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La société française du tunnel routier
du Fréjus
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PRESENTATION
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La Cour a contrôlé les comptes et la gestion de la société française
du tunnel routier du Fréjus (SFTRF) pour les exercices 1993 à 2000.
L’Etat a concédé en 1993 à cette société, gestionnaire du tunnel du même
nom depuis son ouverture en 1980, l’autoroute de la Maurienne qui
rejoint le tunnel. Cette concession s’est avérée très déséquilibrée et a mis
la SFTRF dans une situation financière préoccupante qui lui interdit de
participer à des projets d’infrastructures ferroviaires dans les Alpes.
Les comptes et la gestion de la SFTRF au cours de cette période
marquée par la construction et le début de l’exploitation de l’autoroute
illustrent bien les errements de la politique autoroutière avant la réforme
présentée dans un autre chapitre de ce rapport public. Certaines
caractéristiques des relations entre l’Etat et la SFTRF méritent aussi des
observations publiques.
Enfin, alors que les capitaux propres de la SFTRF étaient négatifs
à la fin de l’exercice 1999, ils sont redevenus temporairement positifs à la
fin de 2000 bien que les résultats de cet exercice soient déficitaires et
bien que la société n’ait reçu aucun apport externe significatif de
capitaux. Les comptes de 2000, marqués par plusieurs changements
comptables, ont fait l’objet d’une attention particulière
.
La société française du tunnel routier du Fréjus (SFTRF) a été
créée en 1962 par des collectivités territoriales et chambres consulaires de
la région Rhône-Alpes. L’Etat, à travers Autoroutes de France, a pris
49 % de son capital en 1992 puis 84 % en 1998.
La construction du tunnel a été décidée en 1972 par les
gouvernements français et italien qui ont, à cet effet, signé une
convention internationale approuvée par une loi du 5 juillet de cette
même année. La concession de la partie française de l’ouvrage, accordée
L
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359
à la SFTRF par une convention approuvée par un décret du 15 janvier
1974, prendra fin en 2050. La partie italienne est exploitée par la Societa
italiana traforo autostradale del Frejus (SITAF) avec laquelle la SFTRF
partage les recettes et les coûts du tunnel.
Situé au-dessus de Modane à environ 1 250 mètres d’altitude, ce
dernier, qui compte une voie de circulation dans chaque sens sur une
longueur de 12,9 km, a été ouvert au trafic en juillet 1980. Son coût tel
qu’il ressort du bilan de la SFTRF a été de 137 M€ pour la partie
française.
I
–
La concession de l’autoroute de la Maurienne
A
–
La décision de construire une autoroute et de la
concéder à la SFTRF
- A son ouverture, l’accès au tunnel se faisait par la vallée de la
Maurienne en empruntant la RN6 laquelle n’était pas adaptée à un trafic
important de poids lourds. La question du raccordement du tunnel au
réseau autoroutier s’est donc très vite posée. Le 27 mars 1985, une
décision
du
ministre
chargé
des
transports
retenait
un
projet
d’aménagement de la RN6 à deux fois deux voies (trois voies seulement
sur la dernière section) dont la réalisation aurait été financée
principalement par des crédits budgétaires, la SFTRF n’étant sollicitée
que pour des financements complémentaires.
Dans le rapport qu’il a rendu en septembre 1986, un ingénieur en
chef des ponts et chaussées chargé d’une étude plus précise de ce projet
comparait cette solution à un projet autoroutier. La construction d’une
autoroute lui apparaissait deux fois plus chère que l’aménagement de la
RN6 mais sa conclusion était néanmoins plutôt favorable à la solution
autoroutière. Outre l’intérêt d’une liaison rapide et à grand débit entre la
France et l’Italie, ce rapport soulignait que l’aménagement de la route
nationale pouvait seulement être réalisé à un horizon lointain très
dépendant du rythme de mobilisation des crédits budgétaires nécessaires.
Il notait cependant que la situation financière de la SFTRF ne permettait
pas de lui confier la concession de cette autoroute sans un apport
financier extérieur d’au moins la moitié du coût de construction.
Le schéma directeur de mars 1988 prévoyait une combinaison
entre une autoroute sur une partie du trajet et un aménagement de la RN6
sur le reste. Mais les partisans d’une autoroute ont finalement convaincu
360
C
OUR DES COMPTES
le gouvernement et un comité interministériel de l’aménagement du
territoire décida le 17 novembre 1988 de construire une autoroute dans la
vallée de la Maurienne.
- La société
des Autoroutes de Rhône-Alpes (AREA), qui exploite
notamment entre Chambéry et Albertville l’autoroute A43 à laquelle
devait être raccordée l’autoroute de la Maurienne, avait été pressentie
pour réaliser et exploiter celle-ci, au moins sur une partie de sa longueur.
Son rattachement au réseau d’AREA pouvait en effet être un facteur
d’efficacité et il est d’ailleurs envisagé en 2002. Sans raisons
convaincantes, l’autoroute a été cependant concédée à la SFTRF par une
convention approuvée par un décret du 31 décembre 1993. Cette
attribution, sans publicité préalable et sans mise en concurrence, n’était
pas conforme aux lois du 3 janvier 1991, transposant une directive
européenne, et du 29 janvier 1993, qui imposent une publicité préalable et
une mise en concurrence.
La concession devait prendre fin au plus tard le 31 décembre 2018.
Aucune aide publique n’était prévue bien que l’équilibre financier de la
concession sur cette durée ne reposât que sur des hypothèses totalement
irréalistes. L’Etat, qui garantissait néanmoins le remboursement des
dettes de la SFTRF, prenait ainsi un sérieux risque financier. Pour autant,
il ne contrôlait pas vraiment la société qui était détenue par des
collectivités territoriales et des chambres consulaires de la région Rhône-
Alpes jusqu’à 1992. L’Etat n’a obtenu à partir de cette année que 49 % du
capital en contrepartie de l’attribution de cette concession et se trouvait
minoritaire au conseil d’administration.
- Cette autoroute avait un intérêt certain, temporairement renforcé
par la catastrophe du tunnel du Mont-Blanc dont le trafic a été assez
largement reporté sur la vallée de la Maurienne. Toutefois, la dernière
section de l’autoroute n’a été ouverte que quinze mois après la
catastrophe et le trafic entre la France et l’Italie est toujours limité par le
débit du tunnel qui n’a que deux fois une voie.
Le
bilan
socio-économique
complet
de
ses
avantages
et
inconvénients pour la collectivité n’a cependant jamais été sérieusement
fait a priori. La loi n’oblige pas la SFTRF à présenter un bilan a posteriori
avant 2005. Toutefois, selon les éléments disponibles, notamment son
coût final et le trafic constaté, son bilan actualisé serait négatif et ce
malgré le surcroît de trafic lié à la fermeture temporaire du tunnel du
Mont-Blanc. Le coût d’un aménagement de la RN6 avait peut-être été lui-
même sous-estimé. Il n’en reste pas moins que les décisions de construire
cette autoroute et de la concéder à la SFTRF ont été prises sur des bases
contestables, essentiellement parce que le régime de la concession offrait
une facilité financière à court terme.
L
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RÉJUS
361
B
–
La construction de l’autoroute
Le décret déclarant les travaux d’utilité publique (DUP) est daté du
17 novembre 1992. Au moment de la signature du décret approuvant la
convention de concession, les engagements de l’Etat faisant suite à
l’enquête préalable à la DUP étaient connus et le coût de construction
était estimé à 997 M€ TTC en valeur de 1993.
Le projet a fait l’objet de plusieurs modifications formalisées par
des avant-projets sommaires modificatifs (APSM) jusqu’à juin 1996 mais
le coût de construction prévisionnel n’a pas été significativement modifié.
En novembre 1996, la SFTRF a présenté à la direction des routes du
ministère chargé de l’équipement un dossier de réévaluation faisant
apparaître un coût de 1 296 M€ TTC en valeur de 1993 (1 424 M€ en
valeur de 2000), hors intérêts intercalaires, soit une augmentation de
30 %. Cette révision a été acceptée par le directeur des routes et ce
nouveau budget a été à peu près respecté.
L’inspection générale des finances et le conseil général des ponts
et chaussées ont été chargés d’examiner les causes de ce dérapage.
L’instruction de la Cour a confirmé leurs conclusions rendues en janvier
1998. Il apparaît ainsi que les dépenses supplémentaires étaient sans
doute souvent inévitables (accidents géologiques…) mais que beaucoup
d’entre elles auraient pu être identifiées plus tôt, voire prévues dès
l’attribution de la concession, par exemple la construction d’un centre
d’entretien et d’exploitation de l’autoroute.
Il apparaît aussi que la SFTRF a engagé des dépenses
substantielles pour aménager la vallée de la Maurienne. L’insertion de
cette autoroute dans son environnement est certes assez remarquable, ce
qui a permis de la faire accepter sans fortes protestations, mais le coût de
ces aménagements, qui n’est pas négligeable, n’avait pas été totalement
anticipé.
Les trois sections de l’autoroute, d’une longueur totale de 64 km,
ont été successivement ouvertes en 1997, 1998 et 2000. Le trafic de poids
lourds constaté, qui procure l’essentiel des recettes, est inférieur de plus
du tiers aux prévisions préalables à la DUP, hors effet temporaire de la
fermeture du tunnel Mont-Blanc. La rentabilité de cet ouvrage qui était
faible a priori l’est encore plus a posteriori.
362
C
OUR DES COMPTES
II
–
La gestion de la SFTRF
Lorsque la concession du tunnel lui a été accordée, la SFTRF a
choisi de se doter de services administratifs et techniques très légers et de
sous-traiter ces fonctions aux sociétés du groupe SETEC. Cette
orientation, qui était compréhensible à l’époque dans la mesure où la
SFTRF n’avait vocation à construire et exploiter que le tunnel, n’a pas été
remise en cause avec l’attribution de la concession de l’autoroute, ce qui
est plus discutable alors que la société gère désormais un patrimoine de
1,5 Md€.
Les cadres de direction et les personnels administratifs sont très
peu nombreux. Malgré leurs compétences personnelles et leur bonne
volonté, ils n’ont pas pu développer les outils de gestion adaptés à la taille
actuelle de la SFTRF. Les procédures ne sont pas assez formalisées ; les
budgets, la comptabilité analytique ou le contrôle de gestion ne sont pas
suffisamment rigoureux.
La SFTRF est ainsi devenue extrêmement dépendante des sociétés
du groupe SETEC. Celles-ci assurent l’assistance à la maîtrise d’ouvrage
et la maîtrise d'oeuvre des travaux du tunnel depuis l’origine. Elles ont
assuré l’assistance à la maîtrise d’ouvrage de tous les travaux de
construction de
l’autoroute et la maîtrise d'oeuvre de deux sections sur
trois. Elles vendent de nombreux autres services (informatique, études
économiques…) à la SFTRF. Le siège de celle-ci est à Paris dans le
même immeuble que plusieurs sociétés du groupe SETEC. Les relations
entre les équipes de la SFTRF et de la SETEC sont quotidiennes et pas
toujours formalisées comme elles le devraient.
Le contrôle de la Cour n’a pas montré que la SETEC aurait rendu
des prestations dont le prix serait manifestement excessif. Cette situation
appelle cependant plusieurs observations : la plupart de ces fonctions ont
été confiées à la SETEC sans mise en concurrence, ce qui n’était pas
irrégulier à la date de passation des marchés
8
mais ne relevait pas d’une
bonne gestion ; il n’est pas satisfaisant de confier aux sociétés d’un même
groupe à la fois l’assistance à maîtrise d’ouvrage et la maîtrise d'oeuvre
pour les mêmes
travaux ; surtout, pour ce qui concerne les travaux du
tunnel, la définition des prestations demandées à la SETEC était souvent
imprécise et le contrôle de ses factures insuffisant.
La gestion des marchés de la SFTRF est, plus généralement,
critiquable. Ses fournisseurs ne sont pas assez mis en concurrence et des
irrégularités, pour la plupart couvertes par la prescription, ont été décelées
8
) En 1992, pour ce qui concerne l’autoroute.
L
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363
au cours de l’instruction pour ce qui concerne les travaux du tunnel. Des
entreprises locales ont été ainsi avantagées. Le directeur général et le
directeur technique de la société ont en outre été reconnus coupables
d’atteinte à la liberté d’accès ou à l’égalité des candidats dans les marchés
publics par un jugement du 20 février 2002 du tribunal de grande instance
de Paris, relatif à un marché de travaux de l’autoroute, qui est devenu
définitif, aucun appel n’ayant été interjeté. La gestion des réclamations
aurait aussi parfois pu être plus rigoureuse.
En 2001, comme dans les autres sociétés d’économie mixte
concessionnaires d’autoroutes, une commission consultative a été créée
pour donner un avis aux dirigeants de la société sur l’attribution des
marchés.
III
–
L’activité, les résultats et la situation
financière
A
–
Le trafic
Les recettes de la SFTRF sont principalement déterminées par les
passages de poids lourds dans le tunnel dont les péages sont partagés à
égalité avec la SITAF. Le trafic de poids lourds sous le Fréjus est lui-
même très dépendant des prix relatifs des passages par le Fréjus et le
Mont-Blanc, lorsque les deux tunnels sont ouverts. Ces prix sont fixés et
coordonnés par deux commissions intergouvernementales (une par
tunnel).
Après avoir connu une vive croissance à la fin des années quatre-
vingt, le trafic total des deux tunnels a ralenti pour se stabiliser à partir de
1994. Celui du Fréjus a augmenté un peu plus vite de 1990 à 1998 (en
moyenne de 4,8 % par an) puis a doublé de 1998 à 2000 après la
catastrophe du tunnel du Mont-Blanc avec le report du trafic de celui-ci.
Il a très légèrement baissé en 2001.
B
–
La situation financière
- Jusqu’à 1996, les résultats d’exploitation de la SFTRF reflétaient
seulement la gestion du tunnel qui dégageait des bénéfices. Les coûts de
construction de l’autoroute, y compris les frais financiers, étaient
immobilisés. La société a pu ainsi finir de résorber en 1997 les charges du
tunnel qu’elle avait différées.
364
C
OUR DES COMPTES
La méthode des charges différées utilisée par les concessionnaires
d’autoroutes est présentée dans l’insertion sur la politique autoroutière qui
figure dans ce rapport. En simplifiant, elle consiste à inscrire les déficits
d’un exercice à l’actif du bilan à un poste de charges à étaler dans le
temps. Lorsque des bénéfices apparaissent au cours des exercices
suivants, ils sont utilisés pour apurer ces charges différées. S’il s’agit de
pertes, elles sont ajoutées aux charges différées.
- En 1997, l’ouverture d’une première section de l’autoroute a
conduit
à
enregistrer
les
frais
financiers
et
les
dotations
aux
amortissements de caducité afférents à cette section au compte de résultat
qui a été soldé par un déficit de 32,3 M€. Les amortissements de caducité
sont justifiés par le caractère temporaire de la concession et l’obligation
pour le concessionnaire de remettre gratuitement les ouvrages concédés
au concédant à l’expiration de la concession. Ils permettent au
concessionnaire de reconstituer les capitaux qu’il a investis.
Il est alors apparu que le remboursement des emprunts contractés
pour la construction de l’autoroute était impossible avant la fin de la
concession et que la méthode des charges différées était inapplicable. En
effet, celle-ci ne peut être utilisée que si les bénéfices dégagés avant la fin
de la concession sont suffisants pour couvrir ces charges différées, ce qui
était en l’espèce improbable. Le déficit de 1997 a donc réduit les capitaux
propres qui sont devenus négatifs à la fin de l’exercice (- 18,5 M€).
En 1998, l’Etat a souscrit, par l’intermédiaire d’Autoroutes de
France (ADF), à une augmentation de capital qui a remis les capitaux
propres juste au niveau nécessaire pour respecter l’article L. 225-248 du
code de commerce. Celui-ci impose que les capitaux propres soient au
moins égaux à la moitié du capital social, faute de quoi toute personne
intéressée peut demander en justice la dissolution de la société. ADF est
devenu à cette occasion le premier actionnaire de la SFTRF avec 84 %
des parts. Cette augmentation de capital a été réalisée par conversion de
créances d’ADF, sans aucun apport en numéraire.
- Ce répit fut de très courte durée. L’ouverture de la deuxième
section de l’autoroute en 1998 a conduit à une perte de 56,5 M€ pour un
chiffre d’affaires de 55,9 M€. Les capitaux propres sont redevenus
négatifs. Les actionnaires ont alors décidé d’attendre la fin des
négociations entamées avec la Commission européenne sur l’allongement
des durées des concessions autoroutières pour reconstituer les capitaux de
la société. Les délais prévus par la loi de 1966 leur laissaient jusqu’à la
fin de 2001. L’exercice 1999 a été à nouveau déficitaire (- 33,3 M€) en
dépit du report de trafic du tunnel du Mont-Blanc.
L
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365
Les simulations financières effectuées au début de 2001 mettaient
en évidence la nécessité d’une recapitalisation avant la fin de l’année,
même si la concession pouvait être allongée jusqu’à 2050. Une durée de
concession plus longue permet en effet de diminuer les dotations
annuelles aux amortissements de caducité et d’améliorer les résultats
annuels. Les comptes de l’exercice 2000 n’ont été approuvés que le
6 novembre 2001, après la loi du 5 novembre 2001 qui prolonge la
concession de l’autoroute jusqu'à 2050. Cette prolongation avait été
autorisée le 20 juin précédent par la Commission européenne.
Les comptes de l’exercice 2000 sont toujours déficitaires malgré
cet allongement, le déficit étant toutefois limité à 11,3 M€. Mais les
capitaux propres à la fin de l’exercice sont augmentés, grâce notamment à
des changements d’estimations et de méthodes comptables (cf. infra.), et
repassent ainsi au-dessus du seuil légal minimal.
Les actionnaires de la SFTRF ont de la sorte évité d’avoir à
consentir un apport de capitaux propres avant la fin de 2001. A nouveau,
ce répit est de courte durée. Le résultat de l’exercice 2001 est encore
déficitaire (- 22 M€) et les capitaux propres sont négatifs (- 4 M€) au
31 décembre 2001.
C
–
Les perspectives
- La SFTRF a transmis à la Cour la projection financière à
l’horizon de 2050 qui était en principe résumée dans l’annexe aux
comptes de 2000. Les hypothèses relatives à l’évolution des recettes et
des dépenses, hors frais financiers, paraissent raisonnables et intègrent
notamment d’importants travaux de mise en sécurité du tunnel (de l’ordre
de 150 M€ pour la partie française).
Selon cette projection, la perte annuelle de la SFTRF atteindrait
70 M€ en 2006 puis diminuerait mais l’équilibre ne serait atteint qu’en
2016. La perte cumulée ne serait annulée qu’en 2038. Plus de 600 M€ de
capitaux propres supplémentaires seraient nécessaires dans les prochaines
années pour éviter de passer sous le seuil légal minimal.
- La SFTRF devra aussi faire face à un grave problème de
trésorerie que les reports de trafic du tunnel du Mont-Blanc depuis 1999
et la récupération de 135 M€ de TVA en 2001, dans le cadre de la
réforme du régime de TVA des concessionnaires d’autoroutes, n’ont fait
que repousser. La trésorerie de la SFTRF serait négative dès 2003 et elle
serait alors obligée d’emprunter à nouveau massivement dans les années
suivantes, au total 1 500 M€ d’emprunts, soit autant que pendant la
construction de l’autoroute, qui s’ajouteront aux 600 M€ de dotations en
366
C
OUR DES COMPTES
capital précitées. Les dettes ne seraient définitivement remboursées qu’en
2035.
Dans cette projection, le taux d’intérêt sur les nouveaux emprunts
est supposé égal à l’inflation majorée de un point ce qui parait irréaliste
sauf à admettre que le prêteur perd de l’argent. Une hypothèse plus
réaliste augmenterait les pertes et les besoins de refinancement
prévisibles.
- L’avenir financier de la SFTRF est lié à celui du « fonds pour le
développement d’une politique intermodale des transports dans le massif
alpin ». Cet établissement public, créé par la loi du 3 janvier 2002 relative
à la sécurité des infrastructures et des systèmes de transport, a pour objet
de concourir au financement d’une politique intermodale dans les Alpes,
notamment en subventionnant des projets ferroviaires comme la ligne à
grande vitesse entre Lyon et Turin. Ses ressources devraient être en partie
constituées des dividendes des sociétés dans lesquelles il prendra des
participations.
Le schéma généralement retenu au début de 2002 consistait à faire
prendre des participations à cet établissement dans les sociétés SFTRF,
AREA et Autoroutes et tunnel du Mont-Blanc (ATMB) de façon à
organiser des transferts financiers de la route vers le rail. La nomination
d’un président commun à ces trois sociétés en 2001 s’inscrivait dans cette
perspective.
Les prévisions financières relatives à la SFTRF dépendent
d’hypothèses sur la répartition du trafic entre les tunnels du Mont-Blanc
et du Fréjus, elles-mêmes liées aux schémas de circulation envisagés. La
part du trafic passant au Fréjus pourrait être supérieure à celle retenue
dans ces prévisions et la situation financière de la SFTRF en serait
améliorée. Mais la capacité de financement de la société ATMB en serait
diminuée d’autant et, en toute hypothèse, la situation financière de la
SFTRF rend illusoire tout prélèvement financier sur cette société, sous
quelque forme que ce soit, avant de très nombreuses années.
IV
–
Les relations avec l’Etat
A
–
La construction et la concession de l’autoroute
La SFTRF ne serait pas dans cette situation financière si
l’autoroute de la Maurienne ne lui avait pas été concédée et, si elle peut
L
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367
malgré tout espérer rembourser ses dettes à une échéance lointaine, c’est
seulement grâce à la capacité d’autofinancement du tunnel.
La décision de construire cette autoroute et de la concéder à la
SFTRF sur la base de prévisions irréalistes, alors même que cette société
n’avait pas les moyens financiers, techniques et administratifs suffisants,
relève de la responsabilité de l’Etat. La SFTRF a certes accepté cette
concession qui pouvait mettre en danger son existence même. Mais elle
ne l’a fait qu’avec la garantie de l’Etat, inscrite dans le contrat de
concession, sur ses dettes. Les élus locaux trouvaient normal que l’Etat
prenne ce risque alors qu’il avait fait profiter la vallée voisine de la
Tarentaise des retombées des jeux olympiques d’hiver. L’Etat aurait alors
pu exiger une participation majoritaire au capital.
Le dérapage du coût de construction de l’autoroute a ensuite
rapidement bouleversé l’économie déjà précaire de la concession. Si la
SFTRF n’en a sans doute informé que tardivement la direction des routes,
celle-ci n’a mis en place des procédures strictes de contrôle qu’une fois
constaté ce dérapage, à partir de 1997.
B
–
La prise de contrôle par l’Etat
En 1998, la présentation de comptes déficitaires pour 1997 et de
prévisions plus réalistes montrait l’impasse financière dans laquelle se
trouvait la SFTRF, ce qui a conduit l’Etat à s’impliquer plus fortement en
prenant la majorité du capital par l’intermédiaire d’Autoroutes de France
(ADF).
Le président fondateur de la SFTRF, vice-président du conseil
régional de Rhône-Alpes, et les collectivités territoriales actionnaires de
la société souhaitaient un allongement de la concession permettant
d’appliquer la méthode des charges différées et de ne pas apporter de
financements supplémentaires. Mais l’allongement qui était conditionné
par une autorisation de la Commission européenne supposait une
négociation de longueur peu compatible avec les besoins immédiats en
capitaux de la SFTRF. Une augmentation de capital, seulement souscrite
par ADF, a finalement été décidée, moyennant des engagements du
ministre chargé de l’équipement sur le rôle des collectivités territoriales
dans le fonctionnement de la SFTRF.
Cette augmentation de capital, portant à 84 % la part d’ADF, a été
constatée le 18 décembre 1998 par le conseil d’administration. Mais les
statuts de la SFTRF fixaient la part des collectivités territoriales au
minimum à 34 % du capital. Il fallait donc un changement des statuts
qu’une assemblée générale extraordinaire avait adopté le 23 novembre
368
C
OUR DES COMPTES
1998. Encore ce changement devait-il aussi être approuvé par décret.
Celui-ci n’a été signé que le 28 décembre 1999.
Pendant plus d’un an, l’Etat (à travers ADF) s’est ainsi trouvé dans
la situation d’avoir souscrit à une augmentation de capital lui en donnant
la majorité et d’être minoritaire au conseil d’administration parce que le
changement de statut nécessaire pour régulariser cette prise de contrôle
n’était pas approuvé par un décret.
En ne prenant pas ce décret, le Gouvernement a permis au
président de la SFTRF de considérer que cette société n’était pas une
entreprise publique où l’Etat était majoritaire et que la loi du 13
septembre 1984 fixant à 65 ans la limite d’âge des présidents de ces
sociétés ne s’appliquait pas à lui alors qu’il est né le 15 novembre 1924. Il
est vrai que le ministre de l’équipement lui avait adressé le 3 septembre
1998 une lettre où il écrivait que «
l’Etat fera en sorte que le mandat du
président de la SFTRF soit mené à son terme
».
Mais, si l’augmentation de capital de 1998 était régulière, le
mandat du président de la SFTRF était alors illégal. En outre, à partir du
15 novembre 1999, le président de la SFTRF a même dépassé l’âge limite
de 75 ans fixé par les anciens statuts de la société. Or l’article L. 225-48
du code de commerce prévoit que celui qui atteint la limite d’âge
statutaire est réputé démissionnaire d’office. Comme tous les pouvoirs au
sein de la SFTRF procèdent du président, tous les actes de la société
étaient illégaux.
La SFTRF s’était déjà trouvée dans cette situation en 1995 une
année durant car le décret approuvant le changement de statut qui
repoussait à 75 ans la limite d’âge du président de la société avait, lui
aussi, été pris trop tard à cette époque.
Un nouveau président, nommé seulement le 13 janvier 2000, a
atteint la limite des 65 ans le 4 décembre 2000. Un administrateur a alors
été délégué dans les fonctions de président jusqu’à juin 2001 dans des
conditions irrégulières puisque l’article L. 225-50 du code de commerce
ne le permet qu’en cas d’empêchement temporaire ou de décès du
président en exercice. Ensuite un nouveau président a été normalement
nommé le 15 juin 2001. Il est commun aux sociétés SFTRF, ATMB et
AREA.
De 1998 à 2001, la SFTRF n’a donc pas eu de président dont le
mandat ait été légal et suffisamment long, ce qui est tout à fait anormal
notamment au regard des problèmes financiers de cette société.
L
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369
C
–
La sécurité du tunnel
L’Etat a une responsabilité dans la sécurité du tunnel du Fréjus. En
effet, les mesures nécessaires à cette sécurité relèvent de la conférence
intergouvernementale (CIG) créée par la convention de 1972 entre les
gouvernements français et italien qui est composée des représentants des
deux états. Cette instance a approuvé les cahiers des charges des deux
exploitants dont les prescriptions techniques relatives à la construction du
tunnel peuvent avoir un objectif de sécurité. Mais les règlements et
circulaires français, ou italiens, relatifs à la sécurité dans les tunnels ne
sont applicables au Fréjus que si la CIG le décide explicitement, ce qui a
rarement été le cas de 1980 à 1999. La circulaire française du
29 décembre 1981 relative aux conditions générales de sécurité dans les
tunnels n’y était ainsi pas applicable.
Dans les années 1990 à 1999, la CIG n’a pris que des décisions
ponctuelles, par exemple sur la signalisation ou le transport de matières
dangereuses. Aucune évaluation extérieure des dispositifs de sécurité mis
en place par la SFTRF n’a été commandée par les autorités françaises.
La sécurité dans le tunnel du Fréjus, du côté français, a reposé
principalement sur le sens des responsabilités de la SFTRF et de la
SITAF. Les relations entre les deux exploitants sont bonnes, ce qui est un
facteur favorable essentiel. Ils ont notamment créé un GIE de droit
français au sein duquel sont prises en commun toutes les décisions
importantes relatives au tunnel depuis sa construction.
Il a néanmoins fallu 14 ans à la SFTRF pour prendre les mesures
nécessaires pour résoudre définitivement le sérieux problème de sécurité
que posait la ventilation du tunnel et il a fallu encore quatre ans pour
mener à bien les travaux.
L’aération du tunnel est en effet assurée, sur les deux tiers de sa
longueur, par deux puits, l’un du côté français et l’autre du côté italien,
reliant des installations souterraines de ventilation à l’air libre. Le puits
français fait 700 m de haut et 7,4 m de diamètre. Depuis sa construction,
de grosses
infiltrations d’eau formaient de la glace en hiver sur ses
parois. Plusieurs fois, cette glace a chuté en avalanche dans le puits et le
souffle a pulvérisé les équipements installés à son pied ainsi que les
parois blindés entre le pied de puits et la galerie de circulation.
Après une forte chute de glace dans l’hiver 1991-1992, la SFTRF a
décidé en 1994, en concertation avec le GIE, d’entreprendre de gros
travaux pour rénover ce puits qui n’ont été terminés qu’en 1998. Il était
temps car la catastrophe du Mont-Blanc a entraîné à partir de mars 1999
370
C
OUR DES COMPTES
un afflux de poids lourds au tunnel du Fréjus qui devait alors disposer de
sa capacité maximale d’aération.
Après cette catastrophe, des mesures très substantielles ont été
prises par les autorités françaises et italiennes et les dispositifs en place
ont fait l’objet d’évaluations externes. En particulier, la construction
d’une galerie de secours a été décidée par la CIG à la fin de 2001. Le coût
de ces travaux pourrait dépasser 300 M€ dont la moitié pour la seule
SFTRF.
V
–
L’avis de la Cour sur les comptes
Dès lors qu’elle a contrôlé une entreprise publique, la Cour est
tenue par l’article L.135-3 du code des juridictions financières d’adresser
aux ministres intéressés un rapport particulier dans lequel elle exprime un
avis sur les comptes et propose, le cas échéant, les redressements qu’elle
estime devoir leur être apportés. La Cour a donc examiné les comptes de
la SFTRF pour les exercices 1993
à 2000.
A
–
Les exercices 1993 à 1999
Le tunnel est une immobilisation non renouvelable qui fait l’objet
de grosses réparations destinées à le maintenir en état de fonctionnement.
Dans les comptes de la SFTRF, des provisions pour grosses réparations
ont «
pour but d’échelonner par avance la constatation au compte de
résultat des dépenses d’entretien et de réparation du tunnel lorsqu’elles
sont d’un montant significatif et à effectuer à des intervalles de plusieurs
années
»
9
. Le montant des provisions annuelles est calculé à partir d’un
plan glissant de
travaux prévus à l’horizon de cinq ans (les travaux sont
provisionnés à hauteur de 100 % pour ceux de l’année N+1, de 80 % pour
ceux de l’année N+2…).
A l’occasion du contrôle de certaines sociétés d’économie mixte
concessionnaires d’autoroutes, la Cour a observé une utilisation
discutable de ces provisions pour des travaux de caractère régulier et de
montant peu différent d’un exercice à l’autre.
Mais la SFTRF déclare appliquer cette méthode et doit donc la
mettre en oeuvre lorsque c’est nécessaire. La réhabilitation du puits
d’aération du tunnel, qui a été la plus grosse réparation effectuée sur le
tunnel au cours des années 1993 à 1998 (pour plus de 20 M€), présentait
9
) Annexe aux comptes de 1993 de la société.
L
A SOCIÉTÉ FRANÇAISE DU TUNNEL ROUTIER DU
F
RÉJUS
371
un caractère exceptionnel et justifiait pleinement des provisions pour
grosses réparations. De telles provisions pouvaient être passées dès la fin
de l’exercice 1993, à un moment où, même si le montant des travaux
nécessaires ne pouvait pas être connu avec précision, il en existait une
estimation minimale.
Or cette réparation du puits de ventilation n’a jamais donné lieu à
des
provisions pour
grosses
réparations.
Les
dépenses
ont
été
comptabilisées au moment de la signature des marchés ou de leurs
avenants, ou encore après l’exécution des travaux, cette hétérogénéité de
traitement étant elle-même discutable.
L’avis émis par la Cour est que la fidélité de l’image donnée par
les comptes annuels de la SFTRF pour les exercices 1993 à 1997 a été
altérée par cette absence de provisions adéquates. Elle joue seulement sur
la chronique des comptes annuels et n’a pas d’impact sur le bilan à la fin
de 1997.
B
–
L’exercice 2000
1
–
L’annexe aux comptes de l’exercice 2000
a)
L’amortissement de caducité
A la clôture du bilan de l’exercice 2000, le report à nouveau, avant
imputation du résultat de l’exercice, est supérieur de 95 M€ au montant
inscrit à l’ouverture, ce qui a permis à la SFTRF de retrouver des capitaux
propres positifs malgré un déficit de l’exercice de 11,3 M€. De plus, les
dotations aux amortissements de caducité contribuent à ce déficit du
compte de résultats pour une charge de seulement 17,9 M€ alors qu’elle
était de 45,5 M€ en 1999 et que l’ouverture d’une troisième section de
l’autoroute en 2000 aurait dû se traduire par une augmentation des ces
dotations, à méthodes comptables constantes.
Deux
changements
ont
en
effet
modifié
le
calcul
des
amortissements de caducité annuels. En outre, leur impact rétroactif sur
les dotations des exercices antérieurs a été imputé au report à nouveau de
2000, ce qui explique cette augmentation de 95 M€.
•
)
D’une part, l’allongement de la durée de la concession de
l’autoroute a conduit à étaler l’amortissement de caducité sur un plus
grand nombre d’années et à réduire en conséquence les dotations
annuelles. En application des règles comptables usuelles, les dotations
372
C
OUR DES COMPTES
passées n’auraient pas dû été recalculées. Mais la loi du 5 novembre 2001
autorisant cet allongement a imposé de recalculer rétrospectivement les
dotations annuelles et d’imputer la différence avec les charges déjà
enregistrées au report à nouveau de 2000.
••
)
D’autre part, les dotations annuelles aux amortissements de
caducité de la SFTRF étaient jusque là égales aux moyens financiers
affectés aux ouvrages concédés divisés par la durée de concession.
Depuis l’exercice 2000, elles sont égales à ces moyens financiers
multipliés par le rapport entre les recettes de péages de l’exercice et les
recettes prévues jusqu’à la fin de la concession.
Les recettes actuelles étant nettement inférieures à celles prévues
dans le futur, ne serait-ce que du fait de l’inflation, la dotation annuelle de
2000 est bien plus faible que le résultat que la méthode linéaire utilisée
précédemment aurait donné. La différence peut être estimée à environ
12 M€ par an, bien que ce chiffre ne soit pas donné par la SFTRF, pour
un chiffre d’affaires de 117 M€ en 2000. Cette nouvelle méthode a été
appliquée rétroactivement aux exercices antérieurs et la différence avec
les charges déjà enregistrées a aussi été imputée au report à nouveau.
Le passage d’un amortissement de caducité linéaire à un
amortissement proportionnel aux recettes est un changement de méthode
comptable qui, en vertu de l’article L. 123-17 du code de commerce, doit
être décrit et justifié dans l’annexe aux comptes. L’annexe aux comptes
2000 n’annonce pas et ne justifie pas ce changement. Elle présente, en
outre, la nouvelle méthode de manière imprécise. En particulier, elle ne
permet pas de distinguer les effets respectifs, sur le compte de résultat et
sur le report à nouveau, des deux changements qui ont affecté en 2000 le
calcul des amortissements de caducité, à savoir le passage
à
l’amortissement linéaire, d’une part, et l’allongement de la durée
d’amortissement, d’autre part. Seule cette décomposition, présentée dans
l’annexe avec les conventions de calcul permettant de l’obtenir, pouvait
montrer les enjeux comptables et financiers du passage à un
amortissement proportionnel aux recettes. Enfin, les hypothèses sur
lesquelles sont fondées les recettes de péages prévues sur la durée de la
concession qui déterminent la dotation annuelle aux amortissements de
caducité ne sont pas explicitées.
b)
Le remboursement de TVA sur les immobilisations
Le changement de régime de TVA des
concessionnaires
d’autoroutes, et plus particulièrement les modalités de récupération de la
TVA sur les investissements réalisés avant la condamnation de la France
L
A SOCIÉTÉ FRANÇAISE DU TUNNEL ROUTIER DU
F
RÉJUS
373
par la Cour de justice des communautés européennes, sont présentés dans
le chapitre de ce rapport public sur la politique autoroutière.
La SFTRF a utilisé la possibilité, offerte par l’article 2 de la loi de
finances rectificative pour 2000 du 30 décembre 2000, de récupérer la
TVA ayant grevé les travaux réalisés à compter du 1
er
janvier 1996 pour
des ouvrages mis en service avant le 12 septembre 2000 à condition d’en
déduire la TVA qui aurait dû être versée au Trésor sur les péages perçus
pendant cette période.
La loi de finances rectificative pour 2000 a permis d’augmenter la
valeur des immobilisations du montant de la TVA à reverser au Trésor au
titre des péages de 1996 à 2000 alors que le montant correspondant aurait
été comptabilisé en perte sur exercices antérieurs si la loi n’avait pas
prévu cette disposition comptable spécifique.
Le bilan de la SFTRF est présenté conformément à la loi et, à cet
égard,
il
est
régulier.
Mais
l’annexe
ne
précise
pas
que
les
immobilisations ont ainsi été augmentées de 38,7 M€ qui correspondent à
une perte sur les péages. Elle ne respecte donc pas l’article L. 123-14,
paragraphe 2, du code de commerce qui dispose que, lorsque l’application
d’une prescription comptable ne suffit pas pour donner l’image fidèle
mentionnée au même article, des informations complémentaires sont
données dans l’annexe. Elle ne respecte pas non plus l’article L. 123-13
du code qui précise que l’annexe complète et commente l’information
donnée par le bilan. Ce complément d’information était d’autant plus
nécessaire que cet ajout de 38,7 M€ aux immobilisations déroge au
principe de valorisation au coût historique. S’il n’y dérogeait pas, la
disposition législative précitée serait inutile.
c)
Les perspectives financières de la société
Une note de l’annexe aux comptes de 2000 est supposée présenter
les perspectives financières de la SFTRF à long terme. Outre le total des
recettes de péages jusqu’à 2050, elle ne donne que deux chiffres : la
trésorerie cumulée et les bénéfices cumulés (non actualisés) à l’horizon
de 2050, qui sont légèrement positifs. Aucune information n’est fournie
sur les hypothèses qui les fondent et ils diffèrent des résultats des
simulations détaillées transmises à la Cour.
En outre, ces chiffes ne laissent aucunement présager que la
SFTRF va connaître d’importants déficits et aura de forts besoins de
refinancement, supérieurs à 1,5 Md€, dans les toutes prochaines années.
Les bénéfices qui permettent d’espérer un total positif sur cinquante ans
374
C
OUR DES COMPTES
ne pourront, en effet, apparaître que dans plus de vingt ans et leur valeur
actualisée est très faible.
De telles informations sur les perspectives financières à long terme
ne sont généralement pas publiées par les société avec leurs comptes.
Mais les problèmes posés par la nouvelle méthode de calcul des
amortissements de caducité adoptée par la SFTRF au regard du principe
de prudence (cf. ci-dessous) rendaient nécessaires des informations plus
précises.
Ces carences de l’annexe conduisent la Cour à rappeler que le fait
que les administrateurs de la SFTRF aient pu avoir des informations plus
précises n’a pas à être considéré pour apprécier la régularité des comptes.
En effet, les comptes d’une société ne leur sont pas seulement destinés
mais aussi à tous ses actionnaires, salariés et créanciers ainsi que, plus
généralement, à toute personne intéressée.
2
–
Le nouveau mode de calcul des amortissements de caducité
L’article L. 123-17 du code de commerce pose le principe de
permanence des méthodes comptables, lesquelles ne doivent pas être
modifiées à moins d’un changement exceptionnel dans la situation de
l’entreprise. Mais un changement exceptionnel, et l’allongement de la
durée de concession en était un, ne peut pas justifier l’adoption de
n’importe quelle méthode. Comme le notait le conseil national de la
comptabilité dans son avis du 18 juin 1997, la décision de changer de
méthode n’est pas discrétionnaire ; elle doit résulter de circonstances qui
rendent ce changement nécessaire. L’article 130-5 du plan comptable
général de 1999 précise que le changement de méthode doit fournir une
meilleure information financière, compte tenu du changement de la
situation de l’entreprise. Il a d’ailleurs fallu une loi pour que l’impact de
l’allongement de la durée de concession des SEMCA sur l’amortissement
de caducité puisse être recalculé rétroactivement. La loi n’a en revanche
pas imposé, et n’a pas non plus interdit, de passer de la méthode linéaire à
une méthode proportionnelle aux recettes pour calculer cet amortissement
de caducité. Ce changement de méthode devait donc être justifié par une
amélioration spécifique de l’information donnée par les comptes pour être
régulier.
Un seul argument a été avancé en ce sens : cette nouvelle méthode
correspondrait mieux à l’usage qui est fait de l’autoroute, son usure étant
liée au trafic. Mais, en dépit de son appellation, l’amortissement de
caducité n’a pas pour objet de constater l’usure de l’autoroute, qui au
demeurant n’est pas liée directement aux recettes de péages et à la durée
de la concession, ni même la consommation de ses avantages
L
A SOCIÉTÉ FRANÇAISE DU TUNNEL ROUTIER DU
F
RÉJUS
375
économiques. L’avis du 27 juin 2002 du Conseil national de la
comptabilité relatif à l’amortissement et à la dépréciation des actifs exclut
d’ailleurs
« les
amortissements
spécifiques
des
entreprises
concessionnaires » tels que les amortissements de caducité. Ces derniers
ont plutôt la nature d’une provision financière permettant de faire en sorte
que les capitaux soient reconstitués en fin de concession lorsque les
ouvrages sont rendus gratuitement au concédant. Cet argument n’est donc
pas recevable.
La Cour considère en outre que l’information fournie par les
comptes à la suite de ce changement de méthode est même moins bonne
qu’auparavant. En effet, alors que l’amortissement linéaire repose sur une
simple division des financements par la durée de la concession,
l’amortissement proportionnel requiert des prévisions de recettes à très
long terme, cinquante ans en l’espèce, qui sont intrinsèquement fragiles et
discutables. Les résultats sont donc moins lisibles. Les dotations aux
amortissements de caducité sont, de plus, repoussées plus tard, ce qui
déroge aux dispositions de l’article 120-3 du plan comptable général qui
précise que la comptabilité doit être établie sur des bases prudentes pour
éviter le risque de transfert, sur des périodes à venir, d’incertitudes
présentes susceptibles de grever le patrimoine et les résultats.
La méthode proportionnelle suppose de fournir dans l’annexe des
informations suffisamment précises pour compenser ses inconvénients
intrinsèques. Elles n’ont pas été trouvées dans les comptes de 2000 de la
SFTRF. La société a déclaré avoir apporté des précisions à ce sujet dans
les comptes 2001.
Enfin La SFTRF prévoit elle-même dans son annexe aux comptes
de 2000 un retour à la méthode linéaire au bout d’une période, déterminée
de manière peu précise, d’une quinzaine d’années. La Cour lui
recommande de revenir le plus rapidement possible à cette méthode.
Pour les raisons développées ci-dessus, l’avis de la Cour est que les
comptes 2000 de la SFTRF ne sont pas réguliers et ne donnent pas une
image fidèle de sa situation financière.
376
C
OUR DES COMPTES
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
__________
La concession de l’autoroute de la Maurienne à la SFTRF, dans
les conditions prévues par le contrat de concession initial, était une
erreur dont l’Etat, après avoir longtemps tergiversé, devra rapidement
assumer toutes les conséquences. Il lui faudra notamment faire en sorte
que cette société dispose des capitaux nécessaires, renforce ses moyens
administratifs et améliore sa gestion. Plus impérieusement et à brève
échéance, sa solvabilité devra être assurée, en particulier pour lui
permettre d’exécuter les travaux de mise en sécurité du tunnel.
Les capitaux propres de la SFTRF ont été provisoirement
restaurés en 2000 grâce à des changements comptables. Après avoir
entendu les justifications apportées à leurs choix comptables par la
SFTRF et les représentants de l’Etat et pris acte de leurs positions, la
Cour est d’avis que les comptes de 2000 de la SFTRF ne sont pas
réguliers et ne donnent pas une image fidèle de sa situation financière.
Elle exprime ainsi son désaccord avec les choix du président de la société
qui a établi les comptes, de son conseil d’administration qui les a arrêtés
et de l’assemblée générale des actionnaires qui les a approuvés.
Elle
recommande
de
préciser
rapidement
les
projets
de
constitution d’un pôle alpin rassemblant les sociétés SFTRF, ATMB et
AREA afin que des orientations puissent enfin être données à la SFTRF.
L
A SOCIÉTÉ FRANÇAISE DU TUNNEL ROUTIER DU
F
RÉJUS
377
REPONSE DU MINISTRE DE L’EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS, DU
LOGEMENT, DU TOURISME ET DE LA MER,
DU MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE
ET DU MINISTRE DELEGUE AU BUDGET ET A LA REFORME
BUDGETAIRE
L’attribution de la concession de l’autoroute de la Maurienne à la
Société française du tunnel routier du Fréjus
L’autoroute de la Maurienne a été concédée à la Société française du
tunnel routier du Fréjus (SFTRF) par convention du 24 novembre 1993
approuvée par décret du 31 décembre 1993.
Le choix de la SFTRF, déjà concessionnaire du tunnel du Fréjus,
s’inscrivait dans la logique d’attribution des concessions autoroutières avant
l’entrée en vigueur des textes communautaires et nationaux en matière de
publicité et de concurrence :
- l’Etat désignait librement et intuitu personae le concessionnaire,
sans mise en concurrence ;
- son choix était guidé par une logique géographique et de solidarité
financière.
Cette logique géographique et de solidarité financière a conduit l’État
à concéder en 1993 l’autoroute de la Maurienne (A43) à la SFTRF, cette
dernière paraissant la mieux placée pour réaliser cette liaison entièrement et
rapidement grâce aux excédents escomptés de sa concession à 70 ans
(échéance 2050) du tunnel du Fréjus. Le choix de la société des Autoroutes
Rhône-Alpes, autre société alpine, avait été examiné puis écarté, car elle
était engagée, à l’époque, dans un important programme d’investissements,
en prévision des Jeux Olympiques d’hiver de 1992.
Dès 1992, la SFTRF avait été pressentie pour être attributaire de la
concession : l’État avait ainsi, avant l’entrée en vigueur de la loi du
29 janvier 1993 dite « loi Sapin » et de la directive n° 93/37/CEE du 14 juin
1993, manifesté sans ambiguïté son intention de concéder l’autoroute de la
Maurienne à la SFTRF.
Depuis, les procédures de mise en concession qui ont suivi cette
dernière ont systématiquement fait l’objet d’avis de publicité européenne, ce
qui atteste clairement la volonté du gouvernement français d’appliquer
dorénavant ces dispositions.
378
C
OUR DES COMPTES
Les études relatives à la rentabilité financière et socio-économique
de l’autoroute de la Maurienne
En application de la loi d’orientation des transports intérieurs (LOTI)
du 30 décembre 1982, une évaluation socio-économique a été réalisée en
1988 et actualisée en 1990 pour les aspects de sécurité routière et de trafic.
La synthèse de ce dossier a été présentée lors de l’enquête publique.
Les études préliminaires et l’évaluation socio-économique ont traité
non seulement des effets attendus par la mise en service du parti
d’aménagement soumis à l’enquête mais ont porté également sur les effets
présumés des autres partis d’aménagement envisagés sur l’axe de la vallée
de la Maurienne entre Pont Royal et le Freney.
Selon ces études, pour une différence d’investissement inférieure à
10 % et un taux de rentabilité prévisionnel très voisin entre une solution
consistant à réaliser une autoroute sur 28,1 km puis une route expresse sur
36,3 km, et une solution tout autoroutière, les études ont mis en évidence
l’intérêt majeur de réaliser une liaison autoroutière dans la vallée de la
Maurienne :
- aux niveaux national et international, l’aménagement de liaisons
européennes rapides est apparu déterminant pour le transport de
marchandises ; l’A43 permettait en outre de créer un itinéraire
autoroutier alternatif au tunnel du Mont-Blanc menacé de
saturation ;
- aux niveaux régional et local, l’A43 favorise les échanges entre les
régions voisines en pleine expansion (Rhône-Alpes et Piémont) dans
de bonnes conditions de sécurité et permet de dynamiser le
développement
des
activités
industrielles,
commerciales
et
touristiques de la vallée de la Maurienne ;
- pour les usagers et les riverains, elle apporte des solutions à
l’insécurité et aux problèmes d’environnement liée à l’augmentation
de trafic sur la RN 6, notamment de poids lourds, et rend homogène
et attractif l’itinéraire par le tunnel du Fréjus qui se situe sur le plus
court chemin pour relier Lyon à Turin.
La construction de l’autoroute de la Maurienne
Le coût de construction approuvé par décision ministérielle du 7 mars
1991, dans le cadre de l’avant-projet sommaire du projet autoroutier reliant
Aiton au Freney, s’élevait à 6 917 MF TTC valeur juillet 1993 (1 054 M€
TTC).
Par rapport au dossier d’avant-projet sommaire approuvé par le
directeur des routes le 7 mars 1991, la construction de l’autoroute A 43 a
L
A SOCIÉTÉ FRANÇAISE DU TUNNEL ROUTIER DU
F
RÉJUS
379
nécessité des adaptations techniques au fur et à mesure de l’avancement du
projet. Ces adaptations ont fait l’objet de dossiers d’avant-projets
modificatifs présentés par la société SFTRF et approuvés par le directeur des
routes avec, pour chaque modification, une nouvelle estimation du coût de
construction de la section considérée.
Au-delà des adaptations techniques et réévaluations précitées, la
SFTRF a fait état auprès de la direction des routes de difficultés importantes
liées à l’insertion du projet dans l’environnement.
Le coût de réalisation de l’autoroute a fait l’objet d’une validation
par décision ministérielle du 8 juillet 1997 : le coût d’objectif pour la totalité
du projet s’élève ainsi à 8 500 MF TTC (1 296 M€ TTC) valeur juillet 1993.
Dans
cette
décision,
le
directeur
des
routes
soulignait
les
dysfonctionnements dans la gestion de l’opération et rappelait la nécessité de
veiller à la maîtrise des coûts de réalisation. C’est pourquoi la mission de
contrôle des sociétés concessionnaires d’autoroutes a été chargée de vérifier
le respect du coût réévalué aussi bien au niveau des études d’avant-projet
autoroutier que des résultats d’appels d’offres ou de l’exécution des travaux
passés par la société concessionnaire.
Parallèlement, une mission d’enquête confiée en 1997 par les
ministres chargés de l’équipement et de l’économie conjointement au conseil
général des ponts et chaussées et à l’inspection générale des finances a
confirmé qu’une part importante des dépassements de coûts avait pour
origine des problèmes géologiques ou était la conséquence de l’effort réalisé
en matière d’insertion environnementale du projet du fait des évolutions
législatives et réglementaires.
Les comptes de la SFTRF
Les remarques de la Cour concernant les comptes de la SFTRF
appellent les précisions suivantes :
Impact du changement de régime de TVA sur la valorisation des
immobilisations
Tout en reconnaissant le caractère régulier du bilan de la SFTRF en
2000, la Cour estime que le coût des immobilisations concernées a été
indûment augmenté du montant correspondant de la TVA sur péages. Elle en
déduit que la prescription comptable découlant de la mise en oeuvre de la loi
de finances rectificative pour 2000 (LFR) ne donne pas une image fidèle du
patrimoine et considère que des informations complémentaires auraient dû
figurer dans l'annexe et ce, d'autant plus qu'il serait dérogé au principe de
valorisation au coût historique, dérogation ayant nécessité une disposition
législative.
380
C
OUR DES COMPTES
Il ne peut être affirmé, comme le fait la Cour, que l'application de la
LFR ne donne pas une image fidèle des comptes. Le coût des immobilisations
présenté dans les comptes de la SFTRF est bien un coût historique,
contrairement à l'assertion de la Cour, puisqu'il est la résultante du coût TTC
de celles-ci déduction faite de la TVA admise en déduction (articles 321-2 et
321-3 du plan comptable général) en vertu d'une disposition législative : la
loi de finances rectificative a pour seul objet de fixer les modalités
spécifiques
de
détermination
de
la
taxe
déductible
au
titre
des
immobilisations concernées. Dans ces conditions, les immobilisations
éligibles aux dispositions de la LFR figurent au bilan pour le coût
effectivement
supporté
par
l'entreprise
et
aucune
information
complémentaire n'est donc requise.
Amortissement de caducité
La Cour juge que le changement de méthode de calcul de l'amortissement de
caducité n'est pas justifié et contrevient au principe de prudence.
Comme le relève la Cour, l’allongement de 32 ans de la durée de la
concession de l’autoroute de la Maurienne constitue un changement
exceptionnel dans la situation de l'entreprise. Cet événement exceptionnel
justifiait, conformément à l'article L.123-17 du code de commerce, de
déroger au principe de permanence des méthodes comptables.
Il a en effet conduit la société à s'interroger sur la modalité de
détermination de l'amortissement de caducité : elle a notamment pu effectuer
une analyse fine de l'amortissement de caducité pratiqué sur une durée de 57
ans afin de proposer une méthode d'amortissement qui soit plus en
adéquation avec la réalité économique de l'autoroute de la Maurienne qui,
mise en service à partir de 1997, se trouve dans une phase de montée en
exploitation. La méthode de l'amortissement proportionnel aux recettes a
donc été retenue jusqu'à la maturité de ces dernières. L'amortissement
proportionnel mis en oeuvre par la SFTRF ne déroge donc nullement au
principe de prudence, ainsi que l'affirme la Cour.
En conséquence, ce changement de méthode d'amortissement est
régulier car il répond aux conditions requises par le code de commerce
(article L.123-17) et le plan comptable général (articles 120-4 et 130-5)
puisque, justifié par un changement exceptionnel dans la situation de la
société, il fournit une meilleure information financière.
Outre que l'amortissement de caducité - charge calculée ne
constituant pas un flux financier - ne peut avoir pour objet de reconstituer les
capitaux investis, il a pour objet d'étaler sur la durée de la concession le coût
des investissements non renouvelables financés par le concessionnaire et
remis gratuitement au concédant au terme de la concession.
L
A SOCIÉTÉ FRANÇAISE DU TUNNEL ROUTIER DU
F
RÉJUS
381
La Cour critique également le défaut d'information relatif à l'adoption de
l'amortissement de caducité proportionnel. Selon la Cour :
- le changement de mode de calcul n'est pas justifié ;
- les hypothèses de recettes de péages prévues sur la durée de la
concession (entrant dans le calcul de l'amortissement de caducité)
ne sont pas explicitées ;
- la SFTRF ne distingue pas l'impact respectif sur le report à nouveau
et sur le compte de résultat de l'allongement de la durée de la
concession et de la modification du mode de calcul.
Elle conclut que l'absence d'information entache d'irrégularité les
comptes 2000.
Sur le premier point, la justification du changement de méthode dans
le rapport de gestion et dans l'annexe aurait effectivement pu être plus
développée.
Sur le second point, l'observation de la Cour n’est que partiellement
fondée : la SFTRF aurait pu être plus explicite sur ses prévisions de recettes
qui constituent une des bases du calcul. Il convient néanmoins de relever
qu'ayant connaissance des observations de la Cour lors de la procédure
contradictoire, la SFTRF a fourni une analyse détaillée de ses perspectives
financières et de ses prévisions de recettes dans son annexe aux comptes
2001.
Sur le troisième point, lors de changements de méthodes, le plan
comptable général prescrit la production de comptes pro forma des exercices
antérieurs présentés comme si la méthode avait été toujours appliquée. La
SFTRF a respecté cette obligation : si, dès l'origine, le terme du contrat avait
été fixé à 2050, l'amortissement proportionnel aurait été retenu et la mise en
oeuvre conjointe de ces deux éléments aurait eu un impact tant au bilan qu'au
compte de résultat et dans les notes de l'annexe.
En outre, l'information souhaitée par la Cour ne permettrait pas de
mieux apprécier les agrégats comptables tels qu'ils figurent au compte de
résultat et au bilan. Les modalités de calcul complexes ainsi que la
production de trois jeux de comptes pro forma permettant la comparaison
des exercices antérieurs retraités avec l'exercice 2000 auraient été sources
de confusion plus que de clarté.
La SFTRF ayant respecté le dispositif comptable, les comptes 2000
sont réguliers. Nous estimons donc que si sur certains points, l'information
donnée par la SFTRF aurait effectivement gagné à être plus explicite, la
concision de l'annexe ne permet pas de conclure à l'irrégularité des comptes.
382
C
OUR DES COMPTES
La Cour considère que le choix de la méthode retenue ne trouve pas sa
justification dans la recherche d'une meilleure information mais dans la
réponse à une insuffisance de capitaux propres.
L'adoption de la méthode d'amortissement proportionnel a été motivée
par la recherche d'une solution reflétant au mieux la situation particulière de
la SFTRF (autoroute A43 en phase initiale d'exploitation) et non afin de
pallier un problème d'insuffisance des capitaux propres. La SFTRF a connu
par le passé et connaît encore aujourd'hui une situation bilantielle fragilisée
qui ne peut être résolue par de simples traitements comptables. Des solutions
efficaces de redressement permettant de remédier à cette situation devront
être étudiées et mises en oeuvre dans un futur proche.
Difficultés financières et perspectives d'évolution de la SFTRF
La Cour note que l'ouverture de la première section de l'autoroute
A43 a conduit la société à enregistrer au compte de résultat pour l'exercice
1997 des frais financiers et des dotations aux amortissements de caducité, ce
qui s'est traduit par un résultat négatif de - 32,3 M€.
L’allongement jusqu’en 2050 de la durée de la concession de
l’autoroute de la Maurienne (autorisé par la Commission européenne en juin
2001 et adopté par la loi en novembre 2001) a contribué à redresser les
capitaux propres de la SFTRF. Toutefois, le résultat de l'exercice 2001
(- 22 M€), a rendu négatifs les capitaux propres de la société au 31 décembre
2001
(- 4 M€).
Le redressement de la SFTRF passera tout d'abord par un alignement
des pratiques de gestion de la société sur celles des autres sociétés
d’économie mixte concessionnaires d’autoroutes.
Cette action a été récemment initiée avec la création d’une
commission consultative des marchés chargée de donner un avis sur
l'attribution des marchés qui lui sont soumis et de vérifier le respect des
procédures applicables en matière de passation des marchés, et la mise en
place d’un comité d'audit qui a notamment pour mission de se prononcer sur
l'établissement des comptes annuels, tout en s'assurant de la pertinence et de
la permanence des choix comptables retenus dans ce cadre.
Cet effort de « normalisation » de la gestion de la société devrait se
poursuivre dans le cadre du rapprochement des trois sociétés autoroutières
alpines AREA, SFTRF et ATMB. Ce rapprochement, qui fait encore
aujourd'hui l'objet d'incertitudes compte tenu des conditions de circulation
dans les tunnels alpins, permettrait notamment de dégager des synergies de
gestion (gestion régionale des trafics, politique commerciale coordonnée) et
d’optimiser l’exploitation du réseau. La nomination récente d'un président
commun pour les trois sociétés va par ailleurs dans le sens d'une volonté
affichée de dégager ces synergies dont la société pourrait à terme bénéficier.
L
A SOCIÉTÉ FRANÇAISE DU TUNNEL ROUTIER DU
F
RÉJUS
383
Une de ses premières missions consiste en l’élaboration d’une charte de
coopération indiquant les moyens opérationnels à mettre en oeuvre afin de les
révéler.
Néanmoins, la situation financière de la SFTRF ne pourra être
durablement rétablie par la simple adaptation de sa politique industrielle.
Des décisions devront en effet être prises en concertation avec la Caisse
Nationale des Autoroutes en ce qui concerne les besoins en refinancements
de la société. En outre, un effort important de recapitalisation de la société
sera indispensable : les perspectives financières de la société montrent que
les montants de recapitalisation nécessaires restent à un niveau élevé. D’ici
fin 2004, date à laquelle les capitaux propres devront avoir été rétablis au-
delà de la moitié du capital social, la répartition des flux entre les deux
tunnels alpins aura été stabilisée, ce qui permettra de disposer de plus de
visibilité sur les perspectives financières de la SFTRF, et de quantifier plus
précisément l’effort de recapitalisation que l’Etat devra consentir.
Depuis 1998, date à laquelle l’État est, via Autoroutes de France,
l'actionnaire principal de la société, l’État a toujours su faire face à ses
responsabilités d’actionnaire et continuera à faire preuve du même
engagement dans le futur.
Par ailleurs, s'agissant des critiques formulées par la Cour sur la
sincérité des comptes présentés par la SFTRF, nous estimons que celles-ci
sont infondées. Compte tenu de l'absence de norme générale comptable
relative aux sociétés concessionnaires, et s'il est vrai que sur certains points
la qualité de l'information donnée dans l'annexe ou le rapport de gestion
pourrait faire l'objet d'améliorations, nous considérons que les comptes
établis par la société, arrêtés par son conseil d'administration et approuvés
par son assemblée générale, donnent une image fidèle de son patrimoine, de
sa situation financière et de son résultat. Leur sincérité ne saurait donc être
remise en cause.
REPONSE DU PRESIDENT DE LA SOCIETE FRANÇAISE DU TUNNEL
ROUTIER DU FREJUS
Dans son rapport, la Cour considère tout d’abord que la concession
de l’autoroute de la Maurienne à la SFTRF constitue une erreur dont l’Etat
devra assumer toutes les conséquences et souhaite que les projets de
constitution d’un pôle alpin rassemblant les sociétés SFTRF, ATMB et AREA
soient rapidement précisées.
Les préoccupations exprimées par la Cour sur ces points feront l’objet
de réponses des pouvoirs publics. Nous observons cependant que ceux-ci ont
384
C
OUR DES COMPTES
bien perçu l’importance des problèmes financiers auxquels la société se
trouve confrontée, comme en témoigne la déclaration du Commissaire du
Gouvernement devant le conseil d’administration relative à la constitution
d’un groupe autoroutier rhône-alpin et à ses modalités de mise en oeuvre.
Il
convient de souligner que cet exercice est rendu singulièrement complexe
aujourd’hui par les incertitudes pesant sur la répartition du trafic poids
lourds entre les tunnels du Fréjus et du Mont Blanc alors que ce trafic
représentait 80 % des recettes de la société en 1998 (88 % des recettes du
tunnel) et 82 % en 2001 (89 % des recettes du tunnel).
La Cour formule, en outre, diverses critiques sur la gestion de la
société et sur la régularité de ses comptes.
Notre point de vue ne rejoint pas
le constat présenté.
1) Concernant tout d’abord la gestion, il convient de rappeler que la
SFTRF avait fait le choix, dès lors que son activité était principalement
orientée vers l’exploitation et l’entretien, de ne pas se doter de structure
lourde dédiée à la construction et de faire appel en conséquence à des
bureaux extérieurs pour l’assister dans certaines fonctions de contrôle
budgétaire ou pour des études techniques ou financières. Grâce à cette
option, les dépenses de maîtrise d’ouvrage ont été minimisées et la société
n’a pas eu à supporter les frais de reconversion de personnels.
Ce choix n’a pas pour autant conduit à relativiser le respect des
règles de concurrence ni la rigueur de gestion. Les principaux griefs
formulés par la Cour sont repris ci-après :
- Une part importante des dépassements de coûts, comme l’a montré
la mission d’enquête confiée en 1997 au Conseil général des ponts et
chaussées et à l’inspection générale des finances, a eu pour origine des
problèmes géologiques ou a été la conséquence de l’effort réalisé en matière
d’insertion environnementale.
Ainsi les aménagements de la vallée réalisés à l'occasion du chantier
autoroutier ont fait l'objet en juillet 1993 d'une charte "environnement et
paysage" signée par le président de la SFTRF et les ministres chargés de
l'environnement et de l'équipement. Au total 2,5 % du coût de réalisation de
l'autoroute ont été consacrés aux réaménagements paysagers et écologiques.
Les dépenses correspondantes ont été prévues dans les premiers avant-
projets sommaires modificatifs.
- Ainsi que la Cour le confirme, la SFTRF n’était pas soumise à des
règles de mise en concurrence en 1992 lorsque ont été conclus les contrats
de maîtrise d’oeuvre et d’assistance à maîtrise d’ouvrage pour la
construction de l’autoroute.
La société a néanmoins demandé des offres à plusieurs prestataires
envisageables, à la suite de quoi elle a attribué la maîtrise d’oeuvre d’une
L
A SOCIÉTÉ FRANÇAISE DU TUNNEL ROUTIER DU
F
RÉJUS
385
section d’autoroute à un groupement constitué par Scetauroute et la DDE de
Savoie, et de deux sections à la SETEC.
Les barèmes de rémunération retenus on été établis sur la base de
ceux utilisés par l’ensemble des autres sociétés d’économie mixte
concessionnaires d’autoroutes (SEMCA). Ceci explique que, comme la Cour
a pu le constater, la rémunération des prestations de la SETEC a été
conforme avec ce qui se pratique habituellement pour ce type de contrats.
- L’instruction des réclamations des entreprises était assurée par les
maîtres d’oeuvre sous le contrôle de la maîtrise d’ouvrage. Ainsi, tous les
règlements amiables obtenus sur les marchés ont permis d’éviter des
procédures contentieuses toujours coûteuses et aléatoires. En outre, si l’on
fait la somme des règlements définitifs accordés après réclamations, on peut
constater qu’elle reste largement inférieure à la somme des estimations
établies au moment des appels d’offres.
La plupart des travaux de grosses réparations du tunnel ont été
effectuées dans le cadre des procédures de mises en concurrence selon les
seuils de compétence. Les seuls marchés « négociés » concernaient des
situations où les entreprises qui avaient réalisé les premiers équipements
étaient les seules qui pouvaient techniquement assurer les réparations ou
modifications des installations du tunnel.
Pour l’avenir, la société ayant désormais atteint sa taille de croisière,
après une forte croissance de ses effectifs liée à l’ouverture de l’autoroute et
au renforcement de la sécurité du tunnel, et ayant le recul suffisant par
rapport à l’exploitation de son réseau complet, il lui revient de consolider
son organisation, de renforcer son encadrement et d’adapter son
management. C’est un des enjeux du plan d’entreprise en cours
d’élaboration dont la formalisation des procédures d’exploitation et de
gestion d’une part, le renforcement de la maîtrise d’ouvrage (un poste de
directeur technique adjoint
a ainsi été créé pour la réalisation de la galerie
de secours) d’autre part, constitueront des axes prioritaires.
2) S’agissant ensuite de la transparence et de la régularité des
comptes, sur lesquelles la Cour porte des appréciations négatives nous ne
pouvons
que constater des désaccords techniques.
Si sur certains points
l’information donnée par la société aurait pu être plus développée - il y a été
porté remède dès la présentation des comptes 2001- ces insuffisances ne nous
paraissent pas de nature à nuire à la régularité des comptes.
Nous formulons ci-dessous nos principales observations au regard du
respect des obligations réglementaires, d’une part, et de la pertinence des
solutions retenues, d’autre part, en intégrant les suites données par la société
aux remarques de la Cour.
386
C
OUR DES COMPTES
y
La Cour est d’avis que le passage de l’amortissement linéaire à
l’amortissement proportionnel dans les comptes 2000 de la SFTRF est
irrégulier au regard de l’article L. 123.17 du code de commerce.
Ainsi que le rappelle la Cour, cet article pose le principe de
permanence des méthodes comptables, lesquelles ne doivent pas être
modifiées à moins d’un changement exceptionnel dans la situation du
commerçant.
De son côté le plan comptable général, n’autorise les changements de
méthode comptable dans son article 130.5 que lorsque les deux conditions
suivantes sont remplies :
. il s’est produit un changement exceptionnel dans la situation de
l’entité ou dans le contexte économique, industriel et financier,
. le changement de méthode fournit une meilleure information
financière compte tenu des évolutions intervenues.
En ce qui concerne la première condition, la société a constaté que
des comptes de l’exercice 2000 devaient être affectés par un évènement
majeur - l’allongement de 32 ans de la durée de la concession - pour lequel
la loi l’obligeait à un calcul rétroactif des amortissements déjà réalisés.
Par ailleurs, la réforme du régime de la taxe à la valeur ajoutée
autoroutière aboutissait à réduire sensiblement la base amortissable de
l’autoroute.
Dès lors que le législateur avait modifié très substantiellement la
durée d’amortissement et procédé à une révision de la base d’amortissement
il était logique que la société s’interroge sur la troisième composante du
calcul de l’amortissement : la méthode d’amortissement.
Ainsi, l’allongement de la durée de l’amortissement, à titre principal,
et la réduction de la base d’amortissement constituaient deux circonstances
exceptionnelles particulièrement propices à une étude du changement de la
méthode d’amortissement de l’autoroute.
La deuxième condition posée par les textes comptables réside dans la
nécessité que la nouvelle méthode contribue à améliorer l’information
financière procurée par les comptes annuels.
Comme
le
relève
la
Cour,
la
loi
permet
l’utilisation
de
l’amortissement proportionnel, utilisé du reste par d’autres sociétés
concessionnaires. Cette méthode est bien adaptée au cas d’une société
concessionnaire aux recettes évolutives. La société a ainsi considéré que la
méthode de l’amortissement proportionnel visait à mieux mettre en
adéquation ses charges d’amortissement à ses recettes, celles-ci étant
appelées à progresser à un rythme soutenu au moins pendant la phase
initiale d’exploitation.
L
A SOCIÉTÉ FRANÇAISE DU TUNNEL ROUTIER DU
F
RÉJUS
387
Cette constatation, qui justifiait par elle-même le changement, s’est
trouvée renforcée par les préconisations du Conseil national de la
comptabilité selon lesquelles l’amortissement doit refléter la manière dont
les
immobilisations
sont
utilisées.
La
Cour
entend
écarter
cette
argumentation en constatant que l’avis du Conseil exclut de son champ
d’application
‘les
amortissements
spécifiques
des
entreprises
concessionnaires ».
Nous ne pouvons sur ce point que renvoyer aux réponses adressées à
la Cour par le commissaire aux comptes de la société qui a fait valoir
que le
conseil avait simplement souhaité que les réflexions en cours sur les
délégations de service public se poursuivent sans interférence, comme il
l’avait déjà fait dans son avis sur les passifs.
Pour l’ensemble des raisons développées ci-dessus, nous ne pouvons
que récuser fermement la conclusion de la Cour selon laquelle le passage de
l’amortissement linéaire à l’amortissement proportionnel, effectué dans le
comptes 2000 de la société, était irrégulier au regard des dispositions du
code de commerce.
Naturellement l’application de la méthode ne doit pas déroger aux
principes prudentiels. Il en est bien ainsi au cas particulier puisque
l’amortissement proportionnel est limité à 15 ans sur une durée de
concession restant à courir de 50 ans. En outre, à l’occasion de
l’approbation des comptes 2001, la société a précisé que les prévisions de
dotation aux amortissements établies pour ces 15 ans à l’occasion des
comptes 2000 ne pourront être ajustées qu’à la hausse, dans le cas où les
prévisions de recettes s’avèreraient trop optimistes.
y
La Cour souligne également une insuffisance d’information dans
l’annexe aux comptes de l’exercice 2000 tant en ce qui concerne
l’amortissement de caducité que le changement de régime de TVA et des
prévisions financières.
Les dirigeants de la société ont à coeur de satisfaire à leurs
obligations d’information des membres du conseil d’administration comme
des actionnaires.
S’agissant plus particulièrement des comptes 2000 :
- Les changements de méthode comptable, débattus en conseil
d’administration, sont mentionnés tant dans la note relative aux principes
comptables que dans l’annexe elle-même. Surtout l’établissement de comptes
pro forma de l’exercice 1999, permettant d’assurer la comparaison des
comptes de l’exercice, a eu pour but de donner au changement une solennité
de nature à alerter le lecteur sur leur importance.
- Tout en reconnaissant que le bilan de la SFTRF a été établi en
respectant la loi, la Cour rappelle que la récupération de TVA obtenue par la
société comportait une composante négative - la taxe qui aurait due être
388
C
OUR DES COMPTES
versée au trésor sur les péages encaissés du 1
er
janvier 1996 au 12 septembre
2000 - et estime que la société aurait dû mentionner dans l’annexe que les
immobilisations ont été diminuées à raison de ce montant.
Ainsi que l’a fait observer à la Cour le commissaire aux comptes de la
société, la préconisation qu’elle formule aurait été contraire au principe de
la détermination du coût historique des immobilisations, que le législateur a
suivi. En outre, loin d’améliorer la transparence, la solution présentée était
de nature à induire le lecteur en erreur, puisqu’elle aurait laissé supposer
une surévaluation des recettes des années 1996 à 2000.
- La Cour estime que les informations fournies sur les hypothèses
fondant les perspectives financières à long terme sont insuffisantes. Nous
prenons acte des observations de la Cour tout en relevant qu’aucun texte
comptable ne prescrit ce type d’informations.
Afin d’améliorer encore cette information, et suivant en cela les
recommandations de la Cour, les comptes 2001 ont fait l’objet d’une
nouvelle présentation. En outre, le conseil d’administration a décidé la mise
en place en son sein d’un comité d’audit chargé notamment de donner un
avis sur les projets de budget et sur l’exécution de ceux-ci ainsi que sur
l’établissement des comptes et de leurs annexes et la détermination des
principes comptables.
Il reste, comme cela a déjà été souligné, que les incertitudes pesant
tant sur l’évolution globale du trafic à travers les Alpes (stable sur
l’ensemble Mont Blanc - Fréjus depuis 1994 comme le relève la Cour) que
sur la répartition entre les 2 tunnels franco-italiens nécessitent des
actualisations régulières des prévisions financières de la société.
y
Par ailleurs, la question de la sécurité au tunnel a également fait
l'objet des constatations de la Cour qui relève que la "sécurité du tunnel du
Fréjus a reposé principalement sur le sens des responsabilités de la SFTRF
et de la SITAF" jusqu'en 1999.
La Cour regrette cependant qu'il ait fallu 14 ans pour prendre les
mesures nécessaires pour résoudre définitivement le problème posé par
l'étanchéité du puits de ventilation.
En réalité, la société avait entrepris des campagnes de mise en
étanchéité du puits par réalisation d’un anneau drainant et d’injections dès
1983.
Ces solutions qui paraissaient suffisantes ont été remises en cause par
l’accident de 1992 qui a détruit la cloison médiane de l’ouvrage. Les deux
sociétés ont décidé alors en GIE de rechemiser le puits et de transformer en
même temps les trappes d’aspiration de l’air vicié dans le tunnel.
Les initiatives des deux sociétés qui se sont déroulées de 1992 à 1997
ont permis notamment d'améliorer la ventilation du tunnel en cas d'incendie
avec un procédé nouveau d'aspiration localisé qui a été validé par le CETU
L
A SOCIÉTÉ FRANÇAISE DU TUNNEL ROUTIER DU
F
RÉJUS
389
(ministère de l'équipement) et rendu obligatoire dans les nouveaux tunnels
par circulaire d'août 2000.
Depuis 1999, comme l'écrit la Cour, « des mesures très substantielles
qui ont été prises par les autorités françaises et italiennes depuis 1999 et qui
ont fait l'objet d'évaluations externes".
Les problèmes de sécurité sont désormais suivis par un comité de
sécurité franco-italien, émanation de la Commission Intergouvernementale
franco-italienne dont la société respecte scrupuleusement les décisions et
recommandations.