Un doublement du déficit entre 2017 et 2021
Le redressement des finances publiques initié en 2018 par une maitrise accrue des dépenses publiques alors que des baisses de prélèvements obligatoires importantes étaient mises en œuvre, s’est interrompu dès 2019 à la suite des mouvements sociaux de l’automne 2018 alors même que les années 2018 et 2019 connaissaient une forte croissance économique. En conséquence, le solde structurel primaire, c’est-à-dire hors charge d’intérêts, s’est lui dégradé de 0,4 point entre 2017 et 2019 et son niveau de 2019 était dégradé de près de 25 Md€ par rapport à l’objectif que le Gouvernement s’était fixé dans la loi de programmation des finances publiques du début 2018. Ainsi, la France a abordé la crise sanitaire avec moins de marge de manœuvre budgétaire que nombre de ses partenaires européens. La crise sanitaire, avec le repli de l’activité économique qu’elle a provoqué (-7,8%) et les mesures prises pour en atténuer les effets, a conduit à un déficit de 8,9 points de PIB en 2020. Si le rebond de l’économie en 2021 a permis de réduire le déficit et de le ramener à 6,4 points de PIB, il reste plus de deux fois plus élevé que celui d’avant-crise. À la fin de l’année 2021, la dette publique représentait 112,5 points de PIB, soit 2 813 Md€.
En 2022, des incertitudes importantes pesant sur la prévision du déficit
Selon la loi de finance initiale (LFI), 2022 devait être l’année de la poursuite du rebond initié en 2021 dans un contexte de reflux de l’épidémie de Covid 19. Cette loi avait été élaborée avec une estimation de croissance du PIB de 4 % et une inflation de 1,5 % en 2022. Cependant, le déclenchement de la guerre en Ukraine, l’annonce de mesures visant à améliorer le pouvoir d’achat et la hausse prévue de dépenses de santé du fait de la poursuite de l’épidémie, conduisent à revoir les estimations de la LFI. Ainsi, les dernières prévisions couvrant l’ensemble de l’année 2022 mentionnent désormais une croissance proche - voire en dessous - de 2,5 % et une inflation comprise entre 5 % et 6 %. Dans ce contexte, le Gouvernement retient dans son projet de loi finance rectificative (LFR) de début juillet une prévision de déficit pour 2022 inchangée par rapport à la LFI. En effet, les dépenses supérieures à la LFI de 60 Md€, dont près de la moitié correspond aux mesures de soutien au pouvoir d’achat, seraient compensées par un niveau de recettes également supérieures de 60 Md€ à la prévision en raison de la bonne surprise sur le déficit en 2021 et du dynamisme des recettes en début d’année 2022.
Construire une trajectoire crédible des finances publiques pour assurer la soutenabilité de la dette et une croissance durable.
La dégradation des finances publiques au sortir de la crise sanitaire appelle à la construction d’une trajectoire de finances publiques crédible, capable d’assurer la soutenabilité de la dette et une croissance sur le long terme, notamment afin d’éviter un décrochage de la France avec le reste de la zone euro. La prochaine loi de programmation des finances publiques (LPFP) devra s’appuyer sur des hypothèses d’environnement économique réalistes, là où les trajectoires passées se sont révélées en moyenne trop optimistes, et mieux s’articuler avec les nombreuses lois de programmation sectorielles adoptées au cours des dernières années. De même, les mesures d’économies devront être mieux documentées dès la LPFP, et les mesures de redressement réparties sur l’ensemble des années couvertes par la loi de programmation, plutôt que reportées en fin de période. Par ailleurs, pour assurer une stratégie des finances publiques soutenables et durables, le rapport revient sur la politique industrielle comme levier de croissance, et souligne l’importance des investissements pour soutenir les transitions écologique et énergétique et leurs effets d’entrainement sur la croissance et l’emploi. Enfin, la Cour rappelle les possibilités d’action qu’offrent des leviers transversaux (comme la modernisation des ressources humaines et la rationalisation des « niches fiscales et sociales », etc.), et recense les marges d’efficience que recèlent certaines grandes politiques publiques.