Un déficit toujours très élevé en 2022
L’année 2022 devait marquer le retour à la normale après la crise liée à l’épidémie de covid 19. Mais le renchérissement des prix de l’énergie, exacerbé par le déclenchement de la guerre en Ukraine, en a décidé autrement. L’inflation a atteint des niveaux qu’elle n’avait plus connus depuis le début des années 1980 et l’activité économique a fortement ralenti. Pour atténuer les effets négatifs du renchérissement des prix de l’énergie sur les ménages et les entreprises, le Gouvernement a mis en place plusieurs mesures, comme les boucliers tarifaires et la « prime à la pompe », qui ont pesé fortement sur le déficit. Celui-ci est resté en 2022 à un niveau très élevé, à 4,7 points de PIB. La dette publique, qui s’élève à 2 950 Md€ soit à 111,8 points de PIB, reste très supérieure à son niveau de 2019, de 575 Md€.
En 2023, des incertitudes économiques fortes et un déficit qui repartirait à la hausse
Selon le programme de stabilité (Pstab), la croissance atteindrait 1 % en 2023 et l’inflation resterait proche de 5 %. Dans cet environnement, les recettes publiques devraient bénéficier de la forte croissance en valeur de l’activité (6,5 % dans le Pstab) même si elles devraient progresser moins vite que celle-ci. Les mesures discrétionnaires de baisse d’impôt, dont la suppression de la dernière tranche de la taxe d’habitation et la première étape de celle de la CVAE, devraient également en diminuer le montant. La dépense publique, elle, progresserait moins vite que l’inflation en raison du repli des dépenses liées à la crise sanitaire et de relance, et malgré des mesures de soutien liées à l’énergie toujours conséquentes. Au total, le déficit attendrait 4,9 points de PIB après 4,7 en 2022. Le déficit structurel demeurerait inchangé à 4 points de PIB et la dette reculerait légèrement à 109,6 points de PIB du fait de la forte croissance en valeur de dernier avec l’inflation.
Déficit à moins de 3 % en 2027 : un objectif atteignable, au prix d’un effort substantiel
Après la crise sanitaire et celle des prix de l’énergie en 2022 qui ont propulsé la dette publique a des niveaux historiques, 2023 doit être mise à profit pour retrouver des marges de manœuvre budgétaires et redresser nos finances publiques. À cet égard, la trajectoire tracée par le programme de stabilité 2023-2027 est moins ambitieuse que celle de nos principaux partenaires européens, accentuant la divergence française. Elle repose de surcroît sur des hypothèses macroéconomiques que la Cour juge optimistes. Par ailleurs, l’objectif inédit de maîtrise de la dépense publique, avec une progression en volume contenue à 0,4 % en moyenne chaque année sur la période hors charges d’intérêts, devra être atteint dans des conditions d’autant plus difficiles que de nouvelles dépenses sont engagées et qu’il faudra garantir le financement d’investissements écologiques. La revue de dépenses annoncée par le Gouvernement peut en constituer un puissant levier à condition qu’elle produise des résultats tangibles dès ses premières éditions en 2023 et 2024.
Une indispensable revue des dépenses publiques, axée sur la qualité et les résultats
En France, la revue des dépenses mise en place par le Gouvernement au premier semestre 2023 succède à quatre générations de démarches comparables. Ces démarches, qui ont à chaque fois porté sur des périmètres trop étroits, n’ont pas enrayé la dynamique de la dépense publique - celle-ci ayant continûment progressé depuis cinquante ans quel que soit l’indicateur utilisé. Cette tendance ininterrompue singularise la France en Europe. La nouvelle génération de revues de dépenses doit en tirer les leçons et être conçue, dès l’origine, comme un exercice beaucoup plus ambitieux. En particulier, elle doit responsabiliser l’ensemble des administrations publiques (État, sécurité sociale, collectivités territoriales et opérateurs publics), et porter sur l’ensemble des dépenses, quelle qu’en soit la nature. La grille d’analyse de la « qualité » proposée par la Cour autour d’une vingtaine de caractéristiques auditables permet de constater certains progrès accomplis depuis une quinzaine d’années. Elle signale aussi de nombreuses voies d’amélioration, qui exigent parfois de rompre avec des pratiques très ancrées. Si elles portent sur l’ensemble des dépenses et responsabilisent tous les niveaux d’administration publique, si elles s’inscrivent dans la durée et sont sous-tendues par une volonté politique forte, les revues de dépenses peuvent être un levier majeur de l’amélioration de la qualité de la dépense publique et de sa soutenabilité.