Sort by *
6
La prise en compte de l’adaptation
au changement climatique dans
la politique immobilière de
l’État
_____________________ PRÉSENTATION_____________________
Parmi les politiques publiques impliquées dans la réponse au défi
de l’adaptation au changement climatique, la politique immobilière de
l’État à l’égard de son propre parc, qui comprend 200
000 bâtiments et
représente 95 millions de mètres carrés, montre un réel retard. Cette
situation tient pour partie à une connaissance insuffisamment fine des
caractéristiques et de l’état d’entretien de ce parc de taille considérable,
très diversifié et réparti sur l’ensemble du territoire métropoli
tain et
ultramarin, mais aussi à la difficulté de mobiliser les ressources
nécessaires à son entretien et à sa rénovation. Elle résulte également de
l’intégration très récente,
dans une politique immobilière de l’État qui
donne la priorité à la diminution de ses émissions de gaz à effet de serre et
de son empreinte carbone, des préoccupations d’adaptation de ses
bâtiments au réchauffement climatique. Ainsi l’immobilier de l’État
constitue encore un angle mort de la politique d’adaptation au
réchauffement climatique.
Le présent chapitre établit le constat de l’inadaptation du parc
immobilier de l’État aux risques découlant du changement climatique,
risques par ailleurs mal mesurés (I), avant de constater l’inadéquation des
mesures déjà prises et de proposer des pistes pour une véritable politique
d’adaptation de l’immobilier de l’État (II).
COUR DES COMPTES
424
I -
Un parc immobilier de l’État mal adapté
aux risques climatiques
L’État est doté d’un parc immobilier très vaste et très diversifié sur
lequel pèsent des risques climatiques variés et insuffisamment appréhendés.
A -
Un parc immobilier de
l’État
étendu et diversifié
Le périmètre de la politique immobilière de l’État comprend
l’ensemble des biens appartenant à l’État, ainsi que ceux qu’il occupe ou
qu’il contrôle directe
ment ou indirectement à travers des établissements
publics nationaux (EPN) ou des opérateurs de l’État (notamment les
universités). Les établissements hospitaliers, les écoles, les collèges et les
lycées n’en font pas partie.
Le parc immobilier de l’État est très étendu
: il comprend près de
200 000 bâtiments différents occupant 95 millions de mètres carrés et
répartis sur l’ensemble du territoire, métropolitain et ultramarin, sous
diverses altitudes et latitudes. Son exposition aux risques liés au
réchauffement climatique varie selon la localisation du bâtiment. Ces
risques sont de plusieurs natures : températures extrêmes, tempêtes,
inondations, élévation du niveau des mers, créant des désordres géologiques
(retrait-gonflement des sols argileux, recul du trait de côte) etc.
LA PRISE EN COMPTE D
E L’ADAPTATION AU CH
ANGEMENT CLIMATIQUE
DANS LA POLITIQUE IM
MOBILIÈRE DE L’ÉTAT
425
Tableau n° 23 :
parc immobilier de l’État ventilé par fonction
Type
de bâtiment
Nombre
de bâtiments
Surface
(m
2
)
Bureau
20 521
22 862 303
Bâtiment enseignement ou sport
10 290
20 139 079
Bâtiment technique
45 536
19 335 774
Logement
48 660
18 157 011
Bâtiment sanitaire ou social
7 269
9 195 318
Bâtiment culturel
1 462
3 279 356
Bâtiment agricole ou d'élevage
1 924
629 974
Ouvrages d'art réseaux voiries
15 459
470 699
Édifice du culte
320
375 823
Monument et mémorial
1 040
360 817
Autres
40 197
291 859
Total
192 278
95 098 014
Source : Infocentre France Domaine
Inventaire immobilier
Extraction du 28/04/2023
L’essentiel du parc de l’État est composé de bureaux (24
%), de
bâtiments d’enseignement ou de
sport (22 %), de bâtiments techniques
(19 %) et de logements (19 %). Par ses fonctions, ce parc peut exposer ses
usagers et ses agents à des risques de plus forte intensité, notamment aux
épisodes caniculaires.
C’est le cas par exemple des établissements
pénitentiaires, des casernes, des gendarmeries et des hôtels de police, des
universités, des bâtiments techniques et industriels qui relèvent
principalement des secteurs de la recherche (laboratoires) ou de la défense.
Les surfaces occupées par l’État se so
nt contractées de 5,4 % entre
2017 et 2021, sous l’effet de la cession de biens initiée par la circulaire du
28 février 2007 et de la réduction des surfaces de bureaux visée par la
circulaire du 16
janvier 2009. L’État a poursuivi dans ce cadre
un triple
objectif d'efficacité des services publics, de maîtrise de ses dépenses de
fonctionnement et de réduction de son empreinte environnementale. Une
circulaire de la Première ministre, en date du 8 février 2023, a fixé une
nouvelle doctrine d’occupation des immeubles de l’État qui devrait
conduire dans la durée à poursuivre la réduction des surfaces de bureaux.
Sur le total de cette surface, l’État et ses opérateurs sont propriétaires
de 75,8 millions de mètres carrés, soit 80 % des surfaces, le solde étant loué
ou mis à disposition. Ce patrimoine est très concentré. Près de la moitié des
bâtiments relève des ministères des armées et de l’intérieur, les deux
tiers
COUR DES COMPTES
426
si
l’on y ajoute ceux de l’éducation
nationale
et de l’enseignement
supérieur, principalement constitués des universités et des laboratoires de
recherche. Les bâtiments scolaires relèvent en revanche des collectivités
locales (communes, départements et régions).
Graphique n° 36 :
parc immobilier de l’État ventilé par administration
Source : Infocentre France Domaine
Inventaire immobilier
Extraction du 28/04/2023
B -
Une mesure lacunaire des risques
liés au réchauffement climatique
L’étendue géographique du parc immobilier expose celui
-ci, selon
les types de bâtiments et leur localisation, à tous les risques découlant du
réchauffement climatique. Un quart des surfaces de bureaux occupées par
l’État ou ses opérateurs
est par exemple situé dans des régions
métropolitaines
méridionales
(Corse,
Provence-Alpes-
Côte
d’Azur,
Nouvelle-Aquitaine, Occitanie) particulièrement exposées aux canicules et
à la sécheresse ; 3,5 % se trouvent dans les territoires ultramarins, où la
fréquence des phénomènes météorologiques extrêmes est plus élevée.
LA PRISE EN COMPTE D
E L’ADAPTATION AU CH
ANGEMENT CLIMATIQUE
DANS LA POLITIQUE IM
MOBILIÈRE DE L’ÉTAT
427
Ces risques doivent être pris en compte par la direction de
l’immobilier de l’État (DIE)
, chargée du pilotage de la politique
immobilière de l’État. Forte de ses 1 500 agents, rattachée au ministère des
comptes publics, elle a développé ou enrichi des outils de recensement et
de diagnostic de l’état des bâtiments. Ainsi, l’
un des modules
371
du logiciel
comptable de l’État, Chorus, tient un inventaire patrimonial, tandis que le
système d’information de l’immobilier de l’État comporte un référentiel
technique qui recense les principales caractéristiques de chaque bâtiment
(surfaces, accessibilité,
bilan énergétique, etc.) et dispose d’un outil
d’analyse et de diagnostic. Ce dernier permet d’établir les schémas
pluriannuels de stratégie immobilière ministérielle (SPSI) et leur
déclinaison pour les services déconcentrés, les schémas directeurs
immobiliers régionaux (SDIR).
Ces outils sont cependant encore en cours de déploiement. À fin juin
2022, les données présentes dans le référentiel technique des biens occupés
par les opérateurs de l’État n’affichaient un indice global de complétude
que de 65 %
372
, en progression toutefois de cinq points sur une année. Pour
les
données relevant de l’état technique, de l’accessibilité ou du confort
d’usage, ce ratio ne s’élevait à la même date qu’à 60
%. Pour mesurer de
façon précise la vulnérabilité des bâtiments aux effets du réchauffement,
ces données devront être doublement complétées, d’une part, par une
caractérisation technique exhaustive des locaux recensés et, d’autre part,
par un élargissement des données collectées (relevés de températures,
qualité des matériaux, exposition solaire, etc.).
Seuls
une meilleure connaissance des caractéristiques d’exposition
aux risques liés au réchauffement climatique de chaque bâtiment et leur
rapprochement avec la carte territoriale des probabilités d’évènements
climatiques, telle que celle fournie par Météo France
via
le portail
DRIAS
373
, permettront
, à terme, de déployer une politique d’adaptation du
parc immobilier au changement climatique.
371
Le module REFX.
372
PLF 2023, DPT -
Politique immobilière
de l’Etat
.
373
Voir le chapitre introductif du présent rapport.
COUR DES COMPTES
428
II -
L’urgence d’adapter
la politique
immobilière de l’État au changement climatique
L’État s’est progressivement doté d’une stratégie immobilière visant
à atténuer le réchauffement climatique par la réduction des émissions de
gaz à effet de serre. Cette politique est ordonnée autour d’objectifs, d’outils
de programmation, d’une gouvernanc
e sophistiquée et de financements.
Pourtant, en dépit de la forte exposition du parc immobilier de l’État aux
conséquences désormais avérées et subies du réchauffement climatique, la
politique actuelle n’intègre pas cette dimension critique dans ses priori
tés.
A -
Une politique immobilière de l’État
qui n’a pas encore pris en
compte
l’adaptation
au réchauffement climatique
1 -
Une priorité accordée à l’atténuation
dans les stratégies immobilières
Focalisée sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre des
bâtiments, la politique immobilière de l’État n’a jusqu’ici pas considéré
l’adaptation du parc aux effets du réchauffement climatique comme un
objectif. De ce fait, les outils de diagnostic et de mesure nécessaires n’ont
pas été développés. Les phénomènes liés au réchauffement climatique
sont pourtant observés depuis longtemps, que ce soit en tendance (+ 1,5
à 2°C depuis 2010 par rapport à 1961-1990),
à l’occasion d’épisodes
caniculaires, notamment depuis 2003, ou de catastrophes naturelles à
répétition (inondations, ouragans dans les Antilles :
Mathew
en 2016,
Irma
en 2017,
Beryl
en 2018).
En 2018, une réflexion interministérielle dans le cadre de la
conférence nationale de l’immobilier public (
CNIP
) a été à l’origine d’une
première feuille de route pour la transition énergétique des bâtiments de
l’État.
Plusieurs orientations ont été arrêtées et
mises en œuvre dans le
cadre de différents chantiers pilotés par la
direction de l’immobilier de
l’État, parmi lesquels la mise en place d’un suivi périodique des
consommations énergétiques ou
l’élaboration d’une nouvelle méthode de
construction des schémas directeurs, qui place la transition énergétique au
rang de priorité. De même, a été mise en place une procédure de
« labellisation » des projets neufs ou de rénovation, qui conditionne
l’accord
de la CNIP
ou, à l’échelon déconcentré, d
es conférences
LA PRISE EN COMPTE D
E L’ADAPTATION AU CH
ANGEMENT CLIMATIQUE
DANS LA POLITIQUE IM
MOBILIÈRE DE L’ÉTAT
429
régionales de l’immobilier public. Ce label
valide le respect de critères
tenant à la qualité intrinsèque du projet, à sa performance énergétique,
économique et écologique et à son impact financier. Aucun critère ne porte
cependant sur les réponses apportées par le projet aux défis de l’adaptation
au changement climatique.
Le secrétariat général à la planification écologique (SGPE), créé en
juillet 2022 et placé s
ous l’autorité
du Premier ministre, veille à la bonne
articulation de l’ensemble des politiques publiques
en faveur de la
transition écologique
. S’agissant de la
politique immobilière, le SGPE a
conduit, avec la
direction de l’immobilier de l’État,
un groupe de travail
«
Planification écologique, bâtiment de l’État
» dont l
’objectif
était de
proposer
en 2023, avec l’appui du c
entre d'études et d'expertise sur les
risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), une
trajectoire financière pluriannuelle de rénovation des bâtiments publics.
Cette dernière vise essentiellement des objectifs d’atténuation.
De même, dans la circulaire de la Première ministre du 8 février
2023 relative à la nouvelle doctrine d’occupation des immeubles de l’État
,
ne
figure
qu’un
seul
objectif
de
réduction
de
«
l’empreinte
environnementale
» de l’État et notamment des émissions de gaz à effet de
serre. La question du «
confort d’usage
» des immeubles de l’État, en
particulier pendant les périodes de canicule, n’y est p
as abordée.
Enfin,
au
titre
des
financements,
les
crédits
budgétaires
conventionnels comme ceux issus de plans exceptionnels consacrés à
l’immobilier, ont financé à titre principal des mesures de rénovation
thermique ou d’économie d’énergie.
2 -
Des investissements immobiliers ciblés sur la rénovation
thermique et sur les économies d’énergie
Depuis 2018, deux budgets immobiliers exceptionnels ont été créés :
-
le programme 348
Rénovation des cités administratives
, doté d'un
milliard d'euros sur cinq ans à compter de 2018 dans le cadre du Grand
plan d’investissement
;
-
le programme 362
Écologie - action 01 : rénovation énergétique
,
du
plan de relance de 2020, doté de 2,7 milliards
d’euros
pour le soutien
du secteur du bâtiment et des travaux publics. Cette enveloppe est
destinée aux travaux de rénovation énergétique des bâtiments publics
appartenant à
l’État ou
à ses opérateurs.
COUR DES COMPTES
430
Le G
rand plan d’investissem
ent
de l’automne 2017
, porté par le
programme 348 (1 Md€),
a inclus un premier chantier de rénovation des
cités administratives, consacré en priorité à la rénovation énergétique mais
aussi à l’accueil des usagers et au cadre de travail
374
. La direction de
l’immobilier de l’État
a été chargée de ce volet du Grand plan
d’investissement
en janvier 2018.
À l’issue d’appels à projets,
38 cités
administratives ont été retenues pour des opérations de reconstruction
(notamment à Amiens, à Lille, à Lyon ou à Nantes) ou de rénovations
lourdes des bâtiments. Les coûts de reconstruction
s’échelonnent entre
49,3
M€ (Nant
es) et 149,4
M€ (Lille)
, et les projets de rénovation entre
471 000
€ (Aurillac)
et
54 M€ (Strasbourg).
Le plan de relance de 2020 a renforcé les moyens alloués à ces
actions, en cohérence avec la loi Elan
375
, qui fixe des objectifs de
performance énergétique pour les bâtiments, et avec le décret tertiaire
376
,
qui précise ses modalités d'application en imposant aux entreprises et à
l’État de réduire la consommation d'énergie de leurs bâtiments abritant des
activités tertiaires. Une enveloppe exceptionnelle de
4 Md€
a été affectée
à la rénovation énergétique de
s bâtiments de l’État (1,31 Md€), des
bâtiments universitaires et de recherche (1,36 Md€)
, jugés prioritaires
377
,
et aux projets des
collectivités territoriales (1,3 Md€)
,
via
un abondement
de la dotation de
soutien à l’investissement local (DSIL)
378
. Financée au
titre du plan européen «
Next Generation EU
» au profit de la lutte contre
le changement climatique et de la neutralité carbone, elle a permis de
financer plus de 6 500 projets
379
de tailles très diverses. Nombre
d’entre
eux ont porté sur le remplacement des ampoules par des LED (programme
TIGRE
travaux immobiliers à gains rapides).
Parmi les projets consacrés à la rénovation thermique, 60 %, soit
environ 1 600 opérations,
comprenaient une dimension d’isolation.
Même
si ces travaux d’isolation ne visaient pas directement à adapter les
bâtiments aux effets du réchauffement, ils ont pu contribuer incidemment
à améliorer le confort d’été.
374
Mission 22
Action et transformation publique
, Programme 348
Rénovation des cités
administratives et des sites multi-occupants
.
375
Loi dite Élan n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de
l’aménagement et du numérique.
376
Décret n° 2019-771 du 23 juillet 2019 dit « tertiaire ».
377
Mission
Plan de relance
, programme 362
Écologie
, action 01
Rénovation énergétique
.
378
La direction générale des collectivités
locales du ministère de l’
intérieur et de la
cohésion des territoires (DGCL) a été chargée du suivi de ce volet. Le patrimoine des
collectivités locales est trois fois supérieur en surfaces à celui de l’État. Leurs quelque
6 500 projets ont concerné au deu
x tiers les bâtiments d’enseignement, qui ne font pas
partie de l’immobilier de l’État mais sont affectés au service public de l’éducation.
379
À fin avril 2023, 98 % des crédits avaient été engagés et 54 % consommés sur
l’enveloppe totale de 2,7 Md€.
LA PRISE EN COMPTE D
E L’ADAPTATION AU CH
ANGEMENT CLIMATIQUE
DANS LA POLITIQUE IMMOBILIÈRE
DE L’ÉTAT
431
Au-delà de ce constat général, quelques rares opérations ont fait
exception, en ciblant spécifiquement l’adaptation aux épisodes de canicule.
C’est le cas du programme de construction de 15
000 places de prison sur
la période 2018-2027 et de la rénovation de douze établissements
pénitentiaires
construits avant l’an 2000. L’
Agence publique pour
l’immobilier de la justice (APIJ), qui assure la maîtrise d’ouvrage déléguée
de ce programme, a défini ses propres normes de «
confort d’été
» et a
permis d’identifier des solutions pour limiter la tempéra
ture dans ces lieux
de confinement non climatisés.
3 -
L’
immobilier
, angle mort du plan national d’adaptation
au changement climatique
Dans le cadre de la mise en œuvre du
Grenelle de l’environnement
380
,
une concertation nationale avait été organisée en vue de préparer le premier
plan national d’adaptation au changement climatique
- PNACC 1 (2011-
2015). Au titre du volet « Urbanisme et cadre bâti », une fiche-action confiée
à la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages du ministère de la
transition écologique prévoyait quatre chantiers :
-
Action n° 1 : intervenir pour l'adaptation au changement climatique au
niveau des documents d'urbanisme ;
-
Action n° 2 : adapter la gestion de la nature en ville et la gestion des
espaces verts ;
-
Action n° 3 : lutter contre la canicule en ville et limiter l'effet d'îlot de
chaleur ;
-
Action n° 4 : agir pour le confort du bâti dans le contexte de hausse
globale des températures.
Les principaux enjeux de l’adaptation de l’immobilier de l’État au
réchauffement climatique avaient donc été correctement identifiés il y a plus
de dix ans
. Ils n’ont pas
pour autant trouvé de traduction concrète dans la
mise en œuvre de ces orientations. Seul un appui à des travaux de recherche
sur ce sujet avait été financé, selon le
s conclusions de l’évaluation du thème
n° 11 du PNACC 1
381
- « urbanisme et cadre bâti », établie en novembre
2015 par le Conseil général de l'environnement et du développement durable.
380
Loi n° 2009-967 du 3 août 2009
de programmation relative à la mise en œuvre du
Grenelle de l
environnement.
381
Conseil général de l’environnement et du développement durable
,
Évaluation du
PNACC
, rapport n° 010178-01, novembre 2015.
COUR DES COMPTES
432
Après cette première prise de conscience, il est surprenant de
constater que le deuxième PNACC (2018-
2022) n’a pas repris et
approfondi cet enjeu d’adaptation. Les actions concernées ont en effet été
dispersées dans des rubriques transversales portant sur
« la recherche et la
connaissance »
,
« l’information et la sensibilisat
ion »
ou
« les lois, codes,
normes et règlements techniques »
.
Parmi les 471 sous-actions que porte le PNACC 2, 90 ont été
identifiées par la Cour comme susceptibles d’intéresser indirectement la
politique
immobilière
de
l’État
et
deux
seulement
concernent
spécifiquement
le bâti et ont été mises en œuvre
: la règlementation
environnementale 2020 (RE 2020
), d’une part, et la
prise en compte du
phénomène de retrait-gonflement des sols argileux
382
dans les techniques
de construction
, d’autre part
. La plupart des autres mesures visent des
objectifs transversaux non ciblés sur les questions liées aux constructions.
Fin 2022, 43 mesures sur 90 étaient toujours en cours ou n’
avaient pas
commencé
à être mises en œuvre. Or,
la réalisation de 25
d’entre elles
aurait dû arriver à échéance au plus tard à cette date.
L’une des rares avancées en matière d’adaptation résulte de
l’adoption de la réglementation environnementale RE
2020 qui, tout en
encadrant à titre principal les émissions de carbone et les consommations
d’éner
gie des bâtiments neufs, vise également à garantir le confort en cas
de forte chaleur et impose des exigences spécifiques pour résister aux
épisodes de canicule. Elle fixe notamment des seuils de température à ne
pas dépasser
383
. L’application de cette régle
mentation est toutefois limitée
aux constructions neuves, dont l’impact sur le parc immobilier de l’État est
faible, compte tenu d’un taux de renouvellement de 2 à 3
% par an.
L’enjeu de l’adaptation étant désormais clairement identifié, le
prochain
plan
n
ational
d’adaptation
au
changement
climatique
(PNACC
3), en cours d’élaboration, devra impérativement décrire la
stratégie immobilière à adopter dans le cadre du nouveau scénario
climatique retenu par le Gouvernement.
382
«
Sols argileux et catastrophes naturelles
» - Rapport de la Cour des comptes
février 2022.
383
Seuil maximal de 1250 degrés-heures (DH), soit 25 jours avec des températures de
30°C en journée et de 28°C la nuit.
LA PRISE EN COMPTE D
E L’ADAPTATION AU CH
ANGEMENT CLIMATIQUE
DANS LA POLITIQUE IM
MOBILIÈRE DE L’ÉTAT
433
B -
L’urgente intégration dans la politiq
ue immobilière
de
l’
É
tat d’actions d’adaptation
au réchauffement climatique
1 -
Intégrer l’adaptation au changement climatique
dans les priorités de la stratégie immobilière de l’
État
Lors de l’examen par le Conseil de l’immobilier de l’État
384
, en
novembre
2022, de l’évolution des orientations en matière de transition
environnementale, aucune mesure spécifique à l’adaptation n’a été
introduite. Le contexte international et la hausse des coûts de l’énergie ont
conforté la priorité donnée à la réduction de la consommation et de la
dépendance de la France aux énergies fossiles importées, comme l’illustre le
plan de sobriété énergétique lancé par le gouvernement le 6 octobre 2022.
Plus récemment, fin 2022, un groupe de travail intitulé « planification
écologique
», piloté par la direction de l’immobilier de l’État et par le
secrétariat général à la planification écologique, a été constitué pour bâtir une
trajectoire pluriannuelle de rénovation des bâtiments publics. Plusieurs
scénarios ont été dessinés à cette occasion. Le plus exigeant, qui incluait
notamment l’objectif d’adaptation au changement climatique, a rapidement
été écarté en raison des efforts financiers qu’il aurait fallu consentir, jugés
hors de portée dans le contexte budgétaire actuel. Le scénario dit
« réglementaire
», qui prévoit de répondre aux seuls objectifs d’ores et déjà
fixés, a été retenu. Il prévoit :
-
la rénovation d’ici 2034 des logements de l’État identifiés comme
« passoires thermiques »
385
conformément à la loi « climat et
résilience »
386
;
-
l’atteinte des objectifs de baisse de consommation énergétique du
dispositif éco énergie tertiaire pour le parc tertiaire ;
-
la rénovation au niveau
Nearly Zero energy Building
d’au moins 3
%
du parc par an
; l’application du décret BACS
387
se traduisant par la
mise en place d’une régulation des équipements de chauffage et de
refroidissement et de leur calorifugeage ;
384
Le CIE est un organe consultatif chargé d
’é
clairer le ministre en charge des
Domaines sur la
mise en œuvre de la
stratégie immobilière. Il produit des avis motivés
sur les SPSI et SDIR. Il est actuellement présidé par M. Jean-Paul Mattéi, député.
385
La DIE, à partir de données de l’observatoire national de la rénovation thermique
estime que près de 17
% des logements de l’État (8
300) seraient classés F ou G.
386
Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et
renforcement de la résilience face à ses effets.
387
Décret n° 2023-259 du 7 avril 2023 relatif aux systèmes d'automatisation et de contrôle
des bâtiments tertiaires (
Building Automation and Control System
ou « BACS »).
COUR DES COMPTES
434
-
l’application de la directive européenne sur la performance
environnementale des bâtiments
388
, transposée en France sous la
forme d’un objectif d
e réduction de la consommation des 15 % de
bâtiments les moins performants en 2030, part portée à 25 % en 2034 ;
-
l’application du dispositif «
services publics écoresponsables »
389
(sortie des chaudières fioul et installation de bornes « infrastructure de
recharge de véhicule électrique »).
Compte tenu de la répétition rapprochée des évènements climatiques
critiques, il semble urgent d’inscrire également dans ce scénario un objectif
d’adaptation. Ce volet devra être intégré aux orientations portées par la
fu
ture stratégie française sur l’énergie et le climat et ses différentes
composantes (la stratégie nationale bas carbone, le plan national
d’adaptation au changement climatique et la programmation pluriannuelle
de l’énergie) et faire l’objet de déclinaisons
opérationnelles dans les
stratégies ministérielles nationales et déconcentrées.
2 -
Appliquer le cadre réglementaire
aux bâtiments de l’
État
Le
levier
réglementaire
constitue
un
instrument
efficace
d’adaptation du parc immobilier de l’État, en prescrivant des
obligations
inscrites dans un calendrier. La politique immobilière de l’État est soumise
aux dispositions de la directive européenne sur la performance énergétique
des bâtiments
390
. Celle-ci
a introduit en 2018 l’obligation pour chaque État
membre d’établir des stratégies de rénovation à long terme pour soutenir la
rénovation du parc national de bâtiments, tant publics que privés, en vue
de constituer un parc immobilier à haute efficacité énergétique et
décarboné d’ici 2050.
Cette directive cible en priorité l
’atténuation
mais
inclut dans les objectifs de performance et de décarbonation le
refroidissement et le chauffage des locaux.
388
Directive (UE) 2018/844 du parlement Européen et du conseil du 30 mai 2018
modifiant la directive 2010/31/UE sur la performance énergétique des bâtiments et la
directive 2012/27/UE relative à l’efficacité énergétique.
389
Circulaire du Premier ministre du 25 février 2020 «
Engagements de l’État pour des
services publics écoresponsables ».
390
Directive 2010/31/UE modifiée par la directive modificative 2018/844/UE. La
directive EPBD, pour
Energy Performance of Building Directive
, soit « performance
énergétique des bâtiments ».
LA PRISE EN COMPTE DE
L’ADAPTATION AU CHA
NGEMENT CLIMATIQUE
DANS LA POLITIQUE IM
MOBILIÈRE DE L’ÉTAT
435
Au plan national, l’État est particulièrement concerné par les
obligations d’économies d’énergie dans le secteur tertiaire, introduites
par la loi Elan. Le décret du 23 juillet 2019, dit « tertiaire », a fixé les
obligations de réduction de la consommation
d’énergie finale dans des
bâtiments à usage tertiaire au travers du dispositif « éco énergie
tertiaire »
391
. L’État est tenu par ces obligations, qui visent à dégager
des économies d’énergie d’au moins 40
% d’ici 2030, 50
% en 2040 et
60 % en 2050, par rapport au niveau atteint en 2010. Comme évoqué
précédemment, la norme RE2020, applicable aux bâtiments publics mis
en chantier depuis 2022, s’inscrit dans la même logique. Enfin, en ce
qui concerne les logements de l’État, la loi dite «
Climat et
résilience »
392
impose à tous bailleurs de remettre à ses locataires des
biens décents, répondant à un critère de performance énergétique
minimal. Cette réglementation s’applique à l’État quand il loue à des
tiers ou met des logements à la disposition de ses agents, quel que soit
leur statut d’occupation.
Même si ces réglementations d’atténuation du changement
climatique contribuent concomitamment à l’objectif d’adaptation, il paraît
nécessaire et urgent de les compléter par des mesures spécifiquement
ciblées sur ce dernier enjeu. Des prescriptions techniques particulières
apparaissent nécessaires pour assurer la protection des cinq façades, le
rafraîchissement naturel, la végétalisation des toits et abords, tout en
proscrivant les mesures de mal-adaptation
393
.
C’est le sen
s de la treizième
recommandation du rapport
394
de l’inspection générale de l’environnement
et du développement durable publié en décembre 2022, qui recommande
de «
s’assurer que les impacts du changement climatique sont
systématiquement pris en compte lors d
e l’élaboration et de la révision des
normes
et
référentiels
techniques,
notamment
ceux
relatifs
aux
infrastructures et au bâtiment ».
391
Les principales obligations portent sur la mise en place d’un système de suivi et de
management énergétique du bâtiment, plan d’action moyen et long terme, schéma
directeur énergétique, plan de financement.
392
Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et
renforcement de la résilience face à ses effets.
393
Comme le recours à la climatisation.
394
IGEDD,
Mission de parangonnage international sur les politiques d’adaptation au
changement climatique
», décembre 2022.
COUR DES COMPTES
436
3 -
Pour généraliser les diagnostics de vulnérabilité et résilience,
adapter les systèmes d’information
La prise en compte d
e l’adaptation au changement climatique
requiert de réaliser pour chaque bâtiment un diagnostic de vulnérabilité et
de résilience, en croisant les informations sur ses caractéristiques avec
celles des prévisions à moyen et long terme sur les évolutions du
réchauffement et leurs conséquences sur tout le territoire. Les résultats de
ces diagnostics permettront de définir plus précisément les niveaux
d’adaptation à atteindre et de prioriser les chantiers à lancer.
Pour établir le diagnostic des risques nécessa
ire à l’élaboration des
schémas directeurs immobiliers régionaux, les acteurs de la politique
immobilière de l’État s’appuient sur les informations du portail
Géorisques
du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires qui
présent
e, sur chaque point du territoire, l’historique et le niveau
d’exposition mesuré à ce jour. Les données issues de la projection des
différents scénarios d’élévation des températures du GIEC et ses effets sur
les aléas climatiques ne sont pas aujourd’hui disponibles dans l’outil. Cette
limite, qui s’ajoute à l’absence d’interfaçage des données de
Géorisques
au
système d’information immobilière de l’État, affaiblit significativement la
fiabilité des diagnostics de risques aggravés par le changement climatique.
Des outils susceptibles de porter ces diagnostics existent déjà pour
la construction privée.
Batadapt
, mis au point par l’observatoire de
l’immobilier durable
395
, est fondé sur une cartographie qui combine le
réchauffement et les risques naturels à l’empla
cement du bâtiment, avec
des projections temporelles à 2030, 2050, 2070 et 2090. Une analyse
croisée des risques climatiques et des caractéristiques intrinsèques d’un
bâtiment sélectionné permet d’
évaluer, sur une échelle notée de 1 à 5, sa
vulnérabilité aux différents aléas et de déterminer les priorités à accorder
aux actions adaptatives.
La fiabilisation et la complétude techniques de l’inventaire des
bâtiments de l’État, la déclinaison territoriale des scénarios de réchauffement
et leur confrontation aux caractéristiques des bâtiments recensés, la mise à
disposition
d’outils de diagnostic et d’aide à la décision sont autant de
chantiers à lancer ou à accélérer pour répondre aux enjeux d’adaptation de la
politique immobilière de l’État au changement climatique.
395
Cet
organisme privé réunit en particulier des compagnies d’assurance, des
établissements bancaires comme le groupe Caisse des dépôts et des sociétés
immobilières. Il travaille en partenariat avec le ministère de la transition écologique et
l’A
gence pour la transition écologique (Ademe).
LA PRISE EN COMPTE D
E L’ADAPTATION AU CH
ANGEMENT CLIMATIQUE
DANS LA POLITIQUE IM
MOBILIÈRE DE L’ÉTAT
437
4 -
Estimer les trajectoires de financement
et prioriser les investissements
Les dotations budgétaires exceptionnelles de 5 Md€ engagées
depuis 2018 à travers le Grand plan d’investissement fin 2017, puis le plan
de relance en 2020, illustrent la prise de conscience et les premiers efforts
de l’État pour contribuer
à l’atténuation du réchauffement climatique.
Le groupe de travail animé depuis 2022 par la direction de
l’immobilier de l’État
et le secrétariat général à la planification écologique
(cf.
supra
, le point
B.1) a travaillé sur la base d’un rapport d’étude
du
Cerema
, une méthode de programmation pluriannuelle à l’horizon 2051,
intégrant des objectifs de performance, une estimation budgétaire et des
modalités techniques et financières.
Comme rappelé précédemment, compte tenu de l’incertitude sur les
moyens bu
dgétaires mobilisables à l’avenir, seul le scénario dit
« réglementaire » est à ce stade retenu, complété par un second scénario
qui ajoute des actions plus ambitieuses de décarbonation
396
. Ce travail, qui
n’intègre pas d’objectifs spécifiques en matière d’a
daptation, a été présenté
à la Conférence nationale de l’immobilier public en 2023.
D’ici 2051, des trajectoires de dépenses sur 28 ans sont estimées
respectivement pour les deux scénarios, à 142,2 milliards d’euros (soit
5,1
milliards d’euros par an en moyenne) et à 146 milliards d’euros (soit
6,4
milliards d’euros par an en moyenne). De cet effort supplémentaire brut
pourraient être déduits les crédits existants (16 Md€), les recettes et les
dépenses évitées consécutives à la réduction des surfaces d’immo
bilier
tertiaire (25,4 Md€) et les économies liées aux baisses de dépenses
énergétiques (24,5
Md€), soit un total de 66,4 Md€ de moindres dépenses, le
solde à financer s’établissant à 75,8 Md€ ou 79,6
Md€ selon les scénarios.
Simplifié à ce stade, ce premier travail présente certaines faiblesses :
à réglementation supposée constante d’ici 2051, il anticipe que l’État
parviendra à réduire ses surfaces tertiaires
d’un quart d’ici 2033
et que les
dépenses seront relativement stables sur la période de 28 ans. De plus, les
calculs n’intègrent pas l’inflation actuelle
,
ni d’hypothèses à moyen et long
terme
d’évolution du coût des matériaux et de l’énergie
. Surtout, ce modèle
omet une part significative des dépenses associées à la transition
écologique qui devront
être planifiées et hiérarchisées elles aussi, d’ici
2051 ou au-delà, et notamment :
396
Comme la suppression de l’ensemble des consommations fossiles directes et
l’augmentation de l’emploi de matériaux biosourcés.
COUR DES COMPTES
438
-
les travaux complémentaires nécessaires pour adapter les bâtiments,
en fonction de leur localisation, aux effets du réchauffement
climatique : épisodes caniculaires plus longs et plus intenses, risques
d’inondations, sécheresse des sols
, etc. ;
-
les surcoûts afférents à la construction de nouveaux bâtiments
respectant les normes en vigueur, y compris la réglementation
environnementale RE2020 sur le confort d’été, qui seront s
ubstitués à
ceux dont les coûts de rénovation seraient exorbitants ;
-
les investissements dans les énergies renouvelables associés aux
bâtiments rénovés (panneaux solaires en particulier, susceptibles
d’alimenter des systèmes de rafraîchissement).
Il apparaît donc probable que le coût complet de la transition sera
plus élevé que le chiffrage estimatif des trajectoires conçues par la DIE et
le Cerema.
La question de la soutenabilité financière de tels investissements est
posée. À l’évidence, une hiérarchisat
ion des priorités devra être établie, en
fonction des types de bâtiments, de
l’intensité et de la probabilité de
l’exposition aux risques selon les localisations ou du caractère essentiel des
services publics concernés, par exemple, vis-à-vis des populations les plus
fragiles (enfants, malades, personnes âgées).
5 -
Appliquer une démarche partenariale et participative
Une adaptation efficace de la politique immobilière de l’État doit
s’inscrire dans une démarche participative et partenariale.
Qu’elle réponde à
un risque lié à des évènements thermiques,
venteux ou géologiques, l’adaptation des bâtiments de l’État est en partie
dépendante de l’action d’autres acteurs, au premier rang desquels les
collectivités locales.
En matière d’aménagement des territoires et d’urbanisme, plusieurs
niveaux de collectivités territoriales interviennent pour définir orientations
ou règlements qui encadrent la construction ou la rénovation des bâtiments.
Chaque
région
arrête
son
schéma
régional
d'aménagement,
de
développement durable et d'égalité des territoires, qui définit notamment
les grandes orientations régionales ; les intercommunalités élaborent leur
schéma de cohérence territoriale, plus précis ; les intercommunalités ou les
communes arrêtent ensuite les règles précises qu
i s’imposent en matière
d’aménagement
urbain
(zonage,
constructibilité,
prescriptions
écologiques). Elles mobilisent à cet effet leurs documents d’urbanisme
:
carte communale, plan local d’urbanisme communal ou intercommunal.
LA PRISE EN COMPTE D
E L’ADAPTATION AU CH
ANGEMENT CLIMATIQUE
DANS LA POLITIQUE IM
MOBILIÈRE DE L’ÉTAT
439
Au rythme de leur révision, ces documents doivent se mettre en conformité
avec les Plans « climat
air
énergie » territoriaux établis par les
intercommunalités de plus de 20 000 habitants, qui définissent les objectifs
stratégiques et les plans d’action en vue d’atténuer le changeme
nt
climatique, de le combattre efficacement et de s’y adapter.
L’adaptation des bâtiments de l’État dépend par conséquent des
règles de construction-
rénovation qui s’imposent dans le territoire où ils se
trouvent et de l’environnement urbain qui les
entoure : végétalisation, dés-
imperméabilisation des sols, suppression des points chauds, mobilités
douces et décarbonées, etc. À ce titre, la mise en cohérence des schémas
directeurs
immobiliers
régionaux
de
l’État
avec
les
documents
d’orientation des col
lectivités locales est indispensable.
De même, la mise en commun des analyses de risques territoriaux
liés au réchauffement, des diagnostics immobiliers et des outils afférents,
de la programmation des travaux, constitue une condition importante pour
obten
ir un impact sensible des politiques locales et partagées d’adaptation.
Une coordination locale par l’État (préfets ou sous
-préfets) devrait
permettre de développer des synergies et des économies d’échelle entre
l’immobilier de l’État et ceux des
collectivités locales. Le rapport public
annuel 2023 avait déjà recommandé une plus forte coopération en matière
d’investissements immobiliers dans les collèges
397
.
Enfin, l’adaptation des bâtiments ne saurait ignorer l’avis des
usagers, qu’ils soient agents
publics y travaillant ou y habitant, ou
utilisateurs du service public rendu, avec pour ces derniers, une attention
particulière portée aux publics les plus fragiles à raison de leur âge, de leur
handicap ou de leur santé ou encore de leur fragilité socio-économique. En
la matière, des démarches participatives doivent être imaginées et
pratiquées pour garantir la bonne adéquation des aménagements prévus aux
besoins réels.
397
Cour des comptes, Rapport public annuel (2023), seconde partie,
chapitre 3 : La
construction, la rénovation et l’entretien des collèges
: mieux articuler les actions de
l’éducation nationale et des départements
.
COUR DES COMPTES
440
__________ CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS __________
Cette
analyse
met
en
évidence
deux
constats
principaux.
Premièrement, il devient urgent d’agir en raison de la fréquence croissante
et de l'intensité accrue des phénomènes climatiques, susceptibles de
gravement perturber la fourniture des services publics dans certaines
régions. Il est par conséquent impératif d'intégrer des objectifs répondant
aux enjeux d’adaptation dans la politique immobilière de l’État, dont les
effets devront répondre à des préoccupations très ciblées et territorialisées.
Deuxièmement, il s'avère indispensable de construire des réponses de long
terme adaptées et réalistes, en s’appuyant sur des diagnostics établis à partir
des cartes territoriales des risques. Ces solutions doivent s’inscrire dans des
schémas pluriannuels coordonnés avec l'ensemble des parties prenantes.
Elles doivent enfin découler d'une programmation ambitieuse et soutenable
des investissements, dont la mise en œuvre devra s’échelonner pour
répondre aux situations les plus prioritaires.
La Cour formule les recommandations suivantes :
1.
intégrer l’objectif d’adaptation da
ns la politique immobilière de
l’État, en précisant les priorités, le calendrier et une trajectoire
financière
incluant
les
financements
additionnels
nécessaires
(ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté
industrielle et numérique, secrétariat général à la planification
écologique) ;
2.
a
chever la fiabilisation du référentiel technique de l’immobilier de
l’État et compléter ces informations avec des indications sur les
composants des bâtiments (
ministère de l’économie, des finances et de
la souveraineté industrielle et numérique).
Réponse reçue
à la date de la publication
Réponse du secrétaire général à la planification écologique
...................
442
Destinataires n’ayant pas d’observat
ion
Monsieur le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté
industrielle et numérique
Monsieur le ministre de la transition écologique et de la cohésion
des territoires
COUR DES COMPTES
442
RÉPONSE DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL À LA PLANIFICATION
ÉCOLOGIQUE
Le secrétariat général à la planification écologique partage les
grands constats formulés par la Cour des comptes dans son relevé
d’observations
provisoires
(ROP),
qui
appelle
toutefois
certains
commentaires.
Tout d’abord, la formulation «
L’immobilier, angle
mort du plan
national d’adaptation au changement climatique » mérite d’être nuancée.
En effet, comme cela est noté dans le ROP, l’enjeu d’adaptation des
bâtiments au changement climatique, dont ceux de l’État, est bien identifié
et des premiers outils et actions ont été mis en place. Le sujet reste
effectivement moins avancé que celui de la lutte contre les émissions de gaz
à effet de serre, mais le plan national d’adaptation au changement
climatique 3, en cours de construction, vise bien à définir et
opér
ationnaliser notre stratégie d’adaptation aux effets du changement
climatique, en se fondant sur une trajectoire de réchauffement de référence
afin d’avoir un cadrage commun pour les actions des différents acteurs.
Concernant les bâtiments en général, et c
eux de l’État en particulier,
l’enjeu sera surtout de pouvoir intégrer les enjeux d’adaptation lors des
rénovations prévues, afin d’agir efficacement sur les flux.