LA RÉGULATION
DES JEUX D’ARGENT
ET DE HASARD
•
Enquête demandée par le Comité d’évaluation et de
contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale
Octobre 2016
La régulation des jeux d’argent et de hasard - octobre 2016
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Sommaire
AVERTISSEMENT
...............................................................................................................................................
5
SYNTHÈSE
............................................................................................................................................................
9
RECOMMANDATIONS
.....................................................................................................................................
13
INTRODUCTION
................................................................................................................................................
15
CHAPITRE I
LES JEUX, UNE SITUATION ÉCONOMIQUE CONTRASTÉE, UN
ÉQUILIBRE DU SECTEUR EXPOSÉ À DES MUTATIONS RAPIDES
.....................................
19
I - LE SECTEUR FRANÇAIS DES JEUX : UNE ÉCONOMIE FRAGILE, UNE FISCALITÉ AUX
EFFETS INÉGAUX
.............................................................................................................................................
19
A - Le marché mondial des jeux : un secteur en croissance et en mutation
...........................................................
20
B - Un marché français dominé par les opérateurs historiques
..............................................................................
23
C - Un secteur soumis à une fiscalité spécifique, aux effets inégaux
.....................................................................
31
II - UN ÉQUILIBRE DU SECTEUR CONFRONTÉ À DE NOUVEAUX RISQUES
..................................
42
A - Les principaux intérêts en jeu
..........................................................................................................................
42
B - Une déstabilisation des filières évitée
..............................................................................................................
45
C - Un contexte fortement évolutif
........................................................................................................................
52
CHAPITRE II
DES OBJECTIFS DE PROTECTION DE LA SANTÉ ET DE L’ORDRE
PUBLIC LOIN D’ÊTRE ATTEINTS
................................................................................................
59
I - UNE OUVERTURE À LA CONCURRENCE QUI A RÉDUIT L’OFFRE ILLÉGALE
........................
60
A - Une action soutenue de l’ARJEL qui rencontre ses limites
.............................................................................
60
B - De nouvelles voies à explorer pour lutter contre l’offre illégale
......................................................................
62
II - UNE PRÉVENTION DU JEU EXCESSIF OU PATHOLOGIQUE ET UNE PROTECTION
DES MINEURS ENCORE LACUNAIRES
.......................................................................................................
65
A - Un phénomène que l’on commence à évaluer
.................................................................................................
65
B - Une prévention du jeu excessif ou pathologique diversement prise en compte par les opérateurs
..................
67
C - Une interdiction de l’offre de jeu aux mineurs non assurée
.............................................................................
79
III - L’INTÉGRITÉ, LA FIABILITÉ ET LA TRANSPARENCE DES OPÉRATIONS DE JEU :
DES EFFORTS RÉCENTS À CONFIRMER ET COMPLÉTER
..................................................................
84
A - Une prévention des conflits d’intérêt et de l’intégrité à renforcer
...................................................................
84
B - La sécurisation des opérations de jeu
...............................................................................................................
90
C - Les difficultés suscitées par l’existence de parieurs professionnels au PMU
..................................................
93
IV - UNE PRÉVENTION INSUFFISANTE DES ACTIVITÉS FRAUDULEUSES OU
CRIMINELLES, DU BLANCHIMENT DES CAPITAUX ET DU FINANCEMENT DU
TERRORISME
....................................................................................................................................................
95
A - Un renforcement des obligations pesant sur les opérateurs diversement suivi d’effets
...................................
95
B - Une politique de contrôle hétérogène dans sa mise en oeuvre
........................................................................
100
C - Des résultats mitigés
......................................................................................................................................
103
CHAPITRE III
UNE GOUVERNANCE ÉCLATÉE À UNIFIER ET CONFORTER
..............
109
I - UN MODE D’ÉLABORATION DES NORMES PEU PORTEUR D’UNE RÉGULATION
COHÉRENTE
....................................................................................................................................................
110
A - Un fonctionnement interministériel asymétrique
...........................................................................................
110
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4
B - L’échec de la mise en place d’une instance plénière de concertation
............................................................
113
C - Le rendez-vous manqué de la revoyure
..........................................................................................................
115
II - UN PILOTAGE OPÉRATIONNEL DE LA RÉGULATION « EN SILO »
..........................................
116
A - La régulation des jeux de cercles et casinos : une réglementation très détaillée, des contrôles
insuffisants, des cercles en voie de disparition
.....................................................................................................
116
B - Une régulation plus ou moins largement internalisée par les titulaires de droits exclusifs et supervisée
par les tutelles
......................................................................................................................................................
121
C - La régulation des jeux en ligne : un régulateur fort, des obligations lourdes pour les opérateurs
..................
126
III - UNE CONTRIBUTION À LA RÉGULATION PAR D’AUTRES ENTITÉS PUBLIQUES
.............
129
A - Une présence suivie des services financiers dans la lutte contre la fraude et blanchiment
............................
129
B - La DGCCRF au titre de sa mission de protection du consommateur
.............................................................
131
C - Une intervention ponctuelle de l’Autorité de la concurrence
.........................................................................
131
IV - LES VOIES ET MOYENS D’UNE RÉGULATION UNIFIÉE ET INDÉPENDANTE
......................
132
A - Concevoir une politique publique des jeux et en définir la stratégie
.............................................................
132
B - Mettre en place une instance de régulation globale et indépendante
..............................................................
135
CONCLUSION GÉNÉRALE
...........................................................................................................................
141
ANNEXES
..........................................................................................................................................................
143
•
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Avertissement
Sur proposition du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC),
le Président de l’Assemblée nationale a saisi, par lettre du 12 octobre 2015, le Premier
président de la Cour des comptes d’une demande d’évaluation de la politique de régulation
des jeux d’argent et de hasard, en application de l’article L.132-5 du code des juridictions
financières.
Le Premier président a accepté cette demande dans une lettre au Président de
l’Assemblée nationale du 17 novembre 2015, la remise du rapport étant fixée au 15 octobre
2016 au plus tard. Ce courrier précise que, compte tenu de ce délai, les travaux de la Cour ne
pourront être conduits conformément aux règles applicables aux évaluations de politique
publique et prendront la forme d’une enquête classique assortie d’une démarche évaluative.
Le champ et les enjeux de la demande du CEC ont été précisés lors d’une réunion avec
les députés rapporteurs désignés par le CEC, MM. Régis Juanico et Jacques Myard, le
29 octobre 2015. Le périmètre alors retenu, confirmé par le courrier précité du Premier
président fixe deux axes principaux aux travaux de la Cour : d’une part, la réalisation d’une
approche globale des objectifs, des moyens et des résultats de la politique de régulation des
jeux d’argent et de hasard telle qu’elle résulte principalement du code de la sécurité intérieure
et de la loi du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation des jeux
d’argent et de hasard en ligne ; et d’autre part, l’analyse des actions mises en place par les
services ministériels, les autorités et opérateurs publics ou ayant reçu une mission de service
public en vue d’atteindre les objectifs fixés par le législateur.
Pour répondre à la demande du CEC, le Premier président de la Cour a constitué, par
arrêté du 30 novembre 2015, une formation inter chambres réunissant les trois chambres
compétentes sur les domaines de contrôle, les autorités ministérielles et les opérateurs visés
par l’enquête. Chargées des travaux d’instruction de l’enquête, les trois chambres devaient en
renvoyer les résultats à la formation inter chambres, responsable de l’élaboration de la
synthèse à adresser, après contradiction, à l’Assemblée nationale.
L’enquête a été conduite auprès des principaux ministères, autorités et opérateurs en
charge de cette politique. Elle a été notifiée en premier lieu, le 12 janvier 2016, au secrétaire
général du ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et des forêts et au sein de ce
ministère, à la directrice générale de la performance économique et environnementale des
entreprises et au service du contrôle général économique et financier ; pour les paris
hippiques, l’enquête a également bénéficié des investigations menées dans le cadre de
contrôles organiques menés simultanément sur la société d’encouragement à l’élevage du
cheval français et sur la société France-Galop et dans le cadre de la présente enquête, sur le
groupement d’intérêt économique Pari Mutuel Urbain (PMU).
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6
L’enquête a également été notifiée le 14 janvier 2016 au secrétaire général du ministère
de la justice et au secrétaire général du ministère de l’intérieur, et au sein de ce ministère, à la
direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ), acteur central de la
régulation des activités des casinos et des cercles de jeux et au service central des courses et
des jeux (SCCJ) de la direction générale de la police nationale.
Enfin, le 19 janvier 2016, l’enquête a été notifiée au secrétaire général des ministères
économique et financier, à la direction du budget, à la direction générale des finances
publiques, au service du contrôle général économique et financier, à la direction générale des
douanes et droits indirects, à la direction du service traitement du renseignement et action
contre les circuits financiers clandestins (TRACFIN), à l’agence des participations de l’Etat ,
à l’autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL) et à la société Française des jeux (FDJ).
En cours d’instruction, les rapporteurs ont également rencontré au sein des ministères
financiers, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des
fraudes (DGCCRF). Ils ont par ailleurs consulté l’Autorité de la concurrence.
Outre l’envoi de questionnaires aux administrations, autorités et opérateurs précités, de
nombreux entretiens ont été menés par les rapporteurs avec les présidents des principales
instances consultatives et les représentants des parties prenantes de cette politique : le comité
consultatif des jeux, la commission consultative des jeux de cercles et de casinos (CCJCC), la
commission consultative des jeux et paris sous droits exclusifs (COJEX), l’observatoire des
jeux, la commission nationale des sanctions, les syndicats professionnels des casinos,
l’association nationale des turfistes (ANT) , les associations de défense et d’aide aux publics
vulnérables comme e-enfance ou SOS joueurs.
Lors d’un déplacement à Bruxelles, les rapporteurs ont également rencontré les
principaux responsables de l’unité E2 de la DG GROW de la Commission européenne,
l’European Gaming and Betting Association – lobby des opérateurs alternatifs agréés pour les
jeux en ligne- et l’European lotteries – lobby des opérateurs sous droits exclusifs.
Délibéré par la formation inter-chambres le 12 juillet 2016, un relevé d’observations
provisoires de synthèse a été communiqué aux fins de contradiction, le 25 juillet 2016, au
secrétaire général du gouvernement, au président de l’Autorité de régulation des jeux en ligne
(ARJEL) et, au sein des ministères économique et financier : au secrétaire général, aux
directeurs généraux des entreprises et du trésor, au directeur du budget et au service du
contrôle général économique et financier, au sein du ministère de l’intérieur : au secrétaire
général, au directeur général de la police nationale et au directeur des libertés publiques et des
affaires juridiques et au sein du ministère de l’agriculture : au secrétaire général et à la
directrice générale de la performance économique et environnementale des entreprises. Des
extraits de ce relevé d’observations provisoires de synthèse ont été par ailleurs adressés aux
présidents directeurs généraux du pari mutuel urbain (PMU) et de la société française des jeux
(FDJ) ainsi qu’aux présidents de France-Galop et de la société d’encouragement du cheval
français (SECF). Ce relevé a été établi sur la base des travaux d’instruction menés dans
chacune des trois chambres composant la formation inter chambres de la Cour chargée de
cette enquête, travaux eux-mêmes contredits dans le cadre de relevés d’observations
provisoires adressés par chacune des chambres aux destinataires des notifications de l’enquête
précités.
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AVERTISSEMENT
7
La Cour a reçu des réponses du président de l’ARJEL, du Président-directeur général du
PMU, de la Présidente-directrice générale de la FDJ, des présidents de France Galop et de la
SECF. Une réponse commune des ministères
1
, établie par le ministère des finances et des
comptes publics en liaison avec les autres ministères intéressés (économie, intérieur et
agriculture), et signée par le ministre de l’économie et des finances et le secrétaire d’état
chargé du budget et des comptes publics, a été reçue le 20 septembre 2016.
Des auditions des principaux responsables ministériels et opérateurs de cette politique
ainsi que de l’ARJEL ont été organisées le 20 septembre 2016.
Le présent rapport, qui constitue la synthèse définitive de l’enquête de la Cour, a été
délibéré le 21 septembre 2016 par la formation inter chambres précitée, présidée par
Mme Froment-Meurice, présidente de chambre maintenue et composée de Mme Faugère,
conseillère maître à la quatrième chambre, contre-rapporteur, Mme Malgorn, conseillère
maître à la première chambre, M. Lair, conseiller maître à la quatrième chambre,
MM. Guédon et Petel, conseillers maîtres à la septième chambre.
Les rapporteurs ont été Mme Malgorn, conseillère maître, rapporteur général,
M. Rigaudiat, conseiller maître, rapporteur général adjoint, Mme Bigas-Reboul, conseillère
référendaire, rapporteur général adjoint et M. Charvet, rapporteur extérieur.
Le rapport a ensuite été examiné et approuvé le 4 octobre 2016 par le comité du rapport
public et des programmes de la Cour des comptes composé de MM Migaud, Premier
président, Durrleman, Briet, Mme Ratte, MM. Vachia, Paul, rapporteur général du comité,
MM. Duchadeuil, Piolé, Mme Moati, présidents de chambre et M. Johanet, procureur général,
entendu en son avis.
1
Cette réponse commune est évoquée dans le texte du rapport sous la mention de « réponse ministérielle ».
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Synthèse
Les jeux d’argent et de hasard sont soumis à une interdiction générale de principe
assortie d’exceptions strictement définies par le législateur qui permettent, de fait, d’en
proposer une large gamme. L’activité de jeux a été profondément affectée par l’irruption de
l’internet et avec elle, des jeux en ligne. À cette évolution économique majeure pour le
secteur, s’est ajoutée une difficulté juridique liée à la jurisprudence de la Cour de Justice des
Communautés européennes selon laquelle les jeux d’argent et de hasard représentent une
activité de services au sens du Traité sur le fonctionnement de l’UE et doivent à ce titre se
voir appliquer les libertés de prestation et d’établissement consacrées par celui-ci. Toutefois,
la CJUE reconnaît la spécificité des jeux d’argent, liée aux risques particuliers de préservation
de l’ordre public et de l’ordre social .
La loi du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du
secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne est intervenue dans ce contexte pour prendre en
compte ces évolutions et ces difficultés.
La loi du 12 mai 2010 a répondu aux urgences et posé des principes mais n’a
pas unifié le dispositif de régulation
La loi du 12 mai 2010, organisant une ouverture limitée à la concurrence de trois
segments de jeux en ligne, a permis d’obtenir la clôture d’une procédure de sanction
européenne.
En
mettant
le
dispositif
national
en
cohérence
avec
les
exigences
communautaires, elle a de fait préservé l’organisation historique du secteur sous droits
exclusifs dans le réseau physique.
La loi a énoncé des objectifs de la politique de l’État en matière de jeux d’argent et
de hasard. Elle vise à protéger l’ordre public et prévenir le jeu excessif mais aussi à assurer
l’équilibre économique des filières concernées. La loi a ainsi jeté les bases d’une régulation
s’appliquant à l’ensemble du secteur des jeux qu’ils soient en ligne ou dans le réseau physique
(en dur). Pour autant, la loi de 2010 n’a pas unifié le dispositif de régulation des jeux d’argent
et de hasard.
Les jeux, une situation économique contrastée
Le développement équilibré et équitable des différents types de jeux se heurte à une
réalité contrastée. La FDJ affiche une situation économique positive tandis que le PMU et les
casinos présentent des bilans fragiles malgré les allègements fiscaux consentis par l’État. Pour
autant, ces situations contrastées ne résultent pas de l’ouverture à la concurrence des jeux en
ligne par la loi du 12 mai 2010. D’ailleurs, en ce qui concerne le secteur des jeux en ligne, la
quasi-totalité des opérateurs alternatifs sont en situation déficitaire, notamment mais pas
exclusivement en raison d’une réglementation imposant des contraintes techniques très fortes
et d’une fiscalité lourde.
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COUR DES COMPTES
10
La clarification de la fiscalité, engagée en 2010, est à poursuivre pour
contribuer à l’équilibre des filières et ménager la production de la matière
imposable.
La fiscalité des jeux est hétérogène, par l’application d’assiettes et de taux spécifiques à
chaque secteur, sans que la justification de ces particularités soit suffisamment documentée.
Ainsi le choix, pour les jeux en ligne, d’une assiette de prélèvements sur les mises, à l’instar
des jeux en dur à l’exception des casinos, présente de réels inconvénients et conduit dans
certains cas à fiscaliser les pertes.
Des aménagements visant à assurer l’équilibre économique et le maintien d’une offre
légale attractive de jeux impliquent une étude globale d’impact à laquelle l’administration
fiscale n’a pas procédé jusqu’à présent.
Le dispositif national est confronté à des évolutions le contraignant à évoluer
Le secteur des jeux d’argent est l’objet d’évolutions techniques significatives. Les
différences entre les jeux en ligne et les jeux en dur ont tendance à s’estomper avec l’irruption
du numérique dans les points de vente et les casinos. De nouveaux types de jeux d’argent
émergent en marge de l’offre régulée.
Les instances communautaires, dont la reconnaissance de la compétence des États-
membres en matière de jeux d’argent a eu pour contrepartie une surveillance stricte de la
proportionnalité et de l’effectivité des dispositifs nationaux, font preuve d’un regain
d’activisme s’exprimant dans une coordination accrue des organismes et des politiques de
régulation
2
et dans une action renforcée dans le champ des normes applicables en matière de
certification non seulement sur les équipements de jeu – notamment les logiciels – mais aussi
sur les obligations des opérateurs dans le cadre de leur supervision par les autorités nationales
de régulation.
Les objectifs de la régulation des jeux d’argent ne sont que partiellement
atteints avec des résultats hétérogènes selon les secteurs et les opérateurs
Conséquence d’une gouvernance cloisonnée et d’insuffisances du dispositif de
régulation, dont la principale est l’absence de levée de l’anonymat des joueurs dans le réseau
physique, à l’exception des casinos, la réalisation des objectifs de régulation des jeux d’argent
demeure inaboutie, avec des résultats très hétérogènes :
a) L’ouverture à la concurrence des jeux en ligne et l’action de l’ARJEL ont permis une
réduction significative de l’offre illégale dans les segments ouverts à la concurrence. L’offre
légale souffre cependant de l’émergence de multiples jeux supports de paris, comme les
compétitions de jeux vidéo, porteurs de nouveaux risques à traiter avec réactivité.
b) La prévention du jeu problématique reste lacunaire, avec 5 % des joueurs présentant
un profil à risque modéré ou excessif. Le secteur des jeux sous droits exclusifs dans le réseau
2
Cf. l’adoption sous l’égide de la Commission européenne, le 27 novembre 2015, d’un arrangement de
coopération entre les autorités de régulation des États membres de l’Espace économique européen relatifs aux
services de jeux d’argent en ligne.
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SYNTHÈSE
11
physique n’a guère progressé en matière de levée de l’anonymat
3
– tandis que le dispositif
d’ensemble souffre des faiblesses du fichier des interdits de jeu.
c) L’interdiction du jeu aux mineurs n’est pas assurée : un tiers des mineurs de 15 à
17 ans pratiqueraient des jeux d’argent chaque année dont 11 % sous une forme
problématique. L’enjeu porte principalement sur la FDJ, compte tenu de l’attrait des paris
sportifs et des jeux de grattage pour les jeunes générations.
d) L’intégrité, la fiabilité et la transparence des opérations de jeu ont fait l’objet
d’efforts récents qui restent à confirmer et à compléter. L’ARJEL s’est fortement impliquée
dans la lutte contre les manipulations sportives depuis l’introduction en 2012 de dispositions
le permettant dans le code du sport
4
. Toutefois, la prévention des conflits d’intérêt reste
insuffisante en ce qui concerne les paris hippiques : le nouveau cadre juridique applicable aux
paris sportifs n’y a pas encore trouvé son équivalent.
e) La lutte contre les activités criminelles, le blanchiment et le financement du
terrorisme a fait l’objet de plusieurs renforcements. La transposition à venir de la 4
e
directive
anti-blanchiment viendra renforcer les obligations de levée d’anonymat
5
pour l’ensemble des
prestataires de jeux et paris. Restent des faiblesses liées à un contrôle encore insuffisant des
flux financiers pour les jeux dans le réseau physique, en raison notamment du maintien de
l’anonymat des joueurs pour la FDJ et le PMU. Ce dernier est plus particulièrement concerné
dans la mesure où il n’applique pas le plafond de paiement en espèces de 1000 € prévu aux
articles L.112-6 et D.112-3 du code monétaire et financier
6
.
La régulation des jeux d’argent souffre d’une gouvernance cloisonnée et
insuffisamment transversale
La suppression par décret du 13 novembre 2015 du Comité consultatif des jeux,
voulu par le législateur de 2010 comme une instance de concertation et de mise en cohérence
d’une politique nationale des jeux, illustre la difficulté des administrations à appréhender le
marché des jeux dans sa globalité et leur propension à se comporter en tuteur d’un segment
protégé de ce marché plus qu’en régulateur de celui-ci.
La gouvernance d’ensemble demeure fragmentée. La direction du budget joue un
rôle prépondérant dans un fonctionnement interministériel dont les deux autres acteurs
principaux sont les ministères de l’intérieur et de l’agriculture (pour les paris hippiques) mais
où les ministères de la santé et des sports sont peu impliqués tandis que commence à émerger
le rôle du ministère de l’économie.
Par ailleurs, ce cloisonnement se double d’un pilotage opérationnel de la régulation lui-
même en silo :
3
À titre d’exemple, en matière de paris hippiques et malgré la mise en place d’une carte joueur – facultative –
par le PMU, 98 % des paris et 94% des gains restent anonymes.
4
loi du 1
er
février 2012 visant à renforcer l’éthique du sport.
5
Dans le cadre de la III
e
directive, transposée en 2009, seuls les casinos étaient concernés.
6
Il n’applique aucun plafond pour le paiement en espèces des mises, et un plafond de 3000 € pour le paiement
en espèces des gains.
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12
-
la régulation du secteur des jeux sous droits exclusifs est plus ou moins internalisée par
les opérateurs eux-mêmes (FDJ, PMU et sociétés de courses) ;
-
la régulation du secteur des jeux en dur sous agrément (casinos et cercles de jeux) relève
du ministère de l’intérieur, dans le cadre de procédures détaillées et lourdes ;
-
la régulation des jeux en ligne sous agrément s’appuie
a contrario
sur un organisme,
l’autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL), doté de moyens spécialisés , tandis
que les opérateurs sont soumis à des obligations contraignantes.
Mettre en place une régulation globale et indépendante
Face aux mutations économiques et technologiques du secteur des jeux, les pouvoirs
publics doivent donner de la visibilité aux opérateurs nationaux. Soumis à une pression
croissante des instances européennes, le dispositif français doit s’adapter, anticiper et
conserver une capacité d’influence.
La prise en charge de la politique des jeux pourrait être réorganisée en distinguant : sa
conception dans un comité interministériel, comprenant les ministères chargés du budget, de
l’intérieur, de l’agriculture, de la santé, du sport et de l’économie ; l’exercice même de la
régulation à confier à une autorité administrative indépendante, compétente pour l’ensemble
des jeux, en dur et en ligne. Cette instance unique de régulation, au sein de laquelle l’Autorité
de régulation des jeux en ligne (ARJEL), la commission des jeux et paris sous droits exclusifs
(COJEX), la commission consultative des jeux de cercles et de casinos (CCJCC) et
l’observatoire des jeux (ODJ), adaptés autant que nécessaire, trouveraient place, devrait être
dotée des compétences courant sur toute la chaîne de la régulation.
Adapter les dispositifs pour mieux atteindre les objectifs de la politique des
jeux
L’efficacité de la lutte contre l’offre illégale passe par l’attribution de pouvoirs adaptés
à une autorité de régulation qui pourra être plus réactive et par le renforcement du dispositif
juridique .
Pour la protection des publics fragiles et la lutte contre la fraude, la levée de l’anonymat
s’impose. Il s’agit de rendre obligatoire, dans le réseau physique comme dans le réseau en
ligne, l’utilisation de la carte joueur ou de tout autre moyen d’identification, en commençant
par les jeux et paris les plus propices à l’addiction, à la fraude et au blanchiment .
La limitation des paiements en espèces tant pour les mises que pour les gains ainsi que
la modernisation du fichier des interdits et l’élargissement de son usage y compris aux points
de vente en dur renforceront l’efficacité de l’action.
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Recommandations
Politique des jeux et régulation
1.
créer un comité interministériel responsable de la définition de la politique publique des
jeux d’argent et de hasard, comprenant les ministères en charge du budget, de l’intérieur,
de l’agriculture, de la santé, des sports et de l’économie ;
2.
confier la régulation de l’ensemble des jeux d’argent et de hasard en dur et en ligne à une
autorité administrative indépendante regroupant l’Autorité de régulation des jeux en ligne,
la commission des jeux sous droits exclusifs, la commission consultative des jeux de
cercles et de casinos et l’observatoire des jeux ;
Efficacité et proportionnalité des régulations
3.
renforcer les pouvoirs de l’autorité de régulation pour mieux lutter contre l’offre illégale ;
4.
réduire la durée de l’expérimentation des nouveaux jeux en allégeant la procédure
d’autorisation ;
Protection des joueurs et lutte contre la fraude
5.
rendre obligatoire l’utilisation de la carte joueur ou de tout autre moyen d’identification,
en commençant par les jeux les plus propices à l’addiction, à la fraude et au blanchiment ;
6.
moderniser le fichier des interdits de jeux et en élargir l’usage y compris aux points de
vente dans le réseau physique afin de mieux assurer la protection des joueurs
problématiques ;
7.
mettre en place un cadre juridique renforçant l’éthique des courses hippiques sur le
modèle de ce qui a été fait dans le domaine du sport : prévoir des incriminations pénales
en matière de dopage et de corruption hippique ; renforcer la prévention des conflits
d’intérêt en étendant les interdictions de parier et en les contrôlant ; réguler l’activité de
pronostics hippiques ;
8.
uniformiser les plafonds d’usage des espèces tant pour les mises que pour les gains, afin
de lutter contre la fraude et le blanchiment ;
Fiscalité
9.
effectuer une étude d’ensemble de l’impact de la fiscalité des jeux tant sur l’équilibre et la
viabilité de l’offre légale de jeux d’argent que sur les comportements des joueurs, sous
l’égide du comité interministériel des jeux.
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Introduction
74,0 % des Français âgés de 15 à 75 ans déclarent avoir joué au moins une fois à un jeu
d’argent et de hasard au cours de leur vie et 56,2 % au moins une fois au cours de l’année
écoulée
7
. Le phénomène concerne donc près de 40 millions de personnes, dont près de
30 millions au cours d’une année. L'industrie du jeu, sur l’année 2015, totalise près de
45 Md€ de mises des joueurs, les opérateurs dégagent un produit brut des jeux de 9,64 Md€ et
les recettes publiques tirées des prélèvements sur les jeux s’élèvent à 5,4 Md€.
L’économie générale du régime des jeux d’argent et de hasard en vigueur en France
consiste en une interdiction de principe
8
, en raison des risques que le jeu comporte pour
l’ordre public et la sécurité publique, en favorisant la fraude voire des activités criminelles et
pour l’ordre social, la protection de la santé et des mineurs, compte tenu des risques
d’addiction et de surendettement.
Ce principe d’interdiction, toujours inscrit à l’article L. 322-1 du code de la sécurité
intérieure, est assorti de dérogations encadrées au profit :
-
des segments de jeux pratiqués dans le réseau physique et en ligne sous droits exclusifs et
participant d'une politique de régulation à la fois quantitative et qualitative. Le modèle
d’exploitation en monopole a été maintenu pour les jeux de loterie (tirage, grattage, etc.)
en dur et en ligne, ainsi qu’en points de vente physiques s’agissant des paris sportifs et de
paris hippiques, de même que pour les casinos « physiques » ;
-
d’une ouverture à la concurrence limitée à trois segments du marché des jeux en ligne
(paris sportifs et hippiques en ligne, poker en ligne), à la suite de l’avis motivé rendu par
la Commission européenne le 27 juin 2007, demandant à la France d’ouvrir le secteur des
paris sportifs en ligne à la concurrence.
La loi du 12 mai 2010
9
a organisé cette ouverture à la concurrence limitée aux trois
types de paris en ligne précités. Le monopole de la Française des Jeux (FDJ) a été maintenu
sur les jeux de grattage et de tirage en ligne et « en dur » ainsi que sur les paris sportifs « en
dur ». Le monopole des sociétés de courses (et notamment du Pari mutuel urbain (PMU),
groupement d’intérêt économique (GIE) constitué de sociétés de courses proposant des paris
hors hippodromes) a été maintenu sur les paris hippiques « en dur ». De même, les casinos ont
conservé leur monopole, les jeux de casinos n’étant autorisés qu’« en dur ».
7
D’après l’enquête nationale sur les jeux d’argent et de hasard de 2014, réalisée par l’observatoire des
jeux(ODJ) et l’institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES).
8
Édictée par la loi du 21 mai 1836 puis codifiée en 2012 dans le Code de la sécurité intérieure (L. 322-1 CSI).
Cf. également la décision n° 2010-605 DC du 12 mai 2010 du Conseil constitutionnel.
9
Loi n° 2010-476 du 12 mai 2010, relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux
d’argent et de hasard en ligne
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16
Organigramme n° 1 :
le marché des jeux d’argent et de hasard après ouverture à la
concurrence en 2010
Source
:
présentation
du
ministère
du
budget,
des
comptes
publics
et
de
la
fonction
publique
(mars 2009)
La loi consacre ainsi la coexistence d’un régime de droits exclusifs et d’un régime
d’agrément. Et, en dépit de son intitulé visant les jeux en ligne, cette loi comporte, dans un
premier chapitre de 9 articles dans sa version initiale, des dispositions concernant l’ensemble
des jeux d’argent et de hasard.
L’article 3 de la loi précise les objectifs de l’État qui s’appliquent à l’ensemble des jeux
qu’ils soient en dur ou en ligne, en concurrence ou sous monopole.
« La politique de l’État en matière de jeux d’argent et de hasard a pour objectif de
limiter et d’encadrer l’offre et la consommation des jeux et d’en contrôler l’exploitation afin
de :
1. prévenir le jeu excessif ou pathologique et protéger les mineurs ;
2. assurer l’intégrité, la fiabilité et la transparence des opérations de jeu ;
3. prévenir les activités frauduleuses ou criminelles ainsi que le blanchiment de capitaux
et le financement du terrorisme ;
4. veiller au développement équilibré et équitable des différents types de jeu afin
d’éviter toute déstabilisation économique des filières concernées ».
Cette loi jette ainsi les bases d’une régulation de l’ensemble des jeux ;
elle confie la
régulation des segments de jeux en ligne ouverts à la concurrence à une nouvelle autorité
administrative indépendante, l’autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL), tandis que la
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INTRODUCTION
17
« régulation » des jeux d’argent et de hasard en dur reste organisée par filière de distribution
avec pour chacune d’elles, une autorité de gestion et de contrôle distincte.
La France avait en effet traditionnellement organisé la « règlementation » des jeux en
confiant la supervision de chaque segment de jeu autorisé par dérogation au ministère de
tutelle du bénéficiaire des recettes. La FDJ, héritière de la Loterie nationale et pourvoyeuse de
recettes publiques, relève de la direction du Budget. Le PMU, financeur de la filière hippique
au titre de l’encouragement de la race chevaline, est sous double tutelle du Budget et de
l’Agriculture. Quant aux casinos, qui participent à l’animation locale et aux recettes des
communes, c’est le ministère de l’Intérieur qui assure leur contrôle.
Ces mêmes autorités sont depuis la loi de 2010 investies de la fonction de régulation
dont le concept mérite d’être précisé au regard de celui de réglementation.
De la réglementation à la régulation
La régulation
10
a pour objet de construire des équilibres et/ou de prévenir des risques. Le
besoin d’une régulation économique apparaît dans des situations soit de défaillance de marché, soit
d’ouverture à la concurrence ou encore lorsqu’il s’agit de gérer l’équilibre entre le principe de
concurrence et d’autres objectifs de politique publique.
La régulation est l'ensemble des outils, comprenant la réglementation mais aussi les décisions
individuelles, d’autorisations, d’agrément, de sanctions, de règlement des différends etc., qui
permettent, dans les secteurs visés, de construire et de maintenir des équilibres.
À côté de ces outils classiques la régulation utilise aussi des outils plus souples comme les
recommandations, les bonnes pratiques, la formation et diverses actions de communication ou de
sensibilisation. Dans le règlement des litiges, elle peut aussi faire appel à la médiation.
Les instances européennes incitent les États-membres, pour éviter les conflits d'intérêts, à
mettre en place des régulateurs indépendants, dès lors que des opérateurs publics demeurent sur le
marché.
Par rapport aux fonctions de la régulation, le secteur des jeux relève de deux types de
situations : l’ouverture partielle à la concurrence ainsi que la volonté politique de défendre des
objectifs d’intérêt général qui doivent être mis en balance avec le principe de concurrence.
Cet équilibre est toujours instable, et nécessite une veille permanente. L’action continue du
régulateur est la clé de l'efficacité de la régulation.
La loi doit être rédigée de telle sorte que le régulateur ne se substitue pas lui-même au
Gouvernement dans les choix de la politique à conduire pour le secteur. Le contrôle politique
par le Gouvernement et le Parlement doit permettre de s’assurer que les missions dont le
régulateur a la charge, notamment la vigilance sur le secteur, sont bien assurées.
Il n’est pas sûr que l’organisation de la régulation des jeux issue de la loi de 2010 puisse
répondre à ces impératifs, dans un secteur ayant connu depuis de profonds bouleversements
10
Le mot en français est attesté depuis 1460 mais c’est un faux-ami : le terme anglais
regulation
se traduit par
règlementation.
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18
résumés
11
ainsi qu’il suit à la suite d’un colloque consacré en octobre 2015 à la régulation des
jeux en France : « En cinq ans, le monde du jeu s’est profondément transformé :
l’environnement, le positionnement des acteurs, les évolutions technologiques, les enjeux
financiers et le rapport au jeu lui-même ne sont plus les mêmes. Parallèlement le besoin de
régulation se fait de plus en plus prégnant : la multiplication des supports, l’accoutumance des
plus jeunes par la pratique du jeu video, la prolifération des sites illégaux, la diversité de
l’offre de jeux dans l’univers numérique, le développement d’un marché mondial de la
manipulation des compétitions sportives, les risques de blanchiment sont autant de signaux
d’alerte qui confortent l’utilité sociale d’une régulation du secteur des jeux ».
La présente enquête vise, d’une part, à appréhender les objectifs, les moyens et les
résultats de la politique de régulation des jeux d’argent et de hasard, telle qu’elle résulte
principalement des dispositions du code de la sécurité intérieure et de la loi du 12 mai 2010 et
d’autre part, à analyser, dans un contexte profondément renouvelé par les évolutions de
l’internet et du numérique, les actions mises en place par les services ministériels, les autorités
et les opérateurs publics ou ayant reçu une mission de service public en vue d’atteindre les
objectifs fixés par le législateur. La Cour s’est inscrite dans le cadre actuel du principe général
de prohibition qui régit le secteur des jeux dont les différents segments constituent des
dérogations :
-
le chapitre I du présent rapport s’attache d’un côté, à présenter l’économie du secteur des
jeux en France et sa place dans le marché mondial, et de l’autre, à analyser dans quelle
mesure l’objectif du législateur d’assurer « un développement équilibré et équitable des
différents types de jeu afin d’éviter toute déstabilisation économique des filières
concernées », est atteint dans un secteur exposé à de fortes mutations économiques et
technologiques et à la pression de la Communauté européenne ;
-
le chapitre II examine le degré d’atteinte des objectifs de protection de la santé et de
l’ordre public fixés par le législateur pour limiter et encadrer l’offre et la consommation
des jeux et en contrôler l’exploitation, en analysant les résultats de la politique et des
actions de régulation selon les secteurs et les opérateurs ;
-
l’organisation de la gouvernance de la régulation aujourd’hui éclatée entre les différentes
tutelles et l’autorité de régulation des jeux en ligne est présentée dans le chapitre III, au
regard de l’émergence de nouveaux types de jeux en ligne en marge de l’offre régulée et
de la mondialisation du marché qui soulèvent de nouveaux défis et en soulignent le
caractère inadapté.
11
Charles Coppolani, président de l’ARJEL, dans l’éditorial de la lettre d’actualité juridique des ministères
économique et financier, novembre 2015.
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Chapitre I
Les jeux, une situation économique contrastée,
un équilibre du secteur exposé à des mutations
rapides
I -
Le secteur français des jeux : une économie fragile,
une fiscalité aux effets inégaux
Les jeux d’argent et de hasard sont, historiquement, un secteur au périmètre variable.
Trois caractéristiques leur sont toutefois généralement reconnues : l’existence d’une offre
ouverte au public, d’un sacrifice financier et l’espérance d’un gain plus ou moins lié au
hasard. Répondent à ces critères plusieurs catégories de jeux allant des loteries aux jeux de
tables en passant par les paris sportifs et sur des compétitions d’animaux
12
.
Le développement des nouvelles technologies a entraîné deux évolutions majeures pour
les jeux d’argent et de hasard, qui contribuent à la croissance du secteur comme à l’évolution
de la régulation :
-
le déploiement de nouveaux supports technologiques (en particulier téléphones portables,
Internet et machines électroniques) qui favorise l’émergence autant que l’accessibilité
permanente de nouvelles offres de jeux en ligne ;
-
la « gamification »
13
des jeux d’argent et de hasard, conséquence du développement et de
la popularité des jeux vidéo, qui incite les opérateurs à renouveler leur offre, en
s’appuyant sur ces nouveaux supports ludiques, pour en garantir l’attractivité. La
popularisation de nouvelles pratiques (en particulier le e-sport), qui offrent à certains jeux
d’argent et de hasard, et en particulier les paris, de nouvelles perspectives, en est la
conséquence directe.
12
cf. Annexe n° 3. Les grandes catégories de jeux d’argent et de hasard.
13
Ou ludification : application de la scénarisation à visée ludique des jeux vidéos à d’autres activités.
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20
A -
Le marché mondial des jeux : un secteur en croissance et en mutation
Le produit brut des jeux
14
(PBJ) mondial, qui a quasiment doublé au cours des dix
dernières années, a atteint 403 milliards d’euros en 2015, faisant des jeux d’argent et de
hasard la sixième industrie de loisirs. La croissance du secteur devrait se poursuivre, avec une
augmentation du PBJ mondial estimée à 11 % entre 2015 et 2018.
1 -
Des dynamiques mondiales contrastées
Au sein du marché mondial des jeux d’argent et de hasard, trois branches se distinguent,
qui représentent ensemble près de 90 % du marché : les casinos (37 %), la loterie (29 %) et les
VLT
15
(21 %). Le reste est partagé entre les paris (sportif et hippique : 12 %) et le poker en
ligne.
Graphique n° 1 :
répartition du marché mondial des jeux
Source : Le marché global des jeux d’argent en 2015 (FDJ)
Les jeux d’argent connaissent par ailleurs, à l’exception des VLT, une croissance
dynamique, estimée à plus de 10 % en moyenne entre 2015 et 2018. Si les jeux en ligne ne
représentent qu’un dixième du marché mondial (PBJ estimé à 39 Md€ en 2015), leur taux de
croissance est deux fois supérieur à celui des jeux en dur (27 % contre 12 % en 2015).
14
Le produit brut des jeux se définit comme la différence entre le montant des mises initiales (incluant les
sommes engagées par les joueurs et éventuellement les avances initiales – pour les casinos – et les bonus) et le
montant des gains reversés aux joueurs.
15
Video lottery terminals
: forme de machine à sous permettant de jouer de l’argent sur le résultat d’un jeu vidéo.
29%
37%
21%
6%
6% 1%
Répartition du marché mondial des jeux d'argent et de
hasard
Loterie
Casino
VLT
Pari sportif
Pari hippique
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LES JEUX, UNE SITUATION ÉCONOMIQUE CONTRASTÉE, UN ÉQUILIBRE DU SECTEUR EXPOSÉ À DES
MUTATIONS RAPIDES
21
2 -
Des secteurs d’activité et des règlementations diversement matures selon les
régions
Les trois principaux marchés de jeux d’argent et de hasard sont, en termes de PBJ,
l’Asie et le Moyen-Orient (31 %), l’Amérique du Nord (28 %) et l’Europe (27 %), qui
totalisent ainsi en 2015 près de 90 % du PBJ mondial.
Graphique n° 2 :
prévisions de PBJ entre 2015 et 2018
Source : FDJ – Le marché global des jeux d’argent, Etude 2015
L’Europe et l’Amérique du Nord, marchés considérés comme économiquement
matures, connaissent une croissance non négligeable (8 % prévus entre 2015 et 2018). Celle-
ci repose sur les fortes perspectives de développement offertes par les nouvelles technologies,
et l’existence d’une réglementation avancée qui permet de sécuriser l’accès au marché
16
.
Les champions nationaux français que sont la FDJ et le PMU se meuvent sur un marché
mondial où ils occupent aujourd’hui, dans leurs spécialités respectives, une place éminente.
La FDJ est la deuxième loterie en Europe derrière Lottomatica, la loterie italienne et la
quatrième mondiale. Les deux premières sont chinoises :
China Welfare Lotery et China
Sports Lottery
. Quant au PMU, il est le premier opérateur de paris hippiques mutuels en
Europe et le troisième au monde après le pari mutuel japonais et celui de Hong Kong. Ces
deux opérateurs nationaux sont aussi impliqués dans des partenariats internationaux de nature
technique ou commerciale qui les amènent à évoluer dans un marché où la domination
européenne est désormais concurrencée.
Moins matures, les marchés d’Asie, d’Afrique et d’Amérique Latine offrent des
perspectives de croissance supérieures avec un effet de rattrapage marqué pour les continents
latino-américain et africain.
16
L’Europe était ainsi considérée en 2012 non seulement comme le plus grand marché régulé de jeux en ligne,
mais aussi comme la région ayant la législation la plus avancée en la matière. Cf. XERFI,
« World Gambling
companies »
, février 2012.
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22
Cette dynamique est toutefois entravée par l’importance d’un marché « gris » - non
régulé -, voire illégal, du fait d’une régulation moins efficace qu’en Europe ou en Amérique
du Nord.
Au demeurant, si le marché illégal des jeux d’argent et de hasard en réseau physique a
quasiment disparu des marchés matures, au moins pour ce qui concerne les segments de
marché bénéficiant d’une offre légale, la lutte contre l’offre illégale et le marché gris s’avère
plus complexe en matière de jeux en ligne. Les possibilités de contournement de la régulation
sont en effet multiples, de même que les zones grises : en Europe par exemple, si la légalité de
certains types de paris varie d’un pays à un autre
17
, leur accès via internet est généralement
possible quel que soit le pays de connexion.
L’offre et la consommation de jeux d’argent et de hasard illégaux demeurent donc
importantes et par conséquent difficilement quantifiables.
Un secteur de plus en plus exigeant technologiquement et tendant à se concentrer
Le secteur des jeux d’argent et de hasard regroupe deux marchés complémentaires, selon
qu’il s’adresse aux consommateurs (B2C) ou aux professionnels (B2B) :
-
le segment B2B (plateformes, logiciels et moteurs de jeux) qui est dominé par un oligopole de
fournisseurs, notamment en raison de l’importance des investissements impliqués (6 acteurs
représentent 85 % du marché (IGT et Scientific Games dominent le segment de la loterie mais
sont également des acteurs majeurs du segment casino) ;
-
le segment B2C qui concentre une part prépondérante de la valeur reste majoritairement structuré
autour d’acteurs nationaux du fait de la spécificité des réglementations nationales en vigueur selon
les pays. Toutefois certaines loteries ont pu prendre des positions hors de leurs frontières,
notamment en s’appuyant sur des actionnaires fonds d’investissement (ex: Camelot au Royaume-
Uni).
L’évolution numérique des jeux d’argent et de hasard, qu’elle soit en ligne, sur mobile ou par
le développement de jeux électroniques de casinos, nécessite des investissements de plus en plus
importants notamment en termes de maîtrise de la sécurité numérique.
Les opérateurs de jeux tendent actuellement à se regrouper à la fois verticalement et
horizontalement. Les mouvements observés vont ainsi du regroupement à l’effort d’intégration de
l’ensemble de la chaine de valeur (B2B et B2C) des jeux , en passant par l’investissement dans les
secteurs connexes .
Les opérateurs nationaux ne peuvent rester à l’écart de ce mouvement auquel ils n’ont pas
jusqu’à présent pris une part significative.
17
Le « spread betting », qui consiste à parier sur un grand nombre d’actions avec, par conséquent, un haut niveau
de risque est légal au Royaume-Uni et régulé par la
Financial Conduct Authority
mais illégal en France.
Cependant des prises de position sur le Forex et les options binaires sont possibles sous la régulation de
l’Autorité des marchés financiers (AMF).
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LES JEUX, UNE SITUATION ÉCONOMIQUE CONTRASTÉE, UN ÉQUILIBRE DU SECTEUR EXPOSÉ À DES
MUTATIONS RAPIDES
23
B -
Un marché français dominé par les opérateurs historiques
Le chiffre d’affaires des opérateurs est stricto sensu constitué par le produit brut des
jeux (PBJ), c’est-à-dire par ce qui reste à l’opérateur après rétribution des joueurs. Cependant,
la direction du Budget considère que « le PBJ s’apparente à un élément de revenu des
opérateurs et non à son chiffre d’affaires » et les opérateurs placés sous sa tutelle (FDJ, PMU)
continuent de présenter les mises comme leur chiffre d'affaires. Le présent chapitre, qui est
fondé sur les sources transmises, utilise ces deux acceptions.
En 2015, le montant total des mises a atteint en France 44 Md€.
Tableau n° 1 :
part des opérateurs dans les mises et le produit brut des jeux (PBJ)
Note : Les montants du PBJ de la FdJ et du PMU (en ligne et en dur) n’intègrent pas les bonus versés aux joueurs. En
revanche, ces bonus sont comptabilisés par l’ARJEL dans le PBJ des opérateurs en ligne. Les mises dans les casinos ne sont
pas connues avec précision par les tutelles. Elles sont estimées 18 093 M€.
Source : ARJEL, DB
1 -
Les casinos et les cercles de jeu : un secteur en difficultés
Avec 201 établissements recensés début 2016 en métropole et outremer, le secteur
français des casinos est le plus important en Europe : il y représente, en effet, 38 % du total
européen de 529 casinos.
En France, ils sont répartis entre 17 groupes, auxquels s’ajoutent 32 casinos
indépendants. Le secteur des casinos est très concentré. Selon l’Insee
18
, 90 % des 194 sociétés
exerçant en France étaient sous le contrôle de groupes (contre 79 % en 2000). Les quatre plus
grands groupes (Barrière, Partouche, Tranchant et Joa) génèrent à eux seuls les trois quarts du
chiffre d’affaires et du PBJ des casinos, exploitant 58 % des casinos. Quatorze groupes de
18
INSEE, « Les jeux d’argent en France », Insee première n° 1493, avril 2014.
29%
20%
38%
13%
Mises
FDJ (en dur et en
ligne)
PMU (en dur et en
ligne)
Casinos
Opérateurs de jeux en
ligne (hors PMU et
FDJ)
48%
25%
22%
5%
PBJ
FDJ (en dur et en
ligne)
PMU (en dur et en
ligne)
Casinos
Opérateurs de jeux
en ligne (hors PMU
et
FDJ)
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24
dimension plus modeste représentent 15 % du PBJ et une vingtaine d'indépendants près de
10 %.
Avec l’ introduction progressive des machines à sous en 1988, celles-ci sont devenues
rapidement le moteur économique des casinos. En 2014, elles génèrent 89,2 % des recettes
contre 35,9 % en 1989 et portent ainsi l’essentiel de l'évolution du produit brut des jeux (PBJ)
qui est passé de 2,32 Md€ en 2011 à 2,18 Md€ en 2015.
Graphique n° 3 :
évolution et répartition du PBJ des casinos entre 1989 et 2014
(base 100 en 1989)
Source: ODJ – Rapport d'activité des casinos
Ce secteur connait un recul sensible de son activité après 2007, suivi d’une baisse lente
mais continue après 2009. Cette baisse de 22 % du PBJ entre 2007 et 2014 est liée, selon les
opérateurs du secteur, à la mise en place de l’interdiction de fumer dans les lieux publics,
ainsi qu’au renforcement des obligations et à l’ouverture à la concurrence des jeux de table,
notamment en ligne dont l’effet doit malgré tout être nuancé en raison de l’accès non contrôlé
à l’offre illégale avant 2010.
Une stabilisation progressive est observée entre 2011 et 2015 (- 6 %), cette dernière
année étant marquée par un retour à la croissance (2,3 %), lié à l’autorisation en 2014 et 2015
de nouvelles formes de jeux (Poker 3 cartes, roulette électronique, roue de la chance, etc.). En
outre, la possibilité de jeu de Bingo, jusqu’alors sous monopole de la FDJ, a été étendue aux
casinos en 2015. Les mises estimées ont également progressé de 14,5 Md€ en 2014 à près de
15 Md€ en 2015.
Concernant les cercles de jeux
19
, ils ne constituent plus qu’une part très marginale du
secteur des jeux d’argent et de hasard. À la suite des infractions ayant conduit à la fermeture
d’établissements de jeux, seuls deux cercles de jeux demeurent ouverts, à Paris et leur
suppression est régulièrement envisagée. Le projet de loi relatif au statut de Paris et à
l’aménagement métropolitain, présenté en Conseil des ministres le 3 août 2016 prévoit « une
habilitation à légiférer par ordonnance en matière de jeux d’argent et de hasard [qui]
19
Institués pour autoriser la pratique de jeux sans contrepartie dans un cadre restreint, les cercles de jeux
permettent essentiellement de pallier l’interdiction opposée par le législateur à l’ouverture de casinos dans un
rayon de 100 km autour de Paris.
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LES JEUX, UNE SITUATION ÉCONOMIQUE CONTRASTÉE, UN ÉQUILIBRE DU SECTEUR EXPOSÉ À DES
MUTATIONS RAPIDES
25
permettra notamment d’abroger le régime des cercles de jeux et d’expérimenter à Paris une
nouvelle catégorie d’établissements de jeux dont les règles de fonctionnement rendront plus
opérante la capacité d’action de l’État pour la lutte contre le blanchiment d’argent. »
2 -
Les opérateurs sous droits exclusifs : une situation contrastée
a)
La FDJ
La Française des jeux, société anonyme détenue à 72 % par l’État
20
, est opérateur de
jeux sous droits exclusifs pour les loteries, jeux de tirage et de grattage dans le réseau
physique ainsi que sur Internet. Elle est également opérateur de jeux sous droits exclusifs pour
les paris sportifs dans le réseau physique. Pour les paris sportifs sur Internet, elle opère par
contre dans le cadre concurrentiel sous le contrôle de l’ARJEL.
La FDJ a vu son chiffre d'affaires plus que doubler entre 1995 et 2014, passant de
5 Md€ à plus de 13 Md€ , soit une augmentation de 160 % sur la période. En termes de
répartition du chiffre d'affaires par activité de jeu, les paris sportifs représentent une part
grandissante de l’activité de la FDJ (15,2 % en 2014 contre 4,1 % en 2007). Les activités de
loterie restent toutefois le coeur de métier de cette entreprise (84,8 % des mises en 2014).
Graphique n° 4 :
évolution et répartition 1995-2014 des enjeux collectés par la FDJ
(en M€)
Sources : ODJ – Française des Jeux
Si les enjeux collectés par la FDJ sont en constante augmentation depuis 18 ans, on
constate en revanche une diminution régulière du nombre de joueurs (- 18 %) sur la période
1999-2014 (27 millions de joueurs en 2014). Les joueurs, s'ils deviennent moins nombreux,
misent en revanche des sommes plus élevées, démontrant une pratique plus intensive.
20
Les actionnaires détenant au moins 5 % du capital au 31 décembre 2015 sont l’Union des Blessés de la Face et
de la Tête (9,2 %) et le FCP salariés de la FDJ (5 %). Les autres actionnaires ont moins de 5 % du capital. Le
montant total des dividendes FDJ de l’année 2015 a été de 137 400 €, dont 98 928 € pour l’État.
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26
Graphique n° 5 :
évolution 1999-2014 des enjeux collectés par la FDJ
et du nombre de joueurs (base 100 en 1999)
Note : Dans ce tableau,, le chiffre d’affaires correspond en réalité aux enjeux collectés, et non au PBJ.
Source: ODJ – Française des Jeux
Enfin, la répartition des enjeux collectés par détaillants/canal multimédia affiche une
montée en puissance progressive du média internet dans les jeux d'argent et de hasard, passant
respectivement de 0,3 % en 2004 à 3,7 % en 2014 des mises: sur les 13 Md€ de mises,
12,5 Md€ ont été collectés au sein du réseau des détaillants.
Le principal bénéficiaire de l’activité de loterie, c’est le budget de l’État qui reçoit
chaque année des prélèvements assez stables sur cette activité, autour de 2,5 Md€.
b)
Le PMU et les sociétés des courses, opérateurs de paris hippiques
Par dérogation à l’interdiction des jeux d’argent, les sociétés de courses ont été
autorisées, par la loi du 2 juin 1891, à organiser des courses de chevaux et la prise de paris sur
celles-ci, à la condition que ces courses aient « pour but exclusif l’amélioration de la race
chevaline » (art. 2). Les 232 sociétés de courses, désormais constituées en associations de la
loi de 1901, ont donc l’exclusivité de l’organisation des courses hippiques en France. Parmi
ces sociétés de courses, deux sont agréées par le ministre chargé de l’agriculture en tant que
sociétés mères des courses de chevaux et sont notamment chargées de proposer le calendrier
des courses hippiques et de distribuer les « encouragements » (prix de courses, primes, etc.)
aux acteurs des courses : la Société d’encouragement à l’élevage du cheval français (SECF),
pour les courses de trot, et France galop, pour les courses au galop constituées des courses de
plat et d’obstacle.
Par la loi du 16 avril 1930, les sociétés de courses ont obtenu l’autorisation d’enregistrer
les paris à l’extérieur des hippodromes, exclusivement sous forme mutualiste. Elles ont alors
créé un service commun, le Pari Mutuel Urbain (PMU), qui est devenu en 1985 un
groupement d’intérêt économique. Le monopole des sociétés de courses sur la prise de paris
« en dur » s’exerce donc à travers plusieurs opérateurs, plus ou moins contrôlés par l’État :
-
le PMU dispose d’un monopole pour les paris « en dur » hors hippodromes (proposés
dans 12 800 points de vente, notamment dans les bars-tabac). Dès 2003, il a développé les
paris hippiques en ligne. Il dispose aujourd’hui de trois agréments délivrés par l’ARJEL
pour les paris hippiques en ligne, pour le poker en ligne et pour les paris sportifs en ligne ;
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MUTATIONS RAPIDES
27
-
les sociétés de courses pour les paris pris sur les hippodromes (qui ont confié cette
mission à un prestataire privé, la Compagnie du Pari mutuel) ;
-
jusqu’en 2015, la prise de paris sur les hippodromes parisiens (ainsi que Chantilly et
Deauville) était confiée au Pari Mutuel Hippodrome (PMH), groupement d’intérêt
économique constitué par les sociétés mères. Depuis la cessation d’activité du PMH le
16 septembre 2015
21
, la gestion des prises de paris sur ces hippodromes est assurée par le
PMU à l’exception de l’hippodrome de Deauville, pour lequel la gestion des paris a été
confiée à la Compagnie du Pari mutuel.
Des enjeux majoritairement pris par le PMU
Entre 1999 et 2014, les enjeux collectés par le PMU ont été multipliés par 1,9 pour
atteindre 9,98 Md€, dont 9,16 Md€ pour les paris hippiques. En dépit de l’ouverture à la
concurrence des paris hippiques en ligne, les paris hippiques restent très largement pris par le
PMU, notamment sur le réseau physique (7,4 Md€ en 2015). Le montant des enjeux collectés
par le PMU, qui avait fortement progressé depuis 1999, diminue depuis 2013. Le seul secteur
en croissance est celui des sommes engagées sur le réseau étranger via des opérateurs
partenaires du PMU (cf.
infra
).
Tableau n° 2 :
enjeux hippiques collectés par le PMU (en M€)
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
Off line (enjeux « en dur »)
8505
8464
8714
8516
8055
7588
7363
Dont hippodromes collecteurs (1)
26
23
21
19
17
17
16
Dont PCPH (2)
15
Sommes engagées sur le réseau
étranger
130
148
176
330
638
728
808
On line (enjeux « en ligne »)
667
730
875
972
943
843
821
Total
9302
9342
9765
9818
9636
9159
8992
(1) Il s’agit des enjeux pris sur hippodromes portant sur des courses ayant lieu sur un autre hippodrome
(2) Les enjeux offline intègrent, à compter du 16/09/2015, les enjeux pris sur les hippodromes parisiens relatifs aux courses
ayant lieu sur ces hippodromes (Enjeux PCPH), auparavant collectés par le PMH.
Source : PMU
La densification du calendrier des courses au cours de ces dernières années (plus de
16 500 courses proposées par le PMU en 2015 contre 4 878 en 1999) a été permise par
l’augmentation du nombre de courses proposées en France et la diffusion de courses
étrangères. Entre 2008 et 2015, les courses étrangères proposées au pari par le PMU ont été
multipliées par 20 et représentent désormais 22 % de l’ensemble des courses. Parallèlement,
le nombre de turfistes reste quant à lui quasi stable depuis 1999 avec un effectif de
21
La cessation d’activité du PMH a été motivée par son déficit d’exploitation récurrent et croissant, qui
atteignait 14,7 M€ en 2014, à la charge des sociétés mères. Une partie des personnels du PMH a été reprise par le
PMU dans le cadre de la définition d’un nouveau parcours client sur les hippodromes parisiens.
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28
6,5 millions de joueurs, qui est toutefois retombé à 6 millions depuis 2013
22
. À l’instar de la
FDJ, le risque d’une pratique plus intensive par un nombre de joueurs limité n’est pas à
écarter, même si le niveau du panier moyen de paris hippiques tend à baisser depuis 2010.
Graphique n° 6 :
évolution 1999-2014 des enjeux collectés par le PMU
et du nombre de joueurs (base 100 en 1999)
Note : Dans ce tableau,, le chiffre d’affaires correspond en réalité aux enjeux collectés, et non au PBJ.
Source: Rapport d'activité du PMU
La diminution des enjeux collectés sur hippodromes
Le montant des enjeux collectés sur les hippodromes est beaucoup plus modeste et
diminue depuis plusieurs années: 65 M€ ont été collectés par les sociétés mères et le GIE
PMH en 2014 et 53 M€ ont été collectés par les 230 sociétés de courses de province, dans le
cadre d’une concession attribuée à la Compagnie du pari mutuel, filiale du groupe Carrus.
3 -
Le jeu en ligne : une ouverture limitée, des opérateurs à la peine
Les opérateurs historiques s’étaient essayé au jeu en ligne avant son ouverture à la
concurrence : la FDJ en 2001 avec fdjeux.com (un jeu de grattage, un mini-jeu de plateau et le
jeu
C’est tout foot
) et le PMU en 2003 (paris hippiques en ligne).
L’offre de jeux en ligne en direction du public français s’était aussi développée en
dehors de toute règlementation avant la loi de 2010, du fait d’opérateurs le plus souvent
établis dans des territoires ayant des règlementations et une fiscalité favorables à ces activités
comme Malte, Gibraltar ou Aurigny
23
.
a)
Une progression contrastée des segments ouverts à la concurrence
Les perspectives tracées lors de la préparation de la loi de 2010 dessinaient un secteur
des jeux en ligne aux fortes perspectives de croissance. Or les mises de l’ensemble des jeux en
22
L’évolution du nombre de joueurs en ligne semble plus clairement orienté à la baisse. Entre 2011 et 2015, le
nombre de comptes joueurs actifs a diminué en moyenne de 1,4 % par an.
23
Annexe n° 4. Les opérateurs de jeux en ligne.
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MUTATIONS RAPIDES
29
ligne ouverts à la concurrence sont en baisse de 9,22 Md€ en 2011 à 7,96 Md€ en 2015. Cette
situation résulte d’une baisse de la fréquentation des sites de poker en ligne qui concentre
l’essentiel des mises (69 % en 2015), malgré la croissance de l’activité de tournoi, tandis que
l’activité de paris hippiques en ligne est en recul après le pic des années 2012-2013. Seuls les
paris sportifs connaissent une croissance ininterrompue depuis 2011 (+ 140 % sur la période),
laquelle est scandée par les grands événements sportifs comme la Coupe du Monde de
football, qui a réuni plus de 109 M€ de mises entre le 12 juin et le 13 juillet 2014 ou l’Euro de
football de 2016.
Bilan général des paris sportifs en France sur l’UEFA Euro 2016
L’UEFA EURO 2016, qui s’est déroulé du 10 juin au 10 juillet 2016, a généré, en France, un
total de 297 millions d’euros (M€) de mises dont 141,2 M€ sur les sites des 12 opérateurs agréés par
l’ARJEL et 155,8 M€ sur les paris à cotes dans les 25 000 points de vente « ParionsSport point de
vente » (presse, bar, tabac) de la FDJ.
Source : ARJEL
L’évolution du PBJ des opérateurs en ligne suit des tendances semblables, quoique plus
nuancées en raison d’un taux de retour aux joueurs (TRJ) très différent selon les activités
24
.
La hausse globale du PBJ des jeux en ligne est portée intégralement par les paris sportifs, le
PBJ des deux autres segments étant stable pour les paris hippiques et en baisse significative
pour le poker, du fait de son TRJ élevé .
Graphique n° 7 :
évolution et répartition (2011-2015) des mises et du PBJ des jeux
d’argent en ligne (en M€)
Source : Rapport d'activité ARJEL
Si les opérateurs alternatifs (et le PMU) ont très largement investi le segment des paris
sportifs en ligne (auparavant sous monopole de la FDJ), ils sont peu présents sur les paris
hippiques en ligne. Ces derniers restent très minoritaires au regard des paris hippiques
traditionnels et 80 % des enjeux hippiques en ligne (et du PBJ) restent collectés par le PMU.
24
Le TRJ moyen du poker en ligne est nettement plus élevé que pour les paris sportifs et hippiques en ligne. Il
s’élève à 95,8 % en 2015 contre 81,2 % pour les paris sportifs et 75 % pour les paris hippiques.
9,32
9,41
8,47
8,01
7,96
7,69
7,58
6,52
5,87
5,5
0,59
0,71
0,85
1,11
1,44
1,03
1,12
1,11
1,03
1,02
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
2011
2012
2013
2014
2015
Jeux en ligne
Poker
Paris sportifs
Paris hippiques
Mises
0,67
0,7
0,69
0,72
0,76
0,31
0,3
0,26
0,24
0,23
0,12
0,14
0,16
0,23
0,27
0,24
0,26
0,26
0,26
0,25
0
0,1
0,2
0,3
0,4
0,5
0,6
0,7
0,8
2011
2012
2013
2014
2015
Jeux en ligne
Poker
Paris sportifs
Paris hippiques
PBJ
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30
Les opérateurs de paris hippiques en ligne « alternatifs » considèrent que ce segment n’a été
véritablement ouvert à la concurrence qu’à la suite de la séparation des masses d’enjeu « en
dur » et en ligne par le PMU en décembre 2015.
b)
Des opérateurs alternatifs
25
encore fragiles
Après cinq années d'activité, ce nouveau marché ouvert par la loi du 12 mai 2010 a
connu un fort mouvement de concentration, tant en nombre d'opérateurs que d'agréments. Fin
2010, 35 sociétés se partageaient 48 licences. Cinq années plus tard, au 31 décembre 2015, 16
opérateurs étaient titulaires de 29 agréments.
Tableau n° 3 :
évolution et répartition 2010-2015 des agréments et opérateurs
Source : Rapport d'activité ARJEL
Depuis 2010, plus de la moitié des opérateurs agréés présents sur le marché ont cessé
leur activité.
Au terme de l’année 2014, l’activité des jeux d’argent et de hasard en ligne ouverte à la
concurrence, prise dans sa globalité (paris sportifs, paris hippiques et poker), était pour la
première fois depuis 2010 en situation d’équilibre d’exploitation (+ 5 M€). En 2015, le
résultat d’exploitation de l’ensemble du marché est redevenu négatif (- 4 M€). Les variations
des résultats d’exploitation entre 2014 et 2015 sont différentes selon les activités :
-
le pari sportif est la seule activité de jeux d’argent et de hasard en ligne continuellement
déficitaire en exploitation depuis l’ouverture du marché en 2010. Malgré la croissance
élevée du secteur en 2015 (+ 30 % de mises et + 19 % de produit brut des jeux), l’activité
enregistre de nouveau un résultat d’exploitation négatif (- 7 M€). Néanmoins, les pertes
enregistrées chaque année se réduisent continuellement (amélioration de près de 41 % du
résultat d’exploitation entre 2014 et 2015). Parmi les 11 opérateurs actifs en paris sportifs
au terme de l’année 2015, 5 sociétés parviennent à dégager un excédent d’exploitation sur
l’activité. Depuis l’ouverture du marché en juin 2010, le résultat d’exploitation cumulé
fait apparaître une perte d’exploitation qui s’élève désormais à près de 222 M€ ;
-
le pari hippique est la seule activité de jeux en ligne qui enregistre un excédent
d’exploitation (+ 10 M€). Le résultat d’exploitation du secteur est toutefois impacté par la
tendance baissière de l’activité. En effet, il recule de 30 % par rapport à 2014. 3 des
25
Encore désignés comme
pure players
ou opérateurs de jeux tout en ligne, par opposition aux historiques qui
continuent de proposer une offre en dur.
2010
2011
2012
2013
2014
2015
Paris sportifs
15
16
9
9
11
11
Paris hippiques
8
9
8
8
8
8
Poker
25
22
16
16
12
10
TOTAL
AGREMENTS
48
47
33
33
31
29
TOTAL
OPERATEURS
35
34
22
18
17
16
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31
8 opérateurs actifs en paris hippiques sont déficitaires en 2015 tandis que 2 opérateurs
déficitaires en 2014 sont en situation d’équilibre à fin 2015. Cumulé depuis 2010, le
marché des paris hippiques connaît une perte d’exploitation de l’ordre de 43 M€ ;
-
le poker était parvenu à atteindre l’équilibre d’exploitation (+ 2 M€) pour la première fois
depuis l’ouverture du secteur en 2014. En 2015, le résultat d’exploitation sur le secteur
redevient déficitaire de l’ordre de 7 M€, soit à un niveau similaire au résultat
d’exploitation en paris sportifs. Parmi les 9 opérateurs actifs en poker en 2015,
7 enregistrent un déficit d’exploitation sur l’année. La perte d’exploitation cumulée
depuis 2010 enregistrée par les opérateurs de poker, incluant les opérateurs actifs et ceux
ayant cessé leur activité, est désormais d’environ 206 M€.
Au final, depuis 2010, l’activité des jeux d’argent et de hasard ouverte à la concurrence
totalise une perte d’exploitation de l’ordre de 471 M€.
Des risques spécifiques aux jeux en ligne liés à l’internationalisation
En 2011, la justice américaine accuse le groupe Fulltilt Poker, ainsi que certains de ses
dirigeants, d’avoir violé la loi interdisant de proposer des jeux d’argent et de hasard en ligne et
d’avoir enfreint les règles relatives à la lutte contre la fraude et le blanchiment ; elle ordonne le
blocage des comptes des personnes mises en causes et prononce la confiscation des actifs de
plusieurs sociétés. L’Alderney Gambling Control Commission
26
, quant à elle, décide de suspendre
les agréments de plusieurs sociétés dont Rekop Ltd, déjà ébranlée par le blocage des comptes de son
propriétaire et la confiscation des actifs de certains de ses sous-traitants. Or, Rekop Ltd bénéficiant
d’un agrément ARJEL et faisant par conséquent partie de l’offre légale de poker en ligne en France,
cette décision entraîne l’inaccessibilité de 4 millions d’euros déposés par des joueurs français sur
leurs comptes. L’ARJEL parvint, par la suite, à sécuriser ces avoirs, lors de la reprise de Fulltilt
Poker par Pokerstars.
C -
Un secteur soumis à une fiscalité spécifique, aux effets inégaux
La Cour a pu constater de façon générale l’insuffisance de la documentation sur la
fiscalité des jeux qui n’a pu qu’être partiellement réduite dans le cadre de son enquête. Les
ministères n’ayant pu mettre à disposition de la Cour une description de la fiscalité des jeux
dans les pays comparables, celle-ci a réalisé un tableau de la fiscalité des jeux d’argent et de
hasard dans des pays voisins de la France (cf. annexe n° 9).
26
L’autorité de régulation des jeux en ligne d’Aurigny.
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32
1 -
La fiscalité des gains des joueurs : le cas particulier des joueurs professionnels
a)
La règle de principe
Les gains réalisés à l'occasion de jeux, même pratiqués de manière habituelle, ne
constituent pas, au sens de l'article 92 du CGI, une occupation lucrative ou une source de
profits devant donner lieu à imposition.
Ils entrent toutefois dans le patrimoine du gagnant et sont donc susceptibles d’entraîner
une taxation future au titre de l’impôt sur la fortune, de même que les revenus ultérieurement
générés en cas de placements financiers.
b)
La situation des joueurs « professionnels »
La problématique essentielle réside dans la qualification du gain selon son aléa. Sont
ainsi considérés comme imposables au titre de la catégorie des bénéfices non commerciaux
les gains réalisés par les joueurs professionnels dans des conditions permettant de supprimer
ou d’atténuer fortement l’aléa normalement inhérent aux jeux de hasard
27
.
Cette position, confirmée par la jurisprudence
28
, est en particulier applicable à la
pratique habituelle du jeu de poker, y compris en ligne, dès lors que le jeu de poker ne peut
être regardé comme un jeu de pur hasard et sous réserve qu’il soit exercé dans des conditions
assimilables à une activité professionnelle
29
. Les gains issus de la pratique habituelle du jeu de
poker sont donc imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux dès lors qu’un
tel jeu ne peut être regardé comme un jeu de pur hasard, eu égard à l'importance de la
stratégie et de l'habileté requises pour sa pratique et que cette activité est exercée dans des
conditions assimilables à une activité professionnelle
30
.
S'agissant de la territorialité de ces gains, ceux-ci ne sont imposables en France que si le
joueur y est fiscalement domicilié . Il résulte de cette situation que le risque potentiel est celui
d’un exil fiscal des joueurs professionnels, les gains n’étant que rarement taxés chez les autres
États-membre de l’Union
31
, risque dont l’évaluation reste toutefois à établir.
27
Doctrine administrative (BOI-BNC-CHAMP-10-30-40 n° 2012).
28
TA Clermont-Ferrand 21-10-2010 n° 09-640 et Rép. Filippetti : AN 15 novembre 2011 p. 12011 n° 110952
29
Cette position est également applicable aux joueurs de bridge professionnels et aux gains réalisés dans un
contexte exceptionnel, c'est-à-dire lorsque l'aléa normalement inhérent aux jeux de hasard peut être supprimé ou
à tout le moins fortement atténué par le parieur. Tel serait le cas notamment lorsqu'il est établi que le parieur a
pesé de façon frauduleuse sur l'issue d’une course hippique ou d’un évènement sportif.
30
Tel est le cas lorsque le contribuable n'exerce aucune autre activité professionnelle susceptible de lui procurer
des revenus, que de nombreux crédits figurant sur ses comptes bancaires personnels résultent de gains sur les
sites de poker et que son nom apparaît sur des sites internet consacrés à la pratique à un niveau élevé du jeu de
poker.
31
Les gains des joueurs ne sont pas imposables dans 16 pays de l’UE (Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie,
Danemark, Estonie, Finlande, Hongrie, Irlande, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Malte, République tchèque,
Royaume-Uni, Slovaquie), ne le sont que si l’opérateur de jeu est basé hors UE/CEE pour la Suède et selon des
régimes divers (imposition pour l’ensemble des jeux ou seulement une partie d’entre eux, au-delà d’un seuil ou
selon un barème de gains, éventuellement après déduction des pertes, avec un taux unique ou différencié selon
des types de jeux, etc.) pour les autres pays.
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MUTATIONS RAPIDES
33
2 -
La fiscalité des opérateurs : une hétérogénéité sans fondement documenté,
un rééquilibrage qui préserve le rendement
La fiscalité appliquée au secteur des jeux ne fait pas l’objet d’une approche globale de
la part de l’administration. La Cour s’est efforcée d’établir une documentation la plus
exhaustive possible (cf annexe n° 7), en dépit du caractère disparate des prélèvements sur le
secteur auquel s’ajoute le traitement spécifique des monopoles sous contrôle de l’État.
a)
Une hétérogénéité sans fondement explicite
Le secteur des jeux d’argent fait l’objet d’une fiscalité particulière
32
. En sus des
prélèvements fiscaux et sociaux de droit commun appliqués aux opérateurs de jeux (impôt sur
les sociétés (IS), TVA, etc.), à l’exception notable du PMU en ce qui concerne l’IS (cf.
infra
),
les jeux d’argent font l’objet d’une fiscalité propre, pour l’essentiel assise sur les mises, à
l’exception des casinos terrestres, dont la fiscalité est assise sur le produit brut des jeux.
Par ailleurs, le calcul de la TVA est également hétérogène pour chaque catégorie de jeu
d’argent : les casinos, cercles et maisons de jeux sont exonérés de TVA, tandis que la TVA
des paris sportifs et des jeux de cercle en ligne est assise sur le produit net des jeux, diminué
des bonus accordés aux joueurs par les opérateurs
33
.
Au total, en intégrant les prélèvements de droit commun, le poids des prélèvements
fiscaux et sociaux atteignait 5,4 Md€ en 2015 . Rapportés aux mises ou au PBJ, ces
prélèvements varient fortement entre les opérateurs, comme le montre le tableau suivant.
Tableau n° 4 :
part des opérateurs dans les mises, le PBJ et les prélèvements sociaux
et fiscaux en 2015 (en M€)
Opérateur
Mises
PBJ
(1)
Total des
prélèvements fiscaux
et sociaux (2)
Prélèvements
rapportés
aux mises
Prélèvements
rapportés au
PBJ
FDJ (en dur et en ligne)
13705
4656
3150
23 %
68 %
PMU (en dur et en ligne)
9797
2413
926
9 %
38 %
Casinos
(3)
2114
1164 (4)
-
55 % (4)
Opérateurs de jeux en
ligne (hors PMU et FDJ)
6 211
463
194 (5)
3 %
42 % (5)
Total
NC
9646
5434
NC
56 %
(1) Les montants du PBJ de la FdJ et du PMU (en ligne et en dur) n’intègrent pas les bonus versés aux joueurs. En revanche,
ces bonus sont comptabilisés par l’ARJEL dans le PBJ des opérateurs en ligne.
(2) Y compris TVA et IS. Pour mémoire, le PMU ne paie pas l’IS. Les casinos ne paient pas la TVA.
(3) Non connu avec précision par les tutelles. Estimation des mises des casinos : 18 093 M€.
(4) Hors IS : le montant de l’IS acquittés par les casinos n’est pas connu des tutelles.
(5) Hors IS et TVA : le montant de l’IS et de la TVA acquittés par les opérateurs de jeux en ligne n’est pas connu des tutelles.
Source : ARJEL, DB
32
Voir la présentation détaillée du dispositif fiscal des jeux d’argent et de hasard en annexe n° 7.
33
BOI-TVA-CHAMP-30-10-10-20150304.
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34
En ce qui concerne les prélèvements fiscaux et sociaux appliqués spécifiquement aux
jeux d’argent et de hasard, le dispositif a été largement refondu et simplifié avec la loi
n° 2010-476 du 12 mai 2010 (articles 46 à 55 pour les dispositions fiscales).
Pour autant, le dispositif reste hétérogène, la taxation des jeux d’argent reposant sur des
types de prélèvements différents et l’application d’assiettes et de taux spécifiques pour chaque
catégorie de jeux d’argent, sans que la justification des particularités soit documentée, comme
le reconnaît elle-même la réponse ministérielle.
Tableau n° 5 :
régime et répartition en 2015 des prélèvements fiscaux
et sociaux sur les jeux d’argent et de hasard (en % de l’assiette retenue)
Casinos
Cercles et
maisons
de jeux
Jeux de
cercle
en ligne
Paris
sportifs en
dur et en
ligne
Paris
hippiques
en dur et
en ligne
Paris
hippiques
engagés
depuis
l’étranger
(PMU)
Jeux de
tirage et de
grattage
(FDJ)
Assiette
PBJ (1)
Mises
Mises
Mises
Mises
Commission
Mises
État et
collectivités
territoriales
Barème +
prélèvement
communal
(2)
Barème
1,8 %
5,7 % + solde
des mises,
pour les paris
en dur
5,3 %
12 %
Solde des
mises
Dont :
collectivités
territoriales
Prélèvement
communal
+ 10 % du
barème
Barème
15 % (3)
-
15 % (3)
-
-
Dont État
(affectation
au CNDS)
-
-
-
1,8 % (5)
-
-
2,1% (6)
Dont État
(budget
général)
90 % du
barème
-
1,8 %
5,7 % + solde
des mises
FDJ, moins
CNDS
5,3 %
moins
colloc
12 %
Solde des
mises moins
CNDS
Sécurité
sociale
environ
9,5 % (4)
-
0,2 %
1,8 %
1,8 %
-
~2,5 % (7)
Dont INPES
-
-
5 % (dans la limite de 5 M€)
-
-
Filière
hippique
6,1 % (jeux
en ligne)
Total
(np)
(np)
2 %
9,3 %
7,1 %
(en dur) /
13,2 %
(en ligne)
(np)
24,3 % (8)
(1) Assiette 100 % du PBJ des jeux de table (moins décote de 6,5 %) et 85 % du PBJ des machines à sous
(2) Prélèvement communal : taux défini entre la commune et le casino, par contrat de délégation, plafonné à 15% du PBJ
(3) Communes d’implantation (hippodrome ou casino selon la taxe), dans la limite de 10 M€
(4)Taux de CSG de 9,5 % appliqué à 68 % du PBJ des jeux automatiques + CRDS de 3 % assise sur 85 % du PBJ des
machines à sous et 100% du PBJ des jeux de table
(5) CNDS, 1,8 % dans la limite de 34,6 M€
(6) CNDS, 1,8 % dans la limite de 170,5 M€ + 0,3 % dans la limite de 24 M€ (porté à 27,6 M€ en 2016)
(7) CRDS 6,9 % sur une fraction de 25,5 % des mises + CSG 3 % assise sur 25,5 % des mises
(8) Leaux moyen sur la période 2011-2015 s’établit à 22,3 %
Source : Cour des comptes
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LES JEUX, UNE SITUATION ÉCONOMIQUE CONTRASTÉE, UN ÉQUILIBRE DU SECTEUR EXPOSÉ À DES
MUTATIONS RAPIDES
35
b)
Un rendement assez stable mais un rééquilibrage entre segments de jeux
et bénéficiaires
Des aménagements favorables aux casinos
34
et à la filière hippique
À l’occasion de l’ouverture à la concurrence des paris en ligne, la pression fiscale a été
ponctuellement et progressivement allégée ou aménagée au profit des opérateurs de paris
sportifs et hippiques ainsi que des casinos (suppression des prélèvements fixes sur les produits
bruts réels des jeux de tables et des machines à sous; refonte du barème progressif; mise en
place d’une décote sur l’assiette du prélèvement progressif des jeux de tables afin de tenir
compte des coûts salariaux associés, etc.).
Les paris mutuels « en dur », opérés en droits exclusifs par le PMU, et les paris
hippiques en ligne, ouverts à la concurrence, font l’objet d’un prélèvement fiscal assis sur les
mises au taux de 4,6 % relevé à 5,3 % en 2014, sans toutefois retrouver le taux de 5,7 %
appliqué sur les paris mutuels « en dur » antérieurement à la loi de 2010
35
(cf.
infra
).
Un montant global de prélèvements stable en apparence
L’évolution du rendement reflète une évolution économique de l’activité des jeux
d’argent différenciée selon les segments et des compromis entre préservation des recettes
publiques et souci de l’équilibre économique du secteur.
34
Les casinos avaient par ailleurs déjà bénéficié d’une révision rétroactive du barème progressif de prélèvement
en 2009 (décret du 26 août 2009), mesure d’allègement fiscal estimée à 40 M€.
35
Cette hausse mesurée résulte d’un arbitrage visant à compenser la hausse de la TVA sur les chevaux de course
et de loisir. Cette hausse était consécutive à la condamnation de la France par la CJUE le 8 mars 2012 au motif
qu’était appliqué un taux réduit de TVA (5,5 % puis 7% à compter de 2012) à certains opérations concernant les
chevaux et un taux réduit de 2,10 % aux ventes d’équidés, notammet de chevaux de grande valeur, à des
personnes non asujetties à cette taxe.
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36
Tableau n° 6 :
évolution 2011-2015 du montant des prélèvements
(hors IS et TVA) par segment de jeux (en €)
2011
2012
2013
2014
2015
Evolution
2011-2015
Casinos
1 277 767 944
1 236 696 011
1 178 126 550
1 139 122 243
1 164 434 421
- 8,87 %
Cercles et maisons
de jeux
11 816 778
12 313 760
7 267 670
4 815 100
2 612 909
- 77,89 %
Paris hippiques
635 177 671
615 044 937
612 192 141
625 056 677
616 040 979
- 3,01 %
Taxe affectée sur les
paris hippiques en
ligne
94 225 354
88 082 507
88 488 670
67 304 292
61 490 227
- 34,74 %
Paris sportifs
147 980 238
187 954 082
221 843 148
268 545 735
322 739 633
118,10 %
FDJ loterie
2 553 365 938
2 485 003 336
2 378 967 692
2 554 227 070
2 559 930 912
0,26 %
Jeux de cercle en
ligne
105 293 897
96 055 620
91 019 926
79 895 700
71 794 584
- 31,82 %
Total
4 825 627 820
4 721 150 253
4 477 907 797
4 738 966 817
4 799 043 665
- 0,55 %
Évolution du CA des
jeux d’argent
46 400 000 000
45 400 000 000
44 200 000 000
43 700 000 000
44 769 000 000
- 3,52 %
Note : Les paris hippiques en dur et en ligne et les paris sportifs en dur et en ligne, relevant des mêmes taux et assiette, sont
agrégés sur des lignes uniques
Source : DB (retraitement Cour des comptes)
Le rendement global des prélèvements sur les jeux d’argent a connu une réduction
légère de - 0,55 % sur la période 2011-2015, très inférieure à la contraction du chiffre
d’affaires global des jeux (- 3,6 %). Cette évolution ne traduit toutefois pas un alourdissement
des prélèvements mais provient d’un rééquilibrage de l’activité au profit de secteurs de jeux
faisant l’objet de taux de taxation plus importants. Ainsi, le développement des paris sportifs
(+ 118,10 %) a mécaniquement contribué à accroître les prélèvements tandis que les
prélèvements sur les jeux de loterie sous droits exclusifs de la FDJ, qui font de loin l’objet des
prélèvements les plus lourds, demeuraient stables (+ 0,26 %).
Cette hausse est toutefois moins prononcée , avec même un creux observé sur la période
2012-2013, que celle du chiffre d’affaire de la FDJ (10,9 %) sur la même période. Ce
déséquilibre résulte de la déformation du mix-produit de la FDJ en faveur des jeux à forts taux
de retour aux joueurs (TRJ) comme le grattage et taux de prélèvement moindre.
Ce rééquilibrage a ainsi contribué à masquer des évolutions plus tranchées, sur la
période 2011-2015 par segment de jeux , notamment la réduction du montant des
prélèvements pour les casinos (- 8,87 %) et pour les paris hippiques (- 3,01 %) ainsi que sur
les cercles et maisons de jeu, conséquence logique des fermetures successives de cercles de
jeux.
Des effets inégaux sur la répartition des prélèvements entre bénéficiaires
La fiscalité des jeux d’argent et de hasard revêt une sensibilité particulière dans la
mesure où elle bénéficie aussi, hors l’État et les organismes de sécurité sociale, aux
collectivités locales. Par ailleurs, le produit de cette fiscalité est pour partie affecté au
financement de politiques publiques. Ce volet revêt également une forte sensibilité dans la
mesure où il bénéficie très largement aux filières équines et sportives.
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MUTATIONS RAPIDES
37
Tableau n° 7 :
évolution 2011-2015 de la répartition des prélèvements entre
bénéficiaires (en €)
Source : DB (retraitement Cour des comptes)
La baisse du montant des prélèvements sur le secteur des jeux d’argent n’a pas été
également supportée par les différents bénéficiaires. La perte pour l’État (- 1,79 %) est due
pour l’essentiel aux évolutions de la fiscalité sur les paris hippiques (cf. p. 49).
Les collectivités locales subissent un manque à gagner budgétaire de près de 20,6 M€,
du fait de la baisse du chiffre d’affaires des casinos et des cercles de jeux, entraînant une
baisse mécanique des prélèvements locaux directs, même si l’État n’a pas reporté à due
proportion sur elles les effets de cette baisse d’activité.
Les bénéficiaires ont été la filière équine (cf. p. 49) ainsi que la filière sportive, du fait
de la hausse des prélèvements sur la FDJ au profit du centre national de développement du
sport (CNDS) majorés pour financer l’organisation de l’Euro 2016.
3 -
Une fiscalité des opérateurs souvent moins lourde à l’étranger
Les fiscalités dans les autres États européens sont le plus souvent moins complexes et
moins élevées qu’en France.
a)
Une fiscalité hétérogène sur le réseau en dur
En Europe, la fiscalité du réseau en dur est caractérisée par sa grande hétérogénéité
(voir annexe n° 7). La France se distingue toutefois par l’ampleur des taux appliqués à
l’assiette choisie, supérieurs à la majorité des autres États européens, ainsi que, pour les
casinos, par la complexité de son système.
Des loteries au type de prélèvement spécifique à chaque État
Avec en moyenne 22,3 % de prélèvement sur les mises entre 2011 et 2015, la fiscalité
française est la plus lourde d’Europe, devant l’Allemagne (20 % des mises « moins les
impôts ») et l’Autriche (18 % des mises); par comparaison, le Royaume-Uni qui taxe aussi les
mises en prélève 12 %.
La diversité de la fiscalité sur les loteries porte tant sur l’assiette que sur les taux.
Certains États, comme la Suède, la Norvège, la Roumanie, l’Espagne ou le Luxembourg,
imposent que tout ou partie des bénéfices soit reversé à des oeuvres caritatives. D’autres
en %
en valeur
Etat
3 587 787 395
3 476 794 072
3 353 034 975
3 466 066 505
3 523 493 881
-1,79%
-64 293 514
Collectivités locales
291 141 971
282 437 519
269 705 217
262 975 972
270 559 409
-7,07%
-20 582 562
Sécurité sociale
699 583 621
707 677 412
698 721 456
696 912 913
718 564 148
2,71%
18 980 526
Autres (INPES,
CNDS, filière
hippique, etc.)
247 114 835
254 241 250
256 446 149
313 011 428
286 426 227
15,91%
39 311 392
Total
4 825 627 822
4 721 150 253
4 577 907 797
4 738 966 818
4 799 043 665
-0,55%
-26 584 158
2015
Evolution 2011-2015
2011
2012
2013
2014
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38
prélèvent un pourcentage du prix des billets (comme les trois États baltes) ou du PBJ
( la Finlande et la Grèce
36
).
Des casinos généralement taxés sur le PBJ
Les casinos du réseau physique sont, dans la grande majorité des pays européens,
comme en France, taxés sur leur PBJ. Le système de prélèvements français se distingue
toutefois par sa complexité, avec une taxation par PBJ selon le jeu mais aussi selon la
localisation du casino, et des décotes, ce qui rend difficile l’estimation du taux de taxation du
PBJ. Par comparaison, la fiscalité pour les casinos dans les autres États consiste généralement
en un pourcentage du PBJ concernant le casino dans son ensemble.
Des paris en dur moins taxés qu’en France
Certains États ont opté comme la France pour une assiette sur les mises. Toutefois ils
pratiquent des taux plus bas : la France prélève 9,3 % des mises sur les paris sportifs, contre
1 % en Irlande, 5 % en Allemagne et entre 2 et 8 % en Italie ; quant aux paris hippiques, la
France prélève 7,1 % des mises, contre 1 % en Slovaquie, 2,5 en Pologne, 5 % en Allemagne
et 6,28 % en Italie, l’Irlande ne prélevant aucune part, si les paris sont pris sur les champs de
course.
D’autres États taxent sur le PBJ et appliquent à cette assiette des taux respectifs de 15 %
en Belgique, 20 à 30 % au Danemark, 12 % en Finlande et 0,5 % en Suisse.
36
En Grèce, à la fiscalité sur le PBJ, s’ajoute une taxation additionnelle de 10 % applicable sur les gains des
joueurs et retenue à la source.
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MUTATIONS RAPIDES
39
b)
Des jeux en ligne généralement taxés sur le PBJ et plus modérément qu’en France
Tableau n° 8 :
quelques exemples de fiscalité des jeux en ligne en Europe
Pays
Ouverture
Fiscalité
Statut
Périmètre
Assiette
Taux
France
Ouvert (2010)
PH, PS, PO
Mises
PS : 9 %
PH : 13,2 %
PO : 2 %
Italie
Ouvert (2008)
Tous types de jeux sauf
évènements aléatoires
PBJ
22 %
Espagne
Ouvert (2012)
PH, PS, tombola,
concours, combinaions
aléatoires
PBJ (sauf
paris mutuels)
PS : 22 %
PH : 15 %
Tombolas et concours : 20 %
Combinaisons : 15 %
Allemagne
Ouvert dans certains
Länders (2011)
PH, PS, Jeux de casinos
PBJ
20 %
Grande -Bretagne
Ouvert (2007)
Tous types de jeux
PBJ
15 %
Belgique
Ouvert partiellement
(2011)
Jeux en ligne réservés
aux opérateurs physiques
PBJ
11 %
Danemark
Monopole en voie
de privatisation
Tous types de jeux
PBJ
20 %
Grèce
Ouvert (2011)
PH, PS, Jeux de casinos
Mises
6 %
Pays-Bas
Monopole en voie
de privatisation
PH, PS, Jeux de casinos
ND
ND
Roumanie
Monopole en voie
de privatisation
PS, PO, Jeux de casinos,
Bingo
PBJ
PS : 5 %
Bingo : 20 %
Casino : 1,5 %
Pologne
Ouvert (2011)
PS, PH, autres
Mises
ND
Source : ARJEL
Les comparaisons européennes mettent en évidence une singularité certaine de la
France, tant dans le choix d’une assiette sur les mises que sur les taux d’imposition.
S’agissant des jeux en ligne largement ouverts à la concurrence, cette singularité peut s’avérer
pénalisante tant en matière de rendement que de protection du consommateur et de l’ordre
public.
4 -
Un régime fiscal à évaluer
L'ouverture à la concurrence de jeux en ligne s’est accompagnée d’une réflexion sur un
changement d'assiette fiscale afin de substituer le PBJ aux mises, compte tenu de l’exposition
à la concurrence de ce secteur et de sa fragilité économique. Selon la direction du budget, « la
taxation du PBJ a été résolument écartée lors de l’ouverture à la concurrence, en raison des
risques d’accroissement trop fort du TRJ (et donc corrélativement de développement du jeu
pathologique, sauf à fixer administrativement le niveau du TRJ, solution inopportune car
supprimant la concurrence par les prix entre opérateurs)». Le rapport de l’Inspection générale
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40
des Finances
37
qui a préparé la loi de 2010 avait en effet penché pour une taxation sur les
mises, dans un contexte où il proposait par ailleurs une unification de la fiscalité en dur et en
ligne et la création d’une autorité de régulation unique. Les données de marché étaient à
l’époque très hypothétiques et la préférence finalement donnée à la taxation sur les mises était
clairement fondée sur une prudence par rapport au risque de pertes de recettes.
Les inconvénients imputés à une taxation sur le PBJ par la direction du Budget n’ont pu
être évités alors même que cette assiette avait été écartée : alors qu’elle craignait une
insuffisance de concurrence par les prix entre opérateurs, la DB explique aujourd’hui les
difficultés du secteur en ligne par une guerre des prix ; quant à la fixation administrative du
TRJ, elle est en grande partie à l’oeuvre puisque, mis à part le poker, les autres jeux en ligne
en concurrence sont soumis à un plafond de TRJ fixé par décret.
Les acteurs du secteur des jeux en ligne soulignent les inconvénients d’une assiette sur
les mises :
-
en assimilant trop strictement les mises à un chiffre d’affaires, ce choix d’assiette conduit,
dans certaines configurations, à l’imposition des pertes des opérateurs ;
-
cette assise très large avec des taux d’apparence modeste favorise un régime fiscal élevé,
en particulier comparativement à ceux pratiqués dans les pays proches. Alors que nombre
de pays européens fiscalisent les jeux d’argent en ligne à hauteur de 20 % du PBJ , le taux
de prélèvement, rapporté au PBJ des opérateurs, se situe en France à 42 %
(cf. tableau n° 1). Un éventuel changement d’assiette fait craindre à l’administration un
effet négatif sur les recettes publiques, dans la mesure où elle ne s’accompagnerait pas
d’un relèvement suffisamment compensatoire des taux de taxation ;
-
la pérennité économique du secteur des jeux en ligne est encore incertaine, puisque,
comme indiqué ci-dessus, depuis 2010, plus de la moitié des opérateurs agréés présents
sur le marché ont cessé leur activité. L’ARJEL souligne notamment qu’entre 2010 et
2014, les opérateurs en ligne ont supporté 467 M€ de pertes d’exploitation tout en versant
1,424 Md€ de prélèvements obligatoires (hors IS et TVA).
Cependant certaines sources de complexité ont été mises en avant en cas de
modification du régime fiscal :
-
le risque de distorsion fiscale entre opérateurs selon qu’ils sont basés en France ou à
l’étranger impliquerait de modifier les conventions fiscales concernées, ce qui paraît
néanmoins possible, eu égard au faible nombre d'États abritant des opérateurs agréés en
France ;
-
l’assiette de taxation, qui serait désormais dépendante de la politique de l’opérateur de
jeux en matière de TRJ, pourrait devenir plus instable. Il conviendrait pour y pallier soit
de renforcer le contrôle des éléments (bonus et autres) susceptibles de rentrer dans le
cadre du TRJ soit d’exercer une régulation plus stricte de son niveau : c’est bien ce à quoi
la politique de jeu responsable invite ;
37
Rapport de la mission sur l’ouverture du marché des jeux d’argent et de hasard confiée à Bruno
Durieux, Inspecteur général des Finances, mars 2008.
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MUTATIONS RAPIDES
41
-
dans l’éventualité où seule l’assiette de prélèvement des jeux en ligne ferait l’objet d’une
révision, le risque de distorsions entre opérateurs en dur et en ligne devrait être levé. Le
risque porte notamment sur les paris sportifs dont la situation devrait être étudiée en
parallèle avec la prise de paris en ligne.
Le maintien du régime fiscal actuel n’est certes qu’un des éléments explicatifs de la
situation économique délicate des opérateurs en ligne. Il pèse cependant sur leur capacité à
proposer une offre de jeu attractive et économiquement viable. Dans ce cadre, les risques sont
grands d’assister à un report, d’ores et déjà constaté par l’ARJEL pour l’activité de poker en
ligne, des joueurs les plus actifs et pratiquant les plus fortes mises, au mieux vers une offre de
jeu européenne concurrente et au pire vers l’offre de jeux clandestine non régulée.
Le
statu quo
irait ainsi non seulement à l’encontre de l’objectif majeur de réduction de
l’offre illégale inscrit dans la loi de 2010 mais se traduirait également de fait par une
contraction de la base taxable, du fait de l’évasion des joueurs hors du marché français régulé
et taxé.
Au demeurant, l’utilisation de la technologie dite des « chaînes de blocs », ou
« blockchains », c’est-à-dire des registres de données et de programmes immuables, telle que
celle du
Bitcoin
ou
d’Ethereum
pourrait, à terme, menacer l’assiette fiscale même des jeux en
ligne. Ces dispositifs, fondés sur la mise en relation directe des joueurs sans intermédiaire,
laisserait l’autorité fiscale face à un segment d’activité totalement atomisé, rendant complexe
sinon coûteuse l’organisation des prélèvements. Une évaluation de ces risques, par
l’administration fiscale, et des évolutions possibles afin d’y répondre est aujourd’hui
nécessaire.
Plus généralement, il conviendrait d’effectuer une étude globale de l’impact de la
fiscalité des jeux tant sur l’équilibre et la viabilité de l’offre légale de jeux d’argent que sur les
comportements des joueurs. Dans ce cadre, comme l’évolution du marché des jeux en ligne
depuis 2010 ainsi que l’expérience des pays comparables pourraient d’ores et déjà inciter à
adapter le dispositif fiscal applicable aux jeux en ligne en optant pour une assiette sur le
produit brut des jeux (PBJ) de préférence aux mises, il serait utile d’en vérifier le bien fondé.
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42
II -
Un équilibre du secteur confronté à de nouveaux risques
La loi de 2010 fixe un objectif de développement équilibré et équitable des différents
types de jeu afin d’éviter toute déstabilisation économique des filières concernées.
La notion de développement équilibré : une appréciation d’ensemble indispensable
Afin d’apprécier la réalisation de l’objectif de développement équilibré et équitable des
différents types de jeu, la direction du budget se réfère à plusieurs indicateurs: la part de marché
(comparaison des mises et PBJ) ; le nombre de points de vente dans le réseau physique ; le nombre
d’agréments délivrés par l’ARJEL ; le TRJ des opérateurs notamment afin de limiter l’écart de TRJ
entre les opérateurs proposant des paris dans le réseau ; le nombre de joueurs.
À propos des parts de marché, elle fait remarquer que, au plan européen, la France est le pays
qui respecte le mieux l’équilibre des filières (voir annexe n° 3- graphique n° 1). En France, le PBJ
des jeux d’argent se répartit comme suit en 2013: 579 M€ pour les paris sportifs; 2 522 M€ pour les
paris hippiques ; 2 436 M€ pour les casinos et 3 852 M€ pour les loteries.
Ce mode d’appréciation est partiel.
Il ne s’applique qu’aux types de jeux déjà autorisés et néglige le développement possible de
nouveaux types de jeux éventuellement hors régulation et qui peut être de nature à déséquilibrer
davantage certains segments que d’autres.
Quant aux filières, l’objectif d’éviter leur déstabilisation ne se limite pas aux catégories de
paris ou de jeux mais vise surtout les opérateurs économiques.
La notion d’équilibre doit s’apprécier à plusieurs niveaux : celui du marché des paris
lui-même mais aussi celui des bénéficiaires de l’activité de jeu. Historiquement le lien était
étroit entre chaque segment du marché des jeux et une catégorie de bénéficiaires. Les intérêts
ne sont plus aujourd’hui systématiquement convergents.
A -
Les principaux intérêts en jeu
1 -
Les casinos : l’animation et le financement des communes touristiques
La loi du 15 juin 1907 a autorisé l’ouverture de casinos dans les seules stations
balnéaires, thermales et climatiques. L’objectif était économique : il s’agissait de compenser
les charges de villes devant accueillir des touristes et curistes et d’éviter de mettre en
difficulté les communes ayant contracté des emprunts garantis sur le produit des jeux.
Ce périmètre a été élargi, par la loi du 9 janvier 1988
38
, aux « villes ou stations classées
touristiques constituant la ville principale d’une agglomération de plus de 500 000 habitants ».
Elles peuvent voir s’ouvrir un casino, à condition, toutefois, qu’elles participent pour plus de
40 % au fonctionnement d’un centre dramatique national, ou d’une scène nationale, d’un
38
Loi n° 88-131. Cette disposition est connue comme « amendement Chaban ».
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LES JEUX, UNE SITUATION ÉCONOMIQUE CONTRASTÉE, UN ÉQUILIBRE DU SECTEUR EXPOSÉ À DES
MUTATIONS RAPIDES
43
orchestre national ou d’un opéra présentant en saison une activité régulière d’au moins 20
représentations lyriques.
Le nombre d’emplois dans les casinos a diminué de 8,11 % entre 2009 et 2014, pour
s’établir à près de 18 000 en 2015, soit 1,4 % dans l’emploi pour le tourisme.
Les difficultés récurrentes des casinos ne sont pas sans impact sur les collectivités
locales
d’implantation
dont
elles
constituent
souvent
un
élément
important
de
l’animationtouristique et de l’activité économique.
2 -
Le PMU : le financement de la filière hippique
Selon la profession, près de 180 000 personnes auraient une activité en lien avec la
filière cheval dont 57 000 à titre principal. Toutefois, ces chiffres agrègent des secteurs
économiques très différents: activités équestres, élevage de chevaux de trait, boucherie
chevaline, courses hippiques, spectacles équestres… D’après les estimations du ministère de
l’agriculture, environ 30 000 personnes travailleraient, à titre principal ou secondaire, dans le
secteur des courses : 2 699 entraineurs employant 3 948 salariés, 15 063 personnes pour
l’activité d’élevage (dont 3 896 salariés), 3 920 salariés de l’Institution des courses, 2 600
salariés travaillant dans les points de vente des paris hippiques en activité principale. Ces
estimations sont toutefois fragiles
39
.
Les enjeux du PMU financent la filière hippique selon le schéma suivant (simplifié) :
-
les sociétés mères perçoivent le produit net des jeux du PMU, c’est-à-dire le produit brut
des jeux (enjeux minorés des retours parieurs) diminué des prélèvements effectués par
l’État et les organismes sociaux ;
-
en contrepartie, elles financent les charges du PMU ;
-
la différence (756 M€ en 2015), à laquelle s’ajoute depuis 2014 le produit de la taxe sur
les paris hippiques en ligne (61 M€ en 2015), permet aux sociétés mères de financer la
filière hippique sous la forme d’encouragements (prix de courses, primes à l’élevage, etc.)
mais aussi de financer leurs propres charges ainsi que les organismes dits « communs » :
fédération nationale des courses hippiques (FNCH), l’organisme retraite prévoyance des
employés des sociétés de courses (ORPESC), l’association de formation et d'action
sociale des écuries de courses (AFASEC), la société EQUIDIA, le GIE PMH et le
groupement technique des hippodromes parisiens (GTHP). Parmi eux, deux opèrent pour
le compte des deux sociétés mères et constituent en réalité une externalisation de certaines
de leurs prestations dans le cadre d’une mutualisation: le PMH (GIE chargé d’assurer la
prise
de
paris
sur
les
hippodromes
parisiens,
qui
a
cessé
son
activité
le
16 septembre 2015) et le GTHP, association chargée d’accueillir le public sur les
hippodromes parisiens, d’assurer les phases techniques ainsi que la captation d’images
pour les courses Premium.
39
Elles mêlent des effectifs physiques et des ETP et il existe des doubles comptes (entraineurs éleveurs
notamment).
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44
Ainsi, alors que le montant reversé aux sociétés mères est parfois abusivement appelé
montant reversé à la filière, seule une partie de cette somme (58 % en 2011, 64 % en 2014) lui
est in fine reversée, sous forme d’encouragements.
Par ailleurs, les sociétés mères financent le fonds commun des courses, géré par la
FNCH, chargée d’octroyer des subventions de fonctionnement et d’équipement aux sociétés
de courses de province. La France compte aujourd’hui 242 hippodromes sur les 500 présents
en Europe.
Le montant reversé à la filière équine autre qu’hippique est très marginal et passe par
deux fonds gérés par la fédération nationale des courses hippiques : le fonds Eperon, dont le
montant tend à diminuer du fait de la situation financière des sociétés mères (11,6 M€ en
2014, 10,6 M€ en 2015) et, depuis 2014, le fonds Équitation (16,8 M€ en 2014, 16,3 M€ en
2015), destiné à compenser, pour la filière équitation de loisir, l’augmentation de la TVA
consécutive à la condamnation de la France par la CJUE et financé par une diminution de la
fiscalité de l’État sur les mises. Par ailleurs, les sociétés mères financent (10 M€ par an) une
chaine TV consacrée au cheval Equidia Life, pour une part d’audience extrêmement faible
(moins de 0,1 %).
3 -
La FDJ : une contribution au financement du sport
Le centre national pour le développement du sport (CNDS), établissement public
administratif et bras armé de l’État en matière de politique sportive, bénéficie pour l’essentiel
de recettes affectées par les lois de finances et provenant principalement de prélèvements sur
les recettes de la FDJ et des produits sur les droits télévisuels
40
. Son budget est supérieur aux
quelques 230 M€ du budget « Sport » inscrits au programme 219 du budget général.
En 2015, sur les quelques 260 M€ de produits du CNDS, 208,6 M€ soit plus de 80 %
étaient issus de la FDJ : 163,68 M€ au titre de la taxe de 1,8 % sur les mises, 23,04 M€ au
titre du prélèvement complémentaire de 0,3 % sur les mises (paris sportifs en dur et en ligne)
pour le financement des stades de football pour l’Euro 2016 et 21,92 M€ au titre de la taxe sur
les paris sportifs de la FDJ. La taxe de 1,8 % sur les paris sportifs en ligne provenant d’autres
opérateurs apporte 11,29 M€ au CNDS.
En outre les organisateurs de manifestations sportives bénéficient du droit au pari
41
,
dont le montant est défini contractuellement dans le cadre d’une relation commerciale, selon
les conditions elle-même définies par décret
42
, entre les opérateurs de jeux et les organisateurs
de manifestations sportives.
40
Plus connus sous l’appellation de « taxe Buffet ».
41
Le droit de propriété des organisateurs de compétitions sportives, consacré en droit français par la loi depuis
1992, inclut expressément le droit d’autoriser l’organisation de paris sur ces compétitions. Les finalités de ce
droit de propriété en matière de paris sont non seulement la contrepartie financière de l’exploitation commerciale
des évènements sportifs ayant lieu à l’occasion des paris, mais également la mise en place de dispositifs de
protection de l’intégrité des compétitions par leurs organisateurs et leur financement (voir annexe n° 11).
42
Décret n° 2010-614 du 7 juin 2010 relatif aux conditions de commercialisation des droits portant sur
l'organisation de paris en relation avec une manifestation ou compétition sportives.
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MUTATIONS RAPIDES
45
4 -
Les réseaux de distribution
La FDJ souligne également qu’elle est un soutien majeur du réseau référent et historique
des bars-tabacs-presse, qui constitue une autre filière économique importante. Sur les 25 000
bureaux de tabacs, 21 500 sont des points de vente FDJ, qui leur a versé une rémunération de
près de 690 M€ en 2015, ce qui représente plus de 21 000 € par point de vente. Au total, la
FDJ dispose d’un réseau de 31 900 points de vente en 2015 ; la densité de ce maillage est
pour autant en diminution constante depuis 2000, date à laquelle la Française des jeux
recensait 42 000 détaillants. Toutefois la stratégie de développement de FDJ dans le réseau
physique tend à sa diversification sur de nouveaux types de commerces et services.
De son côté, le PMU compte 12 800 points de vente. Le chiffre moyen d’un point de
vente étant d’environ 560 000 €, la commission versée par le PMU équivaut à environ
11 000 € par an.
Ces réseaux participent de l’animation de proximité notamment en milieu rural ou en
zone urbaine sensible.
B -
Une déstabilisation des filières évitée
L’ouverture à la concurrence des jeux en ligne n’a déstabilisé ni l’activité en points de
vente, ni celle des casinos terrestres mais traduit essentiellement l’émergence de nouveaux
canaux de distribution.
1 -
Les casinos, des difficultés anciennes
Le poker ne représente qu’une part très marginale du PBJ des casinos comparée à celle
des machines à sous
43
. La situation financière, souvent fragile, de nombreux casinos, n’est
donc pas imputable à l’activité du poker en ligne. Ce secteur est en effet en crise depuis
plusieurs années. Le quart environ des casinos français serait déficitaire. Si la campagne
2014-2015 a permis aux casinos de renouer avec la croissance, c’est la transformation des
jeux en dur traditionnels en jeux électroniques, notamment l’introduction de la roulette
électronique, qui a permis cette reprise faisant espérer que ces jeux pourraient constituer des
relais de croissance.
2 -
Le PMU et la filière hippique, des difficultés temporairement occultées
a)
La loi de 2010, favorable au PMU et à la filière hippique, contrairement aux craintes
Le législateur, au moment d’ouvrir les secteurs des jeux d’argent à la concurrence, a
voulu éviter que l’ouverture ne bouleverse l’économie de la filière hippique.
43
De plus, de nombreux opérateurs de jeu en ligne ont conclu des partenariats avec des casinotiers et des cercles
de jeux pour organiser des finales de tournois dont les qualifications se sont déroulées en ligne. Le poker sous sa
forme physique est ainsi souvent perçu par les joueurs comme un objectif pour lequel ils s’entraînent en ligne.
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46
D’une part, l’État a consenti une baisse importante de la fiscalité sur les paris hippiques
(cf.
supra
). D’autre part, des retours financiers
44
liés à l’activité de prise de paris en ligne ont
alors été organisés par deux canaux en plus de la principale source de financement, qui était et
qui reste la remontée aux sociétés mères des résultats nets du PMU :
-
le premier est un prélèvement, sous forme d’une redevance sur les mises en paris
hippiques en ligne, effectué au bénéfice des sociétés mères ;
-
le second prélèvement, assis sur les mises en ligne et en dur, est affecté pour partie, à
travers le budget de l’État, aux établissements publics de coopération intercommunale
(EPCI) sur le territoire desquels sont implantés un ou plusieurs hippodromes. L’assiette
du prélèvement est de 5,3 % des mises (en ligne et en dur), le reversement aux EPCI
bénéficiaires étant plafonné à 15 % du montant total, dans la limite globale de 10 M€ et
de 700 000 € par EPCI.
En réalité, comme l’indiquait l’Autorité de la concurrence dans sa décision n° 14-D-04
du 25 février 2014 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur des paris hippiques
en ligne, la loi du 12 mai 2010,
a priori
défavorable au PMU car réduisant aux seuls paris
hippiques « en dur » son monopole légal, n’a pas remis en cause sa place de première
entreprise de paris hippiques en Europe, tout en lui offrant la possibilité de diversifier son
activité.
Entre 2009 et 2012, le total des enjeux collectés par le PMU (paris hippiques, sportifs,
poker) a ainsi progressé de 13 %, soit 1,2 Md€. La diminution des enjeux observée à compter
de 2013 n’est pas due à l’ouverture à la concurrence des paris en ligne (cf.
infra
).
b)
La baisse de la fiscalité consentie par l’État en 2010, un effet d’aubaine non exploité
La loi du 12 mai 2010 a créé une taxe sur les paris hippiques en ligne affectée aux
sociétés de course, destinée à financer des « missions de service public », au taux de 8 %. Les
difficultés pour faire accepter cette aide d’État par la Commission européenne (cf. encadré)
ont conduit l’État, jusqu’en 2013 :
-
à percevoir lui-même le montant de cette taxe ;
-
en échange, à abaisser la fiscalité de l’État sur les mises engagées par les parieurs
hippiques, qui est passée de 5,7 % à 4,6 %.
44
Ce mode de financement de la filière hippique n’est pas totalement comparable avec le dispositif du droit au
pari prévu pour les paris sportifs car, contrairement à ce dernier, il ne prévoit pas de contrepartie précise à
l’emploi des fonds).
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47
La taxe sur les paris hippiques en ligne
La loi du 12 mai 2010 a créé une taxe sur les paris hippiques en ligne affectée aux sociétés
dcourse, destinée à financer des « missions de service public », aux taux de 8%. Cette taxe, prévue à
l’article 1609 tertricies du code général des impôts, n’a toutefois pas pu être mise en oeuvre en 2010
dans la mesure où la Commission européenne a contesté l’existence d’un service d’intérêt
économique général (SIEG). Devant les doutes exprimés par la Commission, la France a modifié sa
notification initiale en évoquant le financement d’activités d’intérêt commun
45
et non plus d’une
mission de service public. Dans sa décision du 19 juin 2013, la Commission a accepté ce dispositif
sous réserve notamment que la France s’assure d’une évolution raisonnable des coûts d’intérêt
commun et que le PMU reverse chaque année à la filière équine une fraction des enjeux des paris
hippiques en dur qui soit supérieure ou égale au niveau de la taxe sur les paris hippiques en ligne.
La loi de finances rectificative pour 2013 du 29 décembre 2013 a donc rétabli au 1
er
janvier
2014 la taxe affectée aux sociétés de course, qui est régie par l’article 1609 tertricies du code
général des impôts. Le taux de la redevance ne peut être inférieur à 5 % ni supérieur à 6,5 %. Les
décrets successifs ont fixé le taux de cette taxe à 5,9 % pour 2014, 6,1 % pour 2015 et 6,3 % pour
2016.
En 2015, le produit de cette taxe s’est élevé à 61 M€, dont 50 M€ versés par le PMU et
11 M€ versés par les autres opérateurs de paris hippiques en ligne.
Ces mesures ont été financièrement profitables à la filière hippique: entre 2009 et 2011,
les prélèvements de l’État sur les paris hippiques proposés par le PMU ont ainsi diminué de
151 M€ (- 16 %). Hors TVA, ils ont diminué de 28 % (- 198 M€). En outre, une partie de ces
prélèvements a été reversée aux communes et EPCI sur le territoire desquels sont implantés
des hippodromes.
Le total des prélèvements hippiques État rapporté au produit brut des paris hippiques
(PBJ) est ainsi passé de 47 % en 2009 à 42,2 % en 2010 puis 39,5 % en 2011 et 39,2, en 2012.
De son côté, le résultat net du PMU revenant aux sociétés mères est passé de 731 M€ en 2009
à 865 M€ en 2012 (avec un pic en 2011 à 876 M€). Cet allègement aurait pu permettre à la
filière hippique d’investir pour faire face aux nouvelles conditions du marché, ce qui n’a pas
été constaté : il y a là une occasion manquée. Le plan stratégique PMU 2020, annoncé en
2013, vient tardivement prendre en compte ces enjeux, sans disposer des mêmes marges.
c)
Une baisse du montant reversé aux sociétés mères contenue, depuis 2012, par la
diminution du taux de retour aux parieurs et par une fiscalité accommodante
Pour les paris hippiques « en dur », les taux de retour aux parieurs ont été abaissés à
compter de 2013. Cette diminution a contribué à contenir la baisse du produit brut des jeux.
Toutefois, la marge brute avant prélèvements du PMU s’est dégradée plus fortement
que les enjeux (- 7,4 % contre - 4,3 %) du fait notamment de la forte augmentation de la
rémunération des partenaires étrangers (liée à la hausse des enjeux à l’export) qui a atteint
149 M€ en 2015.
45
Il n’existe pas de droit au pari en matière hippique.
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48
En 2014, la taxe sur les paris en ligne a été affectée aux sociétés mères et non plus à
l’État, tandis que son taux est passé de 8 % à 5,9 %. Toutefois, au lieu de fixer le taux de la
taxe de l’État sur les mises hippiques au niveau de 2010 (5,7 %), il n’a été fixé qu’à 5,3 %
afin de compenser (partiellement) l’augmentation du taux de TVA sur les activités hippiques
et équestres, consécutive à la condamnation de la France par la CJUE en 2012.
Les charges de fonctionnement du PMU, qui avaient diminué de 1,8 % entre 2011 et
2014, ont de nouveau augmenté de 2,6 % en 2015
46
.
Au total, grâce à la réduction du TRJ et aux mesures fiscales, le montant reversé par le
PMU aux sociétés mères (y compris la taxe sur les paris en ligne en 2014) n’a diminué que de
3 % entre 2011 et 2014, alors que la marge brute du PMU a diminué dans le même temps de
5,2 %.
En prenant en compte la taxe sur les paris hippiques en ligne acquittée par les autres
opérateurs, le montant mis à disposition des sociétés mères en 2014 n’a été diminué que de
1,9 %.
Les efforts demandés aux parieurs, à l’État et aux opérateurs de paris hippiques en ligne,
qui ont contribué à maintenir le montant reversé aux sociétés mères jusqu’en 2014, trouvent
toutefois leurs limites : en 2015, le montant total mis à disposition des sociétés mères a
enregistré une baisse de 5,1 % (817 M€ en 2015 contre 859 M€ en 2014), du fait de la
diminution du résultat net du PMU.
Tableau n° 9 :
solde net mis à disposition des sociétés mères (en milliers d’euros)
2011
2014
2015
Résultat net du
PMU
reversé
aux sociétés (hors taxe sur les
paris en ligne)
876 20
0
799 776
756 559
Taxe sur les paris en ligne affectée aux sociétés mères
60 135
61 155
Dont PMU
49 736
50 098
Dont autres opérateurs
10 399
11 057
Total mis à disposition des sociétés mères
876 200
859 911
817 714
Source : CGEFI, MAAF
d)
Une nécessaire réflexion sur les charges de l’Institution des courses
Au cours des années 2000 et au début de la présente décennie, les sociétés mères ont
multiplié les bénéfices d’exploitation. Elles ont constitué des réserves importantes (422 M€
pour France Galop en 2014, 220 M€ pour la SECF) tout en faisant face à une forte
augmentation de leurs charges.
La diminution des recettes provenant du PMU ne les a pas encore suffisamment
conduites à maîtriser leurs charges de fonctionnement et les charges de structure de
46
D’après le PMU, cette augmentation en 2015 est due à l’effet de projets stratégiques (rénovation du réseau) ou
réglementaires (séparation des masses d’enjeux).
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49
l’institution qu’elles financent. Le choix a été fait d’accroître puis, depuis 2015, de stabiliser
les encouragements. Toutefois, la situation financière très dégradée des sociétés mères
(- 46 M€ pour France Galop en 2015, - 59 M€ pour la SECF en 2015) nécessite des
adaptations ambitieuses.
Enfin, il convient de souligner qu’en dépit de sa diminution, le montant mis à
disposition des sociétés mères reste très élevé, au regard par exemple du montant actuellement
reversé à la filière hippique anglaise (200 M€ en intégrant les sponsors
47
).
3 -
Les loteries, un monopole maîtrisé par la FDJ
Les mises de la FDJ ont continué à progresser de façon régulière et équilibrée sans
modification significative de l’offre de jeu : le métier central de la FDJ demeure la loterie. La
FDJ, après s’être essayée, sans succès, au poker en ligne avec LB Poker, ne propose
actuellement, en concurrence, que des paris sportifs en ligne. Dès 2010, la FDJ a investi dans
une plateforme technologique de paris via l'éditeur LVS. Entre 2009 et début 2015, le volume
des mises « ParionsWeb » a été multiplié par trois, passant de 43 à 120 M€, sa part de marché
passant de 4 % à 10 %. Malgré la croissance des mises, la concurrence est telle que depuis
2015, la part de marché de FDJ a légèrement baissé, atteignant un peu plus de 8 %. L'enjeu
pour la FDJ est donc de continuer à moderniser son offre sur ce segment pour la rendre plus
attractive et en adéquation avec les attentes des joueurs.
La stratégie de développement de la FDJ, définie à l’ouverture du marché des jeux en
ligne, a visé à consolider et dynamiser le coeur de l’activité du groupe, à savoir la loterie et la
distribution physique, dans un réseau inquiet de l’ouverture, et tirer parti de celle-ci en misant
sur un modèle de paris grand public capable d’attirer, par une offre contrôlée, de nouveaux
parieurs en ligne et de fidéliser les parieurs du réseau. Dans un univers peu familier à la FDJ,
celui de l’internet concurrentiel, du « betting » et du « gambling », la FDJ s’est donc attachée
en priorité à conserver le centre de gravité d’un monopole de loterie très réglementé, tout en
mettant à profit cette période de l’ouverture pour parfaire sa compréhension de ce marché
nouvellement ouvert.
4 -
Les paris sportifs, un marché en croissance
Globalement, le marché du pari sportif en ligne, en dépit d’un volume de mises en forte
croissance (+ 31 % sur 2014), reste déficitaire en exploitation (- 11 M€). Six opérateurs sur
les onze actifs sur ce segment ont un résultat négatif. Pour cinq de ces six opérateurs, le
résultat est resté constamment négatif depuis 2010.
Par ailleurs, la hausse de l’activité (mises enregistrées) des paris sportifs en ligne ne
s’est pas faite au détriment de celle dans le réseau physique, assurée sous droit exclusif par la
FDJ, mais a au contraire accompagné une hausse d’activité en points de vente (PDV) de la
47
Il est vrai que cette filière est aujourd’hui en difficulté du fait du déplacement des opérateurs vers le pari en
ligne offshore et que d’autres sources de financement sont à l’étude (redevance de droit au pari pour les
opérateurs de paris en ligne).
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50
Française des Jeux. Entre 2010 et 2015, le montant des mises en paris sportifs enregistrées
dans les points de vente de la FDJ a plus que doublé.
Tableau n° 10 :
évolution de l’activité de paris sportifs en points de vente (FDJ)
et en ligne
TOTAL
2010
TOTAL
2011
TOTAL
2012
TOTAL
2013
TOTAL
2014
TOTAL
2015
Mises en dur FDJ
1,14 Md€
1,06 Md€
1,37 Md€
1,57 Md€
2,00 Md€
2,30 Md€
Écart N-1
-
-7%
+29%
+16%
+27%
+15%
Mises en ligne
0.45Md€*
0.592 Md€
0.705 Md€
0.85 Md€
1,11 Md€
1,44 Md€
Écart N-1
-
-
+19%
+20%
+31%
+30%
* Ce chiffre ne couvre que la période allant de juin à décembre 2010 et non tout l’exercice 2010, comme c’est le
cas pour les paris sportifs en dur.
Source : FDJ, ARJEL
La FDJ estime cependant que la dynamique des deux marchés de paris sportifs est
actuellement très nettement à l’avantage du marché en ligne et ce, durablement depuis deux
ans
48
. Elle explique cette évolution notamment par l’évolution des usages des joueurs vers le
numérique et par les différences d’encadrement entre canaux de distribution. La FDJ évoque
aussi une offre limitée à 20 sports et 20 formules de jeux en dur contre plus de 40 sports et
plusieurs centaines de formules de jeux en ligne; la possibilité de parier en live betting en
ligne; et surtout un écart de 10 points entre le taux de retour aux joueurs maximum en ligne
(85 %) et en PDV (75 %) dans un marché essentiellement régi par les cotes des paris. Elle en
appelle à une vigilance y compris du point de vue réglementaire face à ces écarts.
Enfin, les opérateurs d’événements sportifs et les porteurs de projets d’investissements
dans des équipements sportifs n’ont pas eu à pâtir, bien au contraire de l’évolution depuis
2010. Entre le droit au pari et les contributions de la FDJ pour le financement des stades de
l’Euro 2016, le monde du sport a été largement bénéficiaire du monde des jeux.
5 -
Une capacité d’adaptation contrastée des opérateurs sous droits exclusifs
Le développement équilibré et équitable des différents types de jeux se heurte à une
réalité contrastée, notamment en ce qui concerne les opérateurs titulaires de droits exclusifs.
Alors que la FDJ affiche une situation économique positive, celle du PMU est plus fragile, en
dépit des allègements fiscaux consentis par l’État.
48
En 2015, la croissance du marché en ligne a été deux fois supérieure à celle observée en PDV (+ 30 % vs
+ 15 %). Cet écart s’est amplifié au premier semestre 2016 : + 60 % de mises en ligne vs + 24 % en PDV (soit
2,5 fois moins). (source FDJ)
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51
Comme indiqué plus haut, cette situation ne résulte pas de l’ouverture à la concurrence
des jeux en ligne par la loi du 12 mai 2010 : entre 2010 et 2012, les paris hippiques « en dur »
ont continué à croître.
En ce qui concerne la diminution des enjeux hippiques « en dur », l’une des explications
fréquemment avancées par l’Institution des courses est la concurrence des paris sportifs en
dur, proposés par la FDJ, et la « concurrence déloyale » qu’exercerait cette dernière.
En réalité, la concurrence des paris sportifs ne constitue qu’un élément parmi d’autres
susceptibles d’expliquer la diminution des paris hippiques en dur.
D’après les analyses faites par le PMU sur l’exercice 2015, plusieurs facteurs expliquent
cette diminution des enjeux, notamment : la dégradation de l’attractivité des courses
hippiques, la concurrence des paris sportifs notamment chez les jeunes, la dégradation de
l’environnement économique, la diminution du nombre de chevaux partants au galop (avec un
impact de 34 M€ en 2015, soit 20 % de la baisse des enjeux), l’impact persistant de la baisse
du TRJ de 2014, l’absence de lancement de nouvelles offres en 2015, le niveau de tirelire
défavorable.
De leur côté, les ministères de tutelle mentionnent trois facteurs à l’origine de la
diminution des paris hippiques en dur:
-
la moindre popularité des courses hippiques au sein de la population française, qui
entraîne une difficulté à renouveler la population des parieurs. Ainsi, la généralisation
d’internet et la diversification des supports de jeux ne sont pas favorables aux paris
hippiques, dont la relative complexité peut être déroutante pour le néophyte. En outre,
l’émergence de nouvelles formes de jeux (e-sport, compétitions virtuelles, paris
financiers, etc.) devrait encore modifier la configuration du marché des jeux ;
-
le choix stratégique fait en 2010 par le PMU, au moment de l’ouverture à la concurrence,
d’investir davantage sur son offre en ligne que dans son réseau physique, cette stratégie
ayant pu contribuer au délaissement progressif du réseau ;
-
l’accentuation de la concurrence dans le secteur des jeux d’argent et de hasard : il se
pourrait ainsi qu’une partie des parieurs se soit progressivement détournée de l’offre de
paris hippiques au profit de nouvelles offres de jeux, notamment les paris sportifs à cote
fixe.
L’ARJEL précise qu’outre ces facteurs, il faudrait ajouter le faible intérêt d’un certain
nombre de courses proposées et la faiblesse des gains des parieurs
49
.
Par ailleurs, les « avantages comparatifs » des deux opérateurs méritent d’être analysés
globalement :
-
si la FDJ n’a pas concurrencé le PMU sur les paris hippiques en ligne, le PMU a
développé une offre de paris sportifs en ligne ;
49
Alors que dans les paris à cote fixe, les parieurs savent quel sera leur gain en cas de paris gagnants, les
parieurs hippiques découvrent leurs gains a posteriori et manifestent souvent leur incompréhension et leur
mécontentement.
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COUR DES COMPTES
52
-
le statut de GIE du PMU le contraint dans sa gouvernance et son processus de décision et
l’empêche d’emprunter pour financer ses investissements, mais lui permet, pour le
moment, de n’être pas assujetti à l’impôt sur les sociétés dans la mesure où il bénéficie de
la transparence fiscale
50
. Dans sa réponse à la Cour, le PMU a indiqué être prêt à étudier
avec l’État un changement de statut qui entraînerait son assujettissement à l’IS mais qui
lui donnerait des possibilités et des marges d’actions supplémentaires, notamment à
l’international ;
-
si le PMU finance la filière hippique, la FDJ finance le CNDS et contribue plus largement
à la politique du sport ;
-
si la rémunération de ses points de vente par le PMU est inférieure à celle de la FDJ (2 %
en moyenne contre 5,2 %), cela correspond à des choix des opérateurs, et non à des
contraintes réglementaires ;
-
jusqu’en 2016, seuls les points de vente du PMU devaient faire l’objet d’un avis favorable
préalable du ministre de l’intérieur. Un projet de décret est en cours de préparation pour
mettre en place un dispositif d’agrément similaire pour les points de vente PMU et les
points de vente FDJ proposant des paris sportifs, considérés comme les plus exposés aux
risques de fraude et de blanchiment ;
-
les plafonds de paiement en espèces diffèrent (cf.
infra
) : pour les mises, 1000 € à la FDJ
et pas de plafond au PMU ; pour les gains, 300 € à la FDJ pour les paris et les jeux de
tirage et 200 € pour les jeux de grattage, 3000 € pour le PMU ;
-
si les budgets de publicité varient fortement entre PMU et FDJ, cela correspond à des
choix des opérateurs, même s’il est vrai qu’un plafonnement de ces dépenses trouverait
probablement sens au regard de l’objectif de lutte contre le jeu excessif.
Au total, l’analyse du développement équilibré des deux opérateurs nécessite une vision
d’ensemble de ces facteurs, qui serait mieux assurée dans le cadre d’une régulation unifiée des
jeux d’argent et de hasard (cf. chapitre III).
C -
Un contexte fortement évolutif
1 -
Les évolutions technologiques
a)
Le défi du numérique
La créativité en matière de jeux se donne libre cours notamment par le canal numérique.
Les pouvoirs publics ont tenté de réagir en élargissant en 2014 la notion de jeu soumis à
régulation aux jeux d'argent sans que la notion de hasard soit désormais requise.
50
Pour autant, l’absence de tout but lucratif des sociétés de courses fait aujourd’hui débat et pourrait à terme
compromettre l’avantage fiscal dont bénéficie le PMU. Dans un arrêt de janvier 2016, la CAA de Marseille a
considéré que la société hippique de Marseille était soumise à la taxe professionnelle en ce qui concerne son
activité d’organisation des courses servant de support aux paris.
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LES JEUX, UNE SITUATION ÉCONOMIQUE CONTRASTÉE, UN ÉQUILIBRE DU SECTEUR EXPOSÉ À DES
MUTATIONS RAPIDES
53
L’émergence de nouvelles formes et de nouveaux supports de jeux d’argent emporte
toutefois des évolutions qui pourraient à terme modifier l’équilibre du secteur, notamment :
-
les évolutions en matière de téléphonie mobile et d’accès à l’internet conduisent à
atténuer de plus en plus la frontière entre prise de paris en dur dans les points de vente et
les casinos, par téléphone/SMS, et ceux en ligne
51
;
-
le développement des jeux vidéo, techniquement de plus en plus performants, leur attrait
considérable auprès de publics tant majeurs que mineurs, ainsi qu’une pratique en ligne
permettant l’action simultanée de plusieurs joueurs sur une plateforme numérique ont fait
naître de nouveaux supports de jeux d’argent avec la création des compétitions dites
« e-sportives » faisant appel de manière plus ou moins significative à leur adresse et leur
intelligence.
C’est peut-être à ce niveau qu’il pourrait être fait appel à la notion d’équité visée par la
loi. Les débats sur le projet de loi pour une République numérique
52
ont montré la volonté des
pouvoirs publics d’accompagner positivement ces nouvelles activités potentiellement
créatrices d’emplois. De nouveaux métiers émergent, des jeunes créateurs d’entreprise
s’engagent ; mais le secteur est dominé par des grands opérateurs internationaux de l’internet,
de la communication et des médias, parmi lesquels cependant quelques champions nationaux.
b)
Un marché convergent
Pour la première fois, par une décision du 18 juillet 2016, l'Autorité de la concurrence a
défini un marché incluant les canaux de distribution en ligne et en magasins. Cette orientation
ne concerne pas directement le monde des jeux : elle a été prise à l’occasion de l’autorisation
de l'acquisition de la société Darty par le groupe Fnac.
L'Autorité fait évoluer son appréciation des marchés et considère que la pression
concurrentielle de la vente en ligne est devenue suffisamment importante pour être intégrée
dans le marché pertinent, qu'elle émane de « pure players » ou bien des sites internet des
enseignes de distribution classiques qui prolongent leurs ventes physiques en magasins.
Cette position nouvelle de l’autorité prend acte de l’existence d’opérateurs d’un
nouveau type exerçant une pression concurrentielle telle qu'ils empêchent toute hausse de
prix. Ils captent des parts de marché croissantes. Ils imposent le rythme de l'innovation. Ils
jouent la carte de l'optimisation fiscale et font de la mondialisation un allié face à des
concurrents souvent nationaux.
L’uberisation de l’économie, qui a tendance à s’étendre à toutes sortes d’activités,
touche aussi le monde des jeux dont la segmentation s’estompe.
51
L’application ParionsSport de la FDJ offre la possibilité de préparer ses paris sur smartphones, ne différant
ainsi de l’application ParionsWeb de la même FDJ que par le paiement et l’enregistrement des paris, auprès d’un
détaillant via un QR code dans le premier cas, en ligne dans le second. Il est à noter que 8,5 % des ventes de
Paris sportifs « en dur » l’ont été via l’application ParionsSport en fin d’année 2015. Parallèlement, en 2015,
21 % des paris enregistrés sur ParionsWeb l’ont été depuis un smartphone ou une tablette numérique.
52
Loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique.
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54
c)
Un avenir dans l’innovation
Le but d’une régulation est d’assurer la stabilité d’un système, c’est-à-dire sa capacité à
s’adapter en fonction des variations de température et de pression, en l’occurrence des
mutations technologiques et économiques au regard desquelles l’ouverture à la concurrence
de trois segments de jeux en ligne est un modeste facteur de déstabilisation.
La règlementation des jeux s’est construite en silos, en fonction des intérêts des filières
économiques soutenues par les ministères qui en avaient la tutelle (cf chapitre III). Or le
secteur des jeux constitue lui-même une filière économique dont les intérêts ne peuvent plus
être confondus avec ceux des filières historiques.
Le secteur des jeux est marqué par un vagabondage des joueurs, en recherche
permanente de la nouveauté, par une substituabilité entre les différentes formes de jeux et
avec des activités ludiques qui, ne rentrant pas spontanément dans le champ de la régulation
des jeux d’argent et de hasard, sollicitent les mêmes budgets temps et argent des joueurs.
Les opérateurs, au premier rang desquels la FDJ, ont intégré ces données. Le plan
stratégique de la FDJ pour 2020 table sur le digital et l’innovation, tout en restant fidèle à son
modèle extensif nécessitant qu’il élargisse son bassin de joueurs.
Face à ces mutations, l’État qui a su définir des objectifs communs à une régulation des
jeux, devra, à l’avenir, savoir dépasser une approche cloisonnée héritée du passé pour garantir
l’ordre public et l’ordre social, sans fragiliser des espérances de recettes liées à la bonne santé
économique du secteur.
2 -
La pression du cadre communautaire
53
La loi du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur
des jeux d'argent et de hasard en ligne
54
a permis à la France d’échapper à toute remise en
cause ultérieure de son dispositif national, que ce soit par la Commission européenne ou par la
Cour de justice de l’Union européenne (CJUE)
55
. Toutefois, l’attention renouvelée que la
Commission européenne et la CJUE portent au secteur fait que la pérennité du modèle
français ne saurait être considérée comme définitivement acquise.
a)
Une compétence reconnue aux États membres par l’Union européenne
S’il n’existe aucune règle de droit dérivé portant spécifiquement sur les jeux d’argent et
de hasard, l’activité de ce secteur est néanmoins reconnue comme un service au sens de
l’article 57 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) depuis l’arrêt
CJCE Schindler du 24 mars 1994. Dans cet arrêt, la CJCE a toutefois admis une application
souple au titre des particularités du secteur des jeux d’argent et de hasard ; ce traitement
53
Voir annexe n° 9. Les enjeux européens.
54
La procédure d’infraction engagée en octobre 2006 par la Commission européenne qui visait les paris sportifs
en ligne en France, a été clôturée en novembre 2010.
55
Antérieurement à 2010 Cour de justice des communautés européennes (CJCE).
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MUTATIONS RAPIDES
55
particulier a ensuite été assorti de plusieurs conditions cumulatives. Ainsi, les jeux d’argent et
de hasard sont régulés de façon particulière dans chaque État membre.
Depuis le début des années 2000, l’importance des jeux d’argent et de hasard en ligne
n’a cessé de croître. Internet ne se limitant pas aux frontières d’un État membre, les moyens
de contourner les régulations nationales se sont multipliés, offrant de nouvelles perspectives à
la fraude et au blanchiment d’argent et posant de nouveaux enjeux en matière de protection du
consommateur.
La CJCE a pris acte de ces évolutions, dans le cadre de son contrôle de proportionnalité
des législations nationales, notamment dans l’arrêt Gambelli du 6 novembre 2003
(cf. annexe n° 9). À la suite de cet arrêt, onze États membres de l’Union européenne, dont la
France, se sont vu adresser un avis motivé ou une mise en demeure de la Commission
européenne.
Si elles ne conduisent pas à la disparition des modèles nationaux et de la marge
d’appréciation des États, ces évolutions les contraignent à faire évoluer leur régulation. La
France en a ainsi tiré les conclusions avec l’adoption de la loi du 12 mai 2010.
b)
La pression maintenue de la Commission européenne
La Commission européenne a annoncé puis développé un plan d’action en matière de
jeux d’argent et de hasard, avec une attention particulière pour les jeux en ligne. Dans sa
communication intitulée « Vers un cadre européen global sur les jeux de hasard en ligne »,
adoptée le 23 octobre 2012 et consécutive au Livre vert publié en 2011, la Commission avait
indiqué qu’elle accélèrerait « dans le cadre des procédures d’infraction et des plaintes
pendantes, la réalisation de son examen des dispositions nationales et (prendrait), chaque fois
que nécessaire, des mesures pour assurer le respect de la législation », avec cinq domaines
prioritaires.
Dans ce cadre, la Commission a bénéficié de l’appui de la CJUE, dont les modalités de
contrôle de la proportionnalité et de l’efficacité des dispositifs nationaux se sont
progressivement renforcées, comme le montrent les arrêts
Engelmann
du 9 septembre 2010 ou
Ince
du 4 février 2016. La CJUE juge, dans l’arrêt Engelmann, disproportionné le fait de
réserver l’exploitation des jeux d’argent et de hasard à des opérateurs ayant leur siège sur le
territoire national. Dans l’arrêt Ince, la CJUE prend aussi en considération la pertinence des
mesures restrictives prises par l’Allemagne, alors que l’octroi des licences n’est pas encore
efficacement mis en oeuvre.
c)
Un champ d’action de la Commission qui tend par ailleurs à s’élargir à l’action
des régulateurs
L’attention renouvelée de l’Union européenne en matière de jeux d’argent et de hasard
tend à une harmonisation des régulations entre États membres, en particulier en ligne. Cette
volonté d’harmonisation se traduit avant tout par l’édiction de normes européennes
s’appliquant désormais aux jeux d’argent et de hasard, comme dans le cadre de la quatrième
directive anti-blanchiment.
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56
De même, l’adoption sous l’égide de la Commission européenne, le 27 novembre 2015,
d’un arrangement de coopération entre les autorités de régulation des États membres de
l’Espace économique européen relatifs aux services de jeux d’argent en ligne, dessine
l’amorce d’une régulation communautaire par la coopération et le partage des bonnes
pratiques.
Enfin, la Commission européenne a investi le champ des normes techniques applicables
en matière de certification des équipements de jeux de hasard. Ainsi, en 2015, elle a adressé
un projet de mandat pour l’adoption d’une norme non seulement sur les équipements de jeu –
notamment les logiciels – mais aussi sur les obligations des opérateurs dans le cadre de leur
supervision par les autorités de régulation nationales.
___________________ CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS __________________
Le produit brut des jeux (PBJ) mondial a quasiment doublé au cours des dix dernières
années pour atteindre 403 Md€ en 2015, faisant des jeux d’argent et de hasard la sixième
industrie de loisirs. Sur ce marché mondialisé, les champions nationaux français que sont la
FDJ et le PMU occupent aujourd’hui, dans leurs spécialités respectives, une place éminente.
En France, l’ouverture – limitée – à la concurrence de trois segments des jeux en ligne
(paris sportifs, paris hippiques et poker) par la loi du 12 mai 2010 a permis d’obtenir la
clôture d’une procédure de sanction européenne. En mettant le dispositif national en
cohérence avec les exigences communautaires, l’organisation historique du secteur sous
droits exclusifs dans le réseau physique s’est ainsi trouvé préservée. La loi du 12 mai 2010,
paradoxalement, a conforté les opérateurs français « historiques ».
Le développement équilibré et équitable des différents types de jeux, qui constitue l’un
des quatre objectifs de la loi du 12 mai 2010, se heurte aujourd’hui à une réalité contrastée.
La FDJ affiche des résultats positifs alors que la situation économique du PMU et des
casinos est fragile, malgré les allègements fiscaux consentis par l’État. Pour autant, ces
situations contrastées n’ont pas pour origine l’ouverture à la concurrence des jeux en ligne
par la loi du 12 mai 2010. En effet , la quasi-totalité des opérateurs alternatifs des jeux en
ligne sont en situation déficitaire, notamment mais pas exclusivement en raison d’une
réglementation imposant des contraintes techniques très fortes et d’une fiscalité lourde.
Si la fiscalité des jeux et paris a été simplifiée et allégée pour certaines catégories de
jeux (paris hippiques, casinos) dans le contexte de l’ouverture à la concurrence des paris en
ligne, le dispositif de taxation reste encore hétérogène sans fondement documenté, et la
fiscalité en moyenne plus lourde que dans les autres pays européens, notamment en ce qui
concerne les paris en ligne pour lesquels le choix d’une assiette de prélèvements sur les
mises, à l’instar des jeux en dur à l’exception des casinos, présente de réels inconvénients et
conduit dans certains cas à pénaliser les opérateurs, par la fiscalisation des pertes.
Des aménagements visant à garantir le développement équilibré et équitable des
différents types de jeux, comme y incite la loi de 2010 et le maintien d’une offre légale
attractive de jeux impliquent une étude globale de la fiscalité des jeux à laquelle
l’administration fiscale n’a pas procédé jusqu’à présent.
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MUTATIONS RAPIDES
57
La Cour formule à cet effet la recommandation suivante :
•
effectuer une étude d’ensemble de l’impact de la fiscalité des jeux tant sur l’équilibre et la
viabilité de l’offre légale de jeux d’argent que sur les comportements des joueurs, sous
l’égide du comité interministériel des jeux.
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Chapitre II
Des objectifs de protection de la santé et de l’ordre
public loin d’être atteints
La proportion de Français (âgés de 15 à 75 ans) ayant pratiqué des jeux d’argent et de
hasard au cours des douze derniers mois a très sensiblement augmenté entre 2010 et 2014,
passant de 46,4 % à 56,2 %, soit une augmentation de près de 10 points. Cette augmentation
concerne tous les milieux sociaux : elle est générale et assez homogène quoique un peu plus
importante parmi les femmes (+ 11 %) et les personnes les plus jeunes et les plus âgées
(+ 12,4 % pour les 15-17 ans, + 11,5 % pour les 45-75 ans).
Les pratiques des joueurs ont également évolué durant ces quatre années. La fréquence
de jeu s’est intensifiée. La part des joueurs qui pratique cette activité régulièrement (au moins
52 fois dans l’année) passe de 22,4 % à 31,5 % entre 2010 et 2014, soit l’essentiel de la
hausse du nombre de joueurs sur la période. Les dépenses ont également été accrues : la part
des joueurs dépensant dans l’année moins de 500 € décroit de 90,1 % à 80,9 % et celle de
ceux qui dépensent plus de 1 500 € passe de 1,8 % à 7,2 %.
Les activités de jeux d’argent exposent en premier lieu aux risques sociaux et aux
problèmes de santé, lorsque les comportements des joueurs deviennent « problématiques ». La
notion de jeu problématique, qui concerne environ 2 % de la population en France soit
environ 1,2 million de personnes (ainsi dans la moyenne européenne), est large : elle regroupe
à la fois des pratiques à risque élevé (jeu excessif ou pathologique) et à risque modéré,
conséquences d’une pratique de jeu compulsive. Le jeu problématique peut avoir des
conséquences importantes pour la société, en particulier en matière de surendettement. Les
conséquences économiques d’une pratique compulsive dépassent souvent les joueurs et
concernent des familles entières
56
.
Les activités de jeux d’argent sont en second lieu vulnérables aux atteintes à l’ordre
public, comme l’établit
le rapport 2016 du SIRASCO
57
dans un chapitre sur la « délinquance
et criminalité dans le monde des jeux et paris ».
Il fait état du développement illégal tant du
jeu et des paris en ligne, que de l’utilisation de bornes Internet masquant des machines à sous
56
Selon le rapport d’activité 2014 de l’association SOS joueurs, 78,8 % des personnes accompagnées par
l’association sont endettées, pour un total déclaré de près de 27 M€. 7 % des joueurs accompagnés sont en
commission de surendettement, et 14,5 % sont en situation de loyer impayé.
57
Service d’information, de renseignement et d’analyse sur la criminalité organisée, service spécialisé de la
DCPJ créé en 2009.
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60
illégales, de « tripots clandestins » suite à la fermeture des cercles de jeu, ou de l’offre de
loterie, et, enfin, de la corruption dans le sport ou dans les courses hippiques.
Ce chapitre analyse dans quelle mesure la lutte contre l’offre de jeux illégale, qui
concourt à la protection de la santé et de l’ordre public, a été soutenue par la mise en oeuvre de
la loi du 12 mai 2010 (I), avant d’examiner le degré d’atteinte des objectifs de protection de la
santé (II) et de protection de l’ordre public (III et IV).
I -
Une ouverture à la concurrence qui a réduit l’offre illégale
L’article 3 de la loi du 12 mai 2010 précise que « la politique de l’État en matière de
jeux d’argent et de hasard a pour objectif de limiter et d’encadrer l’offre et la consommation
des jeux et d’en contrôler l’exploitation. » L’ouverture à la concurrence du marché des jeux
d’argent et de hasard en ligne avait notamment pour objectif de faire basculer une offre
illégale existante vers une offre légale, encadrée, régulée et fiscalisée.
L’offre illégale
58
concerne à la fois les jeux en dur (machines à sous clandestines,
loteries traditionnelles à but lucratif) et les jeux en ligne (machines à sous en ligne, opérateurs
non agréés par l’ARJEL).
D’après l’ARJEL, l’ouverture du marché a considérablement asséché l’offre illégale en
ligne, surtout en ce qui concerne les trois secteurs régulés (paris sportifs, paris hippiques,
poker).
Dans la mesure où la pénalisation des joueurs fréquentant les sites illégaux n’a pas été
retenue par le législateur en 2010
59
, le principal outil de lutte contre l’offre illégale reste
l’attractivité d’une offre légale, répondant aux attentes des consommateurs et ne remettant en
cause aucun objectif de l’État .
A -
Une action soutenue de l’ARJEL qui rencontre ses limites
L’action de l’ARJEL est orientée principalement à l’encontre des sites de casinos en
ligne, qu’ils offrent ou non des jeux assimilables au poker.
1 -
Des procédures lourdes et coûteuses
Au sein de l’ARJEL, une équipe d’enquêteurs se consacre à la recherche des sites
illégaux. Si une mise en demeure de cesser leur activité sur le territoire national n’est pas
suivie d’effet, le tribunal de grande instance (TGI) de Paris, est saisi en vue d’ordonner le
blocage, par les fournisseurs d’accès à l’internet (FAI), de l’accès à ces sites.
58
Annexe n° 8. La connaissance de l’offre illégale.
59
Toutefois, pour les paris hippiques « en dur », la pénalisation est prévue à l’article 4 de la loi du 2 juin 1891.
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61
La capacité à agir de l’ARJEL a été contestée par les FAI. Les juges du fond ont écarté
cette interprétation qui n’a toutefois pas été examinée par la Cour de cassation. L’ARJEL
poursuit aujourd’hui, simultanément, l’hébergeur du site illégal et les FAI.
La mise en cause des hébergeurs se révèle inefficace. Si l’hébergeur défère, l’opérateur
peut immédiatement souscrire un contrat d’hébergement auprès d’un autre prestataire, de
sorte que le site illégal continue d’être accessible en France. En pratique plus d’une centaine
d’hébergeurs ont été assignés devant le TGI de Paris et quatre seulement se sont présentés à
l’audience pour indiquer qu’ils avaient ou étaient sur le point de déférer aux mises en demeure
de l’ARJEL.
Lorsque l’hébergeur est, comme souvent, situé à l’étranger, la procédure est alourdie par
les frais de traduction, d’huissiers et les difficultés diplomatiques.
2 -
Des résultats significatifs
L’ARJEL effectue une surveillance attentive des sites de jeux. Elle a développé un outil
lui permettant d’automatiser la procédure d’attestation d’identité des hébergeurs et de réduire
ainsi cette phase de 30 à 2 minutes environ.
Tableau n° 11 :
bilan de situation des sites sous surveillance, par année
Situation par année
2010
2011
2012
2013
2014
Sites répertoriés
60
par le service d'enquête
619
1399
702
872
473
Sites de jeux dans le champ
61
d'application de la loi du
12 mai 2010
336
1020
462
575
343
dont nombre de sites en conformité avec la loi
336
856
453
477
422
dès premières constatations
83
539
142
444
217
suite à procédure diligentée par
l’ARJEL (hors ordonnance)
252
316
265
16
162
Nombre total de mise en demeures envoyées
236
766
254
277
103
Nombre de sites bloqués sur ordonnance
1
2
31
31
43
Nombre d'ordonnances du TGI prononçant le blocage
1
1
25
19
18
Source : ARJEL Rapport d’activité 2014-2015 page 31
Par ailleurs, une procédure dite de « rappel à la loi » (R.A.L.) a été instaurée début
2015. Sur 373 sites ayant fait l’objet d’un rappel à la loi, 239 se sont mis en conformité totale
ou partielle, et ce, sans engager de procédure plus lourde.
60
Les sites répertoriés comprennent à la fois les offreurs de jeux en ligne et d’autres sites d’information sur les
jeux en ligne, des comparateurs, voire des modes d’accès au monde illégal.
61
Du champ de la loi i.e. offrant des jeux d’argent et de hasard en ligne.
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62
Enfin, l’efficacité des ordonnances de blocage adressées aux FAI a été renforcée par un
accord avec Google (moteur de recherche préféré de 92 % de la population française) qui, à
réception de ces ordonnances, déréférence les noms de domaines qui lui sont signalés.
3 -
Des limites et des possibilités de contournement
Les internautes peuvent mettre en oeuvre des techniques de contournement grâce à
l’utilisation de réseaux privés virtuels (VPN), faciles d’installation et très peu coûteux, voire
gratuits. Ces dispositifs permettent de « tromper » la vigilance des sites qui pourtant bloquent
l’accès des joueurs français, ces derniers, camouflant leur adresse IP étant alors perçus comme
jouant depuis un autre pays que la France.
Aussi une seconde modalité de blocage, consistant en un contrôle du pays de résidence
par l’opérateur lors des phases d’identification du joueur, est-elle pratiquée.
Il convient enfin de noter que la procédure prévue pour le blocage des flux financiers
vers et en provenance des sites illégaux est en pratique impossible à mettre en oeuvre, en
raison de la difficulté à identifier ces flux et du peu d’intérêt des opérateurs de paiement à
agir.
B -
De nouvelles voies à explorer pour lutter contre l’offre illégale
1 -
De nouveaux phénomènes porteurs de risques à traiter avec réactivité
Le marché des jeux connaît des évolutions très rapides. L'attractivité de l'offre dépend
largement de sa capacité à se renouveler. Les modalités de la régulation doivent tenir compte
de cette donnée pour éviter la migration des joueurs vers une offre illégale plus séduisante par
sa nouveauté.
a)
Une migration des joueurs de poker à enrayer
L’ouverture à la concurrence des jeux en ligne a très largement asséché le marché illégal
sur les segments ouverts. Mais après l'engouement initial pour le poker, de nombreux joueurs
sont allés rechercher hors d'un marché légal trop étroit tant en masses qu'en variantes de jeu la
diversité et les enjeux qu'ils n'y trouvaient pas. C’est pourquoi l’ARJEL a proposé d’ouvrir de
nouvelles variantes de poker et de permettre l’internationalisation des tables de poker dans
l’espace économique européen, ce qui est autorisé en paris sportifs et hippiques.
La direction du budget a notifié à la Commission le 24 mai 2016 un décret instituant de
nouvelles variantes de poker, qui pourrait donc, sauf procédure de blocage par l’un des États
membres, entrer en vigueur d’ici à la fin de l’année 2016. Une notification concernant les
tables européennes de poker
62
a été également transmise à la Commission le 3 juin 2016 et ses
62
Notification relative à l’article du PJL Pour une République numérique concernant les tables européennes de
poker (2016/258/F).
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DES OBJECTIFS DE PROTECTION DE LA SANTÉ ET DE L’ORDRE PUBLIC LOIN D’ÊTRE ATTEINTS
63
dispositions ont été insérées à l’article 95 de la loi pour une République numérique afin de
permettre aux opérateurs européens de mutualiser leurs liquidités de poker.
La réponse ministérielle confirme que « l’offre de jeu de poker en ligne va être accrue à
très court terme avec l’ouverture de trois nouvelles variantes et le partage européen des
liquidités.» Cette extension, largement reconnue comme de nature à capter ou retenir les
joueurs attirés par une offre illégale plus diversifiée et renouvelée, aura mis cinq ans à se
réaliser depuis sa formulation dans le cadre de la revoyure
63
. Entre temps certains opérateurs
agréés auront renoncé : c’est le cas de BetclicEverestGroup qui abandonne son agrément
poker pour le site everest.fr.
b)
La délicate question des casinos en ligne
Dans la lutte contre les sites illégaux, les casinos en ligne sont une des cibles de
l'ARJEL. La décision de ne pas ouvrir à la concurrence le secteur des casinos en ligne, pour
des raisons de protection du consommateur, a eu pour effet de renforcer la présence d’une
offre illégale importante. Le comité de la stratégie de FDJ, examinant les risques et enjeux
associés à des scenarii de rupture, n’a pas manqué de relever que les investissements réalisés
par les gros opérateurs mondiaux se font sur la vidéo et les casinos en ligne qui offrent des
taux de retour aux joueurs de 90 à 95 %.
La réponse ministérielle à la Cour souligne les risques que ces jeux présentent en termes
d’addiction sans renvoyer à des évaluations ou études en établissant la preuve alors que la
direction du budget estime qu’aucune étude ne permet actuellement de prouver une
quelconque augmentation de la part des joueurs en ligne sur ce segment. Cependant la FDJ,
face à la concurrence de cette offre illégale, est disposée à « proposer une offre spécifique et
innovante de jeux de loterie en ligne à un TRJ attractif et raisonnable
64
, encadrée par des
dispositifs de prévention des pratiques de jeu excessif, pour essayer de canaliser le
développement de cette demande ».
Une approche plus globale des attentes des consommateurs permettrait de proposer des
produits de substitution dont le caractère plus ou moins addictif pourrait être évalué de façon
indépendante ainsi que le mode et les canaux de distribution.
c)
Les compétitions de jeux vidéo, un nouveau support pour les parieurs?
À l'occasion de la préparation de la loi République numérique, le monde du jeu vidéo
s'est mobilisé pour voir légalisées les compétitions de jeu vidéo organisées en présentiel.
D'aucuns apparentent cette activité ludique à un sport, l'admission des échecs au rang de
discipline sportive ayant créé le précédent. Toute compétition est susceptible d'attirer les
parieurs, toujours à la recherche de la nouveauté. De fait même si la loi a interdit les paris sur
ces compétitions, c'est un nouveau champ de développement de jeu illégal qui doit être mis
sous surveillance.
63
La loi du 12 mai 2010 avait prévu un rendez-vous dit de revoyure pour adapter le dispositif législatif et
règlementaire au vu des premiers 18 mois de mise en oeuvre . Voir Chapitre III.
64
C’est-à-dire plus élevé que le niveau actuel de 70 % des TRJ de la loterie en ligne mais tout en restant
nettement en-deçà des TRJ excessifs pratiqués sur le segment des jeux illégaux de casino en ligne.
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64
2 -
À la recherche de nouveaux moyens pour réduire l’accès à l’offre illégale
Outre la recherche d’une plus grande responsabilisation des opérateurs de paiement, la
réduction de la consommation de jeux illégaux peut prendre plusieurs voies.
a)
Des moyens juridiques à renforcer
Pour surmonter la difficulté d’atteindre les hébergeurs de sites illégaux situés à
l’étranger, une modification de l’article 61 de la loi du 12 mai 2010 pourrait permettre à
l’ARJEL de n’agir devant le Président du tribunal de grande instance de Paris qu’à l’encontre
des seuls FAI (français). L’ARJEL adresserait des mises en demeure à l’opérateur et à
l’hébergeur. Dans l’hypothèse où elles seraient restées sans effet ou que l’offre non autorisée
demeurerait accessible après un changement d’hébergeur, l’action au TGI serait engagée sans
qu’il soit nécessaire de mettre en demeure le nouvel hébergeur.
D’autres mesures sont envisagées par la FDJ :
-
permettre à l’ARJEL d’établir une « liste noire » des opérateurs non autorisés actifs sur le
marché français, à l’instar de celle prévue par la Commission des jeux de hasard belge,
afin de renforcer l’information du public sur les sites illégaux ;
-
permettre à l’ARJEL de prendre en compte, dans le cadre de l'octroi ou du
renouvellement des agréments, le caractère légal ou illégal des activités de jeux dans les
pays tiers des opérateurs, comme cela est pratiqué par certains régulateurs européens.
Toutefois, la portée d’une telle disposition serait limitée dans la mesure où la très grande
majorité des opérateurs illégaux en France sont légaux à Malte. La question peut se poser
pour des opérateurs de Curaçao ou d’autres États exotiques mais ils ne solliciteront pas
leur agrément en France ;
-
prévoir une base légale pour l'échange d'informations sur les offres illégales de jeux en
ligne entre l'ARJEL et ses homologues étrangères afin de prévenir des situations où des
sites légaux autorisés dans d’autres pays européens développent illégalement leur activité
en France ;
-
préciser que l’interdiction de publicité et de promotion des offres illégales de jeux en
ligne, prévue à l’article 57 de la loi du 12 mai 2010 s’applique également aux nombreux
sites de référencement et comparateurs d’offres illégales de jeux en ligne qui attirent les
joueurs sur les sites illégaux de casino en ligne. C’est actuellement l’interprétation de
l’ARJEL, qui vient d’obtenir le blocage d’un tel site comparateur ;
-
responsabiliser les prestataires techniques (activité B2B) en interdisant à ces derniers de
fournir aux opérateurs non autorisés les moyens techniques nécessaires à l'offre de jeux
d'argent (logiciels et plateformes de jeux). Pour cela, étendre l’homologation par l’ARJEL
non seulement des logiciels mais aussi des plateformes de jeu.
b)
Une régulation à rendre plus réactive
L’ARJEL n’a pas les mêmes compétences s’agissant des trois secteurs régulés dont elle
a la charge. Leurs limites en matière de poker ont été décrites
supra
. En ce qui concerne les
paris hippiques, la liste des courses et des événements pouvant donner lieu à paris, en ligne
comme en dur, est fixée par le ministère de l’agriculture sur proposition de l’institution des
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65
courses, sans consultation ni intervention de l’ARJEL. En matière de paris sportifs au
contraire, c’est l’ARJEL qui fixe la liste des compétitions et les types de résultats pouvant
faire l’objet de paris. L’offre de jeu est assez régulièrement revue et l’ARJEL peut en fixer le
cadre avec une relative souplesse.
Cette différence de traitement dans l’évolution de l’offre autorisée entraîne une plus
grande adaptation de l’offre pour les parieurs sportifs et une rigidité souvent incomprise par
les joueurs sur le poker. Or les attentes des consommateurs, surtout sur l’internet, et encore
plus dans le secteur des loisirs, évoluent très rapidement en fonction des modes, des
innovations, et des évolutions technologiques. Le grand défi d’une régulation est alors d’être
réactive, en s’adaptant à ces évolutions pour maintenir une offre attractive, tout en s’assurant
qu’aucun objectif de l’État n’est remis en cause par ces évolutions.
II -
Une prévention du jeu excessif ou pathologique et une
protection des mineurs encore lacunaires
A -
Un phénomène que l’on commence à évaluer
65
D’après l’enquête nationale sur les jeux d’argent et de hasard de 2014, réalisée par
l’observatoire des jeux et l’institut national de prévention et d’éducation pour la santé
(INPES), environ 4,7 % des joueurs présentent un profil de joueurs à risque modéré (3,9 %)
ou excessif (0,8 %). Cette proportion passe à 11 % pour les publics mineurs, l’enquête ayant
au demeurant relevé que 32,9 % des mineurs auraient joué au cours de l’année écoulée
(cf.
infra
).
La proportion de joueurs à risque modéré ou excessif est plus élevée pour les paris
sportifs (19,2 %), le poker « en dur » (18,6 %) et les autres jeux de table (15,9 %).
65
La notion de risque est évaluée à partir de l’indice canadien de jeu excessif (cf. annexe n° 5).
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66
Graphique n° 8 :
part de joueurs problématiques et part du chiffre d’affaires
attribuables aux joueurs problématiques par type de jeu, en France, en 2014
Note 1 : l’ICJE est l’indice canadien de jeu excessif.
Note 2 : contrairement à ce qu’affirme le PMU dans sa réponse, ces données concernent l’ensemble des joueurs interrogés
(joueurs jouant à plusieurs types de jeu + joueurs « exclusifs ») et non les seuls joueurs « exclusifs »
Source : Enquête nationale sur les jeux d’argent et de hasard ODJ/INPES 2014, calculs ODJ
La loi du 12 mai 2010 comprend plusieurs dispositions destinées à prévenir le jeu
excessif ou pathologique et la protection des mineurs. Certaines concernent l’ensemble des
opérateurs de jeux et paris (notamment celles relatives à l’encadrement de la publicité) tandis
que d’autres ne s’appliquent qu’aux seuls opérateurs de paris en ligne.
L’encadrement de la publicité : une règlementation applicable aux jeux en dur et en ligne
La loi de 2010, en son article 7, a émis des prescriptions en matière de communication
commerciale qui s’appliquent tant aux jeux en dur qu’en ligne.
Son article 8 prévoit qu’« un rapport du Conseil supérieur de l'audiovisuel, élaboré en
concertation avec les organismes d'autorégulation mis en place dans le secteur de la publicité,
évalue les conséquences de la publicité en faveur des jeux d'argent et de hasard. Il est remis au
Parlement dans un délai de dix-huit mois à compter de la date d'entrée en vigueur de la présente loi
(...) ».
40,3%
4,7%
76,1%
15,9%
26,1%
5,4%
56,8%
12,4%
24,2%
4,7%
41,0%
9,9%
40,3%
12,1%
58,5%
19,2%
63,3%
18,6%
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
100%
CA
Nb Joueurs
CA
Nb Joueurs
CA
Nb Joueurs
CA
Nb Joueurs
CA
Nb Joueurs
CA
Nb Joueurs
CA
Nb Joueurs
CA
Nb Joueurs
CA
Nb Joueurs
Ensemble
Jeux
Jeux de
casino
(hors
MAS et
poker)
Jeux de
grattage
Jeux en
ligne
Loterie
Machines
à sous
Paris
hippiques
Paris
sportifs
Poker
total
ICJE
≥
8
3
≤
ICJE
≤
7
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67
Le CSA est intervenu à de nombreuses reprises après avoir constaté divers manquements lors
de la diffusion de publicités et de parrainages en faveur de ces opérateurs.
L’autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), a adopté en juin 2009, une
recommandation déontologique. Une convention de partenariat a été signée avec l’ARJEL le 23 mai
2013.
Le troisième bilan (2013-2014) n’a conduit à relever que 9 manquements à la règle, soit
0,4 % des messages.
Aucune plainte portée devant le jury de déontologie publicitaire, instance associée à l’ARPP,
ne visait la communication publicitaire des jeux d’argent.
B -
Une prévention du jeu excessif ou pathologique diversement prise en
compte par les opérateurs
Inscrite en France dans les textes, les institutions et les pratiques avant même qu’elle
ne le soit dans la loi de 2010, la notion de jeu responsable a fait l’objet, au niveau européen,
d’une recommandation 2014/478 de la Commission du 14 juillet 2014 qui définit des
principes relatifs à la protection des consommateurs et des joueurs dans le cadre des services
de jeux d'argent et de hasard en ligne et à la prévention des jeux d'argent et de hasard en ligne
chez les mineurs.
La question du lien entre TRJ et addiction
Le taux de retour aux joueurs (TRJ) ou taux de retour aux parieurs (TRP) est la proportion
des mises que les opérateurs restituent aux joueurs, sous forme de gains.
La réglementation peut déterminer des proportions minimales ou maximales pour le TRJ,
dans la mesure où son niveau peut avoir un effet sur l’addictologie ou la propension d’un jeu à être
fraudé mais aussi sur la régulation économique de l’activité.
Concernant les jeux en ligne
:
- les paris hippiques et les paris sportifs en ligne: le décret du 4 juin 2010 fixe un plafond de
TRJ à 85 %. Depuis 2015, le respect de ce plafond s’apprécie sur l’année civile et non plus sur une
période de deux trimestres complets et consécutifs. Le contrôle en est confié à l’ARJEL ;
- les jeux de cercle en ligne : le TRJ n’est pas plafonné.
Concernant les jeux en dur :
- les jeux sous droits exclusifs de la FDJ : pour les jeux de loterie, le décret n° 78-1067 du
9 novembre 1978 modifié dispose que la part affectée aux gagnants doit être comprise entre 45 et
75 % (elle doit être inférieure à 70 % en moyenne pour les jeux de grattage) ; pour les paris sportifs
(paris à cote et Lotofoot), l’application de l’arrêté du 9 mars 2006 du ministre du budget modifié
plafonne le TRJ en moyenne pour l’ensemble des jeux de la gamme à 75 %.
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68
- les jeux de casino: le TRJ n’est fixé que pour les machines à sous, l’article R. 321-17 du
code de la sécurité intérieure prévoyant qu’il ne saurait être inférieur à 85 % des enjeux. La fixation
d’un plancher, qui limite les gains du casino, peut paraitre incohérente au titre de la lutte contre
l’addiction.
- le PMU: aux termes de l’article 18 de l’arrêté du 13 septembre 1985 précité, le TRJ est
encadré entre 60 % et 90 %. Sa détermination varie selon un calcul de l’opérateur pour chaque pari
en fonction de la masse des enjeux à partager.
Le TRJ, un outil parmi d’autres de la régulation
Sur la base des constats établis lors de son enquête nationale 2012 (« Taux de retour au
joueur, addiction et blanchiment », mai 2012), l’observatoire des jeux (ODJ) considére qu’une
augmentation du TRJ conduirait à une progression significative de la demande de jeu et pourrait
induire une augmentation du nombre de joueurs problématiques, du moins pour certaines formes de
jeu, et pourrait accroître le risque d’utilisation du jeu comme moyen de blanchiment.
Cette étude a ainsi permis de faire émerger le lien existant entre TRJ élevé et addiction, tout
en relevant que la contribution du TRJ à l’émergence d’une pratique de jeu à risque reste relative et
indissociable de la prise en compte d’autres facteurs liés aux caractéristiques du jeu ou à l’offre de
jeu : fréquences des séquence de jeu, fréquence des gains, « presque gains », etc.
Le caractère partiel de ce lien ne doit pas conduire à faire du TRJ l’indicateur principal du
risque d’addiction. C’est un outil parmi d’autres de la régulation. La fixation de planchers ou de
plafonds est la pratique administrative en vigueur. Il n’est pas prouvé qu’elle soit à l’origine de la
difficile émergence des opérateurs alternatifs sur les segments ouverts à la concurrence.
Le TRJ et la rémunération de la FDJ
La DB a demandé en novembre 2015 un arbitrage tendant à « lier » la rémunération de la FDJ
aux TRJ des jeux, faisant l’hypothèse que plus le TRJ serait élevé, moins la commission de
l'opérateur serait importante, et plus le prélèvement de l’État pourrait l’être. La FDJ considère que
cette augmentation du prélèvement de l’État n’est pas automatique
66
. Cette proposition est supposée
inciter la FDJ à développer un « mix produit » plus favorable à des produits à TRJ moins fort, en
principe moins addictifs. Mais à trop lier les intérêts budgétaires de l’État à la maîtrise des risques,
le dispositif peut pousser le consommateur vers des pratiques plus dangereuses
66
L’assiette du prélèvement constituée du solde des mises après déduction des différentes parts affectées aux
joueurs (TRJ), à l’organisateur (commission) et au paiement de divers autres prélèvements publiques et
contributions sociales, tous éléments qui peuvent évoluer, de sorte qu’une baisse de la commission n’emporte
pas automatiquement une augmentation de la masse imposable.
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69
1 -
Une prévention du jeu problématique limitée par les faiblesses du fichier
des interdits de jeu
a)
Un système d’interrogation des interdits de jeu sécurisé mais affaibli par la vétusté
du fichier et la durée du processus
La gestion du fichier est assurée par le bureau des établissements de jeux du ministère
de l’Intérieur, rattaché à la direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ)
qui est responsable de la tenue du fichier des exclus de jeux et compétente pour prononcer une
restriction de liberté individuelle,
soit sur le fondement de la demande volontaire d’une
personne, soit sur la base d’une mesure de police administrative prise au regard des troubles à
l’ordre public causés par une personne dans un établissement de jeu. Le service central des
courses et jeux (SCCJ) reçoit les personnes désireuses de se faire interdire de jeu, lesquelles
ont d’abord dû se rendre dans un commissariat, dans le but d’éviter toute manoeuvre
frauduleuse et de s’assurer de la volonté réelle et sérieuse des personnes concernées. Le face à
face pourrait être réalisé comme en matière de titres sécurisés pour décharger un service de
police d’une tâche administrative. Faute pour le bureau de disposer d’une application dédiée,
mise à jour mensuellement, il est établi manuellement sur Excel. Une modernisation de ce
fichier vétuste, affecté par la durée du processus d’inscription et de son actualisation, apparaît
ainsi indispensable.
Outre l’ARJEL, les établissements de jeux en réseaux sont, chaque mois, destinataires
de ce fichier qui recense les exclusions et levées d’exclusion de jouer à compter de leur date
de validité. L’ARJEL exploite ce fichier et joue le rôle d’intermédiaire technique entre les
opérateurs de jeu en ligne agréés et le ministère de l’Intérieur, en mettant à disposition une
plate-forme de vérification en ligne sécurisée, permettant à un opérateur de vérifier si un
joueur est ou non inscrit sur le fichier des interdits de jeu. L’interrogation s’effectue sur la
base d’une empreinte joueur irréversible, ce qui permet de protéger l’identité des personnes
inscrites sur le fichier des interdits.
b)
Une augmentation des consultations par les opérateurs
Pour les jeux et paris en ligne, les consultations doivent être effectuées à chaque
demande d’ouverture de compte et à minima une fois par période de 8 jours. En cas de
réponse positive, l’ouverture ou l’utilisation du compte joueur correspondant est bloquée.
Si l’on ne prend en compte que les interrogations uniques (suppression des
interrogations multiples portant sur les mêmes personnes), le nombre de consultations
s’établit mensuellement à 7,6 millions en 2014 contre 3,15 millions en 2012.
Entre 5 et 7 % des personnes interdites de jeu tentent d’ouvrir un ou plusieurs comptes
joueurs chaque mois.
c)
Une réforme souhaitable
Le protocole d'interrogation du fichier des interdits de jeu est un mécanisme de type
« liste noire », dont les identifiants présentent des fragilités et dont la mise à jour, mensuelle,
entraîne un risque de prise en compte tardive des nouveaux interdits
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COUR DES COMPTES
70
Des améliorations peuvent être apportées à deux niveaux :
-
celui de la gestion du fichier assurée par le ministère de l’intérieur : par la mise en place
de dispositifs d’acquisition d’identité afin de normaliser l’exploitation du fichier et éviter
les erreurs de saisie ; par l’actualisation en temps réel du fichier actuellement effectuée
mensuellement ; par la mise à disposition du fichier sur une base inférieure au mois ; ainsi
que par la mise en place d’un dispositif de pré-inscription en ligne ;
-
celui de l’utilisation du fichier par l’ARJEL, les opérateurs agréés, les monopoles en dur
et en ligne : par l’extension de l’usage du fichier, notamment aux points de vente en dur
afin de mieux assurer la protection des joueurs problématiques, par la consultation du
fichier sur la base de l’ouverture de session pour le jeu en ligne ; par la mise en place d’un
système d’interrogation et non de consultation pour l’ensemble des acteurs concernés ;
ainsi que par la mise en place, au niveau des opérateurs et monopoles en ligne, de
dispositifs automatisés d’acquisition et de vérification d’identité.
Le ministère de l’intérieur a annoncé que des travaux de modernisation du fichier
avaient repris en février 2016 ; ces modernisations sont indispensables à court terme, à défaut
d’une réforme plus profonde, car le fichier des interdits de jeu constitue la pierre angulaire de
la lutte contre le jeu excessif.
Selon la réponse ministérielle, « la modernisation des procédures du fichier des interdits
de jeux est indispensable…, ces évolutions étant prévues dans le programme de travail des
services informatiques du ministère de l’intérieur » ; la Cour note cependant que cette
inscription au programme existe depuis plusieurs années sans qu’aucune réalisation n’ait
suivi.
2 -
Les casinos en dur et les jeux en ligne : un contrôle facilité
par la levée de l’anonymat
a)
Les casinos :des résultats peu performants
S’agissant des exploitants de casinos, ce n’est que depuis la loi de 2010 qu’un objectif
de lutte contre le jeu excessif et pathologique leur a été légalement assigné. Depuis lors, les
exploitants de jeux sont responsables de la détection
des addictions, ainsi que de l’orientation
vers les structures d’aides aux joueurs excessifs, si l’addiction est avérée. Le respect de cet
objectif est vérifié par les contrôles effectués par le SCCJ.
Au-delà du fichier des exclus de jeux et de la bonne application de sa mise en oeuvre
malgré ses faiblesses, les casinos définissent une liste de personnes à ne pas recevoir (ANPR)
,
en raison des troubles qu’elles ont pu causer ainsi que les noms de celles qui ont demandé, à
titre volontaire, à y être inscrits. C’est une possibilité que leur offre la réglementation et qui
est très généralement utilisée par les exploitants.
Outre ces obligations, l’un des syndicats de la profession impose des règles à respecter
pour ses adhérents. Il a adopté une charte qui rappelle qu’il convient de « protéger les joueurs
d’eux-mêmes » et traite de la formation des personnels. Le non-respect de cette charte par un
adhérent est susceptible de sanctions de la part du syndicat.
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71
À l’occasion de ses audits, le SCCJ vérifie systématiquement au sein des casinos la
bonne formation des personnels en matière de détection de l’abus de jeu et il s’assure de
l’affichage nécessaire à l’information des joueurs en la matière. Lors des réunions de la
commission consultative des jeux de cercles et de casinos (CCJCC), le SCCJ mentionne dans
ses avis le degré d’implication des casinos dans leur politique de prévention de l’abus de jeux.
Pour autant, ces dispositions ne suffisent pas à lutter efficacement contre le jeu excessif.
Comme le montre le graphique n° 9, les casinos sont parmi les opérateurs les plus concernés
par le jeu excessif.
b)
Le jeu en ligne : un champ limité
La loi de 2010 (articles 26 à 30) et ses décrets d’application précisent les obligations
incombant aux opérateurs de paris en ligne en matière de prévention du jeu excessif. En
particulier, ils sont tenus de faire obstacle à la participation aux activités de jeu ou de paris des
interdits de jeux, notamment par consultation hebdomadaire du fichier des interdits de jeu ; ils
doivent prévenir les comportements de jeu excessif ou pathologique par la mise en place de
mécanismes d'auto-exclusion et de modération et de dispositifs d'autolimitation des dépôts et
des mises ; ils doivent informer les joueurs des risques liés au jeu excessif ou pathologique
par le biais de messages de mises en garde. Ils s’abstiennent d’adresser toute communication
commerciale aux titulaires d’un compte joueur bénéficiant d’une mesure d’auto-exclusion sur
son site ainsi qu’aux personnes inscrites au fichier des interdits de jeu et ils ont l’interdiction
de consentir des prêts aux joueurs.
Outre les faiblesses ci-dessus évoquées du fichier des interdits, l’action de l’ARJEL est
limitée par le fait que les dispositifs de lutte contre l’addiction sont détaillés dans des textes
législatifs et règlementaires peu faciles à modifier et qui ne lui permettent pas de s’opposer à
des variantes de jeux en raison de leur caractère potentiellement addictif. Certains de ces
dispositifs gagneraient à être améliorés au rythme des avancées de la recherche et de la
technologie.
D’autre part, l’hétérogénéité des dispositifs de prévention selon les canaux de
distribution amoindrit l’efficacité de ceux applicables aux jeux en ligne, dans la mesure où,
selon l’Observatoire des Jeux, 75 % des joueurs jouent à la fois en ligne et dans les réseaux
physiques. Ainsi, rien n’empêche les interdits de jeu d’effectuer des paris sportifs et hippiques
dans les points de vente de la Française des Jeux et du PMU.
3 -
Les insuffisances du secteur des jeux sous droits exclusifs
a)
Des bases législatives communes plusieurs fois modifiées depuis 2010
Les opérateurs titulaires de droits exclusifs, FDJ et PMU, se doivent de respecter les
objectifs de la politique de l’État définis à l’article 3 de la loi de 2010. L’article 66 de la loi
prévoyait que les modalités en seraient déterminées dans une convention pluriannuelle à
passer entre l’État et chacun de ces opérateurs. Cet article a été abrogé par l’article 88 de la loi
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72
de finances rectificative pour 2012
67
. La loi dite Hamon relative à la consommation
68
, en
2014, a défini en son article 157 des obligations précises pour la seule activité en ligne sous
droit exclusif de la FDJ (loterie) :
-
faire obstacle à l’accès des interdits de jeux, pour l’activité de loterie en ligne, avec
possibilité d’interrogation du fichier des interdits de jeu tenus par les services du
ministère de l'intérieur ; clôture des comptes joueurs concernés ;
-
mettre en place des mécanismes d'auto-exclusion et de modération et des dispositifs
d'autolimitation des dépôts et des mises ; communication en permanence à tout joueur
fréquentant son site du solde instantané de son compte ; information des joueurs sur les
risques liés au jeu excessif ou pathologique, par le biais d'un message de mise en garde,
ainsi que des procédures d'inscription sur les fichiers des interdits ;
-
limitation de la communication commerciale vers les catégories de joueurs sensibles
identifiés.
b)
La COJEX, pivot de la régulation du jeu responsable
La commission des jeux et paris sous droits exclusifs (COJEX), dont les attributions
sont définies dans le décret du 9 mars 2011, conseille les ministres compétents en matière
d’encadrement des jeux sous droits exclusifs de la FDJ et du PMU.
Si l’instance est commune aux deux opérateurs historiques titulaires de droits exclusifs,
le texte prévoit le traitement séparé des politiques d'encadrement des jeux de loterie et de
pronostics sportifs, d'une part, et des paris hippiques d'autre part.
Les jeux et paris exploités sous droits exclusifs par FDJ sont soumis à un régime
d’autorisation préalable de la part du ministre chargé du budget, mis en oeuvre à travers
l’approbation de son programme annuel des jeux et des conditions d’autorisation des jeux ou
familles de jeux édictées par les dispositions de l’arrêté du 30 avril 2012 précité. La FDJ a mis
en place à cette époque une matrice de prévention des risques. Au moyen de cet outil, chaque
nouveau jeu envisagé est soumis à des tests et critères d’identification des risques afin d’en
apprécier le caractère addictif auprès des publics vulnérables. Les résultats et conclusions des
tests de la matrice jeu responsable sont transmis au ministre chargé du budget dans le cadre de
la procédure d’approbation des jeux.
La FDJ et le PMU soumettent à l'approbation du ministre chargé du budget leur plan
d'actions jeu responsable pour leurs activités sous droits exclusifs. Ces plans présentent les
actions d'information et de prévention à destination du public et des joueurs ainsi que les
actions de formation des points de vente pour répondre aux objectifs de jeu responsable.
La direction du budget peut solliciter l’avis de la COJEX dans le cadre de réunions
spécifiques. Ces discussions et échanges peuvent conduire à des modifications substantielles
des jeux projetés.
67
Loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012.
68
Loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation.
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73
Remplacement du jeu « Rapido » par « Amigo »
«
Rapido » était un jeu dit de loterie rapide avec deux tirages toutes les 5 minutes, autorisé en 1999
afin notamment de lutter contre les machines à sous clandestines. Ce jeu avait pour caractéristique d’offrir au
joueur un rythme de jeu soutenu même s’il restait moindre que celui des machines à sous.
Des effets addictifs ont été mis en évidence pour un certain nombre de joueurs. Aussi une démarche de
remplacement du jeu a été demandée à la FDJ par le ministre chargé du budget.
Le comité du jeu responsable (COJER), puis la COJEX qui l’a remplacé, en ont été saisis et ont
formulé, lors des examens des propositions de la FDJ entre 2009 et 2012, des remarques précises et quelques
réserves.
Le nouveau jeu appelé « Amigo » a été accompagné de la mise en place de modérateurs de jeu
renforcés comme l’interdiction de la publicité en dehors des points de vente et la diffusion de messages de
prévention qui ont permis d’enrayer ces risques tout en conduisant à une baisse notable du chiffre d’affaires.
La COJEX avait souhaité qu’un suivi d’ « Amigo » soit assuré et qu’il lui en soit rendu compte, ce qui
a été fait lors de sa séance du 28 mai 2015 : commercialisé dans le même réseau, Amigo retrouve en grande
partie la même clientèle que Rapido. Dans un climat de montée de l'addiction au jeu d'argent en France,
l’offre actuelle Amigo ne crée pas d’addiction, grâce aux modérateurs intégrés au jeu, mais ne la diminue pas
pour autant. Les experts
Jeu responsable
constatent ainsi que la FDJ est arrivée avec Amigo à la limite de sa
politique
Jeu Responsable
et de sa responsabilité vis-à-vis des joueurs pathologiques
Le rôle de l’opérateur, également mis en exergue par l’étude INPES 2015, est désormais de ne pas
faire basculer les joueurs récréatifs Amigo vers un comportement excessif voire pathologique. Dans ce
contexte, FDJ doit s’efforcer de limiter les impacts du jeu sur son environnement, en renforçant certains
modérateurs et en réduisant l’animation du jeu.
Les opérateurs ne connaissent pas l’avis de la commission qui ne leur est pas
communiqué; ils n’en connaissent la teneur que par les références qui y sont faites par les
ministres
69
dans la lettre qu’ils leur adressent.
Les délais entre l’avis de la COJEX et la lettre ministérielle constituaient un réel
handicap pour les opérateurs. Le CGEFI l’avait relevé dans son rapport portant sur 2014-2015
et émis la recommandation d’adapter les procédures de validation du programme des jeux et
actions commerciales de la FDJ ainsi que du programme de prévention de la fraude et du
blanchiment, en réduisant les délais entre leur présentation à la COJEX, leur approbation par
le ministre et l’information ultérieure de l’opérateur.
69
Pour le PMU, la lettre est cosignée par le ministre du budget et le ministre de l’agriculture.
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COUR DES COMPTES
74
La réforme des processus d’autorisation de jeux de la FDJ
Le dispositif mis en place en 2011-2012 tout en organisant des procédures contraignantes,
peu adaptées à l’évolution de l’offre, ne permettait pas de s’assurer de l’effectivité de la conformité
des activités sous droits exclusifs aux objectifs de la loi.
Deux arrêtés
70
en date du 28 décembre 2015 traduisent une évolution du processus
d’autorisation décidée par le ministère du budget, après concertation avec la FDJ, selon quatre axes
majeurs :
-
l’avancement du calendrier du programme des jeux et actions commerciales de l’année N
(transmission avant fin septembre N-1), en vue d’obtenir une approbation ministérielle avant la fin
de l’année ;
-
l’envoi 12 à 18 mois avant le lancement, s’agissant de jeux très structurants, des demandes
d’autorisation pour éviter des développements informatiques coûteux ;
-
la délivrance d’autorisation cadre pour les jeux à mises, prix et TRJ moyens ou faibles pour
lesquels les risques en termes de jeu responsable sont très mesurés ;
-
la mise en place d’une démarche « test & learn » pour les jeux innovants : expérimentation, bilan,
ajustements avant demande de pérennisation.
Ce nouveau dispositif est entré en vigueur le 1
er
janvier 2016. Il est trop tôt pour apprécier son
impact.
c)
Une prévention dans le réseau physique des opérateurs sous droits exclusifs
qui se heurte à l’anonymat des parieurs
L’enjeu principal reste l’anonymat des joueurs. En particulier, le dispositif des interdits
de jeu ne couvre pas les réseaux physiques du PMU et de La Française des Jeux, ce qui laisse
la possibilité aux joueurs de contourner l’interdiction qu’ils se sont fixée.
La FDJ : une approche cohérente à renforcer
La stratégie historique de la FDJ repose sur un modèle de jeu extensif c’est-à-dire
s’adressant à un grand nombre de joueurs misant des sommes modestes. Sa politique de jeu
responsable s’est appuyée sur un ensemble de mesures cohérentes qui doivent toutefois être
encore renforcées.
La FDJ a ainsi mis en place une organisation interne et une politique de contrôle de son
réseau, permettant à la fois d’encourager la promotion chez les détaillants du jeu responsable
et de surveiller et sanctionner les abus. Si le lancement du programme de transformation du
réseau et la sortie du système des courtiers-mandataires pourront permettre d’améliorer
l’efficacité de la transmission, au réseau de points de vente, des objectifs et obligations
réglementaires de la FDJ en termes de jeu responsable, les conditions d’attribution du bonus
« jeu responsable » gagneraient toutefois à être d’ores et déjà durcies, ainsi que le souligne le
CGEFI
71
.
70
Le 21 mai 2014, le
c
onseil d’
a
dministration a voté à l’unanimité le lancement du programme de
transformation du réseau baptisé « Territoria » visant à la reprise en main totale à fin 2018 du réseau par FDP, la
filiale de distribution de FDJ auprès des détaillants.
71
Rapport Organismes concourant aux recettes de l'État Contrôle général économique et financier Rapports
annuels Juillet 2015.
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DES OBJECTIFS DE PROTECTION DE LA SANTÉ ET DE L’ORDRE PUBLIC LOIN D’ÊTRE ATTEINTS
75
La FDJ a également mis en oeuvre des campagnes d’information
72
, de sensibilisation des
détaillants
73
ou encore de soutien aux associations d’aide aux joueurs et à la recherche
74
.
Encouragée par la loi
75
, elle s’est aussi efforcée de développer pour son offre en ligne sous
droits exclusifs des pratiques inspirées de celles pesant sur l’offre de jeu agréée, avec
notamment la mise en place de modérateurs (plafond de mises hebdomadaires, plafond de
versement, auto-exclusion).
De plus, le développement de nouveaux jeux fait désormais l’objet d’une évaluation
préalable et d’un suivi effectif permettant de prévenir les risques d’addiction, à l’aide de la
matrice de prévention des risques mise en place en 2012 et du mode de travail dit
« JR Inside »
76
.
Ces développements, sont trop récents pour que leur efficacité soit pleinement évaluée.
Par ailleurs, des marges de progrès subsistent.
Le renouvellement rapide de l’offre de jeu de la FDJ rend difficile sinon complexe le
travail d’évaluation et de suivi par le régulateur. L’arrêté du 30 avril 2012 relatif à la
limitation et à l'encadrement de l'offre et de la consommation des jeux de la FDJ et au
contrôle de leur exploitation prévoit en son article 2 que l’autorisation de l’exploitation des
nouveaux jeux de loterie porte soit sur un jeu, soit sur une gamme de jeux
77
. Or, il apparaît
que les risques d’addiction étaient encore insuffisamment maîtrisés jusque récemment : dans
son avis 2015 sur le programme commercial de la FDJ, la COJEX exprimait ainsi des réserves
fortes sur plusieurs développements envisagés, conduisant à la mise en place de procédures
d’évaluations préalables.
72
Déploiement en 2009 de l’outil « Playscan » sur l’internet qui permet au joueur de mesurer son niveau de
dépendance aux jeux. Mise en oeuvre en 2010 de messages de prévention sur les afficheurs de caisse et les écrans
des jeux de type « Amigo ».
73
Refonte du programme de formation des détaillants au jeu responsable en 2012.
74
Partenariat avec Aide Info Jeu et e-enfance depuis 2009 ; FDJ est également le premier contributeur mécène au
budget de SOS joueurs.
75
La loi consommation de 2014 prévoit ainsi l’obligation pour les opérateurs en ligne sous droits exclusifs
d’interroger le fichier des interdits de jeux et de clôturer le compte de tout joueur qui y serait inscrit. Ce
dispositif concerne la FDJ pour son activité de loterie en ligne (le PMU étant déjà soumis en la matière aux
contraintes aux dispositions de la loi de 2010). La CNIL, par décision du 29 janvier 2015, a autorisé la FDJ à
croiser le fichier des interdits de jeux avec sa base joueurs. Par arrêté du 5 mai 2015, le ministre de l’Intérieur a
ajouté la FDJ à la liste des entités autorisées à accéder à son fichier des interdits de jeu. Afin de se conformer à
sa nouvelle obligation, la FDJ a mis en oeuvre un dispositif de contrôles automatiques permettant de s’assurer
que tout nouvel inscrit n’est pas interdit de jeu et vérifiant une fois par semaine que les joueurs déjà inscrits ne
sont pas devenus interdits de jeu entre temps, sous peine de résilier leur compte.
76
JR inside, instauré en 2015, consiste à intégrer les objectifs liés au « jeu responsable » et faisant intervenir des
experts à toutes les étapes de la conception du jeu a été instauré en 2015.
77
La FDJ lance chaque mois un jeu de grattage en ligne ou « exclu Web », dans la limite de 40 jeux autorisés.
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76
Le PMU : des mesures très insuffisantes
S’agissant des paris hippiques « en dur », la prépondérance des paris anonymes (98 %
des mises, 94 % des gains
78
) réduit considérablement les leviers d’actions disponibles pour
lutter contre le jeu excessif.
Les actions mises en oeuvre et les moyens consacrés par le PMU dans la lutte contre le
jeu pathologique ou excessif figurent dans les rapports annuels qu’il adresse à l'ARJEL et à la
COJEX.
La démarche « Jouons responsable », qui synthétise la responsabilité sociétale du PMU
vis-à-vis de ses clients, de ses collaborateurs et de ses partenaires, est formalisée depuis 2003.
Elle répond à un triple objectif : favoriser la meilleure consommation de jeu possible;
répondre aux attentes de la société civile; valoriser la marque PMU comme étant éthique et de
confiance. Elle s'appuie sur quatre piliers: la formation des collaborateurs et du réseau
79
; la
prévention auprès des clients et du grand public
80
, (y compris les partenariats avec des
services d’assistance aux joueurs) ; le soutien à la recherche médicale ; le partage d'expérience
avec d'autres opérateurs.
La COJEX a longtemps critiqué le caractère peu ambitieux des plans d’action du PMU.
On notera en particulier le refus en 2015 de la direction du budget d’autoriser le déploiement
des paris « ParionsSports » de la FDJ dans les points de vente « PMU city », faute
d’information sur la clientèle de ces points de vente, tandis que la COJEX émettait des
réserves sur ce projet « pour des motifs liés à la prévention du jeu excessif ou pathologique ».
Récemment, la COJEX a pris acte d'une meilleure prise en compte de cette thématique par le
PMU, tout en soulignant que le plan de prévention du jeu excessif restait déséquilibré en
mettant davantage l’accent sur la promotion d’une pratique responsable plutôt que la
promotion des jeux responsables. La commission soulignait au demeurant plusieurs lacunes
de ce plan : l’absence de modulation de la rémunération des titulaires des points de vente au
regard des objectifs de « jeu responsable », l’absence de ciblage des joueurs problématiques
dans le cadre des actions de prévention, l’absence d’évaluation préalable du risque addictif
des nouveaux types de paris ainsi que la prépondérance des paris anonymes en dépit des
efforts consentis pour développer une carte joueur nominative.
78
Le PMU indique que 64 % des gains sont payés en espèces dans le réseau de points de vente du PMU et 36 %
sont réglés en chèque- pari (voucher), qui sont traçables lorsqu’ils sont réutilisés par les parieurs pour rejouer.
79
Mise en place en 2009 d’une formation des nouveaux responsable des points de vente avec trois modules de
formation chacun (« Parier c’est à partir de 18 ans », « Protection des mineurs », « Jouons responsable pour que
le jeu reste un plaisir »), communication « jeu responsable » dans le magazine du réseau de points de vente,
Cheval Rouge en 2011, création d’un module « e-learning » à destination des points de vente sur le Club
avantage (site intranet dédié aux points de vente) en 2012, création d’une formation au « jeu responsable » dans
les nouveaux points de vente de type PMU City en 2013, etc.
80
Charte « jeu responsable » en 2009, communication « jeu responsable » dans le magazine du réseau de points
de vente, Cheval Rouge, développement de l’information « jeu responsable » sur les réseaux sociaux afin
d’améliorer auprès du grand public la connaissance du jeu responsable en 2012, mise en place de messages de
prévention PMU sur les écrans du terminal de prise de paris et sur les écrans tactiles d’information hippique en
2013, insertion de message de prévention et rubrique dédiée au « jeu responsable » sur l’application pour
smartphone « MyPMU » en 2014, etc.
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DES OBJECTIFS DE PROTECTION DE LA SANTÉ ET DE L’ORDRE PUBLIC LOIN D’ÊTRE ATTEINTS
77
Le développement de la carte joueur nominative : une démarche à étendre aux jeux et
paris les plus propices à l’addiction, à la fraude et au blanchiment
Afin de réduire l’anonymat des parieurs, le PMU, avec l’appui de ses tutelles, a déployé
depuis 2010 une carte privative gratuite, la carte PMU, qui permet aux parieurs de jouer sur
un compte client nominatif et sécurisé dans l’ensemble des points de vente du réseau
physique. La Carte PMU est l’un des vecteurs majeurs du plan marketing 2016 avec une
ambition très forte, la cible étant de 230 000 cartes actives à fin 2016. Cet objectif semble
toutefois difficilement atteignable : fin décembre 2015, le nombre de cartes actives s’élevait à
environ 76 000. Sur l’année 2015, le montant net des transactions en espèces effectuées avec
la Carte PMU s’est élevé à 19,4 M€ (approvisionnements pour 37,8 M€ minorés des retraits
pour 18,4 M€). Les enjeux enregistrés avec la Carte PMU se sont élevés à 99,5 M€, ce qui
reste très faible au regard des enjeux collectés par le PMU sur le réseau « en dur », soit
7,3 Md€ en 2015.
Du côté de la FDJ, le projet de développement d’une carte joueur a pris du retard, ce
qu’avaient critiqué tant la COJEX que le ministre
81
. La trajectoire présentée par la FDJ à la
COJEX le 18 février 2016 et validée par le ministre chargé du budget prévoit le déploiement
par phase et par gammes de jeux d’un dispositif d’identification des joueurs, en commançant
par les paris sportifs. Le déploiement de l’identification des joueurs au moment de leur prise
de jeu dans le réseau physique va être initiée en 2017 en commençant par la mise en place de
« comptes joueurs » sur l’offre de paris évènementiels, qui sera proposée à titre expérimental.
La création d’un tel compte sera obligatoire pour toute personne souhaitant participer à cette
offre. La FDJ prévoit ensuite d’étendre cette expérimentation à l’ensemble de la gamme sport
puis, en fonction des résultats de l’expérimentation, de la pérenniser dans les cinq ans pour
l’ensemble de la gamme sport.
Compte tenu des difficultés rencontrées par les opérateurs sous droits exclusifs pour
développer la carte joueur sur la base du volontariat, une nouvelle étape devrait être préparée
pour que, ainsi que cela existe déjà dans certains pays, comme la Finlande ou la Norvège, la
carte joueur ou tout autre système d’identification soit progressivement rendue obligatoire
dans le réseau physique. Pour qu’un dispositif soit pleinement efficace en matière de
prévention du jeu problématique, il doit pouvoir en effet concerner l’ensemble des opérateurs
et pas uniquement, comme aujourd’hui ceux des jeux en ligne.
La généralisation progressive de la carte joueur doterait le régulateur et les opérateurs
de moyens efficaces pour lutter contre le jeu excessif et le jeu des mineurs, mais aussi contre
la fraude et le blanchiment. Elle irait dans le sens de la levée de l’anonymat exigée dans le
cadre de la IVème directive anti-blanchiment.
81
Dans sa lettre du 28 décembre 2015 relative au programme de jeux et des actions commerciales et au plan
d’action jeu responsable de la FDJ, le secrétaire d’État au budget « regrette vivement que le plan d’actions ne
fasse pas état de l’avancement en 2016 du projet d’identification et de connaissance des joueurs en points de
vente, annoncé depuis plusieurs années déjà : cet objectif doit désormais être considéré comme prioritaire ». Il
demande à la FDJ de « faire part à la COJEX des dispositions qui seront prises pour assortir le dispositif
d’identification de mécanismes propres à développer une pratique de jeu responsable, afin que celui-ci ne soit
pas utilisé uniquement à des fins commerciales ».
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COUR DES COMPTES
78
La réponse ministérielle précise que « l’augmentation de la part du jeu sur compte ou
avec identification dans le réseau physique est un objectif partagé par les ministères
régulateurs qui veillent à inciter résolument les deux opérateurs de jeux sous droits exclusifs à
intensifier le développement du jeu sur carte nominative, tout en leur laissant des délais
adéquats pour adapter leur organisation (notamment auprès des détaillants) et leurs systèmes
informatiques ». Toutefois, comme indiqué plus haut, les incitations se sont jusqu’à présent
révélées peu efficaces.
Par ailleurs, elle indique « qu’une carte joueur qui serait rendue obligatoire à l’ensemble
des
joueurs
et
quel
que
soit
le
type
de
jeu
courrait,
en
France,
un
risque
d’inconstitutionnalité», sans toutefois documenter cette assertion. La Cour rappelle que les
jeux d’argent et de hasard sont soumis en France à un régime de prohibition et leur pratique
s’exerce sous un régime dérogatoire.
4 -
Un soutien aux joueurs problématiques à structurer
Le soutien aux joueurs repose essentiellement sur l’action de l’Institut national de
prévention et d’éducation pour la santé (INPES), dont le financement est assuré pour partie
par des prélèvements sociaux affectés sur les jeux d’argent, et du GIP ADALIS
82
, placé sous
son autorité, avec l’ouverture le 7 juin 2010 et l’animation depuis de la ligne « Joueurs Écoute
Info Service » à laquelle s’est ajoutée en janvier 2013, la création d’un site Internet
d’information joueurs-info-service.fr
83
.
De son côté, l’ARJEL propose un site EVALUJEU qui permet aux joueurs et à leur
entourage d’évaluer simplement les pratiques de jeu et de trouver des adresses d’organismes
de soutien. À cet égard, il convient de souligner le rôle essentiel des associations comme SOS
joueurs qui ne reçoit aucune aide de l’État et qui doit se tourner vers les opérateurs (FDJ,
PMU) pour son financement.
Pour l’aspect curatif, les joueurs pathologiques peuvent être pris en charge par les
Centre de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA). Ces centres,
créés par décret du 14 mai 2007 ont vu leur mission étendue aux addictions sans substance
84
.
Cette vision large des addictions a correspondu à l’extension de la mission confiée à la
MILDECA
85
. Compte tenu de la prise en compte des jeux d’argent dans le cadre du plan
82
Adalis (Addictions Drogues Alcool Info Service) est un groupement d'intérêt public (GIP) dépendant du
ministère chargé de la Santé et placé sous l'autorité de l'Inpes.
83
Ligne consacrée à l’information et l’assistance aux joueurs en difficulté et à leur entourage. Le dispositif
comporte un numéro « crystal » (en « 09 ») et un site Internet incluant des pages d’information, un espace de
discussion et un forum.
84
Les CSAPA, selon la circulaire N° DGS/MC2/2008/79 du 28 février 2008 relative à la mise en place des
centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie et à la mise en place des schémas
régionaux médico-sociaux d'addictologie s’adressent aux personnes en difficulté avec leur consommation de
substances psychoactives (licites ou non, y compris tabac et médicaments détournés de leur usage). Leur mission
s’étend également aux personnes souffrant d’addictions sans substance (en particulier le jeu pathologique).
85
Dépendant des services du Premier ministre, la MILDECA, qui est chargée par les articles D. 3411-13 à
D. 3411-16 du code de la santé publique de coordonner les politiques publiques de lutte contre les drogues et
l’ensemble des conduites addictives
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DES OBJECTIFS DE PROTECTION DE LA SANTÉ ET DE L’ORDRE PUBLIC LOIN D’ÊTRE ATTEINTS
79
gouvernemental de lutte contre les drogues et les conduites addictives, une implication plus
forte de la MILDECA dans la politique des jeux pourrait être envisagée.
C -
Une interdiction de l’offre de jeu aux mineurs non assurée
1 -
Des obligations communes, des exigences plus ou moins précises
Aux termes de l’article 3 de la loi du 12 mai 2010, « les mineurs, même émancipés, ne
peuvent prendre part à des jeux d'argent et de hasard dont l'offre publique est autorisée par la
loi. Les opérateurs de jeux d'argent et de hasard légalement autorisés sont tenus de faire
obstacle à la participation de mineurs, même émancipés, aux activités de jeu ou de pari qu'ils
proposent. » Et l’article 7, applicable à l’ensemble du secteur, prévoit que « toute
communication commerciale en faveur d’un opérateur de jeux d’argent et de hasard
légalement autorisé » est interdite dans les divers supports accessibles aux mineurs.
Les contraintes pesant sur les opérateurs sont plus précises pour les paris en ligne que
pour les paris en dur.
a)
Les opérateurs en ligne
La loi du 12 mai 2010 définit avec précision, en son article 5, les obligations des
opérateurs en ligne, y compris FDJ et PMU pour leurs activités en ligne sous agrément, en
matière de protection des mineurs.
La délibération n° 2013-3 du 22 janvier 2013 du CSA précise par ailleurs que les
publicités doivent exclure toute représentation de mineurs, toute incitation à jouer, et que la
publicité ne doit pas rendre les jeux d’argent et de hasard particulièrement attractifs ni mettre
en scène des personnalités, personnages ou héros appartenant à l’univers des enfants.
Dans sa recommandation déontologique de juin 2009, l’ARPP a défini les types de
publicité pouvant constituer des manquements à la protection des mineurs.
b)
Les titulaires de droits exclusifs
Le principe d’interdiction aux mineurs des jeux d’argent et de hasard, introduit dans le
cadre des décrets de 2007 ayant mis en place le jeu responsable, est, depuis 2010, inscrit dans
la loi et s’applique aux titulaires de droits exclusifs, avec toutefois un degré de précision
moindre que pour les opérateurs en ligne sous agrément.
S’agissant de la FDJ, les décrets n° 78-1067 et 85-390 modifiés énoncent simplement
que «
les jeux de loterie ne peuvent être vendus aux mineurs, même émancipés. Nul ne peut
être tenu pour responsable du non-respect de la disposition précédente, s’il a été induit en
erreur sur l’âge du ou des mineurs concernés
».
S’agissant des opérateurs de paris hippiques en dur, l’article 4 de l’arrêté du
13 septembre 1985 portant règlement du pari mutuel urbain et sur les hippodromes précise
que
« les personnes mineures ne sont pas autorisées à engager des paris et l’accès des
guichets sur les hippodromes et de ceux situés dans les établissements habilités à recueillir
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COUR DES COMPTES
80
les paris en dehors des hippodromes leur est interdit ».
Le contrôle du respect de cette
obligation est confié au SCCJ. En pratique, le contrôle est peu intense compte tenu de la
multiplicité des points de vente et surtout du faible intérêt des mineurs pour les paris
hippiques (cf.
infra
).
c)
Les casinos
S’agissant de la protection des mineurs, les casinos (et les cercles, soumis en la
matièreaux mêmes contraintes) se voient appliquer les restrictions générales d’accès aux
mineurs applicables aux autres formes de jeux. S’y ajoutent des dispositions spécifiques.
C’est ainsi que les casinos doivent s’organiser pour interdire l’accès des salles de jeux aux
mineurs ou majeurs sous protection juridique. Cette interdiction d’accès aux mineurs doit être
rappelée dans les établissements de jeux par voie d’affichage. Elle fait l’objet d’un contrôle
d’identité des clients à l’entrée des établissements.
Pour les casinos, cette réglementation ne décrit pas les dispositifs organisationnels,
matériels et techniques à mettre en place, mais le cadre général à respecter. Il appartient à
chaque entreprise d’organiser un dispositif qui soit efficace en sus du contrôle aux entrées des
salles de jeux.
2 -
Les actions mises en place
a)
L’ARJEL
Au titre des actions de prévention, l’ARJEL a conclu un partenariat avec l’association
e-Enfance, qui mène des actions de sensibilisation dans les établissements scolaires.
Le contrôle du respect de l’obligation de protection des mineurs est assuré par
l’ARJEL dans le cadre de ses contrôles « opérateurs » qui portent sur les conditions
d’ouverture des comptes-joueurs et sur leur gestion.
Différents types de contrôles ont été effectués par l’ARJEL qui considère que les
obligations en la matière sont désormais respectées par les opérateurs.
Sur les neuf affaires ayant donné lieu à la saisine de la commission des sanctions de
l’ARJEL depuis 2010, aucune ne concerne des faits mettant en cause la protection des
mineurs. Aucune infraction aux règles de protection des mineurs n’a par ailleurs été signalée
au Parquet depuis 2010.
b)
La FDJ, des actions nécessaires, des réserves de la COJEX
La prévention du jeu des mineurs dans le réseau physique s’appuie sur les mêmes
dispositifs de contrôle du réseau des détaillants que la prévention du jeu pathologique et
excessif (voir
supra
). On peut noter que conformément aux recommandations du CGEFI
86
, la
FDJ a amorcé un renforcement de ses contrôles internes :
86
Rapport OCRE 2014-2015
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DES OBJECTIFS DE PROTECTION DE LA SANTÉ ET DE L’ORDRE PUBLIC LOIN D’ÊTRE ATTEINTS
81
-
la reprise de bonus est passée de 75 à 100 %, en cas de constatation de vente à mineur ;
-
à partir de 2016, deux inspections annuelles sont prévues pour les points de vente ayant
eu une reprise de bonus ;
-
une opération de testing sur la vente aux mineurs dans 1000 points de vente a été
annoncée pour 2016.
Ces actions sont pertinentes.
Toutefois, le maintien d’une prévalence forte pour le jeu des mineurs sur les segments
de jeu de la FDJ a conduit la COJEX à exprimer à plusieurs reprises des réserves
87
. La
commission souligne que l’intensification de la politique commerciale de la FDJ doit
s’accompagner de précautions propres à en assurer la cohérence avec la politique Jeu
responsable de l’entreprise, notamment en ce qui concerne la prévention du jeu des mineurs
qui en constitue une priorité.
Sur le réseau de distribution, tout en validant l’extension du réseau de points de vente
y compris dans de nouveaux types de lieux comme les stations services ou les gares, la
COJEX « souligne le paradoxe qui consisterait à renforcer le contrôle sur le réseau
traditionnel par l’intermédiaire de la filiale FDP sans procéder à un effort de même nature sur
le nouveau réseau compte tenu de son extension annoncée »
Sur l’animation promotionnelle, «
sans dénier la nécessité d’une telle animation
», la
COJEX exprime de vives réserves sur la généralisation d’opérations comportant la
distribution de coupons externes et de bons à valoir ainsi que sur le projet de diffusion
d’étiquettes cadeau
88
. (…) Elle s’inquiète notamment des incidences de ces pratiques, qui
s’introduisent dans les domiciles, sur le jeu des mineurs, particulièrement en matière de paris
sportifs qui exercent une attractivité forte sur cette catégorie.
Sur le développement de l’offre digitale, la COJEX «
relève le souci de la FdJ de
simplifier l’accès aux jeux et de renouveler et d’enrichir l’expérience de jeu à travers de
nouvelles techniques innovantes adaptées au déploiement des nouveaux supports (mobiles,
tablettes).
» Mais «
compte tenu de l’engouement des jeunes pour ces supports,
» elle
demande de limiter l’accès aux mineurs et le raccourcissement du délai de clôture des
comptes provisoires ».
c)
Le PMU :
la faible appétence des mineurs pour les courses hippiques
L’examen des programmes commerciaux du PMU en COJEX témoigne d’une
préoccupation certaine en matière de prévention du jeu des mineurs. Dès 2009, ainsi, les
modules de formation des détaillants des nouveaux points de vente comportaient une
sensibilisation à la protection des mineurs. En 2012, le PMU a lancé une campagne de
sensibilisation au jeu des mineurs (« Parier, c’est à partir de 18 ans »), et mis en place une
signalétique par stickers.
87
Cf. notamment l’avis de la COJEX sur le programme commercial 2015 de la FDJ.
88
La FDJ précise que le projet de diffusion « d’étiquettes cadeau » a été abandonné avant son lancement.
La régulation des jeux d’argent et de hasard - octobre 2016
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COUR DES COMPTES
82
Il n’en reste pas moins que, à l’instar des constats concernant le jeu pathologique et
excessif, l’action du PMU souffre en la matière d’un manque de contrôle de son réseau de
détaillants.
Le faible déploiement, à ce stade, de la carte joueur n’apporte qu’une solution limitée
et devrait clairement être renforcée, conformément à la demande de la tutelle .
In fine
, la prévention du jeu des mineurs en matière de paris hippiques bénéficie en
premier lieu du faible intérêt de ce public pour ce type de paris
89
. Cette situation ne saurait
toutefois satisfaire l’exigence de régulation.
d)
Les casinos
Le non-respect des obligations s’imposant aux casinos est susceptible de mesures de
police administrative: exclusion administrative pour un mineur fautif à compter de sa
majorité, possibilité de sanctions administratives contre un contrôleur aux entrées non
vigilant ; la sanction d’un établissement de jeu est également possible. Des mesures
judiciaires peuvent également être appliquées.
Concrètement, les rapports du SCCJ qui font suite à ces contrôles sont
systématiquement transmis au bureau des établissements de jeux de la DLPAJ, qui est
compétent pour la prise de mesures de police administrative adaptées à l’encontre du
contrôleur aux entrées, voire en cas de manquement particulièrement grave, du directeur
responsable ou du membre du comité de direction, si l’employé a obéi à une directive de sa
hiérarchie.
En pratique, les établissements de jeux assurent un contrôle aux entrées, qui, selon le
SCCJ, «
est effectué par un contrôleur spécialement agréé au moyen d’une liaison
informatique et par renseignement systématique de l’état civil du client dans le fichier et
vérification des données d’identité.
»
3 -
Une interdiction qui n’est globalement pas respectée
Les résultats de l’enquête ODJ-INPES 2014 précités font apparaître que la pratique
non négligeable des jeux d’argent chez les mineurs concerne pour l’essentiel et sans surprise
les jeux de grattage (66 %) et de loterie (22 %), soit des jeux pratiqués dans le réseau sans
levée d’anonymat pour les mises, mais aussi les jeux de paris sportifs (31,7 %), plus attractifs
que les paris hippiques pour ce public et également dans le réseau, avec au demeurant une
prévalence de jeu problématique largement supérieure à celle constatée pour le public adulte :
11 % contre 4,6 %.
89
Les paris hippiques ne sont pas répertoriés parmi les jeux pratiqués par les mineurs dans l’enquête nationale
sur les jeux d’argent et de hasard INPES/ODJ 2014. L’âge moyen du joueur de paris hippiques en point de vente
est d’environ 47 ans.
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83
Tableau n° 12 :
type de jeux pratiqués au cours de l’année écoulée
par les joueurs français de 15 à 17 ans, en 2014
Source : enquête nationale sur les jeux d’argent et de hasard ODJ/INPES 2014, calculs
ODJ
L’étude commanditée par la FDJ
90
et intitulée « Mesurer, comprendre et qualifier les
pratiques de jeux d’argent et de hasard chez les mineurs et les jeunes »
91
confirme largement
cette situation et fait apparaître que 10 % des mineurs jouent aux jeux d’argent. Parmi eux, un
sur quatre jouerait une fois par semaine pour 8 €. Les experts mandatés par la FDJ ont indiqué
que ce document n’a pas vocation à être publié. Cela ne manquerait pourtant pas d’intérêt
pour soutenir le débat et stimuler une évolution des comportements.
La mise en place, dans le réseau physique, de la carte joueur préconisée
supra
permettrait aussi d’effectuer les vérifications d’identité indispensables pour écarter les
mineurs du jeu en dur, comme ils le sont du jeu en ligne.
90
In Bilan et actualisation du Plan d’Actions Jeu Responsable – Septembre 2015.
91
Son volet quantitatif a consisté en un questionnaire online administré fin 2014 à un échantillon de 1 200
personnes âgées de 7 à 24 ans, répartis en 4 groupes 7-10 ans, 11-14 ans, 15-17 ans, 18-24 ans. Un volet
qualitatif a associé sept communautés online au printemps 2015 (jeunes, parents, détaillants).
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84
III -
L’intégrité, la fiabilité et la transparence des opérations de
jeu : des efforts récents à confirmer et compléter
A -
Une prévention des conflits d’intérêt et de l’intégrité à renforcer
1 -
L’exemple de l’éthique du sport et des droits des sportifs
Intégrité du sport et intégrité des jeux
En 2012, l’équipe Cesson-Rennes Métropole HB a remporté un match de handball face à
l’équipe de Montpellier, alors championne de France. Quatre jours après la rencontre, la FDJ alerte
les autorités de mises (plus de 80 000 euros) et de gains (plus de 200 000 euros) anormalement
élevés pour les paris liés au match, entraînant le déclenchement d’une enquête du fait de soupçons
quant à l’intégrité de la compétition, dont l’issue défavorable à Montpellier aurait été déterminée
préalablement. Sont mises en examen une quinzaine de personnes, dont 7 joueurs et un buraliste;
En 2015, le tribunal de grande instance de Montpellier condamne 16 personnes, (pour « manoeuvre
frauduleuse» aux dépens de la Française des Jeux), à des sanctions allant jusqu’à 30 000 euros.
Ceux-ci ont fait appel.
S’agissant des compétitions et manifestations sportives, la loi de 12 mai 2010
comprenait déjà un régime d’interdiction spécifique aux opérateurs de paris sportifs. Ce cadre
juridique a été complété par la loi du 1
er
février 2012 visant à renforcer l’éthique du sport et
les droits des sportifs, qui impose notamment aux fédérations d’édicter des règles ayant pour
objet d’interdire aux acteurs des compétitions sportives :
-
de réaliser des prestations de pronostics sportifs sur ces compétitions lorsque ces acteurs
sont contractuellement liés à un opérateur de paris sportifs titulaire d’un agrément délivré
par l’ARJEL ou lorsque ces prestations sont effectuées dans le cadre de programmes
parrainés par un tel opérateur ;
-
de détenir une participation au sein d’un opérateur de paris sportifs titulaire d’un
agrément délivré par l’ARJEL qui propose des paris sur la discipline sportive concernée ;
-
d’engager, directement ou par personne interposée, des mises sur des paris reposant sur la
compétition à laquelle ils participent ou de communiquer à des tiers des informations
privilégiées. Le contrôle de cette interdiction a été facilité par le décret 2013-947 du
22 octobre 2013, qui autorise les fédérations délégataires organisant ou autorisant des
compétitions sportives pouvant servir de support à des paris en ligne à mettre en oeuvre,
sous le contrôle de la CNIL, un traitement automatisé de certaines données à caractère
personnel relatives aux acteurs de ces compétitions, à transmettre ce traitement
automatisé à l’ARJEL. Depuis l’ouverture du service fin 2013 et jusqu’en juin 2015,
17000 demandes ont été réalisées. Toutefois, ces contrôles ne concernent que les paris
sportifs en ligne.
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85
En outre, une plateforme nationale de lutte contre les manipulations de compétitions
sportives, confiée à l’ARJEL, a été installée le 28 janvier 2016, sous la présidence du ministre
chargé des sports. Compte tenu de ses objectifs et de sa composition
92
, elle participera de fait
à la régulation des paris sportifs.
2 -
Des opérateurs sous droits exclusifs peu sensibilisés
a)
La FDJ : des intentions à confirmer
Rien n’interdit à ses employés de participer aux jeux de loterie de la FDJ. En revanche
en vertu de l'article 32-1
93
de la loi de 2010 , les employés de FDJ ne peuvent pas participer
aux paris sportifs proposés en ligne sur ParionsWeb. L'arrêté du 28 décembre 2015, entré en
vigueur au 1
er
janvier 2016, reprend cette interdiction pour les paris sportifs en monopole. Ces
prescriptions font l’objet de contrôles de la part de la FDJ.
S'agissant des jeux de pronostics sportifs commercialisés en points de vente, l'anonymat
des prises de jeu ne permet pas de contrôles directs. À ce jour aucun contrôle n’est exercé.
Le CGEFI a recommandé de promouvoir la démarche éthique engagée par l’entreprise,
diffuser son code éthique et sensibiliser les administrateurs, les collaborateurs du groupe,
voire l’ensemble des détaillants aux problématiques de conflits d’intérêts, de prévention de la
fraude et de la corruption notamment.
b)
Un dispositif peu contraignant et non contrôlé pour les courses hippiques.
De même que pour les fédérations organisatrices de compétitions sportives, la question
de la régularité des courses hippiques relève de la compétence des sociétés mères qui en sont
les organisatrices.
Pour répondre aux objectifs de régularité des courses, un certain nombre de règles ont
été fixées (loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 et décret n° 2010-498 du 17 mai 2010) :
-
les paris hippiques ne peuvent être organisés qu’en la forme mutuelle, l’organisateur des
paris devant avoir un rôle neutre et désintéressé quant au résultat du pari. Le pari à cote
où le client parie contre l’opérateur de jeux, n’est pas autorisé ;
-
les paris ne peuvent porter que sur le résultat officiel de la course (arrivée de la course),
ce qui exclut les paris portant sur des étapes intermédiaires de la course ;
-
les paris ne portent que sur les chevaux classés aux cinq premières places; les paris ne
portant pas sur les gagnants pouvant susciter des manipulations de la part des acteurs de la
92
La plateforme se compose de représentants des ministères chargés de la justice, de l’intérieur, des finances,
des sports, ainsi que des représentants de l’ARJEL, de la FDJ au titre de ses droits exclusifs dans le domaine des
paris sportifs en dur, du Comité national olympique et sportif français et des représentants des acteurs du
mouvement sportif professionnel. La plateforme comprend deux formations dont une « formation de surveillance
du marché français des paris sportifs » sous la présidence du président de l’ARJEL.
93
Interdisant
aux propriétaires, dirigeants, mandataires sociaux et personnels des opérateurs de jeux et de paris
agréés d'engager à titre personnel, directement ou par personne interposée, des mises sur les jeux ou paris
proposés par cet opérateur
.
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86
course (tel que le pari sur le second ou le quatrième déjà proposés par certains opérateurs
à leur clientèle), risquent en effet de fausser le résultat.
Toutefois, ces dispositions ne paraissent pas suffisantes pour garantir la régularité des
courses. En particulier, l’argument selon lequel le pari mutuel limiterait les risques de
manipulations, dans la mesure où une prise de pari importante diminue la cote et donc les
gains pour le parieur, est doublement contestable :
-
le pari mutuel protège surtout l’opérateur : en cas de manipulation de la part d’un parieur,
ce sont les parieurs qui sont lésés et non l’opérateur ;
-
les développements relatifs aux parieurs professionnels (cf. infra) montrent qu’il est
possible de miser des sommes importantes sans faire effondrer la cote.
En dépit de la proximité entre paris sportifs et paris hippiques, le nouveau cadre
juridique applicable aux paris sportifs n’a pas encore trouvé son équivalent pour les paris
hippiques.
L’interdiction de parier
Les administrateurs et les collaborateurs du PMU ont l’interdiction de parier à
l’ensemble des jeux et paris qu’il propose, y compris les jeux pris sur le réseau physique.
S’agissant des paris en ligne, la mise en oeuvre de cette obligation est notamment
vérifiée dans le cadre de la certification annuelle à laquelle les opérateurs sont astreints en
application du second alinéa du III de l’article 23 de la loi du 12 mai 2010. Toutefois, le
contrôle renforcé de cette interdiction n’a été mis en place qu’en 2014, notamment par un
croisement de fichiers entre la liste des comptes joueurs et la liste des salariés du PMU, et ne
concerne que les paris en ligne.
En revanche, ni les personnels ni les dirigeants des sociétés de courses constituant le
GIE PMU (notamment les sociétés mères) n’ont d’interdiction de ce type. Au sein des
instances chargées de veiller à la régularité des courses, seuls les commissaires de courses ont
l’interdiction de parier sur les courses pour lesquelles ils exercent leurs fonctions. Les
commissaires des sociétés mères n’ont pas d’interdiction de parier. D’après France Galop, les
« handicapeurs », qui sont des salariés de cette association chargés de déterminer le poids
devant être porté par chaque cheval lors des courses à handicap, et dont la décision est
largement susceptible de modifier l’issue des courses, ont l’interdiction de parier, mais cette
règle ne semble être ni formalisée ni contrôlée.
De même, le personnel du groupement technique des hippodromes parisiens (GTHP) et
des sociétés de course de province, chargés d’organiser la prise de paris sur les hippodromes,
ne sont pas concernés par cette interdiction.
Un cadre juridique insuffisamment contraignant pour les participants aux courses
hippiques
Concernant les courses hippiques, l’article 32 de la loi du 12 mai 2010 fait reposer sur
les sociétés mères de courses de chevaux la responsabilité d’intégrer au sein du code des
courses les dispositions visant à empêcher les jockeys et les entraîneurs participant à une
épreuve d’engager, directement ou par personne interposée, des mises sur cette épreuve, et de
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87
divulguer des informations privilégiées dont ils auraient connaissance, et qui sont inconnues
du public.
Cette obligation s’est matérialisée :
-
d’une part, à l’article 39 bis du règlement de la Société d’Encouragement à l’Élevage
français formant le code des courses au trot, à l’encontre de toute personne titulaire d’une
autorisation d’entraîner ou de monter ;
-
d’autre part, dans le Code des courses au galop à l’encontre des mandataires des jockeys,
des entraîneurs et des jockeys eux-mêmes respectivement, aux articles 24, 26 et 43.
Toutefois, le respect de cette interdiction n’est contrôlé ni pour les paris hippiques en
ligne ni pour les paris hippiques en dur.
À défaut de disposition similaire à celle introduite dans le code du sport, le contrôle du
respect de l’obligation prévue à l’article 32 de la loi du 12 mai 2010, en matière hippique,
ressort de la seule compétence des sociétés mères de courses ; aucun texte ne prévoit
cependant d’échanges d’informations entre ces dernières et l’ARJEL. Comme pour les paris
sportifs, un croisement de fichiers, opéré par l’ARJEL sous le contrôle de la CNIL, entre les
listes des jockeys et des entraineurs des sociétés mères et le fichier des comptes clients des
opérateurs permettrait de vérifier le respect de cette interdiction pour les paris en ligne.
En ce qui concerne les paris pris sur le réseau physique, un tel contrôle apparaît plus
difficile à mettre en oeuvre en l’état actuel du cadre législatif et réglementaire, compte tenu de
la prépondérance des paris anonymes et de l’absence d’autorité de régulation susceptible de
réaliser ces contrôles et de sanctionner les infractions. À tout le moins, le cadre juridique
pourrait être modifié afin de croiser le fichier des gagnants de plus de 3000 € avec les fichiers
des jockeys et des entraineurs.
Par ailleurs, les propriétaires de chevaux ne sont pas concernés par cette interdiction de
parier, ce qui apparaît très contestable. En effet, comme le souligne l’ARJEL, les propriétaires
de chevaux de courses disposent, tout comme les jockeys, leurs mandataires ainsi que les
entraîneurs, d’un intérêt financier dans la participation de leurs chevaux dans une épreuve
hippique et d’informations privilégiées, eu égard aux liens étroits qu’ils entretiennent avec
l’entraîneur qui leur rend compte des modalités de gestion de la carrière du cheval.
Le PMU a indiqué n’être pas en mesure d’évaluer la proportion des gains reversés aux
propriétaires, compte tenu de la forte proportion des paris anonymes. Pour les gains supérieurs
à 3000 €, pour lesquels le bénéficiaire doit être identifié par le PMU, cette proportion n’est
pas non plus connue, en l’absence de croisement de fichiers entre les fichiers de propriétaires
détenus par les sociétés mères et les fichiers des gagnants. Même si ces difficultés matérielles
sont réelles, il semble étonnant que le PMU n’ait pas engagé d’enquêtes clients permettant
d’évaluer la proportion de socio-professionnels des courses et de propriétaires de chevaux
parmi ses clients.
S’agissant des pronostics hippiques, l’activité n’est pas régulée. À titre d’exemple, une
partie de l’activité de la chaine Equidia Live est consacrée à la diffusion de pronostics
hippiques. Or, cette chaîne est une SAS détenue par le PMU et les deux sociétés mères. Dans
sa décision n° 14-D-04 (cf.
infra
), l’Autorité de la concurrence soulignait cette singularité :
« Le PMU se trouve ainsi au centre d’une intégration verticale du secteur des paris hippiques :
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88
les sociétés et les sociétés-mères de courses, membres du GIE PMU, organisent et
réglementent les courses hippiques, lesquelles sont les supports des paris du PMU, opérateur
historique de paris hippiques en France. Celui-ci contrôle Gényinfo dont l’activité, outre la
prise de paris hippiques, est l’information des parieurs, ainsi qu’Equidia, qui retransmet en
direct les courses hippiques. Il convient de souligner qu’une telle intégration, si elle est
autorisée en matière de paris hippiques, est strictement impossible s’agissant des paris
sportifs. »
Enfin, à la différence de ce qui existe dans le domaine du sport, les textes législatifs et
réglementaires ne prévoient pas actuellement d’incrimination pénale spécifique concernant le
dopage des chevaux de courses et la corruption hippique. Celles-ci ne peuvent faire l’objet
que de sanctions disciplinaires, elles-mêmes prononcées par les sociétés mères dans des
conditions qui ne permettent pas de garantir une totale indépendance (cf.
infra
).
Les réflexions en cours
En 2013, l’ARJEL a créé une commission spécialisée chargée de réfléchir sur le thème
« prévention des risques de manipulation sportive et hippique ». S’agissant des paris
hippiques, le rapport de la commission spécialisée soulignait :
-
la faiblesse des moyens dévolus aux pouvoirs publics concernés par la régulation des
courses,
-
l’inadéquation entre la régulation assumée par l’ARJEL des paris hippiques en ligne et
son rôle limité dans la définition de ces supports de paris, ce qui la conduisait à proposer
que l’ARJEL soit partie prenante dans l’élaboration du calendrier des courses autorisées
par le MAAF ;
-
l’opportunité d’accorder aux jockeys et drivers le statut de sportif à part entière, en
soulignant qu’une telle évolution, si elle était décidée, devrait intégrer tous les droits et
toutes les obligations pesant actuellement sur le statut de sportif, dont la qualification
pénale de certains faits répréhensibles, comme notamment la corruption dans une épreuve
et des contrôles sur les sportifs ;
-
l’intérêt de revoir et d’adapter les programmes de formation à l’AFASEC à l’égard des
apprentis jockeys et des drivers et pour les paris sportifs et hippiques, de développer le
croisement des fichiers et d’étendre le décret aux acteurs ne relevant pas des sanctions
disciplinaires.
En septembre 2015, le président de l’ARJEL a écrit au ministre de l’agriculture pour lui
demander d’entamer de concert une réflexion sur l’évolution de l’offre de paris hippiques, sur
les modalités d’élaboration du calendrier des courses supports de paris en ligne ainsi que sur
le renforcement des règles éthiques en lien avec les paris hippiques. Cette demande a été
reçue favorablement et des groupes de travail ARJEL/MAAF devraient être constitués fin
2016.
La Cour considère qu’il serait effectivement indispensable de mettre en place un cadre
juridique renforçant l’éthique des courses hippiques sur le modèle de ce qui a été fait dans le
domaine du sport : prévoir des incriminations pénales en matière de dopage et de corruption
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89
hippique
94
et renforcer la prévention des conflits d’intérêt notamment en étendant
l’interdiction de parier aux propriétaires de chevaux et aux dirigeants et personnels des
sociétés de courses; mettre en place les dispositifs réglementaires permettant de s’assurer du
respect de l’interdiction de parier pour les personnes concernées ; réguler l’activité de
pronostics hippiques.
Les ministres estiment que, si un parallélisme avec le secteur sportif devait être opéré,
les sociétés de courses, attributaires de délégation de missions de service public devraient
avoir en charge la définition, au même titre que les fédérations sportives, des acteurs
concernés par l’interdiction de parier. Compte tenu des réticences extrèmement fortes des
sociétés mères pour restreindre le droit de parier des propriétaires, la Cour considère qu’il
serait indispensable de définir dans les textes les catégories de personnes visées par
l’interdiction de parier, les sociétés mères précisant les courses concernées par l’interdiction.
3 -
Des dispositifs plus complets pour les casinos et les opérateurs en ligne
L’ensemble des personnels du monde des jeux de casinos doit faire l’objet d’enquêtes
d’agrément. L’intégralité de la chaîne hiérarchique des personnels de jeux, des employés aux
directeurs responsables en passant par les membres du comité de direction, pour les casinos et
les cercles est concernée
95
, à l’exception des actionnaires de la société d’exploitation de
l’établissement de jeux.
En cas de violation des règles de la police des jeux, des procédures administratives sont
conduites par le SCCJ
96
et font l’objet de procédures contradictoires sous l’égide de la
DLPAJ.
De leur côté, les opérateurs de jeux en ligne agréés, y compris la FDJ et le PMU pour
leurs activités dans le secteur soumis à concurrence, sont très surveillés et pleinement soumis
aux dispositions de l’article 32
97
de la loi du 12 mai 2010. Ce dispositif s’appuie sur un cahier
des charges détaillé à remplir par l’opérateur, lors de la demande d’agrément et de son
renouvellement.
Par ailleurs, dans le cadre de l’instruction des demandes d’agrément et de leur
renouvellement, l’ARJEL doit vérifier que les opérateurs et leurs dirigeants n’ont fait l’objet
94
Dans leur réponse, les ministres ont indiqué qu’il conviendrait notamment de modifier les articles 445-1-1 et
445-2-1 du code pénal réprimant les manipulations sportives, dont la portée est aujourd’hui trop restreinte, afin
de prendre en compte des situations comme celles des personnes qui parient sachant que la course est truquée, ou
d’incriminer les jockeys qui retiennent volontairement les chevaux en course.
95
2 054 agréments ont été pris en charge par le SCCJ, dont 350 au niveau central en 2015.
96
43 procédures de demandes de sanctions traitées par le SCCJ en 2015.
97
Il prévoit notamment
l’interdiction de parier pour le propriétaire, les dirigeants, les mandataires sociaux et le
personnel d'un opérateur agréé ; la déclaration auprès de l’ARJEL des partenariats conclus avec des personnes
physiques ou morales organisant des courses hippiques, compétitions ou manifestations sportives ou y prenant
part ; la déclaration auprès de l’ARJEL de tout intérêt, personnel ou lié à sa participation dans une personne
morale, dans une course hippique, compétition ou manifestation sportive, sur laquelle il organise des jeux ou
paris, par un propriétaire, dirigeants, mandataires sociaux ou membres du personnel d’un opérateur
agréé ;l’interdiction à tout opérateur agréé de contrôler, directement ou indirectement, un organisateur de
compétition ou manifestation sportive sur laquelle il organise des paris (et inversement).
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90
d’aucune condamnation pénale devenue définitive relevant des catégories énumérées à
l’article 12 du décret n° 2010-482 du 12 mai 2010. Les vérifications conduites par l’ARJEL
ont révélé que plusieurs dirigeants d’opérateurs agréés ont été mis en cause dans des affaires
pénales. Les contrôles effectués dans ce cadre n’ont toutefois pas révélé de fausses
déclarations formelles de la part des dirigeants, en l’absence de condamnations pénales
définitives ou de nature à justifier un refus d’agrément.
B -
La sécurisation des opérations de jeu
La mise en oeuvre de l’intégrité, la fiabilité et la transparence des opérations de jeu
concerne un grand nombre de dispositifs à la fois techniques et d’information de la clientèle
ainsi que des règles de prévention des conflits d’intérêt.
L’article 31 de la loi du 12 mai 2010, relatif à la transparence des opérations de jeu,
précise que les opérateurs de paris en ligne doivent procéder à l’archivage, en temps réel, sur
un support matériel situé en France métropolitaine, de l’intégralité de certaines données.
L’ensemble des données échangées entre le joueur et l’opérateur doit transiter par ce support.
L’ARJEL, dans le cadre de ses activités de régulation, a précisé les obligations techniques des
opérateurs.
En revanche, aucune disposition législative similaire ne concerne les opérateurs de paris
en dur.
1 -
Les casinos
Les casinos sont soumis à des dispositions réglementaires précises fondées sur les
articles L. 321-1 et suivants et R. 321-1 et suivants du code de la sécurité intérieure et sur
l’arrêté du 14 mai 2007 relatif à la réglementation des jeux dans les casinos.
L’intégrité du dispositif repose d’abord sur des exigences en matière de gouvernance
avec l’identification du directeur responsable de la conformité de l’exploitation. Les jeux ne
peuvent être affermés. Les exploitants sont responsables notamment de la tenue d’états
comptables détaillés par jeu et de la conservation des différents registres.
Les personnels sont agréés et soumis à des contraintes rigoureuses dans l’exercice en
salle de jeu. Les salles sont sous contrôle vidéo et audio dont les enregistrements doivent être
conservés 28 jours.
Les machines à sous doivent être agréées et toute intervention assurée par une entreprise
agréée. Les mêmes règles s’appliquent aux jeux électroniques.
Les modalités d’exploitation des jeux dans les casinos relèvent d’une réglementation
très détaillée, car, comme le souligne le ministère de l’intérieur «
l’exploitation des jeux
d’argent et de hasard n’est pas un commerce ordinaire » ;
il admet cependant «
qu’ il
convient de s’interroger sur l’efficacité et l’efficience de certains dispositifs ».
Ainsi
l’expérimentation d’un nouveau jeu fait l’objet d’une procédure trop lourde et trop longue,
compte tenu de l’enjeu économique pour les casinos de l’ouverture des nouveaux jeux
électroniques.
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91
De même faut-il regretter l’absence de disposition prévoyant une autorisation
administrative préalable pour tout investissement, français ou étranger dans les casinos, afin
de mieux suivre les évolutions possibles du capital des sociétés d’exploitation et l’origine des
fonds. Les représentants légaux de ces sociétés n’exerçant pas directement dans le domaine
des jeux ne sont pas soumis à agrément.
2 -
Les opérateurs de jeu en ligne agréés par l’ARJEL
a)
Une forte régulation technique
Tout opérateur agréé en France a l’obligation de déployer une architecture technique
conforme à une norme appelée dossier des exigences techniques (DET). Cette norme validée
par le collège de l’ARJEL découle directement de la loi de 2010 ainsi que du décret
n° 2010-509 du 18 mai 2010.
Ce modèle technique s’articule autour de deux composantes majeures : la sécurisation
de l’expérience de jeu et le contrôle étendu de l’ensemble des opérations de jeu.
Le point central du modèle technique français est constitué par le dispositif baptisé
« Frontal » (article 31 de la loi de 2010) qui s’insère entre le joueur et la plate-forme de jeux
de l’opérateur. Ces différents dispositifs, constitués d’un capteur et d’un coffre-fort, vont
permettre de capter l’ensemble des opérations élémentaires de jeux réalisées par chaque
joueur sur chaque plate-forme de jeux puis de stocker ces éléments de façon sécurisée dans un
coffre-fort électronique. Une fois stockées et sécurisées, les informations sont mises à
disposition de l’ARJEL.
b)
Des moyens d’identifier et corriger les manquements
La sécurisation de l’expérience de jeu vise à proposer aux joueurs un jeu le plus sûr
possible, que ce soit au niveau de l’utilisation du logiciel de jeu ou de la protection spécifique
des publics vulnérables. Elle s’appuie d’abord sur l’homologation des logiciels de jeu
98
utilisés par les opérateurs. Depuis 2010, 213 demandes d’homologation ont été formulées par
les opérateurs :108 concernent les agréments poker, 60 les paris sportifs et 45 les paris
hippiques. Ensuite un contrôle régulier
99
des composants essentiels de l’architecture est
effectué. Enfin l’ARJEL évalue périodiquement le niveau de sécurité proposé par les
architectures de jeux des opérateurs
100
.
L’ARJEL rapatrie quotidiennement entre 50 et 70 millions d’opérations élémentaires de
jeux correspondant aux événements de jeux effectués lors de la journée précédente. Ces
données élémentaires constituent la base de l’ensemble des contrôles menés quotidiennement
sur le plan technique. Regroupées, agrégées, elles permettent de créer des indicateurs
automatisés de contrôle, lesquels, regroupés, permettent de déterminer des tableaux de bord
de contrôle automatisés.
98
Article 34 III de la loi de 2010.
99
Certification annuelle démontrant le respect des articles 15 à 19 de la loi.
100
Article 34 III de la loi de 2010.
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92
Les contrôles « quotidiens » visent, chaque jour, à réaliser un premier filtrage au niveau
de l’ensemble des évènements élémentaires de jeux réalisés la veille. Ils ont couvert environ
200 000 épreuves depuis 2011. Le contrôle sur les événements élémentaires enregistrés, lui
aussi quotidien, porte sur l’intégralité des évènements enregistrés la veille et vise à vérifier la
cohérence d’ensemble. À ce titre, plus de 500 demandes de mise en conformité ont été
formulées auprès des opérateurs en 2015.
Enfin, les rencontres et résultats sportifs font aujourd’hui l’objet de contrôles
automatisés systématiques et, en cas d’alerte ou sur demande, d’un contrôle manuel. Les
premiers tableaux de bord de rencontres sportives ont été élaborés à cette fin en 2013. Depuis
lors, environ 15 000 rencontres sportives supports de paris ont fait l’objet d’un contrôle
automatisé, 20 % donnant lieu à une expertise humaine complémentaire.
3 -
La sécurisation des opérations de jeux sous droits exclusifs de la FDJ
a)
Des procédures modifiées récemment
Une décision du ministre chargé du budget détermine les normes
101
faisant référence
en matière de sécurité et d'intégrité des opérations de jeu d'argent et de gestion de la sécurité
de l'information exigées pour l'exploitation des droits exclusifs confiés à la FDJ.
En vertu de ces dispositions, avant le 15 juillet de chaque année, la FDJ rend compte
au ministre chargé du budget des certifications obtenues au titre des normes, des actions
qu'elle a mises en oeuvre et des résultats obtenus en vue d'assurer l'intégrité, la sécurité et la
fiabilité des opérations de jeu et des systèmes d'informations supports de ces opérations.
b)
Un niveau général de sécurité élevé
Le Système de Management de la Sécurité de l’Information (SMSI) est le garant de la
cohérence et du suivi de l’ensemble des exigences relatives à la sécurité de l’information : il
comporte plusieurs certifications ARJEL, ISO 27001
102
, WLA-SCS
103
et EUML.
En sa qualité de loterie participant au jeu coordonné Euro Millions et opérant le tirage
pour le compte des 10 loteries, la FDJ s’est engagée à suivre les prescriptions et procédures
décrites dans le «
Lottery Operator Agreement
» (LOA) signé par chaque loterie, après accord
de son régulateur.
c)
Des exigences spécifiques pour les loteries en ligne
On entend par loterie en ligne : les jeux instantanés identiques à ceux exploités en
points de vente, ainsi que les jeux dits « Exclusivité Web », exploités via le moteur de jeux
101
Articles 1
er
des décrets du 9 novembre 1978 et du 1
er
avril 1985.
102
Obtenue en 2008, renouvelée en 2013.
103
La certification WLA / SCS (Security Control Standard), obtenue en 2008 renouvelée en 2014, couvre de
nombreux aspects de sécurité spécifiques aux activités des loteries.
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93
ITG ; les jeux exploités via le moteur de jeux Motors à partir du quatrième trimestre 2015; les
jeux de Bingo ; les jeux de tirage, identiques à ceux exploités en points de vente.
Outre les mesures générales de sécurité, la FDJ a mis en place, en s’inspirant du DET
de l’ARJEL, des mesures spécifiques à la loterie en ligne s’agissant des comptes joueurs, de
l’homologation des logiciels de jeux et des audits de sécurité ainsi que de la sécurisation de
l'affichage des résultats des jeux digitaux instantanés.
C -
Les difficultés suscitées par l’existence de parieurs professionnels au
PMU
Les parieurs professionnels sont des personnes physiques ou morales qui exercent leur
activité professionnelle dans le monde du pari, en industrialisant leurs pratiques par des
moyens assimilables à ceux des traders : ils utilisent un modèle prédictif qui calcule une cote
théorique et réalisent des arbitrages, après avoir constaté des écarts entre cote calculée et cote
réelle.
Le marché international des parieurs professionnels s’est fortement développé au cours
des vingt dernières années et atteindrait entre 7 et 10 Md€ d’enjeux annuels. Pour le PMU, les
parieurs professionnels représentaient en 2015, 422 M€ d’enjeux, soit 4,7 % de sa masse. Ils
ont progressé de 21 % en 2014 et 22 % en 2015. Ces parieurs professionnels, qui sont très peu
nombreux, parient sur la masse commune du PMU via des opérateurs étrangers qui ont signé
un contrat de partenariat avec le PMU par le biais de plateformes souvent situées dans des
pays permettant une optimisation fiscale des gains.
Dans le cadre de son plan stratégique PMU 2020, le PMU souhaite développer ses
activités internationales, notamment au travers de contrats conclus avec des opérateurs
étrangers accueillant des parieurs professionnels. En effet, bien que la marge brute du PMU
sur les paris pris à l’étranger soit plus faible que sur ceux pris en France, l’entreprise dégage
un profit sur cette activité car les prélèvements effectués sur ces paris sont moindres que pour
les paris pris en France.
Dans son avis de 2015, la COJEX s’est inquiétée du développement des parieurs
professionnels sur le pari mutuel hippique, « peu nombreux, implantés souvent dans des
paradis fiscaux et bénéficiant de services et d’outils spécifiques. Ces inquiétudes portent
notamment sur :
-
le recours des parieurs professionnels à des outils techniques s’apparentant à des robots
informatiques dont l’utilisation est interdite aux opérateurs de jeux en ligne agréés par
l’ARJEL par l’article 17 de la loi du 12 mai 2010. Ce recours permet aux parieurs
professionnels d’enregistrer un grand nombre de paris par course (…) et d’en passer un
volume important dans les dernières minutes précédant le début de la course. La COJEX
estime que cette pratique, déloyale à l’égard des autres parieurs, compromet l’intégrité et
la transparence des opérations de jeu ;
-
l’origine des fonds engagés. Certes le PMU a prévu des clauses renforcées dans les
contrats conclus avec les opérateurs qui sont ses partenaires commerciaux, mais la
COJEX s’interroge sur les modalités précises de vérification de la réalité des contrôles
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94
que ces opérateurs sont tenus d’exercer, compte tenu de la complexité des circuits
financiers en cause, et aimerait en connaître les résultats ;
-
le taux de retour au parieur (TRP) élevé (95 %), dont bénéficient ces parieurs
professionnels par rapport au TRP moyen (73 %) et qui pourrait pénaliser les parieurs
classiques si la masse de leurs enjeux était appelée à augmenter significativement, malgré
la limitation du TRP (…) imposée par le PMU. Une telle différence de gain, accrue
encore par le versement de primes de fidélité par les opérateurs aux parieurs
professionnels, porte atteinte à l’équité. »
Dans ces conditions, et tout en étant consciente de la nécessité de ne pas compromettre
le développement de l’entreprise et le financement corrélatif de la filière équine, la COJEX a
exprimé de fortes réserves sur cette nouvelle activité et a demandé que soit étudiée avec le
PMU la possibilité d’y mettre fin ou, à tout le moins, de l’encadrer plus strictement.
La lettre commune adressée le 18 novembre 2015 au PDG du PMU par les ministres
du budget et de l’agriculture, validant le programme d’action 2014 du PMU en matière de
lutte contre le blanchiment, a relayé les inquiétudes exprimées par la COJEX s’agissant de
l’origine des fonds engagés et de l’atteinte à l’équité entre joueurs. En outre, cette lettre
indiquait que certains des parieurs professionnels étaient des personnes morales, en
contradiction avec l’arrêté du 13 septembre 1985 selon lequel le pari mutuel doit se jouer
entre personnes physiques.
Toutefois, l’interdiction des prises de paris par les parieurs professionnels, qui
représenterait une perte annuelle sur le résultat du PMU estimée à environ 12 M€, n’a pas été
demandée. Les ministres ont uniquement demandé au PMU d’étudier la possibilité d’encadrer
cette activité, notamment en la plafonnant à 5 % des enjeux, en maîtrisant le taux de gain
maximal de ces parieurs, et en interdisant la présence de personnes morales parmi les joueurs
du PMU. Il a également été demandé au PMU de rendre compte des clauses relatives à la lutte
contre le blanchiment figurant dans les contrats conclus par le PMU avec ses partenaires
commerciaux. Cette lettre précisait que l’ensemble de ces modalités d’encadrement ferait
l’objet d’une évaluation afin de vérifier leur efficacité, d’envisager des adaptations, voire, si la
régulation s’avérait inapte à maitriser les risques, de préparer la mise en extinction de cette
activité.
De son côté, le PMU considère que le plafonnement des enjeux des parieurs
professionnels à 5 % du total des enjeux hippiques du PMU n’est ni souhaitable, compte tenu
de l’impact négatif que cela aurait sur sa profitabilité, ni réalisable. En septembre 2016, le
taux de 5 % avait été nettement dépassé.
Il est à noter que la rentabilité de l’activité des parieurs professionnels s’effectue non
seulement au détriment des parieurs français, mais aussi de l’État. D’une part, dans le cadre
du pari mutuel
104
, les taux de gain élevés des parieurs professionnels en masse commune
réduisent mécaniquement le montant revenant aux parieurs français. D’autre part,
l’augmentation des enjeux des parieurs professionnels se fait au détriment de la part prélevée
par l’État français : la direction du budget a ainsi chiffré à 18 M€ par an
105
la perte fiscale
104
Dans le cas de paris à cote fixe, les gains des parieurs professionnels se font au détriment de l’opérateur.
105
13 M€ en 2015, 15 M€ en 2016, 18 M€ en 2017, 19 M€ en 2018, 18 M€ en 2019, 18 M€ en 2020.
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pour l’État consécutive au développement des parieurs professionnels entre 2015 et 2020,
perte due notamment à la diminution du « ré-enjeu » ou « recyclage » des gains.
Dans son nouvel avis du 10 mars 2016, la COJEX prenant acte des mesures prises par le
PMU, n’a pas émis d’objection à la poursuite de l’activité en 2016, subordonnant toute
décision pour l’avenir à une présentation détaillée des résultats des contrôles mis en place et
au respect des règles du pari mutuel. Elle a cependant rappelé l’interdiction faite aux
personnes morales de prendre des paris et insiste sur la nécessité de veiller à ce que l’équité
entre les parieurs ne soit pas compromise par l’altération de l’équilibre des cotes.
La lettre des ministres validant le programme d’action 2015 du PMU en matière de lutte
contre le blanchiment n’avait pas encore été adressée au PMU, à la clôture de l’enquête de la
Cour.
Les tutelles n’ont pas transmis à la Cour l’évaluation, prévue dans la lettre du
18 novembre 2015, des modalités d’encadrement de l’activité des parieurs professionnels qui
aurait cependant eu lieu. La réponse ministérielle indique que le PMU « a engagé des actions
afin d’améliorer le suivi et l’encadrement des trois partenaires par lesquels transitent les
parieurs professionnels ». S’agissant de l’équité entre les parieurs, elle précise que « les
autorités de tutelle partagent les préoccupations de la COJEX ».
La Cour considère que l’existence de parieurs professionnels pariant sur la masse
commune du PMU
via
des outils informatisés est difficilement compatible avec l’esprit du
pari mutuel et qu’elle est coûteuse pour l’État. Par ailleurs, la part croissante de ces quelques
joueurs professionnels dans le total des mises expose le PMU à un risque de forte volatilité de
son chiffre d’affaires, en cas de départ de ces derniers.
IV -
Une prévention insuffisante des activités frauduleuses ou
criminelles, du blanchiment des capitaux et du financement du
terrorisme
Si toutes les activités économiques sont sensibles aux agissements frauduleux ou
criminels, le secteur des jeux dont la matière première est l’argent est particulièrement
vulnérable.
A -
Un renforcement des obligations pesant sur les opérateurs
diversement suivi d’effets
Les représentants légaux et directeurs responsables des opérateurs de jeux et de paris
visés à l’article L. 561-2 9 (droits exclusifs) et L. 561-2 9bis (agréés ARJEL) du code
monétaire et financier (CMF) sont soumis au respect de mesures prudentielles découlant du
titre VI du même code, en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement
du terrorisme. Ces opérateurs sont notamment astreints à une obligation de vigilance sur les
transactions, une connaissance actualisée de leur clientèle (article L. 561-5 du CMF), une
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96
obligation de surveillance des engagements financiers suspects (L. 561-10-2), de déclaration
de soupçon à la cellule de renseignement financier TRACFIN (L. 561-13), tout en assurant la
formation de leurs personnels (L. 561-33). Ils doivent en outre prévoir des systèmes internes
d’analyse des risques dans ce domaine (L. 561-32) et s’assurer de l’identité des joueurs
gagnants (L. 561-13).
Les obligations imposées par la IV
ème
directive anti-blanchiment concernent
l’ensemble des prestataires de jeux et paris.
1 -
Le contrôle des flux d’argent
Dans les casinos, tous les modes de paiement, plaques, jetons, tickets disponibles sont
assujettis à l’obligation déclarative prévue par l’article 464 du code des douanes .
S’agissant des paiements en espèces, le secteur des jeux d’argent et de hasard est
concerné par le plafond de paiement en espèces et en monnaie électronique prévu à l’article
L. 112-6 du code monétaire et financier. Le montant de ce plafond, précisé depuis 2010 à
l’article D. 112-3 du CMF, a été abaissé de 3 000 € à 1 000 €
106
depuis le 1
er
septembre 2015
afin de limiter le risque de blanchiment et de financement du terrorisme. Il n’est toutefois pas
appliqué pour les paris hippiques en dur (cf.
infra
) ni dans les casinos, ces opérateurs s’étant
exonérés, sans observations de leur tutelles, de textes qui leur sont pourtant applicables,
comme l’a récemment confirmé la direction des affaires juridiques du ministère de
l’économie et des finances. Par ailleurs, la diversification des moyens de paiement appelle une
mise à niveau de la vigilance en phase avec leur usage. À cet égard il conviendra d’être
attentif à l’utilisation des monnaies virtuelles dont TRACFIN a identifié un impact possible
sur le secteur des jeux
107
.
S’agissant de l’identification des joueurs, les organismes de jeux sont tenus, aux termes
de l'article L. 561-13 2e alinéa du CMF, de « s’assurer, par la présentation de tout document
écrit probant, de l’identité des joueurs gagnant des sommes supérieures à un montant fixé par
décret et d’enregistrer les noms et adresses de ces joueurs, ainsi que le montant des sommes
qu’ils ont gagnées. Ces informations doivent être conservées pendant cinq ans ». Le décret,
qui fixait ce seuil à 5 000 € depuis 2005, a été abrogé en 2009. La transposition de la IV
ème
directive anti-blanchiment, dont l’entrée en vigueur est prévue au plus tard le 30 juin 2017,
fixe un seuil de relevé d'identité lors de la transaction à 2 000 €. Elle laisse cependant aux
États le soin de décider des modalités de ce contrôle. Pour la France, le décret n° 2016-774 du
10 juin 2016 entré en vigueur au 1
er
juillet 2016 a fixé ce seuil, pour le paiement des gains, à
2 000 €, avec toutefois une étape intermédiaire pour les groupements et les sociétés, qui
appliqueront un seuil fixé à 3 000 euros jusqu'au 30 juin 2017. L’application d’un seuil
d’identification au stade des mises, souhaitée par Tracfin mais refusée par certains opérateurs,
a été récemment actée. Il conviendrait également que les textes pris dans ce cadre interdisent
explicitement le fractionnement des moyens de paiement pour le paiement des mises et des
gains (paiement en espèces juste en dessous du seuil et complété par chèque, virement ou
106
Ce seuil est de 15 000 € lorsque le payeur est un non résident et n’agit pas pour des besoins professionnels.
107
L’encadrement des monnaies virtuelles, Recommandations visant à prévenir leurs usages à des fins
frauduleuses ou de blanchiment, TRACFIN, Groupe de travail « Monnaies virtuelles » - Juin 2014.
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97
paiement par carte bancaire), qui, pratiqué par certains opérateurs en l’absence de disposition
contraire, revient à contourner le plafond de paiement en espèces.
Enfin, s’agissant des comptes joueurs gérés par les opérateurs de jeux d’argent et de
hasard, si des garanties renforcées ont été mises en place pour les opérateurs de paris en ligne
afin de protéger les avoirs des joueurs et de réduire les risques de fraude et de blanchiment
108
,
de telles obligations n’existent pas pour les comptes joueurs relatifs aux paris en dur. Ces
comptes sont ouverts pour l’instant au PMU tandis que la FDJ prévoit d’en créer en 2017,
pour certains paris sportifs (cf.
supra
). Plus généralement, il conviendrait de s’assurer que les
modalités de gestion des comptes joueurs « en dur » sont bien conformes à l’ensemble des
dispositions du code monétaire et financier.
2 -
Une action inégale de la part des opérateurs de jeux sous droits exclusifs
La FDJ et le PMU sont tenus d’élaborer annuellement un plan d’action de prévention
et de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme
109
. Depuis 2012, ces plans
sont soumis à l'approbation du ministre du budget, après avis de la COJEX.
a)
Une action volontariste de la FDJ
La FDJ s’appuie sur une organisation interne très structurée en matière de sécurité
ainsi que sur une politique de contrôle de son réseau de détaillants.
En premier lieu, la prévention de la fraude aux jeux, risque majeur pour la FDJ, est
assurée au bénéfice de la lutte contre les activités criminelles. La Direction de la Gestion des
Risques et de la Sécurité (DGRS) suit les pratiques frauduleuses par catégorie de jeux. Un
tableau de bord mensuel des fraudes observées est établi, avec la mise en place de contre-
108
Au termes de l’article 18 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010, les opérateurs de jeux ou de paris en ligne
agréé doivent disposer d’un compte bancaire exclusivement dédié aux opérations d’encaissement et de paiement
des joueurs : en vertu de cet article, l’opérateur est en effet tenu de « justifie[r] de la disposition d'un compte
ouvert dans un établissement de crédit établi dans un État membre de la Communauté européenne ou un État
partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention contenant une
clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales, sur lequel sont
exclusivement réalisées les opérations d'encaissement et de paiement liées aux jeux et paris qu'elle propose
légalement en France ». Il en résulte, en pratique, que les fonds des joueurs doivent être conservés sur ce compte
dédié.
Les opérateurs de jeux et de paris en ligne sont par ailleurs tenus de mettre en place un mécanisme de garantie
des avoirs des joueurs. L’article 15 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 dispose ainsi, dans sa rédaction issue
de la modification apportée par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, que l’opérateur de jeux ou de paris en ligne
agréé est tenu de : « justifie[r] de l'existence d'une sûreté, d'une fiducie, d'une assurance, d'un compte sous
séquestre ou de tout autre instrument ou mécanisme garantissant, en toutes circonstances, le reversement de la
totalité des avoirs exigibles des joueurs ». L’article précise que l’opérateur est tenu de « veille[r] à ce que
l'étendue de la garantie qu'il fournit soit toujours à la mesure des avoirs exigibles des joueurs » et d’ « informe[r],
sans délai, l'Autorité de régulation des jeux en ligne des variations qui affectent l'étendue de cette garantie ».
109
À compter de 2006, en application d’un arrêté du 22 février 2006, la FDJ a rendu compte chaque année au
Ministre chargé du Budget des actions mises en oeuvre pour répondre aux obligations légales de lutte contre le
blanchiment, tout en indiquant le plan d’action pour l’année à venir.
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98
mesures
110
. Sur la base de ces suivis mensuels, la DGRS tient à jour une typologie des
fraudes.
Les principales fraudes donnant lieu à sanction, en dehors des manquements au jeu
responsable et à la protection des mineurs, sont la subtilisation soit de bons à valoir - c’est le
cas le plus fréquent-, soit de reçus gagnants, ou de tickets de grattage et la vente de tickets
avec NSD
111
gratté.
Par ailleurs, la DGRS suit en permanence l’évolution des prises de paris et des mises,
permettant ainsi une réaction rapide en cas de flux anormaux
112
.
En second lieu, la FDJ respecte et au-delà les obligations qui lui incombent en matière
de traçabilité et de contrôle des flux financiers : elle prévoit un plafond de 1 000 € de
paiements en espèces pour les mises ; pour les gains, les plafonds de paiement en espèces sont
limités à 200 € pour les jeux de grattage et à 300 € pour jeux de tirage ou de paris sportifs
113
.
La FDJ surveille par ailleurs, de façon centralisée, les enjeux, par points de vente et
par terminal
114
. Elle veille sur l’évolution des chiffres d’affaires des points de vente, afin de
détecter et analyser les atypismes relatifs aux opérations financières FDJ/Détaillants.
L’absence de levée de l’anonymat des parieurs, hormis pour les activités de jeux sous
droits exclusifs en ligne, constitue toutefois une faiblesse majeure de ce dispositif. De ce point
de vue, les retards déjà soulignés sont regrettables et la concrétisation notamment du projet de
trajectoire d’identification des joueurs mériterait d’être accélérée.
b)
Une action insuffisante du PMU
Plusieurs actions ont certes été engagées par le PMU pour assurer le respect effectif de
ses obligations : déploiement en mai 2014 du protocole « 3D Secure » sur certains canaux
avec des seuils réajustés et revus régulièrement sur la base des fraudes constatées ; mise en
place d’un nouveau système de gestion des comptes clients permettant d’optimiser les
contrôles sur certains risques de fraude, dont celui afférent aux « chasseurs de bonus » à
110
Celles-ci sont de plusieurs ordres : l’identification du risque ; l’élaboration et la mise en place de mesures
techniques ou juridiques de réduction des risques ; l’établissement de procédures garantissant la conformité des
opérations de jeux face au risque de fraude notamment en matière procédures de vente et de paiement des jeux ;
des actions de sensibilisation et prévention notamment des détaillants ; la détection, le contrôle et sanction allant
jusqu’au signalement aux autorités compétentes et au dépôt de plaintes.
111
NSD : nul si découvert. La case de contrôle d’un ticket sur laquelle figure la mention : « nul si découvert »,
présenté pour paiement d’un lot, doit être recouverte de la pellicule protectrice. Tout grattage partiel ou total de
cette case de contrôle entraîne la nullité du ticket, qui ne peut faire l’objet d’un paiement de lot, quel que soit son
montant.
112
Ce dispositif est notamment à l’origine de l’affaire Cesson-Montpellier, relative à un soupçon d’escroquerie
dans le cadre d’un match de handball.
113
Le paiement des gains supérieur au seuil d’identification est en partie délégué aux centres de paiement, qui
exercent cette responsabilité selon les procédures mis en place par FDJ. Un contrôle de cohérence est effectué
par la Direction de la Sécurité. Toutes les écritures figurant dans le fichier Gros gagnants Perben font l’objet de
cette vérification.
114
Une limite quotidienne par jour/jeu et terminal est intégrée, si bien que le détaillant ne peut plus vendre de jeu
lorsque la limite est atteinte. En cas de blocage récurrent, un contact est établi avec le détaillant afin d’évaluer les
risques de blanchiment par intégration d’espèces sales, de jeux excessifs ou d’escroquerie.
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travers l’ouverture de comptes multiples ; mise en place d’un contrôle de la régularité des
courses étrangères.
Toutefois dans le cadre de son activité d’opérateur sous droits exclusifs, l’action du
PMU s’appuie sur une organisation interne beaucoup moins structurée que celle de la FDJ en
matière de sécurité et de contrôle de son réseau de détaillants.
Concernant la traçabilité des flux financiers, le PMU argue essentiellement des
habitudes de paiement en matière de paris hippiques et du risque pour l’activité
115
, pour
justifier d’une application très réticente des seuils de paiements :
-
s’agissant de l’enregistrement de l’identité des gagnants, le PMU applique depuis 2013 un
seuil de 3 000 €
116
. Jusqu’en 2016 toutefois, les textes réglementaires disposaient que
seuls devaient être recueillis le nom et l’adresse du parieur ainsi que le montant des
sommes gagnées. L’arrêté du 23 mars 2016 a élargi la liste des données à recueillir au
prénom du gagnant, à sa date de naissance, au type et au numéro de la carte d’identité
117
;
-
pour le paiement des mises, le PMU, contrairement aux autres opérateurs de jeu et de
paris, n’applique pas les règles de droit commun prévoyant un plafond de paiement en
espèces de 1 000 €, estimant, selon une analyse juridique aujourd’hui contredite , que
l’article L. 112-6 du CMF n’est pas applicable aux paris hippiques. Il a fallu attendre juin
2016 en effet pour que, à la suite d’une demande de la Cour, la direction des affaires
juridiques du ministère des finances soit saisie officiellement. Dans une note du 26 août
2016, celle-ci a précisé que le plafond de paiement en espèces de 1 000 € (15 000 € pour
les non résidents) était bien applicable aux paris hippiques, tant pour les mises que pour
les gains. Son inapplication depuis 2010 constitue une négligence regrettable des tutelles ;
-
concernant le paiement des gains et à la demande de la direction du budget et du ministère
de l’agriculture, le seuil de paiement des gains en espèces a été abaissé de 5 000 € à
3 000 €
118
. En réalité, comme l’a confirmé la DAJ, le seuil applicable aux gains est de
1 000 € (même si le gagnant est non résident, dans la mesure où il s’agit pour le PMU
d’acquitter une dette professionnelle).
En outre, à l’instar de la FDJ, l’absence de levée de l’anonymat constitue une faiblesse
supplémentaire de ce dispositif. De ce point de vue, la mise en place d’une carte nominative
est une avancée pertinente qui souffre toutefois de sa trop faible diffusion, 98 % des paris
restant anonymes.
Enfin, la gestion des prises de paris sur hippodromes est très peu suivie par les tutelles,
probablement en raison d’enjeux financiers moindres. Pourtant, l’absence de certification des
comptes des sociétés de courses de province et la faiblesse de leur contrôle par l’État
constituent des facteurs de risques supplémentaires.
115
D’après le PMU, le passage du seuil de 5 000 € à 3 000 € pour les paiements par chèque a entrainé pour le
PMU une perte d’enjeux de 180 M€, une perte de ressources pour l’État de 18 M€ et une perte de recettes pour la
filière hippique de 15 M€.
116
Article 21 de l’arrêté du 13 septembre 1985 portant règlement du pari mutuel urbain et sur les hippodromes
117
Le PMU a précisé qu’en pratique, ces données étaient déjà recueillies avant mars 2016.
118
Article 21 de l’arrêté du 13 septembre 1985 portant règlement du pari mutuel urbain et sur les hippodromes.
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100
3 -
Les opérateurs de jeux en ligne sous agrément, un segment très structuré
La prévention des activités frauduleuses ou criminelles du blanchiment des capitaux et
du financement du terrorisme bénéficie pour les jeux en ligne d’une levée systématique de
l’anonymat sur les flux financiers et d’obligations spécifiques pour les opérateurs agréés.
Au moment de leur demande d’agrément, les opérateurs de jeux en ligne doivent
justifier en effet
119
de leur capacité à assumer leurs obligations en matière de lutte contre les
activités frauduleuses ou criminelles. À cette fin, le cahier des charges établissant les éléments
de la demande d’agrément prévoit que l’entreprise candidate expose les moyens de contrôle
qu’elle entend mettre en place pour satisfaire à ses obligations de vigilance et de déclaration à
TRACFIN et décrit les procédures de contrôle interne qu’elle instaure.
Après obtention de l‘agrément, le dispositif de lutte contre le blanchiment doit être
soumis à certification
120
, dans un délai d’un an à compter de la date d’obtention de
l’agrément, certification actualisée ensuite annuellement.
Le collège de l’ARJEL a arrêté, par décision n° 2011-025 du 24 février 2011, les
dispositions de contrôle interne que devaient prendre les opérateurs agréés. Des lignes
directrices ont été émises permettant aux opérateurs de mieux identifier les risques et leurs
obligations. Selon la taille des structures, la formalisation est plus ou moins détaillée.
L’évaluation se fait, soit par l’opérateur lui-même dans le cadre du contrôle interne qu’il a
défini, soit par l’ARJEL, en tant qu’autorité de contrôle
121
.
B -
Une politique de contrôle hétérogène dans sa mise en oeuvre
1 -
L’agrément des points de vente par le SCCJ : un dispositif réglementaire en cours
de refonte
L’ouverture des points de vente du PMU nécessite un avis favorable préalable du
ministre de l’intérieur émis au regard des troubles à l’ordre public qu’elle est susceptible de
créer. L’instruction des dossiers est faite par le SCCJ. A l’origine, les enquêtes du SCCJ
portaient exclusivement sur la moralité des candidats. Elles ont évolué pour intégrer un volet
financier lié à la lutte contre le blanchiment. La proportion d’avis défavorables rendus par le
ministre de l’intérieur a globalement augmenté au cours des dernières années, pour atteindre
9,1 % en 2015.
Jusqu’en 2015, les textes réglementaires ne prévoyaient pas la possibilité d’un retrait
d’agrément. Le décret n° 2015-338 du 25 mars 2015 a modifié l’article 27 du décret
n° 97-456 afin de préciser qu’ « à la demande du ministre de l’intérieur, [l’autorisation] peut
être suspendue pour une durée maximale de six mois ou retirée par le groupement d’intérêt
économique à l’issue d’une procédure contradictoire engagée à la demande du ministre de
119
Article 18 de la loi du 12 mai 2010.
120
Dans les conditions prévues au III de l‘article 23 de la loi du 12 mai 2010.
121
Contrôles diligentés en application du II de l’article L. 561- 36 du CMF.
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101
l’intérieur. Le groupement est tenu de retirer l’autorisation si le ministre maintient sa demande
au vu des observations émises à l’occasion de la procédure contradictoire ». Les modalités de
mise en oeuvre de la procédure contradictoire ne sont pas encore connues à ce jour.
Pour autant, cette évolution réglementaire ne suffira pas à lever les obstacles aux
investigations cités par le SCCJ, notamment les modifications statutaires non enregistrées et
la difficulté de contrôler l’origine des fonds constituant les apports personnels des
demandeurs.
Par ailleurs, l’ouverture des points de vente de la FDJ n’est pas actuellement
subordonnée à un avis favorable du ministre de l’intérieur. Un projet de décret est en cours de
préparation pour mettre en place un dispositif d’agrément similaire pour les points de vente
PMU et les points de vente FDJ proposant des paris sportifs, considérés comme les plus
exposés aux risques de fraude et de blanchiment.
2 -
Un dispositif d’inspection qui débute dans les casinos et les opérateurs
sous mandat exclusif
Les inspections anti blanchiment
122
ont été confiées aux agents du SCCJ en application
des articles L. 561-36 II et R. 561-39 du CMF. En tant qu’inspecteurs spécialisés chargés de
vérifier le respect de ces obligations, ils font l’objet d’une inscription nominative dans un
arrêté ministériel et prêtent serment devant le TGI. Les rapports de ces inspections ont
vocation à être transmis à la Commission Nationale des Sanctions (CNS). Le dispositif n’a été
mis en place qu’en 2014.
Dans ce cadre, le SCCJ, en accord avec Tracfin, a transmis des lignes directrices en
matière d’obligation de vigilance applicables aux opérateurs. Elles doivent faire l’objet d’un
rapport semestriel. Si cette obligation a été respectée par le GIE PMU et la FDJ, les
informations devant être transmises au SCCJ par la compagnie du pari mutuel (CPM) ne l’ont
pas été sytématiquement.
Par ailleurs, les inspections prévues dans le cadre de la lutte contre le blanchiment à
l’article L. 561-36 du CMF n’ont pas encore été mises en oeuvre par le SCCJ, ni dans les
points de vente du PMU, ni sur les hippodromes. Les premières inspections
123
devaient avoir
lieu en 2016. Pour les casinos, 7 inspections anti-blanchiment ont été menées en 2015. Le
SCCJ.précise que ces inspections n’ont été suspendues que le temps de la mise en place des
nouvelles lignes directrices de l’autorité de contrôle, qui devraient être diffusées en
septembre 2016, sous double signature ministère de l’intérieur / Tracfin. En effet, deux
dossiers ont été transmis à la CNS (1 casino et 1 cercle) et cinq sont en cours d’instruction;
une décision de condamnation a été rendue très récemment.
122
Dans le cadre de la directive 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2005relative à la
prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du
terrorisme dite troisième directive anti-blanchiment transposée par ordonnance du 30 janvier 2009.
123
Habilitation par l’arrêté du 8 janvier 2015 modifiant l'arrêté du 1
er
août 2014.
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102
3 -
Une régulation forte sur les opérateurs agréés en ligne
L’ARJEL procède à l’envoi régulier de questionnaires relatifs au dispositif LAB ce qui
permet de suivre la mise en oeuvre des différentes obligations : à l’issue des contrôles, un
rapport est établi et une lettre de suite préconisant des actions correctrices est adressée à
l’opérateur. À partir de 2014, des contrôles approfondis ont été engagés. Deux opérateurs ont
fait l’objet de contrôles sans que de réels manquements soient relevés. La principale difficulté
vient de ce que, certains opérateurs n’étant pas établis en France, l’ARJEL ne dispose pas de
possibilité d’effectuer des contrôles sur place. Ce point risque de soulever une difficulté lors
de la prochaine évaluation du Groupe d’action financière (GAFI). À la suite de ses contrôles,
l’ARJEL a, depuis 2010, été appelée à effectuer deux signalements auprès du Procureur de la
République de Paris. L’agrément des opérateurs concernés a depuis été abrogé.
Enfin, sur la base du contrôle des opérations de jeux, l’ARJEL a également développé
une méthodologie spécifique visant à détecter des comportements anormaux des parieurs
pouvant correspondre à des fraudes. Elle utilise à cette fin les méthodes dites « statistique
124
»
et « des chemins d’attaque
125
».
Par ailleurs, fin 2013, TRACFIN et l’ARJEL ont défini ensemble, à partir de l’analyse
des données du frontal, des critères de détection de comportements de joueurs permettant de
soupçonner des opérations de blanchiment afin de procéder à des envois périodiques
d’information. Une difficulté s’est faite jour sur le périmètre des investigations que l’ARJEL
pouvait mener en ce domaine au regard des autorisations accordées par la CNIL et plus
généralement du périmètre de contrôle de l’ARJEL et ces envois ont donc été suspendus dans
l’attente d’une modification législative. Cette difficulté juridique réduit les possibilités de
transmission d’informations mais des données relatives à certaines situations identifiées sans
qu’il soit nécessaire de procéder à des traitements complémentaires peuvent continuer à être
transmises. Ces modalités d’échanges entre Tracfin et l’ARJEL devraient être formalisées en
2016.
124
Cette méthode s’appuie sur le fait que dans un périmètre d’analyse donné, une population représentative de
joueurs va toujours avoir des comportements identiques. Une anomalie sera ainsi caractérisée par un ou plusieurs
indicateurs différents des valeurs standards. Cette méthode s’applique particulièrement aux contrôles des
rencontres sportives et des courses hippiques. Les anomalies constatées, si elles ne peuvent être expliquées par
des réactions normales et rationnelles de parieur, pourront correspondre à des fraudes et seront signalées en tant
que telles.
125
Cette méthode vise à caractériser une fraude par ses modalités pratiques de réalisation qui, elles, vont pouvoir
être détectées. Cette méthode nécessite d’avoir une cartographie initiale des fraudes potentielles, chaque type de
fraude étant décliné afin d’obtenir ses caractéristiques au niveau des opérations de jeu. Cette méthode a
notamment été appliquée dans le cas de la lutte contre le blanchiment où une liste d’indicateurs mesurables par
l’ARJEL a été établie en relation avec Tracfin.
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103
C -
Des résultats mitigés
1 -
Les déclarations de soupçon de blanchiment ou de financement du terrorisme :
des résultats à améliorer
Les résultats concernant le dépôt par les opérateurs de jeux de déclarations de soupçon
(DS) effectuées auprès de Tracfin sont mitigés, tant en quantité qu’en qualité.
Tableau n° 13 :
nombre de déclarations de soupçon effectuées, par type d’opérateurs
Note : Les chiffres fournis concernant la FDJ et le PMU portent sur l’ensemble de l’activité de ces opérateurs
(vecteur online et activité sous droits exclusifs
126
). En conséquence, les chiffres repris dans la catégorie
« opérateurs en ligne » (4
ème
ligne du tableau), portent exclusivement sur les opérateurs « pure players »
bénéficiant d’un agrément ARJEL (et ne comprend donc pas les DS FDJ et PMU portant sur le vecteur online).
Source : Tracfin
a)
Des déclarations de la FDJ de bonne qualité
L’essentiel des déclarations de soupçon transmises par la FDJ concernent aujourd’hui le
segment des paris sportifs.
TRACFIN précise que la diminution significative du nombre de déclarations transmises
par la FDJ entre 2009 et 2011 est consécutive à une stratégie adoptée par le déclarant au terme
d’un cycle d’échanges avec Tracfin. La FDJ aurait, en effet, privilégié l’analyse effectuée en
amont de la transmission des déclarations et la consolidation du soupçon à une stricte
approche quantitative.
Dans ce cadre, Tracfin considère que la FDJ fournit des informations d’une qualité
supérieure à la moyenne des autres opérateurs et souligne que le taux d’orientation en enquête
ou pré-enquête, qui constitue l’un des indicateurs permettant d’évaluer la qualité des
renseignements transmis par les assujettis, est de près de 65 % pour les déclarations
transmises par la FDJ.
126
Cette présentation se justifie par le fait que les déclarations de soupçon transmises par la FDJ et le PMU
analysent de manière globale l’activité de jeu des joueurs faisant l’objet du signalement. Dès lors, il est fréquent
que ces déclarations portent conjointement sur le jeu en ligne et sur l’activité sous droits exclusifs de ces
opérateurs.
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
Casinos
30
135
151
171
154
270
423
FDJ
334
245
31
57
77
92
96
PMU
30
22
41
48
49
90
101
Opérateurs
en ligne
0
1
76
141
180
449
147
Cercles
de
jeu
0
1
0
0
0
3
13
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104
b)
Des déclarations du PMU encore peu exploitables
Selon Tracfin, la qualité des déclarations transmises par le PMU ne saurait être regardée
comme satisfaisante. Moins d’un tiers d’entre elles donnent lieu à une exploitation en enquête
ou pré-enquêtes. Les principaux défauts constatés sont :
-
la faible proportion de signalements portant sur (i) les « gros joueurs » (parieurs français
engageant de fortes sommes) et (ii) les points de vente, alors même que ceux-ci présentent
de forts enjeux en matière LAB ;
-
l’insuffisant travail d’identification et d’analyse du soupçon ;
-
l’absence de suivi des joueurs ayant fait l’objet d’une DS (aucune transmission de
déclarations de soupçon complémentaire, sauf depuis la fin de l’année 2015).
Si une amélioration quantitative de la pratique déclarative du PMU est observable
depuis le second semestre 2015 – et notamment depuis la conduite d’un atelier de coopération
technique Tracfin-PMU en novembre 2015 –, des marges de progression subsistent
indubitablement.
c)
Les casinos : des déclarations de soupçon plus nombreuses mais encore lacunaires
Le nombre de déclarations de soupçon transmises par les casinos a plus que décuplé
entre 2009 et 2015 et près de la moitié des établissements ont fait au moins une déclaration de
soupçon dans l’année. Si la sensibilisation à la lutte contre le blanchiment est donc désormais
bien présente, pour autant, signe d’une mauvaise qualité des informations transmises, le taux
d’orientation en enquête ou pré-enquête reste faible (25 % en 2015).
D’après Tracfin, il existe une grande hétérogénéité qualitative en fonction des
établissements. Les principales lacunes relevées en matière déclarative sont : l’insuffisante
caractérisation du soupçon, les difficultés éprouvées par les établissements à suivre
efficacement la pratique de jeu des joueurs (principalement concernant les machines à sous),
le manque d’informations transmises à l’appui des déclarations de soupçon (utilisation limitée
des informations contenues dans les registres des établissements et faiblesse de la partie
« analyse » de la déclaration), ainsi que le caractère insuffisammment répandu de la pratique
des déclarations de soupçon complémentaires. Tracfin note toutefois que certains
établissements tendent à s’impliquer plus efficacement dans le dispositif LAB/FT.
La montée en charge récente des inspections antiblanchiment conduites par la division
« casinos » du SCCJ depuis début 2014 après que ses agents ont été habilités, les actions de
sensibilisation conduites par Tracfin, comme les décisions de la CNS en la matière, dont la
première a été rendue en juillet dernier, devraient permettre d’améliorer cette évolution dans
l’avenir.
d)
Les pratiques hétérogènes des opérateurs agréés
Selon Tracfin, les opérateurs agréés ont fourni 147 déclarations en 2015, provenant pour
l’essentiel d’un seul opérateur alternatif (Reel Malta). Les déclarations des autres opérateurs
alternatifs sont marginales.
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105
De plus, ces déclarations sont loin d’être toujours pertinentes. Seuls 1,4 % des
déclarations donnent lieu à une orientation en enquête ou pré-enquête : l’essentiel des
déclarations transmises par les opérateurs alternatifs portent sur des problématiques de fraude
à la carte bancaire.
Toutefois, toujours selon Tracfin, la sensibilité de ce segment en matière de blanchiment
se trouverait limitée dans une large mesure par l’effet de la réglementation en vigueur.
De son côté l’ARJEL a transmis 47 déclarations de soupçon à Tracfin.
Au total Tracfin considère plus généralement que les jeux en ligne agréés, dont les
risques de blanchiment sont mieux identifiés, sont moins risqués que les jeux en dur, compte
tenu de la réglementation du secteur. Le PMU, la FDJ ou les casinos sont plus exposés en
termes de risques. Tracfin recommande un renforcement de la régulation concernant les cartes
prépayées, le traitement des monnaies virtuelles comme des monnaies à part entière, une
amélioration de la traçabilité des flux financiers, une vigilance face à l’emploi du téléphone
comme outil de virement d’argent ainsi que l’usage du même compte pour jouer et être
rémunéré pour le jeu en ligne.
2 -
La lutte contre la fraude fiscale : des contrôles en marge de la régulation
La fraude fiscale liée à l'activité de jeux peut être pratiquée soit sur les gains de jeux,
soit sur les revenus des détaillants et enfin sous forme de blanchiment de fraude fiscale. La
DGFiP (cf.
infra
) qui réalise ses contrôles en marge de la régulation traite entre une dizaine et
une trentaine de dossiers de fraude fiscale par an relevant de l’ensemble du secteur des jeux.
S’ajoute à cette action celle menée par la DGDDI concernant les loteries (cf.
infra
), qui est
également source d’une activité contentieuse peu importante mais non négligeable
127
.
3 -
Des risques de conflits de compétence à régler
Deux instances sont en risque de conflit de compétences dans le cadre du dispositif de
sanction.
Dans le cadre de la transposition de la 3
e
directive dite « anti-blanchiment », la
Commission nationale des sanctions (CNS), institution indépendante placée par la loi auprès
du ministre de l'Économie, a été chargée de sanctionner les manquements commis par certains
professionnels (les agents immobiliers, les personnes exerçant l’activité de domiciliation et les
opérateurs de jeux ou de paris, y compris en ligne) ne respectant pas leurs obligations en
matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. La CNS
est ainsi susceptible d’être saisie par le ministre de l’économie (DGCCRF), le ministre de
l’intérieur (SCCJ) et l’ARJEL des rapports établis par les autorités chargées du contrôle des
professionnels concernés.
127
Notamment rapporté au montant des prélèvements sur les cercles et maisons de jeux, soit 2,6 M€ en 2015.
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106
Parallèlement, la loi du 12 mai 2010 a institué auprès de l’ARJEL une commission des
sanctions appelée à statuer en cas de manquement d’un opérateur de jeux ou de paris en ligne
agréé aux obligations législatives et réglementaires applicables à son activité.
Or, si l’activité de cette dernière est définie par la loi « sous réserve des dispositions des
articles L. 561-37 et L. 561-38 du code monétaire et financier [renvoyant à la CNS] » , une
difficulté risque de se faire jour sur certaines des obligations des opérateurs et pourrait
engendrer un conflit de compétences. En effet, la qualité de l’identification des joueurs peut
s’apprécier à la fois dans le cadre de l’examen du respect de l’interdiction du jeu des mineurs,
de l’interdiction de jeu des personnes inscrites sur le fichier du ministère de l’Intérieur, sujets
relevant de la commission des sanctions, mais également dans le cadre de l’examen du respect
de l’obligation d’identification de la relation d’affaires, au sens du CMF, le sujet relevant
alors de la commission nationale des sanctions.
Une clarification des périmètres d’action de chaque commission reste donc à établir. Il
pourra notamment être tenu compte du parallélisme existant entre l’ARJEL et des autorités de
régulation opérant en matière de lutte contre le blanchiment dans le secteur financier,
l’autorité des marchés financiers et l’autorité de contrôle prudentiel et de régulation, et
d’envisager que l’ARJEL, à l’instar de ces organismes, se voie confier la compétence de
sanction en matière de blanchiment et de financement du terrorisme.
L’activité des commissions de sanctions administratives trouve sa limite dans le champ
même de leur compétence, les agissements concernés étant souvent susceptibles de recevoir
une qualification pénale et donnant alors lieu systématiquement à une information de
l’autorité judiciaire, en application du IV de l’article 44 de la loi du 12 mai 2010.
Neuf affaires seulement ont donné lieu à la saisine de la commission des sanctions de
l’ARJEL depuis 2009, tandis que la CNS est une institution récente qui n’a commencé à
fonctionner qu’en octobre 2014 et n’a eu à connaître en la matière que deux dossiers
concernant des opérateurs de jeu (aucun provenant de l’ARJEL).
___________________ CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS __________________
Conséquence d’une gouvernance cloisonnée mais aussi de certaines insuffisances du
dispositif de régulation, dont la principale est l’absence de levée de l’anonymat des joueurs
dans le réseau physique, à l’exception des casinos, la réalisation des objectifs de régulation
des jeux d’argent demeure incomplète, avec des résultats très hétérogènes :
-
l’ouverture à la concurrence des jeux en ligne et l’action de l’ARJEL ont permis une
réduction significative de l’offre illégale. Plusieurs problématiques demeurent toutefois,
concernant d’une part, la nécessité de renforcer les moyens juridiques permettant une
régulation plus efficace et d’autre part, l’émergence de nouveaux jeux supports de paris
et mises (ex. les compétitions e-sportives) porteurs de risques à traiter avec réactivité ;
-
la prévention du jeu problématique reste lacunaire, avec 5 % des joueurs présentant un
profil à risque modéré ou excessif. Si l’analyse révèle que les segments de jeux présentent
des risques différents, les efforts accomplis par les opérateurs sont également
hétérogènes – aux efforts consentis par les casinos (contrôles à l’entrée) et les opérateurs
en ligne s’opposent notamment les insuffisances du secteur des jeux sous droits exclusifs
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107
dans le réseau physique en matière de levée de l’anonymat – tandis que le dispositif
d’ensemble souffre des faiblesses du fichier des interdits de jeu ;
-
l’interdiction du jeu aux mineurs n’est pas assurée : un tiers des mineurs de 15 à 17 ans
auraient pratiqué des jeux d’argent chaque année (11 % sous une forme problématique).
Les casinos ayant déjà une obligation de contrôle physique à l’entrée, les paris hippiques
ne suscitant qu’un intérêt restreint auprès des mineurs, l’enjeu porte ainsi principalement
sur la FDJ ;
-
l’intégrité, la fiabilité et la transparence des opérations de jeu ont fait l’objet d’efforts
récents qui restent à consolider et à compléter. D’une part, les opérations de jeu, en dur
comme en ligne, sont soumises à des standards techniques élevés. D’autre part, l’ARJEL
s’est fortement impliquée dans la lutte contre les manipulations sportives depuis
l’introduction en 2012 de dispositions le permettant dans le code du sport. Toutefois, la
prévention des conflits d’intérêt reste insuffisante en ce qui concerne les paris hippiques.
Par ailleurs, les paris pris par des parieurs professionnels à l’étranger, qui parient,
grâce à des outils informatiques, sur la masse commune du PMU via des partenaires de
cet opérateur, contrevient au principe d’équité entre les joueurs dans la mesure où leurs
taux de gain élevés réduit mécaniquement le montant des gains perçus par les joueurs
non professionnels ;
-
la lutte contre les activités criminelles, le blanchiment et le financement du terrorisme a
fait l’objet de plusieurs renforcements. Plus ou moins bien intégré par les opérateurs,
avec notamment un dispositif très structuré à la FDJ et des obligations fortes pour les
opérateurs en ligne, cet objectif est par ailleurs largement investi par les services des
ministères financiers – Tracfin, la DGFiP et la DGDDI qui interviennent dans ce cadre
au titre de leurs missions régaliennes – mais moins par le SCCJ. La transposition à venir
de la 4
e
directive anti-blanchiment viendra renforcer les obligations de levée d’anonymat
pour l’ensemble des prestataires de jeux et paris. Restent aussi des faiblesses liées à un
contrôle encore insuffisant des flux financiers pour les jeux dans le réseau physique, en
raison notamment du maintien de l’anonymat des joueurs pour la FDJ et le PMU.
En conséquence, la Cour formule les recommandations suivantes:
•
renforcer les pouvoirs de l’autorité de régulation pour mieux lutter contre l’offre illégale ;
•
rendre obligatoire l’utilisation de la carte joueur ou de tout autre moyen d’identification ;
en commençant par les jeux les plus propices à l’addiction, à la fraude et au blanchiment ;
•
moderniser le fichier des interdits de jeux et en élargir l’usage y compris aux points de
vente en dur afin de mieux assurer la protection des joueurs problématiques ;
•
mettre en place un cadre juridique renforçant l’éthique des courses hippiques sur le modèle
de ce qui a été fait dans le domaine du sport : prévoir des incriminations pénales en matière
de dopage et de corruption hippique ; renforcer la prévention des conflits d’intérêt en
étendant les interdictions de parier et en les contrôlant ; réguler l’activité de pronostics
hippiques ;
•
uniformiser les plafonds d’usage des espèces tant pour les mises que pour les gains, afin de
lutter contre la fraude et le blanchiment de capitaux.
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Chapitre III
Une gouvernance éclatée à unifier et conforter
La régulation
des jeux d’argent de hasard s’appuie sur une pluralité d’autorités,
chacune intervenant selon un périmètre et des champs d’action et de compétences variables
128
.
Cette situation résulte d’une part de la nature même de la fonction de régulation, qui
implique des interventions en termes de réglementation, de pilotage, de contrôle et de
sanction
129
relevant de la compétence de services différents. Elle est liée d’autre part à la
diversité des objectifs assignés à cette régulation, conduisant à l’intervention de nombreuses
administrations non au titre de la politique des jeux d’argent et de hasard mais parce que les
missions de service public qui leur sont confiées couvrent tout ou partie de ce secteur
d’activité. Elle est enfin et surtout le résultat de l’histoire, chaque évolution de la politique des
jeux se traduisant par une fragmentation un peu plus poussée de la fonction de régulation,
partiellement compensée par les efforts de coopération bilatérale entre services.
La loi de 2010 constitue dans ce cadre une occasion manquée de réorganisation
d’ensemble de la fonction de régulation des jeux d’argent et de hasard. La mise en place d’une
instance transversale, le comité consultatif des jeux (CCJ), et celle d’un acteur dédié pour les
jeux en ligne, l’ARJEL, n’ont pas conduit à la clarification du dispositif ni même entamé
sérieusement une organisation qui reste fondamentalement déterminée en fonction des
catégories de jeux d’argent et de hasard et de leurs canaux de distribution.
128
Cf. tableau récapitulatif en annexe n° 6.
129
Il est à noter qu’une approche élargie de la fonction de régulation fait aujourd’hui l’objet d’une appréciation
juridique claire à la suite de l’arrêt du Conseil d’État, sect., du 9 octobre 2015,
Société Bouygues Télécom
.
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COUR DES COMPTES
110
I -
Un mode d’élaboration des normes peu porteur d’une
régulation cohérente
A -
Un fonctionnement interministériel asymétrique
1 -
Le rôle directeur du ministère chargé du budget
C’est par une loi de finances qu’a été créée la Loterie nationale. C’est dire que la
compétence du ministère chargé du budget est historique. Ce sont les ministres du budget qui
ont porté la loi du 12 mai 2010. Celle-ci a connu, entre sa version initiale et le 30 juin 2016,
treize modifications, incluant celles introduites en lois de finances.
La direction du budget (DB) joue ainsi un rôle prépondérant dans l’élaboration des
normes visant à réglementer le secteur des jeux d’argent et de hasard. C’est en effet à elle
qu’il revient de proposer les évolutions législatives et réglementaires en matière de régulation
et de fiscalité, en liaison avec le ministère de l’agriculture pour les courses hippiques et le
ministère de l’intérieur pour les casinos et les loteries mais aussi la police administrative
générale des jeux. Elle a aussi pour mission de promouvoir et de défendre au niveau européen
le modèle français de jeux d’argent et de hasard.
Elle est de plus au sein des ministères financiers le point de centralisation des
contributions de l’ARJEL et des services chargés de suivre tout ou partie de la réglementation
fiscale des jeux (DGFiP, DGDDI).
Le positionnement de cette direction, nonobstant la qualité reconnue de son action,
suscite des interrogations, encore renforcées par la multiplicité de ses rôles, notamment vis-à-
vis de la FDJ. L’étendue de son portefeuille fait de la politique des jeux d’argent un sujet
marginal, suivi par l’équivalent de un à deux ETP depuis 2009. Compte tenu de l’évolutivité
du secteur et du travail de synthèse qu’il exige, le risque souligné est celui d’une animation
limitée aux arbitrages principaux.
La vocation principale de la direction du budget est la préparation du budget de l’État
en s’efforçant de trouver les marges de manoeuvre nécessaires au financement des priorités du
Gouvernement. Cette orientation ne peut permettre d’assurer la distance nécessaire pour une
régulation d’ensemble de la politique des jeux
130
.
2 -
Une compétence transversale mais aussi sectorielle du ministère de l’intérieur
Le ministère de l’Intérieur a une responsabilité globale en matière de libertés
publiques et d’ordre public. Les prescriptions d’interdiction et les dérogations à ce principe
sont inscrites dans le Code de la sécurité intérieure. La direction des libertés publiques et des
130
Il peut à ce sujet être noté que la Finlande a notamment fait le choix, dans le cadre du projet de loi en
préparation sur la réorganisation du monopole des jeux d’argent et de hasard, de placer celui-ci sous la tutelle du
Premier ministre et non du ministre des finances, spécifiquement afin d’écarter tout risque d’interprétation sur la
finalité de la politique finlandaise des jeux d’argent.
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UNE GOUVERNANCE ÉCLATÉE À UNIFIER ET CONFORTER
111
affaires juridiques (DLPAJ), bureau des établissements de jeu, remplit des missions
transversales comme la garantie du respect du principe général d’interdiction des jeux
d’argent et de hasard ainsi que la gestion du fichier national des interdits de jeux.
La DLPAJ est plus spécifiquement responsable de la police administrative spéciale des
jeux d’argent et de hasard exploités dans les établissements de jeux en dur : elle est chargée de
proposer, préparer et mettre en oeuvre les législations relatives aux casinos et cercles de jeu.
Le bureau des établissements de jeu compte 6,8 ETP.
Elle s’appuie sur le service central des courses et des jeux (SCCJ) qui est son
prestataire en matière de police administrative et dont elle analyse les remontées
d’informations.
3 -
Une compétence sectorielle du ministère de l’agriculture au titre du cheval
C’est pour le « but exclusif de l’amélioration de la race chevaline », comme il est
précisé à l’article 2 de la loi du 2 juin 1891, que, par dérogation à l’interdiction des jeux
d’argent, les sociétés de courses ont été autorisées à organiser des courses de chevaux et la
prise de paris sur celles-ci.
Ainsi, le ministère de l’agriculture s’est-il trouvé en charge de la tutelle sur les paris
hippiques. Le pari mutuel est aujourd’hui suivi par la direction générale de la performance
économique et environnementale des entreprises (bureau du cheval et de l’institution des
courses rattaché à la sous-direction « Filières forêts-bois, cheval et bio économie »). Ce
bureau comptera, au 31 décembre 2016, 8,8 ETP dont 50 % de cet effectif intervient dans le
secteur des courses et jeux.
Outre ses prérogatives relatives à l’institution des courses (approbation des statuts des
sociétés mères, du code des courses dans chaque spécialité et du calendrier des courses
supports de paris on et
off line
; définition des statuts types des sociétés de courses…), le
ministre de l’agriculture désigne deux des quatre représentants de l’État au conseil des
administrateurs du PMU.
Il cosigne avec le ministre du budget les textes relatifs aux paris hippiques ainsi que
les lettres adressées annuellement au PMU s’agissant de son programme commercial, de son
plan d’actions « anti-blanchiment » et de son plan de lutte contre le jeu excessif, examinés au
préalable par la commission consultative pour la mise en oeuvre de la politique d’encadrement
des jeux et paris sous droits exclusifs (COJEX). En pratique, toutefois, le ministère de
l’agriculture est davantage chef de file pour les dossiers techniques liés aux courses, tandis
que le ministère du budget l’est pour les sujets financiers.
4 -
Des ministères concernés mais moins impliqués : la santé et le sport
Les ministres chargés respectivement de la santé et des sports sont cosignataires de la
plupart des textes relatifs aux jeux. Ils ne jouent qu’un rôle marginal dans l’élaboration des
normes.
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COUR DES COMPTES
112
C’est particulièrement étonnant pour ce qui est du ministère de la santé alors même
que l’un des motifs qui, dans la jurisprudence européenne, légitiment le traitement des jeux
comme une prestation de service d’une nature particulière et permettant aux États-membres
de règlementer, est la protection de la santé publique. L’organisation du ministère qui a
décentralisé de nombreuses compétences à des agences spécialisées explique sans doute cette
discrétion. Il est néanmoins du rôle des services ministériels d’apporter, dans leur champ de
compétence, leur contribution à l’élaboration des politiques publiques.
Pour ce qui est du ministère chargé des sports, il est plus dans une posture de client. Il
faut relever son implication dans la lutte contre les manipulations sportives.
5 -
L’émergence du ministère de l’économie, de l'industrie et du numérique
Ce ministère a, sur la période récente, porté des projets de modifications législatives
susceptibles d’avoir un impact important sur le secteur des jeux. Il l’a fait d’abord au titre de
la protection du consommateur, compétence assurée par la DGCCRF ; puis du développement
de l’économie numérique, compétence de la direction générale des entreprises (DGE), sans
que l’on discerne de cohérence. Absent de la tutelle des jeux, le ministère de l’économie est
logiquement concerné par leur régulation qui vise un équilibre entre des agents économiques
et des objectifs d’intérêt général.
a)
Le renforcement de la prohibition par la loi consommation
Le secteur des jeux n’est pas l’apanage d’une frange particulière de la population. Elle
concerne 40 millions de Français. La protection du consommateur devient un élément de la
politique des jeux mais doit tenir compte des risques propres à cette activité. C’est ainsi que la
loi consommation
131
de 2014 a quelque peu modifié la définition même des jeux d’argent et
de hasard dans un sens plus restrictif, en évacuant le critère du hasard pour englober les jeux
d’adresse.
b)
Les ouvertures de la loi République numérique
132
Le développement de l’économie numérique constitue un enjeu d’importance pour la
France. La loi comporte des dispositions (articles 101 et 102) relatives au développement des
compétitions de jeux vidéo qui visent, selon l’exposé des motifs, à les « exempter des
interdictions fixées par les articles L. 322-1 à L. 322-2-1 du code de la sécurité intérieure, afin
de permettre leur développement ».
Dans la mesure où d’ores et déjà des paris sont pris sur ces compétitions de jeux vidéo,
en dehors de toute règlementation, il conviendrait d’envisager des modalités de régulation de
ce segment très lié à l’organisation même de la compétition (cf.
supra
).
131
Loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation dite loi Hamon.
132
Loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique.
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113
B -
L’échec de la mise en place d’une instance plénière de concertation
a)
Le Comité consultatif des jeux (CCJ) : une tentative de mise en cohérence
de la politique nationale de régulation des jeux
Créé par la loi de 2010
133
, le CCJ était chargé de centraliser les informations en
provenance des autorités de contrôle et des opérateurs de jeux, d'assurer la cohérence de la
régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard au regard des objectifs généraux définis
par la loi et d'émettre des avis sur l'ensemble des questions relatives à ce secteur et sur
l'information du public concernant les dangers du jeu excessif; cet organe avait ainsi pour
enjeux une compétence générale sur la régulation de l’ensemble des jeux, un positionnement
« au-dessus de la mêlée » auprès du Premier ministre, et une composition élargie réunissant
les représentants des sphères tant politiques qu’administratives, sous la présidence d’un
membre du Parlement.
Or, le CCJ n’a pu jouer le rôle qui en était attendu par le législateur.
Des décalages significatifs avec les intentions initiales ont marqué son fonctionnement :
-
son positionnement n’a pas été celui prévu par la loi. Le CCJ n’a été réellement mis en
place que dix mois après la loi du 12 mai 2010. Il a été placé, par décret, auprès des
ministères en charge de l’intérieur et du budget et non auprès du Premier ministre comme
prévu par la loi
134
;
-
il n’a pas été doté de moyens propres. Alors qu’initialement le CCJ devait se voir doté
d’un secrétariat relevant de l’autorité de son président et assuré par les services du
Premier ministre, cette fonction a été exercée alternativement par les services de la
direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ) du ministère de
l’intérieur et de la direction du budget ;
-
les administrations concernées représentées au sein de cette instance n’ont pas apporté
leur expertise aux points en débat, laissant le plus souvent les membres élus recourir à
celle des opérateurs ou organismes indépendants. Le CCJ s’est réuni neuf fois
135
et a
cessé de se réunir après la démission en mai 2014 de son président, le sénateur TRUCY.
La direction du Budget fait état d’un désintérêt croissant des parlementaires pour cette
instance et de son incapacité à « proposer des évolutions législatives ou règlementaires aux
ministres ». Les comptes-rendus des réunions du CCJ montrent que celui-ci s’en est saisi
(voir
infra
. C. « Le rendez-vous manqué de la revoyure ») mais que les administrations n’ont
pas participé à l’élaboration des propositions.
133
Article 3 (version initiale) de la loi 2010-476 du 12 mai 2010
134
Décret n° 2011-169 du 10 février 2011 modifiant l'article 3 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à
l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne.
135
Neuf réunions ont été tenues entre 2011 et 2014 (4 en 2011, 2 en 2012, 2 en 2013 et une en 2014).
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114
Le CCJ a été supprimé dans le cadre de mesures gouvernementales de simplification
par décret du 13 novembre 2015
136
pris sous l’égide du secrétariat général du gouvernement.
Cette décision marque le coup d’arrêt de ce qui était conçu par le législateur comme une
première approche transversale de la politique de régulation des jeux. Ses motifs n’ont pas été
explicités. Les membres de ces instances n’ont été ni consultés ni informés de cette
suppression et l’ont apprise, pour certains, à la faveur de l’enquête de la Cour. Aucune
réponse alternative aux considérations qui avaient présidé à son instauration dans le cadre de
la loi de 2010 n’a été évoquée.
b)
Des organes spécialisés en apesanteur
Parallèlement, les organes créés en appui du CCJ ont certes continué à fonctionner
mais dans un cadre restreint et cloisonné :
-
la création de l’observatoire des jeux (ODJ) constitue une première et louable étape dans
la connaissance des publics et des risques associés aux jeux et paris. Celui-ci manque
toutefois d’un budget d’études et peu d’études générales, quoique de très grande qualité,
ont été menées ;
-
si la qualité des travaux de la commission des jeux et paris sous droits exclusifs
(COJEX)
137
, compétente pour donner un avis au ministre du budget sur la politique
commerciale, de jeu responsable et de prévention du blanchiment des opérateurs de jeux
sous droits exclusifs, est globalement soulignée, son action demeure limitée aux seuls
FDJ et PMU
138
, ses avis, bien que largement suivis, restent consultatifs et ne sont pas
publiés tandis que ses moyens, en l’absence notamment de secrétariat permanent, sont
limités ;
-
les demandes d’autorisation de jeux dans les cercles de jeux et les casinos ainsi que les
propositions de suspension ou de révocation d’autorisation relèvent de l’avis de la
commission consultative des jeux de cercles et de casinos
139
(CCJCC), dans le cadre d’une
procédure trop lourde (cf
infra
).
Ces organes ne sont que consultatifs et ne sont pas indépendants. Leurs avis sont
cependant très largement entérinés par les ministres mais les délais de notification des
décisions ministérielles sont ensuite très longs.
La suppression du CCJ fragilise la base juridique des trois organes (ODJ, COJEX,
CCJCC) qui lui étaient statutairement rattachés dans le dispositif de la loi de 2010. Leur
pérennisation appelle une clarification qui, selon le secrétaire général du gouvernement, serait
en cours, dans le cadre d’un projet de décret modificatif actuellement soumis à la consultation
interministérielle.
136
Décret n° 2015-1469 du 13 novembre 2015 portant suppression de commissions administratives à caractère
consultatif.
137
Héritière du comité du jeu responsable (COJER), créé en 2006.
138
À noter que la compétence de la COJEX n’inclut ni l’ex-PMH ni les sociétés de courses pour l’organisation
des paris sur hippodromes.
139
Héritière de la commission supérieure des jeux dont elle reprend les attributions.
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115
Cette réponse juridique laisse entière la question de l’animation commune de trois
instances qui concourent aux mêmes objectifs. Le besoin est cependant unanimement
reconnu. Pour y répondre le décret en consultation « donnera également la possibilité aux
deux commissions consultatives (COJEX et CCJCC) de se réunir conjointement à la demande
de l’un des deux présidents de commission, favorisant la discussion commune sur les sujets
transversaux. » Cette possibilité de rencontres à la demande ne peut se substituer à une
instance permanente.
C -
Le rendez-vous manqué de la revoyure
La loi de 2010 avait prévu, en son article 69, une clause de revoyure, 18 mois après sa
promulgation, sur la base d’un rapport du gouvernement. Celui-ci a effectivement été
produit
140
en octobre 2011.
Le CCJ avait examiné, dès sa séance du 16 juin 2011, le rapport d’information de
l’Assemblée nationale sur l’application de la loi
141
, conçu comme une contribution au débat
sur l'adaptation du cadre législatif et réglementaire. Lors de sa réunion du 15 septembre 2011,
il eut à connaître de celui produit par l’ARJEL. La réunion du 24 novembre 2011 du CCJ fut
consacrée à la présentation du rapport du Gouvernement sur l’évaluation de la loi du 12 mai
2010 et à l’étude des propositions. Le Sénat produisit à son tour son rapport
142
. Une nouvelle
réunion du CCJ fut consacrée aux modifications réglementaires prévues par le rapport du
Gouvernement.
Mais il ne fut pas donné la suite initialement envisagée à l’exercice de revoyure qui en
est resté là : l’approche de la fin de la législature n’a pas permis la mise à l’ordre du jour d’un
projet de loi.
Les treize modifications apportées depuis lors à la loi de 2010 l’ont été par des
vecteurs législatifs et règlementaires les plus divers, dont la loi consommation de 2014, la loi
sur l’économie bleue et la loi République numérique, méthode peu propice à une vision
d’ensemble et porteuse de risques de manque de cohérence.
140
Rapport d’évaluation sur les conditions et les effets de l’ouverture du marché des jeux et paris en ligne,
octobre 2011.
141
Rapport d’information sur la mise en application de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à
la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, par Mme Aurélie Filippetti et
M. Jean-François Lamour, le 25 mai 2011
142
Rapport d’information sur l’évaluation de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la
concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, par M. François TRUCY, le
12 octobre 2011.
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116
II -
Un pilotage opérationnel de la régulation « en silo »
143
Le système français est organisé par filières de distribution avec, pour chacune d’entre
elles, une autorité de « régulation » distincte qui est en fait la même que celle chargée de la
réglementation de chaque segment de jeu :
-
le ministère de l‘intérieur (DLPAJ et SCCJ) est l’autorité en charge des casinos et cercles
de jeux et assure la police administrative des lotos ainsi que de l’ensemble des jeux
d’argent et de hasard ;
-
les ministères chargés de l’intérieur et du budget sont compétents pour les jeux d’argent
sous droits exclusifs de la FDJ ;
-
les ministères chargés de l’agriculture, du budget et de l’intérieur connaissent de l’activité
sous droits exclusifs du PMU (prise de pari sur le réseau physique ou par téléphone) ;
-
l’ARJEL, AAI rattachée au ministère chargé du budget est compétente pour la régulation
des jeux en ligne ouverts à la concurrence, soit le poker et les paris sportifs et hippiques.
A -
La régulation des jeux de cercles et casinos : une réglementation très
détaillée, des contrôles insuffisants, des cercles en voie de disparition
L’acteur essentiel de la régulation est le ministère de l’intérieur qui, d’une part, délivre
les autorisations d’ouverture, après avis de la commission consultative des jeux de cercle et de
casinos (CCJCC) et d’autre part, assure le contrôle des établissements bénéficiaires des
autorisations de jeux.
1 -
Les exploitants de casinos, des titulaires de délégations de service public
des collectivités territoriales
Les jeux de cercle et de casinos sont soumis à l’intervention des
communes, qui,
moyennant le respect d’un certain nombre de conditions, concluent des délégations de service
public (DSP) avec des sociétés privées pour l’exploitation des casinos. Seul l’octroi d’une DSP
ouvre la possibilité d’accès à ce secteur réglementé et faisant l’objet d’une police administrative
étroite.
Les délégations de service public des casinos sont d’une nature particulière.
L’arrêté du 14 mai 2007 relatif à la réglementation des jeux dans les casinos, prévoit en son
article premier:
« Un casino est un établissement comportant trois activités distinctes :
l’animation, la restauration et le jeu, réunies sous une direction unique sans que le jeu et
l’animation puissent être affermés »
. Ainsi les communes jouent-elles un rôle important dans
la régulation d’une part des différentes activités de casinos entre elles et d’autre part, dans le
développement équilibré des établissements.
143
Voir annexe n° 6. Le dispositif français de régulation.
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117
Juridiquement, ces concessions d'exploitation sont soumises aux dispositions relatives
aux contrats de délégation de service public
144
et doivent donc obéir aux règles de publicité et
de transparence fixées par la loi. Elles sont normalement soumises au contrôle de légalité et le
préfet peut les transmettre au juge du contrat dans le cadre d’un déféré, ou à la chambre
régionale des comptes afin de recueillir ses observations.
Dans ce cadre, l’utilité d’un contrôle efficace des DSP demeure posé. En effet, la
doctrine de la DLPAJ sur les effets d’un contrôle des DSP à un stade ultérieur, celui de
l’examen par la CCJCC, des autorisations d’ouverture (ou de prolongation, ou d’extension),
est sans aucune ambiguïté. «
En tout état de cause, la décision à prendre en matière de police
des jeux ne saurait se fonder sur un motif tiré du contrôle de légalité des actes de la
commune
. » Par conséquent, «
même à supposer illégale une décision de l’assemblée
municipale délibérante, cette circonstance n’implique en aucun cas, par elle-même, un refus
d’ouverture du casino ou de renouvellement d’autorisation
»
145
. Cet avis a été suivi par la
commission.
Il y a là une incohérence juridique qui demande, pour le moins, à être clarifiée. En
effet, si le principe juridique ainsi affirmé est juste, il n’en demeure pas moins que ses
conséquences sont, en pratique, difficilement compréhensibles
.
Le ministère de l’intérieur en
est d’accord et considère que les communes ne doivent pas hésiter à utiliser les outils à leur
disposition pour veiller au bon déroulement d’une concession de service public afin d’éviter
cette situation qui, selon lui, est marginale.
2 -
La police administrative des casinos exercée par la DLPAJ et le SCCJ
a)
Le bureau des établissements de jeux de la DLPAJ
Dans le cadre du principe général d’interdiction des jeux, le bureau des établissements
de jeux de la DLPAJ assure la gestion des autorisations d‘ouverture des casinos et cercles et
de leur réglementation. Outre donc l’activité éventuellement législative et la mise à jour
régulière de la réglementation, il s’agit pratiquement de s’assurer du respect du dernier état
des prescriptions de l’arrêté du 14 mai 2007
146
, soit : l’instruction et le suivi des décisions
ministérielles d’autorisation ou d’agrément relatifs aux casinos et aux cercles, l’agrément des
membres des comités de direction et des employés de jeux, l’agrément des sociétés de
fourniture et de maintenance, qui ont l’exclusivité de l’installation et de l’entretien des
machines à sous, la mise en oeuvre des mesures de police administrative : avertissements,
suspension ou retrait d’agrément ou d’autorisation de jeux, rendues nécessaires par les
constats effectués par le SCCJ.
144
Code général des collectivités territoriales, art. L. 1411-1 à L. 1411-18.
145
Procès-verbal de la séance du 8 octobre 2013 de la CCJCC cité par le rapport d’audit de l’IGA sur « Le
dispositif de contrôle des casinos et des cercles de jeux », p. 37.
146
Le texte de cet arrêté est en effet régulièrement tenu à jour, la dernière version disponible au moment du
contrôle est celle modifiée au 30 décembre 2014.
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118
Les autorisations sont accordées «
après enquête, et en considération d'un cahier des
charges établi par le conseil municipal et approuvé par le ministre de l'intérieur
». Elles sont
temporaires
147
. L’arrêté d'autorisation fixe leur durée et définit : la nature des jeux de hasard
autorisés; leur fonctionnement ; les mesures de surveillance et de contrôle des agents de l'autorité ;
les conditions d'admission dans les salles de jeux ; les heures d'ouverture et de fermeture ; le taux
et le mode de perception des prélèvements sur le produit des jeux.
b)
Les activités administratives du SCCJ
Le contrôle des établissements bénéficiaires d’une autorisation est de la compétence du
SCCJ. Ce contrôle vise en premier lieu à s’assurer du respect par les exploitants de leurs diverses
obligations; si sa principale modalité consiste en des « contrôles techniques et réglementaires »
périodiques, assurés par les équipes du service central, ses activités sont diversifiées.
Le SCCJ effectue les enquêtes d’agrément des personnels du monde des jeux et conduit
les procédures
de sanctions administratives
.
Le contrôle sur les jeux et matériels s’exerce sur toute la chaîne de fabrication des jeux
et concerne tant l’agrément des fabricants et des sociétés de fourniture et de maintenance que
le contrôle des matériels. Le ministère de l’intérieur admet que ces procédures d’agrément de
matériels, comme celle évoquée plus haut pour les expérimentations de jeux, qui prennent
trop de temps dans l’activité du SCCJ, devraient être allégées.
Le SCCJ émet ainsi des avis à
l’intention de la DLPAJ, qui s’appuient sur des éléments contextuels (moralité des dirigeants, de
la personne morale, etc.) et techniques (type de matériel présenté, fiabilité apparente, etc.).
c)
Les activités de surveillance et d’inspection du SCCJ
La surveillance consiste en une présence de prévention et d’administration au sein
d’un casino ou d’un cercle de jeux. Elle est exercée principalement par le réseau de la
soixantaine des correspondants territoriaux du SCCJ dans les services territoriaux de police
judiciaire. Le SCCJ est présent pour les ouvertures et fermetures administratives de casinos
ainsi que pour la surveillance spécifique du casino d’Enghien (50 visites en 2015) et des
cercles de jeu .
Le SCCJ réalise l’audit ou contrôle technique et réglementaire des établissements qui
dure entre 5 et 10 jours. A l’issue de l’audit, des observations écrites sont notifiées au
directeur responsable. Les conclusions de ces audits sont envoyées à la DCPJ, la DLPAJ, au
préfet. Elles sont exploitées lors de l’examen par la CCJCC du renouvellement des
autorisations ministérielles de jeux.
Les contrôles ciblés visent des établissements dont il est établi qu’ils ont mal respecté
la réglementation par le passé (renouvellement limité de l’autorisation de jeux, etc.) ou dont
les dirigeants font l’objet ou sont susceptibles de faire l’objet d’une procédure de sanction
administrative.
147
art. L. 321-1 du code de la sécurité intérieure.
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Le dispositif de contrôle des casinos assuré par le SCCJ est considéré comme inégal.
En effet, les interventions au sein des établissements se réduisent sensiblement en raison de la
charge croissante des tâches administratives qui limitent le temps de présence des agents dans
les établissements
148
, cela d’autant plus que le nombre de ceux-ci est en réduction constante et
sensible depuis plusieurs années
149
.
3 -
La CCJCC : des procédures lourdes et pas toujours indispensables.
La commission consultative des jeux de cercles et de casinos (CCJCC) a été créée par
le décret n° 2011-252 du 9 mars 2011, relatif au comité consultatif des jeux dont elle est une
commission spécialisée. En fait, elle succède au Comité supérieur des jeux (CSJ), dont elle a
repris la plupart des compétences.
Elle est chargée de donner un avis préalable au ministre. Elle examine « les demandes
d'autorisation de jeux dans les cercles de jeux et les casinos présentées en application de
l'article R. 321-4 et de l'article 1
er
du décret n° 47-798 du 5 mai 1947 portant réglementation
de la police des jeux dans les cercles, ainsi que les propositions de suspension ou de
révocation d'autorisation prévues à l'article R. 321-30 ».
Elle statue sur la base de rapports effectués devant elle par des rapporteurs, de
l’enquête de police conduite par le SCCJ et de l’avis du préfet concerné. Le bureau des jeux
de la DLPAJ assure son secrétariat.
La CCJCC se réunit régulièrement, en fonction des dossiers qui lui sont soumis : sept
fois en 2014, comme en 2015. Elle examine environ 80 dossiers par an. Les procédures sont
lourdes et les autorisations quasi-systématiques.
Pour les seuls casinos, l’ensemble des réunions de la CCJCC (et de son prédécesseur :
la CSJ) et des près de cinq à six cents dossiers désormais examinés depuis 2008 ont en effet,
au total abouti à trois avis de non renouvellement ; pour l’un d’entre eux, au demeurant, l’avis
de la CCJCC n’a pas été suivi par le ministre.
L’expérimentation de nouveaux jeux
Toute introduction d’un nouveau jeu, ou dispositif technique d’exploitation d’un jeu de
casino existant aux fins d’exploitation par la profession, dans la liste réglementaire limitative de
l’article du code de la sécurité intérieure, doit passer par une expérimentation dont le régime est
prévu aux articles 68-33 et suivants de l’arrêté de 2007
150
.
148
Il y a eu 4 contrôles ciblés sur place par le SCCJ en 2014. En 2015, aucun contrôle ciblé n’a étéeffectué ; en
revanche 7 inspections anti blanchiment ont eu lieu, dans un cadre juridique « complexe, nouveau différant
totalement de celui des contrôles ciblés », selon la réponse ministérielle. Parallèlement, le nombre d’audits et
contrôles techniques et réglementaires est en baisse, passant de 47 en 2010 à 30-35 entre 2013 et 2015.
Rapportés aux 201 casinos actuellement ouverts, ces derniers chiffres signifient qu’un établissement sera
contrôlé en moyenne tous les cinq à six ans ; cette fréquence était de trois ans en moyenne il y a quelques années.
149
En 2016 le SCCJ compte 48 fonctionnaires en centrale et 61 dans son réseau. En 2009, ces chiffres étaient,
respectivement, de 69 et 70.
150
Elles ne sont pas autorisées pour les cercles de jeux.
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120
Un ou plusieurs casinos (nombre limité) en font la demande. Le dossier est examiné par la
Commission Consultative des Jeux de Cercles et de Casinos, après avis du SCCJ sur rapport de la
DLPAJ qui arrête la décision. Une procédure d’agrément du matériel avec examen technique est
également lancée par le SCCJ.
151
Une fois l’expérimentation autorisée, le jeu est mis en exploitation
pour une durée limitée.
La CCJCC est amenée à se prononcer en fonction de risques que seule l’expérimentation elle-
même doit permettre de caractériser. La durée totale d’instruction des demandes, supérieure à un an
et demi, est beaucoup trop élevée compte tenu de l’enjeu essentiel que l’introduction de nouveaux
jeux représente pour les casinos et de la réactivité qui est ainsi nécessaire.
Selon la réponse ministérielle, la CCJCC ne sera plus saisie des demandes d’expérimentation
de nouveaux jeux.
4 -
Une remise en ordre nécessaire et préconisée par de récentes inspections
a)
Des cercles de jeu en relation douteuse avec le grand banditisme
Trois cercles de jeux fonctionnaient encore récemment: deux implantés à Paris (Clichy
Montmartre billard club et Club anglais) et un à Reims (le César billard palace), alors que
onze cercles étaient ouverts dans la seule capitale en 2007. Au moins six des dix
établissements qui ont disparu depuis ces dernières années ont fait l’objet d’enquêtes
judiciaires. Aujourd’hui, après la fermeture du cercle de Reims, mis en difficulté financière à
la suite de contrôles administratifs ayant relevé des irrégularités, il n’en subsiste plus que
deux.
À la suite de ces différentes affaires judiciaires
152
, la publication, le 20 décembre 2014,
de textes réformant la réglementation des cercles de jeux
153
a traduit une volonté de renforcer
le contrôle des flux financiers les concernant et ainsi de s’efforcer de réduire les risques de
blanchiment ou de fraude fiscale.
Si ces mesures contribuent, dans une certaine mesure, à limiter les risques, elles ne
permettent pas de lutter efficacement contre le blanchiment des capitaux, ce qui, de l’avis très
général de tous les acteurs, supposerait de mettre fin à la dérogation accordée aux cercles de
jeux et d’instaurer une nouvelle offre de jeux légale dans la capitale. Celle-ci, comme indiqué
supra
, est prévue dans le projet de loi relatif au statut de Paris et à l’aménagement
métropolitain.
151
La Division des Casinos et des Cercles envisage à l’avenir de développer les contacts avec des organismes
certificateurs spécialisés pour statuer sur la sécurité de certains dispositifs informatiques complexes.
152
Pour mémoire, par exemple l’affaire de « la Brise de mer ».
153
Décret n° 2014-1540 du 18 décembre 2014 portant réglementation de la police des jeux dans les cercles ; arrêté du
18 décembre 2014 modifiant l’instruction ministérielle du 15 juillet 1947 sur la réglementation des jeux dans les cercles ;
arrêté du 18 décembre 2014 pris en application de l'article 151 du code général des impôts, annexe 4, fixant la date à partir de
laquelle la retenue opérée dans les cercles au profit de la cagnotte des jeux dits « de cercle » est enregistrée sur une machine
automatique et les modalités d'emploi de cette machine.
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UNE GOUVERNANCE ÉCLATÉE À UNIFIER ET CONFORTER
121
b)
Une remise en ordre en cours
Les difficultés récurrentes autour des cercles de jeux, la dissolution de la direction
centrale des renseignements généraux en 2008 ayant entraîné le rattachement du SCCJ à la
direction centrale de la police judiciaire
154
ainsi que les innovations introduites par la loi de
2010 ont amené le ministre de l’intérieur à missionner l’IGA, par lettre du 28 janvier 2014,
pour
« examiner la cohérence (du) dispositif global de contrôle, son efficacité ainsi que
l’efficience des moyens mis en oeuvre. »
Parallèlement l’IGPN réalisait un audit du SCCJ.
Ces deux inspections, au vu des risques non maîtrisés dans l’actuelle organisation, ont
recommandé des réformes profondes. L’IGA préconise une refonte complète et évoque
plusieurs scénarios d’évolution marquant sa préférence pour une prise en charge de la
régulation des casinos et cercles par une autorité administrative couvrant l’ensemble du
secteur des jeux. L’IGPN mettant en évidence la préemption des tâches de police
administrative du SCCJ sur les activités de surveillance et de police judiciaire préconise leur
exercice en dehors de la direction centrale de la police judiciaire.
Selon la direction générale de la police nationale (DGPN), le SCCJ apporte « une plus-
value par l’articulation entre l’administratif et le judiciaire » et la remise en ordre est en cours,
les principales recommandations de l’inspection générale de la police nationale ayant été
mises en oeuvre.
B -
Une régulation plus ou moins largement internalisée par les titulaires
de droits exclusifs et supervisée par les tutelles
1 -
La direction du budget (DB) : un rôle de supervision plus que de régulateur
L’autorité de régulation pour l’offre de jeux sous droits exclusifs est statutairement
l’autorité de tutelle des opérateurs de monopole, soit le ministre en charge du budget pour la
FDJ, sa compétence étant déléguée à la direction du budget qui y consacre l’équivalent de 1 à
2 ETP en moyenne. Cette dernière l’explique « par la nature de la régulation exercée par la
direction, essentiellement de type réglementaire, a contrario des services qui exercent les
contrôles des opérations de jeu ou de police, et portant majoritairement sur un nombre limité
d’opérateurs compte tenu des droits exclusifs. » Son action relève en effet d’une activité
règlementaire classique plus que d’une régulation pour laquelle elle ne dispose pas de
compétences techniques en dehors de celles de l’opérateur qu’elle supervise.
La direction du budget exerce son action par : l’approbation annuelle des programmes
commerciaux et plans d’actions « jeu responsable » et « lutte anti blanchiment » de la FDJ et
du PMU, après avis de la COJEX, de l’ODJ et si besoin d’autres experts, notamment
associatifs, du secteur ; la validation des dossiers de jeu présentés par la FDJ dans le cadre du
renouvellement régulier de son offre de jeu de loterie ; le suivi des diligences accomplies par
la FDJ et le PMU pour garantir la transparence des opérations de jeux ; sa présence au sein du
154
Décret n° 2008-612 du 27 juin 2008 portant modification du décret n° 85-1057 du 2 octobre 1985 relatif à
l'organisation de l'administration centrale du ministère de l'intérieur et de la décentralisation.
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122
conseil d’administration de la FDJ et du PMU afin de veiller à la cohérence de la gestion de
ces entreprises avec la poursuite de la politique des jeux, ainsi qu’au sein du comité d’audit
afin de suivre la politique globale de maîtrise des risques et l’évolution des système de
contrôle interne.
La direction s’appuie dans cette mission sur les analyses et les alertes du CGEFI, dont
un chef de mission de contrôle, responsable de la mission de contrôle de l’activité des jeux
(hors casinos) est affecté à la surveillance de la FDJ, avec auprès de lui un contrôleur général
affecté au contrôle du PMU ainsi que plus largement au contrôle de l’activité hippique.
Son rôle s’apparente ainsi davantage à une fonction de supervision et d’arbitrage qu’à
un rôle de régulateur. Elle ne dispose pas de services spécialisés, notamment en informatique,
ce qui la rend dépendante des opérateurs.
La FDJ, tout en contestant ce constat et en assurant être soumise au contrôle des
services de la direction (un seul agent spécialisé), met en avant l’importance de sa capacité de
proposition en matière d’évolution de la régulation, confirmant ainsi le constat de la Cour. Les
multiples lacunes dans la documentation de la tutelle témoignent de sa dépendance vis-à-vis
des opérateurs.
Par ailleurs, dans le cas de la FDJ, la question de la coordination des enjeux de
régulation avec ceux de l’État-actionnaire paraît devoir être clarifiée. En effet, l’État est
représenté à deux têtes au sein du conseil d’administration de la FDJ, en tant que régulateur
avec la direction du budget et en tant qu’actionnaire avec l’agence des participations de l’État
(APE).
Celle-ci rappelle que « l’application à la Française des Jeux des dispositions relatives à
la gouvernance de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux
opérations sur le capital des sociétés à participation publique, qui doit avoir lieu au plus tard
lors de l’assemblée générale 2017, est l’opportunité de clarifier cette situation… Cette
ordonnance vise notamment à clarifier le rôle des administrateurs désignés ou proposés par
l’Etat, en distinguant le rôle de l’Etat actionnaire de ses autres fonctions, telles que l’Etat
client ou régulateur… Elle prévoit en effet, s’agissant de la représentation de l’Etat au sein
des instances de gouvernance : (i) un représentant de l’Etat, désigné par arrêté ministériel, (ii)
d’autres administrateurs proposés par l’Etat, qui représentent les intérêts de l’Etat en sa
qualité d’actionnaire, (iii) la possible désignation d’un commissaire du Gouvernement avec
voix consultative, qui peut exposer la politique du Gouvernement dans le secteur d’activité de
l’entreprise. »
L’APE a ainsi proposé aux ministres qu’à cette occasion, la participation du régulateur
au conseil d’administration consiste désormais non plus en un poste de représentant de l’État
ou d’administrateur mais en la présence d’un commissaire du Gouvernement, selon le modèle
utilisé par d’autres entreprises publiques, telle EDF.
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UNE GOUVERNANCE ÉCLATÉE À UNIFIER ET CONFORTER
123
2 -
Le ministère de l’agriculture
Outre ses prérogatives relatives à l’institution des courses (approbation des statuts des
sociétés mères, du code des courses dans chaque spécialité et du calendrier des courses
supports de paris on et off line ; définition des statuts types des sociétés de courses…)
155
, le
ministre de l’agriculture désigne deux des quatre représentants de l’État au conseil des
administrateurs du PMU. Il cosigne avec le ministre du budget les lettres adressées
annuellement au PMU s’agissant de son programme commercial, de son plan d’actions « anti-
blanchiment » et de son plan de lutte contre le jeu excessif, examinés au préalable par la
commission consultative pour la mise en oeuvre de la politique d’encadrement des jeux et
paris sous droits exclusifs (COJEX).
3 -
Des opérateurs sous droits exclusifs diversement investis au service des objectifs
de régulation
La FDJ et les sociétés de courses sont des opérateurs de jeu et non des autorités de
régulation. De fait, cependant, les missions qui leur sont confiées en font des acteurs
essentiels, à la fois initiateurs de la majeure partie des dispositifs de régulation les concernant
pour le volet des jeux sous droits exclusifs et responsables au premier titre de leur bonne mise
en oeuvre.
Ainsi, l’activité d’opérateur de la FDJ est fortement encadrée et soumise à des
objectifs qui recoupent très largement ceux de la loi de 2010
156
. Concernant les paris
hippiques, les textes définissent également des obligations spécifiques pour les sociétés de
courses, quoique plus partielles
157
.
Reste cependant que les opérateurs sous droits exclusifs déploient des moyens très
inégaux en matière de régulation.
155
Missions confiées à la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises
(bureau du cheval et de l’institution des courses rattaché à la sous-direction « Filières forêts-bois, cheval et bio
économie »).
156
En particulier, les articles 1er des décrets n°78-1067 et 85-390 énoncent pour l’offre de jeux de la FDJ les
objectifs à respecter : « assurer l’intégrité, la sécurité et la fiabilité des opérations de jeux et veiller à la
transparence de leur exploitation; canaliser la demande de jeux dans un circuit contrôlé par l’autorité publique,
afin de prévenir les risques d’une exploitation des jeux d’argent à des fins frauduleuses ou criminelles et de lutter
contre le blanchiment d’argent ; encadrer la consommation des jeux afin de prévenir le développement des
phénomènes de dépendance. Les jeux de loterie ne peuvent être vendus aux mineurs, même émancipés. Nul ne
peut être tenu pour responsable du non-respect de la disposition précédente s’il a été induit en erreur sur l’âge du
ou des mineurs concernés ».
157
Le décret n° 2010-1314 du 2 novembre 2010 relatif aux obligations de service public incombant aux sociétés
de courses de chevaux et aux modalités d'intervention des sociétés mères prévoit que celles-ci assurent la
régularité des courses et mènent des activités de lutte contre le dopage. L’arrêté du 13 septembre 1985 portant
règlement du pari mutuel prévoit par ailleurs l’interdiction pour les mineurs d’engager des paris hippiques et
d’accéder aux guichets et points de vente.
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124
a)
Un dispositif de régulation interne de la FDJ plusieurs fois renforcé
La FDJ met en oeuvre une organisation et des moyens spécifiquement consacrés à la
régulation des jeux qu’elle opère.
La politique dite de « jeu responsable » a pour objet de promouvoir un modèle de jeu
extensif et récréatif, répondant aux attentes de jeu du grand public tout en prévenant les
risques sociaux liés aux jeux d’argent. Développée progressivement depuis 2005, cette
politique dont les enjeux sont intégrés dans la cartographie des risques majeurs de l’entreprise
emporte des actions de test de conception
158
, de formation
159
, de communication et de
sensibilisation tout au long de la durée de vie du jeu ainsi que des actions de recherche et des
partenariats avec des organisations de la société civile orientés vers la recherche
160
et l’aide
aux publics vulnérables
161
, notamment la prévention du surendettement. La DB autorise et
contrôle les jeux et paris sous droits exclusifs de la FDJ mais leur examen repose
essentiellement sur les méthodologies conçues et mises en place par la FDJ
162
. Celle-ci fait
l’objet depuis 2009 d’une certification externe internationale (AFNOR Certification en
l’occurrence) pour mesurer sa conformité au regard des standards Jeu Responsable définis
dans le cadre de l’association
European Lotteries
163
dont la FDJ est au demeurant partie
prenante.
Les détaillants de la FDJ sont l’objet d’une politique d’incitation et de sanction
formalisée visant à assurer le respect de leur obligation contractuelle en matière de jeu
responsable, une partie de leur rémunération (le « bonus jeu responsable ») y étant liée depuis
2013
164
.
158
Avec notamment le développement d’outils dédiés, dont « Serenigame », matrice de prévention des risques de
l’offre dite visant à mesurer le niveau de risque potentiel des jeux en amont ou lors de leur conception.
159
Depuis 2007, tous les détaillants en activité font l’objet d’une formation jeu responsable. Depuis 2013, les
détaillants peuvent de plus bénéficier d’un bonus « jeu responsable » versé en contrepartie du respect de 6
critères lié à cette politique.
160
Notamment l’Hôpital Louis Mourier (mise en place d’un protocole de détection des joueurs problématiques
lors de consultations alcool ou tabacs), le CRJE (Centre de Référence du Jeu Excessif) créé en partenariat avec le
PMU fin 2007, le GIS (Groupement d’intérêt scientifique) Jeu et Sociétés avec 3 universités parisiennes en
sciences humaines et Sociales.
161
Notamment SOS Joueurs (depuis 1999, sans discontinuer, la FDJ en étant le principal mécène), Cresus
(Chambres régionales de surendettement social - depuis 2010), la Croix-Rouge Française et le Secours Populaire
Français, E-Enfance et l’École des Parents et des Éducateurs.
162
Méthodologie ponctuellement avalisée par la DB après examen par l’ODJ, lequel a ainsi notamment été
sollicité en octobre 2015 pour formuler un avis sur deux projets d’études « jeu responsable » présenté par la FDJ.
163
Audit conduit tous les 3 ans évaluant la réalisation des critères suivants : Aide à la recherche, Sensibilisation
et formation des employés, Programme pour la filière commerciale, Conception des jeux, Marketing et publicité,
Canaux de jeux à distance, Soutien aux structures de prise en charge, Informations destinées aux joueurs,
Engagement auprès des parties prenantes, Reporting, mesures, certification.
164
293 détaillants sanctionnés en 2013, 517 en 2014 et 579 en 2015, avec un montant de sanction de 280 K€ en
2015, pour un bonus total de 25 M€ distribué au réseau.
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UNE GOUVERNANCE ÉCLATÉE À UNIFIER ET CONFORTER
125
Des moyens importants sont spécifiquement dédiés à la régulation des jeux d’argent et
de hasard, pour l’essentiel regroupés sous l’égide de la direction gestion des risques et
sécurité
165
, en particulier : la mise en place d’une équipe consacrée à la prévention du jeu
excessif et du jeu des mineurs, dont les effectifs sont passés de 3 à 6 ETP entre 2009 et 2015 ;
celle d’une inspection réseau, dotée de 12 inspecteurs, dont les enjeux de la régulation
constituent l’une des missions, chaque détaillant étant inspecté au moins une fois par an
166
;
l’existence d’équipes de contrôle assurant le contrôle en continu et
a postériori
des flux
financiers
167
; des développements informatiques visant la prévention des activités
frauduleuses et du blanchiment, avec notamment une expérimentation de traitement des
données en «
big data
», dont les coûts directs sont estimés à 4 M€ sur la période
2009-2015
168
.
b)
Les paris hippiques : un dispositif minimaliste, ne couvrant pas l’intégralité du champ
des paris en dur
Le pilotage au sein du PMU des différents maillons de contrôle, respectivement
effectués par les services opérationnels, les directions fonctionnelles et le département audit et
contrôle internes, relève du département fraude et blanchiment, rattaché au secrétariat général
dont le mode de fonctionnement a été revu pour le rendre plus efficace. En particulier, l’outil
de suivi de la prise de paris dans les points de vente, dont l’utilisation était jusque-là réservée
à la direction financière, a été mis à sa disposition en 2015.
En matière de lutte contre la fraude, plusieurs évolutions sont intervenues récemment
afin de réduire les risques de fraude: déploiement en mai 2014 du protocole « 3D Secure » sur
certains canaux avec des seuils réajustés et revus régulièrement sur la base des fraudes
constatées ; mise en place d’un nouveau système de gestion des comptes clients permettant
d’optimiser les contrôles sur certains risques de fraude, dont celui afférent aux « chasseurs de
bonus » à travers l’ouverture de comptes multiples ; mise en place d’un contrôle de la
régularité des courses étrangères.
Toutefois, comme le soulignait la COJEX dans son avis de 2015, le département
fraude et blanchiment du PMU comprend un effectif réduit (5 collaborateurs) au regard
notamment de la faible proportion des remontées de terrain relatives aux parieurs, alors que
les risques de blanchiment sont avérés du fait notamment du non encadrement de la
circulation des espèces et de la fréquence du réinvestissement des gains. En outre, le PMU n’a
pas mis en place d’inspection interne visant à améliorer la surveillance financière de ses
points de vente non plus que le respect par ceux-ci de leurs obligations de lutte contre le
blanchiment et de prévention du jeu excessif. Il a refusé également d’intégrer dans leur
165
Direction dont l’effectif total (hors sécurité physique des sites) a évolué de 43 à 83 collaborateurs sur la
période 2009-2015 et les frais de personnel de 4.7m€ à 7m€ par an.
166
Ces inspections ont donné lieu en 2015 à 24 suspensions, 5 résiliations et 5 dépôts de plainte.
167
Dont une surveillance centralisée de l’activité des points de vente (~15 personnes), une surveillance continue
de l’activité commerciale en ligne (6 personnes) et un contrôle différé, d’initiative ou sur demande d’autorité
tierce (police judiciaire ou administrative, Tracfin / ~25 personnes).
168
Coûts auxquels la FDJ ajoute le déploiement du «
reçu checker
» (permettant aux clients de vérifier eux-
mêmes le montant de leur gain) pour 16,6 M€.
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126
rémunération un dispositif reconnaissant leur implication dans la mise en oeuvre de la
politique jeu responsable
169
.
Enfin, il convient de noter que la régulation des paris hippiques en dur n’est pas
harmonisée. La gestion des prises de paris sur hippodromes est ainsi très peu suivie par les
tutelles :
-
jusque fin 2015
170
, la prise de paris sur les hippodromes d’Ile de France, Chantilly et
Deauville était assurée par le Paris Mutuel hippodrome (PMH), GIE détenu par les
sociétés-mères et dont seuls les comptes faisaient l’objet d’une validation par les
ministères du budget et de l’agriculture ;
-
sur les hippodromes de province, la prise de paris relève de chaque société de courses.
Chacune de ces sociétés, associations de la loi 1901, a confié cette prestation à la
compagnie du pari mutuel (CPM) pour laquelle aucune donnée n’a pu être collectée quant
aux contrôles externes et internes en place visant à assurer le respect des objectifs de
régulation par cet opérateur.
De facto
, la régulation de ces deux entités paraît donc avoir été des plus réduites.
Aucune d’elles , notamment, ne fait l’objet d’un examen par la COJEX pour son programme
commercial ni pour son action en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du
terrorisme.
C -
La régulation des jeux en ligne : un régulateur fort,
des obligations lourdes pour les opérateurs
1 -
L’ARJEL : un régulateur fort dont le champ d’action reste limité
a)
Un régulateur fort
La loi du 12 mai 2010 a confié à l’ARJEL la charge de réguler le secteur des jeux
d’argent et de hasard en ligne ouverts à la concurrence.
Autorité administrative indépendante, l’ARJEL est rattachée budgétairement au
secrétariat général des ministères financiers. Elle s’appuie sur un effectif moyen d’environ 60
agents, et sur un budget de 2,99 M€ en AE et CP, hors dépenses de personnel (PAP 2016).
Elle a développé en interne un système d’information spécifiquement dédié au traitement des
données de jeux.
L’ARJEL met en oeuvre un contrôle permanent de l’activité des opérateurs de jeux en
ligne. Elle dispose de pouvoirs de contrôle étendus pour s’assurer du respect de la
réglementation: elle instruit les dossiers de demande d'agrément des opérateurs de jeux ou de
paris en ligne et délivre les agréments; elle fixe les caractéristiques techniques des plates-
169
Refus formulé devant la COJEX lors de l’examen 2015 du programme commercial 2016 du PMU.
170
Lourdement déficitaire, le PMH a été dissous en 2015. Une partie des personnels du PMH a été reprise par le
PMU dans le cadre de la définition d’un nouveau parcours client sur les hippodromes parisiens. La gestion des
paris pris sur l’hippodrome de Deauville a été externalisée et confiée à la compagnie des paris mutuels.
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127
formes, dont elle évalue périodiquement le niveau de sécurité, et des logiciels de jeux et de
paris en ligne des opérateurs ; elle s'assure de la qualité des certifications réalisées et peut
procéder à la modification de la liste des organismes certificateurs ; elle évalue les résultats
des actions menées par les opérateurs agréés en matière de prévention du jeu excessif ou
pathologique
171
et peut leur adresser des recommandations à ce sujet
172
. Elle peut, par une
décision motivée, limiter les offres commerciales comportant une gratification financière des
joueurs ; elle peut prononcer des sanctions allant jusqu’au retrait de l’agrément ; le président
de l’ARJEL peut conclure au nom de l'État des conventions avec ses homologues au sein
d'autres États membres de l’UE.
L’ARJEL dispose d’un délai de quatre mois pour répondre aux demandes d’agrément
ou de renouvellement d’agrément
173
. Pour toute autre décision relevant du collège de
l’ARJEL (homologation d’un logiciel de jeux et paris, modification de la liste des catégories
de compétitions et types de résultats de ces compétitions pouvant servir de supports de paris,
ajout ou modification de nom de domaine,…), elle se prononce dans un délai compris entre un
et deux mois, étant précisé que les services de l’autorité requièrent deux à trois semaines pour
instruire le dossier et que le collège se réunit en principe une fois par mois.
b)
Un champ d’action qui demeure toutefois structurellement limité
En dépit de ses prérogatives, l’ARJEL voit sa compétence limitée à plusieurs titres.
Ainsi, le pouvoir d’orientation de l’ARJEL sur l’offre de jeu en ligne n’est pas
uniforme et ne vaut que pour les paris sportifs – elle valide après avis des fédérations
sportives le calendrier des évènements sportifs pouvant servir de support à des paris sportifs –
et les tournois de poker.
A contrario
, l’ARJEL n’a aucune autorité sur la définition de l’offre
de jeu en matière de «
cash game
» et de paris hippiques. Le calendrier des courses hippiques
nationales et étrangères pouvant servir de support aux paris hippiques en ligne est en effet
approuvé sans concertation avec l’ARJEL par le MAAF sur proposition de la Fédération
nationale des courses françaises et après avis des sociétés-mères du PMU.
Également, le périmètre de son action est limité par les dispositions légales et
réglementaires existantes, qui définissent de manière très précise le mode de fonctionnement
attendu des dispositifs de lutte contre l’addiction. Or certains de ces dispositifs gagneraient à
être améliorés au rythme des avancées de la recherche et de la technologie. À titre d’exemple,
les dispositions relatives au format des messages de prévention ne sont pas adaptées aux
supports de jeu mobiles, qui représentent une part croissante des mises. À l’inverse, le
pouvoir de recommandation de l’ARJEL apparait insuffisant lorsqu’un dispositif de
régulation non prévu par la loi s’avère nécessaire.
171
Ce rapport est structuré autour d’un cahier des charges défini par l’ARJEL, qui formalise des objectifs et
orientations définis par l’Autorité, tels que la formation du personnel ou la mise en place de critères de détection
du jeu problématique, et qui comprend des indicateurs, tels que le nombre de demandes d’aide formulées par les
joueurs ou leur entourage.
172
À titre d’exemple, des recommandations relatives à la fourniture de services de paris par le biais de la
télévision et de la montre connectées ont été publiées par l’ARJEL.
173
Article 8 du décret n° 2010-482
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128
Si le rôle de l’ARJEL en matière de paris sportifs en ligne est bien celui d’un
régulateur, il relève plutôt du contrôle s’agissant des autres segments de jeux en ligne.
2 -
Des opérateurs soumis à des obligations contraignantes
La loi du 12 mai 2010 (articles 17 à 20, 22 à 33) et ses décrets d’application ont
précisé un corpus d’obligations à la fois détaillé et contraignant incombant aux opérateurs de
jeux et paris en ligne en matière de lutte contre la fraude et le blanchiment, de prévention du
jeu excessif ou pathologique, de transparence et de prévention des conflits d’intérêt. Ces
obligations comprennent notamment : un encadrement des caractéristiques des jeux et paris,
notamment pour la définition des compétitions et des types de résultats supports des jeux et
paris ; des exigences techniques et juridiques détaillées pour l’obtention d’un agrément,
notamment pour l’archivage des données de jeu, les modalités d’encaissement et de paiement,
les obligations de vérifications lors de l’inscription et de l’accès au site ; la mise en place de
mécanismes de protection des publics vulnérables (modérateurs et limites aux comptes
joueurs, blocages des mineurs et des interdits de jeu, information et assistance, etc.).
À cette fin, les opérateurs mettent à la disposition permanente de l'ARJEL des données
portant sur l'identité de chaque joueur, son adresse et son adresse sur un service de
communication au public en ligne ; le compte de chaque joueur, notamment sa date
d'ouverture, et les références du compte de paiement ; les événements de jeu ou de pari et,
pour chaque joueur, les opérations associées ainsi que toute autre donnée concourant à la
formation du solde du compte joueur ; les événements relatifs à l'évolution et à la
maintenance des matériels, plates-formes et logiciels de jeux utilisés.
Ces dispositifs, notamment en ce qu’ils contribuent à une levée totale de l’anonymat
des joueurs ainsi qu’à une traçabilité de l’ensemble des flux financiers (mises et paiement des
gains), sont plus contraignants que ceux portant sur les opérateurs de jeux en dur.
L’entreprise sollicitant l’agrément de l’ARJEL pour les jeux en ligne doit justifier de
son identité et de sa solidité financière. Elle ne peut avoir son siège social, une filiale ou un
équipement dans un État n’ayant pas de convention d’assistance administrative en matière
fiscale avec la France.
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129
III -
Une contribution à la régulation par d’autres entités
publiques
A -
Une présence suivie des services financiers dans la lutte
contre la fraude et blanchiment
La lutte contre la fraude dans le secteur des jeux recoupe les missions régaliennes
assurées par les services des ministères financiers, qu’il s’agisse de l’anti-blanchiment ou de
la fraude fiscale. Certaines de ces compétences sont exercées dans le cadre de leurs missions
propres, d’autres sont spécifiques à la régulation des jeux.
1 -
Tracfin
Les missions de TRACFIN sont la lutte contre les circuits financiers illégaux, le
financement du terrorisme et le blanchiment de capitaux
174
. Dans ce cadre, si cet objectif
recoupe par nature celui, équivalent, assigné à la régulation des jeux d’argent,
l’assujettissement des opérateurs de jeux aux obligations définies par le code monétaire et
financier (CMF) ne s’est effectué que de manière progressive. Ainsi les premières professions
assujetties ont été les casinos et cercles de jeux (2001) puis les opérateurs de loteries, paris
sportifs et hippiques (2004) et enfin les opérateurs de jeu en ligne, dès l’ouverture à la
concurrence de ce segment du marché en 2010.
Dans le cadre de sa mission, Tracfin est par ailleurs en lien avec l’ensemble des acteurs
du secteur des jeux d’argent : les opérateurs assujettis (CMF : L. 561-2 – 9° et 9° bis) ;
l’autorité judiciaire ; les administrations fiscales ; le SCCJ (cf
supra
p 104), l’ARJEL, avec
laquelle une convention est en cours de préparation. Tracfin rencontre ainsi régulièrement les
opérateurs pour les sensibiliser à l’évolution des pratiques et typologies de fraudes et les
inciter à améliorer leurs dispositifs d’évaluation et de gestion des risques.
2 -
La direction générale des finances publiques (DGFiP)
De par sa mission de lutte contre la fraude fiscale et hors son rôle spécifique sur la
détermination du régime fiscal des casinos, la DGFiP participe à la prévention de la
dissimulation d’activité lucrative et du blanchiment de capitaux. Le contrôle des opérateurs de
jeux d’argent est donc un point de vigilance, parmi d’autres, du contrôle fiscal.
La Direction nationale d'enquêtes fiscales (DNEF) a ainsi élaboré plusieurs guides
sectoriels et fiches d’informations techniques au cours des années 1990-2000, traduisant une
préoccupation de longue date des risques liés au secteur des jeux d’argent. Toutefois, ces
guides, pertinents sur le principe, ne prennent pas en compte les jeux en ligne et sont pour la
174
Articles L.561-23 et R.561-33 du code monétaire et financier.
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130
plupart anciens
175
, alors que la fiscalité a profondément évolué ces dernières années pour
l’ensemble des segments (casinos et appareils automatiques), sinon obsolètes (courtier de la
FDJ). Ils mériteraient une actualisation.
Par ailleurs, l’administration fiscale s’appuie pour son action sur la mise en oeuvre de
droits de communication auprès de l'ARJEL (article L. 84 B du livre des procédures fiscales) ;
auprès des établissements de jeux (article L. 84 C du LPF) ; auprès des établissements
bancaires pour la détection des contribuables ayant effectué des virements de fonds vers des
pays à fiscalité privilégiée (article L. 96 A du LPF).
3 -
La direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI)
L’administration des douanes intervient à deux titres dans le cadre de la régulation des
jeux d’argent.
Elle est en premier lieu compétente pour le contrôle fiscal des opérateurs relevant de
l’impôt sur les cercles et maisons de jeux, soit les cercles et maisons de jeux, licites ou
clandestins (en parallèle d’une action de police judiciaire dans ce dernier cas) ainsi que des
loteries traditionnelles et des loteries prohibées. Elle participe ainsi, à l’instar de la DGFiP, de
la prévention des activités frauduleuses et du blanchiment d’argent dans ces secteurs.
Cette action n’a pas donné lieu à la mise en oeuvre de plan de contrôle national dans la
mesure où les loteries, très présentes en milieu rural ou périurbain relèvent pour l’essentiel des
services locaux. Les cercles et maisons de jeux, plus complexes et impliquant une
coordination avec l’autorité judiciaire, relèvent des services à compétence nationale avec une
exception à Paris, dont le bureau des contributions indirectes est spécialisé sur les contrôle des
cercles et maisons de jeu clandestins à Paris.
En deuxième lieu, la DGDDI intervient dans le cadre de sa mission de surveillance des
flux intra et extra-communautaires d’espèces et autres valeurs prévue par le code des
douanes
176
. Certains contentieux relevés en matière de manquements à l’obligation déclarative
(MOD) font ainsi apparaître le recours des auteurs d’infractions aux établissements de jeux
(de type casinos et cercles de jeux) et aux sites de jeux en ligne afin de blanchir des sommes
susceptibles de provenir d’activités illicites de droit commun (fraude aux cotisations sociales,
escroquerie à la TVA et blanchiment de droit commun).
Enfin la loi du 12 mai 2010 a prévu la mise en jeu de l’article 65 ter du code des
douanes permettant l’échange spontané d’informations avec l’ARJEL.
175
Casinos, cercles et maisons de jeux (août 1999), Courtier de la FDJ (avril 1985), exploitants d’appareils de
jeux automatiques (cadre légal et réglementaire, principales infractions à la réglementation – octobre 1990),
exploitants des machines à sous clandestines sous couvert de l'exercice de la profession d'exploitant de jeux
automatiques (2000), gains de jeux (avril 1985), le blanchiment d’argent (2001).
176
Il est à noter que depuis la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et
la grande délinquance économique et financière, tous les modes de paiement, plaques, jetons, tickets disponibles
dans les casinos sont assujettis à l’obligation déclarative prévue par l’article 464 du code des douanes.
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UNE GOUVERNANCE ÉCLATÉE À UNIFIER ET CONFORTER
131
B -
La DGCCRF au titre de sa mission de protection du consommateur
Le rôle de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la
répression des fraudes (DGCCRF) en matière de jeux d’argent tient à sa compétence
transversale de protection économique et de sécurité des consommateurs, ainsi que de
régulation concurrentielle des marchés (dispositions du code de la consommation, du code de
commerce) ainsi qu’à sa compétence spéciale en matière de loteries
177
.
Dans ce cadre, la DGCCRF est un interlocuteur régulier de l’ARJEL afin de veiller au
respect de ces mécanismes protecteurs des consommateurs, d’assurer la transparence de
relations commerciales entre consommateurs et professionnels et de prévenir et sanctionner
les pratiques commerciales trompeuses et/ou agressives.
Dès lors, sans être un axe prioritaire de l’action de la DGCCRF
178
, les jeux d’argent
ont été l’objet de plusieurs enquêtes (poker en ligne 2011-2012 ; loteries prohibées sur
internet 2011-2012 ; pratiques commerciales des jeux sur les réseaux sociaux 2012 ; et paris
sportifs et hippiques en ligne 2013
179
; clauses abusives dans les conditions générales
d’utilisation présentes sur les sites internet des opérateurs de jeux en ligne 2015).
C -
Une intervention ponctuelle de l’Autorité de la concurrence
L’objectif de développement équilibré et équitable du secteur de jeux d’argent peut
être soutenu par des interventions au titre de la concurrence. C’est ainsi que l’autorité de la
concurrence est intervenue ponctuellement dans le secteur des jeux d’argent et de hasard dans
le cadre de son champ de compétence généraliste de régulation de la concurrence. Elle a émis
un avis concernant la loi du 12 mai 2010
180
et a rendu trois décisions relatives aux jeux
d’argent depuis le début des années 2000 dont une
181
en 2014.
177
Articles L. 322-1 et suivants et L. 324-10 du code de la sécurité intérieure.
178
Elle consacre 0,6 ETP au secteur (0,5 au service national des enquêtes et 0,1 pour le bureau sectoriel).
179
À l’occasion de cette enquête et sur 10 opérateurs contrôle, trois étaient en infraction pour défaut
d’information du consommateur dans le cadre d’offres de bienvenue et ont fait l’objet d’un procès-verbal pour
pratiques commerciales trompeuses.
180
Avis n° 11-A-02 du 20 janvier 2011 relatif au secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne. L’autorité de la
concurrence s’était saisie d’office pour avis sur le fondement de l’article L. 462-4 du code de commerce afin
d’étudier les questions de concurrence soulevées par l’ouverture du secteur des jeux d’argent et de hasard en
ligne. Par ailleurs,
l’European Gaming and Betting Association
(EGBA) avait saisi l’Autorité de la concurrence
de diverses questions liées à l’ouverture à la concurrence du secteur des jeux en ligne, portant notamment sur les
éventuelles distorsions de concurrence liées à la situation des opérateurs historiques sur le marché ainsi qu’aux
règles générales prévues par le projet de loi pour encadrer le fonctionnement du marché.
181
Décision n° 14-D-04 du 25 février 2014 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur des paris
hippiques en ligne : décision d’acceptation d’engagements.
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132
La décision n° 14-D-04 du 25 février 2014
L’autorité de la concurrence a été saisie en 2013 d’une plainte d’un opérateur agréé par
l’ARJEL contre le GIE PMU auquel était notamment reproché, sur le marché des paris hippiques en
ligne, un abus de position dominante. Le conflit a été réglé par l’engagement pris par le GIE PMU
de séparer les masses d’enjeux qu’il collecte sur le réseau physique de celles qu’il recueille en ligne.
Cette séparation est intevenue en décembre 2015.
IV -
Les voies et moyens d’une régulation unifiée
et indépendante
L’analyse de la gouvernance fait apparaître un défaut de coordination et une
insuffisante distinction entre les fonctions de conception de la politique et de régulation. La
conception de la politique des jeux qui relève aujourd’hui du Budget en lien avec l’Intérieur et
l’Agriculture, devrait être définie dans un comité interministériel élargi à d’autres ministères.
Sur le plan opérationnel, il conviendrait de faire reposer l’action de régulation, pour
l’ensemble du secteur des jeux, sur une autorité administrative indépendante regroupant des
compétences aujourd’hui dispersées et confondues.
A -
Concevoir une politique publique des jeux et en définir la stratégie
1 -
Construire la politique nationale des jeux : une compétence interministérielle
à renforcer
La loi de 2010 a fixé à la politique de l’État en matière de jeux d’argent et de hasard
l’objectif
« de limiter et d’encadrer l’offre et la consommation des jeux »
d’où découlent les
quatre objectifs de la régulation.
Après le rendez-vous raté de la revoyure, les modifications successives introduites au
cadre législatif apparaissent comme autant de démembrements de la politique des jeux qui
viennent, au cas par cas, en renfort d’autres politiques publiques. C’est ainsi qu’en 2014 la loi
Hamon a étendu le principe de prohibition aux jeux sans prédominance du hasard, au titre de
la protection du consommateur ; qu’en 2016, la loi République numérique a ouvert de
nouveaux risques avec les compétitions de jeu vidéo. La loi pour l’économie bleue
182
, elle,
pour renforcer l’attractivité du pavillon français, ouvre, en son article 51, la possibilité de
casinos flottants. Au conseil des ministres du 3 août 2016 a été par ailleurs adopté un projet de
loi relatif au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain qui comporte « une habilitation
à légiférer par ordonnance en matière de jeux d’argent et de hasard (permettant) notamment
d’abroger le régime des cercles de jeux et d’expérimenter à Paris une nouvelle catégorie
d’établissements de jeux ».
182
Loi n° 2016-816 du 20 juin 2016 pour l'économie bleue.
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133
L’évolution de la législation nationale ne permet plus de discerner de principe directeur
pour la définition d’une politique publique des jeux. Dans le même temps, le secteur des jeux
d’argent et de hasard se trouve de plus en plus investi par le droit européen, au nom de la libre
prestation de services, de la concurrence, des normes techniques, de la prévention des conflits
d’intérêt ou de l’intégrité du sport. L’exclusion des jeux du champ d’application de certaines
directives et l’absence de droit dérivé spécifique n’empêchent pas l’accentuation de la
pression des instances européennes.
La France a tout intérêt à définir sa propre politique publique des jeux qui, tout en
prenant en compte les exigences européennes, permette un développement maîtrisé d’un
secteur économique en pleine évolution, porteur d’activités et d’emplois.
Il appartient aux administrations centrales d’assurer ce rôle de conception et de
participation à l’élaboration des politiques nationales, au contrôle de leur application, à
l’évaluation de leurs effets
183
.
S’agissant de la politique des jeux, les objectifs d’intérêt général qui justifient, au regard
du droit européen, des restrictions à la libre prestation de service sont portés par plusieurs
services ministériels. Le ministère de la Santé (direction générale de la santé) et le ministère
de l’Economie (DGCCRF) sont compétents en matière de prévention du jeu excessif et
pathologique et de protection du consommateur. Le ministère des Sports est compétent en
matière d’intégrité des manifestations sportives, supports des paris. Le ministère de l’Intérieur
(DLPAJ) est compétent en matière de libertés publiques et d’ordre public.
Au niveau national, la compétence historique de la direction du budget garde sa pleine
actualité, en l’état des finances publiques nécessitant à la fois la maîtrise des dépenses et la
préservation des recettes publiques. À l’implication également historique du ministère de
l’agriculture en faveur de la filière équine, il conviendrait d’ajouter celle grandissante du
ministère de l’économie (DGE) au titre de l’économie numérique.
Il conviendrait ainsi, dans un comité interministériel comprenant l’ensemble de ces
ministères de proposer une politique publique des jeux eurocompatible, dotée de principes
directeurs, et qui tienne aussi compte de légitimes intérêts nationaux. C’est à ce niveau que
doivent être préparés le champ et les orientations générales de la politique des jeux d’argent et
de hasard dont les pouvoirs publics souhaiteront se doter.
Le principe organisateur de la politique des jeux, aujourd’hui par dérogation à une
prohibition, les objectifs de cette politique, le cadre institutionnel de la régulation, le statut des
opérateurs sous monopoles, le champ des droits exclusifs et celui ouvert à la concurrence, les
catégories de jeux autorisés, les catégories d’établissements suceptibles d’être agréés comme
points de vente, toutes ces compétences relèvent des administrations centrales pour être
soumises aux autorités politiques, Gouvernement et Parlement. Il en va de même de la
fiscalité des jeux qui relève de la politique budgétaire et fiscale, préparée par les
administrations du Budget et de la DGFiP.
183
Article 3 du décret n° 2015-510 du 7 mai 2015 portant charte de la déconcentration.
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134
2 -
Donner de la visibilité aux opérateurs
Face aux mutations économiques et technologiques du secteur des jeux, les pouvoirs
publics doivent élaborer une stratégie qui donne de la visibilité aux opérateurs nationaux.
Le principe d’interdiction a donné lieu à des dérogations successives faisant de la
France un marché d’une importance comparable à celui de pays ouverts à la concurrence. Les
consommateurs français ne sont plus un public captif. Ils sont demandeurs d’une offre de jeu
diversifiée et innovante, rapidement renouvelée qui, si elle n’est pas disponible dans le secteur
légal, pourra prospérer illégalement et sans apporter de recettes publiques à la France.
Les opérateurs historiques, FDJ et PMU, qui se sont développés à l’abri de droits
exclusifs, sont des acteurs significatifs sur un marché désormais largement mondialisé qui
recèle des enjeux technologiques et économiques que la France ne peut ignorer. Ces
opérateurs nationaux disposent d’un réel potentiel de développement dont les conditions
d’épanouissement ne sont pas aujourd’hui réunies.
Aujourd’hui bien placés au niveau international, ces grands opérateurs nationaux sont
confrontés à des enjeux stratégiques face auxquels ils risquent de rester démunis soit par leur
statut, soit par leur insuffisante capacité d’action. Les opérateurs alternatifs, quant à eux,
peinent à atteindre une rentabilité. Tous ont besoin de visibilité.
Le monde des jeux est bousculé par la révolution numérique qui provoque une réelle
rupture en quelques années. Le concept de jeu s’entend dans un sens nouveau où les notions
de mise initiale et d’espérance de gain s’estompent. Les propositions, dans le cadre du e-sport,
des jeux vidéo ou sur smartphones, effectuées en ligne par divers acteurs d’expériences de jeu
échappent aux définitions habituelles. Ces opérateurs en attendent une rémunération même si
ce n’est pas sous forme de mises mais de participation au jeu ou de droit d’entrée. Le joueur
n’en attend plus le gros lot mais, outre le plaisir récréatif, des avantages pouvant plus ou
moins directement être monnayés. Les pouvoirs publics doivent définir une stratégie par
rapport à ces évolutions.
Soumis à une pression croissante des instances européennes, le dispositif français doit
s’adapter, anticiper et conserver une capacité d’influence. La France qui, après la loi de 2010,
était suffisamment exemplaire pour exercer une influence forte au niveau européen, se fait
distancer. Il serait bienvenu de reconquérir cette capacité d’influence et de régler tous les
problèmes non essentiels qui peuvent l’amoindrir.
L’État doit contribuer à cette stratégie nationale, en lien avec l’ensemble des acteurs et
pas seulement ceux de sa sphère : cela implique les collectivités locales, les opérateurs hors
droits exclusifs, les parties prenantes des enjeux sociaux associés aux jeux et les filières
bénéficiaires comme le sport ou l’hippisme. L’espace de concertation que constituait le CCJ
ayant été supprimé, il convient de rechercher de nouvelles modalités de travail. La mise en
place d’une autorité unique de régulation pourrait en offrir l’occasion.
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135
B -
Mettre en place une instance de régulation globale et indépendante
1 -
La vulnérabilité de l’actuel éclatement
Comme le montrent les deux précédents chapitres de ce rapport sur les résultats
mitigés de la réalisation des objectifs de régulation des jeux d’argent, l’organisation actuelle
n’a pas fait preuve de son efficacité par rapport à un champ régulé en droits exclusifs ou en
concurrence pourtant relativement restreint ; aussi se trouve-t-elle de plus en plus dépassée
par les évolutions rapides que connaît le secteur.
La régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard, jusqu’ici cloisonnée en
segments contrôlés par des tutelles épousant très largement les intérêts des opérateurs
historiques, se trouve remise en cause par l’explosion du numérique. La dématérialisation
dans le réseau physique engendre une porosité avec le réseau en ligne qui appelle une
coordination renforcée entre segments de jeu. Par ailleurs les convergences techniques entre
les jeux d’argent, les jeux vidéo voire d’autres segments de l’économie numérique militent
pour une veille commune sur l’ensemble de ces phénomènes.
La loi République numérique illustre bien la difficulté de prendre en compte ces nouvelles
formes de jeu. Le texte adopté essaye de dissocier les compétitions de jeu vidéo de ce qui pourrait
ressembler à un jeu d’argent. Ainsi il précise que « l’organisation de la compétition de jeux vidéo
n’inclut pas l’organisation d’une prise de paris ». En revanche il prévoit que la participation des
mineurs peut être autorisée et même rémunérée. Il jette les bases d’un statut de joueur professionnel.
La loi renvoie à une série de décrets prévoyant les conditions d’exercice de cette activité. Un
système déclaratif est organisé : la vérification de la conformité est confiée à une autorité
administrative. Dans la mesure où il s’agit d’un jeu, même s’il constitue une nouvelle catégorie de
dérogation au principe de prohibition, il serait judicieux de confier cette régulation à l’autorité
unique de régulation.
En outre les prises de paris sur les jeux vidéos, qui se développent, nécessiteront tôt ou tard
une régulation qui entre parfaitement dans le champ de compétence d’une telle autorité.
Parallèlement les jeux sont la cible des nouveaux modes de paiement qui se prêtent
particulièrement à la cybercriminalité. En outre le développement de nouveaux jeux dans des
champs non encore régulés expose les consommateurs à des risques de jeu problématique
voire pathologique encore plus graves que dans le champ régulé où l’on est loin de les
maîtriser.
Une autorité unique de régulation devrait pouvoir remédier à la vulnérabilité de l’actuel
éclatement et donner plus de cohérence aux actions de régulation face à la mondialisation des
risques et aux convergences technologiques en cours qui font naître des besoins d’intervention
coordonnée.
2 -
Le besoin de prise en charge de problématiques communes
La Cour partage à cet égard l’appréciation de l’ARJEL, dans sa réponse, selon laquelle
l’évolution des jeux fait apparaître une convergence à la fois dans les types de jeux, dans la
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136
technique de la prise de paris - numérisation, prise de jeu à distance- et dans les pratiques des
joueurs qui utilisent indifféremment les différents canaux de distribution mis à leur
disposition. Dès lors des problématiques communes apparaissent : l’homologation des
logiciels de jeux, la protection des données personnelles, le respect des auto-exclusions,
l’interdiction du jeu des mineurs et son contrôle, la lutte contre le jeu problématique voire
contre le blanchiment, les compétitions et les résultats supports de paris.
De même les autorisations individuelles de jeu, le lancement et le suivi des
expérimentations, la validation des listes des compétitions ou courses support des paris et des
types d’événements de jeu ouverts aux paris, le gestion du fichier des interdits de jeu et
l’organisation de l’accès à l’information des opérateurs, l’agrément des points de vente, la
lutte contre le jeu illégal, la fixation du TRJ par type de jeu relèvent de l’autorité indépendante
qui assurera en outre une veille permanente sur le secteur des jeux grâce à l’intégration en son
sein de la fonction d’observation.
Quels que soient le type de jeu et la solution institutionnelle retenue, ces questions
doivent être traitées dans les mêmes conditions : la solution de l’Autorité unique le permet.
3 -
Instaurer une régulation globale et unifiée au sein d’une autorité indépendante
En Europe, si le regroupement de l’ensemble des compétences nécessaires à la
régulation au sein d’une même entité est la règle, les régulateurs européens n’ont pas tous le
statut d’autorité administrative indépendante, même si la très grande majorité dispose d’une
autonomie plus importante que celle dont disposent les directions classiques de ministères.
En France en revanche, le statut d’Autorité administrative indépendante s’impose dès
lors que deux opérateurs intervenant dans le secteur ouvert à la concurrence disposent par
ailleurs d’un monopole et sont liées à l’Etat, soit par le capital, soit institutionnellement. Cette
solution a été constamment retenue en France lors de l’ouverture à la concurrence de marchés
jusqu’alors gérés en monopole par des entreprises liées à l’Etat, afin de répondre aux
exigences communautaires.
Il apparaît cependant nécessaire, s’agissant des monopoles, d’intensifier une politique
de jeu responsable où les efforts de l’actionnaire, identifié comme tel, et d’un régulateur
indépendant de celui-ci viendront utilement se conjuguer pour progresser plus efficacement
vers une maîtrise des risques qui n’est pas encore au rendez-vous. De ce point de vue aussi, il
est préférable d’opter pour la mise en place d’une régulation confiée à une autorité
administrative indépendante.
La régulation pourrait ainsi être confiée à une instance indépendante, l’Autorité de
régulation des jeux d’argent et de hasard (ARJAH) regroupant l’ARJEL, la COJEX et la
CCJCC ainsi que l’ODJ.
L’unicité de la régulation ne signifie pas qu’elle doive obéir à un seul modèle. Trois
modèles principaux coexistent en France: les jeux de casinos physiques dans le cadre de DSP
des collectivités locales ; les jeux et paris sous droits exclusifs de la FDJ et du PMU ; les jeux
en ligne en concurrence sous agrément de l’ARJEL.
C’est pourquoi la Cour propose de réunir dans l’autorité unique de régulation la
CCJCC, la COJEX et le collège de l’ARJEL permettant de concilier une adaptation de la
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137
régulation des trois catégories selon leur modèle spécifique, tout en assurant une fluidité de la
communication et une unicité de doctrine.
Par ailleurs la politique de régulation des jeux doit reposer sur une connaissance
actualisée de cet important secteur économique de l’industrie des loisirs et de l’économie
numérique. C’est pourquoi l’intégration de l’Observatoire des jeux qui est désormais doté
d’outils de connaissance des consommateurs permettra d’étendre la capacité d’observation et
d’analyse de l’autorité unique pour une meilleure connaissance du marché et de ses tendances.
4 -
Doter cette instance de pouvoirs complets et adaptés de régulation
a)
Regrouper les compétences de régulation actuellement dispersées
Lors du vote de la loi de 2010, un développement fulgurant des jeux d’argent et de
hasard avait été escompté. L’ouverture d’ailleurs limitée à trois segments a abouti à un certain
surdimensionnement de l’ARJEL, même si ses effectifs ont déjà été réduits depuis sa création.
L’ARJEL dispose de 60 ETP encadrant 17 opérateurs pour 31 agréments. Elle est plus
fortement dotée, au regard de son champ de compétence, que ses homologues européennes,
même si la différence des modes d’interventions et les articulations avec les services de police
ou la compétence des autorités régionales ou locales limitent la portée de la comparaison.
Dotations en personnel de quelques régulateurs européens
En Espagne, la Dirección General de Ordenación del Juego (DGOJ) dispose de 57 ETP
encadrant 200 licences et tous les produits en ligne.
Au Danemark, le
Spillemyndigheden
dispose de 90 ETP encadrant 30 opérateurs sur tous les
produits en ligne auquel s’ajoute le réseau en dur des casinos et loteries.
Au Royaume-Uni, la
Gambling
commission dispose de 250 FTE encadrant 3068 licences sur
tous les produits, en dur et en ligne.
En Belgique, la Commission des Jeux se compose de 38 personnes et encadre les jeux en
ligne et en dur.
Source : les rapports annuels des organismes
Le personnel actuel de l’ARJEL forme déjà un bon socle pour cette nouvelle autorité.
Ces effectifs pourraient être rejoints par ceux des personnels exerçant des fonctions de gestion
et de contrôle au sein des services ministériels, ceux-ci ne conservant qu’un effectif très limité
pour assurer les fonctions de conception.
La réponse ministérielle craint à cet égard que « le contrôle des détaillants de la FDJ et
du PMU, aujourd’hui réalisé par les services du ministère de l’intérieur, (devienne) plus
complexe si la régulation de l’ensemble du secteur était confiée à une autorité administrative
indépendante (AAI), sauf à ce que cette AAI se dote d’un réseau de contrôleurs et
d’inspecteurs spécifiques dont le coût net pour les finances publiques serait assurément élevé.
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138
La Cour considére que le SCCJ pourrait, si nécessaire, continuer à agir comme
prestataire vis-à-vis de la nouvelle instance, comme il le fait aujourd’hui vis-à-vis de la
DLPAJ, indépendamment de ses compétences judiciaires.
b)
Doter l’autorité de régulation des pouvoirs nécessaires à son efficacité
L’instance unique de régulation devrait être dotée des compétences courant sur toute la
chaîne de la régulation. Il appartient au législateur, assisté du pouvoir réglementaire
gouvernemental, de fixer le cadre et les objectifs de la régulation (voir
supra
). En revanche
dans un secteur marqué par une évolution très rapide de l’offre et des pratiques de jeux
184
, il
faut laisser au régulateur la marge de manoeuvre nécessaire pour adapter l’offre de jeux
régulée aux problématiques communes évoquées ci-dessus et pour gérer au mieux les
objectifs fixés par le législateur
185
.
Ceci inclut des pouvoirs règlementaires dans l’acception et les limites qu’a été amené à
préciser le Conseil constitutionnel à propos d’autres autorités administratives indépendantes
(AAI).
Le pouvoir normatif des AAI
Les AAI chargées de la régulation d'un secteur économique comme la CRE, l’ARCEP ou
l’AMF ou de la protection des libertés fondamentales dans un domaine où sont utilisées des
techniques particulières comme le CSA ou la CNIL sont dotées d'un pouvoir réglementaire. Ceci
rejoint bien le champ d’action de l’autorité des jeux à créer.
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 18 septembre 1986, a admis que les
dispositions de l'article 21 de la Constitution ne faisaient « pas obstacle à ce que le législateur confie
à une autorité autre que le Premier ministre le soin de fixer (...) des normes permettant de mettre en
oeuvre une loi », à la condition que ce soit « dans un domaine déterminé et dans le cadre défini par
les lois et règlements ». Le juge constitutionnel a ensuite précisé que l'habilitation donnée par la loi
à certaines autorités administratives indépendantes pour exercer une compétence réglementaire
devait concerner « des mesures de portée limitée tant par leur champ d'application que par leur
contenu ». Le pouvoir réglementaire des AAI est par conséquent subordonné et second.
Dans un rapport sénatorial sur les AAI
186
, il est suggéré de faire usage de la possibilité
de nommer un commissaire du gouvernement auprès de certaines AAI. Ce mode
184
Si les procédures diffèrent pour l’autorisation de nouveaux jeux, elles sont aujourd’hui lourdes et souvent trop
longues pour s’adapter à un marché devenu volatil, qu’il s’agisse des casinos, des opérateurs sous droits
exclusifs et à un moindre degré des opérateurs agréés par l’ARJEL.
185
Par exemple tant l’offre de paris que de poker incorpore de plus en plus une part de hasard qui s’exprime par
un multiplicateur aléatoire de gains. Cela correspond à une demande qui tend à privilégier l’aspect purement
ludique et la rapidité du jeu par rapport à l’expertise. Alors même que ces variantes peuvent présenter un
caractère plus addictif, l’ARJEL ne dispose pas du fondement pour les limiter ou les refuser.
186
Rapport fait au nom de la commission d’enquête sur le bilan et le contrôle de la création, de l’organisation, de
l’activité et de la gestion des autorités administratives indépendantes, Présidente Mme Marie-Hélène DES
ESGAULX, Rapporteur M. Jacques MÉZARD, Sénateurs.
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UNE GOUVERNANCE ÉCLATÉE À UNIFIER ET CONFORTER
139
d’établissement de relations suivies paraîtrait bien adapté pour accompagner la mise en place
de l’ARJAH.
L’autorité unique de régulation, dotée de ces pouvoirs règlementaires « subordonnés et
seconds », rendrait compte en outre chaque année de son activité au Gouvernement et au
Parlement.
La réponse ministérielle considère que « l’organisation actuelle de la régulation ne
suscite pas de difficultés que la mise en place d’une autorité unique viendrait résoudre ».
L’enquête de la Cour en a pourtant mis en lumière de nombreux exemples.
Cette réponse reconnaît que « le partage d’information, qui s’effectue sur la base des
participations des différentes autorités à des commissions ou structures communes, nécessite
parfois une plus grande coordination », mais « il ne (lui) semble pour autant pas nécessaire, et
encore moins opportun, de confier la politique publique des jeux d’argent et de hasard à une
seule et unique autorité administrative indépendante ».
Telle n’est pas la proposition de la Cour qui appelle de ses voeux une politique publique
des jeux d’argent et de hasard –au lieu de la juxtaposition actuelle de dispositions
hétérogènes– qu’elle propose de voir élaborer dans un comité interministériel comprenant les
ministères compétents (cf
supra
) pour être soumise au Gouvernement et au Parlement : à ce
niveau sont décidées, par la loi et les décrets, les objectifs et les grands dispositifs de la
politique des jeux. Ce sont ces instances qui doivent définir la politique qu’elles veulent pour
la France, différente en l’occurrence des politiques britannique ou espagnole.
C’est dans ce cadre que l’autorité unique de régulation devra situer son activité
opérationnelle, incluant, selon la jurisprudence constitutionnelle, des pouvoirs règlementaires
d’application.
___________________ CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS __________________
Si la loi du 12 mai 2010 a clairement énoncé les objectifs de la politique de l’État pour
l’ensemble du secteur, elle n’a pas pour autant unifié le dispositif de régulation des jeux
d’argent et de hasard. Elle a détaillé les obligations des opérateurs de jeux en ligne mais a
largement renvoyé aux textes existants en ce qui concerne les autres types de paris, si bien
que les différents opérateurs de jeux sont aujourd’hui soumis à des réglementations et des
obligations très différentes et plus ou moins contraignantes, sans que ces différences soient
toujours justifiées par une analyse des risques.
La gouvernance des jeux d’argent et de hasard demeure fragmentée. La direction du
budget joue un rôle prépondérant dans un fonctionnement interministériel dont les deux
autres acteurs principaux sont les ministères de l’intérieur et de l’agriculture (pour les paris
hippiques) mais où les ministères de la santé et des sports sont peu impliqués tandis que
commence à émerger le rôle du ministère de l’économie.
Par ailleurs, ce cloisonnement se double d’un pilotage opérationnel de la régulation
lui-même en silo :
-
la régulation du secteur des jeux sous droits exclusifs fait l’objet d’un pilotage dont les
principaux acteurs sont en fait les opérateurs eux-mêmes (FDJ, PMU et sociétés de
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COUR DES COMPTES
140
courses), avec un investissement très variable. À cet égard, l’action des régulateurs
s’apparente plus à une supervision qu’à une régulation ;
-
la régulation du secteur des jeux en dur sous agrément (casinos et cercles de jeux) relève
de plusieurs services du ministère de l’intérieur et de la commission consultative des jeux
de cercles et de casinos, dans le cadre de procédures détaillées et lourdes n’aboutissant
qu’à des résultats insuffisants;
-
la régulation des jeux en ligne sous agrément s’appuie a contrario sur un organisme doté
de moyens et de pouvoirs spécialisés , tandis que les opérateurs sont soumis à des
obligations contraignantes. Des insuffisances (maîtrise de l’offre de jeu en matière de
paris hippiques, moyens d’action pour la prévention du jeu problématique, etc.)
demeurent toutefois.
L’explosion du numérique, le développement de profils multi-joueurs, et la convergence
croissante entre paris en dur et paris en ligne plaident pour la mise en place d’un dispositif
de régulation global et indépendant.
La Cour formule les recommandations suivantes :
•
réduire la durée de l’expérimentation des nouveaux jeux, en allégéant les procédures
d’autorisation ;
•
créer un comité interministériel responsable de la définition de la politique publique des
jeux d’argent et de hasard, comprenant les ministères en charge du budget, de l’intérieur,
de l’agriculture, de la santé, des sports et de l’économie ;
•
confier la régulation de l’ensemble des jeux d’argent et de hasard en dur et en ligne à une
autorité administrative indépendante constituée par le regroupement de l’Autorité de
régulation des jeux en ligne, de la commission des jeux sous droits exclusifs, de la
commission consultative des jeux de cercles et de casinos et de l’observatoire des jeux.
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Conclusion générale
La France n’a pas de politique des jeux bien claire. Elle vit depuis le XIX
ème
siècle sous
un régime de prohibition de principe dont le Conseil constitutionnel a pu rappeler en 2010
qu’il n’était pas un principe fondamental. Une prohibition totale se heurterait aux règles
européennes de libre prestation de services qui, même si elles admettent une dérogation pour
les jeux d’argent et de hasard, l’enserrent de tant de conditions qu’elles obligent les Etats-
membres à des ouvertures plus ou moins larges à la concurrence.
Le marché français des jeux s’est d’ailleurs développé par une série de dérogations au
principe de prohibition au bénéfice de trois secteurs sous agrément ou droits exclusifs : les
casinos dans le cadre de délégations de service public communales, la loterie gérée par la FDJ
et les paris hippiques confiés aux sociétés des courses et au PMU. Ces secteurs historiques
constituent un marché français d’une taille comparable à ceux de pays où les jeux sont ouverts
à la concurrence.
Au-delà des segments historiques, les opérateurs sous droits exclusifs ont vu leur offre
se diversifier soit par l’introduction des machines à sous dans les casinos, soit par
l’introduction des paris sportifs en ligne à la FDJ et de paris hippiques en ligne au PMU.
Parallèlement une offre non régulée en France de paris en ligne était disponible, illégalement,
pour les consommateurs français.
La loi de 2010, tout en intégrant l’irruption de l’internet, a été une loi de circonstance
visant à exonérer la France de sanctions européennes. Elle fixe comme objectif de la politique
de l’État de « limiter et encadrer l’offre et la consommation de jeux », sans toutefois
supprimer le principe de prohibition. Elle pose aussi le principe d’une régulation en lui fixant
quatre objectifs économiques, sociaux et d’ordre public.
L’ouverture à la concurrence de trois segments de jeux en ligne s’est traduite, dans ces
segments, par une forte réduction de l’offre illégale et par quelques avancées en matière de
protection du consommateur. Ces progrès se heurtent toutefois à l’anonymat de la prise des
paris dans le réseau physique. En outre la diversification des vecteurs de jeux et des moyens
de paiement dans le contexte de l’explosion du numérique fait encourir de nouveaux risques
et appelle une refondation de la politique de jeux.
La création d’un comité interministériel de jeux comprenant les ministères en charge du
budget, de l’intérieur, de l’agriculture, de la santé, des sports et de l’économie, permettrait de
préparer cette refondation, à la lumière de la concurrence industrielle, fiscale et règlementaire
au plan européen et international, et de définir une stratégie. Les multiples et parfois
contradictoires ajustements législatifs et règlementaires intervenus depuis 2010 doivent laisser
place à une révision du cadre législatif et règlementaire, définissant les principes et le
dispositif institutionnel de la régulation.
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142
Il convient, au plan opérationnel, de substituer à l’actuelle juxtaposition de tutelles, par
segment de jeu, une régulation confiée à une autorité administrative indépendante disposant
de pouvoirs étendus y compris règlementaires. Regroupant l’ARJEL, la COJEX, la CCJCC et
l’ODJ, elle assurerait une veille permanente du secteur et permettrait, conformément à la
définition même de la régulation, un développement maîtrisé du secteur des jeux tout en
protégeant les intérêts publics en cause : l’ordre public et l’ordre social.
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Annexes
Annexe n° 1 : échange de courriers entre le président de la commission d’évaluation et de
contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale et le Premier président
...........................
145
Annexe n° 2 : glossaire
.........................................................................................................................
148
Annexe n° 3 : les grandes catégories de jeux d’argent et de hasard
.....................................................
151
Annexe n° 4 : les opérateurs de jeux en ligne agréés par l’ARJEL
......................................................
154
Annexe n° 5 : les caractéristiques du jeu excessif et pathologique
......................................................
155
Annexe n° 6 : le dispositif français de régulation
.................................................................................
159
Annexe n° 7 : la fiscalité des jeux d’argent et de hasard en France
.....................................................
160
Annexe n° 8 : la connaissance de l’offre illégale
.................................................................................
168
Annexe n° 9 : les enjeux européens
......................................................................................................
172
Annexe n° 10 : les paradis des paris sportifs
........................................................................................
186
Annexe n° 11 : le droit au pari prévu pour les manifestations sportives
..............................................
187
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ANNEXES
145
Annexe n° 1 :
échange de courriers entre le président de la commission
d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée
nationale et le Premier président
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ANNEXES
147
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148
Annexe n° 2 :
glossaire
AAI :
Autorité administrative indépendante
AFASEC :
Association de formation et d’action sociale des écuries de courses
ANPR :
A ne pas recevoir
APE :
Agence des participations de l’Etat
ARJEL :
Autorité de régulation des jeux en ligne
ARPP :
Autorité de régulation professionnelle de la publicité
CCJ :
Comité consultatif des jeux
CCJCC :
Commission consultative des jeux de cercles et de casinos
CGEFI :
Contrôle général économique et financier
CGI :
Code général des impôts
CJUE :
Cour de justice de l’Union Européenne
CMF :
Code monétaire et financier
CNDS :
Centre national pour le développement du sport
CNIL :
Commission nationale de l’informatique et des libertés
CNS :
Commission nationale des sanctions
COJEX :
Commission consultative des jeux et paris sous droits exclusifs
CPM :
Compagnie du pari mutuel
CRDS :
Contribution au remboursement de la dette sociale
CSA :
Conseil supérieur de l'audiovisuel
CSAPA :
Centre de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie
CSG :
Contribution sociale généralisée
DAJ :
Direction des affaires juridiques
DB :
Direction du budget
DET :
Dossier des exigences techniques
DGCCRF :
Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la
répression des fraudes
DGDDI :
Direction générale des douanes et droits indirects
DGFIP :
Direction générale des finances publiques
DGPN :
Direction générale de la police nationale
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ANNEXES
149
DLPAJ :
Direction des libertés publiques et des affaires juridiques
DS :
Déclaration de soupçon
DSM :
Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders
DSP :
Délégation de service public
EPCI :
Etablissement public de coopération interccommunale
ETP :
Equivalent temps plein
FAI :
Fournisseur d’accès à internet
FDJ :
Française des jeux
FNCH :
Fédération nationale des courses hippiques
GAFI :
Groupe d’action financière
GIE :
Groupement d’intérêt économique
GTHP :
Groupement technique des hippodromes parisiens
IGA :
Inspection générale de l’administration
IGPN :
Inspection générale de la police nationale
INPES :
Institut national de prévention et d’éducation pour la santé
IS :
Impôt sur les sociétés
LPF :
Livre des procédures fiscales
MAAF :
Ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt
MAS :
Machines à sous
MILDECA :
Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites
addictives
NSD :
Nul si découvert
ODJ :
Observatoire des jeux
ORPESC :
Organisme de retraite prévoyance des employés des sociétés de courses
PBJ :
Produit brut des jeux
PMH :
Par mutuel hippodrome
PMU :
Pari mutuel urbain
SCCJ :
Service central des course et jeux
SECF :
Société d’encouragement à l’élevage du cheval français
TGI :
Tribunal de grande instance
TRJ :
Le taux de retour aux joueurs
TRP :
Taux de retour aux parieurs
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150
TRACFIN :
Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers
clandestins
TVA :
Taxe sur la valeur ajoutée
UEFA :
Union européenne des associations de football
VPN :
Réseau privé virtuel
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ANNEXES
151
Annexe n° 3 :
les grandes catégories de jeux d’argent et de hasard
187
La loi du 12 mai 2010 inclut dans son champ d’application toute opération comportant
un sacrifice financier et visant à faire naître l'espérance d'un gain qui serait dû, même
partiellement, au hasard. La loi Hamon du 17 mars 2014 a précisé que l’interdiction des
loteries « recouvre les jeux dont le fonctionnement repose sur le savoir-faire des joueurs ».
Les catégories suivantes peuvent être distinguées :
-
Le jeu de tirage : Jeu de loterie où le joueur en misant une somme d’argent essaie de
trouver les numéros gagnants qui sont tirés au hasard. Pour cela, le joueur
coche/sélectionne dans une grille un ou plusieurs numéros. La FDJ détient le monopole
légal des jeux de tirage en France dans le réseau physique et en ligne (ex : Loto,
Euromillion, Amigo). Elle propose également dans certains points de vente un jeu de
tirage à fréquence élevée.
Doivent toutefois être également comptés dans ce cadre les lotos organisés
ponctuellement le plus souvent par des associations et dans un but caritatif. Dès lors
qu’ils sortent de ce cadre, ces lotos sont alors assimilés et considérés comme des cercles
et maisons de jeu.
FDJ dispose du monopole sur le bingo, qui est un jeu de loterie (tirage) traditionnel et
dont elle exploite la variante en ligne, tandis que le décret n°2015-540 du 15 mai 2015 a
ajouté le bingo (en dur) à la liste des jeux susceptibles d’être exploités dans les casinos.
-
Le jeu de grattage : Jeu de loterie où le joueur achète un ticket qui contient une ou
plusieurs cases à gratter pour découvrir s’il a gagné. La FDJ détient le monopole légal des
jeux de grattage en France dans le réseau physique et en ligne (ex : Cash, Millionnaire,
Morpion).
-
Le pari hippique : Ce jeu consiste à parier de l’argent sur l’issue d’une course hippique.
Le PMU a le monopole sur les paris hippiques hors Internet (ex : Quinté+, Le Tiercé) ; la
prise de paris se fait alors dans les points de vente du PMU (ainsi que dans les
hippodromes). Des opérateurs autres que le PMU ont obtenu des agréments pour proposer
ce type de paris sur Internet.
-
Le pari sportif : Ce jeu consiste à parier de l’argent sur l’issue d’une rencontre sportive
(ex : préciser le score final, choisir un gagnant). La FDJ a le monopole sur les paris
sportifs hors internet (ex : Loto Foot) ; la prise de paris se fait alors dans les points de
vente de la FDJ. Des opérateurs autres que la FDJ ont obtenu des agréments pour
proposer ce type de paris sur Internet.
-
Le poker : Jeu de cartes qui se pratique à plusieurs joueurs qui misent de l’argent (le
poker gratuit n’est pas inclus dans l’enquête). Le but du jeu est de remporter les jetons
des adversaires en constituant la meilleure combinaison de cinq cartes. Il comprend de
nombreuses formes et variantes. Les principales sont : le tournoi (programmé à l’avance),
le « sit and go » (mini tournoi sur une table quand le nombre de joueurs requis est atteint)
187
Cf. les notes de l’ODJ, n°6 / avril 2015 – Les jeux d’argent et de hasard en France en 2014.
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152
et le « cash-game » (possibilité de quitter la table de jeu à tout moment). Il existe depuis
2010 une offre légale de poker sur Internet. Hors internet, les casinos (et les cercles de
jeu) ont le monopole légal du poker avec enjeux financiers.
-
La machine à sous : Le joueur doit insérer de l'argent pour lancer une partie qui est
généralement très rapide et très simple à comprendre : le joueur gagne ou ne gagne pas
d'argent. Les casinos ont le monopole de la gestion des machines à sous. L’offre de ce
type de jeu n’est pas autorisée sur Internet.
-
Les autres jeux de casino : Un casino est un lieu proposant des jeux d’argent et de hasard.
En dehors des machines à sous et du poker, les casinos gèrent d’autres jeux tels que : la
roulette, le craps, le black jack et autres jeux de cartes, le baccara et autres jeux de dés.
L’offre de ce type de jeu n’est pas autorisée sur Internet.
-
Les autres jeux (de cartes ou divers): D’autres jeux peuvent être pratiqués avec mises et
gains (non autorisés par la loi), impliquant au moins partiellement une part de hasard :
des jeux de cartes, mais aussi des jeux de société ou de stratégie, des jeux d’adresse tels
que le billard, les fléchettes, la pétanque.
Tableau n° 1 :
la prévalence des jeux pratiqués en France
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ANNEXES
153
Les particularités du marché des jeux en France
Au registre des particularités, la France s’illustre au moins à trois titres parmi les pays
comparables :
-
Avec 201 établissements recensés début 2016, elle détient 38 % du total européen de
529 casinos ;
-
Elle compte 242 hippodromes sur les 500 présents en Europe ;
-
Elle n’a pas autorisé les loteries vidéos, mais la loterie sous monopole domine le
marché des jeux.
Graphique n° 1 :
répartition du PBJ des jeux
188
par pays en 2013 (M€)
Source : document comité stratégique FDJ cité par la DB.
188
Les VLT sont des terminaux de loteries vidéo, une forme de machines à sous exploitées hors les
établissements de casino. non autorisées en France.
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154
Annexe n° 4 :
les opérateurs de jeux en ligne agréés par l’ARJEL
Au 26 juillet 2010, l’ARJEL avait délivré 38 agréments à 27 opérateurs. De nombreux
opérateurs ont renoncé soit à l’ensemble de leur activité sur le marché français, soit à
poursuivre sur tel segment de marché pour lequel ils avaient été précédemment agréés.
Tableau n° 1 :
historique des agréments délivrés par l’ARJEL
Opérateur
Date du premier
agrément
Fin d’agrément
Siège
Betclic Entreprises Limited
8 juin 2010
Malte
BES SAS
8 juin 2010
France
Française des jeux
8 juin 2010
France
France Pari SAS
8 juin 2010
France
Illiad Gaming
8 juin 2010
2012
France
PMU
8 juin 2010
France
Sajoo
8 juin 2010
2011(fusion avec Bwin)
France
Everest Gaming Limited
8 juin 2010
Malte
SPS Betting France Limited
8 juin 2010
France
Beturf
8 juin 2010
France
Table 14 SAS (Winamax)
8 juin 2010
France
LIL Managers limited
25 juin 2010
2011
?
Electraworks SAS
25 juin 2010
Malte
Reel Malta Limited
25 juin 2010
Malte
Iliad Gaming SAS
25 juin 2010
2012
France
Partouche Gaming France
25 juin 2010
2013
France
888 Regulated Markets Limited
13 juillet 2010
2012
Malte
200 % Poker SA
13 juillet 2010
2011
France
JEUX 365 SAS
26 juillet 2010
2012
France
AD Astra
26 juillet 2010
2012
France
LB Poker
26 juillet 2010
2013
France
Full fun
26 juillet 2010
2012
France
REKOP
26 juillet 2010
2011
France
PKR France
26 juillet 2010
2015
France
Betnet
26 août 2010
2012
France
Joa online
9 septembre 2010
France
Casino du Golfe
9 septembre 2010
2012
France
Tranchant Interactive gaming
9 septembre 2010
2012
France
Intralot France SAS
7 octobre 2010
2011
France
The Nation Traffic
18 novembre 2010
2012
France
Winga SAS
16 décembre 2010
2012
France
SCALE
16 décembre 2010
2014
France
Microgame France SAS
24 février 2011
2012
France
Aubsail
7 juillet 2011
2013
France
SNAI France SAS
25 juillet 2011
2012
France
Itechsoft Game SAS (NETBET Fr)
25 juillet 2011
France
Sofun Gaming
10 octobre 2011
2012
France
Euro Online Gambling (EP media France)
27 octobre 2011
France
Pokerleaders
2012
2012
France
Geny Infos
2013
France
Zeturf France Limited
2014
France
Légende :
Opérateur dont l’agrément a été abrogé
Opérateur dont l’agrément est toujours en cours
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ANNEXES
155
Annexe n° 5 :
les caractéristiques du jeu excessif et pathologique
Les consommateurs ne sont pas égaux face aux risques sociaux liés aux jeux d’argent et
de hasard.
D’après l’enquête nationale sur les jeux d’argent et de hasard de 2014, réalisée par
l’observatoire des jeux et l’institut national de prévention et d’éducation pour la santé
(INPES), environ 4,7 % des joueurs présentent un profil de joueurs à risque modéré (3,9 %)
ou excessif (0,8 %). Cette proportion passe à 11 % pour les publics mineurs, l’enquête ayant
au demeurant relevé que 32,9 % des mineurs aurait joué au cours de l’année écoulé, pour
l’essentiel et sans surprise aux jeux de grattage (66 %) et de loterie (22 %), soit des jeux
pratiqué dans le réseau sans levée d’anonymat pour les mises, mais aussi au jeux de paris
sportifs (31,7 %), plus attractif que les paris hippiques pour ce public et également dans le
réseau.
Les différentes catégories de joueurs
« Cette activité est relativement plus fréquente chez les hommes, âgés de 25 à 54 ans, professionnellement actifs,
chez les ouvriers et employés plus que chez les cadres ou les individus de professions intellectuelles supérieures. Les joueurs
ont un niveau d’éducation un peu moins élevé que celui des non joueurs.
Cependant, ces caractéristiques générales varient selon le type du jeu pratiqué. Ainsi, relativement à l’ensemble des
joueurs :
• les femmes sont plus représentées parmi les adeptes des jeux de grattage (54,9 %) et moins pour les jeux de table
des casinos (28,9 %), les paris hippiques (25,9 %), le poker (19,4 %) et les paris sportifs (7,1 %) ;
• les pratiquants de poker, paris sportifs et jeux de casino sont plus jeunes (âge moyen de respectivement : 30,3 ans,
30,3 ans et 31,7 ans
vs
43,4 ans pour l’ensemble des joueurs). Les joueurs de paris hippiques sont plus âgés (âge moyen de
47,2 ans) ;
• Les étudiants sont plus des parieurs sportifs, des joueurs de jeux de casino et de poker (respectivement 26,5 %,
17,8 % et 13,8 % des pratiquants de ces jeux sont étudiants qui ne représentent que 7,2 % de l’ensemble des joueurs) et sont
moins adeptes de jeux de tirage (3,8 %) et de paris hippiques (2,3 %) ;
• Les ouvriers jouent plus aux paris hippiques (39,3 % des parieurs hippiques sont ouvriers qui ne représentent que
25,2 % de l’ensemble des joueurs) et aux paris sportifs (33,3 %). Les employés pratiquent plus les jeux de grattage (33,8 %
des adeptes de ces jeux sont employés qui ne représentent que 30,3 % de l’ensemble des joueurs). Les cadres, artisans et
chefs d’entreprise pratiquent plus les jeux de casino (respectivement 21,0 % et 13,7 % des usagers de ces jeux sont cadres ou
artisans/chefs d’entreprise qui ne représentent que 12,9 % et 6,3 % de l’ensemble des joueurs).
• Les joueurs peu diplômés (diplômes inférieurs au bac) sont davantage des parieurs hippiques et acheteurs de jeux
de grattage (ils représentent 69,3 % et 59,4 % des pratiquants de ces jeux
vs
55,4 % parmi l’ensemble des joueurs), ils sont
moins concernés par les paris sportifs, le poker, les machines à sous et les jeux
de casino (ils représentent
respectivement 50,3 % et 47,4 %, 42,9 %, et 36,5 % des pratiquants de ces jeux). »
Source : Observatoire des jeux, « Les jeux d’argent et de hasard en France en 2014 »
La prévalence du risque est variable selon les jeux d’argent considérés et fait apparaitre
des risques d’addiction très différents. Alors que la part de joueurs problématiques (à risque
modéré et excessif) est proche de 5 % pour les jeux de loterie et de grattage, la proportion est
de 9,9 % pour les machines à sous (mais seul l’offre légale en dur est ici prise en compte),
12,1 % pour les paris hippiques et supérieure à 15 % pour les jeux de table, le poker et les
paris sportifs.
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156
Par ailleurs, s’il semble ne pas y avoir de différence flagrante entre jeu en réseau et jeu
en ligne pour les paris hippiques, la part respective des joueurs problématiques pour le poker
et les paris sportifs, jeu en réseau et jeu ligne pris ensemble, est très supérieure à la moyenne
des joueurs problématiques pour les jeux en ligne.
D’après cette même enquête, la part des dépenses de jeux assurées par les joueurs
problématiques est également variable selon les types de jeux . Hors la constante qui veut que
les joueurs problématiques assurent l’essentiel du chiffre d’affaire des jeux d’argent (voir
tableau suivant), l’importance des dépenses est particulièrement significative pour les jeux de
table de casino et le poker (respectivement 15,9 % et 18,6 % des joueurs assurent 76,1 % et
63,3 % des dépenses) mais aussi de façon générale pour les jeux en ligne (12,4 % des joueurs
assurent 56,8 % de la dépense) et pour les jeux de loterie et de grattage, pour lesquels 5 % des
joueurs assurent le quart du chiffre d’affaire.
La difficulté renvoie en particulier dans ce cadre à la pertinence et l’efficacité des
modérateurs.
Tableau n° 1 :
les caractéristiques socio-démographiques des joueurs (en %)
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ANNEXES
157
La communauté scientifique reconnaît principalement deux indices pour mesurer la
dépendance aux jeux d’argent et de hasard : le DSM (V) pour le jeu pathologique, et l’indice
canadien du jeu excessif ; ceux-ci ont des définitions assez proches de la vulnérabilité aux
jeux. Toutefois, l’indice considéré généralement comme la référence et utilisé par les enquêtes
françaises est l’indice canadien des jeux (ICJE) : sur la base de 9 questions à 4 niveaux de
réponse affectés d’un coefficient de 0 à 3, cet indice permet de mesurer le caractère plus ou
moins risqué de la pratique de jeu. Un indice de 3 à 7 témoigne d’un risque modéré; à 8 ou
plus, le joueur est dans la zone du jeu excessif.
Les critères du DSM (V) pour définir le jeu pathologique
1. Préoccupation par le jeu (par exemple, préoccupation par la remémoration d’expériences de jeu passées ou par la
prévision de tentatives prochaines, ou par les moyens de se procurer de l’argent pour jouer) ;
2. Besoin de jouer avec des sommes d’argent croissantes pour atteindre l’état d’excitation désiré ;
3. Efforts répétés mais infructueux pour contrôler, réduire ou arrêter la pratique du jeu.
4. Agitation ou irritabilité lors des tentatives de réduction ou d’arrêt de la pratique du jeu :
5. Joue pour échapper aux difficultés ou pour soulager une humeur dysphorique (par exemple, des sentiments
d’impuissance, de culpabilité, d’anxiété, de dépression) ;
6. Après avoir perdu de l’argent au jeu, retourne souvent jouer un autre jour pour recouvrer ses pertes (pour se «
refaire ») ;
7. Ment à sa famille, à son thérapeute ou à d’autres pour dissimuler l’ampleur réelle de ses habitudes de jeu ;
9. Met en danger ou perd une relation affective importante, un emploi ou des possibilités d’étude ou de carrière à
cause du jeu ;
10. Compte sur les autres pour obtenir de l’argent et se sortir de situations financières désespérées dues au jeu.
Source : Diagnostic and statistical manual of mental disorders – DSM (V)
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COUR DES COMPTES
158
Tableau n° 2 :
L’indice canadien du jeu excessif
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ANNEXES
159
Annexe n° 6 :
le dispositif français de régulation
Tableau n° 1 :
les instances intervenant dans la régulation des jeux
Type
d'autorisation
Instance
consultative
COJEX, ODJ
COJEX
COJEX, ODJ
Avis des
fédérations
sportives sur le
calendrier des
évènements
sportifs pouvant
servir de support
à des paris
sportifs
COJEX, ODJ
COJEX
CCJCC, Commission
supérieure des jeux
COJEX et
ODJ pour la
FDJ, CCJCC
pour les
casinos
COJEX, ODJ
Instance
décisionnelle
DB
DB
DB
ARJEL
Agrément des points de
vente, des propriétaires,
des entraîneurs et des
jockeys par le SCCJ;
MAAF sur proposition de
la Fédération nationale
des courses françaises et
après avis des sociétés-
mères du PMU: calendrier
des courses hippiques
nationales et étrangères
pouvant servir de support
aux paris hippiques; DB
ARJEL pour l'agrément des
sites; SCCJ pour l'agrément
des propriétaires,
entraîneurs et jockeys;
MAAF sur proposition de la
Fédération nationale des
courses françaises et après
avis des sociétés-mères du
PMU: calendrier des
courses hippiques
nationales et étrangères
pouvant servir de support
aux paris hippiques en ligne
ARJEL
Instruction des dossiers
par le SCCJ. Autorisation
accordée par bureau des
cercles et jeux de la
DLPAJ
et approuvée par
le ministre de l'Intérieur,
"en considération d'un
cahier des charges établi
par le conseil municipal"
( art. L. 321-1 du code de
la sécurité intérieure)
DLPAJ pour
les casinos.
DB
pour la
FDJ.
DB
Autorisation
d'un nouveau
jeu
DB
DB
ARJEL
ARJEL
ARJEL
Dossier examiné par la
CCJCC, après avis du
SCCJ et de la DLPAJ
DB assistée par
le CGEFI;
DGFIP;
TRACFIN
ARJEL;
DGFIP;
TRACFIN
DB assistée
par le CGEFI;
DGFIP;
TRACFIN
ARJEL; DGFIP;
DGDDI;
TRACFIN
DB assistée par le
CGEFI; DGFIP; SCCJ;
TRACFIN
ARJEL; DGFIP; DGDDI;
TRACFIN; SCCJ
ARJEL;
DGFIP;
DGDDI;
TRACFIN
Surveillance policière :
Division de la
surveillance générale des
casinos et cercles de jeu
(DSGCC) du SCCJ;
TRACFIN ; DGDDI
Pour les
casinos :
DSGCC.
Pour la FDJ
: DB.
TRACFIN
ARJEL;
TRACFIN
ARJEL
DGDDI,
surveillance
policière
Retrait de jeu.
Commission
nationale des
sanctions (CNS)
en LAB/FT
Commissio
n des
sanctions
de l'ARJEL;
CNS
(LAB/FT)
Retrait de
jeu. CNS
(LAB/FT)
Commission des
sanctions de
l'ARJEL; CNS
(LAB/FT)
CNS (LAB/FT)
Commission des
sanctions de l'ARJEL;
CNS (LAB/FT)
Commission
des
sanctions de
l'ARJEL;
CNS
(LAB/FT)
SCCJ; procédures
contradictoires sous
l’égide de la D.L.P.A.J;
CNS (LAB/FT)
CNS
(LAB/FT)
Commission
des
sanctions de
l'ARJEL;
CNS
(LAB/FT)
ARJEL
DGDDI (cercles et
maisons de jeux
clandestins)
351 M€
228 M€
2 267 M€
255 M€
241 M€
2 436 M€
244 à 400 M€
26 millions
170 000
7 millions
139 000
38 millions de visiteurs
800 000
1 (FDJ)
1 (FDJ)
1 (FDJ)
10 agréments
1 (PMU)
8 agréments
11
agréments
201
FDJ +
casinos
1 (FDJ)
25 000
Nombre d'opérateurs
Sanction
Autorisatio
n
PARIS HIPPIQUES en
points de vente
LOTERIES en
points de vente
LOTERIES
en ligne
PARIS
SPORTIFS
en points de
vente
PARIS
SPORTIFS en
ligne
Jeux d'argent
et de hasard en
ligne interdits
Jeux d'argent et
de hasard "en
dur" interdits
Contrôle
CA (PBJ) €
Nombre de joueurs
(Annuel)
BINGO en
dur
BINGO en
ligne
PARIS HIPPIQUES en
ligne
POKER
HORS
CASINO en
ligne
CASINOS en dur
21 millions dont 5 millions de
réguliers
3 852 M€
Non réglementé
Licences
Monopole(s)
Interdit
Concerné par le fichier des
interdits de jeux tenu par le bureau
des cercles et jeux de la DLPAJ
(Direction des libertés publiques et
des affaires juridiques)
LEGENDE
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160
Annexe n° 7 :
la fiscalité des jeux d’argent et de hasard en France
La fiscalité des jeux d’argent et de hasard repose sur des modalités qui lui sont
propres. Elle est essentiellement organisée par catégorie de jeux.
1. Les casinos
Tableau n° 1 :
répartition et modalités des prélèvements (taux et assiette) appliqués aux
casinos
Source : DGFiP (retraitement Cour des comptes)
La fiscalité des casinos, de même que les prélèvements sociaux (CSG et CRDS) qui
leur sont appliqués, repose essentiellement sur l’application d’un barème progressif assis sur
le produit brut des jeux de tables
189
et des machines à sous
190
, soit la différence entre la caisse
initiale plus les sommes misées moins les gains des joueurs.
Ce dispositif a été largement refondu et allégé en 2014 et 2015
191
avec :
-
la suppression des prélèvements fixes sur les produits bruts réels des jeux de tables
(appliqués avant abattement) et des machines à sous ;
-
la refonte du barème progressif, dont la modulation a été renforcée afin d’alléger la
charge fiscale sur les casinos de petite taille, laquelle est reportée sur les tranches les plus
hautes ;
-
la mise en place d’une décote sur l’assiette du prélèvement progressif des jeux de tables
afin de tenir compte des coûts salariaux associés ;
189
Article L. 2333-55-1 CGCT : le PBJ se définit « Pour les jeux de contrepartie exploités sous forme non
électronique, par la différence entre le montant cumulé de l'avance initiale et des avances complémentaires
éventuelles et le montant de l'encaisse constaté en fin de partie ».
190
Article L. 2333-55-1 CGCT : le PBJ se définit « Pour les jeux pratiqués avec des appareils définis à l'article
L. 324-2 du code de la sécurité intérieure, qui procurent un gain en numéraire, dits "machines à sous ” , par le
produit d'un coefficient de 85 % appliqué au montant de la comptée afférente à l'appareil, diminué des avances
faites, des tickets émis par la machine, des gains payés par la caisse spéciale et du montant des gains non
réclamés »
191
Loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014 ; Décret n° 2015-669 du 15 juin
2015 relatif aux prélèvements sur le produit des jeux dans les casinos
Casinos
CSG avec un taux de 12% assise sur les
gains des joueurs aux machines à
sous, d'un montant égal ou supérieur à
1500 € et ayant donné lieu à
l'établissement de bons de paiements
CSG avec un taux de 9,5% assise sur
une fraction du produit des machines
à sous (68% du produit brut réel)
Prélèvements au profit du budget de
l'État
Prélèvements au profit des
collectivités locales
Prélèvements au profit de la sécurité
sociale
Autres bénéficiaires
Prélèvement selon un barème
progressif à 10 tranches, taxées au
taux de 10 % à 80%, appliqué d'une
part au produit brut des jeux de table
et d'autre part, à 85% du produit brut
des jeux des machines à sous
Reversement d'une partie du
prélèvement progressif de l'Etat au
profit de la commune d'implantation
pour une fraction égale à 10% et
plafonnée dans la limite de
5% à 10%
de ses recettes de fonctionnement
CRDS avec application d'un taux de 3%
appliqué au produit brut réel total des
jeux de table exploités ou non sous
une forme électronique et à 85% du
produit brut réel des jeux des
machines à sous
Prélèvement fixe avec un taux de 0,5%
assis sur le produit net réel des jeux de
table
[SUPPRIME AU 1/11/14]
Prélèvement fixe avec un taux de 2%
assis sur une fraction (85 %) du
produit des jeux de machines à sous
[SUPPRIME AU 1/11/14]
Prélèvement communal
avec un taux
ou barème fixé contractuellement par
le contrat de délégation de service
public passé entre le casino et sa
commune siège, dans la limite de 15%,
appliqué au produit net réel des jeux
(hors gains et hors autres impositions)
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ANNEXES
161
-
le remplacement de l’abattement supplémentaire pour manifestations artistiques de qualité
par un crédit d’impôt remboursable ;
-
la suppression du « prélèvement à employer », soit l’obligation pour les casinos d’utiliser
à certains travaux d’investissement (amélioration des équipements du casino, de ses
annexes ou de ses abords, amélioration des équipements touristiques de la commune
d’implantation, etc.) les recettes supplémentaires issues des revalorisations successives
des barèmes progressifs.
Les bénéficiaires de ce dispositif fiscal sont l’État et pour une fraction les communes
d’implantation, les communes sièges bénéficiant pour leur part d’un prélèvement propre
contractualisé avec le ou les casino(s) implantés sur leur territoire.
Il convient enfin de noter que les casinos sont exonérés de TVA pour toutes les
sommes dont le versement constitue une condition préalable et nécessaire à la participation au
jeu, incluant notamment les droits d’entrée perçus par les casinos et les recettes des machines
à sous.
2. Les cercles, maisons de jeu et lotos
Tableau n° 2 :
répartition des modalités des prélèvements (taux et assiette) appliqués
aux cercles et maisons de jeux
Source : DGFiP (retraitement Cour des comptes)
La fiscalité des cercles de jeu et lotos repose sur un barème progressif assis sur le
produit brut annuel des jeux.
Il convient de noter que les loteriess sont par ailleurs prohibés (article L322-1 du code
de la sécurité intérieure, à l’exception :
-
des loteries organisées et exclusivement destinées à des actes de bienfaisance, à
l'encouragement des arts et au financement d'activités sportives à but non lucratif
192
;
-
des lotos traditionnels à condition qu'ils soient organisés dans un cercle restreint et
uniquement dans un but social, culturel, scientifique, éducatif, sportif ou d'animation
sociale et se caractérisent par des mises de faible valeur, inférieures à 20 euros. Ces
lots ne peuvent, en aucun cas, consister en sommes d'argent ni être remboursés. Ils
peuvent néanmoins consister dans la remise de bons d'achat non remboursables
193
;
192
Elles sont cependant soumises à autorisation du maire de la commune où est situé le siège social de
l’organisme bénéficiaire et, à Paris, par le préfet de police (L. 322-3, code de la sécurité intérieure).
193
La mise maximum doit notamment être inférieure à 20 euros. Les lots peuvent être des bons d'achats, non
remboursables, mais en aucun cas de sommes d'argent (L. 322-4, code de la sécurité intérieure)
Cercles et
maisons de
jeux
Prélèvements au profit du budget de
l'État
Prélèvements au profit des
collectivités locales
Prélèvements au profit de la sécurité
sociale
Autres bénéficiaires
Prélèvement selon un barème
progressif (10% de de 0 à 30 490€, 40%
de 30 491€ à 228 701€, 70% au-delà
de 228 701€) assis sur les recettes
annuelles constituées du produits brut
des jeux
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162
-
des loteries foraines
194
.
Compte tenu des restrictions encadrant ces exceptions, l’organisation de celles-ci ne
pèse que marginalement sur le marché global des jeux d’argent et n’emporte pas de recettes
fiscales significatives à l’exception du cas où elle serait déclarée illégale. Dans cette
hypothèse, les lotos font l’objet d’une requalification en cercle de jeu et leur fiscalité, en
l’absence de taux de retour au joueur (les gains étant constitués de « lots » non gagés par les
droits acquittés pour participer au jeu), est alors assise sur les sommes engagées par les
joueurs (droit d’entrée, mises).
Les recettes de l'impôt sur les cercles et maisons de jeux sont affectées aux communes,
principalement pour le financement des centres communaux d'actions sociales.
3. Les jeux de cercle en ligne
Tableau n° 3 :
répartition et modalités des prélèvements (taux et assiette)
appliqués aux opérateurs de jeux de cercles en ligne
Source DGFiP (retraitement Cour des comptes)
La fiscalité sur les jeux de cercles en ligne (poker) résulte des dispositions fiscales
introduites par la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la
régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne.
Elle est composée de prélèvements assis sur une assiette large (les mises) avec un taux
faible (2 % pour le cumul des prélèvements fiscaux et sociaux) lié au modèle économique
particulier du secteur. Son poids réel ne peut ainsi s’apprécier qu’au vu du taux de retour aux
joueurs (TRJ), supérieur à 95 % pour les jeux de cercle en ligne et dont la différence avec les
mises définit le PBJ.
194
À condition d'offrir exclusivement des lots en nature, d'une valeur maximale égale à 30 fois la mise initiale
qui ne peut excéder 1,5 euros (L322-5, code de la sécurité intérieure ; décret n° 87-264 du 13 avril 1987)
Jeux de
cercle en
ligne
exploités en
tournoi
Reversement partiel du produit des
prélèvements sociaux à l'INPES (dans
la limite de 5% et de 5M€)
Reversement du produit des
prélèvements fiscaux à concurrence de
15% et dans la limite de 8M€ au Centre
des monuments nationaux (disposition
abrogée au 1er janvier 2014)
Prélèvements social avec un taux de
0,2% assis sur le montant brut des
droits d'entrée représentatifs des
sommes détérminées pour
l'engagement du jeu et des droits
d'entrée ultérieurement acquittés pour
continuer le jeu
Prélèvements social avec un taux de
0,2% assis sur le montant des sommes
engagées par les joueurs hippiques (y
compris les gains réinvestis)
Prélèvement fiscal avec un taux de
1,8% assis sur le montant brut des
sommes engagées par les joueurs (y
compris les gains réinvestis)
Prélèvement fiscal avec un taux de
1,8% assis sur le montant des droits
d'entrée représentatifs des sommes
détérminées pour l'engagement du jeu
et des droits d'entrée ultérieurement
acquittés pour continuer le jeu
Prélèvements au profit de la sécurité
sociale
Autres bénéficiaires
Jeux de
cercle en
ligne
Prélèvements au profit du budget de
l'État
Prélèvements au profit des
collectivités locales
Reversement, dans la limite de 15% et
de 10,7M€ , du produit des
prélèvements fiscaux aux communes
dans le ressort territorial desquelles
sont ouverts au public un ou plusieurs
casinos, au prorata du produit brut
des jeux de ces établissements
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ANNEXES
163
Les communes d’implantation de casinos et, jusqu’en 2013, le Centre des musées
nationaux
195
bénéficient de reversement affectés sur les prélèvements fiscaux, de même que
l’INPES sur les prélèvements sociaux.
Il convient enfin de noter que le produit des jeux de cercles en ligne est exonéré de
TVA, à l’exception des rémunérations perçues par les organisateurs et les intermédiaires qui
participent à l’organisation de ces jeux.
4. Les paris hippiques
Tableau n° 4 :
répartition et modalités des prélèvements (taux et assiette)
appliqués aux opérateurs de paris hippiques dans le réseau physique et en ligne
Source DGFiP (retraitement Cour des comptes)
La fiscalité des paris hippiques, refondue à l’occasion de la loi de 2010, impose de
distinguer selon quatre volets :
-
Les paris mutuels « en dur », opérés en droit exclusif par le PMU, et les paris hippiques
en ligne, ouvert à la concurrence, font l’objet d’un prélèvement fiscal assis sur les mises
au taux de 4,6 % relevé à 5,3 % en 2014, sans toutefois retrouver le taux de 5,7 %
appliqué sur les paris mutuels « en dur » antérieurement à la loi de 2010. Cette hausse
mesurée résulte d’un arbitrage au profit des sociétés de course, visant à compenser la
hausse de la TVA sur les activités équestres et hippiques. Elle a ainsi permis de dégager la
somme de 30 M€ ayant vocation à être redistribués, par les sociétés de course, pour
195
Disposition supprimée par la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, au profit d’une
rebudgétisation de ce financement.
Paris
hippiques
(PMU)
Paris
hippiques
engagés
depuis
l'étranger et
regroupés en
France (PMU)
Prélèvements au profit du budget de
l'État
Prélèvement fiscal avec un taux de
5,3% (5,7% avant 2010 et 4,6% entre
2010 et 2013) assis sur le montant
brut des sommes engagées par les
parieurs (y compris les gains
réinvestis)
Prélèvements social avec un taux de
1,8% assis sur le montant des sommes
engagées par les parieurs (y compris
gains réinvestis)
Reversement partiel du produit des
prélèvements sociaux à l'INPES (dans
la limite de 5% et de 5M€)
Prélèvements au profit des
collectivités locales
Prélèvements au profit de la sécurité
sociale
Autres bénéficiaires
Paris
hippiques en
ligne
(opérateur
agréés dont
PMU)
Prélèvement fiscal avec un taux de
5,3% (4,6% entre 2010 et 2013) assis
sur le montant brut des sommes
engagées dans le cadre d'une session
de jeu ou pari
Reversement du produit des
prélèvements fiscaux à concurrence de
15% et dans la limite de 10,7 M€ aux
EPIC (aux communes avant 2013) sur
le territoire desquels sont ouverts au
public un ou plusieurs hippodromes,
au prorata des enjeux des courses
hippiques effectivement organisées
par lesdits hippodromes, et dans la
limite de 751 485 € par EPIC.
Prélèvement social avec un taux de
1,8% assis sur le montant brut des
sommes engagées dans le cadre d'une
session de jeu ou pari
Prélèvement fiscal avec application
d'un taux de 12% sur les commissions
revenant aux sociétés de courses, nette
de toute rémunération des organismes
habilités et détenteurs de droits
étrangers, au titre des paris engagés
depuis l'étranger et regroupés en
France
[DEPUIS LE 1/01/14]
Redevance (reversée par L'Etat) avec un
taux de 8% assis sur le montant brut
des sommes engagées, y compris les
gains réinvestis, au titre des courses
de trot et de galop,
[REMPLACEE AU
1/01/14]
par une taxe affectée au
bénéfice des société de courses
(France Galop ; Société pour
l'encouragement du cheval français)
avec un taux de 5,9% (6,3% au
1/01/16) assis sur la même base
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164
10 M€ aux propriétaires de chevaux non assujettis à la TVA et pour 20 M€ à un fonds
Equitation visant à financer les centres équestres. Ces prélèvements donnent enfin lieu à
un reversement partiel au profit des établissements publics intercommunaux (les
communes avant 2013) sur le territoire desquels est implanté un hippodrome.
-
Les paris hippiques en ligne sont par ailleurs l’objet d’une taxe parafiscale approuvée par
la Commission européenne en juin 2013 (voir encadré), au taux de 5,9 %, assise sur les
mises et destinée à financer les sociétés de courses hippiques. Mise en place au 1
er
janvier
2014, cette taxe fait suite à la redevance provisoire créée en 2010 dans le même objectif et
portant sur la même assiette avec toutefois un taux de 8 %. Il convient enfin de noter que
ce taux a été actualisé à 6,1 % au 1
er
janvier 2015 et 6,3 % au 1
er
janvier 2016, selon un
compromis entre la préservation de la viabilité économique des opérateurs agréés et
l’intérêt des sociétés de course. L’accord de l’État pour cette hausse a ainsi été modéré
par le choix d’une actualisation sur la base des données 2013 et non 2014
196
.
-
Les paris hippiques en dur et en ligne font également l’objet de prélèvements sociaux
dont une partie abonde le budget l’INPES.
-
Les paris hippiques engagés depuis l’étranger et regroupés en France, opérés par le PMU,
font enfin l’objet d’une taxation au taux de 12 % sur les seules commissions revenant aux
sociétés de courses, nette de toute rémunération des organismes habilités et détenteurs de
droits étrangers
197
.Ce prélèvement constitue au demeurant une spécificité dans le
dispositif fiscal dans la mesure où il porte sur un secteur d’activité opéré de fait sous
droits exclusifs par le PMU pour le compte des sociétés de courses et que son taux est
particulièrement avantageux pour les redevables.
Il convient enfin de noter que le produit des paris hippiques est exonéré de TVA, à
l’exception des rémunérations perçues par les organisateurs et les intermédiaires qui
participent à l’organisation de ces paris.
5. Les paris sportifs
Tableau n° 5 :
répartition et modalités des prélèvements (taux et assiette)
appliqués aux opérateurs de paris sportifs dans le réseau physique et en ligne
Source DGFiP (retraitement Cour des comptes)
196
Pour mémoire, une actualisation sur la base des données 2014 eut conduit à la mise en place d’un taux de
6,5 %, soit le maximum autorisé par la loi (art. 1609 tertricies CGI).
197
Taxation organisée par voie réglementaire avant 2014 (décret n°2003-287 du 27 mars 2003) et « remontée »
dans la loi par amendement du Gouvernement à la loi n°2013-1279 du 29 décembre 2013 de finances
rectificatives.
Paris sportifs
(FDJ)
Prélèvement fiscal au taux de 5,7%
assis sur le montant des sommes
engagées par les parieurs sportifs (y
compris les gains réinvestis)
Prélèvement social avec un taux de 1,8
% assis sur le montant des sommes
engagées par les parieurs (y compris
les gains réinvestis)
Prélèvement au taux de 1,8% assis sur
les sommes misées, au profit CNDS
dans la limite de 31M€
Reversement partiel du produit des
prélèvements sociaux à l'INPES (dans
la limite de 5% et de 5M€)
Prélèvement au taux de 1,8% assis sur
les sommes misées, au profit CNDS
dans la limite de 31M€
Paris sportifs
en ligne
(opérateurs
agréés dont
FDJ)
Prélèvement fiscal avec un taux de
5,7% assis sur le montant brut des
sommes engagées dans le cadre d'une
session de jeu ou de pari
Prélèvement social avec un taux de
1,8% assis sur le montant brut des
sommes engagées dans le cadre d'une
session de jeu ou de pari
Prélèvements au profit du budget de
l'État
Prélèvements au profit des
collectivités locales
Prélèvements au profit de la sécurité
sociale
Autres bénéficiaires
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ANNEXES
165
La fiscalité des paris sportifs apparaît largement harmonisée et est restée stable depuis
2010, qu’elle porte sur les paris dans le réseau physique ou en ligne :
-
Le droit de timbre appliqué au loto sportif est supprimé.
-
La FDJ pour le réseau physique et les opérateurs agréés (dont la FDJ) pour les paris en
ligne font l’objet d’un prélèvement fiscal au taux de 5,7 %, assis sur les sommes engagées
par les parieurs.
-
La FDJ pour le réseau physique et les opérateurs agréés (dont la FDJ) pour les paris en
ligne font l’objet d’un prélèvement social au taux de 1,8 %, assis sur les sommes
engagées par les parieurs et donnant lieu à reversement partiel au profit de l’INPES.
-
La FDJ pour le réseau physique et les opérateurs agréés (dont la FDJ) pour les paris en
ligne font l’objet d’un prélèvement fiscal complémentaire au profit du CNDS, au taux de
1,8 %, assis sur les sommes engagées par les parieurs.
A l’instar, enfin, des paris hippiques, le produit des paris sportifs est exonéré de TVA,
à l’exception des rémunérations perçues par les organisateurs et les intermédiaires qui
participent à l’organisation de ces paris.
6. La fiscalité des jeux de tirage et émissions autres que les
paris sportifs, les jeux sous droits exclusifs de la FDJ
Tableau n° 6 :
répartition et modalités des prélèvements (taux et assiette)
appliqués à la FDJ pour l’exploitation des jeux sous droits exclusifs
Source DGFiP (retraitement Cour des comptes)
Reversement du prélèvement fiscal au
CNDS dans la limite de 170,5M€
Reversement du prélèvement fiscal au
CNDS en vue du financement des
projets de construction ou de
rénovation des enceintes sportives
destinées à accueillir la compétition
sportive dénommée "UEFA Euro 2016"
ainsi que des équipements connexes
permettant le fonctionnement de celles-
ci et de la candidature de la ville de
Paris aux Jeux olympiques et
paralympiques de 2024
Prélèvement complémentaire autorisé
pour la période 2011-2017, au taux de
0,3% sur les sommes misées en France
métropolitaine et dans les DOM et
plafonné à 24M€ par an pour les
années 2011 à 2015, à 27,6M€ en
2016 et à 15,5M€ en 2017
Jeux de
tirage et
émissions
autres que
les paris
sportifs
Prélèvement au taux de 1,8 % sur les
sommes misées en France
métropolitaine et dans les DOM
Solde des mises après déductions des
impositions de toutes natures
applicables aux jeux organisés par la
FDJ
CRDS avec application d'un taux de 3 %
assis sur une fraction (égale à 25,5%)
des sommes misées en France
métropolitaine et dans les DOM
Bénéfices sur centimes résultant de
l'arrondissement des rapports à
l'issue des opérations de répartition
sur les jeux de répartition pour les
jeux de loterie (après déduction des
pertes éventuelles)
CSG avec application d'un taux de 6,9
% assis sur une fraction (égale à
25,5%) des sommes misées en France
métropolitaine et dans les DOM
Prélèvements au profit du budget de
l'État
Prélèvements au profit des
collectivités locales
Prélèvements au profit de la sécurité
sociale
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166
La fiscalité sur les jeux d’argent et de hasard exploités sous droit exclusifs par la FDJ
(loteries, jeux de grattage, etc.) est soumise à une fiscalité particulière, partiellement refondue
à l’occasion de la loi de 2010, avec notamment l’abrogation du droit de timbre
198
. Le
dispositif est désormais organisé autour des volets suivants :
-
Prélèvements fiscaux :
o
Prélèvement budgétaire au profit de l’État (solde des mises après déduction des
impositions de toutes natures), dont le montant ne peut être ni inférieur à 15 %
ni supérieur à 25 % des sommes misées par les joueurs
199
.
o
Affectation au budget général des bénéfices sur centimes résultant de
l'arrondissement des rapports à l'issue des opérations de répartition sur les jeux
de répartition
200
.
-
Prélèvement sociaux :
o
CRDS, avec application d'un taux de 3 % assis sur une fraction égale à 25,5 %
(contre, avant 2010, un taux de 0,3 % assis sur une fraction égale à 58 %) des
sommes misées en France métropolitaine et dans les DOM.
o
CSG avec application d'un taux de 6,9 % assis sur une fraction égale à 25,5 %
(contre, avant 2010, un taux de 9,5 % assis sur une fraction égale à 23 %) des
sommes misées en France métropolitaine et dans les DOM
-
Prélèvement fiscaux affectés
o
Prélèvement au taux de 1,8 % sur les sommes misées en France métropolitaine
et dans les DOM, affecté au budget du CNDS.
o
Prélèvement complémentaire temporaire (2011-2017), au taux de 0,3 % sur les
sommes misées en France métropolitaine et dans les DOM reversé au CNDS
en vue du financement des projets de construction ou de rénovation des
enceintes sportives destinées à accueillir la compétition sportive dénommée
« UEFA Euro 2016 » ainsi que des équipements connexes permettant le
fonctionnement de celles-ci et de la candidature de la ville de Paris aux Jeux
olympiques et paralympiques de 2024.
Par ailleurs, le produit des jeux sous droits exclusif est exonéré de TVA, à l’exception
des rémunérations perçues par les organisateurs et les intermédiaires qui participent à
l’organisation de ces paris, soit en l’espèce, les organismes d’émission de dixième pour la
loterie nationale, les détaillants (débitants de tabac, dépositaires de presse, etc.), les courtiers
(avant réforme du réseau de distribution de la FDJ), etc.
198
Anciennement 919 A à C du CGI, soit 4,7 du montant des sommes engagées pour le loto national et le loto
sportif et 1,6 % des sommes engagées pour les bulletins ou billets de la loterie nationale en ce qui concerne les
jeux dits « loterie instantanée et tapis vert » et pour les appareils de jeux individuels, portables et jetables servant
de supports à un jeux.
199
Article 88 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012.
200
Article 6 de la loi n° 86-824 du 11 juillet 1986 de finances rectificative pour 1986.
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ANNEXES
167
7. Les taux de prélèvement sur les jeux en ligne
Le tableau ci-après permet d’établir une comparaison entre les taux de prélèvement sur
les différents segments de jeu en ligne et leur évolution depuis 2010.
Tableau n° 7 :
evolution 2010-2015 du taux de prélèvement des opérateurs en ligne de
poker, paris sportifs et hippiques rapporté au PBJ des opérateurs
Source ARJEL
2010 (*)
2011
2012
2013
2014
2015
Mises Cash Game
3 705
6 534
6 182
5 055
4 317
3 729
Droits d'entrée
412
1 159
1 397
1 460
1 547
1 772
PBJ
139
314
297
258
241
232
Prélèvements obligatoires
49
105
100
86
78
74
% PBJ
35%
33%
34%
33%
32%
32%
TVA
3
11
12
10
9
10
% PBJ
2%
4%
4%
4%
4%
4%
Mises
448
592
705
848
1 109
1 440
PBJ
79
115
138
160
228
270
Prélèvements obligatoires
39
53
66
79
103
134
% PBJ
50%
46%
48%
49%
45%
50%
TVA
1
5
6
7
7
13
% PBJ
2%
5%
4%
4%
3%
5%
Mises
452
1 034
1 124
1 111
1 034
1 016
PBJ
99
243
263
246
255
254
Prélèvements obligatoires
66
149
162
156
134
134
% PBJ
67%
61%
62%
63%
53%
53%
TVA
10
13
14
15
17
17
% PBJ
10%
5%
5%
6%
7%
7%
Mises et droits d'entrée
5 017
9 319
9 408
8 474
8 007
7 957
PBJ
317
672
698
664
724
756
Prélèvements obligatoires
154
307
327
321
315
342
% PBJ
49%
46%
47%
48%
44%
45%
TVA
14
29
32
32
32
40
% PBJ
5%
4%
5%
5%
4%
5%
374
Total Marché
en millions d'€
Poker
Paris sportifs
Paris hippiques
PNJ
149
336
339
312
377
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168
Annexe n° 8 :
la connaissance de l’offre illégale
1.
Comment définir l’offre illégale ?
Au 19ème siècle, le droit français a posé un principe d’interdiction des jeux de hasard.
Le code pénal de 1810, en son article 410, interdisait tous les jeux de hasard et érigeait en
délit le fait de tenir une maison de jeux ou d’organiser des loteries. Ce principe a été repris à
l’article 1er de la loi n° 83-628 du 12 juillet 1983 relative aux jeux de hasard, codifiée en
2012 à l’article L. 322-1 du code de la sécurité intérieure, et à l’article 132-26 du nouveau
code pénal.
Cependant saisi sur la constitutionnalité de loi du 12 mai 2010, le Conseil
constitutionnel
201
a considéré que la prohibition des jeux d'argent et de hasard ne saurait être
regardée comme un principe fondamental.
À une situation simple où tout ce qui n’est pas autorisé est illégal, succède un champ
ouvert au débat voire au conflit de normes.
Les conflits de normes, les questions préjudicielles
La pression
202
des instances européennes peut s’exercer par le biais de contentieux
donnant lieu à des questions préjudicielles qui sont autant d’occasion d’affiner une doctrine.
Les opérateurs militant pour la plus grande libéralisation du secteur ne se privent pas d’en
user (cf. annexe n° 4). Mais les juridictions françaises ont su pour encore écarter des recours
systématiques aux questions préjudicielles comme on l’a vu récemment dans l’arrêt de la
Cour d’appel de Paris du 28 janvier 2016 relatif à l’affaire SARL Gameduell GMBH
203
.
La part de hasard
La loi sur la consommation du 17 mars 2014 a ramené à trois les critères permettant de
caractériser un jeu d’argent: une offre ouverte au public, un sacrifice financier et une
espérance de gain, que celle-ci soit dû ou non au hasard.
Le code de la sécurité intérieure précise désormais expressément que l’interdiction
recouvre les jeux d’argent dont le fonctionnement repose sur le savoir-faire du joueur.
Ces dispositions ont donc ouvert un nouveau champ d’investigation en matière de lutte
contre l’offre illégale.
201
Conseil Constitutionnel - Décision n° 2010-605 DC du 12 mai 2010.
202
Cf.
supra
(1.2.2).
203
Cour d'appel de Paris arrêt SARL GAMEDUELL GMBH c./ ARJEL du 28 janvier 2016.
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ANNEXES
169
2.
Comment mesurer l’offre illégale ?
L’ODJ identifie la part de fréquentation par les joueurs de l’offre réglementée entre
53 % pour le poker et 70 % pour les paris hippiques et sportifs. Ces enquêtes montrent aussi
que les joueurs n’ont pas toujours conscience du caractère légal ou non des sites.
Sa mission de lutte contre les sites illégaux conduit l’ARJEL à mettre sous
surveillance les sites proposant des jeux et susceptibles d’être accessibles par le public
résidant en France. À fin 2015, 4 435 sites étaient sous surveillance, dont 3 003 dans le champ
de la loi. Parmi ceux-là, 2 717 s’étaient mis en conformité dont 1 506 dès les premières
constatations et 1 058 à la suite de procédures de l’ARJEL. 153 ont été bloqués par
ordonnance et 286 étaient en cours de blocage.
L’ARJEL a pu constater la forte diminution d’offre de paris sportifs par des sites non
agréés.
Le Livre blanc du CERT-LEXSI sur la cybercriminalité des jeux en ligne, publié en
juillet 2006, estimait que 14.823 sites étaient actifs et accessibles en France, dont 1 284 sites
proposaient un contenu francophone et acceptaient des connexions en provenance de France.
La direction du budget estime extrêmement difficile, en raison des biais statistiques
des enquêtes menées depuis 2010, d’évaluer le niveau de l’offre illégale de jeux d’argent en
France. Elle considère que dans le réseau physique, l’offre illégale reste très marginale
204
et
que l’offre illégale en ligne resterait nettement moins importante que l’offre légale et qu’elle
serait essentiellement concentrée sur les sites de casinos en ligne proposant du poker et des
machines à sous.
Cependant ces enquêtes permettent de rendre compte de la persistance de la
fréquentation par le public d’une offre non règlementée ou mixte. L’exploitation par l’OFDT
et l’ODJ de l’enquête e-ENJEU2012 identifie la part de fréquentation par les joueurs de
l’offre réglementée entre 53 % pour le poker et 70 % pour les paris hippiques et sportifs. À
noter que ces enquêtes montrent aussi que les joueurs n’ont pas toujours conscience du
caractère légal ou non des sites.
204
Le contrôle des jeux et loteries clandestines incombe sur le plan de la police administrative au service central
des courses et jeux (cf. rapport 7
ème
chambre) et en termes de fiscalité à la DGDDI (cf.
supra
2.3.1).
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COUR DES COMPTES
170
Tableau n° 1 :
part de l’offre réglementée
Sa mission de lutte contre les sites illégaux conduit l’ARJEL à mettre sous
surveillance les sites proposant des jeux et susceptibles d’être accessibles par le public
résidant en France. À fin 2015, 4435 sites étaient sous surveillance.
Tableau n° 2 :
bilan de situation des sites sous surveillance, en cumul
Situation en cumulé
Fin
2010
Fin
2011
Fin
2012
Fin
2013
Fin
2014
Fin 2015
Sites répertoriés par le service d'enquête de
l’ARJEL
619
2018
2720
3592
4065
4435
Sites de jeux dans le champ d'application de la
loi du 12 mai 2010
354
1356
1818
2393
2736
3003
dont nombre de sites en conformité avec la loi
336
1192
1645
2122
2544
2717
- Nombre de sites en conformité
dès premières constatations
83
622
764
1208
1425
1506
suite à procédure diligentée par l’ARJEL (hors
ordonnance)
252
568
833
849
1011
1058
- Nombre de sites bloqués sur ordonnance
1
3
34
65
108
153
Nombre de sites en cours de procédure
18
164
187
271
192
286
Nombre total de mise en demeures envoyées
236
1002
1256
1533
1636
1778
Nombre d’ordonnances du TGI prononçant le
blocage
1
2
27
46
64
+45
205
Source : ARJEL
L’ARJEL a pu constater, ne serait-ce que par les opérateurs agréés qui ne manquaient
pas de lui signaler les situations litigieuses, la forte diminution d’offre de paris sportifs par des
sites non agréés.
205
Pour 2015, il s’agit des dossiers présentés au TGI de Paris. La statistique des ordonnances n’était pas encore
disponible en avril 2016.
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ANNEXES
171
En ce qui concerne le poker, dans le champ ouvert à la concurrence, les opérateurs se
sont fait agréer ou ont cessé leur offre.
Il demeurait de nombreux sites proposant du vidéo poker généralement en
complément d’offres de jeux de casinos en ligne. L’ARJEL a engagé des procédures à
l’encontre de ces sites de casinos qui sont tous illégaux en France et a obtenu des ordonnances
de blocage avant même que la loi n°2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation ne
vienne conforter son action en lui permettant d’agir à l’encontre de tout opérateur proposant
une offre interdite en ligne, qu’une offre similaire puisse être ou non agréée par l’ARJEL.
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172
Annexe n° 9 :
les enjeux européens
1. Les jeux d’argent et de hasard : pour l’Union européenne, un service dont les
particularités laissent aux États membres l’essentiel de l’organisation de la prestation
1.1. Les particularités des jeux d’argent au titre du droit communautaire
Il n’existe aucune règle de droit dérivé portant spécifiquement sur les jeux d’argent et de
hasard. Toutefois, l’activité de ce secteur, qui permet aux utilisateurs de participer à un jeu
contre rémunération, est reconnue depuis l’arrêt CJCE
Schindler
de 1994
206
comme un service
au sens de l’article 57 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).
Le secteur des jeux d’argent et de hasard entre donc dans le champ d’application des
articles 49 et 56 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), relatifs à la
liberté d’établissement et à la libre prestation de services. D’après ces articles, sont interdites
non seulement toute réglementation restrictive des États (qui doit être considérée comme une
entrave à ces libertés), mais aussi toute législation discriminatoire à l’encontre des personnes
établies dans d’autres États membres.
La CJCE a toutefois relevé plusieurs éléments justifiant de déroger au principe de libre
prestation des services :
- la réticence généralisée à l’égard des jeux d’argent au nom de « considérations d’ordre
moral, religieux ou culturel » ;
- la prévention de la criminalité compte tenu de l’importance et de l’organisation des flux
financiers en jeu ;
- la protection des consommateurs contre une activité entraînant un préjudice financier et
des risques sociaux associés ;
- le fait que « les loteries peuvent participer, de manière significative, au financement
d’activités désintéressées ou d’intérêt général telles que les oeuvres sociales, les oeuvres
caritatives, le sport ou la culture ».
Ces particularités des jeux d’argent et de hasard justifient, pour la CJCE, de laisser aux
États « un pouvoir d’appréciation suffisant pour déterminer les exigences que comportent la
protection des joueurs et, plus généralement, compte tenu des particularités socioculturelles de
chaque État membre, la protection de l’ordre social, tant en ce qui concerne les modalités
d’organisation des loteries, le volume de leurs enjeux, que l’affectation des profits qu’elles
dégagent. Dans ces conditions, il leur revient d’apprécier, non seulement s’il est nécessaire de
restreindre les activités des loteries, mais aussi de les interdire, sous réserve que ces
restrictions ne soient pas discriminatoires ». De même, la CJCE en a déduit l’inapplicabilité
au secteur des jeux d’argent du principe de reconnaissance mutuelle.
206
Arrêt
Schindler
du 24 mars 1994, aff. C-275/92.
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ANNEXES
173
1.2. Des directives européennes qui excluent de leur champ les JAH
Bien que certains principes du droit général de la consommation
207
s’appliquent aux jeux
d’argent et de hasard, toutefois, « compte tenu de la spécificité de ces activités qui entraînent
de la part des États membres la mise en oeuvre de politiques touchant à l’ordre public et visant
à protéger les consommateurs », le secteur est explicitement exclu du champ d’application des
directives « commerce électronique » (2000/31/CE) et « services » (2006/123/CE), ainsi que
de la Directive sur l’attribution de contrats de concession (2014/23/UE), en matière de
concessions d’exploitation de loteries attribuées par un État membre.
1.3. Un contrôle au cas par cas de la CJUE
Les jeux d’argent et de hasard mettent en cause des enjeux financiers vitaux pour les États
et certaines activités, ce qui a donné lieu à de nombreux contentieux. La Cour de justice des
communautés européennes puis la Cour de justice de l’Union européenne a consacré les
spécificités en matière de jeux d’argent et de hasard, tout en associant ce traitement particulier
à plusieurs conditions cumulatives :
-
L’existence de motifs légitimes : l’existence d’une gestion sous droits exclusif n’est pas
contraire au droit communautaire, sous réserve que cette exclusivité canalise la demande
et l’exploitation des jeux (protection des consommateurs), et prévienne les risques d’une
telle exploitation frauduleuse et criminelle (lutte contre la criminalité)
208
.
-
La nécessité et la proportionnalité des restrictions instituées
209
.
-
La cohérence avec le reste des politiques de jeux : les restrictions à la libre prestation de
services doivent faire partie d’une politique de canalisation du jeu cohérente et
systématique, interdisant notamment de concilier gestion sous droits exclusif et politique
active de développement de l’activité de jeu
210
.
Ainsi, la Cour de justice a considéré que les États membres pouvaient :
-
définir leur propre système de protection, sans que cela implique une comparaison de la
proportionnalité et de la nécessité de ces mesures par rapport à celles des autres États
membres
211
;
-
interdire
212
certains jeux (ou leur support) d’argent et de hasard ;
-
limiter le nombre d’opérateurs ayant le droit d’exploiter un jeu d’argent et de hasard
213
-
attribuer des droits exclusifs à un organisme
214
;
207
Notamment la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les
contrats conclus avec les consommateurs et la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques
commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur.
208
Arrêt Läärä du 21 septembre 1999, affaire C-124/97
209
CJCE, 21 octobre 1999,
Zenatt
i, Affaire C-67/98
210
CJCE, 6 mars 2007,
Placanica
, Affaire C-338/04
211
La CJCE l’a rappelé à plusieurs reprises, que ce soit avec l’arrêt
Sjöberg
et
Gerdin
en 2010 ou l’arrêt
Läärä
en 1999.
212
CJCE,
Schindle
r, 1994.
213
CJCE, 11 septembre 2003,
Anomar.
214
CJCE,
Läär
ä, 1999.
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174
-
soumettre des jeux à un régime d’autorisations accordées à des opérateurs privés
215
ou
octroyer des concessions de longue durée
216
;
-
attribuer l’exclusivité des jeux d’argent et de hasard à des organismes publics ou
caritatifs
217
;
-
mettre en oeuvre une politique d’expansion contrôlée des jeux d’argent et de hasard
218
.
L’arrêt Liga Portugesa de Futebol Profissional et Bwin international c/ departamento de jogos da Santa
Casa da Misericordia de Lisboa (2009) consacre le fait que le principe de reconnaissance mutuelle ne s’applique
pas en matière de jeux d’argent et de hasard, tout en reconnaissant aux États membres le droit de maintenir, sous
réserve d’efficacité et de proportionnalité, un monopole sur certaines branches du secteur.
1.4. Une grande diversité des modèles de régulation
Au sein de l’Union européenne, quatre types d’actions sont mises en oeuvre par les États
membres :
-
l’interdiction
-
la mise en place de monopole(s)
-
l’octroi de licences
-
l’absence de réglementation.
Généralement, les États membres de l’Union européenne optent pour l’octroi de
licences ou la mise en place de monopoles.
Les politiques publiques mises en oeuvre par les États membres dépendent généralement
du type de jeu et de ses modalités.
Il faut aussi noter que certains États sont, en matière de jeux d’argent et de hasard, plus
libéraux que d’autres.
En Autriche, si toutes les loteries et le bingo font l’objet de monopoles, les paris sportifs et les paris hippiques, qu’ils
soient en points de vente ou en ligne, sont soumis à l’octroi de licences.
En Lituanie, seuls le bingo et les paris hippiques font l’objet d’une réglementation stricte (monopoles) ; les autres
branches du secteur sont libéralisées, par l’octroi de licences ou une absence de réglementation (en ce qui concerne le poker
hors casino).
215
CJCE, 8 septembre 2008,
Carmen Media Group.
216
CJCE, 9 septembre 2010
, Engelmann.
217
CJCE,
Sjöberg
et
Gerdin
(2010) : il peut être «
considéré comme inacceptable de permettre que des profits
privés soient tirés de l’exploitation d’un fléau social ou de la faiblesse des joueurs et de leur infortune
».
218
CJCE, 6 mars 2007,
Placanica.
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ANNEXES
175
Le modèle suédois
La Suède n’a établi un système de licence que pour le bingo, en dur comme en ligne. Les autres jeux font tous l’objet
d’un monopole, à l’exception du poker hors casino, des casinos en ligne et des machines à sous hors casino en ligne, qui sont
interdits. Quatre autorités sont compétentes en matière de jeux d’argent et de hasard : le Conseil national du jeu
(Lotteriinspektionen), le Ministère des Finances, le Ministère de la santé et le Ministère des affaires sociales. La Suède a fait
l’objet de plusieurs avis motivés et procédures d’infraction de la part de la Commission européenne, ce qui l’a incitée à initier
une réforme de sa régulation dont la mise en oeuvre est prévue d’ici 2018.
Le modèle britannique
Au Royaume-Uni, tous les jeux d’argent et de hasard (à l’exception des loteries qui sont soumises à un monopole
attribué à la National Lottery - loterie nationale) font l’objet d’un système d’octroi de licences, contrôlé par la Gambling
commission (Commission des jeux), mise en place par le Gambling Act de 2005, à l’exception des spread bettings, qui sont
régulés par la FCA (Financial Conduct Authority). Organisme public non ministériel financé par le ministère de la Culture,
des Médias et du Sport (Department for Culture, Media and Sport), la Commission des jeux, qui emploie plus de 250
personnes, est le principal régulateur en matière de jeux d’argent et de hasard, qu’ils soient en dur ou en ligne : elle est
compétente en matière d’agréments, de lutte contre l’offre illégale et depuis 2013 du monopole sur les loteries. Pour les
licences d’établissements de jeux, la Gambling Commission fixe le cadre de régulation aux autorités compétentes pour leur
implantation (conseils de district, conseils de comté, le conseil de Londres, le conseil des communes de la ville de Londres
et le conseil des îles Scilly).
En Italie, tous les jeux d’argent et de hasard (à l’exception des loteries qui sont soumises à un monopole) font l’objet
d’un système d’octroi de licences. Avec le décret « Bersani » de juin 2006, qui a libéralisé de nombreux secteurs, le marché
des jeux d’argent et de hasard a ainsi été largement ouvert à la concurrence.
Depuis 2012, le régulateur compétent en matière de jeux d’argent et de hasard est la Agenzia delle dogane e dei
monopoli (Agence des douanes et des monopoles) qui, si elle dépend du Ministère des Finances, constitue une autorité
indépendante dotée d’une personnalité juridique.
Cette hétérogénéité des réglementations et l’absence du principe de reconnaissance
mutuelle connaissent toutefois une exception. De fait, si un État membre de l’Union
européenne interdit un opérateur sur son territoire, les autres États membres peuvent eux-aussi
se prévaloir de cette interdiction.
Aux Pays-Bas, tous les jeux d’argent et de hasard (à l’exception des machines à sous hors casino qui font l’objet
d’un système d’octroi de licences) sous soumis à une interdiction totale ou à un monopole.
Par ailleurs, les États fédéraux ou à régions autonomes voient les compétences en
matière de jeux d’argent et de hasard partagées entre le niveau national et les institutions
locales et régionales.
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COUR DES COMPTES
176
En Allemagne les 16 Länder sont régulateurs des jeux d’argent et de hasard dans leur territoire et ont donc chacun
une autorité compétente. Toutefois, certaines responsabilités et branches des jeux d’argent et de hasard font l’objet d’une
coordination nationale, déléguée à des Länder qui ont, sur ces politiques précises, une compétence applicable à l’ensemble
de la Fédération, qu’ils partagent avec le Collège des jeux de chance (Glücksspielkollegium219), conformément au Traité
sur les Jeux de chance (Glücksspielstaatsvertrag), dont les différentes modalités sont entrées en vigueur entre 2008 et 2012 :
L’attribution de licences de paris sportifs et hippiques (Land de Hesse)
L’autorisation pour des publicités (à la télévision comme sur Internet) pour les loteries et paris sportifs (Land de
Rhénanie-du-Nord – Westphalie)
L’autorisation pour des loteries de charité nationales (Land de Rhénanie-Palatinat)
L’arrêt de flux d’argent sur un jeu illégal accessible dans plus d’un Land (Land de Basse-Saxe).
Le Gemeinsame Geschäftsstelle, hébergé par le Ministère hessois de l’Intérieur et des Sports, assure la convergence
et le renforcement de la régulation des différents Länder.
En Espagne, les compétences sont partagées entre l’État central qui dispose de la régulation en matière de jeux en
ligne au niveau national et les régions autonomes, responsables des jeux en points de vente sur leurs territoires. Au niveau
national, deux institutions se partagent la compétence de la régulation : la DGOJ (Direction générale de l’organisation du
jeu), qui dépend du Ministère des finances, et le Conseil des politiques de jeu, dont la mission est de favoriser la
convergence légale et fiscale de l’État et des régions autonomes.
Le secteur des jeux d’argent et de hasard y est principalement régulé par l’octroi de licences ; seule la loterie, en dur
comme en ligne, fait l’objet d’un régime de droit exclusif partagé entre la SELAE (Sociedad Estatal de Loterias y Apuestas
del Estado) et la ONCE (Organizacion Nacional de Ciegos).
Source : ARJEL, « Principales caractéristiques des législations des États membres de l’UE (hors France) en matière de jeux
en ligne en Mars 2016 »
2. Une diffusion du numérique qui estompe les spécificités et incline à une plus
grande implication des instances européennes
Avec le passage à l’ère numérique, les institutions européennes semblent adopter une ligne
plus interventionniste, pour promouvoir une vision plus concurrentielle du secteur des jeux.
L’accélération des évolutions technologiques et la massification de l’offre illégale de jeux
d’argent et de hasard en ligne ont remis en cause les monopoles existants, dont la
proportionnalité et l’efficacité ont été questionnées, avec le souci d’assurer la compétitivité de
la zone européenne dans le secteur des services numériques.
219
Où chaque Land a un représentant. C’est lui qui développe les directives sur la publicité des JAH
(Werberichtlinien), et qui prend les décisions finales concernant les permis et licences auxquels la procédure
commune est applicable.
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ANNEXES
177
2.1. Un contrôle renforcé de la CJUE sur la proportionnalité et l’efficacité des
mesures nationales
Par sa jurisprudence récente, la CJUE se réserve le droit de vérifier la proportionnalité
et l’efficacité des mesures restrictives mises en place pour les jeux d’argent et de hasard,
qu’ils soient en ligne ou en point de vente, incitant à une libéralisation du secteur.
Avec l’arrêt
Gambelli
du 6 novembre 2003
220
, la CJCE opère un contrôle strict de la
proportionnalité des mesures mises en place, ainsi que dans l’arrêt
Placanica
du 6 mars
2007
221
où elle rejette la possibilité de réserver les licences de paris sportifs en Italie à certains
types d’opérateurs.
Cette inflexion se poursuit avec l’arrêt
Engelmann
du 9 septembre 2010, où la CJUE
juge disproportionné le fait de réserver l’exploitation des jeux d’argent et de hasard à des
opérateurs ayant leur siège sur le territoire national.
Enfin, dans l’arrêt
Ince
du 4 février 2016, la CJUE prend aussi en considération la
pertinence des mesures restrictives prises par l’Allemagne, alors que l’octroi des licences
n’est pas encore efficacement mis en oeuvre.
Le contentieux Ince
L’Allemagne, en matière de paris sportifs, a instauré un système d’octroi de licences qui n’est pas encore
mis en oeuvre, ce qui a poussé certaines juridictions allemandes à développer des procédures fictives d’autorisation
d’opérateurs de paris sportifs. Dans la mesure où ces procédures ne sont pas codifiées et reconnues par tous les
États membres, la CJUE a jugé que les opérateurs ne pouvaient en avoir nécessairement connaissance.
Ainsi, par l’arrêt Ince, la CJUE considère que les procédures fictives d’autorisation ne sont pas
suffisamment efficaces pour respecter le droit européen applicable en la matière.
2.2. Une Commission européenne qui se saisit des jeux en ligne et contrôle la
cohérence des mesures nationales
Dans sa communication intitulée « Vers un cadre européen global sur les jeux de hasard
en ligne », qui avait été adoptée le 23 octobre 2012, la Commission avait annoncée qu’elle
accélèrerait « dans le cadre des procédures d’infraction et des plaintes pendants, la réalisation
de son examen des dispositions nationales et (prendrait), chaque fois que nécessaire, des
mesures pour assurer le respect de la législation »
222
. Ainsi, dès novembre 2013, Commission
a envoyé des demandes d’informations officielles, qui constituent la première étape d’une
procédure d’infraction, à plusieurs États membres
223
. En février 2015, 35 plaintes concernant
220
Arrêt Gambelli, 6 novembre 2003, aff. C-243/01
221
CJCE, 6 mars 2007, aff. C-338/04 ; C-359/04, C-360/04, procédure pénales c/ Massimiliano Placanica
222
Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social et au
Comité des régions, « Vers un cadre européen global pour les jeux de hasard en ligne », 23/10/2012
223
Belgique, Chypre, République Tchèque, Lituanie, Pologne, Roumanie.
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178
16 États membres étaient en cours de traitement. La France a elle-même fait l’objet d’une
demande d’information, qui a été clôturée le 1
er
août 2014.
La procédure d’infraction mise en place par la Commission européenne, comme le
dispose l’article 258 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE),
comporte plusieurs étapes :
-
Une « lettre de mise en demeure », demande d’informations officielle à laquelle l’État
membre doit apporter une réponse, généralement dans un délai de deux mois ;
224
-
Si la réponse à la demande d’informations n’est pas satisfaisante, la Commission
européenne peut demander formellement à l’État de se conformer au droit de l’Union
européenne, via un « avis motivé », dans un délai de généralement deux mois ; l’État
doit alors informer la Commission européenne de sa mise en conformité ;
-
Lorsque l’État ne répond pas à l’ « avis motivé » de la Commission européenne, celle-
ci peut le déférer devant la CJUE.
Si leur caractère transfrontalier a conduit la Commission européenne à viser
prioritairement les jeux d’argent et de hasard en ligne, elle ne s’est pas interdit, au nom de la
cohérence des politiques nationales de régulation, de contrôler aussi les jeux en dur.
Entre 2009 et 2014, les situations de monopoles et d’interdiction des jeux d’argent et de
hasard ont considérablement décru au profit de systèmes d’octroi de licences. Les pays
historiquement libéraux en matière de jeux d’argent et de hasard (Malte, Royaume-Uni,
Irlande, Danemark,) voient ainsi leur modèle se généraliser en Europe.
Par ailleurs, certains États membres ayant choisi de conserver leurs monopoles ont
toutefois été contraints, sous l’influence de la Commission européenne, de les réformer.
La Suède, qui exerce une politique restrictive des jeux d’argent et de hasard –ceux-ci font tous l’objet d’un
monopole ou d’une interdiction, à l’exception du Bingo- est actuellement visée par deux procédures d’infraction et a été
déférée devant la CJUE pour non-respect du droit de l’Union.
La Commission lui reproche :
une incohérence entre le régime de droit exclusif pour les paris sportifs et les « objectifs d’ordre public poursuivis, à
savoir la prévention du jeu problématique et des activités criminelles, et que ce régime n’est pas suffisamment contrôlé par
l’État »
un contrôle insatisfaisant du titulaire du droit exclusif sur la fourniture de services de poker en ligne et une
incohérence, puisque les autorités « tolèrent l’offre non autorisée et la publicité »
2.3. Plus d’ouverture et une réforme de la régulation chez plusieurs pays
européens
Plusieurs pays européens ont récemment mis en oeuvre une plus grande ouverture des
jeux d’argent et de hasard, en particulier en matière de jeux en ligne, et réformé leur
régulation du secteur.
224
Les procédures de demandes d’informations officielles sont fondées sur les plaintes formulées par les
opérateurs. La Commission européenne peut adresser plusieurs procédures de demandes d’informations au
même État membre, même après avoir clôturé une procédure de demande d’informations officielles.
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ANNEXES
179
C’est le cas notamment de l’Italie, de l’Espagne et du Royaume-Uni.
Avec la loi 13/2011 du 12 mai 2011, l’Espagne a instauré un système de licences sur
plusieurs jeux d’argent et de hasard, notamment en ligne. Sont désormais ouverts à la
concurrence le bingo, plusieurs jeux de casino, les paris (hippiques, sportifs, mais aussi
politiques, économiques ou culturels) à cote fixe et mutuelle, ainsi que le betting exchange.
Au Royaume-Uni, c’est le Gambling (licensing and advertising) Act, entré en vigueur le
1
er
novembre 2014, qui a mis en place un système de licences en matière de jeux d’argent et
de hasard en ligne.
La Finlande, suite à une procédure d’infraction ouverte par la Commission européenne en avril 2006, a réformé en
mars 2011 son monopole légal, désormais réservé à 3 opérateurs. Ce qui a permis la clôture de la procédure d’infraction en
novembre 2013.
Source : ARJEL, « Principales caractéristiques des législations des États membres de l’UE (hors France) en matière de jeux en
ligne en Mars 2016 ».
Dans le cadre de la réforme de la régulation des jeux en ligne (Décret-loi n°66/2015 du 29 avril 2015, entré en
vigueur le 28 juin 2015), le Portugal a largement ouvert à la concurrence les jeux d’argent et de hasard en ligne, en fixant un
système de licences pour de nombreux jeux en ligne : les paris sportifs à cotes fixes, les paris hippiques mutuels ou à cotes
fixes, les jeux de casino (dont le poker et les machines à sous) et le bingo.
Source : ARJEL, « Principales caractéristiques des législations des États membres de l’UE (hors France) en matière de jeux en
ligne en Mars 2016 ».
3. Les instances européennes sur la voie de l’harmonisation
3.1. La Commission européenne assure les suites du Livre vert
En 2011, la Commission européenne a publié un Livre vert sur les jeux d’argent et de
hasard en ligne dans le marché intérieur
225
. Si, bien que cela avait été envisagé par la
Commission, il n’a pas entraîné d’engagement ni d’action spécifique au niveau de l’Union
européenne en matière de législation sectorielle, ce Livre vert a initié plusieurs actions de la
Commission européenne. En particulier sa Communication de 23 octobre 2012 pour un plan
d’action « vers un cadre européen global pour les jeux de hasard en ligne », qui propose un
« ensemble d’initiatives et de mesures adaptées portant sur différents aspects afin d’apporter
une plus grande clarté juridique et d’établir des politiques fondées sur des éléments
d’appréciation concrets ». Ce plan d’action définit cinq domaines prioritaires :
225
Com(2011) 128 final.
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COUR DES COMPTES
180
-
La conformité des cadres réglementaires nationaux au droit de l’UE ;
-
L’amélioration de la coopération administrative et du respect concret des règles ;
-
La protection des consommateurs et des citoyens, des mineurs et des groupes
vulnérables ;
-
La prévention de la fraude et du blanchiment d’argent ;
-
La préservation de l’intégrité du sport et lutte contre le trucage des matchs.
Par ailleurs, sous l’égide de la Commission européenne le 27 novembre 2015 a été
adopté un Arrangement de coopération entre les autorités de régulation des États membres de
l’Espace Économique Européen relatifs aux services de jeux d’argent en ligne, auquel
l’ARJEL participe. Ce mémorandum témoigne de la volonté de la Commission européenne de
jouer un rôle d’harmonisateur des régulations de jeux d’argent et de hasard.
3.2. Un renforcement de la protection des consommateurs par la Commission
européenne
La Commission européenne a renforcé la protection des consommateurs en matière de
jeux d’argent et de hasard.
Comme le montre la recommandation du 14 juillet 2014 (2014/478/UE)
226
relative à des
principes pour la protection des consommateurs et des joueurs dans le cadre des services de
jeux d’argent et de hasard en ligne et pour la prévention des jeux d’argent et de hasard en
ligne chez les mineurs.
Les États membres devaient adresser à la Commission européenne, d’ici le 19 janvier
2016, « toute mesure prise en application de la (…) recommandation »
227
, dont la
Commission évaluera la mise en oeuvre d’ici le 19 janvier 2017. La France n’a pas répondu à
cette demande de la Commission européenne.
3.3.Un renforcement de la lutte contre le blanchiment d’argent
L’Union européenne a renforcé la lutte contre le blanchiment d’argent en matière de
jeux d’argent et de hasard. Ainsi, la quatrième Directive anti-blanchiment s’applique « aux
prestataires de services de jeux d’argent et de hasard », alors que la troisième directive ne
citait que les casinos.
226
Recommandation de la Commission du 14 juillet 2014 relative à des principes pour la protection des
consommateurs et des joueurs dans le cadre des services de jeux d'argent et de hasard en ligne et pour la
prévention des jeux d'argent et de hasard en ligne chez les mineurs.
227
Des « données fiables » et annuelles sur :
« a) les mesures de protection applicables, en particulier le nombre de comptes de joueurs (ouverts et fermés), le
nombre de joueurs qui se sont auto-exclus, le nombre de joueurs qui présentent un trouble associé aux jeux
d'argent et de hasard et le nombre de plaintes déposées par des joueurs;
b) en matière de communications commerciales, les cas d'infraction aux principes énoncés dans la présente
recommandation par catégorie et par type. »
La régulation des jeux d’argent et de hasard - octobre 2016
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ANNEXES
181
3.4. La lutte contre les manipulations sportives, un objectif du Conseil de l’Europe
Avec la Convention de Macolin, le Conseil de l’Europe incite lui aussi à
l’harmonisation de certaines régulations en matière de jeux d’argent et de hasard. Cette
convention, qui n’est pas encore entrée en vigueur, « pour but de prévenir, détecter et
sanctionner pénalement et disciplinairement la manipulation de compétitions sportives, ainsi
que de renforcer l’échange d’informations et la coopération nationale et internationale entre
les autorités publiques concernées, et avec les organisations sportives et les opérateurs de
paris sportifs»
228
. Elle contribue ainsi, en proposant des mesures de lutte contre la fraude ou
les paris sportifs illégaux, à l’effort de cohérence entre les régulations mises en place par les
États membres de l’Union européenne.
228
Source : site du Conseil de l’Europe
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COUR DES COMPTES
182
Tableau n° 1 :
la fiscalité des jeux d’argent et de hasard dans des pays voisins
de la France
Pays
En dur
En ligne
En dur
En ligne
En dur
En ligne
Allemagne
Autriche
18% des mises Redevance annuelle
variant en fonction du type de loterie (base :
PBJ)
40% du PBJ
Belgique
Loterie nationale paie des subsides et une
rente de monopole
11% du
PBJ
15% du PBJ
11% du PBJ
15% du PBJ
11% du PBJ
Bulgarie
15% des mises
20% du PBJ
15% des mises
20% du PBJ
15% des mises
20% du PBJ
Chypre
Cyprus Government Lottery : après
déduction des gains des joueurs, montant
des mises restant doit être versé au
Consolidated Fund of Cyprus
OPAP Chypre : Après déduction des frais
d'organisation et des retours aux joueurs,
le montant doit être versé à l'Etat chypriote
10% du PBJ
Croatie
Danemark
Danske Spil, Det Danske, Klasselotteri,
Landbrugslotteriet et Almindeligt
Dansk Vare - og Industrilotteri: 15% des
gains > 200DKK (27€)
Det Danske Klasselotteri: 6% des mises
20% du PBJ
11% du PBJ. Droit
additionnel : 19% payable
sur la partie du PBJ
dépassant de 16,7mDKK
(2,2m€)
20% du PBJ
Espagne
Varie d'une région à
l'autre
Pari mutuel sportif :
22% des mises.
Pari sportif à cote
fixe : 25% du PBJ
Varie d'une région à
l'autre
Pari mutuel hippique : 15%
des mises. Pari hippique à
cote fixe : 25% du PBJ
Estonie
18% des ventes de billets
5% du PBJ
Finlande
Grèce
30% du PBJ
Hongrie
Jeux de tirage : 30% du PBJ ; Jeux de
loterie "classiques" : 24% de la cagnotte
mensuelle ; Autres jeux : 17% de la
cagnotte mensuelle
15% du PBj
17% de la cagnotte
15% du PBJ
Aucun impôt ne
s'applique
15% du PBJ
Irlande
Aucune taxe prélevée si
les paris sont pris sur les
champs de courses. 1%
des mises si les paris
sont pris chez un
bookmaker
1% des mises
Italie (régime
2015*)
Lettonie
15% du PBJ
10% du PBJ
15% du PBJ
10% du PBJ
Lituanie
5% du prix des billets et 8% doivent être
alloués à des organisations caritatives
10% du PBJ
15% du PBJ
10% du PBJ
15% du PBJ
10% du PBJ
Luxembourg
Loterie Nationale
reverse ses bénéfices à
l' ONS. Opérateurs
privés : 15% des mises.
Loterie Nationale
reverse ses
bénéfices à l' ONS
Loterie Nationale reverse
ses bénéfices à l' ONS.
Opérateurs privés : 15%
des mises.
Loterie Nationale reverse
ses bénéfices à l' ONS
Malte
0,5% des mises
Déterminé par les
conditions de la licence
accordée par le
gouvernement maltais,
qui ne sont pas rendues
publiques
0,5% des mises
Pays Bas
29% des gains supérieurs à 454€
29% des gains
29% des gains
Pologne
Tombolas: 10% des mises
Jeux à gratter: 15% à 25% des mises
Jeux de tirage: 20% des mises
Loteries par téléphone et message et
«télébingo»: 25% des mises
Portugal
Paris sportifs
mutuels : 4,5% des
mises. Paris
sportifs à cote fixe :
8 à 16% des mises
Entre 15 et 30% du PBJ
Paris hippiques mutuels :
entre 15 et 30% du PBJ.
Paris hippiques à cote fixe :
entre 8 et 16% des mises
Rép Tchèque
20% du PBJ
Non disponible
Roumanie
Royaume-Uni
12% des mises. Certaines loteries sont
exemptées de taxe (loteries privées ou
exploitées par des assciations caritatives)
15% du PBJ
Paris mutuels : 15% des
reçus du promoteur
15% du PBJ
15% du bénéfice net
15% du PBJ
Slovaquie
Jeux de tirage et tombolas : 15% des
mises. Loteries instantanées : 20% des
mises. Loteries de bienfaisance : 6% des
mises
27% du PBJ
5% des mises
5,5% des mises
1% des mises
5,5% des mises
Slovénie
10% des mises
5% du PBJ
10% des mises
5% du PBJ
10% des mises
5% du PBJ
Suède
Suisse
Norvège
Turquie
0,5% du PBJ
Les bénéfices de Norsk Tipping doivent être distribués à des bonnes causes selon des pourcentages
déterminés.
Norsk Risktoto doit payer une cotisation annuelle à
l'Etat norvégien équivalant à 3,7% du PBJ; il doit aussi
soutenir l'élevage des chevaux et les sports équestres.
Activités soumises à TVA de 18%
Svenska Spel exonéré de l'impôt sur les sociétés mais ses bénéfices sont reversés au budget de l'Etat
ATG est exonéré de l'impôt sur les sociétés mais paie
une taxe basée sur l'excédent brut moins les
déductions pour dividendes à ses clients
12% des mises
2,5% des mises
4,5% des mises
20% du PBJ
Loteria Romana est exonéré d'impôt mais reverse des
contributions à des bonnes oeuvres
16% du PBJ
16% du PBJ
10% des ventes de billets
Loterie Nationale reverse ses bénéfices à l'OEuvre
Nationale de Secours Grande-Duchesse Charlotte (ONS)
Déterminé par les conditions de la licence accordée par le gouvernement maltais,
qui ne sont pas rendues publiques
30% du PBJ
PLI doit mettre de côté une contribution annuelle de 65%
du PBJ afin de la reverser à des bonnes causes
1% des mises
Solde des mises après déduction des gains et
commission du concessionnaire reversé à l'Etat
2 à 3% des mises si le pari porte sur 1 à 7
évènements. 5 à 8% des mises si le pari
porte sur 7 et plus évènements
6,28% des mises
Revenus de SELAE et ONCE distribués vers différentes
oeuvres de charité selon les modalités fixées par la loi
5% du PBJ
12% du PBJ
12% du PBJ
Fiscalité : 10% du PBJ Cotisation : 3% du
PBJ versé à l'Autorité Nationale des Paris
10% des mises
5% des mises
20% du PBJ
20% des mises "moins les impôts"
5% des mises
5% des mises
2% des mises
2% des mises
Loteries
Paris sportifs
Paris hippiques
Non applicable
jeu en ligne
Régime commun à des jeux en ligne
et sur le réseau physique
Légende
La régulation des jeux d’argent et de hasard - octobre 2016
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ANNEXES
183
*Régime modifié en 2016 en Italie, avec un passage à une taxe adossée au PBJ pour les paris sportifs et non sportifs de 18 % pour les jeux
en dur et 22% pour les jeux en ligne
Pays
En dur
En ligne
En dur
En ligne
En dur
En ligne
En dur
En ligne
Allemagne
Dans le Land du
Schleswig-Holstein, taux
d’imposition pour les
jeux de casino en ligne :
20%. La base
d’imposition diffère
selon que les jeux sont
avec banquier ou non
De 20 à 90% du PBJ,
selon le land
Dans le Land du
Schleswig-Holstein, taux
d’imposition pour les
jeux de casino en ligne :
20%. La base
d’imposition diffère
selon que les jeux sont
avec banquier ou non
De 10 à 15% des mises,
selon le Land
Dans le Land du
Schleswig-Holstein, taux
d’imposition pour les
jeux de casino en ligne :
20%. La base
d’imposition diffère
selon que les jeux sont
avec banquier ou non
Autriche
30% du PBJ moins la
TVA
40% du PBJ
30% du PBJ
40% du PBJ
10% du PBJ moins la
TVA
40% du PBJ
16% du PBJ
40% du PBJ
Belgique
11% du PBJ
Régime fiscal fixé au
niveau régional
11% du PBJ
Dépend de la région et
du type de machine
11% du PBJ
Bulgarie
20% du PBJ
Selon le type
d'équipement
20% du PBJ ou, pour
certains jeux, 20% des
commissions récoltées
Droits de 255€ par
trimestre pour une
machine à sous dans
une salle de jeux
20% du PBJ ou, pour
certains jeux, 20% des
commissions récoltées
15% des mises
20% du PBJ ou,
pour certains jeux,
20% des
commissions
Chypre
15% du PBJ
15% du PBJ
Croatie
Redevance concession
mensuelle : 25% des
recettes. Cotisation
annuelle : 1324€ par
15% du PBJ
Danemark
Non < à 4% des mises
du tournoi
20% du PBJ
45% du PBJ moins
pourboires
20% du PBJ
Selon le lieu
20% du PBJ
Selon l'opérateur :
15% des gains ou
6% des mises
20% du PBJ
Espagne
25% du PBJ
Varie d'une région à
l'autre
25% du PBJ
Varie d'une région à
l'autre
25% du PBJ
Varie d'une région à
l'autre
20% du PBJ
Estonie
5% des frais de
participation
5% du PBJ
Taxe mensuelle:
1,278.23€ par table
Taxe mensuelle: 300€
par
machine à sous
Tournois: 5% frais de
participation
5% du PBJ
Taxe mensuelle: 300€
par
machine à sous
5% du PBJ
18% des ventes de
billets
5% du PBJ
Finlande
1,5% du PBJ
12% du PBJ
Grèce
Selon le casino, entre 20
et 32,5% du PBJ
30% du PBJ
Hongrie
40% du PBJ
15% du PBJ
PBJ allant jusqu’à 32m€:
30% du PBJ
PBJ supérieur à 32m€:
9,5m€ ainsi que 10% du
15% du PBJ
15% du PBJ
7% des mises
mensuelles
15% du PBJ
Irlande
Aucune taxe prélevée
Aucune taxe prélevée
PLI doit mettre de
côté une
contribution
annuelle de 65% du
PBJ, pour la
reverser à des
bonnes causes
Italie (régime
2015*)
3% des frais de
participation au tournoi
20% du PBJ
Définis au niveau
régional
20% du PBJ
Comma 6a: 12.7% des
mises ; Terminaux de
vidéo loteries (Comma
6b): 5%
20% du PBJ
Lettonie
10% du PBJ
Jeu de table, jeux de
cartes et de dés : taxe
annuelle de 17,279.36€
Chaque machine à
sous : taxe annuelle de
3,141.70€
10% du PBJ
Pour chaque machine à
sous: taxe annuelle de
3,141.70€
Lituanie
Roulette, jeux de cartes
et de dés: 6,000LTL
(1,700€) par table et par
mois. Machines à sous:
800LTL par mois (230€)
par machine par mois
10% du PBJ
300 LTL (87€) par
machine par mois
10% du PBJ
10% du PBJ
Luxembourg
Non disponible
Différents prélèvements,
de 10 à 80%
Malte
5% du revenu réel de
l'opérateur (revenus du
rake moins les bonus,
commissions et frais de
paiement)
Tables de jeux : 36% du
PBJ. Machines à sous :
40% du PBJ
Premier semestre:
4,660€
par mois
Par la suite: 7,000€
par
mois
200€ par mois par
machine quand PBJ
n’excède pas 1,000€ par
mois 20% du PBJ par
moisquand PBJ excède
1,000€
par mois
Premier semestre:
4,660€
par mois
Par la suite: 7,000€
par
mois
10% de la valeur de
chaque carte ; 30%
du total des recettes
provenant des
droits d’entrée
Premier semestre:
4,660€
par mois
Par la suite: 7,000€
par mois
Pays Bas
Jeux de casino
domestiques (légaux et
illégaux) : 29% du PBJ
ou des frais de tournois
ou rake ou commission
Jeux de casinos
terrestres offerts à
l’étranger : 29%
des gains >454€
Machines à sous
domestiques (légaux et
illégaux) : 29% du PBJ
ou des frais de tournois
ou
rake ou commission
Machines à sous
terrestres offerts à
l’étranger : 29%
des gains >454€
Pologne
25% du montant des
gains moins frais
d'inscription pour la
participation au tournoi
50% du PBJ sans
tournoi de poker
50% du PBJ ou, pour
certaines machines,
impôt forfaitaire de 480€
par mois par machine
25% des mises.
10% des mises
quand offert sous
forme de tombola
Portugal
Selon le casino, de 17 à
50% du PBJ
Entre 15 et 30% du PBJ
Selon le casino, de 17 à
50% du PBJ
Entre 15 et 30% du PBJ
Selon les zones et
la durée d'activité
Entre 15 et 30% du
PBJ
Rép Tchèque
20% du PBJ
20% du PBJ
Roumanie
Par table de jeux à
Bucarest : 60 000€ de
frais annuels. Hors
Bucarest, pour chaque
table de jeux : 30 000€
de frais annuels
16% du PBJ
Selon les machines, de
1500€ à 2600€
16% du PBJ
3% des mises
16% du PBJ
Royaume-Uni
Taxation par seuil allant
de 15% à 50% du PBJ
15% du PBJ
Fiscalité, selon le PBJ,
entre 15 et 50% du PBJ
15% du PBJ
Entre 15 et 20% des
recettes nettes des
15% du PBJ
10% du bénéfice
15% du PBJ
Slovaquie
200€ par table et par
mois ou 1500€ par table
et par année civile
27% du PBJ
29% du PBJ
27% du PBJ
2 100€ par année civile
par machine
27% du PBJ
4,5% des mises
27% du PBJ
Slovénie
10% des mises
5% du PBJ
Suède
Svenska Spel exonéré
de l'impôt sur les
sociétés mais bénéfices
reversés budg. de l'Etat
Suisse
Entre 40% et 80% du
PBJ
Norvège
5% des dépôts effectués
par les joueurs =
affectés à l'organisme
de bienfaisance titulaire
de la licence. 10% des
dépôts peuvent être
octroyés à l'organisateur
pour
les frais annexes
Bénéfices de Norsk
Tipping distribués à des
bonnes causes selon
des pourcentages
déterminés.
15% des mises
Bénéfices de Norsk
Tipping distribués à
des bonnes causes
selon des
pourcentages
déterminés.
Turquie
15% du PBJ.
Jeux sous forme de tournois : 25% du PBJ
10% des mises
Bingo
Poker
Casinos
Machines à sous hors casions
11% des mises
10% du PBJ
La Loterie Nationale reverse ses
bénéfices à l’ONS
12% du PBJ
5% des gains
0,5% du PBJ
Les bénéfices de Norsk Tipping doivent être distribués à des bonnes
causes selon des pourcentages déterminés.
18% du PBJ
Svenska Spel exonéré de l'impôt sur les sociétés
mais ses bénéfices sont reversés au budget de
l'Etat
Svenska Spel exonéré de l'impôt sur les
sociétés mais ses bénéfices sont
reversés au budget de l'Etat
20% du PBJ
Frais de licence et d'autorisation variant selon le
type de jeu
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COUR DES COMPTES
184
Tableau n° 2 :
la réglementation des différents États membres de l’Union européenne
en matière de jeux d’argent et de hasard
Type
d'autorisation
Instance
consultative
COJEX, ODJ
COJEX
COJEX, ODJ
Avis des
fédérations
sportives sur le
calendrier des
évènements
sportifs pouvant
servir de support
à des paris
sportifs
COJEX, ODJ
COJEX
CCJCC, Commission
supérieure des jeux
COJEX et
ODJ pour la
FDJ, CCJCC
pour les
casinos
COJEX, ODJ
Instance
décisionnelle
DB
DB
DB
ARJEL
Agrément des points de
vente, des propriétaires,
des entraîneurs et des
jockeys par le SCCJ;
MAAF sur proposition de
la Fédération nationale
des courses françaises et
après avis des sociétés-
mères du PMU: calendrier
des courses hippiques
nationales et étrangères
pouvant servir de support
aux paris hippiques; DB
ARJEL pour l'agrément des
sites; SCCJ pour l'agrément
des propriétaires,
entraîneurs et jockeys;
MAAF sur proposition de la
Fédération nationale des
courses françaises et après
avis des sociétés-mères du
PMU: calendrier des
courses hippiques
nationales et étrangères
pouvant servir de support
aux paris hippiques en ligne
ARJEL
Instruction des dossiers
par le SCCJ. Autorisation
accordée par bureau des
cercles et jeux de la
DLPAJ
et approuvée par
le ministre de l'Intérieur,
"en considération d'un
cahier des charges établi
par le conseil municipal"
( art. L. 321-1 du code de
la sécurité intérieure)
DLPAJ pour
les casinos.
DB
pour la
FDJ.
DB
Autorisation
d'un nouveau
jeu
DB
DB
ARJEL
ARJEL
ARJEL
Dossier examiné par la
CCJCC, après avis du
SCCJ et de la DLPAJ
DB assistée par
le CGEFI;
DGFIP;
TRACFIN
ARJEL;
DGFIP;
TRACFIN
DB assistée
par le CGEFI;
DGFIP;
TRACFIN
ARJEL; DGFIP;
DGDDI;
TRACFIN
DB assistée par le
CGEFI; DGFIP; SCCJ;
TRACFIN
ARJEL; DGFIP; DGDDI;
TRACFIN; SCCJ
ARJEL;
DGFIP;
DGDDI;
TRACFIN
Surveillance policière :
Division de la
surveillance générale des
casinos et cercles de jeu
(DSGCC) du SCCJ;
TRACFIN ; DGDDI
Pour les
casinos :
DSGCC.
Pour la FDJ
: DB.
TRACFIN
ARJEL;
TRACFIN
ARJEL
DGDDI,
surveillance
policière
Retrait de jeu.
Commission
nationale des
sanctions (CNS)
en LAB/FT
Commissio
n des
sanctions
de l'ARJEL;
CNS
(LAB/FT)
Retrait de
jeu. CNS
(LAB/FT)
Commission des
sanctions de
l'ARJEL; CNS
(LAB/FT)
CNS (LAB/FT)
Commission des
sanctions de l'ARJEL;
CNS (LAB/FT)
Commission
des
sanctions de
l'ARJEL;
CNS
(LAB/FT)
SCCJ; procédures
contradictoires sous
l’égide de la D.L.P.A.J;
CNS (LAB/FT)
CNS
(LAB/FT)
Commission
des
sanctions de
l'ARJEL;
CNS
(LAB/FT)
ARJEL
DGDDI (cercles et
maisons de jeux
clandestins)
351 M€
228 M€
2 267 M€
255 M€
241 M€
2 436 M€
244 à 400 M€
26 millions
170 000
7 millions
139 000
38 millions de visiteurs
800 000
1 (FDJ)
1 (FDJ)
1 (FDJ)
10 agréments
1 (PMU)
8 agréments
11
agréments
201
FDJ +
casinos
1 (FDJ)
25 000
21 millions dont 5 millions de
réguliers
3 852 M€
BINGO en
dur
BINGO en
ligne
PARIS HIPPIQUES en
ligne
POKER
HORS
CASINO en
ligne
CASINOS en dur
Nombre d'opérateurs
Sanction
Autorisatio
n
PARIS HIPPIQUES en
points de vente
LOTERIES en
points de vente
LOTERIES
en ligne
PARIS
SPORTIFS
en points de
vente
PARIS
SPORTIFS en
ligne
Jeux d'argent
et de hasard en
ligne interdits
Jeux d'argent et
de hasard "en
dur" interdits
Contrôle
CA (PBJ) €
Nombre de joueurs
(Annuel)
Non réglementé
Licences
Régime mixte
Monopole(s)
Interdit
LEGENDE
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ANNEXES
185
Carte n° 1 :
l’évolution des réglementations des États membres de l’Union européenne
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COUR DES COMPTES
186
Annexe n° 10 :
les paradis des paris sportifs
Un récent rapport Sorbonne-ICSS souligne la multiplication des nouveaux opérateurs
de paris sur Internet, souvent dans des paradis fiscaux. Selon cette étude, plus de 8.000
opérateurs proposeraient des paris sportifs dans le monde. La plupart - environ 80 % - ont été
créés dans des territoires appliquant un faible taux de taxation et pratiquant souvent peu de
contrôles (Alderney, Gibraltar, Île de Man, Malte, province de Cagayan aux Philippines,
territoire du Kahnawake au Québec, Antigua et Barbuda, Costa Rica, etc.). La plupart de ces
opérateurs proposent leur offre de jeux partout dans le monde, souvent sans disposer des
autorisations nationales requises dans les pays de leurs clients, ce qui en fait des opérateurs
illégaux dans ces pays. Cette étude estime que 80 % des mises du marché mondial des paris
sportifs seraient ainsi illégales.
La cartographie ci-dessous, réalisée par l’Iris et citée dans le rapport Sorbonne-ICSS,
indique les pays qui sont devenus des « paradis de paris sportifs » :
Carte n° 2 :
les territoires « paradis » des paris sportifs
Source : rapport Université de Paris I Panthéon-Sorbonne et the international Center fort Sport Security, mai 2014
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ANNEXES
187
Annexe n° 11 :
le droit au pari prévu pour les manifestations sportives
Le droit d’exploitation des manifestations ou compétitions sportives est un droit de
propriété incorporelle sui generis, édicté par la loi du 13 juillet 1992. Reconnu par la
jurisprudence, il a été consacré par la loi du 12 mai 2010, dans le domaine des paris sportifs.
L’article 63 de cette loi, dont les dispositions ont été insérées aux articles L.333-1-1 et
suivants du code du sport, et qui concerne tant les paris sportifs en points de vente qu’en
ligne, s’articule autour de 3 axes :
-
La confirmation de l’application du droit de propriété des organisateurs de manifestations
sportives à l’activité de services de paris sportifs ;
-
L’encadrement des modalités d’exercice de ce droit de propriété dans le secteur des jeux
en ligne, afin d’une part de préserver l’intégrité des manifestations et compétitions
sportives et d’autre part de permettre un retour financier vers le sport, tout en assurant les
conditions effectives d’une ouverture à la concurrence du secteur des jeux en ligne ;
-
Les conditions de commercialisation des actifs incorporels dont sont titulaires les
associations, sociétés et fédérations sportives, aux opérateurs de paris en ligne.
Aucune offre de paris ne peut être proposée par un opérateur, sur une compétition se
déroulant en France, sans que ce droit d’exploitation ne lui ait été préalablement octroyé
contractuellement par son titulaire.
La loi a prévu un encadrement strict des conditions de commercialisation du droit au
pari ainsi créé : le droit d’exploitation doit être concédé à titre non exclusif, dans des
conditions non discriminatoires, et être rémunéré en prenant en compte notamment les frais
exposés par les organisateurs d’évènements pour la prévention et la détection de la fraude.
Le décret n° 2010- 614 du 7 juin 2010 relatif aux conditions de commercialisation des
droits portant sur l’organisation de paris en relation avec une manifestation ou compétition
sportives, qui concerne les paris en ligne, impose une procédure de consultation non
discriminatoire, ouverte à tous les opérateurs agréés, sur la base d’un cahier des charges établi
par l’organisateur. Ce cahier des charges fixe notamment les règles de la consultation, le
calendrier de la procédure d’attribution et le prix demandé, qui s’exprime en pourcentage du
montant des mises engrangées par l’opérateur. Il précise les mesures de surveillance et de
détection que l’organisateur entend mettre en oeuvre en matière de prévention des risques
d’atteinte à l’intégrité des compétitions, ainsi que les obligations d’information et de
transparence à la charge de l’opérateur de paris, en matière là aussi de prévention des risques
d’atteinte à l’intégrité des compétitions.
L’ARJEL est saisie pour avis des projets de contrats de droit de commercialisation du
droit d’organiser des paris. Son avis est obligatoire et préalable mais non conforme.
Elle estime que le dispositif instauré par le législateur en 2010 est un moyen adapté et
proportionné à l’objectif de sauvegarde de l’intégrité des opérations de paris pris sur les
compétitions sportives qui en sont les supports. Il n’a porté atteinte ni à la libre prestation de
services, ni à l’effectivité de la concurrence dans le secteur des paris en ligne.
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COUR DES COMPTES
188
Le mérite essentiel du dispositif est d’avoir instauré une coopération entre les trois
parties prenantes que sont l’organisateur, l’opérateur et le régulateur, renforçant ainsi la
préservation de l’intégrité des compétitions, par l’amélioration de la détection de mouvements
de paris suspects susceptibles de révéler une tentative de manipulation.
La fixation du prix, qui relève de la négociation commerciale, est en moyenne sur la
période un peu supérieure à 1 % du montant des mises engagées par les joueurs. Certains
opérateurs estiment toutefois ne pas disposer d’une marge de négociation suffisante en la
matière, en particulier lorsque l’un ou l’autre d’entre eux, moins sensible au prix, a conclu son
contrat.
Par ailleurs, pour certaines fédérations et certains organisateurs, le coût de mise en place
des contrats de droit au pari (frais d’avocat, etc.) excède le montant perçu, s’agissant de sports
générant peu de mises.
S’agissant du caractère pluriannuel des contrats, rien ne s’y oppose et la pratique est
d’ores et déjà largement répandue pour nombre d’évènements récurrents.
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