BPIFRANCE
Une mise en place réussie,
un développement à stabiliser,
des perspectives financières à consolider
Rapport public thématique
•
Bpifrance - novembre 2016
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Sommaire
Délibéré
..........................................................................................................
7
Introduction
...................................................................................................
9
Chapitre I
La mise en place de Bpifrance : une étape franchie
avec succès
....................................................................................................
13
I - Une nouvelle banque publique, née du regroupement de trois
entités existantes
............................................................................................
13
Le contexte et les ambitions initiales
..............................................................
13
A -
La concrétisation de la mise en place d’un point d’entrée unique pour
B -
le financement des entreprises
..............................................................................
17
II - La gouvernance : une complexité pour le moment maîtrisée
...................
24
Les défis de la détention du capital à parité par l’État et la Caisse des
A -
dépôts
...................................................................................................................
24
Une articulation pragmatique avec les régions
...............................................
30
B -
III - Une montée en puissance rapide facilitée par des dotations
publiques accrues
...........................................................................................
35
Une activité en croissance
..............................................................................
35
A -
De nombreuses initiatives appréciées en faveur de la dynamique
B -
entrepreneuriale et de l’accompagnement des entreprises
....................................
38
Un soutien fort de l’État
.................................................................................
39
C -
Une fonction de gestion des risques pas encore aux normes
..........................
47
D -
IV - Les contreparties salariales de la construction sociale d’un groupe
unique
............................................................................................................
48
L’héritage des structures regroupées
..............................................................
48
A -
La construction sociale du groupe Bpifrance et les mesures de
B -
revalorisation salariale qui l’ont accompagnée
.....................................................
50
Chapitre II
Un réel dynamisme, mais un positionnement
stratégique à clarifier pour chacun des métiers
........................................
63
I - Le financement en crédits des entreprises ; un infléchissement
nécessaire de la production après une phase de forte croissance
...................
63
Une ampleur et une dynamique plus fortes des financements de
A -
Bpifrance par rapport à Oséo
................................................................................
63
Une expansion qui doit être maîtrisée
.............................................................
70
B -
II - Le financement en fonds propres des PME : une intervention
soutenue, au risque d’une concurrence entre acteurs publics
.........................
75
Des interventions en forte croissance, une nouvelle stratégie
A -
d’investissement
...................................................................................................
77
Bpifrance - novembre 2016
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COUR DES COMPTES
4
Le risque d’une surabondance des fonds publics et de concurrence
B -
entre ces fonds
......................................................................................................
82
Les risques liés aux interventions sous forme d’investissements directs
........
87
C -
III - Les interventions en fonds propres dans les grandes entreprises et
les entreprises de taille intermédiaire, des objectifs stratégiques
incertains
........................................................................................................
90
Un portefeuille de participations largement hérité du Fonds stratégique
A -
d’investissement pour des raisons diverses
...........................................................
90
Une volonté d’évoluer vers le financement des ETI de croissance, des
B -
réalisations en retrait malgré la mise en oeuvre extensive de la doctrine
d’intervention
.......................................................................................................
96
Chapitre III
Un modèle économique et financier fragile qui
impose un développement maîtrisé
...........................................................
105
I - Des résultats jusqu’ici positifs
.................................................................
106
Un produit net bancaire en croissance
..........................................................
106
A -
Un faible coût du risque supporté par Bpifrance
...........................................
107
B -
Des résultats positifs
.....................................................................................
108
C -
La rentabilité des capitaux propres
...............................................................
110
D -
Une solvabilité du groupe assurée
.................................................................
111
E -
II - Une hausse des charges d’exploitation qui risque de créer une base
de coûts rigide
..............................................................................................
111
Une progression rapide des charges d’exploitation
......................................
111
A -
Une masse salariale et un effectif en augmentation
......................................
114
B -
Des coûts de fonctionnement élevés
.............................................................
117
C -
Un risque d’effet de ciseau sur l’activité de prêt de Bpifrance
.....................
121
D -
III - Un modèle économique et financier présentant des fragilités
intrinsèques
..................................................................................................
122
Une forte dépendance de l’activité de financement aux concours
A -
publics
................................................................................................................
122
Les incertitudes sur la capacité du pôle investissement à dégager
B -
durablement des résultats
....................................................................................
134
IV - Une double exigence pour l’avenir : maîtriser le développement
de l’activité et expliciter les conditions de son financement par l’État
........
137
Une programmation stratégique 2016-2019 qui ne répond pas
A -
complètement aux enjeux
...................................................................................
138
Une stratégie de développement et de financement à préciser
......................
141
B -
Conclusion générale
...................................................................................
145
Récapitulatif des recommandations
.........................................................
149
Annexes
.......................................................................................................
151
Réponses des administrations et des organismes concernés
...................
177
Bpifrance - novembre 2016
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Les rapports publics de la Cour des comptes
- Élaboration et publication -
La Cour des comptes publie, chaque année, un rapport public annuel
et des rapports publics thématiques.
Le présent rapport est un rapport public thématique.
Les rapports publics de la Cour s’appuient sur les contrôles et les
enquêtes conduits par la Cour des comptes ou les chambres régionales des
comptes et, pour certains, conjointement entre la Cour et les chambres
régionales ou entre les chambres. En tant que de besoin, il est fait appel au
concours d’experts extérieurs, et des consultations et des auditions sont
organisées pour bénéficier d’éclairages larges et variés.
Au sein de la Cour, ces travaux et leurs suites, notamment la
préparation des projets de texte destinés à un rapport public, sont réalisés par
l’une des sept chambres que comprend la Cour ou par une formation
associant plusieurs chambres.
Trois principes fondamentaux gouvernent l’organisation et l’activité
de la Cour des comptes, ainsi que des chambres régionales et territoriales des
comptes, et donc aussi bien l’exécution de leurs contrôles et enquêtes que
l’élaboration des rapports publics : l’indépendance, la contradiction et la
collégialité.
L’
indépendance
institutionnelle
des
juridictions
financières
et
statutaire de leurs membres garantit que les contrôles effectués et les
conclusions tirées le sont en toute liberté d’appréciation.
La
contradiction
implique
que
toutes
les
constatations
et
appréciations ressortant d’un contrôle ou d’une enquête, de même que toutes
les
observations
et
recommandations
formulées
ensuite,
sont
systématiquement soumises aux responsables des administrations ou
organismes concernés ; elles ne peuvent être rendues définitives qu’après
prise en compte des réponses reçues et, s’il y a lieu, après audition des
responsables concernés.
La publication d’un rapport public est nécessairement précédée par la
communication du projet de texte que la Cour se propose de publier aux
ministres et aux responsables des organismes concernés, ainsi qu’aux autres
personnes morales ou physiques directement intéressées. Dans le rapport
publié, leurs réponses accompagnent toujours le texte de la Cour.
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COUR DES COMPTES
6
La
collégialité
intervient pour conclure les principales étapes des
procédures de contrôle et de publication.
Tout contrôle ou enquête est confié à un ou plusieurs rapporteurs.
Leur rapport d’instruction, comme leurs projets ultérieurs d’observations et
de recommandations, provisoires et définitives, sont examinés et délibérés de
façon collégiale, par une chambre ou une autre formation comprenant au
moins trois magistrats, dont l’un assure le rôle de contre-rapporteur, chargé
notamment de veiller à la qualité des contrôles. Il en va de même pour les
projets de rapports publics.
Le contenu des projets de rapport public est défini, et leur élaboration
est suivie, par le comité du rapport public et des programmes, constitué du
Premier président, du Procureur général et des présidents de chambre de la
Cour, dont l’un exerce la fonction de rapporteur général.
Enfin, les projets de rapport public sont soumis, pour adoption, à la
chambre du conseil où siègent en formation plénière ou ordinaire, sous la
présidence du Premier président et en présence du Procureur général, les
présidents de chambre de la Cour, les conseillers maîtres et les conseillers
maîtres en service extraordinaire.
Ne prennent pas part aux délibérations des formations collégiales,
quelles qu’elles soient, les magistrats tenus de s’abstenir en raison des
fonctions qu’ils exercent ou ont exercées, ou pour tout autre motif
déontologique.
*
Les rapports publics de la Cour des comptes sont accessibles en ligne
sur le site internet de la Cour des comptes et des chambres régionales et
territoriales des comptes : www.ccomptes.fr.
Ils sont diffusés par
La Documentation Française
.
Bpifrance - novembre 2016
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Délibéré
La Cour des comptes, délibérant en chambre du conseil en
formation ordinaire, a adopté le présent rapport intitulé
Bpifrance :
une mise en place réussie, un développement à stabiliser, des
perspectives financières à consolider.
Le rapport a été arrêté au vu du projet communiqué au préalable
aux administrations et aux organismes concernés et des réponses
adressées en retour à la Cour.
Les réponses sont publiées à la suite du rapport. Elles engagent
la seule responsabilité de leurs auteurs.
Ont participé au délibéré :
M. Migaud, Premier président,
MM. Durrleman, Briet, Mme Ratte, MM. Vachia, Paul, Duchadeuil,
Piolé, Mme Moati, présidents de chambre, MM. Bertrand, Levy,
Mme Froment-Meurice, M. Lefas, présidents de chambre maintenus
en activité, MM. Ganser, Cazala, Banquey, Mmes Françoise Saliou,
Ulmann, MM. Maistre, Lair, de Gaulle, Uguen, Mousson, Guéroult,
Mme Malgorn, MM. Clément, Migus, Rousselot, de Nicolay,
Mme Dardayrol, MM. Brunner, Senhaji, Mme Périn, MM. Rocca,
Dubois, Thévenon, Tersen, Fialon, Mmes Latournarie-Willems,
Girardin,
Hamayon,
conseillers
maîtres,
MM.
Sarrazin,
Blanchard-Dignac,
conseillers maîtres en service extraordinaire.
Ont été entendus :
‐
en sa présentation, M. Briet, président de la chambre chargée
des travaux sur lesquels le rapport est fondé et de la préparation du
projet de rapport ;
‐
en son rapport, M. Paul, rapporteur général, rapporteur du
projet devant la chambre du conseil, assisté de Mmes Julien-Hiébel et
Cabossioras,
conseillères
référendaires,
rapporteures
devant
la
chambre chargée de préparer le rapport, et de Mme Monique Saliou,
conseillère maître, contre-rapporteur devant cette même chambre ;
‐
en ses conclusions, sans avoir pris part au délibéré, M. Johanet,
Procureur général, accompagné de M. Kruger, avocat général.
M. Filippini, secrétaire général, assurait le secrétariat de la
chambre du conseil.
Fait à la Cour, le 8 novembre 2016.
Bpifrance - novembre 2016
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COUR DES COMPTES
8
Le projet de rapport soumis à la chambre du conseil a été préparé,
puis délibéré le 2 septembre 2016, par la première chambre, présidée par
M. Briet, président de chambre, et composée de Mmes Morell, Ulmann,
Monique Saliou, Bouygard, Malgorn, M. Albertini, Mme Périn et
M. Levionnois, conseillers maîtres, ainsi que, en tant que rapporteurs,
Mmes Julien-Hiebel et Cabossioras, conseillères référendaires, et
Mme Denis rapporteure extérieure, et en tant que contre-rapporteur,
Mme Monique Saliou, conseillère maître.
Le projet de rapport a été examiné et approuvé, le 13 septembre
2016, par le comité du rapport public et des programmes de la Cour des
comptes, composé de M. Migaud, Premier président, MM. Durrleman,
Briet, Mme Ratte, MM. Vachia, Paul, rapporteur général du comité,
Duchadeuil, Piolé, Mme Moati, présidents de chambre, et M. Johanet,
procureur général, entendu en ses avis.
Bpifrance - novembre 2016
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Introduction
La banque publique d’investissement (BPI), dénommée Bpifrance,
a été créée par la loi du 31 décembre 2012. Elle avait vocation à
poursuivre et amplifier le soutien public au financement des entreprises,
pour faire face au risque d’assèchement de certains compartiments du
marché du crédit ainsi qu’aux insuffisances en fonds propres qui
pouvaient freiner la croissance des entreprises. La création de la BPI
visait également à rationaliser un paysage institutionnel fragmenté :
l’existence de nombreux canaux de financement des entreprises (Oséo,
Fonds stratégique d’investissement - FSI, CDC Entreprises, etc.),
intervenant sur des segments parfois proches, voire identiques, posait un
problème de lisibilité pour les petites et moyennes entreprises (PME)
dans les territoires.
Les contours de la BPI, et sa structuration, n’ont été dessinés que
progressivement, à partir de l’été 2012. Plusieurs sujets faisaient débat.
Le premier avait trait aux entités à regrouper au sein de la BPI. La Caisse
des dépôts ne souhaitait pas, à l’origine, se départir de sa filiale CDC
Entreprises, spécialisée dans le capital investissement en faveur des PME.
Plusieurs schémas ont, par ailleurs, été envisagés concernant le FSI
(regroupement de l’ensemble de ses activités, y compris celles relatives
aux grandes entreprises, au sein de Bpifrance ou de ses seules activités en
fonds propres relatives aux PME et ETI). La question s’est posée
également des formes d’association à la BPI des différents dispositifs de
soutien à l’exportation (Ubifrance, Coface). Enfin, les modalités de
gouvernance de la nouvelle entité ont suscité des débats parfois vifs
(modes d’association des régions à la BPI ; équilibre capitalistique au sein
de la BPI, entre l’État et la Caisse des dépôts et consignations).
En définitive, un équilibre a été trouvé sur ces différents sujets.
Bpifrance est née du regroupement de quatre entités, Oséo, CDC
Entreprises, le FSI et FSI Régions. Sa mise en place a donné naissance à
un groupe aux capacités d’actions démultipliées, avec un total de bilan de
63,8 Md€ à la fin de l’année 2015 et des interventions dans de très
nombreux domaines de l’économie (les prêts, les garanties de prêts
bancaires, le soutien à l’innovation, les interventions en fonds propres en
faveur des PME, ETI et grandes entreprises, le financement des
exportations). Certes, la plupart des outils mis en oeuvre par Bpifrance
sont l’héritage des différentes structures qu’elle a regroupées et dont les
racines sont parfois très anciennes. La création du groupe Bpifrance a
néanmoins donné une ampleur et une dynamique beaucoup plus fortes à
Bpifrance - novembre 2016
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COUR DES COMPTES
10
ces interventions, inscrites dans le cadre d’une stratégie renouvelée. En
2015,
les
interventions
de
Bpifrance,
en
crédits
comme
en
investissements en fonds propres, se sont élevées à 18,8 Md€
1
et ont
bénéficié à 71 196 entreprises.
Le groupe Bpifrance
Le groupe Bpifrance, dont le capital est détenu à parité par l’État,
via
un établissement public, l’EPIC Bpifrance, et la Caisse des dépôts et
consignations, est organisé sous forme d’une holding de tête, la société
anonyme Bpifrance (statut de compagnie financière), qui agit au travers de
ses filiales. Pour le financement en crédits des entreprises, il s’agit
principalement de Bpifrance financement, établissement de crédit, et dans
une moindre mesure, de Bpifrance régions. Pour les interventions en fonds
propres, il s’agit de Bpifrance participations et Bpifrance investissement. Le
groupe Bpifrance comptait, au 31 décembre 2015, un effectif de
2 190 ETP.
Le total de son bilan consolidé s’élevait à 63,8 Md€ en 2015.
Les deux métiers principaux du pôle financement sont : (1) le
financement des investissements et du cycle d’exploitation (crédits à moyen
ou long terme, financements à court terme) ; (2) les garanties des crédits
bancaires aux PME. Bpifrance financement est un acteur de place, qui a
vocation à entraîner, au bénéfice des entreprises, l’ensemble des partenaires
du financement, au premier plan desquels les banques.
Le pôle investissement de Bpifrance est organisé autour de trois
métiers : (1) les fonds de fonds, qui investissent notamment dans d’autres
fonds privés de capital développement, capital amorçage, capital-risque ; (2)
l’investissement direct dans les PME afin d’alimenter celles-ci en fonds
propres ou quasi-fonds propres (dit métier fonds propres PME) ; (3)
l’investissement
dans
les
grosses
PME,
les
entreprises
de
tailles
intermédiaires (ETI) et les grandes entreprises (GE), dit métier « moyennes et
grosses capitalisations ». Outre ses activités pour compte propre, Bpifrance
exerce également, pour le compte du programme d’investissement d’avenir
(PIA), un métier d’investisseur dans des « sociétés de projet industriel », ie
des projets en phase d’industrialisation sur des technologies innovantes.
Le métier du soutien à l’innovation emprunte, quant à lui, ses modes
d’intervention aux deux pôles. Il se traduit à la fois par des financements
(subventions, avances remboursables, prêts) et des investissements en fonds
propres.
1
Dont 13,3 Md€ de financement (crédits et aides) ; 1,8 Md€ d’investissement en
capital et 3,7 Md€ de garantie (accords en risques, représentant la quotité des prêts
bancaires accordés par des banques autres que Bpifrance et garantis par des fonds de
garantie gérés par Bpifrance mais abondés par des ressources publiques).
Bpifrance - novembre 2016
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INTRODUCTION
11
Dans le cadre de ses métiers, Bpifrance peut intervenir selon des
modalités distinctes. (1) Elle exerce certaines de ses activités pour son
compte propre, à partir de ressources propres, même si ses actionnaires en
retirent ultimement les fruits : c’est le cas, par exemple, des prêts à moyen et
long terme aux entreprises qui ne sont pas adossés aux fonds de garantie
gérés par Bpifrance et abondés par des ressources publiques (État, régions,
etc.). (2) En revanche, les activités de financement de l’innovation, de
garantie des crédits bancaires aux PME, et, pour partie, de crédits aux
entreprises (lorsque ces derniers sont adossés aux fonds de garantie
mentionnés
supra
) sont directement ou indirectement financées sur des
ressources publiques dédiées (dotations de fonds de garantie et de fonds
d’innovation). (3) Enfin, Bpifrance gère également des fonds pour compte de
tiers. Il s’agit notamment des fonds qui lui ont été confiés par l’
É
tat dans le
cadre du programme des investissements d’avenir.
Tableau n° 1 :
répartition des interventions de Bpifrance
entre activités pour compte propre et activités financées
sur des ressources publiques
dédiées
2
Source : Bpifrance, retraitements Cour des comptes
Trois ans après sa création, il est encore trop tôt pour mesurer
l’impact des interventions de Bpifrance, dans la mesure où, pour certains
de ses outils, notamment dans le domaine du capital investissement, cette
efficacité ne pourra être évaluée que dans dix à quinze ans. Ce premier
2
Le mode de comptabilisation des données figurant dans ce tableau sont précisées en
annexe du rapport.
Bpifrance - novembre 2016
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
12
bilan vise donc principalement à analyser les conditions de mise en place
de Bpifrance, les modalités d’exercice de ses missions, et à identifier les
principaux enjeux auxquels l’entreprise est confrontée après une première
phase de développement rapide. Il n’a, en revanche, pas vocation à
dresser un diagnostic global sur la situation du financement de
l’économie française, thème que la Cour a déjà eu l’occasion de traiter
dans un rapport public thématique en date de juillet 2012
3
.
Le présent rapport considère l’action de Bpifrance dans toutes ses
dimensions : à la fois ses activités pour compte propre, c’est-à-dire financées
sur ses ressources propres, et ses activités pour compte de tiers – à savoir
l’État ou d’autres collectivités publiques, avec des ressources dédiées
confiées par ces collectivités. Il s’efforce également d’apprécier les
interventions de Bpifrance au regard des évolutions de la situation
économique et financière du pays et notamment des changements intervenus
entre 2012 et 2016 en matière de soutien, public ou privé, aux entreprises.
Méthodologie de l’enquête
Le bilan de la mise en place et de l’action de Bpifrance, établi par la
Cour, a reposé sur des entretiens, des déplacements en régions, et une
analyse approfondie des comptes et de la gestion de la banque. L’équipe des
rapporteurs de la Cour a mené plus d’une centaine d’entretiens, dont la liste
figure en annexe, au sein de Bpifrance, des administrations, de la Caisse des
dépôts et consignations, des collectivités territoriales, et des différentes
parties prenantes (organisations professionnelles, banques commerciales,
entrepreneurs, économistes, cercles de réflexion et personnalités qualifiées).
Sur la large palette de missions confiées à Bpifrance, toutes n’ont pas fait
l’objet de la même attention. L’analyse ne pouvait pas entrer dans le détail
de chaque dispositif, en raison de leur diversité et du fait que chacun pourrait
appeler des commentaires particuliers. Elle s’est fondée sur les principaux
d’entre eux, ceux qui mobilisent les financements les plus importants ou
bien, dans le domaine de l’investissement, sur la stratégie générale de
Bpifrance et sur l’analyse des dossiers d’investissement de ses principaux
fonds de capital investissement.
Le présent rapport analyse de quelle manière Bpifrance s’est mise
en place (chapitre I), les modalités d’exercice et la stratégie mise en
oeuvre au sein de ses différents métiers (chapitre II), et les résultats et
principales caractéristiques du modèle économique et financier de
Bpifrance, ainsi que ses perspectives d’avenir (chapitre III).
3
Cour des comptes,
Rapport public thématique
:
L’État et le financement de
l’économie
. La Documentation française, juillet 2012, 306 p., disponible sur
www.ccomptes.fr
Bpifrance - novembre 2016
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Chapitre I
La mise en place de Bpifrance : une
étape franchie avec succès
I -
Une nouvelle banque publique,
née du regroupement de trois entités existantes
Le contexte et les ambitions initiales
A -
1 -
Le contexte économique et financier : de nombreux facteurs
d’incertitudes susceptibles de peser sur le financement
des entreprises
L’une des premières motivations de la création de la banque
publique d’investissement (BPI) était de poursuivre et d’amplifier le
soutien public au financement des entreprises, dans un contexte
économique et financier susceptible, selon les pouvoirs publics, de peser
sur le financement de leur croissance. L’étude d’impact du projet de loi
relatif à la création de la BPI indiquait, certes, en octobre 2012, qu’au
niveau macroéconomique, aucune contraction généralisée du crédit
n’avait été constatée auprès des entreprises et que l’accès au crédit avait
Bpifrance - novembre 2016
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COUR DES COMPTES
14
globalement bien résisté pendant la crise, notamment pour les PME
4
.
Pour autant, cette étude soulignait que certaines PME industrielles ou
innovantes semblaient éprouver plus de difficultés à accéder au crédit
bancaire, sans que ce phénomène se transcrive dans les indicateurs
macroéconomiques. Ce décalage persistant en France entre des chiffres
globalement satisfaisants sur l’accès au crédit bancaire et une perception
de terrain beaucoup plus critique a été également relevé dans le récent
rapport sur le financement de l’investissement des entreprises, remis au
Premier ministre par Monsieur Villeroy de Galhau en août 2015.
Il est avéré, par ailleurs, que les banques ont effectivement durci
leurs critères d’octroi de crédit dans l’hiver 2008-2009, après la faillite de
la banque Lehman Brothers, et qu’à la suite des tensions de liquidité de
2011, et sous la pression des ratios prudentiels exigés par les organes de
supervision, tous les réseaux français ont visé une diminution de leur ratio
crédits/dépôts, principalement et officiellement par augmentation des
dépôts, parfois sans doute par freinage des crédits
5
. La BPI devait donc
permettre de soutenir le financement des entreprises également dans le
contexte de la nouvelle règlementation prudentielle dite « Bâle III », qui
visait à rendre le système bancaire plus solide par l’instauration de
nouvelles contraintes en capital réglementaire et en liquidité, contraintes
qui pouvaient entraîner des risques de renchérissement et de contraction
du crédit pour les PME.
C’est l’ensemble de ces facteurs d’incertitudes sur l’évolution du
financement privé de la croissance des entreprises qui a motivé la création
d’une banque publique d’investissement. Plus généralement, la BPI avait
vocation à soutenir particulièrement les entreprises de croissance,
technologiques, innovantes ou industrielles, et à inscrire son action dans
les objectifs du gouvernement et des régions en termes de politique
industrielle.
4
L’étude souligne : « Le ralentissement de la distribution du crédit apparait
globalement modérée comparé aux précédents épisodes de recul du crédit en France,
en particulier, la crise de 1993, et de la situation des autres pays de la zone euro. Les
tensions sur l’accès au crédit des PME apparaissent contenues en France et les
encours se révèlent toujours plus dynamiques que l’activité économique globale ».
5
Voir le rapport sur le financement de l’investissement des entreprises, cité
supra
.
Bpifrance - novembre 2016
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LA MISE EN PLACE DE BPIFRANCE : UNE ÉTAPE FRANCHIE AVEC SUCCÈS
15
2 -
La volonté de rationaliser le soutien public au financement
des PME
Le projet de banque publique d’investissement visait également à
rationaliser le paysage institutionnel alors fragmenté du financement des
entreprises en France. L’existence de nombreux canaux de financement
(notamment Oséo, Fonds stratégique d’investissement, CDC Entreprises),
intervenant sur des segments parfois proches, voire identiques, posait un
problème de lisibilité pour les PME dans les territoires. Ces différents
acteurs étaient largement interconnectés, avec des participations croisées
multiples, mais plus ou moins bien coordonnés. Par exemple, la Caisse
des dépôts détenait près de 27 % du capital d’Oséo, 51 % du FSI et 100 %
de CDC Entreprises, qui détenait 80 % de FSI Régions – Oséo détenant
les 20 % restant.
Schéma n° 1 :
les dispositifs publics de financement
des entreprises avant la création de Bpifrance
6
Source : Cour des comptes
6
L’infographie n’est pas exhaustive, OSEO Régions par exemple n’y figurant pas.
Bpifrance - novembre 2016
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COUR DES COMPTES
16
La banque publique d’investissement avait vocation, dans ce
contexte, à permettre aux entreprises de disposer dans un seul lieu, dans
chaque région, d’un accès à l’intégralité de la palette d’offres de services
en garantie, prêts, aide à l’innovation, soutien en fonds propres et
accompagnement à l’exportation. La création de la BPI devait également
constituer l’opportunité d’une mutualisation et d’une articulation nouvelle
de l’intervention de l’État et des régions pour les politiques de
développement économique, dans un contexte où les régions avaient
déployé, en particulier depuis 2004, de nombreux dispositifs de soutien
au développement des entreprises. Enfin, elle devait permettre de créer un
continuum dans les interventions en faveur du financement pour les
entreprises, afin de les accompagner y compris jusqu’aux marchés
internationaux, grâce à une meilleure coordination de son action avec les
autres dispositifs publics d’appui à l’exportation, Ubifrance
7
et Coface
direction des garanties publiques (DGP)
8
.
3 -
Un objectif d’amélioration des délais de traitement
des demandes de financement
La mise en place de la BPI avait, en outre, pour objectif d’apporter
aux entreprises des réponses dans des délais réduits et de faciliter leur
parcours de recherche de financement, afin de voir à terme 90 % des
opérations décidées au niveau régional.
7
Établissement public (1 375 ETP en 2012) en charge de l’accompagnement des
entreprises françaises à l’exportation, à travers notamment son réseau à l’étranger.
Ubifrance a fusionné au 1
er
janvier 2015 avec l’Agence française pour les
investissements internationaux (AFII) pour former un nouvel opérateur, dénommé
Business France.
8
La Coface, entreprise privée, était un assureur-crédit, qui gérait, pour le compte de
l’État, et avec sa garantie, des procédures d’assurance des contrats d’exportation dont
les risques sont trop importants pour que les institutions financières privées
interviennent, ou du moins, interviennent seules (270 ETP consacrés à cette mission
en 2012).
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LA MISE EN PLACE DE BPIFRANCE : UNE ÉTAPE FRANCHIE AVEC SUCCÈS
17
La concrétisation de la mise en place d’un point
B -
d’entrée unique pour le financement des entreprises
1 -
La mise en place des nouvelles structures
a)
Une mise en place rapide
Créée par la loi du 31 décembre 2012, la banque publique
d’investissement a été véritablement opérationnelle à compter du
12 juillet 2013, date à laquelle les apports de l’État et de la Caisse des
dépôts au capital de la nouvelle structure ont été réalisés. Les organes de
gouvernance avaient cependant commencé à se réunir avant cette date :
premier conseil d’administration, le 21 février 2013 et première réunion
du conseil national d’orientation, le 17 avril 2013 (voir
infra
). La doctrine
d’intervention de Bpifrance a été présentée au Parlement en mai 2013 et
adoptée par le conseil d’administration en juin.
Schéma n° 2 :
structure simplifiée du groupe Bpifrance
et de son actionnariat
Source : Cour des comptes
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COUR DES COMPTES
18
La mise en place rapide de Bpifrance doit largement au fait que la
nouvelle entité a regroupé des entités préexistantes, dont elle a poursuivi
les métiers et sur la légitimité desquelles elle a pu capitaliser (Oséo, CDC
Entreprises et le fonds stratégique d’investissement –FSI). Bpifrance est
une entité nouvelle, mais la plupart des outils qu’elle met en oeuvre sont
l’héritage de ces différentes structures, et leurs racines sont parfois très
anciennes. Oséo, constitué en 2005, résultait ainsi du rapprochement de la
Banque de développement des PME (BDPME) et de l’Agence nationale
de valorisation de la recherche (ANVAR), elles-mêmes issues du
rapprochement de nombreuses entités, dont la première a été créée en
1923, la Caisse centrale de crédit hôtelier. Bpfirance est donc la dernière
étape d’une longue histoire de politiques publiques en faveur du
financement et du soutien aux entreprises. La création de Bpifrance a eu
le mérite de regrouper des structures existantes, sans chercher à en créer
de nouvelles.
Principales entités regroupées au sein de Bpifrance
Bpifrance a regroupé les principales entités suivantes :
-
le groupe Oséo, devenu Bpifrance financement, dont le capital était
détenu majoritairement par l’État (62,81 %), par l’intermédiaire d’un
établissement public industriel et commercial (EPIC) et minoritairement
par la Caisse des dépôts et consignations (26,89 %) ainsi que par des
établissements financiers (banques et assurances) pour environ 10 %, qui
exerçait les métiers de prêts, de garanties et de soutien à l’innovation ;
-
CDC Entreprises, devenu Bpifrance investissement, société de gestion,
filiale à 100 % de la Caisse des dépôts et consignations, chargée d’une
activité d’investissement dans les PME, notamment dans des segments
présentant des défaillances de marché (le segment du capital-risque, en
particulier
au
stade
de
l’amorçage,
et
le
segment
du
capital
développement).
CDC
Entreprises
détenait
une
filiale,
Avenir
Entreprises (devenue FSI Régions), outil consacré au renforcement des
fonds propres des PME déployé en région ;
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LA MISE EN PLACE DE BPIFRANCE : UNE ÉTAPE FRANCHIE AVEC SUCCÈS
19
-
le
fonds
stratégique
d’investissement
(FSI),
devenu
Bpifrance
participations, créé en 2008, dont le capital était détenu à 51 % par la
Caisse des dépôts et consignations et à 49 % par l’État et dont la
vocation était de soutenir la compétitivité de l’économie française par
des investissements en fonds propres dans les entreprises
9
.
b)
Une construction encore inachevée sur plusieurs aspects
Si la mise en place de Bpifrance a été rapide, sa structuration
juridique et opérationnelle a, de manière logique, pris plus de temps.
Ainsi, la réorganisation juridique du pôle investissement de Bpifrance
n’est intervenue qu’au 31 mars 2014. La structuration interne de
Bpifrance demeure encore en cours sur plusieurs aspects
10
. En effet, la
constitution du groupe, le développement accru de ses activités, combinés
au renforcement des contraintes réglementaires et à la mise en place du
mécanisme de supervision unique sous la responsabilité de la Banque
centrale européenne (BCE), obligent à davantage structurer certaines
fonctions, en particulier le contrôle des risques, à mettre en place des
fonctions de pilotage (par exemple, pour les reportings réglementaires) et
à désormais formaliser de manière plus systématique certains processus.
2 -
La mise en oeuvre d’un point d’entrée unique
La création de Bpifrance visait à permettre aux entreprises de
disposer d’une gamme complète d’interventions (participation au capital
et prêts) auprès d’un interlocuteur unique. Ce point d’entrée unique
s’incarne aujourd’hui notamment au niveau du réseau de Bpifrance
11
, où
sont représentés, au sein d’une direction régionale, l’ensemble des métiers
de la banque, qu’ils relèvent du financement ou de l’investissement en
fonds propres, ce qui permet aux entreprises de disposer dans un seul lieu,
9
Ses investissements étaient réalisés sous deux formes : des prises de participations
minoritaires directes, avec une implication dans la gouvernance dans des ETI et
grandes entreprises ; une délégation de gestion à CDC Entreprises pour des
investissements directs et en fonds de fonds dans des PME.
10
L’unification des systèmes informatiques métiers et l’harmonisation des procédures
de suivi des participations est, par exemple, encore en cours sur la partie
investissement
11
Le réseau de Bpifrance se compose de 43 implantations (30 directions régionales et
13 délégations territoriales). Le conseil d’administration de Bpifrance a autorisé, en
décembre 2015, l’ouverture de cinq nouvelles délégations territoriales (Troyes,
Bourg-en-Bresse, La Rochelle, La Roche-sur-Yon, Avignon).
Bpifrance - novembre 2016
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20
dans chaque région, d’un accès à l’intégralité de la palette d’offres de
services en garantie, prêts, aides à l’innovation, soutien en fonds propres
et accompagnement à l’export
12
. Plus de 90 % des demandes de
financement (en nombre) font l’objet d’une décision par le réseau, sans
remonter au siège
13
.
Le fait de pouvoir disposer auprès d’un interlocuteur unique, le
groupe Bpifrance de la quasi-totalité de la palette des instruments
financiers mobilisables constitue un progrès par rapport à la situation
antérieure
14
où
ces
instruments
étaient
répartis
entre
plusieurs
établissements, la plupart désormais regroupés au sein de Bpifrance
(Oséo, CDC Entreprises, FSI et directions régionales de la Caisse des
dépôts
15
). Des mesures avaient certes été mises en place, avant la création
de Bpifrance, pour accroître les synergies entre ces différentes entités,
mais elles demeuraient insuffisantes
16
.
L’un des enjeux de Bpifrance est de développer davantage les
synergies entre les métiers du financement et de l’investissement.
Aujourd’hui, le réseau de Bpifrance apporte un nombre important de
dossiers d’investissement au métier fonds propres PME. En 2015, 51 %
des dossiers décaissés par ce métier
17
ont été apportés par le pôle
financement de Bpifrance. Ces apports sont concentrés principalement sur
certains fonds (les fonds France investissement régions). Le souhait de
Bpifrance est de développer ces apports en direction d’autres fonds,
privés ou gérés par le groupe.
12
Sont présents dans le réseau de Bpifrance une cinquantaine d’investisseurs, qui
relèvent hiérarchiquement de Bpifrance investissement.
13
Sur les 136 000 demandes examinées en 2013-2014, tous produits de financement
confondus (prêts moyen et long terme, financements court terme, garanties),
représentant plus de 30 Md€, plus de 90 % en nombre ont fait l’objet d’une décision
par le réseau (125 000 dossiers), représentant plus de 50 % en montant net
(16,7 Md€). Cette proportion était identique du temps d’Oséo, mais les niveaux de
délégation de décision au profit du réseau ont été sensiblement relevés depuis la
création de Bpifrance pour tenir compte de l’augmentation du montant moyen des
prêts accordés (par exemple, de 3 à 5 M€ pour les directeurs de réseau).
14
Il ressort d’un baromètre de notoriété et d’image de Bpifrance, réalisé par
Opinionway
en 2014, que les dirigeants d’entreprises qui prennent position sur la
restructuration de Bpifrance en un établissement unique considèrent globalement qu’il
s’agit d’un progrès.
15
Les directions régionales de la Caisse des dépôts, qui mettent en oeuvre, au plan
local, les missions d’intérêt général de la Caisse, représentaient, sur les territoires, les
métiers de CDC Entreprises et du FSI.
16
Parmi celles-ci figure, par exemple, la création en 2011 de FSI Régions, qui visait à
renforcer la présence du Fonds stratégique d’investissement en régions mais aussi la
complémentarité avec Oséo, avec des équipes de FSI Régions regroupées
physiquement avec celles d’Oséo.
17
38 % en montant.
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21
3 -
Une nouvelle étape dans le domaine du soutien à l’exportation
Dans le domaine du soutien des entreprises à l’exportation, la
création de Bpifrance s’est accompagnée de la mise en place dès mai
2013, sous le label de Bpifrance export, d’un partenariat renforcé entre le
nouvel établissement, l’ex-Ubifrance, devenu Business France, et la
Coface, qui permet de regrouper, au sein du réseau Bpifrance, les trois
métiers du financement de l’exportation, de l’accompagnement des
entreprises à l’exportation et de l’assurance des contrats d’exportation. Ce
partenariat a renforcé les synergies entre les réseaux et le rapprochement
des équipes déjà, en partie, à l’oeuvre entre Oséo et Ubifrance. Ont ainsi
été installés, au sein des implantations régionales de Bpifrance, des
chargés d’affaires internationaux de Business France
18
, qui devaient
notamment assurer, dans le cadre du pacte national pour la croissance, la
compétitivité
et
l’emploi,
un
accompagnement
personnalisé
à
l’international de 1 000 PME et ETI de croissance
19
et des développeurs
Coface
20
afin de distribuer les dispositifs des garanties publiques Coface
(assurance prospection, assurance-crédit et assurance investissement).
Une nouvelle étape, visant à renforcer le rôle de Bpifrance dans le
domaine du soutien des entreprises à l’exportation, est récemment
intervenue, qui se traduit, principalement, de trois manières :
-
le renforcement de l’intégration des équipes de Business France au
sein du réseau Bpifrance
21
;
-
la mise en place, courant 2015, à la demande des pouvoirs publics,
d’une activité de financement des opérations d’exportation des
entreprises implantées en France, sous forme d’octroi de crédits-
export de montant limité et de rachat de crédits fournisseur
22
;
18
Une quarantaine de chargés d’affaires en 2016.
19
Voir l’action 14 du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi
(6 novembre 2012).
20
Seize collaborateurs Coface étaient présents dans le réseau Bpifrance en janvier 2016.
21
La dernière convention cadre de partenariat entre Bpifrance et Business France, en
date du 12 février 2016, vise ainsi à un maillage renforcé des équipes de chargés
d’affaires internationaux de Business France dans le réseau Bpifrance et à
l’enrichissement du partenariat en termes d’offres et de cibles d’entreprises.
22
Le financement à moyen terme d’un contrat commercial d’exportation se décline en
deux produits : le crédit acheteur, qui est un crédit octroyé par Bpifrance au client
étranger de l’exportateur ; le crédit fournisseur qui est octroyé par l’exportateur à son
client puis racheté sans recours par Bpifrance. Bpifrance a vocation à intervenir, en
priorité, sur les crédits-export de petits montants (en financement exclusif sur les
crédits exports d’un montant inférieur à 25 M€ et, au-delà, en cofinancement pour des
tickets d’un montant maximum de 75 M€).
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22
-
l’intégration de Coface
23
direction des garanties publiques au sein de
Bpifrance dans le cadre d’une nouvelle filiale (Bpifrance assurance
export).
Cette intégration répond au souhait de l’État de regrouper au sein
du même établissement l’ensemble des dispositifs publics de soutien au
développement des entreprises, en France et à l’étranger, afin d’améliorer
les performances des entreprises françaises à l’export. Créée en décembre
2015, Bpifrance assurance export est une société filiale à 100 % de
Bpifrance SA
24
. Elle a vocation, pour des raisons juridiques, à assurer
uniquement les missions exercées jusque-là par la direction des garanties
publiques de la Coface. Le transfert des garanties publiques n’aura pas
d’influence sur la répartition des risques entre l’État et son prestataire :
l’État continuera de porter l’intégralité des risques liés à l’octroi des
garanties, qui ne figureront pas au bilan du groupe Bpifrance. De ce fait,
la nouvelle filiale de Bpifrance sera soumise à la tutelle de l’État
25
. Le
transfert des garanties publiques à Bpifrance s’accompagnera d’une
indemnisation de Coface à hauteur de 77,2 M€, dont 52,8 M€ dus par
l’État à titre d’indemnisation de la perte de synergies (bail et charges
résiduels, coûts partagés non rationalisables, impact relatif à la TVA), et
24,4 M€ dus par Bpifrance au titre de la valeur de l’activité de gestion des
garanties publiques diminuée des passifs nets des actifs comptables
cédés
26
. D’un point de vue opérationnel, les principaux enjeux concernent
le basculement des systèmes d’information et le transfert des personnels.
Le transfert des garanties publiques devra avoir lieu au plus tard le
31 décembre 2016, d’après la loi.
23
La Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur (Coface), ancienne
compagnie d'État aujourd'hui privée et cotée en bourse, gérait depuis 1946 l'activité
d'assurance-crédit à l'exportation pour le compte de l'État dans le cadre d'une
convention renouvelée tous les trois ans. Ce dispositif de garanties publiques à
l’export a vocation à soutenir les entreprises françaises exportatrices et importatrices.
24
Elle est présidée par le directeur général du groupe Bpifrance. Il est prévu que
l’ensemble des personnels de la Coface de la direction des garanties publiques ou
exerçant une activité dédiée ou substantiellement consacrée aux garanties publiques
soient transférés à Bpifrance Assurance Export. Le siège de l’activité déménagerait de
Bois-Colombes à Paris, rue Drouot.
25
Comme auparavant, décisions d’octroi des garanties relevant du ministre, définition
par l’État des procédures, veto de la tutelle sur certaines décisions, nomination du
directeur général par le ministre de l’économie.
26
Protocole préliminaire conclu le 2 juillet 2015 entre l’État, Coface et BPI Groupe.
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LA MISE EN PLACE DE BPIFRANCE : UNE ÉTAPE FRANCHIE AVEC SUCCÈS
23
Au-delà, la conclusion d’une convention de partenariat entre
l’Agence française de développement (AFD) et de la Caisse des dépôts et
consignations (CDC) pourrait ouvrir des perspectives pour accroître
encore davantage les synergies entre l’AFD, sa filiale Proparco
27
et
Bpifrance
28
dans
l’accompagnement
des
entreprises
françaises
à
l’étranger.
Le renforcement des compétences de Bpifrance dans le domaine
du soutien à l’exportation n’en fait toutefois pas l’interlocuteur unique
des entreprises. En effet, dans le contexte de la crise de 2008, l’État a
souhaité mettre en oeuvre un dispositif public de soutien au crédit export
plus complet, au sein duquel SFIL/CAFFIL
29
est le pivot d’une titrisation
et d’un refinancement des contrats d’exportation les plus élevés,
Bpifrance ayant, pour sa part, mis en place une offre de crédit export pour
les PME et les ETI pour des montants compris entre 1 et 75 M€.
27
Proparco est une filiale de l’AFD dédiée au financement du secteur privé dans les
pays du sud, à travers des instruments financiers non concessionnels et de long terme
(prêts, prises de participation, garanties). La CDC détient 6,15 % du capital de
Proparco, par l’intermédiaire d’une holding de participations, Elan PME, dont elle a
confié la gestion à Bpifrance investissement. Bpifrance dispose aujourd’hui d’un siège
au conseil d’administration de Proparco au titre de son rôle de gestionnaire de la
participation de la Caisse. La reprise par Bpifrance des parts de la CDC, envisagée en
2014, ne s’est pas concrétisée jusqu’à présent.
28
Le rapport au Président de la République, en date de janvier 2016, «
Rapprocher
l’AFD et la CDC au service du développement et de la solidarité internationale
»,
mentionnait que tout en restant une filiale de l’AFD, Proparco pourrait développer des
synergies avec Bpifrance, par exemple dans l’analyse des risques, l’ingénierie
financière, la mobilisation des réseaux bancaires partenaires, etc. Le réseau de l’AFD
pourrait devenir plus ouvert aux demandes des entreprises. Le rapport suggérait
également que la Caisse pourrait, par ailleurs, directement et/ou avec Bpifrance,
accroître sa présence au capital de Proparco, en renforçant sa participation minoritaire.
29
Née du plan de résolution ordonnée du groupe bancaire Dexia avec la mise en
gestion extinctive de l’établissement franco-belge à partir de 2011, la société de
financement local, désormais appelée SFIL, est détenue à 75 % par l’État, la Caisse
des dépôts et consignations et La Banque Postale étant présentes à hauteur
respectivement de 20 % et de 5 %.
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24
II -
La gouvernance : une complexité
pour le moment maîtrisée
Les défis de la détention du capital à parité
A -
par l’État et la Caisse des dépôts
1 -
Des apports valorisés de manière à obtenir une exacte parité
entre les deux actionnaires
Les entités regroupées au sein de Bpifrance ont chacune fait l’objet
d’une valorisation, sur laquelle les actionnaires, l’État et la Caisse des
dépôts, se sont accordés au terme d’un processus de
due diligences
croisées
30
et de diligences réglementaires opérées par des commissaires
aux apports. Cette valorisation ne permettait toutefois pas d’atteindre la
parité entre l’État et la Caisse des dépôts dans les droits de vote et le
capital de Bpifrance. La Caisse de dépôts a donc dû procéder à des
apports complémentaires sous forme de titres (essentiellement des actions
Areva ainsi que des parts de fonds communs de placement dont la plupart
étaient gérés par l’ex-CDC Entreprises), pour un montant de 324 M€, et
de numéraire (232 M€) pour parvenir à l’exacte parité avec l’État.
Tableau n° 2 :
valorisation des apports
de l’État et de la Caisse des dépôts
et consignations lors de la création de la BPI
(M€)
État
CDC
FSI
7 232
7 527
Oséo
1 678
725
CDC Entreprises
150
SOFIRED
47
Actifs complémentaires
CDC
324
Apport numéraire CDC
232
Total
8 957
8 957
Source : Traités des apports, retraitements Cour des comptes
30
La
due diligence
ou diligence raisonnable est l'ensemble des vérifications qu'un
éventuel acquéreur ou investisseur va réaliser avant une transaction afin de se faire
une idée précise de la situation d'une entreprise.
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LA MISE EN PLACE DE BPIFRANCE : UNE ÉTAPE FRANCHIE AVEC SUCCÈS
25
La valorisation du FSI et d’Oséo a été réalisée à partir de l’actif net
réévalué de ces sociétés
31
, sans tenir compte de leurs résultats futurs.
Dans le cas d’Oséo, les autres méthodes de valorisation usuellement
utilisées – transactions comparables et actualisation des bénéfices futurs –
ont été rejetées au motif qu’il n’existait pas d’acteur sur le marché auquel
Oséo aurait pu être comparé (en raison notamment de ses activités
d’intérêt général financées par voie de dotations publiques et de son rôle
de soutien à l’économie).
La valorisation de CDC Entreprises (150 M€) a été effectuée sur la
base d’une méthode d’actualisation des bénéfices futurs. Ces derniers ont
inclus les commissions de gestion provenant des actifs sous gestion en 2012
(7,8 Md€) et celles à attendre de la gestion de fonds confiés dans la mise en
oeuvre de France investissement 2020 (3 Md€ supplémentaires à horizon
2017). Ces nouveaux fonds sont aujourd’hui portés pour une large part par
Bpifrance. De façon générale, la méthode d’actualisation des flux futurs
apparaît pertinente pour valoriser une société de gestion qui tire sa valeur
d’une part des commissions de gestion des encours qui lui ont déjà été
confiés, et d’autre part de la capacité de l’équipe de gestion à gérer ces
fonds de façon rentable pour les investisseurs et de ce fait, à lever de
nouveaux fonds. CDC entreprises n’est, toutefois, pas réellement
comparable à une société de gestion privée. En effet, les sommes souscrites
dans les fonds gérés par CDC Entreprises étaient d’origine publique à 90 %
et allouées unilatéralement à la société de gestion
32
. Son chiffre d’affaires et
ses résultats étaient, en outre, entièrement liés à la perception de
commissions
de
gestion
versées
par
des
souscripteurs
publics,
indépendamment de la rentabilité des investissements et des performances
financières réalisées sur le long terme.
Par ailleurs, la méthode retenue conduit à actualiser des
commissions de gestion aujourd’hui perçues par l’ex-CDC Entreprises
(devenue Bpifrance investissement) sur des fonds que la Caisse a
transférés directement, ou indirectement au travers de l’ex-FSI, à
Bpifrance, sans que les commissions futures sur ces fonds n’aient été
déduites par ailleurs de la valorisation des parts de fonds apportées par la
CDC à Bpifrance.
31
À quelques ajustements près pour le FSI, où la valorisation du portefeuille a été
ajustée pour tenir compte du consensus de marché (valorisation 60/40 entre la valeur
boursière et le consensus des analystes) et de la déduction des coûts futurs de la
holding.
32
Le montant total des actifs sous gestion de CDC entreprises était, au moment des
apports, de 7,8 Md€. Sur cette somme, 5,8 Md€ étaient gérés pour le compte du FSI,
0,1 Md€ pour le compte de la Caisse des dépôts, 1,1 Md€ pour le compte de l’État et
0,8 Md€ pour le compte de tiers privés
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COUR DES COMPTES
26
Le choix aurait pu être de valoriser CDC entreprises en tant
qu’apport de la Caisse sur la seule base des encours déjà gérés, et
apportés par des investisseurs autres que la Caisse. Cela aurait abouti à
une valorisation sensiblement inférieure, de plusieurs dizaines de millions
d’euros. Cela étant, les choix des paramètres de valorisation retenus pour
CDC Entreprises n’ont de conséquences que sur une faible part des
apports (de l’ordre de 1 % des apports totaux). Une valorisation moins
élevée de CDC entreprises aurait obligé la Caisse à augmenter son apport
en numéraire de quelques dizaines de millions d’euros.
Ce choix a néanmoins eu une autre conséquence. La valorisation
élevée de CDC Entreprises a, en effet, conduit à accroître mécaniquement
le prix du rachat, par la Caisse des dépôts, des actions de préférence
attribuées aux salariés de CDC Entreprises. La valeur de rachat de ces
actions était, en effet, calée sur la valorisation de CDC Entreprises dans le
cadre des apports de la société de gestion à Bpifrance (valorisation de
150 M€, correspondant à une valeur de rachat de 318,5 € par action). La
Cour a souligné que les gains perçus par les salariés de CDC Entreprises à
l’occasion du rachat de leurs actions gratuites ont donc été très élevés, de
manière
totalement
déconnectée
avec
la
vocation
initiale
« d’intéressement » du plan d’attributions gratuites d’actions
33
.
2 -
Une gouvernance satisfaisante, des risques à ne pas négliger
La gouvernance de Bpifrance est encadrée par l’ordonnance du
29 juin 2005, telle que modifiée par la loi du 31 décembre 2012 relative à
la création de la banque publique d’investissement. L’ordonnance
détermine la composition du conseil d’administration de la société
anonyme Bpifrance et fixe le principe d’un actionnariat à parité entre
l’État et la CDC.
Le rôle respectif des deux actionnaires a été précisé dans un pacte
d’actionnaires, signé le 25 juin 2013. Celui-ci prévoit notamment une
« prééminence » de la CDC dans la gouvernance de Bpifrance
participations et une « prééminence » de l’État dans celle de Bpifrance
financement, reflet des équilibres préexistants. Ces dispositions ont
33
Cour des comptes.
Rapport public annuel 2015
, Tome I, volume 2. Les attributions
gratuites d’actions de CDC Entreprises, filiale de la CDC : les dérives d’un dispositif
d’actionnariat salarié public, p. 419-455. La Documentation française, février 2015,
455 p., disponible sur www.ccomptes.fr
Bpifrance - novembre 2016
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LA MISE EN PLACE DE BPIFRANCE : UNE ÉTAPE FRANCHIE AVEC SUCCÈS
27
permis la mise en place d’un actionnariat à parité tout en bénéficiant des
contributions financières et de l’expertise de chaque actionnaire (la CDC
dans le domaine de l’investissement en fonds propres, l’État dans le
domaine de la garantie et du soutien à l’innovation). Cette répartition se
traduit dans la composition des conseils d’administration de chacune des
deux filiales du groupe, l’actionnaire prééminent nommant trois
administrateurs indépendants en plus de ses propres représentants. Il est
également prévu que les décisions les plus importantes (approbation du
budget et du plan stratégique, modifications de capital, conventions de
financement, etc) soient soumises à une majorité qualifiée requérant le
vote favorable des représentants des deux actionnaires.
La parité actionnariale recouvre des préoccupations des deux
actionnaires qui relèvent de logiques différentes. L’État considère
Bpifrance comme une priorité politique dans la mesure où elle est le bras
armé de son intervention dans l’économie et le financement des
entreprises. Bpifrance est aussi un outil permettant d’engager des
financements sans qu’ils soient soumis aux règles encadrant le budget de
l’État, notamment en ce qui concerne l’abondement des fonds de garantie.
La CDC, de son côté, a subi, avec la création de Bpifrance, une
amputation de la moitié de ses fonds propres et a dû abandonner l’activité
d’investissement dans les PME qu’elle considérait comme un de ses
succès. De ce fait, elle ne possède pas les mêmes priorités que l’État et
considère que les politiques menées par Bpifrance pour le compte de la
puissance publique (garantie, innovation) ne sont pas directement de son
ressort. Pour autant, des deux actionnaires, c’est celui qui dispose des
moyens les plus directs pour contrôler l’activité de Bpifrance, grâce aux
échanges de données financières très étendus avec sa filiale et au
dimensionnement de ses équipes.
En pratique, la parité actionnariale n’a donné lieu à aucun conflit à
ce
jour.
La
gouvernance
apparaît
performante
en
matière
d’investissement, au regard de la sélectivité des dossiers.
Sur des sujets transversaux en revanche comme le budget, la
politique salariale ou la gestion des risques, la complexité de la
gouvernance de Bpifrance a pu être facteur de dysfonctionnements. En
effet, la
structure de gouvernance du groupe Bpifrance, notamment à
travers ses filiales, apparaît complexe compte tenu de la structuration du
groupe. Le groupe Bpifrance comprend au total cinq conseils
Bpifrance - novembre 2016
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COUR DES COMPTES
28
d’administration
34
, pour lesquels les représentants des deux actionnaires
ne sont pas identiques. La seule personne à être présente dans toutes les
structures de la gouvernance et à avoir une vision d’ensemble est le
directeur général de Bpifrance
35
. En matière de politique salariale
notamment, le fait que les décisions soient transverses et fassent l’objet
d’un examen et d’un vote dans chacune des filiales avant d’être étudiées
par les instances de gouvernance de la société-mère a abouti à des
augmentations parallèles récurrentes.
Le cumul de trois facteurs – la parité actionnariale, la complexité
de
la
gouvernance
et
le
manque
d’information
des
conseils
d’administration – peuvent être facteurs de risques pour la prise de
décisions au sein du groupe. En effet, plusieurs acteurs ont relevé un
manque d’information des conseils d’administration de Bpifrance : le
superviseur en matière d’évolution et de contrôle des risques et certains
administrateurs en matière budgétaire.
S’il n’a donné lieu à aucun conflit à ce jour, l’actionnariat à parité
n’est pas exempt de risques de blocage à terme si les intérêts des
actionnaires ou des personnes composant l’actuelle gouvernance ne se
trouvent plus alignés. Les risques futurs liés à la gouvernance doivent
faire l’objet d’une attention d’autant plus soutenue qu’il existe une
tendance des actionnaires à ne pas s’interroger sur les perspectives à
moyen terme de la banque. Les besoins de financement massifs des
activités de garantie et d’innovation dès 2017 ne donnent pas lieu pour le
moment à l’identification de pistes de solutions par les actionnaires (cf.
chapitre III) : l’État n’a pas entamé de démarches pour identifier des
sources de financement, tandis que la CDC considère que cela n’est pas
de son ressort, étant un sujet de politique budgétaire.
3 -
L’EPIC Bpifrance : une structure à supprimer
L’établissement public industriel et commercial (EPIC) Bpifrance,
héritier de l’EPIC Oséo, a pour mission de représenter l’État actionnaire
auprès du groupe Bpifrance. Il est financièrement et juridiquement le
détenteur des 50 % du capital de la SA Bpifrance qui reviennent à
34
Bpifrance SA, Bpifrance financement, Bpifrance participations, Bpifrance
investissement, Bpifrance régions
35
L’État possède également un commissaire du gouvernement qui participe à toutes
les instances de gouvernance de Bpifrance. En revanche, il ne possède pas de pouvoir
décisionnel.
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LA MISE EN PLACE DE BPIFRANCE : UNE ÉTAPE FRANCHIE AVEC SUCCÈS
29
l’État
36
. Il est administré par un conseil d’administration composé d’un
président et de cinq représentants de l’État.
Le
rôle
de
l’EPIC
Bpifrance
apparaît
superflu.
D’après
l’administration, plusieurs raisons conduiraient à justifier son maintien dans
le dispositif entourant Bpifrance après l’intégration d’Oséo. En premier
lieu, sa pérennisation aurait facilité la mise en place rapide de Bpifrance en
permettant de ne pas notifier la création du nouveau groupe public à la
Commission européenne comme le prévoit le régime des aides d’État, la
structure du groupe n’ayant pas changé. Bpifrance faisant désormais partie
des banques de la place, cet argument a perdu de sa portée.
L’existence de l’EPIC serait par ailleurs justifiée, d’après
l’administration,
par
son
rôle
de
coordination
interministérielle
permettant aux différents services de l’État ayant un lien avec l’activité de
Bpifrance de présenter une position commune vis-à-vis de la banque.
Cette fonction n’est pas réellement documentée ; elle l’est d’autant moins
que le président de l’EPIC n’est membre d’aucun des conseils
d’administration de la banque. C’est l’Agence des participations de l’État,
directement présente au conseil d’administration de la SA Bpifrance, qui
représente l’État actionnaire. En outre, l’ensemble des services de l’État
ayant un lien avec l’activité de Bpifrance
37
participent directement à la
gouvernance du groupe, soit en étant présents au conseil d’administration
de la SA, soit à celui de Bpifrance financement. Ces services ont, par
ailleurs, des contacts directs entre eux qui permettent de formaliser une
position interministérielle en cas de besoin.
Le dernier argument présenté par Bpifrance en faveur du maintien
de l’EPIC soutient que supprimer l’EPIC aurait des conséquences
négatives sur les levées de fonds, les investisseurs étrangers auprès
desquels se refinance la banque étant familiarisés avec cette structure. En
réalité, il semble peu probable que ces investisseurs s’inquiètent du fait
que l’État se substitue à l’EPIC. De plus, le fait que la dette de Bpifrance
soit garantie par l’EPIC et non par l’État coûte actuellement à la banque
jusqu’à 5 points de base supplémentaires. La suppression de l’EPIC
permettrait ainsi de réaliser des économies de l’ordre de 5 à 10 M€ selon
les conditions de financement.
En fait, l’EPIC n’est qu’un organisme intermédiaire qui permet à
l’État de s’affranchir de certaines règles : il permet d’octroyer, de manière
irrégulière, la garantie de l’État sur la dette de Bpifrance sans passer par
une loi de finances, d’alimenter les fonds de garantie par recyclage
36
À l’exception d’une action de Bpifrance SA qui est détenue directement par l’État.
37
Commissariat général à l’investissement, direction générale du Trésor, ministère de
l’enseignement supérieur et de la recherche, direction générale des entreprises.
Bpifrance - novembre 2016
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COUR DES COMPTES
30
interne du dividende versé par le groupe Bpifrance à l’État (cf. chapitre
III) et de confier la gestion de crédits du PIA à Bpifrance plus directement
qu’en l’absence de cette structure.
L’EPIC Bpifrance est donc une commodité permettant à l’État de
contourner certaines règles relatives à la transparence dans l’utilisation
des fonds publics. La Cour recommande donc que l’EPIC Bpifrance soit
supprimé. Ceci engendrerait entre 5 et 10 M€ d’économies issues du
moindre coût de refinancement de Bpifrance, auxquelles il faut ajouter le
montant des charges d’exploitation hors impôts de l’EPIC, soit 272 000 €
par an.
Une articulation pragmatique avec les régions
B -
1 -
Un débat apaisé sur la place des régions au sein
de la gouvernance de Bpifrance
Les modalités d’association des régions à la Banque publique
d’investissement ont fait l’objet, en 2012, d’un vif débat.
L’association des
régions de France soutenait la création d’un réseau de banques publiques
régionales, sur le modèle des établissements de crédit mutualistes, avec une
participation des régions au capital et à la gouvernance, afin de s’assurer que
leurs priorités géographiques et sectorielles seraient bien prises en compte.
Ce modèle, qui présentait plusieurs inconvénients majeurs
38
, n’a pas été
retenu par le gouvernement.
Des dispositions ont été adoptées pour renforcer l’association des
régions dans le cadre de la création de la BPI à travers :
-
au niveau national : la représentation des régions au conseil
d’administration de la société anonyme Bpifrance
39
et leur participation
38
Complexité accrue (nécessité, par exemple, de créer et de faire agréer l’ensemble
des établissements de crédit régionaux) ; coûts supplémentaires (chaque banque
régionale devant mettre en place son propre dispositif de contrôle interne) ; crainte
d’une emprise trop forte des élus locaux sur les dossiers ; etc.
39
Le conseil d’administration de Bpifrance SA comprend quinze administrateurs,
dont deux représentants des régions. Le président du comité national d’orientation
peut assister à ce conseil et prendre part aux débats sans voix délibérative.
Bpifrance - novembre 2016
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LA MISE EN PLACE DE BPIFRANCE : UNE ÉTAPE FRANCHIE AVEC SUCCÈS
31
au pilotage stratégique de Bpifrance à travers le comité national
d’orientation (CNO)
40
, présidé par un représentant des régions ;
-
au niveau régional : la présidence et l’animation de comités
régionaux d’orientation (CRO), chargés de formuler un avis sur les
modalités d’exercice par Bpifrance de ses missions au niveau
régional et sur la cohérence de ses orientations stratégiques avec la
stratégie régionale de développement économique.
Le poids des régions est, en réalité, peu élevé au sein du conseil
d’administration
de
Bpifrance,
compte
tenu
des
modalités
de
fonctionnement spécifiques de ce conseil : la plupart des sujets abordés en
conseil ont été, pour la plupart, pré-arbitrés entre les deux actionnaires,
État et Caisse des dépôts, et/ou déjà discutés auparavant au sein des
conseils d’administrations des filiales de Bpifrance SA, dans lesquels sont
représentés l’État et la Caisse. Le CNO est principalement un forum
d’échanges entre les parties prenantes, mais il ne s’inscrit pas
véritablement, à ce stade, dans la gouvernance de Bpifrance. Au niveau
régional, les modalités de fonctionnement des CRO ont été variables
selon les régions et le positionnement de ces dernières vis-à-vis de
Bpifrance. Malgré les limites de cette instance (absence de pouvoir de
décision, nombre élevé de ses membres), son utilité a été relevée par
plusieurs présidents de conseils régionaux et parties prenantes rencontrés
par la Cour : le CRO permet de resituer les priorités régionales au sein de
la stratégie de Bpifrance et de disposer d’un point d’information sur
l’action de Bpifrance en régions.
Au total, l’association limitée des régions à la gouvernance de
Bpifrance résulte des choix initiaux opérés.
Au-delà des difficultés
initiales, le pragmatisme semble généralement avoir prévalu,
in fine
, dans
les relations entre Bpifrance et les régions, qui se sont pacifiées au plan
politique, Bpifrance étant devenue un partenaire financier de ces
dernières au plan local.
40
Le CNO est notamment chargé d’exprimer un avis sur les orientations stratégiques, la
doctrine d’intervention et les modalités d’exercice par Bpifrance de ses missions
d’intérêt général. Il n’a pas de prérogatives décisionnaires en ce qui concerne la gestion
de Bpifrance, mais il dispose d’une capacité d’influence sur ses grandes orientations.
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COUR DES COMPTES
32
2 -
Une articulation à consolider dans le financement
des entreprises
Les conseils régionaux ont, en vertu de leurs compétences,
développé des offres de services larges et variées en matière de soutien
aux entreprises : prêts sur l’honneur, fonds de garantie et fonds
d’innovation, confiés en gestion à Oséo puis Bpifrance, co-investissement
aux côtés de CDC Entreprises, puis Bpifrance, dans des fonds régionaux
d’investissement, aides à l’export. La dynamique de ces partenariats
anciens entre les régions et les différentes entités qui ont rejoint le groupe
Bpifrance a été relancée, dans la quasi-totalité des régions, à l’occasion de
la création de la BPI, à travers notamment la signature de nouvelles
conventions-cadre de partenariat qui visaient à coordonner les actions de
Bpifrance avec les priorités des régions. L’activité des fonds régionaux de
garantie a cru de 35 % entre 2012 et 2015, passant d’un montant net de
risques couverts de 181 M€ à 245 M€ à fin 2015. Les montants d’aides à
l’innovation versées au titre des fonds régionaux d’innovation ont
également cru sensiblement sur la période 2012-2015, passant de 35,4 à
62,3 M€ (soit + 76 %) Ces outils de financement sont appréciés des
régions, en raison de l’effet de levier que l’intervention conjointe de
Bpifrance et de financements privés confère aux dotations régionales
41
.
Le partenariat financier entre Bpifrance et les régions
Ce partenariat s’appuie notamment sur les outils suivants, gérés par
Bpifrance :
-
les fonds régionaux de garantie (FRG). Ces fonds de garantie des prêts
bancaires, dotés par les régions, interviennent systématiquement en
complément de fonds nationaux de garantie également gérés par
Bpifrance. Ils permettent ainsi d’augmenter la quotité de prêt garantie
jusqu’à 70 % (la quotité maximum étant souvent de 50 % lorsque les
fonds nationaux interviennent seuls), ce qui doit faciliter l’accès des
entreprises au crédit pour les projets à risque élevé ;
41
Le coefficient multiplicateur des fonds régionaux de garantie est en moyenne de 5.
1 € de dotation régionale permet de garantir 5 € de prêts. Bpifrance,
via
la
mobilisation de fonds nationaux de garantie, permet d’accroître le montant des prêts
garantis à 10 €. Au final, l’effet de levier global est,
a minima
, de 15, en tenant
compte du risque porté par la banque. À titre d’exemple, en Bretagne, le FRG a été
doté par la région à hauteur de 23 M€ depuis 2004. Près de 230 M€ de risques ont été
pris par Bpifrance, dont 124,5 M€ sur le FRG, permettant aux entreprises d’accéder à
un montant total de crédit de 372 M€.
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LA MISE EN PLACE DE BPIFRANCE : UNE ÉTAPE FRANCHIE AVEC SUCCÈS
33
-
les fonds régionaux d’innovation (FRI), dotés par les régions et destinés
à financer des projets innovants à travers trois types de financement
(subventions, avances récupérables en cas de succès, prêt à taux zéro
pour l’innovation). Bpifrance cofinance les dossiers innovants éligibles
(sur la base de dotations de l’État) ;
-
les prêts de développement territoriaux, sans garantie, ni caution
personnelle, la dotation des régions permettant de bonifier le taux du
prêt. Pour répondre aux priorités des régions, les prêts peuvent être mis
en place avec des finalités particulières : prêt régional pour l’emploi, prêt
régional de revitalisation, prêt agro, etc.
Pour chacun de ces outils, la demande de financement est faite par
la banque ou le porteur de projet auprès de Bpifrance, l’instruction du
dossier est faite par Bpifrance, en lien avec les services du conseil régional
(ou le cas échéant, l’agence régionale d’innovation), avec possibilité de
délégation de la décision, après accord de la région, à Bpifrance, qui
apporte l’ensemble du financement en mobilisant à la fois les dotations
apportées par les régions, les dotations de l’État, le cas échéant, et ses
ressources propres.
Cette complémentarité des actions entre les régions et Bpifrance
est positive et devrait se renforcer, en particulier dans le nouveau contexte
créé par la réforme territoriale. Les régions ont, en effet, vu leur rôle
renforcé en matière d’interventions économiques par la loi du 7 août 2015
portant nouvelle organisation territoriale de la République (dite
NOTRe)
42
. La fusion des régions, comme leur rôle accru dans la gestion
des fonds européens qui sont liés de façon de plus en plus étroite à la
dimension régionale
43
, vont probablement accentuer l’implication des
régions dans ce domaine. Au cours de ses déplacements et auditions, la
Cour a pu constater une propension variable des acteurs régionaux à
développer des outils locaux dans le domaine du soutien aux entreprises.
Ces dispositifs d’intervention s’adressent en règle générale à des
situations (montants de projet, taille des entreprises, etc.), qui ne sont pas
42
La région est désormais seule habilitée à attribuer certaines aides aux entreprises.
Elle est dotée de la responsabilité exclusive de la définition sur son territoire des
orientations en matière de développement économique, qui se traduit par l’élaboration
d’un schéma régional de développement économique, d’internationalisation et
d’innovation (SRDEII), document de programmation à valeur prescriptive, qui ne
s’impose toutefois pas à Bpifrance.
43
Dans la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des
métropoles du 27 janvier 2014, l’État a confié aux conseils régionaux la gestion d’une
partie des fonds européens en France. Jusqu’à la génération de programmes 2007-
2013, l’État était autorité de gestion des fonds européens.
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COUR DES COMPTES
34
couvertes par d’autres dispositifs publics, en particulier ceux proposés par
Bpifrance, mais peuvent conduire à un foisonnement complexe d’outils,
voire à des recouvrements, comme l’illustre l’exemple du capital
investissement régional.
L’exemple du capital investissement régional
Afin de faciliter l’accès des PME aux fonds propres, les anciennes
régions avaient souscrit, souvent aux côtés de Bpifrance, à plusieurs fonds
régionaux ou interrégionaux, plus particulièrement ciblés sur l’amorçage,
le capital innovation, le capital développement ou le capital transmission
et dont les souscripteurs sont majoritairement privés. Certaines de ces
régions avaient, en outre, créé au cours des dernières années des fonds
d’investissement purement publics (dont le conseil régional est l’unique
souscripteur, ou au côté de fonds européens), principalement ciblés sur les
investissements de petits montants
44
. Bpifrance n’est pas partie prenante
dans ces fonds, car, au terme de sa doctrine d’intervention, elle
n’intervient que dans des fonds où les co-investisseurs privés ont, sauf
exception, une majorité des parts ; elle co-investit, en revanche, aux côtés
de ces fonds. Ces fonds régionaux, appréciés des régions en raison de la
maîtrise accrue qu’elles en ont, peuvent présenter des risques (modèle
économique fragile compte tenu de la taille limitée des fonds,
concentration accrue des risques compte tenu d’un périmètre géographique
des investissements limité à la région, etc.).
44
Par exemple, les fonds Jérémie innovation et Jérémie Mezzanine, mis en place par
le conseil régional d’Auvergne en 2009 et 2010 ; le fond Jérémie Languedoc-
Roussillon mis en place en 2011 ; le fond Aqui-Invest mis en place par le conseil
régional d’Aquitaine ; le fond SAS PACA investissement, créé en 2009 par la région
Provence-Alpes-Côte d’Azur ; le fond de co-investissement de la région Poitou-
Charente créé en 2010 ; le fond régional de co-investissement de la région Île-de-
France, mis en place en 2011 ; le fond IDEE mis en place en 2011 par le conseil
régional Pays de la Loire ; le fonds de co-investissement Limousin (2011) ; Nord
France Amorçage (Nord-Pas de Calais en 2012) ; le fond Breizh up de la région
Bretagne, mis en place fin 2015, et doté par le conseil régional, unique souscripteur,
afin de se positionner sur des petits « tickets » (levées de fonds entre 200 et 750 K€) ;
etc.
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LA MISE EN PLACE DE BPIFRANCE : UNE ÉTAPE FRANCHIE AVEC SUCCÈS
35
Ce constat illustre la nécessité d’assurer, au niveau régional, une
lisibilité suffisante des dispositifs de financement et d’accompagnement
régionaux
45
, et de renforcer la coordination entre les différentes
interventions publiques afin d’éviter les risques de redondance et de
gaspillage. La fusion a doté les nouvelles collectivités d’une pluralité
d’outils similaires (notamment FRG, FRI, fonds régionaux de capital
investissement, etc.), hérités des anciennes régions, qui devront faire
l’objet d’une rationalisation. Cette fusion ou mise en cohérence des outils
est en cours pour ceux mis en place par Bpifrance avec chacune des
anciennes régions (FRG, FRI, etc.). Pour Bpifrance, les enjeux de la
réforme territoriale sont principalement d’adapter son offre aux besoins
des nouveaux territoires (renforcement du dialogue avec les régions sur
leurs nouvelles politiques de développement économique dans le cadre
notamment de l’élaboration des nouveaux schémas régionaux de
développement économique, d’internationalisation et d’innovation) et
d’associer de manière renforcée les partenaires territoriaux à sa
gouvernance (coordination au niveau local, implication des CRO,
amélioration du reporting en direction des régions, etc.).
III -
Une montée en puissance rapide facilitée
par des dotations publiques accrues
Une activité en croissance
A -
Bpifrance dispose d’un mandat large
qui consiste notamment, aux
termes de la loi, à favoriser « l’innovation, l’amorçage, le développement,
l’internationalisation, la mutation et la transmission des entreprises, en
contribuant à leur financement en prêts et en fonds propres »
46
. La
doctrine d’intervention de Bpifrance
47
, validée par ses actionnaires, État
et Caisse des dépôts, lui laisse également une large marge de manoeuvre.
45
À cet égard, Bpifrance propose aux régions une gamme de services en ligne. Par
exemple, déploiement (réalisé ou en cours) de plateformes régionales d’orientation
(application internet permettant d’orienter les entreprises vers les offres de
financement de Bpifrance et des régions) dans 9 des anciennes régions.
46
Article 1 A de l’ordonnance du 29 juin 2005 relative à la banque publique
d’investissement.
47
Doctrine d’intervention de Bpifrance en date du 14 avril 2014 : « Bpifrance est un
outil financier au service de l’intérêt collectif qui a vocation à intervenir sur les
segments de marchés ou les entreprises pour lesquels les autres acteurs financiers ne
sont pas, ou pas assez, présents. (…) Bpifrance financement est un acteur de place,
neutre, qui a vocation à entraîner au bénéfice des entreprises, l’ensemble des
partenaires du financement, au premier plan desquels, les banques, de même que les
réseaux de développement de l’innovation en intervenant en cofinancement avec des
banques privées ».
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36
Bpifrance a investi son mandat, de manière rapide et dynamique,
en prenant appui sur les structures préexistantes. Cela s’est traduit par une
montée en puissance de ses interventions, que ce soit sur ses fonds
propres ou à titre de gestionnaire de fonds publics pour le compte de
l’État. L’augmentation de la taille de son bilan, passé de 50,8 Md€ à la
constitution de Bpifrance
48
à 63,8 Md€ à fin 2015 (soit + 26 %), tiré
principalement par l’accroissement de l’encours des prêts consentis,
illustre ce phénomène. Les encours moyens de crédits octroyés aux
entreprises par Bpifrance financement ont enregistré entre 2012 et 2015,
une progression de 79 %, passant de 14,6 Md€ à 26 Md€. Cette
progression est très supérieure à celle constatée au niveau de l’ensemble
des institutions financières résidentes sur la période 2012-2015 (aux
alentours de + 5 %
49
). L’encours moyen des crédits octroyés par Oséo
avait déjà crû de près de 60 % entre 2009 et 2012, les activités d’Oséo
ayant fortement augmenté avec la crise de 2008.
Tableau n° 3 :
évolution des encours moyens de crédits octroyés
aux entreprises par Oséo puis Bpifrance sur la période 2009-2015
(M€)
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
Prêts à moyen
ou long terme
3 802
4 373
5 094
6 455
7 553
8 822
10 247
Crédit bail
immobilier/énergie
environnement
2 490
2 792
3 224
3 302
3 682
4 043
4 303
Crédit bail mobilier
1 137
1 127
1 150
1 270
1 384
1 524
1 603
Prêts de
développement sans
garantie
914
1 234
1 953
2 727
3 700
4 648
5 957
Financement court
terme
855
859
932
811
1 328
2 747
3 946
TOTAL
9 198
10 385
12 353
14 565
17 647
21 784
26 056
Source : Bpifrance
48
Soit au 12 juillet 2013.
49
Les encours de crédits mobilisés aux PME sont passés de 355 Md€ en décembre
2012 à 374 Md€ en décembre 2015, soit une progression de 5 %, et les encours de
crédits aux sociétés non financières sont passés de 819 Md€ à 871 Md€, soit une
progression de 6 %.
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37
Le financement de l’innovation
50
, qui s’appuie sur une importante
mobilisation de dotations publiques, s’est élevé à 1,3 Md€ en 2015, en
progression de 75 % par rapport à 2013. Cette progression importante est
principalement
le
fait
des
prêts
(prêts
d’amorçage,
prêts
pour
l’innovation)
51
. Au-delà, la progression des aides individuelles à
l’innovation
52
, ayant vocation à financer les PME et les start-ups,
intervenue malgré la baisse des dotations de l’État
53
, s’est notamment
appuyée sur un accroissement des dotations régionales à l’innovation et
sur une réorganisation des programmes de soutien de l’innovation. La
progression du financement des grands programmes collaboratifs, qui
permettent d’accélérer la création de filières ou de faire collaborer
certains acteurs de taille différente, est, quant à elle, le résultat de la
montée en puissance des crédits consacrés à l’innovation dans le cadre du
programme des investissements d’avenir (PIA). La progression du
financement de l’innovation s’est, par ailleurs, accompagnée d’un
élargissement du type d’innovation financée, à travers la reconnaissance
des innovations de services et d’usages, d’organisation de modèles
d’affaires ou d’innovation sociale. Des efforts ont, par ailleurs, été faits
pour réduire les délais de décision
54
.
Tableau n° 4 :
évolution du financement de l’innovation
(M€)
2013
2014
2015
Variation
entre 2013
et 2015
Aide à l’innovation
364
443
467
+ 28 %
Programmes
collaboratifs
270
434
535
+ 98 %
Prêts
113
214
305
+ 170 %
TOTAL
747
1 091
1 307
+ 75 %
Source : Bpifrance
50
Le soutien à l’innovation apporté par Bpifrance passe également par des outils de
fonds propres (voir
infra
).
51
La production de ces prêts est également comptabilisée dans le tableau relatif à
l’évolution de la production de Bpifrance financement.
52
Ces aides individuelles prennent la forme de subventions, d’avances récupérables
en cas de succès du projet financé et de prêts à taux zéro pour l’innovation. Elles
visent à permettre de soutenir les TPE et PME qui ne trouvent pas d’autres sources de
financement à développer des produits, procédés ou services innovants.
53
Les crédits inscrits sur le programme budgétaire 192
Recherche et enseignement
supérieur
en faveur de l’innovation ont été réduits de 19 % entre 2012 et 2015 : la
dotation d’intervention est passée de 196 M€ à 159 M€, la dotation de fonctionnement
ayant été supprimée à compter de 2014.
54
Ils ont été divisés par trois s’agissant des programmes collaboratifs et réduits
d’environ 40 % s’agissant de l’aide à l’innovation entre 2014 et 2015.
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38
Les investissements en fonds propres réalisés par les différents
métiers du pôle investissement ont augmenté de 42 % sur la période
2013-2015, passant de 1,2 à 1,8 Md€.
Tableau n° 5 :
investissements réalisés par Bpifrance investissement
55
(M€)
2013
2014
2015
Progression
2013 à 2015
Fonds propres PME
74
101
132
+ 78 %
Sociétés projets
industriels
29
Innovation
114
127
169
+ 48 %
Fonds de fonds
(souscriptions)
506
648
684
+ 35 %
Fonds propres ETI
et grandes entreprises
564
568
777
+ 38 %
TOTAL
1 258
1 444
1 790
+ 42 %
Source : Bpifrance
De nombreuses initiatives appréciées en faveur
B -
de la dynamique entrepreneuriale
et de l’accompagnement des entreprises
Au-delà du bilan quantitatif de l’action de Bpifrance, sur un plan
davantage qualitatif, les entretiens menés par la Cour dans le cadre de la
rédaction du présent rapport, comme les enquêtes de satisfaction client
réalisées chaque année par Bpifrance, illustrent que cette dernière a
aujourd’hui pris sa place dans l’écosystème du financement des
entreprises. Son action est généralement appréciée des entreprises comme
de ses partenaires financiers, en partie du fait de la légitimité des
anciennes structures, mais pas seulement. Sa démarche plus dynamique
est soulignée.
55
Le total intègre des souscriptions dans des fonds tiers et des investissements directs.
En effet, pour le périmètre fonds de fonds, les investissements correspondent aux
souscriptions réalisés par l’ensemble des fonds du métier (fonds de fonds nationaux,
fonds de fonds Afrique et Méditerranée, etc.). La souscription exceptionnelle en 2014
dans le FEI (120,7 M€) n’a toutefois pas été intégrée.
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LA MISE EN PLACE DE BPIFRANCE : UNE ÉTAPE FRANCHIE AVEC SUCCÈS
39
Les
interlocuteurs
rencontrés
saluent
unanimement
le
professionnalisme des équipes de Bpifrance, tant dans la partie
financement en prêts des entreprises que dans la partie investissement en
fonds propres.
Très rapidement, Bpifrance a su, à partir des quatre entités
distinctes qu’elle a regroupées, créer une marque unique qui bénéficie
désormais d’une grande notoriété. Elle s’est imposée comme un acteur de
référence dans l’ensemble de ses métiers.
Ses nombreuses actions de communication au sens large, y
compris ses diverses initiatives en termes d’accompagnement des
entreprises, sont, de manière générale, appréciées dans la mesure où elles
donnent une image positive de l’action de l’État et développent la culture
entrepreneuriale
56
.
Ces
actions
en
faveur
de
la
dynamique
entrepreneuriale ont, selon plusieurs acteurs, contribué notamment à créer
un écosystème autour de l’innovation.
Certains
interlocuteurs
ont
néanmoins
souligné
que
la
communication de Bpifrance, fortement centrée, au moins au départ, sur
les start-up technologiques et les entreprises de taille intermédiaire,
gagnerait à cibler davantage les TPE et PME opérant dans des secteurs
traditionnels.
Un soutien fort de l’État
C -
1 -
Des financements publics accrus
Au-delà de la mobilisation de ses capitaux, qui sont des fonds
publics, la montée en puissance des interventions de Bpifrance est
également portée par des apports accrus de financement publics
provenant de l’État (dotations budgétaires, crédits du programme des
investissements d’avenir, etc.), de la Caisse des dépôts et consignations et
des régions, auxquels s’ajoutent les fonds européens.
56
Selon l’enquête satisfaction clients en date de janvier 2016, les entreprises financées
par Bpifrance apprécient les solutions apportées, notamment l’accompagnement ;
38 % des entreprises financées et 64 % des entreprises investies par Bpifrance ont
participé à un rassemblement organisé par le groupe.
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COUR DES COMPTES
40
En effet, en tant qu’instrument de mise en oeuvre des politiques
publiques au service du financement de l’économie
57
, une partie des
missions de Bpifrance, c’est-à-dire les activités de soutien à l’innovation
et de garantie des crédits bancaires aux PME exercées par son pôle
financement, sont directement ou indirectement financées sur ressources
publiques (voir encadré
infra
).
Le financement public des missions du groupe Bpifrance
Bpifrance a pour objet, comme c’était déjà le cas d’Oséo, d’exercer
des missions d’intérêt général définies par la loi : « promouvoir la croissance
par
l’innovation
et
le
transfert
de
technologies ;
contribuer
au
développement économique en prenant en charge une partie du risque
résultant des crédits accordés aux PME ; contribuer aux besoins spécifiques
de financement des investissements et des créances d’exploitation des
PME ». Ces missions sont directement ou indirectement financées sur fonds
publics. Au titre de ses activités d’innovation, l’État verse à Bpifrance
financement une dotation d’intervention (159 M€ en 2015). L’activité de
garantie par Bpifrance des crédits bancaires aux PME est financée par
dotations de l’État et/ou des ressources qui en sont issues (libération
d’excédents, produits financiers des fonds de garantie, « recyclage » de
dividendes de Bpifrance, etc.)
58
. Les charges de fonctionnement de cette
activité sont couvertes par 50 % des commissions de garantie et 10 % des
produits financiers issus du placement des dotations.
Ces financements publics ont atteint, au total, près de 3 Md€ sur la
période 2013-2015. Ils ont eu un impact sur le financement de l’économie
bien supérieur au moyen de deux mécanismes cumulatifs qui sont au
coeur du modèle de Bpifrance : un effet de levier tout d’abord puisque ces
dotations publiques permettent à Bpifrance de couvrir une partie des
risques et un effet d’entraînement ensuite dans la mesure où Bpifrance
intervient en associant des partenaires. Ainsi, les dotations publiques
2015 (environ 1,1 Md€) ont permis de réaliser, selon Bpifrance, 6,1 Md€
de financements Bpifrance (effet de levier global de x 5,3), 14,5 Md€ de
financements autres (effet d’entraînement global de x 2,4), soit en cumulé
20,6 Md€ de financements apportés à l’économie.
57
L’article 1 A de l’ordonnance du 29 juin 2005 dispose : « La BPI est un groupe
public au service du financement et du développement des entreprises, agissant en
appui des politiques publiques conduites par l’État et par les régions. ».
58
Bpifrance recourt aux fonds de garantie des prêts bancaires dotés par l’État pour
garantir une partie de sa propre activité de crédits aux entreprises, ce qui permet de
diminuer l’impact du coût du risque sur son résultat (voir chapitre III).
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LA MISE EN PLACE DE BPIFRANCE : UNE ÉTAPE FRANCHIE AVEC SUCCÈS
41
Tableau n° 6 :
financement public des activités de Bpifrance
financement sur la période 2013-2015
(M€)
2013
2014
2015
Progression
2013-2015
Financement des garanties
167
377
378
126 %
dont dotations budgétaires de
l’année N (programme 134)
0
40
21
dont redéploiement de
dotations d’années
précédentes
167
337
223
dont redéploiement des
dividendes EPIC
0
0
133
État programme 192
(innovation)
235
175
159
- 32 %
PIA
298
244
345
16 %
État - Autres
99
53
53
- 46 %
Caisse des dépôts
8
16
9
7 %
Autres
3
3
2
- 38 %
Régions
90
82
124
38 %
TOTAL
900
950
1 069
19 %
Source : Bpifrance
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COUR DES COMPTES
42
Bpifrance gère également des fonds qui lui ont été confiés par
l’État. Dans le cadre du programme des investissements d’avenir (PIA),
près de 8 Md€ relèvent ainsi de la gestion de Bpifrance
59
, dont 3,2 Md€
au titre de l’activité de capital investissement
60
, ces fonds étant, pour
certaines des actions du PIA, déjà entièrement engagés. La progression
des fonds du PIA confiés en gestion à Bpifrance au cours des dernières
années a contribué, de manière non négligeable, à celle des interventions
de la banque dans le domaine du capital investissement.
2 -
Un endettement élevé rendu possible par la garantie indirecte
des emprunts de Bpifrance par l’État
a)
Des refinancements massifs passant par la garantie
de la dette de Bpifrance par l’EPIC
L’augmentation massive du volume de prêts octroyés par Bpifrance
financement s’accompagne d’une hausse parallèle des besoins de
financements visant à couvrir ces prêts par des liquidités. Dans la mesure
où Bpifrance financement ne reçoit pas de dépôts de sa clientèle comme les
banques de détail, elle doit trouver ses financements sur les marchés.
L’augmentation de l’activité de Bpifrance financement est ainsi quasiment
exclusivement assurée par endettement sur les marchés financiers.
Afin de lever les ressources nécessaires à son activité, Bpifrance
financement procède à des émissions obligataires de moyen et long
terme
61
, à l’émission de certificats de dépôt
62
sur les marchés financiers,
ainsi qu’à des emprunts bilatéraux auprès d’institutions publiques comme
la Banque européenne d’investissement (BEI) ou la KfW allemande.
59
Il s’agit du montant de l’ensemble des actions du PIA dont Bpifrance est, depuis sa
création, opérateur ou gestionnaire. Ont été éliminées de ce chiffrage les actions qui
concernaient uniquement Oséo et étaient achevées au moment de la création de
Bpifrance (par exemple, la recapitalisation d’Oséo ou les contrats de développement).
60
Le solde, soit 4,8 Md€, relève du pôle financement de Bpifrance. Il s’agit d’actions
sous forme d’abondement des fonds de garanties des prêts aux PME, de bonification
du taux d’intérêt de certains de ces prêts, de subventions et d’avances remboursables
au titre du financement de l’innovation, etc. Ces fonds du PIA sont comptabilisés, sur
une base annuelle, dans le tableau
supra
intitulé « Financement public des activités de
Bpifrance financement sur la période 2013-2015 ».
61
Programmes obligataires Euro Medium Term Note (EMTN) et Bons à Moyen
Terme négociables (BMTN).
62
Titre de créance négociable à très court terme (entre un mis et un an) destiné aux
investisseurs professionnels.
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LA MISE EN PLACE DE BPIFRANCE : UNE ÉTAPE FRANCHIE AVEC SUCCÈS
43
La dette de Bpifrance financement n’est pas considérée comme de
la dette publique au sens des critères de Maastricht dans la mesure où
Bpifrance financement est classée par l’INSEE, en comptabilité nationale,
comme une société financière et non comme une administration publique.
Bien que la dette de Bpifrance ne soit pas considérée comme de la dette
publique, le groupe bénéficie de la qualité de la signature de l’État et de
faibles taux d’intérêts grâce à une garantie indirecte de sa dette par l’État.
En effet, l’ensemble des émissions de titres sur les marchés financiers
bénéficient de la garantie autonome à première demande, inconditionnelle
et irrévocable, accordée par l’EPIC Bpifrance en cas de défaut de
paiement de Bpifrance financement. Il en est de même des emprunts
bilatéraux
auprès
d’institutions
publiques.
L’encours
effectif
de
refinancement de la société Bpifrance financement couvert par la garantie
de l’établissement public s’élève à 22 Md€ au 31 décembre 2015. Le
plafond maximal de garantie autorisé par le conseil d’administration de
l’EPIC Bpifrance
63
est de 28 Md€
64
(dont 20 Md€ en EMTN, 4 Md€ en
BMTN et 4 Md€ de certificats de dépôts)
65
.
Tableau n° 7 :
encours de Bpifrance financement couvert
par la garantie de l’EPIC Bpifrance au 31 décembre 2015 (en M€)
Institutions publiques
Emprunts institutions nationales (BEI, KFW, CEB)
1 006
Emprunts bilatéraux sur ressources LDD
Caisse des dépôts et consignations
945
Banques françaises
3 450
Marchés financiers
Emprunts obligataires
13 014
Bons à moyen et long terme
1 464
Certificats de dépôts
2 318
Total
22 197
Source : Direction générale du Trésor
63
Décision du 24 juin 2014.
64
Le plafond de 28 Md€ ne couvre que les refinancements de Bpifrance éligibles à la
garantie de l’EPIC, à l’exclusion de refinancements bilatéraux contractés par exemple
dans le cadre d’opérations avec la BCE (TLTRO II notamment). Les refinancements
éligibles à la garantie de l’EPIC correspondent cependant la majorité de la dette de
Bpifrance.
65
Pour les émissions de BMTN et les certificats de dépôts, l’EPIC signe une garantie
globale et non opération par opération comme c’est le cas pour les émissions de long
terme EMTN ou les emprunts bilatéraux.
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COUR DES COMPTES
44
b)
Une base juridique incertaine de la garantie de l’EPIC
La base juridique de la garantie de l’EPIC est incertaine. Ce n’est
que depuis la mise à jour des statuts de l’EPIC par le décret du 18
novembre 2015 que son conseil d’administration possède explicitement le
pouvoir d’ « octroyer la garantie de l'établissement public aux emprunts et
émissions des sociétés du groupe Bpifrance et (de) détermine(r) le barème
de tarification des garanties octroyées ». Auparavant, depuis 2011, date à
laquelle la garantie de l’EPIC Oséo a été mise en place, le président de
l’EPIC octroyait la garantie de l’EPIC, et donc indirectement celle de
l’État, sans aucune base légale, les anciens statuts de l’EPIC, datant de
2005, prévoyant seulement que le conseil d’administration « approuve le
programme annuel des emprunts. Il évalue les besoins de refinancement
et la solvabilité de la société anonyme OSEO »
66
.
Même si les statuts de l’EPIC ont été mis à jour, la base juridique de
la garantie octroyée par l’EPIC ne répond pas pour autant aux règles posées
par la loi organique sur les lois de finances (LOLF). L’article 34 de la
LOLF prévoit que la loi de finances « autorise l'octroi des garanties de
l'État et fixe leur régime ». Or, la garantie octroyée par l’EPIC s’apparente
à une garantie étatique dans la mesure où l’État est partie prenante à la
convention entre l’EPIC Bpifrance et Bpifrance financement relative à la
mise en oeuvre de la garantie
67
; l’État se trouve ainsi directement et
explicitement engagé en cas de dissolution de l’EPIC
68
alors que la capacité
de celui-ci à assumer financièrement un appel en garantie est incertaine. En
effet, les fonds propres de l’EPIC (de l’ordre de 10 Md€) ne suffisent pas
pour couvrir l’ensemble des encours garantis (22 Md€).
66
Il était néanmoins considéré qu’il était possible pour un EPIC de garantir ses filiales
sir cela entrait dans son objet.
67
La convention est co-signée par le ministre des finances et le ministre de l’économie.
68
L’engagement de l’État est explicitement précisé dans le modèle de garantie de l’EPIC
Bpifrance en faveur des souscripteurs lors des émissions de titres obligataires de Bpifrance
financement, retranscrit dans le prospectus de base public visé par l’Autorité des marchés
financiers. Il est explicitement précisé dans ce modèle de garantie, qu’en cas de faillite de
l’EPIC, l’État peut s’y substituer: « Si à la suite (i) d'une dissolution du Garant, (ii) de la
cession, du transfert ou de la disposition directe ou indirecte de tous ou d'une partie
substantielle des actifs du Garant ou (iii) de la perte du statut d'établissement public du
Garant, les droits et obligations du Garant sont transférés à un nouvel établissement public
ou à l'État, l'intégralité des engagements du Garant au titre de la Garantie sera réputée
transférée à ce nouvel établissement public ou à l'État et toute référence au Garant dans la
présente Garantie inclura tout successeur au titre du présent article. »
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LA MISE EN PLACE DE BPIFRANCE : UNE ÉTAPE FRANCHIE AVEC SUCCÈS
45
Le fait que la garantie indirecte de l’État aux émissions de titres de
Bpifrance ne soit pas octroyée par la loi de finances prive de fait le
Parlement de la possibilité d’exercer son pouvoir de décision et de
contrôle dans l’octroi des deniers publics. Cette absence de transparence
dans l’octroi des garanties publiques ne trouve aucune justification
opérationnelle. L’administration explique que l’octroi de la garantie par
l’EPIC
et
non par
le
Parlement
est
justifié
par
la
nécessité
d’ajustements infra-annuels. De tels ajustements ne se sont produits qu’en
2014
69
. En 2015, un avenant à la convention relative à la mise en oeuvre
de la garantie est venu préciser les différents paramètres qui doivent faire
l’objet d’une validation annuelle par le conseil d’administration de
l’EPIC
70
. Une telle situation ne devrait donc pas se reproduire.
En tout état de cause, l’EPIC Bpifrance est une simple structure
écran, entièrement sous contrôle de l’État. Dès lors, l’interposition de
cette structure entre l’État et Bpifrance ne saurait faire obstacle à
l’application des règles posées par la LOLF en matière d’octroi des
garanties. Il convient donc, si le choix de maintenir l’EPIC est fait, que
les plafonds globaux d’engagement de la garantie de l’EPIC (28 Md€ à ce
jour) fassent l’objet d’une inscription en loi de finances, tout en prévoyant
une
validation
annuelle
par
l’EPIC
des
engagements
liés
aux
refinancements annuels.
Par ailleurs, comme l’a déjà noté la Cour en tant que certificateur
des comptes de l’État, la garantie indirecte de l’État aux émissions de
Bpifrance ne figure pas en annexe des comptes de l’État, qui de ce fait ne
donnent pas une image fidèle de l’ensemble de ses engagements hors bilan.
c)
Une rémunération de la garantie insatisfaisante
Afin d’être conforme aux règles européennes relatives aux aides
d’État, la garantie octroyée par l’EPIC aux émissions de titres de Bpifrance
financement fait l’objet d’une rémunération. Le fait pour l’État, via l’EPIC,
d’utiliser sa notation pour permettre à sa filiale, Bpifrance financement, de
se financer à des conditions avantageuses pourrait, en effet, être considéré
comme une aide d’État par la Commission européenne.
69
Alors que le conseil d’administration de l’EPIC Bpifrance de décembre 2013 avait prévu
de recourir aux emprunts bilatéraux avec la KfW et la BEI, il a fallu deux décisions
modificatives en mars et en juin pour préciser que ces emprunts étaient bien couverts par la
garantie de l’EPIC puis pour augmenter l’enveloppe d’emprunts bilatéraux.
70
Plafond global de garanties de nouveaux financements moyen et long terme,
plafond d’encours de garanties de financements court terme, liste des contreparties
des emprunts bilatéraux qui peuvent faire l’objet d’une garantie de l’EPIC. Chaque
année est donnée à titre indicatif une répartition du plafond global de garanties des
financements moyen et long terme entre les différents moyens de financements ; toute
modification de cette répartition fait l’objet d’une information du conseil
d’administration de l’EPIC.
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COUR DES COMPTES
46
Le périmètre de couverture de la rémunération de la garantie de
l’EPIC a longtemps été insuffisant. De 2011, date de la première convention
entre l’EPIC et la SA Oséo, au 8 avril 2015, date du premier avenant à cette
convention, seule la garantie des programmes d’émission EMTN faisait
l’objet d’une rémunération, alors même qu’Oséo puis Bpifrance financement
bénéficiaient également de la garantie de l’EPIC pour les émissions BMTN,
les emprunts bilatéraux et les certificats de dépôt. À titre d’exemple, les
émissions EMTN représentaient seulement 13 Md€ des 22 Md€ de
refinancements couverts par la garantie de l’EPIC fin 2015.
Depuis 2015, la garantie de l’EPIC est rémunérée par Bpifrance
financement à hauteur de 15 points de base pour l’ensemble des
refinancements de moyen-long terme (EMTN, BMTN, emprunts
bilatéraux) et de 2 points de base pour les certificats de dépôt dont la
durée est inférieure à deux ans.
Le montant des commissions de garanties versées par Bpifrance
financement à l’EPIC Bpifrance depuis septembre 2011 s’élève à
98,6 M€. Sur l’exercice 2015, elles ont représenté près de 17 M€.
La tarification de la garantie est déterminée à partir d’un panier de
référence d’émissions comparables d’entreprises publiques. Cependant, le
panier de référence paraît insuffisamment diversifié dans la mesure où
seules trois entreprises publiques constituent l’échantillon. De plus, la
tarification de la garantie est insuffisamment actualisée, alors même que
les statuts de l’EPIC prévoient une actualisation annuelle. Ainsi, au
premier semestre 2014, l’écart de rendement entre les émissions
obligataires de Bpifrance financement et les entités du panier de référence
était supérieur à 15 points de base. Cette situation n’a conduit à un
ajustement de la tarification qu’en 2016 (17,5 points de base).
Enfin, les commissions reçues par l’EPIC ne sont versées à l’État
qu’au rythme des versements de dividendes, sans que leur montant soit isolé.
À titre d’exemple, alors que le montant des commissions de garantie
représente entre 15 et 20 M€ par an, les dividendes versés par l’EPIC à l’État
ont représenté 66 M€ sur l’exercice 2014 et 115 M€ sur l’exercice 2015, sans
qu’il soit possible de distinguer ce qui relève de ces commissions et des
dividendes en provenance du groupe Bpifrance, ce qui témoigne d’une
absence de transparence dans les relations entre la banque et l’État.
La Cour rappelle qu’elle souhaite la suppression de l’EPIC. En tout
état de cause, et si cette suppression n’était pas mise en oeuvre, en vue d’une
plus grande transparence dans l’octroi des garanties publiques, la Cour
recommande d’inscrire la garantie octroyée par l’EPIC Bpifrance en loi de
finances et dans les comptes de l’État et de revoir les modalités tant de
tarification de la garantie que de versement au budget de l’État.
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47
Une fonction de gestion des risques pas encore
D -
aux normes
Alors que son activité a crû fortement depuis sa création, Bpifrance
ne s’est pas encore pleinement dotée du dispositif nécessaire à une
gestion et un contrôle suffisant de ses risques par rapport aux obligations
réglementaires. Par rapport à Oséo dont le contrôle des risques était peu
développé, Bpifrance a fait face à trois chocs qui expliquent un retard
significatif par rapport à l’état de l’art en matière de gestion des risques.
Bpifrance a, en effet, connu une modification des règles relatives au
contrôle interne, un changement de superviseur – la mise en place du
mécanisme de supervision unique s’accompagnant d’un transfert des
tâches de l’ACPR vers la BCE – et une croissance très forte de son
activité. Malgré les efforts déjà entamés, il reste encore beaucoup à faire
pour que Bpifrance satisfasse pleinement aux exigences règlementaires.
La fonction de gestion des risques est en cours de mise en
conformité avec l’arrêté du 3 novembre 2014 relatif au contrôle interne.
Faute de moyens et de réelle indépendance, la direction de la
consolidation des risques créée lors de la création de Bpifrance n’a pas
permis une réelle animation de la filière risques. La mise en place d’une
nouvelle direction des risques en 2016 aux moyens renforcés devrait
constituer une amélioration, à condition que son indépendance soit
assurée.
Le contrôle interne reste néanmoins insuffisant au regard des
exigences des superviseurs : les contrôles de premier niveau ne sont pas
suffisamment formalisés et traçables ; il n’existe pas de département
conformité à part entière ; il n’existe pas de charte du contrôle interne et
la procédure de remontée des incidents n’est pas suffisamment robuste.
Le comité des risques, émanation du conseil d’administration de
Bpifrance SA, ne semble pas être une instance de contrôle réellement
efficace du fait de l’absence de traitement de certaines thématiques
pourtant centrales en matière de maîtrise des risques (répartition du risque
de crédit, analyse de la rentabilité des opérations de crédit, mesure des
risques de marché et de taux, analyse de la liquidité).
Enfin, les outils permettant une bonne gestion des risques sont
insuffisamment développés. Ainsi, le dispositif permettant d’assurer la
continuité de l’activité n’a pas fait l’objet de tests. Bpifrance n’a pas non
plus mis en place une gestion appropriée des risques liés aux activités
externalisées, qui constituent cependant une partie importante de l’activité
opérationnelle du groupe. Il n’existe pas de cartographie des risques
Bpifrance - novembre 2016
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COUR DES COMPTES
48
globale à l’échelle du groupe. Concernant la gestion du risque de crédit,
la mise en place de limites de risques et de seuils d’alerte n’est que très
récente et Bpifrance doit encore progresser en termes d’identification et
de suivi des expositions non performantes ou sous surveillance.
En raison de l’activité de Bpifrance, il convient de veiller à mettre
en place rapidement un dispositif de gestion des risques pleinement
conforme aux exigences règlementaires.
IV -
Les contreparties salariales
de la construction sociale d’un groupe unique
L’héritage des structures regroupées
A -
1 -
Des statuts sociaux disparates
La mise en place de Bpifrance a reposé sur le regroupement
d’entités très différentes du point de vue de leurs métiers, leurs habitudes
de travail, leur taille, leurs niveaux de rémunérations. La constitution d’un
groupe commun représentait un défi. Les personnels d’Oséo, devenu
Bpifrance financement, qui étaient les plus nombreux (1 673 ETP en
contrat à durée indéterminée fin 2012), relevaient tous d’un même statut
composé d’un socle issu de la convention collective nationale de la
banque et des accords collectifs d’entreprise. Les entités ayant composé
Bpifrance investissement (CDC Entreprises et ses filiales, dont FSI
Régions, et le fonds stratégique d’investissement – FSI), représentant au
total environ 249 salariés de droit privé, disposaient chacune d’un statut
social propre. La rémunération moyenne
71
s’élevait, en 2013, à 57 993 €
(hors charges) au sein de Bpifrance financement et à 112 438 € au sein de
Bpifrance investissement.
Mais au sein même du pôle investissement, les structures de
rémunération des différentes entités regroupées étaient sensiblement
différentes. La structure médiane de rémunération des investisseurs en
vigueur au sein de CDC Entreprises était la plus favorable et, hors cadres
71
Y compris intéressement, participation lorsqu’elle existait et abondement aux PEE
et PERCO. Le salaire compris dans cette rémunération est le salaire brut.
Bpifrance - novembre 2016
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LA MISE EN PLACE DE BPIFRANCE : UNE ÉTAPE FRANCHIE AVEC SUCCÈS
49
dirigeants
occupant des postes de directeurs
72
, le niveau médian de
rémunération globale (y compris intéressement et participation) était
également plus élevé. Certes, le salaire de base représentait 65 % de la
rémunération globale au sein de CDC Entreprises, contre 78 % au FSI et
82 % au sein du FSI Régions. Mais les compléments de rémunération dont
bénéficiaient les salariés de CDC Entreprises étaient plus élevés
73
et le
caractère variable et aléatoire de ces compléments était limité dans les faits
74
.
Graphique n° 1 :
structure médiane de rémunération
des investisseurs au sein de CDC Entreprises, FSI et FSI Régions
Source : Cour des comptes d’après données du Cabinet Towers Watson
72
Les analyses réalisées à la demande de Bpifrance ont été faites sur la base de 110
titulaires occupant des fonctions d’investisseurs. Elles excluent 18 titulaires occupant
des postes de directeurs (directeurs du comité exécutif, directeurs des comités de
direction des lignes métiers de Bpifrance investissement et directeurs de pôles).
73
Les salariés de CDC Entreprises bénéficiaient, par exemple, d’un accord de
participation, représentant en moyenne 9 % de la rémunération globale (fixe plus
variable). Ils disposaient d’un abondement moyen de leur entreprise au titre du plan
d’épargne entreprise (PEE) et d’un plan d’épargne pour la retraite collectif (PERCO)
à hauteur de 7 % de la rémunération totale, contre seulement 1 % au FSI et 3 % à FSI
Régions, le FSI et le FSI Régions bénéficiant uniquement d’un PEE, et non d’un
PERCO.
74
La part variable sur objectif (PVO) représentait en moyenne 13 % de la
rémunération globale des salariés mais avec un usage de garantie de 80 % du montant
maximum de la prime qui rendait quasi-automatique son versement.
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COUR DES COMPTES
50
2 -
La construction d’un groupe unique, une réalité désormais
acquise au plan social
Trois ans après la création de Bpifrance, la construction d’un
groupe social unique est une réalité acquise. La direction de Bpifrance est
rapidement parvenue à fédérer les différentes entités regroupées et à créer
un sentiment d’appartenance à un même groupe, notamment grâce à la
mise en oeuvre d’un projet d’entreprise ambitieux, à la réussite duquel
l’ensemble des collaborateurs de Bpifrance ont été associés, et à la
création d’une nouvelle marque, Bpifrance, qui a permis d’incarner le
nouveau groupe. Le regroupement de ces entités s’est accompagné de
contreparties salariales, qui sont certes inévitables dans des processus de
fusion mais qui auraient pu être mieux maîtrisées (voir
infra
).
La construction sociale du groupe Bpifrance
B -
et les mesures de revalorisation salariale
qui l’ont accompagnée
La construction sociale de Bpifrance s’est effectuée en plusieurs
étapes. La principale étape a été marquée par la conclusion d’un accord
« cadre » relatif à la construction sociale de Bpifrance conclu le 3 juin
2013 entre tous les employeurs et toutes les organisations syndicales
concernées. Cet accord, après validation par les deux actionnaires, a
notamment formalisé les garanties globales concernant l’emploi des
salariés des entités regroupées au sein de Bpifrance, avec un engagement
de maintien du volume global de l’emploi
75
. Il a également défini le
périmètre social du groupe Bpifrance et fixé le calendrier des différentes
procédures de consultations sociales ultérieures ainsi que les thèmes de
négociations, en particulier celles concernant les rémunérations du pôle
investissement.
Le choix retenu a été de ne pas créer, au moins au départ, un statut
collectif de personnel propre à la holding, Bpifrance SA. Compte tenu des
différences de statuts entre les personnels de la partie financement et ceux
de la partie investissement, la création d’un statut collectif au niveau de la
75
Cet engagement a été pris en référence aux effectifs de contrats à durée déterminée
(CDI) budgétés au 31 décembre 2012 dans chaque entité, majorés des autorisations de
recrutement figurant dans les budgets 2013, soit un effectif total de 2 002 CDI.
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LA MISE EN PLACE DE BPIFRANCE : UNE ÉTAPE FRANCHIE AVEC SUCCÈS
51
holding a été jugée inopportune pour éviter tout effet inflationniste,
notamment dans le calendrier imparti de création du groupe Bpifrance
76
.
1 -
La mise en place d’un statut collectif unique
au sein de Bpifrance investissement
Les équipes de CDC Entreprises, du FSI et de FSI Régions ont été
regroupées, au 31 mars 2014, au sein d’une seule et même société de
gestion, dont CDC Entreprises, devenue Bpifrance investissement, a
constitué la structure d’accueil
77
.
Dans la mesure où le statut social dont
bénéficiaient les salariés de CDC Entreprises était, au niveau des
compléments de rémunération, le plus favorable des trois entités
concernées, son application aux salariés du FSI et de FSI Régions
78
aurait
entraîné un effet d’aubaine pouvant atteindre, selon BPIfrance, jusqu’à
20 % pour les personnes concernées, soit 8 % de la masse salariale. Pour
éviter cet effet d’aubaine, les dirigeants de Bpifrance ont négocié une
harmonisation à la baisse de certains éléments variables de rémunération
du statut des salariés de CDC Entreprises (la participation, l’abondement
au titre de l’épargne salariale et l’usage de garantie des PVO)
79
. Pour
accompagner socialement le nouveau dispositif, ces derniers ont obtenu,
en contrepartie, que leur salaire annuel brut fixe soit augmenté à due
proportion de la réduction des éléments variables de leurs rémunérations
76
Aujourd’hui, Bpifrance SA, au niveau de laquelle sont pilotées les fonctions
centrales, ne porte donc aucun salarié. M. Nicolas Dufourcq est rattaché à Bpifrance
SA mais en tant qu’unique mandataire social de Bpifrance. Tous les autres salariés de
Bpifrance sont rattachés à l’une des deux filiales de Bpifrance SA, Bpifrance
financement ou Bpifrance investissement, les responsables des fonctions centrales et
leurs équipes étant le cas échéant mis à disposition de la holding par les filiales et/ou
entre filiales, tout en conservant leur statut. Ils disposent d’un système de délégation
de pouvoir de la holding vers les opérationnels dans les filiales.
77
Jusqu’à cette date, les personnels de CDC Entreprises, du FSI et du FSI Régions
étaient rattachés à trois entités juridiques distinctes (respectivement Bpifrance
investissement, Bpifrance participations et Bpifrance investissement régions), dotées
chacune d’un statut collectif du personnel propre. La réorganisation opérée a consisté
à créer une société de portefeuille qui porte tous les actifs mais aucun personnel,
Bpifrance participation, et une société de gestion qui porte tous les personnels et gère
ces actifs, Bpifrance investissement.
78
Soit notamment l’application de l’accord de participation et de la politique
d’abondement de CDC Entreprises à l’ensemble des collaborateurs de Bpifrance
investissement.
79
Le vecteur de rémunération variable que constitue l’intéressement a continué à être
privilégié, mais en réduisant l’assiette au seul salaire fixe.
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COUR DES COMPTES
52
mais aussi de l’accroissement des charges sociales entraînées par cette
réintégration d’éléments variables dans la rémunération fixe
80
. Des
éléments variables et aléatoires ont donc été transformés en éléments de
la rémunération fixe.
Schéma n° 3 :
construction sociale de Bpifrance investissement
(avant/après)
Source : Bpifrance, retraitements Cour des comptes
80
Voir l’accord cadre relatif aux dispositifs de rémunération et d’épargne salariale au
sein de Bpifrance investissement en date du 3 février 2014. L’augmentation de salaire
annuel brut fixe, en application de cet accord, est intervenue sur la paie du mois
d’avril 2014, à effet rétroactif au 1
er
février 2014. L’augmentation des cotisations
sociales, entraînée par la réintégration d’éléments variables dans la rémunération fixe,
a été compensée pour la partie qui ne générait pas de droits futurs pour le salarié (par
exemple, les cotisations retraite n’ont pas été compensées).
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LA MISE EN PLACE DE BPIFRANCE : UNE ÉTAPE FRANCHIE AVEC SUCCÈS
53
Les salariés de CDC Entreprises ont, en outre, bénéficié, en 2014,
d’un supplément exceptionnel de rémunération, dans le cadre de
l’engagement de maintien de pouvoir d’achat pris par la direction de
Bpifrance
81
. Ce supplément de rémunération a pris la forme d’un
supplément d’intéressement exceptionnel d’un montant global de
555 000 € bruts (représentant 1,25 % de la masse salariale), soit 4 000 €
environ par salarié, qui a complété l’intéressement versé en 2014 aux
salariés de CDC Entreprises au titre de l’exercice 2013, dans un contexte
où l’évolution consacrée à la masse salariale en 2014, hors mesures
spécifique, a été limitée à 1 %
82
(contre environ 4 % en moyenne
antérieurement).
Enfin, une harmonisation des PVO a été effectuée au sein de
Bpifrance investissement à compter de début 2015
83
. Elle a conduit à fixer
des niveaux de PVO homogènes par grande fonction, en pourcentage du
salaire fixe
84
. Pour les salariés dont les PVO étaient moins importantes,
elles ont été alignées sur les plafonds maximum ainsi fixés sur deux
exercices successifs (le rattrapage s’effectuant en deux temps : pour
moitié en 2015, le solde en 2016). Des salariés de l’ex-CDC Entreprises
ont ainsi, mécaniquement, bénéficié d’une forte augmentation des PVO
dans la mesure où ces plafonds de PVO s’appliquaient à des salaires fixes
qui avaient été augmentés, à compter du 1
er
février 2014, pour compenser
la réduction des éléments variables de leurs rémunérations intervenues
dans le cadre de la mise en place du statut collectif unique de Bpifrance
investissement.
81
Monsieur Nicolas Dufourcq avait pris un engagement auprès des représentants du
personnel de CDC Entreprises, avant la constitution de Bpifrance, de maintien du
niveau de revenu 2013 pour ses salariés, en compensant tout impact sur le résultat (et
donc sur la participation) de la création de Bpifrance. Le montant de la participation
hors effet Bpifrance se serait élevée à 1,15 M€. La participation légale 2013 s’étant
élevée à 563 825 €, l’intéressement exceptionnel de 555 000 € bruts a visé à
compenser la différence.
82
Incluant les promotions, les nominations, les évolutions de responsabilités et les
augmentations de salaires.
83
Les PVO maximum étaient, avant l’harmonisation, exprimées en montants dans
deux des trois entités ayant constitué la société de gestion. Leur niveau était très
hétérogène au sein des différentes entités. Elles représentaient 7 % à 70 % des
rémunérations fixes.
84
20 % du salaire fixe pour les chargés d’investissement, 30 % du salaire fixe pour les
directeurs d’investissement, 40 % du salaire fixe pour les directeurs membres d’un
comité de direction, 10 % pour les fonctions support (hors assistantes), etc.
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54
L’ampleur des mesures de revalorisation salariale dont ont bénéficié
les salariés de l’ex-CDC Entreprises est justifiée par la direction de
Bpifrance comme un moyen d’éviter les pertes de talents et de favoriser
l’intégration de cette structure dans le cadre du regroupement des
différentes entités du pôle investissement. On peut toutefois s’interroger sur
la réalité de cet argument s’agissant de salariés dont une large proportion
était depuis longtemps au sein du groupe Caisse des dépôts.
2 -
Des mesures de rattrapage financier en faveur des salariés
de Bpifrance financement
Le statut des salariés de Bpifrance financement n’a, pour
l’essentiel, pas été modifié à la suite de la création de Bpifrance. Les
salariés de Bpifrance financement ont toutefois bénéficié de plusieurs
mesures de rattrapage financier destinées à répondre à leurs fortes
attentes, à assurer la cohérence des vecteurs de rémunération au sein du
groupe et à réduire les écarts de statuts entre les métiers du financement et
ceux de l’investissement :
-
réintégration de Bpifrance financement dans le champ d’application
de la participation à compter du 1
er
janvier 2015, sur la base d’une
formule dérogatoire équivalente à 1 % des salaires bruts
85
;
-
revalorisation de l’abondement de l’employeur au plan d’épargne
entreprise de 1 500 à 2 000 € bruts par salarié
86
(contre 3 000 € bruts
pour la partie investissement) ;
-
augmentation du plafond de l’intéressement pour l’aligner sur celui
du métier investissement
87
.
-
revalorisations salariales de certaines fonctions au sein de Bpifrance
financement, à compter de 2015, afin de compenser deux types
d’écarts de rémunération (entre Bpifrance et le marché pour les
85
La participation a été mise en application sur l’exercice 2015, correspondant donc à
des versements à compter de 2016. À titre de compensation puisque les délais de mise
en oeuvre ne permettaient pas une mise en application sur l’exercice 2014, les salariés
de Bpifrance financement ont perçu, en 2014, un supplément d’intéressement
exceptionnel pour un montant total de 1 M€ brut, soit 1 % de la masse salariale. Ce
supplément d’intéressement était d’un montant de 500 € bruts par salarié au titre de
l’exercice 2013, versé en 2014.
86
Avenant à l’accord PEE du 24 février 2015.
87
L’accord d’intéressement 2014-2016 prévoit un montant maximal de 9 % des
salaires bruts, contre 8 % dans l’accord précédent.
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LA MISE EN PLACE DE BPIFRANCE : UNE ÉTAPE FRANCHIE AVEC SUCCÈS
55
fonctions de
front office
de Bpifrance Financement
88
; entre
Bpifrance Financement et Bpifrance Investissement sur les fonctions
transverses
89
).
Ces mesures de rattrapage entre les filiales financement et
investissement de Bpifrance étaient probablement, pour partie, inéluctables
dans le cadre de la création de Bpifrance mais ont été généreuses.
3 -
L’évolution dynamique des rémunérations de certains cadres
dirigeants
Les rémunérations moyennes des cadres dirigeants
90
de Bpifrance
(fixe et PVO) ont fortement augmenté en 2014 et 2015 (respectivement
+ 15 % et + 23 % sur le pôle investissement et + 17 % et + 12 % sur le
pôle financement), Bpifrance justifiant ces augmentations par le contexte
spécifique de la création de Bpifrance, avec de nouvelles organisations et
l’extension des champs de responsabilité qui ont entraîné des ajustements
de rémunération.
88
Les fonctions
front
concernent : directeur régional, délégués métier, chargés
d'affaires, chargés d'études.
89
L’audit des rémunérations de Bpifrance, établi par le cabinet Towers Watson en
décembre 2014, relevait que ces écarts pouvaient se retrouver sur le marché mais
qu’ils pourraient créer un risque juridique au sein de Bpifrance au regard du principe
« à travail égal, salaire égal ».
90
Les cadres dirigeants du groupe Bpifrance étudiés dans le cadre du présent rapport
sont ceux qui sont identifiés comme tels par la DRH Groupe de la Caisse des dépôts,
sur la base du système de cotation établi pour l’ensemble du groupe Caisse. Selon leur
niveau de responsabilité au sein de l’organisation (système de pesée de postes), les
cadres dirigeants sont répartis entre deux catégories : cercle 1 et cercle 2 (C1 et C2).
Bpifrance comptait, en 2015, 70 cadres dirigeants au sens de la cotation établie pour
l’ensemble du groupe Caisse des dépôts, dont 14 appartenant au cercle 1 et 56
appartenant au cercle 2. Le directeur général de Bpifrance ne fait pas partie de cette
catégorie des cadres dirigeants, dans la mesure où il est mandataire social.
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56
Tableau n° 8 :
augmentations individuelles des cadres dirigeants
91
Bpifrance Investissement
2012
2013
2014
2015
Effectif de cadres dirigeants
19
26
28
28
Masse salariale hors charges (M€)
3,8
4,5
5,6
6,9
Moyenne par cadre (€)
201 265
174 005
199 829
245 109
Pourcentage de hausse
individuelle
- 14 %
15 %
23 %
Bpifrance Financement
2012
2013
2014
2015
Effectif de cadres dirigeants
40
41
42
42
Masse salariale hors charges (M€)
4,3
4,7
5,6
6,3
Moyenne par cadre (€)
107 364
114 157
133 318
149 945
Pourcentage de hausse
individuelle
6 %
17 %
12 %
Source : Bpifrance, retraitements Cour des comptes
Au-delà de cette moyenne, les augmentations individuelles
observées sont, dans certains cas, très élevées, sans être toutes motivées
par des changements de postes, et paraissent aller au-delà de mesures
prises pour faciliter un processus de rapprochement de plusieurs entités.
Ces augmentations de rémunération paraissent d’autant plus difficiles à
justifier que Bpifrance n’a pas la charge, au sein de son pôle
investissement, de la recherche de souscripteurs, ordinairement assurée
dans le cadre de levées de fonds d’investissement, et que ses salariés ne
sont pas dans la situation de prendre des risques financiers personnels,
contrairement aux détenteurs de participations dans des fonds privés.
Bpifrance bénéficie, par ailleurs, de ressources publiques dédiées pour les
activités de son pôle financement.
Sur huit cadres dirigeants, membres du comité exécutif et du comité
de management général de Bpifrance,
présents en 2012, sept ont enregistré
une progression moyenne annuelle de + 12 % de leur rémunération
moyenne (rémunération fixe et PVO) sur la période 2012-2015 (soit une
augmentation moyenne de + 40 % sur l’ensemble de la période), l’un de ces
cadres ayant bénéficié d’une progression totale allant jusqu’à + 66 % sur la
période (soit une progression moyenne annuelle de + 18 %). Seul un cadre
dirigeant, présent en 2012, a vu sa rémunération baisser sur la période
2012-2015. Il s’agit d’un ex-salarié du FSI, dont la rémunération,
supérieure à 450 000 euros en 2013, a été ramenée en deçà de ce montant
91
La masse salariale hors charges s’entend ici comme les rémunérations fixes et les
primes variables sur objectifs (PVO), hors intéressement, participation et abondement
aux PEE/PERCO.
Bpifrance - novembre 2016
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LA MISE EN PLACE DE BPIFRANCE : UNE ÉTAPE FRANCHIE AVEC SUCCÈS
57
en 2015
92
. Le plafonnement de la rémunération du directeur général de
Bpifrance à 450 000 euros
93
permet, à cet égard, de borner le niveau des
rémunérations au sein de Bpifrance, ce qui est positif.
Tableau n° 9 :
rémunération moyenne de sept cadres dirigeants
du comité exécutif et du comité de management général présents en 2012
2012
2013
2014
2015
TCAM*
2012-
2015
196 460 €
226 805 €
264 166 €
274 300 €
12 %
40 %
Source : Bpifrance, retraitements Cour des comptes. * Taux de croissance annuel moyen
L’essentiel des augmentations de rémunération de ces cadres
dirigeants, que le conseil d’administration de Bpifrance, compétent pour
les membres du comité exécutif, a approuvées, a eu lieu en 2013 et 2014.
En effet, en 2015, le comité des nominations et des rémunérations
94
,
auquel la direction de Bpifrance avait de nouveau soumis des
propositions d’augmentation pour cinq membres du comité exécutif, a
refusé ces propositions d’augmentation pour trois d’entre eux : deux
avaient déjà eu une révision salariale en 2013 et le troisième avait connu
une évolution salariale très dynamique depuis son arrivée dans le
groupe Bpifrance
95
. Les augmentations individuelles importantes des
rémunérations des membres du comité exécutif ont poussé leur
rémunération moyenne à la hausse, exerçant un effet « d’échelle de
92
Les membres du comité exécutif de l’ex-FSI disposaient de rémunérations
nettement plus élevées que celles des membres du comité exécutif des autres
structures intégrées au sein de Bpifrance investissement. La plupart d’entre eux ont
quitté Bpifrance en 2014 et 2015.
93
Une mesure législative encadre sa rémunération qui est plafonnée à 450 000 euros
par an (article 3 de la loi du 31 décembre 2012 relative à la création de la banque
publique d’investissement et article 2 du décret du 12 juillet 2013).
94
Le comité des nominations et rémunérations de Bpifrance SA (CNR) a, entre autres,
pour mission de faire au conseil d’administration toutes propositions concernant la
rémunération du directeur général et des directeurs généraux délégués, de donner un
avis sur la fixation et l’évolution, dans toutes leurs composantes, des rémunérations
des membres du comité exécutif.
95
Le CNR a souligné que ces demandes d’augmentation devaient être étudiées « au
regard des progressions de rémunération constatées pour certains membres du comité
exécutif dans le passé, dans un contexte où un effort de modération salariale est
demandé aux salariés et, plus généralement, au regard d’une conjoncture qui doit
conduire à la sobriété ». Dans un document interne, la DRH de la Caisse a souligné
que les mesures d’augmentation proposées étaient globalement très au-dessus de ses
cadrages à 2 % des rémunérations des dirigeants, dans un contexte où, par ailleurs, les
rémunérations concernées étaient déjà au niveau du marché.
Bpifrance - novembre 2016
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COUR DES COMPTES
58
perroquet » pour les futurs entrants. Cet effet s’est concrétisé très
récemment, lors de l’entrée d’un nouveau membre au comité exécutif, en
janvier 2016. La direction générale de Bpifrance a proposé au CNR de
Bpifrance SA d’augmenter la rémunération fixe de ce salarié de + 25 %
en deux fois
96
. Bpifrance souligne toutefois une inflexion récente à la
baisse de la rémunération moyenne
97
de l’ensemble des membres du
comité exécutif : 308 000 € au 30 juin 2016
98
, en baisse de 8,7 % par
rapport au 31 décembre 2014 (337 500 €).
Pour cinquante-six autres cadres dirigeants, non membres du comité
exécutif, on observe également des cas d’augmentations individuelles
particulièrement
élevées.
Vingt-six
de
ces
cadres
ont
bénéficié
d’augmentations individuelles comprises entre + 31 % et + 95 % sur la
période 2012-2015 (soit des taux de croissance annuels moyens sur la période
compris entre 10 % et 25 %).
On note quelques cas d’augmentations individuelles similaires au
sein des 22 cadres de Bpifrance investissement qui disposaient, en 2015,
d’une rémunération
99
supérieure à 150 000 euros, alors qu’ils ne sont pas
considérés comme cadres dirigeants : sept de ces cadres ont bénéficié
d’augmentations individuelles comprises entre + 35 % et + 83 % sur la
période 2012-2015 (soit des taux de croissance annuels moyens sur la
période compris entre 11 % et 22 %)
100
.
Les augmentations des rémunérations de certains cadres dirigeants
paraissent tout particulièrement contestables dans leur principe. Il s’agit
d’augmentations de rémunérations qui ont concerné des salariés de l’ex-
CDC Entreprises. Les augmentations de rémunération dont ont bénéficié
deux d’entre eux ont consisté à intégrer, à compter de 2014, dans leurs
rémunérations, de manière permanente, les conséquences financières d’un
mécanisme d’attribution d’actions gratuites qui existait au sein de CDC
Entreprises, dont la Cour a mis en évidence les dérives
101
et auquel il avait
96
La proposition faite au CNR était d’augmenter le salaire fixe du salarié à hauteur de
15 % en 2016, date de sa nomination, et de 10 % au 1
er
janvier 2017.
97
Salaire fixe + PVO.
98
Avec une hypothèse conservatrice de versement de la totalité des PVO cibles.
99
Rémunération fixe et PVO.
100
Bpifrance justifie ces augmentations en soulignant que ces cadres sont des
investisseurs/experts expérimentés à profil et expertise rares, qui ont augmenté leur
niveau de responsabilité à poste égal dans un contexte de reprise forte du marché du
capital investissement.
101
Voir l’insertion sur les attributions gratuites d’actions de CDC Entreprises, filiale
de la Caisse des dépôts et consignations : les dérives d’un dispositif d’actionnariat
salarié public, rapport public annuel 2015.
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LA MISE EN PLACE DE BPIFRANCE : UNE ÉTAPE FRANCHIE AVEC SUCCÈS
59
été mis un terme dans le cadre de la création de Bpifrance
102
. Le dispositif
a été le suivant : ont été additionnés la rémunération fixe à fin 2013, le
montant de la PVO maximale au titre de 2013 et les dividendes perçus par
ces dirigeants au titre des actions gratuites de CDC Entreprises qu’ils
détenaient en 2013. Ces trois éléments ont constitué leur nouvelle
rémunération globale pour 2014.
De facto
, la PVO a donc été
« transformée » en rémunération fixe et les dividendes perçus en 2013 au
titre des actions gratuites ont été « transformés » en rémunération
variable, alors même que le dispositif des actions gratuites de CDC
Entreprises avait disparu depuis la mi-2013. Pour cinq autres salariés de
l’ex-CDC Entreprises, les augmentations de rémunérations dont ils ont
bénéficié sur la période 2013-2015 ont,
de facto
, conduit à réintégrer dans
leur rémunération un montant équivalent aux dividendes perçus par ces
dirigeants au titre des actions gratuites de CDC Entreprises qu’ils
détenaient en 2013, sans toutefois que la Cour ait pu identifier un lien
formalisé entre les deux. D’autres salariés de l’ex-CDC Entreprises n’ont
d’ailleurs pas bénéficié d’une telle réintégration.
4 -
L’impact des mesures de revalorisation des rémunérations
sur la masse salariale
Les frais de personnel
103
, qui représentent environ la moitié des
charges d’exploitation de Bpifrance, ont progressé de 25 % sur la période
2013-2015, passant de 219,8 M€ en 2013 à 275 M€ en 2015. Si
l’augmentation des effectifs de Bpifrance explique, en partie, cette
progression, les différentes données examinées par la Cour font apparaître
également le poids des mesures de revalorisation des rémunérations
mentionnées
supra
, en particulier au sein du pôle investissement, et
102
Un plan d’attributions gratuites d’actions (PAGA) avait été mis en place fin 2007
au profit des salariés de l’ex-CDC Entreprises. Il a conduit à distribuer, entre
décembre 2007 et novembre 2010, 28 952 actions gratuites de préférence dans le
cadre d’une société à capitaux entièrement publics, non cotée, exerçant une mission
d’intérêt général. Le montant des dividendes (8,3 M€ au total), perçus à partir de 2010
par les salariés attributaires d’actions gratuites, s’est avéré sensiblement plus élevé
que prévu initialement. Le montage a pris fin, pour l’essentiel en 2013, lors de la
création de la Banque publique d’investissement (BPI) et de l’apport des actifs de
CDC Entreprises à Bpifrance. À cette occasion, la Caisse a racheté ces actions pour
un montant total de 7,2 M€. Certains dirigeants ou cadres de CDC Entreprises ont
bénéficié alors de produits de cession importants, sans lien avec la vocation initiale
« d’intéressement » de ce dispositif.
103
Hors dépenses d’intérim, de l’ordre de 5 M€, qui sont comptabilisées dans les
prestations externes.
Bpifrance - novembre 2016
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COUR DES COMPTES
60
l’évolution dynamique des rémunérations de certaines cadres dirigeants.
Ainsi, l’augmentation de la masse salariale hors charges (y compris
participation, intéressement et abondement aux PEE et PERCO) au sein du
pôle investissement, dont le taux de croissance annuel moyen s’est élevé à
17 % sur la période 2013-2015, provient pour moitié de l’effet volume lié
aux recrutements capacitaires effectués en lien avec l’activité et les
missions nouvelles de Bpifrance, et pour moitié d’un effet prix lié aux
différentes mesures de revalorisation salariale. Il appartient donc aux
actionnaires d’exercer une vigilance forte sur le niveau de rémunération des
cadres dirigeants du groupe Bpifrance et de stabiliser ces rémunérations sur
la durée du plan à moyen terme 2016-2019 de Bpifrance.
5 -
Les problématiques liées à la rémunération des investisseurs
Bpifrance ne dispose pas aujourd’hui de dispositifs d’intéressement
différé au sein de son pôle investissement
104
, ce qui soulève, selon la
direction de Bpifrance, des difficultés pour attirer et
fidéliser des salariés
dans un secteur professionnel, le capital investissement, caractérisé par
l’existence de dispositifs d’intéressement différé (
carried interest
105
ou
mécanismes équivalents). La direction de Bpifrance réfléchit donc à la mise
en place d’un dispositif de rémunération différée afin de fidéliser les
équipes. Un tel dispositif devra être examiné avec la plus grande attention.
En effet, la Cour a mis en évidence les dérives possibles de tels dispositifs
dès lors que leurs conditions de déclenchement ne sont pas adaptées
106
. Les
métiers du pôle investissement obéissent, par ailleurs, à des logiques très
différentes : le métier fonds de fonds consiste à investir dans des fonds
d’investissement
107
, et non à prendre des participations directes dans des
entreprises, comme c’est le cas des métiers innovation, fonds directs PME
ou moyennes et grosses capitalisations. La nécessité de mettre en place un
tel dispositif de rémunération différée ne semble, enfin, aujourd’hui pas
avérée. Les rémunérations des investisseurs de Bpifrance ont présenté une
104
Des dispositifs de «
carried interest
» existaient sur quelques fonds, dans deux des
sociétés ayant constitué Bpifrance investissement.
105
Ce mécanisme « d’intéressement » d’une équipe d’investissement d’une société de
gestion à la plus-value dégagée par les fonds gérés, adopté par toutes les sociétés de
gestion du secteur privé, consiste à ce que les gérants investissent leurs deniers
propres dans le fonds qu’ils gèrent et récupèrent à sa liquidation une quote-part de la
plus-value du fonds (habituellement 10 % pour les fonds de fonds et 20 % pour les
fonds directs), après remboursement aux investisseurs du capital investi et versement
d’un rendement prioritaire (le «
hurdle
»).
106
Bpifrance indique avoir écarté de sa réflexion les dispositifs de type actions
gratuites et «
carried interest
».
107
Le métier fonds de fonds n’a pas vocation à contrôler, ni à suivre les
investissements réalisés par les gérants des fonds dans lesquels il investit.
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LA MISE EN PLACE DE BPIFRANCE : UNE ÉTAPE FRANCHIE AVEC SUCCÈS
61
évolution dynamique au cours des dernières années, et leur niveau n’est pas
si éloigné des pratiques du marché. Le nombre de démissions, 5 en 2014 et
6 en 2015, soit seulement 1,8 % environ des effectifs de Bpifrance
investissement, ne permet aujourd’hui pas de confirmer l’existence d’une
réelle « fuite des talents », qui appellerait un plan d’urgence. En tout état de
cause, un tel dispositif devrait respecter l’ensemble des dispositions
réglementaires applicables aux établissements bancaires.
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
________
La mise en place de Bpifrance a été réussie. La direction de
Bpifrance est rapidement parvenue à fédérer les différentes entités
regroupées au sein de la nouvelle banque publique et à créer un
sentiment d’appartenance à un même groupe. L’existence d’un point
d’entrée unique, permettant aux entreprises de disposer de la quasi-
totalité de la palette des instruments financiers mobilisables (des crédits
jusqu’au fonds propres), y compris dans le domaine du soutien aux
exportations, est désormais une réalité. Bpifrance a pris sa place dans
l’écosystème du financement des entreprises et ses nombreuses initiatives
en faveur de l’accompagnement de ces dernières sont appréciées,
notamment en ce qu’elles développent la culture entrepreneuriale.
Les problèmes de gouvernance, posés par la détention du capital
de Bpifrance à parité par l’État et la Caisse ou liés aux modalités de
l’association des régions à la BPI, qui étaient particulièrement sensibles
lors de la constitution de l’établissement, ont été, pour l’instant,
surmontés. En revanche, l’existence de l’EPIC Bpifrance, structure
portant l’actionnariat de l’État dans BPI, ne se justifie pas, cette entité
servant essentiellement à contourner les règles relatives à l’allocation
des fonds publics et nuisant à la transparence vis-à-vis du Parlement.
La progression des interventions de Bpifrance depuis sa création a
été forte et témoigne d’un réel dynamisme.
Ce constat positif s’accompagne d’éléments moins favorables. La
croissance de l’activité a été soutenue par des financements publics en
hausse.
Bpifrance ne s’est, par ailleurs, pas encore pleinement dotée d’un
dispositif conforme aux obligations fixées par le superviseur en matière
de gestion et de contrôle des risques.
Enfin,
la
création
de
Bpifrance
s’est
accompagnée
de
contreparties salariales qui sont certes souvent inévitables dans des
processus de fusion mais qui, au cas d’espèce, auraient pu être mieux
Bpifrance - novembre 2016
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COUR DES COMPTES
62
maîtrisées. On constate, notamment, une augmentation, pas toujours
justifiée, des rémunérations de certains des cadres dirigeants.
La Cour formule les recommandations suivantes :
-
supprimer l’EPIC Bpifrance (État) ;
-
inscrire la garantie octroyée à Bpifrance en loi de finances et dans
les engagements hors bilan de l’État (État) ;
-
mettre en place rapidement un dispositif de gestion des risques
pleinement conforme aux exigences règlementaires (Bpifrance) ;
-
stabiliser les rémunérations des cadres dirigeants du groupe sur la
durée du plan à moyen terme 2016-2019 de Bpifrance (Bpifrance).
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Chapitre II
Un réel dynamisme, mais un
positionnement stratégique à clarifier
pour chacun des métiers
I - Le financement en crédits des entreprises ;
un infléchissement nécessaire de la production
après une phase de forte croissance
Une ampleur et une dynamique plus fortes
A -
des financements de Bpifrance par rapport à Oséo
Bpifrance financement s’est très largement inscrite, pour son offre
de produits, dans la continuité d’Oséo. Elle en a naturellement créé de
nouveaux (par exemple, le préfinancement du crédit d’impôt pour la
compétitivité et l’emploi, le crédit export, etc.) mais beaucoup d’entre eux
existaient déjà, sous une forme ou sous une autre, du temps d’Oséo, ou
constituent la déclinaison d’une offre existante sous Oséo. La création du
groupe Bpifrance a néanmoins donné une ampleur et une dynamique
beaucoup plus fortes à ses interventions dans le domaine des financements
en crédits des entreprises, le rapprochement au sein du groupe Bpifrance
des fonds propres de l’ex-FSI et de Bpifrance financement permettant de
faciliter le refinancement de l’activité bancaire sur les marchés financiers et
sa recapitalisation. C’est là une concrétisation de la valeur ajoutée produite
Bpifrance - novembre 2016
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COUR DES COMPTES
64
par le rapprochement des trois entités pré-existantes. On note également la
poursuite d’une inflexion stratégique, entamée sous Oséo, en termes de
ciblage des interventions de Bpifrance, avec une évolution vers des
entreprises de taille plus importante.
Doctrine d’intervention de Bpifrance dans le domaine
du financement
La loi laisse, à cet égard, une large marge de manoeuvre à
l’établissement. La doctrine d’intervention de Bpifrance
108
, validée par ses
actionnaires, État et Caisse des dépôts, repose sur les concepts
« d’établissement de place », de « défaillances de marché » et « d’effet
d’entraînement », sans toutefois définir précisément leur contenu. La
règlementation communautaire relative aux aides d’État encadre, par
ailleurs, en principe, strictement l’activité de Bpifrance. Les interventions
de Bpifrance mentionnées par les autorités françaises à la Commission
européenne comme ne pouvant pas être effectuées dans des conditions
normales de marché, c’est-à-dire concernant des secteurs dans lesquels une
défaillance de marché a pu être identifiée, sont en nombre limité : il s’agit,
pour l’essentiel, des aides à l’innovation et du fonds national d’amorçage.
Pour le reste de ses activités
109
, Bpifrance intervient dans une logique
d’investisseur, de garant et de prêteur avisé, c’est-à-dire dans des
conditions normales de marché, concomitamment et dans des conditions
similaires à d’autres acteurs privés du marché.
1 -
Une progression supérieure à celle constatée au niveau de
l’ensemble des institutions financières
La production de crédits de Bpifrance a progressé de 66 % sur la
période 2012-2015, passant de 5,3 Md€ en 2012 à 8,8 Md€ en 2015, soit
108
Doctrine d’intervention de Bpifrance en date du 14 avril 2014 : « Bpifrance est un
outil financier au service de l’intérêt collectif qui a vocation à intervenir sur les
segments de marchés ou les entreprises pour lesquels les autres acteurs financiers ne
sont pas, ou pas assez, présents. (…) Bpifrance financement est un acteur de place,
neutre, qui a vocation à entraîner au bénéfice des entreprises, l’ensemble des
partenaires du financement, au premier plan desquels, les banques, de même que les
réseaux de développement de l’innovation en intervenant en cofinancement avec des
banques privées ».
109
C’est, par exemple, le cas dans le cadre de son activité de crédits à moyen et long
terme, qui représentait 62 % des encours de Bpifrance financement en 2015 (16 Md€).
Bpifrance - novembre 2016
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UN RÉEL DYNAMISME, MAIS UN POSITIONNEMENT STRATÉGIQUE À
CLARIFIER POUR CHACUN DES MÉTIERS
65
une progression moyenne annuelle de 18,3 %. Sur la même période, la
production de crédits aux PME constatée au niveau de l’ensemble des
institutions financières résidentes enregistrait une progression moyenne
annuelle de près de 5 %
110
. La production de garanties de prêts bancaires
est, quant à elle, restée stable sur la période 2013-2015, avec environ
3,7Md€ de risques garantis
111
par an.
Tableau n° 10 :
évolution de la production de Bpifrance
financement
112
(Md€)
31
déc.
2012
31
déc.
2013
31
déc.
2014
31
déc.
2015
Variation
entre 2012
et 2015
Taux
croissance
annuel
FINANCEMENT MOYEN
ET LONG TERME
4,7
5,1
5,8
6,4
37 %
11,1 %
Crédits moyen et long terme
3,5
3,7
3,8
4,1
18 %
5,7 %
dont prêts à moyen ou long
terme
2,1
2,4
2,5
2,9
38 %
11,3 %
dont crédit-bail
1,4
1,3
1,3
1,2
- 13 %
-4,6 %
Prêts de développement
sans garantie
1,2
1,4
2,0
2,3
91 %
24,1 %
FINANCEMENT
COURT TERME
0,6
1,5
2,5
2,4
280 %
56,0 %
Mobilisation de créances, y
compris au titre du CIR
(nouveaux engagements)
0,6
0,7
0,8
0,8
21 %
6,7 %
Préfinancement du CICE
(nouveaux engagements)
0,8
1,7
1,6
106 %
43,4 %
TOTAL PRODUCTION
5,3
6,6
8,2
8,8
66 %
18,3 %
Source : Bpifrance
110
Les crédits aux PME, approximés par les flux de crédits nouveaux aux sociétés non
financières d’un montant inférieur à 1 M€, sont passés de 71,0 Md€ à fin 2012 à
82,4 Md€ à fin 2015.
111
Il s’agit de la quotité des prêts bancaires garantis par des fonds de garantie dits
classiques, hors prêts garantis par des fonds de garantie dits « internes », qui
garantissent pour l’essentiel des prêts de développement.
112
Pour le financement à moyen et long terme, les chiffres
supra
correspondent aux
cumuls des engagements de l'année considérée au 31/12, ie aux contrats signés et
ayant fait l'objet d'un décaissement. Les mobilisations de créances correspondent à la
valorisation annuelle des nouvelles autorisations délivrées à des nouveaux clients
(produits avance + et crédit impôt recherche). S’agissant du préfinancement du CICE,
le montant des engagements nouveaux correspond aux autorisations dont la date
d'ouverture se situe dans l'année.
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66
2 -
Une progression tirée notamment par les financements
de court terme et les prêts de développement
a)
Les financements de court terme
La production des financements de court terme a fortement
progressé depuis la création de Bpifrance, avec la mise en place du
préfinancement du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi
(CICE)
113
, dans le cadre du déploiement des mesures du pacte national
pour la croissance, la compétitivité et l’emploi. Le taux de croissance
annuel moyen des nouveaux engagements au titre du préfinancement du
CICE
114
a été, sur la période 2013-2015, de 43,4 %. Bpifrance a eu un
rôle central sur ce segment de financement des entreprises. Elle est à
l’origine de plus de 90 % des dossiers de préfinancement en 2013 et
2014. Le poids de Bpifrance à l’égard du préfinancement des TPE/PME
et des ETI tient au fait que d’une part, les banques commerciales se sont
montrées réticentes à intervenir dans ce domaine, et que d’autre part,
Bpifrance a proposé pendant deux ans une tarification avantageuse
(absence de frais de dossiers) pour les plus petites entreprises et une
politique souple d’acceptation des demandes de préfinancement. La
banque publique répondait ainsi à la demande des pouvoirs publics que
les entreprises affectées par la crise et ayant des difficultés à financer leur
trésorerie
puissent
bénéficier
rapidement
du
CICE
via
son
préfinancement.
Rôle de Bpifrance dans l’activité de préfinancement du CICE
L’activité de préfinancement du CICE représentait, au 31/12/2015,
14 % du total d’encours de Bpifrance, soit 3,6 Md€ : 28 500 groupes
bénéficiaires, dont un quart de TPE, en ont bénéficié sur trois ans, pour des
montants unitaires allant de moins de 1.000 € à plusieurs dizaines de
millions d’euros. Il est encore difficile, selon le comité de suivi du
CICE
115
, d’apprécier l’impact global du préfinancement sur la survie des
113
Le CICE est une réduction d’impôt sur les sociétés ou d’impôt sur le revenu, égale
à 6 % de la masse salariale, hors salaires supérieurs à 2,5 fois le SMIC.
114
Les entreprises concernées peuvent ainsi bénéficier, dès l’année N, d’un crédit de
trésorerie, accordé par Bpifrance, dans l’attente du paiement par l’État, en année N+1,
du CICE à l’entreprise.
115
Rapport 2015 du comité de suivi du CICE, France stratégie.
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UN RÉEL DYNAMISME, MAIS UN POSITIONNEMENT STRATÉGIQUE À
CLARIFIER POUR CHACUN DES MÉTIERS
67
entreprises. Le comité de suivi note toutefois qu’orienté vers une
population particulièrement fragilisée et pouvant éprouver des difficultés à
se financer, le préfinancement a pu jouer un rôle de financement en dernier
ressort permettant à ces entreprises de survivre à court terme, que l’utilité
de cet outil a été soulignée par la Médiation du crédit lors de ses
interventions sur les dossiers les plus complexes et que plus généralement,
la souplesse avec laquelle Bpifrance a accordé en 2013 et 2014 des
préfinancements à de nombreuses TPE a pu les aider à financer leurs
besoins de trésorerie à très court terme.
b)
Les prêts de développement sans garantie
Les prêts de développement sans garantie visent notamment à financer
les actifs immatériels ou les besoins en fonds de roulement des entreprises. Ils
s’inscrivent dans le prolongement des contrats de développement participatif
(CDP), lancés fin 2009 par Oséo dans le cadre des investissements d’avenir
afin de renforcer les fonds propres des entreprises.
La forte augmentation de la production des prêts de développement
(+ 24 % par an sur la période 2012-2015), en partie liée à la mise en place
d’enveloppes de prêts du programme des investissements d’avenir
116
,
tient aux caractéristiques spécifiques de ces prêts, qui en font un produit
plus souple que les prêts traditionnels – et donc appréciés des
entreprises
117
: absence de prise de garantie sur les actifs de l’entreprise
ou le patrimoine du dirigeant, existence d’un différé d’amortissement,
116
Le commissariat général à l’investissement a confié à Bpifrance la distribution de
plusieurs enveloppes de prêts de développement dont certains sont bonifiés à hauteur
de 200 points de base : prêts verts (deux enveloppes sur les PIA 1 et 2), prêts
numériques, prêts robotiques, prêts à l’industrialisation des projets de R&D issus des
pôles de compétitivité
(
PIPC),
tous bonifiés
;
prêts croissance industrie et prêts
croissance automobile, non bonifiés. En 2015, la production de prêts PIA a représenté
15 % de la production des prêts de développement de Bpifrance.
117
Lors du conseil d’administration de Bpifrance financement du 26 mars 2015,
M. Dufourcq indiquait : « Les marchés enregistrent une abondance de crédits avec un
taux élevé de satisfaction des entrepreneurs et une forte concurrence bancaire.
À
cet
égard, Bpifrance devra conquérir de nouveaux clients et mettre l’accent sur ce qui
différencie son action (les prêts de développement). Dès lors, plus Bpifrance
bénéficiera de capitaux pour alimenter ses fonds de garantie, mieux cela sera pour sa
croissance. » Le directeur du réseau de Bpifrance rajoutait que l’inquiétude de
Bpifrance restait son positionnement par rapport à la concurrence bancaire :
« Bpifrance doit se différencier, notamment avec les prêts de développement qui
répondent aux besoins de trésorerie des entreprises, besoins d’autant plus forts en
période reprise pour les entrepreneurs. »
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COUR DES COMPTES
68
simplicité du dispositif
118
et bonifications de l’intérêt pour certains des
prêts mis en place dans le cadre des investissements d’avenir.
Bpifrance développe, par ailleurs, des solutions pour accompagner
des politiques publiques déterminées.
Au-delà de la mise en oeuvre du
préfinancement du CICE, Bpifrance a adapté sa gamme de produits pour
faire face aux demandes des pouvoirs publics. On peut citer, à titre
d’illustration, la mise en place, courant 2015, à la demande des pouvoirs
publics, d’une activité de financement des opérations d’exportation des
entreprises implantées en France, déjà mentionnée
supra
. Bpifrance peut
intervenir ponctuellement, à la demande des pouvoirs publics, en soutien
conjoncturel du financement de tel ou tel secteur. Ainsi, la banque est
intervenue, à l’été 2015, dans le cadre du plan de soutien des pouvoirs
publics en faveur de la filière de l’élevage, à travers la mise en place d’un
fonds
de
garantie
« renforcement
de
trésorerie
du
secteur
de
l’élevage »
119
.
Dans un contexte où la politique monétaire accommodante de la
BCE a favorisé une activité accrue des banques sur le marché du
financement des entreprises, Bpifrance a de fait axé ses efforts sur les
prêts de développement et le préfinancement du CICE, pour lesquels
l’offre bancaire est plus restreinte. Sa réactivité face aux demandes des
pouvoirs publics constitue indéniablement un atout. Elle n’est pas
entièrement nouvelle dans la mesure où Oséo s’intégrait déjà aux priorités
gouvernementales
120
.
118
Les contrats de ces prêts ne comportent notamment pas de clauses de sauvegarde
ou « covenant » bancaires, clauses que l’on retrouve dans les contrats de prêts
traditionnels et qui, en cas de non-respect des objectifs par exemple de ratio de
capitalisation et d’endettement à respecter, peuvent entraîner le remboursement
anticipé du prêt.
119
Ce fonds avait vocation à garantir essentiellement les financements bancaires
permettant le renforcement de la structure financière des TPE et PME indépendantes
de la filière agricole, que ce soit par octroi de nouveaux concours ou par consolidation
à moyen terme des concours bancaires à court terme existants. Ce fonds avait
également vocation à faciliter le réaménagement des concours bancaires existants, soit
par le biais de l’allongement de leur durée et/ou par rééchelonnement des échéances.
120
À titre d’exemple, Oséo avait été mobilisé, entre 2008 et 2010, dans le cadre du
plan de soutien puis du plan de relance de l’économie, pour apporter en urgence des
garanties de trésorerie afin d’éviter que des PME et ETI saines et viables ne
connaissent de graves difficultés en raison de tensions conjoncturelles de leur
trésorerie.
Bpifrance - novembre 2016
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UN RÉEL DYNAMISME, MAIS UN POSITIONNEMENT STRATÉGIQUE À
CLARIFIER POUR CHACUN DES MÉTIERS
69
3 -
Une évolution des financements de Bpifrance
vers des entreprises de taille plus importante
Bpifrance est intervenue davantage que ne le faisait Oséo en faveur
d’entreprises de taille plus importante. Plusieurs indicateurs convergents
illustrent ce phénomène.
La part des ETI et des grandes entreprises dans les activités de
financement de Bpifrance (hors garantie, financement de l’innovation et
activités de capital-investissement) est passée de 34 à 43 % (en valeur)
durant la période 2012-2015, celle des TPE et PME se réduisant
mécaniquement de 66 % à 57 % pendant la même période.
On constate, depuis 2012, une élévation du montant moyen des prêts
accordés, que ce soit pour des prêts à moyen et long terme ou des prêts de
développement sans garantie. Les prêts de développement mis en place dans
le cadre des investissements d’avenir ont contribué à ce phénomène dans la
mesure où ils sont délibérément fléchés sur les PME et ETI en croissance.
Les évaluations des dispositifs prêts verts et prêts numériques soulignent que
ces prêts ont soutenu des entreprises en forte croissance (prêts verts
121
) ou
une majorité de PME-ETI relativement matures (prêts numériques). Le
préfinancement du CICE a, par ailleurs, en montant, principalement bénéficié
aux ETI et grandes entreprises (elles représentaient près de 80 % de la
production du préfinancement CICE en 2015).
Tableau n° 11 :
répartition des actions de Bpifrance en financement
par taille d’entreprises
122
Montant
(M€)
2012
2015
% total
en 2012
% total
en 2015
TPE
1 040
1 208
12 %
10 %
PME
4 605
5 845
54 %
47 %
ETI
2 354
4 093
27 %
33 %
GE
598
1 234
7 %
10 %
TOTAL
8 596
12 379
Source : Bpifrance
121
Première évaluation du dispositif prêts verts, Bpifrance.
122
Les activités de financement de Bpifrance (y compris les financements de court-
terme) sont entendues hors garantie, financement de l’innovation et activités de
capital-investissement. Elles peuvent toutefois inclure des éléments de garantie, dès
lors que les analyses produites par Bpifrance considèrent le projet de financement des
entreprises, ce qui peut inclure une garantie sur un prêt complémentaire du partenaire
bancaire pour un projet de cofinancement, etc.
Bpifrance - novembre 2016
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COUR DES COMPTES
70
Cette évolution du positionnement de Bpifrance financement
répond largement à une volonté politique affirmée de soutien en faveur
des ETI. Elle découle également, en partie, des objectifs de production de
crédits ambitieux fixés à son réseau.
Il convient toutefois de noter que si la part relative des TPE/PME
dans le total des financements octroyés a diminué, le montant global des
financements à destination de ces dernières a augmenté de 25 % sur la
période 2012-2015 et qu’elles demeurent, en nombre, les principales
clientes de Bpifrance (elles représentaient environ 85 % des bénéficiaires
des soutiens sous forme de crédits de Bpifrance en 2015). Celle-ci ne
dispose pas, en tout état de cause, d’un réseau suffisamment capillaire
(seulement 48 implantations) pour lui permettre de jouer le rôle de
banque de proximité des petites entreprises. C’est ce qui explique que
Bpifrance intervient en faveur de ces entreprises principalement de
manière indirecte, à travers la garantie qu’elle octroie à des prêts
consentis par des banques privées. Les petites entreprises ont néanmoins
noué des liens plus directs avec la banque publique à travers le
préfinancement du CICE (voir
supra
). Enfin, des dispositifs de prêts en
faveur des TPE ont été récemment mis en place par Bpifrance, en
partenariat avec des régions.
Une expansion qui doit être maîtrisée
B -
2 -
Le positionnement délicat de Bpifrance
en tant qu’établissement de place
Bpifrance financement reste un intervenant de taille limitée sur le
crédit aux TPE/PME. Même si elle a cru depuis 2012, sa part dans
l’encours total des crédits bancaires n’était que de 3,6 %
123
en 2015.
Cependant, sur certains produits, tel que le crédit-bail immobilier, où sa
part de marché atteignait près de 10 % au 31/12/2015, Bpifrance
financement est occasionnellement perçu comme un concurrent. Par
ailleurs, considérée en flux, la part de Bpifrance financement dans la
production totale de crédits aux sociétés non financières est un peu plus
123
Données Banque de France (encours de crédit-bail et de crédit mobilisés au
31/12/2015).
Bpifrance - novembre 2016
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UN RÉEL DYNAMISME, MAIS UN POSITIONNEMENT STRATÉGIQUE À
CLARIFIER POUR CHACUN DES MÉTIERS
71
significative : elle est passée de 3,2 %, fin 2012, à 6 % en 2014, avant de
redescendre à 4,9 % fin 2015.
En tant qu’établissement de place, Bpifrance financement est
censé, à de rares exceptions près, n’intervenir jamais seul, mais
systématiquement en cofinancement avec un ou plusieurs autres
établissements de crédit
124
. Ce partage avec un partenaire bancaire doit
permettre un partage des risques et un double regard sur un dossier, censé
déclencher ou accroître le montant de financement accordé par la banque
à la PME. L’augmentation dynamique de la production de crédit de
Bpifrance sur la période 2012-2015 a pu avoir, de ce point de vue, un
effet positif d’entraînement. Cet effet d’entraînement n’est cependant pas
documenté précisément. La traçabilité du cofinancement manque de
complétude et d’exactitude au sein de Bpifrance : les outils informatiques
ne permettaient pas, jusqu’à récemment, de garantir la réalité et la
conformité du cofinancement, notamment concernant des produits
comme le crédit-bail mobilier pour lesquels une certaine latitude dans la
mise en oeuvre de cofinancements privés s’était, par ailleurs, installée
125
.
Depuis janvier 2015, les obligations de saisie du nom du partenaire
bancaire par les chargés d’affaire du réseau Bpifrance ont, en
conséquence, été renforcées. L’évaluation du dispositif de prêts
numériques du programme des investissements d’avenir, prêt bonifié à
hauteur de 200 points de base
126
, met, par ailleurs, en évidence l’existence
d’effets d’aubaine
127
.
124
Les prêts de Bpifrance sont, en principe, systématiquement en cofinancement, à
l’exception des prêts dans le domaine de l’innovation et de quelques autres prêts en
nombre limité (notamment dans le domaine du soutien aux exportations). Il s’agit,
dans la majorité des cas, d’un cofinancement en « un pour un », qui nécessite pour 1 €
de prêt Bpifrance, 1 € de concours financier associé. Le partenariat financier associé
peut prendre la forme soit d’un financement bancaire associé, soit d’un apport en
fonds propres réalisé par les actionnaires ou par un organisme de fonds propres.
125
L’inspection générale de Bpifrance a relevé, sur la base d’un échantillon de 46
dossiers, des cas d’absence de cofinancement explicite (53 % des prêts à moyen et
long terme et 24 % des crédit-baux en montant) et des cas de recours à la notion dite
de « cofinancement élargi » (dès lors, par exemple, que le financement de Bpifrance
s’inscrit dans le programme annuel d’investissement de la contrepartie), ce qui ne
correspond plus, en réalité, à du cofinancement par les banques et Bpifrance d’un
même projet.
126
Prêt d’une durée de 7 ans, dont 24 mois de différé d’amortissement en capital et
sans garantie sur les actifs de l’entreprise, ni sur le patrimoine du dirigeant.
127
Étude d’évaluation à mi-parcours du dispositif de prêts numériques du programme
des investissements d’avenir, EY, 4 mars 2016.
Bpifrance - novembre 2016
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COUR DES COMPTES
72
3 -
Une prise de risque légèrement supérieure
à celle des banques privées
Bpifrance cible, de façon importante, les entreprises présentant un
risque élevé au travers de ses dispositifs de garantie de prêts bancaires,
lesquels permettent de débloquer l’accès au crédit pour les TPE (en
moyenne moins bien notées que les autres entreprises)
128
.
Hors ces dispositifs de garantie, la proportion d’entreprises
faiblement solvables au sein de ses encours de crédit (45 % au
31/12/2015) est quasi identique à celle des autres banques (47 %), certes
avec des crédits en partie de nature différente (importance des crédits sans
garantie pour financer notamment les besoins immatériels). Ce constat ne
saurait toutefois être reproché à Bpifrance. Compte tenu de sa nature
d’établissement de crédit, soumis à la supervision directe de la Banque
centrale européenne, Bpifrance ne doit pas prendre des risques
inconsidérés, qui se traduiraient inévitablement par des coûts pour le
contribuable. Les encours de crédits de Bpifrance témoignent du fait
qu’elle intervient en faveur des entreprises présentant un risque élevé
principalement au moyen de ses financements de court terme
129
.
Tableau n° 12 :
répartition des encours de crédits mobilisés
par les PME selon la cotation du débiteur au 31/12/2015, en %
130
BPI
Toutes banques
Solvabilité forte à moyenne
55 %
53 %
Solvabilité faible
45 %
47 %
Source : Banque de France
128
En 2014, la proportion d’entreprises faiblement solvables au sein des entreprises
bénéficiant d’une garantie de Bpifrance était de 55 %, alors que les entreprises de
solvabilité faible représentaient 41 % des entreprises cotées par la Banque de France
et 47 % des encours de crédits mobilisés par les PME au sein des banques au
31/12/2015.
129
70 % des bénéficiaires du préfinancement du CICE affichaient en 2014, au sein du
portefeuille de Bpifrance, une solvabilité faible (cotation de la Banque de France 5+
à P), alors que les entreprises de solvabilité faible représentaient 41 % des entreprises
cotées par la Banque de France.
130
Solvabilité forte à moyenne : cote Fiben 3++ à 4 ; solvabilité faible : cote Fiben 5+ à 9.
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UN RÉEL DYNAMISME, MAIS UN POSITIONNEMENT STRATÉGIQUE À
CLARIFIER POUR CHACUN DES MÉTIERS
73
4 -
Une nécessaire réflexion stratégique sur le dimensionnement
des interventions de Bpifrance financement
La question du dimensionnement des interventions de Bpifrance
dans le domaine du financement est, en partie, consubstantielle à ce type
de dispositif. En effet, une telle entité publique tire sa légitimité du fait
qu’elle comble des défaillances de marché et qu’elle exerce un effet
d’entraînement sur les acteurs privés. Dans le même temps, il est difficile
pour elle de circonscrire son action aux seules failles de marché, dans la
mesure où elle doit équilibrer son résultat, et où, par ailleurs, son
intervention sur des produits non spécifiques peut lui permettre d’acquérir
la compétence et l’expertise nécessaires. Par ailleurs, il est difficile de
solliciter un établissement de cette nature en cas de difficultés
conjoncturelles des entreprises d’accès au crédit et de l’arrêter
immédiatement dès lors que ces difficultés ont disparu. Pour pouvoir
réactiver un tel dispositif en cas de besoin, il faut qu’il conserve une
activité minimale. Il ne s’agit donc pas de figer le dimensionnement des
interventions de Bpifrance qui doit être évolutif en fonction du contexte
économique et financier et des besoins des entreprises.
Plusieurs éléments doivent toutefois conduire à réexaminer
aujourd’hui le niveau des interventions de Bpifrance dans le domaine du
crédit. En effet, la conjoncture économique et financière s’est
profondément modifiée depuis 2013. Les chiffres témoignent d’une
situation aujourd’hui globalement sans tension sur le financement des
entreprises. D’après l’enquête trimestrielle menée par la Banque de
France auprès des entreprises sur leur accès au financement bancaire,
l’accès au crédit des PME reste large
131
. Quel que soit le type de crédit, la
cause principale de l’absence de demande de crédit est l’absence de
besoin. Depuis 2012, la politique monétaire accommodante de la BCE a
allégé les contraintes de liquidité des banques et a favorisé une présence
accrue sur le marché des entreprises. La concurrence sur ce marché est
donc forte, comme en témoigne la réduction continue des marges sur les
crédits
132
. Bpifrance a pu augmenter sa production et ses encours de
131
Au deuxième trimestre 2016, 84 % des PME ont obtenu, en totalité ou en grande
partie, les crédits de trésorerie demandés. Ce taux est de 94 % pour les crédits
d’investissement. Ces taux sont moins élevés pour les TPE.
132
Le CGI ne souhaite plus reconduire les bonifications de taux pour les prochaines
enveloppes de prêts de développement qu’il confiera à Bpifrance, considérant que ces
bonifications peuvent créer des effets d’aubaine et que le bas niveau des taux d’intérêt
les rend moins nécessaires.
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74
crédits au cours des dernières années, en partie grâce à une politique
commerciale proactive assise sur des objectifs ambitieux de production de
prêts
133
. Elle a été contrainte d’ajuster ses barèmes de taux à la baisse sur
certains de ses produits
134
et, pour s’aligner sur les banques partenaires,
d’accorder de plus en plus de dérogations tarifaires
135
. Par ailleurs, de
nombreuses structures publiques interviennent, souvent de manière
accrue depuis la crise de 2008, dans le domaine du financement des
entreprises tant au niveau français
136
qu’européen, dans le cadre
notamment du plan Juncker. Compte tenu de ces évolutions du contexte
économique et financier, c’est la stabilité et non plus la croissance de
l’activité de son pôle financement qui doit être l’objectif de Bpifrance.
Cette stabilisation devrait s’accompagner d’un recentrage progressif de
son intervention sur les segments, en termes d’activité ou de nature
d’entreprises, les plus mal couverts par les banques privées.
Si néanmoins, les pouvoirs publics souhaitaient que, dans la
conjoncture
actuelle,
Bpifrance
poursuive
l’augmentation
de
sa
production de crédits aux entreprises à un rythme soutenu, ce choix aurait
des conséquences en termes de positionnement de Bpifrance en tant
qu’établissement de place et d’un éventuel effet d’éviction du secteur
privé, dans un contexte où la part de Bpifrance dans la production de
133
Extrait du procès-verbal conseil d’administration du 11 mars 2015 : « Monsieur
Louis Schweitzer attire l’attention du conseil sur le manque de demande de crédit
bancaire de la part des entreprises. Monsieur Nicolas Dufourcq ajoute que ce manque
de demande pose la question du rythme de la croissance de Bpifrance. Bpifrance, dit-
il, doit être proactive et rassurer les entrepreneurs sur la qualité de leur bilan et de
leurs produits qui leur permet de croitre. Bpifrance doit donc démarcher les
entrepreneurs sans attendre qu’ils prennent l’initiative de la demande de crédit. »
134
Voir l’instruction de Bpifrance du 31/03/2015 relative aux taux applicables au
cours du mois d’avril 2015 sur les crédits à moyen et long terme : «
La situation
actuelle – encore caractérisée par un nombre restreint de projets et par l’abondance
d’offres bancaires à taux bas – nous conduit à renforcer la compétitivité de notre
barème
».
135
Ainsi, en 2014, plus de 700 dérogations tarifaires ont été accordées, marquant une
augmentation totale de 40 % en montants. Néanmoins l’objectif de marge globale a
été respecté.
136
C’est le cas, par exemple, de La Banque Postale qui, à la suite de son agrément en
2011, s’est développée sur le marché du crédit aux personnes morales ; du CGI qui a
mis en place plusieurs actions dans le domaine du financement des entreprises, dont la
gestion a été confiée à Bpifrance ; sans compter des structures comme le Fonds de
réserve pour les retraites (FRR) dont la politique d’investissement cherche à
contribuer au financement des acteurs économiques, en particulier des entreprises ; le
Fonds de développement économique et social (FDES) qui accorde des prêts à des
entreprises en difficulté dans le cadre de plans de sauvetage.
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UN RÉEL DYNAMISME, MAIS UN POSITIONNEMENT STRATÉGIQUE À
CLARIFIER POUR CHACUN DES MÉTIERS
75
crédits aux entreprises a augmenté au cours des dernières années. Il serait
également porteur de risques accrus pour la banque publique : même si
aujourd’hui, il n’est pas constaté de dégradation moyenne du risque de
crédit pour Bpifrance, on ne peut exclure un retournement dans les années
à venir. Une poursuite de l’augmentation de la production de crédits à un
rythme soutenu impliquerait, par ailleurs, d’accroître les recrutements au
sein des équipes de Bpifrance financement, sauf à accroître les risques
opérationnels. Il faudrait, enfin, que les pouvoirs publics accompagnent
cette évolution en termes de dotations publiques des fonds qui
garantissent aujourd’hui certains prêts accordés par Bpifrance (voir
chapitre III).
II - Le financement en fonds propres des PME :
une intervention soutenue, au risque
d’une concurrence entre acteurs publics
Bpifrance intervient dans le domaine du capital investissement
selon deux mécanismes principaux :
-
une
politique
de
fonds
de
fonds :
Bpifrance
souscrit,
par
l’intermédiaire de fonds de fonds, dans des fonds d’investissement
gérés par des sociétés de gestion privées, qui elles-mêmes
investissent dans les entreprises ;
-
la gestion directe de fonds d’investissement : Bpifrance gère, pour
son propre compte et/ou pour le compte de souscripteurs tiers, des
fonds d’investissement qui investissent et portent directement les
participations dans les entreprises.
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76
Tableau n° 13 :
interventions en fonds propres de Bpifrance
au 31 décembre 2015
137
Fonds de fonds -
7,3 Md€
(4,5 Md€)
Fonds direct PME -
1,4 Md€ (773 M€)
Innovation -
1,4 Md€
(646 M€)
Moyennes et grandes
capitalisations -
16 Md€ (12,5 Md€)
Tickets < 4 M€
Tickets > 4 M€
Fonds régionaux -
petites capitalisations -
978 M€
Capital-risque -
774 M€
Grosses capitalisations -
14,8 Md€
Tickets < 10 M€
Tickets > 10 M€
Fonds ETI 2020 - 3 Md€
Participation ETI - 1 Md€
Participation grandes
entreprises - 10,6 Md€
Fonds sectoriels -
235 M€
Large venture
-
600 M€
Moyennes capitalisations -
865 M€
Tickets > 10 M€
Tickets compris entre 4 M€
et 10 M€ (Fonds FIC)
Fonds filières - 220 M€
Fonds avenir automobile -
625 M€
Tickets compris entre 1 M€
et 50 M€
329 participations
433 participations
100 participations
141 participations
Source : Bpifrance, retraitements Cour des comptes
Les interventions considérées dans les développements
infra
sont
celles des métiers de Bpifrance dits fonds de fonds, fonds directs PME et
innovation. Ces métiers sont, pour l’essentiel, hérités de l’ex-CDC
Entreprises, et Bpifrance s’est très largement inscrite dans la continuité de
cette dernière
138
. On note toutefois une stratégie renouvelée sur plusieurs
aspects par rapport à CDC Entreprises et une ampleur plus forte des
interventions de Bpifrance, sous l’influence notamment du programme
des investissements d’avenir.
137
S’agissant des métiers fonds de fonds, fonds directs PME et innovation, les
montants indiqués désignent les actifs sous gestion et ceux figurant entre parenthèse
désignent les montants réellement investis ou souscrits. S’agissant du métier
moyennes et grandes capitalisations, le montant indiqué de 16 Md€ désigne sa
capacité d’intervention ; le montant figurant entre parenthèse de 12,5 Md€ désigne la
valeur nette comptable de ces lignes de participations au bilan consolidé de Bpifrance.
138
À la suite de la création de Bpifrance, la gestion de certains fonds à destination des
PME en croissance, hérités de l’ex-CDC Entreprises, a cependant été transférée au
métier « capitalisations moyennes et grandes entreprises ».
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UN RÉEL DYNAMISME, MAIS UN POSITIONNEMENT STRATÉGIQUE À
CLARIFIER POUR CHACUN DES MÉTIERS
77
Des interventions en forte croissance, une nouvelle
A -
stratégie d’investissement
La crise de 2008 a fortement affecté le marché du capital
investissement. Les investisseurs institutionnels (établissements bancaires,
compagnies d’assurance et mutuelles) se sont retirés massivement des
levées de fonds, en raison notamment du durcissement de la régulation
prudentielle pesant sur les sociétés financières qui rendait l’activité de
capital investissement plus coûteuse en fonds propres et du contexte
économique général caractérisé par de faibles perspectives de rendement.
Prolongeant l’action contra-cyclique de CDC Entreprises, les interventions
de Bpifrance, à la fois pour compte propre et pour le compte du PIA, ont,
quant à elles, fortement augmenté sur la période 2013-2015. En 2015, les
actifs sous gestion de Bpifrance dans le domaine du capital investissement
à destination des PME s’élevaient à 10,1 Md€, dont un peu moins de 6 Md€
étaient investis ou souscrits, soit une capacité d’investissement non utilisée
d’environ 4 Md€
139
. Le marché du capital investissement ayant retrouvé en
2015 des niveaux proches de ceux d’avant-crise
140
, cela devrait conduire
les actionnaires de Bpifrance à réexaminer, dans le contexte actuel, le
dimensionnement des interventions de Bpifrance dans le domaine du
financement en fonds propres des PME.
1 -
L’activité fonds de fonds : une priorité accordée
à la consolidation du marché du capital investissement
4,5 Md€ ont été souscrits par l’ex-CDC Entreprises puis Bpifrance
dans les 329 fonds du portefeuille, intervenant à tous les stades de
139
La différence entre le montant des actifs sous gestion et le montant des
investissements et souscription cumulés ne reflète pas exactement les capacités
d’investissement de Bpifrance dans la mesure où une partie des fonds est consacrée
aux frais de gestion et autres frais, et où les fonds ne sont pas investis en totalité. Mais
elle constitue un bon ordre de grandeur.
140
En 2015, les levées de capitaux se sont élevées, selon les données de l’association
française des investisseurs pour la croissance (AFIC), à 9,7 Md€, soit un montant
largement supérieur à la moyenne de capitaux levés sur la période 2009-2012
(5,7 Md€) et proche de la moyenne d’avant-crise (10,5 Md€ entre 2005 et 2008). Les
investissements se sont élevés en 2015 à 10,7 Md€, au-dessus de la moyenne annuelle
d’avant-crise (10,2 Md€ en moyenne sur la période 2005-2008). Les compagnies
d’assurance et les mutuelles, après un retrait marqué, commencent à revenir, dans une
proportion toutefois plus faible qu’avant la crise (1 328 M€ de levées en 2015, contre
1 515 M€ en moyenne sur la période 2006-2008).
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78
financement des entreprises de l’amorçage jusqu’au retournement en
fonds propres ou quasi fonds propres
141
. Les souscriptions dans des fonds
ont fortement progressé sur la période 2012-2015 (+ 78 %), passant de
384 à 685 M€
142
. L’intervention des fonds de fonds permet de
démultiplier l’accompagnement des entreprises
143
. Elle exerce un effet
d’entraînement
des
investisseurs
privés.
Le
partenariat
France
investissement assurance
144
s’est, par exemple, traduit par 690 M€
engagés en trois ans par les assureurs
145
. Ce partenariat a été renouvelé en
janvier 2016, avec un objectif de 1 Md€ d’investissement sur les petites et
moyennes capitalisations à horizon 2018.
Tableau n° 14 :
évolution des souscriptions du métier fonds de fonds
en M€
2011
2012
2013
2014
2015
Évolution
2012/2015
Fonds de fonds
231
384
406
641
685
+ 78 %
Source : Bpifrance
Cette progression reflète principalement une augmentation du
montant des ressources à déployer
146
, un élargissement maîtrisé du
nombre de fonds souscrits
147
et la participation à des levées de taille de
plus en plus importante réalisées par les fonds. Le ticket moyen des
nouvelles souscriptions dans des fonds est ainsi passé de 10 M€ en 2011 à
17 M€ en 2015.
141
Sur les 4,1 Md€ souscrits depuis l’origine, 14 % l’ont été sur le segment de
l’amorçage, 31 % sur celui du capital risque et 50 % sur celui du capital
développement.
142
Sur ce montant de 685 M€, 466 M€ de souscriptions ont été réalisées par Bpifrance
sur ses fonds propres, le solde représentant des souscriptions réalisées par des fonds
de fonds gérés par Bpifrance pour le compte de souscripteurs tiers, dont le programme
des investissements d’avenir (PIA).
143
Bpifrance a ainsi financé indirectement 5 000 entreprises, dont 3 000 actuellement
en portefeuille.
144
Ce partenariat a été conclu en février 2012 par CDC Entreprises (aujourd’hui
intégrée à Bpifrance investissement) avec cinq grand assureurs de la place (Allianz
France, Axa France, BNP Paribas Cardif, CNP Assurances et Crédit Agricole
Assurances). Dans le cadre de ce partenariat, les assureurs partenaires s’engageaient à
financer des PME indépendantes en souscrivant dans des fonds d’investissement.
145
Les fonds de capital-risque (amorçage compris) représentaient 24 % des montants
engagés, le capital développement 63 %.
146
Impact de la constitution des fonds de fonds FFFI III, dans le cadre du programme
FSI France investissement 2020, en 2012 (1,45 Md€) et FFMC 2 (400 M€) et FFI 3 +
(70 M€) en 2014.
147
Le nombre de fonds souscrits est passé de 18 en 2011 à 31 en 2015.
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UN RÉEL DYNAMISME, MAIS UN POSITIONNEMENT STRATÉGIQUE À
CLARIFIER POUR CHACUN DES MÉTIERS
79
Alors que l’ex-CDC Entreprises apportait un soutien à l’émergence
de nouvelles équipes, la stratégie poursuivie à travers l’intervention en
fonds de fonds depuis 2013 est de consolider le marché du capital
investissement par la croissance de la taille des fonds et l’appui au
regroupement des équipes de gestion des fonds
148
. L’objectif est, sans
délaisser les petits fonds
149
, d’inciter à la création de fonds plus gros, à
vocation européenne, dont la taille (au moins 150 M€ environ) doit
permettre d’attirer des investisseurs institutionnels, y compris étrangers,
de soutenir financièrement les entreprises dans la durée et jusque dans le
cadre de leur développement éventuel à l’international, ainsi que de
structurer l’accompagnement des entreprises du portefeuille.
La taille des fonds du portefeuille du « métier fonds de fonds » est
en augmentation : sur les onze fonds ayant une taille supérieure à
250 M€, sept sont de millésime 2014 ou 2015. S’agissant de la
consolidation des équipes de gestion, ce nouvel axe met du temps à se
traduire dans les chiffres dans la mesure où la liquidation des fonds est
lente, la durée d’un fonds étant d’environ 15 ans, durée au cours de
laquelle la relation contractuelle entre Bpifrance et l’équipe de gestion du
fonds est nécessairement maintenue, et où Bpifrance continue d’investir
dans de nouvelles équipes sur des segments spécifiques
150
.
L’action de Bpifrance apparaît davantage ciblée que les autres
acteurs du marché sur des segments pour lesquels une défaillance est
identifiée. En particulier, Bpifrance est le principal acteur français sur le
segment du capital-risque et de l’amorçage
151
, à travers notamment un
abondement important dans des fonds d’amorçage partenaires
via
le fonds
148
Bpifrance s’efforce de ne soutenir des nouvelles équipes de gestion que sur des
secteurs nouveaux ou des thèses d’investissement innovantes. Pour le reste, elle
entend ne refinancer que les équipes qui ont démontré leur compétence.
149
Bpifrance intervient dans le cadre de fonds de plus petite taille notamment à
travers ses souscriptions dans des fonds régionaux de capital investissement (dont les
conseils régionaux sont généralement également souscripteurs), qui représentent une
centaine de fonds sur les 329 souscrits par le métier fonds de fonds. (629 M€ de
souscriptions sur un total de 4,5 Md€).
150
En 2015, le nombre d’équipes dans lesquelles Bpifrance ne devait plus réinvestir
ou qui étaient en gestion extinctive étaient de 23. Bpifrance disposait toutefois encore
de 117 relations « actives » avec les équipes partenaires, dont dix nouveaux gérants en
2015.
151
Le segment du capital-innovation se décompose en deux sous-segments : le capital
amorçage (investissement en fonds propres du premier tour de table institutionnel
d’une entreprise en phase de lancement) et le capital risque (investissement en fonds
propres destiné à une entreprise de croissance lors de ses premiers développements et
alors qu’elle n’est pas encore rentable).
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80
national d’amorçage
152
, dont la gestion a été confiée, en 2011, à CDC
Entreprises (devenue Bpifrance investissement) par le CGI dans le cadre
du programme des investissements d’avenir. En 2014, 81 % des montants
d’investissement sur le segment du capital-innovation ont été effectués
par des fonds du portefeuille de Bpifrance, qu’il s’agisse de fonds gérés
directement par Bpifrance ou de fonds dans lesquels Bpifrance a investi
dans le cadre de son activité de fonds de fonds
153
.
2 -
Une forte progression des investissements directs en faveur
du capital innovation, un accent mis sur les entreprises
en phase de croissance
Les investissements directs de Bpifrance en faveur du capital
innovation
154
ont fortement progressé sur la période 2013-2015, passant
de 114 à 169 M€, soit un taux de croissance annuel moyen de 22 %. Entre
40 et 50 % de ces investissements ont été réalisés par le fonds
Large
venture
, enveloppe créée en juillet 2013 et dotée de 600 M€, qui
intervient dans le cadre d’opérations de capital risque avec des levées de
fonds importantes
155
et sur des technologies éprouvées. La création de
cette enveloppe, qui marque une inflexion stratégique, avait pour objectif
de mettre davantage l’accent sur la phase proche du marché, et non plus
seulement sur la phase amont, l’amorçage, pour laquelle un apport
important de fonds publics a déjà été réalisé avec le fonds national
d’amorçage mentionné
supra,
et de favoriser l’augmentation du montant
des levées de fonds sur ce segment de marché.
152
Le Fonds national d’amorçage (FNA) est un « fonds de fonds » : il réalise des
investissements
dans
des
fonds
d’amorçage
qui
réalisent
eux-mêmes
des
investissements dans de jeunes entreprises innovantes en phases d’amorçage.
153
Ce chiffre fournit une indication du taux d’emprise de Bpifrance sur les
investissements réalisés dans les entreprises dans le domaine du capital-innovation. Il
ne s’agit pas d’une part de marché de Bpifrance. L’investissement réalisé par les
fonds partenaires de Bpifrance n’est pas retraité à hauteur du pourcentage de
souscription de Bpifrance dans ces fonds. Cette proportion était, en 2013, de 29 % sur
le segment du capital développement.
154
Il s’agit ici des investissements réalisés, en direct, par la direction de l’innovation,
sachant que les interventions de Bpifrance en faveur du capital innovation ne se
limitent pas à ces investissements directs et recouvrent également les interventions
indirectes du métier fonds de fonds dans ce domaine.
155
Le ticket d’investissement minimum est, en principe, de 10 M€.
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UN RÉEL DYNAMISME, MAIS UN POSITIONNEMENT STRATÉGIQUE À
CLARIFIER POUR CHACUN DES MÉTIERS
81
Tableau n° 15 :
évolution des investissements
du « métier innovation » (en flux)
en M€
2013
2014
2015
Évolution
2013/2015
B 2016
Innovation
114
127
169
+ 48 %
200
Source : Bpifrance
3 -
La forte croissance de l’intervention en fonds directs PME
Le « métier fonds directs PME » intervient au capital ou en quasi-
fonds propres, par des tickets compris entre 250 K€ et 13 M€, dans des
sociétés en croissance ou en phase de transmission à travers des fonds
généralistes en région (les fonds France investissement régions) et des
fonds axés sur un secteur ou une filière (mode et finance, patrimoine et
création, savoir-faire d’excellence, nucléaire, ferroviaire, bois, tourisme).
Les investissements de ce métier ont fortement progressé sur la période
2013-2015, passant de 74 à 132 M€, soit un taux de croissance annuel
moyen de 34 %. L’essentiel des investissements est concentré sur les
fonds France investissement régions (75 % des investissements en
montant en 2015)
156
. En 2015, 70 % des investissements ont été réalisés
hors d’Île-de-France (contre 52 % pour le marché), ce qui traduit le fort
engagement de Bpifrance au sein des territoires. Dans un contexte où
beaucoup
d’entreprises,
notamment
familiales,
sont
réticentes
à
l’ouverture de leur capital, Bpifrance s’efforce, par ailleurs, de favoriser
les premières ouvertures de capital. En 2015, 53 % des investissements
concernaient ce type d’opérations.
Tableau n° 16 :
investissements réalisés par le métier fonds directs PME
en M€
2013
2014
2015
Évolution
2013/2015
B 2016
Fonds
propres
PME
74
101
132
+ 78 %
129
Source : Bpifrance
156
Les fonds en période d’investissement sont FIR 1 (anciennement FSI Régions 1),
FIR 2 (anciennement FSI Régions Mezzanine), FIR 3 (fonds créé en 2014 pour petits
tickets entre 150 et 500 K€) et FIR 4 (anciennement OC+B).
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82
Le risque d’une surabondance des fonds publics
B -
et de concurrence entre ces fonds
Les
interventions
en
fonds
propres en
faveur
des PME
s’accompagnent désormais d’un risque de surabondance des fonds
publics, notamment sur le segment du capital-innovation. En effet, les
fonds du programme des investissements d’avenir (PIA), dont la gestion
est confiée à Bpifrance, sont de plus en plus orientés sur des interventions
en fonds propres. Aux interventions du PIA, s’ajoutent les fonds
européens, en particulier du Fonds européen d’investissement (FEI)
157
,
provenant notamment du plan européen d’investissement dit plan
Juncker
158
.
Cette abondance de fonds publics peut s’observer à travers
plusieurs constats :
-
l’augmentation forte des souscriptions de Bpifrance au cours des
dernières années au titre de son activité en fonds de fonds, qui résulte
de l’addition des ressources propres de Bpifrance et des ressources
issues du PIA (voir
supra
) ;
-
la progression corrélative des parts de marché de Bpifrance sur
certains segments, notamment celui du capital-innovation : la part de
marché de Bpifrance est ainsi passée, entre 2011 et 2014, de 19 % à
près de 60 % des levées de fonds en capital innovation, soit une
moyenne de l’ordre de 30 % sur la période
159
;
157
Le FEI, créé en 1994, est la filiale de banque européenne d’investissement (BEI)
qui soutient notamment les PME par l’apport de fonds propres à des fonds de capital
investissement ou par des accords avec les banques finançant des PME.
158
Sur les 5 Md€ de ressources européennes du volet PME du plan Juncker, 2,5 Md€
sont apportés directement par la BEI au FEI
via
une augmentation du mandat RCR
(
risk capital ressources
). Ces ressources sont notamment mobilisées dans le cadre de
co-investissements avec Bpifrance dans des fonds français, au titre de la mise en
oeuvre de l’accord de co-investissement signé en décembre 2014. En 2015, Bpifrance
et le FEI ont investi conjointement 580 M€ dans 7 fonds d’investissements français
(302 M€ pour Bpifance et 277 M€ pour le FEI sur mandat RCR).
159
La part de marché de Bpifrance représente le ratio entre les souscriptions
effectuées par Bpifrance (au titre des fonds de fonds et des fonds gérés en direct) et
toutes les levées confondues, y compris les fonds FIP et FCPI. Cette part de marché
est potentiellement surévaluée dans la mesure où les données sur les levées de fonds
du marché pourraient ne pas être exhaustives. Sa forte progression est toutefois une
indication importante.
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UN RÉEL DYNAMISME, MAIS UN POSITIONNEMENT STRATÉGIQUE À
CLARIFIER POUR CHACUN DES MÉTIERS
83
-
une forme de concurrence entre certaines interventions du PIA et
celles de Bpifrance, que ce soit dans le cadre du « métier fonds de
fonds » ou du « métier innovation » (voir encadré
infra
) ;
-
la forte capacité d’investissement en fonds propres restant à déployer
à partir de 2016 sur le marché du capital-innovation. Cette dernière
est estimée, par Bpifrance, à environ 6,1 Md€. Ce chiffre correspond
aux capacités d’investissement prévisionnelles restant à déployer à
partir de 2016 par les fonds gérés en directs par Bpifrance, sur
compte propre et pour le compte du PIA (1,9 Md€), et aux capacités
d’investissement restantes des fonds partenaires souscrits par
Bpifrance
en
fonds
de
fonds
(4,2
Md€).
Cette
capacité
d’investissement de 6,1 Md€ correspond à plus de huit années de
financement du capital-innovation sur la base des chiffres 2015
160
.
Outre ces sources actuelles de financement, Bpifrance estime que
150 à 250 M€ par an environ de sources de financement nouvelles
pourraient venir irriguer le capital-innovation sur la période 2016-
2021 (
via
le renouvellement du programme France investissement ;
la montée en puissance des programmes d’investissement du FEI ;
l’évolution de la règlementation relatives aux contrats d’assurance-
vie
et
les
nouvelles
modalités
de
gestion
des
retraites
supplémentaires). Par ailleurs, ces chiffres ne prennent pas en
compte la capacité de souscription de Bpifrance dans des fonds
futurs à travers les fonds de fonds
161
. L’offre de financement à
destination des entreprises innovantes est donc très abondante.
160
Selon les chiffres publiés par l’AFIC pour 2015, les levées françaises en capital
innovation ont atteint 760 M€, rejoignant ainsi le niveau observé en 2008.
161
Il reste 700 M€ environ de fonds disponibles pour des souscriptions au titre des
seuls fonds gérés pour le compte du PIA et Bpifrance a souscrit, fin 2015, sur ses
fonds propres, un nouveau fonds de fonds - Fonds France Investissement IV- à
hauteur de 1,52 Md€.
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COUR DES COMPTES
84
Interventions du PIA en fonds propres
162
Les premières interventions du PIA, principalement centrées sur les
segments amont du capital investissement, ne soulevaient pas de
difficultés d’articulation avec les interventions de Bpifrance. Il s’agit
notamment du fonds national d’amorçage (FNA), fonds de fonds qui
intervient sur le segment de l’amorçage et prend des risques supérieurs à la
pratique habituelle de Bpifrance
163
. Les interventions ultérieures du PIA se
sont déplacées davantage vers l’aval du marché du capital investissement.
Ce déplacement répondait à un objectif de reconquête de la compétitivité
industrielle, après constat que les difficultés de financement en amont
étant en partie traitées dans le cadre des premières interventions du PIA,
elles allaient se déplacer vers l’aval et à la volonté de mettre en oeuvre,
pour certaines actions du PIA, une forme de «
continuum
», c’est-à-dire
accompagner sous forme de soutien en fonds propres des projets, déjà
financés par le PIA au stade de la recherche et développement, afin
d’accélérer le développement de ces entreprises.
Il résulte de ces évolutions, comme de celles de la stratégie de
Bpifrance, des recouvrements entre les différents outils mis en oeuvre, et
des cas de friction de plus en plus fréquents, le CGI considérant que
Bpifrance peut être tenté de récupérer certains dossiers du PIA pour ses
propres fonds lorsque son rythme d’investissement n’est pas suffisant et
Bpifrance, de son côté, considérant que le CGI a tendance à vouloir élargir
indûment son champ d’intervention et à dupliquer de plus en plus ses
propres interventions. Par exemple, le fonds de fonds FFMC2 (fonds
multicap croissance) est proche de l’activité de Bpifrance : il investit dans
des fonds de capital-risque et/ou de capital développement technologique
d’une taille substantielle de façon à aider la croissance des plus gros fonds
dans une optique, à terme, paneuropéenne. De même, on constate des
proximités fortes entre certains fonds directs gérés par le métier innovation
pour compte propre et pour le compte du PIA. C’est le cas, par exemple,
162
S’agissant des actions du PIA mentionnées dans le présent encadré, il convient de
rappeler que c’est Bpifrance qui les gère pour le compte du PIA.
163
Le FNA se distingue de l’activité classique de Bpifrance, activité d’investisseur
minoritaire dans des fonds privés (à hauteur d’environ 20 à 30 %), par la part
beaucoup plus importante de la participation publique au niveau des fonds
d’amorçage (le financement apporté par les investissements privés dans un fonds où le
FNA investit peut représenter moins de 50 % du financement total réuni par le fonds,
et même faire complètement défaut). C’est la raison pour laquelle le dispositif a été
notifié à la Commission européenne.
Bpifrance - novembre 2016
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UN RÉEL DYNAMISME, MAIS UN POSITIONNEMENT STRATÉGIQUE À
CLARIFIER POUR CHACUN DES MÉTIERS
85
entre le fonds Innobio
164
et le fonds accélération biotech santé (FABS),
fonds du PIA qui a été créé en juin 2016 dans le secteur de la santé et
biotechnologies, dont les objets sont proches. C’est le cas également entre
les participations de Bpifrance au titre du fonds
Large venture
et le fonds
ambition numérique (FAN) ou le fonds écotechnologies du PIA
165
.
Ces constats soulèvent la question de l’articulation entre les
différentes interventions publiques, avec un risque de duplication, voire
de concurrence, entre les interventions de Bpifrance pour compte propre
et pour compte de tiers, notamment du PIA. Dans le cadre de la
réflexion en cours sur un éventuel PIA 3, les arbitrages rendus par le
gouvernement prévoient, pour ce qui concerne les segments couverts à
la fois par les fonds propres de Bpifrance et par le PIA, une intervention
prioritaire du PIA sur les segments de marché non couverts par les
fonds propres de Bpifrance (par exemple, l’amorçage) et à défaut, une
répartition 50/50 des opportunités d’investissement entre les FPCI gérés
par Bpifrance dans le cadre du PIA et les fonds propres de Bpifrance.
Cette règle de partage n’est pas satisfaisante car elle avalise l’existence
de chevauchements entre deux dispositifs publics. Le CGI souligne,
pour sa part, que la préparation du PIA 3 s’efforce de tirer pleinement
les conséquences de ces difficultés dans la mise en oeuvre des deux
premiers programmes et d’apporter la clarification souhaitée par la Cour
en réabondant uniquement les fonds de fonds du PIA et le fonds direct
qui ne recouvre pas les secteurs d’intervention classiques de Bpifrance.
Il n’est toutefois pas certain que les recouvrements disparaissent
totalement dans ce contexte.
164
InnoBio est un FPCI de 173 M€ géré par Bpifrance Investissement qui en est
également souscripteur (37 %), en association avec les principaux laboratoires
pharmaceutiques mondiaux (Sanofi-aventis, GSK, Roche, Novartis, Pfizer, Lilly,
Ipsen,
Takeda,
Boehringer-Ingelheim)
opérant
sur
le
territoire
national.
L’objectif principal du fonds est d’investir directement en fonds propres et quasi-
fonds propres au capital de sociétés fournissant des produits et services
technologiques et innovant dans le domaine de la santé humaine.
165
Par exemple, deux investissements du FAN ont fait l’objet d’un courrier du
Commissaire général à l’investissement au directeur général de Bpifrance, en date
d’octobre 2014 : le comité de pilotage du FAN avait approuvé la réalisation de ces
deux investissements par le seul FAN. Or, Bpifrance avait exprimé sa volonté de co-
investir son propre fonds, le fonds
Large venture
, au côté du FAN. Par ailleurs, alors
que le FAN était actionnaire d’une société spécialisée dans la connectivité des objets
depuis décembre 2013, Bpifrance,
via
son fonds
Large venture
, est intervenue au côté
du FAN lors de la levée de fonds réalisée par cette même société en février 2015.
Bpifrance a, par ailleurs, co-investi,
via
son fonds
Large venture
, dans une société qui
se développe sur le marché des molécules d’intérêt algosourcées, en avril 2014, aux
côtés du fonds écotechnologies du PIA.
Bpifrance - novembre 2016
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COUR DES COMPTES
86
Se pose également la question du montant global des ressources
publiques allouées au soutien du marché du capital investissement sur son
segment innovation, dans un contexte général de contrainte sur le budget
de l’État. En effet, un apport trop massif de fonds publics peut provoquer
une augmentation artificielle des valorisations des entreprises et se
heurter à un niveau insuffisant de fonds privés. Ces questions se posent
avec particulièrement d’acuité dans la perspective d’un troisième
« programme d’investissements d’avenir » (PIA 3) qui serait doté de
10 Md€ et aurait vocation à poursuivre les actions menées par le CGI au-
delà de 2017. La Cour rappelle à cet égard les critiques qu’elle a
formulées dans son rapport de décembre 2015
Le programme
d’investissements d’avenir : une démarche exceptionnelle, des dérives à
corriger
166
à l’égard des modalités de programmation budgétaire des PIA.
Elle avait alors estimé que l’inscription en une fois des crédits budgétaires
des PIA sur le budget général et leur versement à des organismes
gestionnaires selon un calendrier déconnecté du rythme d’avancement
réel des projets comportait de nombreux inconvénients tant en termes
d’information du Parlement que de pilotage (affaiblissement du rôle
stratégique des ministères) et d’efficacité (allongement des délais,
rigidification des enveloppes allouées à chaque action). Elle avait conclu
(p. 103) que l’objectif qui vise à donner la priorité aux investissements
productifs et à protéger dans le temps les crédits qui leur sont affectés,
pour légitime qu’il puisse être, ne doit pas conduire à mettre en place
dans la durée, à côté du budget général, une forme de budget exceptionnel
d’investissement
.
Il est donc essentiel, afin d’éviter tout risque de déperdition de
l’argent public et de perte d’efficacité, que l’État clarifie au plus tôt les
lignes de partage entre les interventions de Bpifrance au titre du PIA et
celles au titre de ses fonds propres, qu’il arbitre entre une logique de
continuum
des actions mise en avant par le CGI et une logique de
« subsidiarité » défendue par Bpifrance, afin d’éviter tout recoupement
entre ces différentes interventions. Il conviendrait, par ailleurs, que
l’allocation de moyens complémentaires au profit d’actions de soutien au
capital investissement soit précédée d’une analyse approfondie des
besoins de financement identifiés sur les différents segments du marché
du capital risque
167
et du capital développement français, de la capacité
d’absorption réelle des PME, c’est-à-dire du vivier de projets viables,
réellement innovants et à un stade de maturité et de préparation suffisant
166
Cour des comptes,
Rapport public thématique : Le programme d’investissements
d’avenir
:
Une démarche exceptionnelle, des dérives à corriger
. La Documentation
française, décembre 2015, 187 p., disponible sur www.comptes.fr
167
Selon le baromètre
Ernst & Young
du capital risque en France (2015), la France se
positionne comme le troisième marché européen pour le capital risque en 2015, avec
13 % des montants levés, derrière le Royaume-Uni (33 %) et l’Allemagne (20 %).
Bpifrance - novembre 2016
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UN RÉEL DYNAMISME, MAIS UN POSITIONNEMENT STRATÉGIQUE À
CLARIFIER POUR CHACUN DES MÉTIERS
87
pour être financés et de l’articulation des différents dispositifs de soutien
public au financement des PME et à l’innovation
168
.
Les risques liés aux interventions
C -
sous forme d’investissements directs
Comme indiqué
supra
, Bpifrance gère des fonds de fonds, qui
investissent dans d’autres fonds, et des fonds directs, dont elle est
souscripteur en totalité ou en partie, avec lesquels elle réalise des
investissements dans des entreprises. L’activité en fonds de fonds est
l’activité historique de l’ex-CDC Entreprises, mais celle-ci a développé
son intervention en fonds directs pour compenser, au moment de la crise
de 2008, la baisse des levées de fonds privés et intervenir plus rapidement
auprès des entreprises. Cette intervention en fonds directs représente
aujourd’hui 28 % des actifs sous gestion et 24 % des investissements et
souscriptions cumulés de la banque publique
169
. Les fonds directs
seraient, selon Bpifrance, des outils plus efficaces dans le cadre des
stratégies de filière. Ils permettraient de déployer efficacement une
stratégie arrêtée par les pouvoirs publics ou en concertation avec une
filière. Les délais d’intervention sont, par ailleurs,
a priori
plus courts que
pour les fonds de fonds
170
.
Cette augmentation des interventions de Bpifrance sous forme
d’investissements directs au cours des dernières années est, cependant,
porteuse de risques, comparée à des interventions indirectes sous forme
de fonds de fonds.
En premier lieu, l’investissement direct expose, davantage
l’établissement qui le réalise à des risques politiques ou d’image
171
, ce qui
n’est pas sans inconvénient pour une banque publique.
168
Coexistent, au côté des interventions de Bpifrance, des dispositifs fiscaux tels que
l’IR-PME (impôt sur le revenu), le PEA-PME (plan d’épargne en actions) ou la
mesure ISF-PME qui permet aux contribuables investissant au capital de PME de
réduire leur impôt de solidarité sur la fortune (ISF).
169
Ce chiffrage ne porte que sur les trois métiers suivants du pôle investissement de
Bpifrance : fonds de fonds, fonds directs PME et innovation, y compris le fonds SPI
(à l’exclusion du métier
moyennes et grosses capitalisations
).
170
Plusieurs délais de mise en oeuvre caractérisent la politique de fonds de fonds :
temps de constitution du fonds de fonds, délai de levée par les gérants des fonds
partenaires et délai d’investissement des fonds partenaires dans les entreprises.
171
Une intervention en direct expose, par nature, davantage Bpifrance à d’éventuelles
pressions politiques tant au niveau du choix de l’investissement, qu’en termes
d’éventuelles difficultés à sortir de l’investissement.
Bpifrance - novembre 2016
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COUR DES COMPTES
88
Sur les interventions en direct, il est, par ailleurs, moins aisé de
caractériser l’apport de Bpifrance au regard de l’existence d’une « faille »
de marché. En effet, de manière naturelle, lorsque les équipes de gestion
de Bpifrance repèrent un dossier prometteur, la tentation est de prendre
une
participation
dans
ce
dossier,
comme
les
autres
fonds
d’investissement, au risque de se voir reprocher une approche trop
concurrentielle par rapport au marché. Certes, cette interrogation est, en
partie, consubstantielle à ce type de dispositif. En effet, comme indiqué
dans le chapitre précédent, il est délicat de distinguer sans ambiguïté le
fonctionnement normal du marché de son éventuelle défaillance.
L’augmentation des interventions directes de Bpifrance au cours des
dernières années mérite toutefois une attention particulière. Les
défaillances auxquelles répond l’intervention de Bpifrance se situent dans
l’apport de fonds pour certains segments du capital-développement pour
lesquels les autres acteurs financiers ne sont pas, ou pas assez, présents
172
et non sur la façon dont sont instruits les projets et dont les fonds sont
gérés. De ce point de vue, l’intervention sous forme de fonds de fonds est
davantage cohérente avec la nature de banque publique de Bpifrance, qui
n’a pas vocation à suppléer l’intégralité du marché.
Une illustration : la création du fonds
Large venture
La stratégie mise en oeuvre par le métier innovation depuis la
création de Bpifrance, avec la création du fonds
Large venture
, qui met
l’accent sur la phase proche du marché, renforce, à cet égard, l’ambiguïté
de son positionnement. Ce fonds a investi dans une entreprise qui
développe et commercialise des produits sans fil de haute technologie
(33 M€ en 2015 dans le cadre d’une levée de fonds de 299 M€) et dans
une entreprise spécialisée dans la connectivité des objets (8,5 M€ en 2015
dans le cadre d’une levée de fonds de 100 M€), pour lesquelles on peut
s’interroger sur la valeur ajoutée de la participation de Bpifrance à ces
tours de table, qui auraient probablement pu se boucler en son absence.
Bpifrance considère que la création du fonds
Large venture
a donné un
signal ayant encouragé les fonds d’investissement à investir sur ce
segment de marché et que sa présence a permis de stabiliser des levées de
fonds d’un montant important. La création de ce fonds répond également à
la préoccupation d’équilibrer la rentabilité de Bpifrance grâce à de
« beaux » investissements, permettant de compenser des investissements
plus difficiles ou risqués.
172
Voir la doctrine d’intervention de Bpifrance en date du 14 avril 2014.
Bpifrance - novembre 2016
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UN RÉEL DYNAMISME, MAIS UN POSITIONNEMENT STRATÉGIQUE À
CLARIFIER POUR CHACUN DES MÉTIERS
89
L’intervention en direct est également, par nature, plus coûteuse à
long terme que l’intervention à travers des fonds de fonds
173
.
Enfin, son accroissement soulève un enjeu de suivi qualitatif des
participations. C’est le cas, notamment, pour l’activité en fonds direct
PME
174
qui implique de gérer de nombreuses petites participations, ce qui
requiert du temps et des effectifs, et de continuer en parallèle à soutenir
un rythme élevé d’investissement dans des nouvelles opérations. Certes,
l’activité de cession a été forte sur la période 2013-2015
175
, Bpifrance
ayant su profiter des opportunités offertes par un contexte de valorisations
élevées, et le montant moyen des investissements a augmenté
176
, ce qui
est de nature à modérer la progression du nombre de lignes en
portefeuille. Pour autant, le nombre élevé de participations soulève des
difficultés dans leur suivi, le nombre de participations à gérer par
investisseur étant supérieur à Bpifrance par rapport aux pratiques du
marché
177
. Des mesures ont été prises récemment pour améliorer le suivi
qualitatif des participations. Il n’est pas assuré qu’elles répondent
pleinement aux objectifs affichés dans un contexte où les nouveaux
investissements prévus en 2016, même s’ils sont stabilisés par rapport à
2015, demeurent à un niveau élevé, où le portefeuille du métier fonds
propres PME comporte un tiers de lignes en difficultés et où la volonté
affichée par Bpifrance depuis 2014, s’agissant des fonds régionaux, est
d’être présent dans les organes de gouvernance de ses participations
178
.
173
Le ratio charges/actifs sous gestion était, en 2014, de 2,71 % pour le métier fonds
directs PME et de 1,84 % pour le métier innovation, contre 0,30 % pour le métier
fonds de fonds. Au ratio charges/actifs sous gestion du métier fonds de fonds, il
faudrait ajouter la rémunération versée par Bpifrance aux fonds souscrits pour obtenir
le coût de gestion global (rémunération en général située entre 1,5 % et 2,5 % des
actifs sous gestion). Il demeure que les coûts des interventions en direct sont plus
« rigides » que ceux des interventions sous forme de fonds de fonds.
174
Le nombre de lignes en portefeuilles de ce métier a progressé de manière soutenue,
passant de 341 à 433, compte tenu du montant peu élevé des tickets moyens.
175
Le nombre de cession s’est élevé à 51 en 2015, contre 33 en 2013.
176
Le ticket moyen en montant par nouvelle opération d’investissement effectuée est
passé de 1 M€ en 2013 à 1,5 M€ en 2015.
177
En 2014, le nombre de participations à gérer par investisseur au sein de l’équipe
FIR était de 7,8 contre une moyenne de 5,4 sur le marché. Et ce chiffre augmenterait à
8,8 en 2016, sur la base des investissements prévus au budget 2016.
178
Historiquement, dans l’ex-FSI Région, la pratique était de ne pas prendre de
mandats. Cette pratique a évolué depuis 2014, dans le sens d’un suivi plus actif des
participations. Ainsi, sur les 433 lignes en portefeuille du métier fonds propres PME,
166 mandats de représentation ont été recensés à fin 2015, dont 79 mandats sociaux
(ie membres de comités d’actionnaires, de conseil de surveillance, de conseil
d’administration, etc.), contre seulement 75 mandats de représentation en 2013.
Bpifrance - novembre 2016
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COUR DES COMPTES
90
Hors période de crise, et compte tenu des risques associés aux
interventions directes, les interventions indirectes sous forme de fonds de
fonds devraient rester les vecteurs privilégiés d’intervention de Bpifrance.
III - Les interventions en fonds propres
dans les grandes entreprises et les entreprises
de taille intermédiaire, des objectifs
stratégiques incertains
Les prises de participation en direct de Bpifrance sont réalisées par
le métier « capitalisations moyennes et grandes entreprises » lorsqu’elles
concernent des grandes entreprises cotées et des ETI, ou des PME
destinées à devenir des ETI de croissance.
Un portefeuille de participations largement hérité
A -
du Fonds stratégique d’investissement
pour des raisons diverses
Le portefeuille de participations de Bpifrance dans les moyennes et
grosses capitalisations, valorisé à près de 12,5 Md€
179
à fin 2015, est très
largement hérité du Fonds stratégique d’investissement (FSI), que ce soit
au niveau des grandes entreprises ou des ETI. Le portefeuille du FSI était
lui-même constitué pour une bonne part de participations apportées par
ses actionnaires à sa constitution. Ce portefeuille a évolué de manière
limitée depuis la création de Bpifrance. Les raisons en sont diverses. Elles
tiennent à la nature même des participations et à leur liquidité inégale,
ainsi qu’aux relations croisées entre Bpifrance et ses actionnaires.
179
Ce montant inclut la valeur des fonds FIC et FAA rangs 1 & 2 (fonds automobiles)
pour 0,4 Md€.
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UN RÉEL DYNAMISME, MAIS UN POSITIONNEMENT STRATÉGIQUE À
CLARIFIER POUR CHACUN DES MÉTIERS
91
1 - Une évolution limitée du portefeuille de participations
de Bpifrance dans les moyennes et grosses capitalisations
a)
Des cessions intervenues depuis 2013
Des participations cotées du FSI ont été cédées à un rythme
important depuis 2013. Ces participations, à l’exception de celle dans
STX France, qui est restée dans la sphère publique puisque cédée à l’État,
ont été cédées au marché. Certaines participations ont fait l’objet de
cessions partielles. C’est en particulier le cas d’Orange, dont la détention,
initialement de 13,5 %, a été ramenée à fin 2015 à 9,6 % du capital et des
droits de vote (à la suite de deux cessions partielles). Bpifrance a
également effectué une cession partielle de sa participation dans Eiffage
(5,6 %) et dans Vivendi (0,7 %). D’autres participations héritées du FSI
ont été entièrement cédées (Accor, Zodiac Aerospace, Valéo). Au total,
en 2014 et 2015, Bpifrance a cédé respectivement 1,0 Md€ et 1,4 Md€ de
participations de son portefeuille de grandes entreprises cotées, ce qui a
donné lieu à la réalisation de plus-values de l’ordre de 440 M€ en 2014 et
500 M€ en 2015, venant directement alimenter les recettes du groupe
180
.
b)
Un portefeuille de participations dans les grandes entreprises
qui demeure cependant très largement hérité du FSI
Sur les 23 lignes de participations, principalement cotées, dans des
grandes entreprises présentes au portefeuille de Bpifrance, qui totalisaient
au 31 décembre 2015 une valeur de l’ordre de 10,5 Md€
181
, 21 sont des
participations héritées de l’ex-FSI. Le titre Orange, apporté par l’État à la
création du FSI, représente encore à lui seul 3,9 Md€ en valeur boursière,
soit un plus d’un quart du portefeuille de Bpifrance. Bpifrance a, par
ailleurs, hérité du FSI le rôle de premier actionnaire d’Eutelsat
communications et d’Eiffage. Ces participations avaient été apportées par
la Caisse des dépôts à la création du FSI. Bpifrance est également premier
actionnaire institutionnel de ST microelectronics, aux côtés de l’État italien,
et l’était, jusqu’à récemment, d’Eramet, aux côtés de la famille Duval
182
.
Sur les autres participations, les pourcentages de détention sont variables et
ne dépassent pas, pour une proportion significative d’entre elles, 10 %
183
.
180
Au printemps 2016, Bpifrance a réalisé une autre cession partielle de ses titres dans
Eiffage, portant sa participation à 5,7 % du capital et un peu moins de 5 % des droits de vote.
181
Totalisation basée sur la valeur boursière des titres pour les entreprises cotées et la
valeur de mise en équivalence pour les autres (en effet, il se trouve que toutes les
participations non cotées dans les grandes entreprises sont mises en équivalence dans les
comptes de Bpfirance)
182
Cette participation a été rachetée, courant 2016, par l’agence des participations de
l’État (voir
infra
).
183
Ceci n’entre toutefois pas en contradiction avec la doctrine d’investissement qui préconise
des investissements minoritaires, sans seuil minimal de pourcentage de détention.
Bpifrance - novembre 2016
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COUR DES COMPTES
92
Tableau n° 17 :
portefeuille de grandes entreprises cotées
au 31 décembre 2015
%
capital
% droit
de vote
Valeur
du marché
ou estimative
ORANGE
9,60 %
9,60 %
3 936 590 537
Eutelsat Communications
26,45 %
26,45 %
1 699 173 328
Eiffage
13,83 %
13,83 %
785 468 585
Schneider Electric SE
2,06 %
3,86 %
636 190 970
ST Microelectronics
11,36 %
11,36 %
613 865 000
Gemal to
8,41 %
8,41 %
413 744 145
Ingenico Group
5,47 %
5,25 %
388 636 427
Vivendi SA
1,13 %
1,13 %
306 608 709
Technip
5,28 %
9,37 %
281 451 086
Eramet
25,66 %
25,66 %
200 904 352
Technicolor
5,35 %
5,35 %
163 466 940
Nexans
7,90 %
7,90 %
113 351 500
Ubisoft Entertainment
3,26 %
5,74 %
96 683 497
CONSTELLIUM
12,22 %
12,22 %
90 862 185
Areva
3,32 %
3,32 %
68 954 824
Vallour
e
c
5,42 %
9,47 %
62 342 965
Sequana
15,42 %
15,13 %
40 902 816
Alcatel Lucent
0,33 %
0,66 %
34 779 427
CGG Veritas
7,04 %
12,63 %
33 397 026
Source : Cour des comptes, à partir de données comptables de Bpifrance (La valeur de marché
ou estimative représente la valorisation de la participation calculée à partir de la valeur
boursière.)
Bpifrance a réalisé deux opérations de prise de participation dans
des grandes entreprises depuis sa création
: d’une part, dans Ingenico
(5,5
%), participation cotée qu’elle a rachetée à Safran et d’autre part,
dans Verralia (10 %), dans le cadre de la cession de cette filiale de Saint-
Gobain spécialisée dans la production d’emballages en verre au fonds
américain Appolo, qui détient l’essentiel des 90
% restants de la
participation. Par ailleurs, Bpifrance a renforcé sa présence au capital de
certaines
entreprises
déjà
soutenues
par
le
FSI :
Technicolor
(réinvestissement de 20 M€ en octobre 2015), CGG (participation à une
augmentation de capital à hauteur de 37 M€ en janvier 2016), Vallourec
(après la souscription par Bpifrance, au printemps 2016, à une
augmentation de capital).
Bpifrance - novembre 2016
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UN RÉEL DYNAMISME, MAIS UN POSITIONNEMENT STRATÉGIQUE À
CLARIFIER POUR CHACUN DES MÉTIERS
93
c)
Une situation identique concernant le portefeuille d’ETI
À
fin
2015,
le
portefeuille
de
Bpifrance
comportait
44 participations dans des ETI
184
, valorisées au total à un peu plus de
1,4 Md€, dont plus d’1 Md€ concerne des entreprises non cotées. Seule
une dizaine de participations ont été prises par Bpifrance
185
, le reste étant
là encore un héritage du FSI.
2 - Les contraintes pesant sur l’évolution de ce portefeuille
a)
Une cession des participations héritées du FSI sous contrainte
La cession de ces participations apparaît contrainte, principalement
pour deux raisons (qui ne sont pas cumulatives) :
-
les réticences d’ordre politique de l’État actionnaire à ce que
Bpifrance cède certaines lignes d’actifs, afin de garder une
possibilité
d’influence
sur
les
participations
s’il
les
juge
stratégiques ;
-
l’évolution de la valeur boursière des grandes entreprises cotées en
portefeuille et la volatilité des marchés. Certaines lignes sont
particulièrement affectées (entreprises parapétrolières notamment).
Par ailleurs, peu de perspectives existent à ce jour sur le
portefeuille
d’ETI
investies
du
temps
du
FSI,
compte
tenu
d’investissements pour la plupart encore récents et de plus-values encore
incertaines. Les cessions envisageables à court terme concernent des
opérations de faible envergure au regard de la taille du portefeuille d’ETI
et grandes entreprises de Bpifrance.
184
Hors ETI financées par le fonds
Large venture
et hors ETI financées au travers des
fonds investissement croissance (FIC) – 31 dont 17 investies depuis la création de
Bpifrance.
185
Voir leur liste figurant en annexe.
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94
a)
Des interactions entre la stratégie d’intervention de Bpifrance
et celle de ses actionnaires
Les actions de l’État actionnaire, représenté par l’Agence des
participations de l’État (APE), et de Bpifrance sont censées être
complémentaires. Bpifrance se concentre prioritairement sur les PME et
ETI, alors que l’APE cible un nombre limité de grandes entreprises. Par
ailleurs, Bpifrance privilégie des participations minoritaires avec une
perspective de sortie à terme alors que l’APE souhaite conserver une
position d’actionnaire majoritaire, voire unique, dans de nombreuses
entreprises, et avec un horizon de détention qui peut être long.
La complémentarité des deux types d’actions mérite cependant
d’être nuancée.
Si la majorité du portefeuille des grandes entreprises de Bpifrance
paraît
bien
appartenir
à
son
domaine
d’intervention,
certaines
participations pourraient davantage relever de l’APE. Quelques transferts
de titres, en nombre limité, ont d’ailleurs déjà eu lieu de Bpifrance vers
l’APE, qui permettent d’optimiser la détention des participations au sein
de la sphère publique
186
. Une réflexion sur l’opportunité de céder certains
actifs de Bpifrance à l’État, ou inversement, devrait être poursuivie,
même si sa réalisation est subordonnée aux capacités de financement de
Bpifrance et à celles de l’APE.
Les doctrines d’intervention de l’État actionnaire et de Bpifrance
se recoupent, par ailleurs, en partie, lorsqu’il s’agit d’accompagner le
développement de secteurs ou filières stratégiques ou bien de stabiliser
l’actionnariat
d’entreprises
stratégiques :
il
s’agit
d’un
domaine
d’intervention partagé entre l’APE et Bpifrance. L’État actionnaire
considère que Bpifrance doit conserver la possibilité d’intervenir dans des
entreprises stratégiques, au cas par cas, car cet outil de l’actionnariat
public est nécessaire dans certains secteurs ou dans certaines situations
spécifiques. La souplesse que procure l’outil Bpifrance à l’État explique
donc, en partie, le maintien, en son sein, d’un portefeuille important de
participations dans des grandes entreprises.
186
Reclassement des titres STX de Bpifrance vers l’État courant 2014 ; rachat de la
participation de Bpifrance au capital d’Eramet par l’APE courant 2016. Cette dernière
participation avait été acquise à Areva par le FSI en 2012. Il s’agissait alors d’apporter
à Areva des ressources financières à un moment où le groupe en avait besoin et de
permettre à la sphère publique de garder une influence dans cette participation jugée
stratégique.
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UN RÉEL DYNAMISME, MAIS UN POSITIONNEMENT STRATÉGIQUE À
CLARIFIER POUR CHACUN DES MÉTIERS
95
Une illustration : des investissements de Bpifrance répondant,
en partie, à des objectifs de maintien d’activités et de technologies
en France
Bpifrance s’emploie, par ses investissements, à répondre, entre
autres, à des objectifs de politique publique de nature plutôt défensive, en
particulier la sauvegarde de l’emploi, la lutte contre la délocalisation de
certaines structures d’entreprises ou le maintien sous contrôle français de
technologies jugées stratégiques. Ceci ne l’a toutefois pas conduit, dans
l’état des investigations de la Cour, à une prise de risque exagérée, ni à un
nombre d’interventions importants.
Ainsi, sur vingt-six dossiers concernant des investissements dans
des nouvelles participations et examinés par le comité des investissements
de Bpifrance participations entre août 2013 et décembre 2015 , 7 dossiers
d’investissement se sont accompagnés d’un objectif de nature plutôt
défensive, visant au maintien de l’emploi, soit que les sociétés affrontent
un marché difficile, soit que d’autres localisations géographiques puissent
être envisagées ; deux d’entre eux ont donné lieu à un investissement. Par
ailleurs, un investissement réalisé en 2015 dans une entreprise leader dans
le domaine des terminaux de paiement électronique répondait à un objectif
de maintenir un actionnaire de long terme français, ayant parmi ses
objectifs le maintien de ses activités en France (notamment de R&D),
tandis que deux autres dossiers examinés répondaient à l’objectif de voir la
puissance publique devenir actionnaire influent de participations au savoir-
faire jugé stratégique. Plus récemment, la recapitalisation à hauteur de
300 M€ d’un groupe parapétrolier de premier plan par Bpifrance, au côté
de l’autre actionnaire de référence, industriel japonais, visait à sauvegarder
l’ancrage français du groupe, suite aux menaces qui pesaient sur lui en
raison de la chute de son cours de bourse.
Bpifrance
n’intervient
donc
qu’exceptionnellement
sur
des
investissements qui visent au redressement d’entreprises en difficulté, en
particulier pour les PME et les plus petites ETI, en s’entourant de
précautions particulières. En effet, ce type d’investissement contrevient
par nature aux principes directeurs de Bpifrance pour trois raisons : ils
supposent généralement un investissement majoritaire afin de disposer de
l’ensemble des leviers d’actions ; les investissements publics dans les
entreprises en difficultés font l’objet d’une présomption d’aide d’État et
doivent donc faire l’objet de démarches particulières, qui allongent le délai
d’intervention et présentent le risque que l’opération ne se fasse pas ; la
restructuration des entreprises en difficulté soumettrait Bpifrance,
investisseur public, à de plus forts risques d’image. Compte tenu de ces
éléments, Bpifrance recourt prioritairement à l’outil du fonds de fonds
pour investir sur le segment du capital retournement et favoriser le
déploiement d’équipes de gestion performantes dans ces domaines. L’État,
au travers du PIA, a récemment souscrit à un nouveau fonds de fonds, le
fonds de fonds de retournement, d’une taille de 75 M€ qui a vocation à co-
investir aux côtés de Bpifrance sur ce type de fonds.
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96
La Caisse des dépôts, quant à elle, est sensible au fait d’éviter une
trop grande proximité entre les modalités de gestion de son propre
portefeuille d’actions et la gestion par Bpifrance de son portefeuille de
participations dans des grosses et moyennes capitalisations.
Une volonté d’évoluer vers le financement des ETI
B -
de croissance, des réalisations en retrait malgré la mise
en oeuvre extensive de la doctrine d’intervention
1 - La doctrine d’intervention de Bpifrance
Là où le FSI mettait l'accent sur le sauvetage d'entreprises
stratégiques en termes d'emploi ou d'industrie pour le pays, Bpifrance
s'est davantage tournée vers la consolidation d’entreprises prometteuses
plus petites, même si elle ne s'interdit pas de prendre des participations
importantes au capital de grands acteurs. L’action de Bpifrance répond,
en effet, à une logique générale de financement de marché, plus nouvelle,
résultant de l’ambition affichée de soutenir de façon globale la
compétitivité de l’économie française. Pour satisfaire cet objectif,
Bpifrance concentre prioritairement son action sur le tissu des ETI.
Cet objectif se retrouve dans la doctrine d’intervention de
Bpifrance, validée par son conseil d’administration en juin 2013, après
présentation au Parlement. Selon cette doctrine, Bpifrance doit viser à
l’émergence, la consolidation et la multiplication des ETI, considérées
comme un maillon essentiel à la compétitivité de l’économie française et
au développement des exportations. Elle a vocation à intervenir comme
actionnaire minoritaire, aux mêmes conditions que les autres investisseurs
et en privilégiant l’apport « d’argent frais »
187
. Pour autant, dans certains
cas en principe exceptionnels, Bpifrance est autorisée à racheter des
participations à des capital-investisseurs sans apport d’argent frais aux
entreprises dans lesquelles elle investit. À cet égard, sont énumérés
explicitement dans la doctrine les cas suivants : la transmission
générationnelle d’une PME ; la sortie d’une partie des investisseurs
historiques dans des entreprises à fort potentiel de croissance, notamment
187
Un apport sous forme d’argent frais désigne un investissement en numéraire, sur le
marché primaire, censé accroître réellement les avoirs de l’entreprise, par opposition à
un investissement sous forme de rachat de titres, effectué sur le marché secondaire.
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UN RÉEL DYNAMISME, MAIS UN POSITIONNEMENT STRATÉGIQUE À
CLARIFIER POUR CHACUN DES MÉTIERS
97
innovantes ; le rachat de participations pour maintenir une présence
significative d’investisseurs français au capital, d’entreprises considérées
comme sensibles ou stratégiques.
La loi créant Bpifrance lui assigne, par ailleurs, le rôle
d’ « accompagner la politique industrielle nationale, notamment pour
soutenir les stratégies de développement de filières [(…) et d’apporter]
son soutien à la mise en oeuvre de la transition écologique et
énergétique ». La doctrine d’intervention évoque les politiques de filière,
mais sans plus de précision ni de structuration.
2 - Une pratique qui va parfois au-delà du strict cadre
de la doctrine d’intervention
La pratique de Bpifrance peut parfois déroger à la doctrine définie
à la création de la banque publique. Ainsi, la fréquence de présentation
par Bpifrance de dossiers sans apport d’argent frais est croissante depuis
2013. Sur les 26 dossiers présentés au comité d’investissement sur la
période 2013-2015, 13 dossiers, c’est-à-dire la moitié, ne comprenaient
pas d’apport d’argent frais. Or, ces cas avaient été envisagés comme
exceptionnels au moment de la création de Bpifrance, afin notamment de
garantir la spécificité de l’intervention de Bpifrance par rapport aux
investisseurs privés. On constate néanmoins que, sur les 9 opérations
réalisées
in fine
par Bpifrance jusqu’à mars 2016, seulement 3 ont été
réalisées sans apport d’argent frais, ce qui témoigne de la capacité des
actionnaires à faire prévaloir la doctrine d’intervention et à s’opposer à
certains projets d’investissement
188
.
188
Par exemple, le projet d’acquisition d’un portefeuille d’hôtels d’une chaîne
d’hôtels haut de gamme, le projet de reprise d’une chaîne d’hôtels moyen de gamme,
le projet de rachat d’une filiale spécialisée dans la production audiovisuelle, le projet
de prise de participation au capital d’un groupe de maisons de retraite qui dispose
déjà, à son capital, d’un actionnaire de référence investisseur institutionnel français, le
projet de reprise d’un opérateur maritime opérant dans le tourisme maritime de luxe.
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98
Les prises de décisions relatives aux investissements
et désinvestissements : une gouvernance à étages
Les prises de décisions relatives aux investissements et aux
désinvestissements font l’objet d’une chaîne décisionnelle plus ou moins
longue selon la taille des opérations. Cette chaîne va de la simple décision par
délégation au président-directeur général de Bpifrance participations (par
ailleurs directeur général du groupe) pour les opérations inférieures à 25 M€,
jusqu’au conseil d’administration du groupe, pour les opérations d’un montant
supérieur à 200 M€. Entre ces deux situations, s’intercalent le conseil
d’administration de Bpifrance participations et son émanation, le comité des
investissements de Bpifrance participations, pour décider des opérations
comprises entre 25 M€ et 200 M€. Le schéma de décision est « cumulatif », au
sens où pour un investissement supérieur à 200 M€, trois instances collégiales
de Bpifrance sont saisies avant de prendre toute décision d’investissement
(comité
des
investissements
de
Bpifrance
participations,
conseil
d’administration de Bpifrance participations, conseil d’administration de
Bpifrance). La Caisse des dépôts, ainsi que l’État (au travers de l’agence des
participations de l’État et du ministère de l’économie), sont représentés dès le
comité d’investissement de Bpifrance participations.
Les actionnaires de Bpifrance sont donc directement associés aux
décisions d’investissements, de réinvestissements et de cessions, de façon
systématique dès que ceux-ci dépassent le seuil de 25 M€. Ce seuil est élevé
au regard des investissements unitaires de Bpifrance, mais faible au regard de
celui des fonds propres de Bpifrance et des portefeuilles de participations par
ailleurs gérés par ses actionnaires. Les représentants de l’État et de la Caisse
des dépôts disposant d’un droit de véto au sein du comité des investissements
de Bpifrance participations, il en résulte que chaque opération excédant ce
seuil fait l’objet d’un accord des actionnaires
189
.
À chaque fois que Bpifrance a proposé d’intervenir sans apport
d’argent frais, cela a été justifié par le fort potentiel d’innovation,
l’intervention sur des entreprises considérées comme « stratégiques » ou
« sensibles »,
mais
surtout
l’accompagnement
des
ambitions
de
développement de futurs leaders du marché. Dans ce cas, Bpifrance met
en avant l’ambition de constituer la première étape de l’accompagnement
d’acteurs destinés à prendre une forte position dans un contexte de
189
Dans le cas où la position des deux actionnaires est convergente. Si un désaccord
se présente (c’est-à-dire s’il n’y a pas unanimité au sein du comité des
investissements), le dossier est renvoyé à la décision du conseil d’administration de
Bpifrance participations, qui statue alors à la majorité simple.
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UN RÉEL DYNAMISME, MAIS UN POSITIONNEMENT STRATÉGIQUE À
CLARIFIER POUR CHACUN DES MÉTIERS
99
secteurs en consolidation, nationale puis internationale, ou plus
simplement l’ambition de renforcer des filières sur lesquelles la France
dispose d’une forte notoriété, tout en ayant vocation à augmenter la
diversification du portefeuille. En réalité, les nouveaux investissements,
notamment dans des ETI de croissance, paraissent largement guidés par la
volonté d’assurer une rentabilité et une liquidité suffisantes permettant de
compenser d’autres activités moins rémunératrices et de pourvoir
notamment aux besoins de financement de Bpifrance financement (voir le
chapitre III). Ils s’apparentent aux activités de fonds d’investissement
généralistes du secteur privé.
1 -
Des réalisations dans le domaine du financement des ETI
qui apparaissent en retrait par rapport aux objectifs
Signe de ses ambitions en faveur des ETI, Bpifrance a levé, dans le
courant du 1
er
trimestre 2014, un nouveau fonds dénommé ETI 2020, de
3 Md€ et consacré au financement des ETI et qu’elle a intégralement
souscrit. Ce fonds abrite, depuis sa création, tous les nouveaux
investissements de Bpifrance dans les ETI
190
. Originellement, ce fonds
était destiné à financer les ETI pour lesquelles un investissement
supérieur à 10 M€ était nécessaire, mais que les acteurs du capital-
investissement ne pouvaient assurer seuls ou collectivement
191
. La réalité
des faits s’est quelque peu écartée de ce principe (voir
infra
)
.
Les investissements réalisés dans les ETI apparaissent, dans la
période récente, en retrait par rapport aux objectifs, fixés à 300 M€ par an
lors de la création du fonds ETI 2020. Bpifrance attribue le fait d’avoir
réalisé moins d’investissements que prévu à un faisceau de circonstances,
parmi lesquelles un tarissement du flux d’affaires et des fourchettes de
valorisations hautes qui l’amènent à se retirer de certaines négociations
lorsqu’elle estime que les valorisations demandées par le vendeur ou des
acheteurs concurrents sont trop élevées, emportant un risque de moins-
value à terme. Un indice de marché (voir graphique
infra
), consulté par
les professionnels du capital-investissement, montre à cet égard que l’on
se situe aujourd’hui, en effet, dans un cycle de valorisations hautes, pour
les petites et moyennes capitalisations.
190
À l’origine, Bpifrance aurait souhaité transférer dans ETI 2020 toutes les participations
dans les ETI qu’elle avait acquises antérieurement, mais cela n’a pas été rendu possible, en
raison de clauses restrictives de certains pactes d’actionnaires ou plus simplement en raison
des relations avec les autres actionnaires des participations. Deux participations antérieures
à la création d’ETI 2020 lui ont été transférées.
191
Extrait du procès-verbal du conseil d’administration de Bpifrance du 16 septembre
2013 : « Monsieur Nicolas Dufourcq rappelle que ce fonds [ETI 2020] est destiné à financer
les ETI pour lesquelles un investissement supérieur à 10 millions d’euros est nécessaire, que
les acteurs du capital-investissement ne peuvent assurer ou ne peuvent assurer seuls ».
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COUR DES COMPTES
100
Graphique n° 2 :
indice Argos Mid-Market
192
Source : Epsilon Research
3 - Les difficultés de mise en oeuvre d’une stratégie de filières
Les orientations du FSI avaient concouru au développement d’une
stratégie de filières. C’est ainsi que le FSI est intervenu au capital de
grandes entreprises industrielles affectées par la crise, en particulier dans
le secteur électronique (prises de participations notamment dans Soitec,
Gemalto, ST Microelectronics) et des activités liées à l’énergie,
l’industrie du pétrole et les matières premières (prises de participations
notamment dans Eramet, Technip, CGG, Vallourec). Le soutien au
secteur automobile, mis à mal par la crise, a été réalisé, outre un
investissement au capital de Valéo, au moyen d’une initiative de place, au
centre de laquelle s’est placé le FSI. Le fonds de modernisation des
équipementiers automobiles (FMEA) a ainsi été créé au printemps 2009,
en recueillant 600 M€ de souscriptions, à parité entre le FSI, Renault et le
groupe PSA
193
. Une initiative sectorielle similaire a été conduite un peu
plus tard sur le secteur pharmaceutique et des biotechnologies au moyen
de la création du fonds Innobio, géré alors par CDC Entreprises (et
maintenant par le métier innovation de Bpifrance).
192
Évolution du multiple EV/EBITDA historique, 6 mois glissants.
193
A ensuite été créé à partir de ce fonds un autre fonds, le FAA Rang 2, à l’hiver
2010, qui a été doté de 50 M€, réunis par 5 équipementiers automobiles de référence
(Bosch, Faurecia, Valeo, Hutchinson et Plastic Omnium), le FAA Rang 1 (détenteur à
50 %) et Bpifrance participations en direct pour 14 %. Ce fonds est spécifiquement
consacré aux fournisseurs automobiles de Rang 2 en investissant des montants
compris entre 1 et 5 M€.
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UN RÉEL DYNAMISME, MAIS UN POSITIONNEMENT STRATÉGIQUE À
CLARIFIER POUR CHACUN DES MÉTIERS
101
Bpifrance a naturellement prolongé les actions engagées par le FSI,
notamment dans le secteur parapétrolier. On relève également trois
investissements réalisés dans des opérateurs du domaine des énergies
renouvelables, pour un montant total de 100 M€, qui s’inscrivent dans la
politique de Bpifrance consistant à investir, sur la période 2015-2018,
dans les sociétés favorisant la transition énergétique, une enveloppe de
400 M€. Pour le reste, les dossiers présentés au comité d’investissement
ont concerné, pour l’essentiel, le secteur du tourisme et des services.
En l’absence de directives claires de la part de ses actionnaires, les
investissements réalisés par Bpifrance sur le segment des moyennes et
grandes capitalisations ne témoignent donc pas à ce stade d’une
identification marquée de filières.
En définitive, il apparaît que la stratégie d’investissement de
Bpifrance dans les ETI et les grandes entreprises s’est, dans certains cas,
éloignée de la doctrine d’intervention qui a prévalu lors de sa création.
Celle-ci privilégiait alors le financement des failles de marché et l’apport
d’argent frais dans les entreprises. La conjoncture économique et financière
a changé depuis, et justifie vraisemblablement une évolution de la stratégie
de Bpifrance. Il demeure que le dimensionnement du portefeuille de
participations de Bpifrance dans les moyennes et grosses capitalisations,
valorisé à près de 12,5 Md€ à la fin de l’année 2015, paraît élevé au regard
des nouveaux investissements effectivement réalisés par Bpifrance dans des
ETI de croissance, dont certains ne semblent pas présenter d’intérêt
stratégique particulier et/ou répondre à un besoin de financement des
entreprises qui ne pourrait être satisfait par le secteur privé. En outre, leur
capacité à dégager des plus-values futures demeure incertaine (voir chapitre
III) et, comme toutes les interventions sous forme d’investissements directs,
elles exposent davantage l’établissement qui les réalise à des risques
politiques ou d’image (voir
supra
).
L’État et la Caisse devraient clarifier ce qu’ils souhaitent faire de cet
important portefeuille de participations. En effet, jusqu’à présent, on
constate que Bpifrance est confrontée à des objectifs qui peuvent paraître
contradictoires : utiliser le segment des moyennes et grosses capitalisations
pour dégager un rendement élevé permettant de compenser d’autres
activités moins rémunératrices ou l’utiliser pour répondre à des besoins de
financement des entreprises ne pouvant être satisfaits par le secteur privé.
Ces contradictions reflètent, pour partie, celles des actionnaires de
Bpifrance. L’État, tout en fixant des objectifs de rentabilité, souhaite
disposer d’une marge de manoeuvre en fonds propres suffisamment
importante et flexible pour pouvoir réaliser des opérations d’investissement
Bpifrance - novembre 2016
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COUR DES COMPTES
102
exceptionnelles en cas de besoin et le cas échéant pourvoir aux besoins de
financement de Bpifrance financement, tout en veillant à ce que cette
enveloppe soit investie dans des participations porteuses de sens pour la
sphère publique. La Caisse des dépôts et consignations apparaît, quant à
elle, davantage guidée par un objectif patrimonial.
Un constat commun qui se dégage de l’analyse des interventions
de Bpifrance, dans le domaine du financement, comme dans celui de
l’investissement, est que les dispositifs mis en oeuvre par Bpifrance,
comme par les entités qui l’ont précédée, manquent d’évaluation externe
de leur impact en termes notamment d’effet socio-économique, de clarté
de l’intervention publique et de coût du dispositif. Pour certains
dispositifs, l’absence d’étude peut se justifier par le caractère récent des
outils concernés et donc le manque de recul pour pouvoir réaliser une
évaluation pertinente. Pour d’autres, ce constat est plus difficilement
explicable. Certes, il existe quelques études externes ponctuelles ciblées
194
et des études internes à Bpifrance. Mais ces dernières demeurent à un
niveau très agrégé. Cette absence d’évaluation externe est dommageable
au regard de l’importance centrale que revêtent les dispositifs gérés par
Bpifrance dans la politique publique de soutien aux entreprises. Une telle
évaluation pourrait être menée, par exemple, par France Stratégie
195
. Il est
intéressant de noter, à cet égard, que Bpifrance a d’ores et déjà lancé
certains appels à projets visant à évaluer son action
196
.
194
Il est, par exemple, prévu dans les conventions conclues entre l’État et Bpifrance
depuis 2010 dans le cadre du programme d’investissements d’avenir, la réalisation
systématique d’études d’évaluation avec recours à des prestataires. L’évaluation du
dispositif « prêts numériques » (distribués en 2013-2014), déjà mentionnée
supra,
a
été réalisée par un cabinet de conseil extérieur.
195
France Stratégie, créé en avril 2013, est un organisme de réflexion, d’expertise et
de concertation placé auprès du Premier ministre. Évaluer des politiques publiques, de
façon indépendante et exemplaire constitue l’une des missions de France Stratégie.
196
Bpifrance a récemment lancé des appels à projet auprès d’universitaires et de
centres de recherche. Ces études comportent, en tout ou partie, un volet d’évaluation
des interventions de Bpifrance sur tel ou tel aspect de son activité.
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UN RÉEL DYNAMISME, MAIS UN POSITIONNEMENT STRATÉGIQUE À
CLARIFIER POUR CHACUN DES MÉTIERS
103
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
________
Bpifrance financement s’est très largement inscrite dans la
continuité d’Oséo. La création du groupe a néanmoins donné une
ampleur et une dynamique beaucoup plus fortes à ses interventions en
matière de crédits aux entreprises. Compte tenu d’une situation
aujourd’hui globalement sans tension sur le financement de celles-ci,
c’est la stabilisation et non plus la croissance des interventions dans le
domaine du crédit qui doit être l’objectif de la banque. En outre, si les
interventions de Bpifrance dans le financement en crédit des entreprises
témoignent d’une prise de risque qui n’est que légèrement supérieure à
celles des banques privées, ce choix ne saurait lui être reproché. Compte
tenu de sa nature d’établissement de crédit, soumis à la supervision
directe de la Banque centrale européenne, Bpifrance ne doit pas prendre
des risques inconsidérés, qui se traduiraient inévitablement par des coûts
pour le contribuable.
Les interventions de Bpifrance en fonds propres à destination des
PME s’inscrivent aussi très largement, du point de vue des outils
financiers mobilisés, dans la continuité de l’ex-CDC Entreprises. Elles
mettent néanmoins en oeuvre une stratégie renouvelée sur plusieurs
aspects et revêtent une ampleur plus forte, sous l’influence notamment du
programme
des
investissements
d’avenir.
La
progression
des
interventions de Bpifrance dans le domaine du capital investissement en
faveur des PME, à la fois sur ses fonds propres et pour le compte du PIA,
notamment sur le segment du capital innovation, soulève toutefois la
question d’un risque de surabondance des fonds publics avec effet
d’éviction vis-à-vis des fonds privés dans certains cas. Elle pose aussi le
problème de l’articulation entre les différentes interventions publiques,
avec un risque de duplication, voire de concurrence. En outre,
l’augmentation
des
interventions
de
Bpifrance
sous
forme
d’investissements directs au cours des dernières années est porteuse de
risques, comparée à des interventions indirectes sous forme de fonds de
fonds qui devraient rester les vecteurs privilégiés
Enfin, le portefeuille de participations dans les moyennes et
grosses capitalisations, dont dispose Bpifrance, valorisé à près de
12,5 Md€ à fin 2015, est très largement hérité du Fonds stratégique
d’investissement (FSI). Là où le FSI mettait l'accent sur le sauvetage
d'entreprises stratégiques en termes d'emploi ou d'industrie pour le pays,
Bpifrance a souhaité faire évoluer sa stratégie d’intervention vers le
financement des ETI de croissance. Si l’adaptation des interventions de la
banque publique par rapport au strict cadre de sa doctrine est normale et
souhaitable en fonction des évolutions de la conjoncture économique et
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COUR DES COMPTES
104
financière, il demeure que le dimensionnement du portefeuille de
participations de Bpifrance dans les moyennes et grosses capitalisations
paraît élevé au regard de la nature des nouveaux investissements réalisés
dans des ETI de croissance.
La Cour formule les recommandations suivantes :
-
éviter tout recoupement entre les interventions de Bpifrance au titre
du PIA et celles au titre de ses fonds propres dans le domaine du
capital investissement au profit des PME (État) ;
-
contenir strictement le volume des interventions en fonds propres
sous forme d’investissements directs à destination des PME
(Bpifrance) ;
-
mettre en place un dispositif d’évaluation externe de l’impact socio-
économique des interventions de Bpifrance (État, CDC).
Bpifrance - novembre 2016
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Chapitre III
Un modèle économique et financier
fragile qui impose un développement
maîtrisé
Le modèle économique de Bpifrance est entendu dans une
perspective élargie. Il comprend à la fois le résultat des activités pour
compte propre (prêts en cofinancement, investissement dans des PME,
ETI, grandes entreprises et fonds de fonds pour compte propre) et celui
des activités réalisées pour compte de tiers, essentiellement l’État, au
travers des investissements en tant que gestionnaire du PIA, des aides à
l’innovation et de l’octroi de garanties de prêts. Dans la mesure où ce
modèle économique est très dépendant de crédits alloués par l’État ou par
d’autres collectivités publiques (régions, institutions européennes), il
convient en effet de considérer l’équilibre financier de l’ensemble des
concours publics gérés par Bpifrance et non ses seules activités pour
compte propre, dont certaines sont garanties par l’État.
Jusqu’à présent, les résultats financiers de Bpifrance ont été positifs,
tant en termes de rentabilité que de solvabilité. Pour autant, ces résultats se
sont accompagnés d’une hausse des charges d’exploitation, qui risque de
créer une base de coûts rigides. En outre, les résultats positifs de Bpifrance
s’expliquent en grande partie par l’apport de financements publics
importants, notamment de la part de l’État. Or, dans la deuxième phase de
son développement qu’aborde aujourd’hui BPIfrance, plusieurs incertitudes
ne sont pas levées, qu’il s’agisse des financements nouveaux que l’État
pourrait consentir, des arbitrages qu’il pourrait prendre sur les rôles
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106
respectifs du PIA et de la banque publique et, s’agissant des deux
actionnaires, de la doctrine d’intervention qu’ils souhaitent voir mise en
oeuvre sur chacun des segments d’activités de BPIfrance dans un
environnement économique et financier différent de celui de 2013.
I -
Des résultats jusqu’ici positifs
Depuis sa création en 2013, Bpifrance présente des résultats positifs,
à la fois en termes de produit net bancaire, de rentabilité et de solvabilité.
Un produit net bancaire en croissance
A -
Le produit net bancaire consolidé du groupe, c’est-à-dire
l’ensemble des revenus financiers qu’engendre l’activité de la banque,
augmente depuis 2013.
Tableau n° 18 :
évolution du produit net bancaire consolidé
de Bpifrance (en M€)
2013
2014
2015
Bpifrance consolidé
Produit net bancaire
874
973
1331
Variations PNB n+1/n
+ 11 %
+ 37 %
Bpifrance Financement
Produit net bancaire
481
550
615
Variations PNB n+1/n
+ 14 %
+ 12 %
Bpifrance Participations
Produit net bancaire
394
424
731
Variations PNB n+1/n
+ 8 %
+ 72 %
Source : Dossiers des conseils d’administration de Bpifrance SA
Il a ainsi fortement crû en 2014 (+ 11 %) et 2015 (+ 37 %).
Chacune des deux filiales, financement et participations, y a contribué. Le
produit net bancaire consolidé du groupe s’élevait à 1,3 Md€ en 2015.
Cependant, cette évolution positive est aussi, en partie, le résultat de
mécanismes comptables
– un changement de périmètre lié au
reclassement des titres détenus dans Orange d’une catégorie comptable à
une autre (voir
infra
).
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UN MODÈLE ÉCONOMIQUE ET FINANCIER FRAGILE QUI IMPOSE UN
DÉVELOPPEMENT MAÎTRISÉ
107
Un faible coût du risque supporté par Bpifrance
B -
Le coût du risque consolidé de Bpifrance, qui désigne le flux
annuel net de dépréciations, provisions et pertes de Bpifrance
financement et de Bpifrance participations, est globalement en diminution
depuis 2013, malgré un rebond en 2014. Il est ainsi passé de 93 M€ en
2013 à 81 M€ en 2015. Il évolue de manière différente entre les filiales
financement et investissement.
Tableau n° 19 :
évolution du coût du risque de Bpifrance (en M€)
2013
2014
2015
Bpifrance consolidé
Coût du risque
93
99
81
Variation n+1/n
6 %
- 18 %
Bpifrance Financement
Coût du risque
76
58
72
Risque avéré filière financement
39
21
31
Dotations pour provisions collectives
36
32
36
Risque avéré filière innovation
0,4
2
5
Variation n+1/n
-23 %
25 %
Bpifrance Participations
Coût du risque
17
42
9
Variation n+1/n
147 %
- 79 %
Source : Dossiers des conseils d’administration de Bpifrance SA
Le coût du risque de Bpifrance financement connaît une évolution en
dents de scie sur la période 2013-2015. Ce coût du risque est composé de :
-
dotations pour risque avéré destinées à couvrir le risque matérialisé
par un constat de défaillance de paiement ou par un autre indicateur
de dégradation de la qualité de la contrepartie (dépréciations
individuelles) ;
-
dotations pour provisions collectives destinées à couvrir de manière
anticipée les pertes futures attendues à maturité, reposant sur des
calculs actuariels statistiques (dépréciations collectives).
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108
La baisse du coût du risque du pôle financement en 2014
s’explique principalement par une réduction des dotations pour risque
avéré liée au taux de défaut très bas des entreprises durant l’année
concernée et à l’augmentation de la couverture des pertes par les fonds de
garantie
197
. En 2015, la dotation pour risque avéré de la filière
financement augmente assez sensiblement, tout en restant inférieure au
niveau de 2013.
Le coût du risque de Bpifrance participations quant à lui se situe
aux alentours de 10 M€ après un pic en 2014 à 42 M€
198
. La faiblesse de
ce montant s’explique par le fait que le coût du risque du pôle
investissement ne porte que sur un périmètre très limité du portefeuille,
c’est-à-dire uniquement sur les titres à revenu fixe (obligations
convertibles
199
) détenues sur le périmètre ETI-GE. Le coût du risque du
pôle investissement ne traduit que la perte de valeur durable ou
significative de ces titres, assimilables à des titres de dette, liée à des
problèmes de solvabilité des entreprises qui les ont émis.
Des résultats positifs
C -
Le résultat net du groupe Bpifrance (hors reclassement des titres
d’Orange) a fortement augmenté en 2014 et, dans une moindre mesure, en
2015 (+ 10 %) pour s’établir à 675 M€.
197
En 2014, 70 % des encours entrés en contentieux cette année sont couverts par des
fonds de garantie.
198
Le pic de 2014 s’explique par l’enregistrement de trois dépréciations sensibles sur
des instruments de dette détenus par Bpifrance participations.
199
Une obligation convertible est une obligation à laquelle est attaché un droit de
conversion qui offre à son porteur le droit d'échanger l'obligation en actions de cette
société, selon une parité de conversion préfixée, et dans une période future
prédéterminée.
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DÉVELOPPEMENT MAÎTRISÉ
109
Tableau n° 20 :
évolution du résultat net de Bpifrance (en M€)
200
2013
2014
2015
Bpifrance consolidé
Résultat net
154
1 276
676
Résultat net
hors reclassement d'Orange
154
615
676
Variation n+1/n (hors Orange)
299 %
10 %
Bpifrance Financement
Résultat net
60
103
119
Variation n+1/n
72 %
16 %
Bpifrance Participations
Résultat net
99
1 207
591
Variation n+1/n
1119 %
-51 %
Source : Dossiers des conseils d’administration de Bpifrance SA et rapports
annuels de Bpifrance
La hausse du résultat net de Bpifrance hors reclassement d’Orange
résulte des plus-values du programme de cession dans un contexte de
hausse des valorisations boursières, du faible taux de défaut sur les prêts
et, en 2014, du reclassement des titres d’Orange
201
.
Cette hausse résulte également d’une augmentation du résultat net
de Bpifrance financement portée par un effet volume lié à l’augmentation
continue des encours de prêts qui tire le produit net bancaire à la hausse,
et par la faiblesse du coût du risque.
200
Le résultat de Bpifrance en 2013 est présenté pro forma, Il s’agit d’une
reconstitution du résultat sur l’année complète des entités consolidées dans Bpifrance
investissement, Bpifrance financement et Bpifrance SA par agrégation des postes
comptables mais après neutralisation d’opérations réciproques les plus significatives.
En 2014, le reclassement des titres d’Orange de participations mises en équivalence
en actifs disponibles à la vente a généré un résultat net consolidé de 661,3 M€. Le
résultat net des fonds de garantie est obtenu en retranchant au résultat net des fonds de
garantie et des aides à l’innovation le montant de la provision collective sur les
activités garantie et innovation. L’écart entre le résultat du groupe et la somme de
ceux des filiales s’explique par les impôts et taxes au niveau consolidé et des effets de
consolidation.
201
Le reclassement des titres d’Orange de titres mis en équivalence en titres disponibles à
la vente, due à la perte d’influence notable de Bpifrance liée à la cession de 1,9 % du
capital a eu pour conséquence de générer un résultat net très significatif en montant
(661,3 M€ en 2014). Ceci résulte de la plus-value de cession de 1,9 % du capital (soit
139 M€) et de la reprise nette de provisions à hauteur de 661 M€. En 2015, la cession
supplémentaire de 2 % du capital d’Orange a engendré un résultat net avant impôts de
377 M€, dont 174 M€ de dividendes et 203 M€ de plus-values de cession.
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110
La rentabilité des capitaux propres
D -
La rentabilité des capitaux propres, c’est-à-dire le rapport entre le
résultat net et les capitaux propres investis par les actionnaires
202
, du
groupe Bpifrance est passée de 6,68 % en 2014 à 3,35 % en 2015.
Cette évolution résulte d’une baisse de la rentabilité des capitaux
propres de Bpifrance participations, après un pic en 2014 du fait de
résultats exceptionnels liés à la vente de titres d’Orange et d’un niveau de
capitaux propres plus faible résultant d’une remontée de trésorerie
exceptionnelle de 1,6 Md€ aux actionnaires.
En revanche, la rentabilité des capitaux propres du pôle
financement a augmenté en 2014 du fait de l’amélioration du résultat net
liée à un faible taux de défaut. En 2015, le résultat net a été suffisamment
élevé pour compenser l’effet d’une augmentation de capital de 300 M€.
Par comparaison, la rentabilité des capitaux propres des six
principaux groupes bancaires français est passée de 6 % en 2013 à 6,7 %
en 2015
203
.
Tableau n° 21 :
évolution du taux de retour sur capitaux propres
(RoE) de Bpifrance
204
2013
2014
2015
Bpifrance consolidé
ROE
0,70 %
6,68 %
3,35 %
Bpifrance Financement
ROE
2,20 %
3,60 %
3,70 %
Bpifrance Participations
ROE
0,55 %
7,76 %
3,56 %
Source : Dossiers des conseils d’administration de Bpifrance SA
202
Ou en anglais,
return on equity
(RoE)
203
BNP Paribas, Société générale, Crédit agricole, BPCE, Crédit mutuel, la Banque
postable. Cf. ACPR, Analyses et synthèses : la situation des grands groupes bancaires
français à fin 2015, n° 63, mai 2016
204
Les taux de retour sur capitaux propres de Bpifrance en 2013 sont présentés pro
forma.
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DÉVELOPPEMENT MAÎTRISÉ
111
Une solvabilité du groupe assurée
E -
La solvabilité de Bpifrance est satisfaisante au niveau du groupe
205
.
En 2015, celui-ci affichait un ratio de solvabilité de 33,1 %, soit bien
supérieur au ratio minimum de 8 % requis par la règlementation bancaire
dans le cadre des normes de Bâle III. Ceci témoigne du fait que le groupe
Bpifrance est surcapitalisé au regard des risques qu’il prend, compte tenu
de l’ampleur des fonds propres logés dans la filiale Bpifrance
participations. Ainsi, au niveau du groupe, les fonds propres nécessaires
pour couvrir les pertes sont excédentaires à hauteur de 5 Md€ par an
206
.
Le groupe Bpifrance a passé avec succès l’examen de la qualité des actifs
et le test de résistance réalisés par la BCE en 2014.
II -
Une hausse des charges d’exploitation qui
risque de créer une base de coûts rigide
La mise en place de Bpifrance et la montée en puissance rapide de
son activité se sont traduites par une hausse des charges d’exploitation qui
concerne au premier chef la masse salariale, mais également différents
coûts de fonctionnement liés aux prestations externes, à la politique
immobilière et à des frais de déplacement et de représentation élevés.
Cette progression fait peser un risque d’effet de ciseau sur l’activité de
prêt et sur le résultat de Bpifrance financement.
Une progression rapide des charges d’exploitation
A -
Les charges d’exploitation de Bpifrance s’inscrivent dans une
tendance très dynamique malgré une inflexion en 2015. Après avoir
progressé de 14 % entre 2013 et 2014 et de 4 % entre 2014 et 2015, le budget
2016 prévoit une augmentation de 9 %. Les charges d’exploitation du groupe
représentent 504 M€ en 2015. Plus de la moitié de ces charges est constituée
par les charges de personnel, qui connaissent une évolution similaire.
205
La solvabilité de Bpifrance est examinée par la BCE, en tant que superviseur, à
deux niveaux : au niveau du groupe et au niveau de la filiale qui porte l’activité
bancaire, c’est-à-dire Bpifrance financement. L’appréciation de la solvabilité par le
superviseur diffère fortement entre ces deux niveaux : elle est satisfaisante au niveau
du groupe et insuffisante au niveau de Bpifrance financement à partir de 2017.
206
Il s’agit d’un excédent de capital économique. Celui-ci correspond aux fonds
propres nécessaires pour couvrir des pertes de probabilité d’occurrence de 1/3 000 sur
les portefeuilles de crédit de Bpifrance financement et de 1/10 000 sur le portefeuille
equity
de Bpifrance participations.
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112
La progression des charges d’exploitation du groupe résulte du
dynamisme de chacune des deux filiales, Bpifrance financement et
investissement. En 2014, leurs charges d’exploitation avaient augmenté
de plus de 10 % pour chacune. En 2015 la hausse des charges est
davantage portée par le pôle financement, alors que dans les prévisions
pour 2016 c’est l’inverse. L’écart entre la hausse des charges du groupe
de celles des deux filiales s’explique principalement par les impôts et
taxes au niveau consolidé (taxes sur les dividendes).
Tableau n° 22 :
évolution des charges d’exploitation (en M€)
Bpifrance consolidé
2013
2014
2015
B 2016
Charges d'exploitation
426
486
504
549
dont charges de personnel
220
241
275
282
Variation n+1/n
14 %
4 %
9 %
Bpifrance Financement
Charges d'exploitation
298
331
355
354
dont charges de personnel
165
175
197
200
Variation n+1/n
11 %
7 %
0 %
Bpifrance Participations
Charges d'exploitation
124
139
138
145
dont charges de personnel
54
64
77
81
Variation n+1/n
12 %
-1 %
5 %
Source : Dossiers des conseils d’administration de Bpifrance SA
Le coefficient d’exploitation consolidé de Bpifrance, qui permet de
mesurer l’efficience de l’exploitation bancaire en rapportant les charges
d’exploitation au produit net bancaire, était de 37 % en 2014 et 2015 et
devrait s’établir à 43 % en prévision pour 2016.
Sur le pôle financement, le coefficient d’exploitation est en
diminution depuis 2013 pour s’établir à 57,8 % en 2015. Il était de 60,2 %
en 2014.
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DÉVELOPPEMENT MAÎTRISÉ
113
À titre de comparaison, le coefficient d’exploitation moyen de
l’ensemble des banques françaises s’élevait à 66,2 % en 2014 et la
médiane à un peu plus de 65 %
207
. Ce point de comparaison se révèle
imparfait dans la mesure où il n’existe pas de données publiques plus
fines permettant d’isoler le coefficient d’exploitation d’une banque de
détail des professionnels en France dont l’activité serait comparable à
celle de Bpifrance. En outre, cette dernière gère des activités de garantie
et d’innovation qui n’ont pas leur équivalent dans les autres banques.
Il reste que le coefficient d’exploitation de Bpifrance financement
parait élevé au regard de son activité et en comparaison des autres banques
françaises. Il est en effet voisin de celui des banques de détail alors même
que Bpifrance gère un réseau beaucoup plus réduit d’agences bancaires et
supporte donc des coûts d’exploitation réduits. Il existe manifestement des
marges significatives d’amélioration qui devraient être arrêtées dans le
cadre d’une trajectoire à moyen terme formalisant cette exigence.
Concernant le pôle investissement, le ratio d’efficience pertinent
est celui des charges rapportées à la valeur brute du portefeuille sous
gestion. Ce ratio est en augmentation progressive depuis 2013, passant de
0,79 % à 1 % en 2015. Ceci témoigne de la hausse des charges pesant sur
Bpifrance participations notamment du fait du développement du Hub
208
et des fonctions de contrôle.
Tableau n° 23 :
évolution des ratios d’efficience de Bpifrance
2013
2014
2015
B 2016
Bpifrance consolidé
Coefficient d'exploitation
48,7 %
37,6 %
37,9 %
43,2 %
Bpifrance Financement
Coefficient d'exploitation
61,8 %
60,2 %
57,8 %
58,6 %
Financement
47,7 %
46,7 %
42,8 %
44,4 %
Garantie
72,6 %
53,8 %
57,0 %
58,5 %
Innovation
142,9 %
385,0 %
395,5 %
310,0 %
Bpifrance Participations
Charges/valeur brute
du portefeuille
0,79 %
1,01 %
1,00 %
1,14 %
Source : Dossiers des conseils d’administration de Bpifrance SA
207
Cf. rapport annuel de l’ACPR 2014
208
Activité de mise en relation entre les grandes entreprises et les ETI, PME et start-
ups innovantes, conseil stratégique, animation des réseaux, marketing de l’offre.
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114
Une masse salariale et un effectif en augmentation
B -
1 -
Une masse salariale en augmentation
Les frais de personnel
209
, qui représentent environ la moitié des
charges d’exploitation de Bpifrance, ont progressé de 25 % sur la période
2013-
2015, passant de 219,8 M€ en 2013 à 275 M€ en 2015. En 2016, les
budgets votés par le
conseil d’administration reflètent néanmoins une
inflexion
nette dans l’évolution
des frais de personnel (progression de
2,6 % par rapport à 2015, contre un taux de croissance annuel de 12 % sur
la période 2013-2015).
Tableau n° 24 :
évolution des frais de personnel
sur la période 2013-2015
(M€)
2013
2014
2015
P 2016
TCA 2013-
2015
Frais de personnel (A)
219,8
240,5
275
282,1
12 %
Total charges
d'exploitation (B)
425,8
485,
8
504
549,1
9 %
A/B
52 %
50 %
55 %
51 %
Source : Bpifrance
L’augmentation de la masse
salariale
210
, qui a été particulièrement
dynamique au sein du pôle investissement, avec un taux de croissance
annuel moyen de la masse salariale hors charges (y compris participation,
intéressement et abondement aux PEE et PERCO) de 17 % sur la période
2013-
2015, s’explique par l’augmentation des effectifs de Bpifrance ainsi
que par le poids des mesures de revalorisation des rémunérations et
l’évolution dynamique des rémunérations de certaines cadres dirigeants,
déjà mentionnés
supra
.
209
Hors dépenses d’intérim, de l’ordre de 5 M€, qui sont comptabilisées
dans les
prestations externes.
210
La différence entre les montants des frais de personnel et ceux de masse salariale
s’explique par le fait que ces données relèvent d’approches différentes.
Les montants
de « masse salariale
» s’appuyent sur les déclaration
s sociales RH (DADS) ; les
montants de « frais de personnel
» relèvent eux d’une approche comptable et
budgétaire plus large. La différence concerne pour l’essentiel les montants
d’intéressement/participation/abondements sur PEE ou P
ERCO (hors champ DADS)
ainsi que les variations de provisions comptables (compte épargne temps,
engagements sociaux, etc.), et charges sociales associées.
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DÉVELOPPEMENT MAÎTRISÉ
115
Tableau n° 25 :
évolution de la masse salariale
sur la période 2012-2015
(M€)
2012
2013
2014
2015
Taux de
croissance
annuel
2013/12
2014/13
2015/14
Total masse salariale (y compris intéressement, participation, et abondements PEE, PERCO)
Pôle financement
160
167
179
6%
4%
7%
Pôle investissement
50
59
67
16%
18%
13%
Total
210
226
246
8%
8%
9%
Total masse salariale (hors intéressement, participation, et abondements PEE, PERCO)
Pôle financement
144
150
156
167
5%
4%
4%
7%
Pôle investissement
38
46
54
61
17%
20%
20%
12%
Total
182
196
211
227
8%
8%
7%
8%
Masse salariale hors charges (yc intéressement, participation et abondements PEE, PERCO)
Pôle financement
105
110
116
5%
4%
6%
Pôle investissement
31
37
43
17%
18%
16%
Total
137
147
159
8%
7%
9%
Masse salariale hors charges (hors intéressement, participation et abondements PEE, PERCO)
Pôle financement
93
95
99
104
4%
3%
3%
6%
Pôle investissement
23
27
32
37
17%
16%
19%
15%
Total
116
123
131
141
7%
5%
7%
8%
Source : Bpifrance
211
2 -
Un effectif en croissance
La mise en place de Bpifrance, qui s’est accompagnée d’un
changement de taille du groupe, de son classement par la BCE au rang
des banques dites « importantes » faisant l’objet d’une surveillance
particulière, et d’une croissance forte de son activité, a conduit à une
augmentation importante de ses effectifs. Bpifrance comptait, au
31 décembre 2015, un effectif de 2 190 ETP, dont 85 % au sein de son
pôle financement et 15 % au sein de son pôle investissement. Plus de la
211
Masse salariale hors charges (hors intéressement, participations et abondement aux
PEE et PERCO) = rémunérations fixes, PVO, indemnités et autres, stagiaires. Les
PVO de CDC Entreprises au titre de l’année N étaient traditionnellement versées en
décembre N. Cette pratique a été modifiée en 2015 (versement des PVO au titre de
2014 en mars 2015, au lieu de décembre 2014), créant ainsi une « année blanche » en
2014. Pour les besoins de l'analyse de l'évolution de la masse salariale, les PVO de
l’ex-CDC Entreprises versées en 2015 au titre de l'année 2014 ont été réintégrées à la
masse salariale 2014 du pôle investissement. De même, en 2015.
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116
moitié de l’effectif de Bpifrance se situe au sein de son réseau
territorial
212
. Les effectifs de Bpifrance ont progressé de 14 % entre 2012
et 2015, soit un taux de croissance annuel de 4 %, principalement au sein
des métiers (à hauteur de 75 % environ), et, pour le solde, au sein des
fonctions transverses
213
.
Tableau n° 26 :
évolution de l’effectif de Bpifrance
sur la période 2012-2015
(ETP au 31/12/N)
2012
2013
2014
2015
Taux de
croissance
annuel
Pôle financement
1 673
1 707
1 744
1 853
3%
Pôle investissement
247
277
308,9
337,1
11%
FSI Régions
49,2
62,9
-
-
CDC Entreprises
126,1
139,8
-
-
FSI
71,7
73,8
-
-
Total
1 920
1 984
2 053
2 190
4%
Source : Bpifrance
Bpifrance explique ces hausses par un effet de rattrapage
214
, la
progression de son activité
215
, en lien également avec l’attribution de
missions nouvelles de la part de l’État, et la nécessité de permettre son
développement. Cette augmentation, qui s’inscrit effectivement dans une
logique de développement, présente le risque de créer une base de coûts
rigide
216
dans un contexte où le modèle économique et financier de
Bpifrance n’est pas dénué de fragilités. Le budget de 2016 marque à cet
égard une inflexion, avec des prévisions de recrutements inférieures à
celles des années précédentes.
212
1060,67 ETP du métier financement étaient dans le réseau en septembre 2015,
auxquels s’ajoutaient une cinquantaine de collaborateurs du métier investissement.
213
En particulier les fonctions de maîtrise des risques et le pôle finances qui inclut
l’informatique.
214
Bpifrance met en avant que, avant même sa mise en place, l’effectif des entités
qu’elle a regroupées a progressé entre 2009 et 2012 de 2,2 % alors que les encours de
crédit et de garantie ont progressé, sur la même période, de 57 %,
215
Progression des encours moyens de crédits octroyés aux entreprises par Bpifrance
financement de 79 % entre 2012 et 2015 et augmentation des investissements en fonds
propres de 42 % sur la période 2013-2015.
216
Le nombre de licenciements et de ruptures conventionnelles en 2015 représentait
1,1 % de l’effectif de Bpifrance.
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DÉVELOPPEMENT MAÎTRISÉ
117
Des coûts de fonctionnement élevés
C -
1 -
Une augmentation des coûts de fonctionnement
Les coûts de fonctionnement du groupe Bpifrance, soit les charges
d’exploitation hors impôts et hors masse salariale, s’établissent à
178,3 M€ en 2015. Ils ont progressé de 8 % en 2014 et de 1 % en 2015.
Le budget pour 2016 prévoit une hausse de 16 % de ces dépenses par
rapport à 2015.
Tableau n° 27 :
détail des charges d’exploitation du groupe
Bpifrance, hors taxes et hors masse salariale (en M€)
2013
2014
2015
2016
B2016/
2015
Bpifrance consolidé
Charges d'exploitation hors taxes
163,4
177,1
178,3
207,3
16 %
Dépenses informatiques
nc
16,2
15,9
17,7
11 %
Honoraires sur opérations
d'investissement
nc
17,4
12,6
17,3
37 %
Autres prestations
1,1
34,6
34
46,5
37 %
Frais de locaux
nc
30,2
32,8
38,1
16 %
Communication
1,6
11,7
11,6
10,2
- 12 %
Amortissements
24,1
26,1
30
31,5
5 %
Autres dépenses
nc
40,9
41,4
46
11 %
Source : Bpifrance
217
Le dynamisme des dépenses prévu pour 2016 est lié à la fois à
l’évolution des frais généraux hors missions nouvelles et aux missions
nouvelles engagées par Bpifrance. Ainsi, sur les 26 M€ d’augmentation
des charges d’exploitation dans le budget 2016 par rapport aux prévisions
217
Pour 2013 consolidation proforma sur 12 mois des comptes des entités du groupe.
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118
d’atterrissage 2015
218
, 12 M€ s’expliquent par l’augmentation des charges
hors missions nouvelles
219
et 8 M€ par des missions nouvelles
220
.
La progression des charges de fonctionnement de Bpifrance
témoigne d’un pilotage budgétaire insuffisant. En effet, l’évolution des
charges d’exploitation hors masse salariale inscrites au budget est souvent
supérieure à celle qui était fixée par la lettre de cadrage budgétaire
envoyée par la direction générale de Bpifrance chaque automne en début
de procédure budgétaire.
2 -
Un recours quasi-systématique aux prestataires externes
Les dépenses de prestations extérieures représentaient le premier
poste de charges de Bpifrance en 2015, avec 34 M€ de dépenses hors
honoraires sur opérations d’investissement. Elles augmentent de 37 %
dans les prévisions
pour 2016.
Le montant élevé des dépenses de prestations extérieures et leur
progression très dynamique s’expliquent par le fait que de nombreuses
missions de Bpifrance sont en réalité externalisées, y compris pour des
activités représentant le coeur de métier de la banque et alors même que
les effectifs ont fortement augmenté ces dernières années.
Le recours aux prestataires externes est généralisé. Quasiment
toutes les directions centrales de Bpifrance engagent des dépenses de
prestations extérieures
221
.
Des prestataires externes sont privilégiés pour mettre en place les
nouvelles missions de Bpifrance, notamment en matière d’élargissement
218
Il s’agit de chiffres du budget pour 2016, réalisés sur la base des prévisions
d’atterrissage pour 2015 et non des dépenses exécutées en 2015.
219
Frais de locaux supplémentaires liés à l’extension de sites régionaux et parisiens
(en lien avec l’intégration des garanties publiques de la Coface) et à la progression des
charges locatives.
220
Surcroît de dépenses de prestations extérieures liées au nouveau partenariat avec
Business France, à la création d’une direction des risques, au renforcement de
l’accompagnement des entreprises et au recours à l’intérim lié au surcroît d’activité.
221
Les montants budgétés les plus importants en 2015 concernant la direction des
systèmes informatiques (7,5 M€), la direction des capitaux et du bilan (2,4 M€), la
direction des moyens généraux (2,3 M€) et la direction Bpifrance Export (1,9 M€).
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DÉVELOPPEMENT MAÎTRISÉ
119
de l’offre d’accompagnement des entreprises (cf. annexe n° 4) et
d’internationalisation de Bpifrance
222
.
Le recours aux prestataires externes s’opère également sur ce qui est
censé être le coeur de métier de Bpifrance. Le groupe a par exemple eu
recours à un prestataire pour réaliser une cartographie des risques
opérationnels en 2014, pour un coût de 110 000 €, alors même qu’il dispose
d’une direction de la conformité et du contrôle interne composée de
23 personnes. De la même manière, dans le cadre de la séparation des
fonctions opérationnelles et de contrôle des systèmes informatiques, cette
même direction a eu recours à un prestataire en 2015 pour mettre en place
une collaboration avec la direction des systèmes informatiques et élaborer
un premier plan de contrôle, pour un coût de 120 000 € sur 3 mois.
Bpifrance a également eu recours à un prestataire externe pour conduire
une démarche d’amélioration continue (démarche de «
lean management
»)
pour un montant de 841 000 € en 2014 et de plus d’1 M€ en 2015.
3 -
Une politique immobilière coûteuse
Les frais de locaux constituent le second poste de charges pour le
groupe Bpifrance. Ils représentaient 32,8 M€ en 2015 et sont prévus en
forte progression (+ 16 % entre 2015 et 2016).
Bpifrance possède 50 implantations dont le siège, à Maisons-
Alfort, dont le groupe est propriétaire. Il possède également deux
implantations à Paris pour lesquelles il est locataire : l’une située
boulevard Haussmann depuis la constitution du groupe en juin 2013, et
l’autre rue Drouot depuis juillet 2015 dans la perspective d’accueillir les
personnels transférés de la Coface.
Les loyers de ces deux implantations sont inférieurs à la moyenne
du marché mais d’un montant élevé du fait des choix opérés par
Bpifrance de s’implanter dans le quartier central des affaires de Paris dans
des immeubles prestigieux
223
.
222
La mise en place du crédit export par la direction des financements internationaux
de Bpifrance en 2015 a été réalisée par l’intermédiaire de nombreux prestataires
externes, cabinets d’avocats ou sociétés de conseil, pour un montant total budgété de
1,8 M€. La gestion-même du crédit export s’est appuyée sur la délégation du middle-
office à une banque de la place.
223
Le loyer facial de l'implantation sise boulevard Haussmann n’était certes que de
607 €/m2 lors de l’entrée dans les locaux en 2013 (hors surfaces additionnelles),
contre 740 €/m2 en moyenne pour des biens similaires dans le quartier central des
affaires à Paris (Pour des biens « prime ». Cf. baromètre Immostat de l’investissement
immobilier français, 13e édition, décembre 2013). Le loyer facial de l’implantation de
Bpifrance située rue Drouot est quant à lui de 604 €/m2, contre 785 €/m2 en moyenne
pour des biens similaires dans le même quartier (Cf. baromètre Immostat de
l’investissement immobilier français, 19e édition, mars 2016). Il n’en reste pas moins
que cette localisation reste coûteuse par rapport à d’autres types d’implantations.
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120
Les implantations de Bpifrance à Paris étant particulièrement
coûteuses, il aurait été possible d’envisager soit une implantation hors de
Paris
intra muros
, comme l’est le siège à Maisons-Alfort, ou du moins
une implantation dans des immeubles dits de seconde main, pour lesquels
les loyers faciaux sont bien moins élevés, y compris dans le quartier
central des affaires à Paris (490 €/m
2
en 2013 et 523 €/m
2
en 2016). À cet
égard, le transfert prévu des agents travaillant à la Coface à Bois-
Colombes dans l’immeuble de la rue Drouot pose question, d’autant que
la valeur ajoutée managériale de ce déménagement n’est pas avérée.
De plus, le taux d’occupation des locaux parisiens paraît
insuffisant. La surface utile nette
224
de l’immeuble du boulevard
Haussmann notamment est de 21 m
2
par agent.
4 -
Des frais de déplacement et de représentation élevés
Les frais de déplacement et de représentation se sont élevés à
14,7 M€ au niveau du groupe Bpifrance en 2015. Les seuls frais de
représentation ont été budgétés à hauteur de 3,5 M€ en 2015, soit environ
1 600 € par salarié de Bpifrance.
Le poste de dépenses le plus important concerne les véhicules de
fonction, qui ont été budgétés à hauteur de 6,6 M€ en 2015, dont 5,8 M€
pour Bpifrance financement et 800 000 € pour Bpifrance participations.
L’attribution de véhicules de fonction est très large puisque, pour
Bpifrance financement, y sont éligibles un grand nombre de salariés, des
directeurs de réseau aux chargés d’affaires, y compris, de manière
surprenante, les responsables de services de back et de middle-office
225
.
Pour Bpifrance investissement, tous les collaborateurs sont éligibles et la
décision d’octroi est à la discrétion du supérieur hiérarchique, après
validation des directions des ressources humaines et des moyens
généraux. Les modalités de tarification sont différentes entre les filiales
financement et investissement : dans le premier cas les collaborateurs
224
La surface utile nette est la surface effectivement réservée aux espaces de travail
(bureaux, salles de réunions, etc). Elle est obtenue en déduisant de la surface utile
brute inscrite dans le bail la quote-part des parties communes, les locaux techniques
non partagés, les circulations horizontales, les locaux sociaux et les sanitaires.
225
Responsables service gestion court terme, responsables de gestion immobilier
énergie environnement, responsables de services de gestion, responsables appui
fusions/acquisition initiative et conseil. Cf. note d’instruction sur l’utilisation d’un
véhicule de fonction de Bpifrance financement, avril 2015
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UN MODÈLE ÉCONOMIQUE ET FINANCIER FRAGILE QUI IMPOSE UN
DÉVELOPPEMENT MAÎTRISÉ
121
s’acquittent d’une contribution forfaitaire mensuelle
226
, tandis que dans le
second aucune participation n’est requise, les coûts du véhicule servant
uniquement de base au calcul d’un avantage en nature soumis aux
cotisations sociales et à l’impôt sur le revenu. Au total, 604 salariés de
Bpifrance ont un véhicule de fonction, dont 529 pour Bpifrance
financement et 85 pour Bpifrance investissement, la plupart pour ces
derniers travaillant à Paris ou à Maisons-Alfort.
Il convient de relever que, pour neuf des dix directeurs exécutifs de
Bpifrance, la possession d’un véhicule de fonction s’accompagne de frais de
taxis non négligeables. En effet, les dépenses de taxi de la direction générale
représentaient 64 000 € en 2015, soit plus de 530 € par mois par directeur
alors même que neuf d’entre eux disposaient d’un véhicule de fonction.
Un risque d’effet de ciseau sur l’activité de prêt
D -
de Bpifrance
L’augmentation continue des charges d’exploitation fait peser un
risque d’effet de ciseau sur l’activité de Bpifrance financement, si
l’évolution des charges devient plus rapide que celle des revenus tirés de
l’activité de prêt.
Pour le moment, le produit net bancaire de Bpifrance financement
s’inscrit en progression, même si son augmentation d’une année sur l’autre
depuis 2013 a tendance à se tasser (+ 7 % anticipé en 2016, + 12 % en 2015
contre + 14 % en 2014). Des risques existent en raison tout d’abord d’une
baisse des marges sur différents produits de Bpifrance dans un contexte où
la concurrence bancaire en matière de financement des PME se fait de plus
en plus forte. Ensuite, Bpifrance financement ne pourra plus se reposer
comme auparavant sur une hausse des encours de prêts grâce à laquelle elle
a vu ses revenus augmenter ces dernières années, puisqu’elle prévoit de
ralentir l’augmentation de sa production dans le cadre de son plan à moyen
terme 2016-2019 (voir
infra
). Tant cet effet volume que l’effet prix
comportent des risques de ralentissement de l’évolution du produit net
bancaire tiré de l’activité de Bpifrance financement.
226
40 % de la charge totale du véhicule plafonnée à 12 % de la valeur d’achat toutes
taxes comprises payée par la société de location.
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122
Tableau n° 28 :
évolution du produit net bancaire de Bpifrance
financement (en M€)
Bpifrance Financement
2013
2014
2015
B 2016
Produit net bancaire
481
550
615
660
dont cofinancement
345
439
500
536
dont garantie
84
91
93
94
dont innovation
51
20
22
30
Variation PNB n+1/n
14 %
12 %
7 %
Source : Dossiers des conseils d’administration de Bpifrance SA
Les charges d’exploitation s’inscrivant en progression depuis 2013,
il existe un risque d’effet de ciseau sur l’activité de Bpifrance
financement, amplifié par le fait que les charges d’exploitation sont
rigides à la baisse. Il convient d’anticiper suffisamment tôt les évolutions
de revenus pour pouvoir baisser rapidement les charges d’exploitation le
cas échéant et éviter que l’effet de ciseau ne se produise.
III -
Un modèle économique et financier
présentant des fragilités intrinsèques
Le modèle économique et financier de Bpifrance présente des
fragilités qui touchent à la fois l’activité de financement, dont l’existence
repose sur des concours de l’État, et l’activité d’investissement, dont la
capacité à engendrer des résultats de manière durable est incertaine.
Une forte dépendance de l’activité de financement
A -
aux concours publics
L’activité de financement de Bpifrance repose pour une part
importante sur l’octroi de financements publics – essentiellement en
provenance de l’État – permettant d’alimenter des fonds de garantie et des
aides à l’innovation. Loin d’être apportés exclusivement par dotation
budgétaire, comme c’est le cas usuellement, ces financements ont,
jusqu’à présent, été principalement fournis à Bpifrance par l’intermédiaire
de mécanismes basés sur le recyclage de ressources héritées notamment
de l’ex-Oséo et de l’ex-FSI. Or, ce recyclage, qui constitue un
contournement des principes budgétaires, atteint aujourd’hui ses limites.
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UN MODÈLE ÉCONOMIQUE ET FINANCIER FRAGILE QUI IMPOSE UN
DÉVELOPPEMENT MAÎTRISÉ
123
1 -
Un modèle économique et financier fortement dépendant
des financements publics
Le modèle économique et financier de Bpifrance ne se déduit pas
de son seul résultat comptable. Il convient de prendre également en
compte l’ensemble des concours publics versés à la banque, concours qui
permettent notamment de réduire les risques liés aux prêts et à la garantie
supportés par le pôle financement de la banque publique.
a)
Un coût du risque réduit à la charge de Bpifrance
Le coût du risque figurant au résultat de Bpifrance est un
indicateur imparfait de l’ensemble des dépréciations des fonds gérés par
Bpifrance. En effet, il n’inclut ni le coût du risque imputé sur les fonds de
garantie dotés par l’État, ni les pertes sur les aides à l’innovation.
À la différence d’une banque classique, une partie importante des
risques pris par Bpifrance dans son activité de prêt ne pèse pas sur son
résultat mais est en pratique à la charge des finances publiques.
Le fonctionnement des fonds de garantie de Bpifrance
Les fonds de garantie sont des fonds sans personnalité morale
portant un patrimoine pour le compte de l’État. Bpifrance en assure la
gestion. Ils ont vocation à faciliter l’octroi de crédits aux PME en
intervenant en garantie d’une partie du risque de défaillance pris par les
banques de la place ou par Bpifrance dans le cadre de ses prêts de
développement.
Il existe plus d’une cinquantaine de fonds de garantie, ayant chacun
un objet précis (par exemple, création des PME, transmission des PME,
innovation des PME, prêts numérique, biothechnologies, etc) et un
financeur (essentiellement l’État, mais également la CDC, l’UIMM, la
BEI). Les fonds de garantie sont inscrits dans le bilan de Bpifrance comme
instrument de dette mais font l’objet d’une comptabilité spécifique. Le
résultat négatif des fonds de garantie est imputé sur le solde des fonds et
ne vient pas diminuer le résultat de Bpifrance.
Les fonds de garantie de l’État sont alimentés par des dotations
budgétaires qui permettent grâce à un coefficient multiplicateur défini
préalablement de garantir un montant défini de prêts bancaires. Les fonds de
garantie sont alimentés, outre les dotations budgétaires, par des produits
financiers issus du placement des disponibilités et par les commissions de
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COUR DES COMPTES
124
gestion prélevées sur les emprunteurs finaux – à l’exception de la part
revenant à Bpifrance au titre de la rémunération de sa gestion (généralement
50 % des commissions de garantie et 10 % des produits financiers tirés du
placement des fonds). Les fonds sont débités chaque année des provisions
passées en cas de signalement de contentieux et des défauts sur les prêts,
l’ensemble constituant le coût du risque des fonds de garantie. Les modalités
de fonctionnement des différents fonds de garantie font l’objet de
conventions entre l’État, l’EPIC Bpifrance et Bpifrance financement.
L’existence des fonds de garantie permet d’atténuer largement
l’impact de la politique d’augmentation des encours de Bpifrance
financement sur son propre coût du risque. Afin d’avoir une vision
exhaustive du risque pris par le pôle financement, il convient donc
d’ajouter au coût du risque imputé sur le résultat de Bpifrance
financement le coût du risque imputé sur les fonds de garantie et sur les
aides à l’innovation
227
dotés par l’État. En effet, l’essentiel des risques
pris par l’activité de garantie et de financement sont portés par les fonds
de garantie publics qui couvrent les pertes à hauteur de 50 à 80 % des
prêts de développement, des prêts à l’innovation ou des prêts bancaires
garantis. Le résultat de Bpifrance financement ne supporte donc le coût
du risque que pour les prêts non adossés à des fonds de garantie et, pour
les prêts adossés, pour la quotité non couverte par la garantie publique. Le
coût du risque porté par les fonds de garantie (classiques et innovation)
est de 350 à 550 M€ par an selon les années.
Lorsque l’on prend en compte l’impact des défauts d’entreprises
sur l’État (fonds de garantie et aides à l’innovation), le coût du risque
global de l’activité de Bpifrance financement, c’est-à-dire celui pesant à
la fois sur Bpifrance financement et sur l’État, n’est plus de 72 M€ en
2015, mais de 147 M€. En 2014, il était de plus de 600 M€.
Le coût du risque supporté par les fonds de garantie a fortement
baissé en 2015 par rapport à 2014, du fait tout à la fois d’une volonté
d’utiliser au mieux les ressources publiques fournies par l’État par rapport
à une situation antérieure faisant apparaître des sur-dotations, et d’une
prise de risque supplémentaire de Bpifrance
228
.
227
Les provisions sur les aides à l’innovation s’élèvent à 50 % du montant des aides.
228
Ceci s’explique, d’une part, par la baisse du provisionnement des risques avérés
(provision réalisée une fois le constat de défaillance réalisé mais en l’absence
d’évaluation du montant des pertes) du fait du déploiement de nouveaux modèles de
simulation des pertes sur les fonds de garantie, et, d’autre part, par une baisse
unilatérale de la provision collective destinée à couvrir de manière anticipée les pertes
futures attendues à maturité, qui traduit une prise de risque accrue.
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125
Tableau n° 29 :
évolution du coût du risque global de Bpifrance
et des fonds de garantie (en M€)
229
2013
2014
2015
Bpifrance consolidé
Coût du risque global
447
667
156
Bpifrance Financement
Coût du risque Bpifrance Financement
76
58
72
Coût du risque des fonds de garantie
355
568
75
Coût du risque total (Financement
et fonds de garantie)
430
625
147
Bpifrance Participations
Coût du risque
17
42
9
Dépréciations sur titres disponibles
à la vente
262
305
260
Dépréciations sur entreprises mises
en équivalence
214
- 47
- 75
Source : Dossiers des conseils d’administration de Bpifrance SA et rapports publics annuels
de Bpifrance SA
L’augmentation des encours des prêts de développement est de
nature à rehausser le coût du risque des fonds de garantie dans la mesure
où, pour ces prêts, Bpifrance ne prend pas de garanties sur les entreprises
qui empruntent mais se couvre sur les fonds de garantie. Cet impact n’est
cependant pas encore visible dans la mesure où les différés de
remboursement
allègent
les
premières
années
la
charge
de
remboursement pesant sur les entreprises et retardent l’apparition de
difficultés
éventuelles.
Les
concours
non
encore
en
phase
d’amortissement représentent ainsi 41 % de l’exposition nette de
Bpifrance Financement.
229
Le coût du risque comptable de Bpifrance participations ne prend pas en compte
les dépréciations sur titres disponibles à la vente et mis en équivalence, qui sont une
estimation des moins-values éventuelles pouvant être réalisées lors des cessions et qui
peuvent être constitutifs de coûts. Contrairement au pôle financement, les
dépréciations sur les titres disponibles à la vente et sur les entreprises mises en
équivalence, bien que non présentes dans le poste de coût du risque, sont prises en
compte dans le résultat net consolidé de Bpifrance.
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COUR DES COMPTES
126
b)
Des créances douteuses principalement supportées
par les fonds de garantie publics
Une analyse du stock d’encours de Bpifrance financement
confirme le fait que le risque lié aux prêts et à la garantie pèse
majoritairement sur les fonds de garantie publics et non sur Bpifrance.
Tableau n° 30 :
taux de créances douteuses de Bpifrance financement
et des fonds de garantie (classiques et innovation)
(en M€)
2013
2014
2015
Bpi France Financement (hors garantie)
Encours à la clientèle
25 672
30 446
34 831
Créances douteuses nettes
767
961
736
Taux de créances douteuses
3,0 %
3,2 %
2,1 %
Fonds de garantie
Encours sains
12 719
13 520
13 973
Encours douteux
1 987
2 055
1 958
Taux de créances douteuses
15,6 %
15,2 %
14,0 %
Source : Bpifrance et dossier du comité d’audit
Le taux de créances douteuses, c’est-à-dire la part des encours
porteurs d’un risque de crédit avéré, s’élevait à seulement 2 % pour les
prêts de Bpifrance financement contre 14 % des encours garantis par les
fonds de garantie publics en 2015.
À titre de comparaison, le taux brut de créances douteuses de
l’ensemble des banques françaises, pour leur activité en France,
s’établissait à 3,8 % en 2014
230
. Il apparaît donc que l’exposition au risque
de Bpifrance financement sur ses prêts est deux fois moindre que celle
des banques françaises. En revanche, le risque des activités de garantie et
d’innovation est reporté sur les fonds de garantie dotés par l’État, qui,
eux, supportent une sinistralité beaucoup plus forte que le secteur
bancaire et que Bpifrance. Cette sinistralité plus élevée n’est pas
anormale au regard des activités concernées mais elle souligne la
dépendance de la banque vis-à-vis des dotations de l’État et doit inciter
celle-ci à maîtriser le développement de ce type d’interventions.
230
Rapport annuel de l’ACPR 2014. Ce taux de créances douteuses correspond à celui
de l’ensemble de l’activité de banque de détail en France, prêts aux entreprises et aux
particuliers confondus.
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DÉVELOPPEMENT MAÎTRISÉ
127
c)
Un résultat rendu possible par l’appui de l’État
Le résultat de Bpifrance financement, de l’ordre de 100 M€, ne se
traduit pas par un bénéfice pour les finances publiques.
En effet, le financement de l’activité de Bpifrance financement
représente une dépense nette de l’ordre de 400 M€ par an pour l’État. Le
résultat net des fonds de garantie, hors dotations nouvelles, s’établissait à
- 459 M€ en 2013 et - 402 M€ en 2014
231
. Les résultats nets négatifs
signifient que les produits affectés à l’activité de garantie et d’innovation
sont loin de compenser les pertes subies par les fonds. De fait, les
produits reversés aux fonds de garantie – généralement 50 % des
commissions de garantie prélevées sur les entreprises en bénéficiant et
90 % des produits financiers issus du placement des fonds – sont
largement inférieurs aux défauts de remboursement sur les prêts et aux
provisions qui représentent entre 350 et 550 M€ par an
232
.
De la même manière, l’activité d’innovation de Bpifrance
financement n’est possible que grâce aux subventions versées par l’État et
que Bpifrance distribue pour son compte
233
.
Par ailleurs, l’activité de financement à moyen et long terme de
Bpifrance n’est également rendue possible que grâce à un dispositif
public, en l’occurrence la garantie de l’EPIC sur ses émissions de dette.
En l’absence de cette garantie indirecte de l’État, l’activité de prêt ne
serait pas rentable, Bpifrance financement s’endettant à des taux d’intérêt
trop élevés pour pouvoir prêter dans des conditions comparables au
marché bancaire.
231
Le résultat net positif des fonds de garantie en 2015, à hauteur de 35 M€ est
artificiellement élevé en raison du changement de modèle de provisionnement des
risques intervenu cette année.
232
Hors 2015
233
L’activité d’aide à l’innovation confiée par l’État à Bpifrance financement repose
sur une dotation d’intervention inscrite sur le budget général de l’État (programme
192). Cette dotation vise à prendre en charge le versement des subventions, le non-
remboursement de certaines avances et la bonification des prêts. La dotation de l’État
en faveur de l’innovation est décroissante depuis plusieurs années. Alors qu’elle était
de 252 M€ en 2013, elle a représenté 175 M€ en 2014, 159 M€ en 2015 et 170 M€ en
loi de finances initiale pour 2016. Bpifrance financement est rémunérée par la
perception de frais de dossier et de gestion qui ont remplacé une subvention de
fonctionnement à compter de 2014.
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COUR DES COMPTES
128
2 -
Des mécanismes de financement s’apparentant
à des débudgétisations
Les besoins de financement liés aux fonds de garantie sont
alimentés – outre les dotations budgétaires – essentiellement par
différents mécanismes de débudgétisation, dont le recyclage de sur-
dotations passées de l'État aux fonds de garantie, le recyclage du
dividende versé par Bpifrance SA à l’État et la pérennisation du fonds de
garantie à capital préservé.
a)
Un recyclage des excédents de dotations passées de l’État
Pour permettre à Bpifrance d’intervenir en garantie de prêts à des
entreprises, l’État, comme mentionné
supra
, abonde budgétairement les
fonds de garantie qui absorbent les pertes liées aux défauts de paiement.
Cette activité consomme environ 400 M€ de ressources publiques chaque
année. Depuis 2013, seule une faible partie de ce besoin de financement
annuel a été couverte par des dotations en provenance du budget de l’État.
La dotation budgétaire du programme 134 s’élevait à 40 M€ en 2014 et à
22 M€ en 2015.
Tableau n° 31 :
besoin en dotations budgétaires des fonds de garantie
portés par le programme 134 (en M€)
234
Besoin
de
financement
Ressources
Besoin
de
dotation
net
Dotation
budgétaire
Recyclage
interne
et autres
ressources
Dividendes
2013
352
0
352
0
0
2014
396
40
356
0
0
2015
400
22
68
310
0
2016
374
26
61
287
0
Source : Direction générale du Trésor
234
Autres ressources : rationalisation de l’offre, ressources supplémentaires
provenant de nouveaux bailleurs, produits financiers du fonds de réserve.
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UN MODÈLE ÉCONOMIQUE ET FINANCIER FRAGILE QUI IMPOSE UN
DÉVELOPPEMENT MAÎTRISÉ
129
La différence entre le besoin de financement et les dotations de
l’État a été couverte en 2013 et 2014 principalement par le recyclage de
disponibilités restant sur les fonds de garantie et provenant de dotations
de l’État antérieures, notamment dans le cadre du plan de relance en
2008-2009. Les montants provenant des dotations du plan de relance ont
été de l’ordre de 350 M€ en 2013 et 2014.
Ces réallocations des disponibilités font l’objet d’une approbation
par l’État en comité financement-garantie de Bpifrance financement.
Elles n’en constituent pas moins un mécanisme de débudgétisation, les
excédents sur dotations budgétaires devant être reversés au budget de
l’État.
b)
Un recyclage des dividendes de l’État
En 2015, les dividendes revenant à l’État ont été utilisés pour
couvrir le besoin de financement des fonds de garantie et ont été
conservés au niveau de l’EPIC sans remonter dans les comptes publics.
En effet, sur les 680 M€ de dividendes versés par Bpifrance à
l’EPIC au titre de l’exercice 2014, 614 M€ ont été directement affectés au
financement de l’activité de garantie de Bpifrance financement par
recyclage interne
235
. Le dividende de Bpifrance a donc servi à alimenter
des fonds qui sont des instruments de l’État, censés être financés par
dotations budgétaires.
Ce recyclage constitue une opération de débudgétisation qui prive
de fait le Parlement d’exercer son pouvoir en matière budgétaire. Le
processus budgétaire normal aurait été celui d’une remontée des
dividendes de Bpifrance au budget de l’État et de l’inscription des crédits
nécessaires en loi de finances en vertu des principes d’universalité et de
non contraction des dépenses et des recettes.
235
Le taux de dividende normatif défini par le conseil d’administration de Bpifrance
SA est de 35 % du résultat net.
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COUR DES COMPTES
130
Tableau n° 32 :
affectation des dividendes versés par Bpifrance
à l’EPIC (en M€)
Exercice
2014
Exercice
2015
Dividende de Bpifrance à l'EPIC
680
115
Dividende recyclé dans les fonds de garantie
614
0
Remontée de dividende de l'EPIC à l'État
66
115
dont remontée prévue en 2016
55
Source : Direction générale du Trésor
L’absence de remontée systématique des dividendes de Bpifrance
au budget de l’État se traduit par l’accumulation de réserves distribuables
au sein de l’EPIC, comptabilisées en report à nouveau. Les distributions
de réserves à l’État ont été nulles pour l’exercice 2013, de 66 M€ pour
l’exercice 2014 (versé en décembre 2015) et de 115 M€ pour l’exercice
2015 (seuls 60 M€ ont été versés en décembre 2015, les 55 M€ restants
devant l’être en 2016). Ainsi, de 2013 à 2015, le montant des réserves
distribuables conservées au niveau de l’EPIC est passé de 56 M€ à
623 M€. Ces fonds ont servi, outre l’abondement des fonds de garantie
déjà mentionné, à doter un fonds de réserve pour Bpifrance ayant
vocation à absorber les pertes éventuelles en cas d’épuisement des fonds
de garantie. L’accumulation de telles ressources au niveau de l’EPIC sans
remontée au budget de l’État, dans le contexte budgétaire contraint qui est
le sien, fait obstacle à une gestion transparente des concours publics
apportés par l’État à Bpifrance.
Tableau n° 33 :
évolution des réserves distribuables de l’EPIC
Bpifrance (en M€)
2013
2014
2015
Report à nouveau de l'EPIC
Bpifrance
56
379
623
Source : Rapports publics annuels de l’EPIC Bpifrance
c)
Le fonds de garantie à capital préservé (FGKP)
Du fait de la difficulté de mobiliser des dotations budgétaires de
l’État, le financement de certaines activités de Bpifrance a tendance à
s’opérer par des mécanismes de cantonnement d’un capital qui, placé,
dégage des produits financiers venant se substituer aux dotations de l’État.
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UN MODÈLE ÉCONOMIQUE ET FINANCIER FRAGILE QUI IMPOSE UN
DÉVELOPPEMENT MAÎTRISÉ
131
Ainsi, le fonds de garantie à capital préservé (FGKP), héritage
d’Oséo, est un fonds de garantie créé en 2004 et destiné à couvrir
l’activité de prêts aux entreprises en développement qui constitue l’un des
objectifs principaux du plan stratégique de Bpifrance. Chaque année se
substituent à une dotation budgétaire les revenus financiers
236
produits par
le placement à l’Agence France Trésor d’un abondement unique – une
avance d’actionnaire de 580 M€ consentie par l’État en 2004 à partir du
compte d’affectation spéciale des participations financières de l’État –
celui-ci ayant vocation à être restitué à la fin du dispositif. Ce dispositif
s’apparente à une débudgétisation car il permet d’assurer à Bpifrance une
stabilité des financements publics en faveur de la garantie des prêts aux
entreprises en développement, sans passer annuellement par l’inscription
de dotations budgétaires en loi de finances.
Cette pratique de débudgétisation, initialement temporaire, tend à
se pérenniser car, en pratique, le capital avancé par l’État n’a pas été
remboursé par Bpifrance comme il aurait dû l’être. Ainsi, il a été décidé
fin 2015 de proroger pour 15 ans la première tranche du FGKP (180 M€)
arrivée à échéance en 2014. De plus, alors que le capital du FGKP était
jusqu’alors déposé à l’Agence France Trésor, qui en assurait le
placement, il est prévu, par avenant à la convention entre l’État et
Bpifrance, qu’à partir de 2016 cette tranche soit désormais placée en
dehors des comptes du Trésor dans le passif de Bpifrance financement.
L’avance de l’État permettra donc à Bpifrance de moins emprunter auprès
de ses sources de refinancement habituelles. Enfin, l’État a renoncé à
l’occasion de l’avenant à la convention à la part de rémunération de la
première tranche du FGKP pour les dix années écoulées qui n’a pas été
consommée, soit 22,6 M€. Cette somme est également conservée par
Bpifrance sous forme d’abondement du FGKP.
3 -
Des fragilités accrues dès 2017
Dès 2017, Bpifrance devra faire face à des décisions importantes
en matière de financement, d’une part pour compenser des dotations
structurellement en baisse de l’État aux fonds de garantie, et d’autre part
pour satisfaire les exigences prudentielles en matière de fonds propres.
236
Le taux des placements est fixé dans une convention entre l’État et Bpifrance. Il
s’agit des produits nets du placement des disponibilités diminués de 7 % qui
reviennent à l’AFT. Il varie en fonction de la durée de placement.
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132
a)
Des besoins en dotation de l’État
Les projections des ressources nécessaires à l’augmentation de
l’activité de de Bpifrance telle que prévue par le plan à moyen terme
2016-2019 (voir
infra
) font apparaître un besoin de financement non
résolu de Bpifrance financement de 2,4 Md€ entre 2017 et 2019, dont
607 M€ pour les seuls fonds de garantie.
Le plan à moyen terme de Bpifrance repose sur l’hypothèse que ce
besoin de financement sera couvert par des dotations du budget de l’État.
Or, comme déjà mentionné, celles-ci s’élèvent à 25 M€ par an en
moyenne sur les dernières années pour les fonds de garantie et à 170 M€
par an pour les aides à l’innovation. La marche à franchir en termes de
dotations budgétaires est tellement élevée qu’il existe une incertitude sur
les ressources qui pourront être allouées aux activités de garantie et
d’innovation et donc sur l’équilibre économique même du pôle
financement à compter de 2017.
La possibilité de recourir au recyclage des dividendes de Bpifrance
participations pour financer l’activité de garantie, comme cela a été fait
en 2015 et prévu en 2016, outre qu’elle est contraire aux règles
budgétaires, n’est guère compatible avec les projections en baisse du
résultat net de Bpifrance participations.
Or, les activités de garantie et d’aide à l’innovation ne peuvent être
conduites sans le concours financier de l’État qui devra donc déterminer
le montant des dotations qu’il est prêt à allouer.
Tableau n° 34 :
besoins en dotation de l’État de Bpifrance (en M€)
2017
2018
2019
Besoin total en dotation
1 086
1 115
1 120
Programme 134 (fonds de garantie)
381
405
423
Programme 192 (aides à l'innovation)
156
157
157
PIA 1
63
0
0
PIA 2
405
29
18
PIA 3
0
446
446
État autres (dispositifs fonds unique
interministériel et prêt restauration)
81
79
76
dont besoin de financement
non contractualisé
237
1 086
1 102
Source : Plan stratégique 2016-2019 de Bpifrance, du 25 juillet 2016
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DÉVELOPPEMENT MAÎTRISÉ
133
b)
Un ratio de solvabilité de Bpifrance financement qui pourrait se
révéler inférieur aux normes réglementaires
Si le ratio de solvabilité du groupe est très élevé en raison de
l’activité de Bpifrance investissement, tel n’est pas le cas de l’activité de
financement que le superviseur analyse de manière séparée.
L’important développement de l’activité de Bpifrance financement
enregistré depuis 2013 s’est traduit par une forte augmentation des
encours. Les encours pondérés de Bpifrance financement, tels que
calculés pour la détermination du ratio de solvabilité, ont ainsi progressé
de 26,3 Md€ au 31 décembre 2013 à 30,4 Md€ au 31 décembre 2014, soit
une croissance de 16 %, ce qui a entraîné une diminution du ratio de
solvabilité de 12,9 % à 11,4 % sur l’exercice 2014.
Afin de satisfaire aux exigences liées à la règlementation bancaire
de Bâle III, une augmentation de capital de Bpifrance financement a été
opérée mi-2015 à hauteur de 300 M€, entièrement souscrite par Bpifrance
SA grâce au résultat qu’elle engendre.
Néanmoins, les perspectives d’activité à l’horizon 2019 et
l’évolution de la réglementation bancaire conduisent à anticiper une
prolongation de cette tendance à la baisse du ratio de solvabilité. D’après
le plan stratégique 2016-2019 de Bpifrance, le ratio de solvabilité de
Bpifrance financement serait inférieur au seuil minimum règlementaire
dès 2017. Bpifrance financement présentera donc un besoin en fonds
propres « Tier 2 » élevé dont le montant passerait de 161 M€ en 2017, à
581 M€ en 2018, 948 M€ en 2019 et 937 M€ en 2020, et un besoin en
fonds propres « Tier 1 » de 71 M€ en 2019 et de 35 M€ en 2020. Ceci est
lié à la fois à la forte augmentation des encours de prêts
237
, mais
également au fait que, conformément à la mise en oeuvre de la
règlementation Bâle III, les fonds de garantie ne seront progressivement
plus éligibles en capital « Tier 2 ».
Dans la mesure où il s’agit d’une exigence règlementaire, dont le
respect est contrôlé par la BCE, les besoins de recapitalisation identifiés
devront trouver une solution.
237
Notamment au décalage dans le temps entre l’augmentation immédiate des encours
pondérés en risque et la génération de résultat, et donc de fonds propres, étalée sur la
durée de vie des prêts. L’activité de prêt consomme des fonds propres dès la
constitution des prêts alors que les revenus tirés de cette activité, qui viennent eux-
mêmes alimenter les fonds propres, ne sont perçus que plus tard.
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COUR DES COMPTES
134
Cette situation est susceptible d’avoir un impact sur le modèle
économique global de Bpifrance. À défaut d’autre source de financement,
les résultats produits par le pôle investissement risquent de devoir
recapitaliser le pôle financement, moins rentable structurellement. En
effet, les dividendes passés ont servi tout à la fois à la recapitalisation de
Bpifrance financement et au financement des fonds de garantie et
d’innovation. Or, les besoins liés à ces deux usages risquent de s’accroître
fortement, ce qui peut conduire à une démarche de cession à marche
forcée d’un portefeuille d’investissement dont les « pépites » anciennes
ont disparu et qui a besoin de temps pour reconstituer son stock de plus-
values.
Le risque est alors que s’enclenche une spirale de cession à marche
forcée du portefeuille de Bpifrance investissement pour financer les
besoins en fonds propres de l’établissement de crédit sans que soient
opérés les investissements nécessaires à la reconstitution du stock de
plus-values du portefeuille, condition nécessaire à la pérennité du modèle
économique.
Les incertitudes sur la capacité du pôle
B -
investissement à dégager durablement des résultats
La capacité du pôle investissement à dégager durablement des
résultats s’avère incertaine en raison d’une part, de l’épuisement
progressif des plus-values latentes héritées du FSI, et d’autre part des
choix effectués sur le réemploi des sommes issues des monétisations en
direction d’ETI.
1 -
L’épuisement progressif des plus-values latentes héritées
du FSI
Le pôle investissement de Bpifrance est essentiel dans la formation
du résultat de Bpifrance puisqu’à lui seul il représente 80 % du résultat
consolidé du groupe. Si les résultats du pôle investissement ont été
positifs ces trois dernières années, il existe des incertitudes sur sa capacité
à engendrer du résultat de manière pérenne, notamment en cas de non
renouvellement du stock de plus-values latentes de son portefeuille
d’investissement.
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DÉVELOPPEMENT MAÎTRISÉ
135
Le produit net bancaire du pôle investissement, représentant
731 M€ en 2015 et en hausse de 72 % par rapport à 2014, repose
principalement sur l’augmentation des résultats de cession issus de la
monétisation du portefeuille ETI-grandes entreprises
238
et des dividendes
et intérêts des titres de ce même portefeuille.
Tableau n° 35 :
évolution du produit net bancaire et du résultat
des entreprises mises en équivalence de Bpifrance Participations (en M€)
Bpifrance Participations
2013
2014
2015
B 2016
Produit net bancaire
394
424
731
624
dont résultats de cession
404
349
456
338
dont dividendes et intérêts
227
247
389
418
Variation PNB N+1/n
+ 8 %
+ 72 %
- 15 %
Quote-part de résultat net
des entreprises mises en équivalence
218
236
-18
102
Variation de valeur Orange
800
Cession de titres mis en équivalence
-1
52
149
Source : Dossiers des conseils d’administration de Bpifrance SA
Comme mentionné
supra
, la performance du produit net bancaire
en 2015 provient en grande partie d’un changement de périmètre lié au
reclassement opéré en 2014 des titres d’Orange qui sont passés de
participations mises en équivalence (hors produit net bancaire) en titres
disponibles à la vente.
Au-delà du seul produit net bancaire, il convient de prendre en
compte le résultat des participations de Bpifrance, qui ne sont pas
incluses dans le produit net bancaire. Parallèlement à l’augmentation du
produit net bancaire, la quote-part de résultat net des entreprises mises en
équivalence connaît une évolution en dents de scie. Elle s’élevait à
236 M€ en 2014, 18 M€ en 2015
239
et 102 M€ en prévision pour 2016.
238
Notamment une deuxième vente de titres d’Orange après celle de 2014, qui a
engendré 203 M€ de plus-values de cession
239
La forte baisse en 2015 s’explique par la sortie des titres d’Orange des
participations mises en équivalence et par la baisse du résultat net de certaines
sociétés, notamment Eramet.
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136
En outre, l’érosion du stock de plus-values latentes sur le
portefeuille de titres ETI-grandes entreprises disponible à la vente a
conduit Bpifrance à céder en 2015 des participations dans des grandes
entreprises sur lesquelles elle dispose d’une influence notable, alors
qu’auparavant elle se limitait aux entreprises moins stratégiques pour elle.
Dans la mesure où le portefeuille actuel est constitué de grandes
entreprises stratégiques (Eutelsat, Eiffage, Eramet), du capital desquelles
il peut s’avérer difficile de se retirer, se pose la question de la pérennité
de cette stratégie de cession.
Le budget 2016 du pôle investissement confirme la fragilité des
revenus du pôle investissement. Il prévoit une baisse du produit net
bancaire, de 731 M€ à 624 M€, résultant principalement de la baisse des
résultats de cession sur les titres disponibles à la vente (338 M€ en 2016
contre 456 M€ en 2015). Ceci traduit un risque d’épuisement progressif du
stock de plus-values latentes lié à la cession du portefeuille grandes
entreprises, stock créé notamment par les conditions d’apport à Bpifrance,
les participations étant nettement dépréciées au moment de la création du
groupe, et qui a porté l’essentiel du résultat de Bpifrance jusqu’à présent
240
.
2 -
Un pari sur le réemploi des sommes issues des monétisations
La stratégie de Bpifrance, consistant à céder autant que possible et
progressivement son portefeuille de participations dans des grandes
entreprises cotées afin de dégager des plus-values et remployer des fonds
en direction des ETI et PME de croissance n’est pas sans conséquence sur
l’appréciation des risques qu’elle prend :
-
ces nouveaux investissements n’ont pas vocation à procurer des
revenus réguliers, au moins les premières années ;
-
les entreprises dans lesquelles Bpifrance investit ne sont en général
pas cotées, et les participations sont donc par nature peu ou pas
liquides : leur cession ne peut pas se faire sur le marché et Bpifrance,
doit trouver un acquéreur, ce qui est une compétence à part entière
que Bpifrance n’a pas encore exercée à grande échelle
241
;
240
En 2015, 93 % des plus-values de cession et 88 % des dividendes et intérêts
provenaient du portefeuille ETI-grandes entreprises.
241
À cet égard, les investissements aux côtés de fonds majoritaires peuvent présenter
l’intérêt technique, dans les cas favorables, de trouver une liquidité grâce à ces fonds,
à l’issue de leur propre investissement.
Bpifrance - novembre 2016
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DÉVELOPPEMENT MAÎTRISÉ
137
-
enfin, l’appartenance de Bpifrance à la sphère publique et son
objectif de veiller à l’intérêt collectif qui en découle, font que
Bpifrance, une fois engagée dans un investissement est, dans les
faits, tenue de l’accompagner, dans les phases les plus délicates,
même si elle n’en a pas le contrôle et n’a de ce fait pas d’influence
déterminante sur la gouvernance. Un cas emblématique est celui
d’une société holding qui détenait des sociétés liées à la réalisation
d’usinages et à la sous-traitance automobile, au capital de laquelle
l’ex-FSI était entré en juin 2012, et qui a, en 2014, déposé le bilan,
Bpifrance ayant dès lors dû continuer à financer cette entreprise pour
gérer les conséquences des risques d’image nés de cet investissement
malheureux.
Bpifrance semble avoir pris conscience de ces risques, puisqu’elle
prévoit une réduction de la durée de détention des enveloppes nouvelles
des moyennes et grandes capitalisations, qui passerait de 10 à 7 ans, sans
que des modalités concrètes de cette évolution soient explicitées. Il n’est
toutefois pas certain que les revenus dégagés du portefeuille de
participations de moyennes et grosses capitalisations de Bpifrance
suffisent à combler les besoins de financement massifs de Bpifrance
financement dans les années à venir.
IV -
Une double exigence pour l’avenir :
maîtriser le développement de l’activité
et expliciter les conditions de son financement
par l’État
Trois ans après sa création, Bpifrance fait face à un contexte
économique et financier différent de celui qui avait conduit à sa
constitution. L’investissement des entreprises non financières a, en 2015,
pratiquement retrouvé son niveau de 2008 qui représentait un point haut.
Depuis 2012, la politique monétaire accommodante de la BCE a allégé
les contraintes de liquidité des banques privées et permis d’accroître leur
présence sur le marché des entreprises. De son côté, Bpifrance connait
des incertitudes fortes sur les financements de ces activités. Pour
faire
face à cet ensemble de défis, la banque a élaboré des orientations qui ne
répondent pas complètement aux enjeux qu’elle doit affronter.
Dans les conditions actuelles, l’établissement ne peut, en effet,
faire l’économie d’une stabilisation de son activité, d’une réflexion sur le
bon dimensionnement de ses fonds propres et d’une clarification de sa
stratégie de financement par l’État.
Bpifrance - novembre 2016
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COUR DES COMPTES
138
Une programmation stratégique 2016-2019
A -
qui ne répond pas complètement aux enjeux
1 -
Une stabilisation de l’activité très partielle
Le nouveau plan à moyen terme 2016-2019 de Bpifrance, en date
du 25 juillet 2016 et présenté aux actionnaires le 19 septembre 2016,
affiche une stabilisation de l’activité du groupe.
Cette stabilisation n’est en réalité que très partielle. D’une part, elle
ne concerne que les activités de Bpifrance pour compte propre, à
l’exclusion des activités financées par des tiers qui, elles, continuent
d’augmenter. D’autre part, la stabilisation de l’activité envisagée désigne
un ralentissement de l’augmentation de la production annuelle et non une
croissance zéro des nouveaux prêts, aides ou investissements réalisés
chaque année. Par conséquent, l’activité globale de Bpifrance a vocation
à continuer d’augmenter entre 2016 et 2019 mais à un rythme
globalement moindre qu’entre 2013 et 2015, excepté sur certains
segments d’activité pour compte de tiers qui continuent leur progression
comme auparavant.
La stabilisation de l’activité envisagée par Bpifrance concerne
donc en pratique, sur le pôle financement, les prêts à moyen et long terme
classiques – sur lesquels par ailleurs la marge d’intérêt est devenue très
réduite compte tenu de la concurrence accrue du secteur privé. Sur le pôle
investissement, les enveloppes annuelles d’investissement de 2016
seraient maintenues à l’horizon du plan stratégique sur tous les métiers
(moyennes et grosses capitalisations, fonds propres PME, innovation), à
l’exception de l’activité de fonds de fonds dont les actifs sous gestion
connaîtraient une hausse de 1 % par an.
En revanche, toutes les activités de Bpifrance financées en tout ou
partie par l’État ou les personnes publiques connaîtraient une poursuite de
leur augmentation, à des rythmes cependant inférieurs à ceux constatés
entre 2012 et 2015. Sur le pôle financement, les engagements de
financement à court terme connaîtraient la plus forte augmentation, de
4,6 % par an. Les prêts sans garantie seraient également en croissance de
2,2 % par an, de même que les garanties de prêts octroyées (augmentation
de 3 % par an). Les aides à l’innovation subiraient une croissance
modérée d’environ 1,1 % par an tandis que les volumes prévisionnels de
prêts sans garantie, spécifiques à l’innovation, seraient rehaussés. Sur le
pôle investissement, toutes les enveloppes investies pour compte de tiers,
notamment du PIA, seraient en augmentation entre 2016 et 2019.
Bpifrance - novembre 2016
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DÉVELOPPEMENT MAÎTRISÉ
139
2 -
Des besoins en dotations publiques non résolus
Les hypothèses d’activité, en réalité en hausse, du plan à moyen
terme induisent des besoins en dotations publiques importants qui ne sont
pas résolus à ce jour. Selon Bpifrance, entre 2017 et 2019, c’est 2,4 Md€
que l’État devrait mobiliser pour financer ses prévisions d’activité. Ces
besoins en dotations concernent tous les métiers réalisés par Bpifrance
pour le compte de l’État : prêts sans garantie, garanties, aides à
l’innovation.
Bpifrance envisage dans son plan stratégique plusieurs options
pour résoudre cette impasse de financement : poursuivre le recyclage des
dividendes de l’EPIC, diversifier ses sources de financement des
dispositifs publics et optimiser l’emploi de ces ressources. Pour autant,
Bpifrance reconnaît que cela pourra réduire les besoins en dotations
publiques vis-à-vis de l’État mais pas les annuler.
3 -
Un plafond de la garantie de la dette de Bpifrance
qui devrait être relevé
La croissance des encours de prêts envisagée dans le plan 2016-
2019 suppose un rehaussement des plafonds de la garantie de
programmes d’émission de titres de Bpifrance jusqu’ici octroyée par
l’EPIC. Pour pouvoir prêter davantage, Bpifrance a besoin de s’endetter
davantage sur les marchés financiers.
Depuis 2014, le plafond maximal de garantie autorisé s’établit à
28 Md€. Si Bpifrance réalise les objectifs d’activité ambitieux de son plan
stratégique, ce plafond sera dépassé dès 2017. En l’état actuel de la
gouvernance, cela nécessiterait une décision du conseil d’administration
de l’EPIC Bpifrance. Néanmoins, comme indiqué ci-dessus (chapitre I),
cette garantie s’apparentant à une garantie de l’État, il conviendrait
qu’une hausse de son plafond fasse l’objet d’une autorisation par le
Parlement en loi de finances comme prévu par la LOLF.
La question de la hausse du plafond de garantie du programme
d’émission de Bpifrance doit en effet s’accompagner d’une réflexion sur
le niveau et la soutenabilité de l’endettement du pôle financement. Alors
que la dette
242
de Bpifrance financement s’élevait à 16,9 Md€ en 2015, il
est prévu dans le plan stratégique qu’elle augmente jusqu’à 33,5 Md€ en
242
Programmes EMTN, BMTN et certificats de dépôt
Bpifrance - novembre 2016
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COUR DES COMPTES
140
2019, soit un doublement en quatre ans. Les actionnaires devraient être
particulièrement attentifs à la capacité de Bpifrance de faire face à ses
échéances de remboursement compte tenu de son plan d’affaires,
a
fortiori
l’État qui se trouve engagé,
via
l’EPIC, à rembourser la dette de
Bpifrance en cas de défaut.
4 -
Un problème de solvabilité de Bpifrance financement
non résolu
En l’état actuel des projections du plan à moyen terme, Bpifrance
financement fait face, comme mentionné
supra
, à un besoin de fonds
propres dès 2017.
Les besoins en fonds propres de Bpifrance financement nécessaires
pour respecter les exigences règlementaires seraient de 161 M€ dès 2017
et jusqu’à 1 Md€ en 2019.
Bpifrance envisage deux options pour remédier à ce problème de
solvabilité : soit négocier avec le superviseur afin que les fonds de garantie
soient inclus dans les fonds propres règlementaires comme accepté
jusqu’en 2016, soit faire accorder par Bpifrance SA une contre-garantie aux
engagements de garantie pris par Bpifrance financement. Cette dernière
solution cependant ne décalerait que d’un an, en 2018 au lieu de 2017, le
besoin de fonds propres identifié. Dans un cas comme dans l’autre, ces
pistes supposent une négociation et un accord avec le superviseur qu’est la
BCE. Elles ne peuvent être considérées comme acquises et n’éloignent pas
le risque d’une recapitalisation effective de Bpifrance financement, ce qui
pose la question de la capacité du pôle investissement à dégager des
résultats suffisants pour, le cas échéant, y faire face.
5 -
Un enjeu de pilotage financier du pôle investissement
Le pôle investissement fait face à des enjeux en termes de
pérennisation de son résultat et donc de sa contribution au résultat du
groupe dont il représente 80 % à présent.
Bpifrance envisage une évolution de la construction du résultat du
pôle investissement sur la période 2016-2019, avec une moindre
contribution de la monétisation des participations dans les grandes
entreprises à partir de 2019, compensée par la hausse des revenus tirés de
l’activité de fonds de fonds – certains fonds arriveraient progressivement à
maturité – des cessions d’ETI investies depuis 2009 et l’augmentation des
revenus tirés des activités d’innovation et de fonds propres en direction des
PME. Cette hausse des revenus demeure cependant incertaine.
Bpifrance - novembre 2016
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UN MODÈLE ÉCONOMIQUE ET FINANCIER FRAGILE QUI IMPOSE UN
DÉVELOPPEMENT MAÎTRISÉ
141
Bpifrance anticipe un contexte financier de plus en plus difficile.
Les prévisions de dépréciations annuelles des titres disponibles à la vente
ont été rehaussées par rapport à l’année dernière. Le plan souligne par
ailleurs que le résultat du pôle investissement est très sensible au contexte
boursier et qu’il sera affecté négativement par la mise en place de
nouvelles normes comptables IFRS 9.
Dans ces conditions, Bpifrance envisage des modifications du
pilotage financier de Bpifrance Investissement. Elle propose aux
actionnaires de suivre désormais un taux de rentabilité moyen, lissé sur
plusieurs exercices, et non annuel comme jusqu’à présent. Elle suggère
également à ses actionnaires de modifier la politique de dividende, en
passant d’un objectif de taux de dividendes (35 % du résultat net jusqu’à
présent) à un objectif, plus souple, de niveau de dividende en valeur
absolue. Enfin, Bpifrance envisage de gérer l’importante trésorerie du
pôle investissement (plus de 1,5 Md€) de manière plus active afin d’en
tirer davantage de bénéfices.
Une stratégie de développement
B -
et de financement à préciser
S’il prend en compte une partie des difficultés que BPIfrance aura
à affronter dans les années à venir, les solutions esquissées par le plan à
moyen terme ne paraissent pas à la hauteur des enjeux. Il appartient aux
actionnaires de définir le niveau souhaité des activités de Bpifrance et les
conséquences financières qui en découlent.
1 -
Une nécessité de stabiliser le développement de l’activité
de Bpifrance tout en maîtrisant les charges d’exploitation
Les actionnaires de Bpifrance devraient veiller à ce que Bpifrance
adapte son activité à la situation des entreprises et à leur financement, dans
un contexte d’amélioration économique. Sur le pôle financement, cela
suppose une croissance nulle de la production annuelle de nouveaux prêts,
tant de moyen et long terme que de prêts sans garantie. Les engagements
annuels
de
garantie
pourraient
également
connaître
un
simple
renouvellement, sans augmentation. Ces mesures permettraient de stabiliser
réellement le stock d’encours de prêts. Sur le pôle investissement, le plan
stratégique 2016-2019 prévoit déjà une stabilisation des enveloppes
annuelles d’investissement pour compte propre. Le principal enjeu réside
dans la capacité à mettre en oeuvre une politique d’investissement
judicieuse permettant de reconstituer le stock de plus-values latentes dont
dépend fortement dépendant le résultat du groupe.
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COUR DES COMPTES
142
La stabilisation de l’activité de Bpifrance suppose également une
maîtrise très stricte des charges d’exploitation afin d’éviter tout effet de
ciseau. Il convient d’anticiper dès à présent la baisse des revenus de
Bpifrance liée à une activité moins dynamique en identifiant rapidement
des sources de productivité dans les différents métiers et en mobilisant
différents leviers permettant un arrêt de la croissance, voire une décrue,
de sa masse salariale.
La stabilisation de son activité, qui devrait s’accompagner d’une
maîtrise rigoureuse de l’évolution de ses charges d’exploitation, et en
particulier de sa masse salariale, devrait permettre à Bpifrance de
préserver une capacité d’intervention au cas où l’état de l’économie
nécessiterait, à l’avenir, la montée en puissance de dispositifs de soutien
aux entreprises. Elle serait ainsi pleinement dans son rôle contracyclique.
2 -
Préciser le bon dimensionnement du niveau de fonds propres
de Bpifrance
La nécessaire stabilisation de l’activité de Bpifrance pose la question
du dimensionnement des fonds propres requis pour que le groupe puisse
mener à bien ses missions. En l’état actuel, il apparaît que le groupe
possède un excédent de fonds à l’aune de l’adéquation au capital interne de
l’ordre de 5 Md€, localisé dans le portefeuille de participations ETI-grandes
entreprises. Une réflexion stratégique devrait être menée en conséquence
par les actionnaires sur le dimensionnement de ce portefeuille et sur
l’emploi de cet excédent de capital, afin qu’il en soit fait le meilleur usage
possible, au-delà de Bpifrance Ces fonds pourraient être remontés aux
actionnaires dans l’objectif, pour la CDC de reconstituer ses capitaux
propres, et pour l’État de participer à son désendettement.
3 -
Clarifier la stratégie de financement par l’État des activités
de Bpifrance
Beaucoup d’activités de Bpifrance sont réalisées pour compte de
tiers,
en
premier
lieu
pour
l’État,
tant
du
côté
financement
qu’investissement. Dans ce contexte, les objectifs d’activités de la banque
affichés dans les plans à moyen terme ne peuvent être conçus
indépendamment de la capacité de l’État à accorder les financements
nécessaires pour qu’ils soient réalisés.
La conception des plans à moyen terme de Bpifrance devrait être
l’occasion pour l’État de mener une discussion réaliste avec Bpifrance sur
le niveau des objectifs d’activité en lien avec les financements
disponibles. En particulier, il est de mauvaise gestion que le plan à moyen
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UN MODÈLE ÉCONOMIQUE ET FINANCIER FRAGILE QUI IMPOSE UN
DÉVELOPPEMENT MAÎTRISÉ
143
terme de Bpifrance prévoie des objectifs d’activité en croissance sur les
métiers de la garantie, de l’innovation et sur les prêts adossés à des fonds
de garantie, alors même que les financements indispensables à la
réalisation de ces objectifs ne sont pas identifiés dans un contexte où les
dotations en provenance du budget de l’État sont en baisse continue
depuis plusieurs années.
À cet égard, il ne semble pas que Bpifrance et l’État puissent se
reposer de manière pérenne sur des mécanismes de débudgétisation pour
financer l’activité de Bpirance, comme ce qui a été fait entre 2013 et
2015. Outre leur caractère irrégulier d’un point de vue budgétaire, ces
mécanismes rencontreront de plus en plus de difficultés pour réunir les
liquidités nécessaires : le recyclage du dividende de l’État dans les fonds
de garantie risque de se heurter à une stagnation voire à une baisse du
résultat net du pôle investissement ; le recyclage interne de dotations
passées aux fonds de garantie devrait être réduit en raison de la
modification du mode de provisionnement du risque qui devrait dégager
moins de ressources excédentaires à l’avenir ; le recours aux crédits du
PIA III n’a rien de certain, ce programme n’ayant toujours pas été
formellement créé à ce jour.
En conséquence, les objectifs d’activité de Bpifrance devraient être
fixés avec davantage de réalisme, après définition par l’État des
financements disponibles. Une fois ces objectifs fixés, l’État devrait en
retour s’engager sur une trajectoire de financement pluriannuelle crédible,
en ayant identifié des sources de dotations qui permettront à Bpifrance de
réaliser les missions pour lesquelles elle a été mandatée. Ce mode de
fonctionnement ne peut qu’être bénéfique tant pour Bpifrance, dont le
modèle économique sera ainsi stabilisé à l’horizon du plan stratégique,
que pour l’environnement économique dans lequel évoluent les PME,
afin de ne pas les exposer au risque d’interruption brutale de dispositifs
publics de soutien aux entreprises en cas d’impasse de financement.
L’État devrait également, à cet égard, définir ses priorités entre les
différents outils de financement public à sa disposition que sont les
crédits budgétaires et le programme d’investissements d’avenir.
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COUR DES COMPTES
144
__________________
RECOMMANDATIONS
_________________
Au vu de ces constats, la Cour formule les recommandations
suivantes :
-
mettre en place un pilotage budgétaire efficace et assurer une
maîtrise rigoureuse de l’évolution des charges d’exploitation, en
particulier de la masse salariale (Bpifrance) ;
-
veiller, dans la situation économique et de marché actuelle, à
maîtriser le développement de l’activité à moyen terme de Bpifrance
(État et CDC) ;
-
préciser de manière explicite et transparente le financement du plan
d’affaires de Bpifrance (État).
•
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Conclusion générale
Trois ans après sa création, et au regard de ses objectifs initiaux, la
mise en place de Bpifrance doit être considérée comme réussie, alors
même qu’un tel succès était loin d’être acquis au départ.
Bpifrance a été confrontée, lors de sa mise en place, à quatre défis
principaux : un défi interne d’ordre social, un défi d’acceptation par les
entreprises, un défi de gouvernance et un défi de positionnement
stratégique.
Sur le plan interne, la mise en place de Bpifrance a, en effet, reposé
sur le regroupement d’entités différentes (Oséo, CDC Entreprises, le FSI
et FSI Régions), pour certaines issues d’une longue histoire de politiques
publiques en faveur du financement des entreprises. La direction de
Bpifrance a réussi à créer rapidement une entité unique, dotée d’une
identité commune et d’une image positive. Il reste encore néanmoins des
améliorations à apporter, en particulier pour doter Bpifrance du dispositif
nécessaire à une gestion et un contrôle de ses risques pleinement
conforme aux obligations réglementaires.
La création de Bpifrance s’est,
par ailleurs, accompagnée de contreparties salariales qui sont certes
souvent inévitables dans des processus de fusion mais qui, au cas
d’espèce, auraient pu être mieux maîtrisées.
Si les entités qu’elle a regroupées étaient bien acceptées des
entreprises, il n’était pas acquis qu’il en aille de même de Bpifrance,
compte tenu de son spectre d’intervention plus large, qui aurait pu
susciter des craintes de la part des chefs d’entreprises à l’idée qu’une
banque publique participe au capital d’entreprises privées. Aujourd’hui,
Bpifrance constitue un acteur de référence dans l’ensemble de ses
métiers, tant sur le volet du financement en crédits que des interventions
en fonds propres. Son action est appréciée des différentes parties
prenantes, entreprises, banques, sociétés de capital investissement,
régions. Au-delà de la progression quantitative de ses interventions, ce
sont également les aspects plus qualitatifs de son action qui sont relevés,
en particulier ses nombreuses initiatives en faveur de l’accompagnement
des entreprises et de la dynamique entrepreneuriale, ainsi que l’existence
d’un point d’entrée unique, permettant aux entreprises de disposer de la
quasi-totalité de la palette des instruments financiers mobilisables.
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COUR DES COMPTES
146
Sur un plan institutionnel, les problèmes de gouvernance, que ce soit
ceux liés à la détention du capital de Bpifrance à parité par l’État et la
Caisse ou à l’association des régions à la BPI, qui étaient particulièrement
sensibles lors de la constitution de Bpifrance, ont été, pour l’instant,
surmontés.
Le quatrième défi auquel était confronté Bpifrance était celui de son
positionnement stratégique et prudentiel. Bpifrance financement est un
établissement de crédit, soumis à la supervision de la Banque centrale
européenne, et donc à des exigences prudentielles, qui encadrent
strictement les risques qu’elle peut prendre. Dans le même temps, la nature
publique de Bpifrance implique un positionnement stratégique adapté,
permettant d’asseoir sa légitimité par rapport aux acteurs privés. Il s’agit
d’un débat fondateur, consubstantiel à la nature même de l’entité. Jusqu’à
présent, ce débat a été plutôt bien réglé dans la pratique. Bpifrance a tenté
de cibler les défaillances de marché et son action est censée exercer un effet
d’entraînement sur les banques privées. C’est néanmoins un équilibre fin et
mouvant, qui est nécessairement évolutif selon le contexte.
Après cette première phase de mise en place et de développement,
qui a été résolument volontariste, Bpifrance entre dans une nouvelle
phase de son existence. Elle doit faire face à de nouveaux enjeux en
termes de rythme de développement et de positionnement de son activité,
dans un contexte de reprise modérée de l’investissement des entreprises et
de retour d’une offre abondante de financement privé même s’il reste des
activités qui trouvent moins bien à se financer. Elle est confrontée, dans
le même temps, aux limites de son modèle financier qui dépend des
apports de l’État, lui-même soumis à de fortes contraintes budgétaires.
Les résultats de Bpifrance ont été jusqu’ici positifs et les ratios de
solvabilité du groupe sont aujourd’hui largement au-dessus des exigences
du régulateur, compte tenu de la structure particulière de l’entité dotée de
fonds propres abondants. Ces éléments positifs masquent néanmoins des
fragilités structurelles, qui ne sont pas toutes à la main de Bpifrance. Le
modèle économique et financier de Bpifrance a jusqu’ici reposé, d’une
part, sur une croissance rapide de son activité de financement et de
garantie, laquelle a nécessité une augmentation des ressources publiques
mises à disposition, et d’autre part, sur la réutilisation de ressources dont
Bpifrance avait été initialement dotée, notamment d’un portefeuille de
participations
historiques
présentant
des
plus-values
potentielles
importantes. Or, se pose pour l’avenir la question de l’épuisement
progressif de ce stock de plus-values latentes et donc de la nature des
nouveaux investissements réalisés par Bpifrance, qui devront permettre
d’assurer une rentabilité et une liquidité suffisantes.
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CONCLUSION GÉNÉRALE
147
Se pose également pour l’avenir la question de la capacité de l’État
à assumer de manière pérenne sa contribution au financement de l’activité
de Bpifrance. L’État a, jusqu’à présent, accompagné financièrement la
mise en place de Bpifrance et la montée en puissance rapide de son
activité principalement grâce au recyclage de ressources héritées de l’ex-
Oséo et de l’ex-FSI, sans avoir à en assumer le coût budgétaire réel. Or,
ce recyclage atteint ses limites. L’État doit, donc, déterminer, pour
l’avenir, le montant des ressources publiques disponibles pour financer
l’activité de garantie de crédits et d’innovation à horizon 2019, ce qui
permettra de fixer de manière réaliste les objectifs d’activité de Bpifrance
dans ces domaines. Il est nécessaire, à cet égard, que l’État définisse des
priorités entre les différents outils de financement public à sa disposition
que sont les crédits budgétaires et le programme d’investissements
d’avenir. Les deux actionnaires, État et Caisse des dépôts, devront
clarifier la question du dimensionnement du portefeuille de participations
de Bpifrance dans les grandes entreprises et les entreprises de taille
intermédiaire. Ces choix restent actuellement à faire et ne sont pas
tranchés dans le plan à moyen terme 2016-2019, adopté à la mi-
septembre 2016, par le conseil d’administration de Bpifrance.
La reprise de la croissance et les conditions de financement
favorables doivent, par ailleurs, appeler les actionnaires de Bpifrance à la
plus grande vigilance sur l’intensité de son intervention. Il ne s’agit
naturellement pas de figer de manière définitive le dimensionnement des
interventions de Bpifrance qui doit s’adapter en fonction des évolutions
du contexte économique et financier et des besoins des entreprises. Dans
le contexte actuel, une modération de l’activité de Bpifrance, complétée
par la maîtrise rigoureuse des charges d’exploitation de la structure, et
une clarification de la stratégie de financement par l’État des activités de
Bpifrance, sont les principes qui devraient guider les réflexions des
actionnaires sur l’évolution du modèle économique et financier de
Bpifrance.
Bpifrance - novembre 2016
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Récapitulatif des recommandations
La Cour formule les recommandations suivantes :
Au directeur général de Bpifrance
1.
mettre en place rapidement un dispositif de gestion des risques
pleinement conforme aux exigences règlementaires ;
2.
stabiliser les rémunérations des cadres dirigeants du groupe sur la
durée du plan à moyen terme 2016-2019 de Bpifrance ;
3.
contenir strictement le volume des interventions en fonds propres
sous forme d’investissements directs à destination des PME ;
4.
mettre en place un pilotage budgétaire efficace, et assurer une
maîtrise rigoureuse de l’évolution des charges d’exploitation, en
particulier de la masse salariale.
À l’État et à la Caisse des dépôts et consignations conjointement
5.
mettre en place un dispositif d’évaluation externe de l’impact socio-
économique des interventions de Bpifrance ;
6.
veiller, dans la situation économique et de marché actuelle, à
maîtriser le développement de l’activité à moyen terme de Bpifrance.
À l’État
7.
supprimer l’EPIC Bpifrance ;
8.
inscrire la garantie octroyée à Bpifrance en loi de finances et dans les
engagements hors bilan de l’État ;
9.
éviter tout recoupement entre les interventions de Bpifrance au titre
du PIA et celles au titre de ses fonds propres dans le domaine du
capital investissement au profit des PME ;
10.
préciser de manière explicite et transparente le financement du plan
d’affaires de Bpifrance.
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Annexes
Annexe n° 1 : glossaire
................................................................................
152
Annexe n° 2 : historique de Bpifrance
.........................................................
155
Annexe n° 3 : répartition des interventions de Bpifrance entre activités
pour compte propre et activités financées sur des ressources publiques
dédiées
.........................................................................................................
157
Annexe n° 4 : bilan et compte de résultat de Bpifrance
...............................
158
Annexe n° 5 : l’offre d’accompagnement aux entreprises de Bpifrance
......
163
Annexe n° 6 : comparaisons internationales
................................................
165
Annexe n° 7 : liste des personnes rencontrées
.............................................
171
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COUR DES COMPTES
152
Annexe n° 1 :
glossaire
Actifs sous gestion dans le domaine du capital investissement :
actifs financiers gérés par Bpifrance investissement, société de gestion de
portefeuille, dans le domaine du capital investissement, et qu’elle peut
investir
soit
directement
dans
des
fonds
d’investissement,
soit
indirectement
via
une politique de fonds de fonds.
Apport sous forme d’argent frais : Investissement en numéraire,
sur le marché primaire, censé accroître réellement les avoirs de
l’entreprise, par opposition à un investissement sous forme de rachat de
titres, effectué sur le marché secondaire.
Bale III : Bâle III constitue la troisième série d’accords établis par
le comité de Bâle, après ceux dits de Bâle I et de Bâle II. En 2010, en
réponse à la crise financière, le comité de Bâle a présenté la réforme dite
de « Bâle III ». L’objectif de cette réforme est d'accroître la capacité de
résilience des grandes banques internationales. Ces nouveaux accords
prévoient notamment un renforcement du niveau et de la qualité des fonds
propres et une gestion accrue de leur risque de liquidité. Ces règles ont
été transposées en droit communautaire européen par l’intermédiaire
d’une directive dite CRD 4 (Capital Requirements Directive 4).
Capital amorçage : financement d’entreprises au démarrage de leur
activité pour des montants allant de quelques dizaines de milliers d’euros
à quelques millions d’euros (50 K€ à 3 M€).
Capital risque : segment qui suit l’amorçage pour des montants
d’investissement compris entre 1 et 30 M€. Il s’agit d’un stade de
développement où l’entreprise est déjà présente sur le marché mais n’est
pas encore rentable. On distingue l’early stage, portant sur des montants
proches du bas de la fourchette pour financer l’assise de l’entreprise sur le
marché et le late stage (ou capital croissance) pour des montants plus
élevés et qui financent la croissance de l’entreprise, notamment à
l’international.
Capital innovation : segment rassemblant l’amorçage, le capital
risque et le capital croissance.
Capital développement : deuxième grand segment du capital
investissement concernant des montants compris entre 30 et 500 M€, pour
des entreprises rentables.
Capital transmission : investissements dédiés à financer le rachat
d’une entreprise par les dirigeants ou par des financiers.
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ANNEXES
153
Capital retournement : investissements dans une entreprise en
difficulté pour financer son redressement.
Fonds de garantie : fonds sans personnalité morale portant un
patrimoine pour le compte de l’État. Bpifrance en assure la gestion. Ils
ont vocation à faciliter l’octroi de crédits aux PME en intervenant en
contre-garantie d’une partie du risque de défaillance pris par les banques
de la place ou par Bpifrance dans le cadre de ses prêts de développement.
Ces fonds de garantis sont abondés par des ressources publiques.
Fonds de fonds : Bpifrance souscrit, par l’intermédiaire de fonds
de fonds, dans des fonds d’investissement gérés par des sociétés de
gestion privées, qui elles-mêmes investissent dans des entreprises.
Fonds propres (définition comptable) : ensemble des capitaux mis
à la disposition de la société.
Fonds propres prudentiels : Ensemble se composant de deux
niveaux de fonds propres : les fonds propres de base (noyau dur ou tier 1)
et les fonds propres complémentaires (tier 2). Les fonds propres de base
doivent représenter au moins 50 % des fonds propres prudentiels.
Gestion directe de fonds d’investissement : Bpifrance gère, pour
son propre compte et/ou pour le compte de souscripteurs tiers, des fonds
d’investissement qui investissent et portent directement les participations
dans les entreprises.
Mécanisme de surveillance unique (MSU) : Ce dispositif, entré en
vigueur le 4 novembre 2014, s’est traduit par le transfert de nouvelles
missions de contrôle bancaire à la Banque centrale européenne. Depuis
cette date, la BCE exercice directement le contrôle prudentiel des banques
dites « importantes », dont Bpifrance fait partie.
Part variable sur objectif (PVO) : La rémunération d'un salarié peut
être composée d'une seule base fixe ou comporter également une part
variable, prévue par le contrat de travail ou mise en place sur le
fondement d’un usage ou d’un engagement unilatéral de l’employeur.
La rémunération variable repose essentiellement sur l'atteinte
d'objectifs définis de manière quantitative, qualitative ou mixte.
Prêts numériques : Prêts lancés par Bpifrance dans le cadre du
programme d’investissements d’avenir (PIA). Ces prêts sont destinés à
financer l’investissement des PME et ETI engagées dans des projets
structurants d’intégration de solutions numériques. Ce sont des prêts
bonifiés à hauteur de 200 points de base. Ils ont une durée de 7 ans, dont
24 mois de différé d’amortissements en capital, et sans garantie sur les
actifs de l’entreprise, ni sur le patrimoine du dirigeant.
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COUR DES COMPTES
154
Prêts verts : Prêts lancés par Bpifrance dans le cadre du
programme d’investissements d’avenir (PIA). Ces prêts sont destinés à
financer l’investissement des PME et ETI engagées dans l’intégration de
leur processus de fabrication industrielle d’équipements plus économes,
moins polluants, ou conduisant à des produits éco-efficients. Ces prêts
sont d’une durée de 7 ans, dont 24 mois de différé d’amortissements en
capital, et sans garantie sur les actifs de l’entreprise, ni sur le patrimoine
du dirigeant.
Programme d’investissements d’avenir : doté de près de 47 Md€,
le
programme
d’investissements
d’avenir
(PIA),
piloté
par
le
commissariat général à l’investissement, a été mis en place par l'État pour
financer des projets devant permettre une croissance future forte, grâce à
des investissements de long terme, massifs et ciblés, dans des domaines
précis, reposant sur la recherche de l’excellence. Sa gestion budgétaire et
financière vise à préserver l’intégralité des crédits du PIA des risques de
réduction liés à la préférence pour le présent des acteurs politiques et
administratifs, au moyen d’une gestion extrabudgétaire qui contourne
certains principes de la loi organique relative aux lois de finances
(LOLF).
Tier 1 : Le tier 1 consiste en la partie jugée la plus solide (le noyau
dur) des capitaux propres des institutions financières.
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ANNEXES
155
Annexe n° 2 :
historique de Bpifrance
Oséo résulte du rapprochement de plusieurs entités de droit public
ou privé, dont la première a été créée en 1923, la Caisse centrale de crédit
hôtelier (CCCHCI). Le crédit d’équipement des petites et moyennes
entreprises (CEPME) a été créé en 1980, par le rapprochement du
CCHCI, de la caisse nationale des marchés de l’État (1936) et du
groupement interprofessionnel de la PME (1974). En 1996, en application
du « plan PME » annoncé par le gouvernement fin 1995, a été mise en
place la banque du développement des PME (BDPME), par le
rapprochement du CEPME et de SOFARIS
243
(société française de
garantie des financements des PME), créée pour sa part en 1981. En effet,
au milieu des années 1990, le CEPME avait accumulé des pertes. Cette
entité instruisait elle-même ses prêts, sans logique de cofinancement avec
les acteurs bancaires. En créant la BDPME, les pouvoirs publics ont
voulu sauver l’outil d’aide au financement des PME qui devait désormais
se fonder sur un principe, toujours en vigueur dans le cadre de Bpifrance,
de cofinancement des prêts avec les établissements bancaires. Oseo est
finalement constitué en 2005, avec le rapprochement de la BDPME
244
et
de l’agence nationale de valorisation de la recherche (ANVAR
245
), créée
quant à elle en 1973. OSEO assure trois métiers : le financement des
investissements et du cycle d’exploitation des entreprises avec OSEO
financement, la garantie des financements bancaires et des interventions
en fonds propres avec OSEO garantie et enfin le soutien financier à
l’innovation et au transfert de technologie avec OSEO innovation
246
.
Dans les années 1990, constatant un développement insuffisant du
marché du capital investissement et un besoin de renforcer les fonds
propres des entreprises, la Caisse des dépôts et des consignations a confié
en 1998 à sa filiale CDC PME (devenue CDC Entreprises) la gestion de
son premier programme triennal destiné au financement des PME, « PME
et emploi », qui avait été lancé en 1994. CDC Entreprises, société de
gestion et filiale détenue à 100 % par la CDC, a existé sous cette forme
depuis la réorganisation, à la fin de l’année 2006, du pôle capital
investissement public de la CDC. Elle était en charge d’une activité
d’investissement dans les PME, notamment dans des segments présentant
243
Devenue Oseo SOFARIS puis Oseo garantie.
244
Devenue Oseo BDPME puis Oseo financement.
245
Devenue Oseo ANVAR puis Oseo innovation.
246
L’agence pour l’innovation industrielle a été intégrée à Oseo innovation en 2008.
En 2010, les entités opérationnelles (Oseo innovation, Oseo garantie et Oseo
financement) ont fusionné au sein d’Oseo SA.
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156
des défaillances de marché (le segment du capital risque et celui du
capital développement).
Le Fonds stratégique d’investissement (FSI) a été constitué fin
2008, dans un contexte marqué par la crise financière internationale, dans
le but d’apporter avec des fonds publics une réponse aux besoins en fonds
propres des entreprises françaises pour renforcer la compétitivité de
l’économie nationale. À l’automne 2011, il a été décidé de faire d’Avenir
entreprises, filiale de CDC Entreprises et d’OSEO, le « réseau du FSI »,
dit FSI régions.
Bpifrance agrège l’ensemble de ces compétences.
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ANNEXES
157
Annexe n° 3 :
répartition des interventions
de Bpifrance entre activités pour compte propre
et activités financées sur des ressources
publiques dédiées
Activités
pour
compte
propre
Activités sur la base
de ressources publiques
dédiées
TOTAL
(Md€)
État hors
PIA,
régions, etc.
Pour le
compte du
PIA
Encours moyens des crédits octroyés
aux entreprises en 2015 (1)
18,2
7,12
0,68
26
Financement de l'innovation en 2015
(2)
0,56
0,445
1
Garantie des prêts bancaires aux
entreprises accordés par des banques
autres que Bpifrance : encours total
de risque au 31 décembre (3)
9,2
9,2
Actifs sous gestion dans le cadre des
interventions en fonds propres au
31/12/2015 (4)
22,9
3,2
26,1
dont interventions en fonds propres
à destination des PME
6,9
3,2
10,1
dont interventions en fonds propres
à destination des ETI/GE (5)
16
16
Dans le tableau :
(1) L'activité pour le compte du PIA correspond aux financements octroyés
bénéficiant d'un fonds de garantie exclusivement financé par le PIA.
(2) Le financement de l’innovation est une notion de flux et non d'encours : il s'agit
des financements accordés aux entreprises en 2015, principalement sous forme de
subventions et d'avances récupérables en cas de succès du projet financé. Les prêts à
l'innovation sont, quant à eux, comptabilisés dans les encours moyens de crédits
octroyés aux entreprises en 2015.
(3)
L’encours total de risque désigne le montant des encours de crédits garantis par des
fonds de garantie abondés par des collectivités publiques (État et régions notamment).
(4) Bpifrance gère également des actifs pour le compte de tiers investisseurs privés dont
le montant est faible relativement au total des actifs sous gestion. Par souci de simplicité,
ils sont donc assimilés aux actifs pour compte propre dans le présent tableau.
(5) Le montant indiqué de 16 Md€ désigne la capacité d’intervention du métier
ETI/GE, la valeur nette comptable des lignes de participations au bilan consolidé de
Bpifrance étant de 12,5 Md€ au 31/12/2015.
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158
Annexe n° 4 :
bilan et compte de résultat
de Bpifrance
1 -
Le bilan de Bpifrance
Le total du bilan consolidé de Bpifrance s’élevait à 63,8 Md€ en 2015.
L’actif de Bpifrance possède plusieurs composantes, en fonction
des emplois opérés par les différents métiers du groupe :
-
Les encours de financement octroyés à la clientèle :
financement de moyen-long terme (prêts classiques moyen-
long terme, financement à moyen et long terme de la transition
écologique et énergétique, crédit-bail immobilier et mobilier),
crédit export (encours de crédit acheteur et fournisseur), prêts
de développement (prêts adossés à la garantie de l’État),
financement de court-terme (mobilisation de créances et
préfinancement du CICE) ;
-
La trésorerie placée des fonds de garantie, correspondant à la
capacité d’indemnisation totale jusqu’à l’échéance des fonds ;
-
Les
dispositifs
en
faveur
de
l’innovation :
avances
remboursables octroyées et prêts à taux zéro innovation
(PTZI), trésorerie résiduelle des fonds innovation (capacité de
décaissement d’avances, de PTZI et de subventions), prêts de
développement innovation ;
-
Les portefeuilles du métier d’investissement : titres mis en
équivalence (participations détenues dans des sociétés sur
lesquelles Bpifrance exerce une influence notable ou un
contrôle conjoint), titres disponibles à la vente (principalement
les
participations
détenues
directement
par
Bpifrance
Participations dans des entreprises sur lesquelles elle n’exerce
pas d’influence notable) ; actifs financiers à la juste valeur par
le
résultat
(parts
de
fonds
souscrites
par
le
pôle
investissement) ;
-
L’importante trésorerie du groupe, provenant essentiellement
de Bpifrance Participations (2,2 Md€). Cet excédent de
trésorerie est placé pour partie à la CDC et pour partie à
l’Agence France Trésor ;
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ANNEXES
159
-
D’autres éléments d’actif, dont le capital souscrit mais non
payé par les actionnaires (2,3 Md€) et le portefeuille de titres
du pôle financement (environ 6,5 Md€).
Les principales composantes du passif quant à elles reflètent les
ressources dont dispose Bpifrance pour financer son activité :
-
Les capitaux propres : il s’agit des capitaux apportés par les
actionnaires à la constitution de la société ou ultérieurement
ainsi que l’argent laissé à la disposition de la société en tant
que bénéfices non distribués sous forme de dividendes ;
-
Les ressources financières : ressources levées sur le marché
(émissions de court terme ou de moyen-long terme) ou auprès
de tiers (emprunts bilatéraux auprès de la CDC sur les
ressources du fonds d’épargne), de banques publiques
partenaires (BEI, KfW et banque de développement du
Canada) et de la BCE
247
, titres donnés en pension livrée afin de
financer l’activité commerciale du financement et des prêts de
développement innovation ;
-
Les provisions : principalement les indemnisations amenées à
être versées par les fonds de garantie avec une probabilité
donnée ;
-
Les fonds de garantie classiques et les fonds de garantie
innovation : il s'agit de la juste valeur des fonds de garantie
(solde IFRS des fonds de garantie), c'est-à-dire la valeur
actualisée des indemnisations, des commissions, des produits
financiers et des charges financières futures, à l'horizon de
l'extinction de tous les risques;
-
Les autres éléments de passif : avances d’actionnaires sur la
garantie et l’innovation, subventions d’innovation à verser,
ressources commerciales (dépôts de garantie notamment) et
passifs divers (2,7 Md€ en 2014) dont principalement des
dérivés de couverture, des comptes de régularisation et les
écarts de réévaluation des portefeuilles couverts en taux.
247
Sous la forme d’opérations de financement à moyen terme (TLTRO)
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160
Bilan simplifié de Bpifrance (en Md€), 2015
Source : Dossier du comité d’audit de Bpifrance SA
2 -
Le compte de résultat de Bpifrance
Le produit net bancaire du groupe Bpifrance s’élève à 1,3 Md€ en 2015.
La composition des revenus de Bpifrance
Les principales sources du produit net bancaire de Bpifrance
Financement sont :
-
La marge nette d’intérêt des activités de prêts (taux du prêt à
l’emprunteur moins le coût de refinancement de Bpifrance) ;
-
La marge financière liée à la gestion du bilan ;
-
Les commissions pour les activités de cofinancement (commissions
d’engagement calculées sur les volumes d’accords de financement court-
terme et frais de dossiers de prêts), de garantie (commissions de garantie
partagées pour moitié entre les fonds de garantie et Bpifrance) et
d’innovation (frais de gestion de programmes collaboratifs et frais de
dossiers sur prêts).
-
Les principales sources du produit
net bancaire de Bpifrance
Participations sont quant à elles :
-
Les résultats des cessions (plus- ou moins-values) ;
-
Les produits financiers perçus (intérêts, dividendes) ;
-
Les variations annuelles de juste valeur des fonds souscrits par
Bpifrance ;
-
Les commissions de gestion prélevées sur les actifs gérés pour compte
de tiers ;
Financement
27,9
Capitaux propres
22,6
Garantie
6,3
Ressources court-terme
7,1
Innovation
1,7
Ressources moyen-long terme
23,4
Investissement
14,8
Provisions
2,5
Trésorerie
2,4
Fonds Garantie et Innovation
4,1
Autres
10,8
Autres
4,2
Total
63,8
63,8
Actif
Passif
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ANNEXES
161
-
Les éventuelles dotations aux provisions sur les titres disponibles à la
vente à revenu variable (actions).
Par ailleurs, le résultat du pôle investissement tient compte (hors
PNB) :
-
Des éventuelles dotations aux provisions sur les titres disponibles à la
vente à revenu fixe (obligations convertibles), comptabilisées en coût du
risque ;
-
Des quote-parts de résultat des sociétés consolidées par mise en
équivalence ;
-
Des éventuelles dotations aux provisions et résultats de cession sur titres
mis en équivalence.
Le résultat d’exploitation de Bpifrance s’obtient par déduction du
produit net bancaire :
-
Des charges générales d’exploitation (504 M€),
-
Du coût du risque pesant sur le bilan de Bpifrance (81 M€) : il
est affecté à hauteur de 9 M€ sur le pôle investissement et de
72 M€ sur le pôle financement.
Le résultat net-part du groupe s’élève enfin à 665 M€, du fait de la
contribution positive en 2015 des cessions de titres mis en équivalence
(52 M€) et de la reprise de dépréciations des entreprises mises en
équivalence (75 M€).
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162
Compte de résultat consolidé de Bpifrance au 31 décembre 2015
(en M€)
Source : Dossier du comité d’audit de Bpifrance SA
Produit net bancaire
1 331
Charges d'exploitation
-
504
Résultat brut d'exploitation
827
Coût du risque
-
81
Résultat d'exploitation
746
Quote-part du résultat net des entreprises
mises en équivalences
-
16
Dépréciations des mises en équivalences
75
Cession de titres mis en équivalence
52
Résultat avant impôt
857
Impôts
-
181
Résultat net
676
Intérêts minoritaires
10
Résultat net - part du groupe
666
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ANNEXES
163
Annexe n° 5 :
l’offre d’accompagnement
aux entreprises de Bpifrance
L’accompagnement des entreprises est un axe stratégique qui a été
mis en place à partir de 2014 et qui a conduit des actions nouvelles
chaque année se traduisant par des coûts supplémentaires de 2 à 4,5 M€
par an. En 2016, l’offre d’accompagnement aux entreprises de Bpifrance
devrait représenter 9,5 M€.
L’offre d’accompagnement des entreprises de Bpifrance
Les actions de Bpifrance en faveur de l’accompagnement des
entreprises regroupent des initiatives diverses :
-
- Bpifrance Le Lab : études rendues publiques sur les PME et les ETI ;
-
- Bpifrance Université : formations à destination des entrepreneurs ;
-
- Conseil : réalisation de diagnostics stratégiques à 360 ° à destination
des PME et ETI ;
-
- Projet Connect (Le Hub) : mise en relation entre les grandes entreprises
et les ETI, PME et start-ups innovantes, conseil stratégique, animation
des réseaux, marketing de l’offre ;
-
- Bpifrance Excellence : mise en réseau de clients de Bpifrance sur
demande ;
-
- Accélérateurs de PME, ETI et start-ups : accompagnement de la
croissance des entreprises par des diagnostics stratégiques, des
formations de dirigeants et des missions de conseil en développement.
Malgré des coûts croissants, le modèle économique de cette
nouvelle activité n’est pas clarifié. Par exemple, les diagnostics
stratégiques à destination des entreprises proposés dans le cadre de
missions de conseils ou dans les accélérateurs sont pris en charge pour
moitié par l’entreprise bénéficiaire et pour moitié par Bpifrance.
Le budget 2016 prévoit que le renforcement de l’accompagnement des
entreprises engendrera un produit net bancaire à hauteur de 2,1 M€ contre des
charges nouvelles de 2,7 M€. L’activité nouvelle d’accompagnement des
entreprises serait donc déficitaire en 2016 à hauteur de 0,6 M€. Il est probable
que ce déficit soit en réalité plus élevé dans la mesure où le plan à moyen
terme établi en juillet 2015, soit six mois avant le budget, prévoyait lui un
produit net bancaire lié à cette activité de 1 à 1,5 M€ par an contre des
charges de 2 à 3 M€ par, soit un déficit de 1 à 1,5 M€ par an.
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COUR DES COMPTES
164
Coût de l’offre d’accompagnement des entreprises de Bpifrance
Source : Dossiers des conseils d’administration de Bpifrance SA
Les missions nouvelles qu’entreprend Bpifrance depuis 2014
sont très largement portées par des prestataires externes. Pour les
nouvelles missions d’accompagnement aux entreprises envisagées en
2015 (e-learning, projet connect, Bpifrance Excellence, accélérateur
PME), sur les 4,8 M€ de charges supplémentaires induites par ces
activités, 4,5 M€ concernaient des prestations externes. L’accélérateur
PME repose ainsi sur un prestataire chargé de réaliser des séminaires de
formation et effectuer des diagnostics stratégiques, des audits248, des
missions d’appui aux fusions-acquisitions et d’accompagnement à
l’export, pour un budget total d’1,6 M€ hors recrutements liés au pilotage
du projet. Le projet Bpifrance Université (e-learning) quant à lui est porté
intégralement par un prestataire externe chargé de concevoir la
plateforme de formation, produire des vidéos, pour un montant total de
900 000 € en 2015 (dont 48 000 € de frais de conseils juridiques et
d’actions marketing). Enfin, le programme connect, visant à mettre entre
relation les grandes entreprises et les PME et start-ups, présente un
budget de fonctionnement de 1 M€ pour 6 mois confié à des prestataires
chargés de l’animation de l’offre de service, de conseil stratégique et de
structuration, de marketing et de promotion du projet (frais de
déplacements et de représentation).
248
Audits d’organisation, de performance industrielle, de marketing incrémental
Actions mises en oeuvre
Coûts
2014
Bpifrance Le Lab, Bpifrance Université, Bpifrance le réseau social,
Initiative Conseil
2 M€
2015
E-learning, Connect, Bpifrance Excellence, accélérateur de PME
4,5 M€
2016
Renforcement des dispositifs existants (accélérateurs start-ups, PME,
ETI, missions de conseil, extension de la mise en réseau des
entreprises, extension de l'offre de formation)
2,7 M€
Coût total de l'offre d'accompagnement des entreprises en 2016
9,5 M€
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ANNEXES
165
Annexe n° 6 :
comparaisons internationales
249
La plupart des pays ont mis en place des dispositifs publics d’aide
au financement des entreprises. La structuration, comme le périmètre et la
taille, de ces dispositifs diffèrent toutefois sensiblement, ce qui rend
délicat de tirer des enseignements qui pourraient, le cas échéant, faire
l’objet d’une transposition en France. Le présent rapport a donc pris le
parti d’analyser plus en détails les trois exemples étrangers suivants :
-
la KfW en Allemagne, dont le modèle est intéressant même si
son mode de fonctionnement, le financement indirect, est très
différent de celui de Bpifrance ;
-
la British business bank (au Royaume-Uni), en raison de sa
création récente ;
-
la banque de développement du Canada (BDC), dont Bpifrance
se rapproche par de nombreux aspects.
Principales données chiffrées 2015 concernant ces trois institutions
Source : Rapports annuels des entités, notes du réseau international du ministère de l’économie
et des finances et du ministère du commerce extérieur
249
Cette annexe a été établie sur la base des notes transmises par le réseau
international du ministère de l’économie et des finances et du ministère du commerce
extérieur.
KfW
BDC
BBB
Bpifrance
Effectif
5 500
2 000
59
2 190
Total de bilan
(Md€)
510
13,4
0,9
63,8
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166
I -
La Kfw en Allemagne
Histoire et fonctionnement de la KfW
A -
La KfW a été créée en 1948, en tant « qu’établissement de crédit
pour la reconstruction » (Kreditanstalt für Wiederaufbau), pour la
distribution de l’aide américaine à la reconstruction, l’aide Marshall.
1 -
KfW, un dispositif national de soutien aux entreprises sans
réseau physique.
La KfW est un établissement de crédit de droit public détenu à
80 % par l’État fédéral et à 20 % par les Länder
. Le siège de la KfW
est à Francfort, mais elle dispose également de succursales à Berlin, à
Bonn – après la faillite de la Deutsche Ausgleichsbank – et à Cologne. La
KfW a également des bureaux à l’étranger, mais principalement dans le
cadre de ses activités d’aide au développement, à l’instar de celles que
mène l’AFD, l’agence française de développement.
La banque publique KfW gère la majorité des aides aux entreprises
au niveau fédéral au travers de son département « Mittelstandsbank », la
banque des PME-PMI. La KfW concentre actuellement ses activités sur
trois domaines clés : la création d’entreprises, l’innovation et la protection
de l’environnement. Au niveau local, les länder soutiennent le
financement aux entreprises au travers de leurs banques d’investissement
et de soutien à l’économie du land.
2 -
La KfW, troisième établissement bancaire du pays
par la taille de son bilan
Alors qu’en 1980 le total du bilan de la KfW ne s’élevait qu’à
environ 28 Md€, celui-ci s’élevait à 353 Md€ en 2007 puis à près de 495
en 2014, ce qui la place au
troisième rang des établissements bancaires
du pays
, juste derrière Deutsche Bank et Commerzbank. Elle emploie
5 500 personnes environ, contre 1 500 il y a vingt ans.
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ANNEXES
167
3 -
Une présence moindre sur les fonds de fonds
et le capital-risque
La KfW investit peu en fonds des fonds et en capital-risque
,
domaine dans lequel l’organisation a eu de mauvaises expériences – ces
investissements ont, en effet, été à l’origine de la faillite de la Deutsche
Ausgleichsbank.
4 -
Les conditions de refinancement de la KfW
La KfW bénéficie, aux termes de ses statuts légaux, de la
garantie de la République fédérale pour son refinancement
, selon un
mécanisme – « l’Anstaltslast » – qui signifie qu’elle ne peut pas faire
faillite. La notation AAA garantit à la KfW un refinancement sur les
marchés à un taux attractif. KfW se refinance presque exclusivement sur
les marchés : elle émet ainsi de 50 à 65 milliards d’obligations chaque
année, ce qui fait d’elle le quatrième émetteur en volume après la France,
l’Allemagne et l’Italie. Les bénéfices dégagés par la KfW ne sont pas
reversés au budget de l’État.
Cette année, ils ont atteint 1,5 Md€
250
, et
sont utilisés pour bonifier les taux d’intérêt des prêts accordés.
II -
L’organisation de la KfW
1 -
La gouvernance de la KfW
La KfW est dotée d’un conseil d’administration présidé, selon une
alternance annuelle, par les ministres des finances et de l’économie et
composé de trente-sept membres.
2 -
L’organisation commerciale de la KfW
La KfW n'a pas de guichets et est tributaire des réseaux
d'agences des banques partenaires.
Elle a renforcé son département
commercial, créé en 2009 et qui compte une quarantaine de personnes
chargées de dialoguer avec les réseaux de banques. De plus, un centre
d'appel de 80 personnes à Francfort, au siège de la KfW, répond en direct
aux questions des clients - PME, particuliers, communes - qui désirent en
savoir plus sur l'offre de la banque.
250
Le résultat net de la KfW était de 2 Md€ en 2014, après 2,6 Md€ l’année
précédente.
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168
La KfW passe quasi-systématiquement par le réseau des banques
privées pour la distribution des aides aux entreprises, ce qui limite les risques
d’effets d’éviction et permet d’éviter tout risque de requalification en aide
d’État, y compris lorsque la KfW accorde la totalité du prêt puisqu’elle le fait
de manière indirecte. Un accord de non-concurrence la lie aux banques qui
distribuent ses prêts aux entreprises moyennant une commission, dans le
cadre de programmes désignés comme étant ceux de la KfW.
III -
La British Business Bank (BBB)
au Royaume-Uni
Les encours de prêts aux PME ont chuté, en Grande Bretagne, de
25 % depuis le pic de 2009 et restent toujours inférieurs à leur niveau de
2006.Àl’arrivée au pouvoir du Premier ministre David Cameron en mai
2010, le Royaume-Uni était le seul pays du G8 à ne pas disposer
d’institution dédiée au financement des PME. C’est dans ce contexte qu’a
été mise en place, en novembre 2014, la British Business Bank (BBB)
251
.
La BBB réunit, au sein d’un groupe de sociétés, un certain nombre
d’instruments de soutien aux PME gérés auparavant par différents
ministères.
La cible et les missions de BBB
A -
La BBB (dont le total de bilan est inférieur à 1 Md€) cible son
action sur trois types d’entreprises, ayant un chiffre d’affaires inférieur à
25 M£ :
les start-ups, les entreprises avec un fort potentiel de
croissance et les PME ayant des difficultés de financement
. Elle prête
au côté des institutions financières et fournit des garanties de prêts. Une
nouvelle mission lui a été confiée en septembre 2015 : la régulation des
plateformes d’orientation vers le financement alternatif, le
small business
act
de mars 2015 obligeant les banques qui refusent un crédit à une PME
à l’orienter vers des financements alternatifs.
251
La Commission européenne a publié une décision relative à la création de la BBB
le 19 décembre 2014.
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ANNEXES
169
Les effectif de la BBB
B -
La BBB dispose de bureaux à Londres et à Sheffield (nord du
Royaume Uni). Elle n’a pas de réseau territorial. Ses effectifs, au 31 mars
2015, étaient de
69 équivalents temps-plein
.
Les trois filiales de BBB
C -
British business finance
gère tous les programmes ayant une
dimension
d’aide
d’État
:
investissements
non-commerciaux
et
investissements sans objectif de rentabilité comparables à ceux du secteur
privé. Ces programmes ciblent avant tout des défaillances de marché
qu’ils cherchent à partiellement corriger.
BBB Investments
est l’équivalent d’une banque d’investissement,
avec un conseil d’administration dédié. Elle fonctionne de manière
indépendante sur le modèle d’une banque d’investissement privée, avec
pour
seul
investisseur,
l’État.
Son
portefeuille
rassemble
des
participations dans des fonds de dette, des plateformes de financement et
du capital-risque.
BB Financial Services
réalise un ensemble de services qui
demeurent juridiquement dans le bilan du ministère de l’économie, le
BIS
252
. Le programme le plus conséquent de la BBB, Enterprise Finance
Guarantee, fait partie de cette filiale. Ce dispositif de garantie rend
possible l’accès aux prêts pour de nombreuses TPE et PME qui se
verraient sinon refuser leurs prêts.
IV -
La banque de développement du Canada
La loi du 13 juillet 1995 sur la
banque de développement du
Canada (BDC)
a redéfini et modernisé la structure et le mandat de la
BFD (banque fédérale de développement). La BDC est une entité
publique qui a pour seul actionnaire, le gouvernement du Canada.
252
BIS :
Business, innovation and skills
.
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170
Elle exerce trois grands types d’activités :
-
Une activité de prêts ;
-
Une activité de capital risque, BDC étant l’un des investisseurs
les plus importants du Canada sur ce secteur ;
-
Une activité de capital investissement au profit des entreprises
qui ont passé la phase de démarrage et qui ont notamment des
besoins en termes de financement de leur croissance externe.
L’effectif de la BDC est de 2 000 salariés. Son total de bilan
s’élève à 13,4 Md€. La BDC a comme point commun avec Bpifrance de
disposer d’un réseau physique d’agences dans l’ensemble du pays.
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ANNEXES
171
Annexe n° 7 :
liste des personnes rencontrées
1 -
Bpifrance
-
Nicolas Dufourcq, directeur général BPIfrance
-
Arnaud Caudoux, directeur exécutif et directeur financier
-
Bertrand Finet, directeur exécutif, direction Mid and Large Caps
-
Sébastien Moynot, directeur à la direction Mid and Large Caps
-
Joël Darnaud, directeur exécutif, direction financement et pilotage du réseau
-
Pascal
Lagarde,
directeur
exécutif,
en
charge
de
l’international,
de la stratégie, des études et du développement durable
-
Paul-François Fournier, directeur de l’innovation
-
Jérôme Leseurre, directeur des ressources humaines groupe
-
Marie
Adeline-Peix,
directrice
exécutive,
direction
des
partenariats
régionaux et de l’action territoriale (DIPRAT)
-
Stéphane Hayez, responsable de la coordination des partenariats, référent
fonds propres, DIPRAT
-
Michel Colin, président démissionnaire de l’EPIC Bpifrance
-
Daniel Balmisse, directeur exécutif en charge de la direction des fonds de fonds
-
Anne Guérin, directrice exécutive, directrice des risques
-
François Chollet, directeur des engagements
-
Vincent Dauffy, directeur du financement
-
Fanny Letier, directrice exécutive, direction fonds directs PME ;
-
Patrice Begay, directeur de la communication
-
Jean-Yves Caminade, direction capitaux et bilan
-
Hervé Le Moigne, directeur du contrôle de gestion
-
Dominique Crost, direction de la comptabilité
-
Michel Cadelano, inspecteur général
-
Karine Demonet, directrice conformité et contrôle permanent
-
Philippe Kunter, direction de la consolidation des risques
-
François Drouin, président d’ATMB, ex-PDG d’Oséo
-
Arnaud Peyrelongue, directeur du Réseau Sud-Est
-
Dominique Caignart, directeur du Réseau Île-de-France et Dom
-
Mme Canale, responsable régionale de la CGT, conseillère au Conseil
économique, social et environnemental régional
Bpifrance - novembre 2016
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COUR DES COMPTES
172
-
Anne-Cécile Brigot-Abadie, déléguée financement garantie Paris Nord
-
Sophie Magne, déléguée innovation, Bpifrance Île-de-France
-
Anne Gloaguen, déléguée court terme, Bpifrance Île-de-France
-
Yannick Pecherand, responsable garantie, Bpifrance Île-de-France
-
Serge Boulon, responsable aux fusions et acquisitions, Bpifrance Île-de-France
-
Pedro Novo, directeur régional Paris
-
Delphine Jarnier, directrice interrégionale fonds propres, direction fonds
propres PME, Bpifrance
-
François Picarle, directeur Investissement, responsable fonds propres Paris
-
Frédéric Vincent, directeur général des opérations de l’Île-de-France
-
Maxime Bousso, chargé d’affaires international, Business France
-
Bertrand Fontaine, directeur régional Nord-Pas-de-Calais
-
Eric Lombard, administrateur et président des comités d’audit et des risques
de Bpifrance SA, directeur général de Generali France
-
Amélie Faure, administratrice de Bpifrance SA, présidente des comités des
nominations et des rémunérations de Bpifrance SA.
2 -
Administrations
-
Martin Vial, commissaire aux participations de l’État, administrateur
de Bpifrance SA (membre des comités d’audit, risques, nominations,
rémunérations)
-
Antoine Saintoyant, ancien directeur de participations services
et finance, Agence des participations de l’État, ancien administrateur
de Bpifrance investissement et Bpifrance participations
-
Adrien Tenne, adjoint au chef de bureau, APE
-
Julien Cabes, adjoint au chef de bureau, APE
-
Corso Bavagnoli, chef du service du financement de l'économie,
direction générale du Trésor
-
Sébastien Raspiller, sous-directeur financement des entreprises
et marchés financiers à la direction générale du trésor
-
Thomas Revial, ancien chef du bureau du financement et du
développement des entreprises (FINENT 2), direction générale du Trésor
-
Xavier Ploquin, adjoint au chef du bureau FINENT 2, membre du
comité
innovation
de
Bpifrance
financement,
des
comités
stratégique/de pilotage de plusieurs fonds d’investissement gérés par
Bpifrance investissement et du comité du programme ISI/PMII géré
par Bpifrance financement
Bpifrance - novembre 2016
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ANNEXES
173
-
Thomas Jeannin, adjoint au chef du bureau FINENT 2, membre
du comité financement-garantie de Bpifrance financement
-
Pierre Lepetit, actuel président directeur-général de l’EPIC Bpifrance,
et son prédécesseur, Michel Colin
-
Alain Nourissier, commissaire du gouvernement auprès de Bpifrance
et son prédécesseur, Jean-François Guthmann
-
François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France
et président de l’ACPR
-
Edouard Fernandez-Bollo, secrétaire général de l’ACPR
-
Romain Paserot, directeur des affaires internationales, ACPR
-
Jacques Fournier, directeur général des statistiques, Banque de France
-
Marc-Alain
Bahuchet,
directeur
des
statistiques
monétaires
et financières, Banque de France
-
Claude Piot, directeur des entreprises, Banque de France
-
Benoît de Juvigny, secrétaire général de l’AMF
-
Coline Paul, adjointe au Directeur de la Division agréments et suivi,
Direction de la gestion d’actifs, AMF
-
Julien Laroche, direction des émetteurs, AMF
-
Pascal Faure, directeur général des entreprises
-
Alain Schmitt, chef du Service de la compétitivité, de l’innovation
et du développement des entreprises, Direction générale des
entreprises, administrateur et membre des comités d’audit et des
risques de Bpifrance financement
-
Caroline Coutout, responsable du département Entreprises, DIRECCTE
-
Caroline Wood, directrice régionale du développement des garanties
publiques COFACE
-
Thierry Francq, commissaire général adjoint à l'investissement
-
Pascal Werner, directeur de programme financements, investissements
et amorçage, commissariat général à l’investissement, membre des
comités stratégique/de pilotage des fonds d’investissement gérés par
Bpifrance investissement pour le compte du programme des
investissements d’avenir
-
Edouard Bloch-Escoffier, directeur financier, CGI
-
Henri Baissas, directeur général délégué export de Business France
-
Henri De Joux, directeur financier de Business France
-
Colette Grosset, secrétaire générale de l’AFD
-
Sandrine Boucher, secrétaire générale de Proparco
-
Jean Pisani-Ferry, France Stratégie
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COUR DES COMPTES
174
3 -
Caisse des dépôts et des consignations
-
Pierre-René Lemas, directeur général du groupe Caisse des dépôts,
président de Bpifrance SA
-
Franck Silvent, directeur du pôle Finances, stratégie et participations
du groupe Caisse des Dépôts, administrateur de Bpifrance SA
(membre des comités d’audit, risques, nominations, rémunération),
Bpifrance investissement, Bpifrance participations (membre du
comité d’investissement)
-
Catherine Mayenobe, secrétaire général du groupe Caisse des
dépôts, administrateur de Bpifrance investissement, Bpifrance
participations
-
Antoine Colas, directeur du département Développement, Filiales et
Participations du groupe Caisse des dépôts, administrateur de
Bpifrance investissement, Bpifrance participations
-
Olivier Mareuse, directeur financier du groupe CDC
-
Marc Abadie, directeur du réseau et des territoires
-
Thierry Giami, direction générale
-
Gaëlle
Velay,
directrice
régionale
Nord-Pas-de-Calais
et
Directrice interrégionale Nord-Ouest de la Caisse des dépôts et
consignations
4 -
Régions
-
Jean-Paul Huchon, rencontré en sa qualité de président du conseil
régional d’Île-de-France
-
Philippe Richert, rencontré par les rapporteurs en sa qualité de
président du conseil régional d’Alsace et auditionné par la première
chambre de la Cour en sa qualité de président de l’association des
régions de France
-
René Souchon, rencontré en sa qualité de président du conseil
régional d’Auvergne
-
Daniel Percheron, rencontré en sa qualité de président du conseil
régional Nord Pas-de-Calais
-
Pierrick Massiot, rencontré en sa qualité de président du conseil
régional de Bretagne
-
Jean-Louis Gagnaire, rencontré en sa qualité de député de la 2ème
circonscription de la Loire et de vice-président du conseil régional
de Rhône-Alpes
Bpifrance - novembre 2016
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ANNEXES
175
-
Gaël Guégan, rencontré en sa qualité de directeur de l’économie au
conseil régional de Bretagne
-
Josick Paoli, rencontré en sa qualité de directrice générale adjointe
des services de la région Languedoc-Roussillon
-
Michèle Marchetti, rencontrée en sa qualité de directrice du
développement des entreprises de la région Languedoc-Roussillon
5 -
Parties prenantes
Organisations professionnelles
-
Marie-Anne Barbat-Layani, déléguée générale de la Fédération
bancaire française (FBF)
-
Olivier Millet, président de l’AFIC
-
Paul Perpère, délégué général de l’AFIC
-
France Vassaux-d’Azémar de Fabrègues, directrice des Affaires
juridiques et fiscales de l’AFIC
-
Thibault Lanxade, vice-président du MEDEF en charge des PME et TPE
-
Bertrand Cohen-Hadad, président de la commission financement
des entreprises de la CGPME
-
Philippe Vasseur, président de la Chambre de commerce et
d’industrie du Nord-Pas-de-Calais
-
Frédéric Motte, président du Medef Nord-Pas-de-Calais
Banques commerciales
-
Nicolas Théry, président du Crédit-Mutuel, ancien administrateur et
membre du comité d’audit et des risques de Bpifrance SA
-
Marianne Auvray-Magin, directrice des relations de place et de la
réglementation pour la banque de détail à la Société générale
-
Philippe Dewèvre, directeur du marché de la clientèle commerciale,
entreprises-association-collectivités à la Société générale
-
Benoît Passaga, directeur des marchés Entreprises, Secteur Public et
Clientèle Patrimoniale chez Crédit Agricole SA
-
Alban Aucoin, directeur des Affaires publiques du groupe Crédit
Agricole
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COUR DES COMPTES
176
Entrepreneurs
-
Gautier Cassagnau, président de Geolid
-
Michel Grivel, président de Ciril
-
Erik Murgier, président de Murgier
-
Raphaël Madar, fondateur de So Jeans
-
Sébastien Méjean, fondateur de So Jeans
-
Bertrand Picard, fondateur de natural grass
Économistes, personnalités qualifiées et cercles de réflexion
-
Gilles Babinet, digital champion de la commission européenne
-
Jean Beuve, conseiller économique au conseil d’analyse économique
-
Jacques-Henri David, ancien président de BDPME et senior banker
chez Edmond de Rothschild
-
Jean-Marc Daniel, économiste
-
Delphine Granier, analyste à Génération libre
-
Jean-Hervé Lorenzi, économiste
-
Hélène Paris, secrétaire générale du conseil d’analyse économique
-
Agnès Verdier-Molinié, directrice de la fondation IFRAP
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Réponses des administrations
et des organismes concernés
Bpifrance - novembre 2016
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Bpifrance - novembre 2016
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Sommaire des réponses
Réponse du ministre de l’économie et des finances
...............................
181
Réponse du directeur général de la Caisse des dépôts et consignations . 184
Réponse du président-directeur général de l’établissement public
à caractère industriel et commercial Bpifrance
.......................................
190
Réponse du directeur général de Bpifrance SA
......................................
192
Réponse du président de l’association des régions de France (ARF)
.....
201
Destinataires n’ayant pas répondu
Commissaire général à l’investissement
Gouverneur de la Banque de France, président de l’Autorité de contrôle
prudentiel et de résolution
Président du conseil d’administration de Bpifrance SA
Président du mouvement des entreprises de France (MEDEF)
Président de la confédération générale de petites et moyennes entreprises
(CGPME)
Directeur général de l’Agence française de développement
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Bpifrance - novembre 2016
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RÉPONSE DU MINISTRE DE L’ÉCONOMIE ET DES FINANCES
Je partage en tout premier lieu le constat de la réussite de la mise
en place de Bpifrance. Cette phase initiale, qui devait être plus que la
simple concaténation des entités regroupées au sein du groupe - OSEO,
CDC Entreprises, le ESI et ESI Régions - a permis de créer une véritable
identité commune, sans pour autant remettre en question le modèle
économique des différentes activités et des politiques publiques associées.
Justifiant une implication forte et difficilement substituable de l’Etat,
certaines de ces activités sont nécessairement consommatrices de fonds
publics, telles que la garantie de crédits ou les aides à l’innovation et
constituent une politique publique efficace au service du financement des
entreprises. D’autres activités sont au contraire effectuées dans un cadre
concurrentiel, dans les mêmes conditions que des financeurs privés, dans
l’objectif de créer ou de dynamiser un marché sur lequel le secteur privé
a vocation à se développer. Depuis la création de Bpifrance, ces activités
ont, comme c’est leur vocation, su évoluer pour s’adapter à la demande
des entreprises et au paysage du financement en France.
Cette première phase résolument volontariste, au service des
entreprises, a permis d’installer Bpifrance comme un acteur reconnu, à
travers
un
réseau
régional,
qui
fait
l’objet
d’appréciations
particulièrement positives des entreprises et des financiers partenaires.
La construction du groupe devrait être achevée début 2017, avec le
transfert des garanties publiques actuellement gérées par la Coface.
Bpifrance entre à présent dans une phase de stabilisation, durant
laquelle le groupe devra adapter son offre, dans un contexte de reprise de
l’investissement des entreprises et de développement accru d’offres de
financement privé, et son modèle financier, pour s’adapter aux
contraintes budgétaires de l’Etat, tout en inscrivant sa stratégie dans les
grands axes structurants qui ont été dessinés lors de sa création. Le plan
stratégique prévoit ainsi une croissance très modérée de l’activité sur les
années 2017 à 2019 et une concentration des interventions sur les
défaillances
de
marché :
recentrage
progressif
du
portefeuille
d’investissement sur les ETI, financement de l’immatériel ou encore
l’innovation. Ces interventions continueront de nécessiter des ressources
publiques, et en particulier des ressources du budget général, qui avaient
pu être réduites considérablement par la réutilisation de ressources
internes au groupe Bpifrance. Ces ressources budgétaires devront bien
entendu faire l’objet de discussions annuelles et transparentes lors de
l’établissement des lois de finances. S’agissant de son positionnement
stratégique, Bpifrance continuera de jouer un rôle contracyclique, en se
positionnant via ses interventions directes ou indirectes au côté des
Bpifrance - novembre 2016
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COUR DES COMPTES
182
acteurs du secteur financier. Le groupe continuera en outre à promouvoir
des pratiques financières vertueuses pour les entreprises, adaptées aux
mutations
économiques
que
sont
notamment
les
transitions
environnementale et numérique. Il poursuivra enfin son intégration au
sein de l’écosytème dans lequel il s’inscrit, à travers notamment une
meilleure articulation avec les instruments européens mais aussi avec les
instruments régionaux de soutien au développement des entreprises et les
autres acteurs nationaux qui agissent en faveur de ces dernières.
La Cour recommande la suppression de l’EPIC Bpifrance, qu’elle
juge superflu. Je ne partage pas ce point de vue. L’EPIC, héritage de la
structure OSEO, offre un cadre souple pour garantir les émissions de
Bpifrance Financement et permet de protéger celle-ci des aléas des
marchés financiers pour son refinancement. C’est un élément important
du fonctionnement de Bpifrance, qui permet d’assurer que la banque sera
en mesure de mener une politique publique contracyclique en faveur du
financement des entreprises. Sur le plan juridique, la garantie de l’EPIC
est bien distincte de celle de l’Etat et n’engage pas ce dernier. Par
ailleurs, le risque porté par l’EPIC au titre de cette garantie est faible :
Bpifrance Financement est, au même titre que les grands établissements
bancaires, supervisée par la Banque Centrale Européenne. En outre,
Bpifrance se refinance auprès de différentes sources selon un profil
similaire à celui des prêts consentis aux entreprises, ce qui exclut tout
risque de transformation. L’important portefeuille de participations
hérité du FSI contribue à stabiliser le groupe en cas de tensions sur son
activité de crédit. La garantie de l’EPIC accordée aux refinancements de
Bpifrance ne représente donc pas un risque significatif pour l’EPIC
Bpifrance, et a fortiori pour l’Etat, qui n’est pas directement impliqué
dans ces refinancements. Enfin, l’EPIC est aussi indispensable pour
permettre de confier des fonds publics au groupe Bpifrance, que ce soit
ceux du Programme d’investissements d’Avenir (PIA), ceux confiés par
l’Europe ou par les Régions. La structure de détention faisant intervenir
l’EPIC présente ainsi de nombreux intérêts pour un coût tout à fait
modeste, et ne saurait être qualifiée de détournement des règles
budgétaires. Je souhaite donc qu’il puisse continuer de jouer son rôle
central au service du financement des entreprises. Les opérations prises
en garantie par l’EPIC, n’impliquant pas l’Etat, n’ont par conséquent
pas vocation à être intégrées dans les comptes de l’Etat.
La Cour recommande également de clarifier les lignes de partage
entre les interventions de Bpifrance au titre du PIA et celles au titre de
ses fonds propres dans le domaine du capital-investissement au profit des
PME. L’existence de potentiels conflits de périmètre entre la politique
d’intervention de Bpifrance et celle que lui a confiée l’Etat pour le
Bpifrance - novembre 2016
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RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS
183
compte des Investissements d’Avenir doit certes faire l’objet d’une
attention constante et la coordination des différents acteurs est
essentielle, mais ce constat me paraît devoir être nuancé. Tout d’abord,
la présence de recoupements entre les interventions en fonds propres de
Bpifrance et du PIA n’est pas nécessairement une anomalie : ainsi, la
nouvelle intervention en retournement, partagée à parité entre Bpifrance
et le PIA s’agissant de la participation publique, répond à une logique de
partage du risque. En outre, ces zones de recoupement apparaissent
limitées : en effet, si l’intervention de Bpifrance recouvre un spectre
large, sans critères technologiques particuliers, celle du PIA est au
contraire principalement ciblée en faveur des entreprises ou des projets
particulièrement innovants. En fonds de fonds, le PIA a ainsi concentré
son action sur l’amorçage et les très gros fonds de capital-croissance où
Bpifrance n’est pas présent, ne pouvant supporter sur son bilan une
concentration de risques aussi importante. En investissement direct, le
PIA a conduit à augmenter fortement la présence de Bpifrance via un
certain nombre de fonds thématiques, notamment dans le numérique ou
les écotechnologies, où le marché du financement était limité, jouant un
rôle d’investisseur contra-cyclique. Toutefois, à mesure que le marché et
les équipes de Bpifrance montent en puissance et notamment à mesure de
la montée en puissance du fonds Large Venture créé par Bpifrance, il
n’apparaît pas forcément souhaitable, sauf dans certains cas de
défaillance avérée du marché, de maintenir une telle présence en direct
du PIA. L’impact économique des interventions de Bpifrance devra
également faire l’objet de davantage d’attention. Je rejoins de ce point de
vue la recommandation n°5 de la Cour qui propose de « mettre en place
un dispositif d’évaluation externe de l’impact socio-économique ». Il
existe en effet à ce jour peu d’évaluations externes des différents
dispositifs gérés par Bpifrance, au regard de celles menées par exemple
dans le cadre du PIA. L’évaluation des dispositifs de financement public
des entreprises reste cependant complexe, car elle ne peut être menée
qu’après un délai suffisamment long permettant d’en observer les effets
pérennes et le contrefactuel nécessaire à l’évaluation peut être difficile à
réaliser : il faut en effet mesurer l’effet additionnel apporté par les
financements publics par rapport à un financement ne reposant que sur le
secteur privé. L’action de Bpifrance devra également continuer de
s’enrichir des retours et du ressenti des différentes parties prenantes,
qu’ils s’agissent des acteurs du secteur financier, des entreprises ou des
financeurs publics, dans une logique de concertation au sein des
instances de gouvernance de Bpifrance.
Bpifrance - novembre 2016
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COUR DES COMPTES
184
Cette période charnière dans la vie du groupe Bpifrance nécessite,
comme le souligne la Cour dans son rapport, de maîtriser strictement les
charges, d’exploitation et de conserver une structure flexible du groupe
pour l’avenir. Le Gouvernement partage le constat de la Cour d’une
augmentation significative de la masse salariale de Bpifrance depuis sa
création en 2013. Cette situation résulte de différents facteurs, au
premier rang desquels la progression de l’effectif des personnels, liée à
la forte croissance de l’activité, et une politique salariale tendant à faire
converger les pratiques de rémunération dans un contexte d’intégration
des différentes entités constituantes de Bpifrance. La maîtrise de la masse
salariale est d'autant plus nécessaire et justifiée que les évaluations du
climat social au sein de la banque sont positives (taux de démission en
dessous de 2 %, baromètre social interne satisfaisant). En 2016, comme
le note la Cour, les budgets votés par le Conseil d’administration
reflètent une inflexion nette dans l’évolution des frais de personnel. Cette
inflexion devra se poursuivre. Les pratiques salariales du groupe doivent
en effet être exemplaires et tenir compte des contraintes et de la
modération inhérente à la sphère publique. L’évolution de la masse
salariale
et
plus
généralement
les
dépenses
de
fonctionnement
continueront ainsi à faire l’objet d’une vigilance très forte de la part de
l’Etat actionnaire.
RÉPONSE DU DIRECTEUR GÉNÉRAL
DE LA CAISSE DES DÉPÔTS ET CONSIGNATIONS
1. Je note tout d’abord que la Cour souligne la mise en place
réussie de Bpifrance dans des délais très courts (créée par la loi
n° 2012-1559 du 31 décembre 2012 et opérationnelle dès le 12 juillet
2013). Cette mise en place répondait, comme l’indique la Cour, à trois
principaux objectifs: soutenir le financement des entreprises dans un
contexte bancaire fragilisé par la crise et contraint par la nouvelle
réglementation
prudentielle ;
rationaliser
le
soutien
public
au
financement de PME, jusque-là fragmenté, du fait de la présence de
plusieurs canaux de financement ; améliorer les délais de traitement des
demandes de financement.
Comme le précise le rapport, le chantier de structuration d’un
nouvel acteur du soutien au financement des entreprises a été conduit de
manière efficace ; les entreprises disposent en effet désormais, d’un point
d’entrée unique et décentralisé, avec un accès à la quasi-totalité de la
palette
d’instruments
financiers
mobilisables.
Des
synergies
opérationnelles entre les structures regroupées ont été rapidement
Bpifrance - novembre 2016
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RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS
185
engagées, permettant un important développement de l’activité au
bénéfice des entreprises françaises. La création de Bpifrance a permis de
fédérer dans un nouvel ensemble des équipes dont les liens étaient limités
et de simplifier fortement l’accès au financement des entreprises.
L’achèvement des structures juridiques, informatiques et le
renforcement des fonctions centrales (direction des risques notamment) a,
de manière logique, pris plus de temps. Dans ce contexte, la Caisse des
Dépôts suit avec vigilance la structuration notamment du dispositif de
contrôle conformément aux exigences règlementaires. S’agissant de cette
fonction contrôle des risques, il convient de noter qu’en trois ans, des
efforts considérables ont été déployés pour la positionner dans un groupe
bancaire issu de l’apport de plusieurs sociétés disposant alors d’une
organisation des contrôles très diverse : évolution de l’organisation,
recrutements, documentation de processus, mise en place d’outils,
renforcement d’une culture de contrôle.
La Caisse des Dépôts a joué un rôle moteur dans la mise en place
d’un dispositif de contrôle interne et de gestion des risques aux meilleurs
standards et j’ai, en tant que Président du Conseil d’Administration,
engagé la direction de Bpifrance à mettre en oeuvre l’ensemble des
moyens nécessaires pour y parvenir.
La direction des risques dispose désormais de moyens renforcés et
d’une réelle indépendance.
Les travaux à mener par Bpifrance pour répondre à la 1ère
recommandation de la Cour relative à la mise en place d’un dispositif de
gestion des risques pleinement conforme aux exigences règlementaires
me paraissent ainsi avoir été réalisés pour une large part. A cet égard, le
rapport ne me semble pas refléter pleinement l’avancée des travaux
relatifs au dispositif de contrôle. En particulier, s’agissant du Comité des
risques, il ne semble pas exact d’affirmer qu’il n’est pas une « instance
de contrôle réellement efficace » du fait de l’absence de traitement de
certaines thématiques, alors que les risques, tels que l’analyse de la
liquidité ou la mesure des risques de marché et de taux, y sont bien
présentés et discutés.
2. S’agissant de la gouvernance que la Cour juge satisfaisante,
l’analyse qui figure dans le rapport appelle certaines remarques.
En préambule, s’agissant des valeurs d’apports qui sont
commentées par les rapporteurs, il convient de souligner que celles-ci ont
été validées par plusieurs banques d’affaires, les commissaires aux
apports dont la mission légale est précisément de s’assurer de leur
équité, et par les deux actionnaires de Bpifrance. Concernant le plan
Bpifrance - novembre 2016
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COUR DES COMPTES
186
d’attribution gratuite d’actions de CDC Entreprises, l’ensemble des
réponses sur ce thème avait déjà été apporté par la Caisse des Dépôts
dans le cadre du rapport public 2015.
Le rapport indique que la structure de gouvernance « apparaît
complexe » compte tenu de la structuration du Groupe. Il convient de
souligner que cette « complexité » est inhérente au fonctionnement des
groupes et des contraintes légales et règlementaires, qui exigent
notamment des gouvernances distinctes en fonction des types d’activités
(crédits aux entreprises, garanties, investissements directs ou indirects en
fonds propres, garantie export...). La structure de gouvernance de
Bpifrance n’est en cela pas spécifiquement complexe ou atypique
comparée à d’autres groupes bancaires.
Ce double niveau d’intervention (filiale/Groupe) est plutôt de
nature à permettre une décision équilibrée prenant en compte les
contraintes d’un Groupe et les besoins spécifiques des activités/filiales.
Par ailleurs, cette structure de gouvernance permet l’intervention
d’administrateurs
au
bon
niveau
d’expertise
par
rapport
aux
activités/filiales concernées, ce qui conduit d’ailleurs la Cour à constater
que « la gouvernance apparaît performante en matière d’investissement,
au regard de la sélectivité des dossiers ».
Les administrateurs représentant les actionnaires ont la parfaite
capacité d’intervenir dans les instances de gouvernance et d’infléchir si
nécessaire les orientations proposées par le management, tout en veillant
à préserver un bon niveau de coordination et de communication entre
eux. Cela est également le cas pour des décisions transverses telles que la
politique salariale et il n’est ainsi pas fondé d’indiquer que « la
complexité de la gouvernance de Bpifrance a pu être facteur de
dysfonctionnement ». Il convient également de souligner que des efforts
ont été engagés par Bpifrance pour améliorer la qualité de l’information
communiquée aux administrateurs, conformément à la recommandation
de l’ACPR.
Au bout de trois ans d’existence, il peut être fait le constat que
l’actionnariat à parité fonctionne et que le risque de blocage évoqué en
cas de désalignement d’intérêts des actionnaires n’est jamais advenu. La
concertation entre les deux actionnaires est importante et fluide sur
l’ensemble des sujets structurants. Ainsi, les plans stratégiques et le Plan
à moyen terme font l’objet de nombreux échanges avec les actionnaires
pour converger vers une vision partagée des enjeux du Groupe. Pour
cette raison, il ne peut pas être affirmé qu’il « existe une tendance des
actionnaires à ne pas s’interroger sur les perspectives à moyen-terme de
la banque » tant la réalité quotidienne du pilotage de Bpifrance est autre.
Bpifrance - novembre 2016
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RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS
187
Bien au contraire, cette préoccupation est constante et discutée à de
nombreuses reprises entre actionnaires et avec le management. De même,
il ne peut être affirmé que la Caisse des Dépôts considère que
l’identification de solutions pour couvrir le besoin de financement des
activités de garantie et d’innovation à horizon 2017 n’est « pas de son
ressort » : si la Caisse des Dépôts n’a pas vocation à se substituer à la
politique budgétaire de l’Etat, elle est néanmoins particulièrement
attentive à ce sujet. L’activité et l’analyse des risques liés aux activités
Innovation, Garantie et Financement actuellement en grande partie
financées par l’Etat font d’ailleurs l’objet d’analyses approfondies de la
Caisse des Dépôts (dans le cadre des instances de gouvernance, de
missions d’audit, …).
3. La réflexion sur le positionnement stratégique de Bpifrance est
un processus dynamique avec l’objectif principal d’optimiser le soutien
apporté aux entreprises.
S’agissant
du
positionnement
stratégique
de
Bpifrance
Financement, le rapport souligne que la création du Groupe Bpifrance a
permis
d’accroître
fortement
l’ampleur
et
la
dynamique
des
financements. Je considère que Bpifrance a en effet su faire preuve de
réactivité et, dans un contexte de retour des financements bancaires aux
entreprises, axer ses efforts sur les prêts de développement et le
préfinancement du CICE où l’offre bancaire est plus restreinte. Pour
autant, je partage la nécessité de la poursuite d’une réflexion stratégique
sur le dimensionnement des interventions de Bpifrance Financement
compte tenu de l’allégement des contraintes de liquidité des banques.
Je rejoins par ailleurs la Cour dans sa recommandation n°9 à
l’Etat d’éviter tout recoupement entre les interventions de Bpifrance au
titre du PIA et celles au titre des fonds propres dans le domaine du
capital investissement au profit des PME. La coordination des différentes
actions est en effet primordiale.
La recommandation 3 adressée à Bpifrance de « contenir
strictement le volume des interventions en fonds propres sous forme
d’investissements directs à destination des PME » rejoint par ailleurs les
orientations définies par Bpifrance dans le cadre de son plan à moyen
terme 2016-2019 qui prévoit une stabilité au niveau de 2015 du volume
d’investissements en fonds propres PME.
De même, s’agissant de l’intervention en fonds propres dans les
grandes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire (ETI/GE), la
réflexion stratégique sur les objectifs de ce portefeuille sera poursuivie
par les actionnaires et Bpifrance.
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COUR DES COMPTES
188
Pour nourrir ces réflexions, je rejoins la Cour sur sa
recommandation qui s’adresse conjointement à l’Etat et à la Caisse des
Dépôts de « mettre en place un dispositif d’évaluation externe de l’impact
socio-économique des interventions de Bpifrance » (recommandation
n°5). Comme le relève la Cour à cet égard, Bpifrance a d’ores et déjà
lancé certains appels à projets visant à évaluer son action.
4. Le modèle économique constitue un sujet de travail important de
Bpifrance et de ses actionnaires.
S’agissant du modèle économique de Bpifrance, les enjeux, bien
posés par les rapporteurs, identifiés de longue date par les actionnaires,
sont également l’objet de réflexions des comités stratégiques de Bpifrance
et notamment la capacité de dégager des ressources pérennes compte
tenu de l’érosion du stock de plus-values latentes, des besoins en fonds
propres de l’activité de financement en hausse continue depuis trois ans
et du soutien à l’innovation de plus en plus déficitaire en raison de la
réduction des budgets alloués par l’Etat. Pour autant, ces éléments ne
doivent pas occulter le fait que le groupe dispose d’une très bonne
solidité financière, comme en témoignent les résultats des évaluations
menées par la BCE, notamment dans le cadre du « SREP » (Supervisory
Review and Evaluation Process).
La soutenabilité à moyen terme du modèle économique repose en
particulier sur la capacité de Bpifrance à créer de la valeur par ses
investissements, notamment dans les ETI/GE et dans le cadre de l’activité
fonds de fonds. Dans ce contexte, je partage la recommandation n°6 de la
Cour qui s’adresse à nouveau conjointement à l’Etat et à la Caisse des
Dépôts de « veiller, dans la situation économique et de marché actuelle, à
maîtriser le développement de l’activité à moyen terme de Bpifrance ».
Comme le souligne la Cour, une réflexion sur le dimensionnement des
interventions en prêts est d’ailleurs engagée et intégrée dans le cadre du
plan stratégique 2017-2019, qui prévoit notamment une stabilité des prêts
de moyen et long termes classiques dans un marché en croissance.
De même, les actionnaires Caisse des Dépôts et Etat apportent une
attention particulière à la maîtrise des charges d’exploitation qui sont
calibrées en fonction du développement de l’activité, des besoins
réglementaires et de contrôle des risques. Afin de conserver à Bpifrance
son agilité en cas de retournement de marché, le budget 2016 a ainsi été
bâti sur des hypothèses prudentes et comme l’indique le rapport, les
prévisions de recrutement sont ainsi inférieures à celles des années
précédentes.
Bpifrance - novembre 2016
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RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS
189
5. En qualité d’actionnaire, la Caisse des Dépôts prend également
acte de la recommandation de la Cour appelant à « exercer une vigilance
forte sur le niveau de rémunération des cadres dirigeants du groupe
Bpifrance et de stabiliser ces rémunérations sur la durée du plan à moyen
terme 2016-2019 de Bpifrance ».
La Caisse des Dépôts souscrit au fait qu’il convient d’être vigilant
et attentif en matière de progression des rémunérations des dirigeants,
tout en ayant également à l’esprit que les augmentations de
rémunérations décidées s’expliquent par des évolutions de responsabilité
et de fonctions.
Il convient, par ailleurs de rappeler, que même si la Direction des
ressources humaines du Groupe Caisse des Dépôts n’a pas vocation à se
substituer aux filiales et à leurs instances de gouvernance, son
département chargé du développement des dirigeants et du management
tend désormais à être systématiquement saisi des points de l’ordre du
jour des Comités des nominations et rémunérations et des Conseils
d’administration de Bpifrance relatifs aux rémunérations, et émet un avis
relayé par les représentants du Groupe Caisse des Dépôts dans ces
instances.
C’est ainsi que la Direction des ressources humaines du Groupe a
appelé à la modération concernant les demandes de revalorisation
individuelles de rémunération fixe présentées
lors des derniers Comité
des rémunérations de Bpifrance. De même, les représentants de
l’actionnaire Caisse des Dépôts ont fait part de façon réitérée, de leurs
réserves sur le projet de dispositif de rémunération différée que la Cour
évoque dans son rapport.
Enfin, dans le cadre du
groupe de travail consacré aux
rémunérations des dirigeants, la Caisse des Dépôts et ses filiales
poursuivent leurs travaux visant à élaborer des éléments de doctrine
communs, fondés sur l’équité et la mesure, respectueux des spécificités
des entités du Groupe.
Sur un plan général, les attentes restent grandes de la part des
entreprises mais je considère que cette première séquence de trois ans a
vu naître, avec l’aide et le soutien de ses actionnaires publics, un acteur
majeur de financement de l’Economie, robuste, dynamique et bien intégré
dont les succès sont déjà incontestables, ce qui mérite d’être souligné.
Bpifrance - novembre 2016
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COUR DES COMPTES
190
RÉPONSE DU PRÉSIDENT-DIRECTEUR GÉNÉRAL
DE L’ÉTABLISSEMENT PUBLIC À CARACTÈRE INDUSTRIEL
ET COMMERCIAL BPIFRANCE
L'établissement public Bpifrance a un objet plus large que celui de
« représenter l'Etat actionnaire vis-à-vis du groupe Bpifrance », sa
mission telle que définie à l'article 1 de l'ordonnance n° 2005-722 du
29 juin 2005 relative à la Banque publique d'investissement est de
«1° Promouvoir et soutenir l'innovation, notamment technologique, ainsi
que de contribuer au transfert de technologies et 2° de Favoriser le
développement et le financement des petites et moyennes entreprises.
L'Etat, par acte unilatéral ou par convention, les collectivités territoriales
ainsi que leurs établissements publics, par convention, peuvent confier à
l'établissement des missions d'intérêt général compatibles avec son
objet ». À ce titre l'établissement gère les fonds qui lui sont confiés par
l'Etat au titre du programme des investissements d'avenir et par les
régions au titre du Feder.
L'EPIC permet également aux pouvoirs publics d'exercer un
contrôle effectif sur la mise en oeuvre par la BPI des missions qui lui sont
confiées par l'Etat ou par les régions, que ce soit par le biais de la
signature des conventions de mise en oeuvre des actions, par le contrôle
du refinancement de Bpifrance Financement à chaque fois qu'est mise en
oeuvre sa garantie, par les compte rendus périodiques qui sont faits à son
conseil d'administration de l'utilisation des fonds qui sont confiés en
gestion à la BPI et enfin par les débats au sein de ce conseil en
particulier sur la tarification de la garantie. À cet égard le conseil
d'administration de l'EPIC applique pleinement l'alinéa 6 de l'article 4 du
décret n° 2015-1498 du 18 novembre 2015 portant statuts de
l’établissement public Bpifrance et définissant les modalités particulières
du contrôle de l’Etat qui dispose que «[Le CA autorise] le président du
conseil d'administration à octroyer la garantie de l'établissement public
aux emprunts et émissions des sociétés du groupe Bpifrance et détermine
le barème de tarification des garanties octroyées. À cette fin, il évalue les
besoins de financement et la solvabilité de ces sociétés et examine leur
programme annuel d'emprunts et d'émissions ».
Un débat est en cours au sein du conseil d'administration de
l'EPIC pour revoir et adapter les conditions de tarification de la garantie
accordée par l'établissement pour prendre en compte les évolutions de
marché.
Bpifrance - novembre 2016
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RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS
191
S'il est exact que l'Etat pourrait se substituer à l'EPIC en cas de
défaillance de ce dernier, l'existence de l'EPIC et la protection de ses
intérêts patrimoniaux obligent cependant à une analyse approfondie des
risques portés par l'EPIC pour garantir les refinancements de Bpifrance
Financement. En ce sens l'EPIC constitue une protection pour l'Etat. Je
ne partage donc pas l'interprétation selon laquelle « la capacité de
l'EPIC à assumer financièrement un appel en garantie est incertaine. En
effet, les fonds propres de l'EPIC (de l'ordre de 10 Mds€) ne suffisent pas
pour couvrir l'ensemble des encours garantis (22 Mds€) ». Il n'est
nullement nécessaire de disposer de fonds propres à hauteur des
montants garantis, y compris dans un scénario de sinistralité
historiquement élevée. L'établissement que je préside évalue le risque
d'un appel en garantie notamment au travers des ratios prudentiels fixés
par le superviseur bancaire et fixe le plafond des émissions susceptibles
d'être garantis en fonction de cette évaluation du risque.
La Cour souligne à juste titre que le montant des besoins de
financement de Bpifrance s'accroît et que la question de la hausse du
plafond de garantie du programme d'émission devrait s'accompagner
d'une réflexion sur le niveau et la soutenabilité de l'endettement du pôle
financement. Cet examen sera effectué si le plafond actuel devait être
relevé.
Je ne peux donc souscrire à l'affirmation selon laquelle « L'EPIC
Bpifrance représente un intermédiaire injustifié entre l'Etat et Bpifrance,
qui vient complexifier la gouvernance du groupe sans avantage
opérationnel prouvé et dont la suppression engendrerait une économie de
entre 5 et 10 M€ ».
Le coût net de l'EPIC pour les finances publiques a été de
272.000 € en 2015 (hors impôts et taxes payés à l'Etat) et je travaille
conformément aux orientations de mon conseil à réduire encore ce coût.
Un tel montant représente un coût de coordination et de contrôle pour
l'Etat relativement faible au regard des résultats obtenus.
Par ailleurs, si nominalement l'écart de coût entre une garantie
directe de l'Etat et une garantie de l'EPIC pourrait être de 5 points de
base, il n'est pas certain que l'Etat aurait la même flexibilité que celle
qu'a l'EPIC pour permettre à Bpifrance de profiter des meilleures
conditions de marché et que sa tarification serait la même. Le bilan d'une
garantie directe de l'Etat ne serait donc pas obligatoirement positif.
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COUR DES COMPTES
192
RÉPONSE DU DIRECTEUR GÉNÉRAL DE BPIFRANCE SA
Mes observations, sans suivre strictement le plan du rapport,
portent sur les thèmes suivants : (i) le bilan et les perspectives à moyen
terme de Bpifrance, (ii) la gouvernance et les relations avec les
actionnaires, (iii) le dispositif de gestion des risques, (iv) l’articulation
entre Bpifrance et le PIA ; (v) le business model de Bpifrance ; (vi) la
doctrine d’intervention de Bpifrance et enfin (vii) sa gestion proprement
dite.
Au terme d’un travail approfondi et d’une analyse fine de la
situation et des métiers de la société, je sais gré à la Cour de souligner la
mise en place rapide et réussie de Bpifrance qui a permis de rationaliser
et simplifier le soutien public au financement de PME, jusque-là
fragmenté entre plusieurs acteurs, de soutenir le financement des
entreprises après la crise financière, dans un contexte d’atonie de
l’investissement productif et de compléter les outils de financement par
une offre d’accompagnement. Après le vote de la loi du 31 décembre
2012, et avant même la dotation en capital de la banque par ses
actionnaires le 12 juillet 2013, l’ensemble des équipes de Bpifrance et
moi-même nous sommes attachés à construire un groupe entièrement
tourné vers les clients qui disposent désormais dans chaque région d’un
point d’entrée unique pour accéder au continuum de produits financiers
et de services pour accompagner leur développement et la réalisation de
leurs projets. C’est là l’une des forces essentielles du modèle de
Bpifrance qui évite la multiplication des points d’entrées, des marques et
de la connaissance clients au sein des différents organismes publics en
charge du financement des entreprises. Ce modèle a maintenant
démontré son efficacité et sa puissance, ce qui devrait dissuader toutes
tentations de nouvelles dispersions. Au-delà de la simplification, le
développement d’une culture et de valeurs d’entreprise centrées sur la
recherche pragmatique de réponses aux besoins du client a permis de
développer des synergies opérationnelles entre les entités du groupe. Ce
processus est à l’origine d’un approfondissement incontestable de la
connaissance des besoins du marché et, partant, de la création de
nombreux nouveaux produits de financement (ex. préfinancement du
CICE, mobilisation des créances nées à l'étranger, crédits export, prêts
d’amorçage, prêts innovation, prêt croissance automobile côté bancaire ;
fonds large venture, tourisme, société de projets industriels, French tech
acceleration côté investissement) et de services d’accompagnement
(ex. accélérateurs PME et ETI, Hub start up, etc.) qui ont contribué à
installer
l’identité
de
Bpifrance.
En
particulier,
l’action
d’accompagnement de Bpifrance est source à la fois de création de
Bpifrance - novembre 2016
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RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS
193
valeur et de réduction du risque pour la banque. Elle est également
plébiscitée par les chefs d’entreprise, comme en témoignent les résultats
de l'enquête clients.
L’un des apports essentiels de la Cour réside dans la présentation
claire et pédagogique qu’elle fait des différents métiers de Bpifrance
selon leur nature :
-
les activités que Bpifrance exerce pour son compte propre même si,
ses actionnaires que sont l'Etat et la CDC, en retirent ultimement les
fruits : le cofinancement sur les prêts à moyen et long terme,
l’investissement en fonds de fonds, l’investissement direct aussi bien
dans l’innovation (via les fonds Large Venture ou Innobio, par
exemple), que dans les PME (activité de la direction fonds propres
PME) et dans les ETI et grandes entreprises ;
-
les activités de financement de l’innovation, de garantie et
d'investissement et, pour partie du moins, de cofinancement via la
gamme des prêts sans garantie que Bpifrance exerce notamment
pour le compte du PIA ou en s’appuyant sur des ressources dédiées
de l'Europe, l’Etat ou des collectivités locales (dotations de fonds de
garantie, d’innovation, souscription de fonds d’investissement) et des
recours aux fonds propres de la banque.
Seule cette distinction permet de faire clairement apparaître les
risques pris par Bpifrance sur ses fonds propres et ceux que les pouvoirs
publics lui demandent de prendre dans le cadre d'une politique publique
assumée, dotée de financements et d’outils dédiés, de soutien des PME.
En pratique d’ailleurs, la banque est moins pilotée par des agrégats
globaux que par les couples rendement
253
/ risque adaptés à chacun de ses
métiers.
Je souhaite toutefois compléter ici les développements du rapport
sur les résultats déjà obtenus par Bpifrance. Au préalable, je regrette que
les constats et analyses de la Cour ne soient pas plus souvent étayés par
l’utilisation des données de mesures de l'impact de son action que
Bpifrance réalise pour alimenter annuellement les travaux de ses
instances de gouvernance (CA, CNO et CRO) ou de ses bailleurs de fonds
(Régions, Commissariat Général à l’Investissement, etc.) et dont la Cour
a eu communication. Complétées par des données externes, ces
253
Pour mémoire, en 2015, les RoE des métiers étaient respectivement de 6,7% pour
le cofinancement, 4,3% pour la garantie, - 51% pour l’innovation (en raison de la
suppression de la dotation de fonctionnement) et 3,7% pour l’investissement.
Bpifrance - novembre 2016
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COUR DES COMPTES
194
informations permettraient notamment de positionner Bpifrance par
rapport à ses principaux partenaires privés ou équivalents étrangers, et
ce même si de telles comparaisons doivent être maniées avec prudence.
Quantitativement d’abord, l'action de Bpifrance a depuis 2013
permis d’injecter 140Md€ (38% en financements directs et 62% via les
partenaires bancaires et investisseurs) dans 205 000 entreprises
françaises (dont 76% de TPE). Chaque année, une PME française sur dix
et une ETI sur trois ont ainsi bénéficié d’un soutien de Bpifrance. Ces
interventions ont concerné 2 300 000 emplois, dont 760 000 dans les
secteurs d’avenir et 730 000 dans l’industrie. Ces résultats n’ont pu être
atteints que parce Bpifrance a déployé son action conformément aux
priorités stratégiques définies à sa création : doublement des encours
bancaires entre 2013 et 2015, du volume de financement à l’innovation et
structuration de l’écosystème de la French Tech ; doublement des
investissements directs en venture, multiplication par 4 des levées de
fonds par les start-ups ; doublement des investissements directs dans les
PME ; doublement des injections de capitaux en fonds de fonds et
structuration du marché du capital investissement ; doublement des
financements en direction des entreprises de la TEE.
D’un point de vue qualitatif ensuite, il me semble important de
souligner que l’action de Bpifrance contribue, à plusieurs égards, à
modifier les comportements de marché. Je retiens ici les trois illustrations
suivantes :
À travers son positionnement unique associant intervention directe
et indirecte, Bpifrance contribue à stabiliser les marchés du financement
des entreprises. La mobilisation de la garantie a permis de maintenir les
banques sur les segments les plus risqués (ex. création, transmission), au
plus fort de la crise comme en phase de reprise. De même, Bpifrance
déploie une activité acyclique sur certains segments peu couverts par les
banques comme le financement de l’innovation, le court terme, ou le
financement
de
l’immatériel.
Bpifrance
a
un
rôle
de
facilitateur/agrégateur de ressources pour le financement des entreprises
(Régions, Etat, UE). Avec des outils tels que le fonds ETI2020, Bpifrance
a enfin la capacité d’investir à long terme, contribuant à lisser des
marchés pourtant cycliques.
En parallèle, Bpifrance est à l'originie de modifications des
pratiques de marché. Ainsi, les banques de la place se sont récemment
engagées dans le financement de l’innovation et de l’immatériel (ex. prêts
sans garantie). De même, Bpifrance a un rôle précurseur sur certains
secteurs (ex. TEE), avant que les banques ne s’y engagent. En fonds
propres,
l’action
de
Bpifrance
contribue
au
renforcement
des
Bpifrance - novembre 2016
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RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS
195
gestionnaires de fonds nationaux et régionaux (consolidation et
renouvellement) et alimente le développement de nouveaux segments
d’investissement (ex. amorçage, growth). Enfin, Bpifrance contribue à
augmenter la taille du marché en incitant, via l'accompagnement, les
entreprises à investir, en finançant l’immatériel pour déboucler et
accélérer des projets difficiles à financer, en facilitant les primo-
ouvertures et les transmissions générationnelles, via une action
coordonnée en investissement direct et en accompagnement.
Pour l’avenir, le plan stratégique et le plan à moyen terme,
adoptés par le conseil d'administration le 19 septembre 2016, dessinent
un groupe Bpifrance qui confortera son positionnement de banque stable
et structurante, aux côtés de ses partenaires, avec comme priorité la
reprise de l’investissement des entreprises, condition sine qua none d’une
croissance durable. L'activité sera stabilisée au niveau de 2015 sur les
différents métiers, sauf sur les segments de marché où les banques et
investisseurs ne sont pas encore significativement présents. L’effort
spécifique d’appui à l’internationalisation des entreprises sera accru, en
lien avec une capacité d’action démultipliée par l’intégration des
garanties publiques aujourd’hui assurée par COFACE et un ancrage plus
fort auprès des grandes entreprises exportatrices. Pour mettre en oeuvre
ces priorités, Bpifrance devra mobiliser des dotations de l’Etat, des
Régions et de l’Europe, tout en maintenant son excellence opérationnelle
dans un contexte de taux bas. Le groupe devra par ailleurs conforter sa
génération de résultat pour stocker de la puissance en anticipation d’une
rupture
de
cycle
statistiquement
probable.
Un
portefeuille
d’investissement équilibré et une politique de cession dynamique seront
dès lors nécessaires. Dans un contexte de concurrence internationale
exacerbée, Bpifrance se positionnera par ailleurs comme la banque du
soutien à la compétitivité des entreprises. En particulier, la compétitivité
« hors coûts » constituera un enjeu déterminant, sur lequel le groupe
apportera des réponses ciblées via une offre d’accompagnement étoffée,
un plan d'action pour la digitalisation des PME et ETI et une action
sectorielle renforcée, en particulier sur les secteurs clés pour la
croissance de demain. Enfin, Bpifrance consolidera son positionnement
de banque de place optimiste et intensifiera son action de transformation
en profondeur des pratiques du marché, en particulier concernant le
financement et l’investissement responsable.
Concernant la gouvernance et les relations entre Bpifrance et ses
actionnaires, la position exprimée par la Cour me semble devoir être
nuancée. La structure de gouvernance peut sembler « complexe » en
raison d'un nombre élevé de conseils d’administration. Il s’agit
néanmoins de la structure la moins complexe possible compte tenu du fait
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COUR DES COMPTES
196
que l’existence de deux grands métiers - la banque et l’investissement -
n’est pas compatible, notamment pour des raisons de maîtrise des risques
et de respect des différents corpus réglementaires, avec le projet d’une
entité opérationnelle unique. Par ailleurs, la proposition que j’ai
formulée dès l'hiver 2012-2013 de constituer un pôle d'investissement
public capable de gérer non seulement les fonds propres de la banque
mais aussi ceux d’autres investisseurs - publics et privés - imposait la
création d’une société de gestion unique distincte de la société de
portefeuille.
Cette organisation permet à l’Etat et à la CDC d’assurer un suivi
régulier, de manière constructive et coopérative, de l’ensemble des
activités du groupe. Elle permet aussi d’assurer une présence
d’administrateurs indépendants et qualifiés dans l’ensemble des conseils
d’administration du groupe. Aucun dossier n’a, à ce jour, donné lieu à un
conflit entre les deux actionnaires sur la gestion et les grandes
orientations de la banque. A cet égard, mes équipes veillent à les
informer d’une manière à la fois équitable et qui corresponde à leur
situation respective. Etat et CDC disposent ainsi de toutes les
informations nécessaires à l’exercice de leur prérogatives, aussi bien
dans le cadre des instances de gouvernance des différentes entités du
groupe (documents de conseils et de comités, y compris les comités
métiers, reporting mensuels d'activité, etc.) que dans celui des fonds
d’investissement que Bpifrance gère pour le compte de l’un ou l’autre
d’entre eux (ex. comités consultatifs des fonds du PIA, etc.).
J’ajoute que, sur les sujets cardinaux tels que le budget, le plan
stratégique ou le PMT, Etat et Caisse des Dépôts sont très étroitement
associés en amont et tout au long du processus de leur élaboration de
manière à en sécuriser la présentation et l’adoption dans les instances de
gouvernance. Ces échanges avec les services de l’Etat et de la CDC,
ainsi que ceux qui interviennent dans les instances de gouvernance,
permettent aux actionnaires d’apporter une vraie expertise, sachant que
les administrateurs sont avant tout censés défendre l’intérêt social de
l'entreprise.
Il ne m’appartient pas de me prononcer sur les propositions faites
par la Cour concernant l’EPIC Bpifrance, notamment celle consistant à
le supprimer et d’inscrire la garantie de l’Etat sur la dette de Bpifrance
Financement en loi de Finances. J'estime néanmoins que, loin d'être une
« structure écran », l’EPIC est avant tout le lieu où s’incarne l’Etat à la
fois en tant qu’actionnaire et lieu de réunion des différentes
administrations concernées par l’action de Bpifrance. L’EPIC permet
ainsi de mobiliser efficacement des ressources publiques (ressources PIA,
Bpifrance - novembre 2016
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RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS
197
crédits FEDER, etc.) pour en confier la gestion et en contrôler
l’exécution par Bpifrance. La présence de l'EPIC a en outre été jugée
suffisante pour que l'Etat puisse décider d'attribuer au groupe Bpifrance
la mission de gestion des garanties publiques à l'export jusqu'ici gérée
par COFACE. D’un point de vue opérationnel, la garantie de l'EPIC est
indispensable pour faciliter l’accès de Bpifrance aux marchés de
capitaux, notamment en cas de crise sur les marchés financiers, mais
dont la probabilité de son activation est très faible, puisqu’elle
correspond à un risque de défaillance de Bpifrance. Or, comme le
soulignent les travaux de la BCE, en cas de difficultés, le superviseur
aura de multiples alertes et les instances de gouvernance de la banque
pourront mettre en place toute une gamme de solutions de remédiation
avant un défaut et l’activation hypothétique de la garantie de l'EPIC. A
ce titre, outre le niveau absolu de fonds propres
254
, la qualité des actifs
mobilisables, le processus de pilotage de la liquidité et, plus largement
encore, la gestion d’ensemble de la banque ont été validés par le
superviseur européen dans le cadre des divers exercices conduits depuis
2014
255
.
Enfin, concernant la méthodologie de calcul du tarif de garantie
de l’EPIC à Bpifrance Financement, je rejoins la Cour pour considérer
qu’elle est effectivement imparfaite. Ceci dit, cette situation tient surtout
à la difficulté de déterminer des comparables pertinents à Bpifrance
Financement. Pour autant, cette méthodologie fait actuellement l’objet
d’une révision sous l’égide de la Direction Générale du Trésor de
manière à ce que le prix de la garantie reflète au mieux le différentiel de
risque entre Bpifrance Financement et l’EPIC.
La Cour recommande que Bpiffrance mette rapidement en place «
un dispositif de gestion des risques pleinement conforme aux exigences
réglementaires ». Sur ce point je voudrais d’emblée apporter la précision
suivante : Bpifrance, comme OSEO, a toujours veillé avec le plus grand
soin à maîtriser les risques générés par ses activités, comme en témoigne
un coût du risque extrêmement contenu. Sur l’aspect réglementaire, je
considère pour ma part que cette recommandation, qui était fondée en
2015, ne l’est plus aujourd'hui. Comme tous les établissements de la
Place, Bpifrance doit en permanence s’assurer que ses procédures de
254
Le ratio de solvabilité du groupe au 31/12/2015 était de 33,1% et de 10,7% pour
Bpifrance Financement.
255
Notamment Asset Quality Review, Supervisory Review Evaluation Process,
Internal Capital Adequacy Assessment Process et Internal Liquidity Adequacy
Assessment Process
Bpifrance - novembre 2016
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COUR DES COMPTES
198
gestion des risques sont en phase avec les exigences élevées du
régulateur et aux meilleurs standards de la place. C'est ce que nous
avons fait avec la création de la Direction des risques en janvier 2016 et
la mise en place d’un contrôle interne conforme à l’état de l’art.
Bpifrance satisfait aujourd’hui pleinement au règlement européen
concernant le dispositif de gestion des risques.
Concernant les interventions et le positionnement respectifs du PIA
et de Bpifrance, je partage les analyses de la Cour sur le risque de
surabondance des capitaux publics sur certains segments du marché du
capital
investissement
(notamment
le
capital
innovation)
et
le
positionnement respectif du CGI et Bpifrance, et je rejoins sa
recommandation qui vise à éviter tout recoupement des investissements
de Bpifrance sur ses fonds propres et celles conduites pour le compte du
PIA. A cet égard, je considère que la logique qui sous-tend les choix des
pouvoirs publics dans la perspective du PIA 3 en prévoyant une limitation
des interventions du PIA aux segments de marché non couverts par les
fonds propres de Bpifrance (ex. amorçage) doit impérativement être
préservée sur le long terme.
La stratégie de Bpifrance – qui vise à être primordialement
tournée vers le client en cherchant avant tout à répondre à ses besoins de
financement de l’investissement – est commune à l'ensemble de ses
activités, qu’elle les exerce pour son compte propre ou pour le compte de
ses bailleurs de fonds publics. Dans les deux cas, Bpifrance cherche en
permanence à optimiser l’usage des fonds qu’elle utilise. Cette
optimisation prend des formes variables :
-
un
accroissement
de
l’effet
de
levier
des
fonds
de
garantie/d’innovation,
dont
l’alimentation
par
des
dotations
publiques tend à se réduire et que des ressources complémentaires
ne pourront que partiellement compenser. Cette mise sous tension de
l’effet de levier des fonds de garantie/d’innovation, sensiblement
accrue au cours des dernières années, ne peut se poursuivre
indéfiniment sans mettre à risque les fonds propres de Bpifrance
Financement ;
-
à l’exception des aides à l’innovation, une intervention aux
conditions de marché et aux côtés des financeurs privés ;
-
une recherche, sur l’ensemble du portefeuille, d’un équilibre du
couple rentabilité/risque de l’activité d’investissement sur fonds
propres de Bpifrance qui permette à la fois de poursuivre l’activité
d’investissement tout en répondant aux exigences de dividende des
actionnaires.
Bpifrance - novembre 2016
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RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS
199
Dans ce cadre, la solidité financière et la robustesse du modèle
économique de Bpifrance sont éprouvées et confirmées par la BCE :
-
en 2014, Bpifrance a passé avec succès le Comprehensive Assesment
(Asset Quality Review et test de résistance) démontrant ainsi la
qualité de ses actifs et de ses modèles de gestion des risques, ainsi
que la résilience de son modèle économique à long terme ;
-
fin 2015, la BCE a confirmé la solidité du modèle Bpifrance en
assignant dans le cadre du Supervisory Review and Evaluation
Process, une exigence de niveau de fonds propres CET1 phasé (au
titre du pilier II), sur base consolidée, de 9,25% pour Bpifrance SA
et de 8,25% pour Bpifrance Financement, soit des niveaux nettement
inférieurs aux niveaux de solvabilité constatés à fin 2015
(respectivement 32,5% et 9,6%). Ces niveaux figurent parmi les plus
bas des banques françaises et ont été confirmés par la BCE en
septembre 2016 pour l’année 2017.
Je souhaite enfin rappeller que les deux métiers de garantie et
d’innovation, adossés à des ressources propres allouées par les pouvoirs
publics, ont, par construction, une gestion cantonnée de leurs risques,
une contribution très marginale au résultat du groupe et ne font, in fine,
peser que peu de risque sur la solidité du modèle économique du groupe
Bpifrance.
Aussi, le terme de « fragile » ne me semble pas adapté pour
qualifier le business model de Bpifrance.
Concernant le respect de la doctrine d’intervention, j’attire
l’attention de la Cour sur le fait qu’une interprétation trop étroite de telle
ou telle dimension de la doctrine est de nature à limiter sensiblement les
capacités d’intervention de Bpifrance pour des raisons de principes alors
qu’une approche pragmatique des dossiers d’investissements est
nécessaire dans des environnements toujours complexes. Notamment,
autant l’exclusion de certains domaines d'intervention comme les
infrastructures, la presse ou l’immobilier me semble devoir être
strictement respectée, autant la possibilité ouverte par la doctrine
d’investir en procédant à des opérations de cash out doit être clairement
maintenue.
Concernant enfin la gestion de l’entreprise, l’analyse de la Cour
sur la non-maîtrise des charges et l'insuffisance du pilotage budgétaire
me semble totalement infondée. Certes les charges progressent. Mais
cette croissance est cohérente avec la stratégie de développement de
Bpifrance, validée par ses actionnaires, qui a conduit à une forte
croissance de l'activité et des encours à gérer (notamment sur le
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200
préfinancement du CICE, les prêts sans garantie et les nouveaux fonds
d’investissement du PIA). Cette dynamique a entraîné une hausse
toujours maîtrisée des charges d'exploitation, comme en témoigne
l'amélioration continue du coefficient d'exploitation de Bpifrance
Financement sur la période 2013-2015 et le fait que, hors effets de
périmètre en 2014 et 2015 dont la gouvernance a été duement informée,
les charges d’exploitation réelles ont été systématiquement inférieures au
budget. Ce respect des budgets notifiés s’observe d'ailleurs largement au
sein du groupe : en 2014 et 2015, les trois quarts des directions de
Bpifrance ont dépensé moins que leur budget notifié et les autres ne l’ont
dépassé qu’après autorisation de la direction financière et dans la limite
des marges de manoeuvre dégagées par les premières. Ainsi, la
recommandation de la Cour de mise en place d’un pilotage budgétaire
efficace est donc sans fondement.
Concernant plus particulièrement les constats et propositions que
fait la Cour sur les rémunérations des collaborateurs de Bpifrance, je
souhaite apporter les éclairages suivants. La Cour laisse penser que,
dans le cadre de l’accord de construction sociale de Bpifrance, des
éléments de rémunération fixe sont venus en substitution d’éléments
variables et aléatoires. Dans la réalité, il convient au contraire de
retenir, conformément à la rédaction de l’accord du 3 février 2014, que
cette mesure salariale pour les salariés de l’ex-CDC Entreprises présents
du 1er janvier au 31 décembre 2013 ne venait pas en substitution des
éléments variables et aléatoires mais accompagnait socialement la mise
en place du nouveau dispositif. D’ailleurs, si cette mesure avait été en
substitution elle aurait concerné tous les salariés de Bpifrance
Investissement. Elle a, de surcroît, été validée par les différentes
instances de gouvernance du groupe.
La stigmatisation des équipes de l’ex-CDC Entreprises, qui
auraient, selon la Cour, bénéficié d’une augmentation de salaire
beaucoup plus importante que les autres collaborateurs du groupe, me
semble tout à fait injustifiée. Il n’a ainsi en aucun cas été mis en place un
mécanisme de compensation de la perte des dividendes des actions
gratuites de CDC Entreprises, ce que la Cour reconnaît d’ailleurs elle-
même. Plus largement, les évolutions de package ne révèlent pas que les
collaborateurs de l'ex-CDC Entreprise ont été mieux traités que les
autres collaborateurs de Bpifrance Investissement. Si l’on observe
l'ensemble
des
versements
(salaire
fixe
et
PVO,
intéressement,
participation et abondements PEE/PERCO) des "présents/présents" entre
2013 et 2014, la progression s'élève à 10% avec deux composantes :
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-
une évolution induite par la construction sociale (nouveau statut)
représente 5,6%. Sans la mise en place de nouveau statut, l'évolution
aurait été à 12% (vs. +18% pour les salariés venant de FSI et FSI
Régions) ;
-
le solde (+4,4%) représente le coût des revalorisations de salaires
qui ont accompagné les changements de postes.
Au total, cette progression est restée maîtrisée et totalement en
ligne avec le budget et le cadrage arrêtés par la gouvernance de
Bpifrance.
Quant à la masse salariale des cadres dirigeants de Bpifrance que
la Cour recommande de stabiliser, je souhaite préciser que les
augmentations passées ont été motivées par la prise en compte des
nouvelles fonctions exercées et l’extension des responsabilités dans un
groupe plus important, ainsi que pour ajuster leur niveau entre cadres
dirigeants ayant des responsabilités équivalentes. En tout état de cause,
soyez assuré que je fais mien et permanent l’objectif de maîtrise des
évolutions la masse salariale des cadres dirigeants du groupe comme
l'illustre l’évolution de la rémunération (salaire fixe + prime variable)
moyenne de l’ensemble des membres du COMEX, qui s’élevait au 30 juin
2016 à 308k€ (avec une hypothèse de versement de la totalité des PVO
cibles), en baisse de 8,7% par rapport au 31 décembre 2014 (337,5k€).
Je rappelle par ailleurs que la rémunération moyenne des membres du
COMEX est aujourd’hui inférieure à celle d'autres grandes entreprises
publiques telles que la SNCF ou La Poste.
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DE L’ASSOCIATION DES RÉGIONS
DE FRANCE (ARF)
Comme le rappellent les termes de la Plateforme commune Etat-
Régions : ensemble pour l'emploi, la bonne articulation de l’action
régionale de Bpifrance avec le schéma régional de développement
économique, d’innovation et d’internationalisation (SRDEII) est un enjeu
majeur pour la compétitivité des entreprises.
Conformément à la montée en responsabilité des Régions sur le
développement économique de leur territoire et à la poursuite du travail
de simplification et d’optimisation de l’accompagnement des entreprises
par la puissance publique, il importe que l’action des Régions et celle de
Bpifrance soient bien coordonnées.
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Cette volonté de coordination s’était traduite d’une part par la
volonté des Régions de figurer en bonne place au sein des instances de
Bpifrance au niveau national et au niveau régional, d’autre part à défaut
de la création de banques publiques régionales comme le souhaitait
l’ARF à une véritable déconcentration du processus de décision
notamment sur les investissements en fonds propres.
L’Association des Régions partage les observations de la Cour des
comptes quant au poids peu élevé laissé aux Régions au sein du Conseil
d’administration et sur le manque de visibilité du rôle du Conseil
national d’orientation et surtout de son faible rôle opérationnel.
L’Association des régions rappelle à ce titre les indications du
rapport de la mission sur la Banque publique d’investissement Bpifrance
présenté
par
les
députés
Véronique
Louwagie
et
Laurent
Grandguillaume, précisant : « Les craintes parfois exprimées d’une
emprise trop forte des régions sur la gouvernance de Bpifrance
n'apparaissent finalement pas fondées. Au contraire, les régions semblent
en définitive, sur le plan institutionnel, trop peu associées à l’action de la
BPI, ce qui peut nuire à la complémentarité stratégique des actions
engagées sur le terrain ».
L’ARF souligne aussi la faiblesse des seuils de délégation sur les
investissements en fonds propres qui ne permettent pas à l’échelon
régional de la BPI d’intervenir de manière réactive.
Concernant les Comités régionaux d’orientation, l’Association des
Régions partage les constats de la Cour des comptes. Il avait été jugé
utile d’introduire une mention dans la Plateforme commune Etat-Régions
qui dispose que les comités régionaux d'orientation puissent s’assurer de
la bonne articulation entre l’action des Régions et de Bpifrance afin
d'éviter que toutes les décisions soient prises en centrale.
Les Régions partagent la nécessité pointée par la Cour de
favoriser la lisibilité des dispositifs de financement et d’accompagnement
et y veilleront dans le cadre de l’élaboration et la mise en oeuvre de leur
schéma
régional
de
développement
économique, d’innovation
et
d’internationalisation (SRDEII) en bonne intelligence avec Bpifrance et
ses équipes.
En effet, les Régions accordent, au SRDEII une grande
importance. Ce schéma, fruit d’une concertation large d’institutionnels
(dont Bpifrance), de territoires et d’entreprises devra permettre d’assurer
la mise en cohérence des politiques d’appui à la recherche, à
l’innovation, à l’internationalisation et à l’accompagnement des PME, à
la création à l’export en passant par le financement, d’éviter le
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RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS
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saupoudrage et les doublons qui nuisent à la visibilité et l’efficacité de
nos actions et d’afficher une stratégie stable et lisible aux entreprises de
leurs territoires.
Il importe donc que les actions de chacun puissent converger
autour de cet exercice, dont la large concertation assiéra la légitimité.
Cet appel à la convergence pourrait rassurer la Cour des comptes
quand elle souligne de manière excessive selon l’Association des Régions
de France que le développement d’outils locaux dans le domaine du
soutien aux entreprises complémentaires à l’action de Bpifrance peut
conduire à un foisonnement complexe d’outils.
Même si la Cour relaie la gamme de service en ligne de Bpifrance,
ce que l’association des Régions de France rappelle c’est bien la
nécessité pour les Régions et Bpifrance de travailler main dans la main
chacun dans ses attributions. En effet, les Régions ne sont pas les clients
de Bpifrance mais bien des partenaires au service de l’intérêt général.
L’Association des Régions de France estime que cette volonté
devrait concourir aux besoins de lisibilité des dispositifs de financement
et d’accompagnement que la Cour des comptes appelle de ses voeux.
Les préoccupations de Bpifrance quant aux enjeux de la réforme
territoriale relayées dans le relevé sont bien évidemment partagées par
les Régions qui sont à la manoeuvre.
Les Régions et Bpifrance avaient d’ailleurs eu l’occasion
d’échanger sur ce sujet lors d'un séminaire commun le 23 mars dernier
où chacun avait eu l’occasion de réaffirmer leur volonté d’un partenariat
clair et équilibré.
Bpifrance - novembre 2016
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