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La situation et les perspectives des finances publiques

COUR DES COMPTES

 Après la période de réserve liée aux élections législatives, la Cour des comptes reprend le fil de ses publications avec son rapport annuel sur la situation et les perspectives des finances publiques. Alors que la situation économique s’est normalisée et que l’inflation s’est résorbée, la France se trouve aujourd’hui dans une situation préoccupante. La dette publique, emportée par la réitération des déficits et par son poids, affiche un coût de plus en plus élevé qui contraint toutes les autres dépenses, obère la capacité d’investissement du pays et l’expose dangereusement en cas de nouveau choc macroéconomique. Cette situation est d’autant plus préoccupante que la trajectoire de réduction du déficit public n’inclut pas les investissements indispensables qui devront être réalisés pour faire face au changement climatique. La France doit maintenant consentir des efforts difficiles pour retrouver le contrôle de ses finances publiques et honorer ses engagements, tant vis-à-vis des pays membres de la zone euro que des générations futures, à la faveur d’une stratégie crédible qui préserve la croissance et la cohésion sociale.

2023, une très mauvaise année pour les finances publiques

Le déficit public a atteint 154 Md€ et 5,5 points de PIB en 2023, dégradé de 0,7 point par rapport à 2022 et de 0,6 point par rapport à la prévision du Gouvernement. La situation de la France contraste fortement avec celle de ses principaux partenaires européens, qui sont parvenus à stabiliser voire à réduire significativement leur déficit en 2023. L’aggravation du déficit français tient à une faible croissance des prélèvements obligatoires, qui n’a pas été pleinement anticipée, et aux nouvelles baisses d’impôts. Il résulte aussi de l’absence d’économies structurelles, la dépense hors charge de la dette et hors mesures exceptionnelles ayant continué à progresser à un rythme nettement supérieur à l’inflation. En conséquence, la dette publique atteint 3 100 Md€ et excède de plus de 700 Md€ son niveau d’avant-crise pour atteindre 110 points de PIB.

Une réduction du déficit en 2024 qui est loin d’être acquise

D’après le programme de stabilité, qui reste l’expression la plus récente des engagements de la France en matière de finances publiques, le déficit demeurerait supérieur à 5 points de PIB et la dette publique serait en hausse de 1,7 point en 2024. Sans anticiper sur la stratégie budgétaire que proposera le nouveau Gouvernement, cet objectif, loin d’être acquis, est soumis à des risques importants. Le premier risque est de ne pas atteindre l’objectif de maîtrise des dépenses, qui repose sur 15 Md€ d’économies additionnelles annoncées depuis février 2024 pour compenser la mauvaise année 2023. Ce risque en dépense se double d’un risque en recettes, le projet de taxe sur les rentes, supposé rapporter 3 Md€ dès 2024, restant dans l’attente d’une traduction législative. La Cour juge impératif de crédibiliser rapidement les objectifs pour 2024 en dissipant le flou entourant les économies et les hausses de prélèvements qu’ils supposent.

Une stratégie pluriannuelle de finances publiques à rebâtir

 À la veille des élections législatives, la France affichait encore l’objectif d’un retour du déficit tout juste sous 3 % en 2027, avec une dette publique excédant son niveau de 2023 et amorçant à peine sa décrue. Cette trajectoire, en-deçà de celle affichée par les autres grands États européens, est peu réaliste. Les hypothèses de croissance qui la sous-tendent sont en effet particulièrement optimistes et ne semblent pas tenir compte de l’impact dépressif des hausses de prélèvements obligatoires prévues à hauteur +21 Md€ en 2025-2026 et d’un ralentissement sans précédent des dépenses ordinaires. Les trois scénarios alternatifs quantifiés par la Cour (une croissance aux niveaux trimestriels observés depuis deux ans ; des prélèvements obligatoires constants ; une dépense qui évoluerait au même rythme qu’au cours des années (2015-2019) se traduisent tous par un déficit public encore nettement supérieur à 3 % en 2027, avec une dette toujours en hausse. Alors que la réforme des règles budgétaires entre en vigueur et que la Commission entend ouvrir une procédure pour déficit excessif, la France gagnerait à prendre les devants et à afficher clairement, sur la base de prévisions plus réalistes et de réformes crédibles, comment elle entend reprendre le contrôle de ses finances publiques et honorer ses engagements européens.

La double dette écologique et financière : l’urgence d’intégrer l’enjeu climatique dans la programmation des finances publiques

La Cour consacre cette année un chapitre spécifique à l’urgence climatique. Les investissements nécessaires à l’atteinte de nos engagements climatiques sont estimés à un surcroît de plus de 60 Md€ par an en 2030, alors que les recettes fiscales assises sur les carburants devraient rapidement s’éroder et que la croissance pourrait structurellement fléchir chaque année du fait des coûts de la transition et du réchauffement. Aucun de ces trois facteurs n’est aujourd’hui intégré à la stratégie de finances publiques alors qu’ils pourraient avoir un impact à la hausse de l’ordre de 7 points de PIB sur le ratio de dette publique en 2030. Il apparaît ainsi urgent de mieux articuler transition énergétique et programmation des finances publiques. Or, les difficultés d’acceptabilité sociale ont paralysé les grands choix politiques concernant la répartition de l’effort, avec le risque que les générations futures héritent à la fois de la dette climatique et de la dette financière contractée pour y faire face.

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