Rapport d'activité 2023 de la Cour des comptes
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Pierre Moscovici : éclairer les citoyens, rétablir l’ordre par la lumière

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Le Premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, dresse le bilan de l’année 2023. Dans une période préoccupante pour les finances publiques, les juridictions financières sont un pilier essentiel de la démocratie et une vigie de l’action publique.
Au service du citoyen et à équidistance entre le Parlement et le Gouvernement, elles se sont profondément transformées pour éclairer toujours plus efficacement le débat public.
Quel regard portez-vous sur l’année écoulée ?
L’année 2023 a été marquée par une conjoncture difficile, tant sur le plan économique et politique, que géopolitique et social. La dégradation des finances publiques, surtout, est préoccupante : les crises sanitaire et énergétique ont propulsé notre dette publique à des niveaux historiques, la dynamique des dépenses publiques continue de peser sur le déficit, qui en 2023 a été le deuxième plus dégradé jamais enregistré, tandis que la charge de la dette a augmenté de manière spectaculaire. Les citoyens en sont désormais bien conscients : le désendettement est une ardente obligation, car nous devons impérativement recouvrer des marges de manoeuvre pour investir – dans la transition environnementale, mais aussi dans la santé, dans l’éducation, dans l’innovation…
Dans cette situation inédite, nous ne pourrons pas faire l’économie de choix structurels en tant que nation, en tant que société.
Cette année encore, les juridictions financières ont été au rendez-vous pour éclairer ces choix de manière rigoureuse, objective et indépendante.
Notre rôle comme pilier de la démocratie se trouve même conforté par ce contexte si particulier.
En 2023, les juridictions financières ont été une véritable boussole pour le citoyen et le décideur public. Nous avons publié 180 rapports et observations définitives, dont six rapports d’initiative citoyenne, trois évaluations de politiques publiques et sept audits flash. Notre rapport public annuel sur le bilan de quarante ans de décentralisation, nos rapports sur le budget de l’État et sur la situation et les perspectives des finances publiques, les avis du Haut Conseil des finances publiques et les travaux du Conseil des prélèvements obligatoires sont toujours plus lus, scrutés et écoutés. Nous avons également participé à l’exercice de revues de dépenses engagé par le Gouvernement, en publiant neuf notes thématiques sur différents volets de l’action publique. Dans chacun de nos travaux publiés en 2023, nous nous sommes attachés à préconiser des leviers d’efficacité et d’efficience pour améliorer, à terme, la qualité de la dépense et du service public.
La mobilisation collective des personnels des juridictions financières pour conduire ces travaux, nombreux et de qualité, a été considérable.
Je suis fier de diriger une institution dont les membres sont engagés au service des citoyens et si passionnés. Je peux affirmer, après quatre ans en tant que Premier président, que notre institution est à leur image : rigoureuse, innovante, expérimentée, chaleureuse et collégiale.
L’année 2023 fut aussi une année de réformes, une année d’action pour les juridictions financières. Notre collectif de travail est pleinement mobilisé dans l’élan de transformation de notre institution, pour nous adapter aux attentes renouvelées des citoyens et nous montrer à la hauteur de leur confiance.
Précisément, vous avez lancé un important projet stratégique intitulé « JF2025 » au début de votre mandat. Qu’a-t-il changé pour les juridictions financières en 2023 ?
Comment répond-il aux évolutions de l’action publique ?
L’année qui s’achève demeurera dans les esprits comme une année charnière pour la Cour des comptes.
À mon arrivée en tant que Premier président en 2020, j’ai initié une profonde transformation de l’institution, qui s’est traduite par un plan stratégique composé de 75 actions, conçu collectivement par et pour les personnels des juridictions financières.
L’année 2023 a été celle des réalisations. Et les résultats sont impressionnants : 75 % des actions ont été mises en oeuvre. Un cap a été franchi et notre institution est plus ouverte, plus agile, plus attractive. Sa gouvernance et ses missions sont modernisées, nous publions et nous jugeons désormais autrement, et mieux.
Nous avons atteint cette année l’objectif qui était au coeur de JF2025 : la Cour est plus que jamais accessible aux citoyens et proche de leurs préoccupations. Depuis le 1er janvier 2023, 100 % de nos rapports sont rendus publics. À notre échelle, c’est une petite révolution : alors que nous publiions jusqu’alors quelques dizaines de rapports choisis, nous avons publié en un an 180 rapports et organisé plus de 30 conférences de presse. La communication et la pédagogie sur nos rapports augmentent et nourrissent le débat public. Surtout, elles répondent incontestablement
à une forte demande citoyenne. En témoignent l’explosion du nombre de fréquentations de notre site internet, comme les sollicitations toujours plus nombreuses pour présenter nos rapports et nous exprimer sur les finances publiques.
Le succès de la plateforme de participation citoyenne contribue aussi à replacer le citoyen au coeur de notre équation : plus de 600 thèmes de contrôle ont été soumis par près de 20 000 personnes lors de sa deuxième édition en 2023. En parallèle, près de 100 signalements par mois sont déposés sur la plateforme de signalement créée en 2022 et constituent, une fois étayés, une aide précieuse à la programmation des contrôles de régularité.
L’année écoulée marque aussi la mise en oeuvre d’une réforme historique, celle du régime de responsabilité financière des gestionnaires publics, dont la nouvelle mouture est entrée en vigueur au 1er janvier 2023.
C’est une extraordinaire avancée accomplie collectivement, qui simplifie et modernise la justice financière. En un an, un nouvel ordre juridictionnel à part entière a été conçu, avec la création de la chambre du contentieux et l’installation de la Cour d’appel financière. La composition de la chambre du contentieux, à parité entre magistrats de la Cour et des chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC), illustre le rapprochement entre les deux versants de notre institution et coïncide avec les 40 ans des CRTC.
La montée en puissance de l’évaluation de politique publique au cours de l’année 2023 est une autre avancée, à laquelle j’attache une importance toute particulière.
En 2020, seulement 3 % de nos ressources étaient employées à cet exercice, qui relève d’une mission constitutionnelle et a été élargi aux CRTC. Cette proportion s’élève désormais à 12 %, et notre objectif est d’atteindre 20 % d’ici 2025. Pour concilier cet objectif et l’exigence de qualité scientifique, nous déployons en interne les outils quantitatifs et qualitatifs les plus robustes, nous employons des data scientists et nous entretenons une collaboration étroite avec le monde académique. Évaluer une politique publique, c’est porter une appréciation impartiale et
neutre sur ses objectifs, sa mise oeuvre et ses conséquences sur la société et sur l’environnement.
C’est une démarche de transparence et de compréhension, que je crois à même de restaurer une certaine confiance dans l’action publique.
Au-delà de ces évolutions majeures, nous avons travaillé à accroître encore l’attractivité de notre institution et à en diversifier les talents, dans un contexte de profonde évolution de nos voies de recrutement.
Nous avons obtenu le label Afnor « Égalité », ce qui était pour moi une priorité, et travaillons désormais à l’obtention du label « Diversité ». Dans le même temps, nous avons accru notre rayonnement international et déployé nos nouvelles stratégies en matière de données et en matière de formation, avec une unique ambition : être une institution en phase avec son temps, dont les outils et méthodes sont en perpétuelle adaptation.
Dans une démocratie régulièrement remise en cause, quel regard portez-vous sur le rôle des juridictions financières ?
La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration. En quinze mots, simples et efficaces, l’article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 fonde l’existence et les missions de la Cour des comptes, inscrites dans la Constitution : s’assurer du bon emploi de l’argent public et en informer les Français, assister le Parlement dans le contrôle de l’action du
Gouvernement, assister le Parlement comme le Gouvernement dans le contrôle de l’exécution des lois de finances et l’évaluation des politiques publiques.
En d’autres termes, nos travaux et analyses sont la garantie, la condition même du consentement à l’impôt. Ils sont aussi au fondement des principes de bonne administration, de bonne gestion publique et de transparence de l’action publique.
La Cour exerce cette mission depuis plus de 200 ans, mais la période que nous vivons est inédite à plusieurs égards : l’état de nos finances publiques figure parmi les plus dégradés jamais enregistrés ; les fake news se diffusent à la vitesse de la lumière ; la démocratie semble régulièrement remise en cause, et, avec elle, certains de ses attributs indispensables comme le respect de l’indépendance des juges.
Dans ce contexte, notre positionnement « à équidistance entre le Parlement et le Gouvernement », comme le résumait parfaitement mon prédécesseur Philippe Séguin, est inestimable.
Alors que nous vivons une époque troublée, marquée par les simplifications, les invectives, le rôle pernicieux des réseaux sociaux, il est de notre devoir de protéger et de faire respecter notre indépendance. Les autorités indépendantes et les cours suprêmes ne sont pas des fardeaux, loin de là. Elles sont les garantes de l’État de droit et des piliers de nos démocraties. Si nous perdons cette boussole, ce fil à plomb des institutions, alors nous courons tous les risques.
C’est la raison pour laquelle, avec toujours plus de rigueur, d’impartialité et d’impavidité, sans faillir, nous serons chaque jour davantage au rendez-vous de notre mission historique : éclairer le citoyen et « rétablir l’ordre par la lumière », selon le bel et vieil adage de la Cour.
Quelles perspectives pour l’année 2024 ?
L’année 2024 poursuit le mouvement engagé pour faire de la Cour une institution plus percutante, plus lue, plus écoutée dans le débat public, mais aussi plus à l’écoute des citoyens. Je souhaite que les juridictions financières soient au rendez-vous des défis à venir, dans un contexte où l’information neutre et objective manque cruellement. Je pense en premier lieu aux enjeux de la transition écologique, qui sont non seulement des thèmes de contrôle et d’analyse, mais qui représentent aussi un véritable changement de paradigme pour notre institution. Plus largement, les réformes mises en oeuvre ces derniers mois doivent faire leur chemin et être polies par la pratique.
Mais une chose est certaine : la concrétisation de nos ambitions fera de la Cour, plus que jamais, un tiers de confiance reconnu dans le débat public et une vigie de l’action publique, au service des citoyens.
Les faits marquants
Parmi les faits marquants pour la Cour des comptes en 2023, on peut citer le 100 % publication, le régime de responsabilité des gestionnaires publics, l'audience solennelle de rentrée, le partenariat avec l’École polytechnique, Télécom Paris et l’Ensae Paris, la Journée internationale des droits des femmes, le rapport public annuel, la première audience de la chambre du contentieux, le label Égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, le rapport sécurité sociale, la présentation des métiers aux étudiants suivis par La Cordée, la publication du premier rapport d’initiative citoyenne, l'installation de la Cour d’appel financière, la consultation citoyenne, les Journées européennes du patrimoine, la Nuit du droit, le colloque « Gestionnaires publics : quelle responsabilité financière ? » et Pierre Moscovici élu président du Panel des auditeurs externes de l’ONU.
En savoir plus sur les faits marquants en 2023
Les juridictions financières en quelques mots
La Cour des comptes forme, avec les 17 CRTC, les juridictions financières. Elle a un rôle fondamental pour le fonctionnement de la démocratie. Pour s’assurer du bon emploi de l’argent public et en informer les citoyens, elle remplit quatre grandes missions : contrôler, juger, certifier et évaluer.
En savoir plus sur les missions et les valeurs de la Cour des comptes
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Un tiers de confiance au service des citoyens
La Cour des comptes s’assure du bon emploi de l’argent public et en informe les citoyennes et citoyens. En phase avec les orientations stratégiques du plan JF2025, les juridictions financières ont poursuivi leur transformation en 2023 pour renforcer leur transparence et leur proximité avec le grand public. Cette ouverture et cette vigilance accrue concrétisent l’ambition de consolider la confiance dans l’action publique, tout en contribuant activement à l’amélioration des politiques publiques.
Une transparence accrue : le 100 % publication
L’engagement de la Cour des comptes à publier tous ses travaux a amélioré l’accessibilité de ses constats et recommandations, ce qui augmente leur impact et leur visibilité.
Depuis le 1er janvier 2023, l’intégralité des travaux de la Cour des comptes est rendue publique.
»Comment la Cour des comptes renforce-t-elle sa transparence vis-à-vis des citoyens ?
La publication de l’intégralité de nos travaux est une étape importante. Elle permet aux citoyens et citoyennes d’être informés de l’ensemble des contrôles réalisés par la Cour des comptes, à l’exception de quelques rapports liés à la sécurité et à la défense nationales, protégés par la loi. Nous ne parlons plus uniquement aux administrations comme on le faisait autrefois pour la plupart des rapports, mais à tous les citoyens. Cette évolution implique des efforts importants en termes de lisibilité, de clarté et de longueur des rapports. Cela a également un impact sur notre programmation, dans laquelle nous veillons à intégrer des sujets en lien avec l’actualité et les préoccupations des citoyens.
Quel impact a eu cette mesure sur la perception du rôle de la Cour par le public et les médias ?
Nous observons une augmentation très significative de l’intérêt pour nos travaux, avec de nombreuses reprises dans les médias et des questions fréquentes de la part des citoyens. À titre d’exemple, la 4e chambre a réalisé en 2023 des rapports sur les contrôles d’identité faits par les forces de police et de gendarmerie ainsi que sur la lutte contre l’immigration irrégulière.
Sans le 100 % publication, ces rapports n’auraient pas eu le même retentissement.
Cette politique de transparence bénéficie-t-elle également aux administrations publiques ?
Auparavant, nous n’avions aucune garantie que nos recommandations soient mises en oeuvre et nos rapports pouvaient rester ignorés, rangés dans un tiroir. Aujourd’hui, avec la publication systématique, les journalistes et les pouvoirs publics interpellent les administrations concernées. Il y a une pression accrue pour que celles-ci répondent aux recommandations de la Cour et justifient leurs actions. De plus, elles peuvent désormais répondre publiquement, ce qui enrichit le débat public et la réflexion sur les sujets abordés dans nos rapports.

Une institution toujours plus ouverte, au coeur de la Cité
Axe phare du projet stratégique de modernisation des juridictions financières JF2025, la Cour des comptes évolue pour poursuivre sa démarche d’ouverture aux citoyens.
Pourquoi l’ouverture aux citoyens est un enjeu clé pour la Cour ?
La Cour des comptes doit être une agora. Institution ouverte à tous, elle est le lieu où chacun doit pouvoir trouver les réponses à ses interrogations légitimes. Elle a en outre une mission de production d’informations objectives et chiffrées, dans un contexte où le débat public doit être restauré. Le grand débat national a montré que les juridictions financières bénéficient d’une notoriété certaine, d’une image positive et d’une solide confiance du public. Leur rôle est d’autant plus important à une époque où la défiance envers les institutions publiques est répandue.
Comment se manifeste cette ouverture aux citoyens ?
Elle se manifeste par l’organisation de plus en plus d’événements accessibles au public : des colloques, des conférences, etc. En outre, nous établissons des relations directes avec les citoyens et les usagers, notamment via les évaluations de politiques publiques. À titre d’exemple, nous avons été amenés à travailler sur le sujet de la scolarisation des élèves en situation de handicap, une thématique demandée par les citoyens via notre plateforme de participation. Nous avons constitué un comité d’accompagnement comprenant des fédérations de parents d’élèves, des familles, etc., consultés tout au long du contrôle pour valider la pertinence de nos recommandations. Dans le cadre des évaluations de politiques publiques, nous recourons aussi de plus en plus à des sondages pour mieux apprécier le degré de satisfaction des usagers.

UN ESPACE DE RÉFLEXION ET DE DÉBAT Afin d’être toujours plus ouverte et en phase avec les enjeux de la société actuelle, la Cour des comptes organise chaque année une quinzaine de colloques et conférences sur des thèmes variés tels que l’évaluation de politiques publiques, la stratégie des finances publiques, la lutte contre le sexisme… Au cours de ces événements, la Cour donne la parole à des personnalités publiques référentes dans leur domaine, et accueille un public nombreux en présentiel et en visioconférence. Pour s’informer sur les prochains événements, rendez-vous sur notre site internet et sur nos réseaux sociaux. |

LA COUR DES COMPTES DES JEUNES : Le 10 novembre 2023, 32 lycéens et lycéennes du lycée Samuel-de-Champlain à Chennevières-sur-Marne (académie de Créteil) ont prêté serment en la Grand’chambre de la Cour, marquant ainsi la création de la Cour des comptes des jeunes. Ces élèves de seconde se sont engagés le temps de leur année scolaire, avec pour objectif de découvrir la Cour et plus largement nos institutions. Encadrés par des membres de la Cour, ces jeunes citoyens ont choisi trois thèmes de rapports : |
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LA COMMUNICATION : UN RÔLE CLÉ POUR ÉCLAIRER LE DÉBAT PUBLIC
La communication est stratégique pour la Cour, car elle sert sa raison d’être : informer les citoyens. Le « 100 % publication » a eu pour effet de démultiplier le nombre de sollicitations de nos publics et a renforcé l’importance du rôle de communicant. Notre fonction nous place en première ligne dans la mise en visibilité des travaux de la Cour, et surtout dans l’exercice pédagogique facilitant leur bonne compréhension pour éclairer le débat public.
Dans l’objectif d’un accès à cette information par un public le plus large possible, nous adaptons nos supports de communication à nos différents canaux de diffusion. Nos rapports sont intégralement publiés et téléchargeables sur notre site internet. Pour les valoriser et les rendre plus accessibles, nous pouvons par exemple les illustrer à travers des « carrousels » ou des infographies pédagogiques sur notre page LinkedIn, là où un format vidéo sera privilégié sur Instagram. Ce que nous visons dans chacune de nos actions, c’est l’adéquation entre nos supports et les usages de nos différents publics.
La communication a également un rôle clé dans les différentes initiatives qui permettent à la Cour d’être plus proche des citoyens.
Faire connaître les événements accessibles en présentiel ou en distanciel, comme les audiences publiques, la Nuit du droit ou la Journée des droits des femmes est essentiel ; tout comme promouvoir les projets d’ouverture au sens propre de l’institution comme la Cour des comptes des jeunes, ou encore les Journées européennes du patrimoine, qui constituent un temps fort pour lequel la Cour se doit d’être au rendez-vous.
Le développement de notre marque employeur est un pilier important de nos actions de communication. Il est vital pour la Cour d’attirer des talents diversifiés, de fidéliser ses collaborateurs et de favoriser la communication interne dans un moment de transformations importantes. C’est pourquoi une grande partie de notre activité est dédiée à la valorisation de notre cadre de travail, de nos métiers et de nos besoins en recrutement. Tout cela avec pour objectif d’accroître notre attractivité et la fierté d’appartenance de l’ensemble des personnels.
La direction de la communication s’attache à innover et à identifier toute forme de support utile au rayonnement des activités de la Cour.
Nous devons poursuivre nos efforts pour répondre toujours mieux à notre devoir d’information du citoyen en favorisant la compréhension et la lisibilité de nos métiers, de nos travaux et de nos missions.


Des travaux en prise avec l'actualité
En s’inscrivant dans l’actualité et au coeur des préoccupations des citoyennes et citoyens, la Cour des comptes alimente le débat public et éclaire les politiques publiques.
Comment les travaux de la Cour résonnent-ils avec l’actualité et les préoccupations des citoyens ?
La 5e chambre, par essence, se focalise sur des sujets cruciaux pour les citoyens, tels que le logement, l’emploi, la cohésion sociale, la solidarité, etc. De plus, dans la façon d’aborder nos travaux, nous veillons également à avoir une approche centrée sur le citoyen : quand nous avons lancé notre contrôle sur le permis de conduire, nous avons exploré le processus du point de vue des demandeurs, plutôt que de simplement évaluer les critères d’attribution. Cette démarche, volontairement « anti-technocratique », nous permet de mieux répondre aux préoccupations réelles des citoyens.
Par ailleurs, en 2023, nous avons mené un contrôle sur l’octroi de mer, une taxe perçue par les collectivités locales d’outre-mer sur les produits importés, pour anticiper le renouvellement par l’Union européenne de ce régime dérogatoire en 2027. Cela illustre notre capacité à nous inscrire dans l’actualité pour guider les décisions politiques.
Comment la Cour des comptes est-elle saisie par le Parlement ou le Gouvernement, et quels enjeux ces saisines représentent-elles ?
Au-delà des rapports obligatoires inscrits dans la loi, le Parlement et le Gouvernement
peuvent solliciter la Cour pour la réalisation de rapports. Depuis mars 2023, la Cour des comptes est ainsi mandatée pour fournir tous les deux ans un rapport sur la générosité publique et les dons versés aux organismes caritatifs. Concernant les saisines, l’Assemblée nationale nous a demandé d’examiner la question du soutien public aux logements face aux évolutions climatiques et au vieillissement de la population. Pour rendre ce vaste sujet plus pertinent pour les décideurs politiques, nous avons choisi de concentrer notre analyse sur les leçons tirées de MaPrime Rénov’. Cela a permis d’alimenter la réflexion dans l’optique de la création début 2024
de MaPrimeAdapt’, une aide pour les travaux d’adaptation des logements en faveur des personnes âgées et handicapées.

L’ACCUEIL DES RÉFUGIÉS D’UKRAINE En février 2023, la Cour a publié un rapport sur l’accueil et la prise en charge des 115 000 réfugiés ukrainiens en France. Les dépenses engagées par l’État et la sécurité sociale pour |
Plateforme de participation citoyenne : un engouement confirmé
Après une première édition pilote, la plateforme de participation citoyenne a connu un vif succès pour sa seconde campagne. Ce nouvel outil permet de renforcer la prise en compte des préoccupations de la société dans la programmation de la Cour.
Pour renforcer ses liens avec les citoyens, l’un des axes du projet stratégique JF2025, la Cour des comptes a inauguré au printemps 2022 une plateforme de participation citoyenne. Celle-ci permet de suggérer des thèmes pour les prochains rapports de la Cour.
La deuxième campagne, lancée en septembre 2023, a introduit deux nouveautés. D’une part, elle a élargi les propositions de contrôle aux chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC), permettant ainsi aux citoyens de soumettre des sujets de contrôle locaux. D’autre part, elle a consacré l’ouverture de la plateforme aux 15-18 ans, dans la foulée de la loi du 7 juillet 2023 abaissant la majorité numérique à 15 ans.
Ces évolutions ont permis d’amplifier la dynamique de la plateforme : 622 thèmes ont été déposés (+87 %) et 19 622 citoyens supplémentaires se sont inscrits (+111 %). Ce succès s’explique notamment par une large mobilisation des médias nationaux et locaux, ainsi que par la sollicitation de plus de 2 000 associations. Les Journées européennes du patrimoine ont également été l’occasion d’encourager les visiteurs à soumettre des suggestions de contrôle en ligne.
Preuve du succès de l’initiative, les rapports d’initiative citoyenne publiés en 2023 figurent parmi les plus consultés sur le site de la Cour et ont généré de nombreuses retombées presse.
28 thèmes de contrôle retenus parmi sept grands thèmes : services publics de proximité, sujets de société, transition écologique et énergétique, enjeux de probité et de déontologie, fiscalité, dépenses des collectivités locales, solidarités et économie sociale et solidaire.
»PREMIER RAPPORT CITOYEN PUBLIÉ Paru en juillet 2023, le rapport sur « Le recours par l’État aux prestations intellectuelles de cabinets de conseil » est issu de la première campagne de participation citoyenne. En 2021, l’État a dépensé 890 millions d’euros pour ces prestations, dont 75 % dans le domaine informatique. Un rapport de la Cour datant de 2015 avait déjà identifié des lacunes et formulé des recommandations. Malgré certains progrès, cette nouvelle publication souligne que plusieurs constats restent d’actualité. |
DEUX PLATEFORMES : QUELLES DIFFÉRENCES ? Les deux plateformes créées par la Cour remplissent des fonctions complémentaires mais distinctes. La plateforme de signalement permet aux citoyens de faire connaître des irrégularités ou dysfonctionnements dans la gestion publique, ce qui contribue au contrôle de la régularité et à la lutte contre la corruption. La plateforme de participation citoyenne offre, elle, un canal pour suggérer des thèmes de contrôle et participer ainsi à l’orientation des contrôles de la Cour. |
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LES JURIDICTIONS FINANCIÈRES S’EMPARENT DE LA PLATEFORME DE SIGNALEMENT
La plateforme de signalement a été lancée le 6 septembre 2022 pour permettre aux citoyens, aux lanceurs d’alerte et aux associations de signaler des irrégularités financières aux juridictions financières.
Cette initiative s’inscrit dans la stratégie de modernisation promue par JF2025, visant à ouvrir davantage les juridictions financières à la société et à être plus en prise avec l’actualité.
Dès son lancement, nous avions constaté que les citoyens s’étaient rapidement emparés de l’outil. Ce constat ne s’est pas démenti au fil du temps et nous restons impressionnés par son succès.
Concrètement, 1 002 signalements ont été déposés sur la plateforme en 2023, soit une moyenne de 84 signalements par mois. Sur ces 1 002 signalements, 43 % sont des signalements anonymes, auxquels nous portons une attention particulière afin de contenir toute propension à la délation. 30 % des signalements sont considérés comme inexploitables ou ne relevant pas de la compétence des juridictions financières. Sur les 700 restants, 70 % sont de la compétence des chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC) et 30 % de celle de la Cour.
Pour les signaux dits forts, nous les adressons pour « attribution et suivi » au président de chambre thématique de la Cour ou au président de CRTC en l’invitant à envisager une inscription à la programmation à brève échéance.
Sur 76 signalements de ce type adressés aux chambres thématiques de la Cour, 70 ont été pris en compte dans le cadre d’un contrôle en cours ou de la programmation 2024 (41 concernaient un même organisme). Pour les CRTC, ce ratio est de 39 sur 53. Pour les signaux dits faibles, nous les transmettons également aux chambres afin qu’ils nourrissent l’analyse des risques des entités placées sous leur contrôle. Et dans trois cas, le Procureur général a pris l’initiative de saisir la chambre du contentieux.
Découvrir la plateforme de signalement : https://signalement.ccomptes.fr
Bruno NATAF, substitut général du Procureur général près la Cour des comptes
Une vigie des finances publiques
Juridiction indépendante, à équidistance du Parlement et du Gouvernement, la Cour des comptes se positionne comme un tiers de confiance. Par ses nombreux travaux, elle contribue à apporter une information crédible et rigoureuse sur les finances publiques et ainsi à éclairer le débat citoyen.
Nos conclusions trouvent un écho de plus en plus large dans la société civile et les médias.
»En quoi la Cour des comptes assiste l’action du Parlement ?
À la demande de l’Assemblée nationale et du Sénat, la Cour réalise chaque année une quinzaine de rapports sur des sujets très variés.
En 2023, la première chambre a par exemple rendu un rapport sur l’immobilier de l’État,
200 000 bâtiments et 94 millions de mètres carrés ! Et nous venons de remettre au Parlement, en juin 2024, un rapport sur les droits de succession. Rappelons aussi que la Cour exerce une mission confiée par la loi organique relative aux lois de finances. À ce titre, elle remet chaque année au Parlement plusieurs rapports sur l’exécution du budget de l’État, sur les comptes de l’État, que la Cour certifie et la situation générale des finances publiques, avec une perspective à moyen terme. Nous analysons ainsi les recettes, l’évolution des différents postes de dépenses, les déficits et l’endettement des administrations publiques. L’ensemble de ces travaux (voir page suivante) éclairent les débats et décisions parlementaires, ainsi que les citoyens et citoyennes.
Nous constatons d’ailleurs que nos conclusions trouvent un écho de plus en plus large dans la société civile et les médias. Preuve d’une attente forte d’une parole à la fois indépendante et sans concession, mais aussi consciente des contraintes qui s’imposent à l’action publique (le contexte particulier de la crise énergétique et de l’inflation, la nécessité d’investissements pour la lutte contre le réchauffement climatique…).
En quoi la Cour des comptes se positionne également comme une boussole de l’action publique ?
Notre rôle est de dire où en sont exactement les finances publiques et de garantir que les chiffres produits sont les bons. Mais notre mission va au-delà, en questionnant dans nos rapports la qualité du service rendu et son coût. C’est-à-dire en se demandant, par exemple, s’il n’y a pas de gaspillage de l’argent public ou si l’efficience des dépenses a été suffisamment questionnée.
C’est d’ailleurs dans ce contexte qu’en 2023, nous avons dédié un chapitre entier du rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques (RSPFP) à la qualité de la dépense. Pour la première fois, nous avons proposé une méthodologie d’analyse de la qualité de la dépense des acteurs publics, autour de trois étapes : la conception des politiques publiques, leur déploiement et l’évaluation de l’efficacité des dépenses correspondantes.

En quoi ce rôle de vigie s’exprime aussi pour les finances sociales ?
Tout d’abord, nous certifions chaque année les comptes de la sécurité sociale – c’est-à-dire de ses six branches : recouvrement, maladie, vieillesse, famille, accidents du travail / maladies professionnelles et autonomie – et du CPSTI (Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants). Ce qui représente plus de 500 milliards d’euros. Notre rôle est ainsi non seulement de vérifier la régularité et la sincérité des comptes, mais aussi d’inciter à modifier des orientations de gestion qui affectent les comptes, comme les modalités de calcul de provisions ou celles du contrôle interne des organismes de sécurité sociale. Et nos alertes ne sont pas sans effet. Un exemple : en 2023, la Cour des comptes a refusé de certifier les comptes de la branche famille. Cela l’a incitée à prendre des mesures vigoureuses pour améliorer le contrôle interne et mieux identifier les risques financiers, les fraudes éventuelles, les axes d’optimisation de gestion…
De même, le rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale (Ralfss), que nous publions désormais au printemps, rend compte au Parlement de la manière dont les mesures ou réformes qu’il a votées ont été mises en oeuvre, à quel coût et avec quels résultats. À travers ce rapport, nous alertons également sur la situation financière de la sécurité sociale et sur l’évolution des dépenses maladie en particulier.
Sur ces aspects, en quoi l’efficience des dépenses est également une grille de lecture importante ?
En matière de politiques sociales, la question de l’efficience est centrale. Elle renvoie, en effet, à celle de la qualité de l’offre de soins ou de la protection sociale et à son coût pour la collectivité. Le Ralfss s’attache à identifier les gisements d’économies potentielles, mais aussi les leviers d’amélioration dans l’organisation et la qualité des politiques publiques de santé et de solidarité.
Il est ainsi essentiel de mettre en regard le niveau élevé des taux de prélèvements obligatoires et la qualité du service public rendu. À bien des égards, celui-ci n’est pas jugé à la hauteur des attentes ni des financements.
Ces questionnements seront d’ailleurs de plus en plus prégnants dans les années à venir. La population vieillit, c’est un fait. Et cela entraînera inévitablement une forte augmentation des dépenses liées aux soins et à la dépendance. Sauf à revoir le modèle de financement de notre politique de santé – réparti entre l’assurance maladie obligatoire, les assurances complémentaires, les cotisations patronales et salariales et les patients (avec le reste à charge) –, il est impératif de rechercher, dans tous les domaines, une meilleure allocation des moyens, en fonction d’objectifs identifiés et chiffrés, et d’en mesurer les résultats. Cette culture de l’efficience n’est pas suffisamment présente dans les politiques de santé et de solidarité. Il en va pourtant de la pérennité de notre contrat social.

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UNE ARCHITECTURE DE TRAVAUX ARTICULÉE, COHÉRENTE ET GAGE DE CONFIANCE
Indépendante, la Cour des comptes est bien une vigie de l’action publique. Pour sa mission constitutionnelle d’assistance au Parlement, elle opère un examen en profondeur des finances publiques, grâce à un ensemble de travaux et de rapports, positionnés tout au long de l’année et en cohérence avec le calendrier parlementaire.
Cet enchaînement permet une articulation à un triple niveau. Articulation entre les équipes et les méthodologies, tout d’abord. Selon notre principe fondamental de collégialité, la formation inter-juridictions dédiée aux finances publiques est composée de magistrats et magistrates de toutes les chambres, mêlant les domaines d’expertises et assurant la cohérence entre les approches.
Articulation entre les systèmes comptables, ensuite. En effet, tous ces travaux couvrent l’ensemble des systèmes utilisés par les finances publiques : la comptabilité nationale, la comptabilité budgétaire et la comptabilité générale.
Enfin, articulation entre les rapports. Chacune de ces publications s’inscrit dans un chaînage de constats et de recommandations qui sont reprises, confrontées, approfondies et suivies dans la durée, gage de crédibilité et de cohérence.
Ces différents niveaux sont d’autant plus nécessaires que la Cour des comptes doit porter des messages parfois difficiles pour assurer sa mission et en informer les citoyennes et les citoyens.

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UN RAYONNEMENT INTERNATIONAL ACCRU
Accroître la dimension internationale de ses travaux est une priorité stratégique de la Cour des comptes. Pour promouvoir notre modèle de juridiction financière, d’abord. Il est, en effet, différent des modèles non juridictionnels comme les bureaux d’audit présents dans les pays anglo-saxons. Ensuite, ce rayonnement est une manière de contribuer à l’influence de la France par-delà ses frontières, mais aussi de soutenir la promotion de l’État de droit. Enfin, ces moments d’échanges avec nos homologues étrangers sont précieux pour notre collectif. Nous y partageons des bonnes pratiques, confrontons nos approches et enrichissons nos réseaux.
En 2023, cette mobilisation internationale a été intense et s’est exprimée à de multiples échelles. Celle de l’Europe, bien sûr (notamment via le réseau de coopération piloté par la Cour des comptes européenne). Celle de la francophonie, également, car la Cour des comptes est secrétaire générale de l’Association des institutions supérieures de contrôle ayant en commun l’usage du français (Aisccuf).
Au niveau bilatéral, nous avons poursuivi notre travail avec le Sénégal, l’Algérie et le Maroc afin d’accompagner le renforcement de leurs capacités institutionnelles et professionnelles.
Sur le plan multilatéral, nous avons continué à renforcer la visibilité internationale du Forum des institutions supérieures à compétence juridictionnelle. Nous assurons aujourd’hui la coprésidence avec l’Équateur de cette organisation qui rassemble une quarantaine d’institutions supérieures de contrôle (ISC) à travers le monde. Le thème de notre réunion annuelle portait sur la lutte contre la corruption.
Enfin, 2023 a été marquée par la publication des premiers travaux menés dans le cadre de notre mandat d’auditeur externe des Nations unies, avec notamment la présentation de notre premier rapport sur les opérations du maintien de la paix. Aujourd’hui, notre organisation avec des équipes capables de se mobiliser en France, à New York, à Genève, mais aussi sur tous les terrains d’exercice de l’ONU (au Mali, en République démocratique du Congo…) a su démontrer très rapidement son efficacité et son agilité.
C’est d’ailleurs dans ce contexte que Pierre Moscovici a été élu président du panel des auditeurs de l’ONU. La Cour des comptes se retrouve ainsi aux avant-postes des échanges avec les représentants d’ISC de douze autres États membres sur des thèmes aussi structurants que le changement climatique ou l’amélioration de la responsabilité des Nations unies.
La réunion à Paris en décembre 2024 de ce panel sera un point d’orgue de notre action internationale.


Une institution en phase avec les enjeux de l’action publique
En 2023, la Cour des comptes et les chambres régionales et territoriales des comptes ont continué à s’adapter aux enjeux et aux évolutions de l’action publique, renforçant ainsi leur rôle en tant que pilier de la démocratie. Les transformations en cours, à l’image du développement de l’évaluation, du renforcement des compétences en exploitation de données numériques ou l’intensification des collaborations académiques, permettent à la Cour de s’inscrire dans le rythme de l’action publique pour éclairer les décisions politiques.
En introduisant de nouveaux formats de publication, comme les audits flash ou les notes thématiques, la Cour des comptes renforce sa réactivité face à l’actualité et aux attentes citoyennes pour éclairer les enjeux publics.
Des formats divers pour s'adapter au temps de la décision politique
Comment la Cour des comptes concilie-t-elle un rythme de publication accru avec les impératifs de l’action publique ?
Depuis le 1er janvier 2023, toutes les publications de la Cour sont rendues publiques, ce qui a significativement augmenté leur fréquence. On dénombre près d’un rapport par jour ouvrable. Afin d’améliorer notre réactivité et notre pertinence face
aux préoccupations des citoyens et au rythme de l’action publique, nous avons introduit de nouveaux formats. Les audits flash, réalisés dans des délais resserrés, visent à fournir des analyses rapides sur des sujets d’actualité. Par exemple, nous avons réalisé un audit sur le guichet unique de services pour les entreprises pour identifier les causes des difficultés rencontrées dans sa mise en place.
Les notes thématiques, quant à elles, servent à résumer et à remettre en avant des travaux antérieurs de la Cour, souvent en lien avec des sujets d’actualité.
Comment les cahiers territoriaux s’intègrent-ils dans la stratégie de diversification des formats de la Cour des comptes ?
Lors de travaux impliquant à la fois la Cour et des chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC), nous éditons des cahiers territoriaux pour mettre en avant les aspects locaux des politiques publiques. Ceux-ci complètent les rapports publics thématiques pour fournir des illustrations locales. En 2023, par exemple, nous avons publié des cahiers territoriaux sur la la gestion quantitative de l’eau en période de changement climatique ainsi que sur l’accompagnement des personnes en situation de handicap vieillissantes, offrant alors une analyse détaillée par région et favorisant les relais via la presse locale.
En quoi la diversification des formats de rapport répond-elle aux enjeux actuels de l’action publique ?
Cette diversification permet de mieux répondre aux attentes citoyennes concernant la qualité du service public. Elle témoigne de la volonté de la Cour des comptes d’innover et de moderniser ses pratiques. Par ailleurs, elle offre un éclairage rapide et ciblé sur des problèmes spécifiques et renforce notre proximité avec les citoyens. Les audits flash et les enquêtes citoyennes, issues de la plateforme de participation, permettent de traiter des sujets d’actualité et de recueillir les préoccupations directes des citoyens, contribuant ainsi à une meilleure transparence et compréhension des actions de la Cour. Une telle consultation peut également encourager ces derniers à s’intéresser davantage aux questions de gestion des finances publiques et à participer au débat démocratique.

LE RAPPORT PUBLIC ANNUEL, PUBLICATION HISTORIQUE Né avec la Cour des comptes en 1807, le rapport public annuel (RPA) est d’abord transmis au chef de l’État, puis au Parlement à partir de 1832, et rendu public depuis 1938. Publication phare des juridictions financières, sa composition évolue constamment, comme en témoigne l’implication croissante des CRTC. Par le passé, le RPA compilait les manquements les plus notables de l’année écoulée. Depuis 2021, il adopte un format thématique : |

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PLAN QUALITÉ ET DÉLAIS : DES RÉSULTATS CONCRETS
Un des engagements forts du plan de modernisation des juridictions financières JF2025 portait sur l’amélioration des délais de production de nos travaux. Depuis longtemps, nous savions qu’il existait un potentiel d’amélioration de nos enquêtes, souvent longues en raison du formalisme de nos procédures et de nos modes traditionnels d’organisation.
Le passage au 100 % publication nous impose de publier nos travaux just-in-time pour nous inscrire dans un calendrier qui permet à nos rapports d’être utiles au débat public et parlementaire. Pour répondre à ces défis, un plan d’action qualité et délai des travaux a été adopté en mars 2024. Celui-ci repose sur cinq principes : l’anticipation, la responsabilisation, la coordination, la transparence et l’accompagnement des rapporteurs. Lors de l’analyse préalable réalisée en 2022 dans le cadre du projet JF2025, nous avions identifié plusieurs leviers comme la gestion en mode projet et la mise en place de workflows internes.
Engagé en 2022, ce processus, qui a déjà permis de réduire significativement les délais moyens d’instruction et de traitement des rapports délibérés, doit être poursuivi. Nous nous sommes montrés capables de produire une évaluation de politique publique – un des genres les plus exigeants – sur le programme exceptionnel d’investissements (PEI) en faveur de la Corse en seulement douze mois. Ce succès s’explique par un ciblage sur un programme et un territoire restreints, une instruction portée par une équipe resserrée et motivée, et une collaboration exemplaire entre une chambre de la Cour et une chambre régionale des comptes.
La mise en place d’audits flash qui, comme leur nom l’indique, sont menés dans des délais particulièrement courts (un à deux mois), participe également de cette démarche.
Notre ambition est de pouvoir porter un jugement rapide sur une action publique sous les feux de l’actualité. Ainsi, l’audit flash réalisé sur le dispositif MaPrimeRénov’ a permis d’évaluer le déploiement de cette mesure quelques mois seulement après son lancement, sans attendre un jugement sur son efficacité.
Nous devons bien entendu nous convaincre que la réduction des délais ne signifie pas une baisse de la qualité de nos travaux. Au contraire, une gestion efficace du temps et une rigueur de méthode et d’organisation permettent d’assurer que les résultats de nos enquêtes arrivent à point nommé. En fixant des délais plus serrés, nous faisons en sorte que nos publications arrivent au bon moment pour contribuer à l’appréciation des politiques publiques. Tout en ayant de la considération pour la splendeur de la marine à voile et la douceur des lampes à huile, nous transformons ainsi notre manière de travailler, passant d’un artisanat minutieux à une industrialisation en mode agile, avec une exigence accrue de qualité du fait de notre principe de publication intégrale de nos travaux.


Une collaboration renforcée entre les juridictions financières
En favorisant les collaborations entre les chambres de la Cour et les chambres régionales et territoriales des comptes, les formations inter-chambres et inter-juridictions renforcent les capacités d’analyse des politiques locales et nationales.
Les formations inter-chambres et inter-juridictions sont cruciales pour une évaluation complète et rigoureuse des politiques publiques.
»Pouvez-vous nous expliquer ce que sont les formations inter-chambres et inter-juridictions et en quoi elles diffèrent ?
Les formations inter-chambres (FIC) et les formations inter-juridictions (FIJ) sont des dispositifs de collaboration au sein de la Cour des comptes. Les FIC impliquent plusieurs chambres de la Cour des comptes, permettant une approche multidimensionnelle sur des sujets complexes. Par exemple, un sujet portant sur la rénovation énergétique des logements associera la 5e chambre, compétente sur le logement, et la 2e, compétente sur l’environnement. De leur côté, les FIJ associent les chambres de la Cour des comptes avec les chambres régionales et territoriales des comptes. Cette configuration est essentielle pour traiter des politiques publiques partagées entre l’État et les collectivités locales, comme c’est le cas pour les infrastructures scolaires par exemple, où l’État finance les salaires des enseignants tandis que les collectivités locales gèrent les bâtiments et les services auxiliaires.
Quels avantages ces formations apportent-elles à l’efficacité et à la cohérence des travaux de la Cour ?
Les formations inter-chambres et inter-juridictions sont cruciales pour une évaluation complète et rigoureuse des politiques publiques. Ces collaborations permettent de couvrir tous les aspects d’un sujet, assurant une vision complète et cohérente.
Par exemple, dans le cadre de l’enquête menée sur les stations de montagne, une formation inter-juridictions a permis d’évaluer les conséquences du changement climatique en associant cinq chambres régionales pour les aspects locaux à la 1re et la 2e chambres de la Cour pour les questions touristiques et environnementales.

QUEL AVENIR POUR LES STATIONS DE MONTAGNE FACE AU CHANGEMENT CLIMATIQUE ? Publié en février 2024, le rapport sur « Les stations de montagne face au changement climatique » met en lumière les défis majeurs auxquels les stations françaises sont confrontées. L’enquête, qui a permis de contrôler 42 stations, souligne l’essoufflement du modèle économique basé sur le ski et l’insuffisance des politiques d’adaptation actuelles. Le rapport recommande une gouvernance élargie et une meilleure préservation des ressources naturelles. Il propose également la création d’un fonds de solidarité financé par une taxe sur les remontées mécaniques pour soutenir les stations les plus vulnérables. Ces mesures visent à assurer la viabilité économique et écologique des stations de montagne à l’horizon 2050. |

L’évaluation, une mission essentielle pour des décisions éclairées
Le programme de modernisation JF2025 prévoit que, d’ici 2025, 20 % des ressources de la Cour et des chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC) soient dédiées à l’évaluation des politiques publiques. Cette mission, consacrée par la Constitution en 2008 pour la Cour des comptes, est aujourd’hui élargie aux CRC.
Quelle est la différence entre une évaluation de politique publique et un contrôle classique ?
L’évaluation de politique publique vise principalement à mesurer les impacts d’une politique, notamment son efficacité par rapport aux objectifs fixés, son efficience en termes de moyens utilisés, sa cohérence avec d’autres actions et son utilité pour les parties prenantes. Le contrôle classique se concentre sur la régularité et la qualité de la gestion d’un organisme public. L’évaluation englobe, quant à elle, une analyse plus large et qualitative, souvent avec la participation de diverses parties prenantes telles que des usagers, des chercheurs et des entreprises.
Quels sont les outils et méthodes utilisés dans l’évaluation de politique publique ?
Avant de lancer une évaluation, nous réfléchissons à sa faisabilité et définissons à cette fin des démarches précises. Nous constituons ensuite un comité d’accompagnement comprenant les parties prenantes pertinentes. Ce comité aide à formuler les questions évaluatives, à concevoir les outils d’évaluation (sondages par exemple), et à apprécier la progression des travaux d’évaluation. Nous nous appuyons également sur des techniques quantitatives et des croisements de bases de données. Cette approche complète permet de formuler des jugements éclairés.
Quels sont les bénéfices de l’évaluation de politique publique pour les collectivités ?
L’évaluation de politique publique permet aux responsables publics de mieux ajuster leurs actions aux besoins des citoyens. Elle peut également fournir des indicateurs clairs d’efficacité et d’efficience, facilitant la prise de décisions. De plus, elle encourage la transparence et la responsabilité en rendant compte des résultats aux administrés. Par exemple, l’évaluation sur la lutte contre les algues vertes en Bretagne a conduit à des recommandations concrètes qui vont aider les collectivités à améliorer leurs politiques agricoles et environnementales.

L’ÉVALUATION DE POLITIQUE PUBLIQUE L’évaluation de politique publique (EPP) consiste à mesurer les impacts d’une politique publique, ses objectifs et ses résultats, afin d’éclairer la décision publique. |
SOUTIEN AU TOURISME PENDANT LA CRISE SANITAIRE : QUEL BILAN ? En 2023, la Cour des comptes a évalué les mesures de soutien au secteur du tourisme déployées en 2020 et 2021 pendant la crise sanitaire. Cette évaluation a révélé que les 45,5 milliards d’euros d’aides publiques ont permis de préserver le secteur. Ces aides ont compensé 88 % des pertes d’excédent brut d’exploitation et 25,8 % des pertes de chiffre d’affaires, réduisant les faillites d’entreprises de 44 %. Elles ont également facilité une reprise dynamique dès la levée des restrictions sanitaires. |

L’ÉVALUATION, UNE COMPÉTENCE ÉLARGIE AUX CRC Depuis la loi dite « 3DS » de février 2022, les chambres régionales des comptes (CRC) disposent de nouvelles prérogatives pour réaliser des évaluations de politiques publiques locales. Cette réforme permet aux CRC de se saisir de leur propre initiative (autosaisine) ou d’être saisies par des collectivités locales pour conduire ces évaluations. Leur champ d’action, qui était auparavant limité aux formations inter-juridictions en collaboration avec la Cour des comptes, est ainsi élargi. |
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LA MONTÉE EN PUISSANCE DES JURIDICTIONS FINANCIÈRES SUR LES ÉVALUATIONS DE POLITIQUE PUBLIQUE
Les évaluations de politique publique menées par les juridictions financières visent à éclairer le débat public et la décision politique. Elles cherchent à apprécier, de manière objective, la qualité des objectifs et de la mise en oeuvre des politiques publiques déployées, ainsi que l’ensemble de leurs conséquences, qu’elles soient attendues ou non, directes ou non.
Le croisement des méthodes quantitatives et qualitatives permet à cet égard non seulement de chiffrer les phénomènes observés mais aussi de les comprendre.
En 2024, les évaluations représentent près de 12 % de l’activité de la Cour des comptes, contre moins de 3 % en 2020. L’objectif est d’atteindre 20 % dès 2025, ce qui se traduira concrètement par la publication de trois évaluations par chambre, soit une moyenne de 18 évaluations par an. La Cour des comptes consolidera ainsi sa place d’acteur principal de l’évaluation ex post en France.
Pour atteindre cet objectif, la Cour des comptes renforce ses compétences en interne et ses partenariats en externe. En interne, cela se traduit par le déploiement de formations et d’un guide méthodologique, l’appui statistique des data scientists du secrétariat général, ou encore l’accueil de doctorants « Cofra (Conventions de formation par la recherche en administration) ».
En externe, des conventions permettent d’associer des acteurs académiques, comme le Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques (Liepp), l’Institut des politiques publiques (IPP), le CNRS ou encore Inria. Ces collaborations permettent d’enrichir nos évaluations et de maintenir un haut niveau de qualité méthodologique.
Pour nourrir le débat public, nous avons publié en mai 2024 la « Plateforme des évaluations de politique publique ». Disponible au grand public sur notre site, cette plateforme recense près des 1 000 évaluations ex post produites par des acteurs académiques et institutionnels en France depuis 2008. Elle synthétise chacune de ces évaluations en indiquant ses résultats clés et ses éventuelles recommandations. L’objectif est double. Il s’agit, d’une part, de rendre plus accessibles, plus intelligibles et donc plus utiles l’ensemble des évaluations disponibles.
Il s’agit, d’autre part, de susciter une émulation entre les évaluateurs et l’identification des politiques méritant d’être évaluées.
Cette démarche fait d’ailleurs écho aux « Séminaires de l’évaluation », coorganisés par le rapporteur général et le secrétariat général, pendant lesquels les principaux évaluateurs institutionnels et académiques sont invités à la Cour pour discuter des évaluations en cours ou à venir.

Suivi des recommandations : un impact concret sur la gestion publique
Les préconisations formulées par la Cour et les chambres régionales et territoriales des comptes sont, dans leur majorité, suivies des mesures correctives ou des réformes nécessaires.
Le Code des juridictions financières prévoit que la Cour des comptes publie chaque année un rapport présentant les suites données à ses observations et recommandations ainsi qu’à celles des chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC). Le rapport publié en 2023 évalue les résultats de 2022, concernant des recommandations formulées en 2019 pour la Cour des comptes et en 2021 pour les CRTC. Ce bilan permet d’identifier si les recommandations ont été ou non mises en oeuvre, et ce, partiellement ou complètement. Ce suivi montre concrètement comment les travaux des juridictions financières contribuent à l’amélioration des politiques et de la gestion publiques. Comme les années précédentes, près de 75 % des recommandations de la Cour et des CRTC ont été totalement ou partiellement suivies d’effet.
TROIS EXEMPLES DE PRISE EN COMPTE DES RECOMMANDATIONS Réforme du réseau des trains Intercités Lutte contre la fraude aux travailleurs détachés Transformation réussie de la filière du sang |
Le numérique au service de l’information citoyenne
Grâce à l’apport de data scientists, la Cour des comptes transforme les données massives en outils de connaissance, tout en garantissant sécurité, éthique et transparence pour mieux informer les citoyens et les administrations contrôlées.
Le traitement des données aide à prouver ce qui relève de l’intuition ou à rendre intelligibles et visibles des choses qui ne le sont pas.
»Comment l’intégration de data scientists au sein de la Cour des comptes a fait évoluer votre approche de l’analyse de données ?
L’intégration de data scientists a profondément transformé notre approche de l’analyse de données. Nous avons démarré avec une petite équipe qui s’est rapidement structurée pour répondre à la croissance des demandes, augmentant d’environ 40 % par an. Cette émergence du traitement des données s’explique principalement par deux facteurs. Le premier est le développement des évaluations de politiques publiques, mission qui a été élargie aux chambres régionales des comptes depuis le 1er janvier 2023. Le second est lié à la transformation numérique des administrations que nous contrôlons et de la société en général, ce qui nous a fait entrer dans une ère de données massives.
Quels bénéfices apporte l’analyse des données ?
Le traitement des données permet de créer de la connaissance, de comprendre des phénomènes et de les expliquer aux citoyens. Il aide également à prouver ce qui relève de l’intuition ou à rendre intelligibles et visibles des choses qui ne le sont pas. Par exemple, dans un rapport sur l’accompagnement des personnes en situation de handicap vieillissantes, nous avons pu montrer, grâce à un algorithme d’intelligence artificielle, qu’il existe un âge clé où se produit une rupture dans la continuité des soins, ce que même les professionnels du secteur ignoraient.
Pour le rapport public annuel 2024 dédié à l’adaptation au changement climatique, nous avons croisé des données météorologiques avec celles de fréquentation des services d’urgence. Nous avons ainsi identifié que les vagues de chaleur entraînent une augmentation de 4 % de la fréquentation des urgences. En utilisant le modèle prédictif de Météo France, qui projette sur quinze ans l’intensité et la fréquence des vagues de chaleur, nous avons pu déterminer la nécessité de moyens supplémentaires dans les services d’urgence.
Comment la Cour des comptes intègre-t-elle les avancées en matière d’intelligence artificielle ?
Nous intégrons l’intelligence artificielle (IA) de trois manières principales. Premièrement, nous utilisons des algorithmes d’IA dans nos contrôles pour des analyses quantitatives et prédictives. Deuxièmement, nous commençons à intégrer des outils d’intelligence artificielle dans nos pratiques internes. Par exemple, nous avons développé un prototype d’IA générative pour générer des synthèses de documents. Cette IA est sécurisée et souveraine, garantissant la confidentialité et l’intégrité des données. Enfin, nous élaborons des grilles d’analyse pour aider les rapporteurs à évaluer les IA utilisées par les administrations.
Comment la Cour des comptes assure-t-elle la sécurité des données sensibles qu’elle manipule ?
Garantir la sécurité des données est primordial. Pour les données les plus sensibles, comme celles protégées par des secrets (défense nationale, secret statistique, secret fiscal, etc.), nous utilisons des postes sécurisés dans des environnements contrôlés. Pour les données moins sensibles, nous employons des boîtiers sécurisés et des disques durs cryptés. Tous nos services en ligne sont homologués et font l’objet de tests d’intrusion réguliers. De plus, nous sommes connectés au réseau internet de l’État, un réseau fermé et surveillé en permanence pour détecter toute anomalie.
Comment la Cour des comptes aborde-t-elle les questions éthiques en lien avec le numérique ?
Bien que nous n’ayons pas encore de charte éthique formalisée, nous suivons des règles strictes. Nous nous interdisons d’utiliser certaines technologies, notamment les algorithmes dont nous ne pourrions pas expliquer le fonctionnement. De plus, nous ne réalisons des analyses de données que sur demande explicite des magistrats.
Avec la place croissante de l’intelligence artificielle dans les administrations, il est crucial que les juridictions financières, en tant qu’outil de la démocratie, puissent rassurer les citoyens sur le caractère éthique, fiable et sécurisé de l’utilisation de ces technologies.

ÉVALUER LA STRATÉGIE NATIONALE DE RECHERCHE EN INTELLIGENCE ARTIFICIELLE « IN ITINERE » La Cour des comptes a publié en avril 2023 une évaluation de politique publique portant sur la stratégie nationale de recherche en intelligence artificielle (IA). |
Un nouveau socle pour la justice financière
Le 1er janvier 2023 a marqué l’instauration d’un nouveau régime de responsabilité unifiée des gestionnaires publics et de son juge de premier ressort unique, la chambre du contentieux. Une étape historique pour la Cour des comptes qui renforce ainsi sa mission au service d’une justice financière plus efficace, transparente et protectrice des droits des justiciables.
50 affaires à l’instruction depuis début 2023. 17 arrêts rendus en 2023, 12 relatifs à l’ancien régime, 5 relevant du nouveau régime.
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En quoi ce nouvel ordre juridictionnel diffère-t-il du précédent ?
Le nouveau régime de responsabilité des gestionnaires publics est plus lisible parce qu’il est unique. Jusqu’à fin 2022, deux régimes distincts existaient. L’un relevait de la Cour et des chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC), propre aux comptables publics et d’inspiration civile. Il pouvait ainsi aboutir à la sanction financière personnelle du comptable à hauteur des sommes indûment payées ou non recouvrées. L’autre relevait de la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF), applicable à la plupart des agents des organismes dépendant du contrôle des juridictions financières, et d’inspiration répressive (avec de possibles amendes en cas d’infraction). Avec le nouveau régime de responsabilité unifiée, qui a été porté par le projet stratégique JF2025, tous les protagonistes d’une même affaire peuvent être jugés par une seule juridiction financière, la chambre du contentieux. Surtout, chaque justiciable peut être poursuivi pour les fautes qu’il a effectivement commises. Auparavant, le comptable était présumé responsable de toutes les opérations réalisées par son poste, y compris en son absence ou lorsqu’il n’était pas le principal acteur.

En quoi ce régime permet-il à la justice financière de gagner en efficacité ?
Auparavant, dans l’immense majorité des cas, les comptables ne payaient pas les sommes parfois très élevées mises à leur charge par le juge financier, en raison des remises gracieuses prononcées par le ministre chargé du budget. Ce nouveau régime de responsabilité est plus efficace, car il joue un rôle préventif et dissuasif en sensibilisant de manière crédible un grand nombre de gestionnaires publics à leurs responsabilités juridiques et financières, tout en restant centré sur les manquements les plus graves. Par ailleurs, l’existence d’une seule juridiction, la chambre du
contentieux, contribue à la construction plus rapide d’une jurisprudence cohérente.
Après une année d’exercice, quel bilan peut être tiré ?
L’année 2023 a été une année de transition. Nous avons pu compter sur les jalons posés par la 7e chambre qui concentrait déjà entre 2021 et 2022 l’ensemble des compétences juridictionnelles.
Nous avons achevé des procédures relevant de l’ancien régime de responsabilité et commencé à instruire et juger des affaires se situant dans le nouveau.
Nous disposons encore de peu de recul, mais nous pouvons tirer quelques enseignements. Tout d’abord, une différence notable est apparue : les dossiers à l’instruction et les premières affaires jugées couvrent la plupart des dix infractions instituées par le nouveau régime.
Par le passé, une seule infraction au périmètre très étendu concentrait l’essentiel du contentieux. La justice financière rendue est donc plus précise. Ensuite, l’organisation des équipes chargées de l’instruction est plus diversifiée. Plusieurs dossiers ont été confiés à deux magistrats ou magistrates, au lieu d’un ou d’une seule, et la chambre du contentieux bénéficie du concours de six vérificateurs. La fixation d’objectifs plus ambitieux et l’affectation à temps plein de huit magistrats ou magistrates de la Cour
et de huit des CRTC ont également permis de réduire sensiblement les délais d’instruction et de jugement.
6 à 12 mois d’instruction : c’est l’objectif de durée moyenne d’instruction atteint en 2023.
L’objectif de délai moyen total de jugement est de 18 mois, contre 36 mois pour l’ancienne CDBF.
ORDONNATEURS OU COMPTABLES PUBLICS : QUELLES DIFFÉRENCES ? Les gestionnaires publics sont répartis en deux catégories : |

DÉCRYPTAGE |
UN RÔLE RÉAFFIRMÉ À LA FOIS RÉPRESSIF ET DISSUASIF
L’une des vertus de ce nouvel ordre juridictionnel est de consolider le positionnement d’une justice financière spécialisée qui sanctionne les fautes les plus graves des gestionnaires publics et protège les finances publiques, tout en étant complémentaire de la justice pénale dont le périmètre concerne les délits financiers. Quant aux fautes purement formelles, celles-ci relèvent désormais avant tout de la responsabilité managériale. Concrètement, ce nouveau régime, plus efficace dans ses procédures et ses sanctions, nous permet de passer beaucoup plus de temps sur des activités proprement contentieuses. La réforme est ainsi venue renforcer le Parquet dans son cœur de métier, qui est l’engagement de poursuites.
Un autre bénéfice se dégage : son effet dissuasif et d’incitation à l’exemplarité dans la gestion de l’argent public. Et ce, à travers deux leviers. Tout d’abord, dans le cas des actions les moins graves, des alternatives aux poursuites sont privilégiées. Au lieu de sanctionner, nous alertons, nous faisons des rappels à la loi et donc prévenons les mauvaises pratiques. Ensuite, en devenant plus cohérent et lisible, ce nouveau système de responsabilité – sous la forme d’un régime répressif commun relevant d’un seul juge – est également plus visible, compréhensible et susceptible d’appropriation par tous les gestionnaires publics.
Pour aller plus loin, je dirais qu’en réaffirmant le rôle répressif et dissuasif de sa fonction juridictionnelle, la Cour des comptes pose peu à peu les jalons pour développer un écosystème de l’ordre public financier. Celui-ci intègre bien sûr les juridictions financières et le ministère public. Mais notre ambition est désormais de resserrer nos liens avec les inspections générales, le réseau de la direction générale des finances publiques et les préfets. Nous souhaitons également articuler davantage notre action avec la justice pénale.
Ainsi, l’objectif est d’innerver l’ensemble des autorités de déféré afin de mener une politique de poursuites à la fois équilibrée et sélective, équitable et dissuasive.

QU’EST- CE QU’UN DÉFÉRÉ ? Il s’agit de l’action de porter une affaire devant l’autorité judiciaire compétente. |
INFORMER, DÉCRYPTER, RASSURER Tout au long de l’année 2023, magistrats et magistrates de la chambre du contentieux, aux côtés du Parquet général et de la direction des affaires juridiques, se sont mobilisés pour faire la pédagogie du nouveau régime et lever les éventuelles interrogations, voire craintes, des gestionnaires publics. De multiples rencontres en présentiel ou visioconférences ont ainsi été organisées. Point d’orgue : le séminaire de l’Institut national du service public, qui s’est tenu le 8 novembre 2023 sur le thème « Gestionnaires publics : quelle responsabilité financière ? ». Retrouvez ici le replay de l’événement : ColloqueResponsabilite |
La certification au service de la qualité des comptes publics
Les comptes des administrations publiques doivent être réguliers, sincères et donner une image fidèle de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière. Tel est le cadre défini par la Constitution de la mission de certification de la Cour des comptes.
Celle-ci est régie par deux maîtres mots : rigueur et transparence.
Quelles sont les caractéristiques de la certification, telle qu’elle est menée par la Cour des comptes ?
Chaque année, la Cour des comptes réalise notamment (cf. note ci-dessous) la certification des comptes de l’État (par la 1re chambre) et ceux de la sécurité sociale et du CPSTI (Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants) (par la
6e chambre). Elle peut ainsi décider de les certifier totalement, partiellement (si elle émet des réserves), voire refuser de les certifier quand elle identifie un nombre trop important de désaccords sur le traitement comptable des opérations, d’irrégularités potentielles ou un manque de contrôle interne. Pour mener à bien ce processus, elle applique les normes de l’audit international. La particularité des travaux de la Cour est le caractère collégial de sa prise de décision. Par rapport à ses autres travaux, quand la Cour des comptes certifie, elle s’engage en formulant une opinion.
La certification des comptes complète, par ailleurs, les autres missions de la Cour. Car comment assurer des contrôles de gestion, comment évaluer une politique publique, com- ment mettre en œuvre le régime de responsabilité des gestionnaires publics, si nous ne disposons pas de comptes fables ? Il faut voir ici une rigoureuse cohérence de ses missions.
La Cour réalise chaque année un audit annuel en vue de la certification des états financiers de l’Assemblée nationale et du Sénat. Elle contrôle également les comptes et la gestion de la présidence de la République depuis 2009.
Que retenez-vous en priorité des missions de certification menées en 2023, dans un contexte inflationniste et de sortie du « quoi qu’il en coûte » ?
Nos travaux de certification sont vastes et se déroulent tout au long de l’année. Mais je citerais trois exemples qui illustrent bien la contribution de la Cour à la transparence des comptes publics. Ainsi, en 2023, nous avons été particulièrement attentifs aux mesures exceptionnelles de soutien prises face à la hausse des prix de l’énergie. Alors que les estimations de ces efforts étaient un peu incertaines, nous avions commencé cette analyse l’année dernière et nous l’avons réexaminée et approfondie cette année. Dans cette même logique, nous avons questionné le montant de l’engagement de l’État sur les prêts garantis dans le cadre de la crise sanitaire, dont les évaluations sont variables. Enfin, dans un contexte de retour à la normale post-Covid, nous avons été vigilants à la reprise des contrôles internes, notamment pour l’assurance maladie. S’agissant de la branche famille de la sécurité sociale que la Cour avait refusé de certifier en 2023, nous avons sou- ligné le besoin d’actions de redresse- ment pour corriger les erreurs (indus non réclamés ou rappels non versés représentant 5,5 milliards d’euros en 2023), désormais engagées par cette branche. Nous avons aussi poursuivi nos travaux d’évaluation sur l’impact de la fraude et les actions correctrices mises en œuvre.
Quels seraient les défis de la certification pour les prochaines années ?
2025 marquera les vingt ans de la certification. En presque deux décennies, nous avons constaté des progrès importants dans la tenue des comptes, le développement du contrôle interne, une plus grande transparence sur les données… Tout l’enjeu désormais est de travailler avec les administrations pour identifier les pistes d’amélioration, notamment dans le traitement des sujets relevés depuis de nombreuses années par la Cour et la modernisation des systèmes d’information comptables, parfois très anciens et qui limitent la qualité des comptes. Il s’agira de continuer à proposer une certification en phase avec l’évolution de l’action publique et l’émergence de nouveaux risques – et tout particulièrement la fraude qui se sophistique avec l’usage des nouvelles technologies.

PATRIMOINE DE L’ÉTAT : DE QUOI PARLE-T-ON ? La situation financière de l’État donne une image du patrimoine de l’État qui, au sens comptable, inclut les immobilisations (terrains, bâtiments, matériels, équipements), les créances et la trésorerie. Il va donc au-delà de la photographie des flux de l’exercice (dépenses et recettes). Compte tenu de la dette de l’État, la situation nette est négative. |
COLLECTIVITÉS LOCALES : QUELLE CERTIFICATION DE LEURS COMPTES ? Contrairement à ceux de l’État, les comptes des collectivités locales ne font pas l’objet d’une certification obligatoire. La loi NOTRe (nouvelle organisation territoriale de la République) de 2015 a prévu une expérimentation qui a été menée entre 2017 et 2023 par la Cour et les chambres régionales et territoriales des comptes au sein de 25 collectivités volontaires. Paru en janvier 2023, le bilan définitif a préconisé l’adoption par toutes les collectivités d’une démarche de fiabilisation de leurs comptes par un auditeur externe, avec une obligation de certification pour les plus importantes d’entre elles. Cependant, le Gouvernement a annoncé en juin 2023 sa volonté de conserver le caractère facultatif de la certification des comptes locaux, sans changement par rapport à la situation actuelle. Lire les conclusions de l’expérimentation (janvier 2023) et le référé (septembre 2023) sur le site internet de la Cour des comptes |
Des juridictions financières en transformation continue
Avec son projet stratégique JF2025, la Cour des comptes s’est engagée dans une trajectoire de transformation très structurante pour ses missions, son collectif et son organisation. Évolution des compétences, intégration de nouvelles expertises, attention accrue à la dynamique des carrières professionnelles, à l’égalité et la diversité, à la qualité de vie au travail, à l’écoresponsabilité…
En 2023, de nouvelles étapes clés ont été franchies, donnant toujours plus corps à une Cour des comptes exemplaire, innovante et attractive.
JF2025, une année de concrétisation
2023 a été marquée par la réalisation de nombreuses actions du projet stratégique JF2025. Un pas de plus vers l’aboutissement de ses 75 objectifs répartis autour des trois ambitions d’ouverture, d’agilité et d’attractivité de l’institution.
L’ouverture citoyenne et la modernisation des travaux de la Cour
26 actions ont été déployées autour de la diversification des travaux de l’institution, d’une accessibilité renforcée au service des citoyens et d’un renforcement et d’une modernisation des métiers de la Cour. Le 100 % publication figure au premier plan de ces actions tout comme la création de la chambre contentieuse et l’installation de la Cour d’appel financière en juillet 2023.
L’agilité et l’innovation dans les méthodes et procédures de travail
Le lancement et la mise en œuvre de 25 actions destinées à consolider l’efficience des méthodes de travail ainsi que l’exemplarité managériale de la Cour ont répondu aux exigences d’agilité et d’innovation du projet stratégique JF2025. La création de la direction du numérique et des données ainsi que la direction des compétences, tout comme la mise en place d’un agenda social et d’un comité d’audit interne en sont quelques exemples.
L’attractivité et le rayonnement de l’institution
24 actions s’attachent à construire dans la durée une politique RH plus stratégique et propice à l’épanouissement professionnel, ainsi qu’au renforcement de l’ouverture à l’international. Cela se matérialise, notamment, par la promotion d’une nouvelle politique de recrutement, liée à la réforme de la haute fonction publique, la poursuite du chantier marque employeur et l’obtention du mandat d’audit externe de l’ONU.
Ces résultats ont mobilisé l’ensemble des équipes, personnels de contrôle, d’appui au contrôle et de soutien des juridictions financières pour relever les défis qui se présentent pour l’année 2024.
Une institution exemplaire et en mouvement
Afin d’être au rendez-vous des transformations portées par le projet stratégique JF2025, la Cour des comptes a impulsé de nouvelles manières de travailler. Elle a également réaffirmé son exigence d’exemplarité, socle de la confiance que lui accordent les citoyennes et citoyens.

En quoi 2023 a représenté un jalon important dans le déploiement de JF2025 ?
Cette année, la transformation des missions et travaux de la Cour est devenue plus visible pour nos concitoyens. Je citerais l’entrée en vigueur de trois réformes majeures : le 100 % publication, d’abord, qui donne désormais accès en ligne à l’ensemble des rapports de la Cour ; l’instauration du nouveau régime de responsabilité des gestionnaires publics ensuite, qui modifie en profondeur notre rôle de gardien de l’ordre public financier ; enfin, la nouvelle compétence d’évaluation des politiques publiques des chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC), qui nous permet de porter notre mission d’évaluation sur l’ensemble de leur périmètre et actions.
Quel en a été l’impact sur vos manières de travailler ?
Ces réponses ont d’abord nécessité une intense préparation pour l’ensemble des équipes. Pour être à la hauteur des ambitions de ces projets, nous avons fait évoluer nos méthodes de travail et enrichi nos expertises. 2023 a ainsi été une année de fort investissement dans la stratégie de formation de tous les collaborateurs et collaboratrices des juridictions financières, ainsi que dans le développement de compétences dans le numérique et la transition écologique. En parallèle, nous avons mené la refonte de nos normes professionnelles et de nos guides de contrôle, et fait évoluer l’organisation et les espaces de travail.
Comment avez-vous mobilisé les personnels ?
Mener des réformes d’une telle ampleur dans un temps aussi court suppose d’abord le renforcement de la culture managériale pour partager la vision, pour animer les collectifs de travail et accompagner les transformations.
Ces réformes ont également supposé un travail minutieux pour y associer les équipes et pleinement les embarquer. 2023 a donc été une année intense pour le dialogue social, l’animation de groupes de travail et la communication interne à la Cour comme dans les CRTC. Nous avons aussi structuré différentes communautés et les réseaux au sein des juridictions financières – sur les thèmes de la transition écologique, de la régularité, du management… –, permettant aux équipes de partager des bonnes pratiques, de proposer des innovations et de diffuser les réformes en cours.
Un de vos axes de travail est le renforcement et la valorisation de l’exemplarité de la Cour des comptes. Pourquoi ?
Cela est intimement lié à l’exigence de redevabilité dont nous sommes les garants vis- à-vis des autres acteurs publics et que nous avons le devoir de nous appliquer à nous-mêmes. Par responsabilité à l’égard des personnes que nous contrôlons, mais aussi en réponse à une attente très forte et légitime des citoyennes et citoyens, nous
nous devons d’être exemplaires dans nos missions, dans notre gestion et en tant qu’employeur public. C’est pourquoi nous avons développé notre capacité à réaliser des audits internes, tout comme nous avons pour- suivi la revue de notre activité par des pairs (notamment par le National Audit Office britannique). Nous avons également travaillé à consolider des indicateurs à la fois quantitatifs et qualitatifs pour ancrer nos axes de progression – avec le rapport de suivi des recommandations désormais annuel, une étude de notoriété et de perception auprès du grand public, la mise en place d’un baromètre social pour mesurer et suivre nos engagements.
Quels sont vos prochains défis ?
Le premier est de faire en sorte que ces transformations soient durables et que la dynamique collective exceptionnelle à l’œuvre se poursuive au niveau de nos concitoyens. C’est-à- dire que chacun des membres des juridictions financières s’en sente pleinement acteur et investi. Autre enjeu incontournable : être en mesure de répondre aux nouvelles questions de notre époque par la poursuite de notre ambition d’ouverture citoyenne et la pertinence de nos travaux, ainsi que par une politique d’attractivité pour garantir la diversité et l’excellence de nos équipes, ce qui fait le sens profond de leurs missions – c’est-à-dire être à la hauteur de la confiance que les citoyens placent en nous.
QUI CONTRÔLE LA COUR DES COMPTES ? Les contrôles externes Les contrôles internes |

Un collectif tourné vers l’avenir
Afin de mener à bien ses missions, la Cour des comptes se doit de rester aux avant-postes des évolutions sociétales, politiques, technologiques et économiques de son époque. Pour cela, elle est engagée dans une dynamique d’innovation et d’évolution de ses compétences.

Comment la Cour des comptes évolue-t-elle dans ses métiers et compétences ?
Notre institution n’est jamais statique, car elle cherche toujours à répondre avec pertinence aux attentes des acteurs publics, des citoyens et citoyennes, mais aussi de ses collaborateurs et collaboratrices dont les profils changent. Dans ce contexte, nous avons créé fin 2022 la direction des compétences (DCOMP). En 2023, celle-ci s’est dotée d’un plan d’action pluriannuel, qui comprend notamment un volet formation très important pour accroître collectivement nos compétences, et plus particulièrement autour de quatre axes : l’évaluation des politiques publiques, le contrôle de la régularité, la transition écologique et le numérique. Ce cap concerne tout le monde, grâce à un objectif de formation d’au moins cinq jours par an pour tous les personnels des juridictions financières. En parallèle, nous avons créé une communauté de managers – composée notamment de présidents de section de la Cour et des chambres régionales et territoriales des comptes – pour construire avec eux des parcours de formation, les rendre pleinement acteurs de la transformation et leur permettre d’y associer l’ensemble de leurs équipes.
Tout ceci s’articule aussi autour de réflexions sur l’évolution de nos métiers. Demain, à quoi ressembleront les missions de greffe, de documentation ? Quels leviers pour s’assurer de la place et de l’épanouissement professionnel des vérificatrices et vérificateurs ? Quels parcours pour nos data scientists, nos experts ? Pour répondre à ces questions, nous avons ouvert une concertation, nourrie par un dia- logue social riche, afin de reposer les référentiels métiers qui font les spécificités des juridictions financières.
Vous avez également structuré une stratégie numérique. Pour répondre à quels enjeux ?
En parallèle de la DCOMP, nous avons créé la direction du numérique et des données (DNUM) pour concentrer, étendre et décupler les compétences dans ces domaines, mais aussi venir en soutien de la transformation digitale de l’ensemble de nos métiers. Pourquoi ? D’abord, parce que le numérique est un objet que nous contrôlons dans les administrations publiques. Nous devons donc être en capacité de comprendre et d’anticiper ses usages. Ensuite, pour notre bon fonctionnement, nous devons pouvoir compter sur un outil numérique performant, facile d’utilisation et lisible. C’est pourquoi notre schéma directeur du numérique vise à simplifier la vie quotidienne des personnels de contrôle et à favoriser l’accès aux données dans un cadre sécurisé.
Enfin, j’insisterais sur le fait que ce chantier numérique, transversal à toutes les composantes des juridictions financières, est tout à fait lié à celui sur l’évolution des métiers et des compétences. Car, sans réflexion sur les parcours professionnels, impossible d’attirer et de fidéliser de nouvelles expertises (celles des data scientists ou des auditeurs de systèmes d’information, par exemple). Sans formation, impossible également de faire du numérique un levier de transformation partagé par toutes et tous. Tel sera d’ail- leurs l’un des enjeux à l’avenir pour tirer le meilleur profit de cette dynamique d’innovation : accompagner au plus près de leurs besoins tous les personnels dans l’appropriation de ces outils.
UNE INSTITUTION MODERNE… ET QUI APPREND AUSSI DU PASSÉ Depuis sa création en 1807, la Cour des comptes a su se transformer pour renforcer et affirmer ses missions, mais toujours en tirant les enseignements de son histoire. |

Une attractivité renforcée
À la faveur de la réforme de la Haute Fonction publique, le processus de recrutement de la Cour des comptes s’est ouvert et diversifié. L’institution se positionne dès lors comme un employeur attractif, attaché à l’accompagnement des parcours professionnels et dont le collectif se nourrit de la fertilisation des expertises.

Quel impact a eu la réforme de la haute fonction publique ?
Auparavant, la principale voie de recrutement des magistrats et magistrates de la Cour et des chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC) était l’ÉNA, devenue l’Institut national du service public. Désormais, pour ce qui concerne la Cour, le recrutement nous incombe, ce qui représente un changement profond de posture. Que ce soit pour les auditeurs, les conseillers référendaires ou les conseillers maîtres, nous veillons à notre attractivité en tant qu’employeur afin de disposer d’un nombre de candidatures suffisant et d’excellence. Nous garantissons aussi des processus de recrutement transparents et répondant à un juste équilibre en termes de parité et de diversité. Notre processus de labellisation en est une traduction et nous oblige en la matière (voir encadré). Par ailleurs, cette réforme rend possible une plus forte diversification des profils. En plus des filières « classiques », nous recherchons aujourd’hui l’ouverture au monde de la recherche, de la macro et micro- économie, de la data science, de la diplomatie, de l’ingénierie… Cela concourt à une fertilisation croisée des expertises. Par exemple, c’est un vrai plus de s’adjoindre les compétences d’un ingénieur des eaux et des forêts pour affiner nos évaluations environnementales, celles d’un data scientist pour améliorer la qualité de nos données… Et cette hybridation est d’autant plus intense à la Cour des comptes que l’un de nos principes cardinaux est le travail collectif et la collégialité.
Quelles actions menez-vous pour renforcer votre attractivité ?
Tout d’abord, nous avons consolidé l’accompagnement des personnels dans leur parcours professionnel. Une déléguée à la mobilité et aux carrières a ainsi été nommée. Elle fait notamment le lien avec la Délégation interministérielle à l’encadre- ment supérieur de l’État (Diese). Cet accompagnement est à entendre de bout en bout, c’est-à-dire depuis les étapes de recrutement jusqu’à la sortie de la Cour. Je pense ici aux conseillers référendaires en service extraordinaire qui ont des mobilités de trois, voire six ans, et que nous souhaitons accompagner davantage dans la construction de l’après. Enfin, nous nous donnons comme objectif de mieux faire connaître nos institutions auprès des plus jeunes – collégiens, lycéens, étudiants. Que ce soit au travers des stages que nous proposons ou des thèses Cofra (Conventions de formation par la recherche en administration) que nous finançons, nous cherchons à éveiller les vocations et à susciter la fibre « service public ». Sans oublier que le sens constitutionnel de nos missions, nos valeurs professionnelles et déontologiques et notre exigence d’exemplarité sont bien les meilleurs vecteurs de notre marque employeur.
ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE & DIVERSITÉ : DES ENGAGEMENTS FORTS ET RECONNUS En juillet 2023, la Cour des comptes a obtenu la labellisation Afnor « Égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ». Cette reconnaissance est le résultat d’un plan d’action volontariste mis en place en 2021 et comprenant : |

DES EFFECTIFS… > de haut niveau > attachés à la parité > qui se renouvellent |
Une attention accrue à la qualité de vie au travail
Parce que la qualité de vie au travail est facteur de bien-être, d’attractivité et de performance, la Cour des comptes en a fait un chantier clé. En 2023,
ses engagements en la matière se sont particulièrement concrétisés dans des projets de réorganisation spatiale.

En quoi la qualité de vie au travail est-elle un enjeu fort ?
Avant d’être un levier d’attractivité, c’est un enjeu éthique. Il est fondamental que tous les agents puissent évoluer dans un environnement professionnel sécurisé, agréable et épanouissant. Cela signifie que la création de bonnes conditions de travail nous oblige, à tous les niveaux d’autorité et de pilotage. Nous sommes attachés à cette notion de bien-être qui concourt directement à la performance dans la réalisation de nos missions de service public. Un exemple, en septembre prochain, les personnels découvriront l’Atrium rénové en un lieu de convivialité plus confortable et plus adapté à leurs besoins en matière, notamment, de restauration. Un lieu de vie de qualité qui permettra de se sentir bien à la Cour pour bien la servir.
Comment la réorganisation spatiale participe à améliorer la qualité de vie au travail ?
Nous avons lancé des travaux pour répondre à trois exigences qui se résument en une expression : une Cour exemplaire. La première : s’adapter aux règles communes de la gestion publique qui imposent d’optimiser les surfaces mises à disposition des personnels et de promouvoir la transition environnementale. Cela signifie proposer des espaces mieux partagés et plus durables. La seconde : innover pour imaginer des architectures de travail sécurisantes, sources de bien-être et de performance et intégrant les nouveaux modes d’organisation du travail. La troisième : garantir des espaces adaptés aux spécificités de nos métiers et de nos missions. En résumé, avec sa réorganisation spatiale, la Cour des comptes s’adapte, innove et performe. Elle permet de dynamiser la Cour pour offrir de multiples espaces de communication formels, informels entre personnels de chaque chambre, entre les chambres et entre les directions, favorisant les collaborations et le sentiment d’appartenance.
Sur quels aspects souhaitez-vous aller plus loin ?
Nous avons initié un chantier sur notre exemplarité en tant qu’employeur. Celui-ci structurera nos engagements pour construire une véritable Cour des comptes environnementale, c’est-à-dire qui actionne tous les leviers – comportementaux, immobiliers, mobiliers, etc. – en faveur de la transition écologique. Nous viserons aussi à accroître le bien-être et la qualité de vie au travail, à travers des initiatives qui intègrent des sujets de santé publique (comme la lutte contre la sédentarité au travail) ou d’équilibre vie privée-vie professionnelle. Pour avancer collectivement sur tous ces enjeux, nous présenterons un plan d’action dédié à la rentrée prochaine.
DÉCRYPTAGE |
DES ESPACES MODERNISÉS, AGRÉABLES ET COLLABORATIFS
Durant l’année 2023, nous avons mené les trois premières phases de la réorganisation spatiale de la Cour. Tout d’abord, pour rassembler les personnels de la nouvelle chambre du contentieux dans un espace dédié favorisant sa formation, puis ceux de la DNUM permettant son plein développement, et enfin pour rénover un espace de réunion et en créer des nouveaux (Saint-Honoré et Chicago). Dans chacune de ces phases, nous nous sommes attachés à répondre aux besoins des utilisateurs concernés, aux exigences environnementales, notamment par le renforcement de l’isolation des nouvelles salles de réunion, et de sécurité.
Nous avons aussi conçu des lieux agréables et modulables (avec une attention sur le design, l’acoustique, les matériaux…). Dès que c’était pertinent, nous avons aussi fait le choix de l’écoresponsabilité en proposant sur des plateformes de dons ou de vente les mobiliers remplacés. Ils ont ainsi pu être très utiles à des commissariats ou des écoles.
Avec ces travaux, nous avons également veillé à créer les conditions d’une collaboration plus fluide et dynamique entre équipes, notamment grâce à la modularité des espaces (entre zones de réunion et bulles de confidentialité) ou l’intégration de technologies adaptées aux nouveaux modes de travail (appareils de visioconférence, écrans interactifs…).
Prochaine étape : la réalisation de la phase 4. Celle-ci se donne pour objectif de rassembler tous les personnels de chaque chambre au sein d’espaces collaboratifs modernisés, propices à la conduite de travaux en mode projet.

LEUR MÉTIER À LA COUR |
Ève Caroli
CONSEILLÈRE MAÎTRE
Après 20 ans d’expérience en tant que professeure d’économie à l’université et chercheuse en politiques publiques relatives à la santé et au travail, Ève Caroli rejoint la Cour en 2023, prête à découvrir « de nouvelles méthodes de travail ». Dans ses fonctions, elle apprécie les échanges avec les entités contrôlées et la collégialité des délibérations au sein de la Cour. Ces interactions permettent « aux membres des équipes de contrôle d’enrichir mutuellement leurs connaissances sur le fonctionnement de l’administration, et à l’institution de formuler dans ses rapports des recommandations réalisables ». Son profil d’économiste, experte dans le traitement de données quantitatives, est un atout pour la Cour.

Ousmane Galokho
AUDITEUR
Diplômé de l’École nationale des ponts et chaussée, de Sciences Po et de l’ÉNA, Ousmane Galokho démarre sa carrière avec un bagage à la fois technique et théorique. Il pilote la mise en place de poli- tiques publiques au ministère du logement avant de candidater en 2023 à l’emploi d’auditeur à la Cour des comptes. Cette nouvelle procédure permet désormais à la Cour de recruter des magistrats financiers aux profils diversifiés, tels que celui d’Ousmane Galokho, enthousiaste de rejoindre « une maison essentielle au débat public » dans laquelle il pourra « mettre à profit ses compétences dans le domaine passionnant des finances publiques ».

Juliane Tritz
RESPONSABLE DES RÉSEAUX SOCIAUX
Un master d’e-marketing en poche, Juliane Tritz se spécialise dans le domaine de la communication institutionnelle digitale. Elle met son expertise des réseaux sociaux au profit d’un conseil départemental puis d’une ambassade, avant de rejoindre la Cour en 2023. Son objectif ? Développer la présence de l’institution sur ces nouveaux canaux de communication. Pour créer ses contenus, Juliane Tritz interagit quotidiennement avec les équipes de contrôle et les services de la Cour, notamment les graphistes. En accompagnant la mise en visibilité des travaux de l’institution, elle est « au centre de la mission d’information des citoyens confiée à la Cour par la Constitution ».

Noémie Sahuc
DATA SCIENTIST
Après un master de recherche en sciences cognitives et un diplôme d’une grande école de commerce, Noémie Sahuc débute sa carrière professionnelle comme data scientist à la Cour des comptes. Au sein d’un pôle « en grande croissance », elle appuie au quotidien les équipes de contrôle dans la gestion et l’analyse de données, permettant ainsi d’enrichir les rapports d’éléments chiffrés. Cette experte des données apprécie les travaux menés à la Cour, qu’elle estime « à la frontière de la recherche » et qui lui permettent, dans un cadre réglementé, « d’accéder à des données riches et confidentielles liées par exemple aux impôts des particuliers et des entreprises, aux parcours étudiants ou de soins ».

Guillaume Gillet
CHEF DU GREFFE DE LA COUR DES COMPTES
Juriste de formation, Guillaume Gillet intègre la direction des affaires juridiques des ministères financiers après son passage à l’IRA de Lille. Il rejoint la Cour en 2015 en tant que greffier affecté dans une chambre, puis au service du greffe de la Cour, qu’il dirige à présent depuis près de deux ans. Il suit attentivement les avancées du projet stratégique JF2025 afin que les nouvelles méthodes de travail qu’elles induisent soient partagées et mises en œuvre par les personnels de greffe. Le 100 % publication des rapports de la Cour, applicable depuis le 1er janvier 2023, a ainsi fortement mobilisé ses équipes et les greffes de chambre qui ont eu à mettre en œuvre de nouvelles procédures : « Après un an, il s’agit d’une réussite collective des personnels de greffe qui ont démontré, s’il fallait encore le prouver, leur rôle central et essentiel dans les travaux de la Cour. »

Sandrine Della Gaspera
VÉRIFICATRICE
Après avoir enseigné l’économie et la gestion comptable et financière en tant que professeure agrégée et avoir exercé en cabinet d’audit, Sandrine Della Gaspera rejoint la Cour en 2019 en tant que vérificatrice. Elle participe aux contrôles et enquêtes relatives aux politiques jeunesse et sport, sous la responsabilité d’un magistrat.
« Les sujets abordés sont variés : l’analyse de la santé financière des organismes contrôlés, leurs procédures d’achats ou leurs stratégies de développement. » Reconnue travailleuse handicapée, elle a bénéficié d’un équipement adapté et d’un accompagnement bienveillant de la part d’une équipe dédiée et compétente.

Une justice financière lisible, cohérente et efficace
Louis Gautier, Procureur général près la Cour des comptes, revient sur la première année de mise en œuvre du nouveau régime de responsabilité financière des gestionnaires publics (RFGP) et sur le rôle du ministère public.

Quel regard portez-vous sur l’activité des juridictions financières en 2023 ?
Plusieurs réformes stratégiques se sont concrétisées en 2023. La mise en œuvre de la RFGP, qui modifie notre façon d’instruire et de juger. L’entrée en vigueur du « 100 % publication », qui transforme la participation de la Cour à la vie publique de notre pays. L’extension des compétences des CRTC aux évaluations de politiques publiques locales, aux contrôles coordonnés et aux synthèses thématiques est une évolution très positive qui va dans le sens d‘une convergence des missions au sein des juridictions financières. Les travaux de celles-ci se sont considérablement diversifiés, en répondant mieux et plus directement aux attentes des citoyens. L’important est de veiller au bon équilibre entre les divers types de contrôles et leurs finalités respectives.
Le Parquet général près la Cour des comptes est chargé de défendre l’ordre public financier et de contrôler la bonne application de la loi. En tant que Procureur général, ma priorité a été d’assurer, dès sa première année de mise en œuvre, l’efficacité et la cohérence du nouveau régime de responsabilité. Pour cette année de transition, il était important d’assurer la montée en puissance du contentieux nouveau tout en veillant à l’égalité de traitement entre les justiciables avant et après le 1er janvier 2023.
Quel bilan faites-vous de cette première année de mise en œuvre du nouveau régime de responsabilité ?
Il est trop tôt pour porter un jugement définitif, mais les premiers chiffres sont encourageants et témoignent notamment de la forte mobilisation des CRTC pour s’approprier la réforme. Le Parquet général a reçu 68 déférés et a émis 69 réquisitoires en 2023. À neuf reprises, j’ai d’initiative pris des réquisitoires sur la base de faits portés à ma connaissance qui me paraissaient mériter une instruction. Le Parquet général, qui a le monopole de l’action publique, entend ainsi fixer les premières lignes d’une politique de poursuite. L’activité contentieuse est bien réelle, la Cour des comptes n’est déjà plus la « juridiction d’exception » qu’était la CDBF.
Le Parquet agit d’ailleurs également pour mettre fin à certaines irrégularités avant l’ouverture de poursuites, c’est notamment le cas pour les inexécutions de décisions de justice. En 2023, 19 affaires ont pu être résolues en phase précontentieuse, l’action du Parquet ayant suffi à obtenir le paiement des sommes dues par l’Administration.
Enfin, les sollicitations dont a fait l’objet le Parquet général de la part de ministères, d’organismes publics ou d’associations professionnelles ont montré qu’un fort besoin d’explication perdurait parmi les gestionnaires publics. Nous avons donc poursuivi les actions de sensibilisation et de formation engagées en 2022. Un colloque a notamment été organisé en fin d’année, en partenariat avec l’Institut national du service public, qui a réuni plus de 500 participants sur place et en distanciel et a généré plus de 2 500 vues sur internet.
Il existe un Parquet général mais aussi des ministères publics placés auprès de chaque CRTC. Comment travaillez-vous ?
Le Parquet général et les ministères publics près les CRTC forment une communauté de travail d’environ 70 personnes. La coordination de l’action des procureurs financiers sous l’égide du Procureur général est pour moi une priorité et un point fort du ministère public. Cette étroite coopération recherchée entre les avocats et substituts généraux et les procureurs financiers garantit la cohérence des positions du ministère public sur l’ensemble du territoire. De façon heureuse, cette unité a été renforcée par l’ordonnance du 23 mars 2022, qui prévoit que les procureurs financiers assistent le Procureur général dans l’exercice de ses fonctions juridictionnelles.
Nous avons par ailleurs engagé un projet de réflexion collectif sur notre rôle et nos missions, baptisé « Ministère public demain ». La feuille de route issue de ce chantier a été arrêtée en novembre 2023 : elle identifie 43 actions à conduire d’ici fin 2024. Nous envisageons en outre de généraliser la démarche d’audit ISO 9001, mise en place au Parquet général de façon exemplaire, à l’ensemble du ministère public.
Quels seront les enjeux pour l’avenir et qu’attendent les citoyens ?
Les citoyens ont de fortes attentes en matière de régularité et de probité, comme en témoigne le succès de la plateforme de signalement gérée par le Parquet. Depuis son lancement nous avons reçu près de 1 500 signalements. La lutte contre la fraude et la corruption est aussi un thème très présent parmi les sujets de contrôle proposés aux juridictions financières sur la plateforme de participation citoyenne. Le nombre d’affaires en cours montre que la RFGP a généré un renouveau de notre mission juridictionnelle. Mais un équilibre doit encore être trouvé pour que ce régime parvienne à maturité. Les déférés des autorités extérieures restent trop rares. En outre, de nouveaux concepts juridiques devront être précisés par la jurisprudence, telle la notion de « préjudice financier significatif ».
Il faudra enfin trouver la bonne articulation avec l’action pénale car les juridictions financières et pénales poursuivent des finalités complémentaires. Le développement des liens avec l’autorité judiciaire constitue un axe majeur pour le Parquet. À la suite d’un travail conjoint avec le ministère de la Justice, une nouvelle circulaire a été publiée en juin 2023 pour renforcer nos relations.
De l’avis émis sur la programmation annuelle des travaux jusqu’aux réquisitoires transmis à la chambre du contentieux, en passant par les conclusions rendues sur les rapports, le Parquet est un rouage essentiel de l’activité et du bon fonctionnement des juridictions financières. Ce rapport et, plus généralement, la publication de données sur son activité permettent d’en rendre compte en informant, comme il se doit, nos partenaires institutionnels et nos concitoyens.
