En particulier les personnes présentant des affectations graves, immunodépendantes ou âgées.
2
Les légionelles peuvent en effet provoquer deux types d'affection : la fièvre de Pontiac et la maladie des
légionnaires. Si la première affection ne met pas le pronostic vital en jeu, une circulaire ministérielle du 28
mars 1989 fait état d'un taux de mortalité de 15 % parmi les patients hospitalisés au titre de la maladie des
légionnaires, qui pourrait atteindre 50 % parmi les personnes immunodéprimées.
3
Selon le texte de la circulaire du 20 juillet 1992.
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
36
- En ce qui concerne les
piscines thermales
, les arrêtés successifs du 16 mai 1989 et du
20 juillet 1992 n'ont que partiellement comblé les faiblesses de la réglementation. De façon
générale, ils ont prévu des prélèvements pour chaque catégorie d'usages dans le cas des
établissements qui accueillent au moins 200 curistes par an et "pour au maximum deux
catégories d'usages" en deçà de ce seuil de fréquentation. S'agissant des bains collectifs et des
piscines, l'arrêté du 20 juillet 1992 précise que les "prélèvements doivent être opérés à 10 cm
de profondeur dans une zone d'eau stagnante à forte fréquentation".
Toutefois, aucun critère de qualité n'est fixé pour l'eau des piscines thermales. Les
normes de qualité prescrites portent uniquement sur les autres catégories d'usage : ingestion,
injection, douche ou bain individuel, soins susceptibles de provoquer un contact avec les
muqueuses du système respiratoire, soins provoquant un contact avec les muqueuses autres
que celles du système respiratoire (hors injection). Cette lacune conduit, "dans certains cas"
comme l'indique un document de travail de la direction générale de la santé, "à rencontrer de
forts taux de contamination soulevant ainsi des inquiétudes de la part des utilisateurs,
administrations et exploitants concernés".
En effet, compte tenu de l'interdiction de traitement des eaux minérales, le décret du
7 avril 1981 modifié relatif aux piscines de loisirs et baignades aménagées exclut de son
champ d'application les piscines thermales
1
. La France se singularise sur ce point par rapport
à d'autres pays européens comme l'Allemagne, où les piscines thermales sont soumises au
droit commun et donc traitées.
Ainsi que l'indique une note interne de la direction générale de la santé de septembre
1993, l'absence de normes de qualité est d'ailleurs la conséquence de l'interdiction de tout
traitement : "dans le cas des bassins collectifs et piscines, aucun critère de qualité n'a été fixé,
le traitement de désinfection étant interdit".
Il en résulte une situation paradoxale : comme l'observe le rapport précité de
MM. Peyrafitte et Ebrard de 1990, "les malades n'ont pas droit aux garanties des bien-
portants". C'est ainsi que les piscines de remise en forme des établissements thermaux qui
reçoivent du public sans prescription médicale ou sans certificat médical de non contre-
indication sont soumises aux obligations du décret du 7 avril 1981, à la différence de celles
qui accueillent des curistes sur prescription médicale.
Bien qu'elle reconnaisse les risques liés à l'utilisation des bains collectifs et des piscines
thermales, la note annexée à la circulaire du 20 juillet 1992 se borne à rappeler les mesures
d'hygiène préconisées par une circulaire du 21 juillet 1983 : prise de douches savonnées par
les curistes avant les bains, traitement à part des patients présentant des lésions
dermatologiques, passage par des pédiluves, entretien soigné des installations, renouvellement
maximal de l'eau des bassins...
1
On observe toutefois certaines contradictions entre les textes en vigueur. En effet, l'annexe du décret du 9
mars 1956 relative aux conditions d'agrément des établissements thermaux indique dans son article V,
introduit par le décret n° 69-455 du 19 mai 1969 et relatif aux "établissements thermaux dispensant au
cours des cures thermales des pratiques de rééducation fonctionnelle de l'appareil locomoteur", que
"l'utilisation des piscines et notamment le rythme de leurs remplissages et de leurs évacuations, leur
désinfection et leur contrôle bactériologique doivent faire l'objet d'un règlement strict donnant les garanties
d'hygiène indispensables".
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
37
Le traitement des piscines thermales est autorisé à titre expérimental par une circulaire
du 29 mars 1993. Dans son avis du 18 mai 1993, l'Académie de médecine observe à ce propos
que "lorsque l'eau de la piscine est polluée, sans possibilité de renouvellement du fait du
faible débit de la ressource thermale, il est nécessaire de procéder à l'épuration jointe à un
traitement rémanent. Le public doit être informé qu'il ne s'agit plus d'une eau minérale
naturelle".
En raison des risques sanitaires, certaines autorités locales avaient d'ailleurs admis le
traitement des eaux des piscines bien avant le 29 mars 1993. Tel est le cas en Auvergne, où à
l'exception d'une installation, toutes les piscines sont soumises à une désinfection au chlore
analogue à celle retenue par le décret et les arrêtés du 7 avril 1981 pour les piscines publiques.
Ce traitement a été mis en place avec l'accord de la commission régionale d'agrément et dans
certains cas à sa demande, compte tenu de l'impossibilité pour la plupart des établissements de
disposer de débits d'eau minérale suffisants pour assurer un renouvellement satisfaisant du
volume d'eau et du souci de garantir l'innocuité des soins.
Globalement, selon les premiers résultats, en cours de validation, d'une enquête menée
par la direction générale de la santé en 1992-1993 auprès de 80 établissements regroupant
144 piscines thermales, 61 % des piscines ne seraient soumises à aucun traitement, 19 %
seraient filtrées, 5 % chlorées et 15 % filtrées et chlorées. La situation sanitaire des piscines
thermales apparaît très contrastée (voir tableau page 40). Elle dépend non seulement de la
fréquentation, du mode d'utilisation des piscines (mobilisation, marche, bain), de la fréquence
de renouvellement de l'eau, de la configuration de la piscine, de l'existence ou non d'un
traitement, et du type de traitement éventuellement utilisé
1
, mais aussi de la composition
physico-chimique de l'eau.
1
Le choix du mode de traitement est délicat. En effet, certains traitements déséquilibrent l'écosystème des
eaux thermales et favorisent la multiplication de certaines bactéries. C'est ainsi que les désinfections au
chlore entraînent parfois une augmentation de la contamination par pseudomonas aeruginosa.
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
38
État sanitaire d'un échantillon de piscines thermales
Proportion des analyses dont les
résultats se situent en dessous des
valeurs de référence
Bactéries
Valeurs de références fixées
pour les usages externes
autres que les bains en
piscine collective (1)
(figurent entre parenthèses les
critères de qualité pris en
compte uniquement dans la
circulaire du 20/07/1992
Valeur extrême rencontrée
Proportion des résultats
supérieurs à la valeur de
référence admissible
(en % des analyses)
Piscines non traitées
Piscines
traitées par
filtration et
chloration (2)
Coliformes fécaux
Streptocoques fécaux
Anaérobies
sporulés
sulfito-
réducteurs
Pseudomonas aeruginosa
Légionelles
0/250 ml
0/250 ml
0/250 ml
(100/250 ml)
(100/1)
5 250/250 ml
6 000/250 ml
13 000/250 ml
280 000 bactéries/250 ml
30 000/1
53 %
57%
20 %
31 %
(3% > 10 000 bactéries/250 ml)
25 % dont 16 % > 1 000
bactéries/1 (3)
26 %
26 %
85 %
56 %
75 %
98 %
92 %
100 %
95 %
100 %
(1)
En effet, il n'existe pas de normes de qualité pour les piscines collectives. Il a toutefois paru utile de rapporter les résultats constatés aux normes qui existent pour les aux
usages externes (douche, bain individuel…).
(2)
(L'emploi isolé de la filtration ou de la chloration se révèle efficace pour certaines bactéries mais aggrave la contamination pour d'autres.
(3)
Seuil en deçà duquel le risque est estimé faible pour les personnes en bonne santé par la circulaire du 20/07/1992 : 4 % des analyses font même apparaître plus de 10 000
légionelles/1.
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
39
Le bilan des expériences de traitement devrait servir de base à une réflexion sur une
éventuelle modification de la réglementation sanitaire des piscines thermales.
Dans quelques cas, un traitement de l'eau a été admis à la sortie des réservoirs
1
. Dans
l'attente de la mise en service d'un forage, la direction générale de la santé a même autorisé le
26 mars 1993, contrairement à l'avis de l'Académie de médecine, un traitement par
ultrafiltration dès l'émergence des eaux de la source des Arceaux qui alimente les thermes de
Saint-Christau et dont la contamination chronique avait contraint la CRA à suspendre
l'agrément de l'établissement le 19 novembre 1992. L'établissement indique sur ce point qu'un
nouveau forage appelé à se substituer à la source des Arceaux devrait être mis en service très
prochainement.
b) La périodicité des contrôles
La fréquence des prélèvements obligatoires, quoique renforcée successivement par les
arrêtés de 1989 et de 1992 précités, reste faible : 1 à 3 par an à l'émergence, 2 à 3 par
catégorie d'usages selon le nombre de curistes accueillis
2
. En outre, cette périodicité ne
s'applique pas aux recherches de légionelles, qui n'ont lieu qu'une fois par an.
Dans plusieurs départements ou régions, les autorités sanitaires locales ont pallié les
lacunes des textes en mettant en place des protocoles de contrôle plus stricts. La direction
départementale des affaires sanitaires et sociales de l'Ain a ainsi décidé en 1993 de faire
procéder à une recherche de légionelles par mois, voire deux en cas de détection de ces
germes. En Auvergne, la direction régionale des affaires sanitaires et sociales a établi en
accord avec les responsables des établissements thermaux des modalités de contrôle adaptées
à la situation locale. Compte tenu de la qualité généralement satisfaisante des sources, les
contrôles ont été allégés à l'émergence par rapport aux textes et, au contraire, renforcés aux
points d'usage pour tous les paramètres bactériens y compris les légionelles. Le protocole
précise notamment que les analyses doivent avoir lieu au moins dix jours avant l'arrivée des
premiers curistes afin de permettre, le cas échéant, les opérations de nettoyage et de
désinfection nécessaires. Il remédie ainsi à une lacune de la réglementation. En Auvergne
ainsi qu'à Allevard, les piscines ont été soumises au régime de prélèvement mensuel prévu par
le décret du 7 avril 1981 pour les piscines et baignades publiques.
Une note annexée à la circulaire du 20 juillet 1992 reconnaît, sans que pour autant les
conséquences en soient tirées, les limites des contrôles réglementaires : "le contrôle
réglementaire est un constat de qualité à un instant donné... En particulier, ce contrôle peut ne
pas détecter des épisodes ponctuels de contaminations compte tenu du nombre limité de
prélèvements réalisés en cours de saison".
Aussi la circulaire précitée recommande-t-elle la mise en place de dispositifs
d'autosurveillance mais nombre d'établissements en sont encore dépourvus (voir annexe n°
13).
1
Ainsi, la CRA d'Auvergne a recommandé en 1990 une légère chloration de l'eau à Bourbon-l'Archambault
dès la sortie du réservoir pour réduire la présence de pseudomonas aeruginosa.
2
Les rapports des DDASS font apparaître que certains captages ou points d’usage ont échappé à tout
contrôle bactériologique l’année de leur mise en fonctionnement. Tel a été le cas, par exemple, en 1991 à
Royat pour les eaux d’un nouveau forage et d’un bassin de mobilisation.
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
40
Aucune norme de qualité et aucun contrôle ne sont prévus par les textes pour les autres
produits thermaux comme les boues et les gaz thermaux, en dépit des recommandations
formulées par l'IGAS en 1986. Ces produits échappent aux prélèvements prévus par l'arrêté du
20 juillet 1992 sur les eaux minérales.
Pourtant, si un document de travail de la direction générale de la santé observe que pour
les gaz thermaux "il existe peu d'informations" mais qu'il apparaît toutefois que "les gaz
utilisés sont des milieux peu favorables au développement des germes", il n'en va pas de
même des boues : "la boue peut être contaminée au lieu de son prélèvement, lors de sa
fabrication et lors de son usage. Lors du contact avec le curiste, il peut y avoir transmission
directe de micro-organismes".
La direction générale de la santé n'a diffusé aucune directive quant aux bonnes pratiques
de fabrication des boues thermales et à leur surveillance bactériologique, non plus que pour
les gaz thermaux.
Dans le cas de boues thermales, la définition de techniques de prélèvement et de normes
de qualité se heurte, semble-t-il, à la grande diversité des boues dont les caractéristiques
physicochimiques et les modalités d'action demeurent mal connues.
Dans le silence des textes, les conditions de préparation et d'utilisation des boues
continuent à poser dans nombre d'établissements les problèmes d'hygiène relevés en 1986 par
la mission de l'IGAS. En effet, si certains établissements utilisent des boues à usage unique ou
attribuent à chaque curiste un cataplasme ou un récipient individualisé pour la durée de sa
cure, d'autres recyclent la boue selon des modalités variables (chauffage à 60 ou 70°,
pasteurisation voire simple immersion en eau thermale) qui ne sont pas agréées par le
ministère. Quelques établissements ont mis en place un dispositif d'autosurveillance, mais ces
contrôles restent le plus souvent ponctuels et leurs résultats ne sont pas communiqués aux
autorités sanitaires (voir annexe n° 14).
La transparence de l'information voudrait que les curistes soient informés des résultats
des analyses bactériologiques des eaux des installations thermales selon des modalités
analogues à celles retenues pour les piscines publiques et les baignades aménagées ou les
eaux destinées à la consommation humaine.
Le décret n° 81-324 du 7 avril 1981 fixant les normes d'hygiène et de sécurité
applicables aux piscines et baignades aménagées prévoit dans son article 12 l'affichage des
résultats des analyses bactériologiques. Mettant le droit français en harmonie avec une
directive européenne du 8 décembre 1975, la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à
l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral a également soumis les baignades
"non aménagées" à des normes de qualité, d'abord définies par simple circulaire puis par un
décret du 20 septembre 1991 modifiant le décret précité du 7 avril 1981. Si un dépassement
des normes autorisées est constaté, les maires des communes concernées doivent interdire la
baignade dans la zone polluée. Les maires sont tenus d'informer le public, conformément à
l'article L 131-2-1 du code des communes, par une publicité appropriée, en mairie et sur les
lieux de baignade, des résultats des contrôles effectués sur la qualité des eaux, accompagnés
des précisions nécessaires à leur interprétation. Par ailleurs, la loi du 3 janvier 1992 sur l'eau a
complété l'article L 20 du code de la santé publique. Celui-ci dispose désormais que "les
données sur la qualité de l'eau destinée à l'alimentation humaine et, notamment, les résultats
des analyses réalisées dans le cadre du contrôle sanitaire et les analyses réalisées chez les
particuliers sont publiques et communicables aux tiers. Les préfets sont tenus de
communiquer régulièrement les données relatives à la qualité de l'eau distribuée en des termes
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
41
simples et compréhensibles par tous les usagers. Les données relatives à la qualité de l'eau
distribuée font l'objet d'un affichage en mairie et de toutes autres mesures de publicité
appropriées dans des conditions fixées par décret". Il est paradoxal de constater que les eaux
thermales font exception alors même que leur utilisation à des fins thérapeutiques devrait les
soumettre à une exigence de transparence particulièrement rigoureuse à l'égard des curistes et
du corps médical.
Le régime d'autorisation des sources devait être complété par un régime d'autorisation
des établissements thermaux eux-mêmes. Cependant le décret précité du 28 mars 1957 a
renvoyé sur ce point à un règlement d'administration publique qui n'a jamais été publié.
A la différence des autres établissements sanitaires ou sociaux, pour lesquels existe un
double régime d'autorisation de fonctionner d'une part et de donner des soins aux assurés
sociaux d'autre part, les établissements thermaux ne sont assujettis qu'à cette dernière
procédure. L'Etat s'est ainsi déchargé de ses prérogatives sur les commissions régionales
d'agrément, instances composées de représentants des administrations, des caisses de sécurité
sociale et des établissements de soins, chargées par un décret du 20 août 1946 d'autoriser les
établissements à donner des soins aux assurés sociaux après avoir vérifié le respect de
conditions administratives et techniques. Comme l'indique une note de la direction générale
de la santé de mai 1994, "s'il n'y a pas de remboursement par la sécurité sociale, un
établissement thermal peut fonctionner sans autre autorisation que celle donnée à l'eau
minérale". Dès lors, des établissements peuvent dispenser certains soins à des curistes non
pris en charge par la sécurité sociale alors même que l'orientation thérapeutique
correspondante ne leur est pas ou plus reconnue ou qu'ils ne sont pas agréés pour cette
indication.
En ce cas, les seuls contrôles obligatoires portent sur la qualité des eaux à l'exclusion de
celle des équipements et des personnels. Le préfet du département peut toutefois faire
application à tout moment de ses pouvoirs de police
1
et le cas échéant prononcer la fermeture
de l'établissement s'il existe un danger imminent pour la santé publique, en faisant application
de l'article L 17 du code de la santé publique.
Cependant les commissions régionales d'agrément (CRA) ont parfois étendu leurs
contrôles à l'ensemble des installations thermales. Cette pratique permet de pallier les lacunes
de la réglementation en garantissant également la qualité des soins dispensés aux curistes non
pris en charge, dans le cadre d'orientations non reconnues par la nomenclature générale des
actes professionnels. Mais elle prête à confusion comme en témoigne l'exemple de la station
de Zigliara (Corse- du-Sud). Inscrite en 1981 à la nomenclature au titre de la seule indication
voies respiratoires, cette station reçoit aussi des curistes pour des soins de rhumatologie et de
dermatologie. La station, qui réclame de longue date la reconnaissance de ces deux dernières
orientations et plus particulièrement de l'orientation rhumatologie, n'a pas reçu satisfaction à
ce jour, le Haut comité du thermalisme ayant notamment émis à deux reprises un avis
défavorable concernant la rhumatologie. Cependant, la CRA de Provence-Alpes-Côte-d'Azur
a autorisé l'établissement à recevoir les assurés sociaux relevant de l'ensemble des organismes
de sécurité sociale pour les soins de dermatologie et de rhumatologie en 1977 puis pour les
trois orientations voies respiratoires, rhumatologie et dermatologie en 1982. De juin 1977 à
juillet 1988, la sécurité sociale a remboursé les traitements de rhumatologie et de
1
C'est ainsi qu'en 1993, la DDASS des Pyrénées-Orientales a mis en demeure l'établissement du Boulou de
mettre fin, compte tenu des risques encourus par les curistes "en l'absence d'un plateau technique
minimum", aux pratiques médicales complémentaires d'injection de gaz thermal dans le cadre de
l'orientation thérapeutique maladies cardio- artérielles pour laquelle la station n'a, au demeurant, pas obtenu
son inscription à la nomenclature.
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
42
dermatologie. A partir du mois de juillet 1988, les services de la caisse primaire de Corse-du-
Sud ont, à bon droit, rejeté les demandes de prises en charge relevant de ces orientations non
reconnues.
Le directeur des thermes s'est alors adressé à la CRA pour "demander confirmation de
son agrément dans les domaines de la rhumatologie et de la dermatologie". Le 19 février
1990, la commission accordait un nouvel agrément pour les trois orientations au vu d'un
rapport du médecin inspecteur départemental de la santé. Par courrier du 29 juin 1990, la
caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) a indiqué à la
CPAM de Corse-du-Sud que la décision de la CRA ne constituait en aucun cas une décision
d'inscription des orientations litigieuses à la nomenclature générale des actes professionnels
mais seulement un agrément des conditions techniques de fonctionnement de l'établissement
et qu'en conséquence, seules les cures relevant de l'orientation voies respiratoires pouvaient
être prises en charge. Néanmoins, cette "rédaction plus qu'équivoque"
1
de la décision de la
CRA a conduit la CPAM de Corse-du-Sud à rembourser indûment 31 cures de rhumatologie
au cours de la saison 1990.
La durée de l'autorisation à dispenser des soins aux assurés sociaux n'est fixée par aucun
texte réglementaire.
Seule la convention nationale thermale du 26 juin 1972 prévoit que l'autorisation de
délivrer des soins aux assurés sociaux est valable pour une durée de trois ans et tacitement
renouvelée pour la même durée, sauf décision contraire qui doit alors être notifiée à
l'établissement au plus tard trois mois avant l'échéance de la période triennale en cours.
L'autorisation peut toutefois être suspendue ou retirée en cours de période triennale lorsque
l'établissement ne remplit plus les conditions requises.
Une circulaire du ministre de la santé en date du 17 avril 1979 tend à rapprocher le
contrôle des eaux par les DDASS et le contrôle par la CRA en recommandant un réexamen
annuel des conditions d'agrément sur la base de rapports de l'ingénieur sanitaire, du médecin
inspecteur de la DDASS et, éventuellement, du médecin conseil placé auprès de la caisse
d'assurance maladie.
En fait, ce réexamen est opéré selon une périodicité variable selon les régions : tous les
ans en Auvergne, tous les deux ans en Midi- Pyrénées où un suivi annuel est mis en place
pour les établissements en difficulté, tandis qu'en Aquitaine et en Languedoc-Roussillon les
dossiers ne sont pas revus selon une périodicité fixe mais seulement lorsque les DDASS
signalent des difficultés graves susceptibles de mettre en cause l'agrément. En Languedoc-
Roussillon, la CRA a examiné la situation des établissements des douze stations thermales en
juin 1994. Seuls les dossiers de trois établissements (Amélie, Lamalou, Avène) étaient déjà
passés en commission au cours de la période 1990- 1994.
1
Selon l'expression employée par la CPAM de Corse-du-Sud.
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
43
Dans certains cas, le suivi des établissements par les CRA se révèle très insuffisant.
Cette situation tient parfois à un manque de coordination entre les directions
départementales des affaires sanitaires et sociales et la commission régionale d'agrément.
C'est ainsi que la commission de la région Rhône-Alpes a constaté le 9 mars 1993 que
l'établissement thermal de Saint-Gervais avait été entièrement reconstruit entre avril 1991 et
avril 1992 sans qu'elle en ait été informée et sans qu'elle ait pu, de ce fait, se prononcer sur le
respect des conditions techniques d'agrément du nouvel établissement ouvert en mai 1992. En
principe, aucune prise en charge n'aurait donc dû être délivrée pour la saison thermale 1992.
La commission a toutefois accordé un agrément rétroactif à l'établissement après avoir
constaté que la direction départementale des affaires sanitaires et sociales avait suivi la
reconstruction.
Par ailleurs, certains établissements ont échappé au contrôle des CRA.
Le décret précité du 20 août 1946 et celui du 9 mars 1956 qui l'a complété précisaient
dans leurs titres qu'ils fixaient "les conditions d'autorisation des établissements privés de cure
et de prévention pour les soins aux assurés sociaux". Cependant la loi du 6 janvier 1986 a
modifié la rédaction de l'article L 162-21 du code de la sécurité sociale en remplaçant la
notion d'établissement privé par celle d'établissement de soins "de toute nature".
Faute d'ajustement des textes réglementaires, les CRA ont interprété diversement leur
compétence. Si dans certaines régions les établissements thermaux sont désormais soumis à la
procédure d'agrément quel que soit leur statut, il n'en va pas de même partout. La situation des
thermes de Balaruc, gérés par une régie municipale, a par exemple été examinée pour la
première fois par la CRA du Languedoc-Roussillon en juin 1994 seulement, bien qu'il s'agisse
de la troisième station de France, avec Amélie, pour la fréquentation. En région Rhône-Alpes,
la CRA a étendu en 1988 son contrôle aux établissements publics mais a fait exception pour
les thermes nationaux d'Aix-les-Bains (voir ci- après, 3e partie, chapitre II). Au demeurant,
certains établissements avaient jusqu'à une date récente échappé à la procédure d'agrément
alors même qu'ils étaient de statut privé. C'est ainsi que la CRA de Languedoc-Roussillon
s'est prononcée pour la première fois en juin 1994 sur le cas de l'établissement de Lamalou qui
n'était pas soumis à la procédure d'agrément jusqu'en 1986, étant à l'époque un établissement
relevant d'une collectivité publique, et n'avait pas encore été agréé depuis sa reprise par une
chaîne thermale privée.
Certes, en pratique, les services des DDASS vérifient généralement, lors de leurs visites
périodiques sur place, non seulement le respect des conditions touchant à la surveillance des
eaux mais aussi l'ensemble des prescriptions édictées en matière d'hygiène, de sécurité et de
personnel par les conditions d'agrément.
Mais l'absence de règles définissant leurs compétences au regard de celles des
médecins-conseils de la sécurité sociale ne favorise pas un contrôle exhaustif.
Le régime de contrôle de la qualité des eaux est complété pour les établissements qui
accueillent des assurés sociaux par les conditions techniques d'agrément définies à l'annexe
XXVI du décret du 9 mars 1956, complétant le décret modifié du 20 août 1946 qui fixe les
conditions d'autorisation des établissements privés de cure et de prévention pour les soins aux
assurés sociaux.
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
44
Aux termes de l'annexe, "sont considérés comme établissements thermaux, les
établissements qui utilisent sur place ou par adduction directe, pour le traitement interne ou
externe des malades, l'eau d'une ou plusieurs sources minérales régulièrement autorisées par
arrêté ministériel ou ses dérivés : boues ou gaz". Outre le respect rigoureux de la
réglementation concernant le captage des eaux, leur analyse, leur adduction, leur distribution
et leur utilisation, ces établissements doivent satisfaire à des prescriptions relatives
notamment à la sécurité, à l'hygiène et au personnel. Cependant, celles-ci restent succinctes.
Elles ne sont, au demeurant, pas toujours respectées elles non plus.
a) En matière de sécurité
Aux termes de l'annexe XXVI : "l'établissement thermal doit disposer de réserve d'eau,
d'extincteurs en nombre suffisant, d'un moyen d'appel rapide à la caserne des pompiers la plus
proche" et "la construction et l' aménagement des locaux doivent permettre leur prompte
évacuation en cas de sinistre". Cependant, les rapports des commissions de sécurité ne sont
souvent pas communiqués aux commissions régionales d'agrément, qui n'ont alors
connaissance que des observations ponctuelles relevées le cas échéant lors de leurs
inspections par les services départementaux des affaires sanitaires et sociales. En Auvergne, la
commission régionale d'agrément a demandé toutefois en 1992 aux établissements de joindre
au dossier de demande de renouvellement de leur agrément, le procès-verbal de la dernière
visite de la commission de sécurité. Lorsque cette visite est trop ancienne, la CRA prescrit aux
gestionnaires de solliciter dans les plus brefs délais le passage de cette commission. Le
directeur régional des affaires sanitaires et sociales souligne qu'"il est souhaitable que ces
visites se fassent à périodicité de 3 à 5 ans et que la CRA soit systématiquement destinataire
du procès-verbal". Il apparaît en effet que les établissements tardent parfois à mettre en
oeuvre les recommandations édictées par la commission de sécurité.
Les événements intervenus à Barbotan en 1991 (vingt morts par asphyxie dans l'enceinte
de l'établissement thermal) témoignent pourtant de la nécessité d'une vigilance particulière
contre le risque d'incendie.
Aux impératifs de sécurité concernant les risques d'incendie s'ajoutent des exigences
tenant à la vocation médicale des établissements thermaux. A cet égard, les rapports des
DDASS observent que certains établissements restent dépourvus de sonnettes d'alarme
destinées à alerter le personnel en cas de malaise ou de dispositifs de minutage prescrits pour
certains soins dont la prolongation indue risque d'avoir des effets indésirables.
b) En matière d'hygiène
L'annexe XXVI comporte diverses prescriptions sur l'hygiène des locaux, qui doivent
notamment être revêtus de matériaux permettant un lavage fréquent
1
, et celle des installations.
Elle précise en particulier que les appareils destinés à l'usage individuel doivent être
désinfectés chaque fois qu'ils sont utilisés. Ces prescriptions ont parfois été perdues de vue
2
.
L'attention insuffisante portée aux règles d'hygiène par certains établissements explique que
des contaminations élevées puissent être détectées aux points d'usage alors que l'eau du
captage est pure. Comme le relevait la DDASS du Puy - de- Dôme en 1992, l'on peut se
demander "à quoi cela sert de remplir une baignoire sale avec une eau propre".
1
A la demande de la DDASS des Pyrénées-Orientales, il a été ainsi enjoint à certains établissements de
remplacer des revêtements en pierre poreuse par des carrelages.
2
Tel avait par exemple été le cas à Luxeuil en 1991, ce qui avait conduit le préfet à interdire
temporairement certains soins. Depuis lors des mesures ont été prises par cette station pour remédier à ces
anomalies. La ville de Luxeuil qui a repris l'exploitation des thermes en août 1993 a indiqué sur ce point
que les matériels à usage individuel qui sont réutilisés plusieurs fois et ne peuvent être stérilisés par la
chaleur sont désormais traités par un produit désinfectant.
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
45
En outre, l'évacuation des eaux usées doit être assurée conformément aux règles
d'hygiène. Ainsi que l'avait déjà relevé l'IGAS en 1986, l'élimination des eaux utilisées pour
les soins thermaux n'est souvent pas effectuée dans des conditions satisfaisantes au regard de
la protection des cours d'eau. Nombre d'établissements ne rejettent dans les égouts que les
eaux usées des sanitaires et déversent des eaux utilisées pour les traitements thermaux
(douches, bains, piscines) dans les collecteurs pluviaux ou directement dans le milieu naturel.
Les stations thermales contribuent ainsi paradoxalement à la pollution des eaux notamment
par le rejet d'effluents chlorés lors des opérations de désinfection de canalisations.
L'annexe précitée du décret de 1956 dispose "qu'un médecin doit être attaché à chaque
établissement thermal en qualité de directeur ou de conseiller technique". "A défaut et
provisoirement, un médecin praticien de la station doit assurer la surveillance médicale de
l'établissement". "Une infirmière diplômée d'Etat au moins doit se trouver en permanence à
l'établissement pendant les heures de cures". Par ailleurs, des "inspecteurs ou surveillants
qualifiés chargés de veiller à l'application exacte des traitements prescrits doivent être affectés
à chaque service ou groupe de services".
Aucun texte ne définit cependant les qualifications requises pour dispenser les soins
thermaux, sauf pour les actes de kinésithérapie qui ne peuvent être effectués que par des
kinésithérapeutes diplômés, et les pratiques médicales complémentaires, inscrites à la
nomenclature, qui relèvent de la seule compétence des médecins. Sur ce point, l'annexe
dispose seulement que "le personnel doit posséder des connaissances techniques suffisantes
pour que soit assurée l'application correcte des traitements prescrits". Si certains
établissements ont mis au point des formations, au demeurant non agréées, avec l'aide des
services de formation continue de l'éducation nationale ou des médecins thermaux et des
enseignants des centres hospitaliers régionaux
1
, les auxiliaires thermaux sont fréquemment
formés rapidement sur leur lieu d'activité.
Un rapport établi en juillet 1993 par le médecin conseil de l'échelon local de Mont-de-
Marsan relève les dangers liés à l'insuffisante formation des personnels, qui prodiguent
parfois des conseils intempestifs, tel cet agent thermal qui avait autorisé à tort un curiste de
phlébologie à nager dans la piscine chaude réservée aux soins de rhumatologie.
Les risques d'effets indésirables sont d'autant plus réels que, comme le relevait en 1991
un autre rapport du contrôle médical, les prescriptions des médecins thermaux sont souvent
libellées de manière peu précise, laissant une grande liberté d'appréciation aux agents
thermaux quant à la température, à la durée ou à la localisation des soins. Dans le cas étudié,
ces incertitudes conjuguées avaient été "source de complications et d'arrêt de soins pour 21 %
des personnes interrogées".
En outre, les rares exigences réglementaires ne sont parfois pas respectées. A la suite des
anomalies observées par le passé, notamment à Gréoux-les-Bains, le ministère a réaffirmé que
1
A Dax par exemple, la Compagnie thermale a mis en place avec le Groupement d'établissements pour la
formation continue (GRETA) une formation dont bénéficient tous les auxiliaires thermaux. Le budget
formation représente 1,66 % de la masse salariale des établissements thermaux de la station. Pour la station
de Neyrac, un stage de formation pour qualification "agent de soins thermaux" a été mis en place par le
GRETA d'Aubenas en 1990. A Neris, une formation est donnée par des médecins de la station et par
l'association Thermauvergne. A Royat, la formation est constituée par un "stage d'accueil" d'une semaine,
en début de saison, organisé en liaison avec les médecins de la station, une pharmacienne, éventuellement
des cabinets de formation extérieurs et une chambre de commerce et d'industrie. A Allègre-les- Fumades,
l'établissement a mis en place un plan triennal de formation avec le concours d'une société spécialisée. Au
Boulou, 90 % des auxiliaires thermaux sont titulaires du brevet national de secourisme. La convention
collective en cours de négociation devrait permettre de généraliser de telles initiatives en faveur de la
formation.
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
46
les actes de kinésithérapie ne pouvaient, conformément aux dispositions du décret du 19 mai
1969, être dispensés que par des kinésithérapeutes diplômés. Cependant, du fait, semble-t-il,
de difficultés de recrutement, certains établissements font parfois appel à des étudiants en
kinésithérapie, comme à Brides-les-Bains en 1992 ou à La Léchère en 1993.
Par ailleurs, certains établissements restent dépourvus d'infirmières. Tel était le cas en
1993 pour les établissements de la Preste ou du Boulou. Il en allait de même en région Midi-
Pyrénées, des établissements d'Argelès Gazost et de Barèges, tandis qu'à Ax les Thermes,
Bagnères de Luchon et Cauterets, les thermes comptaient moins d'infirmières que
d'établissements. La situation a toutefois été régularisée en 1994 même si les infirmières se
voient parfois attribuer d'autres fonctions. De surcroît, certains établissements ne disposent
toujours pas d'un médecin attaché. Tel est notamment le cas à Dax où la fonction de médecin
conseiller technique est cependant assurée pour l'ensemble des établissements par le bureau de
la société des médecins thermaux de Dax.
De façon générale, les normes d'agrément demeurent imprécises et elles ne fixent jamais
de grille des installations et des effectifs nécessaires en fonction de l'orientation thérapeutique
et de la fréquentation des établissements.
En l'absence de carte sanitaire et de régime d'autorisation des établissements, les seules
dispositions qui encadrent la capacité d'accueil de ces derniers figurent à l'annexe XXVI du
décret du 9 mars 1956. Celle-ci prévoit que "l'organisation générale, le personnel, le matériel
et tous les services d'un établissement thermal doivent être fonction de sa capacité réelle
d'utilisation, c'est-à-dire du nombre maximum de malades pouvant y être normalement traités
au cours d'une même journée. Le chiffre de ceux-ci ne dépend d'ailleurs pas uniquement de
l'importance de l'établissement, mais encore de son alimentation en eaux minérales ou leurs
dérivés et du rythme de cette alimentation".
En fait, les commissions régionales d'agrément n'ont défini une capacité maximale
d'accueil que dans de très rares cas comme à Gréoux, dans les années 80. Dès lors, les
anomalies relevées par l'IGAS en 1986 persistent dans un certain nombre d'établissements :
surexploitation de la ressource en eau préjudiciable au respect des règles d'hygiène, files
d'attente, mise en place d'horaires de soins inadaptés au confort des curistes, raccourcissement
indû de la durée réelle des soins prescrits notamment en masso-kinésithérapie, voire non
exécution de certaines prescriptions.
Les débits d'alimentation des installations thermales sont eux- mêmes parfois
insuffisants. Un rapport d'avril 1994 de la DDASS de l'Hérault observe qu'à Balaruc, par
exemple, station qui bénéficie de l'indication rhumatologie et séquelles de traumatisme ostéo-
articulaire, la "disponibilité en eau thermale (70 m3/h) paraît à peine suffisante en période de
pointe et du moins ne permet aucune sécurité d'approvisionnement en cas de difficulté
mécanique sur un captage ou en cas de pollution massive d'un captage "et relève" une
fréquentation
qui
augmente
régulièrement
chaque
année
malgré
les
difficultés
d'approvisionnement en eau". "Par ailleurs, il apparaît qu'en plus de la fréquentation, le
nombre d'actes prescrits dans le forfait thermal augmente également, ce qui a justifié
récemment la création de nouveaux soins d'hydrothérapie et induit un besoin croissant en eau
thermale". En réponse aux observations communiquées par la Cour, la commune de Balaruc
indique qu'un projet visant à améliorer la qualité et la sécurité de l'alimentation en eau
thermale ainsi que l'adéquation entre la disponibilité en eau et la capacité d'accueil va être
présenté à la direction départementale des affaires sanitaires et sociales.
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
47
Ce problème d'alimentation en eau est particulièrement aigu pour les piscines thermales
qui ne sont pas soumises aux normes strictes prescrites par la réglementation des piscines de
loisirs quant au renouvellement de l'eau et à la fréquentation maximale simultanée par les
baigneurs. L'Académie de médecine consultée par le ministère de la santé a rappelé en mai
1993 que ne peuvent être considérées comme piscines thermales que celles qui sont
alimentées exclusivement par une source d'eau minérale naturelle, situées dans un
établissement thermal agréé et non traitées par l'adjonction de désinfectants, ce qui impose de
disposer d'une source à débit suffisant pour renouveler l'eau de la piscine en permanence. Or,
cette dernière condition n'est pas remplie dans de nombreux établissements : la circulaire
d'application de l'arrêté du 16 mai 1989 relevait d'ailleurs à ce propos que, "pour aller dans le
sens de la plus grande sécurité en matière d'hygiène, on devrait n'effectuer des soins en bains
collectifs que s'il y a mise à disposition d'un volume d'eau instantané très important par
curiste, ce qui est généralement incompatible avec les disponibilités en ressources minérales".
De fait, les premiers résultats de l'enquête sur les piscines thermales menée en 1992 et 1993 à
la demande de la direction générale de la santé indiquent que le renouvellement de l'eau reste
souvent très insuffisant alors même que la fréquentation journalière des piscines dépasse 200
personnes dans 39 % des cas : 67 % des piscines reçoivent un apport d'eau journalier inférieur
ou égal à 50 % de leur capacité et une proportion non négligeable d'entre elles ne sont
vidangées qu'une fois par semaine (17 %) voire qu'une fois par mois (14 %).
La trop forte fréquentation de certains établissements par rapport à leur capacité
d'accueil a des conséquences sur les horaires de soins qui sont imposés aux curistes.
En 1986, l'IGAS avait notamment observé qu'à Dax certains établissements pratiquaient
des "horaires très fatigants pour les curistes" perdant de vue cette "notion élémentaire" que les
curistes étaient là pour se reposer et pour profiter d'une médecine thermale.
Comme le relevait l'échelon local du service médical auprès de la caisse primaire de
Mont-de-Marsan, en 1991, ces horaires trop matinaux, préjudiciables à l'efficacité du
traitement, "ne pouvaient se justifier par les contraintes d'organisation des soins ou le désir de
tourisme des curistes". Cette situation, qui persistait en 1993 dans certains établissements,
s'est depuis lors nettement améliorée à la suite des observations répétées de l'échelon local du
service médical et du médecin inspecteur de la santé. Selon le médecin conseil, l'heure
d'ouverture des établissements a été repoussée de 3 heures à 5 heures du matin. Les
établissements soulignent, en réponse aux observations de la Cour, qu'ils ont progressivement
élargi leurs horaires de soins à l'après-midi afin de les adapter à l'état de santé des patients et
que les horaires les plus matinaux sont désormais souvent réservés à des curistes habitués à se
réveiller tôt (agriculteurs par exemple).
Dans certains cas l'augmentation de la fréquentation a conduit des établissements à
limiter le nombre de soins sans diminuer la facture adressée à la CPAM. Tel est le cas aux
thermes nationaux d'Aix-les- Bains. Au lieu de refuser l'inscription de certains curistes,
l'établissement a conclu avec la société médicale qui regroupe les médecins thermaux, un
protocole d'accord dit "pour le meilleur emploi médical des ressources thérapeutiques de
l'établissement thermal", signé pour la première fois en 1986 et reconduit depuis lors chaque
année avec quelques modifications. Lors de la présentation de ce protocole aux médecins
thermaux, il avait été indiqué par le président de la société médicale locale qu'il s'agissait là
d'un "contrat de gestion de pénurie". Le protocole du 20 avril 1989 disposait par exemple que
"les jours fériés il ne sera(it) délivré qu'un seul soin à désigner sur l'ordonnance par le signe F
; le même procédé pourra(it) être appliqué à l'initiative des thermes et après accord du
président de la société médicale pour certains jours de pointe...".
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
48
Les établissements tendent également à développer des soins collectifs. En 1987 déjà,
l'échelon local du service médical de La Rochelle avait observé que l'établissement de Jonzac
favorisait "les techniques automatiques et stéréotypées, sans interventions de personnel mais
onéreuses, au détriment des techniques individuelles et médicalisées comme les massages par
un kinésithérapeute diplômé"
1
. Cette évolution s'est confirmée depuis lors dans de nombreux
établissements où, selon les termes d'un rapport de l'échelon local du service médical de
Mont-de-Marsan en 1991, "l'on voit glisser les traitements vers les pratiques demandant le
moins de temps en personnel thermal et en durée de soins"
2
, ces pratiques "s'accentu(ant) à
mesure que les établissements s'équipent". Cette tendance préjudiciable à l'image du
"thermalisme médical" peut dans certains cas présenter des risques pour les curistes. Un
rapport de 1993 du même service médical observe à ce propos les dangers d'une "utilisation
sans surveillance active de douches de forte pression en piscine". "Si une mauvaise utilisation
peut être dangereuse en rhumatologie, elle l'est toujours en phlébologie".
E. - UNE RIGUEUR ACCRUE MAIS ENCORE INSUFFISANTE
Les cures thermales ont une réputation d'innocuité, de "médecine douce" et leur
ancienneté paraît être un des meilleurs gages de sécurité. Comme le soulignait en 1991 une
direction départementale des affaires sanitaires et sociales, "il est essentiel que, faute d'une
grande efficacité probante" des soins thermaux, "ces pratiques soient au moins parfaitement
inoffensives et offrent toutes garanties en matière d'hygiène et de sécurité". Les observations
précitées montrent que tel n'est pas toujours le cas
3
.
Depuis les évènements de Gréoux (voir p. 32) la surveillance sanitaire des
établissements a cependant été renforcée grâce à l'adoption de nouvelles normes de qualité
des eaux et à la multiplication des visites d'inspection des ingénieurs sanitaires et des
médecins inspecteurs des DDASS
4
.
Les retraits prolongés d'agrément par la commission régionale d'agrément
5
ou les
suspensions d'autorisation de fonctionner prononcées par les préfets demeurent exceptionnels
s'agissant de l'ensemble d'un établissement, mais il n'est pas rare que les préfets suspendent
l'autorisation de fonctionner de telle ou telle installation (buvette, piscine ou vaporarium
notamment).
1
Compte tenu notamment des difficultés de recrutement de masseurs-kinésithérapeutes.
2
Il avait noté, entre autres exemples, que la douche de forte pression sous immersion en piscine (facturée
1 291,50 F les 18 séances), était dispensée collectivement et présentait de ce fait un caractère médical
atténué. Les responsables de l'établissement font notamment valoir, en réponse aux observations
communiquées par la Cour, que les soins en piscine sont en réalité complémentaires d'interventions
personnalisées, sous forme de massages individuels. Mais la fréquence de ces massages, inférieure aux
soins collectifs en piscine, conduit à relativiser la portée de l'argument.
3
En dépit des constats établis par le ministère de la santé et l'organisation mondiale de la santé, certains
professionnels du thermalisme ont affirmé en 1993 devant la commission régionale d'agrément d'Auvergne
que "les légionelles ne donnent pas de maladie".
4
7 à 8 visites par an de 1988 à 1993 par exemple à Amélie, 5 à 6 à Boulou, 5 à la Preste.
5
En juin 1994, la CNAMTS dénombrait cinq retraits d'agrément pour toutes les orientations et trois cas de
retraits d'agrément pour l'une seulement des orientations traitées dans l'établissement.
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
49
Par ailleurs, dans le souci de concilier la protection des curistes et les exigences de la vie
économique locale, les commissions régionales subordonnent souvent la reconduction de
l'agrément au respect de certaines conditions, comme l'interdiction d'ouverture d'installations
présentant des risques particuliers (buvettes, vaporariums), la réalisation de travaux ou
l'instauration d'une surveillance épidémiologique des curistes.
Cette dernière mesure, fréquemment prescrite, est cependant malaisée à appliquer dans
le domaine du thermalisme : comme le reconnaît la circulaire du 20 juillet 1992, il est difficile
de mettre en place une surveillance épidémiologique des pseudomonas aeruginosa en raison
de l'absence, dans la plupart des cas, de spécificités des affections induites, et du caractère
"pathogène opportuniste" de ces bactéries. Il en va de même pour les risques
épidémiologiques liés à la présence de légionelles compte tenu des difficultés de diagnostic
accentuées par l'origine géographique très diverse des curistes (durée des analyses longue,
temps de séjour des curistes limité, impossibilité de garantir la continuité du suivi après la fin
de la cure). "Ces différents éléments, auxquels s'ajoutent souvent les réticences des médecins
thermaux à signaler les cas sporadiques conduisent à un recueil non satisfaisant des cas (de
légionelloses), malgré l'obligation qui en est faite dans le décret du 10 juin 1987 modifié le
11 décembre 1987". L'inspecteur régional du génie sanitaire d'Auvergne indiquait sur ce point
le 10 février 1994 à la commission régionale d'agrément que certains des établissements
soumis à une surveillance épidémiologique n'avaient pas transmis d'informations aux autorités
sanitaires sur les conditions de réalisation de ce suivi et ses résultats.
De fait, les commissions régionales constatent parfois que les restrictions ou
prescriptions posées n'ont pas été respectées. Paradoxalement, la mise en oeuvre des mesures
d'hygiène prescrites par les autorités sanitaires se heurte parfois à l'incompréhension de
certains curistes qui ne perçoivent pas la nécessité du passage par un pédiluve et d'une douche
savonnée avant d'accéder à la piscine.
Par ailleurs, si nombre d'établissements collaborent dans un souci de transparence avec
les autorités sanitaires, d'autres n'appliquent pas toujours les décisions de la CRA. La
commission régionale d'agrément de Midi-Pyrénées a été ainsi amenée à prononcer en juin
1991 un retrait d'agrément à l'encontre des thermes d'Ussat (Ariège) après l'envoi en 1988,
1989 et 1990 de trois lettres de mise en demeure restées infructueuses. Cependant, les
mesures prises par la CRA devaient être suspendues par le ministère tandis que le gestionnaire
des thermes entreprenait des travaux. Le 21 novembre 1991, un rapport de la DDASS
constatait que, si un "réel effort avait été mené afin de pourvoir au plus pressé", plusieurs des
bâtiments étant désormais en "quasi-conformité", une unité avait rouvert ses portes sans en
avertir l'autorité sanitaire et que les buvettes avaient été remises en service en dépit de
l'interdiction formulée par la CRA, après avoir été raccordées à une autre source sans que
l'autorité sanitaire n'ait été "ni avertie, ni consultée". En mars 1994, la DDASS a constaté que
la piscine thermale dont l'utilisation est interdite par la CRA depuis 1991 avait été remise en
service
1
. L'utilisation de la piscine a de nouveau été autorisée au début de l'été 1994 mais cet
agrément n'a pu avoir d'effet que pendant quelques semaines puisqu'un arrêté du préfet du
12 août 1994 a suspendu, pour des raisons tenant à la qualité des eaux, l'autorisation de
dispenser des soins.
1
L'établissement répond aux observations communiquées par la Cour que la remise en service des buvettes
aurait été exigée par des impératifs techniques de désinfection des réseaux mais qu'aucune cure de boisson
n'aurait été prescrite pendant la période d'interdiction formulée par la CRA. Quant à la piscine thermale,
elle n'aurait été utilisée que "durant quelques heures, un après-midi, pour une équipe de rugby en période de
mise au vert" et ce le jour même où le médecin inspecteur faisait une visite de l'établissement.
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
50
Il est vrai que l'Etat n'a pas donné l'exemple dans le cas des thermes nationaux d'Aix les
Bains dont il est propriétaire (voir infra 3e partie, chapitre II).
***
Ainsi que le reconnaît une note de la direction générale de la santé
1
, le thermalisme "est
un secteur dans lequel l'intervention de l'administration a été relativement limitée pendant un
certain nombre d'années, ceci aussi bien au niveau des administrations centrales qu'à celui des
administrations régionales ou départementales, en raison d'un désintérêt manifeste ou de par
le poids politique que cela représente". "De ce fait, la réglementation existante comprend des
dispositions souvent anciennes, redondantes, voire contradictoires notamment dans les
terminologies adoptées. Les procédures sont lourdes, longues et très centralisées, ne
permettent pas un suivi constant de la situation et conduisent à une dilution des
responsabilités. Les rôles des différents acteurs sont confus et n'ont pas tenu compte de
l'évolution des services administratifs. Cet état de fait a conduit au non respect de la
réglementation en vigueur pour ce qui est des autorisations d'exploitation des eaux minérales
et à rencontrer des problèmes sanitaires dans certains établissements thermaux".
Certes, dans un avis du 23 mars 1993 sur la situation sanitaire des établissements
thermaux et la qualité des eaux minérales naturelles, le Conseil supérieur d'hygiène publique
de France a pris acte "avec satisfaction du travail considérable réalisé depuis deux trois ans
pour la mise en ouvre de la réglementation sur les eaux minérales".
Il apparaît néanmoins nécessaire de revoir la réglementation afin de mettre fin aux
lacunes existantes, de clarifier les partages de compétence
2
et les critères de décision,
d'actualiser et de compléter les normes de qualité au vu des connaissances scientifiques
récentes.
Mais la refonte de la réglementation ne saurait être utile que si les textes étaient
effectivement appliqués, ce qui n'a pas été le cas jusqu'à présent de nombreuses dispositions
touchant, en particulier, au régime d'autorisation d'exploiter les eaux minérales. Par ailleurs,
comme le souligne une circulaire du 13 mai 1993, "il apparaît nécessaire que les dispositions
prises vis-à-vis d'établissements thermaux soient homogènes selon les départements lorsqu'ils
présentent des situations sanitaires équivalentes".
Les curistes sont en droit d'attendre que les effets indésirables potentiels des cures
thermales soient peu fréquents et en tout cas peu graves.
L'affirmation de la valeur thérapeutique des eaux thermales devrait logiquement
conduire à les soumettre aux estimations comparatives des bénéfices et des risques qui
président à la mise sur le marché et au retrait des médicaments.
Une attention particulière devrait être apportée à la réglementation applicable à certains
points d'usage particulièrement exposés comme les piscines thermales. Enfin, les cas de
contamination chronique de l'eau par des bactéries susceptibles de provoquer des affections
graves - même s'ils demeurent, semble-t-il très rares au regard du nombre de curistes
accueillis - devraient appeler une rigueur accrue de la part des autorités sanitaires.
1
Note en date du 4 ami 1994.
2
Notamment entre les CRA et les DDASS, les DDASS et les DRIRE.
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
51
Principales observations sur la médicalisation du thermalisme
1. - Lacunes dans les textes relatifs à la prise en charge des cures
par l'assurance maladie
- Absence d'un texte législatif consacrant la prise en charge des cures thermales par
l'assurance maladie, autorisant les conventions passées entre les organismes de sécurité
sociale et les établissements ou leurs organisations, et régularisant le recours à la caisse locale
ou "caisse de subsistance" pour le remboursement de l'ensemble des dépenses thermales.
- Non conformité au regard des règles internes à la CNAMTS des conventions passées
avec les établissements thermaux.
- Complexité juridique du recours simultané à des arrêtés préfectoraux et à des
conventions pour la détermination des tarifs applicables aux assurés sociaux et fragilité
juridique des circulaires annuelles de la DGCCRF relatives aux tarifs thermaux.
2. - Lacunes de la réglementation sanitaire
- Absence de carte sanitaire des stations et établissements thermaux et absence de
fixation d'une capacité d'accueil maximale par orientation, pour chaque établissement.
- Absence de texte définissant les conditions de fond requises pour l'inscription à la
nomenclature générale des actes professionnels, d'une station, d'une orientation thérapeutique
ou d'une pratique médicale complémentaire.
- Absence de texte d'application de la loi du 3 janvier 1992 sur l'eau pour la définition du
régime de protection des eaux minérales.
- Absence de texte d'application de l'article 20 du décret du 28 mars 1957 concernant le
régime d'autorisation des établissements thermaux.
- Imprécisions de l'annexe XXVI du décret du 9 mars 1956 complétant le décret du 20
août 1946 fixant les conditions d'autorisation des établissements privés de cure et de
prévention pour les soins aux assurés sociaux.
- Absence de normes techniques relatives aux installations de soins.
- Absence de réglementation sur les horaires de soins.
- Absence de règles concernant la qualification des auxiliaires de soins.
- Absence de normes de qualité des eaux thermales concernant certaines bactéries.
- Absence de critères de qualité concernant les piscines thermales.
- Absence de normes de qualité et de contrôles concernant les autres produits thermaux.
- Faiblesse de la fréquence des prélèvements obligatoires (notamment pour le contrôle
de la présence des légionelles).
3. - Carences observées dans la mise en ouvre de la réglementation sanitaire
- Non respect du régime d'autorisation d'exploiter les eaux minérales défini par le décret
du 28 mars 1957.
- Non respect des dispositions prescrites dans les périmètres de protection des sources.
-
Tolérance
de
contaminations
élevées
et
parfois
chroniques
dans
certains
établissements.
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
52
DEUXIÈME PARTIE : LE SYSTÈME TARIFAIRE
Le thermalisme s'inscrit dans une logique sanitaire. Pourtant, l'obligation d'adresser les
curistes à la station thermale la plus proche, en principe applicable, n'est que rarement
imposée par les caisses primaires
1
. En conséquence, à la différence de la situation observée
pour les autres équipements sanitaires, le médecin prescripteur, et en réalité le plus souvent le
patient lui-même, peut choisir librement n'importe quelle station, correspondant à l'orientation
thérapeutique retenue, en écartant l'application du principe d'économie prévu par l'article
L 162-4 du code de la sécurité sociale.
Cette tolérance crée une concurrence entre les stations dont la fréquentation connaît des
évolutions très contrastées y compris parmi les stations traitant les mêmes affections (Voir
annexe n° 4). Si de nombreux curistes semblent fidèles à un établissement donné
2
, d'autres en
changent au contraire, sensibles à la variété dans les soins ou à celle de l'environnement.
Pourtant, cette concurrence ne peut se réguler par la loi habituelle de l'offre et de la
demande : le curiste ne supporte lui- même qu'une faible partie du coût médical de la cure, par
le biais d'un ticket modérateur d'ailleurs fréquemment pris en charge par les mutuelles. C'est
pourquoi, afin d'éviter un risque de surcoût pour les finances des organismes de sécurité
sociale, un contrôle administratif spécifique a été mis en oeuvre par le ministère de
l' économie , et plus particulièrement par la direction générale de la concurrence, de la
consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).
Ce contrôle a deux finalités : la première est de maîtriser le coût des prestations en se
substituant aux mécanismes d'un véritable marché ; la seconde vise à favoriser la
modernisation des stations thermales et les efforts réalisés pour améliorer l'offre de soins, en
faisant échapper les établissements qui investissent et rénovent leurs installations à la rigueur
de l'encadrement tarifaire.
L'enquête de la Cour, sept ans après celle de l'IGAS, fait ressortir qu'aucun de ces deux
objectifs n'a été atteint : l'augmentation des coûts constatée de 1980 à 1993 révèle au contraire
les limites du système de prix administrés sans pour autant refléter une réelle amélioration des
prestations.
1
Une note d'information de l'échelon régional de Midi-Pyrénées du contrôle médical reconnaît que cette
règle dite "de la station la plus proche" n'est pas toujours imposée. Selon cette note, en effet, "malgré
l'équivalence des eaux thermales et la similitude des orientations thérapeutiques, la comparaison entre les
stations est impossible car les traitements-types des stations ne sont jamais identiques et le traitement à
dispenser au curiste est déterminé sur place par le seul médecin thermal. Ainsi, en pratique, un refus de cure
doit se limiter à la non justification médicale de la cure et à une contre-indication médicale à l'orientation
thérapeutique prescrite". Certaines caisses primaires appliquent cependant cette règle. La caisse nationale
d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), quant à elle, considère que cette règle doit être
relativisée, "notamment parce que la station peut offrir, du fait des actuelles disparités tarifaires du
thermalisme, un traitement moins onéreux que celui dispensé par la station la plus proche".
2
Les différentes études réalisées révèlent la fréquence des cures répétées, souvent dans le même
établissement, jusqu'à 35 années de suite.
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
53
CHAPITRE I : LES LIMITES DU DISPOSITIF DE CONTRÔLE DES COÛTS
I. - LA PROGRESSION DES FRAIS D'HYDROTHERAPIE
Les frais d'hydrothérapie, c'est-à-dire le coût des soins dispensés dans les établissements
thermaux, constituent à la fois la composante principale du coût global des cures thermales et
celle dont l'évolution a été la plus sensible au cours des dernières années.
A. - LES DIVERSES COMPOSANTES DES DEPENSES
1. Les dépenses de soins de cure comportent plusieurs composantes.
Un
forfait de surveillance thermale
rémunère les médecins pour la surveillance de
l'ensemble des actes effectués pendant la cure
1
qui se rapportent directement à l'affection
ayant motivé celle-ci.
Dans les stations limitativement énumérées par la nomenclature générale des actes
professionnels, peuvent, en outre, être facturées des
pratiques médicales complémentaires
elles-mêmes inscrites à la nomenclature
2
. Les frais correspondants, fondus dans la masse des
actes cotés en K, font partie des dépenses de cure thermale mais ne peuvent en pratique être
isolés dans les comptes des organismes de sécurité sociale. Selon la CNAMTS, les frais
relatifs aux pratiques médicales complémentaires seraient cependant relativement faibles, de
l'ordre de 50 millions de francs.
A ces honoraires médicaux s'ajoutent des frais d'hydrothérapie, qui correspondent à
l'ensemble des autres soins thermaux dont l'exercice n'est pas réservé à un médecin,
rémunérés sous forme d'un
forfait thermal
auquel s'ajoutent d'éventuels
suppléments
.
. En plus de la prise en charge des dépenses de cure
stricto-sensu
, l'assuré peut, sous
certaines conditions de ressources, bénéficier d'une prise en charge au titre de ses frais de
transport et d'hébergement. Ces
prestations supplémentaires
sont financées par le budget
d'action sanitaire et sociale des caisses. Elles s'élevaient à 229 millions de francs en 1993 pour
le régime général dont près des deux tiers pour les frais d'hébergement et un peu plus d'un
tiers pour ceux de transport
3
. Par ailleurs, c'est également sous condition de ressources, mais
au titre du budget de l'assurance maladie, que sont versées des
indemnités journalières.
Les
dépenses correspondantes ne peuvent être distinguées au sein de la rubrique générale des
prestations en espèce.
1
Depuis 1985, le médecin qui surveille la cure n'est rémunéré que par un seul forfait même lorsque le
curiste est traité pour deux pathologies. Toutefois, s'il est indispensable de recourir à des praticiens de
spécialités différentes, la surveillance du second "handicap" peut donner lieu à la facturation d'un demi
forfait.
2
Telles que des injections d'eau minérale ou de gaz thermal, des insufflations tubaires de gaz thermal, des
douches pharyngiennes, des lavages des sinus par la méthode de déplacement de Proetz, des douches
filiformes de forte pression en dermatologie, des columnisations en gynécologie ou encore des drainages
manuels de stases veineux en phlébologie.
3
Les frais d'hébergement sont remboursés sous la forme d'un forfait fixé chaque année par arrêté
ministériel (et qui s'élevait à 984 F en 1994). Les frais de transport sont pris en charge sur la base du prix
d'un billet SNCF de seconde classe.
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
54
B. - LA PROGRESSION DES DEPENSES
Les dépenses de cure thermale ont augmenté de manière sensible. L'évaluation précise
dépend des mesures effectuées.
Un premier indicateur significatif est fourni par les statistiques des
comptes nationaux
de la santé
1
. Ces données qui retracent le coût de l'ensemble des cures prises en charge par les
régimes de sécurité sociale
2
, font apparaître l'augmentation en francs courants des soins des
cures thermales effectuées par les assurés sociaux, dont le coût global a plus que triplé de
1980 à 1992, passant de 550 millions de francs environ à plus de 1,8 milliard de francs.
Si l'on corrige ce résultat de l'inflation cumulée, la hausse reste importante : le coût des
soins, exprimé en francs 1980, a presque doublé de 1980 à 1992, toujours selon les comptes
nationaux de la santé.
Si l'on prend en compte la hausse intervenue dans la fréquentation, on constate que le
coût moyen des cures a lui aussi augmenté en termes réels, parallèlement à l'augmentation du
nombre de curistes. Celui-ci, selon les estimations disponibles, serait passé de 441 485 en
1982 à 519 294 en 1992. Ainsi, en francs constants de 1980, le coût moyen d'une cure était
d'environ 1 500 francs en 1982, mais de 2 105 francs en 1992 (soit une augmentation sur la
période de 40,3 %).
Une deuxième série statistique, sans doute plus fiable et plus détaillée, à partir des
données relatives au seul régime général, confirme cette évolution et permet d'en analyser de
manière plus fine les composantes.
Il apparaît en effet que la structure des coûts s'est un peu modifiée pendant cette période.
Les prestations supplémentaires (transports et hébergement) ne représentaient plus que 18 %
en 1992 du coût total des cures à la charge des régimes de sécurité sociale contre 23,5 % en
1978. Cette tendance traduit,
a contrario
, la médicalisation des cures thermales, puisque la
composante versée aux professionnels - médecins et établissements thermaux - s'accroît.
De 1981 à 1991, le coût apparent moyen de la cure pour la part des dépenses liée aux
soins thermaux (forfait de surveillance thermale et frais d'hydrothérapie) a été multiplié par
deux en francs courants soit une augmentation de 36,7 % en termes réels. Cette croissance est
plus nette encore pour les frais d'hydrothérapie qui ont, par exemple, augmenté de 43,3 % en
termes réels pour les cures financées par le régime général au titre de l'assurance maladie
3
bien que, en raison de leur prise en charge par les régimes de sécurité sociale, les tarifs des
soins thermaux soient demeurés soumis à un régime de prix administrés, défini par l'article
L 162-38 du code de la sécurité sociale.
1
Voir en annexe n° 5. L'année de base pour ces comptes est 1980. En ce qui concerne le nombre de
curistes, l'année de référence est 1982 (voir en annexe n° 3).
2
A l'exception donc des cures effectuées par les curistes non pris en charge par la sécurité sociale.
3
En effet, le forfait de surveillance thermale, qui ne représente au demeurant qu'une part mineure du coût
de la cure pour la sécurité sociale (et dont le montant est fixé par la convention nationale conclue avec les
professions médicales), après avoir été revalorisé de 26,1 % au 1er juin 1981 a vu son montant stabilisé
depuis lors en termes réels. Celui-ci s'établit à 420 francs depuis le 1er avril 1990.
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
55
1981
1991
Dépenses totales (en milliers de F)
546 671
1 262 534
dont prestations de transport et d'hébergement (en milliers de F)
145 515
230 497
dont frais d'hydrothérapie
313 823
863 475
Nombre de curistes
422 075
484 284
Coût moyen total de la cure (en F courants)
1 295
2 607
Coût moyen hors prestations de transport et d'hébergement (en F
courants)
931,6
2 131
Indice des prix à la consommation (INSEE)
100
167,4
Evolution du coût moyen total de la cure (en F constants)
+ 20,2 %
Evolution du coût moyen de la cure hors prestations de transport et
d'hébergement (en F constants)
+ 36,7 %
Evolution du montant moyen des frais d'hydrothérapie (en F
constants 1981)
+ 43,3 %
L'augmentation du coût moyen d'une cure aurait été plus importante encore si la
croissance des effectifs des curistes n'avait pas permis à nombre d'établissements de bénéficier
d'économies d'échelle. Elle contraste avec la modération des hausses acceptées par les
circulaires annuelles conjointes de la direction générale de la concurrence, de la
consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), de la direction de la sécurité
sociale (DSS) et de la direction générale de la santé (DGS)
1
.
En effet, de 1980 à 1992, et à la seule exception de l'année 1982, l'augmentation
forfaitaire des tarifs applicables aux soins thermaux a été inférieure à l'inflation. Au total, sur
la période, on peut évaluer le retard par la comparaison des indices respectifs.
Années
Indice des prix
Indice des tarifs des soins thermaux
1980
100
100
1992
194,4
167,8
Ainsi l'évolution du taux directeur de revalorisation tarifaire n'explique qu'une partie de
la hausse constatée. L'écart entre l'évolution du taux directeur de revalorisation tarifaire et
l'évolution du coût moyen total de la cure est imputable à un système tarifaire complexe et
inadapté dont l'IGAS avait déjà relevé l'effet inflationniste en 1986.
II. - LA PROCEDURE TARIFAIRE
A. - DES INTERVENTIONS ADMINISTRATIVES MULTIPLES
La procédure de détermination du coût des soins dispensés dans les établissements
thermaux repose sur une division des tâches entre, d'une part, la CNAMTS qui définit les
soins, et d'autre part, la DGCCRF, la DSS et les préfets qui arrêtent les tarifs.
Conformément à la convention nationale thermale du 26 juin 1972, une commission
technique du thermalisme (CTT), composée paritairement de représentants des établissements
thermaux et de représentants des organismes d'assurance maladie
2
est chargée de définir les
traitements-types correspondant aux indications de chaque station. Ces traitements-types sont
1
En 1986, par exemple, les dépenses du régime de sécurité sociale au titre des cures thermales ont cru de
13 % alors que le taux de hausse accordée n'était que de 1,5 %.
2
Deux représentants de la DSS et trois médecins désignés par le syndicat national des médecins de station
thermale assistent aux réunions de la commission avec voix consultative.
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
56
composés d'un certain nombre de pratiques unitaires qui s'inscrivent dans un forfait de soins
ou sont prises en charge à titre de supplément.
Les tarifs unitaires de chaque soin sont fixés annuellement pour chaque établissement
par un arrêté préfectoral en fonction des directives nationales conjointes de la DGCCRF, de la
DSS et de la DGS qui fixent le taux de hausse applicable aux pratiques unitaires en fonction
du taux directeur
1
. En outre le préfet, sur proposition de la DGCCRF, détermine le montant du
ou des forfaits de base par référence aux coûts des pratiques unitaires qui entrent dans le
forfait et à la fréquence de celles-ci.
Sur la base de ces tarifs et le plus souvent après application d'un abattement forfaitaire
variable selon les stations, la CNAMTS et les autres caisses nationales fixent les tarifs
applicables aux assurés sociaux par un avenant tarifaire aux conventions qui les lient à chaque
établissement. La part non remboursée (ticket modérateur) est réglée directement par l'assuré
social à l'établissement comme dans le cas des curistes non pris en charge par la sécurité
sociale.
B. - LA DISPERSION DES RESPONSABILITES
La lourdeur de cette procédure retarde l'adoption des nouveaux tarifs qui n'intervient
qu'après le début de la saison thermale. Qui plus est, de nouvelles modifications sont parfois
nécessaires en cours de saison (jusqu'à cinq pour certains établissements) du fait des
procédures propres à l'instruction des demandes de dérogation tarifaire ou de modification des
traitements-types.
Schéma descriptif de la procédure de fixation des tarifs applicables
aux soins dispensés dans les établissements thermaux
Trois procédures distinctes se superposent.
1 - La revalorisation annuelle des tarifs
- Une circulaire annuelle, cosignée par les directeurs de la DGCCRF, de la DSS et de la
DGS (mais en pratique préparée par les seuls services du ministère de l'économie), fixe un
taux directeur d'évolution, et indique pour certains soins, des montants dits "moyen" et
"plafond".
- Sur la base de ce cadrage, et pour chaque établissement, un arrêté préfectoral
d'application détermine le tarif maximal applicable aux soins délivrés aux curistes sans prise
en charge.
- A partir des tarifs préfectoraux, et après application d'un abattement forfaitaire variable
selon les stations, la CNAMTS fixe les tarifs applicables aux assurés sociaux par un avenant
tarifaire à la convention qui la lie à chaque établissement. Ces tarifs sont transmis aux autres
caisses nationales, qui les appliquent également.
2 - Les dérogations pour investissements exceptionnels
Les investissements réalisés pour améliorer le confort des curistes ou la qualité des
prestations peuvent ouvrir droit à une augmentation supplémentaire des tarifs, qui permet de
répercuter l'amortissement des installations directement utilisées pour la modernisation des
soins. Ces dérogations, instruites par les services extérieurs de la DGCCRF, font l'objet de
décisions au cas par cas de la direction de la concurrence et de la consommation, intégrées
dans les arrêtés préfectoraux.
1
Ce taux directeur est fixé notamment en fonction de la hausse du SMIC, compte tenu de l'importance des
dépenses de personnel pour les établissements thermaux.
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
57
3
-
Fixation du coût des nouveaux traitements
(soin nouveau, modification importante des soins, création ou reconstruction d'un
établissement)
Après examen des traitements nouveaux proposés en commission technique du
thermalisme (CTT), et à partir des éléments communiqués par l'établissement, il est procédé à
un chiffrage du coût par la DGCCRF.
Sur la base de ce chiffrage, la tutelle (DSS) peut accorder tout ou partie des hausses
tarifaires demandées, ou refuser totalement les modifications de traitement proposées (elle
dispose d'un droit de veto).
Notification de cette décision est faite à la CNAMTS, pour intégration de ces hausses
dans l'avenant passé par elle avec chacun des établissements.
Comme l'indique l'encadré qui précède, chacune des administrations concernées exerce
son autorité sur un segment de la procédure sans qu'aucune coordination des interventions soit
assurée. L'appréciation de la pertinence des traitements-types n'est contrôlée que par la
CNAMTS qui assure le secrétariat de la CTT ; l'évaluation de l'incidence tarifaire des
modifications de la composition des dits traitements relève de la seule DSS ; les demandes de
dérogations tarifaires sont instruites par la DGCCRF sans que celle-ci prenne l'attache des
organismes d'assurance maladie non plus que des services du ministère des affaires sociales.
Même si, depuis 1992, les trois services concernés se réunissent pour préparer la réunion
annuelle de la CTT, et même s'ils ont tous participé aux groupes de travail créés dans le cadre
des projets de réforme de la tarification, il n'existe pas de concertation régulière entre les
différentes administrations intéressées aux divers stades de la procédure afin de définir des
orientations de principe ou des priorités et de garantir la cohérence des interventions.
Cette dispersion des responsabilités, déjà dénoncée par l'IGAS en 1986, favorise une
augmentation du coût des soins thermaux, d'autant plus que le contenu des pratiques et des
forfaits thermaux n'est pas défini avec précision.
III - LES CONSEQUENCES DE LA RÈGLEMENTATION TARIFAIRE SUR LA
COMPOSITION DES SOINS
Faute d'examen coordonné de l'offre de soins d'une part, de sa traduction tarifaire d'autre
part, des procédures conçues pour adapter le contenu médical des soins ont pu servir à des
modifications destinées à augmenter en réalité le coût des cures.
Les composantes du traitement-type ne sont pas définies avec précision. Cette lacune a
favorisé une modification abusive des soins inscrits au catalogue des traitements thermaux et,
jusqu'en 1990, une multiplication des suppléments. Ces évolutions ont contribué à renchérir le
coût des cures. Ce sont elles, pour l'essentiel, qui expliquent que la croissance du coût moyen
d'une cure dépasse de loin le taux directeur fixé par les pouvoirs publics.
A. - LA MULTIPLICATION DES TYPES DE SOINS
1° Des soins mal définis
La consistance des soins thermaux qui servent de base à la tarification demeure
imprécise en dépit de l'établissement par la CTT d'une "grille des appellations normalisées".
En effet, sauf exception, cette grille ne précise ni la durée du soin ni les équipements
nécessaires, ni les modalités selon lesquelles il est dispensé.
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
58
Ainsi à Divonne-les-Bains, station spécialisée dans le traitement des affections
psychosomatiques, la base du traitement-type est le bain. Le forfait le plus complet, le plus
coûteux et le plus souvent prescrit comprend deux bains par jour. En réalité, un seul bain de
14 minutes comportant deux actions différentes de 7 minutes chacune (contre 10 minutes pour
le bain simple) était dispensé en 1992 sans phase de repos intermédiaire.
Dans ce cas précis, la commission technique du thermalisme a entériné "l'avis de
certains médecins de la station", selon lequel on ne peut considérer comme équivalent du
point de vue médical le remplacement des deux bains prévus par un bain unique même
programmé pour une durée supérieure et comportant des actions successives". Selon le
procès-verbal de la CTT du 16 décembre 1993, "les deux bains doivent être séparés par une
période de repos", dont, il est vrai, elle "n'a pas fixé précisément la durée", comme le relève
avec scrupule le même procès-verbal.
2° Les incidences financières
De telles imprécisions sur le contenu des soins peuvent conduire à des écarts tarifaires
importants pour des enchaînements très comparables de soins. L'exemple de Divonne, isolé,
d'autant plus qu'il correspond à une orientation - affections psychosomatiques - peu fréquente,
n'a que des incidences financières limitées. Il en va différemment lorsque les soins sont
pratiqués dans de nombreuses stations.
La Chaîne thermale du soleil a, par exemple, obtenu que soit reconnue la spécificité du
soin "douche locale suivie de bain de boue local, aux mains ou aux pieds" (soin codifié sous
le numéro 414). Au lieu de considérer qu'il y avait là deux soins distincts, tarifés séparément,
la douche locale puis le bain de boue, on a admis que leur enchaînement avait une spécificité
médicale propre, justifiant un tarif supérieur à l'addition des tarifs de ces deux soins simples.
L'argument des responsables de cette chaîne selon lequel le coût des installations nécessaires
à ces soins nouveaux est "sans aucune mesure avec les équipements classiques et
traditionnels" a été accepté. Mais à cette occasion ont été admis des tarifs particulièrement
avantageux, pour sept des neuf stations où ce soin est pratiqué, puisqu'ils sont plus de deux
fois supérieurs à la somme des tarifs moyens constatés pour la douche locale et pour le bain
de boue local.
Le tableau ci-après indique cependant que le tarif est moins élevé dans deux stations,
Bains-les-Bains et surtout Lamalou. Dans ces deux stations
1
, la DGCCRF n'a pas accepté les
demandes de relèvement tarifaire qui lui étaient présentées. Par exemple à Lamalou, en 1987,
en se fondant sur "l'avis du médecin conseil de la CNAMTS qui avait précisé que ce soin ne
nécessitait pas d'installation particulière ou supplémentaire, mis à part un agencement propre
à la prescription", la DGCCRF a décidé de décomposer la tarification de ces prestations, et
d'en fixer le tarif sur la base du prix moyen national des pratiques unitaires les composant.
Cette décision fait d'autant plus ressortir l'avantage accordé aux autres stations de la Chaîne
thermale du soleil.
Selon les éléments que la Chaîne thermale du soleil a apportés en réponse aux
observations communiquées par la Cour, cette situation tiendrait aux disparités des techniques
utilisées et à la plus ou moins grande sophistication des équipements. On ne saurait cependant
expliquer ainsi la totalité des écarts constatés.
1
Ainsi que la station de Saint-Lary-les-Bains qui ne relève pas, quant à elle, de la Chaîne thermale du
soleil.
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
59
L'avantage relatif est encore plus significatif en ce qui concerne un soin proche du
précédent, qui combine une série de douches locales, puis des bains de boue, aux pieds et aux
mains en même temps. Le tarif de ce soin, (codifié sous le numéro 415) est en effet proche de
deux fois celui du soin 414 (voir tableau ci-après). De ce fait, le coût de ce soin, lorsqu'il est
pratiqué pendant dix-huit jours, peut représenter près de la moitié du coût moyen de la cure,
comme à Cambo
1
.
Or les sondages réalisés dans cette station montrent que ces soins sont très fréquemment
prescrits : sur trente dossiers analysés par le service du contrôle médical en 1994, quatre
curistes avaient effectué une douche locale suivie de bains de boue pour les mains ou pour les
pieds (soin n° 414), mais vingt-cinq avaient effectué le soin, le plus coûteux (n° 415), aux
mains et aux pieds. D'autres sondages montrent que cet exemple n'est pas isolé : dans une
autre station de la Chaîne thermale, Saint-Christau, un sondage également réalisé en 1994, a
révélé que 96 % des patients de l'échantillon analysé avaient reçu l'un de ces deux soins.
Le tableau qui suit indique le coût unitaire des soins 414 et 415 dans 9 stations de la
chaîne thermale du soleil et en déduit le coût du traitement de ce soin sur 18 jours, en
considérant, comme c'est la règle, que le soin est prescrit une fois par jour.
Prix 0414
Prix 0415
STATION
Prix
préfectoral
Tarif
Sécurité
sociale
Les 18
séances
Prix
préfectoral
Tarif
sécurité
sociale
Les 18
séances
AMELIE
78,70 F
73,20 ,F
1 317,60 F
145,90 F
135,70 F
2 442,60 F
BAINS-LES-BAINS
42,00 F
39,05 F
702,90 F
84,00 F
78,10 F
1 405,80 F
BARBOTAN
81,80 F
76,05 F
1 368,90 F
163,60 F
152,15 F
2 738,70 F
CAMBO
76,40 F
71,05 F
1 278,90 F
152,90 F
142,20 F
2 559,60 F
EUGENIE
77,10 F
71,70 F
1 290,60 F
154,10 F
143,30 F
2 579,40 F
GREOUX
73,07 F
67,95 F
1 223,10 F
146,15 F
135,90 F
2 446,20 F
JONZAC
74,91 F
69,65 F
1 253,70 F
147,93 F
137,55 F
2 475,90 F
LAMALOU
33,50 F
31,15 F
560,70 F
66,95 F
62,25 F
1 120,50 F
SAINT-LAURENT
74,92 F
69,70 F
1 254,60 F
147,93 F
137,55 F
2 475,90 F
Ces pratiques sont dispensées en suppléments dits hors limites de cumul
2
. Les éléments
disponibles par l'intermédiaire des services du contrôle médical montrent d'ailleurs que l'un ou
l'autre de ces deux soins est très généralement - sinon systématiquement - prescrit.
C'est en réalité la combinaison des deux avantages -tarification élevée de certains soins
et possibilité de prescription systématique, par la voie du supplément,- qui contribue à
expliquer le montant élevé des cures dans certaines stations.
En effet, selon le classement établi par la caisse nationale de la mutualité sociale
agricole (Voir annexe n° 16), les huit stations qui tarifient ces soins en supplément - figuraient
en 1993 parmi les neuf plus chères sur les cinquante-cinq stations répertoriées pour
l'orientation rhumatologie.
1
Pour cette station, le coût des douches locales et bains de boue aux pieds et aux mains était de 2 560
francs en 1993 pour dix-huit séances. A partir des remboursements moyens calculés pour chaque station
par la caisse nationale de la mutualité sociale agricole, et présentés en annexe 16, on peut évaluer à environ
5 603 francs le montant moyen des frais d'hydrothérapie (en retenant l'hypothèse d'un taux de ticket
modérateur moyen de 15 %). Le soin 415, très fréquemment pratiqué, représente donc environ 45 % du
coût moyen de la cure.
2
Sauf à Bains-les-Bains, où ces soins sont intégrés au forfait. En outre, à Saint-Laurent, ces soins figurent
parmi l'ensemble des suppléments.
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
60
D'une manière générale, cet exemple révèle que l'imprécision quant au contenu des soins
est aggravée par le manque de méthode dans l'évaluation de leur coût.
3° Les modifications de présentation des soins
L'imprécision de la nature des soins permet aux établissements d'échapper aux
contraintes du système de prix administrés par une multiplication artificielle des types de
soins.
En l'absence d'investissements lourds, ouvrant droit à une revalorisation dérogatoire, le
coût des soins évolue de manière forfaitaire, en général moins vite que l'inflation. A l'inverse,
la mise en oeuvre des nouveaux traitements permet d'échapper à cette rigueur. Ainsi, rendant
plus avantageuse la tarification de soins nouveaux, le système pousse à multiplier de manière
jugée artificielle par de nombreux professionnels, le nombre de soins présentés dans les
catalogues : 32 soins distincts pour les douches, 17 pour les bains d'eau, 16 pour les bains de
boue... Au sein de ces catégories, on relève d'ailleurs des incohérences tarifaires, qui semblent
confirmer que le motif véritable de la distinction opérée est la volonté d'obtenir un tarif
supérieur. Ainsi, les douches sous immersion en piscine sont tarifées dans l'ensemble des
stations de manière relativement homogène (de 30 francs à 47 francs, pour une moyenne de
40 francs environ en 1991), alors que les douches de forte pression sous immersion en piscine,
plus coûteuses, présentent de surcroît des écarts tarifaires sensibles. Pourtant, aucun critère ne
distingue ces deux soins, puisque la pression n'est ni définie ni contrôlée.
La multiplication des demandes de modification de traitements, présentées en CTT,
traduit ainsi, pour partie, non pas une évolution technologique dans les thérapeutiques, mais
plutôt la volonté de modifier la présentation des soins de manière à obtenir une tarification
plus avantageuse. Bien au contraire, certaines des modifications du traitement-type présentées
comme des améliorations consistent, en fait, à remplacer des soins individuels par des soins
collectifs requérant moins de moyens en personnel.
Or, le contrôle des conséquences tarifaires des soins nouveaux, mis en oeuvre par la
direction de la sécurité sociale, au sein du ministère des affaires sociales, ménage une
possibilité très importante d'appréciation discrétionnaire de la part de l'administration, d'autant
plus qu'il correspond à une pratique juridiquement mal fondée, et dépourvue de sanction. La
hausse constatée lors de l'adoption de nouveaux traitements pour les frais d'hydrothérapie,
souvent très supérieure en réalité aux hypothèses retenues par la DSS, traduit le manque de
pertinence du contrôle mis en oeuvre.
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
61
L'absence de contrôle pertinent des conséquences tarifaires
de la modification des soins
La multiplication des demandes de modification des traitements- types présentées par
les stations devant la commission technique du thermalisme a entraîné une augmentation du
coût moyen des cures. C'est pourquoi le ministère des affaires sociales a cherché à mettre en
oeuvre un contrôle des incidences financières de ces mesures sur l'assurance maladie.
Il a donc été admis, à partir de 1985, que les décisions prises en CTT devaient être
approuvées par la direction de la sécurité sociale, qui a exercé son veto sur les décisions les
plus coûteuses. Ce contrôle a sans doute permis de limiter l'inflation des nouveaux
traitements. Pourtant ces interventions sont insuffisantes :
- Elles manquent, en premier lieu, de base légale. Elles impliquent en effet que la
direction de la sécurité sociale ait un pouvoir de tutelle directe sur les décisions de la CTT. Or,
au mieux, ce pouvoir de tutelle ne pourrait s'exercer qu'indirectement, à l'occasion de
l'examen des délibérations par lesquelles le conseil d'administration de la CNAMTS aurait lui-
même approuvé ou refusé d'approuver les décisions de la commission technique du
thermalisme. Mais, au cours de sa séance du 20 février 1985, le conseil d'administration a
refusé de se livrer à cet examen.
La convention thermale du 26 juin 1972 ne prévoit pas un tel contrôle, qui n'a été
mentionné que très récemment dans le nouveau règlement intérieur de la CTT, en décembre
1993. Ce fondement juridique paraît très fragile.
- Du fait de ces incertitudes juridiques,
le contrôle ainsi effectué n'est pas assorti de
sanctions
. L'accord du ministère sur les modifications de traitement, parfois donné après des
négociations informelles avec les stations, repose sur des hypothèses relatives à la structure
des traitements. Dans certains cas, il est assorti d'un engagement des établissements quant aux
augmentations de coût induites par la modification des traitements-types.
Un dispositif avait été imaginé en 1989 par la tutelle, afin de sanctionner les
établissements qui ne respecteraient pas les conditions posées : il consistait à augmenter, à due
concurrence des dépassements observés, les abattements pratiqués par la CNAMTS sur la
base des tarifs préfectoraux. Une pénalisation des établissements qui ne produiraient pas dans
les délais prescrits les statistiques requises pour le contrôle était également prévue.
En réalité, aucune sanction financière n'a été appliquée aux établissements qui avaient
dépassé les augmentations de dépenses autorisées ou n'avaient pas communiqué les
informations demandées, et les données statistiques qui permettraient de vérifier le respect de
ces conditions ne sont plus examinées, ni même parfois envoyées par les établissements
thermaux.
B. - L'IMPORTANCE DES SUPPLEMENTS
La facturation de suppléments n'est prévue ni par l'arrêté du 8 juin 1960 relatif au
remboursement au titre de l'assurance maladie des honoraires de surveillance médicale des
cures thermales et des frais de traitement dans les établissements thermaux, ni par la
convention nationale thermale ; elle a cependant été entérinée dès 1973 par la CTT et les
arrêtés tarifaires.
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
62
Ces suppléments, qui avaient à l'origine vocation à être utilisés de façon marginale pour
permettre au médecin thermal d'adapter le traitement à des cas particuliers, sont en réalité de
plus en plus largement prescrits et renchérissent considérablement le coût de la cure dans de
nombreux établissements. Cette évolution a été permise par l'imprécision et donc l'ambiguïté
de la notion même de forfait thermal.
1° L'imprécision de la notion de forfait thermal
a) La définition juridique du forfait thermal est floue.
La convention thermale du 26 juin 1972 donne, en principe, une valeur centrale à cette
notion de forfait thermal : l'article 6 de la convention le définit, en effet, comme base du
remboursement des caisses.
"Le forfait thermal correspond au nombre de pratiques thermales, inscrites dans le
traitement-type, habituellement suivies en fonction des indications thérapeutiques propres à
chaque station. Il peut également comporter un choix parmi une gamme de pratiques
thermales retenues par la commission technique du thermalisme et effectuées pendant la durée
d'une cure".
Cette définition est très ambiguë, car elle n'indique pas si ce forfait correspond à un
maximum de soins, prescrits dans le cas général, et diminué seulement pour les curistes
présentant des contre- indications, ou s'il s'agit au contraire d'un minimum de soins devant
être dispensés, ou bien encore d'une simple référence, certains soins pouvant être substitués à
ceux indiqués dans le traitement-type.
b) Le contenu du forfait thermal est très variable selon la station.
A chaque orientation correspond un traitement-type, tarifé sur la base du forfait.
Pourtant la composition de ce "menu" est très variable, comme l'indique par exemple la
comparaison entre les deux traitements-types des deux stations françaises les plus
importantes, Dax et Aix-les-Bains. Pour le même forfait RH2 (le plus prescrit), 6 ou 7
pratiques sont proposées pour la première
1
, 2 ou 3 pratiques pour la seconde.
c) Les soins du forfait thermal ne sont souvent pas tous prescrits.
Puisqu'il n'est pas clairement indiqué que le forfait tarifaire du traitement type
correspond à un minimum de soins, exigible pour tous les curistes, les établissements
considèrent fréquemment le forfait comme une sorte de droit d'entrée. Dès lors, très souvent,
les assurés sociaux ont payé un forfait, alors même que les soins correspondants n'ont été que
partiellement ou, à la limite, pas du tout effectués.
Une enquête, menée par la CNAMTS en 1987, avait ainsi révélé que les fréquences
constatées pour les soins prévus au forfait, tarifés comme s'ils étaient appliqués à 100 % des
curistes, étaient en réalité inférieures, en moyenne de l'ordre de 50 % (avec cependant des
situations très variables selon les stations : si certaines stations, au contraire, prescrivaient des
soins en réalité plus coûteux ou plus fréquemment prescrits que ce qui était annoncé, d'autres
étaient en revanche très en deçà du "menu" affiché). "Des organismes d'assurance maladie
s'étaient même aperçus que certaines stations thermales leur facturaient systématiquement des
forfaits de soins thermaux alors qu'aucun des soins figurant dans ces forfaits n'avait été
prescrit"
2
. A la suite de cette enquête, un rappel aux principes avait d'ailleurs été adressé aux
établissements.
1
Ce nombre est, il est vrai, indiqué explicitement comme un "maximum".
2
Selon le procès-verbal de la réunion de la commission technique du thermalisme du 19 janvier 1988.
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
63
Selon les services de la DGCCRF, les observations faites à l'occasion de cette enquête
ont justifié un réexamen progressif des tarifications, réajustées en fonction des fréquences
constatées.
Cependant, le service du contrôle médical placé auprès de la CPAM de l'Allier a encore
relevé en 1992 que, dans plusieurs cas, des forfaits avaient été facturés à certains curistes de
Néris-les-Bains sans qu'aucun soin correspondant ait été dispensé.
d) Les fréquences théoriques des soins ne sont pas vérifiées.
Alors même que l'étude précitée de la CNAMTS, au demeurant très partielle, avait
relevé un écart important entre les prescriptions théoriques et les prescriptions réelles, aucune
enquête systématique n'a été réalisée depuis lors. Sauf exception, le montant du forfait
continue à être calculé en supposant que la fréquence des soins peut se déduire de la lecture
du traitement type affiché. Lorsque ce dernier comporte des options, on considère a priori que
les soins dispensés aux curistes se distribuent de manière égale entre ces options.
Du fait de l'absence de vérification de la fréquence des soins réellement prescrits, les
intérêts financiers de l'assurance maladie mais aussi du curiste
1
peuvent être lésés.
Ces règles de calcul à partir de fréquences théoriques ne sont pas, au demeurant,
appliquées de manière uniforme par la DGCCRF. On constate parfois en effet que, lors de la
détermination du coût des nouveaux traitements, la méthode retenue varie, ce qui introduit
une nouvelle source d'inégalité entre les stations. Dans le cas de la fixation des tarifs à
Montrond, pour la saison 1990, selon que l'on retenait la fréquence estimée d'une manière
erronée par l'établissement ou la fréquence théorique, le coût des forfaits variait de
1 360 francs à 2 833 francs. L'analyse des fréquences réellement pratiquées, finalement
réalisée à la demande de la station en 1991, a en réalité conduit à un tarif intermédiaire de
1 711 francs
2
.
2° La multiplication des suppléments
Ainsi l'ambiguïté de la composition du forfait rend possible une prise en charge par
l'assurance maladie de soins non effectués.
En outre, dans certains cas, des soins sont tarifés en supplément alors même que les
pratiques inscrites au forfait ne sont pas prescrites en totalité.
De façon générale, la pratique observée dans de nombreuses stations conduit à vider de
son sens la notion de forfait thermal par la multiplication des prescriptions de suppléments.
1
La part des dépenses qui reste à la charge du curiste ou de sa mutuelle varie de 0 à 35 % selon les cas.
Comme pour l'ensemble des dépenses de santé, le montant du ticket modérateur a en effet été augmenté en
juin 1993. Auparavant, le taux moyen du ticket modérateur était évalué à 12 % par la CNAMTS.
Certes, dans neuf cas, des analyses de fréquences ont été conjointement effectués par le contrôle médical
des caisses et les services extérieurs de la DGCCRF, à la demande des établissements, qui s'estimaient
pénalisés par les fréquences retenues. Si l'on suppose cependant qu'ont tendance à réclamer les seules
stations pour lesquelles les calculs théoriques sont désavantageux, il est possible d'affirmer que l'absence de
caractère systématique dans le suivi des fréquences est globalement préjudiciable à l'assurance maladie.
2
Une note de la DGCCRF, en date du 26 avril 1990, relative à cette station, témoigne de l'ambiguïté des
méthodes de détermination du coût du forfait. Elle envisage en effet plusieurs solutions : la première est de
retenir une fréquence de prescription maximale. Selon la note, "cette règle est habituellement appliquée lors
de la création d'un établissement thermal pour deux raisons : absence d'éléments statistiques ; aide
financière sensible consentie à l'établissement lors de sa mise en service". Compte tenu de l'incidence
financière, d'autres solutions sont évoquées, comme prendre en considération les estimations du nombre de
prescriptions établies par la station ; ou encore, combiner les deux méthodes, selon des modalités variables.
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
64
Certes, un nombre maximal de suppléments est le plus souvent indiqué dans l'arrêté
préfectoral de tarification. Les suppléments sont alors prescrits dans "la limite de cumul".
Toutefois cette limite du cumul est très variable. Elle peut être de 18 soins, ce qui correspond
à un soin supplémentaire par jour, de 36, voire dans certaines stations, de 54 soins, ce qui
correspond à trois soins journaliers en sus du forfait. Qui plus est, la CTT a reconnu la
possibilité de prescrire certains suppléments "hors limite de cumul".
La situation est à cet égard très variable. Si les traitements- types de quelques
établissements ne prévoient pas la possibilité de suppléments
1
, d'autres en comportent de
nombreux ; certains peuvent en outre comprendre des suppléments "hors limite de cumul" qui
permettent d'accroître encore le nombre des soins prescrits
2
. Tel est notamment le cas des
établissements relevant de la Chaîne thermale du soleil. Cette situation inégalitaire est figée
depuis 1989, date à compter de laquelle la CTT n'a plus accordé de nouveaux suppléments.
Une enquête effectuée en 1990 par la CNAMTS sur un échantillon de 50 dossiers par
station thermale faisait apparaître que le coût total des suppléments dépassait souvent celui du
forfait, parfois dans une proportion allant du simple à près du quadruple comme à Cambo. Les
données les plus récentes produites par la caisse de mutualité sociale agricole confirment
l'importance de ces suppléments qui atteignaient jusqu'à 80 % des frais d'hydrothérapie dans
cette même station en 1993.
En moyenne, les suppléments représentaient environ 40 % de ces frais dans l'orientation
"voies respiratoires" et même près de 50 % en rhumatologie, selon les données déjà citées
rassemblées par la caisse nationale de la mutualité agricole pour 1993 (voir en annexe n° 16).
CHAPITRE II : LA DISPERSION DES COUTS
La multiplication des suppléments et la très grande différenciation des types de soins
rendent difficilement lisible la structure des soins thermaux. Certes, cette diversité
correspond, pour une part, à un apport médical puisque les possibilités de choix ouvertes aux
médecins thermaux sont accrues. Mais elle est aussi la résultante des procédures de contrôle
tarifaire et de la volonté des établissements thermaux de tourner les rigueurs des normes
d'augmentation des tarifs.
L'analyse des rapports rédigés par les services de contrôle médical fait en effet
apparaître que l'intérêt médical de suppléments prescrits de manière systématique est douteux.
Les écarts importants constatés, d'un établissement thermal à l'autre, dans le montant
moyen des frais d'hydrothérapie peuvent être sans rapport avec la qualité ou la quantité des
soins.
1
Comme à Aulus, Avène, Bains-les-Bains, Contrexéville, Montrond, Niederbronn, Salins-les-Bains, Saint
Honoré.
2
Il s'agit de ceux d'Amélie, Amnéville, Barbotan, Cambo, Camoins, Eugénie-les-Bains, Gréoux, Jonzac,
Lamalou, Luchon, Molitg, Saint-Christau et Saint-Laurent. Selon la réponse que les responsables de la
Chaîne thermale du soleil ont apportée aux observations communiquées par la Cour, "toutes les stations
avaient pareillement la possibilité de se faire autoriser à prescrire de nombreux suppléments", mais
"nombre de stations n'étaient pas en mesure d'élargir leur gamme de soins en raison de leurs propres
contraintes ou carences" : elles n'auraient donc "pas usé de la faculté qui leur était offerte".
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
65
I. - LA JUSTIFICATION CONTESTEE DE CERTAINS SUPPLEMENTS
Selon les résultats des rares contrôles de facturation effectués par les caisses avec le
concours du service médical, une proportion importante des suppléments prescrits dans
certaines stations serait dépourvue de justification médicale.
A. - DES PRESCRIPTIONS STEREOTYPEES
1° Les constats du contrôle médical
Le service médical placé auprès des caisses de sécurité sociale est appelé à se prononcer
sur le principe de la cure dans le cadre de la procédure d'entente préalable. En revanche,
aucun avis n'est prévu sur les prescriptions du médecin thermal qui détermine les soins à
effectuer
pendant
la
cure
et
peut
notamment
prescrire
des
pratiques
médicales
complémentaires ou des soins thermaux en supplément du forfait. En 1986, l'IGAS avait
observé que ce "chèque en blanc" délivré au médecin thermal conduisait à des abus fréquents.
Les observations recueillies par la Cour auprès des caisses primaires et du service médical du
régime général de l'assurance maladie révèlent la persistance de ces abus. Si, dans quelques
cas, le caractère systématique des prescriptions s'explique, selon le service médical, par
l'inadaptation du contenu du forfait, les responsables des caisses et du service médical
estiment ces pratiques abusives dans plusieurs stations en particulier à Barbotan, Gréoux,
Jonzac, Saint-Christau ou Cambo.
A Barbotan, des assurés sociaux se sont par exemple étonnés auprès de la caisse de se
voir prescrire des "manu et pédidouches" coûteux
1
, alors qu'ils venaient en cure pour le
traitement de rhumatismes cervicaux.
Il en va de même à Saint-Christau, station bénéficiant de la double orientation
dermatologie et affections des muqueuses bucco-linguales. Le service médical et la caisse
primaire de Pau ont été alertés à plusieurs reprises par des assurés sociaux ou des médecins
qui ne comprenaient pas que, pour une aphtose buccale, soient considérés utiles des massages
sous l'eau et des douches locales aux pieds et aux mains. Les contrôles exercés en 1989, 1990,
1991, 1992 et 1993 par les médecins conseils de la sécurité sociale ont confirmé que les
patients relevant de l'orientation dermatologie se voyaient prescrire tous les suppléments,
quelle que soit la localisation des lésions, tandis que l'ensemble des suppléments pour soins
sous l'eau et les douches locales des mains et des pieds étaient prescrits pour les curistes
souffrant d'affections bucco-linguales. A la suite de la mise en garde adressée au médecin
thermal, qui dispose d'un cabinet à l'intérieur de l'établissement, celui-ci a modifié son
comportement à l'égard des seuls curistes relevant de la caisse de Pau. A compter du 15 juillet
1992, le coût moyen de la cure relevant de cette seule caisse est revenu à 2 649 francs contre
4 801 francs, coût constaté pour les assurés relevant des autres caisses. Ces soins non justifiés
médicalement se révèlent de surcroît parfois contre-indiqués comme dans le cas de cette
patiente adressée pour traiter une affection bucco- linguale et qui a dû interrompre la cure, une
insuffisance veineuse ne lui permettant pas de supporter les douches aux jambes et les bains
prescrits en supplément.
Ces pratiques sont contraires à l'obligation de respect de la règle de "la plus stricte
économie compatible avec l'efficacité du traitement", posée par le code de déontologie et
l'article L 162-2 du code de la sécurité sociale.
1
Soins 414 ou 415 déjà évoqués.
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
66
Les difficultés rencontrées par les caisses de sécurité sociale
pour le contrôle des facturations
Le contrôle des facturations est particulièrement malaisé en matière de thermalisme. Les
curistes sont en grande majorité originaires d'autres départements que celui de la caisse de
rattachement de la station thermale dite caisse de subsistance. Cette situation rend
extrêmement difficile la détection d'éventuels abus concernant les prescriptions des pratiques
médicales complémentaires, ou la facturation irrégulière, en sus du forfait de surveillance
médicale, d'honoraires en rapport avec la cure ou d'actes de laboratoire et de radiologie, dont
le remboursement est effectué par la caisse d'affiliation du curiste.
En outre, l'origine géographique très diverse des curistes et le caractère temporaire de
leur séjour dans la station compliquent la tâche des médecins conseils qui ont besoin de
convoquer les assurés s'ils veulent vérifier que les prescriptions des médecins thermaux ne
sont pas abusives, au regard de l'état de santé des patients, ou s'assurer que les soins facturés
ont bien été dispensés. Le document d'entente préalable mentionnant la pathologie qui a
motivé la cure ne parvient souvent aux caisses qu'à la fin du séjour du curiste, en même temps
que les documents de facturation. De surcroît, dans certains cas la caisse ne reçoit les feuilles
de soins qu'après le départ de l'assuré. Certaines caisses n'ont pas communication de la carte
de soins du curiste, sur lequel l'établissement est censé porter les soins réalisés. D'autres,
comme la CPAM de Savoie, ne reçoivent même pas la prescription du médecin thermal.
Des établissements ne détaillent sur la facture que les pratiques supplémentaires, ce qui
ne permet pas de vérifier dans quelle mesure les soins inscrits au forfait ont été dispensés.
Enfin, le régime de la "prise en subsistance" qui a pour objet d'aider les curistes qui
bénéficient de prestations d'hébergement et de transport à régler leurs frais, conduit, compte
tenu des délais de règlement, nombre des centres de paiement à calculer le montant des frais
de cure dès le milieu du séjour au vu de l'ordonnance médicale. Si certaines caisses procèdent
à un contrôle a posteriori qui donne lieu le cas échéant à des redressements d'indus, d'autres
ne vérifient la carte de soins que lors du dépôt de la demande de remboursement, soit parfois
dès le douzième jour de cure, ce qui ne permet pas de tenir compte d'éventuelles
modifications de prescription en cours de cure ni surtout de s'assurer que les soins prescrits
ont bien été effectués.
Malgré ces obstacles, les quelques contrôles effectués font apparaître des anomalies
dans un nombre non négligeable de cas.
Les cas de prescriptions systématiques ne sont pas rares mais les caisses sont
relativement démunies pour lutter contre ces usages et faire respecter le principe de la plus
stricte économie compatible avec l'efficacité du traitement en l'absence de référence médicale
opposable.
Le risque symétrique de soins insuffisants en quantité est également réel. Il est en effet
particulièrement difficile aux caisses de vérifier que tous les soins facturés ont bien été
dispensés, compte tenu du manque de fiabilité de la carte de soins et du fait que certains
établissements omettent parfois de signaler à la caisse des départs anticipés de curistes. Les
caisses constatent d'assez fréquentes anomalies concernant les soins qui auraient dû être
effectués le 18ème jour de la cure. En 1992, la caisse nationale d'assurance maladie avait
constaté que certaines caisses remboursaient aux établissements thermaux des soins de cure
bien avant que ceux-ci soient effectués, voire en début de cure alors que la convention
nationale thermale dispose que la caisse ne peut rembourser les établissements qu'à partir du
21ème jour qui suit le début de la cure. Par note du 4 juin 1992, la CNAMTS a informé les
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
67
caisses que la seule tolérance susceptible d'être admise serait le paiement au 19ème jour de
cure.
Le plus souvent, les anomalies correspondent à un départ anticipé du curiste mais une
enquête de la DGCCRF a fait apparaître en 1990 que 14 établissements bénéficiaient d'un
forfait calculé sur la base de 21 jours de soins alors même que, compte tenu de la fermeture
dominicale, les soins n'étaient dispensés que pendant 18 jours. Aucune sanction n'a toutefois
été appliquée et la CNAMTS n'a d'ailleurs même pas été informée des résultats de cette
enquête par la DGCCRF. Dans la plupart des cas, la situation n'a été régularisée que
pogressivement, notamment à l'occasion de la modification des traitements types. Dans un cas
(Salins-les-Bains), la régularisation est très récente, puisque l'établissement a dispensé des
soins le dimanche pour la saison 1994. Dans un autre cas (Bourbon-l'Archambault), une
régularisation a été opérée sur le plan administratif, la durée de la cure ayant été ramenée à
dix-huit jours ; cependant, aucune réduction proportionnelle des tarifs n'a été appliquée. Dans
un dernier cas enfin (Bagnoles-de- l'Orne), la station s'est vu offrir la possibilité nouvelle de
doubler le nombre de soins le samedi.
Les rares contrôles de facturation effectués par les caisses ont fait apparaître d'autres
types d'anomalies dans plusieurs des stations intéressées. Ainsi à Néris-les-Bains ou à
Divonne (voir p. 170) en 1992, ou encore à Chaudes-Aigues où de nombreuses prescriptions
ont été surchargées en 1993 conduisant la caisse primaire du Cantal, qui a effectué des
vérifications en liaison avec la chambre régionale d'Auvergne, à déposer une plainte auprès du
juge d'instruction avec constitution de partie civile. Cependant les cas de déconventionnement
motivés par des anomalies dans la facturation demeurent très rares : outre le cas de
l'établissement de Gréoux sanctionné en 1976 pour avoir fait pratiquer des massages par des
personnels non qualifiés, seules les stations de Brides-les-Bains et de Luxeuil ont été
déconventionnées, la première pour une durée d'un mois en 1990, la seconde pour une durée
de 15 jours en 1992 en raison de doubles facturations et de facturations d'actes non réalisés et,
dans le cas de Luxeuil, de soins effectués pendant une période d'interdiction décidée par la
DDASS pour manquements aux règles d'hygiène.
Parmi les mesures recommandées par l'IGAS en vue de limiter ces anomalies, était
prévue l'interdiction de l'implantation de cabinets médicaux dans les établissements. Cette
proposition a été reprise par le Haut comité médical de la sécurité sociale qui, dans son avis
du 27 novembre 1987, a souligné "la nécessité de préserver le libre choix du médecin"
consacré par le code de déontologie et l'article L 257 du Code de sécurité sociale. Tout
récemment au titre des mesures concernant les conditions d'exercice des médecins, la mission
thermalisme, dont les conclusions ont été rendues publiques en août 1994, a proposé
d'"interdire tout exercice médical autre que les pratiques complémentaires dans l'enceinte de
l'établissement".
Cependant, comme l'a relevé la Chaîne thermale du soleil en réponse aux observations
de la Cour, en l'état actuel du droit, les principes de libre choix du médecin et d'économie
doivent être conciliés avec la liberté d'organisation de l'établissement thermal reconnue par un
arrêt de la Cour d'appel de Paris du 21 mai 1991.
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
68
2° Des sanctions limitées
Les instances ordinales ont parfois été saisies de ces abus. A Jonzac, la CPAM et le
service médical avaient introduit en 1987 un recours contre un médecin thermal qui avait
prescrit le nombre maximum des pratiques thermales supplémentaires susceptible d'être
facturé dans 96,7 % des dossiers examinés. Le conseil régional de l'ordre a prononcé, le
25 septembre 1989, un blâme qui a été confirmé par les instances nationales de l'ordre le
7 février 1991.
Ces sanctions n'ont pas eu de force exemplaire puisqu'une nouvelle enquête menée en
1993 dans cette même station a fait apparaître que la totalité des suppléments thermaux
possibles dans chaque orientation étaient prescrits et facturés pour 90 % des dossiers
examinés. La sécurité sociale reste en effet relativement démunie pour faire respecter la règle
de "la plus stricte économie compatible avec l'efficacité du traitement", compte tenu de
l'impossibilité de prendre des sanctions à l'égard des établissements qui font valoir la liberté
de prescription des médecins thermaux. La CPAM de Pau a d'ailleurs été déboutée par le
tribunal des affaires de sécurité sociale dans le conflit qui l'opposait à la Chaîne thermale du
soleil, gestionnaire de la station de Saint Christau, faute d'avoir pu apporter la preuve de la
responsabilité
de
ladite
Chaîne
dans
les
prescriptions
litigieuses
de
pratiques
complémentaires.
B. - LE RISQUE DE SOINS EXCESSIFS EN QUANTITE
L'absence d'une définition rigoureuse des cures, indiquant pour chaque orientation un
"plafond" en nombre de soins par jour, joue dans le sens d'un alourdissement des coûts. Il
semble pourtant de bon sens que des curistes, en particulier lorsqu'ils sont âgés ou malades, ne
doivent pas multiplier sans précaution les soins. Un sondage effectué par l'une des
organisations professionnelles, le SNET, auprès des médecins thermaux, avait d'ailleurs
confirmé cette analyse
1
Le nombre de soins à ne pas dépasser s'établissait, selon cette enquête,
à 4 soins par jour pour l'ensemble des orientations, sauf pour l'orientation voies respiratoires
(ce nombre serait alors de 6). Pourtant, malgré le soutien que les services médicaux de la
CNAMTS apportent à cette approche, aucun plafonnement du nombre de soins n'a pu être
adopté. Une décision de principe, arrêtée en 1982, pour l'orientation rhumatologie, n'a pas été
respectée. Une nouvelle décision de principe, prise lors de la dernière réunion de la
commission technique du thermalisme en décembre 1993, n'était toujours pas entrée en
vigueur pour la saison 1994. La commission avait pourtant admis, pour chaque orientation,
qu'un plafond fixerait le nombre de soins maximal : le ministère des affaires sociales n'a
cependant pas encore confirmé cette politique, dans le cadre de l'exercice de son pouvoir de
tutelle.
Ainsi, les lacunes de la réglementation tarifaire conduisent dans bon nombre de stations
à des abus, que les soins soient insuffisants ou au contraire que le curiste pâtisse de leur excès.
Aucune suite n'avait été donnée, à la date de l'enquête des juridictions financières, aux
recommandations formulées en novembre 1987, à la suite du rapport de l'IGAS, par le haut
comité médical de la sécurité sociale, qui s'était inquiété de la multiplication des prescriptions
de suppléments hors forfait et avait préconisé la "redéfinition d'un forfait thermal exclusif de
tout supplément et établi sur la base d'un traitement-type par orientation thérapeutique".
1
Comme l'indique le procès-verbal de la réunion de la CTT de décembre 1991, au cours de laquelle le
représentant du SNET a fait mention de ces enquêtes.
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
69
II. - LES DEROGATIONS POUR INVESTISSEMENTS
Les revalorisations successives des tarifs fixés localement par arrêté préfectoral laissent
perdurer des différences de coût qui reflètent un héritage historique et ne reposent pas sur des
critères objectifs. De surcroît, la volonté de favoriser la modernisation des établissements a
conduit à accorder des dérogations tarifaires qui aggravent encore la dispersion des prix
observés pour un même soin.
Des revalorisations tarifaires plus avantageuses que celles autorisées par le taux
directeur peuvent être accordées aux établissements qui ont réalisé des investissements
destinés à améliorer le confort des curistes et la qualité des prestations dispensées, à
l'exclusion donc des investissements de capacité, de l'investissement courant et des
réparations ou des investissements de productivité, selon les termes indiqués dans les
différentes circulaires interministérielles relatives à la fixation des tarifs des soins thermaux
1
.
L'imprécision des conditions posées par la circulaire laisse une très large marge d'appréciation
à l'administration.
Dès lors, compte tenu de la disproportion entre les enjeux financiers locaux des
dérogations et les conséquences limitées de ces dernières sur les organismes de sécurité
sociale
2
, les représentants locaux de l'Etat peuvent être tentés d'utiliser, avec l'aval de la
DGCCRF, les possibilités de dérogation tarifaire de manière discrétionnaire, afin de favoriser
le développement de projets locaux ou de répondre à une situation financière difficile
3
.
L'exemple de Bagnères-de-Luchon est de ce point de vue caractéristique : entre 1980 et
1993, sept dérogations tarifaires ont été accordées à la station, soit une tous les deux ans, pour
des montants significatifs, puisque les évaluations de surcoûts réalisées par le ministère de
l'économie conduisent à une incidence moyenne de 2,5 millions de francs par dérogation.
En réalité, certaines au moins de ces dérogations sont justifiées par des considérations
extérieures au thermalisme. Dans le cas évoqué, une lettre ministérielle, en date du 2 août
1990, précise d'ailleurs que la dérogation s'insère dans "le cadre d'un règlement global de la
situation de la commune qui implique de la part des autorités locales notamment un
réaménagement de la dette de la station de ski ou un relèvement de deux points de la taxe
d'habitation". Les deux dernières dérogations accordées sont d'ailleurs en contradiction avec
la règle selon laquelle seuls ouvrent droit à dérogation les investissements déjà réalisés,
puisqu'une dérogation de 7 % a été accordée en 1990 "à valoir sur le programme
d'investissements". Mais, alors même que ce programme n'avait toujours pas été réalisé
4
, une
nouvelle dérogation tarifaire, de 0,8 % a pourtant été accordée par le directeur général de la
concurrence, par lettre du 30 juillet 1992.
1
Chaque année, une circulaire précise le taux d'augmentation tarifaire applicable aux soins et reconduit
pour l'essentiel le dispositif de droit commun. La circulaire en date du 26 avril 1990 expose de manière plus
détaillée la logique de ces dérogations.
2
Qui, malgré leurs souhaits répétés, ne sont pas consultés sur ces demandes.
3
Le même manque de prise en compte des aspects sanitaires ou des intérêts financiers de l'assurance
maladie peut être constaté en ce qui concerne la fixation des tarifs pour des soins nouveaux, pour lesquels
les organismes de sécurité sociale ne sont pas non plus consultés
.
4
Ce programme a finalement été réalisé en 1993.
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
70
L'imprécision des critères et des modalités
de revalorisations tarifaires dérogatoires
a) Quant à la nature des investissements retenus
Sont seuls pris en compte les "investissements destinés à améliorer le confort des
curistes et la qualité des prestations dispensées, à l'exclusion donc des investissements de
capacité, des réparations ou des investissements de productivité". Mais la qualification des
investissements projetés est en réalité délicate. Ainsi dans un cas ont été prises en compte des
études dont le lien avec le confort des curistes n'est pas immédiat.
Il est d'ailleurs explicitement prévu que, lorsque l'investissement répond à des objectifs
multiples, "on ne retiendra que la juste proportion de l'ensemble des investissements".
L'imprécision d'une telle formulation autorise une grande liberté d'appréciation.
b) Quant à la prise en compte des subventions reçues
Le calcul du taux de dérogation s'effectue par rapport aux charges induites, et
notamment aux frais financiers liés aux investissements. Logiquement, les subventions
accordées aux établissements sont déduites, mais aucun contrôle n'est effectué du montant des
subventions accordées par les collectivités territoriales ou par l'Etat. Celles-ci ne sont
d'ailleurs même pas notifiées aux services départementaux de la DGCCRF.
c) Quant à la prise en compte de certaines charges de fonctionnement
Enfin, et de manière très imprécise, il est indiqué que "les charges de fonctionnement
consécutives à la mise en service des investissements sont retenues, dans la mesure où celles-
ci ne sont pas compensées par un accroissement de la capacité d'accueil ou par des gains de
productivité".
Ainsi on a parfois admis, au titre des charges ouvrant droit à dérogation, une partie du
coût d'auxiliaires médicaux, supposés recrutés pour faire fonctionner les équipements
nouveaux alors qu'à l'évidence le recrutement du personnel supplémentaire contribue à
l'augmentation de l'offre. Dans le cas de Bourbonne-les-Bains par exemple, et parce qu'il
"semblait excessif de faire supporter le coût de ces nouvelles charges en totalité par la sécurité
sociale, le coût salarial des deux auxiliaires thermaux n'a été retenu qu'à hauteur de 50 %",
selon la note adressée par le ministère au directeur départemental de la concurrence, en date
du 9 juillet 1992.
d) Quant à la portée de la dérogation
Dans l'exemple de la dérogation accordée à la station de Royat pour 1992, apparaît
clairement le manque de normes relatives à la portée de la dérogation (concerne-t-elle
l'ensemble des tarifs, seulement les forfaits ou le coût d'un seul soin ?). La dérogation tarifaire
accordée porte en effet, non pas sur l'ensemble des tarifs unitaires ou sur ceux des forfaits,
mais sur le coût d'un soin donné auquel les investissements réalisés ont été rattachés. La
circulaire précitée est en réalité fort peu explicite sur ce point, ajoutant une nouvelle
incertitude aux nombreuses déjà signalées, alors même que l'impact financier du choix du tarif
donnant lieu à dérogation est loin d'être négligeable.
Si les dérogations accordées font l'objet d'un chiffrage préalable, à partir des
informations communiquées par les établissements, aucune vérification de leur incidence
réelle n'est effectuée au vu de l'évolution de l'activité des établissements bénéficiaires.
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
71
On pourrait multiplier les exemples de ces décisions où l'examen administratif prend
moins en considération le fonctionnement de l'établissement thermal ou la qualité des soins
que le contexte économique de la station et la nécessité d'apporter, aux frais de l'assurance
maladie, une aide "justifiée par l'intérêt de l'activité au niveau local", selon l'expression
parfois employée dans les lettres autorisant ces mesures.
Au demeurant, les services du ministère des affaires sociales ne sont pas consultés sur
l'octroi de dérogations et ne peuvent donc s'assurer que les investissements prévus sont bien
de nature à améliorer le confort du curiste ou la qualité des soins. De surcroît, la DGCCRF
refuse de prendre en compte les investissements destinés à améliorer l'état sanitaire des
stations (tels que la réalisation de forages, la réfection des canalisations ou des réservoirs par
exemple), considérant que le respect des normes sanitaires s'impose aux établissements et que
les investissements nécessaires n'ont pas à faire l'objet d'incitations puisqu'ils devraient être
obligatoirement réalisés.
Compte tenu des défaillances observées dans le contrôle de l'application de la
réglementation sanitaire, les établissements peuvent dès lors être tentés de privilégier des
investissements "de confort" qui leur procurent des avantages tarifaires au détriment des
équipements et travaux de mise en conformité au regard des règles d'hygiène et de sécurité, et
ce, d'autant plus que les curistes ne sont pas informés de l'état sanitaire des thermes en
l'absence notamment d'affichage des données relatives à la qualité bactériologique des eaux
1
.
On aboutit parfois à la situation paradoxale d'établissements, alimentés par une
ressource en eau insuffisante en quantité ou de mauvaise qualité bactériologique, mais dotés
d'équipements très sophistiqués dont il n'est d'ailleurs pas établi qu'ils apportent une
amélioration sensible à l'efficacité thérapeutique ou au confort des curistes.
Les critères d'octroi des dérogations tarifaires et le manque de concertation entre la
DGCCRF et les services du ministère des affaires sociales ne permettent pas en effet à ce
mécanisme d'orienter les investissements au service d'un plan de modernisation des
établissements définissant des objectifs prioritaires.
L'incidence financière de ces mesures doit toutefois être relativisée, d'autant que la
DGCCRF a adopté une position plus stricte au cours des dernières années. Depuis 1990, une
note d'information évaluant le coût global des dérogations est diffusée par cette direction à ses
services départementaux. Et on peut constater que le nombre de dérogations accordées chaque
année, qui avait sensiblement augmenté de 1985 à 1990 (passant de 4 en 1983 et 1984 à 13 en
1986, 1987 ou 1990), a légèrement baissé (10 dérogations accordées en 1993). De manière
plus sensible, l'incidence financière de ces mesures a fortement diminué, revenant de 12
millions de francs environ en 1990 à 2 millions environ en 1993, selon les évaluations de la
DGCCRF, ce qui traduit des décisions de dérogations moins avantageuses.
Au-delà cependant des seuls enjeux financiers, les risques d'arbitraire administratif et de
rupture d'égalité de traitement entre les établissements thermaux demeurent.
1
Le directeur régional des affaires sanitaires et sociales d'Auvergne observe à ce propos dans une réponse
au questionnaire adressé par la Cour en 1993 que "depuis quelques années, certains établissements
thermaux, conscients de la nécessité de la qualité de leurs installations et soucieux des impératifs de santé
publique requis par leur discipline, ont consenti de gros efforts et effectué d'importants travaux de
restructuration et de rénovation de leurs installations, allant parfois au-delà des exigences minimales de la
réglementation actuelle. Cette modernisation n'est pas sans impact sur la gestion de ces établissements qui
ont assumé en grande partie la charge financière des travaux. D'autres, au contraire, n'ont pratiquement rien
fait dès lors qu'ils n'étaient pas contraints à respecter le minimum réglementaire. Actuellement rien ne
permet d'encourager les premiers face aux seconds et de reconnaître les efforts volontairement consentis
pour l'amélioration constante de la qualité".
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
72
III.
-
LES
ECARTS
CONSTATES
DANS
LE
COUT
DES
SOINS
ELEMENTAIRES
A. - UNE DISPERSION TRES GENERALE
Au total, le système de tarification se caractérise par une extrême dispersion des tarifs.
Chaque année, environ 3 000 tarifs unitaires doivent être fixés pour les quelque 125 soins
inscrits au catalogue des stations thermales.
Les données exhaustives recueillies en 1991 par la DGCCRF font apparaître par
exemple que le bain de boue général, dispensé dans dix- sept stations, est tarifé en moyenne à
68,31 francs, mais peut atteindre 104,45 francs. Si le coût est inférieur à 60 francs dans sept
stations, il dépasse 100 francs à Eugénie-les-Bains, Cambo-les-Bains et Amélie-les-Bains, qui
se trouvent être trois stations de la Chaîne thermale du soleil.
En réponse aux observations communiquées par la Cour, les responsables de cette
chaîne font valoir la disparité des techniques de soins et des conditions d'hygiène. Au cas
particulier, le bain de boue à pasteurisation continue avec jets en immersion dans un bassin de
mobilisation ne pourrait se comparer à des soins plus sommaires
1
.
Cependant l'hétérogénéité des soins regroupés sous une même appellation par la grille
des pratiques thermales ne saurait expliquer que très partiellement les écarts tarifaires
constatés qui ont un caractère très général. C'est ainsi que la cure de boisson prescrite dans 76
stations est gratuite dans trois stations (Rennes-les-Bains, Berthemont-les-Bains et Saint
Amand-les-Eaux), tandis qu'à l'autre extrême son coût peut dépasser 10 francs par journée de
cure (11,55 francs à Evian-les-Bains).
Un écart du simple au triple est constaté pour l'irrigation nasale, tarifée à 7 francs au
Mont-Dore et à 21,70 francs à Saint Amand-les- Eaux. Il en va de même pour le gargarisme,
soin qui, de l'avis des spécialistes rencontrés, aussi bien parmi les professionnels que parmi
les services de la CNAMTS, ne nécessite qu'un appareillage standardisé, et dont les modalités
de dispensation sont forcément voisines dans les différentes stations. Si l'on peut en effet, à
l'extrême rigueur, admettre que la durée, la sophistication des appareillages, la chaleur de l'eau
utilisée différencient deux douches de même type, on voit mal quelle distinction pourrait être
effectuée entre deux gargarismes : or ce soin tarifé à 3,50 francs à Eaux-Bonnes vaut 8 francs
à Cambo, station voisine des Pyrénées-Atlantiques, et jusqu'à 13,80 francs à Motlig-les-bains,
soit 4 fois le prix constaté à Eaux-Bonnes, et plus de deux fois le coût moyen national
(6,17 francs). Ces incohérences avaient d'ailleurs justifié une demande d'explication au sein de
la CNAMTS
2
, malheureusement restée sans réponse.
B. - LA PERSISTANCE D'UN PHENOMENE ANCIEN
Un tableau joint en annexe n° 16, qui donne une mesure des écarts tarifaires pour les
soins prescrits dans dix stations ou plus, montre qu'il s'agit d'un phénomène très général. Un
précédent recensement, effectué en 1984 par la DGCCRF, avait d'ailleurs révélé des écarts
très comparables.
1
Si la Cour n'a pas compétence pour apprécier le protocole d'utilisation et de traitement des boues mis en
ouvre par les établissements de la Chaîne thermale du soleil, elle constate qu'il existe en effet, en l'absence
de grille normalisée des pratiques thermales et surtout de normes sanitaires sur la qualité des boues, une
grande disparité des pratiques selon les stations (voir annexe n° 14).
2
Dans une note adressée par la direction de la gestion du risque à l'échelon national du service médical, le
28 septembre 1991
.
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
73
Les données recueillies en 1993 par les chambres régionales des comptes confirment la
persistance de ces écarts qui apparaissent particulièrement accusés dans le cas de stations
voisines, comme Amélie-les-Bains et Vernet-les-Bains, toutes deux situées dans le
département des Pyrénées-Orientales et qui traitent les mêmes affections.
TARIFS PREFECTORAUX
(année 1993)
Code Sécu
Appellation
Prix unitaire
Rapport 1/2
Amélie-les-
Bains (1)
Vernet-les-
Bains (2)
0505
Aérosol individuel
18,50
12,05
1,5
0507
Aérosol tonique
22,50
16,95
1,3
0202
Bain
21,75
12,90
1,7
0203
Bain local
13,75
11,25
1,2
0207
Bain avec douche sous-marine
36,80
19,85
1,9
0215
Bain nasal
9,55
4,15
2,3
0101
Cure de boisson (par jour)
6,40
3,30
1,9
0301
Douche générale
23,10
13,40
1,7
0302
Douche générale au jet
25,75
17,10
1,5
0304
Douche locale au jet
23,10
11,75
2,0
0704
Douche pharyngienne
13,30
12,65
1,1
0804
Gargarisme
5,90
3,00
2,0
0201
Piscine
20,90
11,80
1,8
0509
Humage individuel
15,55
11,40
1,4
05010
Humage nébulisation
15,80
11,50
1,4
0317
Pulvérisation
14,60
11,15
1,3
Les investissements importants effectués à Amélie-les-Bains ont permis à cette station
de solliciter et d'obtenir des dérogations. Par contre, l'établissement plus ancien de Vernet, qui
a pourtant fait, de l'avis de la DDASS, des efforts d'investissement importants pour améliorer
la qualité des soins, n'a pas bénéficié d'une mesure similaire au titre de travaux de rénovation
moins coûteux. Ainsi, le lien établi entre le tarif des soins et le montant des investissements
réalisés est d'autant plus artificiel que c'est le niveau global des investissements réalisés qui
est pris en compte, et non les investissements affectés à un soin donné.
Face à cette situation, la DGCCRF n'a réagi que tardivement. Pour l'essentiel, elle a
continué à calculer non seulement le coût des soins unitaires mais aussi celui des forfaits sur
la base de tarifs très disparates et n'a utilisé ses calculs périodiques de coûts moyens que pour
relever les tarifs des soins inférieurs à la moyenne en cas de modification de traitement ou de
rénovation d'établissement, sans pour autant d'ailleurs diminuer toujours les tarifs supérieurs,
voire aberrants
1
et sans jamais demander une expertise relative aux différences éventuelles
dans les modalités thérapeutiques.
Ce système, reconduit jusqu'en 1993, paraît en réalité complexe à gérer, puisqu'il impose
le calcul de coûts plafonds, moyenne des coûts les plus élevés recensés pour chaque soin, pour
un résultat très limité dans la mesure où il ne fait qu'écrêter les hausses dérogatoires
nouvelles, sans toucher aux rentes de situation déjà acquises.
1
Afin de ne pas aggraver encore les écarts, il a seulement été prévu, à partir de 1988 qu'en cas de
dérogation tarifaire, "le taux effectivement accordé devra(it) être minoré si le tarif de certaines pratiques
individuelles dépass(ait), après application de la hausse, les prix plafonds mentionnés dans une annexe à la
circulaire" annuelle relative à la fixation des tarifs
.
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
74
Ainsi la volonté d'inciter les établissements à se moderniser, - d'autant plus efficace que
les revalorisations forfaitaires générales sont parcimonieuses et que les dérogations ont
longtemps été assez généreuses - conduit à une situation d'anarchie apparente, où les prix
résultent plus de l'histoire des stations - de leurs tarifs antérieurs, des investissements récents
réalisés - que des soins eux-mêmes ou de leur qualité. A l'inverse, compte tenu de
l'importance de certains investissements désormais réalisés, les efforts d'harmonisation sont
difficiles à mettre en oeuvre, car les tarifs très élevés correspondent en réalité, non à un soin
"plus sophistiqué", mais à l'amortissement des installations ou même des bâtiments.
IV. - LES ECARTS CONSTATES DANS LE COUT MOYEN DES CURES
A. - DES ECARTS IMPORTANTS
Les différences observées entre les tarifs des diverses pratiques se répercutent sur le prix
des forfaits. La dispersion du coût des forfaits est par ailleurs d'autant plus accusée que leur
composition varie fortement d'une station à l'autre pour une même orientation. L'effet
conjugué
de
la
prescription
de
suppléments
et
d'éventuelles
pratiques
médicales
complémentaires conduit, en outre, à renchérir très fortement le coût moyen des cures de
certaines stations.
En définitive, le coût total moyen de la cure présente une très forte dispersion, dont
rendent compte, pour les seuls frais d'hydrothérapie, les données calculées pour 1993 par la
caisse centrale de la mutualité sociale agricole pour les quelque 27 000 curistes dont elle
assure directement le règlement des frais de ce type. L'écart maximum est observé pour
l'orientation rhumatologie pour laquelle les frais d'hydrothérapie varient du simple au
quadruple entre Tercis-les- Bains ou Cransac et Cambo. Ces données, reprises en annexe
n° 16
1
, corroborent les conclusions de l'enquête menée antérieurement par la CNAMTS en
1990 sur un échantillon de 50 dossiers par station. Après leur actualisation en 1991, rendue
nécessaire par l'assujettissement de tous les établissements, quel que soit leur statut, à la
TVA
2
, les conclusions de l'enquête de la CNAMTS ont même mis en évidence, toujours pour
les frais d'hydrothérapie, des écarts encore plus marqués que ceux qu'avaient révélés les
calculs de la MSA : de 1 à 7,6 pour la rhumatologie, de 1 à 3,7 pour les voies respiratoires.
Il est à noter que ces différences de coût ne sont pas portées à la connaissance des
médecins qui prescrivent les cures thermales. L'information sur le coût des traitements, déjà
insuffisante pour les thérapeutiques médicamenteuses, est inexistante dans le cas des cures
thermales. C'est ainsi par exemple que la présentation succincte des stations au dictionnaire
Vidal
3
ne comporte aucune donnée sur le prix des cures et leur comparaison par station pour
une même orientation thérapeutique.
1
Ne sont détaillés en annexe que les coûts recensés pour l'orientation rhumatologie en 1993
.
2
Jusqu'à 1991, les stations privées étaient soumises à la TVA au taux de 18,6 % alors que les stations
publiques n'étaient pas assujéties à la TVA mais à la taxe sur les salaires. A partir de 1991, un taux de TVA
de 5,5 % a été appliqué à toutes les stations.
3
Le dictionnaire Vidal précise à l'intension des médecins les règles d'emploi des médicaments les plus
couramment prescrits.
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
75
MONTANTS MOYENS REGLES POUR UNE CURE, PAR ORIENTATION
THERAPEUTIQUE EN 1993
1
(en francs)
(Source : Caisse centrale de la mutualité sociale agricole)
Orientations
Montant minimum
Montant maximum
Ecarts
Montant moyen
AD
1 315 F
2 600 F
1,9
1 759 F
AMB
3 913 F
3 913 F
-
3
913 F
AU
1 293 F
4 088 F
3,1
2 264 F
DER
1 205 F
3 790 F
3,1
2 551 F
GYN
2 081 F
2 081 F
-
2 081 F
MCA
2 233 F
2 630 F
1,1
2 305 F
NEU
1 929 F
4 055 F
2,1
2 843 F
PHL
1 420 F
2 958 F
2,0
2 062 F
PSY
2 078 F
2 597 F
1,2
2 207 F
RH
1 025 F
4
763 F
4,6
2 337 F
VR
1 185 F
3 361 F
2,8
2 272 F
AD
Maladies de l'appareil digestif
AMB
Affections des muqueuses bucco-linguales
AU
Maladie de l'appareil urinaire
DER
Dermatologie
GYN
Gynécologie
MCA
Maladie cardio-vasculaires
NEU
Neurologie
PHL
Phlébologie
PSY
Affections psychosomatiques
RH
Rhumatologie
VR
Voies respiratoires
B. - UN CONSTAT ANCIEN
Il est bien sûr difficile, en l'absence de consensus quant à l'apport thérapeutique du
thermalisme en général, et donc des traitements dispensés dans chaque station en particulier,
d'établir une hiérarchie de l'utilité thérapeutique des soins dispensés.
On peut cependant relever que l'ampleur des écarts de coût ne peut que très difficilement
correspondre à une éventuelle hiérarchie dans l'efficacité comparée des traitements.
C'est d'ailleurs pourquoi le système tarifaire appliqué depuis 1979 a fait l'objet, en 1986,
d'une appréciation très critique de l'inspection générale des affaires sociales (IGAS). Celle-ci
avait souligné plus particulièrement que les procédures étaient "opaques et complexes" et que
les disparités constatées, dans le coût moyen des cures ou dans celui des soins élémentaires,
n'étaient pas en rapport avec le nombre ou la qualité des soins dispensés. Le rapport suggérait
un système rénové, fondé sur une logique exclusivement forfaitaire.
1
Le montant moyen correspond, pour chaque orientation, à la moyenne du coût de toutes les cures réglées
par le CMSA (hors ticket modérateur). Les montants minimum (ou maximum) correspondent à la moyenne
des remboursements constatés dans les stations où les traitements sont les moins (ou au contraire les plus)
coûteux
.
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
76
A la suite de la publication de ce rapport, en 1987, le ministère des affaires sociales avait
indiqué que "les mesures nécessaires seraient examinées dans la perspective d'une mise en
oeuvre pour la prochaine saison thermale". Il n'en avait cependant rien été. L'absence de
consensus au sein des établissements et entre les diverses organisations professionnelles qui
les fédèrent a retardé les adaptations envisagées, en ce qui concerne les tarifs.
L'union nationale des établissements thermaux (UNET) a par la suite également
dénoncé, à plusieurs reprises, "l'opacité et la complexité des procédures", et "l'inégalité des
tarifs et des coûts réels, sans rapport avec les différences de qualité de prestations", selon les
termes du document diffusé en juillet 1991 et intitulé "proposition pour une réforme du
système de tarification des soins pris en charge par la sécurité sociale".
Pourtant ni la mission de réflexion confiée en 1990 à MM. Peyrafitte et Ebrard, ni les
divers travaux qui ont associé de 1990 à 1992 des représentants des administrations
concernées et des organisations regroupant les établissements thermaux n'ont permis d'aboutir
à des mesures. Les ministres des affaires sociales et de la santé, en juin 1993, ont cependant
clairement indiqué qu'un des objectifs de la mission confiée à un groupe présidé par M.
Ebrard était justement de parvenir à la mise en place d'une politique tarifaire cohérente des
établissements thermaux, devenue "urgente et indispensable", selon la lettre de mission en
date du 5 juin 1993.
La proposition avancée dès 1986 par l'inspection générale des affaires sociales était
assez précise et consistait à choisir désormais une logique exclusivement forfaitaire dans la
tarification des frais d'hydrothérapie. Par la suite, un groupe de travail a été constitué en 1990
sous l'égide de la CNAMTS avec la participation des trois syndicats du thermalisme, de la
DSS et de la DGCCRF, afin d'explorer les voies d'une réforme de la tarification, dont une des
modalités pourrait être la définition de classes d'établissements thermaux sur le modèle du
système qui régit les établissements privés de soins. Une telle réforme qui permettrait
d'harmoniser les tarifs tout en prenant en compte les différences observées dans le
fonctionnement des établissements et le niveau des prestations offertes au curiste, avait été
également préconisée en 1987 par le Haut comité médical de la sécurité sociale.
Elle ne saurait toutefois se concevoir que si la conformité aux règles de qualité des eaux,
d'hygiène, de sécurité et d'encadrement minimal en personnel était effectivement exigée pour
toutes les classes d'établissements sous peine de voir le classement tarifaire consacrer le non
respect des conditions d'agrément.
La distinction éventuelle de différentes classes tarifaires doit- elle s'accompagner d'une
déconnection entre les tarifs facturés aux curistes et ceux servant de base aux
remboursements ? La vigueur des débats sur ce point, au sein de l'administration comme des
organisations professionnelles, a sans doute contribué également à retarder les décisions
pourtant reconnues indispensables.
Les récentes propositions, rendues publiques en août 1994, de la mission Ebrard, ont
confirmé la volonté de revenir à une tarification forfaitaire, qui mettrait fin aux suppléments et
engagerait une harmonisation progressive des tarifs. Si cependant le choix d'une telle
approche exclusivement forfaitaire a priori souhaitable s'avérait impossible, au motif
notamment qu'elle restreindrait de manière jugée excessive la liberté de choix des médecins
thermaux, il conviendrait alors de retenir au contraire un mode de tarification à l'acte,
permettant un contrôle des actes effectivement dispensés et une correspondance véritable
entre le nombre et la qualité des soins et leur coût. Il paraît, en effet, très probable que le
maintien de suppléments, et donc d'un système hybride, continuerait à engendrer les effets
pervers décrits ci-dessus.
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
77
La refonte des grilles de soins (dites d'appellations normalisées) ne laissant subsister
qu'un nombre réduit de soins et la fixation d'un tarif unique pour des soins identiques dans
tous les établissements qui les pratiquent seraient, en tout état de cause, particulièrement
nécessaires.
Principales observations sur le système tarifaire
1. - La définition des pratiques dispensées
:
- imprécision dans la définition des soins, notamment quant à leur consistance, leur
durée et leurs modalités techniques ;
- multiplication du nombre de soins inscrits au catalogue des traitements thermaux ;
- ambiguité de la notion de forfait et manque d'homogénéité des forfaits proposés.
2. - Les procédures de fixation des tarifs
- absence de coordination des différentes interventions entre la DGCCRF d'une part, la
DSS et les organismes de sécurité sociale d'autre part ;
- absence de suivi du coût moyen d'une cure et de l'incidence financière des
modifications de traitements ;
- manque de méthode homogène pour la tarification d'un soin nouveau ;
- manque de méthode homogène pour la prise en compte, dans la tarification des
forfaits, de la fréquence des soins pratiqués ;
- caractère inadapté des critères pris en compte pour l'octroi de dérogations tarifaires
pour investissements.
3. - Les abus constatés dans certains établissements
- prescriptions systématiques de soins en suppléments ;
- nombre de soins quotidiens parfois excessif ;
- facturation de soins inscrits au forfait qui ne sont parfois pas tous dispensés.
4. - Insuffisance des contrôles des caisses primaires d'assurance-maladie
- rareté et difficulté des contrôles de facturation ;
- difficulté juridique rencontrée pour sanctionner le non respect de la règle "de la plus
stricte économie compatible avec l'efficacité du traitement".
5. - Lenteur de l'administration à prendre des mesures nécessaires
- absence d'un choix clair entre logique forfaitaire et logique d'une tarification à l'acte ;
- maintien d'écarts injustifiés dans le coût des mêmes soins, selon les établissements ;
- maintien d'écarts injustifiés dans le coût global de cures pour les mêmes orientations
thérapeutiques selon les établissements.
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
78
TROISIÈME PARTIE : LES INTERVENTIONS LOCALES
DES COLLECTIVITÉS PUBLIQUES
Le poids économique du thermalisme n'est pas négligeable, si l'on prend en compte, au-
delà des seuls établissements, l'ensemble des structures d'accueil et d'hébergement et la
contribution que les curistes apportent à l'activité commerciale locale. Il est d'autant plus
important que le thermalisme est développé notamment dans des zones sensibles du point de
vue de l'aménagement du territoire.
Les collectivités territoriales sont donc amenées à intervenir, pour créer ou maintenir
l'activité thermale, notamment en soutenant les investissements nécessaires. Leur forte
implication dans la gestion directe ou indirecte des établissements thermaux n'est pas
nouvelle, comme en témoignent de nombreux exemples d'interventions anciennes, parfois
réussies.
Cependant les évolutions les plus récentes de l'activité thermale, et notamment la
multiplication de projets d'investissements onéreux, dans un contexte de plus en plus
concurrentiel, engendrent des risques accrus pour les collectivités territoriales, d'autant plus
réels qu'au niveau national les objectifs poursuivis par l'Etat restent imprécis, voire ambigus.
L'Etat lui même, en ce qui concerne la gestion du domaine thermal qui lui appartient, a
privilégié les intérêts économiques locaux au détriment du respect des réglementations
sanitaires ou de la maîtrise des dépenses de santé.
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
79
CHAPITRE I : LES INTERVENTIONS DES COLLECTIVITES
TERRITORIALES
I. - L'IMPACT ECONOMIQUE
Il est quelque peu surprenant qu'on ne dispose pas de données fiables sur l'économie du
thermalisme.
A. - LES DONNEES GLOBALES
L'une des organisations syndicales du thermalisme, l'Union nationale des établissements
thermaux (UNET), a évalué en 1993, de manière très globale, le chiffre d'affaires du
thermalisme au sens large à 6,25 milliards de francs, dont un quart pour les soins et trois
quarts pour l'hébergement et l'accueil
1
; le nombre d'emplois était évalué à 120 000. Ces
dernières estimations ne concordent pas avec les statistiques avancées en 1990 par le rapport
de MM. Peyrafitte et Ebrard qui évaluait le nombre des emplois directs à 18 000 et celui des
emplois indirects à 50 000, soit un total d'environ 68 000.
En réalité, les données sont difficiles à agréger. Les structures des établissements
thermaux sont très dissemblables. La distinction entre les personnels affectés aux activités
thermales et ceux employés à des fonctions connexes est parfois délicate
2
. De même, en ce
qui concerne les activités hôtelières ou touristiques, il est malaisé d'apprécier la part relative
des curistes et de leurs accompagnants parmi le total des touristes accueillis.
A ces réserves près, on dispose de quelques études qui donnent un ordre de grandeur des
retombées économiques directes du thermalisme.
Une enquête réalisée en 1988, à la demande de la direction des industries touristiques
3
,
avait évalué les emplois à environ 1,025 équivalent emploi annuel pour 100 curistes traités.
En considérant que ce rapport est resté stable, et en intégrant la hausse de fréquentation
intervenue depuis lors, on peut donc évaluer à près de 6 500 équivalents emplois annuels le
nombre des emplois directs dans les établissements thermaux.
Au-delà du seul nombre d'emplois directs, plusieurs études, dont les données figurent en
annexe n° 7, ont cherché à apprécier l'impact global, en termes d'emploi et d'activité, du
thermalisme. Avec les réserves dues aux incertitudes méthodologiques, on peut cependant
indiquer comme vraisemblable un chiffre total d'environ 60 000 emplois, ou 40 000 emplois
équivalent plein temps, chiffre tenant compte de l'ensemble des effets induits.
1
Selon une fiche remise par l'UNET à la "mission thermalisme " présidée par le docteur Ebrard, qui
indique un montant un peu inférieur aux données des comptes nationaux de la santé, pourtant en principe
limitées aux cures prises en charge par les organismes de sécurité sociale.
2
C'est par exemple le cas, pour les régies municipales : les jardiniers doivent-ils être, en partie,
comptabilisés parmi les personnels affectés aux activités thermales ? Une étude réalisée en 1978 observe
d'ailleurs que les réponses aux questionnaires envoyés n'ont indiqué le plus souvent que les effectifs
salariés, et que de manière générale "les différents effectifs au moins pour certaines catégories sont mal
connus, faute de statistiques précises sur les emplois relevant du thermalisme
"
3
Etude de la Société ACTOUR "Inventaire et évaluation de l'offre de tourisme de santé" (mars 1988).
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
80
Aucune évaluation des emplois créés par les activités connexes au thermalisme n'a été
tentée par les juridictions financières, dans la mesure où l'objet de leur enquête visait à évaluer
les modalités des interventions publiques, et non à dresser un bilan exhaustif du thermalisme.
Le tableau qui suit retrace les effectifs directement employés en 1992 dans une partie des
établissements de soins étudiés par les chambres régionales. On constate l'importance des
effectifs temporaires : 1 626 emplois pour 416 emplois permanents, soit une proportion
d'environ quatre pour un. En l'absence de données suffisantes et comparables sur l'équivalence
en termes d'emplois annuels de ces emplois temporaires, il n'est cependant pas possible de
vérifier l'évaluation approximative établie en 1988.
Effectif
Part en %
Permanent
Temporaire
Total
Permanent Temporaire
Allevard
28
97
125
22,4
77,6
Argelès
1
15
16
6,3
93,7
Ax
17
39
56
30,4
69,6
Bagnères
9
79
88
10,2
89,8
Barèges
3
23
26
11,5
88,5
Brides
11
73
84
13,0
87,0
Cauterets
11
96
107
10,3
89,7
Chaudes-Aigues
7
28
35
20,0
80,0
Dax
103
479
582
17,7
82,3
Divonne
26
19
45
57,8
42,2
La Léchère
19
77
96
19,8
80,2
Luchon
47
239
286
16,4
83,6
Montrond
4
12
16
25,0
75,0
Néris-les-Bains
21
71
92
22,8
77,1
Royat
44
138
182
24,2
75,8
Saint-Lary
12
22
34
35,3
64;7
Saint-Laurent
3
19
22
13,7
86,3
Saint-Nectaire
3
15
18
16,7
83,3
Vals
28
28
Vittel
15
85
100
15,0
85,0
B. - LES ETUDES PAR REGION
Par ailleurs, les chambres régionales des comptes ont pu prendre connaissance des
études réalisées au niveau régional, le plus souvent sous l'égide des conseils économiques et
sociaux. Ces études, qui procèdent en général par questionnaires auprès des stations, ne
peuvent fournir que des estimations. Sous cette réserve, elles confirment dans leur ensemble
les effets très positifs du thermalisme sur l'emploi et l'économie locale, et fournissent des
données cohérentes avec les ordres de grandeur globaux déjà cités.
En 1987, les stations thermales de la région
Rhône-Alpes
comptaient 2 200 emplois
directs (thermaux, médicaux et para-médicaux), dont 1 090 permanents, et 6 000 emplois
indirects (2 680 permanents), dont 4 400 pour l'hôtellerie-restauration (1 080 permanents). Un
rapport du conseil économique et social de la région évalue les dépenses des curistes et des
personnes qui les accompagnent (soit 180 000 personnes environ) à 1,35 milliard de francs
environ en 1992, et à 70 % la part de cette dépense qui revient directement aux agents
économiques locaux. Selon une étude récente effectuée pour le conseil régional de
Languedoc-Roussillon
, le chiffre d'affaires du thermalisme dans la région serait de l'ordre de
708 millions de francs avec 84 000 curistes et 60 000 accompagnants, et se décomposerait en
32,3 % de soins de cure, 4,7 % d'honoraires médicaux et 63 % de dépenses de séjour.
L'activité thermale procurerait environ 900 emplois directs.
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
81
Une enquête menée en 1992 dans le département des
Landes
indique que 80 % du
chiffre d'affaires de l'hôtellerie proviennent de la clientèle thermale.
On relève ainsi la forte proportion de dépenses extérieures à la cure proprement dite,
qu'elles soient le fait des curistes ou des personnes qui les accompagnent, et la dépendance
importante du secteur hôtellerie-restauration vis-à-vis de cet apport de clientèle.
C. - LES ACTIVITES CONNEXES
Les incidences économiques locales sont renforcées par les effets connexes du
classement d'une commune parmi les stations thermales. Une telle reconnaissance permet, en
premier lieu, d'implanter un casino, en application de la loi du 15 juin 1907, qui réserve les
autorisations de jeux aux stations classées "touristiques" (stations balnéaires, climatiques ou
thermales). L'étude des juridictions financières n'a pas traité des relations éventuelles entre les
stations thermales et les casinos. Il convient cependant de noter que parfois les recettes du
casino dépassent largement les produits de l'activité thermale. Dans certains cas d'ailleurs, on
peut se demander si la présence d'un casino ne joue pas un rôle déterminant dans le maintien
ou la création d'une station thermale.
Enfin, souvent l'exploitation d'une station thermale va de pair avec la mise en bouteilles
et la commercialisation d'eaux minérales. Si, à l'origine, cette activité était le prolongement
des cures, elle constitue désormais un secteur économique à part entière. Selon des
évaluations reprises par la Commission des communautés européennes, le chiffre d'affaires de
ce secteur était évalué en France à 9,4 milliards de francs en 1991, soit sensiblement plus que
le chiffre d'affaires du thermalisme. Dans certaines stations d'ailleurs, comme Evian, Vittel,
Contrexéville ou Vichy, les cures thermales apparaissent comme une activité seconde par
rapport à la vente d'eau minérale embouteillée.
D. - LES RETOMBEES FINANCIERES
Comme toute activité économique, le thermalisme procure aux communes intéressées
des revenus de taxe professionnelle. De surcroît, les stations thermales bénéficient de
ressources spécifiques : certaines d'entre elles reçoivent un prélèvement sur le produit des
jeux en cas d'implantation d'un casino ou perçoivent une surtaxe sur les eaux minérales
embouteillées ; par ailleurs, divers avantages financiers sont accordés aux communes
thermales, comme d'ailleurs aux autres communes touristiques, en contrepartie des charges
spécifiques liées à la fréquentation de touristes : taxe de séjour, supplément de dotation
globale de fonctionnement (DGF).
Dans l'ensemble, les produits de la taxe professionnelle acquittée par les établissements
thermaux ne sont pas très élevés ; du fait de leur statut d'établissement public national, les
thermes d'Aix-les- Bains ne payent aucune taxe. Dans certaines petites stations, la taxe
professionnelle de l'établissement thermal peut cependant représenter une part importante des
ressources fiscales de la commune. Ainsi à Molitg et Avène-les-Bains, elle fournit plus du
tiers du produit fiscal total et, respectivement, 8 et 11 % du total des produits de
fonctionnement.
Pour faire face aux charges supplémentaires que supporte la commune classée station
thermale, dont l'infrastructure est sans rapport avec le nombre de ses habitants, une taxe de
séjour peut être mise à la charge des touristes, curistes et autres vacanciers. Son produit est,
logiquement, proportionnel au nombre des curistes (et des personnes qui les accompagnent).
L'activité touristique extra-thermale qu'ont certaines communes fausse, toutefois, les
comparaisons. C'est probablement la raison de l'écart du produit de la taxe de séjour entre
deux grandes stations du Languedoc-Roussillon dont le nombre des curistes est voisin :
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
82
Balaruc, située sur le bassin de Thau à 5 km de la mer, perçoit ainsi 40 % de plus qu'Amélie-
les-Bains. Les taux communaux de la taxe, votés par les conseils municipaux, peuvent aussi
expliquer certains des écarts constatés. La contribution globale de la taxe de séjour, parfois
considérée comme modeste, représente pour certaines collectivités des sommes non
négligeables ; il en est ainsi dans les grandes stations mais aussi à Vernet ou La Preste. Le
rendement par habitant est très variable, allant de 10 francs (au Boulou) à 294 francs (à
Amélie-les-Bains) ou 351 francs (à Rennes-les- Bains).
En ce qui concerne la DGF, certaines communes thermales bénéficient de suppléments
qui peuvent atteindre 50 % de leur dotation de base (La Preste, Molitg notamment), voire 70
% (Bagnols-les-Bains).
Enfin, la présence d'un casino, liée à l'existence d'une station thermale, peut drainer vers
le budget communal des produits très supérieurs aux autres recettes, surtout en cas
d'autorisation de "machines à sous". Dans la région Rhône-Alpes, les casinos de Divonne et
de Montrond procurent une aisance financière certaine aux communes concernées auxquelles
ils rapportent respectivement 32 millions de francs et 4 millions. En Languedoc-Roussillon, la
commune d'Allègre (Gard) qui s'est retirée de la gestion du site thermal des Fumades, prise en
charge par le département du Gard à travers une société d'économie mixte spécialisée, n'en
bénéficie pas moins, depuis 1992, d'un prélèvement substantiel sur le produit des jeux
(1,2 million de francs) qui a augmenté de moitié ses recettes de fonctionnement et dépasse ses
autres ressources fiscales (850 000 francs). La commune du Boulou (Pyrénées-orientales) a
reçu 1,6 million de francs en 1990, 1,3 million en 1991, 1 million en 1992 et il est à prévoir
que ce produit va augmenter à nouveau avec l'installation récente de "machines à sous".
Quelle que soit la diversité des situations locales, l'activité thermale exerce une
influence déterminante sur l'économie locale, dans des bassins d'emplois souvent marqués par
un taux de chômage important.
La progression continue de la fréquentation a ainsi exercé un effet positif sur les régions
thermales. Cependant, celle-ci, après avoir connu une croissance de 500 % de 1938 à 1990,
paraît avoir atteint un plafond. Si le nombre de curistes continue à augmenter dans la région
Rhône-Alpes (+ 4,6 % de 1990 à 1992) et en Languedoc-Roussillon (+ 3,5 %), il diminue
dans les autres régions, notamment en Midi-Pyrénées où la fréquentation est retombée à un
niveau inférieur à celui de 1988 et en Auvergne où elle a diminué de 10,32 % de 1985 à 1992.
Ce sont souvent les stations les plus importantes
1
qui connaissent les baisses les plus
marquées alors que certaines stations petites ou moyennes voient leur fréquentation
augmenter.
Afin de relancer leur croissance, de nombreux établissements ont mis en place depuis
quelques années des formules de cure de "remise en forme". Non pris en charge par la sécurité
sociale, ces séjours relèvent d'un tourisme de santé. C'est à Vittel que ces nouvelles formes de
cure, inspirées du succès de la thalassothérapie, ont connu le plus fort développement, passant
entre 1988 et 1992 de 5 000 à plus de 10 000 clients par an, tandis que le nombre de cures
médicales diminuait légèrement. Toutefois les résultats sont le plus souvent décevants, le
nombre de curistes sans prise en charge dépassant rarement 10 % de la fréquentation totale à
1
Comme Aix-les-Bains en Rhône-Alpes, Luchon, Barbotan, Cauterets et Ax les Thermes en Midi-
Pyrénées, Royat, Châtel-Guyon, la Bourboule, le Mont Dore en Auvergne. Les raisons des disparités
constatées dans les évolutions n'ont pas été analysées. Il est toutefois vraisemblable que ce phénomène
reflète une préférence nouvelle de la clientèle pour des petites unités réservant un accueil plus personnalisé.
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
83
l'exception notable des établissements de Vittel et de Contrexéville
1
. Cette ouverture à des
cures non médicalisées n'a, par exemple, procuré qu'une part marginale des recettes pour les
thermes nationaux d'Aix les Bains.
Dans ce contexte, la période récente a été marquée par une intervention accrue des
collectivités territoriales en faveur de la promotion et de la modernisation du thermalisme,
selon des modalités juridiques diverses.
Cet interventionnisme s'est manifesté par un soutien à l'investissement ou une aide à
l'exploitation des établissements thermaux au prix de charges et de risques souvent importants
que les collectivités ont mésestimés.
II. - DES MODALITES JURIDIQUES D'INTERVENTION VARIEES
Fréquemment propriétaires des sources minérales, les collectivités territoriales, et
surtout les communes, sont depuis longtemps actives dans le domaine du thermalisme. Selon
les stations, les formes des interventions publiques sont très variées, allant de la gestion
publique en régie directe à l'exploitation par une société privée qui ne bénéficie parfois que
d'aides limitées de la collectivité.
Cette diversité apparaît dans le tableau suivant, qui résume les statuts juridiques des
différentes stations examinées par les chambres régionales des comptes.
Affermage
Concession
Autres cas de gestion
Régions
Régie directe
SEM
Scté privée
SEM
Scté privée
Auvergne
Néris
(jusqu'en
1992
Royat
Néris (depuis 1992)
St-Nectaire
Chaudes-Aigues (SEM)
Franche-Comté
Luxeuil-les
Bains (depuis le
9 août 1993)
Luxeuil-les-
bains (jusqu'au
8 août 1993)
Lanquedoc-
Roussillon
Balaruc-les-
Bains
Bagnols-les-Bains
Allègre-les-Fumades
Alet-les-Bains
Amélie-les-Bains
Le Boulou (CTS)
Molitg-les-Bains (CTS)
La
Preste-les
Bains
(CTS)
Lamalou-lesBains (CTS)
Vernet (P)
Avène (SEM)
Rennes-les-Bains (Ass)
Lorraine
Amnéville (Ass)
Vittel (P)
Contrexéville (P)
Bains-les-bains (CTS)
Midi -Pyrénées
Argelès-Gazost
Bagnères -de-
Luchon
Barèges-Barzun
Bagnières
de
Bigorre
Cauterets
Ax-les-Thermes (P)
Saint-Lary Soulan (P)
Rhône-Alpes
Divonne
(jusqu'au
30.9.93)
Montrond
St-laurent
(CTS)
La Léchère (SEM)
Brides
Divonne
(depuis
le
1.10.93
Allevard (P)
Aquitaine
Dax (SEM)
CTS : Chaîne thermale du Soleil – Ass. : Association – P : autre société privée.
1
Si en nombre de journées, les cures thermales thérapeutiques restent largement prépondérantes dans
l'activité de ces établissements, 70 % de la fréquentation des curistes correspond à des séjours de remise en
forme d'une moyenne de cinq jours.
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
84
a) Régies
L'implication des communes dans la gestion est maximale dans le cas des régies, qui
constituent un mode de gestion fréquemment rencontré notamment en Midi-Pyrénées.
Les thermes d'Argelès Gazost (Hautes-Pyrénées) et de Bagnères-de- Luchon (Haute-
Garonne), propriété des communes, sont exploités directement avec une simple régie de
recettes. A Luchon ils font l'objet d'un compte annexe dont l'importance rivalise avec le
budget principal (59 millions de produits de fonctionnement). A Argelès il n'y a pas de
compte annexe mais budget et compte administratif sont détaillés, tout au moins en section de
fonctionnement. La régie directe de Balaruc-les-Bains (Hérault) a par exemple été
transformée en régie dotée de la seule autonomie financière à compter du 1er janvier 1993,
comme à Royat (Puy de Dôme). Ainsi le degré d'autonomie peut varier notablement.
b) Sociétés d'économie mixte (SEM)
Une deuxième formule, qui confère une plus grande autonomie aux établissements, est
la gestion par des SEM.
Ces sociétés sont exceptionnellement propriétaires des établissements thermaux comme
dans le cas d'Ax-les-Thermes (Ariège). En effet, les quatre établissements thermaux de cette
station sont propriété de la Société d'économie mixte thermale et touristique d'Ax- les-
Thermes (SEMTTAX) qui en a assuré directement la gestion de 1988 au 30 mai 1991
1
.
Devant le résultat décevant des premières années de la gestion par la SEM, un mandat de
gestion a été confié, à partir du 1er juin 1991, à une société privée au capital de laquelle
participent notamment la SCET et les Mutuelles de France.
Le plus souvent, les SEM interviennent dans le cadre d'un affermage : ainsi les thermes
de Bagnères-de-Bigorre (Hautes-Pyrénées), propriété de la commune, ont été exploités,
jusqu'en 1992, par la régie municipale des eaux thermales. La commune a passé un contrat
d'affermage de l'établissement thermal et de la ressource en eau à partir de 1992, avec une
société d'économie mixte, la SEMETHERM. Cette société a elle-même confié la gestion de
l'établissement à la société fermière de Bagnères-de-Bigorre, filiale du groupe privé
Eurothermes.
A Divonne-les-Bains (Ain), la gestion a été assurée en régie directe jusqu'en avril 1990 ;
la station a été ensuite affermée à une SEM, dissoute le 30 septembre 1993, puis reprise par la
"sarl d'exploitation des thermes de Divonne", filiale de la société Sogeloisirs. L'établissement
de Montrond-les-Bains (Loire) a quant à lui été affermé à la SEM "le parc thermal de
Montrond- les-Bains" par convention du 15 mars 1990.
Parfois, ces SEM se voient confier la gestion des établissements dans le cadre d'une
concession de service public. Ainsi, par convention du 29 août 1970 renouvelée en 1988, la
ville de Dax a concédé en gérance libre l'exploitation des hôtels et établissements thermaux
qui lui appartenaient à la SEM "Compagnie thermale de Dax".
Le recours à des SEM semble se développer, comme le montre l'exemple de Néris-les-
Bains (Allier) : jusqu'en 1992, les thermes étaient gérés en régie directe. A compter du
2 janvier 1992, la gestion a été confiée à la SEMETT, "Société d'économie mixte du
thermalisme et du tourisme", qui bénéficie d'une concession d'une durée de trente ans,
renouvelable, pour l'exploitation, l'entretien, la rénovation et la promotion du patrimoine
1
Le rapport public de la Cour des comptes pour 1991 (p. 343 et suivantes) avait d'ailleurs critiqué les
investissements effectués par la SEM, dans l'insertion relative aux investissements touristiques d'Ax-les-
Thermes.
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
85
thermal situé sur le territoire de la commune. La commune détient 76,80 % de son capital de 2
500 000 francs.
c) Gestion associative
Plus rarement, c'est une association paramunicipale qui assure la gestion de
l'établissement. Ainsi l'établissement d'Amnéville (Moselle) est géré par une association de
droit local régie par la loi de 1908 dont le conseil d'administration, présidé par le maire, est
composé majoritairement de représentants de la collectivité. De même, la commune de
Rennes-les-Bains (Aude) a confié, par bail emphytéotique, la gestion des thermes à
l'Association des thermes de la haute vallée de l'Aude.
d) Contrat de gérance
Une autre voie parfois utilisée pour concilier responsabilité publique et autonomie de
gestion est le contrat de gérance. Les thermes de Saint-Lary-Soulan, construits par la
commune et ouverts en 1988, ont fonctionné, la première année, grâce au personnel
communal et sous la forme d'une simple régie de recettes. L'année suivante, une régie
d'exploitation des thermes de Saint-Lary-Soulan a été constituée mais cet établissement, doté
de la seule autonomie financière, a été dissous le 1er janvier 1990. Depuis cette date, les
thermes sont exploités par la SAGET (Société d'animation et de gestion des thermes) en
application d'un contrat de gérance. Le capital de cette société anonyme est détenu en majorité
par la Compagnie internationale de services et d'environnement (CISE), filiale du groupe
Saint-Gobain.
e) Gestion par des sociétés privées
On retrouve, avec le recours à des sociétés privées, la même distinction que pour les
SEM.
L'exploitation peut d'abord être affermée : c'est par exemple le cas de l'établissement
thermal privé de Saint-Laurent-les-Bains (Ardèche) : racheté par le SITHERE (Syndicat
intercommunal pour le thermalisme et l'environnement) en 1989, il a été affermé à la
Compagnie française de thermalisme (Chaîne thermale du Soleil).
On note également des cas de concessions à des sociétés privées. Ainsi, jusqu'au 8 août
1993, l'établissement thermal de Luxeuil-les- Bains (Haute-Saône) a été concédé à la "Société
des eaux de Luxeuil". Il est depuis lors géré en régie directe. L'exploitation des quatre
établissements thermaux de Cauterets (Hautes-Pyrénées), propriété de la commission
syndicale de la vallée de Saint-Savin, a été concédée jusqu'au 31 décembre 2003 à la Société
thermale pyrénéenne, qui fait partie du groupe Eurothermes. De même, à Brides-les-Bains,
une concession a été passée le 15 mars 1989 avec la "Société thermale", filiale de la "Société
européenne de thermalisme ".
f) Propriété et gestion privée
Dans certaines régions, comme la Lorraine, les gestionnaires privés sont prépondérants.
C'est ainsi que les sociétés des eaux minérales de Vittel et de Contrexéville, elles-mêmes
placées sous le contrôle du groupe Nestlé, possèdent et exploitent commercialement les
équipements thermaux des deux stations.
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
86
De manière plus générale, se sont constitués en France plusieurs groupes de taille
significative : ce sont d'abord les 13 stations de la Chaîne thermale du soleil, qui accueillaient
au total 109 000 curistes en 1992 soit environ 17 % de la fréquentation totale
1
. Par ailleurs, le
groupe Eurothermes regroupe 12 stations en 1994. Ces groupes se développent en mettant en
avant la nécessité d'une gestion plus ambitieuse et plus spécialisée.
Les exemples précités indiquent que la diversité des structures juridiques se double
d'une grande instabilité : des régies se transforment en SEM, tandis que certaines collectivités
reprennent
l'exploitation
d'établissements
précédemment
concédés.
Les
fréquents
changements observés dans le mode de gestion sont le reflet des difficultés de fonctionnement
rencontrées par nombre de stations. En effet, si certains projets ont été bien conduits, dans
d'autres cas les résultats financiers se sont révélés très inférieurs aux prévisions.
III. - LA GESTION DES INTERVENTIONS
Le soutien des collectivités territoriales à l'activité thermale revêt des formes variées :
aide à l'investissement, financement d'actions de promotion, rachat d'établissements en
difficulté.
Leurs interventions sont anciennes et ont parfois en effet favorisé le développement
local.
C'est le cas, par exemple, à Dax (Landes). La société immobilière et fermière des eaux
de Dax, créée en 1928, qui possédait notamment les forages, avait été rachetée en 1966 par
une personne privée. Le repreneur s'était engagé à effectuer 10 millions de francs de travaux
de rénovation ; mais ces travaux ne furent pas réalisés. La ville de Dax a donc racheté
l'ensemble du patrimoine. Elle estimait que les bénéfices suffiraient à financer la rénovation
de l'ensemble. En réalité, la vétusté de tous les éléments de ce patrimoine et la nécessité de
s'adapter à l'évolution du thermalisme et de tenir compte de la demande des curistes ont obligé
la ville et son concessionnaire, la Compagnie thermale de Dax, à lancer un programme de
travaux de grande envergure, qui a contribué à la hausse régulière de la fréquentation.
Aujourd'hui, Dax est devenue la première station française par sa fréquentation avec
54 590 curistes en 1993
2
dont 16 844 pour les établissements de la Compagnie thermale de
Dax. La situation de cette SEM est équilibrée. Le bilan 1992 fait ressortir un actif net de
42 millions de francs couvert par des ressources stables dont un capital social de
10,5 millions. Le compte de résultat de la même année s'équilibre à 107 millions en dégageant
un bénéfice symbolique de 35 000 francs. Le thermalisme ne représente que le tiers du chiffre
d'affaires total (102,6 millions) de la SEM. Il a toutefois progressé un peu plus vite (+ 22 % de
1988 à 1992) que celui de l'hôtellerie qui en forme les deux tiers (+ 14 %). S'il y a eu
initialement intervention de la collectivité, pour favoriser l'investissement, la Compagnie
thermale verse désormais une somme forfaitaire de 600 000 francs en échange des prestations
d'espaces verts, de menus travaux d'entretien. La ville de Dax ne prend plus en charge de
dépenses liées directement au thermalisme ou du moins les dépenses prises en charge sont
liées à la vie de l'ensemble de la commune et donc de la station thermale : spectacles,
1
Leur part relative dans les remboursements versés en 1992 par la caisse de mutualité sociale agricole
représentait 28,7 % du total des sommes versées aux établissements thermaux.
2
Selon les données de l'UNET - voir annexe n° 3. Coexistent à Dax plusieurs établissements, relevant de
structures juridiques distinctes : la société Thermes-Adour exploite ainsi notamment certains établissements
à Dax.
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
87
équipements sportifs et culturels, espaces verts, sont conçus pour une ville centre de 20 000
habitants auxquels s'ajoutent environ 10 000 curistes recherchant des activités après leur cure
(terminée dès 9 heures du matin pour certains).
La ville de Dax et la Compagnie thermale de Dax n'ont pas perçu de subvention du
département ou de la région en matière de thermalisme pendant les années examinées, à
l'exception d'une participation de 80.000 F pour l'étude des eaux thermales. Les hôtels de Dax
peuvent bénéficier, comme tous les établissements du même type dans le département, d'une
subvention pour une création, une extension, une modernisation, en application du "règlement
départemental pour le développement des hébergements et des équipements touristiques".
Ainsi, la première station thermale française, en partie reprise sous le contrôle de la
collectivité, fonctionne aujourd'hui sans intervention financière particulière des collectivités
territoriales.
L'établissement de
Balaruc-les-Bains
(Hérault), troisième station française par les
effectifs de curistes accueillis, est une régie municipale dont la gestion financière semble
satisfaisante puisque, de 1988 à 1991, les résultats ont été constamment excédentaires, pour
un montant de 2 à 3 millions de francs.
A
La Léchère
(Savoie), en décembre 1985, le conseil de district du bassin
d'Aigueblanche, sollicité par son propriétaire, la Compagnie des eaux thermales, et les
communes concernées, décida de racheter l'établissement thermal afin d'éviter sa fermeture.
En effet, du fait de la vétusté des équipements, l'établissement n'était plus viable en l'état. Son
redémarrage a fait l'objet d'un diagnostic qui a conduit à la définition d'une stratégie de
développement du thermalisme supposant la maîtrise d'activités étroitement dépendantes :
soins, hébergement, restauration et loisirs. Pour la gestion de cet ensemble, il a été décidé de
créer une SEM associant aux collectivités des banques et des partenaires privés locaux. Le
chiffre d'affaires a progressé de 8 % de 1988 à 1992. Le résultat d'exploitation a été multiplié
par 3, passant de 1 million de francs en 1988 à 3,3 millions en 1992. La part des dépenses de
personnel rapportée au chiffre d'affaires a été réduite de 43 % à 35 %. Il convient de signaler
que la redevance versée au district du bassin d'Aigueblanche est passée de 2,5 millions en
1987 à 7,5 millions en 1992.
Cependant, dans bien des cas, les collectivités territoriales ont pris des risques
importants et mal maîtrisés qui les conduisent à supporter des charges financières élevées au
regard de l'apport du thermalisme à l'économie locale.
Dans le domaine du thermalisme comme dans tout secteur économique, l'intervention
des collectivités devrait résulter de décisions judicieusement éclairées, assorties de prises de
garantie, en ce qui concerne tant le choix des investissements que la gestion des équipements.
Or les aides des collectivités sont souvent accordées au travers de montages juridiques qui ne
permettent pas de déterminer clairement le partage des responsabilités et rendent malaisé le
contrôle de l'emploi des fonds publics. De surcroît, les collectivités territoriales
méconnaissent trop fréquemment les contraintes de ce secteur qui joint aux risques
économiques de toute activité industrielle ou commerciale des exigences spécifiques
inhérentes à la médicalisation du thermalisme et aux impératifs sanitaires.
A. - DES INTERVENTIONS NON ASSORTIES DE GARANTIES JURIDIQUES
SUFFISANTES
L'étendue de la responsabilité publique est souvent insuffisamment définie. Les
collectivités sont, dès lors, exposées à des risques financiers mal évalués, d'autant plus qu'elles
négligent fréquemment d'exercer leur pouvoir de contrôle sur la gestion des thermes.
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
88
Même dans le cas des régies directes, les relations entre le budget de la régie et le budget
principal de la collectivité manquent parfois de transparence. Le contrôle de la gestion des
thermes est d'ailleurs délicat à mettre en ouvre pour les régies qui ne font pas l'objet d'un
compte distinct de celui de la commune. Tel est notamment le cas de l'établissement d'Argelès
Gazost (Hautes-Pyrénées) qui est dénué de personnalité morale et d'autonomie financière. La
chambre régionale des comptes de Midi-Pyrénées a suggéré, dans la lettre d'observations
définitives qu'elle a adressée au maire de la commune, l'élaboration d'un compte annexe pour
répondre aux obligations comptables et fiscales qui s'imposent à un service industriel et
commercial, soumis depuis 1991 à la taxe sur la valeur ajoutée, et pour connaître le coût exact
de cette gestion.
Les engagements pris dans le cadre de syndicats intercommunaux ne sont souvent pas
chiffrés. Ainsi le 18 février 1985, le conseil municipal de
Barèges
(Hautes-Pyrénées) décidait
d'acquérir pour 350 000 francs le fonds de commerce des thermes de Barzun (clientèle,
matériel et mobilier) et de prendre à bail la totalité de l'immeuble pour une durée de 30 ans
moyennant un loyer annuel de 48 000 f. Par la suite, le 14 avril 1992, le conseil municipal
décidait de vendre, pour le franc symbolique, le fonds de commerce des thermes de Barzun au
syndicat de modernisation et d'exploitation des thermes de Barèges. La commune s'est
engagée, dans la même délibération, "à prendre à sa charge le coût supplémentaire éventuel
que pourrait engendrer pour le syndicat la modernisation et l'exploitation des thermes de
Barzun, lors de la répartition des charges entre les communes adhérentes". Certes une
collectivité peut céder une partie de son patrimoine au franc symbolique mais dans le cas
d'espèce il n'a pas été tenu compte de la charge du remboursement de l'emprunt contracté en
1986 pour effectuer les travaux de modernisation. En outre, l'engagement alors pris par la
commune ne pouvait être déterminé avec précision.
Les liens unissant la commune d'
Amnéville
(Moselle) à l'association gestionnaire de son
établissement thermal étaient, au moins jusqu'en 1994, insuffisamment définis sur le plan
juridique. Certes, la commune a investi plus de 100 millions de francs pour la construction de
l'établissement. L'association qui gère celui-ci s'est engagée, par convention de septembre
1987, à lui rembourser les annuités des emprunts contractés pour l'édification des thermes.
Cet engagement mis à part, les obligations réciproques de la commune et de l'association
n'étaient pas davantage précisées. Cependant une nouvelle convention, en date du 30 août
1994, a défini plus précisement les rôles respectifs de la commune et de l'association.
Les incertitudes sur la répartition des responsabilités sont encore plus sensibles, dans le
cas de gestions subdéléguées.
La convention d'affermage passée entre la ville de
Divonne
et la SEM en avril 1990,
pour la gestion du centre Paul Vidart, prévoit que la société fermière fera appel aux services
de la société Gesther, en qualité de mandataire, pour assurer la gestion technique du nouvel
établissement thermal. La SEM a passé en outre avec la SCET une convention de gestion en
mai 1990. Par cette convention, dite "accord d'entreprise", la SCET s'est engagée à fournir un
appui permanent, sous forme de conseils et avis, à la fonction de direction de la société et des
prestations de services pour la gestion du personnel et l'activité de la société. Or, la
convention de prestations de service passée avec la S.A. Gesther en juin 1990 a prévu des
prestations similaires en matière de gestion de personnel, d'organisation et d'exploitation du
centre Paul Vidart et de politique commerciale des thermes.
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
89
Sur plusieurs points, ces deux conventions font double emploi, et les charges qui en
résultent ont pesé inutilement sur l'exploitation. La société d'économie mixte a versé
1,5 million de francs à la SCET et un million de francs à la société Gesther de 1990 à 1991.
L'absence d'harmonisation des prestations des deux sociétés lors du démarrage de la SEM
s'explique d'autant moins que la SA compte la SCET parmi ses actionnaires. A ses débuts, la
sem de Divonne apparaît comme une coquille vide, largement dépendante de la SCET et de
Gesther pour son fonctionnement. A la fin de l'année 1991, cependant, à la demande de la
ville, l'assistance de la SCET a été recentrée sur la gestion du personnel, et la commune a
repris les missions antérieurement confiées à la sem en matière de promotion et de formation
(jusqu'à la dissolution de cette dernière).
Par convention du 15 mars 1990, la commune de
Montrond-les-Bains
(Loire) a affermé
la gestion de l'établissement thermal qu'elle venait de construire à la SEM "le parc thermal de
Montrond". Le fermier était autorisé à confier un mandat de gestion à un opérateur spécialisé
de son choix. Un contrat de gestion a été passé par la SEM avec la sa Gesther en juillet 1990.
Celle-ci s'est vu confier une mission très large englobant la définition des effectifs, le
recrutement, la politique commerciale, la fixation des tarifs, le traitement comptable.
De même, à
Bagnères-de-Bigorre
(Hautes-Pyrénées), lorsque la régie municipale des
eaux thermales a été dissoute en janvier 1991, la création d'une société d'économie mixte, la
SEMETHERM, dont la commune détient 52 % des parts est allée de pair avec une
subdélégation de la gestion : le groupe Eurothermes, par acte séparé, a été chargé d'exploiter
l'établissement entièrement rénové. Ainsi, la SEMETHERM a confié à la société fermière de
Bagnères-de-Bigorre, filiale du groupe Eurothermes, la gestion effective de son activité
thermale par une convention de mandat signée le 31 janvier 1991, pour une période de 18
années. Le mandataire assure notamment la direction générale et l'ensemble des fonctions,
commerciale, technique, administrative, financière et de communication. En définitive, la
délégation de la gestion à la SEM reste formelle puisque le délégataire a subdélégué l'essentiel
de ses pouvoirs à un nouvel intervenant.
Les possibilités de contrôle sont trop souvent négligées. A
Luxeuil-les-Bains
(Haute-
Saône), la commune, qui a accordé des garanties à l'établissement, n'a pas exercé ses pouvoirs
de contrôle qui lui auraient permis d'avoir plus rapidement connaissance de la situation
financière de la société concessionnaire. Pourtant, celle-ci était fragile, puisque la société
disposait d'un capital relativement faible (300 000 francs), et que son actionnaire principal
était une société très récemment créée. Cette dernière n'a pas respecté ses obligations envers
les crédits-bailleurs et la commune a dû reprendre l'établissement en régie directe en août
1993, à la suite de la défaillance du concessionnaire.
La vérification de la SEM de
Chaudes-Aigues
(Cantal) a révélé des défaillances
administratives qui témoignent d'une gestion peu rigoureuse. Le registre des actions
nominatives n'était pas tenu à jour, les délibérations postérieures à octobre 1991 n'avaient pas
été transcrites sur le registre des délibérations et n'étaient consignées que sur des procès-
verbaux de séances non signés. Certaines des délibérations prises en 1990 et 1991 et
l'ensemble de celles intervenues en 1992, n'avaient pas été transmises à l'autorité préfectorale
contrairement à l'article 6 de la loi du 7 juillet 1983. De même, le registre des actions
nominatives de la SEM des eaux de
Saint-Nectaire
(Puy de Dôme) n'était pas tenu à jour et
les délibérations du conseil d'administration de cette société n'avaient pas été transmises au
représentant de l'Etat. En outre, la procédure d'agrément des cessions d'actions, prévue par
l'article 274 de la loi du 24 juillet 1966, auquel se réfère l'article 14 des statuts de la SEM des
eaux de Saint-Nectaire, n'avait pas été appliquée.
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
90
Si l'imprécision de la répartition des responsabilités entre la collectivité territoriale et la
structure de gestion des thermes amène trop souvent la première à prendre en charge des
dépenses imprévues, dans quelques cas, au contraire, l'activité thermale dégage un excédent
qui bénéficie à la commune ou à ses services satellites. Il en est ainsi à
Bagnères-de-Luchon
où la baisse du nombre de curistes (- 6,4 % de 1988 à 1992) a été compensée par une forte
revalorisation du prix des prestations par le jeu de dérogations tarifaires, intervenues en
dernier lieu en 1990 et 1992. Celles-ci ont permis de préfinancer en partie le programme de
modernisation des installations, réalisé en 1993, tout en maintenant le montant, en termes
réels, de la compensation que verse le budget des thermes (pour les charges que la commune
supporte directement du fait de l'activité thermale).
Dans le cas des établissements thermaux gérés par des sociétés privées, l'activité
thermale entraîne pour les communes d'importantes dépenses d'aménagement et d'animation
dont elles ne sont pas toujours certaines de recueillir les fruits car le développement de la
station dépend largement des orientations des sociétés propriétaires de sources et des thermes.
Ainsi, les établissements de
Vittel
et de
Contrexéville
sont gérés par deux sociétés anonymes
contrôlées par le groupe Nestlé. Sans lien juridique particulier avec les communes, ces
entreprises suivent la stratégie du groupe, elle-même arrêtée - entre autres facteurs - en
fonction de la rentabilité des établissements.
Comme la chambre régionale des comptes de Lorraine l'a d'ailleurs indiqué dans les
observations adressées à la commune de Vittel, il serait justifié que les engagements de crédits
publics puissent, en cas de gestion privée des thermes, s'accompagner de l'octroi de garanties
contractuelles aux collectivités publiques et de la définition d'objectifs communs et précis.
B. - UNE CONCERTATION INCERTAINE ENTRE LES COLLECTIVITES
PUBLIQUES
Si les communes sont fortement impliquées dans le soutien à l'activité thermale, leurs
aides sont complétées par d'autres collectivités publiques, notamment par les départements
(qui possèdent d'ailleurs certains établissements thermaux, comme au Mont-Dore dans le Puy-
de-Dôme), par les régions, voire par l'Etat.
A ces concours peuvent aussi s'ajouter des financements du fonds européen pour le
développement régional (FEDER) comme, par exemple, dans le cas de la station de Rennes-
les-Bains (Aude).
Ces aides sont parfois mal coordonnées.
En
Languedoc-Roussillon
, tous les niveaux de collectivités sont impliqués dans une ou
plusieurs opérations d'investissement sans qu'un plan d'ensemble de soutien au thermalisme
ait été défini.
Le conseil régional a mis en place un règlement d'intervention en faveur des
investissements liés au thermalisme suivant les principes généraux d'aide aux investissements
des communes : subvention après étude du dossier, égale à 40 % du montant hors taxe des
travaux, et plafonnée à 1,5 million de francs. Une enveloppe de 4 millions par an en moyenne
a été ainsi consacrée au thermalisme de 1988 à 1992. Dix stations sur les douze que compte la
région ont bénéficié de ces concours. La station de Lamalou a reçu à elle seule près de 55 %
des aides allouées.
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
91
A l'exception du département des Pyrénées-Orientales où les établissements sont tous
gérés par des opérateurs privés rattachés pour la plupart à la Chaîne thermale du soleil, les
départements ont apporté une aide aux investissements thermaux, dans les stations d'Alet-les-
Bains et de Rennes-les-Bains, d'Allègre-les-Fumades (Gard), d'Avène- les-Bains (Hérault) et
de Bagnols-les-Bains (Lozère).
En l'absence de dispositions propres au thermalisme dans les contrats de plan passés
entre l'Etat et la région Languedoc-Roussillon, l'Etat n'est intervenu qu'à Rennes-les-Bains.
Cette station est la seule qui ait fait l'objet d'une concertation des différentes collectivités
publiques dans le cadre d'un "contrat de thermalisme " d'une durée de cinq ans, élaboré en
février 1982 et associant l'Etat, la région, le département ainsi que des partenaires associatifs
ou parapublics (chambres d'agriculture et de métiers notamment). A la suite de la destruction
d'une grande partie des installations thermales et touristiques de la station, lors de la
catastrophe naturelle de septembre 1992, l'Etat, la région et le département de l'Aude ont co-
financé un plan de reconstruction pour un montant de 34 millions de francs.
Dans d'autres régions, les contrats de plan passés avec l'Etat comprennent un "volet
thermalisme ". Tel est le cas en
Auvergne
, en
Lorraine
, dans la région
Rhône-Alpes
ou en
Midi-Pyrénées
. Ces contrats sont censés assurer une coordination des opérations notamment
menées en faveur du thermalisme par l'Etat, les régions et les communes. Ils ne prennent
toutefois pas en compte l'action des départements qui interviennent pourtant souvent
activement dans ce secteur. L'encadré qui suit donne quelques exemples de ces interventions
départementales, pour les départements de la région Auvergne.
A cette réserve près, les contrats de plan auraient dû être l'occasion de mettre l'ensemble
des concours publics au service d'une véritable politique du thermalisme. Pourtant, faute de
définition de programmes hiérarchisant des priorités, les contrats examinés par les chambres
régionales pour trois régions n'ont pas su éviter un saupoudrage des concours publics
1
. Les
actions retenues privilégient parfois les activités touristiques au détriment des aspects
sanitaires spécifiques au thermalisme. Tel est notamment le cas en Lorraine où ces derniers
auraient pourtant mérité d'être pris en considération comme en témoigne la situation constatée
à l'été 1993. Qui plus est, l'Etat n'a pas subordonné ses concours au respect des
réglementations sanitaires. Dans de très nombreux cas, des aides ont notamment été allouées à
des établissements alimentés par des sources non régulièrement autorisées, sans même que les
services de l'Etat aient exigé le dépôt d'une demande de régularisation.
L'exécution des contrats de plan n'a pas fait l'objet d'un suivi rigoureux. En région
Rhône-Alpes, aucun véritable bilan des réalisations du contrat de plan n'a même été établi.
De façon générale, les conditions de préparation et de réalisation des opérations
financées dans le cadre des contrats de plan et examinées par les chambres régionales se
révèlent souvent tout aussi déficientes que pour les projets gérés par les seules collectivités
locales.
1
Voir en annexe n° 17 l'analyse des actions menées dans le cadre des contrats de plan des trois régions
Lorraine, Auvergne et Rhône-Alpes, qui révèle la diversité des orientations retenues par chaque contrat.
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
92
L'action des départements : l'exemple de l'Auvergne
a) Département de l'Allier
Les aides apportées par ce département sont marquées par une grande diversité.
-
Soutien aux structures départementales et régionales
: le département a versé, sur
les exercices 1988 à 1992, 15 millions de francs au comité départemental du tourisme et du
thermalisme , 1,3 million au comité régional du tourisme, 1,2 million à la maison de
l'Auvergne à Paris, tous ces organismes ayant une action qui ne se limite pas au thermalisme ,
et 0,9 million au syndicat intercommunal thermal.
-
Aides directes aux stations thermales
: pour Vichy, dans le cadre de l'accord signé le
29 septembre 1987 par l'Etat, la ville de Vichy et la compagnie fermière, le département a
prévu une autorisation de programme de 16,35 millions de francs (délibération du 29 février
1988) destinée à la réfection de l'immeuble du grand casino ; à ce jour, 7,9 millions de francs
ont été payés au titre de cette opération. Il a aussi apporté 3,6 millions de francs pour la
reconstruction de l'école de massokinésithérapie et 2 millions de francs pour rénover la piste
de trot et l'éclairage de l'hippodrome. A Bourbon-l'Archambault, le département a participé
pour 500 000 francs à la réhabilitation du casino en "maison du curiste". A Néris-les-Bains, il
a apporté une aide financière de 665 000 francs pour l'aménagement de la "maison du
patrimoine".
-
Investissements routiers
: le département classe parmi ses dépenses "ayant une
incidence sur le thermalisme " les investissements routiers réalisés, de 1988 à 1992, sur
certains axes de communication menant aux stations de Vichy et Bourbon l'Archambault et
s'élevant à 109,6 millions de francs.
b) Département du Cantal
Les aides directes et indirectes accordées par le département concernent la station de
Chaudes-Aigues, seule station thermale du Cantal.
-
Aide directe :
participation à l'augmentation du capital de la SEM thermale pour 270
200 francs (21,5 % du capital) ;
-
Aides indirectes
: subventions annuelles de 107 636,50 francs pour la rénovation du
village de vacances (1,08 millions de francs de 1984 à 1993) ; primes accordées à trois
hôteliers dans le cadre de la prime départementale pour la création et la modernisation de
l'hôtellerie (360 000 F versés entre 1988 et 1992).
c) Département du Puy-de-Dôme
L'établissement thermal du Mont-Dore est propriété du département, qui le loue à la
société Promotherm. Le département participe aux opérations contenues dans le plan Etat-
région pour le secteur du Mont- Dore :
- restructuration des services rhumatologie et voies respiratoires : 1ère tranche en 1991
(2,2 millions de francs) ; 2ème tranche en 1992 (0,865 million) ; 3ème tranche en cours et
pour laquelle un financement de 2 millions a été mis en place et pour l'essentiel déjà mandaté
- études et travaux sur la qualité de l'eau effectués en 1991 et 1992 (0,6 million).
Il a financé aussi diverses opérations spécifiques : étude géologique et forage
d'exploitation (0,4 million), travaux d'équipement d'une tête de forage (0,4 million),
installation d'une tour de refroidissement (0,2 million), aménagement du service rhumatologie
(1,28 million), installation de chaudières électriques (0,37 million), rénovation hall des
sources (0,47 million). Il subventionne enfin le syndicat intercommunal thermal du Puy-de-
Dôme (0,2 million en 1993).
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
93
C. - DES EXEMPLES D'INTERVENTIONS MAL CONDUITES
Les interventions des collectivités territoriales sont risquées quand elles ne sont pas
précédées d'une analyse lucide du marché et d'études rigoureuses des aspects techniques,
financiers et sanitaires des projets d'investissement.
A
Saint-Laurent-les-Bains
(Ardèche) des prévisions de fréquentation erronées ont
conduit à un projet surdimensionné. L'établissement thermal acquis par le syndicat
intercommunal pour le thermalisme et l'environnement (SITHERE) avait été cédé en juin
1985 à la Compagnie française de thermalisme (Chaîne thermale du soleil). Celle-ci a ouvert
en 1986 un établissement thermal rénové, après avoir réalisé des travaux qu'elle estime à
8 millions de francs. Dès 1987, cependant, la société thermale a connu des difficultés
financières qui lui ont interdit tout nouvel investissement. Après deux années de tractations, la
propriété des terrains et de l'établissement thermal a été en août 1989 rétrocédée au
SITHERE, qui en a affermé la gestion à la Compagnie française de thermalisme. En 1989, le
SITHERE a arrêté un programme de travaux de 30 millions : 15 millions pour la construction
du gros ouvre de l'établissement thermal et d'un parking sous dalle, 15 millions pour la
construction de deux bâtiments d'hébergement.
En novembre 1989, le directeur régional des affaires sanitaires et sociales remettait un
avis critique au président du conseil régional indiquant : "cette restructuration devrait
permettre d'accueillir, à terme, 2 à 3 000 curistes par an alors que la station reçoit
actuellement 7 à 800 personnes... Ce projet paraît donc assez disproportionné avec l'avenir
possible de la station" Il demandait que le projet global d'aménagement du site fût revu à la
baisse et adapté aux perspectives effectives de développement de la station. Il n'en a rien été.
Certes, la fréquentation a augmenté, passant de 696 curistes en 1990, à 878 en 1991 et
1 129 en 1993. Malgré cette progression non négligeable, il est douteux que la station de
Saint-Laurent atteigne rapidement l'objectif de fréquentation visé, dans un secteur, la
rhumatologie, où la concurrence est particulièrement vive. L'estimation du coût des travaux a
été sensiblement dépassée. Un bilan réalisé par le SITHERE fait apparaître un coût total de
l'opération de 43,5 millions de francs au 1er juin 1993. Les subventions obtenues s'élèvent au
total à 21,45 millions de francs. Après s'être engagée à hauteur de 3 millions dans le cadre du
contrat de plan, la région a consenti un effort supplémentaire de 4,25 millions hors contrat de
plan, pour la construction des thermes. Les travaux effectués sur le site en maîtrise d'ouvrage
publique, ainsi financés pour moitié par des fonds publics, paraissent avoir été engagés sur la
base de prévisions irréalistes et disproportionnées par rapport aux potentialités réelles de la
station. La région, en particulier, s'est contentée d'accompagner sans réagir l'évolution de ce
programme mal défini.
A
Divonne-les-Bains
(Ain), c'est l'insuffisance des études techniques qui est à l'origine
du dérapage financier du projet. Le conseil municipal décidait en septembre 1985 de
construire un nouvel établissement thermal. La SCIC, filiale de la caisse des dépôts et
consignations, avait présenté deux projets dont les coûts étaient voisins : restructuration du
bâtiment ancien pour 25,3 millions de francs, construction d'un bâtiment neuf pour
29 millions. Ainsi pour un écart de 3,7 millions seulement, la SCIC proposait un bâtiment
entièrement neuf et fonctionnel. Mais le coût de cette construction a en réalité atteint près de
60 millions, sans pour autant donner satisfaction aux utilisateurs. La décision de construire un
nouveau bâtiment a été prise en septembre 1985. Sans approfondissement des études, le maire
alléguait l'urgence de prendre une décision de principe et de déposer un dossier auprès de la
région en vue d'obtenir un financement. Dès le mois d'avril 1986 cependant, une nouvelle
estimation portait le coût des travaux à 32,5 millions.
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
94
La SCIC s'est vu confier en mai 1986 une mission d'assistance technique,
administrative, financière et comptable pour la construction du nouvel établissement thermal.
C'est donc sur la base du programme détaillé élaboré par la SCIC que le choix des
concepteurs a été effectué. Le contrat de maîtrise d'ouvre fut signé le 1er octobre 1986. Six
mois plus tard, en mars 1987, le conseil municipal avalisait une nouvelle augmentation du
coût du projet, de 4,1 millions de francs. La raison invoquée était la nécessité de revoir les
fondations, les sous- sols et le cuvelage. Or, en mai 1986, une reconnaissance géologique et
géotechnique du nouvel établissement thermal faite par le Bureau de recherches géologiques
et minières (BRGM) avait mis en évidence que l'affleurement de la nappe phréatique
constituait un élément particulièrement défavorable, tant pour le chantier qu'à long terme.
Mais les avant-projets sommaire et détaillé n'ont pas intégré cette donnée.
Le contrat de station thermale signé, en application du contrat de plan, le 23 septembre
1986 pour la construction du nouvel établissement thermal prévoyait un montant de travaux
de 26,9 millions de francs, subventionnés par l'Etat pour 0,85 million et la région pour
2,2 millions. La région a voté en 1989 une subvention supplémentaire de plus de 1 million car
"le plan de financement du nouvel établissement thermal (1ère tranche) fait apparaître un
surcoût (de 7,99 millions) correspondant à des dépenses imprévisibles lors de la signature du
contrat" notamment pour la réalisation de fondations spéciales (1,27 million) et l'application
de mesures exigées par le service d'hygiène en matière de traitement de l'eau thermale (coût
2,09 millions). L'article 3 du contrat de plan prévoyait pourtant que les participations de l'Etat
et de la région n'étaient pas révisables pendant la durée du contrat. De surcroît les travaux de
fondations ou de traitement de l'eau n'étaient pas imprévisibles, compte tenu des éléments
relevés par le BRGM.
La signature d'une cinquantaine d'avenants au marché initial, pour un montant de
14 millions de francs, soit une augmentation de plus de 50 % par rapport au marché initial,
démontre à l'évidence que les concepteurs et architectes avaient mal défini le projet et qu'ils
ont procédé par ajustements successifs, sans vision d'ensemble. L'absence de cohérence dans
la définition du projet est flagrante en matière de soins : la mise en service du nouvel
établissement allait de pair avec la définition d'un nouveau forfait thermal, dit "psy 3", à base
de bains individuels. Or l'emplacement de six baignoires individuelles seulement était prévu
dans le nouvel établissement, ce qui rendait impossible la pratique de ce forfait. Le
remboursement a pourtant été demandé, alors que les soins prescrits en baignoire individuelle
avaient en fait été effectués en piscine collective
1
, ce qui a entraîné le dépôt d'une plainte
auprès du procureur de la République par le conseil d'administration de la CPAM le 12 mai
1992. Il a fallu en conséquence, en 1992, restructurer le bâtiment, ce qui a provoqué un
nouveau surcoût de 6,7 millions de francs.
Au manque de rigueur dans la conception se sont ajoutées des défaillances dans le suivi
de l'exécution. Depuis la mise en service du nouvel établissement en avril 1990, de
nombreuses malfaçons sont apparues : infiltrations d'eau, épandage d'eau sur les sols de
circulation des curistes, carrelages qui se soulèvent, peinture qui s'écaille, aération
insuffisante. Les contraintes techniques liées à la composition physico-chimique de l'eau
thermale ont été sous-estimées notamment pour les circuits de réchauffement de l'eau.
1
Les équipements permettaient seulement de dispenser 148 bains individuels par jour alors que la station
accueillait en haute saison jusqu'à 450 personnes par jour en 1991.
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
95
La municipalité a fait réaliser un audit par la société Gesther, par ailleurs prestataire de
services de la sem. Mais la réception des travaux a été prononcée et les recours en garantie de
bonne fin sont éteints. En février puis avril 1993, la commune a déposé un recours devant le
tribunal administratif à l'encontre de l'ensemble des participants à la construction de l'ouvrage.
L'expert commis par le tribunal administratif a imputé les anomalies les plus importantes au
concepteur et aux entreprises, ainsi qu'à une surveillance défaillante.
De même, à
Montrond-les-Bains
(Loire), l'établissement a connu d'importantes
difficultés techniques de fonctionnement liées, en particulier, à la très forte minéralisation de
l'eau du nouveau forage qui a imposé de redéfinir complètement le "système de traitement des
fluides et des calories". La subvention de la région a dû être revalorisée à plusieurs reprises.
Quand le montant prévisionnel des travaux est passé de 8 millions de francs à 9,5 millions au
début de 1989, la subvention a été portée de 2,4 millions à 2,85 millions. Lorsque le conseil
municipal a décidé en octobre 1989 que le montant de la première tranche réalisée serait de
11,69 millions de francs, la région a ajusté a posteriori sa subvention au budget primitif pour
1990. La prise en compte de la seconde tranche de travaux en 1990 a porté leur montant total
à 14,98 millions et la subvention de la région a alors été relevée à 4,494 millions.
De façon générale, les évaluations financières préalables se révèlent souvent
irréalistes ou les études initiales insuffisantes
, ce qui conduit les collectivités publiques à
augmenter le montant des financements prévus.
a) La rénovation des
thermes nationaux d'Aix-les-Bains
(Savoie) fait l'objet d'un
projet conjoint de l'Etat et des collectivités territoriales. Celles-ci ont constitué à cet effet un
syndicat mixte et organisé un concours d'architectes pour le choix du projet. Mais en dépit de
l'importance exceptionnelle des travaux envisagés, les études préalables paraissent
insuffisantes et le coût du projet, sous-estimé.
Sur
le plan juridique
, tout d'abord, la répartition des responsabilités respectives de
l'Etat, des collectivités territoriales et du futur exploitant, dans le domaine sanitaire, n'a pas été
véritablement définie : le projet de convention envisagé en 1993 mettait le risque sanitaire à la
charge exclusive de l'Etat
1
. Mais ce projet n'avait pas recueilli l'indispensable accord du
service des domaines.
De ce fait, le choix a été fait, au moins pour la première tranche, de maintenir
l'établissement public national et de le subroger dans les droits et obligations du syndicat
mixte des thermes nationaux. Il résulte de cette subrogation que la maîtrise d'ouvrage est
transférée du syndicat mixte à l'établissement public national.
Sur
le plan financier
, le projet de construction de nouveaux thermes avait été évalué à
225 millions de francs HT, valeur 1990. La rénovation des thermes actuels et la construction
d'une liaison avec le futur établissement étaient estimées à 225 millions également. Pourtant,
une nouvelle évaluation, en cours, pourrait porter ces montants à un total de 600 millions
(valeur 1993), soit une majoration d'un tiers. Ainsi, alors même que les collectivités
territoriales avaient déjà accepté des engagements importants, ceux-ci risquent de se trouver
insuffisants.
Les hypothèses qui assurent l'équilibre financier de ce projet paraissent en outre
incertaines. Selon la ville, le loyer payé par l'exploitant, quel qu'il soit, devrait couvrir les
annuités d'emprunt. L'augmentation progressive des tarifs de cure permettrait à l'établissement
1
D'une manière sans doute juridiquement contestable, s'agissant d'une exploitation concédée, et en tout cas
susceptible de créer un précédent. Comme l'indique la réponse du ministre du budget aux observations de la
Cour, ce projet de convention est désormais caduc.
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
96
public national de constituer dans un premier temps des réserves puis à l'exploitant définitif de
rembourser les emprunts au syndicat mixte. Les hypothèses financières retenues n'ont pas pris
en compte cependant les contraintes liées aux procédures de fixation des tarifs par la
DGCCRF. Un retour de l'établissement dans le droit commun des procédures tarifaires
implique en effet des contraintes accrues sur les tarifs et donc sur les recettes du futur
établissement
1
.
b) De même, la chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-côte d'Azur a relevé
que des dépenses importantes avaient été déjà engagées, pour un projet de développement du
thermalisme à Roquebillière, soutenu par le département des Alpes-Maritimes, mais dont la
rentabilité n'a pas fait l'objet d'études rigoureuses.
Le 14 décembre 1988, le conseil général avait accepté de prendre en charge une étude de
faisabilité technique et économique de ce projet, confiée à la Société d'économie mixte des
Alpes-Maritimes (SEMAM) par convention de mandat pour un coût global de 660 000 francs.
Cette convention n'a été signée que le 13 juillet 1989 alors que l'étude confiée à la SEMAM
était terminée depuis le mois de février. Dès le 15 juin 1989, l'assemblée départementale avait
accepté que, dans un deuxième stade, des études détaillées de réalisation soient effectuées par
l'intermédiaire de la SEMAM dans le cadre d'une enveloppe financière de 4 millions de
francs. Un avenant a ainsi été signé en octobre 1989. Le conseil général a ensuite
successivement décidé, en 1989 et 1990, afin de disposer de l'espace nécessaire à l'intégration
du complexe thermal dans le village, d'acquérir un hôtel pour un montant de 2 millions, bien
que l'estimation des domaines ait été de 1,25 million, puis d'acquérir un terrain destiné à la
reconstruction du collège sur un nouveau site pour 190 000 francs. Il a, en outre, décidé de
rembourser à la commune le montant de l'annuité 1990 de l'emprunt contracté pour acquérir le
camping municipal, et de prendre en charge directement cet emprunt à partir de 1991, soit une
dépense totale de 1,55 million de francs. L'assemblée départementale votait enfin, en janvier
1991, une subvention d'équipement de 8 millions pour permettre à la commune de payer
l'indemnisation transactionnelle due aux gestionnaires de l'ancienne station thermale de
Berthemont-les-Bains.
Lors du vote du budget primitif de 1991, il avait été indiqué aux conseillers généraux
que la réalisation du projet pouvait être estimée à 120 millions de francs. Le financement avait
alors été approuvé à raison de 20 millions par an sur 6 ans à partir de 1992, et le conseil
général a décidé la création d'un syndicat mixte dont le département assumerait 70 % des
dépenses de fonctionnement.
Mais, le 14 juin 1991, le conseil général, estimant que les résultats des premières études
menées par la SEMAM ne lui garantissaient pas la faisabilité de l'opération, a décidé de
résilier le mandat d'étude confié à la SEMAM et demandé une étude complémentaire aux
services départementaux. D'autres études ont été réalisées en 1991, pour plus de 1,2 million
de francs. Lors de la même session budgétaire du 14 juin 1991, l'assemblée départementale a
cependant apporté encore son soutien à la commune de Roquebillière, pour l'aider à surmonter
les difficultés relatives à l'ancienne station de Berthemont-les-Bains. Elle a accordé une
participation de 400 000 F lui permettant d'être assistée par un organisme spécialisé, une
subvention exceptionnelle d'investissement de 650 000 F correspondant à l'annuité 1991 des
emprunts contractés par les anciens gestionnaires et repris par la commune, ainsi qu'une
avance de trésorerie de 340 000 F pour la réalisation de travaux d'amélioration des bâtiments.
1
La tarification des soins dispensés dans des établissements nouveaux ou rénovés est établie à partir des
prix moyens nationaux de chaque soin, majorés de 20 %. Du fait du niveau actuel des tarifs aux thermes
nationaux, l'application de cette règle représente une contrainte.
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
97
Le 31 octobre 1991, une nouvelle subvention d'équipement de 450 000 F a été accordée par le
bureau du conseil général à la commune qui devait régler les intérêts au taux légal sur
l'indemnité de 8 millions versée aux anciens gestionnaires. A l'occasion du vote du budget
primitif de l'année 1992, le conseil général a décidé de modifier les statuts du syndicat mixte,
dont les dépenses sont désormais couvertes à 90 % par le département, et d'accorder à la
commune de Roquebillière une subvention couvrant le coût de l'annuité des emprunts pris en
charge lors de l'éviction des gestionnaires de la station de Berthemont, soit une dépense totale
de l'ordre de 4,8 millions qui s'échelonnera de 1992 à 2001.
Une étude sur la situation financière de la commune de Roquebillière commandée par le
département en avril 1991 concluait que, compte tenu de l'étroitesse de la marge de
manoeuvre financière de la commune, il serait préférable que le montage financier ne s'appuie
pas, ou peu, sur la commune pour le financement des investissements publics. C'est donc bien
en connaissant la fragilité financière de la commune que le conseil général a poursuivi une
opération dans laquelle les finances du département ont déjà été engagées pour plus de
24 millions de francs, dont plus de 14 millions concernant l'ancienne station de Berthemont.
Le département supportera seul les charges d'un investissement qui entraînera d'autres
dépenses, et déjà celles d'un contentieux avec l'organisme spécialisé auquel la commune a fait
appel pour l'assister.
Or, la rentabilité de l'opération n'a toujours pas été sérieusement étudiée. Le rapport
présenté au conseil général dans le cadre de la décision modificative n° 1 de 1992 proposait
d'engager le département dans une première tranche d'investissement de 80 millions de francs.
Ce dossier a été renvoyé à une session ultérieure. D'après la réponse de l'ordonnateur à la
chambre régionale des comptes en date du 8 janvier 1993, le département envisageait
désormais "de s'acheminer vers une reconstruction beaucoup plus modeste du complexe de
Berthemont, dans l'hypothèse où les arbitrages budgétaires nécessaires dans les prochaines
années le permettront". La chambre régionale a pris acte de cette évolution dans le sens d'une
plus grande prudence financière tout en maintenant ses observations, et en relevant les
carences dans la méthode, responsables de dépenses d'études préalables élevées, sans pourtant
qu'ait été défini un schéma de développement clair et réaliste.
c) A
Allevard
(Isère), en sus du contrat de station thermale de septembre 1984 qui a
conduit l'Etat et la région à verser 2,1 millions de francs, l'investissement le plus important a
été financé par la région par réévaluations successives, hors contrat de plan. Lors du vote de
son budget primitif 1988, la région a en effet décidé de participer à hauteur de 30 % à la
construction d'un centre de rhumatologie par la Compagnie des eaux minérales et bains de
mer d'Allevard ; le coût des travaux était alors estimé à 12,52 MF. En annexe au budget
primitif 1989, il a été indiqué en outre que "les thermes poursuivent leur programme
d'investissement en créant un service d'aérosols soniques pour les enfants, en augmentant le
nombre d'appareils de humage et en modernisant les services chauds". Les dépenses
supplémentaires étaient de l'ordre de 1,42 million. Deux ans plus tard, le rapport joint au
budget primitif 1990 indique que "le coût de la création du centre de rhumatologie (1re et 2e
tranches) a été arrêté à 22,18 millions". Ainsi la dépense subventionnable est passée de
12,52 millions en 1988 à 22,18 millions en 1990. Cette augmentation de 77 % dénote une
insuffisante prise en considération de l'ensemble du coût du projet lors de la décision initiale
de subvention. Compte tenu de la subvention de 3 millions de la commune d'Allevard, le
montant des subventions publiques a atteint 9 millions, soit 40,5 % du coût total de la
construction.
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
98
D. - LES CONSEQUENCES DE L'ABSENCE DE CARTE SANITAIRE
Tout projet d'investissement peut se révéler partiellement inadapté, et conduire à des
coûts d'amortissement plus lourds que prévu. Mais, dans le cas du thermalisme , l'absence de
carte sanitaire élaborée au niveau national rend encore plus aléatoires les politiques menées au
niveau local.
1° Le risque d'investissements redondants
On sait qu'il n'existe aucune prévision, au niveau national, des besoins sanitaires par
orientation thérapeutique, donc aucun moyen d'organiser les reconversions éventuellement
nécessaires et d'éviter des investissements redondants.
Or les stations dont les orientations sont concurrencées désormais par des médicaments
efficaces sont en déclin, comme celle de Saint- Nectaire (Puy-de-Dôme), spécialisée dans le
traitement des maladies urinaires et métaboliques, même si une légère reprise se dessinait à
partir de 1992.
Cette petite station thermale accueillait 4 500 curistes en 1957, 3 500 en 1964, un millier
environ depuis 1975, en cumulant cures médicales et séjours de remise en forme. La
commune a pourtant construit un établissement moderne en 1978, pouvant recueillir 5 000
curistes par an, et signé un contrat de station thermale avec ses partenaires, l'Etat et la région.
Les exercices examinés se sont conclus par un résultat déficitaire annuel de la SEM des
eaux thermales de
Saint-Nectaire
; le report à nouveau négatif atteignait 651 000 francs en
1991. Dès 1989, les capitaux propres de la société étaient devenus inférieurs à la moitié du
capital social ; une assemblée générale extraordinaire décidait en juin 1990 de ne pas
dissoudre la société. Un redressement a été recherché en 1991 par des cessions patrimoniales,
la vente à un particulier du pavillon de la "source rouge" (30 000 francs), la vente des "Grands
thermes" à la commune (200 000 francs), et par la mise au chômage partiel des salariés en
période creuse. Le rétablissement de la situation financière est cependant précaire. Le conseil
d'administration constatait en janvier 1991 que le loyer de 1990, soit 210 000 francs, restait dû
à la commune". Un bénéfice de 41 000 francs a été obtenu en 1992, mais le report à nouveau
négatif de 1993 était encore de 221 000 francs. Par ailleurs l'établissement subit des coûts
fixes importants du fait de la sous-utilisation de sa capacité de traitement. De plus, le bénéfice
1992 ne tient pas compte des moins-values réalisées en matière de valeurs mobilières de
placement, qui auraient dû conduire à constituer des provisions. Le commissaire aux comptes
a recommandé d'étudier la possibilité d'une reprise de la société par un acheteur. Plusieurs
repreneurs potentiels se sont manifestés mais les démarches ne paraissent pas avoir abouti à
ce jour.
Les responsables de la société essaient d'ajouter aux spécialités traditionnelles de la
station une nouvelle spécialité. En septembre 1986, ils ont demandé une reconnaissance de
l'orientation thérapeutique "rhumatologie et séquelles de traumatismes ostéo-articulaires". Ils
ont transmis un complément de dossier en juillet 1989 à la direction générale de la santé. Mais
le Haut comité du thermalisme et du climatisme a refusé en novembre 1989 d'examiner le
dossier, en raison de l'absence de régularisation de la situation administrative des sources
utilisées dans la station, régularisation qui n'est toujours pas intervenue, la demande
d'autorisation présentée en 1989 restant en cours d'instruction. La station indique cependant,
en réponse aux observations de la Cour, qu'une étude médicale et scientifique a été produite
en 1993.
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
99
Si pour une station donnée, une reconversion vers le traitement de la rhumatologie peut
paraître pertinente, on peut se demander si la multiplication de projets destinés à accroître les
capacités d'accueil dans cette même orientation est justifiée et si tous ces projets sont
compatibles entre eux.
Alors même que la situation de la commune de Luchon (Haute-Garonne) est rendue
difficile par des investissements importants réalisés dans les équipements de sports d'hiver
(remontées mécaniques et hôtel), l'établissement thermal de
Bagnères-de-Luchon
, géré sous
la forme d'une régie directe communale, cherche à améliorer sa situation financière par de
nouveaux investissements, cette fois-ci dans le secteur thermal. Il est prévu de compléter
l'orientation traditionnelle voies respiratoires par une plus forte proportion de curistes
accueillis pour le traitement des rhumatismes : 30 millions de francs ont ainsi été dépensés en
1993 pour la rénovation des bâtiments, la création de deux piscines, la mise en place d'un
service de "douches au jet" et la réorganisation du circuit des curistes à l'intérieur de
l'établissement. Ainsi la capacité journalière d'accueil des curistes en rhumathologie est passée
de 1 000 en 1988 à 1 400 en 1992 et 2 000 en 1994 ; dans le même temps, la capacité
d'accueil des soins "ORL" est restée de 6 000, d'où un suréquipement relatif du fait de la
baisse continue des soins dispensés pour cette orientation. De même, les projets en cours de
définition à
Aix-les-Bains
(Savoie) prévoient, en cumulant la construction d'un nouvel
établissement et la rénovation du bâtiment actuel, de porter à 50 000 curistes par an la
capacité d'accueil contre environ 43 000 en 1993.
Une sorte de fuite en avant se dessine ainsi : les stations depuis longtemps spécialisées
dans le traitement de la rhumatologie cherchent à maintenir leur "part de marché" en
modernisant et en diversifiant leurs installations et envisagent pour ce faire des
investissements coûteux. Dans le même temps, les stations traditionnellement tournées vers
d'autres orientations décident des investissements dans le secteur de la rhumatologie. Enfin,
c'est dans cette même orientation thérapeutique que se spécialisent les stations nouvellement
créées.
Le risque de surcapacité est d'autant plus évident que la fréquentation globale stagne,
voire régresse légèrement depuis deux ou trois ans dans plusieurs régions.
2° La croissance des dépenses de promotion
Les premiers effets d'une concurrence accrue entre les stations se font sentir sur le
niveau des dépenses de promotion et de publicité, qu'elles soient financées par les
établissements thermaux, les communes ou des offices de tourisme.
Souvent il est difficile de connaître le total des sommes dépensées, lorsque les actions
sont éclatées entre divers intervenants.
Dans les
Landes,
par exemple, la promotion est assurée essentiellement par les
établissements eux-mêmes. La Compagnie thermale de Dax en particulier, dispose d'un
service "commercial et marketing". L'office du tourisme de Dax (qui agit dans le cadre d'une
convention avec la ville et a perçu à ce titre 1,8 million de francs en 1991) et le Syndicat des
établissements thermaux des Landes interviennent cependant également. C'est ainsi qu'à un
récent salon médical à Paris
1
, le comité départemental du tourisme, la ville de Dax, la
Compagnie thermale, tenaient trois stands contigus, avec la participation de l'office du
tourisme de Dax et du Syndicat des établissements thermaux des Landes. Le département des
1
Les stations thermales organisent notamment, avec les stations de thalassothérapie, un salon spécialisé
"les thermalies" dont la douzième édition a eu lieu en 1994.
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
100
Landes, enfin, a lancé quant à lui depuis 1993 une campagne de communication sur le thème
"les Landes, premier département thermal de France".
Si l'on considère cependant l'ensemble des dépenses réalisées, on constate une grande
disparité dans les interventions. En ce qui concerne par exemple la région
Midi-Pyrénées
,
pour les seules personnes publiques, les sommes suivantes ont été consacrées en 1992 à la
publicité :
Etablissement thermal
Office du tourisme
1
Etablissement thermal
Office du tourisme
(2)
Argelès-Gazost
néant
900 000 F
Ax les Thermes
349 000 F
720 000 F
Bagnères de Bigorre
485 000 F
1 800 000 F
Luchon
5 450 000 F
(3)
Barèges-Sers
220 000 F
1 100 000 F
Cauterets
492 000 F
1 500 000 F
Saint-Lary-Soulan
457 000 F
3 000 000 F
Le montant des dépenses de promotion est cependant variable. En
Languedoc-
Roussillon
notamment, le rôle des collectivités territoriales est relativement modeste.
Certaines communes comme Avène-les-Bains (Hérault), La Preste et Molitg-les-Bains
(Pyrénées-Orientales) ont même indiqué qu'elles ne participent pas à la promotion du
thermalisme .
Compte tenu de la diversité des organismes qui concourent à la promotion du
thermalisme, il est difficile d'établir une comparaison exacte des dépenses dans le temps. Sous
cette réserve, une tendance à l'augmentation des dépenses se dessine.
A
Royat
(Puy-de-Dôme), le budget de publicité de la régie a augmenté de 51 % de 1988
(1,8 million) à 1991 (2,7 millions). Au cours de cette période, il a été confié par le conseil de
régie à l'"association de publicité Royat-Chamalières", après délibération du conseil
municipal. En 1992, la régie a organisé en liaison avec la commission centrale des marchés un
appel d'offres avec concours ; le marché a été attribué à une agence pour un montant de 3
millions de francs.
A
Brides-les-Bains
(Savoie), le budget de publicité a en 1992 représenté 1,45 million de
francs HT, soit environ 7 % des charges d'exploitation de l'établissement. Malgré cet effort, la
station a vu sa fréquentation diminuer de 5,4 % en 1993, après une progression de 10,7 % en
1992. L'accroissement du nombre de curistes sans prise en charge (+ 32,5 % en 1993) ne
parvient pas à compenser la baisse de 10,4 % de la fréquentation des curistes assurés sociaux.
Le thermalisme social représente encore 72 % du nombre total de curistes.
1
Les subventions accordées par les communes aux offices du tourisme visent non seulement la promotion
des thermes mais celle de la collectivité en général et, le cas échéant, de la station de ski.
(2)
Les subventions accordées par les communes aux offices du tourisme visent non seulement la
promotion des thermes mais celle de la collectivité en général et, le cas échéant, de la station de ski.
(3)
En 1992, ce sont les thermes de Luchon qui ont versé au syndicat d'initiative une subvention de
fonctionnement.
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
101
En principe, les actions de promotion ne doivent pas mettre en avant les modalités de
remboursement des soins par la sécurité sociale
1
et ils ne peuvent mentionner les qualités de
tel ou tel médecin. En, fait comme l'IGAS l'avait déjà relevé en 1986, la plupart des dépliants
édités par les syndicats d'initiative ou offices de tourisme donnent la liste des médecins et
personnels paramédicaux installés dans la station et rappellent, de façon plus ou moins
discrète, la prise en charge totale ou partielle des soins par les organismes sociaux.
De manière croissante, les actions de promotion sont orientées vers les médecins
prescripteurs. La Compagnie thermale de Dax dispose par exemple d'un service "commercial
et marketing" chargé depuis 1991 d'organiser une représentation dans les salons médicaux et
thermaux, d'effectuer une publicité directe auprès des clients des établissements qui ont fermé
pour les orienter vers les autres établissements, de contacter les mutuelles et les comités
d'entreprise. La compagnie a même recruté un visiteur médical pour démarcher les médecins.
De même à Vichy, la compagnie fermière a constitué un réseau de quatorze visiteurs
médicaux.
Les dépenses de publicité de la ville de
Néris-les-Bains
(Allier), sont de l'ordre de
0,5 millions de francs en moyenne par an, soit 4,5 % des dépenses communales de
fonctionnement. La commune a notamment réglé à une société 470 576 francs sur cinq
exercices pour l'envoi de "cartes d'action" aux médecins français
2
.
En
Midi-Pyrénées,
certains établissements ont édité des brochures à la seule intention
du corps médical (Bagnères-de- Luchon). Les opérations de promotion se présentent parfois
aussi sous la forme de "week-ends découverte" de la station, réservés au corps médical, ou
même de prise en charge des frais de séjour d'un médecin ou d'un journaliste chargé de
promouvoir la station. Le syndicat d'initiative de Luchon tient d'ailleurs des dossiers où
figurent le coût du séjour de tel ou tel invité et les retombées visibles de ces investissements,
tels des articles dans la presse générale ou spécialisée, un passage à la radio ou à la télévision.
Le syndicat intercommunal des thermes de Barèges organise lui aussi des week-ends
médicaux destinés à développer la fréquentation. Considérant que ces "invitations" ont pour
but d'inciter les médecins à augmenter leurs prescriptions et que la plus grande partie des
dépenses relatives aux cures thermales est supportée par le budget des organismes sociaux, la
chambre régionale des comptes de Midi-Pyrénées a recommandé au comité syndical la plus
grande prudence. On assiste à une transposition au domaine du thermalisme des pratiques
dénoncées dans le secteur du médicament et proscrites par la loi du 27 janvier 1993 modifiée
par la loi du 18 janvier 1994 (article L 365-1 du code de la santé publique), qui interdit aux
membres des professions médicales de recevoir "des avantages en nature ou en espèces, sous
quelque forme que ce soit, d'une façon directe ou indirecte, procurés par des entreprises
assurant des prestations, produisant ou commercialisant des produits pris en charge par les
régimes obligatoires de sécurité sociale".
De manière générale, on peut craindre qu'une concurrence de plus en plus vive entre les
stations sur le créneau jugé porteur de la rhumatologie conduise à une stimulation de besoins
auprès des patients ou des médecins prescripteurs, d'autant plus coûteuse que les critères
médicaux qui justifient une cure sont imprécis.
1
Outre les textes généraux, la "convention thermale" du 26 juin 1972 dispose expressément (article 11) que
les établissements thermaux s'obligent "à ne pas utiliser en tant que moyen de publicité auprès du grand
public la possibilité de prise en charge des cures par l'assurance maladie". Elle prévoit même que "les
régimes sociaux auront la possibilité de dénoncer la convention conclue avec un établissement thermal
convaincu de manquements à ces dispositions".
2
Cette dépense paraît d'ailleurs incomber à l'établissement thermal plutôt qu'à la commune.
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
102
E. - DES SITUATIONS FINANCIERES DEGRADEES
Du fait de projets mal adaptés et trop coûteux, la situation financière des établissements
thermaux est souvent dégradée, ce qui oblige les collectivités territoriales à s'engager de
manière croissante, en renonçant à percevoir les redevances dues par les thermes, voire en
prenant en charge les déficits d'exploitation.
A
Montrond-les-bains
(Loire), le fermier devait verser à la collectivité une redevance
pour occupation du domaine public par les ouvrages affermés, de 20 % du chiffre d'affaires
HT de l'année précédente et une redevance complémentaire de 5 % destinée à couvrir les
charges de la collectivité. La somme des deux redevances devait être au minimum égale aux
annuités des emprunts contractés par la commune pour la construction des nouveaux thermes.
Cette redevance minimum a été mise en recouvrement en 1991 et 1992 pour un montant
de 1,16 millions de francs par an, mais la SEM, déjà en déficit d'exploitation, n'a payé que
0,64 million en 1991 et 0,76 million en 1992. La situation de l'établissement était d'autant plus
précaire qu'il avait rencontré des difficultés techniques et sanitaires. Un avenant de juin 1993
au contrat d'affermage expose que "la redevance minimale correspond à la charge financière
liée à la totalité du coût des constructions, alors que les éléments effectivement exploitables
ne représentent qu'environ deux tiers de ces coûts totaux". Il a fixé le montant de la redevance
à 0,76 million à compter du 1er janvier 1994. La commune et la SEM ont décidé d'annuler le
paiement de la redevance pour 1993, en considérant que celle-ci était comprise dans les
sommes mises en recouvrement en 1991 et 1992. En outre la commune prend donc en charge
le tiers de l'amortissement financier de l'établissement, alors qu'il était prévu initialement qu'il
serait couvert par l'exploitation.
A
Saint-Nectaire
(Puy-de-Dôme), les revenus de la concession n'ont jamais atteint leur
niveau théorique depuis 1978. Alors que la redevance aurait dû couvrir le remboursement des
emprunts contractés pour construire le nouvel établissement thermal, soit 500 000 francs (400
000 compte tenu de la participation du département), la somme versée a été fixée par des
avenants et des délibérations du conseil municipal à un montant très inférieur : 100 000 l'an
jusqu'en 1983, 200 000 jusqu'en 1989, 210 000 en 1990, à nouveau 100 000 en 1991 et 1992.
En outre, la société dispose de matériels mis gratuitement à sa disposition par la commune,
dont 125 000 francs de matériel médical qui n'apparaissent ni dans le patrimoine de la société,
ni dans l'actif communal.
Dans le cas déjà évoqué de
Divonne
(Ain), le fermier a versé à la commune le loyer
prévu à la convention avec toutefois un certain décalage. En revanche, la commune a versé au
fermier d'importantes subventions d'exploitation. L'article 13 de la convention d'affermage
prévoit une participation de la commune fixée avant chaque exercice, en compensation
d'obligations éventuelles de service public ou d'obligations liées à des mesures tarifaires,
gratuites ou préférentielles dont la commune aurait demandé l'instauration. La convention
précise même que cette participation ne donnera lieu à un versement effectif que dans la
mesure où le solde du compte d'exploitation ne suffirait pas à y faire face. Or la commune et
la SEM n'ont pas pu produire de décision précisant de telles obligations de service public ou
de telles mesures tarifaires. Cette clause a été utilisée en fait pour justifier le comblement des
déficits prévisionnels d'exploitation, alors que la convention prévoit que "les éventuels
déficits d'exploitation ne seront en aucun cas compensés par une augmentation corrélative de
la participation forfaitaire annuelle". Ainsi, en avril 1990, le conseil municipal, visant l'article
13 de la convention, décidait de verser une participation forfaitaire de 4 millions de francs à la
SEM. En mars 1992, il constatait que le résultat déficitaire de la SEM s'élevait pour l'exercice
1991 à 4,22 millions et décidait de le combler par une participation du même montant. Une
délibération de juillet 1992 accepte pour cet exercice un déficit prévisionnel de 4,14 millions,
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
103
tout en demandant à la SEM de présenter un plan de redressement. Ce n'est qu'au vu du déficit
réel de 1992 de 7,38 millions, et après déclenchement de la procédure d'alerte par le
commissaire aux comptes, que la commune a refusé de se prononcer sur la subvention
supplémentaire demandée avant que ne soit réglé le sort de la SEM. La commune a donc pris
à sa charge le déficit d'exploitation de la SEM, sur la base d'une interprétation erronée de la
convention d'affermage, théoriquement aux risques et périls de l'exploitant.
L'exemple de la station de
Brides-les-Bains
(Savoie) est également révélateur des
difficultés financières liées à des charges d'amortissement trop élevées. L'établissement ne
parvient pas à dégager un résultat d'exploitation qui lui permette de rembourser le crédit- bail
de 50 millions de francs obtenu. Or la commune s'était engagée à reprendre le crédit-bail en
cas de déchéance du concessionnaire.
Le bilan de 1991 faisait apparaître des capitaux propres négatifs pour 5,2 millions de
francs, y compris le déficit de l'exercice (10,2 millions). En juin 1991, une assemblée générale
extraordinaire avait décidé de poursuivre l'activité de la société malgré la perte de plus de la
moitié du capital social. Il convient de noter que la société thermale de Brides-les-Bains a
versé à la Société européenne de thermalisme (SET) des frais d'administration générale et de
siège qui se sont élevés à 1,17 million HT en 1991. Le compte de résultat estimatif de 1992,
seul document produit pour cet exercice, fait apparaître un excédent brut d'exploitation de
12,5 millions dont 10,3 millions relatifs à l'exploitation de la concession thermale. Mais le
résultat après règlement des loyers de crédit-bail et amortissements est un déficit de
4,2 millions.
La région Rhône-Alpes a d'ailleurs refusé d'accorder en 1991 les subventions demandées
par la SET pour l'établissement thermal et pour un centre de remise en forme. Elle a considéré
"que l'apport de la région au Comité d'organisation des jeux olympiques pour la ville de
Brides-les-bains (50 millions de francs) constituait, de fait, une aide à la rénovation des
thermes et qu'il n'y avait pas lieu d'apporter une subvention directe qui représenterait un
double financement pour une même opération". Toutefois, Brides a été prise en compte au
titre de la convention Etat-région 1992-1994 concernant les "stations à vocation européenne"
pour un montant de 2 millions de francs.
La commune et la Société européenne de thermalisme ont signé un protocole d'accord
en juillet 1993. La durée de la concession de l'établissement thermal a été portée de
30 à 35 ans et le crédit-bail est passé de 50 à 58 millions de francs, ce qui aggrave les risques
encourus par la commune.
Au-delà des problèmes de l'établissement thermal, la SET s'est montrée incapable de
tenir ses engagements envers la ville de Brides. Aux termes d'un acte sous seing privé de
novembre 1989, complété en décembre 1990, la SET devait acquérir divers biens et droits
immobiliers appartenant à la commune, pour y construire des résidences de tourisme et payer
à la commune la somme de 14,76 millions de francs en règlement du tènement immobilier.
Mais le titre de recette émis en octobre 1991 est resté irrecouvré. La réalisation ainsi très
incomplète du programme de commercialisation de la ZAC pénalise la commune.
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
104
CHAPITRE II : LA GESTION DES STATIONS DE L'ETAT
Pour des raisons le plus souvent historiques, l'Etat possède directement quelques
stations. Les thermes d'Aix-les-Bains ont, par exemple, été transférés aux domaines lors de la
cession de la Savoie parce qu'ils appartenaient au roi de Piémont-Sardaigne. Jusqu'en 1990,
l'Etat possédait cinq stations. A cette date, la station de Bourbon- l'Archambault a été cédée à
la société qui l'exploitait.
Le tableau suivant résume pour les quatre stations restantes le nombre de curistes
constaté au cours de la saison thermale 1993 et la structure juridique retenue pour la gestion.
Thermes d'Aix les Bains
Etablissement public
43 045
Bourbonne les Bains
Concession
14 973
Vichy
Concession
13 563
Plombières
Concession
5 474
Au total, les stations sous contrôle direct de l'Etat, quoique peu nombreuses,
représentent 77 055 curistes, soit 12 % du total national. Cette part diminue néanmoins en
raison des baisses de fréquentation constatées à Aix-les-Bains et à Plombières.
Au-delà du seul aspect quantitatif, l'Etat possède deux stations dont la notoriété est
grande, Vichy et Aix-les-Bains. Ce dernier établissement, en particulier, par son statut
d'établissement public comme par sa place de seconde station française, sert souvent de
référence ou de vitrine du thermalisme français, et constitue donc l'un des moyens potentiels
d'action de l'Etat dans le secteur. Pourtant, l'analyse de la gestion par l'Etat de ces deux
stations, Vichy et Aix
1
, révèle au contraire l'absence d'orientation fixée au niveau national et
des carences graves dans les dispositifs de contrôle prévus. Au total, et malgré le statut
juridique de ces deux stations, les enjeux économiques locaux ont là encore prévalu sur les
objectifs des politiques nationales.
I. - L'ETABLISSEMENT PUBLIC DES THERMES NATIONAUX D'AIX-LES-
BAINS
Le manque de rigueur dans l'exercice des contrôles s'est traduit par une situation
sanitaire durablement dégradée.
A. - LES CONTROLES DE L'ETAT.
1° L'inefficacité des contrôles spécifiques.
En toute logique, les thermes d'Aix-les-Bains, seul établissement public national dans le
secteur du thermalisme, devraient être soumis à des contrôles particulièrement rigoureux.
Pourtant les contrôles spécifiques exercés par la tutelle sont dispersés et inefficaces. Au sein
du ministère des affaires sociales, outre le contrôle financier central, quatre directions
exercent une partie des attributions liées à la tutelle de l'établissement. Mais la direction des
hôpitaux, responsable à titre principal de la tutelle des Thermes nationaux, n'a pas souhaité
1
Pour Aix-les-bains, la Cour n'a contrôlé que les Thermes nationaux, à l'exclusion de ceux d'Aix-Marlioz
gérés par une société privée.
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
105
organiser la coordination des différentes interventions du ministère et a même scindé, en son
sein, ses compétences entre deux sous-directions. Entre celles-ci, comme entre la direction des
hôpitaux et la direction générale de la santé, responsable de manière générale de la situation
sanitaire dans les établissements thermaux, les échanges d'informations sont très insuffisants.
En conséquence, les interventions du ministère manquent de cohérence et de rigueur.
Au niveau local, l'autorité du préfet, président de la commission administrative
1
, ne se
traduit pas par un pouvoir véritable d'impulsion ou de contrôle, à cause d'une très grande
centralisation de la tutelle, et d'une formalisation insuffisante des décisions au sein de cette
commission administrative. De plus, du fait de sa participation à la gestion des Thermes
nationaux, le préfet se trouve paralysé dans l'exercice des pouvoirs de police qui lui
incombent - aussi bien en matière de sécurité incendie qu'en ce qui concerne les risques
sanitaires.
2° L'inapplication des contrôles de droit commun.
- En ce qui concerne la fixation des tarifs applicables aux curistes, les Thermes
nationaux continuent de bénéficier d'une procédure dérogatoire purement coutumière : les
tarifs sont établis par un arrêté du ministre des affaires sociales, signé par le directeur des
hôpitaux. Les Thermes nationaux sont ainsi seuls à ne pas être soumis aux contrôles exercés
par les services de la direction générale de la consommation, de la concurrence et de la
répression des fraudes (DGCCRF).
Cette indépendance a permis aux Thermes nationaux de s'exonérer en pratique de
l'examen, normalement obligatoire avant tout remboursement aux assurés sociaux, de la
structure de ses traitements en commission technique du thermalisme. La refonte des
traitements types, décidée aux Thermes nationaux en 1986, n'a, par exemple, été soumise qu'à
un examen superficiel, valant régularisation, lors d'une réunion de décembre 1988.
L'établissement a pu ainsi s'écarter, aussi bien dans la définition des soins que dans le niveau
de leurs prix unitaires, des références fixées pour les autres stations, et le niveau des prix de
ses soins, pourtant déjà bien supérieurs aux prix moyens nationaux, a augmenté de manière
très importante (+ 53,9 % par exemple pour le coût du forfait, entre 1988 et 1991).
- S'agissant des contrôles exercés sur le fonctionnement des thermes par les
commissions régionales d'agrément (CRA), alors même que la loi du 6 janvier 1986 a étendu
la compétence de ces commissions à l'ensemble des établissements thermaux publics, les
Thermes nationaux échappent toujours aux contraintes liées au réexamen des conditions
d'agrément. De ce fait, les modalités de fonctionnement, sur le plan de la sécurité incendie ou
de la sécurité sanitaire, peuvent s'écarter des normes admissibles sans pour autant impliquer,
comme pour les autres stations thermales, un retrait d'agrément, c'est-à-dire l'impossibilité de
continuer à accueillir des curistes assurés sociaux.
Récemment, la commission régionale d'agrément de la région Rhône- Alpes a saisi le
ministère, pour savoir si les Thermes nationaux devaient être soumis à son examen, sans
obtenir de réponse. Cette situation doit être appréciée à la lumière d'une note interne de la
direction générale de la santé, en date du 15 février 1993, selon laquelle "si dans les semaines
qui viennent la commission régionale de Rhône-Alpes devait être consultée, il y aura
probablement retrait d'agrément".
1
Cette commission, instituée par le décret du 20 mai 1961, règle par ses délibérations les affaires
concernant l'administration générale de l'établissement. Le directeur assure la conduite générale des
thermes nationaux "dans le cadre des décisions" de cette commission.
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
106
Sur ces deux points, la situation dérogatoire des Thermes nationaux d'Aix-les-Bains est
d'autant plus anormale qu'elle est dépourvue de fondement légal.
B. - L'ABSENCE DE MESURES CORRECTIVES RAPIDES
Ce particularisme dans les procédures a permis aux Thermes nationaux de s'écarter sur
des points importants des exigences imposées aux autres stations : à l'inverse, le retour au
droit commun suppose désormais, sous peine de sanction, et même d'interdiction de
fonctionner, que l'établissement satisfasse aux normes.
En matière de sécurité incendie, les lacunes constatées, comme les refus persistants de
tenir compte des prescriptions de la commission départementale consultative, ont justifié un
avis défavorable de celle- ci, en date du 13 novembre 1991, maintenu après un nouvel
examen, en juin 1992, du fait de l'insuffisance des mesures correctives. En dépit de ces
injonctions, l'établissement n'a engagé qu'en 1993 les travaux indispensables, et notamment
ceux de mise en conformité électrique. A la suite de ces travaux, cependant, un avis favorable
a été accordé par la commission de sécurité, en janvier 1994.
En ce qui concerne les normes sanitaires, la présence de streptocoques fécaux et surtout
de légionelles, dans les eaux thermales, constitue un risque pour les curistes mis en évidence
depuis 1989 au moins. Malgré les traitements des eaux, et notamment le recours à des
chlorations périodiques, les taux constatés, pour ces germes, selon les contrôles tant internes
qu'externes à l'établissement, restaient jusqu'en 1993 et à certains points d'usage supérieurs
aux valeurs de référence fixées par la direction générale de la santé. Le nombre d'affections
qui s'en seraient suivies d'après les experts avait sensiblement diminué par rapport à la
situation constatée en 1990 ; mais plusieurs cas étaient encore constatés en 1992, dernière
année pour laquelle des résultats globaux étaient disponibles. Selon une note adressée par le
directeur de l'établissement à la DGS, en date du 2 mars 1993, alors qu'en 1990, année de la
contamination la plus grave, 143 curistes avaient été atteints de pneumopathie, dont 30 de
légionellose
confirmée,
en
1992
on
dénombrait
encore
13
pneumopathies
dont
6 légionelloses
1
.
Pourtant la conjonction d'une situation sanitaire dégradée, du fait de germes dans les
eaux thermales, et d'affections graves pour les curistes n'a pas amené la tutelle à imposer des
travaux d'urgence. Ainsi, dès avril 1990, à la suite d'une inspection sur place de responsables
de la DGS, il avait été noté que les réservoirs étaient vétustes, et qu'il convenait "soit de les
refaire entièrement, soit de les reconstruire". Or en 1993 encore, le directeur de
l'établissement, et à sa suite la tutelle, acceptaient de reporter à nouveau ces travaux ; selon la
note précitée du 2 mars 1993 en effet : "la réfection des réservoirs semble séduisante puisque
le constat de leur dégradation est connu et que nous observons une multiplication par 100, (de
leur fait) du taux de légionellose" ; mais cette éventualité était seulement envisagée, "dans la
mesure où la réfection de chaque réservoir coûte plus de 1 million de francs" et qu'"ils ne
pourront être réutilisés, dans le schéma de la rénovation" prévue.
En réponse aux observations de la Cour, le directeur de l'établissement fait certes
observer que les efforts ont porté en priorité sur la réalisation de forages en grande profondeur
"qui procurent à l'établissement une eau exempte de tout germe fécal ou opportuniste". Ainsi,
des travaux de rénovation des réservoirs se seraient trouvés inutiles. "Ce raisonnement a
d'ailleurs été validé par la vérification ultérieure de l'absence de toute contamination depuis
l'utilisation des nouvelles ressources", affirme le directeur.
1
Selon les éléments transmis à la Cour par le ministère des affaires sociales, l'amélioration déjà constatée
s'est poursuivie en 1993.
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
107
Il reste qu'à la date de l'enquête au moins, si en effet la situation sanitaire avait été
améliorée, elle paraissait encore précaire. Les mesures indispensables pour garantir la
conformité des Thermes nationaux aux normes de sécurité, qu'il s'agisse du risque d'incendie
ou de contamination bactérienne, ont été différées, alors même que le fonds de roulement de
l'établissement permettait largement de faire face à ces dépenses.
Pour autant, le projet de rénovation retenu pour les Thermes nationaux, très ambitieux
puisqu'il vise à la fois à construire des bâtiments nouveaux et à rénover les thermes existants,
et de ce fait très coûteux (environ 600 millions de francs valeur 1993), n'a pu être mené à
bien. Du fait d'une insuffisante formalisation des décisions, notamment au plan
interministériel, les engagements de l'Etat, comme ceux des collectivités territoriales à qui la
responsabilité de la gestion pourrait être transférée, demeurent ambigus et cette absence de
formalisation recouvre en réalité des désaccords sur la répartition des responsabilités
ultérieures
II. - LES THERMES CONCEDES DE VICHY
A. - LES CONTROLES EXERCES SUR LA GESTION DES THERMES
Le domaine thermal, concédé à la compagnie fermière de Vichy, comprend plusieurs
sources d'eau thermale et des installations de cures, mais aussi des sources d'eau minérale
destinées à la commercialisation (Vichy Célestins)
1
, un vaste domaine avec des immeubles et
des parcs, et même des actifs immatériels, puisque l'exploitation de marques commerciales est
incluse dans la concession.
C'est normalement le préfet de l'Allier, commissaire du gouvernement, qui exerce le
contrôle sur les activités de la concession. En réalité, ce contrôle est très lacunaire :
- le rapport annuel normalement prévu à l'intention du ministère n'a pas été établi, alors
même que des modifications substantielles dans la composition du capital de la société
concessionnaire ou dans l'étendue du domaine auraient justifié particulièrement une
information complète de la tutelle ; en réponse aux observations de la Cour, le préfet indique
cependant qu'un tel rapport a été établi pour 1993 ;
- les réunions du comité de concertation prévu par le contrat de concession ne sont pas
assurées de manière régulière et la seule réunion intervenue depuis 1988 n'a même pas donné
lieu à procès-verbal ;
- les documents transmis par la société concessionnaire, incomplets puisqu'ils ne
permettent pas de vérifier le respect de ses obligations en matière d'entretien régulier du
domaine, ne sont ni examinés, ni archivés sous le contrôle direct du commissaire du
gouvernement ; ces tâches sont éclatées entre plusieurs services de la préfecture, sans aucune
coordination d'ensemble du moins jusqu'à janvier 1994, date à laquelle un service de la
préfecture a été désigné à cet effet ;
- les pouvoirs nouveaux conférés au commissaire du gouvernement par le contrat de
concession du 28 avril 1988, qui lui permettent de mettre en demeure le concessionnaire de
réaliser les travaux nécessaires au bon entretien du domaine, n'avaient pas été exercés à la
date de l'enquête, alors même que le mauvais état des lieux imposerait des travaux d'urgence.
L'imprécision du cadre juridique définissant les pouvoirs du commissaire du
gouvernement contribue à ces lacunes, dans la mesure où l'arrêté du 15 avril 1965 portant
statut des commissaires du gouvernement près les thermes concédés, pourtant obsolète, n'a
pas été modifié.
1
Alors que la source Saint-Yorre est du domaine privé.
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
108
Plus grave, le commissaire du gouvernement ne dispose d'aucun cadre de référence pour
apprécier le respect par le concessionnaire de ses obligations. Malgré la diversité des activités
concédées, aucune comptabilité analytique n'a jamais été exigée du concessionnaire. Aucun
descriptif des biens, signalant leur valeur architecturale ou culturelle, et évaluant les coûts
d'entretien nécessaires, n'est établi. Le suivi par les services du ministère de la culture des
éléments
de
patrimoine
classés
monuments
historiques
ou
inscrits
à
l'inventaire
supplémentaire ne pallie que partiellement cette lacune.
Toutes ces carences expliquent que les demandes de révision contractuelle, présentées
par la Compagnie fermière, ne puissent pas être assorties d'un chiffrage contradictoire et
précis de leur incidence financière, même lorsqu'elles conduisent à modifier l'étendue du
domaine concédé.
Les contrats de concession successifs entre l'Etat et la Compagnie fermière de Vichy
avaient été, par exemple en 1923, approuvés par voie législative. En 1971, lorsque la
concession a été renouvelée, l'administration a considéré qu'aucune disposition législative
n'était désormais nécessaire. En l'absence de toute approbation réglementaire, le régime
juridique applicable n'est défini que par l'accord des parties, révisable à tout moment. De ce
fait, les demandes de révision et d'adaptation se multiplient et contribuent à rendre plus
difficile la recherche d'un équilibre contractuel stable. De 1971 à 1988, trois avenants ont
successivement bouleversé sur le plan financier l'équilibre initial du contrat de concession, au
détriment de l'Etat. Sous le régime de la nouvelle concession signée le 28 avril 1988, de
nombreuses dispositions sont venues corriger dans la pratique, de manière sensible, le texte du
contrat initial. Elles étaient déjà appliquées, sans aucune base juridique puisqu'un projet
d'avenant, en cours d'examen depuis 1991, n'était toujours pas signé à la date de l'enquête
1
.
Cette situation contribue encore à dévaluer le cadre contractuel de la concession et à affaiblir
la portée des contrôles de l'Etat.
B. - L'EVOLUTION DES TARIFS
Ces carences dans l'organisation ou l'exercice des contrôles de la concession induisent
des conséquences dommageables pour les intérêts de l'Etat.
En ce qui concerne plus précisément l'activité thermale, la défaillance du contrôle a
permis une évolution des soins vers un thermalisme coûteux et "sophistiqué", sans que les
avantages thérapeutiques escomptés aient été appréciés.
Le plan de relance du thermalisme à Vichy, arrêté en 1987, prévoyait notamment la
rénovation des thermes Callou (les plus importants), pour un montant de 47 millions de
francs. Ces engagements ont d'ailleurs été repris dans le nouveau contrat de concession signé
le 28 avril 1988. Pourtant, un an plus tard, les responsables de la Compagnie fermière de
Vichy ont choisi une deuxième option, la reconstruction complète des thermes, pour un
montant évalué à 131,2 millions.
1
Selon les informations transmises à la Cour, un avenant aurait finalement été signé le 6 septembre 1994.
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
109
Les investissements de la Compagnie fermière auraient été supérieurs aux engagements
du plan de relance, puisqu'ils se sont élevés d'après elle à 215 millions de francs
1
, contre un
peu plus de 90 prévus, la participation de l'Etat restant pour sa part au niveau, arrêté en 1987,
de 68,6 millions. La Cour précise qu'elle n'a contrôlé que les travaux dont la maîtrise
d'ouvrage revenait à l'Etat.
Les conséquences prévisibles des choix effectués n'avaient pas été évaluées, en tout cas
par la tutelle.
En premier lieu, les traitements thermaux dispensés dans les établissements de Vichy
ont été modifiés, sans concertation avec la tutelle ou avec les services de la CNAMTS. La
modification des traitements types a été décidée par la Compagnie fermière de Vichy, qui
avait déjà réalisé, aux bains Callou, les nouveaux équipements nécessaires à cette fin, avant
que les nouveaux soins dispensés aient pu faire l'objet d'un examen préalable en commission
technique du thermalisme (CTT). Cette dernière s'est trouvée ainsi placée devant le "fait
accompli", selon le diagnostic établi par les services de la CNAMTS en février 1990. A ainsi
été imposée une multiplication des soins, à laquelle le service médical de la CNAMTS n'a pu
s'opposer.
Le médecin instructeur relevait dans son avis médical, à propos de l'augmentation du
nombre de soins prévus au forfait dit "AD RH" qu'il n'y "avait pas de justification médicale à
cette inflation galopante, et qu'il ne pouvait donc émettre un avis". L'augmentation du nombre
de soins correspondait en fait à la volonté de la Compagnie fermière de rentabiliser ses
investissements et allait de pair avec l'augmentation des tarifs, la plus élevée enregistrée dans
l'ensemble des stations thermales, comme le confirment les données fournies par la Caisse
centrale de mutualité sociale agricole (CCMSA) : de 1989 à 1992, le coût moyen de la cure
pour l'orientation rhumatologie a augmenté de 50 %, soit une augmentation très supérieure à
celle constatée dans toutes les autres stations. Pour les curistes admis au traitement de
l'appareil digestif, mais fréquemment bénéficiaires aussi de soins au titre de la rhumatologie,
l'augmentation pendant cette même période est encore supérieure et atteint 66 %. Très proche
en 1989 du coût moyen constaté dans l'ensemble des stations traitant cette orientation, le coût
moyen de la cure à Vichy le dépassait désormais, en 1992, de 50 %, et se trouvait le plus
élevé
2
.
La hausse des tarifs constatée s'est révélée très supérieure aux prévisions des services de
la direction de la sécurité sociale. Celle- ci avait pourtant cherché à encadrer les évolutions
attendues, en fixant même des conditions relatives au montant du surcoût ou à la proportion
des pratiques complémentaires. Mais, en l'absence de contrôle formalisé, reposant sur un
fondement juridique suffisant, les normes de progression fixées n'avaient qu'une valeur
indicative : pour un nombre faiblement croissant de curistes, le surcoût constaté de 1989 à
1
A été ajoutée la réalisation d'un hôtel Ibis, pour un montant de 45 millions. Outre les investissements dans
le domaine concédé, était prévue la construction d'un complexe destiné à la remise en forme, dit "espace
santé beauté" pour un montant estimé en 1988 à 240 millions de francs, et dont le coût final a été évalué à
plus de 300 millions par la Compagnie fermière.
2
Ces données sont établies à partir de dépenses constatées pour les curistes relevant de la MSA. Les coûts
moyens ainsi déduits peuvent différer de ceux calculés par les établissements et qui portent sur l'ensemble
des curistes. La Compagnie fermière de Vichy a ainsi indiqué, en réponse aux observations de la Cour, un
taux de progression différent, mais pour la seule orientation traitement de l'appareil digestif : ce taux serait
sur la période de 25 %. Les statistiques de la CCMSA pour 1993 et reproduites en annexe n° 16 permettent
de comparer les hausses tarifaires constatées pour les stations d'orientation rhumatologie. Il apparaît ainsi
que Vichy est avec Aix- les-Bains la station où la hausse moyenne constatée de 1989 à 1992 est la plus
forte (+ 11,27 % par an). Seules ces deux stations connaissent sur l'ensemble de la période une hausse
supérieure à 10 %. Une telle augmentation est très supérieure à la moyenne (+ 1,96 %).
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
110
1990 a été environ 10 fois supérieur à la limite supérieure fixée par le ministère, et encore
près de 10 fois supérieur aux chiffrages du ministère, de 1990 à 1991.
Les sanctions un moment envisagées, en 1989 et 1990, par la CNAMTS, qui visaient à
procéder à une réduction forfaitaire des remboursements pratiqués par l'assurance maladie,
n'ont finalement pas été appliquées aux thermes de Vichy, pas plus qu'aux autres stations qui
ont ignoré les conditions fixées par la tutelle, lors de la modification des traitements (voir 2e
partie, chapitre I, III).
Pourtant, en dépit du renchérissement très sensible du coût des cures, les résultats de
l'activité thermale restaient déficitaires, du moins selon les données analytiques fournies par la
Compagnie fermière de Vichy.
Les hypothèses relatives à la hausse de la fréquentation, exagérément optimistes, n'ont,
en effet, pas été vérifiées. Compte tenu de la stagnation observée pour l'indication
thérapeutique traditionnelle de Vichy (le traitement des maladies de l'appareil digestif), la
station a développé le créneau jugé plus porteur de la rhumatologie. Cependant, cette
réorientation, accélérée à la faveur de la reconstruction des thermes, n'a jusqu'à présent pas
entraîné d'augmentation sensible de la fréquentation.
Ainsi, alors que l'objectif du plan de modernisation était pour 1993 de 14 000 curistes, la
station était juste parvenue cette année-là à atteindre 13 563 curistes, ce qui, au demeurant,
représentait une évolution plus favorable (+1,2 %) que celle de la fréquentation globale des
stations, marquée par un léger recul (- 0,9 %).
L'exemple de Vichy souligne le risque, s'agissant des initiatives des collectivités
territoriales, de projets surdimensionnés, en qualité comme en quantité, et ensuite difficiles à
amortir, ce qui amène l'assurance maladie à en assumer les conséquences financières, par le
biais de tarifs fortement revalorisés, ou par l'acceptation de soins intensifs, alors même que
leur intérêt médical peut être contesté.
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
111
CONCLUSION
Après plusieurs décennies de hausse presque ininterrompue, la fréquentation des stations
thermales françaises semble avoir atteint depuis 1990 un palier. Cette stabilisation, peut-être
provisoire, traduit sans doute d'abord l'évolution de la consommation des ménages, qui
supportent l'essentiel des frais connexes à la cure.
Mais peut-être faut-il y voir également la traduction de la situation propre au
thermalisme :
- Les efforts entrepris dans de nombreuses stations pour allier au thermalisme médicalisé
des séjours de remise en forme n'ont pas eu les effets escomptés : les exemples voisins de
l'Italie et de l'Allemagne semblaient révéler une clientèle potentielle mais pour l'essentiel, et
malgré des investissements importants, cette greffe n'a pas encore pris en France.
- Dans le champ des traitements thérapeutiques, de nombreux spécialistes estiment que
le thermalisme est déjà et sera de plus en plus concurrencé par les traitements médicamenteux,
que le progrès de la recherche rendent mieux ciblés, c'est-à-dire à la fois plus efficaces et
moins gênants par leurs effets secondaires. L'enquête des juridictions financières permet de
constater que le thermalisme est de plus en plus cantonné dans le traitement des affections
rhumatismales, et a pu d'ailleurs y trouver matière à se développer. L'absence de consensus
médical sur l'efficacité thérapeutique des traitements thermaux est un élément de fragilité.
- Pour l'ensemble des stations, quelles que soient les orientations, le maintien de la
qualité de l'eau est une exigence aux contraintes croissantes. Certes, les problèmes de
pollution des ressources en eau ne sont pas propres au thermalisme ; mais, dans ce domaine,
les techniques de soins, par exemple par inhalation, semblent renforcer les risques de
contamination et le refus de traiter les eaux thermales, du moins en principe, rend plus
vulnérables les stations lorsqu'une contamination se produit.
Face à ces trois défis simultanés, les stations thermales ont engagé des investissements
multiples : pour développer les séjours de remise en forme, elles réalisent des équipements
touristiques ; pour moderniser et diversifier les installations de soins, elles se dotent
d'équipements de plus en plus sophistiqués, notamment en rhumatologie ; enfin, pour
compléter des ressources en eau devenues insuffisantes en quantité ou en qualité, elles
procèdent à des forages profonds ou améliorent les circuits de distribution de l'eau.
Fréquemment, c'est dans le cadre de projets de station et par une rénovation d'ensemble
des établissements que ces trois objectifs ont été poursuivis de manière parallèle.
Dans le choix des investissements, l'accroissement des capacités d'accueil et les
installations de confort ont été privilégiés, parfois à l'excès, entraînant des charges
supplémentaires d'amortissement, au détriment des équipements de sécurité qui peuvent ainsi
se révéler insuffisants.
Les projets réalisés sont souvent coûteux, et leur rentabilité aléatoire, comme le montre
la relative fréquence des échecs constatés. C'est pourquoi les collectivités territoriales, de plus
en plus sollicitées, ont pris à leur charge tout ou partie de ces risques, sans toujours en
mesurer l'importance ni les conséquences éventuelles en termes d'endettement ou de
participation aux déficits de fonctionnement ultérieurs des établissement thermaux.
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
112
Leurs interventions peuvent paraître justifiées du point de vue de chaque établissement
ou de chaque territoire, à cause de l'importance des retombées économiques attendues.
Cependant, l'absence d'une carte sanitaire entraîne un risque d'investissements redondants, et
donc de surcapacités, d'autant plus que l'éventail des orientations utiles semble se réduire et
que les investissements, nombreux, se concentrent sur le même créneau des soins de
rhumatologie.
Plus grave, si certains établissements ont consenti des efforts importants pour améliorer
la qualité et la sécurité des soins, dans d'autres cas il n'a pas été apporté de réponse adaptée
aux problèmes sanitaires que pose notamment la pollution des sources ou des réseaux
d'adduction. Les risques épidémiologiques, il est vrai récemment découverts et encore mal
connus, doivent être traités avec une rigueur accrue.
Certes, la présence de germes pathogènes dans les eaux thermales ne constitue pas le cas
général, et nombreuses restent les stations qui offrent aux curistes des conditions sanitaires
conformes aux normes de référence. Mais, justement, on peut craindre que les cas de
situations sanitaires dégradées ne viennent ternir l'image du thermalisme , à défaut de mesures
à la fois rapides et complètes.
Un meilleur contrôle sur les eaux utilisées, effectué de manière à prendre en compte
l'ensemble des ressources de l'établissement, et non plus éclaté selon les diverses sources
utilisées, une plus grande rigueur dans l'application des contraintes d'urbanisme destinées à
protéger les sources, paraissent également nécessaires, de manière à garantir l'avenir du
thermalisme , en préservant sa ressource fondamentale, même si cette exigence de qualité peut
induire dans un premier temps des conséquences financières importantes pour les stations et
les établissements.
De surcroît, en matière tarifaire, une réforme des procédures de détermination des tarifs
et la mise en oeuvre d'un système assurant une meilleure correspondance entre le coût facturé
et la qualité ou la quantité des soins dispensés paraissent nécessaires. Là encore, et compte
tenu des contraintes globales qui pèsent sur l'équilibre financier de l'assurance-maladie, une
telle réforme suppose des arbitrages entre les intérêts divergents des stations ou de leurs
organisations professionnelles.
Mais est-il raisonnable de demander à l'assurance maladie d'intégrer dans ses
remboursements le surcoût d'équipements qui paraissant parfois superflus, et dont, en tout cas,
l'apport thérapeutique ne fait pas l'unanimité du corps médical ?
Il n'appartient pas à la Cour des comptes de se prononcer sur le choix fondamental de
prise en charge des dépenses de cures thermales par l'assurance maladie ; elle constate
cependant que ce choix, récemment encore confirmé par les pouvoirs publics, ne serait à l'abri
de contestations que s'il était conforté, mieux qu'actuellement, par des études scientifiques sur
les aspects médicaux du thermalisme.
La crainte d'effets négatifs sur des économies locales souvent déjà fragiles, explique
sans doute qu'en dépit des propositions de groupes de travail qu'ils avaient d'ailleurs suscités,
les pouvoirs publics n'aient pas jusqu'à présent défini les grandes orientations d'une politique
thermale. Cet immobilisme risque cependant de rendre obsolètes les cadres réglementaires et
tarifaires actuels, et donc de multiplier, à défaut de règle générale applicable et appliquée, les
"coutumes" administratives, les dérogations et les cas particuliers.
Sont ainsi mis en question tout à la fois des enjeux de santé publique et des enjeux
financiers, mais aussi la capacité de l'Etat à imposer des règles de droit dans le domaine du
thermalisme.
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
113
ANNEXE I : IMPORTANCE RELATIVE DES REGIONS THERMALES AYANT
FAIT L'OBJET DE CONTROLES SUR PLACE
Les sept chambres régionales des comptes d'Aquitaine, Auvergne, Franche-Comté,
Languedoc-Roussillon, Lorraine, Midi-Pyrénées et Rhône- Alpes ont mené, en 1993, une
enquête sur le thermalisme dans les régions les plus importantes par la fréquentation thermale,
puisque ces régions représentaient en 1993 près de 80 % de la fréquentation totale des stations
thermales françaises.
Nombre de curistes 1993
% France entière
Rhône-Alpes
112 389
17,63
Auvergne
96 553
15,15
Midi-Pyrénées
94 199
14,78
Languedoc-Roussillon
89 898
14,10
Aquitaine
83 942
13,17
Lorraine
26 878
4,22
Franche-Comté
5 347
0,84
TOTAL
509 206
79,9
(TOTAL FRANCE ENTIERE) 637 443
En outre, la chambre régionale de Provence-Alpes-Côte d'Azur s'est jointe à l'enquête
pour la station de Roquebillière.
Enfin, la Cour des comptes a également procédé à une enquête sur deux des stations
appartenant à l'Etat : Aix-les-Bains et Vichy.
Cour des comptes - rapport public particulier
Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme
(janvier 1995)
114
ANNEXE II : LISTE DES STATIONS CONTROLEES
Le tableau qui suit regroupe, par région, l'ensemble des stations examinées par les
chambres régionales des comptes, en indiquant pour chacune, les orientations thérapeutiques
et le nombre de curistes constaté pour 1993 (selon le recensement effectué par la gazette du
thermalisme, à partir des données communiquées par les établissements ou leurs organisations