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Communication
à la commission des affaires sociales
de l’Assemblée nationale
(art. L.O. 132-3-1 du code des juridictions
financières)
La prévention
sanitaire
OCTOBRE 2011
SOMMAIRE
........................................................................
7
AVERTISSEMENT
RESUME
.......................................................................................
9
RECOMMANDATIONS
...............................................................
13
INTRODUCTION
........................................................................
15
CHAPITRE I UNE DEPENSE MAL CONNUE
...............................
19
I
- Les financements directement affectés à la prévention
......................
19
A - Les crédits budgétaires
.......................................................................
20
B - Le fonds national de prévention, d’éducation et d’information
sanitaires (FNPEIS) de l’assurance maladie
.............................................
23
II
- L’approche des comptes nationaux de la santé
.................................
26
A - Une comptabilisation par défaut
........................................................
26
B - Un agrégat à interpréter avec prudence
..............................................
28
III
- Les dépenses de prévention intégrées dans les dépenses du risque
maladie
.........................................................................................................
31
CHAPITRE II UNE DEFINITION PERFECTIBLE DES OBJECTIFS
ET DES PRIORITES
....................................................................
35
I
- Cent objectifs de santé publique
..........................................................
35
A - Des objectifs à forts enjeux interministériels
.....................................
36
B - Des indicateurs de suivi
quantifiés
....................................................
36
C - Une absence de hiérarchisation
..........................................................
37
II
- Des plans trop nombreux, mal articulés et mal suivis
......................
41
A - Une trentaine de plans aux statuts divers
...........................................
41
B - Un défaut de cohérence et d’outils de suivi
........................................
43
4
COUR DES COMPTES
III
- Une insuffisante recherche d’efficience
............................................
48
A - L’absence en France d’évaluation médico-économique en matière de
santé publique
..........................................................................................
48
B - Les problématiques d’efficience des actions de dépistage organisé... 52
C - La question du « retour sur investissement » de la prévention
...........
61
IV
- Le périmètre restrictif de la politique de prévention
......................
62
A - Les dépistages individuels
.................................................................
63
B - Le coût du traitement de l’hypertension artérielle
..............................
63
CHAPITRE III L’INSUFFISANCE DE PILOTAGE DE LA
POLITIQUE ET DES ACTEURS DE LA PREVENTION SANITAIRE
...................................................................................................
67
I
- Une organisation nationale dense
........................................................
67
A - Le cloisonnement ministériel
.............................................................
68
B - Une multitude de structures nationales de conseil et d’expertise
insuffisamment coordonnées
....................................................................
71
C - Le rôle propre de l’assurance maladie
................................................
82
II
- Une organisation institutionnelle régionale
en mutation
.................
96
A - L’organisation complexe antérieure à 2010
.......................................
96
B - Une mission désormais des agences régionales de santé
...................
98
C - De nouveaux outils
...........................................................................
101
III
- Les réseaux associatifs et les représentants de la société civile
.....
102
A - Les relations entre la direction générale de la santé et les associations
...............................................................................................................
103
B - Le réseau associatif local : l’exemple des IREPS et ORS
................
104
C - La complexité des
structures locales de dépistage et de vaccination
...............................................................................................................
108
IV
- Les stratégies de prévention et la prise en compte des intérêts
économiques
..............................................................................................
114
A - La prévention de l’obésité chez l’enfant
..........................................
116
B - Les ambiguïtés récurrentes de la prévention des risques liés à l’alcool
...............................................................................................................
121
CHAPITRE IV LES LIMITES DE L’EVALUATION DE LA
POLITIQUE DE PREVENTION SANITAIRE
..............................
123
I
- Une expertise ex ante qui reste fragile
...............................................
123
A - Des expertises parfois contradictoires
..............................................
123
B - Une approche pluridisciplinaire encore embryonnaire
.....................
125
SOMMAIRE
5
II
- Des évaluations ex post peu conclusives
...........................................
126
A - Le suivi par la DREES
.....................................................................
127
B - L’évaluation des objectifs de santé publique par le HCSP
...............
127
CONCLUSION
...........................................................................
131
ANNEXES
.................................................................................
133
Avertissement
Saisine de la Cour
En réponse à une demande de la commission des affaires sociales
et de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la
sécurité sociale (MECSS) de l’Assemblée nationale, la Cour des comptes
a réalisé une enquête sur le bilan et l’évaluation de la prévention en santé,
en application des dispositions de l’article L.O. 132-3-1 du code des
juridictions financières.
Eu égard à l’ampleur des approches possibles du sujet et à la
demande des auteurs de la saisine de privilégier une approche
transversale, le choix a été fait de centrer l’enquête sur
la gouvernance et
les processus de gestion des actions de prévention
proprement sanitaire,
c’est-à-dire dépendant du ministère de la santé dans la définition de leurs
objectifs et reposant essentiellement sur le système de soins dans leur
mise en oeuvre, au regard des critères de l’efficience et de l’optimisation
de l’allocation des moyens tant de l’Etat que de l’assurance maladie. Ont
été notamment exclues du périmètre des travaux les problématiques
spécifiques de la protection maternelle et infantile, de la santé au travail,
de la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles
ainsi que les questions d’ordre environnemental. Le thème de la
prévention nutritionnelle n’a pas été traité en tant que tel, mais abordé
sous l’angle de la prévention de l’obésité chez l’enfant et des risques liés
à la consommation d’alcool et de l’examen à cet égard des stratégies des
acteurs économiques concernés.
Déroulement de l’enquête
Au plan méthodologique, les présentes conclusions s’appuient sur
de nombreux travaux récents réalisés par la Cour ou des corps
d’inspection, relatifs en particulier à l’évaluation de différents plans de
santé publique, ainsi que sur des entretiens avec les principaux acteurs de
la prévention. Il n’a pas été procédé à des investigations complémentaires
sur la mise en oeuvre d’actions de prévention spécifiques. L’enquête a
utilisé les résultats de diverses études médicales publiées mais ne porte
pas de jugement à leur égard.
8
COUR DES COMPTES
Procédure contradictoire
Le présent rapport tient compte de la contradiction conduite avec
différentes administrations centrales du ministère de la santé (direction
générale de la santé, direction de la sécurité sociale,
direction de la
recherche, des études et des statistiques), ainsi que d’autres ministères
(direction du budget,
direction générale de l’alimentation, direction
générale de l’aménagement, du logement et de la nature). La
contradiction a été également menée avec la caisse nationale d’assurance
maladie,
la caisse nationale de mutualité sociale agricole, la Haute
autorité de santé, le Haut conseil de la santé publique, l’institut de
prévention et d’éducation pour la santé, l’institut national du cancer, ainsi
que le conseil supérieur de l’audiovisuel. Elle a été aussi conduite avec
l’institut de recherche et de documentation en économie de la santé
(IRDES), la fédération nationale d’éducation et de promotion de la
santé
(FNES), la fédération nationale des observatoires régionaux de santé
(FNORS), et l’association des industries alimentaires (ANIA). La
directrice générale de l’alimentation et le président de l’ANIA ont été
auditionnés à leur demande.
Le présent rapport a été préparé par la sixième chambre de la Cour
des comptes, présidée par M. Antoine Durrleman, président de chambre,
qui en a délibéré le 21 mars 2011. Les rapporteurs étaient Mme Marie-
Anne Toupin-Jacquet, conseiller référendaire, et Mme Carole Pelletier,
rapporteure extérieure, et le contre-rapporteur, Mme Marianne Lévy-
Rosenwald, conseillère maître.
Il a ensuite été examiné et approuvé par le comité du rapport public
et des programmes le 27 septembre 2011.
Résumé
Il est traditionnellement admis que la prévention occupe une place
subsidiaire dans le système de santé français. Ce constat tient en partie au
fait que ce concept est difficile à définir tant dans ses objectifs
que dans
sa mise en oeuvre. Il s’explique aussi par les incertitudes relatives à
l’efficience de la politique actuelle.
I - Une dépense mal connue
Aucun acteur ne dispose d’une vision globale des moyens
consacrés à la prévention. Selon le périmètre donné à celle-ci, le montant
des dépenses qui lui sont consacrées varie entre moins d’un milliard
d’euros à plus de dix.
Du fait de la méthodologie retenue pour sa construction, l’agrégat
relatif
aux dépenses de prévention contenu dans les comptes nationaux
de la santé ne rend pas compte de la réalité de l’effort économique
consacré à la prévention sanitaire. Il n’estime que partiellement la
dépense.
Les actions prises en charge financièrement par l’assurance
maladie sont pour leur plus grande part mêlées aux dépenses de soins et
non identifiées en tant que telles au sein du fonds national d’assurance
maladie. Le fonds national de prévention, d’éducation et d’information en
santé, souvent considéré comme celui regroupant l’ensemble des
dépenses de prévention de l’assurance maladie, n’en recouvre qu’une part
limitée et hétérogène.
L’information budgétaire et comptable relative aux dépenses de
l’Etat est très insuffisante s’agissant des crédits délégués précédemment
aux services déconcentrés puis aux groupements régionaux de santé
publique (GRSP) et désormais aux agences régionales de
santé (ARS).
Seule une étude spécifique réalisée à la demande du ministère de la
santé par l’institut de recherche et de documentation en économie de la
santé (IRDES) à partir des comptes nationaux de la santé donne une
vision plus complète de cet effort financier. Mais s’appuyant sur des
données de 2002, elle mérite d’être renouvelée régulièrement.
10
COUR DES COMPTES
II – Une définition perfectible des orientations et des priorités
La loi de santé publique du 9 aout 2004 a contribué à structurer la
politique de prévention en déterminant cent objectifs de santé publique,
pour la plupart de prévention sanitaire et en distinguant trois types de
plans de santé publique selon leur caractère plus ou moins stratégique.
Toutefois, les nombreux objectifs sont considérés tout à la fois
comme un tableau de bord indicatif et comme un engagement de niveau à
atteindre sur chaque problématique. Aucun moyen financier n’est associé
à leur réalisation. Leur statut est donc ambigu.
En dépit de la hiérarchisation prévue par la loi, la direction
générale de la santé (DGS) pilote de fait une trentaine de plans pour
lesquels il n’existe de différence ni dans leur élaboration, ni dans leur
suivi, ni dans leur gradation. De plus, certains plans sont mal articulés les
uns par rapport aux autres et comportent des nombreuses actions
redondantes.
La définition de priorités pourrait être facilitée par l’exploitation
des résultats d’analyses de type médico-économique comme celles que
développe au Royaume-Uni, le National institute for clinical excellence
(NICE). L’efficacité d’une stratégie préventive est appréciée en prenant
en compte la durée de la vie et la qualité de la vie des personnes
auxquelles elles s’appliquent. Cet indicateur synthétique unidimensionnel
est utilisé essentiellement pour effectuer la comparaison « coût–utilité »
des programmes de santé. Une telle démarche est encore embryonnaire en
France ; seule la Haute autorité de santé (HAS) commence à la
développer.
Les limites tenant aux conditions réelles de la mise en oeuvre
d’actions de prévention tendent à restreindre leur impact potentiel alors
même que leur efficacité et leur efficience ont été démontrées en
conditions expérimentales. Les deux exemples relatifs aux dépistages du
cancer du sein chez les femmes de 50 à 69 ans
et au cancer colorectal en
témoignent.
Enfin, l’approche
populationnelle de la prévention que retient la
DGS la conduit à délaisser l’ensemble du champ de la prévention
spontanée dont la responsabilité incombe aux professionnels de santé et à
leurs patients.
III – L’insuffisance de pilotage de la politique et des acteurs de
la prévention
De très nombreux acteurs contribuent au niveau national à la
politique de prévention sans toutefois en donner une vision cohérente.
Cette politique souffre d’abord du cloisonnement ministériel ; le pilotage
RESUME
11
du directeur général de la santé ne s’impose qu’au sein des
administrations sanitaires. Dans ce secteur cependant, la coordination des
structures de conseil et d’expertise est insuffisante : leurs compétences
sont morcelées, parfois redondantes et concurrentes. Les organismes
d’assurance maladie obligatoire qui participent aux actions de l’Etat et les
assurances complémentaires développent des actions qui leurs sont
propres.
L’organisation institutionnelle régionale est actuellement en
reconstruction avec la disparition des groupements régionaux de santé
publics et la création des ARS.
A cette organisation déjà lourde s’ajoute l’intervention de
multiples associations notamment dans le champ de l’observation en
santé, de l’éducation en santé ou de la prise en charge des actions de
dépistage et de vaccination. Une place à part doit être faite à la
représentation des intérêts économiques qui peuvent parfois faire obstacle
à l’adoption de programmes et mesures de prévention des risques pour la
santé.
IV – Les limites de l’évaluation de la politique de prévention
sanitaire
La politique de prévention sanitaire fait l’objet d’évaluations ex
ante et ex post qui ont les unes et les autres leurs limites. Les évaluations
ex ante souffrent du risque de conclusions contradictoires selon les
organismes consultés et du fait que seule la HAS a commencé à
développer une approche pluridisciplinaire.
Le suivi des indicateurs de la loi de 2004 a été assuré annuellement
par la DREES. L’évaluation de l’atteinte des objectifs a été réalisée par le
Haut conseil de la santé publique. Le document qu’il a élaboré s’il
présente l’avantage de proposer de nouveaux objectifs en vue d’une
prochaine loi de santé publique, n’est pas très différent du suivi de la
DREES et s’avère assez peu conclusif sur le bilan à tirer de l’évolution
desdits objectifs sur les cinq dernières années.
Recommandations
Recommandation n° 1 : Elaborer un document de politique
transversale (DPT) sur la prévention sanitaire.
Recommandation n° 2 : Concernant un effort économique de
l’ordre de 10 Md€, faire évaluer à intervalle régulier (2 ou 3 ans) par la
DREES le montant des dépenses totales de prévention selon une
méthodologie homogène et constante.
Recommandation
n° 3 :
Clarifier
et
compléter
les
règles
d’imputation budgétaire afin d’apporter à la représentation nationale une
information précise, permettant de connaître par action et sous action
(y
compris crédits déconcentrés) les montants dépensés en matière de
prévention.
Recommandation n° 4 : Mettre en pratique les recommandations
du guide méthodologique produit par la DGS, lors de l’élaboration des
plans de santé publique.
Recommandation
n° 5 :
Produire
systématiquement
une
estimation ex ante des coûts complets envisagés pour la collectivité (y
compris les dépenses pour l’assurance maladie, que ce soit au titre du
FNPEIS ou des dépenses de soins) lors de l’élaboration des plans de santé
publique.
Recommandation n° 6 : Associer systématiquement une étude de
nature médico-économique (en € par QALY gagné) aux recomman-
dations de bonne pratique en matière de prévention.
Recommandation n° 7 : Afin de mettre en cohérence l’ensemble
des plans concernant la prévention sanitaire, arbitrer les éventuels conflits
d’intérêts et renforcer l’efficacité du pilotage de cette politique, donner au
directeur général de la santé les compétences de délégué interministériel à
la prévention sanitaire.
En vue d’une future loi de santé publique :
Recommandation n° 8 : Sélectionner quelques priorités de santé
publique et les mettre en oeuvre dans le cadre d’un nombre restreint de
plans structurés disposant de moyens financiers propres.
14
COUR DES COMPTES
Recommandation n° 9 : Dans les autres domaines, élaborer des
référentiels visant à améliorer la qualité des pratiques préventives,
indépendamment de l’attribution de moyens dédiés.
Recommandation n° 10 : Préciser si les indicateurs de santé
publique figurant en annexe de la loi ont valeur d’engagement ou ne
servent que de tableau de bord de suivi.
Introduction
La notion de prévention sanitaire est susceptible de recouvrir de
multiples acceptions dès lors qu’elle peut
être définie comme
« l’ensemble des mesures visant à éviter ou réduire le nombre et la gravité
des maladies, des accidents et des handicaps ». L’imprécision de son
champ a conduit de fait à adopter différentes classifications qui traduisent
de considérables
disparités d’approches.
L’OMS distingue ainsi trois types d’actions de prévention selon le
moment où elles s’appliquent par rapport à l’évolution de la maladie :
la
prévention
primaire
qui
a
pour
but
d’éviter
l’apparition de la maladie en agissant sur ses causes ;
elle intervient avant que la maladie ne survienne.
la
prévention secondaire
qui vise à détecter la maladie
ou la lésion qui la précède à un stade où la prise en
charge efficace des individus malades peut intervenir
utilement ;
la
prévention tertiaire
qui
a pour objectif de diminuer les
récidives, les incapacités et a pour vocation de limiter les
complications et séquelles d’une maladie.
La classification de Gordon
1
, plus récente, privilégie pour sa part
une approche populationnelle distinguant la
prévention universelle
, qui
concerne les interventions destinées à la population générale ou tout du
moins à des groupes qui n’ont pas été sélectionnés sur la base d’un risque
défini ; la
prévention sélective
,
qui concerne les interventions destinées à
un sous-groupe d’individus ayant un risque significativement plus élevé
que la moyenne de développer un trouble et la
prévention indiquée
qui
concerne les interventions destinées à des individus qui ont des signes
d’appel tout en restant en deçà des critères diagnostiques.
1
Gordon RS, An operationnal classification of disease prevention, Public Health
Report, Vol 98, 2 ; 107-9, 1983
16
COUR DES COMPTES
Au-delà de ce qui relève directement de la politique et de l’action
publique, est également à prendre en considération le champ large et
beaucoup plus indéterminé de la prévention individuelle spontanée, qui
s’exerce en particulier chaque jour dans les cabinets médicaux dans
l’intimité du colloque singulier entre le médecin et son patient. A la
prévention sanitaire proprement dite se rattache ainsi un certain nombre
de concepts connexes, comme la promotion de la santé
2
, l’éducation pour
la santé
3
ou l’éducation thérapeutique du patient
4
, qui font l’objet de
nombreux débats et discussions entre experts.
Plus largement surtout, la prévention en santé dépasse l’aspect
proprement sanitaire. De nombreux déterminants peuvent constituer des
risques pour la
santé, qu’ils soient de nature environnementale (pollution
de l’air, de l’eau, notamment), liés aux conditions de vie (habitat,
alimentation, exercice physique, notamment) ou aux conditions de travail
(exposition à des produits chimiques, travail de nuit, port de charges
lourdes…) et appellent des réponses qui par définition ne sauraient être
seulement d’ordre médical.
La loi n° 2002-303
du 4 mars 2002 relative au droit des malades et
à la qualité du système de santé a toutefois cherché à définir, pour la
première fois,
la politique de prévention. Compte tenu de la difficulté à
en cerner le périmètre, elle en avait retenu une conception extensive.
2 La charte d’Ottawa, adoptée le 21 novembre 1986 lors de la première conférence
internationale pour la promotion de la santé, définit la promotion de la santé comme
« un processus qui confère aux populations les moyens d’assurer un plus grand
contrôle sur leur santé et d’améliorer celle-ci ».
3 « L’éducation pour la santé comprend toutes les activités visant intentionnellement
l’accroissement des connaissances en matière de santé et le développement
d’aptitudes influençant positivement la santé des individus et des groupes. (Groupe de
travail
INPES).
4 La loi HPST a introduit une définition législative de l’éducation thérapeutique du
patient à l’article L. 1161-1 du code de la santé publique
INTRODUCTION
17
Définition
de la politique de prévention selon la loi du 4 mars 2002
« La politique de prévention a pour but d’améliorer l’état de santé de
la population en évitant l’apparition, le développement ou l’aggravation des
maladies ou accidents et en favorisant les comportements individuels et
collectifs pouvant contribuer à réduire le risque de maladie et d’accident. À
travers la promotion de la santé, cette politique donne à chacun les moyens de
protéger et d’améliorer sa propre santé.
La politique de prévention tend notamment à réduire les risques
éventuels pour la santé liés aux multiples facteurs susceptibles de l’altérer,
tels l’environnement, le travail, les transports, l’alimentation ou la
consommation de produits et de services, y compris de santé ;
à améliorer les
conditions de vie et à réduire les inégalités sociales et territoriales de santé ; à
entreprendre des actions de prophylaxie et d’identification des facteurs de
risque ainsi que des programmes de vaccination et de dépistage des
maladies ; à promouvoir le recours à des examens biomédicaux et des
traitements à visée préventive ;
à développer des actions d’information et
d’éducation pour la santé et à développer également des actions d’éducation
thérapeutique ».
La loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé
publique
a toutefois fait disparaître cette définition en modifiant l’objet
de l’article du code de la santé publique où elle figurait. La prévention est
désormais resituée dans le champ plus large de la santé publique (article
L. 1411-1 du CSP) qui s’étend à toutes les dimensions de l’amélioration
de l’état sanitaire de la population, qu’elles soient préventives ou
curatives, de façon à mettre un terme à l’opposition entre « soins » et
« prévention », d’une part, et à développer l’approche populationnelle de
la santé, d’autre part.
***
Eu égard à l’ampleur des approches possibles du sujet,
la Cour a
fait le choix de centrer son enquête sur
la gouvernance et les processus
de gestion des actions de prévention
proprement sanitaire, c’est-à-dire
dépendant du ministère de la santé dans la définition de leurs objectifs et
reposant essentiellement sur le système de soins dans leur mise en oeuvre,
au regard des critères de l’efficience et de l’optimisation de l’allocation
des moyens tant de l’Etat que de l’assurance maladie. Ont été notamment
exclues du périmètre des travaux les problématiques spécifiques de la
protection maternelle et infantile, de la santé au travail, de la prévention
des accidents du travail et des maladies professionnelles ainsi que les
questions d’ordre environnemental.
18
COUR DES COMPTES
La présente communication cherche ainsi en premier lieu à
apprécier le coût et le suivi financier des actions de prévention
sanitaire (I), puis analyse les modalités de détermination des objectifs et
des priorités de cette politique publique (II) avant d’examiner
son
pilotage
et l’articulation de ses acteurs (III) et le dispositif d’évaluation
de ses résultats (IV).
Chapitre I
Une dépense mal connue
L’effort financier global consacré à la prévention est difficile à
mesurer. Cette méconnaissance trouve notamment sa source dans les
incertitudes sur le périmètre des actions de prévention. L’insuffisante
identification des circuits de financement y contribue également.
Qu’ils soient approchés à travers les dépenses engagées par l’Etat
et l’assurance maladie (I), ou les agrégats de la comptabilité
nationale (II), les moyens consacrés à prévention ne peuvent faire l’objet
d’une estimation précise. D’une manière générale, ils apparaissent sous
évalués (III).
I
-
Les financements directement affectés à la
prévention
Aucun
acteur
ne
dispose
en
totalité
d’une
connaissance
transversale et exhaustive des financements affectés aux politiques de
prévention sanitaire. Celles-ci sont principalement cofinancées par l’Etat
et ses opérateurs, par l’assurance maladie, et enfin par les collectivités
locales.
20
COUR DES COMPTES
A - Les crédits budgétaires
1 -
Les crédits
du programme 204 « Prévention et sécurité
sanitaire »
Le programme 204 « Prévention et sécurité sanitaire » résulte de la
fusion en 2009 des programmes « santé publique et prévention » et
« veille et sécurité sanitaires » et de l’intégration en 2011 du programme
« offre de soins ».
Les crédits du programme 204 comprennent l’ensemble des crédits
de prévention gérés par :
l’administration centrale du ministère de la santé : la
direction générale de la santé (DGS) essentiellement, mais
également la direction des affaires financières, juridiques et
des
services
pour
les
crédits
relatifs
aux
actions
contentieuses ;
les crédits délégués aux directions régionales des affaires
sanitaires et sociales jusqu’au 1
er
avril 2010 puis aux
agences régionales de santé (ARS) ;
les subventions pour charges de service public aux
opérateurs que sont l’institut national de prévention et
d’éducation pour la santé (INPES), l’institut national de
veille sanitaire (INVS), l’institut national du cancer (INCa),
l’agence française de sécurité sanitaire des produits de santé
(AFSSAPS), l’agence nationale chargée de la sécurité
sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail
(ANSES)
l’établissement de préparation et de réponse aux
urgences sanitaires (EPRUS), l’agence de la biomédecine
(ABM) et l’école des hautes études en santé publique
(EHESP), pour la partie des financements incombant au
ministère de la santé.
La prévention et la sécurité sanitaire étant souvent imbriquées, la
DGS estime qu’il est impossible d’isoler les crédits de prévention au sein
du programme 204. Pour 489 M€ de crédits de paiements ouverts en LFI
2010, les dépenses brutes se sont élevées à 389 M€.
2 -
L’articulation entre les sous-actions du programme 204
La ventilation des crédits en sous-actions comme les conditions
dans lesquelles ces crédits sont délégués aux structures territoriales
UNE DEPENSE MAL CONNUE
21
rendent particulièrement complexe une analyse plus fine des dépenses de
prévention.
En 2009 et jusqu’au 31 mars 2010, la DGS déléguait ses crédits
aux DRASS
au terme d’un dialogue de gestion avec elles et selon des
indicateurs qu’elle avait définis. Les DRASS versaient ensuite leurs
subventions aux groupements régionaux de santé publique (GRSP),
également destinataires de dotations de l’assurance maladie.
Le suivi par sous-actions de l’exécution des dépenses des services
déconcentrés était plus que délicat à opérer. Certaines DRASS avaient fait
le choix d’imputer la totalité de la subvention destinée aux GRSP
exclusivement sur l’action 11 « Pilotage de la politique de santé », plutôt
que de la ventiler sur l’ensemble des actions thématiques du programme.
La DGS a donc dû procéder à des retraitements.
Par ailleurs, les crédits
utilisés par les GRSP pour le financement d’actions éligibles aux plans
régionaux de santé publique (PRSP) faisaient l’objet d’une délégation
globale par la DGS, sans qu’un compte rendu précis par sous-action
thématique soit instauré. Dans son rapport d’avril 2010 sur l’évaluation
du plan national nutrition santé 2006-2010 dit PNNS 2, l’IGAS relève
ainsi que, selon la DGS, des actions de santé publique financées au titre
d’autres actions thématiques que l’action 15 « Prévention des risques liés
à l’environnement, au travail et à l’alimentation » du programme 204
peuvent concerner pour partie les domaines de la nutrition et des activités
physiques.
En 2011 une nouvelle action « politique régionale de santé »
regroupe l’ensemble des crédits d’intervention territoriaux destinés aux
ARS et jusqu’alors délégués pour leur plus grande part aux GRSP. Cette
globalisation des crédits de santé publique au sein du budget des ARS
n’améliorera pas la connaissance de leur emploi
en l’absence de mise en
place d’outils de suivi spécifiques, d’autant que les sous-actions du
programme 204, qui sont pour certaines des pathologies, pour d’autres
des déterminants de santé se recoupent. Par exemple, la lutte contre le
tabac contribue à prévenir le cancer ou les maladies cardio-vasculaires.
Dans la logique de performance de la LOLF, il conviendrait d’établir
clairement des règles d’imputation budgétaire et comptable permettant de
définir précisément le contenu des sous-actions et le lien entre un
déterminant de santé et un risque de pathologie.
22
COUR DES COMPTES
3 -
Les carences méthodologiques des indicateurs des projets
annuels de performance (PAP)
Outre qu’ils sont instables dans le temps, la plupart des indicateurs
de performance des PAP ne permettent pas de rendre compte de
l’utilisation des crédits de l’Etat.
L’indicateur associé à l’objectif de coût unitaire du
dépistage organisé du cancer du sein repose sur une
méthodologie inadaptée pour son évaluation. D’une part, il
mobilise des crédits d’assurance maladie et non pas
exclusivement des crédits étatiques ; d’autre part, parmi les
crédits d’assurance maladie, il ne prend pas en compte la
majorité des coûts des mammographies
qui sont inclus dans
les prestations de soins. Ainsi, cet indicateur fait référence à
un coût unitaire
du dépistage de 17,50 € en
2005, de
23,75 € en 2006 et de moins de 40€ en 2007 alors qu’une
étude spécifique de l’institut national du cancer (INCA)
datant de 2007 évaluait le coût unitaire du dépistage à
133,75 €.
L’objectif « Développer les bonnes pratiques alimentaires et
la pratique d’une activité physique » n’a pour tout
indicateur de performance en 2009 que le nombre de villes
actives adhérentes à la charte du programme national
nutrition santé. Il s’agit d’un indicateur de moyens, plus que
d’un indicateur de performance.
L’objectif de prévalence de l’obésité et du surpoids chez
l’enfant qui apparaît pour l’année 2010, n’a pas de valeur
cible car l’indicateur s’appuie sur des données issues d’un
cycle triennal d’enquêtes.
5 indicateurs sur 21 portent sur le taux de reconnaissance
des campagnes de prévention, ce qui permet
l’évaluation de
la performance de campagnes de communication plutôt que
la mesure de l’efficience d’une politique de santé publique.
Le programme 204 « Prévention et sécurité sanitaire » de la
mission « santé » du budget de l’Etat ne regroupe cependant pas
l’ensemble des crédits budgétaires affectés à la prévention sanitaire.
D’autres programmes y contribuent, comme le programme 230 « Vie de
l’élève » qui porte les moyens de la médecine scolaire à hauteur de
440 M € en 2011. Dans un récent rapport d’évaluation demandé par le
comité d’évaluation et de contrôle de l’Assemblée nationale sur ce sujet,
UNE DEPENSE MAL CONNUE
23
la Cour a ainsi relevé l’importance de l’implication des services de
médecine scolaire dans les actions de prévention auprès des enfants et
adolescents.
Le
programme
206,
« sécurité
et
qualité
sanitaire
de
l’alimentation » qui finance des actions en faveur de la qualité de
l’alimentation et le programme 181 « prévention des risques » qui porte le
programme national santé environnement (PNSE) contribuent également
à cette politique.
Il n’existe toutefois pas de document de politique transversale
(DPT) sur la prévention sanitaire alors même que la dimension
transversale de celle-ci justifierait d’une vision consolidée de l’effort
budgétaire de l’Etat.
B - Le fonds national de prévention, d’éducation et
d’information sanitaires (FNPEIS) de l’assurance
maladie
Le fonds national de prévention, d’éducation et d’information
sanitaires (FNPEIS) est un fonds sans personnalité morale créé au sein de
la CNAMTS en 1989
5
afin de
« financer toute action de prévention,
d’éducation et d’information sanitaires propre à améliorer l’état de santé
général de la population ».
La loi dispose également qu’il « peut apporter
son concours à la mise en oeuvre d’actions expérimentales » dans ces
domaines et conduites par des associations ou organismes privés ou non.
La création de ce fonds traduisait le souci d’identifier l’effort de
l’assurance maladie dans ce domaine et venait lui reconnaître
juridiquement, au-delà de sa fonction traditionnelle de payeur, le rôle
d’acteur de santé publique selon une logique qui, au-delà de la
symbolique,
reflétait
également
une
préoccupation
financière
de
« débudgétisation » de certaines actions à la charge de l’Etat.
Les dépenses du FNPEIS ne rendent cependant pas compte de
l’effort financier de l’assurance maladie en faveur de la prévention. Le
fonds peut en effet comptabiliser l’intégralité des dépenses consacrées à
une action de prévention ou une partie seulement de celle-ci, voire même
l’ignorer complètement. Le FNPEIS finance et retrace des dépenses qui
ne correspondent pas à des actes répertoriés dans une nomenclature :
charges relatives à l’achat et à la lecture des tests Hemoccult®, tests de
diagnostic rapide des angines, subventions aux structures de gestion pour
5 Loi n° 88-16 du 5 janvier 1988 relative à la sécurité sociale (article 1er). Décret
n° 89-321 du 18 mai 1989.
24
COUR DES COMPTES
le dépistage du cancer du sein (financées à 50 % par l’assurance maladie
et à 50 % par l’Etat) etc.
Mais certaines
actions peuvent être retracées à la fois dans le
FNPEIS et dans le fonds national d’assurance maladie. Il s’agit par
exemple du remboursement de certains vaccins (grippe, ROR) ou
l’examen bucco-dentaire destiné aux enfants ainsi que des actes
consécutifs à cet examen. Le remboursement du ticket modérateur se
trouve dans le FNPEIS
et celui de la part de base dans le fonds national
d’assurance maladie. Cette ventilation est peu opérationnelle et incite à
des erreurs d’interprétation des comptes du FNPEIS.
Enfin, d’autres dépenses de prévention organisée sont uniquement
prises en charge au titre du risque maladie et comptabilisées dans le seul
fonds national d’assurance maladie tels les actes médicaux relatifs au
dépistage organisé du cancer du sein (mammographies, biopsies)
et du
cancer colorectal. Il en est de même de l’ensemble des actes de
prévention individuelle réalisés par les médecins à l’occasion d’une
consultation et remboursés comme des soins.
Aussi, alors que le FNPEIS est souvent considéré comme
l’instrument budgétaire et comptable regroupant les principales dépenses
de prévention de l’assurance maladie, il ne finance qu’une part très
limitée des dépenses de prévention de l’assurance maladie. L’essentiel de
ses dépenses de prévention n’est en effet pas individualisé et est
remboursé au titre du risque maladie.
Pour autant, entre 2000 et 2010, les seules dépenses du FNPEIS
ont plus que doublé, passant de 200 à 452 M€, soit un montant
significativement supérieur à celui des crédits budgétaires imputés au
programme 204 (389 M€).
UNE DEPENSE MAL CONNUE
25
Tableau n° 1 : Exécution du FNPEIS (en M€)
libellé des programmes
2009
2010
ACTIONS NATIONALES
195,3
191,8
Vaccinations
43,7
38,3
- Vaccination anti grippale (yc campagne de
communication)
15,2
12,5
- Vaccination ROR
(yc campagne de communication)
6,8
6,7
- Vaccination méningite et autres risques
21,7
19,1
Prévention bucco-dentaire
51,5
47,2
Bon usage du médicament :
4,9
9,4
- Antibiotiques / test de diagnostic rapide
4,9
9,4
- Autres actions de prévention
0
0
Actions de prévention et d’accompagnement
7,3
Entretien de prévention 12/13 ans -16/25 ans.
0
0
Consultation des seniors de 70 ans et plus
0
0
Contraception d’urgence
2,6
2,6
Substituts nicotiniques
15,7
16,8
Subventions
76,9
70,2
- CFES
0
0
- INPES
66,2
58,4
- A.F.D.P.H.E. & dépistages des maladies génétiques
8,9
9,8
- Autres
1,8
2,0
ACTIONS LOCALES
128,9
106,4
Dépistage des cancers
76,0
63,4
Dépistage hépatite C
-
-
Actions territorialisées
52,8
42,9
- dont actions territorialisées dans le cadre des PRSP
52,8
42,9
dont dotations aux caisses / actions de prévention
15,4
5,8
dont GRSP ou ARS (depuis 2010)
37,4
37,2
-
dont dépistage du saturnisme
0
0
AUTRES
153,1
154,1
Centres d'examens de santé
148,3
149,3
Cetaf
4,7
4,8
TOTAL DEPENSES BUDGETAIRES
477,3
452,2
Source : CNAMTS
26
COUR DES COMPTES
Les principales dépenses de prévention financées par le FNPEIS
sont constituées des dépenses relatives aux centres d’examen (154 M€),
soit un tiers du total. La Cour dans le RALFSS 2009 avait relevé l’utilité
contestable de ces centres : les examens périodiques de santé, qui
représentent 90 % de la dotation des centres, ont un bénéfice médical non
démontré, sont insuffisamment ciblés sur les populations précaires et d’un
coût unitaire croissant. La convention d’objectifs et de gestion (COG)
2010-2013 a prévu de réorienter l’activité de ces centres sur les
populations éloignées du système de soins, qui représenteraient désormais
selon la CNAMTS 49 % des bénéficiaires, et a modifié le système
d’allocation budgétaire pour mieux tenir compte des coûts réels.
Le FNPEIS finance par ailleurs, à hauteur de 63 M€, le dépistage
du cancer, pour 47 M€ l’examen bucco-dentaire, et les vaccinations pour
un montant de 38 M€.
Elle apporte également une subvention à l’INPES
(58 M€) et finance les actions de prévention désormais mises en oeuvre
par les ARS (37 ME). La prise en charge des substituts nicotiniques
représente quant à elle 17 M€ de dépenses.
II
-
L’approche des comptes nationaux de la santé
A - Une comptabilisation par défaut
La direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des
statistiques (DREES) du ministère de la santé établit chaque année les
comptes nationaux de la santé, qui évaluent la dépense courante de santé
(DCS) et au sein de cet agrégat les dépenses de prévention. Toutefois ces
dernières sont partielles : elles ne recouvrent que les dépenses de
prévention « organisées » et non celles qui sont comptabilisées dans les
dépenses de soins. En effet, celles-ci sont récapitulées au titre de la
consommation des soins et biens médicaux (CSBM). Le périmètre retenu
est pour autant plus large que la prévention proprement sanitaire en
incluant également certaines dimensions des actions environnementales
conduit à une dépense
de l’ordre de 5,5 Md€
6
.
6 Le document « Etudes et résultats n° 736 » publié par la DREES en septembre 2010
indique que les dépenses de prévention
ont progressé de 12,9 % en 2009 en raison du
surcoût lié à la grippe H1N1.
UNE DEPENSE MAL CONNUE
27
Tableau n° 2 :
Dépenses de prévention dans les comptes
nationaux de la santé
2008
En M€
2008
Ensemble
5 506
PREVENTION INDIVIDUELLE PRIMAIRE
2 528
Vaccins
109
PMI - Planning familial
677
Médecine du travail
1 455
Médecine scolaire
287
PREVENTION INDIVIDUELLE SECONDAIRE
634
Dépistage des tumeurs
201
Dépistage IST, tuberculose
100
Dépistage SIDA, Hépatites
92
Dépistage autres pathologies
17
Examens de santé
177
Bilans bucco-dentaires
47
PREVENTION COLLECTIVE
2 344
A visée comportementale
468
Campagne en faveur des vaccinations
25,9
Lutte contre l'addiction
90,1
Information, promotion, éducation à la
santé
352,2
A visée environnementale
1 875
Hygiène du milieu
534
Prévention des risques professionnels
416
Prévention et lutte contre la pollution
166
Recherches en prévention sanitaire
5
Observation veille alerte
118
Urgences et crises
66
Sécurité sanitaire de l'alimentation
546
Production et mise en oeuvre de dispositifs
24
Source : DREES. Comptes nationaux de la santé 2008.
28
COUR DES COMPTES
Cet agrégat est construit par exclusion d’autres dépenses, pour
éviter les doubles comptes. Il ne traduit pas la réalité de l’effort
économique consacré à la prévention sanitaire et ne retranscrit pas non
plus l’ensemble des coûts de la prévention organisée.
B - Un agrégat à interpréter avec prudence
L’agrégat des dépenses de prévention dans les comptes nationaux
de la santé définitifs est construit à partir de quatre sources :
les données chiffrées relatives aux crédits budgétaires du
programme 204, présentées dans le rapport annuel de
performance (RAP) de la mission santé annexé au projet de loi
de règlement ;
une estimation approximative des dépenses des collectivités
locales, par application d’une clé de répartition ancienne,
estimée en 2004, au montant des « dépenses médico-sociales »
des départements et communes présenté sur le site de la
direction générale des finances publiques (DGFiP). Depuis
septembre 2010 toutefois, cette évaluation s’est améliorée car
la direction générale des collectivités locales (DGCL) a pu
fournir à la DREES une ventilation des dépenses des
départements en matière de prévention à un niveau plus
détaillé. Désormais la DREES utilisera donc la clé de
répartition datant de 2004 seulement pour les dépenses
communales ;
les dépenses de prévention de l’assurance maladie isolées dans
le fonds national de prévention, d’éducation et d’information
sanitaires (FNPEIS), qui permet à la DREES d’éviter les
doubles comptes mais qui est plus un outil
comptable pour la
CNAMTS qu’il ne correspond pas à un périmètre d’action en
prévention ;
des informations obtenues de sources diverses, parfois sans
document budgétaire ou comptable à l’appui.
Il en résulte un agrégat aux contours protéiformes, qui ne mesure
pas avec précision les dépenses de prévention et ne permet en aucun cas
de suivre leur évolution globale. Le souci légitime de la DREES de
produire des comptes nationaux de la santé sans doubles comptes ne lui
permet pas pour
certaines rubriques de l’agrégat prévention de rendre
compte du coût des actions entreprises.
UNE DEPENSE MAL CONNUE
29
A titre d’illustration, sont présentés ci-dessous les modes
d’estimation des dépenses
relatives aux vaccins et aux dépistages des
tumeurs pour 2008.
1 -
Les dépenses de vaccins
Tableau n° 3 : Décomposition du poste comptable relatif
aux vaccins dans les comptes nationaux de la santé 2008
en M€
Départements
FNPEIS RG
FNPEIS MSA
Total
Montants
85,4
21,2
2
108,6
Source : DREES
Alors que la consommation de vaccins en 2008 s’élève à 781 M€
selon l’AFSSAPS, les comptes nationaux de la santé n’isolent dans les
dépenses de prévention que 109 M€ correspondant aux achats de vaccins
des départements.
Les dépenses de vaccins au titre du FNPEIS-RG et du FNPEIS-
MSA sont issues de tableaux de suivi budgétaire de la CNAMTS et la
CCMSA et ne couvrent qu’un périmètre résiduel, constitué du
remboursement des seuls tickets modérateurs de vaccins ROR et des
vaccins contre la grippe.
De plus, se trouve aussi dans ce poste des
données qui ne relèvent pas de la vaccination comme les tests de
« diagnostic angine ».
2 -
Les dépenses de dépistage des tumeurs
Tableau n° 4 : Décomposition du poste comptable relatif
au dépistage des tumeurs dans les comptes nationaux de
la santé 2008
en M€ 2008
Etat
programme
204
Départements
FNPEIS
RG
FNPEIS
MSA
FNPEIS
RSI
Total
Montants
76,4
28,5
59,8
4,1
3,2
172
7
Source : DREES
7 La décomposition du poste comptable relatif aux dépistages des tumeurs (cancers)
transmise par la DREES en juin 2010 à la demande de la Cour présente un total de
172 M€, qui diffère du solde définitif qui figure dans les comptes nationaux de la
santé de 2008 (201 M€).
30
COUR DES COMPTES
Les dépenses de l’Etat comptabilisées comme dépenses de
dépistage des tumeurs sont celles du programme 204 (76,4 M€). Si elles
concernent bien le cancer, elles ne se rapportent pas seulement ou pas
principalement au dépistage.
Elles sont l’addition de trois données issues du rapport annuel de
performance (RAP) de 2008 : la subvention pour charges de service
public à l’INCa (40 M€), les subventions accordées aux associations têtes
de réseau notamment pour les actions de lutte contre le tabac et l’alcool
dans le cadre du plan cancer (2,4 M€) et les dépenses réalisées par les
services déconcentrés pour la lutte contre le cancer (34 M€). La
subvention pour charges de service public à l’INCa ne vise pas
spécifiquement le financement des dépistages de tumeurs, les subventions
accordées pour les actions de lutte contre le tabac et l’alcool encore
moins, les dépenses des services déconcentrés de l’Etat (DRASS et
GRSP, puis ARS) non plus.
Les dépenses des départements (28,5 M€) relèvent de la méthode
approximative déjà évoquée et en voie d’amélioration
.
Les dépenses du FNPEIS recouvrent les coûts de l’organisation des
dépistages organisés (fonctionnement des structures de gestion des
dépistages, rémunération des professionnels de santé pour la remise des
tests du cancer colorectal à l’assurance maladie, rémunération de la
seconde lecture des mammographies).
Au final, le périmètre des dépenses recensées par la DREES au
titre du dépistage des tumeurs est peu rigoureux et partiel, les coûts liés
aux
dépistages étant plutôt de l’ordre de 500 M€. Le ministère n’a pas
produit une estimation du coût complet de ces dépistages qui entrent
pourtant dans le cadre de la prévention organisée ; il a en particulier
négligé de prendre en compte les dépenses d’imagerie et de biologie qui y
sont liées.
Trop d’incertitudes entachent ainsi le montant final de l’agrégat et
de ses sous-rubriques pour qu’il puisse constituer une référence ou un
indicateur de pilotage. Il n’a pas de signification au -delà des conventions
qui ont servi à son élaboration.
Les choix méthodologiques faits ont notamment pour conséquence
de majorer la contribution de l’Etat et celle des collectivités territoriales et
de minorer celle de l’assurance maladie. Les comptes nationaux de la
santé de 2008 indiquent que
« L’Etat et les collectivités locales financent
58 % (des) dépenses (de prévention), la Sécurité sociale 17 % et le
secteur privé 25 % (médecine du travail et prévention des accidents du
UNE DEPENSE MAL CONNUE
31
travail) »
8
.
En
fait
,
les
dépenses
de
prévention
sanitaire
sont
principalement financées par l’assurance maladie, et figurent dans la
consommation de biens et de soins médicaux. Elles sont toutefois non
isolables en l’absence d’enquête spécifique.
III
-
Les dépenses de prévention intégrées dans les
dépenses du risque maladie
Dans les comptes nationaux de santé, le ministère de la santé
dissocie ce qu’il qualifie de « prévention individuelle » de la prévention
collective. Toutefois, ces deux agrégats ignorent la part des soins
consacrés à la prévention. La DREES a en conséquence demandé en 2005
à l’Institut de recherche et de documentation en économie de la santé
(IRDES) de développer une méthode de production des comptes de la
santé par pathologies, puis une méthode d’estimation des dépenses de
prévention comprises dans les dépenses de soins. Cette méthode qui
consiste à repérer, notamment à partir d’enquêtes, les dépenses de
prévention incluses dans les dépenses de soins, a été appliquée aux
comptes de la santé de 2002
9
.
D’après les estimations de l’IRDES, les dépenses de prévention
dans la CSBM, c’est-à-dire lors de soins hospitaliers de court séjour, de
consultations de médecins, de sages-femmes, d’auxiliaires médicaux, de
dentistes et à travers la consommation de médicaments se seraient élevées
à près de 5,7 Md€ en 2002.
Au regard des chiffres de la prévention tels
qu’ils figurent dans les comptes nationaux de la santé, la moitié des
dépenses est donc comprise dans la consommation de soins et de biens
médicaux.
8 DREES. Comptes nationaux de la santé 2008.
Page 104
9 IRDES, Questions d’économie de la santé. N°111. Juillet 2006. DREES, Etudes et
résultats. N° 504. Juillet 2006. IRDES. Les dépenses de prévention en France.
Estimation à partir des comptes nationaux de la santé en 2002.
32
COUR DES COMPTES
Tableau n° 5 : Estimation par des dépenses de prévention
totales à partir des comptes nationaux de la santé de l’année
2002
10
Montants (M€ )
1- Prévention
individuelle
isolée
dans
les CNS
2-
Prévention
collective
isolée dans
les CNS
3- Dépenses de
prévention
estimées
dans
la CSBM
TOTAL
A- Eviter la survenue d'une
maladie ou d'un état
indésirable
2 233
2 121
1 096
5 450
B- Dépister les maladies
0
390
2 089
2 479
C- Prendre les facteurs de
risque et les formes précoces
de maladies
0
0
2 567
2 567
Total des dépenses de
prévention (millions d'euros)
2 233
2 511
5 751
10 495
Source : DREES-IRDES. Estimation des dépenses de prévention et des
dépenses par pathologie d’après les comptes nationaux de la santé. Juillet
2006.
CNS : comptes nationaux de la santé. CSBM : consommation de
soins et de bien médicaux.
L’IRDES concluait
que les dépenses de prévention représentaient
pour la collectivité un coût de 10,5 Md€, soit 6,4 % de la dépense
courante de santé et plus de 0,6 % du PIB. Ces résultats conduisent à
tempérer le discours traditionnel sur la faible part des dépenses de santé
consacrées à la prévention en France. Mais les chiffres n’ont pas été remis
à jour depuis cette étude datant déjà de six ans et portant sur des données
vieilles de près de dix ans.
***
10 L’étude de 2005 a mobilisé 2,5 homme /année. La DREES n’a pas fait de mise à
jour en l’absence de saisine.
UNE DEPENSE MAL CONNUE
33
Tantôt évalué à moins de 1 Md€ par an, au travers du
programme 204 correspondant aux crédits du ministère de la santé et
du FNPEIS géré par la CNAMTS,
tantôt considéré comme s’élevant
à 5,5 Md€ dans les comptes nationaux de santé, tantôt estimé à
10,5 Md€ en fonction des résultats de l’étude de l’IRDES, l’effort
financier consacré en France à la prévention sanitaire varie ainsi
dans un rapport de un à dix selon les approches plus ou moins
extensives, sans qu’aucune certitude ne puisse être apportée sur la
fiabilité de ces données faute d’une vision transversale et univoque de
son périmètre et
d’une méthodologie solide.
Recommandation n° 1 : Elaborer un document de politique
transversale (DPT) sur la prévention sanitaire.
Recommandation n° 2 : Concernant un effort économique de
l’ordre au minimum de 10 Md€, faire évaluer à intervalle régulier (2 ou
3 ans) par la DREES le montant des dépenses totales de prévention
selon une méthodologie homogène et constante.
Recommandation
n° 3 :
Clarifier
et
compléter
les
règles
d’imputation budgétaire
afin d’apporter à la représentation nationale
une information précise, permettant de connaître par action et sous
action
(y compris crédits déconcentrés) les montants dépensés en
matière de prévention.
Chapitre II
Une définition perfectible des objectifs
et des priorités
La loi
de santé publique du 9 août 2004 a intégré pour la première
fois la prévention sanitaire dans une approche globale et ambitieuse de la
santé
publique
intégrant
les
dimensions
préventive,
curative
et
d’accompagnement. Elle a ainsi donné un cadre à la politique de
prévention en définissant notamment cent objectifs de santé publique (I),
sans mettre fin pour autant à une accumulation de plans de santé publique
(II) et sans
garantir la meilleure allocation des moyens (III), En outre,
l’approche retenue exclut de son champ la prévention spontanée (IV).
I
-
Cent
objectifs de santé publique
Le rapport annexé à la loi de 2004 liste cent objectifs pluriannuels
de santé publique. Ceux-ci
ont été définis à partir des rapports du Haut
comité de la santé publique et des travaux du groupe technique national
pour la définition des objectifs (GNTDO
11
), créé à cet effet. Certains
d’entre eux visent directement des actions spécifiques de prévention
comme le niveau de couverture vaccinale contre la grippe (O39) ou
contre les maladies infantiles (O42), l’atteinte d’un taux de participation
aux campagnes de dépistage du cancer (O50), ou la réduction de la
11 Ce groupe, présidé par le Professeur Lucien Abenhaïm, alors DGS, a remis en
mars 2003 un rapport relatif à l’analyse des connaissances disponibles sur des
problèmes de santé sélectionnés, leurs déterminants et les stratégies de santé publique.
36
COUR DES COMPTES
cholestérolémie moyenne (O70) ; d’autres, portent plus largement sur
l’incidence de maladies de nature à justifier le développement d’actions
multifactorielles comme la stabilisation de l’incidence de la tuberculose.
Tous ne concernent pas spécifiquement la politique de prévention, tels par
exemple, la maîtrise de la résistance aux antibiotiques (O30) ou la
réduction des obstacles financiers à l’accès aux soins (O33).
Les objectifs ont été définis de manière à constituer un tableau de
bord consensuel et régulièrement suivi sur l’état de santé de la population,
atteignables en l’état des connaissances et techniques. Ils sont toutefois
modulés en fonction des derniers résultats connus. Si, en 2000, la France
était à un niveau
la faisant figurer à un rang mauvais par rapport à ses
voisins européens pour un déterminant, l’objectif a été que la France se
situe dans la moyenne en 2008.
Si, en 2000, la France se situait parmi les
meilleures performances en Europe, l’objectif visait à conserver au moins
ce niveau en 2008.
A - Des objectifs à forts enjeux interministériels
Du fait de l’extrême variété des causes de mortalité prématurée et
des déterminants de santé, tous les objectifs
ne relèvent pas du périmètre
de compétence du ministère de la santé. Ainsi, l’objectif n° O14 vise à
réduire le nombre d’accidents routiers mortels au travail, l’objectif O24
propose de réduire les niveaux de bruits entraînant des nuisances sonores
et un autre (O23) cherche à diminuer la mortalité par intoxication par le
monoxyde de carbone.
Le rapport annexé à la loi précise que ces objectifs valent pour tous
les acteurs du système de santé et que les différentes politiques publiques
devront y faire référence si elles ont des impacts sanitaires prévisibles.
B - Des indicateurs de suivi
quantifiés
A ces objectifs pluriannuels correspondent des indicateurs
spécifiques permettant de mesurer et suivre les résultats obtenus et de
contribuer ainsi à l’évaluation de la performance du système de santé.
Les valeurs-cibles sont exprimées de préférence en termes
d’évolution de l’état de santé de la population ou d’évolution de la
fréquence d’un déterminant immédiat de cet état de santé. Par exemple,
pour l’objectif n° O3, l’indicateur relatif à la prévalence du tabagisme
(fumeurs quotidiens) devait passer de 33 % à 25 % chez les hommes et de
26 % à 20 % chez les femmes en 2008.
UNE DEFINITION PERFECTIBLE DES OBJECTIFS ET DES PRIORITES
37
Dans la moitié des cas, les indicateurs existaient et étaient déjà
suivis régulièrement, comme par exemple la consommation moyenne
annuelle d’alcool par habitant que l’objectif O1 vise à faire baisser de
20 % ou l’incidence des cas de SIDA, à laquelle se réfère l’objectif
n° O36.
Mais le groupe de travail
a également défini un grand nombre
d’indicateurs dont il a jugé souhaitable de disposer pour piloter une
politique de santé publique. Pour ces indicateurs, des systèmes
d’information ou des modalités d’enquête ont été spécifiquement créés
afin d’en assurer le suivi. Le chiffrage annuel de ces indicateurs a
commencé en 2006. Seuls 59 objectifs étaient alors renseignés, puis 64 en
2007 et 72 en 2008.
Dix objectifs n’ont pas d’indicateurs associés. Leur formulation
trop imprécise ne permet pas d’y associer une mesure. C'est le cas par
exemple de l’objectif n° O90 qui a pour but d’assurer l’équité dans
l’accès au diagnostic, au traitement et à la prise en charge des maladies
rares. Il n’a pas été possible en définitive de définir des critères
opérationnels mesurables pour la notion d’ « équité d’accès ».
C - Une absence de hiérarchisation
Un nombre très important d’objectifs a été retenu, contrairement à
la position prise dans d’autres pays. Leur absence de hiérarchisation
s’explique par le statut volontairement ambigu, voire contradictoire que
leur reconnaît la loi.
1 -
Une sélectivité très limitée
Les problèmes de santé retenus ont été sélectionnés à partir de
deux sources complémentaires : les travaux du Haut comité de la santé
publique et les publications de l’OMS en utilisant l’indicateur synthétique
de morbi-mortalité ou « DALY »
12
.
12 disability adjusted life years
38
COUR DES COMPTES
Le calcul et l’intérêt des DALYs
L’OMS établit pour chaque problème de santé un indicateur
synthétique de morbi-mortalité. Cet indicateur est le nombre d’années de vie
corrigées de l’incapacité
(DALY en anglais). Cet indicateur correspond à un
nombre d’années de vie « en bonne santé » perdues pour chaque problème de
santé.
Il est calculé par l’addition des années de vie perdues en raison d’un
décès prématuré et d’une estimation de l’équivalent d’un nombre d’années de
vie perdues en raison de la diminution de la qualité de vie résultant de la
présence d’une maladie.
Le calcul des DALYs repose sur les risques de mortalité prématurée
par cause et sur la prévalence des maladies. Des pondérations, attribuées par
des experts, visent ensuite à « dévaluer » les années de vie en fonction de la
fréquence des maladies et du risque d’incapacité qui leur est associé.
L’intérêt d’un tel indicateur agrégé réside dans la possibilité de
comparer aisément, à partir d’une seule valeur chiffrée, l’impact sur la
population des différentes pathologies entre elles et au niveau international.
La limite d’un tel indicateur est notamment liée au fait que les méthodes pour
le calculer reposent sur une multitude de modélisations, hypothèses et
estimations, à partir de données qui sont loin d’être disponibles en routine.
Mais ces imperfections méthodologiques n’en invalident pas l’usage.
Les comparaisons internationales par les DALYs permettent de
souligner les points forts et faibles de l’état de santé de la population
nationale.
UNE DEFINITION PERFECTIBLE DES OBJECTIFS ET DES PRIORITES
39
Tableau n° 6 : Comparaison internationale : DALYs perdus
par cause pour 100 000 habitants
France
Allemagne
Italie
Espagne
GB
USA
Japon
Toutes causes
12 262
12 536
11 245
11 352
12 871
13 937
10 170
Maladies
11 095
11 800
10 479
10 492
12 163
12 524
9 210
Maladies neuro-
psychiatriques
3 439
3 088
2 546
2 760
3 432
3 945
2 102
Dont dépression
1 190
927
750
625
931
1 414
505
Cancers
2 234
2 114
2 056
1 890
2 007
1 713
1 883
Maladies cardiovasculaires
1 415
2 392
1 941
1 556
2 083
1 972
1 548
Maladies respiratoires
539
684
518
816
1 064
933
558
Maladies de l’app.digestif
532
655
411
527
655
469
417
Maladies de l’app
musculosquelettique
518
553
559
529
528
524
583
Maternité et périnatalité
190
134
143
151
229
344
82
Blessures
1 167
736
766
860
708
1 413
960
Accidents de la route
284
195
297
302
180
422
158
chutes
169
117
151
110
105
119
107
suicides
343
233
118
147
168
241
437
Source OMS, données 2004
Au regard de ces critères, la France apparaît plus touchée que des
pays comparables par les cancers, la dépression et les suicides. Au
contraire, les maladies cardio-vasculaires semblent avoir dans notre pays
un impact en termes de morbi-mortalité plus faible qu’ailleurs.
Le groupe de travail a retenu tous les problèmes de santé dont le
retentissement
représentait au moins 1 % du total des DALYs calculées
par l’OMS. Ce seuil l’a conduit à retenir un nombre d’objectifs très élevé
autour de 25 thèmes, en particulier ceux dont la présence ou l’influence
peuvent être modifiées par des interventions de santé publique tels alcool,
tabac, nutrition, santé au travail, santé et environnement, iatrogénie,
maladies infectieuses, tumeurs malignes, maladies
cardio-vasculaires,
santé maternelle et périnatale, troubles musculo-squelettiques…
40
COUR DES COMPTES
D’autres pays n’ont pas fait le même choix que la France et
s’inscrivent dans une logique de priorisation des objectifs de la politique
de santé publique très explicite.
Le programme britannique
constitue ainsi en quelque sorte le
contre-exemple de la situation française. Il poursuit deux buts : d’une part
accroître la durée de vie et le nombre d’années sans incapacité, d’autre
part réduire les inégalités de santé. Il est ancré dans trois lieux d’actions
qui correspondent à trois tranches d’âge de la population : les écoles, les
entreprises et les quartiers. Ce programme repose seulement sur quatre
priorités et
quatre objectifs à 10 ans :
cancers
: réduire de 20 % la mortalité des moins de 75 ans et
100 000 vies sauvées ;
maladies cardio-vasculaires
: diminuer de 40 % la mortalité
des moins de 75 ans et 200 000 vies sauvées ;
accidents
: moins 20 % de décès et 12 000 vies sauvées ;
santé mentale
: moins 20 % de décès par suicide et 4000 vies
sauvées
.
Ces thématiques ont été déterminées en sélectionnant les
problèmes
responsables du plus grand nombre de DALYs perdus en
Grande-Bretagne. Ce programme présente l’avantage de la continuité
(objectifs définis pour 10 ans), de la simplicité et de la clarté
13
.
Aux Etats Unis, si 467 objectifs ont été définis en 2000, regroupés
en 28 domaines, avec deux finalités majeures : améliorer la qualité de la
vie et éliminer les inégalités de santé, seuls 10 indicateurs clés ont été
retenus comme cibles prioritaires pour les politiques publiques.
2 -
Une absence de moyens associés
Les objectifs inscrits dans la loi de 2004 ont été définis sans
contraintes de moyens, avec pour seule préoccupation une vision
ambitieuse de l’action de santé publique.
Comme indiqué supra, ils ont
été fixés afin que, sur l’ensemble des sujets influençant le niveau de santé
de la population, la France se place au meilleur niveau en Europe
occidentale, ou à défaut dans la moyenne de ses voisins.
13 Une réflexion est en cours pour l’actualiser:
Healthy Lives, Healthy People: Our
strategy for public health in England- Novembre 2010
UNE DEFINITION PERFECTIBLE DES OBJECTIFS ET DES PRIORITES
41
Le premier paragraphe de l’annexe à la loi invite à considérer cet
ensemble comme un outil de pilotage
14
. Le suivi, autant que faire se peut
des indicateurs à intervalle de temps régulier,
doit permettre de disposer
d’un diagnostic concernant les points à améliorer, notamment, mais pas
uniquement dans notre système de santé. Mais ces objectifs de santé
publique ont une portée supplémentaire : « ces objectifs quantifiés,
adoptés par la représentation nationale, ont une valeur d’engagement :
celui d’un résultat, en termes de santé, jugé atteignable compte tenu des
connaissances et des moyens disponibles
15
».
Les « moyens disponibles » n’ont fait toutefois l’objet d’aucune
évaluation spécifique. Il a simplement été considéré que la France ayant
un niveau de dépenses de santé par habitant parmi les plus élevés, elle
devait pouvoir se comparer sur tous les sujets de santé publique aux
meilleurs résultats obtenus.
Présenter chacun de ces 100 objectifs comme un engagement
invitait en tout état de cause à développer autant de plans de santé
publique que nécessaire pour tenter de les atteindre, sans les inscrire dans
une hiérarchisation rigoureuse ni dans un cadrage financier de nature à
en garantir la réalisation.
II
-
Des plans trop nombreux, mal articulés et mal
suivis
A - Une trentaine de plans aux statuts divers
La loi de 2004 a défini trois statuts différents pour les plans de
santé publique.
Pour les problèmes de santé nécessitant de coordonner les actions
d’intervenants multiples sur plusieurs années, la politique de santé
publique définit des plans stratégiques pluriannuels
organisant des
ensembles d’actions et de programmes cohérents. Chaque plan spécifie,
sur la période de temps considérée, la relation entre les objectifs
quantifiés de santé publique à atteindre et les actions à mettre en oeuvre.
Cette démarche doit donner une meilleure lisibilité aux efforts consentis
pour améliorer la santé. Les objectifs et les plans stratégiques définis au
14 « Le présent rapport décrit les objectifs quantifiés (…) ainsi qu’un ensemble
d’indicateurs transversaux destinés à servir d’instrument de pilotage ».
15 Annexe de la loi du 9 août 2004, §1, p.63
42
COUR DES COMPTES
niveau national sont déclinés au niveau régional ou à un niveau territorial
approprié.
Cinq plans de ce type ont ainsi été définis dans la loi de 2004 pour
la période 2004-2008 selon des thématiques choisies par le Président de la
République. Ils
concernaient le cancer, les impacts de la violence sur la
santé, la santé environnementale, l’amélioration de la qualité de vie des
personnes atteintes de maladies chroniques ainsi que les maladies rares.
Le plan cancer était déjà en place lors de la promulgation de la loi.
Le plan national santé environnement (PNSE) et le plan national pour
améliorer la prise en charge des maladies rares ont été lancés
respectivement en 2004 et 2005. Le plan pour l’amélioration de la qualité
de la vie des personnes atteintes de maladies chroniques a vu le jour
tardivement, en avril 2007. Quant au plan de lutte pour limiter l’impact
sur la santé de la violence, des comportements à risque et des conduites
addictives, qui devait coordonner différents plans tels que le plan contre
la violence routière, le plan contre les drogues illicites, le tabac et l’alcool
ou le plan santé mentale, il n’a pas été mis en place dans sa dimension
initialement envisagée.
Les programmes de santé
qui ont pour base législative l’article 10
de la loi de santé publique
16
font l’objet d’un arrêté conjoint des ministres
chargés de la santé et de la sécurité sociale. Ils sont destinés à éviter
l'apparition, le développement ou l'aggravation de maladies et prévoient
généralement à ce titre des consultations médicales périodiques de
prévention et des examens de dépistage, ainsi que des actions
d'information et d'éducation pour la santé.
Le premier dispositif entrant dans ce cadre juridique est le
programme de lutte contre le saturnisme (arrêté date du 18 janvier 2005).
Un arrêté du ministre de la santé du 29 septembre 2006 précise que le
plan de mobilisation nationale contre le cancer constitue un programme
de santé au sens de l'article L. 1411-6 du code de la santé publique alors
qu’en 2004, la loi de santé publique comptait le plan cancer parmi les
plans stratégiques. Ce glissement de statut, trois ans après le lancement du
plan cancer, montre à quel point les frontières entre les différents types de
plans sont imprécises.
Pas moins de 27 autres plans ou programmes nationaux
avaient été
mis en place dès 2000. Ils restaient en cours ou avaient été reconduits en
2004 en particulier sous la pression des associations de patients. Les
thématiques et les objectifs de ces plans ont le plus souvent été repris
16 Article L. 1411-6 du code de la santé publique.
UNE DEFINITION PERFECTIBLE DES OBJECTIFS ET DES PRIORITES
43
dans le rapport annexé à la loi du 9 août 2004. La DGS en a recensé 22 en
2008 et 30 en 2009 (cf. encadré ci-après).
Les appellations retenues sont confuses : on trouve aussi bien un
plan « gouvernemental » (drogues et toxicomanies), ou « national »
(prévention bucco-dentaire, maladies rares ou bien vieillir) ; d’autres sont
intitulés programme national (nutrition santé), ou encore stratégies
d’action (en matière de contraception), ces nuances sémantiques ne
recouvrant aucune différence de contenu ou d’approche.
Au total, si la loi distingue trois types de plans, il n’existe pas de
différence, ni dans leur élaboration, ni dans leur suivi, ni dans leur
gradation,
la DGS ayant retenu le principe d’une absence de priorisation
entre les différents programmes de santé publique qu’elle pilote. S’ajoute
à cette confusion une grande hétérogénéité des méthodes utilisées
pour
assurer la cohérence des plans entre eux comme leur suivi.
B - Un défaut de cohérence et d’outils de suivi
Les plans de santé publique s’additionnent depuis plusieurs années,
sans toujours
véritable cohérence avec les grands objectifs fixés par la loi
de 2004 auxquels nombre d’entre eux ne se réfère pas et avec des
redondances plus ou moins fortes parfois de l’un à l’autre. Pour le seul
thème des addictions, il existe ainsi un plan ministériel relatif à la prise en
charge et la prévention des addictions 2007-2011 et un plan
gouvernemental de lutte contre les drogues et les toxicomanies 2008-
2011.
44
COUR DES COMPTES
Les plans de santé publique recensés par le ministère de la santé
en novembre 2009
SANTÉ GÉNÉRALE DES POPULATIONS
Plan
gouvernemental
de
lutte
contre
les
drogues
et
les
toxicomanies
La prise en charge et la prévention des addictions
Deuxième Programme national nutrition santé- PNNS-2
Plan psychiatrie et santé mentale
Plan autisme
Plan santé des jeunes 16-25 ans
Plan national bien vieillir
Programme d’actions sur le sommeil
Stratégie d’actions en matière de contraception
Plan périnatalité : humanité, proximité, sécurité, qualité
Plan national de prévention bucco-dentaire
MALADIES CHRONIQUES
Plan cancer
Plan Alzheimer et maladies apparentées
Programme de développement des soins palliatifs
Plan pour l’amélioration de la qualité de vie des personnes atteintes
de maladies chroniques
Plan d’amélioration de la prise en charge de la douleur
Programme d’actions en faveur de la bronco-pneumopathie
chronique obstructive
Plan national maladies rares
UNE DEFINITION PERFECTIBLE DES OBJECTIFS ET DES PRIORITES
45
RISQUES INFECTIEUX
Plan stratégique national de prévention des infections associées aux
soins
Programme national de prévention des infections nosocomiales
2009-2013
Plan national de lutte contre les hépatites B et C
Plan pour préserver l’efficacité des antibiotiques
Programme de lutte contre la tuberculose en France
Plan national anti-dissémination chikungunya-dengue en métropole
Plan d’élimination de la rougeole et de la rubéole congénitale en
France
Programme national de lutte contre le VIH/sida et les IST
SANTÉ ENVIRONNEMENTALE
Plan national santé environnement
Plan d’action chlordécone en Martinique et en Guadeloupe
Plan d’action de prévention des légionelloses
Plan de prévention des accidents de la vie courante
Depuis ce recensement, d’autres plans ont été élaborés tel le plan
de lutte contre les accidents vasculaires cérébraux 2010-2014 qui a pour
objectif de réduire la gravité et la fréquence des séquelles ou le plan
national maladies rares 2011-2014 rendu public le 28 février 2011.
En décembre 2009, la DGS a produit un guide méthodologique
17
,
fruit de l’expérience acquise. Les constats et recommandations qu’il
contient s’appuient sur les faiblesses constatées dans le dispositif actuel et
par là même, les mettent en relief.
1 -
Des problèmes d’articulation entre plans
La multiplication des plans soulève la question de leur articulation
et de leur synergie, lors de leur élaboration et de leur mise en oeuvre.
17 Recommandations pour l’élaboration, le suivi et l’évaluation des plans nationaux
de santé. Direction générale de la santé- Secrétariat général. Décembre 2009.
46
COUR DES COMPTES
La prévention des maladies peut en effet être abordée par au moins
trois approches différentes
par le déterminant (ex : le tabac), par la
maladie prévenue (ex : le cancer), ou par la population ciblée (ex : les
adolescents). Ceci explique par exemple que les mesures du plan cancer,
peuvent se retrouver dans d’autres plans ou contribuer à des objectifs
formulés par ailleurs. Dans son rapport sur l’évaluation du plan cancer
2003-2007, le HCSP a ainsi répertorié 15 mesures inscrites aussi dans
d’autres plans. Il a souligné les difficultés que créait cette situation pour
l’évaluation de chacune d’elles.
Par ailleurs, la date à laquelle ces différents plans ont été élaborés
influe sur la manière dont ils font référence ou non aux plans existants.
La division « déploiement des politiques de santé » de la DGS, qui
apporte un appui méthodologique à l’élaboration des plans nationaux et
régionaux, n’assure pas la fonction de contrôle qualité qui manque
totalement lors de l’élaboration de ces plans. Il revient finalement au
pilote chargé de l’élaboration de chacun d’entre eux de s’assurer de la
présence ou non de doublons.
Ce manque de rigueur dans leur conception nuit à la lisibilité de
l’action publique ainsi qu’à la transparence de l’affectation des moyens.
Elle
a pu également donner parfois l’impression que leur élaboration
pouvait parfois obéir davantage à une logique médiatique, à la recherche
d’effets d’annonce, qu’à une volonté stratégique et durable.
2 -
L’absence de priorisation et d’indicateurs de suivi
Si l’intérêt de définir des priorités est reconnu par la DGS dans son
guide
précité,
elle
souligne
que
« cet
exercice
est
complexe,
particulièrement coûteux en temps, et donne le sentiment aux
professionnels comme aux bénéficiaires que des domaines, jugés comme
moins prioritaires puissent être délaissés ». De fait, l’absence de
hiérarchisation des objectifs est fréquente.
Dans son rapport d’évaluation du deuxième plan national nutrition
santé
(PNNS 2) l’IGAS soulignait pourtant les inconvénients d’un défaut
de priorisation, tant au moment de l’élaboration qu’à l’intérieur même du
plan : « Le PNNS s’est fixé pour but de mettre en oeuvre quatre plans
d’action, en évoquant de manière uniforme les problématiques les unes
par rapport aux autres. Il comporte en outre de très nombreuses actions
dans un programme dont la lecture est confuse et le descriptif
désordonné, ce qui rend quelque peu difficile la compréhension de ses
axes de développement. »
UNE DEFINITION PERFECTIBLE DES OBJECTIFS ET DES PRIORITES
47
S’il n’est procédé à aucun choix à priori, le risque est que la
réalisation du plan se fasse en fonction de critères tels que la facilité de
réalisation des mesures.
Selon le même guide, « l’élaboration d’un plan doit distinguer
explicitement ce qui relève de l’organisation spécifique du plan de ce qui
relève des dispositions « habituelles ». Les plans ont rarement vocation à
couvrir l’ensemble de l’action publique menée sur un thème. »
Le HCSP a relevé ce problème méthodologique dans son rapport
sur l’évaluation des objectifs de la loi du 9 août 2004
18
, en soulignant
qu’il était délicat de distinguer ce qui, dans les résultats constatés, était
attribuable aux politiques mises en oeuvre et ce qui relève de l’évolution
naturelle du phénomène observé.
Malgré
les
recommandations
de
bonne
pratique
dont
l’administration de la santé s’est dotée en matière notamment
d’indicateurs, ces derniers
sont peu ou mal utilisés. Le plan de prévention
des addictions compte ainsi 14 objectifs différents, 26 mesures mais
aucun indicateur de suivi n’y est associé. Le plan de lutte contre les
drogues et toxicomanies présente 193 mesures différentes regroupées en
44 fiches actions thématiques, qui se répartissent autour de cinq grands
axes. Mais il n’existe pas d’indicateurs de suivi définis a priori.
Toujours dans son évaluation PNNS 2, l’IGAS souligne encore
que « la mission a été gênée dans son travail d’enquête par l’absence
d’essai de définition d’indicateurs susceptibles d’aider à l’évaluation du
programme, ainsi que par une rédaction évolutive du programme depuis
2006 ».
Comme la Cour l’avait également relevé, le HCSP a
noté, dans
son évaluation du plan cancer 2003-2007, que pour la grande majorité des
70 mesures qui y figurent, il n’existe pas d’indicateur, pas d’objectif
chiffré. « En l’absence d’indicateur et d’objectif précis, le travail
d’évaluation s’est avéré difficile ».
A l’inverse toutefois, pour le deuxième plan Alzheimer qui
comprend 44 mesures et prévoit une dépense totale estimée à 1,6 Md €
entre 2008 et 2012, des indicateurs de suivi et d’évaluation ont été définis
pour chaque action dont la mise en oeuvre fait l’objet d’un dispositif de
pilotage extrêmement développé jusqu’au plus haut niveau de l’Etat.
18 Objectifs de santé publique. Evaluation des objectifs de la loi du 9 août 2004.
Propositions. Haut conseil de la santé publique. Collection Avis et rapports. Avril
2010.
48
COUR DES COMPTES
III
-
Une insuffisante recherche d’efficience
La prise en compte du critère d’efficience dans les objectifs de
prévention et plus généralement dans les choix de santé publique
présenterait l’intérêt de faire le meilleur usage possible des moyens
disponibles. La réflexion médico-économique revient à définir des seuils
d'investissements au-delà desquels la collectivité peut considérer que les
ressources ne sont plus dépensées de façon socialement utile et
produiraient plus de bien-être si elles étaient affectées ailleurs. Cette
approche développée au Royaume-Uni, ou l’utilisation d’une valeur
tutélaire de la vie humaine comme dans d’autres secteurs d’activité en
France, ne sont jamais envisagées dans les politiques de santé publique.
A - L’absence en France d’évaluation médico-
économique en matière de santé publique
L’accumulation de plans non hiérarchisés entretient l’illusion sur la
capacité de l’Etat à assurer la meilleure des protections à la population
face à tous les risques de santé, à prendre en compte chaque besoin et à
engager les moyens financiers nécessaires pour prévenir toutes les
maladies. En l’absence de fixation d’une valeur pour la vie humaine dans
le domaine de la santé, les dépenses par vie sauvée ou par année de vie en
bonne santé peuvent apparaître sans limites.
Une valeur de la vie humaine définie dans le domaine des transports
En 2001, le commissariat général au plan a mené une réflexion visant
à établir un référentiel de valeurs qui traduirait la disposition à payer de la
collectivité et qui orienterait les choix publics. Ces valeurs sont tutélaires en
ce qu’elles ne sont pas fournies directement par un marché, ou parce que les
valeurs révélées sur les marchés ne reflètent pas le vrai coût pour la
collectivité (le coût social). Elles traduisent donc le prix que l’État entend
donner à ces effets non marchands et ont été fixées en fonction des attentes
de la société telles qu’on peut les appréhender.
UNE DEFINITION PERFECTIBLE DES OBJECTIFS ET DES PRIORITES
49
C’est ainsi qu’en matière de transports
19
, «
la valeur tutélaire de
référence à prendre en compte par la puissance publique
pour les projets
routiers devra donc être égale à un million d’euros, soit les deux tiers de la
valeur de référence du coût d’évitement de la perte d’une vie humaine. Pour
les transports collectifs (et certains longs tunnels routiers), elle sera de
1,5 million d’euros. Enfin, là où pour des raisons d’image un degré supérieur
de sécurité est estimé nécessaire, il conviendrait que les entreprises
gestionnaires d’infrastructures et les transporteurs, pour optimiser et
rationaliser la programmation de leurs actions destinées à améliorer la
sécurité, calculent la valeur implicite de la vie humaine afférente à chacune
de ces actions, ne serait-ce que pour s’assurer que les valeurs ainsi obtenues
sont bien du même ordre de grandeur.
»
Les tests génomiques viraux pratiqués sur les dons du sang
constituent une illustration de l’importance des moyens qui peuvent être
consacrés à certaines mesures de prévention.
L’hépatite C est causée par un virus (VHC) et est transmise
essentiellement par voie veineuse (toxicomanie, transfusion). Il s’agit
d’une pathologie sévère dont le risque de mortalité est de 5 % dans un
délai de 30 ans, voire 40 ans, suite à une hépatite chronique, une cirrhose
ou un cancer du foie. La sélection des donneurs par un questionnaire et un
entretien pré-don permet d’écarter la plupart des personnes porteuses
d’agents infectieux potentiellement transmissibles. A compter de mars
1990, un test d’identification des anti-corps anti-Hépatite C a permis de
réduire le risque de contamination par transfusion par le VHC de 5 % à
1/375 000. Toutefois entre le moment où le donneur de sang est
contaminé par le virus et celui où on peut détecter cette contamination, il
existe une période de silence sérologique
20
. Un test dit de « dépistage
génomique viral » permet de raccourcir cette fenêtre et de ramener le
risque de contamination par le VHC lors d’une transfusion à 1/12
500 000.
La mise en oeuvre depuis juillet 2001 de ces tests, qui
représente une hausse de 5 % du prix unitaire des produits sanguins a
permis de prévenir, sur la période de plus de six ans observée, la survenue
de 6 cas d’infection à VIH et de 8 cas d’hépatite C
21
, soit un coût de plus
de 220 M€, pour statistiquement moins de deux vies sauvées.
19 CGP, « Transports : choix des investissements et coûts des nuisances », Rapport du
groupe de travail présidé par M. Boîteux, rapporteur général, L. Baumstark, La
Documentation Française, Paris, 2001.
20 Délai pendant lequel les tests conventionnels qui permettent de détecter que
l’organisme a été en contact avec le virus restent négatifs.
21 Source ministère de la santé et INVS
50
COUR DES COMPTES
De tels choix demeurent bien entendu fondamentalement de nature
éthique, mais la question de l’utilisation optimale de ressources publiques
par nature limitées pour éviter des pertes de chances pour la population
est de nature à les éclairer. L’exemple du Royaume-Uni est illustratif à
cet égard.
La démarche développée au Royaume-Uni, par le National
institute for clinical excellence (NICE)
22
cherche à mesurer l’efficacité
d’une stratégie préventive en
prenant en compte
la durée de la vie et la
qualité de la vie des personnes auxquelles elles s’appliquent. La
comparaison entre les stratégies possibles se fait sur le critère du gain de
durée de vie pondérée par la qualité de vie mesuré en QALYs (Quality
adjusted Life years). Cet indicateur
synthétique unidimensionnel, comme
les DALYs, est utilisé, essentiellement pour effectuer la comparaison «
coût–utilité » des programmes de santé, en analysant
d’une part le coût
de la mise en oeuvre du programme étudié, et d’autre part le coût lié à
l’absence de programme. Entre deux stratégies on compare les ratios
coût–utilité exprimés en €/QALY gagnés. Au coût total accepté par la
collectivité est associé un seuil d’acceptabilité du ratio coût-utilité. Une
stratégie qui serait plus efficace et plus onéreuse serait acceptée en deçà
de ce seuil et rejetée au-delà.
L’Australie, le Canada et les Pays-Bas exigent également des
industriels ce type d’études en vue des négociations sur les prix des
traitements. Si peu d’agences publient les valeurs seuils des actions
jugées coût-bénéfiques, le NICE paraît faire de la valeur de 30 000 à
45 000 £ (soit environ 34 000 à 51 000 €) par QALY son seuil d’une
action jugée raisonnable. L’application de cette démarche n’est au
demeurant pas absolument mécanique, d’autres critères peuvent rentrer en
ligne de compte et des seuils exceptionnels peuvent être envisagés.
Si cette approche fait débat, elle explicite et affiche de manière
transparente les critères de jugement pris en compte et la façon dont ils
sont utilisés et repose sur un principe d’équité dans la mesure où l’année
de vie en bonne santé gagnée a le même poids quel qu’en soit le
bénéficiaire et le « droit de tirage » sur les ressources publiques pour
obtenir ce résultat est le même pour tous.
La comparaison par grandes pathologies des DALYs et des
dépenses de soins montre les écarts qui peuvent exister entre la part des
années de vie perdues en bonne santé représentées par une catégorie de
pathologie et la part des coûts de soins qu’elle nécessite. Ainsi les
22 Cet institut du National Health Service (NHS) est chargé de l’évaluation des
technologies et stratégies médicales.
UNE DEFINITION PERFECTIBLE DES OBJECTIFS ET DES PRIORITES
51
maladies musculo-squelettiques représentent 4 % des années de vie en
bonne santé perdues et 9 % du montant des coûts des soins. Les
problèmes bucco-dentaires
constituent
0,65 % des années de vie en
bonne santé perdues et 7,6 % du montant des coûts des soins.
Tableau n° 7 : Comparaison du nombre d’années de vie
perdues corrigé de la qualité de la vie et des coûts de
santé par grande catégorie diagnostique
tri sur dalys
Coûts de santé
Grandes catégories diagnostiques
Décès
(000)(1)
DALYs
(000)(1)
% DALYs
% coûts(2)
en M€ (3)
Maladies neuro-psychiatriques
46,0
2 085
28,04 %
14,30 %
15 387
cancers
165,2
1 355
18,22 %
7,50 %
8 070
Maladies cardiovasculaires
171,7
858
11,54 %
12,60 %
13 558
Maladies des organes des sens
0,0
544
7,31 %
6,50 %
6 994
Blessures non intentionnelles
27,9
481
6,47 %
6,90 %
7 424
Maladies respiratoires
20,6
327
4,40 %
7,70 %
8 285
Diabète et maladies endocrines
20,7
325
4,38 %
4,20 %
4 519
Maladies de l’app. Digestif
26,3
323
4,34 %
5,20 %
5 595
Maladies de l’app. musculo-
squelettique
4,1
314
4 %
9 %
9 684
Maladies infectieuses
26,2
194
2,61 %
2,10 %
2 260
Maternité et périnatalité
1,7
116
1,56 %
3,00 %
3 228
Anomalies congénitales
1,8
88
1,19 %
0,50 %
538
Maladies de l’app. Génito-urinaire
9,1
55
0,74 %
5,60 %
6 026
Affections bucco-dentaires
0,0
48
0,65 %
7,60 %
8 178
Affections dermatologiques
2,2
14
0,19 %
1,70 %
1 829
Sources : Synthèse de la Cour à partir des données 2004 de l’OMS pour les décès et les
DALYs(1), des données de l’IRDES sur comptes 2002
pour les coûts en pourcentage (2)et
Comptes nationaux de santé 2002 pour les dépenses (3).
Note de lecture : les maladies neuropsychiatriques sont responsables de la perte de plus de 2
millions d’années de vie en bonne santé et de 46 000 décès.
En France cette approche en €/QALY gagné n’est pas utilisée en
routine pour évaluer une action de santé à mettre en place ou l’efficience
d’un nouveau traitement. Elle devrait pourtant constituer
un outil
complémentaire pour définir des priorités.
La mise en oeuvre d’une telle démarche contribuerait à une
estimation plus rigoureuse ex ante et ex post du coût des plans de santé
publique qui s’avère en tout état de cause indispensable.
52
COUR DES COMPTES
L’estimation du coût des plans de santé publique
L’estimation des ressources nécessaires est un préalable indispensable
à la sélection des stratégies à mettre en oeuvre dans le cadre d’un plan de
santé publique. Ce principe affirmé dans le rapport annexé à la loi du
9 août 2004 figurait déjà dans un guide méthodologique relatif à l’élaboration
des programmes de prévention publié en mai 2004 par
l’ANAES
(aujourd'hui HAS).
Pourtant, certains plans de santé publique n’individualisent aucun
financement tel le programme de lutte contre la tuberculose, le programme de
communication impulsé par l’Etat en direction du grand public et de publics
ciblés visant à promouvoir la contraception ou le programme d’action en
faveur de la broncho-pneumopathie chronique obstructive financé par l’Etat.
L’estimation financière ex ante du deuxième plan cancer (2009-2013)
s’est révélée pour sa part très inférieure à la réalité. La DGS a estimé le coût
total du plan sur toute sa durée à 1 945 M€, dont 648 M€ consacrés aux
dépistages. La dépense consacrée aux dépistages des cancers du sein, du
colon et du col de l’utérus serait comprise entre 110M€ et 140 M€ par an.
Or à partir des coûts estimés de ces trois dépistages par l’INCa et par
l’INVS, la Cour évalue la dépense à un coût total de plus de 500 M€ pour la
collectivité sur la seule année 2009.
En effet, dans un rapport de 2007 relatif à l’analyse économique des
coûts du cancer en France, l’INCa avait évalué le coût estimé du dépistage du
cancer du sein à 194,2 M€ (dont 142 M€ sont comptabilisés parmi les actes
médicaux). Le coût du dépistage du cancer colorectal, était estimé dans la
même étude à 53,7 M€ pour 660 000 tests, sachant que 2,7 millions de ces
tests ont été réalisés en 2009. En outre, une étude de l’INVS
23
relevait qu’en
2004, le coût direct annuel du dépistage du cancer du col de l’utérus, pouvait
être estimé à plus de 300 M€ pour 6 millions de tests, dont 170 M€
pris en
charge par l’assurance maladie.
B - Les problématiques d’efficience des actions de
dépistage organisé
L’Agence nationale d’accréditation des établissements de santé-
devenue depuis Haute Autorité de santé (HAS)- a défini en 2004 des
règles rigoureuses d’élaboration des programmes de dépistage. Ces règles
ne sont toujours pas mises en application.
23 Coût de la prise en charge des frottis anormaux et des néoplasies intraépithéliales
du col de l'utérus en France, Christine Bergeron, Catherine Cohet, Stéphane Bouée,
Caroline Lorans, Vanessa Rémy
in BEH du 9 janvier 2007
UNE DEFINITION PERFECTIBLE DES OBJECTIFS ET DES PRIORITES
53
1 -
La justification scientifique ex ante des programmes de
dépistage
Dans son guide, la HAS recommandait de procéder à l’évaluation
de l’efficacité et de la sécurité du programme de dépistage :
« L’efficacité
du programme de dépistage sur la réduction de la mortalité ou la
morbidité doit être prouvée par des essais contrôlés randomisés de haute
qualité, ou faire l’objet d’un consensus international.
L’organisation du
dépistage doit s’appuyer sur un plan de gestion et de contrôle du
programme de dépistage et un ensemble de standards d'assurance qualité
reconnus par la communauté médicale. »
Les deux exemples suivants, relatifs aux dépistages du cancer du
sein chez les femmes de 50 à 69 ans
et du cancer colorectal, montrent
que malgré l’existence de preuves scientifiques d’efficacité de ces
dépistages en conditions expérimentales, les limites tenant aux conditions
réelles de leur mise en oeuvre tendent à restreindre leur impact potentiel
sur la mortalité par cancer.
Le dépistage du cancer du sein entre 50 et 69 ans
Principale cause de mortalité par cancer chez les femmes, le cancer
du sein tue encore
près de 12 000 personnes par an. Depuis 2004, un
dépistage organisé du cancer du sein a été généralisé à l’ensemble du
territoire pour toutes les femmes de 50 à 74 ans.
Il ressort du premier rapport d’évaluation du programme national
de dépistage systématique du cancer du sein réalisé en 1997 par l’ANAES
que l'intérêt d'un
dépistage organisé
du cancer du sein chez les femmes
de
50-69
ans
est
scientifiquement
établi,
dans
des
conditions
expérimentales ou quasi-expérimentales, très protocolisées et très
homogènes. Celles-ci
sont difficilement reproductibles lors de la
généralisation des campagnes.
L’efficacité d’un tel programme dépend d’abord tout à la fois de la
qualité des clichés et de celle de leur lecture. Il est aussi fonction de la
qualité de la prise en charge ultérieure de la
patiente. Il ne suffit pas de
pratiquer une mammographie et de faire un diagnostic exact, encore faut-
il que toutes les femmes qui présentent un test positif bénéficient
d'examens complémentaires, que le cas échéant le traitement nécessaire
soit mis en oeuvre dans des délais appropriés.
Deux paramètres sont également de nature à limiter l’efficacité
constatée du dépistage organisé : ses conditions d’organisation ainsi que
le niveau de participation des personnes intéressées.
54
COUR DES COMPTES
Sur le premier point, les données issues de l’évaluation
épidémiologique du dépistage du cancer du sein réalisée en 2009 par
l’INVS à partir des données 2005 montrent des écarts de résultats très
substantiels d’un département à l’autre pour ce qui concerne
les taux de
détection en première et en deuxième lecture et la part de biopsies
réalisées ou de cancers détectés. Ces écarts montrent un éloignement des
conditions expérimentales qui devraient conduire à s’interroger sur
l’efficacité de l’organisation retenue et sur l’application de la chaine
qualité imposée dans le cahier des charges
24
.
Sur le second point, le taux de participation des femmes invitées
doit être selon l’OMS d'au moins 70 % pour obtenir une baisse
significative de la mortalité. Avec un taux de l’ordre de 50 % en 2007, la
France ne peut grâce au dépistage organisé enregistrer de baisse visible de
la mortalité.
L’incidence du cancer du sein croît régulièrement depuis 1980, de
2,4 % en moyenne par an. À l’inverse, le taux de mortalité diminue
depuis les années 1998-2000, de -1,3 % en moyenne chaque année. Mais
ne peuvent être évaluées dans cette évolution la part revenant à
l’amélioration de la prise en charge thérapeutique et celle liée à la seule
pratique du dépistage organisé, celle-ci venant s’ajouter au dépistage
individuel.
Le dépistage du cancer colorectal.
Le cancer colorectal a été responsable en 2007 de près de 17 000
décès. Le programme de dépistage organisé du cancer colorectal a été
généralisé à l’ensemble du territoire en 2009. La population cible
représente 16 millions de personnes. Le programme propose un test de
détection de sang occulte dans les selles (Hémoccult®) tous les deux ans
aux personnes âgées de 50 à 74 ans à risque moyen pour ce cancer.
La revue Prescrire dans sa publication de décembre 2007 précise
que la balance bénéfices-risques du dépistage colorectal repose sur 5
essais comparatifs internationaux avec suivi sur 10 à 18 ans chez plus de
400 000 personnes de plus de 45 ans. Une réduction de la mortalité par
cancer colorectal a été observée dans chaque essai.
Toutefois, le fait qu’il soit pratiqué en France 860 000 coloscopies
hors dépistage du cancer du colon par un test dont la spécificité
a fait
24 Cahier des charges relatif à l’organisation du dépistage des cancers, aux structures
de gestion, aux radiologues, annexes à la convention-type entre les organismes
d’assurance maladie et les professionnels de santé. Bulletin officiel 2001-43 - et sa
mise à jour en décembre 2006.
UNE DEFINITION PERFECTIBLE DES OBJECTIFS ET DES PRIORITES
55
l’objet de critiques devrait conduire à s’interroger sur le ciblage des
invitations à ce dépistage et à évaluer son ratio-coût-efficacité.
De manière générale, même lorsqu’un programme de dépistage a
fait a priori la preuve de son efficacité sur la réduction de la mortalité ou
de la morbidité, il convient qu’il fasse l’objet d’une évaluation continue
pour confirmer son intérêt dans la population ciblée et valider les
conditions de son organisation.
2 -
Une insuffisante prise en compte des effets négatifs dans le
dépistage individuel
Un dépistage organisé ou un programme de vaccination obligatoire
ayant fait la preuve de son apport pour la santé de la population peut être
responsable, directement ou indirectement, du fait des examens
complémentaires que son résultat entraîne, d’effets préjudiciables à
certains individus. C’est pourquoi la HAS, en 2004, a énoncé des
principes méthodologiques imposant de s’assurer que :
« les avantages du programme de dépistage dépassent les
inconvénients causés par le test, les procédures diagnostiques
et les interventions ;
un accord existe dans la communauté scientifique sur les
investigations diagnostiques à poursuivre chez les personnes
dont le test est positif et sur les choix disponibles pour ces
individus ;
le consentement du patient est obtenu après information sur
les avantages et inconvénients du dépistage.»
Mais les dépistages ont dans le public et chez les professionnels de
santé une image si positive qu’en dépit des effets indésirables qu’ils
peuvent
entraîner et qui font renoncer à les systématiser, ils restent très
souvent
proposés
à
titre
individuel
sans
que
leurs
éventuelles
conséquences négatives soient toujours clairement présentées aux
patients.
Les deux exemples ci-après, relatifs aux dépistages spontanés du
cancer du sein chez la femme de moins de 50 ans et du cancer de la
prostate, peuvent illustrer cette pratique du dépistage quasi généralisé
malgré l’absence de consensus sur l’intérêt de tels examens.
56
COUR DES COMPTES
Le dépistage du cancer du sein entre 40 et 49 ans
Le bénéfice du dépistage systématique du cancer du sein chez les
femmes âgées de 40 à 49 ans n’est pas prouvé par des études de bonne
qualité méthodologique
25
.
Certains cancers très peu évolutifs
26
, détectés par mammographie
chez les femmes de moins de 50 ans ne seraient jamais devenus un
cancer-maladie du vivant de la patiente. On traite pourtant ces femmes,
une fois diagnostiquées, sans qu’elles n’en tirent bénéfice. Selon certaines
études
27
, le quart des cancers du sein ainsi dépistés ont abouti à des
traitements inutiles et en outre coûteux pour la collectivité.
Selon les essais comparatifs, le dépistage de cancers non évolutifs
par mammographie a entrainé une augmentation de presque 20 % des
ablations totales du sein alors que l’objectif était précisément de limiter
ces opérations mutilantes grâce à un diagnostic précoce. Par ailleurs, il
n’y a pas d’études démontrant chez les femmes de moins de 50 ans une
diminution de la mortalité par cancer du sein.
C'est pourquoi la HAS face à ce constat recommande de ne pas
étendre le programme de dépistage aux femmes âgées de 40 à 49 ans.
Le dépistage du cancer de la prostate
Au niveau international, aucune des
agences d’évaluation en santé
qui se sont prononcées sur ce thème ne recommande à l’heure actuelle un
dépistage de masse du cancer de la prostate, au contraire de certaines
organisations professionnelles d’urologie, notamment françaises, qui
recommandent que les hommes en bonne santé âgés de 50 à 75 ans, ainsi
que les personnes de plus de 45 ans avec un risque familial, aient, chaque
année, un dosage du PSA et un toucher rectal.
La HAS a réitéré son avis négatif
28
sur l’intérêt d’un dépistage
organisé en juin 2010, suite notamment à l’analyse de deux études
récentes (américaines et européennes, dites PLCO et ERSPC) publiées en
mars 2009 qui confirment le risque sur le diagnostic et n’apportent pas la
preuve d’une diminution de la mortalité. Elle relève l’existence
d’éléments
concordants
tendant
à
démontrer
l’importance
des
25 Rapport « Opportunité d’étendre le programme national de dépistage du cancer du
sein aux femmes âgées de 40 à 49 an s »- ANAES- mars 2004.
26 Cancers in situ ou cancers non infiltrants
27
Le recensement des études disponibles est présenté
in
Rev Prescrire 2007 ;
207(288) :758-762.
28 Rapport : Dépistage du cancer de la prostate- Analyse critique des articles issus des
études ERSPC et PLCO publiés en mars 2009-
HAS- avril 2010.
UNE DEFINITION PERFECTIBLE DES OBJECTIFS ET DES PRIORITES
57
inconvénients du dépistage et insiste sur la nécessité de mieux apprécier
les effets délétères des pratiques actuelles de prescription des dosages de
PSA. Elle insiste sur l’importance de l’information à apporter aux
hommes envisageant la réalisation d’un dépistage individuel du cancer de
la prostate. Dans ce cas en effet, les seules études identifiées qui
pourraient être indicatives ne permettent pas de conclure à une différence
significative en faveur du dépistage pour ce qui est de la mortalité
29
. En
effet, la valeur prédictive du test des PSA est modeste et la biopsie
prostatique qui permet d’affirmer le diagnostic du cancer de la prostate
est un examen potentiellement responsable de complications invalidantes
pour les patients.
En mai 2009, la revue Prescrire présentait une synthèse de 4 essais
comparatifs évaluant la balance bénéfices-risques à long terme du
dépistage des cancers de la prostate par le dosage du taux de PSA, associé
ou non au toucher rectal. Environ 70 % des diagnostics détectent des
cancers qui n'auraient pas eu de conséquence clinique au cours de la vie
des patients. Ces patients sont alors inutilement exposés aux effets
indésirables des traitements (chirurgie ou radiothérapie) sachant que les
cancers de la prostate localisés, le plus fréquemment trouvés lors d’un
diagnostic précoce ont un taux de survie
supérieur à 90 % à 5 ans,
supérieur à 80 % à 10 ans, de l’ordre de 80 % à 15 ans, en l’absence de
traitement.
Ainsi, en France, le nombre de cancers de la prostate opérés par
voie chirurgicale a plus que quadruplé en neuf ans, passant de 6 881
prostatectomies en 1998 à 27 733 en 2007 sans que la mortalité de ce
cancer ait évolué significativement depuis 20 ans.
Si dans ces deux exemples, la décision publique a su tenir compte
d’une balance-bénéfice défavorable et s’abstenir de généraliser des
dépistages aux effets négatifs trop importants, il semble toutefois que
toutes les conclusions n’aient pas été tirées des avis de la HAS.
En effet, le baromètre cancer 2005 de l’INPES constate un taux de
dépistage spontané du cancer du sein de 53 % chez les femmes de 40 à 49
ans, et un taux de dépistage du cancer de la prostate de 52 % chez les
hommes de plus de 55 ans, qui devraient soulever plus largement la
question de l’intérêt de ces examens au plan individuel et collectif. Par
ailleurs
le coût des examens complémentaires et des traitements inutiles
générés par ces dépistages ne fait l’objet d’aucun chiffrage.
29 Éléments d’information des hommes envisageant la réalisation d’un dépistage
individuel du cancer de la prostate- ANAES 2004.
58
COUR DES COMPTES
3 -
L’absence d’évaluation médico-économique
a priori des
programmes de dépistages
Le guide de la HAS indiquait que
« Le dépistage organisé se
justifie lorsqu’il offre un rapport coût-efficacité avantageux relativement
à une situation de référence (absence de dépistage ou dépistage
individuel) et au regard de ce que le financeur est disposé à payer pour
privilégier cette intervention de santé. »
Différents types d’études médico-économiques peuvent être
réalisées :
les études coût-efficacité permettent d’étudier à la fois les
coûts et les résultats exprimés par un indicateur clinique ou un
indicateur objectif d’état de santé (nombre de cas dépistés,
complications évitées, années de vie gagnées, etc.) ;
les études coût-utilité consistent à mesurer les résultats de
santé, en introduisant la notion de qualité de vie. Elles
s’expriment en € par DALY. Elles fournissent un critère de
jugement unique pour comparer des actions de santé entre
elles ;
les études coût-bénéfice doivent permettre de déterminer si
une
nouvelle
stratégie
de
santé
dégage
un
bénéfice
économique net pour la société.
La DGS se dit pleinement favorable au développement de ce type
d’évaluation mais elle se heurte selon elle à la question des ressources et à
celle d’une culture insuffisante des professionnels de santé et de
l’administration dans ce domaine.
De fait, les décisions de généraliser les dépistages du cancer du
sein, du colon, du col de l’utérus ou de la prostate ont été prises en
l’absence de considérations d’ordre médico-économique. Une telle
démarche n’a été mise en oeuvre que dans le cas du dépistage du VIH,
avec des limites
cependant notables.
Dans le cadre des missions qui lui ont été confiées par la loi de
financement pour la sécurité sociale de 2008, la HAS a en effet
notamment introduit le raisonnement médico-économique comparatif, en
€/QALY à l’appui de ses recommandations dans son rapport relatif au
dépistage de l’infection par le VIH produit en octobre 2009.
La HAS considère qu’en France, près de 40 000 personnes seraient
infectées par le VIH sans avoir connaissance de leur séropositivité.
Pourtant,
grâce
aux
multi-thérapies,
les
personnes
séropositives
UNE DEFINITION PERFECTIBLE DES OBJECTIFS ET DES PRIORITES
59
rapidement dépistées pourraient bénéficier d’un traitement précoce dont
l’efficacité sur la réduction de la morbidité et de la mortalité a été
démontrée et limiter la propagation de l’épidémie en adoptant des gestes
préventifs à l’égard de leurs partenaires ; à défaut, les traitements
viendraient réduire le risque de transmission du VIH à ces derniers.
Dans ce contexte la HAS a recommandé à l’automne 2009 de
changer de logique de dépistage et de développer une stratégie en deux
volets :
la proposition systématique d’un test de dépistage à la
population générale
de 15 à 70 ans n’ayant pas connaissance
de son statut sérologique, hors notion d’exposition à un risque
de contamination par le VIH, soit une cible de près de
40 millions de personnes ;
en parallèle le maintien et le renforcement d’un dépistage ciblé
et régulier pour les populations à risque (personnes ayant eu
plus d’un partenaire au cours des 12 derniers mois, usagers de
drogues injectables, personnes originaires d’une zone de haute
prévalence).
Pour justifier ce changement de stratégie, la HAS s’est appuyée
notamment sur des arguments d’ordre médico-économique, considérant
que le dépistage généralisé peut se justifier lorsqu’il offre un rapport coût-
efficacité
acceptable au regard de ce que le financeur est disposé à payer
pour cette intervention en santé.
L’impact budgétaire de la recommandation visant la généralisation
du dépistage à 40 millions de personnes, notamment sur le budget de
l’assurance maladie, n’a cependant pas été présenté par la HAS.
L’évaluation du ratio coût/efficacité qui figure dans le rapport
« a
comparé les coûts totaux générés (coût direct total) à leur efficacité
médicale »
30
. La HAS qui disposait donc de cette information n’a pas
souhaité évoquer le montant de la dépense totale associé au changement
de stratégie proposé.
Si l’approche d’un ratio coût-efficacité est un critère important à
prendre en compte, il n’est pas suffisant puisqu’il n’existe pas en France
de seuil validé pour juger si une stratégie est « coût-efficace » ou non. Les
normes proposées par l’OMS conduisent à considérer une action ayant un
ratio coût par DALY gagné inférieur à 81 900 € comme « coût-
30 Page 151 du rapport.
60
COUR DES COMPTES
efficace »
31
. Ce chiffre a permis à la HAS de conclure que la stratégie qui
consiste à tester une fois l’ensemble de la population peut être considérée
comme efficiente. A ce stade de ses travaux, la HAS n’a pas pu confirmer
le fait que tester la population générale, même avec un taux de
participation élevé pouvait
régler une fois pour toutes la question des
dépistages retardés. Elle a recommandé en conséquence de procéder à une
évaluation à 5 ans de ce dépistage généralisé afin d’appréhender
quantitativement son élargissement et ses conséquences sur la diminution
du retard dans le dépistage. Si l’évaluation à 5 ans conduisait à renouveler
le dépistage généralisé de la population générale, le coût par DALY serait
doublé et s’élèverait à 165 300 € fragilisant les données médico-
économiques qui ont contribué
à la réflexion de la HAS.
Ces chiffres ont été comparés aux ratios coût-efficacité d’autres
stratégies de dépistage recommandées en France. Le coût par QALY d’un
dépistage généralisé de l’infection par le VIH est ainsi 32 fois supérieur à
celui du dépistage du cancer du col de l’utérus, 24 fois supérieur à celui
du dépistage cancer colorectal, 4 fois plus important que celui du
dépistage du cancer du sein.
En outre, beaucoup de questions méthodologiques restent posées.
La HAS précise en effet que la mise en oeuvre opérationnelle de ce
dépistage repose sur
les médecins généralistes qui devront proposer le
test à l’ensemble de la population. Mais le rapport est peu étayé sur les
conditions de l’adhésion collective des médecins traitants.
L’argumentaire sur l’acceptabilité par la population ne repose que
sur une seule étude américaine qualitative sur 42 patients qui n’avait pas
cet objet. L’adhésion des généralistes a, quant à elle, été évaluée sur la
base des données du baromètre santé médecins/pharmaciens datant de
2003. La mise à jour de ces données en 2009 montre que si la quasi
totalité des médecins prescrit régulièrement des tests VIH, la pratique
privilégie la demande de la personne et la notion d’exposition au risque et
ne correspond pas à l’exercice envisagé. De plus, la question de savoir
comment concrètement les médecins pourraient prendre en charge cette
31 La « Commission on Macroeconomics and Health » mandatée par l’Organisation
Mondiale de la Santé, considère qu’une stratégie est coût-efficace si le ratio coût-
efficacité de cette stratégie est inférieur à trois fois le PIB/habitant du pays où la
stratégie doit être appliquée (205). Le PIB par habitant en France est de €27 300 en
2005, année sur laquelle cette analyse est fondée. Si l’on applique le seuil de l’OMS
pour juger du caractère coût-efficace de la stratégie tester une fois l’ensemble de la
population, il s’avère que le ratio coût-efficacité retrouvé est légèrement inférieur à
trois fois le PIB par habitant de la France (= 27 300 * 3 = €81 900).
UNE DEFINITION PERFECTIBLE DES OBJECTIFS ET DES PRIORITES
61
mission n’est pas évoquée car elle n’est pas de la compétence de la HAS.
Elle peut pourtant s’avérer centrale dans le succès d’une telle opération.
Par ailleurs, dans le rapport de la HAS, les données probantes sur
les bénéfices cliniques du dépistage en routine restent limitées. Seules
trois études ont été recensées évaluant les effets de ce dépistage sur la
proportion de patients infectés par le VIH identifiés à un stade précoce de
l’infection.
De même, rares sont les études ayant estimé la proportion de
patients nouvellement diagnostiqués dans des environnements à bas
risque, accédant à une prise en charge adaptée. Dans tous les cas il
s’agissait d’études de niveau de preuve faible à moyen.
Dans des conditions de telle incertitude, il peut apparaître étonnant
que contrairement à ce qui a été mis en oeuvre dans le cadre de tous les
autres dépistages, il n’ait pas été
proposé ni décidé de procéder à une
expérimentation permettant de valider quelques unes des hypothèses
retenues.
C - La question du « retour sur investissement » de la
prévention
Il
est
commun
de
considérer
la
prévention
comme
un
investissement qui permettrait à terme de générer des économies sur les
dépenses de santé. Les études disponibles ne confirment pas cette
approche intuitive.
Si la prévention améliore l’état de santé et contribue à préserver
des vies, la plupart des économistes de la santé considèrent que son
développement
n’entraîne
pas
automatiquement
des
économies
mesurables dans les moyens consacrés à la santé. Cette analyse renforce
l’intérêt que les considérations d’ordre médico-économiques soient prises
en compte dans les décisions publiques.
Une étude dont les résultats sont parus en 2008 dans le
New
England Journal of Medicine
, a ainsi passé en revue les 1500 ratios
coût/efficacité de 599 actions présentées dans des articles entre 2000 et
2005. Dans cette publication, le ratio coût/efficacité a été défini comme le
coût d’une intervention divisé par les bénéfices sanitaires, mesurés en
années de vie gagnées ajustées par la qualité de vie (DALYs). Sur 279
stratégies considérées comme préventives, seules 20 % d’entre elles
permettent de faire des économies, tandis que les autres amènent à
dépenser davantage. Si de nombreuses actions de prévention prodiguent
un bénéfice jugé suffisant par rapport aux coûts engagés, peu d’entre elles
apportent réellement un retour sur investissement.
62
COUR DES COMPTES
L’exemple de la vaccination
De
nombreuses
études
montrent
l’intérêt
économique
de
la
vaccination. Au-delà du bénéfice pour les personnes vaccinées, ce sont les
effets externes qui justifient l’acte vaccinal ; l’impact sur les coûts de santé
ne se fait sentir qu’à partir du moment où un nombre suffisant de personnes
est vacciné pour limiter la propagation d’une épidémie. L’analyse coût-
avantage du vaccin ROR (Rougeole-oreillons-rubéole) montre ainsi qu’une
politique de vaccination induit une augmentation des dépenses durant les six
premières années, qu’elle atteint le point d’équilibre budgétaire au bout de 17
ans et enregistre des gains substantiels à compter de la 25
ème
année.
Il est également démontré que la vaccination grippale réduit
significativement les coûts de prise en charge médicale, en diminuant de
34 % les dépenses de consultations, de 25 % la prescription antibiotique,
enfin de 45 % les journées de travail perdues.
En revanche dès lors qu’il s’agit d’une pathologie non contagieuse
comme le tétanos, l’absence d’externalité rend l’intérêt de la vaccination de
masse, examiné du seul point de vue
économique,
plus limité.
IV
-
Le périmètre restrictif de la politique de
prévention
L’approche retenue pour la gestion de la politique de prévention
conduit à délaisser l’ensemble du champ de la prévention spontanée qui
représente de l’ordre de la moitié de la dépense collective affectée à la
prévention.
La prévention spontanée recouvre les comportements individuels,
les demandes spontanées de soins ainsi que les initiatives des
professionnels de santé à l’égard des personnes malades ou des usagers
du système de santé considérés individuellement, et qui les sollicitent.
Ces actions préventives sont réalisées à l’intérieur du système de
soins et ne sont pas subventionnées par des fonds spécifiques de
prévention de la part de l’Etat ou de l’assurance maladie. Elles sont donc
financées
intégralement
par
l’assurance
maladie
au
titre
du
remboursement des soins. Comme cela a été dit précédemment, l’IRDES
a évalué à 5 700 M€ le montant des dépenses de prévention prises en
charge au titre du soin, soit à 54 % du total des dépenses de prévention.
La caractéristique principale de la prévention spontanée est de ne
pas être encadrée par la politique publique de prévention. Des
UNE DEFINITION PERFECTIBLE DES OBJECTIFS ET DES PRIORITES
63
recommandations de bonnes pratiques ne sont pas forcément formulées et
quand elles le sont, elles ne font l’objet d’aucun contrôle quant à leur
application. Il n’existe pas d’organisation ex post d’une évaluation des
écarts aux bonnes pratiques de prise en charge.
Décidé dans le cadre du colloque singulier entre le médecin et son
patient, l’acte de prévention spontané n’est soumis qu’à une obligation de
moyens. La prévention étant perçue comme une démarche exclusivement
positive, certains dépistages sont proposés de façon trop fréquente, ce qui
ne correspond pas aux recommandations professionnelles.
A - Les dépistages individuels
Comme la Cour l’a déjà souligné dans plusieurs de ses rapports, la
France est le seul pays où coexiste dépistage spontané et dépistage
organisé du cancer du sein. Le dépistage individuel du cancer du sein,
chez la femme de moins de 50 ans hors antécédents familiaux comme
chez celle qui entre dans la tranche d’âge du dépistage organisé, est une
pratique qui représente un coût rarement justifié pour l’assurance maladie
et qui complique inutilement l’évaluation de l’efficacité du dépistage
organisé.
Dans ses recommandations pour la pratique clinique à l’usage des
professionnels de santé relatives au dépistage individuel du cancer de la
prostate
32
, la HAS précise que si le PSA est normal, chez un homme âgé
de 75 ans ou plus, il ne sera pas nécessaire de refaire un autre examen de
ce type à l’avenir. Il est donc pour le moins étonnant que chaque année,
soit réalisé près d’un million de dosages de PSA chez les hommes de plus
de 75 ans et que le baromètre cancer de l’INPES constate que cette
intervention se fait sur le conseil du médecin et non à la demande du
patient dans 78 % des cas.
L’insuffisance de diffusion des bonnes pratiques en matière de
prévention spontanée est parfois compensée par l’information dispensée
aux médecins par les laboratoires pharmaceutiques. En témoigne,
l’exemple du traitement de l’hypertension artérielle.
B - Le coût du traitement de l’hypertension artérielle
L'hypertension artérielle (HTA) n'est pas une maladie, puisqu’à
elle seule, elle ne provoque pas de symptômes, mais elle est un facteur de
32 Recommandations pour la pratique clinique : Éléments d’information des hommes
envisageant la
réalisation d’un dépistage individuel du cancer de la prostate -
Document à l’usage des professionnels de santé. Septembre 2004 (ANAES)
64
COUR DES COMPTES
risque de pathologies cardio-vasculaires qui peuvent s’avérer graves.
Lorsqu’elle est modérée, l’HTA entraîne un risque d’infarctus du
myocarde ou d’accident vasculaire cérébral de l’ordre de 15 à 20 %. Ce
risque peut être porté à plus de 30 % en cas d’hypertension importante ou
de facteurs de risques cardiovasculaires multiples (tabac, diabète,
sédentarité)
33
.
Pour diminuer le risque de voir se déclencher ces incidents cardio-
vasculaires, la pression artérielle doit être abaissée grâce à des traitements
appropriés. La totalité des patients est traitée, le plus souvent à vie et
20 % d’entre eux environ en tireront un bénéfice. Ce sont donc les essais
portant sur ces critères cliniques de réduction prouvée du risque
cardiovasculaire qui doivent guider les choix thérapeutiques.
Dans les faits, en dehors de l’étude IRDES précitée, les coûts liés à
la prise en charge de l’hypertension artérielle, en prévention des accidents
cardio-vasculaires sont regroupés dans les dépenses de soins, et non dans
les coûts de la prévention.
L’hypertension
artérielle
représente
un
enjeu
économique
important pour l’industrie pharmaceutique. Six médicaments anti-
hypertenseurs figurent parmi les 50 produits les plus vendus en officine.
Entre 1997 et 2007 l’ensemble de la dépense consacrée aux médicaments
anti-hypertenseurs a augmenté en valeur de près de 60 % pour atteindre
un montant de 2,2 Md€
34
.
La prise en charge de l’hypertension artérielle non compliquée est
ainsi un exemple d’une action de prévention individuelle non organisée
qui échappe
à une évaluation qui permette d’en apprécier l’efficacité au
regard des coûts importants pour la collectivité qu’elle génère.
***
33 Maria PASQUINELLI BALICE Cardiologie IFSI 2006 d’après OMS,ISH,
Guidelines for the Management of Hypertension; Journal of Hypertension, 1999,
17:151-183.
34 En valeur de chiffre d’affaires des laboratoires.
UNE DEFINITION PERFECTIBLE DES OBJECTIFS ET DES PRIORITES
65
En dépit des innovations introduites par la loi de santé
publique de 2004, la politique de prévention sanitaire demeure
un
enchevêtrement de plans aux objectifs non hiérarchisés. S’il convient
de veiller à ne pas considérer certains malades comme moins
importants que d’autres ou à ne pas abandonner la prise en charge
de certaines pathologies, l’introduction d’une culture médico-
économique et de priorisation pourrait néanmoins être développée
dans le champ de la santé publique en portant à la connaissance des
décideurs les indicateurs DALY par pathologie ainsi qu’une
évaluation des coûts de prévention
associés.
Recommandation n° 4 : Mettre en pratique les recommandations
du guide méthodologique produit par la DGS, lors de l’élaboration des
plans de santé publique.
Recommandation
n° 5 :
Produire
systématiquement
une
estimation ex ante des coûts complets envisagés pour la collectivité (y
compris les dépenses pour l’assurance maladie, que ce soit au titre du
FNPEIS ou des dépenses de soins) lors de l’élaboration des plans de
santé publique.
Recommandation n° 6 : Associer systématiquement une étude de
nature
médico-économique
(en
par
QALY
gagné)
aux
recommandations de bonne pratique en matière de prévention.
Chapitre III
L’insuffisance de pilotage de la politique
et des acteurs de la prévention sanitaire
L’idée selon laquelle le développement de multiples réseaux
d’acteurs institutionnels et associatifs proches de la population favorise la
diffusion et l’appropriation des pratiques préventives est largement
partagée. Toutefois la pluralité d’intervenants ne justifie pas de renoncer à
l’optimisation de leur organisation. La situation actuelle se caractérise par
la dispersion des compétences et des redondances ou ambiguïtés dans leur
articulation, sans pilotage d’ensemble clairement établi.
Au niveau national interviennent à la fois plusieurs ministères, une
multitude
d’instances
nationales
de
conseil
et
d’expertise
aux
compétences parfois mal coordonnées ainsi que les organismes
d’assurance maladie (I). Au niveau territorial, l’organisation régionale est
en mutation (II) et
les conditions de l’action des associations sont parfois
complexes (III). Enfin, la prise en compte des intérêts économiques
interfère avec la politique de prévention sanitaire (IV).
I
-
Une organisation nationale dense
L’organisation nationale de la prévention souffre du cloisonnement
ministériel et
d’une insuffisante coordination des structures de conseil et
d’expertise,
les
organismes
d’assurance
maladie
obligatoire
et
complémentaire développant de leur coté des initiatives qui leur sont
propres.
68
COUR DES COMPTES
A - Le cloisonnement ministériel
Ainsi qu’il a été dit précédemment, le champ de la prévention
sanitaire comprend non seulement la prévention mise en oeuvre dans le
cadre du système de soins, mais aussi l’action sur les multiples
déterminants de l’état de santé des personnes
35
. Celle-ci relève
de
politiques publiques très différentes et distinctes de la seule politique de
santé publique. De ce fait, la politique de prévention ne peut être de la
compétence exclusive d’un département ministériel.
Au sein du ministère de la santé, la direction générale de la santé
(DGS) est responsable à titre principal des politiques de prévention
(article R.142-1 du CSP). Elle co-pilote certains plans avec la direction
générale de l’offre de soins (DGOS) et la direction générale de la
cohésion sociale (DGCS) En revanche, certains autres lui échappent, tel
le plan « Solidarité grand âge » pour 2007-2010 qui relève de la direction
générale de la cohésion sociale (DGCS). La direction de la sécurité
sociale (DSS) est un partenaire essentiel sur les questions de financement.
Le ministère de l’éducation nationale, a passé dans le cadre de sa
mission de santé scolaire, un accord cadre
en mars 2010 avec l’institut
national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES). Il vise
notamment à développer leur collaboration sur les actions de promotion
de la santé en direction des enfants et adolescents scolarisés. En revanche,
la convention signée le 17 juillet 2003 avec le ministère de la santé pour
définir les principes, les objectifs, et les axes d’un travail en commun n’a
pas été renouvelée.
Le ministère de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la
ruralité et de l’aménagement du territoire (MAAPRAT) participe au
comité de pilotage du programme national nutrition santé (PNNS) et
anime certains groupes de travail concernant la qualité des aliments. Les
actions
du
programme
206
« sécurité
et
qualité
sanitaire
de
l’alimentation » s’inscrivent dans la prévention des risques sanitaires liés
à l’alimentation. Le MAAPRAT est par ailleurs en charge du pilotage de
35 L’OMS définit les déterminants de la santé comme les « facteurs personnels,
sociaux, économiques et environnementaux qui déterminent l’état de santé des
individus ou des populations ». La littérature propose plusieurs classifications de
déterminants de santé. A titre d’exemple, l’institut canadien d’information sur la santé
distingue douze principaux déterminants: le revenu et la situation sociale, les réseaux
de soutien social, le niveau d’instruction, l’emploi et les conditions de travail, les
environnements sociaux, les environnements physiques, le patrimoine biologique et
génétique, les habitudes de vie et les capacités d’adaptation personnelles, le
développement sain dans l’enfance, les services de santé, le sexe, la culture.
L’INSUFFISANCE DE PILOTAGE DE LA POLITIQUE ET DES ACTEURS
DE LA PREVENTION SANITAIRE
69
la nouvelle politique publique de l’alimentation définie par la loi n°2010-
874 de modernisation de l’agriculture et de la pêche.
Le ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable
et de la mer
(MEEDDM) est compétent en matière de déterminants de
santé liés à l’environnement, même si le ministère en charge de la santé
se voit confier des compétences à titre principal par le code de la santé
publique, (salubrité des habitations, qualité de l’eau et de l’air, l’amiante,
le radon…) Le comité de prévention et de précaution auprès du
MEEDDM exerce ainsi une fonction de veille, d’alerte et d’expertise pour
les problèmes de santé liés aux perturbations de l’environnement.
La plupart des plans environnementaux dont les mesures cherchent
à améliorer l’état de santé de la population (qualité de l’air, habitat) sont
co-pilotés par le ministère de l’écologie et parfois aussi par le ministère
de l’agriculture (plan Ecophyto 2018 par exemple). Le plan national santé
environnement (PNSE) est un plan interministériel co-piloté par le
ministère de la santé, le ministère de l’écologie et le ministère du travail.
Au delà de ces co-pilotages à géométrie et à réalité très variables,
le comité national de santé publique (CNSP), issu de la fusion entre le
comité national de la sécurité sanitaire et le comité technique national de
prévention et créé par la loi du 9 août 2004, a pour objectif de coordonner
les actions et les financements de l’ensemble des acteurs institutionnels
concernés par la mise en oeuvre de la politique de santé publique
36
.
Installé en septembre 2006, il réunit, outre la DGS, en fonction
des sujets traités, les représentants des principaux autres directeurs
d’administration centrale du ministère de la santé (DGOS, DSS, DGCS,
DREES),
les
délégués
ou
présidents
de
certaines
instances
interministérielles (mission interministérielle de lutte contre la drogue et
la toxicomanie, délégation interministérielle à la ville, délégation
interministérielle à la sécurité routière), le directeur général de l’UNCAM
et les administrations suivantes : ministère de l’agriculture, ministère de
la justice, ministère de l’éducation nationale et de la recherche, ministère
du travail, ministère de l’écologie, ministère du budget, service de santé
des armées.
36 Il a pour mission de coordonner l’action des différents départements
interministériels de sécurité sanitaire et de prévention, d’analyser les événements
susceptibles d’affecter la santé de la population, de contribuer à l’élaboration de la
politique dans les domaines de la sécurité sanitaire et de la prévention et d’en
examiner les conditions de financement. Le secrétariat du CNSP est assuré par la
DGS.
70
COUR DES COMPTES
Les principaux thèmes abordés dans la période récente ont été le
plan cancer 2009-2013, le plan de prévention des accidents vasculaires
cérébraux, les plans régionaux de santé au travail et programmes
régionaux de santé publique, le plan de prévention des accidents de la vie
courante, le deuxième PNNS
2006-2010, le plan 2008-2011 de lutte
contre les drogues et les toxicomanies, le plan santé-environnement, le
plan de lutte contre les hépatites, le plan antibiotiques, la santé des jeunes.
L’approche est ainsi restée thématique et fractionnée. Le CNSP a
certes suggéré de créer un groupe de travail chargé de réfléchir à la
meilleure prise en compte de la santé dans toutes les politiques publiques:
envisagé en décembre 2008, il a suscité l’intervention devant le CNSP en
mars 2009 d’un membre de l’IGAS. Ce point n’a plus été abordé lors des
quatre séances ultérieures du CNSP.
Au total, la prise en compte de la prévention en santé dans la prise
de décision publique s’effectue à travers le processus d’arbitrage
interministériel classique. Le comité national de santé publique ne joue
qu’un rôle faiblement déterminant. Chaque ministère intervient dans les
politiques de prévention en santé selon une logique qui lui est propre et le
pilotage global de ces politiques
paraît insuffisant.
Certes, le rapport annexé à la loi de santé publique de 2004 dispose
que les objectifs de santé publique valent pour tous les acteurs du système
de santé et que les différentes politiques publiques devront y faire
référence si elles ont des impacts sanitaires prévisibles. Toutefois, cette
orientation n’a pas trouvé de formalisation ultérieure. La disposition,
inscrite dans la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 prévoyant de faire
apparaître la mesure de différents impacts prévisibles des réformes
envisagées, cite les impacts économiques, financiers, sociaux et
environnementaux sans mentionner celui sur la santé.
L’exemple du Québec : « La santé dans toutes les politiques »
Le Québec offre un exemple abouti d’application du
principe de la
santé dans toutes les politiques (« health in all policies »). La loi sur la santé
publique de 2001, donne au ministre de la santé un pouvoir consultatif au
sein du gouvernement sur toute question de santé publique et prévoit un
devoir de consultation du ministre de la santé lors de l’élaboration des
mesures législatives et réglementaires pouvant avoir un impact significatif
sur la santé de la population.
L’INSUFFISANCE DE PILOTAGE DE LA POLITIQUE ET DES ACTEURS
DE LA PREVENTION SANITAIRE
71
Afin de renforcer la cohérence d’ensemble ainsi que l’efficacité du
pilotage de la politique de prévention, il conviendrait de donner au
directeur général de la santé les compétences de délégué interministériel à
la prévention sanitaire.
B - Une multitude de structures nationales de conseil et
d’expertise insuffisamment coordonnées
Le foisonnement d’instances consultatives et de structures
d’expertise
pose des problèmes récurrents d’articulation de compétences.
Le besoin de coordination concerne aussi les différentes agences
sanitaires intervenant dans le champ de la prévention.
1 -
Les principales
institutions de conseil et d’expertise en
matière de prévention sanitaire
La Conférence nationale de santé
(CNS) est un organisme
consultatif placé auprès du ministre chargé de la santé, qui comprend 120
membres
37
, répartis en huit collèges regroupant des représentants des
malades et des usagers du système de santé, des représentants des
professionnels de santé et des établissements de santé ou d'autres
structures de soins et de prévention, des représentants des conférences
régionales de la santé et de l'autonomie, des représentants des
collectivités locales et de l’assurance maladie, des représentants des
industries des produits de santé, des représentants d'organismes de
recherche ainsi que des personnalités qualifiées.
La conférence nationale de santé vise à « permettre la concertation
sur les questions de santé ». De fait, la conférence se conçoit comme un
« Parlement de la santé », expression reprise officiellement dans le logo
qui figure sur ses avis publics depuis janvier 2010. Elle a rendu sept avis
sur saisine du gouvernement qui portent sur des projets de plans de santé
publique
(hépatites,
maladie
d’Alzheimer,
santé-environnement,
accidents vasculaires cérébraux, maladies rares).
Le positionnement de la conférence nationale de santé comporte
une part d’ambiguïté : instance consultative représentative des différents
acteurs du système de santé, elle est aussi conduite, dans ses avis, à
émettre des recommandations qui relèvent par nature du domaine de
l’expertise scientifique et technique. Pour se prononcer, elle est conduite
à auditionner des experts, dont elle peut reprendre les conclusions, ce qui
peut, à tort, la faire prendre pour une instance d’expertise.
37 Décret n° 2011-503 du 9 mai 2011.
72
COUR DES COMPTES
L’intention de la loi du 9 août 2004 était en effet de distinguer la
confrontation des points de vue de différentes « parties prenantes », qui
relève de la conférence nationale de santé des fonctions d’expertise
confiées au Haut conseil de la santé publique (HSCP).
Le Haut conseil de la santé publique
(HSCP) est né de la fusion
décidée par la loi du 9 aout 2004 des missions du haut comité de santé
publique et du conseil supérieur d’hygiène publique de France. Il se
compose de personnalités qualifiées, principalement des médecins. Il
cumule les missions d’évaluation de la loi de santé publique, de conseil
aux pouvoirs publics et d’expertise en liaison avec les agences sanitaires.
Pourtant, le Haut conseil présente la particularité d’être rattaché à la DGS,
qui en assure le secrétariat général et décide de ses moyens budgétaires,
au risque que son indépendance puisse être mise en doute.
Le rapport d’évaluation du Haut conseil par l’IGAS
38
conclut à la
nécessité de réformer son fonctionnement et son organisation. Le collège
de 24 membres qui dirige le HCSP est jugé trop important. Les six
commissions spécialisées qui comptent 130 personnalités qualifiées ont
un rôle inégal : selon l’IGAS, la commission « prévention, éducation et
promotion de la santé »
peine
en particulier à trouver sa juste place.
Les compétences générales d’expertise et de conseil du HCSP
posent des problèmes d’articulation avec d’autres instances.
Il en est ainsi en matière de politique vaccinale avec l’AFSSAPS
39
.
En effet, le comité technique des vaccinations (CTV), comité technique
permanent dépendant d’une des commissions spécialisées du Haut
conseil, propose des adaptations en matière de recommandations et
d’obligations vaccinales pour la mise à jour du calendrier vaccinal
40
. Il a
pour mission d’élaborer la stratégie vaccinale en fonction des données
épidémiologiques et d’études bénéfice-risque individuel et collectif et
d’études médico-économiques relatives aux mesures envisagées.
Les
préconisations du CTV en matière de stratégie vaccinale peuvent poser
des problèmes de cohérence avec les autorisations de mise sur le marché
de l’AFSSAPS, comme par exemple pour le nombre de doses de vaccin à
38 IGAS. RM 2009-152P. Mission d’évaluation du Haut conseil de la santé publique.
Janvier 2010.
39 IGAS. RM 2009-152P. Mission d’évaluation du HCSP. Janvier 2010.
40 Arrêté du 18 septembre 2007 relatif au comité technique des vaccinations.
L’INSUFFISANCE DE PILOTAGE DE LA POLITIQUE ET DES ACTEURS
DE LA PREVENTION SANITAIRE
73
administrer. Cette situation s’est produite dans le contexte de la pandémie
H1N1
41
.
Le HCSP exerce par ailleurs des compétences qui sont proches, par
certains aspects, de celles dévolues à la Haute autorité de santé (HAS),
instituée par la loi du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie.
Le législateur a créé dans deux lois différentes, à quatre jours
d’intervalle, deux instances d’expertise, le HCSP et la Haute Autorité de
santé (HAS). La Haute Autorité de santé est une autorité publique
indépendante à caractère scientifique à laquelle la loi de financement de
la sécurité sociale pour 2007
42
, modifiant l’article L.161-40 du code de la
sécurité sociale (CSS), a attribué des compétences en matière de politique
de prévention.
La définition des attributions respectives du HCSP et de la HAS
est de nature à
créer des conflits de compétences. Ainsi, le Haut conseil
fournit «
aux pouvoirs publics, en liaison avec les agences sanitaires,
l'expertise nécessaire à […] la conception et à l’évaluation des politiques
et stratégies de prévention »,
tandis la HAS est chargée
« d’évaluer la
qualité et l'efficacité des actions ou programmes de prévention,
notamment d'éducation pour la santé, de diagnostic ou de soins
»
43
.
En matière de prévention primaire, la HAS a rendu un certain
nombre d’avis, notamment sur l’efficacité, l’efficience et la prise en
charge financière des stratégies thérapeutiques d’aide au sevrage
tabagique, les stratégies de prévention de la carie dentaire, la prévention
de la toxoplasmose et de la rubéole au cours de la grossesse. Mais le
comité technique des vaccinations qui élabore la stratégie vaccinale est
rattaché au HCSP.
La HAS intervient davantage dans le domaine de la prévention
secondaire, Elle a en particulier produit d’abondants travaux concernant
les dépistages (cf. supra). Deux études sont en cours sur les stratégies de
dépistage du cancer du col de l’utérus ainsi que sur la coexistence des
dépistages organisé et individuel du cancer du sein. Mais un projet de
création d’un comité technique permanent des dépistages rattaché à la
commission « Prévention, éducation et promotion de la santé » du Haut
conseil pourrait créer un conflit de compétence supplémentaire entre les
deux instances.
41 La Cour a, déjà souligné le caractère peu lisible des rôles et compétences respectifs
des différents comités (HCSP, CTV et Comité de lutte contre la grippe) qui sont
intervenus dans la définition de la stratégie vaccinale contre la grippe A(H1N1).
42 LFSS n°2006-1640 du 21 décembre 2006, article 60, V,2°
43 Articles L. 1411-4,
L.1417-1 et L.161-40,3° du CSS.
74
COUR DES COMPTES
En
matière
de
prévention
tertiaire,
la
HAS
réalise
des
recommandations et des guides à l’attention des patients pour la prise en
charge de la maladie. Ils touchent en particulier à la prévention des
complications.
En outre, la HAS est saisie de l’éducation thérapeutique du patient
(ETP). Elle a d’ores et déjà publié en 2008 une analyse économique et
organisationnelle de l’éducation thérapeutique dans la prise en
charge
des maladies chroniques et un guide méthodologique intitulé «
Structuration d’un programme d’éducation thérapeutique du patient dans
le champ des maladies chroniques ». La loi du 28 juillet 2009 relative à
l’hôpital, aux patients à la santé et aux territoires (HPST) lui confie la
mission l’évaluation des programmes d’ETP.
L’éducation thérapeutique du patient
Le développement des maladies chroniques ainsi que l’importance de
l’éducation et de l’accompagnement du patient dans la prise en charge de ces
pathologies ont conduit le législateur à définir un cadre pour ces actions au
travers de l’article 84 de la loi HPST, relatif à l’éducation thérapeutique du
patient. Celui-ci crée les articles L1161-1 à 6 du code de la santé publique
(CSP) qui distinguent :
« l’éducation thérapeutique
qui s’inscrit dans le parcours de soins du
patient et
a pour objectif de rendre le patient plus autonome en facilitant son
adhésion aux traitements prescrits et en améliorant sa qualité de vie ;
« les programmes d’éducation thérapeutique du patient »
conformes à
un cahier des charges national, mis en oeuvre au niveau local, après
autorisation des agences régionales de santé ;
« les actions d’accompagnement »
qui ont pour objet d’apporter une
assistance et un
soutien aux malades, ou à leur entourage, dans la prise en
charge de la maladie.
Les programmes d’ETP sont définis par l’article L.1161-2 du CSP. Ils
sont beaucoup plus encadrés au plan réglementaire que les actions
d’accompagnement du patient. Ils sont coordonnés par un médecin ou, à
défaut, un médecin est impliqué dans leur mise en oeuvre.
L’INSUFFISANCE DE PILOTAGE DE LA POLITIQUE ET DES ACTEURS
DE LA PREVENTION SANITAIRE
75
Se fondant sur une analyse de la littérature, la HAS a conclu en 2008
44
que l’ETP semblait offrir des preuves scientifiques d’efficacité tant cliniques
qu’économiques dans trois indications : le diabète de type 1, l’asthme de
l’enfant et la cardiologie. L’impact observé est moins net pour les autres
pathologies analysées.
Conformément aux recommandations de la HAS publiées en juin
2007
45
, les programmes d’éducation thérapeutique doivent comprendre une
séance individuelle d’élaboration du diagnostic éducatif, des séances
d’éducation
thérapeutique
collectives
ou
individuelles,
une
séance
individuelle
d’évaluation
des
compétences
acquises,
ainsi
qu’une
coordination des professionnels de santé impliqués dans la prise en charge de
la maladie chronique.
2 -
Les agences sanitaires
Le ministère de la santé s’appuie sur une douzaine d’opérateurs
nationaux spécialisés, aux statuts variés désignés sous le terme générique
d’agences sanitaires. Parmi elles, comme le fait apparaître le tableau
suivant, l’INPES et l’InVS développent des compétences transversales,
l’INPES étant entièrement dédié à la prévention en santé
.
Les autres
agences ont des compétences verticales ; ainsi,
la prévention des risques
liés aux produits, aux dispositifs ou organisations sanitaires relève de
l’AFSSAPS, l’ANSES ou la HAS. L’INCa présente la particularité
d’embrasser l’ensemble des compétences (prévention, politique de soins
et recherche) propres à un groupe de pathologies.
44 HAS. 2008. Rapport d’orientation. L’éducation thérapeutique dans la prise en
charge des maladies chroniques. Analyse économique et organisationnelle.
45 Structuration d’un programme d’éducation thérapeutique du patient dans le champ
des maladies chroniques- HAS – juin 2007
76
COUR DES COMPTES
Tableau n° 8 : Principales compétences des agences
sanitaires en matière de prévention
Agences
Dispositions relatives à la prévention
Statut
ABM
§ Promouvoir la qualité et la sécurité sanitaires dans son champ de compétence
§ Mettre en oeuvre un suivi de l'état de santé des donneurs d'organes
EPA
AFSSAPS
§ Participer à l'application des lois et règlements relatifs à l'importation, aux essais, à
la fabrication, à la préparation, à la distribution, au conditionnement, à la mise sur le
marché et à la publicité des produits à finalité sanitaire destinés à l'homme et des
produits cosmétiques
§ Evaluer les bénéfices et les risques liés à leur utilisation
§ Mettre en oeuvre les systèmes de vigilance et préparer la pharmacopée
EPA
ANSES
46
§ Assurer la sécurité sanitaire dans les domaines de l'environnement, du travail et de
l'alimentation
EPA
EFS
§ Promouvoir
le don du sang et les conditions de sa bonne utilisation
§ Dans le cadre de l'hémovigilance, transmettre des données relatives à la sécurité
sanitaire des produits sanguins à l'AFSSAPS et des données épidémiologiques à
l'InVS
EPA
EPRUS
§ Acquérir, fabriquer, distribuer et exporter des produits et services nécessaires à la
protection
de
la
population
face
aux
menaces
sanitaires
§ Financer des actions de prévention des risques sanitaires majeurs
EPA
HAS
§ Recueillir auprès des médecins ou équipes médicales les déclarations des
événements
considérés
comme
porteurs
de
risques
médicaux
§ Recommandations de santé publique (article L161 – 37 CSS), surtout développées
en
matière
de
prévention
secondaire
(dépistage)
§ Suivre les maladies chroniques (pour l’essentiel les 30 Guides patients des ALD –
loi du 13 août 2004)
§ Evaluer les programmes d’éducation thérapeutique du patient (loi du 21 juillet
2009 – art L1162.40 CSP)
AAI
46 L'Agence nationale chargée de la sécurité sanitaire de l'alimentation, de
l'environnement et du travail (ANSES), résulte de la fusion
de l’agence française de
sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) et l’Agence française de sécurité sanitaire de
l’environnement et du travail (AFSSET). Elle a été créée en janvier 2010.
L’INSUFFISANCE DE PILOTAGE DE LA POLITIQUE ET DES ACTEURS
DE LA PREVENTION SANITAIRE
77
INCa
§ Développement des dépistages organisés
§ Promouvoir la prévention des risques de cancer
GIP
INPES
§ Mettre
en
oeuvre
les
programmes
de
santé
publique
§ Exercer une fonction d’expertise et de conseil en matière de prévention et de
promotion de la santé
§ Emettre un avis à la demande du ministre chargé de la santé, ou des ministres
concernés, sur tout outil et programme de prévention et de promotion de la santé
§Assurer le développement de l’éducation pour la santé sur l’ensemble du territoire
EPA
INSERM
§ Encourager, entreprendre, développer, coordonner et organiser tous travaux de
recherche ayant pour objectifs (…) la découverte et l'évaluation de tous moyens
d'intervention tendant à prévenir, à diagnostiquer et à traiter les maladies ou leurs
conséquences et à améliorer l'état de santé de la population
EPST
InVS
§ Surveiller et observer de manière permanente
l'état de santé de la population par
le
recueil
et
le
traitement
de
données
épidémiologiques
§ Veille et vigilance sanitaire en vue de la connaissance et de la détection
prospective des risques sanitaires
EPA
Source : DGS- Cour des comptes
L’institut national de prévention et d’éducation pour la santé
(INPES)
Créé en 2002, l’INPES a notamment pour missions d’
« exercer
une fonction d’expertise et de conseil en matière de prévention et de
promotion de la santé »
et à émettre
« un avis à la demande du ministre
chargé de la santé, ou des ministres concernés, sur tout outil et
programme de prévention et de promotion de la santé ».
La loi du 13 août
2004 lui a toutefois ajouté deux fonctions, parmi lesquelles celle qui
consiste à mettre en oeuvre, pour le compte de l’Etat et de ses
établissements publics, les programmes de santé publique.
Placé sous la tutelle du ministère de la santé, cet établissement n’a
pas de capacité d’auto-saisine et tous ses avis ne sont pas rendus publics
alors même que cette absence de publicité n’est pas expressément prévue
par les textes. Ainsi, en matière de lutte contre le tabagisme, alors que
l’INPES dispose de toute l’expertise scientifique nécessaire pour rendre,
de sa propre initiative, des avis sur l’augmentation des prix du tabac,
aucun avis de l’INPES sur l’impact de l’évolution du prix du tabac n’est
disponible.
78
COUR DES COMPTES
Par ailleurs, la Cour, lors du contrôle réalisé en 2007 sur l’INPES,
avait souligné que l’immixtion du ministère dans la mise en oeuvre des
actions de prévention ne répondait pas à la répartition des compétences
entre la tutelle et un opérateur. Une critique voisine a été formulée par
l’IGAS en 2009.
« La fonction communication de l’INPES n’est, en tout
état
de
cause,
pas
clairement
distincte
de
la
communication
gouvernementale ». « La liste des campagnes de communication
entreprises et leurs modalités ne font (…) pas apparaître de lien direct
avec les études ou la veille menées par l’INPES d’une part, avec les
données épidémiologiques disponibles d’autre part ».
Les objectifs retenus dans son programme de travail ne sont pas
hiérarchisés à l’image du mode de définition des objectifs de santé
publique par son administration de tutelle. Cette lacune se traduit
notamment par une disproportion entre les moyens affectés à la
prévention de certains risques et le niveau de morbidité et mortalité
évitables qui leur est associé. L’IGAS soulignait ainsi en 2009 des
déséquilibres et notamment l’importance des moyens consacrés à la
prévention du sida et des maladies sexuellement transmissibles par
rapport à ceux consacrés à d’autres problématiques de santé :
« le budget
primitif 2009 lui alloue ainsi plus de 25 millions d’euros, soit plus du
quart des dépenses d’intervention (97 millions d’euros). La prévention
relative à l’alcool bénéficie de cinq fois moins de crédits (5,3 millions
d’euros) »
47
.
47 IGAS. Contrôle de l’institut national de prévention en santé. Décembre 2009.
L’INSUFFISANCE DE PILOTAGE DE LA POLITIQUE ET DES ACTEURS
DE LA PREVENTION SANITAIRE
79
Tableau n° 9 : Répartition des dépenses de l’INPES par
pathologie ou risque
Dépenses 2009
Dépenses prévues pour
2010
M€
% du total
M€
% du total
VIH-sida
et « santé sexuelle »
24,4
23,4 %
24,5
25,1 %
Jeunes et accidents de la vie
courante
14
13,4 %
9,5
9,7 %
Tabac
9,6
9,2 %
10,4
10,7 %
"Processus" Politiques de santé
publique
9,1
8,7 %
9,7
9,9 %
Nutrition et activités physiques
9,1
8,7 %
9,8
10,0 %
Alcool
4,0
3,8 %
5,1
5,2 %
Maladies cardio-vasculaires
0,2
0,2 %
0,0
0,0 %
Cancer
0,1
0,1 %
0,1
0,1 %
Total des dépenses d'intervention
104
100,0 %
97,6
100,0 %
Source : Rapport de l'ordonnateur au conseil d'administration du 31 mars 2010- Budget primitif
2010 (CA 12 novembre 2009)
Enfin, alors que l’INPES met en oeuvre, pour le compte de
l’Etat et de ses établissements publics, les programmes de santé
publique
48
, la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la
toxicomanie (MILDT) « anime et coordonne les actions de l’Etat en
matière de lutte contre la drogue et la toxicomanie, en particulier dans les
domaines de l’observation et de la prévention … »
49
. Le champ de
recouvrement des compétences a été réduit par le transfert à l’INPES des
crédits de communication de la MILDT en 2008, mais n’a pas disparu
50
.
Il traduit la difficile articulation entre un institut aux compétences
transversales en matière de prévention et des structures compétentes sur
des risques bien définis, comme aussi l’INCa en matière de prévention
des cancers.
48 Article L.1417-1 du CSP.
49 Article R. 3411-13 du CSP.
50 IGAS. RM2009-117P. Contrôle de l’INPES. Décembre 2009.
80
COUR DES COMPTES
L’institut national du cancer (INCa)
Créé sous forme de groupement d’intérêt public (GIP) par la loi
relative à la politique de santé publique du 9 août 2004, l’Institut national
du cancer (INCa) est chargé de «
coordonner les actions de lutte contre le
cancer
»
51
. Comme le mentionnait
la Cour dans son rapport sur la mise
en oeuvre du plan cancer
52
, c’est la première fois qu’un opérateur de l’Etat
conjugue, pour une seule famille de pathologies, prévention, politique de
soins et recherche.
L’INVS et les autres organismes d’observation en santé et de
recherche
L’observation de la santé a connu en France un développement
important depuis vingt ans. La connaissance détaillée de l’état de santé de
la population et de ses facteurs est une condition préalable essentielle à la
définition et surtout à la hiérarchisation des priorités de santé publique et
donc de prévention.
L’Institut national de veille sanitaire (INVS) a notamment pour
missions la surveillance et l'observation permanentes de l'état de santé de
la population d’une part, la veille et la vigilance sanitaires d’autre part.
Au titre de la première mission, il participe au recueil et au traitement de
données sur l'état de santé de la population à des fins épidémiologiques
(par exemple, l’évaluation des programmes nationaux de dépistage des
cancers en s'appuyant notamment sur des correspondants publics et privés
faisant partie d'un réseau national de santé publique). Au titre de la
seconde, l'institut est chargé de rassembler, analyser et actualiser les
connaissances sur les risques sanitaires, leurs causes et leur évolution, de
détecter de manière prospective les facteurs de risque susceptibles de
modifier ou d'altérer la santé de la population, d'étudier et de répertorier,
pour chaque type de risque, les populations les plus fragiles ou menacées.
Les compétences de l’INPES et de l’INVS se recoupent en partie.
L’INPES a notamment pour mission de constituer un réseau national
documentaire spécialisé sur les théories et pratiques relatives aux
domaines de la prévention et de la promotion de la santé ; il exerce de
façon générale une fonction d’expertise. Au titre de sa mission de
surveillance et d’observation permanente de l’état de santé de la
population, l’INVS est chargé de rassembler, analyser et actualiser les
connaissances sur les risques sanitaires, leurs causes et leur évolution ; de
détecter de manière prospective les facteurs de risque susceptibles de
51 Article L.1415-2 du CSP.
52 Cour des comptes, rapport public thématique, « La mise en oeuvre du plan
cancer »,
juin 2008.
L’INSUFFISANCE DE PILOTAGE DE LA POLITIQUE ET DES ACTEURS
DE LA PREVENTION SANITAIRE
81
modifier ou d'altérer la santé de la population ou de certaines de ses
composantes, de manière soudaine ou diffuse ; d'étudier et de répertorier,
pour chaque type de risque, les populations les plus fragiles ou menacées.
Enfin, les organismes de recherche, notamment médicale, comme
l’Institut national de santé et de la recherche médical (INSERM), le
Centre national de recherche scientifique (CNRS), l’Institut Pasteur ou
encore l’Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales
(ANRS), participent de la conduite des politiques de prévention. Il est
toutefois difficile de déterminer le périmètre précis de leur contribution.
A titre d’exemple, l’ANRS a pour missions, outre la recherche
fondamentale et clinique, la recherche vaccinale et la recherche en santé
publique et en sciences sociales dont l’un des buts est de contribuer aux
stratégies de prévention.
3 -
Une coordination limitée
Un comité d’animation du système d’agences (CASA) réunit tous
les deux mois depuis mai 2008 les 11 opérateurs nationaux des politiques
de prévention et de sécurité sanitaire sous la présidence du directeur
général de la santé. Ce dispositif a permis certains progrès.
L’INPES, l’INCa, la HAS et l’INVS ont conclu des accords cadres
visant à établir ou renforcer leur collaboration dans leurs champs
communs de compétences complétés dans certains cas par des plans
annuels d’actions communes. L’INCa et l’INPES se sont ainsi répartis les
rôles en matière de stratégie de prévention et notamment de
communication de manière pragmatique : l’INCa prend en charge la
stratégie de mise en oeuvre du dépistage du cancer, de sa qualité, l’INPES
conduit la stratégie relative à l’action sur les déterminants de santé
comme l’alcool, le tabac la sédentarité, le risque solaire.
Des experts de l’INPES ont participé au groupe de travail de la
HAS sur le dépistage généralisé du sida. Plus généralement, les thèmes
d’action communs entre l’INPES et la HAS ont été relatifs à la rédaction
de recommandations sur la prévention du surpoids et de l’obésité, sur les
compétences en éducation pour la santé et en éducation thérapeutique, sur
le comité consultatif de formation en éducation pour la santé, sur la
consultation de tabacologie,
sur la prévention de la carie dentaire et sur la
périnatalogie.
82
COUR DES COMPTES
Cette coordination reste cependant empirique, animée grâce à la
bonne
volonté
de
chacun,
aux
nombreuses
participations
et
représentations croisées dans les instances et réunions, aux relations
personnelles.
Par ailleurs, la DGS ne s’appuie pas uniquement sur le réseau
d’agences et le Haut conseil de la santé publique pour répondre à ses
besoins d’expertise et d’appui scientifique. Elle a créé des groupes de
travail ad hoc à l’existence plus ou moins continue, comme par exemple,
dans le domaine des maladies transmissibles, la cellule d’aide à la
décision méningocoque ou le groupe d’experts VIH
53
.
Cette
démultiplication
des
lieux
d’expertise,
d’appui
et
d’évaluation, ne peut que contribuer à la difficulté de hiérarchisation des
objectifs et des priorités déjà relevée.
C - Le rôle propre de l’assurance maladie
L’assurance maladie cofinance avec l’Etat des programmes de
santé publique, mais développe aussi des programmes de prévention et
des modalités d’action qui lui sont propres.
La loi du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie a donné une
impulsion nouvelle à ces actions. Elle
prévoit notamment la coordination
des soins par le médecin traitant et la possibilité pour l’assurance maladie
de développer l’information des assurés, c’est-à dire de les sensibiliser à
la nécessité de prévenir les maladies et leur complications.
1 -
Le régime général
Depuis 2004, la CNAMTS a réorienté sa politique de prévention
vers trois objectifs :
la définition de programmes pluriannuels et l’abandon des
actions ponctuelles qui ne touchaient les populations qu’une
seule fois ;
l’inscription de la prévention au coeur du dispositif du médecin
traitant, qui doit être le coordonnateur des soins y compris
préventifs et l’interlocuteur privilégié des assurés ;
53 IGAS. RM2009-152P. Mission d’évaluation du Haut conseil de la santé publique.
Janvier 2010.
L’INSUFFISANCE DE PILOTAGE DE LA POLITIQUE ET DES ACTEURS
DE LA PREVENTION SANITAIRE
83
la priorisation des programmes de prévention, en privilégiant
la recherche d’efficience à la fois sur le plan de l’évolution des
dépenses et de l’impact de santé publique.
Des programmes désormais pluriannuels
Les programmes de prévention de la CNAMTS s’inscrivent
désormais dans la durée et trouvent leur fondement dans les objectifs
définis par la loi du 9 août 2004 et les différents plans nationaux de santé
publique comme dans les priorités discutées avec l’Etat dans la
convention d’objectifs et de gestion (COG) et dans les négociations avec
les professionnels de santé.
Les actions financées par le FNPEIS ont ainsi dans la période
récente porté sur la mise en oeuvre et le financement du dépistage
organisé des cancers, de la prévention bucco-dentaire ou de la politique
vaccinale, ainsi que sur les activités des centres d’examen de santé,
notamment dans le cadre des bilans de santé en faveur des populations
éloignées du système de santé (cf supra) ainsi que
la mise en place d’une
expérimentation d’éducation thérapeutique du patient en offre de service
aux médecins traitants. Les actions spécifiques
qui avaient été retenues
prioritairement par la COG 2006-2009, en vue d’une inscription dans le
dispositif conventionnel avec les médecins
étaient l’obésité des jeunes,
les maladies cardio-vasculaires de l’adulte, les facteurs de risque en début
de grossesse, le dépistage du cancer du sein pour les femmes de plus de
50 ans, les risques iatrogènes liés à la surconsommation de médicaments
chez les personnes âgées.
La COG 2010-2013 reprend certains thèmes de la COG précédente
tels le dépistage des cancers ou la
prévention des pathologies infectieuses
aiguës notamment par la vaccination antigrippale ou la vaccination ROR.
Elle y ajoute en particulier la prévention des complications liées aux
pathologies chroniques ainsi que des programmes dédiés à certaines
populations comme les dépistages néonataux, la prévention bucco-
dentaire chez les enfants et adolescents, ou des facteurs de risque liés à la
iatrogénie
médicamenteuse chez les personnes âgées.
Les thèmes résultant des négociations avec les professionnels de
santé sont identiques à ceux de la COG. Dans l’avenant n° 12 à la
convention nationale des médecins généralistes et des médecins
spécialistes de mars 2006, les parties signataires ont ainsi convenu de la
nécessité d’engager progressivement les médecins traitants dans des
programmes de prévention, en priorité sur les 5 thèmes que sont la
iatrogénie médicamenteuse chez les personnes âgées, le cancer du sein,
84
COUR DES COMPTES
les
facteurs
de
risque
pour
la
femme
enceinte,
les
risques
cardiovasculaires, en premier lieu le diabète et l’obésité chez les jeunes.
La convention nationale des chirurgiens dentistes de 2006 prévoyait pour
sa part d’améliorer l’ancien dispositif de prévention bucco-dentaire mis
en place en 1997 par un ciblage sur les enfants ou adolescents âgés de
6,9, 12, 15 et 18 ans.
Le médecin traitant et le contrat d’amélioration des pratiques
individuelles
De nombreux facteurs concourent à la faible implication de la
médecine libérale au développement de la prévention. Les outils mis en
oeuvre par l’assurance maladie pour faire évoluer cette situation sont
récents.
La médecine libérale en France s’exerce dans le cadre d’une
relation
individuelle
avec
le
patient,
éloignée
de
l’approche
populationnelle de santé publique. En outre, l’activité préventive peut
apparaître au corps médical comme moins gratifiante que le soin. Elle
produit des effets moins visibles ; elle tend également à minorer le rôle du
corps médical en faisant appel à d’autres professionnels. En 2003, l’IGAS
relevait que le rôle et la formation en prévention des médecins étaient mal
appréhendés.
« Ni leur formation ni leurs conditions d’exercice ne
permettent aux médecins de s’investir pleinement dans la prévention ; la
complexification des actions préventives requiert des stratégies globales
qui ne sont possibles qu’avec le concours d’un grand nombre d’acteurs et
de professionnels différents, parmi lesquels le médecin, ou même le
professionnel de santé, conserve une légitimité et un rôle majeur mais
non forcément prédominant ».
Par ailleurs, l’efficacité d’une politique de prévention dépend
notamment de sa persistance dans le temps : elle nécessite un suivi ou un
accompagnement des individus sur une période longue. Les maladies
chroniques, qui représentent l’essentiel de la pratique médicale actuelle,
sont séquentielles et multifactorielles. Elles évoluent selon plusieurs
étapes biologiques, puis cliniques, sur une période souvent longue et
peuvent être déterminées par des facteurs tels que le tabagisme ou la
sédentarité. La prévention appelle ainsi un accompagnement du patient
sur le moyen ou long terme et ne peut se résumer à un acte ponctuel.
Même la prévention des risques infectieux à travers la vaccination
nécessiterait en principe le suivi par le médecin traitant des vaccinations
de son patient au regard du calendrier vaccinal. Le règlement à l’acte est
ainsi peu adapté aux pratiques médicales préventives.
L’INSUFFISANCE DE PILOTAGE DE LA POLITIQUE ET DES ACTEURS
DE LA PREVENTION SANITAIRE
85
Enfin, la multiplicité des objectifs de santé publique et leur
absence de hiérarchisation ne donnent pas au médecin traitant
d’orientation précise sur les priorités de prévention sanitaire: or le
médecin généraliste ne peut aborder tous les sujets au cours d’une ou
plusieurs consultations.
En fonction
de ces constats,
la loi de financement de
la sécurité
sociale pour 2008 a autorisé les organismes locaux d’assurance maladie à
proposer aux médecins conventionnés et aux centres de santé d’adhérer à
un contrat comportant des engagements individualisés qui peuvent
notamment porter sur des actions de dépistage et de prévention
54
.
Elle a
également prévu la possibilité de mener des expérimentations portant sur
de nouveaux modes de rémunération qui complètent le paiement à l’acte
ou s’y substituent
55
.
En application de ces dispositions
56
, la CNAMTS a proposé depuis
juin 2009 aux médecins traitants libéraux conventionnés qui le souhaitent
de s’engager dans une action de santé publique à l’échelle de leur
patientèle en signant avec le directeur de la caisse primaire d’assurance
maladie un contrat d’amélioration des pratiques individuelles (CAPI) qui
comprend notamment un volet « prévention, suivi des pathologies
chroniques »
57
dont les thèmes et les objectifs
58
sont récapitulés dans le
tableau ci après.
54 Article 43 de la LFSS pour 2008. Article L162-12-21 du CSS.
55 Article 44 de la LFSS pour 2008.
56 Décision du 9 mars 2009 de l’UNOCAM relative à la création d’un contrat type
d’amélioration des pratiques à destination des médecins libéraux conventionnés.
57 L’autre volet concerne l’optimisation des prescriptions
58 Les thèmes retenus sont ceux figurant dans la convention médicale. Les objectifs
de vaccination contre la grippe saisonnière et de dépistage de cancer du sein sont ceux
qui ont été définis dans la loi de santé publique de 2004. Les objectifs en matière de
prévention du risque d’iatrogénie médicamenteuse sont conformes aux avis de la
HAS.
86
COUR DES COMPTES
Tableau n° 10 : Indicateurs et objectifs du champ
« prévention-suivi des pathologies chroniques » du CAPI
Thème
Indicateur
Objectif
intermédiaire
Objectif
cible
Grippe
saisonnière
Part dans la patientèle de patients âgés d'au moins 65 ans vaccinés
71 %
75 %
Cancer du
sein
Part dans la patientèle de patientes de 50 à 74 ans ayant bénéficié d'une
mammographie dans les deux ans
73 %
80 %
Part des patients de 65 ans et plus traités par vasodilatateurs
9 %
7 %
Prévention
risques de
Iatrogénie
Part des patients de 65 ans et plus traités par des benzodiazépines à
demi-vie longue (anxiolytiques ou hypnotiques dont l'élimination est
plus longue)
9 %
5 %
Diabète
Part des patients diabétiques ayant 3 ou 4 dosages d'hémoglobine
glyquée par an
55 %
65 %
Part des patients diabétiques ayant eu un examen ophtalmologique
(fond d'oeil) par an
52 %
65 %
Part des patients diabétiques (hommes de plus de 50 ans et femmes de
plus de 60 ans) traités par antihypertenseurs et statines
65 %
75 %
Part des patients diabétiques traités par antihypertenseurs, statines et
aspirine à faible dose
55 %
65 %
Hypertension
artérielle
Part des patients traités par antihypertenseurs ayant normalisé leur
pression artérielle (< 140/90)
40 %
50 %
Source : décision du 9 mars 2009 de l’UNOCAM. Annexe 1 au contrat
type
L’assurance
maladie
verse
au
médecin,
à
chaque
date
d’anniversaire du contrat, une contrepartie financière qui tient compte de
la progression et de l’atteinte des objectifs du contrat sur l’année
écoulée
59
. En cas d’atteinte de tous les objectifs, la contrepartie financière
s’élève à 5 600 € annuels pour une patientèle de 800 personnes.
En avril 2011,16 000 médecins, soit plus d’un tiers des médecins
traitants éligibles
60
, avaient choisi de signer un tel contrat.
59 La contrepartie financière, quand la moyenne des taux de réalisation pour chacun
des deux champs est supérieure à 25 %, est égale à 7€ par patient multiplié par le taux
de réalisation moyen.
60 Tous les médecins traitants n’étaient pas éligibles, pour des raisons liées à la nature
ou au volume de leur activité.
L’INSUFFISANCE DE PILOTAGE DE LA POLITIQUE ET DES ACTEURS
DE LA PREVENTION SANITAIRE
87
Ce dispositif reste cependant perfectible. D’une part, les objectifs
fixés à chaque médecin correspondent aux données épidémiologiques
nationales et ne sont pas spécifiquement adaptés aux caractéristiques de la
patientèle du médecin signataire ; d’autre part, il n’existe pas de moyen
de vérifier la corrélation entre les résultats et les bonnes pratiques (par
exemple si les 65 % ou 75 % de patients diabétiques traités par
antihypertenseurs
et
statines
ont
bien
un
problème
d’hypercholestérolémie). Il est prématuré à ce stade de conclure sur son
impact en matière de prévention.
La nouvelle convention médicale signée le 26 juillet 2011 entre les
syndicats de médecins et l’assurance maladie porte la même ambition
d’un renforcement de l’engagement des médecins libéraux dans les
programmes de prévention, qu’il s’agisse des actions de dépistage des
cancers, de la vaccination ou de la prescriptions de certains médicaments.
Des indicateurs de qualité de la pratique médicale sont définis dans
le champ de la prévention. Ils sont plus nombreux et plus détaillés que
dans le CAPI puisqu’ils distinguent ainsi pour la vaccination antigrippale
les patients de plus de 65 ans de ceux de 16 à 64 ans en ALD. Cette
implication sera reconnue et valorisée individuellement dans le cadre de
la rémunération à la performance prévue par la convention. Pour chaque
thème d’indicateur et par indicateur est attribué un nombre de points, soit
au titre de la prévention 250 points sur un total de 1300 correspondant à
un taux de réalisation de 100 %. Ce dispositif doit entrer en vigueur le
1
er
janvier 2012 et ne pourra commencer à être évalué qu’à compter de
2013.
Tableau n° 11 : Points associés aux indicateurs de
prévention et de santé publique dans la convention
médicale du 26 juillet 2011
Vaccination anti grippale des 65 ans et plus
20
Vaccination antigrippale des 16 à 64 ans en ALD
20
Vasodilatateurs
35
Benzodiazépines à demi longue vie
35
Durée de la prescription des benzodiazépines
35
Dépistage cancer du col de l’utérus
35
Usage pertinent de l’antibiothérapie
35
Dépistage du cancer du sein
35
Source : convention médicale du 26 juillet 2011
88
COUR DES COMPTES
Une recherche d’efficience
L’action de la
CNAMTS s’inscrit dans une double logique de
santé publique et de maîtrise de la dépense. La caisse nationale développe
des actions ayant un impact positif sur la santé de catégories particulières
d’assurés. En ce sens, elle se situe dans une démarche populationnelle
reposant
sur un ciblage de certains risques et, au sein de ces risques,
d’une catégorie de population donnée. Elle promeut également des
actions ayant un impact sur l’évolution des dépenses de santé, sans que
des économies nettes soient toutefois systématiquement recherchées, la
prévention devenant, dans ce contexte, un élément de la gestion du risque
maladie. Ces orientations ont notamment trouvé un point d’application
dans des actions de prévention tertiaire désormais reconnues par le code
de la santé publique.
Si la CNAMTS indique que le lancement de programmes de
prévention s’accompagne toujours d’évaluations ex ante de l’impact
médico-économique potentiel, aucune étude de ce type n’a cependant été
transmise à la Cour.
La caisse nationale a entrepris deux actions complémentaires en
faveur des patients diabétiques, d’une part une expérimentation d’actions
d’accompagnement à distance des patients avec le programme SOPHIA
d’autre part un programme d’ETP dans 21 centres d’examens de santé.
L’INSUFFISANCE DE PILOTAGE DE LA POLITIQUE ET DES ACTEURS
DE LA PREVENTION SANITAIRE
89
SOPHIA, expérience de « disease management »
Le « disease management » s’est développé aux Etats-Unis à partir du
milieu des années 1990 dans le but de contribuer à la maîtrise des dépenses
de santé. Le modèle le plus commun d’intervention est fondé sur des appels
téléphoniques des professionnels de santé, essentiellement des infirmières,
destinées à promouvoir des recommandations de bonne pratique. Les
entreprises prestataires de « disease management » revendiquent des retours
sur investissement à brève échéance (12 à 18 mois après le début de la mise
en oeuvre).
En application de la LFSS pour 2007
61
, la CNAMTS a lancé en mars
2008
dans
dix
départements
à
titre
expérimental
un
service
d’accompagnement à distance, dit de « disease management » dénommé
SOPHIA, auquel les personnes diabétiques peuvent adhérer sur la base du
volontariat. Ce programme vise une meilleure prise en charge des personnes
afin d’améliorer leur état de santé et d’optimiser les coûts de prise en charge.
Ce service comprend :
-l’accès à des informations visant à donner les moyens aux adhérents
de mieux vivre avec leur diabète : des livrets thématiques « Repères »
envoyés par courrier, un journal trimestriel « Sophia et vous », un site
Internet ;
-un accompagnement téléphonique personnalisé en fonction des
besoins de chaque adhérent. L’accompagnement est assuré par des infirmiers.
L’objectif du suivi personnalisé consiste à informer, accompagner et donner
les moyens à l’adhérent de comprendre sa maladie et de l’aider à agir pour
améliorer sa santé et sa qualité de vie.
Le médecin traitant est informé de la liste de ses patients éligibles ; il
participe
à l’évaluation annuelle de l’état de santé du patient adhérent en
complétant un questionnaire médical. Les médecins traitants sont rémunérés
pour leur participation à ce programme, sur la base d’un forfait annuel par
patient adhérent (44 € la première année, 22 € les suivantes).
Au 7 mars 2011, SOPHIA comptait près de 103 000 adhérents dans
les 19 départements
62
où le service est expérimenté. 15 000 médecins
traitants ont au moins un patient éligible dans leur patientèle et 86 % d’entre
eux ont au moins un patient adhérent.
61 L’article 91-II de la LFSS pour 2007 dispose que « les caisses nationales
d’assurance maladie peuvent mettre en place des programmes d’accompagnement des
patients atteints de pathologies chroniques visant à leur apporter des conseils en terme
d’orientation dans le système de soins et d’éducation à la santé ».
62 L’expérimentation a été étendue à la Réunion en septembre 2009.
90
COUR DES COMPTES
L’objectif de la CNAMTS était de proposer un programme
d’accompagnement
« de
masse »
s’adressant
à
l’ensemble
des
2,5 millions de patients diabétiques. Elle souhaitait faire procéder avant à
une
évaluation
médico-économique
de
l’expérimentation
par
un
organisme indépendant. En effet, en dépit des analyses américaines, la
rentabilité financière à court terme du « disease management » n’est pas
certaine. Ce n’est d’ailleurs pas pour ce motif principal que la CNAMTS
l’a développé. Il semble en revanche admis que ces interventions puissent
être bénéfiques à long terme pour la santé en réduisant les complications
attribuables à ces pathologies chroniques. Toutefois, sans attendre les
résultats de cette évaluation, la ministre de la santé a annoncé le
1
er
octobre 2009 la généralisation de ce programme d’accompagnement.
2 -
Les autres régimes d’assurance maladie obligatoire :
l’exemple de la MSA
La MSA conduit un programme national de prévention, financé par
le fonds national de prévention, d’éducation et d’information sanitaires
des professions agricoles (FNPEISA) à hauteur de 54,7 M€ en 2010, et
conforme aux orientations fixées par la COG 2006-2010.
Ce programme
comprend quatre groupes d’actions :
des examens de santé, dénommés « Instants Santé » et leurs
actions de suite ;
les actions impulsées par l’Etat, relatives notamment aux
campagnes
de
dépistage
des
cancers,
campagnes
de
vaccination et dispositifs de prévention buccodentaire ;
les
dotations
destinées
au
financement
de
dépenses
d’intervention des agences régionales de santé (ARS) et à la
mise en oeuvre des plans institutionnels de la MSA et des
actions d’initiative locale ;
les actions d’accompagnement, d’études et de recherche
(moins de 1 % du FNPEIS).
Les « instants santé » constituent l’un des programmes de
prévention les plus importants de la MSA.
Il consiste depuis 2008 à
proposer aux assurés du régime âgés de 16 à 74 ans six examens de santé
au cours de leur vie. Les risques qu’il s’agit de prévenir sont variables
selon la classe d’âge concernée :
L’INSUFFISANCE DE PILOTAGE DE LA POLITIQUE ET DES ACTEURS
DE LA PREVENTION SANITAIRE
91
pour les assurés âgés de 16 à 24 ans, les troubles du
comportement,
les
conduites
à
risque,
les
infections
sexuellement transmissibles ;
pour les assurés âgés de 25 à 34 ans comme ceux âgés de 34 à
44 ans, les risques cardio-vasculaires ;
pour les assurés âgés de 45 à 54 ans comme ceux âgés de 55 à
64 ans, les risques cardio-vasculaires et le dépistage des
cancers ;
enfin pour les assurés âgés de 65 à 74 ans, les facteurs de
risque de dépendance et le dépistage des cancers.
De manière générale, l’efficacité des consultations de prévention
dédiées n’est toutefois pas prouvée. La MSA a cependant fait le choix de
s’appuyer sur le médecin traitant de l’assuré et de cibler les consultations
sur certains risques spécifiques ; par ailleurs, l’examen des données issues
des examens de santé a permis de détecter dans la population agricole des
carences en matière de vaccination antitétanique et de prévention
d’incontinence urinaire chez la femme, qui justifient la mise en place
d’actions spécifiques.
Les consultations de prévention dédiées : un bilan très mitigé
Le Haut conseil de la santé publique en 2009 a recensé une vingtaine
de consultations périodiques de
prévention, de forme très variable :
-les bilans de santé proposés par les régimes d’assurance maladie : les
consultations dans les centres d’examen de santé, les consultations de
prévention organisées par la MSA et le RSI ;
-le dispositif conventionnel « médecin traitant et prévention » :
engagements des avenants n°12 et 13 à la convention médicale sur les thèmes
prioritaires de santé publique (dépistage cancer du sein, iatrogénie
médicamenteuse, vaccination antigrippale etc.) ;
-les examens périodiques durant la grossesse et les examens de santé
de l’enfant de moins de six ans ;
-les consultations de prévention prévues par la loi du 9 août 2004 ou à
travers certains plans ministériels : les enfants de 12-13 ans, les jeunes, les
jeunes seniors, les plus de 70 ans;
92
COUR DES COMPTES
-les consultations de prévention expérimentées sur des territoires et/ou
auprès de populations limitées
63
.
Comme le relève le Haut conseil, il est communément admis
qu’effectuer un bilan de santé, chez un sujet apparemment sans pathologie,
serait une manière efficace de prévenir les maladies. Cette approche est de
plus en plus remise en cause par les spécialistes.
La Cour a examiné l’évaluation par la CNAMTS de la consultation
« entretien de prévention des enfants âgés de 12/13 ans » et celle du Haut
conseil de la santé publique sur l’intérêt des consultations de prévention dans
les programmes de prévention.
64
L’évaluation par la CNAMTS a montré des résultats décevants
65
car
la plupart des jeunes de cette tranche d’âge ont un contact avec le médecin et
ceux qui sont éloignés du système de soins participent finalement assez peu à
une campagne de consultation de prévention. Le recours à la médecine
scolaire serait, selon certains interlocuteurs rencontrés, plus efficace et
égalitaire : il permettrait de toucher l’ensemble d’une classe d’âge, y compris
les enfants qui n’ont pas accès habituellement au médecin notamment à titre
préventif.
Le Haut conseil a conclu pour sa part qu’il existe de très faibles
éléments de preuve concernant l’intérêt d’une consultation périodique de
prévention dédiée.
Une autre action de prévention importante consiste en la mise en
place, dans le cadre du plan institutionnel de la MSA de lutte contre la
précarité, d’un « parcours de prévention pour les personnes en situation
de précarité ». Celui-ci repose notamment sur un bilan de santé, dans le
but de faciliter leur accès aux soins et à la prévention et de dépister et
contribuer à la prise en charge précoce des facteurs de risques et des
pathologies éventuelles. La détection et l’accompagnement des personnes
en situation de précarité nécessitent un important investissement de la
part de nombreux acteurs, parmi lesquels les travailleurs sociaux,
63 Consultation de prévention Prévadiès-MGEN-UGIM-LMDE, programme de
prévention des maladies cardio-vasculaires (MCV) « Prévarance », expérimentation
des attachées d’information de santé, consultation de prévention MCV dans la région
Centre, expérimentation par le système EsPeR, Logiciel « plan de prévention
personnalisé », consultation de prévention en Poitou-Charentes, réseau de santé pour
les étudiants d’Aix-en-Provence, consultation en milieu étudiant parisien.
64 Haut conseil de la santé publique. Consultations de prévention. Constats sur les
pratiques actuelles en médecine générale et propositions de développement. Mars
2009.
65 CNAMTS-DPREV. Avril 2008. Consultation des 12-13 ans. Bilan de
l’expérimentation 06-07.
L’INSUFFISANCE DE PILOTAGE DE LA POLITIQUE ET DES ACTEURS
DE LA PREVENTION SANITAIRE
93
médecins conseils et médecins traitants. En 2009, près de 700 personnes
ont ainsi bénéficié d’un bilan de santé.
3 -
L’intervention des organismes d’assurance maladie
complémentaire
Les organismes d’assurance maladie complémentaire - mutuelles,
sociétés régies par le code des assurances et institutions de prévoyance -
participent à des titres divers à des actions de prévention sanitaire. Si
certaines dispositions rendent obligatoires leur participation, certaines de
leurs interventions s’inscrivent dans un cadre purement volontaire,
comme le montre l’exemple des mutuelles ou des sociétés d’assurances.
Les contrats responsables
La loi relative à l’assurance maladie du 13 août 2004 (article 57)
subordonne le bénéfice d’exonérations fiscales et sociales sur les contrats
d’assurance complémentaire santé à
l’interdiction totale ou partielle de
prise en charge de certaines dépenses, mais aussi à l’obligation de prise
en charge totale ou partielle de prestations, parmi lesquelles deux
prestations de prévention au moins
66
. La liste de ces prestations,
déterminée par arrêté du 8 juin 2006, comprend le scellement des sillons
et le détartrage dans le domaine dentaire, le bilan orthophonique du
langage chez l’enfant de moins de 14 ans, les vaccinations, le dépistage
de l’hépatite B, l’ostéodensitométrie pour les femmes de plus de 50 ans,
le dépistage des troubles de l’audition chez les personnes âgées de plus de
50 ans.
Selon la fédération nationale de la mutualité française (FNMF), la
prise en charge du ticket modérateur de ces prestations de prévention est
assurée très fréquemment de manière « mécanique ». En effet, les
garanties les plus courantes, qui prennent en charge le ticket modérateur
des actes d’auxiliaires médicaux, des médicaments, des actes de
radiologie et des soins dentaires, couvrent de fait les actes de prévention
des contrats responsables.
Les actions de prévention des mutuelles
Outre les prestations de prévention prises en charge dans le cadre
des contrats responsables, les mutuelles conduisent des actions de
prévention propres ou coordonnées avec d’autres structures.
66 Décret n° 2005-1226 du 29 septembre 2005
94
COUR DES COMPTES
La Mutualité française, qui couvre environ 38 millions de
bénéficiaires, et présente un chiffre d’affaires en 2009 de 17 Md€, finance
à hauteur de 4 M€ à travers un fonds national de prévention les actions
des unions régionales mutualistes
67
. Selon la FNMF, les unions
régionales consacrent en sus de ce financement environ 10 M€ à la
prévention, dont la moitié provient de financeurs externes (institutionnels
ou ass
ue personnalisé, un
progra
laire une consultation de prévention
effectu
à
dévelo
les remboursements de prestations de prévention par les
mutue
ociatifs).
Certaines mutuelles ont choisi de créer des prestations de
prévention sur des actes ou produits non remboursés par la sécurité
sociale, comme par exemple le sevrage tabagique (en sus des forfaits de
prise en charge par la sécurité sociale), la nutrition (consultation
diététique), les vaccins non remboursés, la contraception non remboursée.
Ainsi, la FNMF a mis en place le programme « priorité santé
mutualiste », qui offre notamment aux adhérents un programme d’aide au
sevrage tabagique, un accompagnement diététiq
mme d’orientation et de conseil sur l’alcool.
La Mutualité française mène aussi une expérimentation sur
l’accompagnement des personnes souffrant ou présentant des risques
d’hypertension, en partenariat avec le régime général. Pour leur part,
quatre mutuelles
68
ont mis en place une expérimentation dans quatre
départements lorrains consistant à proposer à leurs adhérents présentant
des facteurs de risque cardiovascu
ée par le médecin traitant
69
.
La FNMF et l’INPES ont signé en 2008 un accord prévoyant des
actions de réflexion commune et de coopération. La MGEN et l’INPES
ont conclu un accord-cadre pour 2010-2013 visant notamment
pper la promotion de la santé
en milieu scolaire et universitaire.
Le bilan financier de ces actions de prévention n’est pas connu.
Aucune information n’est disponible sur le montant du financement des
actions et
lles.
67 Celles-ci portent notamment sur le cancer, les maladies cardiovasculaires, le
maintien de l’autonomie, les addictions, la santé environnementale, l’activité physique
et sportive, l’éducation thérapeutique.
68 Prévadiès, MGEN (mutuelle générale de l’éducation nationale), LMDE (mutuelle
des étudiants) et l’UGIM (union groupe initiative mutuelle, qui regroupe neuf
mutuelles de la fonction publique).
69 Haut conseil de la santé publique. Consultations de prévention. Constats sur les
pratiques actuelles en médecine générale et propositions de développement. Mars
2009.
L’INSUFFISANCE DE PILOTAGE DE LA POLITIQUE ET DES ACTEURS
DE LA PREVENTION SANITAIRE
95
Les mutuelles devraient être désormais mieux intégrées dans le
dispositif de prévention : alors que la mutualité n’avait pas été reconnue
comme membre de droit des groupements
régionaux de santé publique
(GRSP), les unions régionales mutualistes sont représentées au sein des
ARS, et notamment dans les conférences régionales de la santé et de
l’autonomie (CRSA).
Les sociétés d’assurance
Les sociétés d’assurance ont un chiffre d’affaires en matière de
protection complémentaire santé de l’ordre de 8 Md€, sur un total d’environ
30 Md€ pour l’ensemble des organismes complémentaires.
Le montant de la
contribution des sociétés d’assurance au financement d’actions de prévention
en santé n’est pas connu.
La conduite d’actions de prévention sanitaire par les sociétés
d’assurance participe de leur politique de développement de services à
l’assuré, dans un objectif d’accompagnement et de fidélisation des adhérents.
En plus des actions propres des grandes entreprises d’assurance,
l’ensemble des entreprises adhérentes à la Fédération française des sociétés
d'assurances (FFSA) conduit des programmes de prévention à travers
l’association « Assureurs, Prévention, Santé » (APS), qui a été créée en 1982.
L’APS a été financée jusqu’en 2008 sur le budget de la FFSA puis a reposé
sur un financement plus complexe dans l’attente d’un financement direct par
les sociétés d’assurance dans le cadre du changement de statut à venir (le
budget de l’APS est d’un peu moins d’1M€).
Une assemblée générale extraordinaire le 28 juin 2010 s’est prononcée
sur le changement des statuts de l’association APS, qui devient « Assureurs
Prévention » et élargit ses missions à l’ensemble de la prévention, au-delà de
la seule prévention sanitaire (prévention routière notamment). L’activité de
l’APS comprend :
- à titre principal la diffusion de dépliants sur de nombreux sujets de
prévention sanitaire. 6 à 7 millions de dépliants sont distribués chaque année
gratuitement dans les pharmacies d’officine et les cabinets médicaux, ainsi
que, à leur demande, à des associations (comme « Naître et vivre ») et des
entreprises d’assurance. Une trentaine de thèmes sont abordés, y compris sur
le site Internet de la FFSA (l’alcoolisme chez les jeunes, la vaccination, la
prévention des VIH/sida et MST chez les adolescents, les troubles musculo-
squelettiques, la mort subite du nourrisson etc) ;
- des actions complémentaires, ciblées sur des thèmes spécifiques. A
titre d’exemple, l’APS a contribué au financement du programme EPODE
« Ensemble prévenons l’obésité des enfants », développé à la suite de
96
COUR DES COMPTES
l’expérimentation menée dans deux communes du Pas-de Calais, et étendu en
2004 à 10 autres pour prévenir l’obésité et le surpoids chez l’enfant.
II
-
ents à la santé et aux
territoires (HPST), a toutefois en créant les agences régionales de santé et
ifié
ace
et stru
) ont été
institu
la lutte contre les exclusions et
son dé
anté publique (PRSP) (art. 3), les
groupements régionaux de santé publique (GRSP) et supprimé les CRPS
Une organisation institutionnelle régionale
en
mutation
Mise en place dans les années 1990, cette organisation a été
modifiée à plusieurs reprises sans remédier à un empilement institutionnel
et à une absence de choix préjudiciable dans les priorités d’action. La loi
du 28 juillet 2009 relative à l’hôpital, aux pati
en leur donnant pleine compétence en ce domaine profondément mod
la gouvernance régionale et devrait permettre une animation plus effic
cturée des acteurs locaux de la prévention.
A - L’organisation complexe antérieure à 2010
Après une expérimentation lancée en 1994, les conférences
régionales de santé et les programmes régionaux de santé (PRS
70
és en 1996 et 1997
. Composée de 50 à 300 membres selon les
régions, la conférence régionale était chargée d’établir les priorités de
santé publique régionales et de formuler des propositions pour améliorer
l’état de santé de la population à l’attention du préfet de région.
La loi du 29 juillet 1998 relative à
71
cret d’application
ont par ailleurs créé des programmes régionaux
d’accès à la prévention et aux soins des personnes les plus démunies
(PRAPS) et les comités régionaux des politiques de santé (CRPS),
chargés de suivre les PRS et les PRAPS.
La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité
du système de santé a institué un conseil régional de santé, qui devait
contribuer à la définition et à la mise en oeuvre des politiques régionales
de santé. Ces dispositions n’ont toutefois pas été appliquées.
Finalement, la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé
publique a créé les plans régionaux de s
70 Ordonnance n° 96-345 du 24 avril 1996 relative à la maîtrise médicalisée des
dépenses de soins et décret n° 97-360 du 17 avril 1997.
71 Loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les
exclusions (article 71). Décret n° 98-1216.
L’INSUFFISANCE DE PILOTAGE DE LA POLITIQUE ET DES ACTEURS
DE LA PREVENTION SANITAIRE
97
(art. 2
ature des actions de prévention financées par
les G
assurance maladie (PRECAM),
progra
les
plans
es spécificités de chaque région, de mettre en oeuvre au
niveau régional la politique de santé publique. A ce titre, elles définissent
) dont les missions ont été reprises, d’une part, par la conférence
régionale de santé qui donnait un avis sur le PRSP et d’autre part, par le
GRSP, qui mettait
en oeuvre le PRSP.
Les GRSP étaient constitués sous la forme de GIP présidés par le
préfet et, composés des services de l’Etat
72
, de ses établissements publics
(INPES et INVS), de l’ARH, de l’assurance maladie
(URCAM et
CRAM) et des collectivités territoriales volontaires.
Ils étaient totalement
libres d’attribuer des subventions sur les différentes thématiques de leur
choix, en fonction des besoins régionaux. Il n’existait aucune orientation
nationale. Par ailleurs, la n
RSP et leur rattachement aux différents programmes de santé
publique
n’étaient
connus
que
très
approximativement
par
l’administration centrale.
Les quelques évaluations disponibles de l’activité des GRSP
concluent à un bilan mitigé, en raison notamment de l’absence de
priorisation nationale des objectifs.
Le document de travail du HCSP sur les politiques régionales de
santé publique d’octobre 2008
73
note que les acteurs de proximité se sont
globalement peu approprié les 100 objectifs nationaux de la loi de santé
publique et ce, d’autant plus qu’ils ne disposaient pas des indicateurs
régionaux correspondants pour apprécier le caractère plus ou moins
prioritaire de ces objectifs sur leur territoire. Par ailleurs, la juxtaposition
persistante de logiques institutionnelles séparées pour guider l’action –
PRSP pour la santé publique, SROS pour les soins hospitaliers,
programme régional commun de l’
mme
interdépartemental
d’accompagnement
de
la
perte
d’autonomie (Priac) pour le domaine médico-social – a renforcé la faible
lisibilité des priorités dans les régions.
Dans ce contexte, les responsables de l’élaboration des PRSP ont
surtout cherché à intégrer au mieux les nombreuses mesures de multip
et programmes, aboutissant souvent, selon l’expression du groupe
de travail du Haut conseil, à des PRSP « catalogues », sans caractère
stratégique ni lignes de force et de ce fait, peu lisibles par les acteurs.
Les agences régionales de santé (ARS) sont désormais chargées, en
tenant compte d
72 Direction régionale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle,
direction régionale de la protection judiciaire de la jeunesse, rectorat.
73 Haut conseil de la santé publique. Les politiques régionales de santé publique.
Octobre 2008.
98
COUR DES COMPTES
et financent des actions de promotion de la santé, d’éducation à la santé e
de prévention.
t
B -
régionales
d’assu
Les ARS ont notamment pour mission de définir une politique
ne
meilleure animation du réseau des acteurs locaux de la prévention.
direction de la prévention et/ou de la promotion de la
santé,
financement des actions de
préven
Une mission désormais des agences régionales de
santé
Les ARS intègrent les compétences des services déconcentrés de
l’Etat, des unions régionales des caisses d’assurance maladie (URCAM),
les compétences hospitalières et médico-sociales des caisses
rance maladie (CRAM) et des directions régionales du service
médical (DRSM) de l’assurance maladie et les compétences des missions
régionales de santé (MRS) créées en 2004 et enfin les GRSP.
régionale de prévention et disposent potentiellement des moyens d’u
1 -
L’affirmation d’une politique régionale de prévention
La majeure partie des ARS (23 sur 26) a prévu dans leur
organisation une
souvent autonome, et parfois associée à l’offre de soins ou à l’offre
médico-sociale. La prévention est donc prise en compte dans leurs
organigrammes.
Une commission de coordination dans les domaines de la
prévention, de la santé scolaire, de la santé au travail et la PMI
74
doit
réunir, outre les représentants du directeur général de l’ARS et du préfet
de région, des représentants de l’Etat exerçant des compétences en
matière de prévention et de promotion de la santé
75
, des représentants des
collectivités territoriales et des représentants des organismes de sécurité
sociale. Elle a notamment pour missions de participer à l’élaboration du
schéma de prévention, d’organiser le co
tion par appels à projets et de rapprocher les acteurs régionaux de
l’observation sanitaire et sociale. Les modalités concrètes d’exercice de
leurs missions ne sont pas encore connues.
74 Décret n° 2010-346 du 31 mars 2010 relatif aux commissions de coordination des
politiques publiques de santé.
75 Recteur de l’académie, directeur régional de la jeunesse, des sports et de la
cohésion sociale, directeur régional des entreprises, de la consommation, du travail et
de l’emploi, directeur régional
de l’environnement, de l’aménagement et du
logement, directeur régional de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt, directeur
interrégional de la PJJ, directeur départemental de la cohésion sociale.
L’INSUFFISANCE DE PILOTAGE DE LA POLITIQUE ET DES ACTEURS
DE LA PREVENTION SANITAIRE
99
L’article L.1434-6 du CSP prévoit une forme de fongibilité
asymétrique des crédits en faveur des actions de prévention : les moyens
financiers, attribués à l'ARS pour le financement des actions tendant à la
promotion de la santé, à l'éducation à la santé, à la prévention des
malad
schém
straté
du schéma régional
évention et d’éducation thérapeutique dans le
le volet spécifique du programme régional d’accès à la
prévention et aux soins (PRAPS) visant
spécifiquement les
personnes en situation de précarité sociale ;
ies, des handicaps et de la perte d'autonomie ne peuvent être
affectés au financement d'activités de soins ou de prises en charge et
d'accompagnements médico-sociaux mais l’inverse est possible.
Le montant de la contribution de chacune des caisses nationales
d’assurance maladie à chaque ARS au titre des crédits du FNPEIS est fixé
chaque année par arrêté ministériel.
Parmi les nombreux documents de planification ou de stratégie que
doivent élaborer les ARS, le schéma régional de prévention (SRP)
76
constitue le document opérationnel de mise en oeuvre des orientations et
objectifs de santé pour la région dans les domaines de la prévention, de la
promotion de la sante, mais aussi de la santé environnementale et de la
sécurité sanitaire. Il sera adopté en application du plan stratégique
régional de santé (PSRS) qui fixe les orientations et objectifs de santé
pour la région. Le PSRS, le schéma régional de prévention, ainsi que les
as régionaux d’organisation des soins et d’organisation médico-
sociale et certains programmes comme le PRAPS constituent le projet
régional de santé (PRS)
77
, qui définit les objectifs pluriannuels de l’ARS.
Au-delà du PRS et du PSRS, le schéma de prévention doit être
élaboré
en
cohérence
avec
d’autres
documents
de
planification
gique :
le volet de médecine ambulatoire
d’organisation des soins (SROS), lequel pourra comporter des
mesures
de
prévention
médicalisée,
c'est-à-dire
faisant
intervenir un professionnel de santé ;
des actions de pr
cadre des missions de service public dévolues à l’hôpital que
pourront comprendre le volet hospitalier du SROS et le SROS
médico-social ;
76 Article L1434-5 du code de la santé publique.
77 Articles L. 1434-1 du CSP et suivants ; décret n° 2010-514 du 18 mai 2010 relatif
au projet régional de santé.
100
COUR DES COMPTES
les mesures prévues au titre du contrat de gestion du risque
conclu entre l’Etat et l’UNCAM pour la période 2010-2013
78
;
les actions prévues au titre du programme pluriannuel régional
de gestion du risque (PRGDR), constitué d’une partie
comprenant les programmes de gestion du risque nationaux et
d’une partie comprenant des actions régionales spécifiques
complémentaires
79
;
le cas échéant, les actions prévues dans les contrats que
pourront conclure localement les caisses locales d’assurance
maladie et les ARS pour participer à la mise en oeuvre des
actions de prévention de l’ARS ;
en application de l’article R.1434-3 du CSP, les autres actions
de prévention et de promotion de la santé de la population des
collectivités, organismes et services ministériels mises en
oeuvre dans les domaines de la santé scolaire et universitaire,
de la santé au travail et de la PMI sont prises en compte par les
schémas.
Enfin, le PRS sera décliné dans des projets de territoire ; il pourra
faire l’objet de contrats locaux de santé portant notamment sur la
promotion de la santé et la prévention.
2 -
Le pilotage national
La DGS est membre du conseil national de pilotage des ARS. En
avril 2010 ; elle a présenté a ce comité ainsi qu’aux directeurs généraux
des ARS un document de travail intitulé « Eléments de réflexion pour une
politique nationale de santé 2010-2014 ». Ce document n’a toutefois pas
valeur prescriptive.
Si une nouvelle loi de santé publique devait fixer des objectifs
nationaux, celle-ci ne serait votée qu’après que d’autres textes
intermédiaires auront déjà fixé des objectifs en matière de prévention
pour les principaux acteurs. Aussi, les plans et projets régionaux de santé
78 L’article L.182-2-1-1 du CSS, issu de la loi HPST du 21 juillet 2009 prévoit la
conclusion entre l’Etat et l’UNCAM d’un contrat relatif aux objectifs pluriannuels de
gestion du risque communs aux trois régimes membres de l’UNCAM, pour une durée
minimale de quatre ans.
79 Décret n° 2010-515 du 18 mai 2010 relatif au programme pluriannuel régional de
gestion du risque.
L’INSUFFISANCE DE PILOTAGE DE LA POLITIQUE ET DES ACTEURS
DE LA PREVENTION SANITAIRE
101
devraient être révisés après l’adoption de cette loi
80
; l’articulation des
objectifs du contrat Etat-UNCAM conclus pour 2010-2013 avec les
orientations de la future loi de santé publique pouvant également poser
problème. Il en serait de même des objectifs et indicateurs pluriannuels
que propose de retenir le ministère dans les contrats pluriannuels
d’objectifs et de moyens (CPOM) conclus entre les ministères sociaux et
les ARS.
C - De nouveaux outils
En application du schéma régional de prévention, des actions de
prévention financées après appel à projets lancé auprès des opérateurs se
poursuivront sur le modèle des actions jusqu’alors financées par les
GRSP. Les actions à co-financer
seront sélectionnées par la commission
de coordination spécialisée dans le domaine de la prévention précitée.
Le directeur général de l'ARS pourra aussi
conclure, pour le
compte de l'Etat, des conventions avec le département pour la mise en
oeuvre de programmes de santé publique, notamment de dépistage des
cancers (art. L 1423-2 du CSP).
La mise en oeuvre du projet régional de santé peut faire l'objet de
contrats locaux de santé conclus par l'agence
81
, notamment avec les
collectivités territoriales et leurs groupements, portant sur la promotion de
la santé, la prévention, les politiques de soins et l'accompagnement
médico-social.
Le
maire
semble
être,
de
l’avis
de
l’INPES,
l’interlocuteur à privilégier pour assurer la diffusion des actions et
pratiques de prévention. Un premier contrat local de santé publique a été
signé en juin 2010 entre l’ARS de PACA et la ville de Marseille, qui
retient huit thèmes d’action concertée
82
.
Pour aider les ARS dans leur démarche de prévention, la DGS
anime des ateliers pratiques, notamment dans le cadre des séminaires
interrégionaux des directeurs d’ARS. Elle a diffusé auprès des ARS trois
« guides méthodologiques », élaborés sous l’impulsion de l’INPES
83
. Ces
80 En application de l’article L..1434-1 du CSP, le projet régional de santé s’inscrit
dans les orientations de la politique nationale de santé. Cette disposition garantit
l’unité de la politique de santé sur l’ensemble du territoire.
81 Article L.1434-17 du code de la santé publique.
82 Santé et habitat, santé mentale, vieillissement, VIH et hépatites, addictions, accès
aux soins, nutrition et vigilance sanitaire.
83 Bourdillon F. (sous la direction de). ARS. Promotion, prévention et programmes
de santé. INPES. 2009. Basset B. (sous la direction de). ARS. Les inégalités sociales
102
COUR DES COMPTES
documents constituent des sources d’information très utiles pour les ARS
mais ne peuvent pas être assimilés à de véritables guides opérationnels.
Le rôle de l’INPES vis-à-vis des ARS est en cours de définition.
Outre la mise à disposition de référentiels de bonnes pratiques et supports
méthodologiques nationaux, ainsi que de mise en ligne de stratégies
probantes, l’INPES pourrait également contribuer à la généralisation
d’expériences régionales. A titre d’exemple, l’INPES a proposé de
coécrire un guide d’aide à l’action
se fondant sur l’expérience
« Intervention auprès des collégiens centrée sur l’activité physique et la
sédentarité » (ICAPS)
84
portée par une équipe alsacienne. L’objectif est
d’aider sur l’ensemble du territoire les porteurs de projets à mettre en
oeuvre cette stratégie en milieu scolaire ou périscolaire, auprès d’enfants
ou d’adolescents afin d’augmenter leur activité physique quotidienne.
III
-
Les réseaux associatifs et les représentants de
la société civile
Le ministère de la santé a recours de façon importante aux réseaux
associatifs dans l’élaboration et la mise en oeuvre des politiques de
prévention. Les associations constituent des acteurs capables de
sensibiliser et d’informer les pouvoirs publics sur des besoins sanitaires ;
ils représentent un vecteur de promotion et de diffusion des pratiques de
prévention favorable à l’appropriation de ces dernières par les individus
et les communautés dont ils sont proches.
Par ailleurs, l’Etat affiche une certaine prudence dans la conduite
de politiques
qui peuvent le conduire à s’immiscer
dans
la vie privée
des personnes et privilégie le recours à des représentants de la société
civile pour la conduite de programmes touchant à la liberté individuelle
ou à la vie intime (la malnutrition, le tabagisme, la consommation
d’alcool, les pratiques sexuelles à risques, les troubles mentaux par
exemple)
.
de santé. 2008. Leuridan N. (sous la direction de). ARS. Financer, professionnaliser et
coordonner la prévention. INPES.2009
84 Intervention auprès des Collégiens centrée sur l’Activité Physique et la
Sédentarité, C. Simon, D. Arveiler, E. Triby et B. Schweizer.
L’INSUFFISANCE DE PILOTAGE DE LA POLITIQUE ET DES ACTEURS
DE LA PREVENTION SANITAIRE
103
A - Les relations entre la direction générale de la santé
et les associations
Les
relations
entre la DGS
et
les
associations
prennent
principalement deux formes : celle d’un soutien financier d’une part, celle
de consultations et de réponses aux sollicitations des associations,
notamment dans le cadre de l’élaboration des plans ou programmes de
santé publique, d’autre part.
La DGS accorde principalement des subventions au titre du
VIH/sida et des pathologies associées.
Les crédits attribués par les GRSP et les ARS par la procédure
d’appels à projets ne font pas l’objet d’un suivi détaillé. Par ailleurs, les
subventions accordées par les autres ministères au titre de la prévention
(notamment dans le domaine de l’environnement) ne sont pas connues du
ministère de la santé.
Subventions accordées en 2009
La DGS a financé en 2009 près de 170
associations à hauteur de
18,7M€, dont :
- plus de 1,4 M€ versés à 27 associations au titre de la prévention des
risques liés à l’environnement et l’alimentation ; cinq de ces associations ont
reçu de l’administration centrale une subvention égale ou supérieure à
100 000 €
85
;
- plus de 6 M€
accordés à 80 associations au titre des maladies
chroniques. Parmi elles, l’Association nationale de prévention
en alcoologie
et addictologie (ANPAA) a reçu 700 000 €, la Fédération des acteurs de
l’alcoologie et de l’addictologie a reçu 495 000 €, les Droits des non fumeurs
450 000 €, l’Association nationale des intervenants en toxicomanie (ANIT)
292 500 € et le Comité médical pour les exilés, 260 000 € ;
85 L’association de coordination française pour l’allaitement maternel (COFAM),
IMAGINE 84 (aide alimentaire pour les fruits et légumes), l’Office international de
l’eau, l’AFNOR, le réseau national de surveillance aérobiologique.
104
COUR DES COMPTES
- près de 8,2 M€ attribués à 40 associations au titre des risques
infectieux, c’est-à-dire au titre du VIH/sida et des pathologies associées.
Parmi elle, AIDES reçoit de l’administration centrale au titre de 2009 des
subventions d’un montant de 3,6 M€, l’association ARCAT
86
350 000€
(1,05 M€ pour la période 2009-2012), le SNEG
87
650 000€, Afrique avenir
130 000€ et le Mouvement français pour le planning familial 381 800 €.
La politique d’allocation et de répartition de ces subventions
n’obéit à aucun critère objectif.
Ainsi, en 2009, 43 % d’entre elles ont été
accordées au titre de la prévention du VIH/sida, contre 32 % au titre des
maladies chroniques. Par ailleurs, malgré les incertitudes qui affectent
l’exhaustivité des données du système d’information, le montant des
subventions accordées par les GRSP aux associations locales au titre du
VIH/Sida et IST peut être estimé à environ 16 % du total en 2009 alors
que d’autres pathologies ont un impact bien plus élevé
88
.
Pour clarifier les différentes modalités de participation des
associations au processus de planification nationale en santé, la DGS a
toutefois mené au printemps 2010 une enquête à destination des
associations d’usagers oeuvrant dans le secteur de la santé. Celle–ci lui a
permis de prendre conscience de la nécessité d’une meilleure
définition
du rôle de ces associations et d’une clarification de ses attentes à leur
endroit, soit comme porte parole des besoins des usagers, soit comme
prestataires de services pour la mise en oeuvre des plans de santé publique
en organisant le débat public et enfin de formalisation des règles de
partenariat entre les associations et ses services.
B - Le réseau associatif local : l’exemple des IREPS et
ORS
La politique publique de prévention a cherché à s’appuyer sur des
relais locaux proches de la société civile, notamment sur deux réseaux
associatifs importants : celui des CRES/IREPS et celui des ORS.
86 Association de recherche, de communication et d’action pour l’accès aux
traitements.
87 Syndicat national des entreprises gays.
88 L’OMS estime ainsi à 35 000 les DALYs perdus en France pour cause de VIH, et à
11 000 les DALYs perdus pour cause d’infections sexuellement transmissibles. Ces
valeurs sont à confronter aux 858 000 DALYs perdus liés aux maladies
cardiovasculaires, aux 159 000 liés au diabète et 1 355 000 du fait des cancers.
L’INSUFFISANCE DE PILOTAGE DE LA POLITIQUE ET DES ACTEURS
DE LA PREVENTION SANITAIRE
105
1 -
Les associations d’éducation pour la santé et pôles de
compétences
Les réseaux locaux de diffusion et d’animation d’actions de
prévention
reposent
notamment
sur
les
comités
départementaux
d’éducation pour la santé (CODES) et les comités régionaux d’éducation
pour la santé (CRES), qui se transforment progressivement en IREPS
(instances régionales d’éducation et de promotion de la santé), ainsi que
sur le développement de « pôles régionaux de compétences en éducation
pour la santé ».
Les CODES et les CRES sont des associations à but non lucratif
régies par la loi du 1
er
juillet 1901, soutenues principalement par l’Etat,
l’assurance maladie et
les collectivités locales. Leur but est de favoriser
les échanges et la concertation entre les différents acteurs locaux en
matière de promotion de la santé et d’éducation pour la santé
(associations, élus, organismes de protection sociale etc).
En l’absence de définition d’un périmètre clair pour chacun et du
développement contre-productif d’une forme de concurrence entre CRES
et CODES, il a été décidé de créer dans chaque région une instance
régionale d’éducation et de promotion de la santé (IREPS) unique,
regroupant le CRES et les CODES volontaires. Cette substitution est
progressive. Certains comités ont fusionné, d’autres se sont fédérés au
sein d’une IREPS ; d’autres enfin ont décidé de ne pas adhérer.
Les
IREPS disposent finalement d’une double tête : la fédération nationale
d’éducation et de promotion de la santé (FNES) qui les fédère et l’INPES
qui coordonne leurs activités à travers les pôles de régionaux de
compétences.
De son côté, le plan national d’éducation pour la santé (PNEPS) de
janvier 2001 visait le développement de l’éducation pour la santé dans les
régions à travers notamment la mise en oeuvre des schémas régionaux
d’éducation pour la santé (SREPS). La circulaire du 22 octobre 2001
relative à l’élaboration des SREPS
89
prévoyait la mise en place de pôles
régionaux de compétences. Ces pôles ont été instaurés dans le cadre d’un
appel à projets piloté par l’INPES en 2004. Ils constituent des plates-
formes de compétences en éducation pour la santé sur les fonctions
supports à caractère transversal, destinées à l’ensemble des acteurs
institutionnels et associatifs de proximité: appui documentaire, conseil
méthodologique, formation, ingénierie de projet, évaluation etc. Vint-six
89 Circulaire n° DGS/SD6/2001/504 du 22 octobre 2001 relative à l’élaboration des
schémas régionaux d’éducation pour la santé
106
COUR DES COMPTES
pôles ont été mis en place. A l’exception de la Guyane,
tous les pôles de
compétences sont portés aujourd’hui par l’IREPS de la région.
Une évaluation des pôles réalisée en 2008 à la demande de
l’INPES par un prestataire extérieur conclut que le bilan est
« globalement positif ».
Mais le rapport mentionne la faible visibilité des
pôles sur le terrain, le caractère perfectible de l’harmonisation de leurs
missions et de l’homogénéisation des pratiques, l’absence de comptabilité
analytique et la qualité hétérogène des bilans d’activité empêchant d’en
connaître précisément la nature.
L’organisation de l’animation de ces réseaux de prévention va par
ailleurs évoluer du fait de la création des ARS. L’INPES tient à renforcer
la professionnalisation et la coordination des pôles de compétences, pour
qu’ils puissent offrir aux ARS une expertise spécialisée dans le domaine
des fonctions supports en éducation pour la santé. L’institut souhaite
consolider ces pôles par des conventions pluriannuelles d’objectifs et a
défini un cahier des charges précisant le fonctionnement du pôle, ses
missions, sa composition, le mode de suivi et d’évaluation et une
procédure de subventionnement qui intègre l’avis des ARS.
2 -
Les observatoires régionaux de la santé (ORS)
Constitués principalement au début des années 1980, les 26
observatoires régionaux de la santé (ORS) ont contribué aux diagnostics
réalisés dans le cadre des travaux des différents plans régionaux (SROS
90
,
PRSP, programmes régionaux d’accès à la prévention et aux soins ou
PRAPS, plans régionaux de la qualité de l’air ou PRQA…) et
infrarégionaux (schémas handicapés, personnes âgées, enfance-famille
des conseils généraux, diagnostics locaux). Cependant, l’intérêt d’une
observation régionale de la santé restant peu reconnu au niveau national,
le dispositif des ORS n’a de fait jamais été complètement légitimé. Ainsi,
en dépit des efforts des ORS, sont constatés d’une part une grande
disparité des situations régionales, des moyens mobilisés et de l’activité
d’observation mise en oeuvre, qui n’est pas nécessairement en rapport
avec les besoins locaux et, d’autre part, la faible articulation entre les
niveaux national et régional de l’observation.
La fédération nationale des ORS (FNORS), créée en 1988, a pour
objectifs de favoriser les échanges entre les ORS, d’assurer la
coordination des travaux impliquant tout ou partie des ORS et d’assurer la
représentation des observatoires auprès de leurs partenaires nationaux. En
90 Schémas régionaux d’organisation sanitaire.
L’INSUFFISANCE DE PILOTAGE DE LA POLITIQUE ET DES ACTEURS
DE LA PREVENTION SANITAIRE
107
application d’une convention pluriannuelle d’objectifs
91
signée en 2006
avec le ministère de la santé, représenté par la DGS et la DREES,
et
révisée par avenants, la FNORS s’engage à réaliser un programme de
travail répondant aux besoins
d’un développement de l’observation
régionale et locale de santé. Elle est principalement financée par la
subvention versée par le ministère de la santé (650 000 € en 2008 et
600 000 € en 2009)
92
.
Le réseau associatif des ORS s’inscrit dans un paysage
institutionnel complexe. En effet, l’état des lieux précité de l’observation
de la santé et de ses déterminants en région, établi par la FNORS et un
prestataire à la demande de la DGS
93
,
recense au total 1 215 structures ou
services d’observation de la santé et de ses déterminants, soit une
moyenne de 46,7 structures ou dispositifs par région. Ce nombre varie
entre 17 et 93 selon la région.
Outre
les
ORS,
les
structures
et
dispositifs
régionaux
généralistes sont principalement les directions régionales de l’INSEE, les
cellules interrégionales d’épidémiologie
94
(CIRE), les centres régionaux
pour l’enfance et l’adolescence inadaptée
95
(CREAI), les services
d’observation sanitaire et sociale des DRJSCS
96
, les services statistiques
et d’observation des ARS, des URPS
97
, des directions régionales du
service médical du régime général d’assurance maladie, de la MSA, du
RSI, des CAF, des DIRECCTE
98
etc.
S’ajoutent d’autres structures d’observation de la santé plus
thématiques, comme les observatoires régionaux de la santé au travail, les
91 Une nouvelle convention doit être signée pour la période 2010-2012.
92 La subvention représente en 2008 et 2009 respectivement 56 % et 44 % du total
des produits de la FNORS.
93 FNORS et Pratiques de santé. Etat des lieux de l’observation en santé et de ses
déterminants en région. Mai 2010.
94 Les CIRE relaient l’action de l’INVS et exercent une partie de ses missions dans
les régions. Elles sont placées sous la responsabilité scientifique de la directrice
générale de l’INVS et sont localisées en principe au sein des ARS. Sur les 17 CIRE, 9
sont interrégionales. Environ 130 personnes sont employées dans les CIRE, dont 90
épidémiologistes en CDI.
95 Les CREAI ont été créés en 1964 par arrêté du ministre de la santé. Ils sont fédérés
depuis 1988 au sein de l’association nationale des CREAI (ANCREAI).
96 Directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale.
97 Unions régionales des professionnels de santé.
98 Directions
régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du
travail et de l’emploi.
108
COUR DES COMPTES
OMEDIT
99
, les COTRIM
100
, les CCLIN
101
, les centres d’information
régionaux sur les drogues et les dépendances, les CRIPS
102
, les CODES
et IREPS précités. Des structures interviennent également au titre des
transports, de l’emploi, de l’habitat social et bien sûr d’activités sociales
ou médico-sociales : les observatoires régionaux de la sécurité routière,
les observatoires régionaux de l’emploi et de la formation, les
observatoires de l’emploi et de l’insertion professionnelle des personnes
handicapées, les observatoires de la vie étudiante, les ARACT
103
, les
observatoires du logement social, les observatoires des CCAS, les
maisons départementales des personnes handicapées etc.
Les structures régionales et départementales d’observation de la
santé et de ses déterminants sont ainsi extrêmement morcelées et
dispersées.
C’est dire toute la complexité et la difficulté de la tâche des ARS,
chargées, en application de l’article L.1431-2 du code la santé publique,
d’organiser, «
en s'appuyant en tant que de besoin sur les observatoires
régionaux de la santé, la veille sanitaire, l'observation de la santé dans la
région, le recueil et le traitement des signalements d'événements
sanitaires ».
Cette dispersion se retrouve au demeurant au niveau des structures
associatives locales dédiées à des actions de prévention.
C - La complexité des
structures locales de dépistage et
de vaccination
1 -
La dualité des structures de dépistage anonyme et gratuit du
VIH et des IST
Dans son rapport public annuel de février 2010, la Cour a souligné
le manque de cohérence de l’offre de dépistage anonyme et gratuit du
VIH et des infections sexuellement transmissibles (IST), en raison de la
coexistence des 352 centres de dépistage anonyme et gratuit du VIH et
des hépatites B et C (CDAG) d’une part et des centres d’information, de
99 Observatoires des médicaments, des dispositifs médicaux et des innovations
thérapeutiques.
100 Comités techniques régionaux de l’information médicale. Ils ont été créés en
1995 pour veiller à la qualité de l’information médicale du PMSI.
101 Centres de coordination de la lutte contre les infections nosocomiales.
102 Centres régionaux d’information et de prévention du sida.
103 Associations régionales pour l’amélioration des conditions de travail.
L’INSUFFISANCE DE PILOTAGE DE LA POLITIQUE ET DES ACTEURS
DE LA PREVENTION SANITAIRE
109
dépistage et de diagnostic des IST (CIDDIST), au nombre de 275 en
2008, d’autre part.
En effet, la réattribution à l’Etat en 2004 de la responsabilité de la
lutte contre les IST, auparavant confiée aux conseils généraux, n’a pas
conduit le ministère de la santé à mettre en place une offre unique de
dépistage anonyme et gratuit par la voie d’un regroupement des CDAG et
des dispensaires antivénériens (DAV). Ces derniers ont été transformés
en CIDDIST qui sont soit gérés par les collectivités locales par
convention avec l’Etat, soit implantés dans des services hospitaliers ou
des centres de santé habilités par les DDASS.
Trente CIDDIST ne dépistent pas le VIH et 108 CDAG ne
dépistent pas les IST. Les CDAG qui ont également la qualité de
CIDDIST ne proposent pas systématiquement un dépistage des IST et
inversement. En outre, quelques départements demeurent encore
dépourvus de toute offre de dépistage anonyme et gratuit des IST autres
que le VIH/sida
(Côtes d’Armor, Indre, Manche et Meuse). Les CDAG
sont financés par l’assurance maladie et les CIDDIST par le budget de
l’Etat, des conseils généraux maintenant cependant des contributions
volontaires. Les CDAG-CIDDIST doivent établir deux budgets et deux
rapports d’activité distincts.
Le rapport 2008 du groupe d’experts sur la prise en charge
médicale des personnes infectées par le VIH a recommandé de les
fusionner. Demandée par la DGS dans le cadre de la préparation des
projets de loi de financement de la sécurité sociale pour les années 2009
et 2010, cette mesure n’a toutefois pas été retenue.
2 -
Les structures associatives de dépistage organisé du cancer du
sein et du cancer colorectal
Au
niveau local, les programmes de dépistage organisé des
cancers sont mis en oeuvre par 92 structures de gestion départementales
ou interdépartementales
104
qui sont en grande majorité des associations,
principalement cofinancées par l’Etat et l’assurance maladie, des
ressources complémentaires pouvant provenir des
conseils généraux.
Alors qu’elles ont été initialement créées dans chaque département
pour gérer les expérimentations du dépistage organisé du cancer du sein,
l’efficacité de leur organisation n’a pas été évaluée lors de la
généralisation de ce dépistage. La gestion du dépistage du cancer
104 Arrêté du 29 septembre 2006 relatif aux programmes de dépistage des cancers.
110
COUR DES COMPTES
colorectal ainsi que celle de l’expérimentation du dépistage du cancer du
col de l’utérus leur ont ensuite été confiées.
Leurs missions sont définies par un cahier des charges annexé à
l’arrêté du 29 septembre 2006. Les missions sur le cancer du sein
consistent à organiser l’envoi aux assurés des invitations au dépistage, à
organiser et coordonner la deuxième lecture des mammographies qui est
réalisée
sur
film
radiographique,
ainsi
qu’à
effectuer
un
suivi
épidémiologique en lien avec l’INVS.
Le développement de la mammographie numérique et l’envoi par
voie électronique des clichés actuellement à l’étude risquent de remettre
en cause leur dimensionnement actuel. Pour le cancer colorectal, elles
assurent l’envoi des invitations, la distribution des tests aux médecins et
la réception des résultats des laboratoires pour suivi en lien avec l’INVS.
Leur mission constitue un fort enjeu de santé publique :
16 millions de personnes sont invitées pour le dépistage du cancer
colorectal et 8 millions pour le dépistage du cancer du sein tous les deux
ans ; le coût total pour l’assurance maladie est estimé par la CNAMTS à
80 millions d’euros en 2009. Cette organisation départementale suscite
cependant des questions relatives à son coût de fonctionnement et à
l’unité de son action sur l’ensemble du territoire.
3 -
La dispersion des lieux de vaccination et des modes de
financement
L’organisation
de
la
vaccination
présente
les
mêmes
caractéristiques de dispersion des acteurs ; comme pour les structures de
dépistage des IST, cette situation est en partie liée à l’héritage de
l’organisation qui prévalait avant la réattribution à l’Etat de la
compétence vaccinale par la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux
libertés et responsabilités locales.
L’INSUFFISANCE DE PILOTAGE DE LA POLITIQUE ET DES ACTEURS
DE LA PREVENTION SANITAIRE
111
La politique vaccinale
Il est admis aujourd’hui que les politiques de prévention doivent faire
appel à la fois à la responsabilité individuelle et à la responsabilité collective,
cette dernière consistant à agir sur l’environnement de l’individu pour
l’inciter à effectuer les choix les plus favorables à sa santé. Ainsi, l’évolution
de la politique vaccinale traduit celle
des modes d’intervention des pouvoirs
publics, qui suppriment progressivement l’obligation pour privilégier la
recommandation. Cette valorisation de la responsabilisation individuelle et
du consentement éclairé des professionnels de santé et des patients
présuppose que ces derniers soient bien informés et libres de leurs choix
105
.
Le choix de la recommandation peut également s’expliquer par les craintes
des pouvoirs publics de mise en jeu de leur responsabilité en cas d’accident
vaccinal.
La vaccination contre la diphtérie a été rendue obligatoire en 1938,
la vaccination contre le tétanos en 1940, en 1950 le BCG anti tuberculinique,
en 1964 la vaccination contre la poliomyélite.
Mais
en
1969,
le
vaccin
antigrippal
a
fait
l’objet
d’une
recommandation ; de même les vaccins contre les maladies infectieuses
infantiles apparus dans les années 1970 ont fait l’objet de recommandations
sans être rendus obligatoires. L’obligation de vaccination des enfants et
adolescents par le BCG avant leur entrée en collectivité a été suspendue par
le décret du 17 juillet 2007
106
au profit d’une recommandation forte de
vaccination des enfants exposés
.
Les vaccins plus récents ne font l’objet que
d’une recommandation. Ainsi, Le CTV recommande que la vaccination
contre l’hépatite B continue de s’appliquer à tous les nourrissons. Il confirme
que tous les enfants, à l’âge de 24 mois, devraient avoir reçu 2 doses du
vaccin trivalent contre la rougeole, les oreillons et la rubéole, alors que le
taux actuel de couverture vaccinale est de 87 % pour 1 dose à l’âge de 24
mois. La toute récente vaccination contre les infections à papillomavirus
humains est elle aussi recommandée, pour toutes les jeunes filles âgées de 14
ans.
105 Traité de prévention. F. Bourdillon (sous la direction de). Chapitre 30 « Politiques
vaccinales ». Didier Torny.
106 Décret n°2007-1111 du 17 juillet 2007 relatif à l’obligation vaccinale par le
vaccin antituberculeux BCG.
112
COUR DES COMPTES
Les médecins libéraux, principalement les généralistes et les
pédiatres, réalisent dans leurs cabinets environ 80 % des vaccinations
107
.
Les centres de PMI, qui suivent les enfants jusqu’à l’âge de six ans, en
assurent en moyenne 12 à 15 % avec toutefois de fortes variations selon
les départements (allant jusqu’à 70 %). Enfin, depuis la loi précitée du
13 août 2004, les collectivités territoriales peuvent exercer des activités
en matière de vaccination dans le cadre d’une convention conclue avec
l’Etat (52 conseils généraux en 2010). Les activités de vaccination
proposées par les conseils généraux sont très variables, allant de la seule
fourniture de vaccins (achetés à des prix négociés) jusqu’à des services
plus diversifiés associant la gestion de centres ou antennes de vaccination,
des actions d’information etc. De façon plus ponctuelle, dans certains des
49 départements où le conseil général a abandonné cette compétence, des
DDAS ont passé des conventions ont été passées par les services de l’Etat
avec des communes, (leur nombre n’est pas connu). Par ailleurs,
ont été
habilitées pour trois ans des structures (établissements hospitaliers,
associations gérant des centres de santé), qui étaient financées par l’Etat
via les DRASS et les GRSP
108
. D’autres services concourent aux
vaccinations dans des proportions plus marginales
109
. Au global, le
nombre de centres de vaccination n’est aujourd’hui pas connu des
services du ministère de la santé.
Une note présentée par les services de la CNAMTS à la
commission de la réglementation le 9 février 2010 constate que
« la
multiplicité des gestionnaires des lieux où sont administrés les vaccins
entraîne une variabilité des modes de financement des vaccinations :
Etat,
collectivités
territoriales,
assurance
maladie,
assurances
complémentaires et rend très difficile le suivi des vaccinations et la
mesure de la couverture vaccinale ».
107 En application de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007, le décret n° 2008-
877 du 29 août 2008 habilite les infirmiers à pratiquer l'injection du vaccin
antigrippal, à l'exception de la première injection. Les sages femmes peuvent aussi
réaliser certaines vaccinations en application de l’arrêté du 22 mars 2005 fixant la liste
des vaccinations que les sages-femmes sont autorisées à pratiquer.
108 Note des services de la CNAMTS du 9 février 2010.
109 Les centres de consultation de planification familiale qui peuvent proposer les
vaccinations contre la rubéole et l’hépatite B, les services de promotion de la santé en
faveur des élèves, les services de la médecine du travail, les centres de vaccination
pour les voyageurs, les CDAG du VIH qui peuvent proposer la vaccination contre
l’hépatite B. les SUMPPPS (services universitaires de médecine préventive et de
promotion de la santé) et les SCHS (services communaux d’hygiène et de santé).
L’INSUFFISANCE DE PILOTAGE DE LA POLITIQUE ET DES ACTEURS
DE LA PREVENTION SANITAIRE
113
Le financement des activités de vaccination exercées par les
départements dans le cadre des conventions passées avec l’Etat n’est pas
connu : il est intégré dans les dotations générales de décentralisation sans
être individualisé. Par ailleurs, selon la DGS, la comptabilité analytique
des départements ne permet pas de restituer les coûts liés aux activités de
vaccination. Enfin, les dépenses des départements relatives aux
vaccinations réalisées par les PMI leur sont en partie remboursées par
l’assurance maladie selon des modalités encore hétérogènes mais
actuellement en cours d’harmonisation par la CNAMTS.
Les taux de couverture vaccinale sont mesurés, pour les
nourrissons, à partir des certificats de santé des enfants de 24 mois,
regroupés au niveau départemental par les services de PMI et exploités
par la DREES et l’INVS.
L’exploitation de ces certificats de santé est
longue. Ainsi, l’INVS a mis
à disposition en 2010 seulement les taux de
couverture vaccinale rougeole « une dose » à l’âge de 24 mois sur les
années 2004 à 2007. La couverture vaccinale chez l’enfant plus grand est
estimée d’une part par des études réalisées chez les enfants de 4 ans par
les services de PMI
110
, d’autre part à travers un cycle triennal d’enquêtes
scolaires qui ont lieu chaque année depuis 2001 alternativement en
grande section de maternelle (enfants de 6 ans), en CM2 (enfants de 11
ans) et en classe de 3ème (enfants de 15 ans) : les données disponibles en
2010 sur le site de l’INVS portaient ainsi sur la période 2001-2006.
Par ailleurs, selon le guide des vaccinations 2008 élaboré par le
comité technique des vaccinations à l’attention des professionnels de
santé,
« il n’existe pas de données régulières de couverture vaccinale au
niveau national chez l’adolescent ou chez l’adulte »
pour tous les
vaccins
111
.
Alors que les acteurs de la prévention interviennent trop souvent en
ordre dispersé, les représentants des intérêts économiques s’organisent en
revanche pour tenter de limiter l’impact des politiques de prévention sur
le développement de leur activité.
110 Direction générale de la santé, Comité technique des vaccinations. Guide des
vaccinations. Edition 2008. Saint-Denisn coll.Varia, 2008. Page 116.
111Direction générale de la santé, Comité technique des vaccinations. Guide des
vaccinations. Edition 2008. Saint-Denisn coll.Varia, 2008. Page 116.
114
COUR DES COMPTES
IV
-
Les stratégies de prévention et la prise en
compte des intérêts économiques
Les actions d’information, de communication et d’éducation font
appel généralement à la responsabilité individuelle. Les actions de nature
réglementaire, la fiscalité ou des politiques de financement d’associations
de prévention ou en faveur de certains produits permettent d’agir sur
l’environnement collectif des individus et le plus souvent de réduire les
inégalités sociales de chances en santé.
La littérature scientifique reconnaît qu’il est nécessaire de trouver
un équilibre entre l’appel à la responsabilité individuelle et la
responsabilité
collective
112
qui
ne
s’opposent
pas
mais
sont
complémentaires.
Des études d’évaluation de l’efficacité relative des différentes
actions d’une politique de prévention ont été menées principalement dans
les domaines du tabagisme, de l’alcool et de la nutrition. Elles démontrent
que les approches réglementaires, quand elles sont appliquées, ont un
impact plus grand que les approches par l’information, la communication
et l’éducation.
En effet, des mesures qui s’imposent à tous, immédiatement et en
tous lieux, présentent ce que certains experts appellent une « forte densité
préventive ». En se référant aux travaux d’Abrams
113
,
des experts
expliquent que plus le nombre de points de décisions augmente, plus la
densité préventive baisse
114
. « Ainsi l’édiction d’un décret d’interdiction
de fumer dans les lieux publics, ou la décision d’augmenter des taxes sur
les produits du tabac présentent les deux avantages suivants : le nombre
de lieux de décisions est très faible, et comme la décision s’impose à tous
par la loi, la dissémination de l’action préventive est relativement simple.
A contrario, le souhait de vouloir adopter une mesure préventive par
60 000 médecins conduit à ce qu’il y ait 60 000 lieux de décision dont
l’issue, sans incitations fortes, est très incertaine ». En outre, si
une
112 Brownell, K.D., et al., Personal responsability and obesity : a constructive
approach to a controversial issue. Health Aff (Millwood), 2010.
113 Abrams DB, Orleans CT, Niaura RS, Goldstein MG, Prochaska JO, Velicer W.
Integrating individual and public health perspectives for treatment of tobacco
dependance under managed health care : a combined stepped-care and matching
model. Ann Behav Med 1996.
114 Arwidson P. Melihan Cheinin P. Evaluation en prévention. Exemples dans le
domaine du tabac, de l’alcool et de la nutrition. In Bourdillon F (eds).
Traité de
prévention. Paris, Médecine-Sciences Flammarion, 2009, page 115-122.
L’INSUFFISANCE DE PILOTAGE DE LA POLITIQUE ET DES ACTEURS
DE LA PREVENTION SANITAIRE
115
mesure réglementaire s’impose à tous et en tous lieux, une action
d’information et d’éducation nécessite notamment que le public concerné
soit attentif, réceptif et actif par lui-même.
A contrario, les représentants des intérêts en cause mettent souvent
en avant la responsabilité individuelle au détriment de la responsabilité
collective. Leur message peut conduire à privilégier les actions
d’information
et
de
communication
au
détriment
des
mesures
réglementaires, en tout cas à privilégier des moyens d’action qui ne sont
donc pas reconnus comme les plus efficaces sur le plan scientifique.
Dans une note de réflexion pour une politique nationale de santé
publique 2010-2014 d’avril 2010, la DGS constate:
« Pour ne citer que
trois déterminants importants de la santé (tabac, alcool et nutrition), des
travaux scientifiques internationaux
convergents ont identifié les pistes
d’action les plus efficaces :
en ce qui concerne le tabac, il s’agit d’actions sur la demande
(prix, suppression de la publicité, interdiction de fumer …). A
l’inverse, d’autres actions (prohibition, restriction de l’accès
pour les mineurs, substitution
et diversification des cultures)
sont apparues relativement peu efficaces ;
dans le champ de l’alcool, la réglementation de l’offre et la
réduction de la demande en agissant sur les prix sont parmi les
stratégies les plus efficaces ;
dans le domaine de la nutrition, les experts internationaux
recommandent
une
action
sur
l’environnement
du
consommateur (interdiction de la publicité en direction des
enfants, recours à la fiscalité
sur certains aliments, en
particulier les boissons sucrées).
En dépit des résultats reconnus de ces études internationales, ce
type de réglementation et recommandations préventives est contestée
[….] aussi parce que des messages divergents se font entendre par
ailleurs.
Certains groupes d’intérêt mettent en cause la pertinence des
mesures prises ou envisagées, parfois leur fondement scientifique, afin de
limiter ce qu’ils considèrent comme un impact négatif de la politique de
santé publique sur leur activité ».
116
COUR DES COMPTES
De fait, se déploient face aux stratégies de prévention sanitaire des
contre-stratégies de lobbying
115
,
qui peuvent se fixer différents objectifs,
parmi lesquels :
la promotion des produits et les investissements publicitaires.
En 2006, par exemple, le montant des investissements
publicitaires pour les boissons alcoolisées s’est élevé à
306 M€, soit presque trois fois le budget de l’INPES
116
;
l’action sur les décideurs et relais d’opinion ;
l’information du public sur des bases scientifiques, et
notamment la valorisation d’études scientifiques favorables
aux lobbies ;
la limitation du champ d’intervention laissé aux acteurs de
santé publique, notamment la contestation de l’effet négatif sur
la santé de prix promotionnels ou attractifs de certains
produits, et plus généralement la contestation de la légitimité
des professionnels de la santé publique à intervenir sur un
champ non pas seulement médical mais aussi économique.
Deux domaines peuvent illustrer l’incidence de telles stratégies sur
les politiques de prévention.
A - La prévention de l’obésité chez l’enfant
L’exemple de la publicité pour les produits alimentaires destinée
aux enfants est particulièrement significatif de la manière dont pèsent les
opérateurs économiques issus des secteurs agro-alimentaire et audiovisuel
dans la définition de la politique de prévention sanitaire,
L’interdiction
de
messages
publicitaires
pour
les
produits
alimentaires, notamment sucrés, dans les programmes pour enfants fait
l’objet de débats récurrents.
115 Traité de prévention. F. Bourdillon (sous la direction de). « La prévention et les
lobbies ». Bernard Basset, directeur adjoint de l’INPES.
116 Idem.
L’INSUFFISANCE DE PILOTAGE DE LA POLITIQUE ET DES ACTEURS
DE LA PREVENTION SANITAIRE
117
Le point de vue des chercheurs
Les modes de vie dans les sociétés contemporaines seraient propices
au développement d’épidémie d’obésité du fait d’une part de l’augmentation
de l’offre alimentaire et sa densité calorique et, d’autre part, de la baisse des
opportunités d’activité physique et de l’incitation à la sédentarité.
La contribution respective de la baisse de la dépense énergétique et de
l’accroissement de l’absorption calorique sur l’épidémie de prise de poids a
été étudiée par l’australien Swinburn
117
. Cette équipe a comparé la prise de
poids de la population américaine entre les années 1970 et 2000. La prise de
poids mesurée sur cette période est de 4 kg pour les enfants et de 8,6 kg pour
les adultes. La première conclusion de ces auteurs est que l’accroissement de
l’offre calorique suffit à expliquer la prise de poids aux Etats Unis. Leur
deuxième conclusion est que le développement de la sédentarité dans la
société américaine, (tertiarisation, automobiles et télévision) sont antérieures
à l’épidémie d’obésité.
Selon l’INPES, des chercheurs (Carter et collègues)
118
ont comparé
différentes politiques publiques de lutte contre l’obésité des enfants comme
l’interdiction de la publicité alimentaire destinée aux enfants, des
programmes en milieu scolaire, des initiatives pour favoriser la marche pour
se rendre à l’école, la prise en charge des enfants en surpoids et la chirurgie
gastrique pour les obèses. Il résulte de ces travaux que l’impact sur la santé
de la population et la rentabilité des programmes sont extrêmement variables
selon les approches.
Dans ce modèle, l’interdiction de la publicité alimentaire pour les
enfants permettrait de gagner 37 000 DALY et de réaliser 300 millions de
dollars d’économie par an, alors que le programme Pedibus (faire marcher les
enfants jusqu’à l’école) permettrait de gagner environ 30 DALY et
d’économiser
22 millions de dollars par an.
Une majorité d’experts s’est prononcée en faveur de l’interdiction
de la publicité pour les produits gras ou sucrés à destination des jeunes
enfants. L’OMS considère comme « probable », voire « convaincant », le
lien entre la survenue de maladies et la publicité pour les produits
117 Swinburn, B., G. Sacks, and E. Ravussin, Increased food energy supply is more
than sufficient to explain the US epidemic of obesity. Am J Clin Nutr, 2009. 90(6): p.
1453-6.
118 Carter, R., et al., Assessing cost-effectiveness in obesity (ACE-obesity) : an
overview of the ACE approach, economic methods and cost results. BMC Public
Health, 2009.
118
COUR DES COMPTES
alimentaires
de
haute
densité
énergétique
119
.
En
mars
2009,
22 associations et sociétés savantes ont demandé officiellement au
Parlement dans un communiqué de réglementer la publicité télévisée pour
les produits alimentaires à destination des enfants. Enfin, l’INPES dispose
d’études montrant notamment que des enfants et des adultes augmentent
significativement leur consommation alimentaire après avoir été exposés
à des publicités alimentaires à la télévision
120
, que c’est le contenu même
des publicités télévisuelles moins que la sédentarité engendrée par la
télévision qui favorise l’obésité
121
, et que les mesures volontaires de
régulation émanant des industriels eux-mêmes ont montré leurs limites
d’efficacité
122
. Aucun avis public de l’INPES sur cette importante
question
n’est toutefois disponible.
Les représentants du secteur audiovisuel, pour lequel la publicité
de produits alimentaires constitue une des principales sources de
financement, contestent pour leur part les effets sur l’obésité de la
suppression de la publicité alimentaire dans les programmes pour enfants.
Les études et résultats disponibles sont interprétés en effet différemment
par les experts et les représentants des intérêts économiques.
Par exemple, l’INPES indique qu’une étude récemment publiée en
Suède
123
rapporte une diminution de la prévalence de l’obésité chez
l’enfant de 10-11 ans, notamment chez les filles et qu’il y a donc eu une
évolution favorable de l’obésité dans ce pays, où est interdite la publicité
télévisuelle destinée aux jeunes enfants ; il souligne également que, parmi
toutes les provinces du Canada, c’est au Québec, où toutes les publicités
(quel que soit le produit promu) sont interdites auprès des moins de
12 ans depuis près de 30 ans, que la prévalence de l’obésité des enfants
est la plus faible (avec l’Alberta, province riche).
L’association nationale des industries agroalimentaires (ANIA)
utilise les mêmes exemples pour défendre la conclusion inverse : dans
l’éditorial de sa lettre d’information du 3 avril 2009, l’ANIA indique que
les mesures d’interdiction n’ont pas d’effet direct ou avéré sur le surpoids
119 OMS. Diet, nutrition and the prévention of chronic diseases. Genève, 2003.
120 Harris et al. Priming effects of TV food advertising on eating behavior. Health
Psychology, 2009, 28 n° 4, 404-413.
121 Zimmerman et al. Association of TV content type and obesity in children.
American Journal of Public Health. 2010, 100, n° 2, 334-340.
122 Hawkes C. Self-regulation of food advertising : what it can, could and cannot dot
to discourage unhealthy eating habits among children. Nutrition Bulletin. 2005, 30,
374-382.
123 Sjoberg et al. Recent anthropometric trends among Swedish school children :
evidence for decreasing prevalence of overweight in girls. Acta Pediatra ISSN 0803-
5253.
L’INSUFFISANCE DE PILOTAGE DE LA POLITIQUE ET DES ACTEURS
DE LA PREVENTION SANITAIRE
119
et l’obésité.
« En Suède, où la publicité alimentaire n’a jamais été utilisée
sur les écrans jeunesse (enfants de moins de 12 ans), le taux de surpoids
chez les enfants est similaire à celui de la France (18 %). Au Québec, où
la publicité est interdite depuis 1980, le taux de surpoids infantile est
passé de 11,5 % en 1981 à 29,4 % en 1991 : l’interdiction de la publicité
alimentaire à la télévision n’a donc pas permis d’inverser la courbe de
progression de l’obésité ».
Les représentants du secteur audiovisuel
prennent également l’exemple du Québec pour récuser l’existence d’une
corrélation entre la durée de la publicité alimentaire télévisée vue par les
enfants et le développement de leur obésité : au Québec,
« où les enfants
sont isolés de la publicité depuis trente ans : l’obésité infantile a
quasiment doublé pendant la même période ».
124
Dans les faits, l’évolution de la prévalence du surpoids chez
l’enfant est sous l’influence de nombreux facteurs qui agissent de façon
concomitante. L’association d’une interdiction de publicité alimentaire
(souvent uniquement à la télévision) pour les enfants dans un Etat avec
une évolution non favorable du surpoids ne suffit pas pour conclure qu’il
ne faut pas l’interdire. Selon l’INPES, de nombreux autres facteurs
entrent en jeu. Il faut, entre autres, étudier l’étendue de l’interdiction : les
médias Internet, magazines enfants, affiches, publicité sur les lieux de
vente, cadeaux promotionnels, personnages attachants associés à la
marque, etc… Il existe également une porosité internationale. En cas
d’interdiction de la publicité dans un pays, les annonceurs investissent
alors dans des chaines internationales à juridiction étrangère pour toucher
les jeunes
125
.
En tout état de cause le Conseil supérieur de l’audiovisuel
considère pour sa part, comme l’a exprimé publiquement l’un de ses
membres, que
« si la suppression de la publicité alimentaire dans les
programmes pour enfants est loin d'être un instrument efficace dans le
combat contre l'obésité, ses conséquences économiques seraient en
revanche certaines sur notre secteur audiovisuel structurellement sous-
financé : conséquences sur l'emploi, sur les chaînes de télévision, sur
l'offre de programmes pour les enfants et sur le financement du cinéma.
En effet, la publicité alimentaire et notre première industrie française,
l'agroalimentaire, sont l'une des bases fondamentales du modèle
124 « Lutte contre l’obésité infantile : les paradoxes de la télévision,
partenaire d’une
régulation à la française ». Christine Kelly,
membre du CSA. Le Monde. 17 février
2010.
125 Le même phénomène a été observé en France : la publicité pour les marques de
cigarettes était diffusée
via des événements sportifs, comme les courses de formules 1
se déroulant dans un autre pays, mais diffusées en France.
120
COUR DES COMPTES
économique audiovisuel, car elle assure aux diffuseurs les moyens
nécessaires au développement de la création. ».
Pour autant, les débats parlementaires à ce sujet sont récurrents.
Lors de l’examen du projet de loi HPST, la commission des affaires
culturelles, familiales et sociales de l’Assemblée nationale avait proposé
un amendement interdisant la diffusion des messages publicitaires
télévisés ou radiodiffusés portant sur les produits alimentaires sucrés
pendant les émissions destinées aux enfants. Cet amendement a été
refusé.
Une « négociation extrêmement ardue avec un certain nombre
d’acteurs
du
secteur
audiovisuel,
d’annonceurs,
de
producteurs,
d’industriels de l’agroalimentaire »
126
a été menée par le ministère de la
santé qui a conduit à la signature le 18 février 2009 par les représentants
de l’industrie agro-alimentaire pour 5 ans d’une charte visant à
« promouvoir une alimentation équilibrée et une activité physique
favorables à la santé dans les programmes et les publicités diffusées à la
télévision », dont le CSA s’est vu confier le suivi. Dans ce cadre, a été
développé une campagne intitulée « Trop la pêche », constituée de 10
programmes courts d’une durée d’une minute trente chacun qui ont été
diffusées sur une quinzaine de chaînes, du 6 février au 7 mars 2010. 22
sociétés savantes et associations ont jugé cette charte inefficace « si on ne
limite pas parallèlement le marketing à destination des enfants pour les
aliments les plus riches ».
En mai 2010, un nouvel amendement a été déposé dans le cadre de
l’examen du projet de modernisation de l’agriculture et de la pêche
127
, qui
n’a pas été davantage adopté.
Alors que l’obésité continue de se développer chez les enfants des
familles les plus défavorisés
128
et chez les jeunes adultes, les mesures
prises avaient jusqu’à présent, écarté les dispositions reconnues comme
les plus efficaces par les experts internationaux, à savoir l’interdiction de
la publicité ou la taxation de certains aliments, au bénéfice de messages
incitatifs à une meilleure hygiène de vie. La toute récente décision du
gouvernement de créer une taxe sur les boissons sucrées marque à cet
égard une évolution positive.
126 Assemblée nationale. Compte-rendu intégral des débats. Deuxième séance du
lundi 9 mars 2009.
127 Amendement n° 594 visant à insérer un article additionnel ainsi rédigé : « La
publicité pour les produits alimentaires est interdite dans les programmes de télévision
destinés aux enfants de moins de treize ans ». Compte-rendu intégral des débats de la
séance du 20 mai 2010.
128 IGAS. Evaluation du PNNS 2. Avril 2010.
L’INSUFFISANCE DE PILOTAGE DE LA POLITIQUE ET DES ACTEURS
DE LA PREVENTION SANITAIRE
121
B - Les ambiguïtés récurrentes de la prévention des
risques liés à l’alcool
Les risques liés à la consommation d’alcool peinent toujours
malgré leur importance à être pleinement pris en compte dans les
politiques de prévention, notamment en ce qui concerne les produits
vinicoles. Ainsi le projet actuel du gouvernement d’accroitre la fiscalité et
les prélèvements sociaux sur les boissons alcoolisées ne portera que sur
les alcools forts et non sur le vin.
D’abord créé par décret du 4 octobre 2005
129
, un conseil de
modération et de prévention placé auprès des ministres chargés de la
santé et de l’agriculture a été institué par l’article 69 de la loi n° 2006-11
du 5 janvier 2006 d’orientation agricole et un décret du 14 février
2006
130
. Ce dernier prévoit qu’il s’agit d’une
« instance de dialogue et
d’échange qui ne se substitue pas aux instances qualifiées en matière de
santé publique ou de politique agricole. Il assiste et conseille les pouvoirs
publics dans l’élaboration et la mise en place des politiques de
prévention en matière de consommation d’alcool ».
Cet organisme est composé de huit parlementaires, de huit
représentants des ministères et des organismes publics, de huit
représentants d’associations et d’organismes intervenant notamment dans
le domaine de la santé, de la prévention de l’alcoolisme et de la sécurité
routière et enfin de huit représentants des entreprises et organisations
professionnelles des filières vitivinicoles.
Il est consulté sur les projets de
campagnes de communication publique relative à la consommation des
boissons
alcoolisées
et
sur
les
projets
de
textes
législatifs
et
réglementaires intervenant dans son domaine de compétence.
Les professionnels de la santé publique perçoivent ce conseil
comme une instance de protection des intérêts
viticoles
131
.
La campagne
sur un site internet préparée par l’INPES dénommée « alcool info
service » a conduit en 2010 le conseil à adresser au ministère de la santé
un
courrier
demandant
des
modifications
de
cette
campagne,
désapprouvant les conditions de sa
consultation et enfin regrettant la
129 Décret n° 2005-1249 du 4 octobre 2005 portant création du Conseil de
modération et de prévention.
130 Décret n° 2006-159 du 14 février 2006 portant création du Conseil de modération
et de prévention.
131 Traité de prévention. F. Bourdillon (sous la direction de). La prévention et les
lobbies. B. Basset. Communiqué de presse du 2 novembre 2005 de l’ANPAA : lettre
ouverte au premier ministre et ministre de la santé de l’ANPAA, de la SFA, de la
F3A, de CNUEA, de la FNES, de la société française de santé publique.
122
COUR DES COMPTES
stigmatisation du vin
132
. Une requête en référé avait été déposée à
l’encontre de cette campagne devant le tribunal administratif de Paris par
des représentants de la profession viticole dès son ouverture le
12 avril 2010 au motif notamment que les membres du conseil de la
modération
et
de
prévention
n’avaient
pas
reçu
les
éléments
d’information nécessaires à son examen.
La commission des affaires culturelles, familiales et sociales de
l’Assemblée nationale avait proposé dans le cadre de l’examen du projet
de loi HPST un amendement supprimant le conseil de modération et de
prévention
133
. Celui-ci n’a pas été adopté.
* **
Le caractère multifactoriel des déterminants de santé comme
la diversité des populations auxquelles les actions de prévention
s’adressent, justifient une vision interministérielle et transversale de
cette politique. Le cloisonnement et la dispersion des responsabilités
au niveau central entrave l’affirmation d’une politique de prévention
forte et ne peut que faciliter des contre stratégies de la part des
intérêts économiques pour
atténuer l’efficacité des mesures décidées.
La mise en place récente des ARS ne permet pas d’apprécier dans
quelle mesure ces structures seront à même de promouvoir une
dynamique locale en faveur de la prévention et de coordonner les très
nombreux acteurs locaux qui y contribuent.
Recommandation n° 7 : Afin de mettre en cohérence l’ensemble
des plans concernant la prévention sanitaire, arbitrer les éventuels
conflits d’intérêts et renforcer l’efficacité du pilotage de cette politique,
donner au DGS les compétences de délégué interministériel à la
prévention sanitaire.
132 Conseil de modération et de prévention. Procès-verbal. Projet n° 3. Réunion
plénière du 6 avril 2010.
133 Assemblée nationale. Compte-rendu n° 39 de la réunion de la commission des
affaires culturelles,
familiales et sociales du jeudi 5 février 2009.
Chapitre IV
Les limites de l’évaluation de la
politique de prévention sanitaire
L’évaluation dans toutes ses dimensions est un élément central de
la politique de prévention. Pourtant les différents types d’évaluation
actuellement mis en oeuvre par les pouvoirs publics sont perfectibles tant
ex ante qu’ex post.
I
-
Une expertise ex ante qui reste fragile
Plusieurs
difficultés subsistent à cet égard, indépendamment
même des risques de conflits d’intérêts qui peuvent exister au sein
d’institutions qui font appel à de très nombreux experts pour l’évaluation
des actions de prévention, en général en amont de la décision.
A - Des expertises parfois contradictoires
L’exemple des recommandations en matière de consommation
d’alcool que le HCSP a été conduit à émettre sur saisine du ministère de
la santé, à la suite de la publication d’un avis de l’INCa, illustre les
conséquences qui peuvent résulter des avis contradictoires rendus par des
instances d’expertise différentes.
124
COUR DES COMPTES
L’INCa a publié en novembre 2007 une expertise collective
« Alcool et risque de cancers : état des lieux des données scientifiques et
recommandations de santé publique »
134
qui montre que le risque de
cancers augmente de manière linéaire avec la dose d’éthanol apportée par
les boissons alcoolisées,
sans effet de seuil
et que même une
consommation modérée d’alcool augmente le risque de cancers. Cette
étude conclut qu’en matière de prévention des cancers, en l’absence de
dose sans effet, la consommation régulière d’alcool n’est pas conseillée.
Elle considère de même qu’en l’absence d’une expertise collective
évaluant avec une méthodologie rigoureuse le niveau de preuve de la
diminution du risque de maladies cardio-vasculaires associée à une
consommation
modérée
d’alcool,
et
considérant
les
risques
de
dépendance,
il
n’apparaît
pas
souhaitable
de
promouvoir
la
consommation modérée d’alcool en l’état actuel des connaissances.
Ces conclusions marquaient une évolution par rapport aux
recommandations du PNNS datant de 2003
135
selon lesquelles chez les
personnes
qui consomment des boissons alcoolisées, cet apport ne doit
pas dépasser 20g d’alcool pur par jour.
Conformément aux résultats de cette étude de 2007, la DGS et
l’INCA ont publié en février 2009, dans le cadre du PNNS, la brochure
« Nutrition et prévention des cancers » à destination des médecins dans
laquelle il est précisé qu’
« en matière de prévention des cancers, la
consommation d’alcool est déconseillée, quel que soit le type d’alcool ».
Les professionnels de la filière alcool et certains médias ont interprété
cette modification de recommandation comme un conseil d’abstinence
totale.
136
La ministre de la santé et des sports a demandé au Haut conseil de
la santé publique
137
, d’examiner s’il y avait lieu, au vu d’une expertise
du rapport de l’INCa, de modifier les recommandations sanitaires à
destination du public.
134 L’expertise a été réalisée par des experts du réseau NACRe en partenariat avec
des membres du département Prévention-Dépistage
de l’INCA entre juin 2006 et
mars 2007. Il a ensuite été relu et validé par plusieurs experts extérieurs en avril-mai
2007.
135 Source : Note d’analyse des recommandations en matière de consommation
d’alcool du Haut conseil de la santé publique (1er juillet 2009).
136 Note d’analyse des recommandations en matière de consommation d’alcool du
Haut conseil de la santé publique (1er juillet 2009).
137 Par lettre du 11 février 2009.
LES LIMITES DE L’EVALUATION DE LA POLITIQUE DE PREVENTION
SANITAIRE
125
Dans la note annexée à son avis du 1er juillet 2009 relatif aux
recommandations sanitaires en matière de consommation d’alcool, le
Haut conseil note que la plupart des recommandations mondiales
138
,
prennent
en
compte
le
possible
effet
protecteur
d’une
faible
consommation d’alcool à l’égard des maladies cardio-vasculaires. Le
rapport coordonné par l’INCA est plus nuancé sur
ce possible effet
protecteur, notamment en raison de deux méta-analyses récentes. Le Haut
conseil conclut qu’une recommandation nutritionnelle à visée de santé
publique ne peut être basée sur une morbi-mortalité spécifique, en
l’occurrence le cancer, mais qu’elle doit prendre en compte l’ensemble
des effets et impacts potentiels. Il estime donc qu’ « il n’y a pas à ce jour
d’argument convaincant pour justifier les recommandations actuelles
basées sur des repères de consommation, en faveur d’une abstinence
totale, telles que les recommandations de l’INCA ont pu être indument
interprétées ».
En conséquence, les repères nutritionnels du PNNS pour
l’amélioration de l’état de santé de la population générale, disponibles sur
manger-bouger.fr recommandaient en 2009 de ne pas dépasser 2 verres de
vin par jour (de 10 cl) pour les femmes et 3 pour les hommes.
Ces atermoiements et contradictions dans les recommandations
formulées par les experts sur un sujet aussi prioritaire que la prévention
des cancers nuisent à la cohérence et affaiblissent la force des messages.
La charte relative à la qualité des saisines par la DGS des établissements
du CASA, signée le 2 juin 2009, ne répond pas à ces observations.
B - Une approche pluridisciplinaire encore
embryonnaire
L’évaluation ex ante dans le domaine de la prévention, appelle une
approche
globale
et
pluridisciplinaire
appréhendant
les
aspects
scientifiques, économiques et financiers, mais aussi sociaux et sociétaux
d’un programme de prévention et de ses effets potentiels.
Comme indiqué précédemment, en Grande Bretagne, le NICE a
particulièrement développé l’approche médico-économique. En France,
ce
type
d’évaluation
débute.
Les
évaluations
« complètes »
qui
nécessitent une composition pluridisciplinaires des instances en charge,
sont encore balbutiantes
138 Dont celles de l’American Heart Association
et celles issues du rapport
WCRF/AICR138.
126
COUR DES COMPTES
La HAS est pour l’instant la seule instance d’expertise qui a
commencé
à
chercher
à
prendre
en
compte
cette
dimension
conformément aux missions qui lui sont confiées par la loi de
financement de la sécurité sociale pour 2008.
139
. Le principal avis rendu
aujourd'hui correspondant à une évaluation de « troisième niveau »
d’exigence tenant compte non seulement de l’efficacité médicale et des
coûts associés à l’intervention, mais aussi d’autres considérations
notamment sociologiques ou organisationnelles, est celui sur la
généralisation du dépistage de l’infection à VIH déjà évoqué. Pour cela,
la Haute autorité
a mobilisé d’abord des économistes.
Puis sont
intervenus des experts en sciences humaines, philosophes, sociologues,
épidémiologistes, qui ont notamment introduit la considération de l’équité
d’accès. Le recours à cette méthode pluridisciplinaire dans le cadre d’une
démarche scientifique imposerait toutefois la transparence sur l’ensemble
du processus de production de l’expertise. Actuellement, seul l’avis final
du collège est rendu public, de telle sorte que les données du débat ne
sont pas connues.
Le Haut Conseil de la santé publique ne se situe pas à ce niveau
d’analyse. Alors qu’il est chargé par les textes de fournir l’expertise
nécessaire à la conception et à l’évaluation des politiques et stratégies de
prévention, de par sa composition et du fait de la nature des compétences
qu’il a recrutées, il réalise assez peu d’études médico-économiques et
n’est pas en mesure d’apporter une expertise sociale ou sociétale.
II
-
Des évaluations ex post peu conclusives
Dans son article 2, la loi de 2004 pose le principe de la définition
des objectifs de santé publique tous les cinq ans. La mise en oeuvre de
cette loi et des programmes de santé qui précisent son application est
suivie annuellement et évaluée tous les cinq ans.
La DREES et le HCSP se partagent cette mission, la première étant
en charge du suivi des objectifs de santé publique, le second assurant
l’évaluation de ces mêmes objectifs. En pratique, à la lumière des
rapports produits, la limite entre les deux exercices parait un peu
artificielle. Le document élaboré par le HCSP, s’il présente l’avantage de
proposer de nouveaux objectifs en vue d’une prochaine loi de santé
publique, n’est pas très différent du suivi de la DREES et s’avère assez
139 La commission d’évaluation économique et de santé publique (CEEPS) créée en
2008 en son sein, a ainsi défini trois niveaux de hiérarchisation des études médico-
économiques.
LES LIMITES DE L’EVALUATION DE LA POLITIQUE DE PREVENTION
SANITAIRE
127
peu conclusif sur le bilan à tirer de l’évolution desdits objectifs sur les
cinq dernières années.
A - Le suivi par la DREES
Chaque année, la DREES publie un rapport de suivi des objectifs
de la loi de santé publique résultat d’un important travail de coordination
(plus de 20 organismes partenaires et 85 contributeurs). 75 objectifs ont
fait l’objet d’un suivi quantifié en 2009 contre 73 objectifs en 2008, 64 en
2007 et 59 en 2006.
Deux types de sources sont regroupés pour produire le rapport
annuel de suivi des objectifs de santé publique :
d’une
part,
des
données
provenant
de
sources
exhaustives qui font l'objet d'un suivi annuel
140
;
d’autre part, les données d'enquêtes répétées dans le
temps.
Elles
sont
coûteuses,
ce
qui
limite
la
généralisation de leur suivi à un horizon annuel
141
et
sont menées pour l’essentiel à un rythme quinquennal.
Le suivi annuel de la DREES, ne correspond donc pas
nécessairement à une actualisation de toutes les données.
B - L’évaluation des objectifs de santé publique par le
HCSP
Le HCSP a produit son premier rapport d’évaluation en avril 2010.
Le diagnostic porté, qui reprend pour l’essentiel les données du dernier
140 Les principales sources sollicitées sont les données médico-administratives
venant du PMSI ou de l’assurance maladie, les données issues de l'Inserm-
CépiDc (pour les données de mortalité, la dernière année connue étant 2005) et les
données de la déclaration obligatoire (tuberculose, VIH-sida, légionellose...) ou les
activités de dépistage (saturnisme, radon, pollution de l'eau...).
141 Parmi ces enquêtes, on citera notamment l’enquête santé et protection sociale
réalisée tous les deux ans par l’IRDES, l’enquête nationale sur les évènements
indésirables liés aux soins réalisée en 2004 et 2009, Baromètres santé INPES (tous les
5 ans), les enquêtes santé INSEE reproduites tous les 5 ans, les enquêtes périnatales
DREES-INSERM réinterrogée environ tous les 5 ans,
les enquêtes de prévalence des
infections nosocomiales produites tous les 5 ans
par l’INVS, l’enquête sur la santé et
les consommations lors de l'appel de préparation à la défense réalisée par l’OFDT en
2003 et 2008 ou l’enquête nationale nutrition-santé.
128
COUR DES COMPTES
suivi annuel réalisé par la DREES, est assez sévère dans ses constats
même s’il n’est pas conclusif.
Sur les 100 objectifs de la loi du 9 août 2004, 56 soit un peu plus
de la moitié ont été considérés comme évaluables en 2009. Parmi ces 56
objectifs, 10 seulement s’avèrent globalement atteints et 13 ne le sont que
partiellement, c’est-à-dire pour au moins l’une des populations cibles
qu’ils visaient ou l’un des sous-objectifs qu’ils comportaient. Parmi les 33
objectifs non atteints, 14 indicateurs associés évoluent favorablement,
dans le même sens que le niveau attendu. Enfin, pour 19 objectifs, soit il
ne se dégage aucune tendance, soit la tendance est défavorable.
Quant aux 44 objectifs non évaluables, ils se répartissent de la
façon suivante :
19 étaient non quantifiés ; ils portaient sur l’altération des
capacités fonctionnelles et de la qualité de vie liée aux
pathologies chroniques invalidantes, ou faisaient intervenir des
dimensions sociétales ou éthiques ;
25 étaient quantifiables : mais 7 d’entre eux ne disposaient pas
d’indicateurs,
l’indicateur n’a pas été renseigné sur la période
pour 4 d’entre eux; 14 ne présentaient qu’une mesure isolée,
sans possibilité de comparaison au cours de la période
d’évaluation.
Pour les 10 objectifs
qui peuvent être considérés comme
globalement atteints, il convient cependant d’apporter des nuances, de
même que pour les 13 objectifs partiellement atteints : Par exemple,
la réalisation de l’objectif concernant l’obésité de l’enfant est
entachée
de
fortes
inégalités
entre
les
catégories
socioprofessionnelles. Si le niveau-cible de consommation de
fruits et légumes
est atteint en moyenne, il ne l’est pas chez
l’enfant ni dans les CSP défavorisées ;
le niveau requis concernant l’incidence du sida était déjà
atteint avant la promulgation de la loi ;
si en moyenne l’incidence globale de la tuberculose est
stabilisé, ce n’est pas le cas dans toutes les régions ;
la tendance à la réduction des accidents routiers mortels liés au
travail visée dans l’objectif O14, est semblable à celle
observée en dehors du milieu du travail, d’où une réserve sur
la part de cette réduction attribuable aux actions de prévention
en milieu professionnel. De manière globale, concernant les
décès et les séquelles lourdes par accident routier, l’objectif
LES LIMITES DE L’EVALUATION DE LA POLITIQUE DE PREVENTION
SANITAIRE
129
exprimé en termes de mortalité est atteint, mais la fréquence
des séquelles lourdes reste non évaluée à ce jour ;
l’exposition à certains polluants atmosphériques comme
l’ozone ou le mercure n’est pas encore suffisamment réduite ;
les niveaux de couverture vaccinale sont variables selon les
vaccinations et les classes d’âge ;
Pour la santé bucco-dentaire, le bilan est positif, en moyenne
chez les enfants de 12 ans, mais pas dans certaines CSP et le
bilan est négatif chez les enfants de 6 ans.
Le
HCSP
a
notamment
souligné
des
difficultés
liées
à
l’interprétation des données
qui
tiennent principalement au fait que :
l’expression sous forme de valeurs moyennes de la plupart des
résultats peut masquer de fortes disparités géographiques,
sociales ou professionnelles ;
l’évolution des indicateurs peut rarement être attribuée
uniquement aux politiques spécifiques mises en oeuvre dans les
suites de la loi ; en effet, elles résultent, le plus souvent, de
l’association de différentes mesures, voire de la conjonction de
politiques menées par plusieurs services et acteurs ;
il est délicat de distinguer ce qui peut être attribuable aux
politiques mises en oeuvre et ce qui relève de l’évolution
naturelle du phénomène observé.
Enfin, l’évaluation des objectifs de santé publique par le HCSP
repose pour beaucoup sur des données de 2006 et 2007. Elles se
comparent aux informations disponibles cinq ans auparavant étudiées à
l’occasion de la préparation de la loi de 2004. Dans ce contexte, si le
rendez-vous prévu par les textes d’une évaluation à cinq ans est bien
respecté, le constat réalisé reflète le résultat des politiques et des plans
mis en place antérieurement à la loi de 2004. Ce décalage conduit à
proposer un nouveau texte et des inflexions dans la politique menée,
avant qu’un bilan des actions engagées consécutivement à la loi de santé
publique puisse être réalisé, en particulier celui des différents plans de
santé mis en oeuvre à sa suite. Si certains ont fait l’objet d’évaluations
multiples, notamment le plan cancer, si d’autres évaluations sont en
cours, telles que celle du plan psychiatrie et santé mentale par la Cour et
le HCSP de manière étroitement coordonnée, un grand nombre ne l’ont
pas encore été.
130
COUR DES COMPTES
Dans son rapport, le HCSP propose de doubler le nombre
d’objectifs de santé publique à retenir à l’avenir pour le porter à 209. Il
considère l’ensemble de ces objectifs comme un minimum pour avoir une
vision pertinente et suffisamment fine de la situation. Surtout, comme en
2004, les priorités ne sont pas définies et le statut de cet ensemble
d’objectifs, outil d’observation de l’état de santé de la population ou
indications chiffrées ayant valeur d’engagement, demeure ambigu.
***
Les limites actuelles de l’évaluation ex ante ne permettent pas
toujours de valider l’efficacité des mesures envisagés ni de confirmer
la pertinence des choix. Le suivi annuel par la DREES des objectifs et
la loi de santé publique de 2004 comme l’évaluation finale faite par le
HCSP témoigne des limites du dispositif actuel d’évaluation ex post.
C’est donc dans la perspective de faciliter l’évaluation de la
prochaine loi de santé publique que sont faites les présentes
recommandations.
Recommandation n° 8 : Sélectionner quelques priorités de santé
publique et les mettre en oeuvre dans le cadre d’un nombre restreint de
plans structurés disposant de moyens financiers propres.
Recommandation n° 9 : Dans les autres domaines, élaborer des
référentiels visant à améliorer la qualité des pratiques préventives,
indépendamment de l’attribution de moyens dédiés.
Recommandation n° 10 : Préciser si les indicateurs de santé
publique figurant en annexe de la loi ont valeur d’engagement ou ne
servent que de tableau de bord de suivi.
Conclusion
L’étendue du champ de la prévention, qu’elle soit primaire,
secondaire ou tertiaire, le souci du ministère de démontrer qu’il ne
délaisse aucun problème de santé publique, la multiplicité des acteurs tant
au niveau national que local, auraient pu justifier que le présent rapport
comporte des développements plus longs et plus approfondis sur des
politiques qui n’ont été ici qu’évoquées.
A cette vision plus exhaustive, la Cour a préféré un exposé traçant
des pistes en vue d’une politique plus efficiente dans la perspective d’une
nouvelle loi succédant à celle votée en 2004.
Depuis la loi du 2 mars 2002 relative aux droits des malades qui a
défini la politique de prévention puis celle de santé publique du 9 août
2004 qui a fixé 100 objectifs de santé publique et créé une typologie des
plans de prévention, un cadre juridique structuré a été donné à la politique
de prévention. Cet engagement en faveur de la prévention a été confirmé
par le Président de la République dans un discours prononcé le
18 septembre 2008 sur la politique de santé et la réforme du système de
soins.
Néanmoins, cette volonté politique s’avère encore insuffisante face
à la complexité des mesures à mettre en oeuvre, aux questions de nature
éthique qu’elles soulèvent, aux intérêts économiques qu’elle peut
contrarier.
La politique de prévention s’adresse pour l’essentiel à une
population en bonne santé, à qui sont imposés des comportements, des
interdictions, des obligations. La question de la preuve scientifique de
l’efficacité d’une mesure est donc fondamentale, non seulement ex ante
dans des conditions encore expérimentales mais aussi de façon continue
lors de la mise en oeuvre. Or non seulement ce processus d’évaluation
n’est pas suffisant mais la volonté manque de le rendre performant
comme en témoigne l’absence de référentiels de bonne pratique pour la
prévention spontanée ou la persistance d’un dépistage individuel à coté
du dépistage organisé.
L’efficience de la politique de prévention est pour sa part difficile
à vérifier. L’attente d’un retour sur investissement risque d’être déçue
dans la mesure où les économistes de la santé considèrent que la
prévention engendre avant tout des dépenses. En outre, le coût des actions
entreprises demeure mal connu du fait de la complexité des circuits de
financement et de l’identification insuffisante des actions de prévention
financées par l’assurance maladie au titre du risque maladie.
132
COUR DES COMPTES
Si la multiplication des intervenants favorise la diffusion et
l’appropriation des pratiques préventives, la dispersion actuelle peut être
un facteur d’affaiblissement. Les représentants des intérêts économiques
mis en cause par la politique de prévention tirent sans nul doute avantage
du défaut de coordination entre les ministères. De même, les insuffisances
d’articulation entre les différentes instances d’expertise nuisent à la
lisibilité des messages.
La création des ARS et les compétences qui leur sont confiées en
matière de santé publique devraient, vraisemblablement, améliorer la
conception et la mise en oeuvre de la politique de prévention au niveau
local. Mais il est trop tôt pour porter un jugement : l’élaboration des
schémas régionaux de prévention est en cours.
La politique de prévention exige donc des choix politiques forts
validés par des méthodologies rigoureuses et des analyses médico
économiques systématiques. Dans ce contexte, l’incapacité continue à
définir des priorités comme la multiplication des objectifs et indicateurs
souhaité par le HCSP ne paraissent pas
dessiner la voie dans laquelle une
politique de prévention efficiente peut prospérer.
Une nouvelle loi
de santé publique
pourrait être l’occasion de
définir une stratégie plus affirmée autour d’objectifs en nombre restreint,
mobilisant les financements de l’Etat et de l’assurance maladie dans une
logique de mutualisation forte, et s’accompagnant d’un pilotage clair et
ferme par un délégué interministériel et d’un dispositif d’évaluation
méthodologiquement rigoureux.
Annexes
ANNEXES
135
Liste des personnes rencontrées
Direction générale de la santé (DGS)
M. François BARASTIER, chef de cabinet du directeur général
Mme Laurence BASSANO, secrétaire générale adjointe
Mme Fabienne
DECOTTIGNIES, chef du bureau « budget, performance
et contrôle interne
Mme Sophie DELAPORTE, directrice générale adjointe
M. Alain FONTAINE
Mme Véronique MALLET, chef du bureau programmation, synthèse et
évaluation
M. Martial METTENDORFF, secrétaire général
Mme Dominique MOULS, chef du bureau risques infectieux et politiques
vaccinales (contact téléphonique)
Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des
statistiques (DREES)
Mme Sandrine DANET, chargée de mission
Mme Annie FENINA, bureau « comptes et prévisions d’ensemble »
M. Malik KOUBI, chef du bureau « comptes et prévisions d’ensemble »
Mme Marie-Anne Le Garrec, bureau « comptes et prévisions
d’ensemble »
136
COUR DES COMPTES
Haut conseil de la santé publique
M. Thierry LANG, président du groupe de travail « Inégalités Sociales de
Santé »
Mme Renée POMAREDE, secrétaire générale
Professeur Roger SALAMON, président du Haut conseil
Professeur Roland SAMBUC, président de la commission spécialisée
Evaluation, stratégie et prospective
Dr Anne TALLEC, directrice de l’ORS de Nantes, présidente du groupe
de travail du Haut conseil de santé publique sur les politiques régionales
de santé
Professeur Jean-François TOUSSAINT, président de la commission
spécialisée Prévention, éducation et promotion de la santé
Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES)
M. Pierre ARWIDSON, directeur des affaires scientifiques
M. Pierre BACHELOT, chargé de mission auprès de la directrice
générale
M. Philippe GUILBERT, directeur de la programmation
Mme Thanh LE LUONG, directrice générale
Haute autorité de santé (HAS)
Mme Sophie de CHAMBINE, responsable du service « maladies
chroniques et dispositifs d’accompagnement des malades »
M. Patrice DOSQUET, adjoint au directeur de l’amélioration de la qualité
et de la sécurité des soins
Mme Lise ROCHAIX, présidente de la commission évaluation
économique et de santé publique (CEESP)
M. François ROMANEIX, directeur
Mme Catherine RUMEAU-PICHON, adjointe au directeur de
l’évaluation médicale, économique et de santé publique
ANNEXES
137
CNAMTS
Professeur Hubert ALLEMAND, médecin conseil national
Mme Agathe DENECHERE, directrice de cabinet du directeur général
Mme Catherine BISMUTH, directrice des assurés à la direction déléguée
à la gestion et à l’organisation des soins
Mme Marie-Christine KETERS, responsable du département prévention
et information
CCMSA
Dr Penda NDIAYE, responsable du pôle prévention santé de la CCMSA
Dr Hervé TREPPOZ, médecin conseil national par intérim, responsable
médical de la prévention
IRDES
Dr Catherine SERMET, directrice adjointe
FNES
Professeur Jean-Louis SAN MARCO, président
Autres
M. William DAB, ancien directeur général de la santé
M. Alain ROUCHE, directeur santé de la fédération française des sociétés
d’assurance
Revue PRESCRIRE : Dr Philippe SCHILLIGER, M. Pierre CHIRAC,
pharmacien
Centre d’analyse stratégique. Séminaire fermé
« Comment bien dépenser
pour la prévention ? » du 10 mai 2010 : M. Claude LE PEN, professeur
de sciences économiques à l’université Paris-Dauphine, M. Thomas
BARNAY, maître de conférences, Mme Florence JUSTOT, docteur en
sciences économiques et maître de conférences, Dr Olivier SCEMAMA,
adjoint au chef du service évaluation économique et santé publique de la
HAS, M. Yann BOURGUEIL, médecin de santé publique à l’IRDES,
Mme Stéphanie DESCHAUME, directrice adjointe santé de la caisse
nationale du RSI.
138
COUR DES COMPTES