Des perspectives financières rendues incertaines par la situation économique internationale
Après une forte reprise économique en 2021, l’invasion de l’Ukraine et la situation sanitaire en Chine ont infléchi la trajectoire de reprise attendue en 2022 et 2023. Ce ralentissement intervient alors que les dernières réformes fiscales ont accru la sensibilité des finances locales à la conjoncture économique. La situation internationale devrait peser sur les charges des collectivités, de manière directe (coût des achats et services) ou indirecte (mesures salariales dont la hausse du point d’indice), mais une part de leurs recettes devrait aussi croître avec l’inflation (TVA, bases de taxe foncière). Dans ce contexte, l’évolution de la situation financière des collectivités locales dépendra des dynamiques respectives de leurs charges et produits de fonctionnement, mais également du coût de l’emprunt et des contraintes pesant sur l’investissement local. Comme le relevait la Cour dans le premier fascicule du présent rapport, la situation financière favorable des collectivités fin 2021 s’est accompagnée d’une différenciation croissante du monde local. Ce constat conduit la Cour à réitérer ses observations quant à la nécessité d’une meilleure répartition des ressources entre collectivités et à la prévisibilité de leurs recettes. Deux modèles contracycliques sont possibles : l’un consistant à encadrer les dynamiques de recettes, l’autre à développer des mécanismes d’auto-assurance collective ou individuelle. Cependant, ces deux approches, destinées à compenser la volatilité des recettes locales, ne sont pas nécessairement adaptées à toutes les catégories de collectivités et ne constituent pas l’unique réponse à la diversité des structures de leurs ressources, qui implique une prise en compte des spécificités locales.
L’intercommunalité
La construction intercommunale répond à quatre objectifs : compenser l’émiettement communal, renforcer l’aménagement du territoire, développer une solidarité locale et mieux exercer les compétences. Elle a été menée par l’État de façon volontariste : il n’existait aucun EPCI à fiscalité propre en 1992, et plus de 2 600 en 2010. Sur la dernière décennie, des regroupements d’EPCI ont été organisés. Il n’en existe plus que 1 300 aujourd’hui. Leur population moyenne est passée de 22 000 habitants en 2010 à près de 55 000 aujourd’hui. Ces « EPCI-XXL » posent des problèmes de gouvernance, d’éloignement de la population et de complexification des processus de décision. Pourtant, les intercommunalités jouent un rôle majeur au service du développement des territoires, et gèrent de nombreux services publics indispensables à la population. Le service rendu aux citoyens est souvent réalisé dans le cadre d’une répartition des compétences floue au sein du bloc communal, et la construction intercommunale n’a pas permis de maîtriser la dynamique des dépenses du bloc communal.
Les relations financières entre EPCI et communes membres gagneraient à être clarifiées et rééquilibrées. En effet, les dispositifs de solidarité financière à l’échelle de l’EPCI sont souvent dévoyés, conduisant à un saupoudrage des moyens. Aussi, pour y remédier, la Cour propose la généralisation des plans pluriannuels d’investissement, le versement de la dotation globale de fonctionnement au niveau intercommunal et la systématisation des conventions de partage du produit de la fiscalité foncière. Le paysage intercommunal apparaît hétérogène et complexe. Les dernières années ont été marquées par le retour de la prééminence des communes et une affirmation de la différenciation. Pourtant, à défaut d’une réforme institutionnelle conduisant à transformer les intercommunalités en collectivités territoriales, des voies d’amélioration existent pour rendre l’action de l’intercommunalité plus lisible pour le citoyen. La formulation plus nette d’un véritable projet de territoire. L’EPCI à fiscalité propre serait alors la locomotive du bloc communal et l’interlocuteur privilégié des autres niveaux d’administration. Cette évolution se traduirait également sur le plan financier par une plus grande intégration, pouvant être concrétisée par un meilleur partage des ressources et des dépenses. Elle se traduirait aussi par le retour de l’obligation de rédiger un schéma de mutualisation des services, en lien avec le projet de territoire. Enfin, cette plus grande intégration serait facilitée si elle s’inscrivait dans une évolution significative du paysage communal. Le nombre de communes nouvelles (785 entre 2010 et 2021) reste modeste à ce jour. Or, à bien des égards, la réduction du nombre de communes, en facilitant la gouvernance et l’exercice des compétences, constitue le gage d’une efficacité de l’ensemble du bloc. Une nouvelle vague d’incitations en faveur des communes nouvelles permettrait de consolider l’échelon communal tout en facilitant l’intégration intercommunale.