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DEUXIÈME CHAMBRE
PREMIÈRE SECTION
OBSERVATIONS DÉFINITIVES
(Article R. 143-11 du code des juridictions financières)
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS
EXPRESS REGIONAUX À
L’HEURE
DE L’OUVERTURE À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE
SUIVI
Exercices 2019-2023
Le présent document, qui a fait l’objet d’une contradiction avec les destinataires concernés, a été délibéré par la Cour des
comptes, le 10 avril 2024.
S2024-0663
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS REGIO
NAUX À L’HEURE DE L’
OUVERTURE À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
2
TABLE DES MATIÈRES
SYNTHÈSE
......................................................................................................................
4
TABLEAU DE SUIVI DE
LA MISE EN ŒUVRE DES
RECOMMANDATIONS
................................................................................................
9
INTRODUCTION
.........................................................................................................
10
1
UNE OUVERTURE À LA CONCURRENCE ENCORE PARCELLAIRE
........
13
1.1
Une ouverture à la concurrence contrastée suivant les régions
........................
13
1.2
Les conditions préalables à la mise en concurrence : des progrès encore
insuffisants
........................................................................................................
17
1.2.1
La transmission aux régions par la SNCF des données nécessaires :
un cadre clarifié, des progrès encore attendus
.........................................
17
1.2.2
Les moyens mobilisés par les régions en vue de l’ouverture à la
concurrence : un effort qui doit se poursuivre
.........................................
19
1.2.3
La réorganisation en cours de SNCF Voyageurs pour s’adapter à la
mise en concurrence
................................................................................
21
1.3
Des marges de progrès dans l’organisation du transfert des personnels de
SNCF Voyageurs
..............................................................................................
22
1.4
Une mise en concurrence confrontée à des risques
..........................................
24
1.4.1
Les avantages attendus de la mise en concurrence
.................................
24
1.4.2
Les risques pesant sur le processus de mise en concurrence
...................
24
2
UNE DEMANDE CROISSANTE, UNE QUALITÉ DE SERVICE À
AMÉLIORER
.........................................................................................................
27
2.1
Une demande en forte croissance au sortir de la crise sanitaire
.......................
27
2.1.1
Une offre et une fréquentation des TER contrastée selon les régions
.....
27
2.1.2
Une offre et une fréquentation dynamiques depuis 2019
........................
28
2.2
Les leviers pour accroître la fréquentation et le report modal
..........................
29
2.2.1
La refonte des plans d
e transport, moyen d’adapter l’offre à la
demande
..................................................................................................
29
2.2.2
Une connaissance des usagers insuffisante
.............................................
31
2.2.3
Des instruments à mettre au service du report modal
.............................
33
2.3
L’enjeu des lignes peu fréquentées
..................................................................
35
2.3.1
Un refus assumé des régions de fermer les lignes ferroviaires peu
fréquentées
..............................................................................................
35
2.3.2
L’analyse sociale, économi
que et environnementale de chaque
ligne ferroviaire peu fréquentée demeure nécessaire
..............................
36
2.4
Une qualité de service à mieux mesurer et améliorer
......................................
39
2.4.1
Une régularité et une ponctualité toujours insuffisantes
.........................
39
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS REGIO
NAUX À L’HEURE DE L’
OUVERTURE À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
3
2.4.2
Des outils et indicateurs de suivi de la qualité qui doivent
progresser
................................................................................................
41
2.4.3
Des incitations financières à la qualité renforcées, mais trop
récentes pour avoir des effets visibles
.....................................................
42
3
UNE ACTIVITÉ TOUJOURS LARGEMENT SUBVENTIONNÉE PAR
LES REGIONS
......................................................................................................
46
3.1
Un financement public qui reste très élevé
......................................................
46
3.2
La hausse récente du niveau de contribution des voyageurs au
financement des TER
.......................................................................................
47
3.2.1
La hausse des recettes perçues auprès des voyageurs
.............................
47
3.2.2
Des hausses de tarifs liées essentiellement à l’augmentation du
coût de l’énergie
......................................................................................
49
3.3
Une hausse des coûts d’exploitation
................................................................
51
3.3.1
L’impact déterminant des péages, du coût de l’énergie et des
charges de personnel
...............................................................................
51
3.3.2
L’adaptation de la présence humaine dans les trains et les gares
............
53
3.4
La clarification des rôles de l’État et des régions en matière de
financement et de gestion des lignes d’intérêt local ou régional
......................
55
3.4.1
Les modalités de financement des travaux de régénération des
lignes ferroviaires de desserte fine du territoire précisées
......................
55
3.4.2
Le transfert aux régions de certaines lignes à faible trafic : un
dispositif juridique récent encore peu sollicité
........................................
56
ANNEXES
......................................................................................................................
59
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS REGIO
NAUX À L’HEURE DE L’
OUVERTURE À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
4
SYNTHÈSE
Les transports express régionaux (TER) regroupent tous les transports régionaux par
trains et par cars
réalisés jusqu’à présent par SNCF Voyageurs
1
à l’exception de l’Ile
-de-France
(où ils portent le nom de Transilien) et de la Corse (service réalisé par une régie publique et non
par SNCF Voyageurs)
. Ils sont mis en œuvre
sous la responsabilité des régions en leur qualité
d’autorités organisatrices de la mobilité (AOM).
En 2023, les trains express régionaux ont transporté 378,1 millions de voyageurs sur les
434 lignes ferroviaires exploitées, a
uxquels s’ajoutent
5,2 millions de voyageurs transportés par
autocar.
Jusqu’à récemment, l’exploitation des
trains express régionaux était un monopole de
SNCF Voyageurs
. Les régions n’avaient d’autres choix que de signer de gré à gré une
convention avec l’
opérateur historique. Or, la loi du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte
ferroviaire, votée pour appliquer des directives européennes, a autorisé les régions à mettre en
concurrence l’exploitation de
ces transports, tout en leur laissant
jusqu’au 25 décembre
2023 la
possibilité de signer de gré à gré avec SNCF Voyageurs
une nouvelle convention d’exploitation
pour une durée maximale de dix ans. À compter de 2034, tous les opérateurs devront avoir été
choisis après mise en concurrence
cet opérateur pouvant être SNCF Voyageurs si elle
remporte des appels d’offres
.
Le présent rapport détaille les suites données aux recommandations
2
émises par la Cour
en 2019 dans son rapport consacré aux transports express régionaux à l’heure de l’ouverture à
la concurrence
3
et
dresse plus largement l’état des lieux de cette ouverture à la concurrence et
de l’exploitation des transports express régionaux sous l’autorité des régions.
Une ouverture à la concurrence encore parcellaire
Depuis le 3 décembre 2019, les régions peuvent a
ttribuer l’exploitation de leurs TER
après mise en concurrence. À ce jour, quatre régions (Grand Est, Hauts-de-France, Pays de la
Loire et Provence-
Alpes Côte d’Azur) l’
ont
fait. L’émergence d’acteurs concurrents de SNCF
Voyageurs est ainsi devenue une réalité : deux lots ont été attribués à des concurrents du groupe
SNCF et certains candidats à ces appels d’offres appartenaient aux opérateurs historiques de
pays voisins.
Cinq régions (Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne-Franche-Comté, Centre-Val de
Loire, Normandie et Nouvelle-Aquitaine) ont lancé ou programmé des appels à concurrence.
Deux régions (Occitanie et Bretagne) ne l
’envisagent pas avant
la fin des conventions en cours
avec SNCF Voyageurs, respectivement en 2032 et 2033.
1
SNCF Mobilités jusqu’en 2019.
2
Le suivi des recommandations des juridictions financières fait l’objet d’un rapport annuel, qui cette
année comprend un chapitre consacré aux TER issu de la présente publication.
3
Rapport
Les transports express régionaux à l’heure de l’ouverture à la concurrence
(ccomptes.fr).
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS REGIO
NAUX À L’HEURE DE L’
OUVERTURE À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
5
La recommandation n°7, adressée à SNCF Mobilités, concernait la fiabilisation des
données techniques et financières transmises aux régions pour préparer leurs appels d’offres.
La transmission de ces do
nnées à ces dernières est indispensable pour leur permettre d’organiser
la mise en concurrence. Le décret n° 2019-851 du 20 août 2019, plusieurs décisions rendues
par l’
Autorité de régulation des transports (ART), et un arrêt de
la Cour d’appel de Paris en
2022, saisie par SNCF Voyageurs, ont clarifié le cadre juridique de la transmission des
informations nécessaires. Mais des progrès doivent encore être réalisés notamment de la part
de SNCF Réseau en matière d’information sur l’état des infrastructures.
La Cour recommandait (recommandation n°8) aux régions de renforcer leur expertise
technique, juridique et financière.
Pour préparer l’ouverture à la concurrence, t
outes les régions
ont renforcé leur expertise
, qu’il s’agisse des moyens humains en interne, du
recours à des
prestations d’assistance à maîtrise d’ouvrage et pour trois d’entre elles, de la création de sociétés
publiques locales (SPL) facilitant le recrutement des compétences spécialisées que nécessitent
les questions ferroviaires. Ce renforcement est toutefois très inégal selon le rythme adopté pour
procéder à la mise en concurrence. Les efforts entrepris doivent donc être accrus.
Il était enfin recommandé (recommandation n° 9) à la SNCF et à SNCF Mobilités de
filialiser
l’activité TER pour bien id
entifier tous ses moyens. Pour faire face à la concurrence,
SNCF Voyageurs a créé pour
chaque lot qu’elle remporte une filiale spécifique, dotée de
moyens propres et entièrement consacrée à l’exploitation de ce lot.
Simultanément, des
« services partagés »
se développent à l’échelle du groupe, auxquels ces filiales recourront.
Alors que durant les années à venir, les appels à la concurrence vont se multiplier, le
présent rapport met en évidence certaines conditions à réunir pour que leurs chances d’apporter
les bénéfices attendus soient maximales. Parmi celles-ci figurent une meilleure définition des
emplois liés à un lot ferroviaire qui seront transférés à l’opérateur ayant remporté l’appel
d’offres et le nécessaire échelonnement des appels d’offres afin de
ne pas confronter les
candidats potentiels à une accumulation de mises en concurrence concomitantes auxquels, à
l’exception de SNCF Voyageurs, ils n’auraient pas les moyens de répondre.
Une demande croissante, une qualité de service à améliorer
Au sortir de la crise sanitaire, on observe une croissance forte de l’utilisation des TER,
mesurée en voyageurs-km
: entre 2019 et 2023, leur nombre s’est accru de près de 30
%, et de
plus de 50 % si on compare à 2017. Si cette tendance se poursuit, elle constituera un contexte
favorable aux mutations qu’engendre l’ouverture à la concurrence.
Néanmoins le taux de remplissage moyen des trains express régionaux est
particulièrement faible, même si cette moyenne recouvre des situations contrastées, certaines
lignes pouvant être saturées. Il importe de mobiliser tous les leviers pour augmenter le nombre
d’usagers des trains, en visant tout particulièrement le report modal de trajets en automobile
vers des trajets en train.
S’agissant de la qualité de service, l
es constats de 2019 restent valables : tant la
proportion de trains déprogrammés ou annulés que la ponctualité, se situent à des niveaux
préoccupants. Elles exposent les voyageurs à des aléas excessifs et constituent un obstacle au
développement de la fréquentation. Les outils de mesure existants de SNCF-Voyageurs ne sont
pas satisfaisants, car ils ignorent les retards de moins de cinq minutes et ne sont pas construits
du point de vue de l’usager. La
recommandation n°2 invitait les régions à renforcer les bonus,
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS REGIONAUX À
L’HEURE DE L’OUVERTU
RE À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
6
malus et pénalités qui incitent l’opérateur à la qualité de service.
Les nouvelles conventions
signées par les régions
l’ont fait
, avec une intensité variable. La dégradation de la qualité de
service constatée en 2023 a engendré un montant global de pénalités de - 43
M€, soit environ
1% des contributions des régions à l’activité TER. L
a Cour considère cette recommandation
mise en œuvre.
La recommandation n°5 invitait les régions, SNCF Réseau et SNCF Voyageurs à
refondre les plans de transport, autrement dit le nombre et les horaires des trains sur les
différentes liaisons. Outre la fiabilité et la régularité des trains, une telle refonte est de nature à
améliorer
la fréquentation, en rendant l’offre mieux adaptée aux besoins et en l’accroissant
grâce à une meilleure utilisation des ressources en rames et en personnel. Cette recommandation
a été largement, mais inégalement, suivie par les régions et doit donc être considérée comme
partiellement mise en œuvre.
Elle devrait toutefois
l’être de plus en plu
s, dans la mesure où,
pour chaque lot, la refonte des plans de transport fera partie du processus d’ouverture à la
concurrence.
À côté de l’information la plus large possible sur l’offre existante et de systèmes de
billetterie performants, l’accroissement
de la fréquentation suppose une bonne connaissance
par les autorités organisatrices
les régions
des attentes et des motivations de la clientèle. Il
apparaît que cette connaissance peut progresser et doit s’étendre aux publics qui n’utilisent pas
les trains ou les bus.
Enfin, le rapport de 2019 mettait en évidence des lignes peu fréquentées dont le coût,
ainsi que les émissions de gaz à effet de serre si elles ne sont pas électrifiées, se révèlent très
élevés. Il invitait donc à analyser les enjeux de chaque ligne pour choisir la solution la plus
rationnelle y compris en la fermant ou
en recourant au car. Un certain nombre d’études
répondant à cette préconisation ont été réalisées par les régions. Cela conduit à considérer la
recommandation (n°3) comme p
artiellement mise en œuvre.
Les régions ont choisi unanimement de ne remettre en question aucune ligne. Demande
forte des élus et des associations des territoires concernés, ce choix renforce la nécessité des
études précitées, car il doit se faire dans la vérité des coûts : ses conséquences, notamment
financières, doivent être mesurées et partagées.
Une activité qui reste largement subventionnée par les régions
Le coût total de l’activité TER
(exploitation et investissement) en 2023 peut être estimé
à 10,9
Md€
. Les principaux financeurs sont les régions pour 5,5
Md€ et l’État pour 2,7
Md€,
les usagers contribuant pour environ 1,7 Md€.
La recommandation n°6 demandait aux régions de réexaminer le niveau de contribution
des usagers aux coûts du TER, constatant que les politiques tarifaires alors menées avaient
conduit à une baisse de 100 M€ des recettes commerciales sans provoquer de hausse de la
fréquentation.
L
es recettes commerciales s’élèvent en 2023 à plus de 1,7 Md€. Elles progressent de
50 % environ par rapport à 2019 en raison principalement de la hausse de la fréquentation et du
transfert des lignes de trains Intercités à la région Normandie. Leur part dans les recettes
d’exploitation (5,7 Md€) est ainsi
passée de 24,7 % en 2019 à 30,5 % en 2023, tandis que leur
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS REGIO
NAUX À L’HEURE DE L’
OUVERTURE À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
7
part dans les coûts d’exploitation (5,5 Md€) est passée de 25,7 % à 32,4 %. L’accroissement de
la contribution des usagers au service de transport résulte ainsi de ces deux effets, volume et
périmètre. La plupart des régions n’ont pas cherché à r
éévaluer la contribution des voyageurs
au-
delà de l’inflation. Les hausses qu’elles ont pratiquées en 2022 et 2023 visaient
essentiellement à tenir compte de l’augmentation du coût de l’énergie.
Les régions ont misé sur une politique tarifaire incitative pour accroître la fréquentation
et les recettes issues du trafic.
La recommandation a été partiellement mise en œuvre.
La recommandation n°4 invitait à
limiter les coûts d’exploitation, notamment en
adaptant
le niveau de présence d’agents en gare et à bord
des trains au strict nécessaire. Ces
coûts ont augmenté de 22,2 % entre 2019 et 2023, mais cette hausse résulte pour partie du
transfert par l’État des trains Intercités normands à la région Normandie en 2020, de la hausse
des péages et redevances versées à SNCF Réseau et à Gares & Connexions,
de l’augmentation
des prix de l’énergie
et des charges de personnel, ainsi que du changement de régime fiscal
d’exploitation des TER intervenu en 2023 en Occitanie
. En revanche, le coût par voyageur.km,
du fait de la forte progression de la fréquentation, a diminué de 11,3 % % et était de 26 centimes
d’euro
en 2023.
Une rationalisation des moyens humains présents dans les trains et les gares a, dans
l’ensemble, été engagée. Les charges liées à l’accompagnement des tra
ins ont baissé de 2,3 %
entre 2019 et 2023. Le plus souvent, lorsque les conditions sont réunies, les contrôleurs sont
remplacés par des équipes mobiles. Pour autant, certaines régions soulignent l’intérêt de
maintenir une présence humaine, notamment sur les lignes rurales. Cette réorganisation a
également concerné les gares avec des fermetures, des réductions des ouvertures des guichets
ou la mise en place d’équipes mobiles. En parallèle, les modalités de ventes des billets se sont
étoffées
4
. Des régions, toutefois, ont choisi de ne pas fermer de gares ou de ne pas réduire les
horaires d’ouverture des guichets afin de répondre aux attentes d’un public peu familier avec
l’achat dématérialisé de billets. Cette recommandation a donc été partiellement mise en œ
uvre.
Face au désengagement de SNCF Réseau dans le financement du renouvellement des
lignes les moins fréquentées et à
ses effets sur l’exploitation des TER, la recommandation n°1
appelait à une clarification
en préconisant d’autoriser les régions à demand
er le transfert de la
propriété des infrastructures régionales (réseau secondaire, gares locales), tout en leur laissant
choisir les
modalités de gestion et d’entretien.
Plusieurs textes ont été adoptés. Ils y répondent en partie, mais ce dispositif a été très
peu mis en œuvre, seules deux lignes ayant été transférées
5
. Les régions rencontrent plusieurs
difficultés, notamment
l’inexistence d’une comptabilité par ligne
ou par gare tenue par SNCF
Réseau ou Gares & Connexions, qui empêche
d’évaluer
les coûts résultant du transfert, ainsi
que
l’absence d’informations suffisamment précises et récentes sur l’état des installations.
La
recommandation n’a donc été que partiellement mise en œuvre
; il
convient d’aller plus loin
que la seule définition du cadre juridique et de définir les voies et moyens par lesquelles les
régions disposeront des informations nécessaires pour formuler une demande de transfert.
L
’ouverture à la concurrence des transports express régionaux est entrée dans une phase
concrète
, même si c’es
t à un rythme inégal selon les régions. Son enjeu est à la mesure de leur
4
Développement des automates ou de la vente par internet ainsi que le recours à des tiers (buralistes,
offices de tourisme, maisons de la presse par exemple).
5
En 2023 : Montréjeau-Luchon et Alès-Bessèges en Occitanie.
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS REGIO
NAUX À L’HEURE DE L’OUVERTURE À L
A
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
8
coût : sur 10,9
Md€ en 2023
, environ 8,2
Md€
proviennent de financements publics
de l’Etat et
des régions. Son effectivité et ses impacts devront être évalués après quelques années. Il
appartient à l’ensemble des acteurs concernés, régions
, sociétés du groupe SNCF et État
actionnaire, sous le contrôle du régulateur, de se mobiliser pour
qu’elle se réalise en tenant
compte des attentes légitimes des usagers.
Sur les neuf recommandations formulées par la Cour en 2019, une est considérée comme
mise en œuvre,
sept
ont été partiellement mises en œuvre, et une est devenue sans objet.
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS REGIO
NAUX À L’HEURE DE L’
OUVERTURE À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
9
TABLEAU DE SUIVI DE
LA MISE EN ŒUVRE DES
RECOMMANDATIONS
Suivi de la mise en œuvre des recommandations du
rapport consacré aux transports
express régionaux à l’heure de l’ouverture à la concurrence (octobre 2019)
Recommandations complètement
mises en œuvre
Recommandation n° 2 : Accroître l’exigence sur le niveau de qualité de service attendu de
l’exploitant
et renforcer le niveau d’incitation (pénalités, bonus/malus) (régions).
Recommandations partiellement
mises en œuvre
Recommandation n° 1 : Transférer aux régions qui le souhaitent la propriété des
infrastructures régionales (réseau secondaire, gares locales) et leur laisser le choix des
modalités de gestion et d’entretien (État, régions).
Recommandation n° 3 : Réaliser une analyse sociale, économique et environnementale de
chaque ligne peu fréquentée permettant à chaque région de choisir entre les options
suivantes : développer la ligne, la maintenir en la gérant de façon plus économique,
l’organiser avec un autre mode de transport ou la supprimer (régions, SNCF Mobilités,
SNCF Réseau).
Recommandation n° 4 : Veiller, dans l’élaboration des cahiers des cha
rges, à limiter les
coûts d’exploitation, notamment en ajustant le niveau de présence d’agents en gare et à bord
des trains au strict nécessaire (régions).
Recommandation n° 5 : Revoir les plans de transport afin de les rendre plus fiables et
d’améliorer l
a régularité des trains (régions, SNCF Mobilités, SNCF Réseau).
Recommandation n° 6 : Réexaminer le niveau de contribution des clients aux coûts du TER,
en lien notamment avec la qualité du service (régions).
Recommandation n° 7 : Fiabiliser les informatio
ns qui sont susceptibles d’être demandées
par les régions en application du décret du 20 août 2019 (SNCF Mobilités).
Recommandation n° 8 : Renforcer l’expertise technique, juridique et financière des régions
afin de préparer efficacement les futurs appels
d’offres (régions).
Recommandation devenue sans objet
Recommandation n° 9 : Filialiser l’activité TER et lui transférer l’essentiel des fonctions
support assurées actuellement pour son compte par SNCF et SNCF Mobilités (SNCF, SNCF
Mobilités).
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS REGIO
NAUX À L’HEURE DE L’
OUVERTURE À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
10
INTRODUCTION
En octobre 2019, la Cour a publié un rapport public thématique, issu des travaux
d’une
formation inter-juridictions réunissant 11 chambres régionales des comptes métropolitaines
(hors Ile-de-France et Corse), intitulé « Les transports express r
égionaux à l’heure de
l’ouverture à la concurrence, des réformes tardives, une clarification nécessaire
»
6
. Ce rapport
s’articulait autour de trois messages
: «
un fort engagement des régions, un service encore
insuffisant
», «
une activité coûteuse, de plus en plus subventionnée
» et «
une préparation
encore insuffisante à l’ouverture à la concurrence
». Il constatait que la France était «
très en
retard
» sur trois facteurs de réussite du transport régional
: les coûts, l’état du réseau et
l’ouverture à la concurrence.
Neuf recommandations étaient émises, dont quatre destinées aux
régions, deux aux régions et au groupe SNCF, une
aux régions et à l’État
et deux au groupe
SNCF
. L’
annexe n°
1 rappelle ces recommandations et l’appréciation portée par la Cour sur
leur mise en œuvre, telle que le présent rapport permet de l’établir.
En parallèle à la présente publication, un chapitre consacré aux TER a été inséré dans le
rapport sur le suivi de ses recommandations que la Cour a publié au mois de septembre 2024
7
,
en application de l’article L.
143-9 du code des juridictions financières
8
.
Sans constituer une nouvelle enquête globale
qui prétendrait à l’exhaustiv
ité, ni un
contrôle des organismes concernés
9
, le présent rapport dresse un état des lieux de la mise en
œuvre des recommandations de 2019 et de l’ouverture à la concurrence
des transports express
régionaux (TER).
Depuis la publication du précédent rapport de la Cour sur les TER, le groupe public
ferroviaire dénommé SNCF réunissant les anciens établissements publics SNCF, SNCF
Mobilités et SNCF Réseau et leurs filiales, a été constitué le 1
er
janvier 2020 en application de
la loi n° 2018-515 du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire qui a transposé les
directives européennes du « quatrième paquet ferroviaire »
10
.
6
Rapport Les trans
ports express régionaux à l’heure de l’ouverture à la concurrence (ccomptes.fr)
7
Sur un sujet proche, la chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes a conduit en 2023, à la
demande du président de la région Auvergne-Rhône-Alpes,
une évaluation de la politique du matériel ferroviaire
roulant de la région
, dont la publication est intervenue en juin 2024.
8
«
La Cour des comptes publie chaque année un rapport présentant les suites données à ses observations
et recommandations ainsi qu'à celles des chambres régionales et territoriales des comptes. Ce rapport est établi
sur la base des comptes rendus que les destinataires de ces observations et recommandations ont l'obligation de
fournir (…).
»
9
En particulier, la Cour n’a pas contrôlé les conditions dans lesquelles ont été lancées et attribuées les
ouvertures à la concurrence par les régions ; un tel contrôle éventuel sera de la compétence des chambres régionales
des comptes.
10
Dans le cadre de l’objectif de l’Union d’établir un «
espace ferroviaire unique européen
», quatre
« paquets » législatifs successifs ont été transposés en droit français : le premier paquet issu notamment de la
directive 2001/12/CE du 26 février 2001 sur l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire transeuropéen
de marchandises ; le deuxième issu notamment de la directive 2004/51/CE du 29 avril 2004 généralisant
l’ouverture à la co
ncurrence des autres services de marchandises ; le troisième issu notamment de la directive
2007/58/CE du 23 octobre 2007 ouvrant à la concurrence le transport ferroviaire international de voyageurs ; le
quatrième concernant, d’une part, la sécurité et l’interopérabilité des systèmes ferroviaires de l’Union
(principalement issu de la directive UE 2016/798 du 11 mai 2016, transposée par l’ordonnance n° 2019
-397 du 30
avril 2019) et, d’autre part, l’ouverture à la concurrence des services nationaux de transpo
rt de voyageurs et la
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS REGIO
NAUX À L’HEURE DE L’
OUVERTURE À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
11
Cette loi organise la fin du monopole qui faisait de SNCF Voyageurs
11
le seul exploitant
des TER. Les régions, qui sont depuis 2002 les autorités organisatrices de la mobilité (AOM)
pour les TER
12
, peuvent ainsi depuis le 3 décembre 2019 mettre en concurrence leur
exploitation. Elles ont également conservé la possibilité de conclure une convention de gré à
gré avec l’opérateur historique
, SNCF Voyageurs, pour une durée maximale de 10 ans
13
, à
condition que celle-ci soit signée avant le 25 décembre 2023. En tout état de cause, à compter
de 2034, tous les opérateurs des TER devront avoir été choisis après mise en concurrence.
Les TER regroupent tous les transports régionaux par train et car réalisés
jusqu’à présent
par SNCF Voyageurs à l’exception de l’
Ile-de-France (dont le service est réalisé sous le nom
de Transilien) et de la Corse (service réalisé par une régie publique et non par SNCF
Voyageurs). Leur périmètre a sensiblement évolué au cours des dernières années avec le
transfert entre 2017 et 2020 de 18 lignes Intercités (ou trains d’équilibre du territoire –
TET) de
l’État à six régions
14
.
En 2023, les TER ont transporté 378,1 millions de voyageurs sur les 434 lignes
ferroviaires exploitées
auxquels s’ajoutent
5,2 millions de voyageurs transportés par autocar.
Les unités de mesure utilisées sont pour l’offre, le train.km et le car.km (déplacement
d’un train ou d’un car sur
un km) et, pour le trafic passager, le voyageur.km (ou passager.km),
qui correspond au déplacement d’un passager sur
un
km. Le tableau suivant présente l’évolution
de ces mesures entre 2019 et 2023 pour le trafic ferroviaire :
Tableau n° 1 :
Offre TER ferroviaire et trafic passagers en 2019 et en 2023
Millions de
passagers
annuels
Millions de
trains.km
Capacité d’emport
(millions de
sièges.km)
Millions de
voyageurs.km
2019
303,2
170,7
56,1
15 221
2023
378,1
189,1
65,5
20 597
Évolution
+ 24,7 %
+ 10,8 %
+ 16,8 %
+ 35,3 %
Source
: Cour des comptes d’après données
SNCF Voyageurs. Trains.km effectués en France.
gouvernance du système ferroviaire (principalement issu de la directive UE 2016/2370 du 14 décembre 2016,
transposé par la loi du 27 juin 2018).
11
Société anonyme à capitaux publics, filiale de la SNCF, créée le 1
er
janvier 2020, issue pour partie de
SNCF Mobilités.
12
L’État étant AOM pour les liaisons d’intérêt national
(notamment les trains d’équilibre du territoire
,
TET ou « Intercités »), les
régions pour le transport d’intérêt régional ferroviaire et routier (ainsi que le transp
ort
routier interurbain à compter du 1er janvier 2017 et le transport scolaire à compter du 1er septembre 2017) et les
communes et intercommunalités pour les transports urbain
, l’île
-
de France étant un cas particulier dont l’autorité
organisatrice unique est Ile-de-France Mobilités (IDFM).
13
Les clauses de ces conventions peuvent, toutefois, prévoir une mise en concurrence progressive de
l’activité avant
leur échéance.
14
Centre-Val de Loire, Grand Est, Hauts-de-France, Normandie, Nouvelle-Aquitaine et Occitanie.
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS REGIO
NAUX À L’HEURE DE L’
OUVERTURE À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
12
La part du trafic routier est assez marginale.
Elle s’est élevée, selon SNCF Voyageurs,
à 16,7 millions de cars.km en 2023 contre 20,8 en 2019 (-19,7 %) et à 195,5 millions de
voyageurs.km contre 146,2 (+ 33,7 %).
Les mobilités constituaient en 2023, selon Régions de France
15
, le premier budget des
régions : près du tiers des dépenses de fonctionnement (environ 8,4
Md€ sur 2
6,7
Md€) et
plus
du
quart des dépenses d’investissement (
4
Md€ sur 15,
5
Md€
) hors Ile-de-France. Pour leur
part, les TER représentaient
des coûts d’exploitation de 5
,5
Md€ pour un chiffre d’affaires
global de 5,7
Md€
, composé à 65 % de la contribution des régions (3,7
Md€)
16
, des recettes
directes du trafic (1,7
Md€
, soit 30,5
%) et d’autres recettes (0,1 Md€, soit
4,5 %). Ces données
globales recouvrent une grande variété selon les régions. Le volume en trains.km et en
voyageurs.km varie ainsi de un à quatre entre les régions Bretagne et Auvergne-Rhône-Alpes.
Le présent rapport est issu d’une instruction menée par la Cour auprès notamment des
11 régions concernées par le rapport de 2019, du groupe SNCF (Voyageurs, Réseau et Gares &
Connexions), de l’État (direction générale d
es infrastructures, des transports et des mobilités
DGITM
du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires), de Régions
de France. Il prend également en considération
les travaux publiés notamment par l’Assemblée
nationale
17
, l
Autorité de régulation des transports (ART)
18
et l’Autorité de la concurrence
19
.
Il présente successivement l’état de l’ouverture des TER à la concurrence
en examinant
les conditions de sa préparation, ses effets sur les relations entre les régions et le groupe SNCF,
et sur l’organisation de cette dernière (I)
; l’évolution de l’offre et de la qualité de service et les
données disponibles sur le report modal (II) ; les coûts du TER et les modalités de son
financement (III).
15
Régions de France,
Les chiffres clés des régions 2023
, juillet 2023. Les données 2023 sont déterminées
à partir des budgets primitifs des régions.
16
Le reste de la c
ontribution des régions aux TER concerne des dépenses d’investissement
17
Rapport d’information n°1195 déposé par la mission d’information sur l’évaluation de l’impact de la
loi n° 2018-515 du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire, mai 2023,
https://www.assemblee-
nationale.fr/dyn/16/rapports/cion-dvp/l16b1195_rapport-information
18
Février 2022
Étude sur l’ouverture à la concurrence des services de transport ferroviaire de voyageurs
- Édition 2022 - ART (autorite-transports.fr)
19
Autorité de la concurrence, avis n° 23-A-18 du 29 novembre 2023 relatif au secteur des transports
terrestres de personnes,
23a18.pdf (autoritedelaconcurrence.fr)
.
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS REGIO
NAUX À L’HEURE DE L’
OUVERTURE À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
13
1
UNE OUVERTURE À LA CONCURRENCE ENCORE
PARCELLAIRE
1.1
Une ouverture à la concurrence contrastée suivant les régions
Les régions peuvent depuis le 3 décembre 2019 procéder à une attribution
concurrentielle
de l’exploitation des TER. Elles ont également conservé
la possibilité de
conclure un
e convention de gré à gré avec l’opérateur historique
, SNCF Voyageurs, pour une
durée maximale de 10 ans
20
, à condition que celle-ci soit signée avant le 25 décembre 2023. En
tout état de cause, à compter de 2034, tous les opérateurs des TER devront avoir été choisis
après mise en concurrence.
Toutes les régions ont respecté ce cadre, mais selon des modalités très différentes
récapitulées en annexe 3.
Dans son rapport de 2019, la Cour écrivait que «
toutes les régions devraient très vite
entamer au moins une mise en concurrence à titre expérimental pour acquérir de l’expérience
et une expertise sur ces procédures, longues et
techniques, afin d’être prêtes lorsque la
concurrence deviendra la règle
»
21
.
La région Provence-Alpes-
Côte d’Azur a été la première à publier un appel d’offres,
pour deux lots, en février 2020, suivie la même année par Grand Est en juillet et les Hauts-de-
France en août, et par les Pays de la Loire en octobre 2021.
SNCF Voyageurs
a systématiquement déposé une offre et a annoncé qu’elle le ferait
pour tous les appels d’offres. De nombreux autres opérateurs ont fait part de leur intérêt, sans
toutefois aller jusqu’au dépôt d’une offre, du fait notamment du coût important impliqué pa
r
une telle démarche (cf.
infra
). Ainsi, pour les quatre lots attribués à ce jour, la phase finale de
consultation et de négociation n’a concerné, outre SNCF Voyageurs, qu’un ou deux autres
candidats.
20
Les clauses de ces conventions peuvent, toutefois, prévoir une mise en concurrence progressive de
l’activité avant
leur échéance.
21
Cour des comptes,
op. cité.
p. 89.
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS REGIO
NAUX À L’HEURE DE L’
OUVERTURE À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
14
Tableau n° 2 :
Opérateurs (outre SNCF Voyageurs) ayant manifesté leur intérêt pour les appels
d’offres
Provence-Alpes-
Côte d’Azur
(2 lots)
Hauts-de-France
Pays de la Loire
Arriva
(filiale
de
l’opérateur
historique allemand Deutsche Bahn)
Keolis (filiale du groupe SNCF)
MTR Corporation (Hong-Kong)
RATP Dev (filiale de la RATP)
RDT 13 (régie départementale des
transports des Bouches-du-Rhône)
Thello
(filiale
de
l’opérateur
historique italien Trenitalia)
Transdev (filiale de la Caisse des
Dépôts et du groupe allemand
Rethmann)
Arriva
Renfe (opérateur
historique espagnol)
Regioneo (partenariat
entre RATP Dev et
Getlink, ex-Eurotunnel)
Transdev
Arriva
My Train J’V (issue du
rapprochement entre le
gestionnaire d’infrastructures
Edeis et le groupe de
maintenance et
d’exploitation ferroviaire
TTH-GTF)
Regioneo
Transdev
Source
: Cour des comptes d’après les régions Hauts
-de-
France et Pays de la Loire et l’Autorité de la concurrence
(rapport précité) pour la région Provence-Alpes-
Côte d’Azur
Au premier semestre 2024, la situation était la suivante :
-
trois régions ont attribué des lots représentant entre 12 % et un tiers de leur réseau en
trains.km, dont trois lots attribués à une filiale de SNCF Voyageurs respectivement par les
Hauts-de-
France (Etoile d’Amiens, qui sera mis en service en 2025, durée de la concession
:
126 mois), les Pays de la Loire (Loire Océan décomposé en Tram-Train et Sud Loire, qui
seront mis en service respectivement en 2025 et 2027, durée : 136 mois) et la région
Provence-Alpes-
Côte d’Azur (Azur
22
, qui sera mis en service en 2025, durée : 10 ans), et
un lot attribué à Transdev par cette même région (Marseille-Toulon-Nice, qui sera mis en
service à la mi-2025, durée : 10 ans) ;
-
la région Grand Est a attribué la réouverture de la ligne Nancy-Vittel-Contrexéville
représentant 1 % du réseau, au groupement Transdev, NGE Concessions et Caisse des
dépôts. La mise en service de la ligne est prévue pour fin 2027 ;
-
des avis d’appel publics à la concurrence sont en cours ou le seront rapidement pour d’autres
lots en Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne Franche-Comté, dans les Hauts-de-France, en
Normandie, Nouvelle Aquitaine, Pays de la Loire et Provence-Alpes-
Côte d’Azur
pour des
attributions entre 2025 et 2027 ;
22
Dite aussi Etoile de Nice.
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS REGIO
NAUX À L’HEURE DE L’
OUVERTURE À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
15
-
dans sa convention avec SNCF Voyageurs, la région Centre Val de Loire prévoit la
possibilité de mises en concurrence de lots à partir de 2026
en vue d’une exploitation à
partir de 2030 ;
-
les régions Bretagne et Occitanie ne prévoient pas de mise en concurrence pendant la
période d’application de leur nouvelle convention avec SNCF
Voyageurs
, à l’exception
pour la Bretagne d’une ligne interrégionale avec les Pays de la Loire
; en Occitanie, la
possibilité d’une mise en concurrence sera reconsidérée à mi
-parcours, soit à partir de 2027.
L
es régions qui n’ont pas encore
procédé à des mises en concurrence devront en tout
état de cause, pour respecter la loi sans entraîner de rupture de service, définir rapidement leurs
lots géographiques et un calendrier des différentes étapes conduisant à une mise en service après
appels d’offre
s à compter de 2034. En effet, un délai de trois ans au minimum est généralement
nécessaire entre la publication de l’avis d’appel à la concurrence et la mise en service par
l’exploitant retenu.
La carte ci-
après illustre, avec l’importance de l’offre de trains et du trafic voyageurs en
2023, la diversité des situations régionales.
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS REGIO
NAUX À L’HEURE DE L’
OUVERTURE À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
16
Carte n° 1 :
Mise en concurrence, nouveaux conventionnements avec SNCF Voyageurs, offre de
transport et trafic voyageurs des trains express régionaux en 2023
Source
: Cour des comptes d’après données Régions
et SNCF Voyageurs. Exemple de lecture : en Provence-Alpes-
Côte d’Azur,
(en bas à
droite), la convention en vigueur avec SNCF-Voyageurs couvre la période 2024-2033
; dans cette région, en 2023, l’offre de TER s’est élevée
à 11,9 millions de trains-km effectués en France et la fréquentation des TER a représenté un total de 1 458,7 millions de voyageurs-km. Un
voyageur.km correspond au
déplacement d’un passager sur un k
m.
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS REGIO
NAUX À L’HEURE DE L’
OUVERTURE À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
17
1.2
Les conditions préalables à la mise en concurrence : des progrès
encore insuffisants
1.2.1
La transmission aux régions par la SNCF des données nécessaires : un cadre
clarifié, des progrès encore attendus
La difficulté à obtenir de la part des sociétés du groupe SNCF les informations, dont la
communication est prévue par la loi, nécessaires à la prépa
ration des appels d’offres, et le délai
nécessaire pour cette transmission, ont été mentionnées par la plupart des régions.
L’article L.
2121-19 du code des transports dispose que «
les entreprises fournissant des
services publics de transport ferroviaire de voyageurs, les gestionnaires d'infrastructure et les
exploitants d'installations de service transmettent à l'autorité organisatrice de transport
compétente, à sa demande, toute information relative à l'organisation ou à l'exécution de ces
services et aux missions faisant l'objet du contrat de service public, sans que puisse y faire
obstacle le secret des affaires. Les entreprises, les gestionnaires d'infrastructure et les
exploitants d'installations de service indiquent quelles informations ils estiment relever du
secret des affaires
». Les conditions d’application de cet article ont été précisées par le décret
n° 2019-851 du 20 août 2019, mais ont nécessité des compléments jurisprudentiels.
L’opérateur historique a notamment invoqué la protection du se
cret des affaires à propos
des informations relatives à la maintenance du matériel roulant, ce qui a conduit la région Hauts-
de-France, en avril 2019, puis la région Provence-Alpes-
Côte d’Azur, en décembre de la même
année, à saisir l’ART
23
. Celle-ci a rendu deux décisions respectivement le 30 juillet 2020
(n° 2020-044) et le 17 juin 2021 (n° 2021-032) donnant raison aux régions et enjoignant à
l’opérateur de transmettre les informations demandées dans un délai d’un mois. À la suite de la
décision rendue concernant les Hauts-de-
France, l’opérateur a formulé une demande de sursis
à exécution qui a été rejetée et un recours en annulation de la décision devant la Cour d’appel
de Paris. Celle-ci a statué sur le fond par un arrêt de juin 2022
24
qui a clôturé la procédure en
manquement pour non-
respect de la décision de l’ART de 2020, engagée par la région Hauts
-
de-France (décision ART n° 2022-51, 12 juillet 2022).
L’ART indique que cet arrêt «
a conforté en tous points les principes ayant guidé
l’Autorité pour rend
re sa décision
». La Cour d’appel «
constate que l'obligation de
transmission des informations prévue à l'alinéa 1 de l'article L. 2121-19 du code des transports
présente un caractère suffisamment précis pour être directement applicable, sans qu'il y ait lieu
d'attendre l'instauration de modalités de mise en œuvre plus détaillées
». Il en ressort,
notamment, que les régions sont légitimes à demander toutes les informations relatives au
service public et à son organisation, et que la liste de données figurant en annexe du décret du
20 août 2019 est une liste minimale, non exhaustive, des informations devant être
communiquées aux régions qui le demandent, lesquelles peuvent s’inscrire dans une
perspective de prévisions pluriannuelles. Les informations transmises doivent, si cela est
demandé, être ventilées suivant les lots définis par les régions.
23
En application de l’art.
L. 1263-2 du code des transports.
24
Cour d’appel de Paris, 23 juin 2022, SNCF Voyageurs SA c/ région Hauts
-de-France, RG n°20/11995.
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS REGIONAUX À
L’HEURE DE L’OUVERTU
RE À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
18
Le cadre juridique apparaît ainsi clarifié, mais au terme d’un long délai
: les quatre ans
de procédure pour la région Hauts-de-
France l’a conduite à différer d’un a
n la mise en service
de son premier lot ouvert à la concurrence, initialement prévue en décembre 2023. Jusqu’à
l’intervention des décisions précitées, plusieurs régions estimaient que SNCF Voyageurs était
dans une stratégie de rétention d’informations fond
ée sur une interprétation restrictive du décret
de 2019.
SNCF Voyageurs indique s’être organisée pour fiabiliser la transmission de données, ce
qui a nécessité un lourd travail, et avoir élaboré un «
guide méthodologique interne »
qui
s’appuie sur la jurisprudence, tout en précisant qu’il est «
enrichi de toute nouvelle contribution
liée à une demande particulière d’une autorité organisatrice
». Elle mentionne aussi la mise en
place d’une équipe dédiée avec «
la nomination mi 2021 d’un Chief data Officer à
temps
complet »
ainsi que le développement d’un outil dédié, StarTER. Cet outil qui «
permet de
mettre à disposition des autorités organisatrices l’ensemble des données requises
» est sécurisé
par une gestion de dossier adossée à des habilitations d’accès
nominatives. Il a été complété par
l’acquisition d’un outil de transfert de fichiers en masse.
Du côté des régions, la mise en place d’un plan de gestion des informations
confidentielles (PGIC) est obligatoire en application du troisième alinéa de l’artic
le L. 2121-19
du code des transports
25
; la Nouvelle Aquitaine indique, en outre, avoir recruté un
administrateur de données «
chargé de construire le système d’information ferroviaire et de
sécuriser la confidentialité des informations
».
Toutes les régions confirment des progrès dans la transmission des informations,
notamment grâce à la décision de la Cour d’appel évoquée ci
-dessus. Certaines ont fait part de
leur satisfaction, ou n’ont rien signalé sur ce point, mais ce ne sont pas les plus avancées dan
s
le processus d’ouverture à la concurrence. Pour autant, les Hauts
-de-France, les Pays de la
Loire, la région Provence-Alpes-
Côte d’Azur continuent à signaler les délais et le caractère
parfois laborieux de l’accès aux informations, nécessitant des itérations avec l’opérateur, ainsi
que la persistance de difficultés pour obtenir certaines données, ou leur inquiétude sur leur
granularité et leurs délais de transmission (Auvergne-Rhône-Alpes).
L’un des points les plus sensibles est la fourniture des informations sur l’état du matériel
roulant, appelé à être repris en propriété par les régions et dont l’expertise est complexe. La
Bourgogne-Franche-Comté signale ainsi avoir recruté un chargé de mission matériel roulant et
avoir recours à un bureau d’étude
s pour cette expertise. La région Hauts-de-France fait part de
son inquiétude quant aux informations relatives à l’état précis des matériels roulants. La région
Pays de la Loire indique que les plans de maintenance fournis ne détaillent pas leur évolution
depuis le plan de maintenance d’origine fourni par le constructeur (carnets d’entretien,
diagnostics attestant du besoin d’opérations de rénovation) et souligne la difficulté à obtenir
des informations détaillées sur les ateliers de maintenance (entretien et fonctionnement).
Sur ce plan, l’ART constate que l’arrêt de la Cour d’appel précité n’impose pas la
transmission des données dès le stade de la préparation de l’appel d’offres, ce qui serait
souhaitable pour permettre aux candidats
«
d’élaborer une offre adaptée en dimensionnant
25
«
L'autorité organisatrice établit un plan de gestion des informations couvertes par le secret des
affaires, qui définit des mesures d'organisation interne pour assurer le respect par son personnel et par toute
personne travaillant pour son compte de l'interdiction de divulgation de ces informations
». L'article 8 du décret
du 20 août 2019 précise que la transmission
d’
informations couvertes par le secret des affaires «
est subordonnée
à l'adoption préalable
» par l'AOT d'un PGIC.
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS REGIO
NAUX À L’HEURE DE L’
OUVERTURE À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
19
correctement les besoins de maintenance du matériel roulant et les coûts et contraintes
d’exploitation afférents
».
La Normandie fait part de difficultés pour obtenir des données détaillées sur les ventes
et les tarifs, ce qui a mis à l’arrêt une étude sur la stratégie tarifaire et de distribution régionale;
la région Pays de la Loire indique que la transmission périodique des informations, prévue par
l’article 2 du décret de 2019, n’est pas automatique et doit faire l’objet à chaque fois d’une
demande d’actualisation, et qu’elle a dû «
à plusieurs reprises depuis fin 2022, négocier pour
que les contrats passés au titre du service public ne comportent pas de dispositions visant à
définir u
ne catégorie de données réputée ne pas entrer dans le champ de l’article L.
2121-19
».
Par ailleurs, la difficulté d’accès aux données ne concerne pas que SNCF Voyageurs,
unique destinataire en 2019 de la recommandation de la Cour. La région Pays de la Loire signale
ainsi n’avoir pas réussi à obtenir de SNCF Réseau certaines informations détaillées sur l’état
de l’infrastructure et son entretien La même indique ne pas avoir obtenu de SNCF Gares &
Connexions le contrat de prestations en gare passé avec SNCF Voyageurs, ni le «
détail en
nature et en volume par gare des prestations réalisées par le gestionnaire au profit du service
public régional
». Le retard dans la transmission de données par SNCF Réseau est également
signalé par la Normandie.
Le rapport d
e l’Assemblée nationale
précité estime que le décret du 20 août 2019
pourrait être complété sur
« le périmètre temporel des données à transférer, la justification du
caractère indisponible des données, les garanties d’exactitude et de complétude des donnée
s,
et la possibilité d’obtenir des données prévisionnelles
». La Normandie signale à la Cour que
le décret ne fixe pas les conditions de réutilisation des données lorsqu’elles ne sont plus
couvertes par le secret des affaires, ni ne définit précisément la
notion d’accès aux données
couvertes par le secret des affaires.
Pour sa part, l’ART a indiqué à la Cour qu’u
ne
évolution du cadre réglementaire d’accès
aux données, qu’elle avait recommandée dans son étude précitée, resterait pertinente
« notamment afin
de garantir l’accès complet aux données relatives à la maintenance et à
l’historique de la maintenance depuis la date de mise en service des matériels roulants
».
L’ART formulait en effet dans cette étude plusieurs recommandations sur les compléments à
apporter au décret de 2019, le renforcement de ses pouvoirs de sanction (ce qui suppose une
évolution législative), les outils de communication de données et le suivi des informations
transmises.
La Cour constate que sa recommandation n° 7 de 2019 a été suiv
ie d’effet, même
si les évolutions positives intervenues sont davantage le fruit de décisions de justice que de
diligences
spontanées
de
SNCF
Voyageurs.
Elle
considère
donc
que
cette
recommandation, qui portait sur la fiabilité des informations, a été partiellement mise en
œuvre
,
des progrès étant encore attendus dans ce domaine en termes de complétude des
données, notamment de la part de SNCF Réseau.
1.2.2
Les moyens mobilisés par les régions en vue de l’ouverture à la concurrence
:
un effort qui doit se poursuivre
Toutes les régions font état d’un renforcement des compétences internes et externes
depuis 2019, progressif en fonction de leur propre calendrier d’ouverture à la concurrence. La
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS REGIO
NAUX À L’HEURE DE L’
OUVERTURE À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
20
diversité de leur situation sur ce plan illustre la nécessité de poursuivre la montée en charge de
la
capacité d’expertise
malgré les difficultés rencontrées.
En termes d’organisation,
plus de la moitié des régions s
est
dotée d’un pôle spécialisé
ou d’un directeur ou chef de projet
« ouverture à la concurrence » (Auvergne-Rhône-Alpes,
Bourgogne-Franche-Comté, Hauts-de-France, Normandie, Nouvelle Aquitaine, Pays de la
Loire, Provence-Alpes-
Côte d’Azur). Le besoin d’expertise en matière de matériel roulant est
souvent mis en avant par les régions (Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne-Franche-Comté,
Normandie, Nouvelle Aquitaine, Pays de la Loire).
La Cour a demandé aux régions de fournir un tableau des effectifs mobilisés en 2019 et
en 2022. Les réponses de huit régions
26
indiquent une progression de 7 % des effectifs consacrés
aux TER (de 164 à 176, avec une répartition très inégale : deux régions entre 0 et 10 emplois,
deux entre 10 et 20, deux entre 20 et 30, une à 27, une à 35, une à 41) et un plus que
quadruplement des effectifs consacrés à la mise en concurrence (de 7 à 32, encore plus
inégalement répartis : sept régions entre 0 et 7, une à 14).
Constituées
très majoritairement d’agents de catégorie A ou A+, beaucoup d’équipes
dédiées à l’ouverture à la concurrence apparaissent de trop petite taille
au regard des enjeux
financiers et de la charge de travail que va représenter cette transition.
Sur le plan des ressources externes, toutes les régions ont recours à une ou plusieurs
missions d’assistance à maîtrise d’ouvrage (AMO) apportant une expertise juridique, financière
et
technique. De ce fait, les cabinets d’AMO compétents sur le sujet, sont très sollicités ce qui
peut constituer un facteur de tension pour les régions
, comme l’indiquent Auvergne
-Rhône-
Alpes et Centre Val de Loire.
Cette tension est aussi souvent évoquée par les régions en matière de recrutement
(Auvergne-Rhône-Alpes, Centre Val de Loire, Hauts-de-France, Normandie, Pays de la Loire,
Provence-Alpes-
Côte d’Azur).
Les profils compétents et expérimentés sont rares et recherchés,
ce qui peut conduire à une concurrence entre les régions, et à des départs vers le secteur privé,
plus rémunérateur. Les conditions dans lesquelles les régions peuvent rémunérer ces profils
d’experts
, souvent sous contrats, sont en effet citées comme étant le principal obstacle à leur
recrutement.
La solution peut passer par la création d’une société publique locale (SPL) permettant
de recruter des profils spécialisés
. L’ART a ainsi indiqué à la Cour que «
les expériences
européennes d’ouverture à la concurrence pour le marché des serv
ices conventionnés (Suède,
Allemagne et Royaume-
Uni, notamment) montrent que le développement de l’expertise
technique, juridique et financière des régions afin d’assurer un suivi étroit des conventions de
service public et de préparer efficacement les fut
urs appels d’offres passe par la mise en place
de structures dédiées permettant de recruter du personnel qualifié en s’alignant notamment sur
des niveaux de rémunération attractifs
».
Des SPL ont été créées en Grand Est
pour recruter des profils qui n’auraient pas pu l’être
par la région «
notamment pour des raisons liées au statut des collectivités territoriales
» et
entre les régions Nouvelle Aquitaine et Occitanie avec une SPL dédiée au matériel roulant. La
création de SPL était recommandée par l’ART dan
s son étude précitée. La région Hauts-de-
France a créé avec
la communauté d’agglomération
Amiens Métropole une SPL destinée à la
26
Deux régions n’ont pas répondu, une n’a pas fourni de données exploitables.
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS REGIO
NAUX À L’HEURE DE L’
OUVERTURE À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
21
gestion des actifs en matière de mobilité situés sur le territoire régional. Cette société sera,
notamment, chargée de la gestion du matériel roulant ferroviaire dont la région a demandé le
transfert, et du contrôle des obligations de maintenance des exploitants ferroviaires.
Le renforcement des compétences des régions leur offre une opportunité
d’accroître leur
autonomie décisionnelle par rapport aux opérateurs et, à ce stade, essentiellement
à l’opérateur
historique. Les régions qui ont déjà procédé à des appels d’offres mettent d’ailleurs en avant
des retours d’expérience utiles pour cette montée en compétence
interne, devant permettre à
terme de moins dépendre des AMO externes (Hauts-de-France).
Mais ce renforcement est très inégal suivant le rythme adopté par les régions pour
procéder à la mise en concurrence.
La Cour considère en conséquence que sa recommandation n° 8 a été partiellement
mise en œuvre,
le renforcement des compétences en matière de transport devant être
poursuivi et accru.
1.2.3
La réorganisation en cours de SNCF Voyageurs
pour s’adapter à la mise en
concurrence
SNCF Voyageurs, qui n’a pas retenu
l’évolution recommandée par la Cour (filialisation
de l’activité TER) en estimant qu’elle n’aurait pas entraîné de gains d’efficacité, n’en a pas
moins engagé une réorganisation profonde de son activité TER.
La direction TER au sein de SNCF Voyageurs (448 agents au 31 décembre 2023) a un
rôle de pilotage et d’animation des 11 délégations régionales (dites BU TER, pour
Business
Units
, qui regroupent plus de 25 000 agents) et mutualise pour ce réseau certaines fonctions
supports (achats, expertise juridique). Selon SNCF Voyageurs, cette direction dispose de ses
propres moyens de production et élabore de manière autonome les offres commerciales
(conventions de gré à gré ou appels d’offres). Pour s’adapter à la mise en concurrence, la
direction TER a créé certa
ines entités (service de réponse aux appels d’offres, notamment) et
met en place des directions de lignes, disposant de leurs moyens de production. Ces directions
de ligne permettraient de préfigurer des filiales à créer pour exploiter des lots remportés
éventuellement par SNCF Voyageurs dans le cadre
d’un
futur
appel d’offres.
En effet, SNCF Voyageurs met en place une filiale
spécifique pour l’exploitation
de
chaque
lot remporté (qu’il s’agisse d’exploitation ou de distribution)
. Trois filiales ont été
cr
éées à ce stade (Sud Azur, Etoile d’Amiens et Loire Océan) mais elles ne sont pas encore
pleinement opérationnelles, les premières circulations de trains étant prévues fin 2024. L’enjeu
pour
ces filiales sera notamment d’accueillir les personnels des direc
tions régionales TER qui
leur seront transférés (cf.
infra
).
À terme, ces sociétés devraient disposer de leurs moyens de production (humains,
matériels et de gestion), soit en propre, soit en utilisant les prestations mutualisées au niveau de
l’entité TER de SNCF Voyageurs ou au niveau du groupe SNCF
avec la création au 1
er
janvier
2024 d’un GIE «
Optim’s
ervices » composé de huit centres de services partagés (CSP),
permettant la mutualisation de fonctions supports.
La Cour prend acte de cette nouvelle organisation qui se déploie progressivement,
et considère que sa recommandation n° 9
de 2019 est aujourd’
hui devenue sans objet.
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS REGIO
NAUX À L’HEURE DE L’
OUVERTURE À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
22
1.3
Des marges de progrès dans l’organisation du transfert des personnels
de SNCF Voyageurs
En 2019, la Cour n
’a pas
formulé de recommandation spécifique sur ce thème.
Le cadre juridique est fixé par les articles L. 2121-20 à L. 2121-27 du code des
transports, le principe étant le transfert des salariés «
concourant à l’exploitation et à la
continuité du service public
» de l’ancien au nouvel opérateur. Le décret n° 2019
-696 du
2
juillet 2019 relatif à l’information, l’accompagnement e
t le transfert des salariés en cas de
changement d’attributaire d’un contrat de service public de transport ferroviaire de voyageurs
a précisé les conditions de ce transfert : première information des salariés concernés au plus
tard un mois après le lancement de la mise en concurrence, information précise sur les emplois
transférés au plus tard seize mois avant le changement d’attributaire, appel privilégié au
volontariat. En cas d’insuffisance de volontaires, les salariés sont désignés par l’opérateur
sort
ant, par catégorie d’emploi et en prenant en considération plusieurs critères dont le taux
d’affectation des salariés au service transféré, leur ancienneté, leur temps de trajet domicile
-
travail, leurs charges de famille et le handicap.
Les salariés peuvent refuser le transfert dans des conditions dépendant de leur taux
d’affectation au service concerné
: s’ils sont affectés à plus de 50
% à ce service, le refus du
transfert constitue un motif légal pour prononcer la rupture du contrat de travail ; dans le cas
contraire, l’employeur doit présenter une offre d’emploi équivalente alternative dans la même
région ; le refus de cette offre peut alors constituer un motif de rupture du contrat de travail.
Enfin, la loi, complétée par un accord de branche signé le 6 décembre 2021 étendu par
arrêté ministériel du 22 avril 2022, prévoit un socle de garanties sociales maintenues au bénéfice
des salariés transférés (« sac à dos social »), notamment un niveau de rémunération minimum,
le maintien du régime spécial de sécurité sociale et celui de divers avantages, dont les facilités
de circulation. Tous les dispositifs ne sont cependant pas encore en place : restent à négocier,
notamment au sein de la branche, des accords sur la protection sociale et la formation ; reste
également à définir précisément le mode de calcul des pensions de retraite.
Dans le cadre des appels à volontariat organisés pour les lots remportés par SNCF
Voyageurs, la société
a réalisé des livrets d’information (entre 50 et 120 pages). L’extrait c
i-
dessous illustre le maintien des garanties pour les salariés transférés à la filiale de SNCF
Voyageurs
pour le lot Etoile d’Amiens.
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS
REGIONAUX À L’HEURE
DE L’OUVERTURE À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
23
Schéma n° 1 :
Extrait du livret d’information appel à volontariat, SNCF Etoile d’Amiens
Source : SNCF Voyageurs
Les dispositions du décret du 2 juillet 2019 paraissent insuffisamment précises quant à
la définition des emplois transférés, qui sont classés en 15 catégories
27
;
l’appel au volontariat
ne précise pas le nombre d’ETP transférables par lieu d’affectation et par sous
-catégorie
d’
emploi. Par exemple, la maintenance du matériel roulant est une catégorie qui comprend
plusieurs sous-catégories comme les mécaniciens, les agents électro-techniques dont les
compétences ne sont pas interchangeables. De ce fait, le nouvel opérateur est exposé au risque
d’un transfert ne correspondant pas aux exigences de l’exploitation. Par ailleurs, en cas d’appels
à volontariat simultanés
sur plusieurs lots, aucun ordre de priorité n’est fixé, ce qui pourrait
amener des personnels à se porter volontaires
sur deux lots en même temps, sans qu’aucune
règle de priorisation dans leur affectation finale ne leur soit opposable.
La question du coût des personnels transférés se pose pour un nouvel opérateur compte
tenu des spécificités en matière de régime social
de l’
opérateur historique, SNCF Voyageurs.
S’il est trop tôt pour dresser un bilan de l’application de ces dispositions, la Cour note
que pour le seul lot à ce jour remporté par un autre opérateur que SNCF Voyageurs, seuls 27
agents sur 163 se sont portés volontaires pour rejoindre Transdev.
L
a Cour n’a pas pour objectif, dans le cadre d’un rapport de suivi, d’approfondir ce
sujet, mais les conditions du transfert des personnels paraissent, à ce stade, insuffisamment
précises pour garantir
à un opérateur entrant que les besoins de l’exploitation seront satisfaits.
27
Au sens de l’article 2 du
décret n° 2018-1242 du 26 décembre 2018 relatif au transfert des contrats de
travail des salariés en cas de changement d'attributaire d'un contrat de service public de transport ferroviaire de
voyageurs.
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS REGIO
NAUX À L’HEURE DE L’
OUVERTURE À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
24
1.4
Une mise en concurrence confrontée à des risques
1.4.1
Les avantages attendus de la mise en concurrence
L’Autorité de la concurrence, dans l’avis précité (dont le champ dépasse largem
ent les
TER) estime que l’ouverture à la concurrence des services conventionnés peut «
conduire à une
baisse des coûts des entreprises ferroviaires, à une amélioration de la qualité, à une
diversification de l’offre et à la rupture du système ferroviaire a
vec le malthusianisme qui le
caractérise »
tout en facilitant le report modal vers des transports moins carbonés. Le
développement de l’offre
peut aider à financer les investissements indispensables :
« cet effet
de l’ouverture à la concurrence sur l’offre
est confirmé par l’exemple de l’Italie, qui a ouvert
son marché ferroviaire plus tôt que la France
».
Dans le cas de l’Allemagne, où la réforme ferroviaire est plus ancienne que celle de la
France, une étude du LAET
28
a ainsi mis en évidence l’augmentation
de l’offre (en volume), et
rapportée à l’euro de contribution publique, de la fréquentation et de la qualité de service.
Les déclarations publiques faites par les régions ayant déjà attribué des lots confirment
qu’à l’issue de cette procédure, que l’attr
ibutaire retenu soit ou non SNCF Voyageurs ou une
de ses filiales, des gains importants sont attendus tant en matière de coûts que de volume de
l’offre et de qualité de service.
Ainsi Transdev annonce, en région Provence-Alpes-Côte
d’Azur, un doublement de
l’offre à coût constant
; dans les Hauts-de-France et les Pays de la
Loire sont annoncées des baisses de 20 à 25 % du coût du service ; dans les Hauts-de-France
sont annoncés un taux de régularité
29
de 98,5
% qui, selon l’Association française du Rail
30
, est
sans équivalent en Europe, et une augmentation de 9,5
% de l’offre
; dans les Pays de la Loire
est annoncée une progression à terme d’un tiers de l’offre.
Ces améliorations correspondent à des engagements des attributaires, qui devront être
confirmés au bout de quelques années de mise en service effective, à partir de la fin de la
décennie.
1.4.2
Les risques pesant sur le processus de mise en concurrence
La Cour constate la progressivité des
ouvertures à la concurrence et l’hétérogénéité des
calendriers. Les régions connaissent un degré inégal de préparation (cf.
supra
) et il n’est pas
illégitime que certaines puissent tirer avantage
du retour d’expérience de celles qui se sont
lancées en premier.
Il est au demeurant
souhaitable que les appels d’offre
s soient suffisamment échelonnés
dans le temps pour ne pas confronter les candidats potentiels à une accumulation de mises en
concurrence concomitantes auxquels, SNCF Voyageurs mis à part, ils ne seraient pas en mesure
28
Laboratoire Aménagement, Économie, Transports dép
endant de l’université
Lyon 2, du Centre national
de la recherche scientifique (CNRS) et de l’École nationale des travaux publics de l’État (ENTPE
) ; étude présentée
au colloque «
L’avenir des TER : Quelle place pour la concurrence ?
», janvier 2017.
29
Po
ur les causes liées à l’opérateur.
30
Association regroupant des opérateurs alternatifs à la SNCF, dont Transdev.
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS REGIO
NAUX À L’HEURE DE L’
OUVERTURE À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
25
de répondre, car cela
mobilise d’importantes équipe
s. Selon les éléments communiqués à la
Cour par Transdev et Trenitalia France,
le coût d’une réponse à un appel d’offres
peut approcher
2 à 3 millions d’euros, et les candidats non retenus ne sont indemnisés qu’à hauteur de qu
elques
centaines de milliers d’euros dans le meilleur des cas
.
En outre, les cabinets spécialisés dans l’assistance à maîtrise d’ouvrage sont, comme
indiqué
supra
, en nombre limité, ce qui pourrait peser sur la capacité des candidats à présenter
des offres compétitives. Enfin, cet échelonnement permet également de lisser la charge de
travail des services régionaux.
À cette fin, une plus grande concertation entre les régions quant à leurs calendriers
respectifs d’appels à la concurrence serait souhaitable
: à partir de 2026 et à l’approche de
l’échéance légale, le risque d’une multiplication d’appels à la concurrence simultanés est réel.
Outre les risques indiqués plus haut, notamment en matière de transfert de personnel,
d’autres facteurs sont susceptibles de fausser ou d’empêcher une mise en concurrence
effective :
-
Les délais ou hésitations des régions entre l’avis d’appel à la concurrence et l’attribution
d’un lot (par exemple quatre ans pour la ligne Nancy
-Contrexéville) alors que les conditions
économ
iques (coût de l’énergie, taux des crédits, etc.) évoluent rapidement, ce qui peut
conduire à décourager des concurrents
; à l’inverse, un délai trop court entre l’appel et
l’attribution peut également empêcher des concurrents de préparer une offre structu
rée et
compétitive ;
-
La composition des lots : ils doivent atteindre une taille suffisante pour permettre des
économies d’échelle, mais face à un lot d’un périmètre géographique très étendu, seul
l’opérateur historique serait en mesure de faire une offre (
en Italie, chaque région constituait
un lot unique, et l’opérateur historique a conservé sa situation de monopole)
;
-
L’absence d’informations suffisamment précises sur l’état du matériel roulant
et l’évolution
de leurs plans de maintenance ;
-
La possibilité
d’implantation par les concurrents de leurs propres centres de maintenance
pour ne pas dépendre de ceux de SNCF Voyageurs, ce qui suppose que le foncier nécessaire
soit disponible dans un calendrier compatible avec la mise en service prévue ;
Cette liste
ne se veut pas exhaustive, et l’objectif de la Cour dans le cadre du présent
rapport n’était pas d’examiner en détail tous ces points, ni les points de vigilance signalés par
l’ART.
Celle-ci, dans son avis n° 2023-017 du 16 mars 2023 rendu sur saisine de
l’Autorité de
la concurrence, appelait
l’attention sur les retards dans les procédures d’appels d’offres
: «
à
moyen terme un risque de quasi-
absence d’ouverture effective du marché des services de
transport ferroviaire conventionné de voyageurs et d’absen
ce de matérialisation des bénéfices
attendus de cette ouverture ne peut être exclu
».
L’Autorité de la concurrence, dans son avis
précité, fait en effet part de son «
inquiétude
» sur ce sujet
.
______________________ CONCLUSION INTERMÉDIAIRE ______________________
Les régions peuvent, en application de la loi du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte
ferroviaire, depuis le 3 décembre 2019 procéder à une attribution concurrentielle de
l’exploitation des TER,
tout en ayant la possibilité,
jusqu’au 25 décembre 2023
, de passer une
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS REGIO
NAUX À L’HEURE DE L’
OUVERTURE À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
26
convention de gré à gré pour une durée maximale de 10 ans,
avec l’opérateur historique
SNCF
Voyageurs repoussant l’obligation de mettre en concurrence
au plus tard à fin 2033. Certaines
conventions conclues récemment de gré à gré laissent toutefois ouverte la possibilité d’une mise
en concurrence avant leur terme.
Toutes les régions ont respecté ce cadre mais selon des modalités très différentes, allant,
à ce stade, d’une attribution d’ores et déjà de lots à la signature d’une convention avec SNCF
Voyageurs courant jusqu’à fin 2033
sans mise en concurrence.
Sous réserve que toutes les régions se mettent effectivement en ordre de marche pour
respecter le délai prévu par la loi, la progressivité de ces ouvertures à la concurrence et
l’hétérogénéité des calendriers s’expliquent notammen
t par le niveau de préparation des
régions
; l‘échelonnement des appels d’offres est cependant souhaitable pour ne pas
surcharger simultanément de travail tant les candidats intéressés que les services régionaux.
Des évolutions et précisions sont encore nécessaires tant en matière de fourniture
d’information par les sociétés du groupe SNCF que dans la professionnalisation des régions
pour exercer pleinement leur rôle.
Enfin, la question du transfert des personnels à l’opérateur retenu après mise en
concur
rence constitue un enjeu central pour la réussite de l’opération. Or, sur ce plan, les
textes applicables sont insuffisamment précis quant à la définition des personnels transférés et
leur lieu d’affectation.
Au total, l’ouverture à la concurrence est bie
n entrée dans une phase concrète, même si
certains progrès doivent encore être réalisés. Il reste que, pour matérialiser et pérenniser dans
le temps les avantages qui en sont attendus, de nombreux obstacles doivent encore être levés
pour que la compétition entre l’opérateur historique et ses concurrents soit la plus loyale et
équitable possible.
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS REGIO
NAUX À L’HEURE DE L’
OUVERTURE À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
27
2
UNE DEMANDE CROISSANTE, UNE QUALITÉ DE SERVICE
À AMÉLIORER
2.1
Une demande en forte croissance au sortir de la crise sanitaire
2.1.1
Une offre et une fréquentation des TER contrastée selon les régions
Le tableau ci-
dessous décrit le niveau de l’offre et de la fréquentation des TER en 2023.
Tableau n° 3 :
Offre et fréquentation des TER en 2023, par région et globalement
Source : Données SNCF Voyageurs, réponse au questionnaire de la Cour (trains.km effectués en France) ; taux
de remplissage : calcul Cour
Ces chiffres n’incluent pas les cars TER dont les volumes sont beaucoup plus faibles
:
en 2023, les 16 626 694 cars.km ont transporté 195 542 150voyageurs-km, ce qui représente
environ 1 % du volume des trains TER. Ces lignes correspondent en général à des axes peu
fréquentés : le nombre de passagers par car a été de 10,7 en 2022 et il était de 7 en 2019.
Si l’act
ivité TER est significative dans toutes les régions, on observe que 52
% de l’offre
de trains-km et 56
% du trafic se concentrent dans quatre d’entre elles
: Auvergne-Rhône-Alpes,
Hauts-de-France, Grand-Est et Normandie.
Au sein d’une activité globale de t
ransport ferroviaire qui en 2022 a représenté 391
millions de trains.km et 101 milliards de voyageurs.km
, l’offre de TER représente 49
% de
l’offre mesurée en trains.km, mais seulement 19
% du nombre de voyageurs.km produits par
les transports ferroviaires au plan national. De faibles taux de remplissage expliquent cet écart,
étant rappelé que la moyenne de 29 % recouvre une réalité contrastée, certaines lignes étant très
peu fréquentées et d’autres étant saturées.
Lorsque les taux de remplissage sont bas, d’une part, le niveau de la subvention par
passager s’élève, d’autre part, il existe une marge, parfois
importante, pour accueillir de
nouveaux passagers sans perte majeure de qualité, et ainsi apporter une contribution à la
Nombre de
train.km
Capacité
d’emport des
trains (siège.km)
Nombre de
voyageurs.km
dont passagers
occasionnels
(billets)
dont passagers
abonnés
Taux de
remplissage
global
dont
occasionnels
dont
abonnés
Auvergne-Rhône-Alpes
30 383 711
10 726 665 594
3 401 854 021
1 907 440 164
1 494 413 857
31,7%
17,8%
13,9%
Bourgogne-Franche-Comté
14 185 395
4 844 535 125
1 199 349 343
875 951 000
323 398 343
24,8%
18,1%
6,7%
Bretagne
7 529 350
2 709 262 122
930 516 653
560 606 548
369 910 105
34,3%
20,7%
13,7%
Centre-Val-de-Loire
12 196 196
5 786 386 359
1 624 177 395
1 095 665 991
528 511 404
28,1%
18,9%
9,1%
Grand-Est
31 141 270
9 339 376 507
2 625 864 478
1 316 886 826
1 308 977 652
28,1%
14,1%
14,0%
Hauts-de-France
23 842 251
9 965 804 955
2 832 864 069
1 299 669 720
1 533 194 349
28,4%
13,0%
15,4%
Normandie
14 530 763
6 537 898 067
2 527 305 895
2 160 577 128
366 728 767
38,7%
33,0%
5,6%
Nouvelle-Aquitaine
17 611 487
3 896 735 326
1 332 661 458
918 853 839
413 807 620
34,2%
23,6%
10,6%
Occitanie
14 651 079
3 876 415 052
1 513 562 062
1 065 563 123
447 998 939
39,0%
27,5%
11,6%
Pays-de-la-Loire
11 076 401
3 429 972 767
1 150 460 033
607 813 174
542 646 858
33,5%
17,7%
15,8%
Provence-Alpes-Côte d'Azur
11 920 058
4 349 092 859
1 458 741 445
909 364 969
549 376 476
33,5%
20,9%
12,6%
TOTAL TRAINS TER
189 067 962
65 462 144 732
20 597 356 852
12 718 392 481
7 878 964 371
31,5%
19,4%
12,0%
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS REGION
AUX À L’HEURE DE L’O
UVERTURE À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
28
décarbonation des transports. Ces capacités disponibles représentent aussi un potentiel
d’amélioration des recettes et de diminution d
u coût pour les régions.
2.1.2
Une offre et une fréquentation dynamiques depuis 2019
Le rapport de la Cour de 2019 constatait qu’entre 1995 et 2012, le trafic des TER avait
doublé, passant de 7 à 14 milliards de voyageurs-km, puis stagné et même légèrement baissé
de 2012 à 2018, ce qui conduisait à qualifier de « volontaristes
» les accroissements de l’offre
réalisés par beaucoup de régions. Les années qui se sont écoulées depuis font apparaître une
inversion de cette tendance baissière.
Graphique n° 1 :
Évolution de la fréquentation globale des TER depuis 2017, en millions de
voyageurs.km
S
ource : données SNCF Voyageurs ; mise en forme et estimation 2023 : Cour des comptes
Il doit être cependant rappelé qu’une partie de la croissance provient du transfert à six
régions
31
, de
2017 à 2020, de lignes de trains d’équilibre du territoire (TET). Cet accroissement
du périmètre des TER a représenté plus d’un milliard de voyageurs
-km.
Pour autant, en écartant les années de la crise sanitaire 2020 et 2021, les années 2019,
2022 et dans une moindre mesure 2023 se caractérisent par une croissance marquée du trafic :
respectivement 10,6 %, 25,6 % et 7,8
% par rapport à l’année précédente. Au total, le nombre
de voyageurs.km en TER se sera accru de 50 % entre 2017 et 2023.
Le tableau ci-apr
ès détaille cette fréquentation et la met en regard de l’offre.
31
Centre-Val de Loire, Grand-Est, Hauts de France, Normandie, Nouvelle Aquitaine, Occitanie.
0
5 000
10 000
15 000
20 000
25 000
2017
2018
2019
2020
2021
2022
2023
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS REGIO
NAUX À L’HEURE DE L’
OUVERTURE À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
29
Tableau n° 4 :
Évolution de l’offre et de la fréquentation des TER
(trains) depuis 2019
Source : Données SNCF Voyageurs, réponse au questionnaire de la Cour. Trains.km effectués en France.
L’offre s’accr
oît substantiellement, avec +23 % de trains en circulation et +17 % de
sièges offerts, ce dernier chiffre reflétant un accroissement de la capacité d’emport moyenne de
ces trains, qui atteint 346 passagers en 2023. Le rapport voyageurs.km / trains.km passe de 89
à 108 passagers.
Ce dynamisme de la fréquentation, qu’on observe aussi pour d’autres activités de
SNCF
Voyageurs, notamment les TGV, constitue un contexte favorable à l’ouverture à la
concurrence :
d’une part, il diminue le risque associé à
la stratégie des régions qui misent sur
l
’accroissement de l’offre et
sur la
réalisation d’économies d’échelle
; d’autre part,
il facilitera
le reclassement des
personnels qui, à l’issue des appels d’offres, ne seront pas transférés aux
sociétés lauréates.
Les conditions de réalisation de l’offre et notamment le taux de non
-
réalisation de l’offre
sont analysés
infra
, lors de l’examen de la mise en œuvre de la recommandation n°2 relative
aux incitations à la qualité de service.
2.2
Les leviers pour accroître la fréquentation et le report modal
2.2.1
L
a refonte des plans de transport, moyen d’adapter l’offre à la demande
La recommandation n°5 invitait à revoir les plans de transport pour les rendre plus
fiables et améliorer la régularité des trains et donc la productivité et la fréquentation.
S’agissant de la productivité, ils sont l’occasion d’optimiser l’affectation des ressources
en personnel et en matériel à des lignes et à des services. Or, le rapport de la Cour de 2019
relevait des ratios de km-train produits par agent
32
à la fois très variables selon les régions et
très inférieurs à ceux de l’Allemagne
; il notait aussi
33
un kilométrage moyen annuel du matériel
roulant inférieur d’environ un tiers à celui d’autres réseaux européens. Il citait l’exemple des
32
Page 68, graphique n°13.
33
114 828 km en 2018 contre 175 000 km, Cf. p
age 69, 1
er
paragraphe.
Circulations effectives
2 124 053
1 848 000
2 286 114
2 369 473
2 610 344
23%
Trains.km
170 694 706
148 846 559
185 175 271
192 137 937
189 067 962
11%
Sièges.km
56 106 747 412
51 940 725 688
62 988 294 026
66 534 632 714
65 462 144 132
17%
FREQUENTATION
Passagers
303 200 000
213 600 000
253 732 416
352 542 766
378 083 921
25%
Passagers.km
15 221 137 362
10 681 852 277
14 595 376 668
19 110 866 070
20 597 356 852
35%
dont occasionnels
54%
57%
61%
61%
62%
-
dont abonnés
46%
43%
39%
39%
38%
-
Passagers par train
143
116
111
147
144
-
2023
Var.
2023/2019
Années
2019
2020
2021
2022
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS REGIONAUX À
L’HEURE DE L’OUVERTU
RE À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
30
Pays de la Loire où un trafic organisé en fonction des pointes du soir et du matin laissait les
conducteurs inoccupés une partie de la journée
34
.
S’agissant de la fréquentation, les plans de transport doivent
ajuster le mieux possible
l’
offre aux besoins du client. Ils sont
un outil pour créer un cercle vertueux où l’accroissement
de l’offre attire de nouveaux voyageurs, donc engendre
r des recettes supplémentaires, grâce
auxquelles l’offre peut être à nouveau accrue ou les infrastructures améliorées.
Plusieurs
régions ont mentionné durant l’instruction l
e cadencement,
i.e.
la mise en
place sur une ligne de services à intervalle régulier tout au long de la journée, comme une des
voies d’optimisation et d’adaptation à la demande
à privilégier : il permet
d’accroître l’offre à
moyens constants et la rend
plus lisible pour l’usager.
Les régions ont en outre apporté des précisons, dont certaines sont exposées ci-après.
-
La région Auvergne-Rhône-Alpes
considère que l’essentiel de
la responsabilité des
plans de transport incombe
au gestionnaire d’infrastructure «
qui offre des sillons aux
exploitants et gère les schémas d’occupation des voies en gare
» et dans une moindre
mesure à SNCF Voyageurs qui conçoit le plan en réponse à une « commande » de la
région ; elle a indiqué avoir conclu une convention de performance avec SNCF Réseau
pour les années 2022 et 2023 afin d’améliorer le pilotage et la performance du réseau
régional.
-
La région Bourgogne a souligné dans sa réponse aux observations provisoires que les
plages de travaux quotidiennes trop longues (6h pour les TER Paris-Dijon-Lyon) de
SNCF Réseau étaient un frein au développement de l’offre et à celui du cadencement.
-
La région Nouvelle Aquitaine a mené une démarche «
Optim’Ter
», proposée par SNCF
Voyageurs, pour aug
menter l’offre et mieux la cadencer, avec une très faible
augmentation du coût d’exploitation
; dans le cadre d’une démarche de schéma régional
multimodal, elle inscrit les plans de transport ferroviaire dans une réflexion globale sur
les outils de mobilité sur les différents axes.
-
La région Pays de la Loire indique que la nouvelle convention avec SNCF Voyageurs
pour les années 2022-
2031 se traduit par une baisse des coûts tout en augmentant l’offre,
avec une augmentation de près de 11 % des trains circulés dès 2023 ; elle relève
toutefois que sur les cinq premiers mois de 2023, le taux de réalisation du plan de
transport
35
est tombé à 83,4 %, loin en-
dessous d’
un objectif de 92 % ; elle souligne le
rôle crucial du gestionnaire d’infrastructure pour définir
les capacités offertes.
-
La région Normandie a communiqué les documents issus d’une étude du
CEREMA qui
envisage un accroissement ambitieux de l’offre, grâce à un cadencement généralisé sur
le réseau normand ; un tableau de synthèse
36
fait apparaître la possibilité de doubler
l’offre de trains
-
km au prix d’un accroissement du coût total de seulement 4
% ; des
courriers de SNCF Voyageurs et SNCF Réseau
en approuvent l’orientation générale
34
Dans sa réponse aux observations provisoires, cette région a souligné
qu’en 2019, les plans de transport
de nombreuses autres régions étaient encore organisés de cette façon sur la pointe du matin et du soir.
35
Dans sa réponse aux observations provisoires, la région a souligné que ce taux de conformité qui
comprend la circulation effective (non-suppression) et la ponctualité des circulations avait été recueilli à la fin de
mai 2023, après un début d’année mar
qué par de nombreuses grèves.
36
Rapport référencé « Livrable 6b », page 25.
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS REGIO
NAUX À L’HEURE DE L’
OUVERTURE À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
31
mais émettent diverses objections
; l’étude débouchera en 2024 sur l’augmentation de
l’offre sur les dessertes Caen
-Rouen et Caen-Granville-Rennes ;
-
La région Grand-
Est indique qu’elle a ces dernières années développé ses plans de
transport en cherchant à réduire l’écart entre les fréquences de pointe
et hors pointe ; à
Strasbourg, la mise en place du réseau express métropolitain européen a induit une
refonte complète qui se traduit par 3 800 trains par semaine, soit +22 % par rapport à
2022, mais des problèmes de qualité de service ont été rencontrés qui impliquent des
plans d’action correctifs
;
-
La région Centre-
Val de Loire n’a pas fait état de révisions ou de refonte de ses plans
de transport ;
-
La région Bretagne estime que les plans de transport élaborés dans le cadre du projet
BGV et mis en service en 2017 sont robustes et met en avant un taux de régularité de
95,63 % qui est le meilleur de France ; elle mentionne le suivi très attentif de
l’exploitation en général et plus particulièrement des lignes qui ne réalisent pas
l’objectif
; ainsi, à la su
ite d’un groupe de travail avec
SNCF Réseau sur la ligne à voie
unique Landerneau-Quimper, une adaptation du plan de transport est en cours de
validation.
Presque toutes les régions ont souligné que des infrastructures performantes sont une
condition pour refondre les plans de transport et plusieurs ont mentionné la contrainte que
représentent les péages
: lorsque l’offre s’accroît, ils augmentent en proportion
; elles plaident
pour une construction tarifaire où les trains ajoutés seraient facturés à un coût plus proche du
coût marginal que du coût moyen.
La mission confiée par le gouvernement à l’IGF et au CGDD
apportera prochainement des analyses et des orientations propres à préciser les avantages et les
risques de cette proposition dans le cas français.
Au total, il apparaît que les régions se sont saisies de l’enjeu des plans de transport,
mais de manière inégale. La recommandation n° 5 doit donc être considérée comme
partiellement mise en œuvre.
Dans les années à venir, les attributions successives de lots
et l’émergence des services
express régionaux métropolitains (SERM
37
)
vont rendre cette mise en œuvre inéluctable et
générale :
d’une part
, la rédaction de leurs cahiers des charges oblige à réfléchir aux objectifs à
donner au plan de transport du lot mis en concurrence
; d’autre part, pour les
candidats, proposer
des plans adaptés aux besoins et efficients fera partie des facteurs clefs de succès.
2.2.2
Une connaissance des usagers insuffisante
Informer au bon moment et de manière pertinente les différente
s catégories d’usagers et
leur assurer des systèmes de billetterie conviviaux, efficaces et si possible intermodaux sont
deux composantes importantes de la qualité de service. Mais il importe aussi de recueillir des
informations sur ces usagers : une des conditions de succès des politiques ferroviaires réside
dans la connaissance fine et constamment actualisée des besoins, des usages et des motivations
de la clientèle.
37
Prévus par la loi n°2023-1269 du 27 décembre 2023
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS REGIO
NAUX À L’HEURE DE L’
OUVERTURE À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
32
Elle commence par celle des fréquentations des trains. Le rapport de 2019
38
mentionnait
d
’importantes lacunes en la matière chez SNCF Voyageurs, qui ne disposait pas du
nombre de
voyageurs présents à bord de chaque train et ne pouvait connaître les taux d’occupation des
rames en fonction des périodes de la journée. Des campagnes de comptage devaient donc être
organisées pour disposer d’un minimum d’informations. La situation a progressé depuis avec
la mise en place d’un nouvel outil nommé Thémis qui fournit le nombre de passagers de chaque
train
. La région Bourgogne a toutefois souligné qu’il n
e satisfaisait pas encore tous ses besoins
d’information
.
Néanmoins, il ne suffit pas de disposer des données de fréquentation, au demeurant très
agrégées, communiquées par
l’opérateur ferroviaire
, ainsi que de celles relatives à la
composition et à la satisfaction de la clientèle issues des enquêtes sur la qualité de service. Les
AOM doivent aussi, pour remplir pleinement leur rôle, acquérir une connaissance des pratiques
de déplacement des différentes catégories de voyageurs, et ce tant pour les déplacements en
train que par d’autres modes de transport.
À titre d’exemple, la région Nouvelle Aquitaine affirme l’importance qu’elle donne à la
connaissance en profondeur des déplacements des habitants, qui aurait porté ses fruits en Suisse
et en Allemagne, en mentionnant les initiatives suivantes :
-
Un diagnostic des flux de mobilité (tous modes et tous motifs) réalisé dans le cadre de la
démarche Optim’Ter
;
-
La maîtrise d’ouvrage confiée par la région et 26 agglomérations au syndicat SRU
Nouvelle-Aquitaine Mob
ilités d’un plan de mobilité 2025
-2030 ; totalement intermodal, il
a identifié 40 corridors où il est nécessaire de développer une offre ferroviaire, de cars ou
de covoiturage et il donne lieu à de multiples études de faisabilité et de dimensionnement
du service ;
-
Au premier semestre 2023, une enquête auprès de personnes qui n’étaient pas usagers des
TER mais habitaient à proximité d’une gare, pour connaître les raisons pour lesquelles ils
ne prenaient pas le train pour leurs déplacements du quotidien ; cette enquête a révélé que
les principaux motifs du non-usage étaient la fréquence insuffisante des trains et des
horaires inadaptés aux horaires de travail, mais non les tarifs.
La plupart des régions (à l’exception de Centre
-Val de Loire et Bretagne) ont fait état
d’enquêtes de déplacement ou de mobilité, menées avec des méthodes et des partenaires propres
à chacune d’elles. Leur périodicité apparaît variable
: par exemple, la région Pays de la Loire
indique effectuer des enquêtes sur les pratiques de déplacement tous les deux ans alors que
l’Occitanie fait seulement état d’une consultation réalisée au premier semestre de 2016 à
l’occasion des «
états généraux du rail et de l’intermodalité
».
La connaissance précise des motivations et des freins à l’usage
des TER - qui doit
distinguer les cas où une offre existe de ceux où elle est lacunaire ou éloignée - paraît en
revanche presque totalement négligée. L’analyse des motifs de non
-usage menée par la région
Nouvelle Aquitaine et mentionnée ci-dessus semble constituer une exception. Tout en
confirmant l’importance de l’existence, de la proximité et de l’adaptation aux besoins de l’offre,
une enquête conduite récemment à l’échelle nationale par l’institut Ipsos apporte à cet égard de
nombreux éléments d’informat
ion.
38
Page 82, dernier paragraphe.
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS REGIO
NAUX À L’HEURE DE L’
OUVERTURE À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
33
Schéma n° 2 :
Classement des motifs de non-utilisation des transports en communs
Source : enquête Ipsos sur les mobilités en région commandées par Régions de France et Transdev, juin 2023
En particulier, les enquêtes de ce type devraient constituer un éclairage préalable aux
décisions tarifaires : ainsi le prix arrive en 7
e
position des motifs de non-utilisation. La
fréquence et les horaires des liaisons ainsi que la proximité des arrêts apparaissent bien plus
déterminants. D’autres résultats de l’enquête Ipsos c
orroborent ces constats.
De telles enquêtes type peuvent de surcroît contribuer au succès des initiatives prises
par plusieurs régions en matière de distribution des titres de transport, domaine dont l’ART a
souligné dans sa réponse aux observations provis
oires qu’il fait partie des chantiers à mener
pour maximiser les avantages de l’ouverture à la concurrence.
On peut enfin noter que dans les descriptions des effectifs des régions consacrés à la
gestion de l’activité TER produits durant l’enquête, à une e
xception près, on ne trouve pas la
mention d’un service ayant pour vocation la connaissance et l’analyse des publics.
Alors que la plupart des régions s’efforcent d’enclencher un cercle vertueux de
l’amélioration de l’offre et de l’accroissement de la fré
quentation, des progrès dans la
connaissance de la clientèle et de ses motivations
qui passent notamment par sa segmentation
en catégories pertinentes
pourraient accroître les chances de réussite de cette politique.
2.2.3
Des instruments à mettre au service du report modal
Parmi les nouveaux usagers du TER, certains sont plus précieux que d’autres
: ceux qui
abandonnent la voiture pour lui préférer les transports en commun. Comme l’a rappelé le
rapport de 2019
39
, lorsqu’un voyageur passe d’une voiture occupée
par 1,9 personnes en
moyenne à un TER électrique emportant 80 personnes, cela divise par plus de 10 les émissions
de gaz à effet de serre. Au-delà de fournir une solution de transport à un prix modéré, les fonds
39
Graphique n°9, page 60.
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS REGIO
NAUX À L’HEURE DE L’
OUVERTURE À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
34
publics engagés dans les TER trouvent, quand un report modal se produit, la justification
d’avoir engendré une réduction supplémentaire de gaz à effet de serre.
On peut certes objecter que l’électrification du parc automobile va progressivement
réduire cet avantage, mais ce n’est ni à court, ni à
moyen terme : alors que leur part dans les
achats de voitures neuves est à ce jour de 25 %, il faudra encore de nombreuses années pour
qu’elles deviennent dominantes dans le parc automobile français.
Le niveau de report modal apparaît donc comme un des critères de succès majeurs de la
politique publique qui s’incarne dans les budgets publics consacrés au TER et à ce titre, il
devrait être suivi grâce à un ou plusieurs indicateurs.
L’instruction a montré que la préoccupation du report modal était partagée p
ar la plupart
des régions. À côté de l’amélioration du volume et de la performance de l’offre et de la qualité
de service, les principales actions qu’elles ont mentionnées pour concrétiser cette orientation
ont été les suivantes :
-
La définition d’une strat
égie régionale des mobilités (Pays de la Loire, votée en mars
2021)
-
La promotion des transports collectifs et l’amélioration de l’information sur l’offre de
transports en commun (Hauts de France)
-
Le développement de solutions de billetterie intermodales (Provence-Alpes-Côte
d’Azur
40
, Nouvelle-Aquitaine)
-
Le développement de billets ou de forfaits intermodaux, soit à l’échelle d’une
agglomération, soit à celle de toute la région, , ainsi que l’homogénéisations des modes
de tarification des différents types de transport (Provence-Alpes-
Côte d’Azur),
-
La multiplication et la diversification des canaux de distribution des billets, notamment
par l’intermédiaire des buralistes (Grand
-Est)
-
La conception combinée des réseaux de cars et de trains, visant à un rabattement des
voyageurs par le transport routier vers les gares (Bourgogne-Franche Comté)
-
Les contrats opérationnels de mobilité conclus entre la région et les territoires formant
un bassin de mobilité (Bourgogne-Franche Comté)
Toutefois, seules deux régions (Auvergne-Rhône Alpes et Nouvelle-Aquitaine) ont été
en mesure de fournir des statistiques de report modal, qui sont partielles, portant uniquement
sur les trajets vers Lyon pour la première, sur la Gironde pour la seconde, et aucune région n’a
indiqué avoir mis en place un suivi statistique des reports modaux vers les TER.
Les régions
doivent donc progresser dans l’acquisition des
outils propres à
améliorer la connaissance des motivations et des attentes des différents segments de la
clientèle des TER et à assurer le suivi statistique
de l’indicateur clef des politiques de
transport que constitue le report modal.
40
Cette région a achevé en 2022 le déploiement d’un système billettique
unique sur toute la région.
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS
REGIONAUX À L’HEURE
DE L’OUVERTURE À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
35
2.3
L’enjeu des lignes peu fréquentées
Lorsqu'une ligne ferroviaire est peu fréquentée ou que son exploitation est fortement
déficitaire, la question de sa fermeture partielle ou totale se pose. Il ne faut pas la confondre
avec la suppression de la liaison, car celle-ci peut être maintenue sous la forme de cars ou de
bus, voire de services de transport à la demande.
2.3.1
Un refus assumé des régions de fermer les lignes ferroviaires peu fréquentées
Interrogées par la Cour, les régions ont apporté des éléments de réponse contrastés
s’agissant du diagnostic qu’elles portent sur la faible fréquentation de certaines lignes
:
-
La région Provence-Alpes-
Côte d’Azur
const
ate l’existence de territoires où la
population et l
es capacités d’accueil touristique étant faibles, le potentiel de
fréquentation reste très limité, quelle que soit la qualité de l’offre ferroviaire, mais où
«
le ferroviaire peut y avoir une part modale équivalente, voire supérieure à celle
constatée sur des lignes très fréquentées
» et y être très probablement indispensable,
particulièrement dans les territoires de montagne desservis par ces lignes les moins
fréquentées ;
-
La région Nouvelle Aquitaine constate que la fréquence insuffisante et les horaires mal
adaptés aux horaires de travail sont les deux freins principaux à l’usage du TER par les
personnes habitant à proximité des gares et mentionne la signalisation et les possibilités
de croisement insuffisantes sur les lignes à voie unique comme deux des obstacles pour
y remédier ;
-
La région Occitanie, considère, comme celle de Provence-Alpes-
Côte d’Azur, que
certaines lignes desservant des territoires peu denses ont un potentiel de fréquentation
limité mais constituent néanmoins un service essentiel indispensable, notamment aux
publics non motorisés
; elle mentionne d’autres causes de faible fréquentation
: la
qualité de service insuffisante et les caractéristiques des lignes à voie unique qui limitent
la fréquence des trains ;
-
La région Normandie a souligné, en citant l’exemple de la ligne Serqueux
-Gisors,
qu’une desserte limitée à quelques services par jour ne peut être attractive ni attirer des
clientèles nouvelles régulières ;
-
La région Grand-Est indique que «
l’analyse réalisée par la SPL montre que la
principale raison de la faible fréquentation de certaines lignes provient d’un manque
de potentiel voyageurs
» ;
-
La région Centre-Val de Loire note que la signalisation peu performante de certaines
lignes peu fréquentées limite le nombre de trains quotidiens à 6 allers-retours et que des
postes d’aiguillage manuels parfois non tenus y obligent à supprimer des trains
; elle
mentionne à l’inverse la ligne Tours
-Loches où le doublement de la fréquence (et le
quadruplement le week-end) a augmenté la fréquentation et fait passer de 30 % à 49 %
entre 2021 et 2023 la part des usagers occasionnels ;
-
La Bretagne rappelle la concurrence de la voiture et la limitation des fréquences
résultant de l’infrastructure
;
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS REGIO
NAUX À L’HEURE DE L’
OUVERTURE À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
36
-
La Bourgogne-
Franche Comté mentionne l’infrastructure dégradée, les coupures pour
travaux récurrentes qui rendent l’usage du train trop aléatoire et la démographie en
baisse de certains territoires. Elle mentionne aussi le coût élevé du cadencement des
trains sur des lignes peu fréquentées ;
Le questionnaire demandait si les pistes mentionnées dans la recommandation avaient
été explorées, ce qui incluait celle de fermer des lignes peu fréquentées. Unanimement, les
régions ont choisi de ne remettre en cause
aucune ligne. C’est seulement lorsque des sections
de ligne deviennent inutilisables
41
qu’elles procèdent à une adaptation de l’offre, ainsi qu’en
témoignent certaines réponses au questionnaire de la Cour.
-
Région Auvergne-Rhône-Alpes : «
aucune étude pros
pective n’a été conduite en vue
d’anticiper d’éventuelles substitutions de lignes ferroviaires par d’autres modes
»
-
Région Provence-Alpes-
Côte d’Azur : «
la région Provence-Alpes-
Côte d’Azur
n’envisage pas de suppression de ligne, et s’est même fixé comme
objectif de ne fermer
aucune ligne ni aucune gare. Cet axiome conduit à rechercher le potentiel de
fréquentation captable, à maximiser le rapport entre les voyageurs.kilomètres et les
trains.kilomètres, à optimiser les investissements et les charges d’expl
oitations
» (et à
travailler sur tous les paramètres de performance (la piste des arrêts à la demande étant
notamment mentionnée) ;
-
Région Pays de la Loire : «
La région n’envisage aucune fermeture de ligne
» ;
-
Région Hauts-de-France : «
La région a clairement refusé la fermeture de lignes sans
solution alternative crédible et efficace
»
La recommandation repose sur l’idée que la conception du réseau doit déterminer un
optimum, qui maximise la capacité et minimise le coût, et pour cela définir pour chacune de ses
sous-
parties la solution la plus avantageuse à l’échelle de l’ensemble des acteurs concernés et
en prenant en compte à la fois les critères financiers et les autres impacts des décisions :
économiques, sociaux, écologiques, d’attractivité...
Aux ye
ux de la Cour, cette position a deux corollaires. D’une part, elle doit aller de pair
avec la vérité des coûts (cf.
infra
) : les conséquences économiques de ce choix doivent être
calculées et publiées. D’autre part, elle justifierait d’accélérer les réflex
ions, les recherches
techniques et les évolutions de normes dans plusieurs directions : la réduction des contraintes
de toute nature qui entourent l’exploitation des lignes à faible capacité, l’allègement des
matériels et les solutions de transport collectif innovantes sur des sites propres.
2.3.2
L’analyse sociale, économique et environnementale de chaque ligne
ferroviaire peu fréquentée demeure nécessaire
La recommandation n°3 invitait les régions à réaliser une analyse sociale, économique
et environnementale de chaque ligne peu fréquentée afin de choisir entre la développer, la
maintenir en la gérant de façon plus économique, l’organiser avec un autre mode de transport
ou la supprimer. Les arbitrages sur le devenir des lignes des lignes relèvent de la responsabilité
des autorités organisatrices.
41
La région ARA a cité les lignes Oyonnax-St Claude et Boën-Thiers.
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS REGIO
NAUX À L’HEURE DE L’
OUVERTURE À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
37
Dans les réponses aux questionnaires, il est apparu que si des études d’études
correspondant à la préconisation de la Cour ne sont pas faites systématiquement, un certain
nombre avaient été réalisées par les régions.
-
La région Provence-Alpes-
Côte d’Azur
fait état de nombreuses études, relative à la
régénération de lignes, à la signalisation, au potentiel de fréquentation… pour l’Etoile
de Veynes et la Vallée de la Roya ainsi que d’une étude sur la complémentarité entre
les cars et les trains qui a permis de définir les restructurations des lignes routières du
réseau régional Zou !
-
La région Nouvelle Aquitaine a indiqué ne pas avoir réalisé d’étude exhaustive sur les
lignes peu fréquentées mais mentionne une étude sur le
s lignes de la Creuse qui s’est
achevée à la mi-2023 et une étude sur la ligne Saumur-La Roche sur Yon, incluant la
liaison Thouars-
Bressuire qui doit s’achever à la fin de 2023
;
-
La région Occitanie ne mentionne aucune étude correspondant à la recommandation ;
-
La Normandie fait seulement état d’études limitées visant à renforcer l’offre sur certains
axes présentant un potentiel et de travaux sur le recours à des trains légers, mais indique
que le manque de maturité des solutions technologiques actuelles ainsi que les fortes
incertitudes sur l’évolution des normes associées l’on conduite à suspendre cette
réflexion dans l’attente d’évolutions plus favorables. Elle mentionne que l’EPCI en
poursuit pour le tronçon Bréauté-Gravenchon ; dans sa réponse aux observations
provisoires, elle a indiqué avoir renoncé à une réouverture de la ligne Glos/Montfort-
Honfleur au vu du coût d’investissement par voyageur
;
-
La région Centre-Val de Loire a indiqué mener un travail de coordination avec les cars
sur plusieurs lignes, notamment Tours-Loches et Tours-Chinon ;
-
La région Bretagne mentionne des études sur les liaisons Morlaix-Roscoff, Auray-
Quiberon, Brest-Quimper et Mauron-La Brohinière ; la première, outre de chiffrer les
coûts de la rénovation, inclut l’examen «
d’alte
rnatives au modèle économique
habituellement utilisé
» ; la dernière est pilotée par la collectivité et vise à évaluer le
potentiel de fréquentation et à envisager la réouverture ;
-
La région Bourgogne-France Comté mentionne les études socio-économiques de SNCF
Réseau sur les lignes nécessitant d’importants travaux de régénération mais souligne
leurs faiblesses méthodologiques et indique que le projet de CPER prévoit des études
sur trois lignes ferroviaires dont la pérennité est menacée ; elle a aussi souligné que les
plans d’investissement de SNCF Réseau ne s’adaptent pas suffisamment à l’usage de la
ligne ;
-
La région Hauts-de-France a financé des études sur les liaisons Lille-Comines, Ascq-
Orchies et Abbeville-Le Tréport, qui sont actuellement fermées.
En outre, SNCF Voyageurs est intervenu en tant que fournisseur des études dans
plusieurs cas : sur la ligne Tours Loches en Centre Val de Loire
; à l’échelle de l’ensemble des
lignes en Nouvelle Aquitaine dans le cadre de la démarche «
Optim’TER
», qui a conduit à une
refonte complète de l’offre, ainsi qu’en Normandie avec l’
étude « Normandoscopie ».
Le cas de la ligne secondaire Nancy-Vittel-Contrexéville, fermée en grande partie
depuis décembre 2016 en raison de sa vétusté, illustre les enjeux de telles études. Celle du
cabinet Systra-Territoires Mobiles datée de 2018 montre de forts écarts de coût entre trois
scénarios étudiés : 850
K€/an pour la solution routière de remplacement existante
; 1 150 à
1 200
K€/an pour une solution routière amélior
ée ; et pour la solution ferroviaire, 4 500
K€/an
et 66
M€ d’investissement. Ce dernier montant passe à 124
M€ en 2022 dans une analyse socio
-
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS REGIO
NAUX À L’HEURE DE L’
OUVERTURE À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
38
économique coûts-avantages
42
qui chiffre les gains et les pertes de toute nature pour les
différentes catégories
d’
acteurs concernés par la réouverture, notamment : les usagers
(+34
M€),
la « puissance publique », à laquelle sont imputés les gains environnementaux (-
12
M€),
les riverains (-28
M€)
et la région (-398
M€)
. Au
taux d’actualisation de 4,5
% et sur
la période 2026-2070, la valeur actualisée nette globale du projet est négative (-520
M€)
. La
rénovation et la remise en exploitation de la ligne ont néanmoins été décidées, comme l’a
confirmé la région Grand-Est dans sa réponse aux observations provisoires.
Plusieurs régions ont mentionné un obstacle à la prise de décision en la matière : le
manque d’informations sur l’état du réseau.
-
Auvergne-Rhône-Alpes : «
afin de dimensionner et le cas échéant adapter l’offre
ferroviaire, elle
[la région]
doit être tenue infor
mée de l’état de l’infrastructure et des
risques de limitation de vitesse ou de fermeture… une vision à court, moyen et long
terme sur l’état actuel et prévisionnel de l’infrastructure lui est nécessaire… À ce jour,
l’information à ces différents horizons
reste insuffisante de la part de SNCF Réseau
» ;
-
La région Provence-Alpes-
Côte d’Azur
mentionne de même le fait que les données sur
les coûts de maintenance de l’infrastructure sont manquantes, SNCF Réseau refusant de
les fournir ;
-
La région Nouvelle Aquitaine critique le manque de connaissance par SNCR-Réseau de
l’état des infrastructures, «
la
réalisation de travaux au cas par cas, sans réelle vision
stratégique par axe
» et «
le manque de surveillance et de maintenance prédictive [qui]
conduit à réaliser des travaux en urgence quand les infrastructures tombent en
décrépitude
» ;
-
Grand-Est
: n’ayant pas de contrat avec SNCF Réseau, «
la Région ne peut pas avoir
une vision globale du coût des projets
», tandis que l’absence de concu
rrence en matière
d’infrastructure «
empêche des solutions innovantes ou plus compétitives en matière de
coût au km, notamment en s’adaptant aux charges attendues par la voie
».
D’une manière générale, l’état du réseau ferré n’est pas satisfaisant. Ainsi,
le 24 février
2023, la Première ministre a annoncé le lancement d’une «
nouvelle donne
» ferroviaire
représentant un investissement supplémentaire dans les infrastructures ferroviaires d’environ
100 Md€ d’ici 2040. Deux objectifs sont visés
: mettre un terme au vieillissement du réseau et
le moderniser,
avec une augmentation des dépenses d’investissement de 1,5
Md€ par an pour
des opérations de régénération et de modernisation ; et le développer, avec en particulier le
déploiement de RER métropolitains. La Cour a souligné, dans la note thématique « Apprécier
la contribution de la dépense publique à la transition écologique » publiée en juillet 2023
43
que
cet engagement n’était pas assorti
de décisions sur ses modalités de financement.
Au total, malgré la position de principe de ne pas diminuer le réseau ferré existant,
un certain nombre d’études qui correspondent à celles que préconisait la recommandation
ont été réalisées. Ces considérations conduisent à considérer la recommandation n°3
comme partiellement m
ise en œuvre.
42
Réalisée par un cabinet de conseil en novembre 2022
43
Documents | Cour des comptes (ccomptes.fr)
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS REGIO
NAUX À L’HEURE DE L’
OUVERTURE À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
39
2.4
Une qualité de service à mieux mesurer et améliorer
2.4.1
Une régularité et une ponctualité toujours insuffisantes
La qualité de service est principalement suivie à l’aide d’indicateurs relatifs d’une part
à la «
non réalisation de l’offre
», c’est
-à-
dire aux annulations, d’autre part aux retards. Leur
suivi est effectué en distinguant les causes : réseau, grève, causes externes et causes « TER »,
ces dernières pouvant être imputées au fonctionnement de SNCF Voyageurs. Elles ont deux
sources principales
: les retards ou les lacunes de la maintenance, qui entraînent l’indisponibilité
des rames, et le manque de conducteurs, qu’il résulte d’un sous
-
effectif ou de l’absentéisme.
Le taux de non-réalisation de 2020, qui résulte en grande majorité de déprogrammations,
peut être considéré comme non significatif du fait des mesures ayant accompagné la crise
sanitaire. Certaines années, notamment en 2019, les grèves sont, et de loin, la principale cause
de non réalisation de l’offre et expliquent donc ses varia
tions
44
.
Tableau n° 5 :
Taux de n
on réalisation de l’offre
45
2019
2020
2021
2022
2023
Taux de non-réalisation
10,19 %
25,54 %
6,91 %
5,01 %
5,15 %
- dont taux de
déprogrammation (avant J-1
à 16 heures)
7,65 %
23,86 %
3,49 %
2,48 %
2,54 %
-
dont taux d’annulation
(après J-1 à 16 heures)
2,54 %
1,69 %
3,43 %
2,54 %
2,61 %
-
dont taux d’annulation 2
heures ou moins avant
départ
ND
ND
ND
ND
ND
Source : SNCF Voyageurs
Les annulations inopinées, moins de deux heures avant le départ, représentent l’atteinte
la plus forte à la qualité de service en raison de leurs conséquences pour les voyageurs
46
,
notamment si elle concerne le dernier train de la journée. Or, SNCF Voyageurs a indiqué en
réponse à la Cour que «
Le taux d’annulation 2 heures ou moins avant le départ du train n’est
pas une information suivie dans les SI de SNCF Voyageurs, cette donnée n’existe pas.
»
Les retards constituent l’autre indicateur majeur de la qualité de service
47
.
44
Par exemple, en région Provence-Alpes-
Côte d’Azur, en 2019, 6,1
% sur un taux de non-réalisation de
8,8 % ; et 10 % sur un taux de 11,9 % au 1
er
semestre 2023.
45
Calculé sur la base des trains-km prévus et annulés.
46
La distance moyenne d’un trajet en TER
est de 50 km.
47
NB : les trains supprimés sont retirés de la population sur laquelle le taux de trains en retard est mesuré.
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS REGION
AUX À L’HEURE DE L’O
UVERTURE À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
40
Tableau n° 6 :
Taux de trains en retard au terminus au seuil de 5 minutes 0 seconde, toutes causes
confondues
48
Taux de trains en retard au terminus au seuil de 5min - toutes causes confondues
2019
2020
2021
2022
2023
TER Auvergne-Rhône-Alpes (y compris LEX)
11,7%
9,3%
8,6%
9,6%
11,4%
TER Bourgogne-Franche-Comté
8,4%
8,0%
7,9%
7,5%
8,6%
TER Bretagne
5,5%
5,6%
5,3%
5,7%
6,9%
TER Centre-Val de Loire
10,0%
10,2%
8,8%
11,1%
12,1%
TER Grand Est
6,8%
5,9%
6,5%
7,8%
9,5%
TER Hauts-de-France
12,1%
11,1%
11,2%
12,9%
13,4%
TER Normandie
7,9%
12,0%
8,4%
8,3%
8,5%
TER Nouvelle-Aquitaine
9,1%
9,8%
8,2%
10,4%
12,8%
TER Occitanie
11,9%
10,0%
10,4%
12,4%
13,6%
TER Pays de la Loire
9,0%
8,4%
7,0%
7,8%
9,0%
TER Provence-Alpes-Côte d'Azur
13,3%
11,2%
9,6%
11,8%
15,4%
TER National
9,7%
9,0%
8,4%
9,7%
11,2%
Source : SNCF Voyageurs, réponse au questionnaire de la Cour
Tant les taux de non-réalisation des offres que ceux de trains en retard paraissent
préoccupants
la Bretagne faisant exception, les seconds y étant inférieurs d’environ 40
% à la
moyenne nationale. Ils font du voyage en TER une entreprise soumise à des aléas significatifs :
les trains prévus ne se sont pas présentés à la gare une fois sur dix en 2019 et une fois sur vingt
en 2023. La même année, les trains qui étaient présents au départ sont arrivés une fois sur neuf
à leur termin
us avec plus de cinq minutes de retard sur l’horaire prévu.
SNCF Voyageurs explique la nouvelle dégradation constatée en 2023 comme suit : 2022
a connu des services allégés en raison de la crise sanitaire
, si bien qu’
un ressaut en 2023 était
inévitable ; la forte hausse de la fréquentation a accru
les temps d’attente en gare, les incidents
voyageurs
et d’autres causes de retard
; l
es événements climatiques (tempêtes, sécheresse…)
plus nombreux ont eu un impact défavorable sur la qualité de service. SNCF Voyageurs indique
aussi que les causes internes (i.e. imputables à SNCF-Voyageurs) des retards ont moins
progressé que les autres causes (causes externes et causes des gestionnaires d’infrastructure)
49
.
Quoiqu’il en soit, un tel niveau d’aléa limite le dévelo
ppement de la fréquentation des
TER et donc l’impact des fonds publics qui y sont investis
parce qu’il handicape le train dans
la concurrence avec les autres modes de transport.
Si les années 2020 et 2021 sont peu significatives du fait des diminutions des plans de
transport justifiées par la crise sanitaire et si les taux de retard moyen toutes régions confondues
restent à peu près stables, Les différences de taux entre les régions sont en revanche frappantes,
48
Un taux de trains en retard au terminus au seuil de 5 minutes 0 seconde pour des causes considérées
comme relevant de la responsabilité de SNCF-Voyageurs est également mesuré ; sa moyenne nationale sur les
mêmes années 2019-
2022 s’établit respectivement à 4,2
%, 3,6 %, 3,4 % et 4,1 %
49
Le taux de trains en retard au terminus au seuil de 5min pour des causes imputables à SNCF Voyageurs
passe de 4,1 % en 2022 à 4,7 % en 2023, cette hausse de 0,6 % est inférieure à la hausse de 1,5 % du taux de trains
en retard toutes causes confondues
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS REGIO
NAUX À L’HEURE DE L’
OUVERTURE À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
41
l’écart entre la Bretagne et les Hauts
-de-France étant de 126 % toutes causes confondues et de
146 % pour les causes TER.
La qualité de service ne se réduit pas à la réalisation de l’offre et à la ponctualité, elle
repose sur de nombreuses autres caractéristiques, qui, depuis le domicile du voyageur j
usqu’à
sa destination, façonnent son expérience globale. SNCF Voyageurs, dans le cadre des
démarches qualité entreprises par plusieurs régions, a élaboré un référentiel détaillé qui couvre
la qualité des gares, l’accessibilité des trains, leur équipement,
leur confort, leur propreté
50
,
l’information des voyageurs, les services rendus et la qualité de l’accueil. Les conventions avec
SNCF Voyageurs comprennent un volet de « suivi de la qualité » qui définit divers critères et
prévoit des enquêtes sur la qualit
é perçue auprès des voyageurs, avec une périodicité d’une ou
plusieurs années selon les régions.
2.4.2
Des outils et indicateurs de suivi de la qualité qui doivent progresser
La méthode de suivi des retards
qui n’enregistrait que les retards su
périeurs à cinq
minutes en considérant que ce seuil n’était franchi qu’au
-
delà de 5’59’, a fait l’objet de critiques
depuis de nombreuses années. L’ART a exigé et obtenu des statistiques enregistrant les retards
à partir de 5’00’’ et la région Bourgogne
-Franche-Comté a obtenu une comptabilisation sur
cette base dans sa convention avec la région. Une partie des retards n’est donc pas
comptabilisée, ceux de moins de 5 minutes
51
. Ainsi, à la demande faite à SNCF Voyageurs
durant l’instruction de fournir le taux
de retards au seuil de 1’, il a été répondu
: «
Le taux de
retard au seuil de 1 mn 0 seconde n’est pas un indicateur suivi dans les SI
[systèmes
d’information]
de SNCF Voyageurs
».
Les retards ne sont constatés qu’au terminus. Si un train qui y arrive ave
c moins de cinq
minutes de retard est passé aux autres arrêts de la ligne avec plus de cinq minutes de retard
52
il
sera considéré comme ponctuel, même si certains de ces arrêts ont vu monter ou descendre une
grande part des voyageurs. Enfin, les retards au départ et aux passages en gare ne sont en général
pas suivis.
S’agissant de la réalisation de l’offre, celle
-ci ne consiste pas seulement à faire rouler
les trains annoncés, mais aussi à présenter une capacité d’emport correspondant à celle qui était
prév
ue. Le suivi de la réalisation de la capacité d’emport devrait donc être complété de celui de
la conséquence d’une capacité insuffisante
: la suroccupation, d’autant plus que si la croissance
du trafic se poursuit, la fréquence de ces situations va s’accro
ître.
Le principal reproche qui peut être fait aux outils de suivi de la qualité est qu’ils ne sont
pas construits du point de vue des voyageurs : un train annulé qui aurait voyagé avec 10
passagers compte autant qu’un autre qui était attendu par 500 voya
geurs. Les taux de retard qui
précèdent étant calculés par trains, si les retards ne se répartissent pas également quel que soit
50
On relève toutefois le laxisme de ce référentiel en ce qui concerne le point névralgique des toilettes : il
n’en exige qu’une seule en service par rame et tolère «
jusqu’à 3 détritus au m
2
».
51
Dans sa réponse aux observations provisoires, la région Hauts-de-France indique que si le gestionnaire
d’infrastructure dispose de la donnée relative aux retards
compris entre 4’59’’ et 5’59’’, il se refuse à répartir les
causes et les responsabilités sur cette tranche.
52
Il n’est pas rare qu’au cours du trajet, un train rattrape ou réduise le retard qu’il avait initialement.
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS REGIO
NAUX À L’HEURE DE L’
OUVERTURE À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
42
leur remplissage, et notamment si les trains les plus fréquentés sont plus souvent en retard que
les autres, alors l’aléa perçu
par les voyageurs sera plus élevé
53
.
SNCF Voyageurs, à la demande de l’ART, calcule néanmoins le nombre de voyageurs
touchés par les retards, en considérant que lorsqu’une rame arrive en retard au terminus, tous
les passagers qui l’ont empruntée depuis son
départ ont subi une nuisance. Cette hypothèse
rééquilibre les cas non comptabilisés où une rame arrive à l’heure après avoir été en retard aux
étapes intermédiaires. En 2021 et 2022 respectivement, les 28,2 et 43,6 millions de voyageurs
ayant subi un retard de plus de 5 minutes représentaient respectivement 11,1 % et 12,4 % du
total des voyageurs, soit des taux supérieurs à celui des trains en retard.
Enfin, outre d’être multicritères, la mesure de la qualité de service doit veiller à pondérer
les
critères en fonction de l’importance que lui accordent les voyageurs.
2.4.3
Des incitations financières à la qualité renforcées, mais trop récentes pour
avoir des effets visibles
La recommandation n°2 invitait les régions à « durcir
» les dispositifs d’incitatio
n et de
sanction en matière de qualité de service figurant dans leurs conventions avec SNCF-
Voyageurs. Celles-
ci définissent des objectifs (de taux de réalisation de l’offre, de taux de
retard, de résultats des enquêtes de satisfactions…) et, selon qu’ils
sont atteints ou dépassés, un
bonus ou un malus. Pour les trains annulés sont prévus des mécanismes de pénalités ou de
réfaction des coûts d’exploitation facturés par l’opérateur à la région. Les montants totaux de
ces incitations ou sanctions sont plafonnés, à des niveaux variables selon les régions.
53
L’évaluation de politique publique
réalisée par la CRC Auvergne-Rhône-Alpes et mentionnée dans
l’introduction contien
t une analyse de la qualité de service réalisée du point de vue du voyageur.
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS REGIO
NAUX À L’HEURE DE L’
OUVERTURE À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
43
Tableau n° 7 :
État des incitations financières à la qualité de service des TER en M€
En M€
2019
2020
2021
2022
2023
Pénalités
Auvergne-Rhône-Alpes
-7.53
-4.75
-3.94
-6.20
-9.38
Bourgogne-Franche-Comté
-0.34
-0.49
-0.89
-0.70
-1.68
Bretagne
-0.98
-3,5
-0.80
-0.39
-0.88
Centre-Val de Loire
-1.38
-1.94
-0.93
-1.46
-1.08
Grand Est
-11.5
-18.7
-6.13
-9.7
-13.40
Hauts-de-France
0.11
-5.14
-2.28
-1.28
-7.90
Normandie
-0.20
0.07
-0.54
-0.10
-0.55
Nouvelle-Aquitaine
-2.8
-7.17
-1.85
-1.81
-4.91
Occitanie
-0.72
-2.2
-2.45
1.83
-4.08
Pays de la Loire
1,7
1,7
0,8
0,5
0
Provence-Alpes-Côte d'Azur
-0.95
-36
54
-0.25
-0.82
0.69
Bonus (+) / malus (-)
Auvergne-Rhône-Alpes
3.7
1.98
3.63
0.27
-1.50
Bourgogne-Franche-Comté
0.24
0.083
0.19
0.20
-0.06
Bretagne
0.07
0.04
-0.03
0.39
0.27
Centre-Val de Loire
0
0
0
0
0
Grand Est
-0.1
-0.052
0.1
-0.2
-0.41
Hauts-de-France
-2.48
1.82
-0.82
-3.8
-1.60
Normandie
0.3
0
-0.16
0.58
1.10
Nouvelle-Aquitaine
2.27
1.65
2.98
0.02
-1.40
Occitanie
-0.83
0.12
0
-0.3
0.29
Pays de la Loire
0.11
0.65
0.65
0.22
-0.39
Provence-Alpes-Côte d'Azur
0.79
1,76
-1.62
-1.39
-0.83
Source : SNCF Voyageurs, réponses au questionnaire de la Cour
Le total national des pénalités s’est élevé à
-24,6
M€ en 2019,
-20,1
M€ en 2022 et
-
43,2 M€ en 2023
; les mêmes années, la somme algébrique des bonus et malus a été
respectivement 4,0
M€,
- 4
M€ et
-
4,5 M€.
Longtemps proches de 0,5 % du total facturé chaque
année dans le cadre des conventions, les pénalités ont atteint 1% environ de ce total en 2023.
Jusqu’à 2022, ces faibles taux étaient parfois l’effet
des plafonnements prévus dans les
conventions : ainsi, en Occitanie en 2019, alors que la somme des pénalités et des réfactions de
charges pour non-
réalisation de l’offre atteignaient 4,56
M€, le plafonnement les a ramenées à
3,5
M€. En Provence
-Alpes-
Côte d’Azur, le plafond des bonus
-malus et pénalités représente
environ 1,5 % du forfait de charges dit « C1 ».
Les réponses des régions ont bien révélé une intensification de ces incitations et
sanctions, dans toutes les régions, mais à des degrés divers, dont voici quelques illustrations :
54
Ce montant inclut des réfactions de charges
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS REGIO
NAUX À L’HEURE DE L’
OUVERTURE À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
44
-
En Occitanie, une augmentation du plafond des pénalités, de 3,5
M€ au
début de la
convention (2023) à 4,3
M€ en 2032, un objectif de taux de retard terminus pour cause
TER de 2,7
% en début de convention qui baisse progressivement jusqu’à 2,0
% en
2032
et la définition d’un sous
-ensemble de services pour lequel un plafond des bonus-
malus atteint 3,35
M€ en fin de convention ;
-
En Pays de la Loire, la nouvelle convention 2022-2031 prévoit une « trajectoire de
qualité » où quatre des cinq objectifs progressent de 0,2 % par an à partir de 2025 ;
-
En Normandie, 58 indicateurs de qualité déterminent un bonus-malus de 1,8
M€
maximum auquel peuvent s’ajouter des pénalités d’un maximum de 1,2
M€
; le contrat
de performance signé avec SNCF Réseau prévoit lui aussi un système de bonus-malus
pour les retards ;
-
En Bourgogne-Franche-Comté, le critère de la régularité a été durci en abaissant le seuil
des retards de 5’59’’ à 4’59’’, en montant le plafond des pénalités à 6
M€ et en
augmentant fortement (de 0,5
€ ou 3,7
€ par train
-
km à 2€ ou 9€) le barème des
réfactions en cas d’annulation de
train ;
-
La région Grand-Est a indiqué dans sa réponse aux observations provisoires que le
nouveau contrat qu’elle avait signé avec SNCF
-Voyageurs en décembre 2023 était bien
plus exigeant vis-à-
vis de l’exploitant
;
-
En Hauts-de-
France, l’ouverture à la co
ncurrence du lot de «
l’Etoile d’Amiens
» se
traduit par une exigence accrue, en portant l’objectif de taux de régularité (causes
opérateurs) à 98,5 % et en accroissant les pénalités, notamment pour les suppressions
en heure de pointe ; cette convention supprime les bonus : «
le bonus de l’opérateur est
désormais le résultat net » et porte le plafond des pénalités et malus de 1 % à 5 % des
charges. Simultanément, la région a profité de l’avenant de prolongation de la
convention TER pour porter de 1,8
M€ à 3
,6
M€ le plafond annuel des pénalités pour
trains supprimés à partir de 2024.
Indépendamment des sanctions financières, certaines régions ont mis en place d’autres
leviers d’amélioration de la qualité.
En Occitanie, la nouvelle convention prévoit un disp
ositif d’identification des lignes
« sensibles », celles où les résultats sont les plus éloignés des objectifs, pour lesquelles des
objectifs spécifiques de redressement et des plans d’action sont définis et suivis dans le cadre
d’une instance
ad hoc
réunissant des représentants de la région et de SNCF Voyageurs.
En Grand-Est, la région compte sur les compétences regroupées dans la SPL « Grand-
Est Mobilités » pour «
mener une mission d’analyse de la performance, selon une approche
complète du système ferro
viaire…
», contrôler quotidiennement le journal des événements
d’exploitation et l’affectation des responsabilités, appliquer les clauses contractuelles, piloter
les plans de performance et ainsi aboutir à « la définition par celle-ci de sa politique de qualité
à moyen et long terme ».
Au total, on constate que les régions ont toutes élevé leur niveau d’exigence, même si
certaines l’ont fait avec plus de détermination ou d’intensité que d’autres.
Il est donc permis de considérer que la recommandation n° 2 a été totalement mise
en œuvre.
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS REGIONAUX À L
’HEURE DE L’OUVERTUR
E À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
45
______________________ CONCLUSION INTERMÉDIAIRE ______________________
Le dynamisme de la fréquentation et des recettes des TER depuis la fin de la crise
sanitaire constitue un fait nouveau qui, s’il se prolonge, engendrera un contexte favorable à
l’ouverture à la co
ncurrence.
Il représente aussi un défi pour la qualité de service, alors que celle-ci, en moyenne et
dans beaucoup de zones, se situe à un niveau préoccupant en ce qui concerne les annulations
de trains et la ponctualité. Il importe d’améliorer les outils
de son suivi, notamment en
pondérant les résultats par trains par le nombre de voyageurs concernés par les incidents.
Leviers majeurs de la fréquentation, l’accroissement de l’offre et son adaptation aux
besoins du public impliquent de réviser les plans de transport, notamment en cherchant à
développer le cadencement. Si les appels d’offres vont forcément conduire à de telles révisions,
celles-ci restent en permanence nécessaires.
La présente enquête n’a pas analysé les leviers de la fréquentation que sont
l’information du public sur l’offre existante et les systèmes de distribution et de billetterie, mais
elle a montré que la connaissance des usagers peut s’améliorer, ainsi que celle des personnes
qui n’utilisent pas les TER. Celle
-
ci n’est pas la moins importante, alors qu’une des
justifications des moyens considérables que les pouvoirs publics consacrent aux TER réside
dans la contribution à la décarbonation des passagers qui renoncent à la voiture pour choisir
le train. Or, ce report modal ne fait l’objet
d’aucun suivi.
Les régions ont fait le choix unanime de ne supprimer aucune ligne. L’optimisation que
permettrait un choix entre le train et le car en fonction des caractéristiques de chaque liaison
ne peut donc pas avoir lieu. Les surcoûts qui en résult
ent, qu’il convient de mesurer et de
publier, réduisent les moyens disponibles pour améliorer le volume et la qualité de l’offre.
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS REGIO
NAUX À L’HEURE DE L’
OUVERTURE À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
46
3
UNE ACTIVITÉ TOUJOURS LARGEMENT SUBVENTIONNÉE
PAR LES REGIONS
3.1
Un financement public qui reste très élevé
Le coût total de
l’activité TER (exploitation et investissement) peut être estimé en 2023
à 10,9 Md€ en prenant
en compte
l’ensemble des contributions supportées par les voyageurs et
les différents acteurs institutionnels (État, régions, SNCF Réseau), en hausse de 31 % par
rapport à 2017 (8,3
Md€
55
). La part des financements publics reste très élevée avec 83,5 % (9,1
Md€) contre 85,5
% en 2017. Elle se répartit comme suit :
-
5,5
Md€
financés
par
les
régions
(contributions
d’exploitation
et
dépenses
d’investissement)
56
;
-
2,7 Md
€ financés par l’État (redevances d’accès au réseau
, régénération et subvention au
régime de retraite des cheminots
57
) ;
-
0,9
Md€ financé par SNCF Réseau (écart entre les recettes et les coûts imputable
s aux TER).
Graphique n° 2 :
Financement des TER en 2023 (en Md€)
Source
: Cour des comptes d’après CGDD, SNCF, Commissariat général à la stratégie et à la
prospective et Bilans annuel des Transports.
55
Hors coûts environnementaux : ceux-
ci sont estimés à 0,3 Md€ pour 2023 (cf.
Annexe n° 3) contre 0,2
Md€ en 2017.
56
Ce montant comprend également les compensations tarifaires et les montants versés par Ile-de-France
Mobilités à certaines régions pour l’arrêt de leurs TER dans des gares franciliennes.
57
L’État verse chaque année une subvention d’équilibre au régime de r
etraite spécifique dont bénéficient
les cheminots (personnels du groupe SNCF employés sous ce statut). L’État a versé 3,25 Md€ en 2023. Les
personnels affectés à l’activité TER employés sous le statut des cheminots représentent 19,8 % des effectifs au
stat
ut du groupe. La part de la subvention versée par l’État est donc estimée à 643 M€.
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS REGIO
NAUX À L’HEURE
DE L’OUVERTURE À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
47
Entre 2017 et 2023, la part financée par les voyageurs a progressé de 70 %, celle des
régions de 41 % et celle de l’État de 35
%.
Toutefois, cette comparaison doit être relativisée, en raison du transfert aux régions des
trains Intercités. En outre, l’effort des régions en matière d’investissement s’est accru
sensiblement alors qu’il s’agit de dépenses qui ont vocation à être amo
rties à long terme et non
l’année de leur comptabilisation.
Au sein de ce total, l
es dépenses d’investissement des régions ont représenté
environ 1,7
Md€ en 202
3. Environ 67 % de ce montant est consacré au matériel roulant. Ce poste a plus
que
doublé par rapport à 2017 (0,5 Md€) en raison du renouvellement de rames arrivées en fin
de vie, en particulier les rames des lignes Intercités transférées par l’État pour le renouvellement
desquelles il a prévu un soutien financier à destination des régi
ons. Le niveau d’investissement
dans le réseau reste stable sur la période à environ 0,3 Md€ par an, soit un niveau équivalent à
celui mesuré en 2017.
3.2
La hausse récente du niveau de contribution des voyageurs au
financement des TER
3.2.1
La hausse des recettes perçues auprès des voyageurs
Les recettes d’exploitation de l’activité TER représentaient 5,7 Md€ en 2023
contre 4,7
Md€ en 2019. Elles proviennent essentiellement des contributions d’exploitation versées par
les régions
58
qui se sont élevées à 3,7 Md€
59
, soit environ 65 % du montant total, et des recettes
issues des voyageurs pour plus de 1,7 Md€.
La période récente est marquée par la progression en 2022 et 2023 des recettes
commerciales des voyageurs (ou recettes directes du trafic) en raison essentiellement de la
hausse de la fréquentation (effet volume), du transfert des trains Intercités à la région
Normandie (effet périmètre). Ceci a mécaniquement conduit à une réduction de la part financée
par les régions
60
et à un nouvel équilibre du financement des activités TER.
Il reste que si l’on se réfère à l’année 2021, le niveau de contribution des voyageurs
(23,2 %) apparaît en retrait par rapport à ceux relevés pour les services conventionnés dans les
58
Hors compensations tarifaires. Leurs montants correspondent aux sommes versées à SNCF Voyageurs
par l’État ou les régions pour compenser les réductions de tarifs qu’ils consentent à certaines catégories d’usagers
(militaires, jeunes etc.). Elles se sont élevées à 54,5 M€ en 2023.
59
Les contributions des régions progressent de 0,3 Md€ en 202
3. Cette hausse est due pour partie
environ 0,1 Md€ –
à un changement de régime juridique de l’exploitation des TER en Occitanie. Depuis 2023, au
plan fiscal, la région est l’exploitante du service. Ce changement fait de la région la propriétaire des tit
res de
transport que SNCF Voyageurs doit lui racheter pour pouvoir les commercialiser (intermédiation opaque). Pour
maintenir l’équilibre économique de la convention et compenser la charge d’achat des titres supportée par SNCF
Voyageurs, la région a augmenté sa contribution.
60
Le niveau de contribution des régions par voyageur.km est passé de 21,6 à 17,4
centimes d’euro entre
2019 et 2023, en neutralisant les effets du changement de régime fiscal intervenu en 2023 en Occitanie indiqué
supra
.
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS REGIO
NAUX À L’HEURE DE L’
OUVERTURE À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
48
pays européens voisins de la France : 32,2 % en Allemagne, 27,5 % en Italie et 26 % en
Espagne
61
.
Graphique n° 3 :
Répartition des recettes
d’exploitation de l’activité TER
(en Md€)
Source
: Cour des comptes d’après SNCF Voyageurs. Note
: la grève de décembre 2019 a réduit la part
des recettes commerciales.
Comparées aux
coûts d’exploitation, les recettes commerciales ont également
sensiblement progressé. Elles équivalaient à 32,4 % en 2023
62
contre environ 25,7 % en 2019.
Dans son rapport précédent, la Cour relevait que les recettes commerciales représentaient 25 %
des coûts d’exploitation
de 2017.Cette augmentation sensible n’est toutefois pas effectuée à
périmètre constant, 18 lignes de trains Intercités ayant été transférées aux régions et intégrées
aux TER entre 2018 et 2020. Les e
ffets de ce transfert n’ont pu être neutralisés faute de données
précises disponibles.
Les principaux contributeurs sont les voyageurs occasionnels qui représentaient 82 %
des recettes en 2023 mais seulement 62 % du trafic contre respectivement 18 % et 38 % pour
les abonnés. Cette situation témoigne des politiques tarifaires favorables aux abonnés mises en
place par les régions depuis des années.
61
Source : IRG Rail,
11th IRG-Rail Market Monitoring Report, Working Document
, avril 2023.
62
En neutralisant les effets du changement de régime fiscal intervenu en Occitanie Cette part baisse à
29,6 % (estimation) en excluant le transfert des trains Intercités à la région Normandie.
3,3
3,6
3,6
3,4
3,7
1,2
0,8
1,2
1,6
1,7
0,2
0,2
0,2
0,2
0,3
0,0
1,0
2,0
3,0
4,0
5,0
6,0
2019
2020
2021
2022
2023
Contributions des régions
Recettes
voyageurs
Autres (compensations tarifaires etc.)
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS REGIO
NAUX À L’HEURE DE L’
OUVERTURE À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
49
Graphique n° 4 :
Comparaison des recettes issues des voyageurs et du trafic en 2019 et 2023
Source
: Cour des comptes, d’après
SNCF Voyageurs
Cependant, la situation des voyageurs occasionnels est légèrement plus favorable en
2023
qu’en 2019. S’ils ont contribué un peu plus (+
6 %), ils ont davantage voyagé (+ 8 %). Le
recul concernant les abonnés pourrait être lié au développement du télétravail.
Un examen de l’origine des recettes par canal de vente montre la très forte progression
du poids du numérique passant de 44 % en 2019 à 69 % des recettes en 2023 alors que, dans le
même temps, la part des ventes aux guichets et aux automates passaient de 52 % à 29 %.
3.2.2
Des hausses de tarifs liées essentiellement à l’augmentation du coût de
l’é
nergie
Sauf exception, la plupart des régions ont augmenté leurs tarifs au cours de la période
examinée, en particulier en 2022 et en 2023. La croissance des recettes tirées du trafic
voyageurs résulte ainsi pour partie d’une hausse des tarifs régionaux.
Seule la région Hauts-de-
France indique ne pas avoir augmenté ses tarifs depuis plusieurs années en raison de
l’insuffisan
te qualité du service
63
.
Toutefois, la hausse de 11,6 % de la recette par voyageur.km constatée entre 2019 et
2023 (8,4 centimes d’euro)
est inférieure à l’inflation
.
En réalité, il n’y a pas eu de politiques
de hausse des prix visant à réévaluer la contribution des usagers au-
delà de l’inflation dans le
financement de l’activité. Les hausses appliquées avaient
principalement pour objectif de tenir
compte de l’augmentation du coût de l’énergie.
Les évolutions des grilles tarifaires ne sont pas uniformes et varient selon les régions,
les produits et les publics concernés.
La diversité des tarifs pratiqués ne va d’ailleurs pas sans
63
La région Hauts-de-France a augmenté ses tarifs à compter du 1
er
février 2024.
24%
18%
46%
38%
76%
82%
54%
62%
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
100%
Recettes 2019
Recettes 2023
Trafic 2019
Trafic 2023
voyageurs occasionnels
voyageurs abonnés
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS REGIO
NAUX À L’HEURE DE L’
OUVERTURE À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
50
soulever certaines difficultés. Dans un rapport de 2021
64
, Régions de France et la Fédération
nationale des associations d’usagers des transports (FNAUT) relevaient que l’offre tarifaire
TER manquait parfois de visibilité et de lisibilité pour les usagers.
Des gamme
s de tarifs n’ont parfois pas été augmentées, comme les abonnements à
destination des jeunes. Certaines régions ont d’ailleurs instauré de manière durable ou
temporaire des dispositifs de gratuité pour les jeunes.
De fait, le poids des recettes commercial
es varie d’une région à l’autre.
Graphique n° 5 :
Répartition des recettes de l’activité TER par région en 2023
Source
: Cour d’après SNCF Voyageurs
Note : la région Normandie se démarque en raison du poids des recettes perçues auprès des voyageurs. Cette
situation résulte des effets du transfert des lignes Intercités que la région a intégrées dans ses lignes TER en
conservant leur grille tarifaire. La contribution de la région Occitanie comprend la compensation versée à SNCF
Voyageurs en raison du changement de régime fiscal (cf. supra).
Si les régions invoquent l’objectif de réduction des émissions de gaz à effets de serre
pour proposer des prix et une offre de service visant à encourager le report modal vers le
transport ferroviaire, elles défendent également le ch
oix d’une politique tarifaire qualifiée
d’incitative pour accroître les recettes issues du trafic. Elles mettent, ainsi, en avant la possibilité
de concilier des prix attractifs avec une augmentation des recettes.
Pourtant, comme indiqué dans l’enquête Ipsos précitée, le prix n’est pas le principal
frein à l’attractivité du train, le premier étant l’insuffisance de l’offre.
Les régions misent sur une politique tarifaire incitative pour accroître la fréquentation
et les recettes issues du trafic.
64
FNAUT et Régions de France
, Analyse comparée des tarifications régionales de l’offre de transport
interurbaine
, mai 2021.
0,0%
20,0%
40,0%
60,0%
80,0%
100,0%
Contributions des régions
Recettes
voyageurs
Autres recettes
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS REGIO
NAUX À L’HEURE DE L’
OUVERTURE À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
51
Au regard
de l’effet volume résultant de la hausse de la fréquentation, l
a Cour
considère en conséquence que la recommandation n° 6 de 2019 a été partiellement mise
en œuvre
.
3.3
Une hausse des coûts d’exploitation
3.3.1
L’impact déterminant des péages, du coût de l’énergie
et des charges de
personnel
Les coûts d’exploitation pour l’ensemble des TER ont atteint 5,5 Md€ en 2023
65
, soit
une progression de 22,2 % depuis 2019
66
. Le quart environ de cette hausse des coûts résulte des
effets du transfert en 2020 par l’État des lign
es Intercités normandes à la région
67
. De 2019 à
2020, les coûts d’exploitation de la région
Normandie ont, en effet, doublé pour atteindre près
de 370 M€.
Le niveau de coûts observé en 2023 résulte aussi de l’accroissement des péages payés à
SNCF Réseau et des redevances de gares versées à Gares & Connexions
68
. Entre 2019 et 2023,
les premiers ont augmenté de 9 % pour s’élever à 894
M€ quand les secondes progressaient 45
% pour atteindre 381 M€
69
. Au total, ces péages et redevances représentaient 23 % des dépenses
d’exploitation en 2023.
Le niveau des péages est jugé excessif et difficilement soutenable financièrement par
les régions. Elles dénoncent également les modalités de calcul de la redevance de marché perçue
par SNCF Réseau qui, tenant compte du volume des circulations (sillons.km), apparaît comme
un frein au développement de l’offre. Sa transformation en un forfait
70
pour les années 2024 à
2026 est censée favoriser, toutes choses égales par ailleurs, le développement de l’offre de TER
à un coût moind
re qu’actuellement. Cependant, la région Hauts
-de-France précise que le niveau
du forfait est trop élevé et ne suffira pas à soutenir l’accroissement de l’offre. Surtout, certaines
régions signalent que les hausses annoncées des péages ferroviaires pour les années à venir
65
Une partie
environ 0,1 Md€ –
de la hausse de 0,5 Md€ entre 2022 et 2023 tient au changement de
régime fiscal intervenu en Occitanie (cf. 3.2.1).
66
Et de 20 % en neutralisant les effets du changement de régime fiscal intervenu en Occitanie.
67
Ce pourcentage est une estimation. En effet, les lignes Intercités ont été intégrées aux lignes de TER de
la région et il n’a pas été possible, faute d’un niveau de détail suffisant, d’isoler dans les statistiques les données
correspondant aux seules lignes transférées. Par ailleurs, les règles de répartition des charges entre lignes ont
évolué au cours de la période examinée, rendant là aussi difficile une analyse précise à périmètre comparable. Pour
neutraliser l’effet de ce transfert, il a été appliqué aux données 2019 de la région Normandie
, soit avant le transfert
des trains Intercités,
les évolutions annuelles constatées à l’échelle nationale, hors région Normandie, de 2
020 à
2023.
68
Hors redevances d’accès dont le coût est supporté par l’État.
69
Les hausses sont respectivement de 3,6 % et 40,2 % (estimations) en neutralisant le transfert des lignes
Intercités à la région Normandie.
70
Dans le cadre de la mise en place de la tarification binomiale des services conventionnés de transport
de voyageurs à compter de 2024, la redevance de marché sera déterminée de manière à couvrir les coûts fixes de
mise à disposition du réseau, indépendamment du volume des circulations.
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS REGION
AUX À L’HEURE DE L’O
UVERTURE À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
52
devraient contraindre les régions à une révision de leur politique en matière de transport
ferroviaire (hausse des tarifs, baisse de l’offre etc.)
71
.
Ce niveau de coût tient également à l’augmentation des dépenses liées à l’énergie
(électrique et diesel) dont le poste a progressé de 41,5 % entre 2022 et 2023 et de 138 % depuis
2019
72
. La part de ce poste de dépenses s’élevait à 7,1 % des charges en 2023.
Graphique n° 6 :
Coûts d’exploitation des TER (en Md€)
Source : Cour des comptes d’après SNCF Voyageurs
(comptes de résultat par destination retraités des résultats
financiers).
Parmi les autres coûts figurent ceux liés aux charges de personnel (+ 6 % entre 2022 et
2023)
73
et aux frais de structure du groupe SNCF. Ces derniers
représentaient 109 M€ en 2023,
s
oit un montant élevé, bien qu’en baisse par rapport à 2019 (119 M€), pour des dépenses qui
bénéficient peu à l’activité des TER comme le relevait la
Cour dans son rapport de 2019
74
.
En revanche, les coûts d’exploitation par voyageur.km sont en diminution de
11,3 %
(de 29,3 à 26 c€ par voyageur.km)
75
entre le début et la fin de la période en raison de la hausse
du nombre de passagers transportés (par train ou par car), qui est passé de 15,4 milliards de
voyageurs.km en 2019 à 20,8 milliards en 2023, soit une progression de 35 %, illustrant
71
Saisi par sept régions (Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne-Franche-Comté, Centre-Val de Loire,
Hauts-de-France Occitanie, Nouvelle-Aquitaine et Grand-Est) et Ile-de-
France Mobilité, le Conseil d’État a
annulé, dans son arrêt n° 472859 du 5 mars 2024, la tarificat
ion d’utilisation du réseau ferré national pour 2024 en
relevant que les autorités organisatrices n’avaient pas été mises en mesure d’exprimer un avis éclairé sur le projet
de tarification par manque d’information et que le calendrier n’avait pas permis qu
e leurs observations sur le projet
de tarification soient effectivement prises en considération.
72
La progression est de 126 % (estimation) en neutralisant le transfert des lignes Intercités à la région
Normandie.
73
D’après les comptes de résultat par nature (CRN), les charges de personnel s’élevaient à environ
1,8
Md€ en 2023.
74
Le montant de la redevance pour 2017 s’élevait alors à 74 M€.
75
En neutralisant les effets du changement de régime fiscal intervenue en Occitanie en 2023.
4,2
4,4
4,6
4,8
5,0
5,2
5,4
5,6
2019
2020
2021
2022
2023
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS REGIO
NAUX À L’HEURE DE L’
OUVERTURE À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
53
l’importance d’accroître la fréquentation dans le contexte d’une industrie de réseau à coûts fixes
élevés. Cette hausse de la fréquentation est portée à 38 % par le transfert des trains Intercités à
la région Normandie. Les c
oûts d’exploitation par train.km
82
sont en hausse, d’environ
8,2 %,
pour une offre de transport ferroviaire également en hausse de 10,8 %.
Ces évolutions entre 2019 et 2023 sont à relativiser. Le mouvement de grève du mois
de décembre 2019 a limité le nombre de trains et donc de passagers sans que cela se soit
répercuté de manière proportionnelle au niveau des coûts.
Selon les régions, la nouvelle génération de conventions conclues récemment de gré à
gré avec SNCF Voyageurs devrait leur permettre
d’obtenir
des gains financiers en matière
d’exploitation
grâce à la hausse
de l’offre de service à
un coût, hors inflation, constant ou en
baisse. Ces dispositions plus favorables résulteraient notamment de la pression exercée sur
SNCF Voyageurs par l’ouverture à la concurrence de l’activité.
Les années à venir permettront de dresser un bilan de ces nouvelles conventions et
d’apprécier la réalité des gains annoncés
et la maîtrise des coûts d’exploitation
.
Enfin, plusieurs régions œuvrent au développement de trains légers ou très légers. Le
format de ces matériels roulants plus petits que les TER classiques, est adapté aux besoins des
lignes locales peu fréquentées
tout en permettant de réduire les coûts d’
exploitation et de
maintenance. Le cadre réglementaire a été récemment complété
76
pour permettre l’utilisation
de ce type de trains sur des lignes locales. Plusieurs projets de développement de trains légers
sont en cours. Ils bénéficient de financements publics voire, pour certains, de financements du
groupe SNCF. Certaines régions signalent, toutefois, que SNCF Réseau ne s’est pas encore
dotée d’un référentiel technique adapté à ce nouveau type de matériel roulant.
3.3.2
L’a
daptation de la présence humaine dans les trains et les gares
La Cour relevait en 2019 que beaucoup de régions privilégiaient le maintien de l’offre
de service sans tenir compte des économies que pouvaient engendrer le progrès technique et
l’évolution des comportements des usagers, en ajustant notamment le niveau de
présence
d’agents en gare et à bord des trains au strict nécessaire (recommandation n° 4). A ce stade, il
apparaît que cette adaptation des moyens humains a été partiellement engagée.
La fin de la présence systématique d’un agent d’accompagnement est quas
i généralisée,
seule la région Hauts-de-
France a maintenu le principe d’une présence humaine systématique.
Le plus souvent, lorsque les conditions sont réunies
77
, les agents commerciaux à bord des trains
(ou « contrôleurs ») sont remplacés par des équipes mobiles. Au total, les coûts liés à
l’accompagnement des trains ont connu une baisse d’environ 2,3 % entre 2019 et 2023.Pour
autant, certaines régions soulignent l’intérêt de maintenir une présence humaine sur une partie
des lignes, notamment rurales, la présence
d’un agent facilitant l’information et
l’accompagnement des voyageurs.
76
Décret n° 2022-64 du 25 avril 2022 relatif à la sécurité de l'exploitation de services locaux de transport
ferroviaire de voyageurs.
77
Conditions techniques
(notamment la possibilité pour le conducteur de s’adresser aux voyageurs)
et
tenant à la bonne exploitation de la ligne. Par exemple, une présence humaine est obligatoire sur les lignes à voie
unique.
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS REGIO
NAUX À L’HEURE DE L’
OUVERTURE À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
54
Cette réorganisation concerne également les gares : certaines sont fermées, les horaires
d’ouvertures des guichets sont réduits et des équipes mobiles sont constituées. La missi
on de
ces équipes comme celles des agents qui restent affectés dans une gare, se diversifient. Elles
comprennent la vente de billets, le contrôle des titres de transports, l’information des usagers
etc. En parallèle, les modalités de ventes des billets se sont étoffées : développement des
automates ou de la vente par internet ainsi que le recours à des tiers (buralistes, offices de
tourisme, maisons de la presse par exemple) permettant de couvrir un large public.
Des régions, toutefois, ont choisi de ne pas fermer de gares ou de ne pas réduire les
horaires d’ouverture des guichets, ou à tout le moins d’en limiter la mise en œuvre, afin de
répondre aux attentes d’un public peu familier avec l’achat dématérialisé de billets.
La région Auvergne-Rhône-Alpes, par exemple, a signé avec SNCF Mobilités en juin
2019 un moratoire sur les fermetures de guichets dans les gares : plus aucune ne peut intervenir
si une solution alternative de vente avec un contact humain n’est pas proposée partout où cela
est nécessaire.
La région Pays de la Loire, après la suppression de 99
000 heures d’ouverture de
guichets entre 2018 et 2020, a inscrit le gel de cette tendance dans la convention 2022-2031
signée avec SNCF Voyageurs.
La région Centre-
Val de Loire, pour sa part, n’a fermé
aucune gare depuis 2019 et a
prévu dans la convention 2022-
2031 que toute modification des horaires d’ouverture des
guichets doit recueillir son accord. La région travaille également au renforcement des missions
d’information et de conseil des agents en ma
tière de mobilités durables.
Plusieurs régions ont indiqué préparer un bilan de ces nouveaux modes d’organisation
fondés notamment sur une plus grande polyvalence des agents. Certaines ont d’ores et déjà
évalué les réductions de coûts auxquels ils devraient conduire. Ainsi, pour la région Nouvelle-
Aquitaine, la révision du schéma de distribution des billets devrait conduire selon les
estimations faites par SNCF Voyageurs à environ 24,5 M€ d’économies de fonctionnement sur
la période 2024-2030.
Pour sa part, la région Hauts-de-France indique avoir débuté un audit de ce poste de
charges.
Eu égard aux différences de situation et dans l’attente des bilans préparés par
certaines régions, la Cour considère en conséquence que sa recommandation n° 4 de 2019
a été partiellement
mise en œuvre.
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS REGIO
NAUX À L’HEURE DE L’
OUVERTURE À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
55
3.4
La clarification des rôles de l’État et des régions en matière de
financement et de gestion
des lignes d’intérêt local ou régional
3.4.1
Les modalités de financement des travaux de régénération des lignes
ferroviaires de desserte fine du territoire précisées
Face aux inquiétudes exprimées par les régions sur l’état des infrastructures des lignes
de desserte fine du territoire (LDFT)
78
et les conditions de financement de leurs opérations de
régénération
79
, le Gouvernement a missionné début 2019 le préfet François Philizot afin de
parvenir à une vision partagée des modalités de financement de ces opérations.
Ses travaux ont débouché sur la répartition de ces lignes en trois catégories
80
auxquelles
sont associées des règles de financement spécifiques. Cette répartition des LDFT
a fait l’objet
de protocoles conclus entre l’État et la quasi
-totalité des régions concernées, sans pour autant
écarter les critiques formulées par ces dernières sur les limites de la nouvelle classification ou
le
transfert des coûts de régénération d’un réseau qui appartient à l’État et qu’il a
insuffisamment entretenu.
Ce schéma vise à clarifier
le rôle de l’État et des régions en matière de
financement des
travaux de régénération
81
. Il laisse à la seule charge de
l’État et de SNCF Réseau le financement
des travaux de régénération des lignes structurantes et à celle des régions celui des lignes
d’intérêt local tout en prévoyant des financements croisés dans le cadre des contrats de plan
État-Régions (CPER) pour les lignes intermédiaires.
Tableau n° 8 :
Clés de financement des travaux de régénération des lignes peu fréquentées
Catégories
Caractérisation des lignes
Logique de financement
1
Lignes accueillant des dessertes nationales TGV
et/ou TET
SNCF Réseau avec contractualisation
et dotation de l’État
2
Lignes accueillant des liaisons entre les
principales agglomérations régionales
Contrats de plan État-Régions avec
possibilité de modulation des
participations
3
Lignes à faible trafic en quasi mono-activité
voyageurs d’intérêt
local
Régions
Source : SNCF Réseau, Lignes de desserte fine du territoire
Une nouvelle méthode pour les projets de
modernisation, édition 2021.
78
Lignes classées dans les catégories UIC (Union internationale des chemins de fer) 7 à 9 avec voyageurs,
soit généralement les lignes les moins fréquentées. Ces lignes ont accueilli 21 % du trafic (en train.km) des TER
en 2021.
79
Ces opérations consistent à remplacer tout ou partie des éléments constitutifs de la voie (ballast,
traverses, rails etc.). On parle aussi d’opérations de renouvellement.
80
Cette catégorisation repose sur la prise en compte de la typologie du trafic (TGV, TET, TER), du niveau
d’usage (nombre de circulations) et de la densité de population et d’emplois situés dans un rayon de 10 Km autour
des gares desservies. Ce faisant, elle se substitue à la classification UIC considérée parfois comme ne reflétant
qu’imparfaitement l’importance d’
une ligne.
81
Cependant, il ne définit pas les clés de financement des travaux de modernisation de ces lignes qui ne
seraient pas pris en compte lors des opérations de régénération.
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS REGIO
NAUX À L’HEURE DE L’
OUVERTURE À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
56
Toutefois, l’État continue de solliciter les régions pour le financement de projets de
régénération du réseau structurant, comme pour la ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse ou le
nœud ferroviaire de Bordeaux.
Cette répartition s’inscrit en cohérence avec l’évolution du code des transports dont les
dispositions ont été complétées pour permettre aux régions qui le souhaitent, de se voir confier
les infrastructures ferroviaires d’intérêt local ou régional à faible trafic et répond également aux
observations formulées par la Cour dans son rapport de 2019.
3.4.2
Le transfert aux régions de certaines lignes à faible trafic : un dispositif
juridique récent encore peu sollicité
Issu de mesures législatives récentes
82
, le régime juridique permettant la
mise en œuvre
de la recommandation formulée par la Cour est en place (voir Annexe n° 4).
Conformément aux dispositions prévues par le code des transports et le code général de
la propriété des personnes publiques, les régions qui le souhaitent, peuvent demander à l’État
le transfert de propriété ou de gestion
83
de lignes ferroviaires locales ou régionales à faible trafic
et des installations de service qui leur sont majoritairement dédiées, ainsi que le transfert de
gestion des gares dites mono-transporteurs.
Les transferts sont effectifs
après signature d’une convention entre la région et SNCF
Réseau et, éventuellement, Gares & Connexions, qui en précise les conditions, en particulier
financières. Les régions qui en bénéficient, sont libres de confier à toute personne tout ou partie
des mi
ssions de gestion de l’infrastructure et des gares concernées.
Seules deux lignes (Montréjeau-Luchon et Alès-Bessèges
84
en Occitanie) avaient été
transférées
à fin 2023. D’autres transferts
devraient intervenir compte tenu des accords délivrés
par le ministre chargé des transports.
Par ailleurs, la région Grand Est a également obtenu un accord préalable pour le transfert
de propriété de trois lignes. Plus largement, cette région prévoit de demander en 2024 le
transfert de l’intégralité des LDFT.
Si d’autres régions ont pu manifester leur intérêt, elles n’ont pas formulé de demandes
de transfert. La mise en œuvre du dispositif rencontre, en effet, plusieurs limites.
Les régions déplorent l’absence de tenue d’une comptabilité par ligne par SNCF
Réseau
85
ou par gare par Gares & Connexions qui ne leur permet pas d’évaluer avec une
assurance raisonnable les coûts futurs des lignes (maintenance et régénération). Le transfert de
lignes soulève naturel
lement la question de leur équilibre financier alors qu’il s’agit
d’infrastructures peu fréquentées et nécessitant des dépenses d’entretien ou de remise en état
significatives. Un autre frein est l’absence d’informations suffisamment précises et récentes s
ur
82
Les lois n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités dite LOM et n° 2022-217 du
21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de
simplification de l'action publique locale dite 3DS.
83
Le transfert de gestion peut porter sur tout ou partie des missions exercées par SNCF Réseau.
84
Lignes non exploitées dont les réouvertures sont prévues respectivement en 2024 et 2028.
85
SNCF Réseau indique avoir engagé un processus de refonte de ses processus comptables pour permettre
l’établissement de compte
s de lignes.
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS REGIONAUX À L
’HEURE DE L’OUVERTUR
E À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
57
l’état des installations, en particulier les ouvrages d’art. Certaines régions manifestent peu
d’intérêt pour obtenir le transfert, régi par le code des transports, des seules gares éligibles, dites
mono-transporteurs
86
alors que celles-ci ne représentent que quelques gares sur une ligne.
Tableau n° 9 :
Lignes* bénéficiant d’un accord préalable délivré par le ministre chargé des
transports en vue de leur transfert à une région
Section transféré
Bénéficiaire
Linéaire (km)
Nombre de
gares/haltes
Type de
transfert
Date de
l’accord
délivré par le
ministre
Montréjeau -
Luchon
Occitanie
35,1
4
Gestion
9 septembre 2021
Alès - Bessèges
31,4
3
Jarville - Vittel
Grand Est
77,5
16
Propriété
31 août 2023
Molsheim - Saint-
Dié-des-Vosges
68
7
2 octobre 2023
Saint-Dié-des-
Vosges - Arches
48
19
Obernai - Sélestat
23
7
Source
: Cour d’après DGITM
; *Hors lignes de fret.
La Cour considère en conséquence que sa recommandation n° 1 de 2019 relative
aux transferts de ligne n’
a été que partiellement
mise en œuvre.
Il apparaît ainsi nécessaire
d’aller plus loin que la seule définition du cadre juridique.
SNCF Réseau doit examiner en concertation avec les régions et en coordination avec le
ministère chargé des transports les moyens de fournir les informations financières, comptables
et techniques nécessaires pour permettre aux régions de formuler en toute connaissance de
cause une demande de transfert.
______________________ CONCLUSION INTERMÉDIAIRE ______________________
Les régions sont les principales contributrices au financement des TER. Elles assurent
65 % des recettes d’exploitation (5,7 Md€) et 50 % du coût complet (10,9 Md€). Si la part des
recettes voyageurs a augmenté en 2023 en raison de la hausse de la fréquentation, elle reste
largement minoritaire (30,5 %). En effet, les politiques tarifaires des régions se veulent
86
Selon le décret 2021-966 du 20 juillet 2021 : «
Est éligible à l'application des dispositions de l'article
L. 2121-17-4 du code des transports, une gare de voyageurs dans laquelle le nombre d'arrêts marqués par des
services de transport ferroviaire de voyageurs faisant l'objet de contrats de service publics relevant d'une même
autorité organisatrice représente au moins 95 % du nombre total d'arrêts de services réguliers »
. Le décret prévoit
également que la gestion des gares d’intérêt national ne peut faire l’objet d’un transfert aux régions.
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS REGIO
NAUX À L’HEURE DE L’
OUVERTURE À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
58
attractives pour encourager l’usage du train et réduire ainsi les émissions de gaz à effets de
serre. Si les années 2022 et 2023 ont été marquées par une hausse conséquente du trafic et des
recettes commerciales, les années à venir confirmeront ou infirmeront la pertinence
économique de cette stratégie. Les régions pourraient alors être contraintes d’augmenter la
part de leurs contributions ou de réviser leurs politiques de prix.
Les charges d’exploitation ont progressé pour atteindre 5,5 Md€ fin 2023. Dans
l’ensemble, une rationalisation des moyens humains présents dans les trains et gares a été mise
en œuvre. Pour autant, ce levier est insuffisant pour limiter les coûts d’exploitation. Selon les
régions, la nouvelle génération de conventions conclues récemment de gré à gré avec SNCF
Voyageurs leur permettrait d’obtenir des gains financiers. Ces dispositions plus favorables
résulteraient notamment de la pression exercée sur SNCF Voyageurs par l’ouverture à la
concurrence. Le bilan de ces nouvelles conventions
qu’il conviendra de tirer,
permettra
d’apprécier la réalité des gains annoncés.
Enfin, l
e cadre juridique a évolué pour permettre aux régions d’obtenir le transfert des
lignes ferroviaires régionales ou locales à faible trafic, et des gares mono-transporteurs.
Toutefois, ce dispositif a été peu utilisé. Plusieurs régions ont renoncé à un transfert de lignes
faute d’informations
financières et techniques suffisantes. Ce
sont autant d’obstacles qu’il
convient de lever po
ur faciliter les transferts. À défaut, les régions sont privées d’un outil
de
gestion pour répondre aux besoins des usagers des lignes locales.
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS REGIO
NAUX À L’HEURE DE L’
OUVERTURE À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
59
ANNEXES
Annexe n° 1.
Rappel des constats et recommandations de la Cour formulées en
2019 et évaluation de leur mise en œuvre
...............................................
60
Annexe n° 2.
Structuration par lots et calendrier des appels à la concurrence au
mois de mars 2024
...................................................................................
65
Annexe n° 3.
Calcul des coûts environnementaux du TER
...........................................
69
Annexe n° 4.
Cadre juridique du transfert de propriété ou de gestion de certaines
infrastructures ferroviaires du réseau ferré national au profit des
régions
.....................................................................................................
70
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS REGIO
NAUX À L’HEURE DE L’
OUVERTURE À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
60
Annexe n° 1.
Rappel des constats et recommandations de la Cour formulées en
2019 et évaluation de leur mise en œuvre
1. Transférer aux régions qui le souhaitent la propriété des infrastructures
régionales
Le partage
des rôles respectifs de l’État et des régions sur le réseau où ne circulent que
les TER éta
it clair jusqu’en 2016, année à partir de laquelle SNCF Réseau s’est désengagée
financièrement des investissements de renouvellement sur les lignes les moins fréquentées.
Pour la Cour, si ce désengagement se confirmait, les régions qui souhaiteraient prendre en
charge ces investissements pourraient légitimement revendiquer le transfert à leur profit de la
gestion ou de la propriété de ces infrastructures.
Ainsi, les régions auraient la maîtrise des choix d’investissement, de renouvellement ou
de développement, et de maintien ou non des lignes existantes. Elles pourraient disposer
également
de la capacité de choisir le gestionnaire d’infrastructure chargé de l’entretien de la
ligne. La même question se posait pour les gares régionales ou locales, dont la gestion ou la
propriété pourraient également être transférées aux régions.
Recommandation n° 1
: Transférer aux régions qui le souhaitent la propriété des
infrastructures régionales (réseau secondaire, gares locales) et leur laisser le choix des modalités
de gestion et d’entretien (État, régions).
La Cour considère que cette reco
mmandation a été partiellement mise en œuvre
(cf. 3.4.2).
2. Accroître l’exigence sur le niveau de qualité de service attendu
Malgré les efforts des régions pour rendre toujours plus attractive
l’utilisation des TER,
la Cour constatait une diminution de la fréquentation sur la période 2012-201 dont une des
causes principales était la dégradation continue de la qualité de service.
L’offre de transport
apparaissait de moins en moins fiable et le niveau de satisfaction des usagers était plutôt faible.
La Cour relevait la prise de conscience récente des régions et de SNCF Mobilités. Ainsi
les conventions conclues entre les régions et SNCF Mobilités prévoyaient des mécanismes
financiers pour prendre en compte l’atteinte ou non des objectifs en termes de qualité de service.
Toutefois, l
’analyse des conventions en vigueur entre 2012 et 2017
faisait apparaître une
diversité de situations entre les régions, montrant une plus ou moins forte sensibilité aux enjeux
de la qualité de service.
Recommandation n° 2
: Accroître l’exigence sur le niveau de qualité de service attendu de
l’exploitant et renforcer le niveau d’incitation (pénalités, bonus
/malus) (régions).
La Cour considère que cette recommandation a été complètement
mise en œuvre
(cf. 2.4.3).
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS REGIO
NAUX À L’HEURE DE L’
OUVERTURE À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
61
3. Réaliser une analyse sociale, économique et environnementale de chaque ligne
peu fréquentée
La Cour constatait que sur les 20 489 km de lignes utilisées par les TER, 9 137 km de
lignes étaient classés parmi les lignes les moins fréquentées (catégories UIC 7 à 9 ou lignes de
desserte fine des territoires). Elle estimait que cette situation devait conduire les régions à
s’interroger sur le devenir de certaines lignes et gares, tout en étant très prudent sur les bilans
qui pouvaient être tirés. En effet, une faible fréquentation peut, dans certains cas, trouver une
explication dans la mauvaise qualité du service (retards des trains, annulations), dans la
dégradation des infrastructures conduisant à des incidents fréquents et des ralentissements et
dans l’insuffisance de l’offre proposée et son inadaptation aux
besoins des usagers.
Un éventail de solutions à la disposition des régions pour améliorer la gestion de ces
dessertes était ainsi identifié : amélioration des plans de transports, exploitation et maintenance
de la ligne confiées à d’autres entreprises que
SNCF Mobilités et SNCF Réseau, adaptation des
équipements et des référentiels de sécurité, recours à d’autres solutions de transport que le mode
ferré (cars, minibus etc.). Pour la Cour, toutes ces solutions devaient faire l’objet d’analyses
sociales, économiques et environnementales comparées pour déterminer les modalités de
transport les plus pertinentes.
Recommandation n° 3
: Réaliser une analyse sociale, économique et environnementale de
chaque ligne peu fréquentée permettant à chaque région de choisir entre les options suivantes :
développer la ligne, la maintenir en la gérant de façon plus économique, l’organiser avec un
autre mode de transport ou la supprimer (régions, SNCF Mobilités, SNCF Réseau).
La Cour considère que cette recommandation a été par
tiellement mise en œuvre
(cf. 2.3).
4. Veiller, dans l’élaboration des cahiers des charges, à limiter les coûts
d’exploitation
La Cour relevait que les coûts d’exploitation du TER n’avaient cessé d’augmenter entre
2012 et 2018 et que, dans l’ensemble, les régions étaient trop peu impliquées dans la
rationalisation de l’activité avec une priorité souvent donnée au maintien de l’off
re de service
existante. Beaucoup de régions privilégiaient ainsi la stabilité de l’offre, refusant les économies
rendues possibles par le progrès technique et l’évolution des comportements des
usagers.
Il était constaté que de nombreuses conventions prévoyaient que SNCF Mobilités devait
maintenir tous les guichets existants, y compris les moins fréquentés, alors même qu’une
proportion croissante d
’usagers
achète ses billets TER en ligne ou sur un distributeur. Par
exemple, la convention TER de Bourgogne-Franche-Comté prévoyait que la région
n’approuverait aucune suppression de guichet sans l’accord du maire concerné sur une solution
alternative. De nombreuses conventions, comme par exemple celle du Nord-Pas-de-Calais,
stipulaient que SNCF Mobilités devait
prévoir un agent d’accompagnement (contrôleur) à bord
de chaque train, alors même que les trains récents peuvent être mis en œuvre par le conducteur
seul, à l’instar des trains RER.
Recommandation n° 4
:
Veiller, dans l’élaboration des cahiers des charges, à limiter les coûts
d’exploitation, notamment en ajustant le niveau de présence d’agents en gare et à bord des trains
au strict nécessaire (régions).
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS
REGIONAUX À L’HEURE DE L’OUVERTURE À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
62
La Cour considère que cette recommandation a été partiellement
mise en œuvre
(cf. 3.3.2).
5. Revoir les plans de transport afin de les rendre plus fiables et d’améliorer la
régularité des trains
Pour la Cour, les régions ne cherchaient pas suffisamment à rationaliser le plan de
transport qu’elles commandaient à SNCF Mobilités, ce qui pouvait conduire à une utilisation
insuffisante des personnels et des matériels. Un trafic organisé (Pays de la Loire) autour de deux
pointes (matin et soir) conduisait à rémunérer des personnels (contrôleurs et conducteurs) pour
un temps de travail effectif très faible. Inversement, un cadencement (Grand Est notamment)
permettait d’optimiser l’emploi des conducteurs et des contrôleurs et l’utilisation des matériels.
Par ailleurs, des trains relativement fréquentés effectuaient trop souvent des arrêts dans
des gares accueillant très peu de passagers. Ces arrêts multiples allongeaient les temps de
parcours, diminuaient l’attractivité de ces
trains par rapport à la route pouvant, in fine, réduire
leur fréquentation et donc les recettes commerciales.
Recommandation n° 5
: Revoir les plans de transport afin de les rendre plus fiables et
d’améliorer la régularité des trains (régions, SNCF Mobili
tés, SNCF Réseau).
La Cour considère que cette recommandation a été partiellement mise en œuvre
(cf. 2.2.1).
6. Réexaminer le niveau de contribution des clients aux coûts du TER
Le financement de l’activité TER était essentiellement assuré par la subvention publique
alors que les usagers étaient de moins en moins sollicités. Les politiques tarifaires mises en
œuvre par les régions avaient continuellement réduit la p
articipation des usagers au coût du
service.
Cette politique favorable aux usagers
ne s’était pas accompagnée d’une augmentation
de la fréquentation sur la période 2012-2017. Au contraire, les régions avaient enregistré une
baisse des recettes directes d’environ 100 M€ au cours de ces six années, liée pour moitié à la
baisse des tarifs et pour l’autre moitié à la baisse de la fréquentation.
La Cour constatait ainsi que la participation des usagers
au coût des TER s’était
dégradée dans la plupart des régions. La question de revoir le niveau des recettes directes en
réévaluant les gammes tarifaires était donc posée. Pour la Cour, une augmentation des tarifs ne
serait acceptée que si la qualité de service s’améliorait significativement en contrepartie.
Recommandation n° 6
: Réexaminer le niveau de contribution des clients aux coûts du TER,
en lien notamment avec la qualité du service (régions).
La Cour considère que cette recommandation a été partiellement
mise en œuvre
(cf. 3.2).
7. Fiabiliser les informations qui sont susceptibles d’être demandées par les régions
Les données techniques et financières sont indispensables aux régions : d’une part, pour
la gestion q
uotidienne de l’activité, notamment pour contrôler le service fait et, le cas échéant,
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS REGIO
NAUX À L’HEURE DE L’
OUVERTURE À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
63
appliquer des pénalités à SNCF Mobilités ; d’autre part, pour préparer les futurs appels d’offres
dans le cadre de l’ouverture à la concurrence.
La réglementation nation
ale (code des transports) prévoit que l’exploitant communique
aux régions l’ensemble des informations relatives au service prévu et réalisé et que le secret des
affaires ne peut faire obstacle aux demandes d’information des régions. Un accord conclu en
2012 entre SNCF Mobilités et Régions de France (association des régions) vient compléter ce
dispositif en définissant 36 indicateurs que l’exploitant doit transmettre aux régions. Toutefois,
dans le cadre de l’ouverture à la concurrence, SNCF Mobilités devra
communiquer des données
supplémentaires afin que les régions puissent préparer leurs appels d’offres, notamment en
découpant, si elles le souhaitent, le réseau régional en lots.
Le décret du 20 août 2019 identifie les catégories d’informations exigibles par l’autorité
organisatrice et celles devant être communiquées aux candidats dans le cadre des procédures
d’appels d’offres. Il répond à deux demandes fortes des régions : d’une part, il leur appartient
de préciser à SNCF Mobilités le niveau de détail sou
haité dans les informations ; d’autre part,
elles disposeront des plans de maintenance du matériel roulant garantissant la continuité de
l’exploitation en toute sécurité. Pour la Cour, la mise en œuvre du décret nécessitera que SNCF
Mobilités se mette en mesure de fournir les informations demandées, en qualité et dans les
temps impartis.
Recommandation n° 7
: Fiabiliser les informations qui sont susceptibles d’être demandées par
les régions en application du décret du 20 août 2019 (SNCF Mobilités).
La Cour considère que cette recommandation a été partiellement
mise en œuvre
(1.2.1).
8. Renforcer l’expertise technique, juridique et financière des régions afin de
prépa
rer efficacement les futurs appels d’offres
La Cour dressait le constat d’une préparation inégale des régions à l’ouverture
à la
concurrence.
Certes, depuis 2002, les régions avaient développé une compétence pour contrôler
l’activité de l’exploitant ferrov
iaire et en analyser les coûts et les résultats et avaient étoffé
régulièrement leurs équipes tout en faisant également appel à des cabinets d’audit. Cependant,
la plupart des régions avaient encore peu pris conscience des enjeux de l’ouverture à la
concur
rence et surtout des moyens à mettre en œuvre pour réussir les futures opérations
d’appels d’offres. Au
-delà de la taille même des équipes, ce sont les compétences qui devaient
évoluer, en intégrant davantage de profils d’expertise technique, juridique et
financière.
La Cour invitait également les régions à entamer au moins une mise en concurrence à
titre expérimental pour acquérir de l’expérience et une expertise sur ces procédures, longues et
techniques, afin d’être prêtes lorsque la concurrence deviendra
la règle.
Recommandation n° 8
: Renforcer l’expertise technique, juridique et financière des régions
afin de préparer efficacement les futurs appels d’offres (régions).
La Cour considère que cette recommandation a été partiellement
mise en œuvre
(cf. 1.2.2).
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS REGIO
NAUX À L’HEURE DE L’
OUVERTURE À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
64
9. Filialiser l’activité TER
La Cour constatait que SNCF Mobilités avait pris conscience tardivement de l’urgence
à évoluer et à se préparer à la concurrence
. Si la mise en œuvre de plans stratégiques avaient
permis d’améliorer la qualité du service, l’activité TER continuait de se heurter à des contraintes
structurelles sur lesquelles elle n’avait alors pas de prise.
Les coûts des fonctions support assurées p
ar SNCF Mobilités et par l’établissement
public SNCF risquaient de s’avérer nettement plus élevés que ceux des concurrents potentiels.
La séparation des moyens entre les activités TER, TGV, Intercités et Fret s’était parfois réalisée
au détriment de l’activité TER. En outre, la direction générale des TER n’avait pas la main sur
un certain nombre de décisions essentielles.
Ces handicaps, selon la Cour, ne seraient pas surmontés tant que l’activité TER n’aurait
pas obtenu tous les moyens et compétences propre
s à son fonctionnement ainsi qu’une véritable
autonomie de gestion. Aussi, la filialisation de l’activité constituait, pour la Cour, une véritable
piste pour répondre à ces difficultés.
Recommandation n° 9
: Filialiser l’activité TER et lui transférer l’es
sentiel des fonctions
support assurées actuellement pour son compte par SNCF et SNCF Mobilités (SNCF, SNCF
Mobilités).
La Cour considère que cette recommandation est devenue sans objet (cf. 1.2.3).
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS REGIO
NAUX À L’HEURE DE L’
OUVERTURE À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
65
Annexe n° 2.
Structuration par lots et calendrier des appels à la concurrence au
mois de mars 2024
NB : la date indiquée dans les tableaux pour la mise en service est celle du service
annuel, qui débute en décembre n-1.
Source des tableaux
: Cour des comptes d’après données Régions
.
Auvergne-Rhône-
Alpes
Mtrains.km
En
%
Mvoy.km
%
AAPC
Attribution
Mise
en
service
Etoile lyonnaise
13,4
35%
1 195,4
37%
mars 2028
décembre
2030
2034
Etoiles
Chambéry/Grenoble
6,7
18%
448,7
14%
janvier
2025
juin 2027
2033
Longue distance
8,5
22%
1 177,0
37%
mars 2025
décembre
2027
2034
Haute-Savoie et
transfrontalier
4,5
12%
213,8
7%
mars 2028
décembre
2030
2034
Auvergne
4,8
13%
157,8
5%
septembre
2024
décembre
2026
2029
Total
37,9
3 192,7
Bourgogne-
Franche-Comté
Mtrains.km
En
%
Mvoy.km
%
AAPC
Attribution
Mise
en
service
Etoiles Dijon et
Besançon
8,0
44%
504,1
43%
1 lot en
2025
2 lots en
2028
1 lot en 2028
2 lots en
2031
1 lot en
2030
2 lots en
2033
Haut Jura Pieds
des Vosges
2,2
12%
47,8
4%
Paris-Dijon-Lyon
3,4
19%
470,1
40%
Bourgogne Ouest-
Nivernais
4,7
26%
151,2
13%
Juillet 2023
été 2025
2027
Total
18,3
1 173,2
Centre Val
de Loire
Mtrains.km
En
%
Mvoy.km
%
AAPC
Attribution
Mise en
service
Les lots seront
définis au 1
er
semestre 2025
Premier
AAPC au
printemps
2026
2030 pour
le 1
er
AAPC,
puis 2031
et 2032
Total
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS REGIO
NAUX À L’HEURE DE L’
OUVERTURE À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
66
Grand Est
Mtrains.km
En
%
Mvoy.km
%
AAPC
Attribution
Mise en
service
Nancy-Vittel-
Contrexéville
0,2
1%
4,0
0%
juillet et
septembre
/2020
mai 2024
Transdev,
NGE
Concessions,
Caisse des
dépôts
Fin 2027
Vosges Bruche
Piémont
2,5
7%
113,4
5%
juillet et
septembre
2020
début 2025
2027
Transfrontalier
(2 lots)
3,4
9%
161,7
6%
Décembre
2021
début 2025
2026
Etoile de
Reims
4,9
14%
181,6
7%
mars ou
avril 2024
2026
2028
Sillon Lorrain
3,2
9%
343,2
14%
2025
2027
2029
RER Bâlois
0,4
1%
24,2
1%
2026
2028
2030
Etoile de
Strasbourg /
Mulhouse
5,3
15%
255,6
10%
2026
2028
2030
Etoile de Metz
/ Nancy
5,7
16%
228,6
9%
2027
2029
2031
Grand Express
10,6
29%
1 180,9
47%
2029
2031
2033
Total
36,2
2 493,2
Hauts-de-
France
Mtrains.km
En
%
Mvoy.km
%
AAPC
Attribution
Mise en
service
Etoile
d'Amiens
3,6
12%
178,7
7%
août 2020
mars 2023
SNCF
2025
Dessertes
parisiennes
9,2
32%
1247,4
48%
En cours de
publication
2026
2028
Etoile de Lille
- Littoral
14,5
50%
1071,7
41%
En cours de
définition
En cours de
définition
En cours de
définition
TER GV
1,6
6%
126,5
5%
2025
2027
2029
Total
28,9
2624,3
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS REGIONA
UX À L’HEURE DE L’OU
VERTURE À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
67
Normandie
Mtrains.km
En
%
Mvoy.km
%
AAPC
Attribution
Mise
en
service
Etoile de Caen
2,5
16%
février
2024
février-2026
2027
Etoile de Rouen
1,9
13%
décembre
2025
mai-2027
2029
Etoile mancelle
(*)
1,0
6%
juin 2024
1er trim 2026
2030
Paris-Granville
1,5
10%
décembre
2027
mai2029
2031
Normandie
Saint-Lazare
8,6
55%
décembre
2030
mai -2032
2034
Total
15,5
(*) en liaison avec la région Pays de la Loire
Nouvelle
Aquitaine
Mtrains.km
En
%
Mvoy.km
%
AAPC
Attribution
Mise en
service
Poitou-
Charentes
4,8
22%
279,8
22%
juillet
2024
mars 2026
2028
Périgord-
Limousin
7,4
34%
250,4
20%
février
2028
février 2028
2030
Etoile de
Bordeaux
6,6
30%
495,6
39%
octobre
2027
juin 2029
2031
Sud Aquitaine
3,1
14%
235,4
19%
novembre
2025
juillet 2027
2031
Total
21,9
1261,2
Pays de la
Loire
Mtrains.km
En
%
Mvoy.km
%
AAPC
Attribution
Mise en
service
Tram-Train et
Sud-Loire
3,4
30%
287,7
29%
octobre
2021
juin 2023
SNCF
TT: 2025
SL: 2027
Etoile
mancelle (*)
2,4
21%
147,0
15%
juin 2024
1er trimestre
2026
2030
Boucle Loire
Bretagne (**)
2,4
21%
252,3
25%
décembre
2025
mi-2027
2029
Axe Loire
3,1
27%
315,8
31%
décembre
2027
mi-2030
2032
La Roche-sur-
Yon Bressuire
Saumur Tours
0,1
1%
5,9
1%
à définir
à définir
à définir
Total
11,4
1 008,7
(*) en liaison avec la région Normandie
(**) en liaison avec la région Bretagne
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS REGIO
NAUX À L’HEURE DE L’
OUVERTURE À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
68
Provence-
Alpes-Côte
d’Azur
Mtrains.km
En
%
Mvoy.km
%
AAPC
Attribution
Mise en
service
Azur
2,9
22%
373,0
28%
février
2020
octobre 2021
SNCF
2025
Marseille-
Toulon-Nice
1,3
10%
317,0
24%
février
2020
Octobre
2021
Transdev
mi 2025
Lot 3
4,6
35%
346,0
26%
février
2024
fin 2025
2030
Lot 4
4,3
33%
301,0
23%
après
février
2025
après fin
2026
2030
Total
13,1
1 337,0
Aucune donnée n’a été
communiquée par les régions Bretagne et Occitanie.
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS REGIONAUX À L
’HEURE DE L’OUVERTUR
E À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
69
Annexe n° 3.
Calcul des coûts environnementaux du TER
Pour évaluer les coûts environnementaux, ont été prises en compte, par référence aux
travaux publiés par le CGDD
87
, les composantes suivantes : émission de C02, la pollution locale
(oxyde d’azote, dioxyde de souffre etc.), le bruit et l’insécurité (blessés graves, décès).
Pour
chaque catégorie, un coût moyen de référence a été retenu.
Les coûts de référence pour la pollution locale et le bruit sont issus du CGDD. Pour les
cars, il a été fait application d’une règle de trois pour tenir compte du nombre moyen de
passagers.
Les coûts de référence liés à l’insécurité sont issus du rapport Quinet de 2013.
L’insécurité est calculée à partir de la moyenne de l’accidentalité
ferroviaire des années 2018 à
2022
88
(données issues des bilans annuels de transports) et au prorata du nombre de trains.km
que représentent les TER sur l’ensemble du trafic ferroviaire.
Ces coûts ont été actualisés de l’inflation, à l’exception de l’insécu
rité actualisé de
l’évolution du PIB/habitant comme préconisé par le rapport de 2013.
Le coût de référence pour la tonne de CO2 émise est celui retenu par le groupe SNCF
dans son rapport financier 2023.
Tableau n° 10 :
Coûts de référence et calcul des coûts environnementaux du TER (2023)
Coût de référence
Volume
Coût
Émission de C02
100 €
2023
/tonne émise
421 000 tonnes
42,1
M€
Pollution locale
Trains
Cars
29,63 c€
2019
/train.km
0,23 c€
2015
/voyageur.km
189 067 962 trains.km
195 542 150 voyageurs.km
63,6
M€
0,5 M€
Bruit
Trains
Cars
63
c€
2019
/train.km
0,10 c€
2015
/voyageur.km
189 067 962 trains.km
195 542 150 voyageurs.km
134
M€
0,2 M€
Insécurité
(
trains
)
3 M€
2010
par décès
0,45 M€
2010
par blessé grave
53,2 décès
37,4 blessés graves
100,4 M€
Total arrondi à :
0,3 Md€
Source : Cour des comptes d’après CGDD, SNCF, Commissariat général à la stratégie et à la prospective et
Bilans annuel des Transports.
87
CGDD,
Mobilités, coûts moyens socio-économiques
, collection Théma, décembre 2020.
88
Données 2023 non publiées lors de la rédaction de ce rapport.
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS REGIO
NAUX À L’HEURE DE L’
OUVERTURE À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
70
Annexe n° 4.
Cadre juridique du transfert de propriété ou de gestion de certaines
infrastructures ferroviaires du réseau ferré national au profit des régions
Plusieurs dispositifs juridiques permettent le transfert de lignes et gares ferroviaires aux
régions en tant qu’autorités organisatrices de la mobilité.
I. Le transfert de propriété d’infrastructures ferroviaires
L’article
L. 3114-1 du code général de la propriété des personnes publiques (CG3P)
dispose que des transferts de propriété d'infrastructures ferroviaires ou d'installations de service
appartenant à l'État peuvent être opérés au profit d'une collectivité territoriale ou d'un
groupement de collectivités territoriales, compétent en matière de développement économique,
à la demande de l'assemblée délibérante de celui-ci.
Ces transferts ne peuvent concerner que les lignes séparées physiquement du reste du
réseau ferré national ou les lignes d'intérêt local ou régional à faible trafic. Une fois transférées,
ces lignes ne font plus partie du réseau ferré national.
II. Le transfert de gestion d’infrastructures ferroviaires
a) Le transfert de gestion de lignes ferroviaires et de leurs installations de service
L’article L. 2111
-1-1 du code des transports prévoit que les lignes d'intérêt local ou
régional à faible trafic du réseau ferré national et leurs installations de service (par exemple, les
gares), relevant du domaine public ferroviaire peuvent faire l'objet d'un transfert de gestion. La
région qui en bénéficie, assume la pleine responsabilité des missions de gestion de
l'infrastructure et des gares transférées ou peut confier à toute personne la pleine responsabilité
de tout ou partie de ces missions de gestion.
b) Le transfert de certaines missions de gestion de lignes ferroviaires
L’article L. 2111
-9-1-A du code des transports permet lui de transférer, sur demande de
l’assemblée délibérante de la région, certaines mission
s de gestion de l'infrastructure
(maintenance, développement, aménagement etc.) des lignes d'intérêt local ou régional à faible
trafic faisant l'objet d'investissements de renouvellement ou de développement majoritairement
financés par une autorité organis
atrice des transports ferroviaires. Ce transfert s’apparente à un
transfert de maîtrise d’ouvrage.
c) Le transfert de gestion de gares
Enfin, l’article L2121
-17-
4 du code des transports prévoit qu’une autorité organisatrice
peut décider de fournir pour le compte du gestionnaire des gares des prestations de gestion ou
d'exploitation de certaines gares de voyageurs relevant de son ressort territorial et utilisées
principalement par des services publics de transport ferroviaire de voyageurs en les confiant à
un opérateur (gares dites monotransporteurs).
Plusieurs décrets d’application
89
sont venus préciser le cadre légal.
89
Décret n° 2020-1820 du 29 décembre 2020 relatif au transfert de gestion de lignes ferroviaires d'intérêt
local ou régional à faible trafic et au transfert de missions de gestion de l'infrastructure sur de telles lignes, et
RAPPORT SUR LES TRANSPORTS EXPRESS REGIO
NAUX À L’HEURE DE L’
OUVERTURE À LA
CONCURRENCE
RAPPORT DE SUIVI
71
Une « ligne d'intérêt local ou régional à faible trafic du réseau ferré national » est une
ligne du réseau ferré national appartenant à l'une des catégories suivantes :
-
lignes comprises dans la liste des infrastructures ferroviaires locales fixée par arrêté ;
-
lignes n'appartenant pas au réseau structurant tel que défini par le contrat de performance
entre l’État et SNCF Réseau, et sur lesquelle
s au moins 90% des services réguliers de
transport ferroviaire de voyageurs au cours des cinq derniers horaires de service réalisés
étaient organisés par des autorités organisatrices de transport ferroviaire autres que l'État ;
-
lignes sur lesquelles aucun service de transport ferroviaire de voyageurs n'a circulé au cours
des cinq derniers horaires de service réalisés.
Les gares concernées par ces dispositifs sont les gares rattachées aux lignes dont le
transfert est demandé (article L. 3114-1 du code général de la propriété des personnes publique
et article L. 2111-1-1 du code des transports) ainsi que les gares (article L. 2121-17-4 du code
des transports) dans lesquelles le nombre d'arrêts marqués par des services de transport
ferroviaire de voyageurs faisant l'objet de contrats de service publics relevant d'une même
autorité organisatrice représente au moins 95 % du nombre total d'arrêts de services réguliers
et qui ne sont pas considérées comme des gares d’intérêt national.
L
’ART
90
a rappelé la nécessité d
’articuler ce régime avec les règles européennes. En
particulier, le transfert aux régions n’emporte pas automatiquement dérogation, même partielle,
à ces règles (indépendance du gestionnaire d’infrastructure et principes de régulation du trafic).
Une demande doit être déposée auprès de la Commission européenne qui apprécie au cas par
cas selon l’exploitation qui est faite de la ligne concernée. Des dérogations ont été obtenues
pour certaines lignes, d’autres demandes sont en cours d’instruction.
Plus récem
ment, dans son rapport de février 2022, l’ART soulignait plusieurs limites du
cadre juridique mis en place et formulait en conséquence quatre recommandations visant pour
l’essentiel à clarifier certaines dispositions et à inscrire la politique de transfert
de lignes dans
une vision stratégique de la consistance du réseau ferré en France.
portant diverses autres dispositions et décret n° 2021-966 du 20 juillet 2021 relatif à la gestion et à l'exploitation
des gares de voyageurs principalement utilisées par des services publics de transport ferroviaire de voyageurs.
90
Avis n° 2021-036 du 8 juillet 2021.