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Les certificats d'économies d'énergie

COUR DES COMPTES

La France vise la neutralité carbone d'ici 2050 en réduisant les émissions de gaz à effet de serre. Néanmoins, la maîtrise de la consommation d'énergie reste essentielle pour soutenir cet objectif et garantir l'équilibre entre l'offre et la demande, notamment en électricité. Aussi, dans le cadre du paquet « Fit for 55 » présenté par la Commission européenne, la France a proposé en 2023 de rehausser ses efforts pour réduire de 30 % sa consommation d’énergie finale en 2030 répondant de la sorte aux objectifs de la directive communautaire relative à l’efficacité énergétique (DEE), révisée en 2023. Créés par la loi de programme du 13 juillet 2005 fixant les orientations de la politique énergétique, les certificats d’économies d’énergie (CEE) sont les principaux outils de cette politique d’efficacité énergétique visant à réduire les consommations d’énergie. Ils consistent, via un mécanisme de marché, à obliger les fournisseurs d’énergies et les vendeurs de carburants automobiles, à soutenir des actions d’économies d’énergie. Un objectif global pluriannuel réparti entre eux en fonction de leur volume de vente auprès des particuliers et des entreprises tertiaires est alors atteint. Sollicitée par la commission des finances de l’Assemblée nationale, la Cour a analysé la gouvernance du dispositif, son coût et son efficacité, s’attachant à s’assurer également de sa cohérence avec les autres outils de politique énergétique.

Un dispositif de plus en plus complexe

Le mécanisme des CEE permet de soutenir des actions d'économies d'énergie, telles que l'isolation des logements ou la récupération de chaleur industrielle, en allouant des aides financières aux ménages et aux entreprises. Plus d'un million d'opérations ont été financées chaque année depuis 2021, démontrant la capacité du dispositif à soutenir une massification des actions d’économies d’énergie, de taille souvent modeste, en parcourant « le dernier kilomètre » jusqu’aux bénéficiaires. Les actions aidées entre 2014 à 2020 auraient ainsi permis de réduire de 106 TWh la consommation d'énergie en France en 2020, soit 6,5 % de celle-ci.

Le niveau d’obligation imposé aux entreprises assujetties au dispositif des CEE, qui dépend de leur volume de ventes d’énergies, a été multiplié par 3,5 depuis 2015. Et, dans le même temps, le dispositif, initialement axé sur les économies d’énergie les plus rentables, a connu de multiples aménagements pour inclure des objectifs supplémentaires comme le soutien aux ménages précaires (CEE précarité), des programmes de formation ou d’innovation, ou des bonifications temporaires au profit de certaines opérations comme le changement de chaudière ou l’isolation des combles. Ces évolutions ont complexifié le dispositif, qui repose désormais sur des règles et mécanismes multiples et instables, différenciés selon les énergies, les fournisseurs assujettis, le niveau d’obligation, la valorisation des économies d’énergie ou encore les modalités de contrôle des dossiers.

Des coûts des plus en plus importants, des transferts financiers significatifs

De prime abord, le mécanisme des CEE semble contraindre les fournisseurs d’énergie à financer des économies d’énergie en versant des aides financières aux ménages et entreprises. Mais, les fournisseurs d’énergie répercutent les coûts nécessaires à l’obtention des certificats dans leurs prix de vente. Le coût associé aux CEE est donc supporté par les ménages et les entreprises du secteur tertiaire, s’apparentant sur le plan économique à une taxe sur l’énergie. L’accroissement des objectifs d’économies d’énergie assignés au dispositif par l’État se traduit par son renchérissement, avec un coût de l’ordre de 6 Md€ par an en moyenne pour les années 2022 et 2023. D’après la Cour, en 2023, chaque ménage a ainsi, en acquittant ses factures d’énergies, financé à hauteur de 164 € en moyenne le dispositif, soit un peu plus de 4 % de ces factures. Les frais de gestion des différents intermédiaires et la TVA prélevée par l’État représentent 30 % du coût du dispositif. Les aides financières versées pour soutenir des opérations d’économies d’énergie se traduisent quant à elles par vastes transferts financiers méconnus, entre les contributeurs et les bénéficiaires du dispositif que sont les secteurs de l’industrie et de la rénovation du parc bâti résidentiel, ainsi que les ménages modestes.

Des économies d’énergie sensiblement surestimées

La principale faiblesse du dispositif réside dans l’incertitude qui entoure ses résultats réels. En effet, le volume de certificats délivrés ne correspond pas aux économies d’énergie réelles. Basés sur des calculs théoriques, non vérifiés par une mesure des consommations d’énergie réelles après les opérations. Les résultats affichés surévalueraient les économies d’énergie réalisées en 2022 et 2023 d’au moins 30 % selon les estimations de la Cour. Par ailleurs, le dispositif des CEE soutient de manière fréquente des opérations financées également par d’autres dispositifs de politique publique, en particulier Ma Prime Rénov’ et le Fonds Chaleur, de sorte qu’il est difficile de déterminer l’impact réel de ce seul mécanisme. Enfin la Cour constate que le dispositif des CEE est toujours confronté à d’importants phénomènes de fraude, en particulier dans le secteur du bâtiment, qui le discréditent, posant aussi la question de la réalité des économies obtenues.

Un dispositif qui ne peut perdurer sans réforme d’ampleur

Au vu des défauts et anomalies relevés par la Cour, la suppression du dispositif des CEE pourrait être envisagée, à l’instar du choix fait par le Danemark. D’autres modalités d’organisation du dispositif ont été esquissées par la Cour à la demande de la Commission des finances, sur la base d’exemples européens, comme la transformation des CEE en fonds budgétaires ou le ciblage du dispositif sur un seul public.  Si le législateur optait pour son maintien, des réformes structurelles profondes sont nécessaires pour atteindre des objectifs de réduction des consommations d’énergie. La Cour propose sept recommandations dans cette hypothèse. Le dispositif est ainsi à simplifier et à mieux encadrer. À cet effet, une participation accrue du Parlement dans la définition de ses paramètres est indispensable et son évaluation est à renforcer. L’efficacité du dispositif est par ailleurs à garantir, en le consacrant à l’obtention directe d’économies d’énergie. Il convient pour ce faire, entre autres, de mesurer les économies réelles après opérations, de mettre un terme aux pratiques de bonification et de financement des programmes. Enfin, la lutte contre la fraude doit faire l’objet d’un plan d’ensemble, pour favoriser notamment l’automatisation des contrôles. 

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