIQUE DE L’ETAT
44
En intégrant un système de VAE ayant des conséquences directes et réelles sur la
carrière des agents sur le modèle d’autres pays européens, la France pourrait non seulement
identifier les écarts entre les compétences disponibles et nécessaires, mais aussi offrir aux
fonctionnaires un moyen concret de développer leurs compétences en valorisant leurs
expériences professionnelles. Cette approche pourrait renforcer l'attractivité de la fonction
publique sur le marché du travail en établissant une politique de développement des
compétences reconnue.
b.
Une reconnaissance interne des acquis de l’expérience propre aux administrations
publiques
En Lettonie, l'accès aux postes de la fonction publique exige un niveau d'éducation
supérieure déterminé par chaque institution, soulignant une fois de plus l'importance de
l'éducation formelle pour beaucoup de pays européen. En revanche, une fois en poste, le
développement de carrière peut se faire sans certification supplémentaire. Bien que les
fonctionnaires aient le droit et l'obligation de continuer à se former, ces démarches bénéficient, à
l’instar de certaines organisations françaises d’une reconnaissance interne des compétences sans
besoin de diplôme. L'objectif affirmé est plutôt de favoriser le développement personnel des
agents au sein de l'administration. Le gouvernement letton travaille également sur un système RH
unifié pour centraliser et partager les données sur les processus de ressources humaines.
En Espagne, le modèle d'emploi public repose également sur l'accès à des groupes de
classification déterminés par des qualifications spécifiques. Mais l'expérience professionnelle
peut partiellement substituer les qualifications dans certains corps peu qualifiés.
Contrairement à la France, l'Espagne n'a pas d'équivalent direct à la Validation des
Acquis de l'Expérience (VAE), privilégiant comme la Lettonie, la promotion interne et la
réduction des examens pour reconnaître l'expérience des fonctionnaires. L'Institut national de
l'administration publique espagnol (INAP) joue un rôle central en fournissant des programmes
de développement professionnel, des ressources humaines, et des avantages tels que des congés
spéciaux pour des études ou des raisons personnelles.
Malte accorde également une importance élevée aux qualifications et certifications pour
le développement professionnel des fonctionnaires. Les appels à candidatures peuvent exiger
des qualifications spécifiques, et l'Institut des Services Publics propose donc des formations
internes pour combiner qualifications et expérience. Contrairement à la France, l'expérience de
travail peut être reconnue dans certains cas s’ils sont complétés par des modules de formation
supplémentaire afin d’obtenir une qualification.
En République de Serbie, le développement de carrière des fonctionnaires dépend d'un
modèle combiné de carrière et de poste, avec des conditions spécifiques en termes d'éducation,
d'expérience et de compétences pour chaque position. Les qualifications académiques sont
exigées pour les postes nécessitant un niveau élevé de connaissances. La
National Academy of
Public Administration
et le
Center for the Career Development
of Civil Servants
jouent des rôles
dans la formation professionnelle et dans la modernisation de la gestion des ressources humaines.
Fondé sur l'idée d'une attitude proactive des fonctionnaires et de leur volonté de
développement personnel et professionnel, ce système cependant n’émane pas directement de
politiques de ressources humaines : en encourageant le développement personnel et
professionnel des fonctionnaires, l’administration aspire prioritairement à accroître la
satisfaction des citoyens à l'égard du travail administratif.
LA VALIDATION DES ACQUIS DE L’EXPERIENCE DANS LA FONCTION PUBLIQUE DE L’ETAT
45
En synthèse, chaque pays (Lettonie, Espagne, Malte, et la République de Serbie) a ses
propres critères d'accès à la fonction publique, souvent étroitement liés aux qualifications
initiales, mais l'importance des qualifications, tout en accordant une reconnaissance importante
à l'expérience, selon des mécanismes différents de la VAE française. La formation continue et
le développement professionnel restent des aspects cruciaux dans tous les systèmes, contribuant
à l'évolution des carrières des fonctionnaires.
Conclusion
La synthèse des données recueillies à l'échelle internationale met en lumière plusieurs
enseignements pour la fonction publique française. Tout d'abord, il est facile de constater une
forte reconnaissance interne de l'expérience, indépendamment de la certification. Ce constat,
observable même dans des pays aux systèmes d’administration publique relativement similaire
à la France tels que l'Espagne, souligne l'importance accordée à l'expérience professionnelle au
sein des administrations publiques sans nécessité de certification.
Par ailleurs, la plupart des pays étudiés privilégient un modèle de reconnaissance basé
sur la formation scolaire, combinée à une évaluation de l'expérience. Cette formation peut être
adaptée ou réduite, favorisant ainsi la montée en compétence des agents publics, même lorsque
l'administration n'y trouve pas d'intérêt immédiat. Les exemples de Malte et de l'Union
européenne sont semblables aux systèmes de « formation-professionnelles » mis en
œ
uvre dans
certaines collectivités locales françaises et de nombreux pays valorisent davantage qu’en France
l'expérience professionnelle lors du recrutement, de la promotion interne et de l'avancement au
grade, en alignant ces processus sur la reconnaissance de l'expérience
Enfin, la centralisation des besoins de formation, telle que pratiquée en Roumanie par
l'Agence Nationale des Fonctionnaires, offre par ailleurs un exemple intéressant pour optimiser
la planification et le développement professionnel au sein de la fonction publique française.