4.
L’éducation artistique
et culturelle au
bénéfice des élèves de
l’enseignement scolaire
Tout au long de leur scolarité, les élèves doivent bénéficier
d’un parcours d’éducation artistique et culturelle qui
« associe la fréquentation des œuvres, la rencontre
avec les artistes, la pratique artistique et l’acquisition de
connaissances »
. Conçue comme une éducation à l’art et
par l’art, l’éducation artistique et culturelle
« contribue à
la formation et à l’émancipation de la personne et du citoyen,
à travers le développement de sa sensibilité, de sa créativité
et de son esprit critique »
1
.
Érigée en priorité gouvernementale, la politique d’éducation
artistique et culturelle a pour ambition de réduire les
inégalités culturelles : le cadre scolaire doit permettre d’offrir
une ouverture aux arts et à la culture à tous les élèves,
notamment ceux dont le milieu social ou l’environnement
territorial ne favorise pas les pratiques culturelles.
221
1.
Charte de l’éducation artistique et culturelle, Haut Conseil de l’éducation artistique et culturelle, 2016.
Le parcours d’éducation artistique et culturelle repose depuis longtemps sur un
socle d’enseignements artistiques, obligatoires à l’école et au collège, mais surtout
effectifs au collège où ils sont dispensés par les professeurs d’arts plastiques et
d’éducation musicale. Au lycée, les élèves peuvent choisir des enseignements
artistiques comme spécialité ou en option. À ces enseignements s’ajoutent des
actions et des dispositifs faisant intervenir de nombreux partenaires (secteur
culturel, associatif, collectivités territoriales), qui prennent place dans le temps
scolaire mais aussi périscolaire et extrascolaire.
L’État a consacré à l’éducation artistique et culturelle près de 3 Md€ en 2023.
Les collectivités territoriales y contribuent aussi largement, notamment les
communes, responsables du secteur périscolaire et porteuses d’une offre
importante d’activités extrascolaires en matière artistique et culturelle.
L’enquête de la Cour a permis d’estimer l’ordre de grandeur de l’effort des
collectivités territoriales, compris entre 520 et 650 M€ en 2023.
Le présent chapitre est issu d’une évaluation de la politique publique d’éducation
artistique et culturelle, conduite par la Cour et les chambres régionales des comptes
Grand Est et Provence-Alpes-Côte d’Azur, qui a porté sur la France entière et a
bénéficié de l’apport d’un laboratoire de recherche
2
pour les travaux concernant
l’école primaire
3
. Il montre qu’à l’issue d’une structuration progressive, l’éducation
artistique et culturelle a été érigée en politique prioritaire du Gouvernement dotée
de moyens non négligeables (I). Pour autant, son déploiement reste hétérogène,
insuffisant dans sa gouvernance, et sa qualité n’est pas toujours garantie (II). Pour
que cette politique atteigne son objectif d’universalité, il importe désormais de la
recentrer autour des besoins des élèves (III).
222
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
2.
Dans le cadre d’un partenariat de recherche avec la Cour des comptes, l’Institut national supérieur de
l’éducation artistique et culturelle (Inseac) du Conservatoire national des arts et métiers a réalisé une étude
sur l’éducation artistique et culturelle dans les écoles maternelles et élémentaires.
3.
Cour des comptes,
L’éducation artistique et culturelle dans l’enseignement scolaire
, rapport d’évaluation,
janvier 2025.
223
Chiffres clés
L’ÉDUCATION ARTISTIQUE ET CULTURELLE
}
dont :
ÉTAT
près de 3 Md€
COLLECTIVITÉS
520 M€ - 650 M€
BLOC COMMUNAL
420 M€ - 490 M€
DÉPARTEMENTS
70 M€ - 110 M€
RÉGIONS
30 M€ - 50 M€
Source : les dépenses des collectivités territoriales sont estimées d’après les réponses au questionnaire
de la Cour des comptes
3,5
Md€
ont été dépensés en matière
d’éducation artistique
et culturelle (EAC) en 2023
57
%
des élèves ont
bénéficié d’une action
EAC en 2023-2024
écoliers
39 %
collégiens
84 %
lycéens
74 %
72
% des élèves
du second degré (tous ministères
confondus) ont bénéficié d’une action
EAC financée par la part collective
du pass Culture en 2023-2024
12
acteurs c
5
ultur
8
els s
2
ont
référencés au titre de
la part collective du
pass Culture, début 2024
Source : SAS pass Culture
I.
Une politique évolutive, élevée au rang
de priorité gouvernementale
Alors que les disciplines artistiques existent depuis longtemps dans l’enseigne-
ment scolaire, l’éducation artistique et culturelle s’est structurée récemment en
tant que politique publique. Son périmètre s’est progressivement élargi, au point
d’englober aujourd’hui des champs dont le lien avec les arts et la culture peut
faire débat.
Désormais érigée au rang de politique prioritaire du Gouvernement, l’éducation
artistique et culturelle s’appuie sur des moyens diversifiés et croissants, marqués
notamment par l’introduction en 2022 de la part collective du pass Culture.
A.
Des champs culturels de plus en plus larges
La définition donnée par la Charte de l’éducation artistique et culturelle
4
fait
aujourd’hui consensus sur la consistance de cette éducation. Elle repose sur
trois piliers : acquisition de connaissances, pratique artistique, rencontre avec les
œuvres et les artistes.
Mais sa mise en œuvre soulève la question de son périmètre exact. Initialement
centrée sur les arts et lettres, elle fait une place croissante à la culture scientifique
et technologique, au numérique et aux médias. Huit domaines en relèvent
officiellement : arts visuels et patrimoine (arts plastiques, photographie,
arts appliqués, sculpture, peinture, architecture, dessin, design, patrimoine) ;
cinéma et audiovisuel ; culture scientifique, technique et industrielle ; histoire et
mémoire ; éducation aux médias et à l’information ; livres et lecture ; musique ;
spectacle vivant (théâtre, danse, arts du cirque et éloquence).
Cette extension suit celle des politiques relevant du ministère de la culture. Elle
répond également à la volonté du ministre de l’éducation nationale de former les
élèves sur des questions transverses, telles la transition écologique ou la santé,
par exemple. Certains des domaines de l’éducation artistique et culturelle, comme
« histoire et mémoire »
et
« éducation aux médias et à l’information »
, relèvent aussi
du parcours citoyen de l’élève et de l’enseignement moral et civique, l’enjeu étant
de donner à tous les élèves des références communes.
Dans le cas de la culture scientifique, technique et industrielle, il peut s’avérer
difficile de distinguer les projets à caractère proprement culturel de ceux qui, quel
que soit leur intérêt, sont admis au titre de l’éducation artistique et culturelle pour
permettre d’en assurer le financement ou d’améliorer le score d’un établissement.
Ainsi, dans le champ des mathématiques, le ministère de l’éducation nationale
finance à la fois, au titre de l’éducation artistique et culturelle, des projets qui
224
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
4.
Adoptée par le Haut Conseil à l’éducation artistique et culturelle, instance consultative créée en 2005.
en relèvent directement, comme
« mathématiques et musique »
ou
« contes
mathématiques »
, et des actions qui en sont plus éloignées, telles que les
« olympiades mathématiques »
, sorte de concours général de mathématiques,
ou divers clubs mathématiques.
De la même façon, à la suite de l’inclusion du développement durable dans le
périmètre de l’éducation artistique et culturelle, les établissements scolaires
peuvent financer sur la part collective du pass Culture des projets dans ce domaine,
dont l’appartenance à l’éducation artistique et culturelle peut faire débat
5
.
Les contours de l’éducation artistique et culturelle gagneraient à être mieux
tracés : certains élèves réputés avoir bénéficié de cette éducation peuvent en
effet avoir participé à des projets laissant complètement les arts de côté.
Il conviendrait en tout cas d’éviter que, pour atteindre l’objectif affiché de géné-
ralisation de l’éducation artistique et culturelle, soient retenus à ce titre des
projets scolaires éloignés des trois piliers de cette éducation : acquisition de
connaissances, pratique artistique, rencontre avec les œuvres et les artistes.
B.
D’une lente structuration à une politique prioritaire
du Gouvernement
La structuration de l’éducation artistique s’est opérée progressivement au cours des
cinquante dernières années. Elle n’a pris que récemment les contours d’une véritable
politique publique, dotée de moyens croissants et d’un dispositif spécifique : la part
collective du pass Culture.
1.
Une structuration progressive
L’idée d’une éducation de tous à l’art et par l’art, dès l’enseignement primaire,
remonte à 1968. Les premiers partenariats entre le monde scolaire et les profes-
sionnels de la culture ont été mis en place dans les années 1970. Au cours des
années 1980, les relations institutionnelles entre les ministères de la culture et
de l’éducation se sont structurées. L’ancrage territorial de l’éducation artistique
et culturelle s’est affermi dans les années 1990, avec l’instauration de plans
locaux pour l’éducation artistique. En 2000, le plan quinquennal Lang-Tasca
a prévu la généralisation de l’éducation artistique et culturelle pour tous les
élèves, en systématisant les partenariats entre rectorats et directions régionales
des affaires culturelles.
En 2005, la création du Haut conseil de l’éducation artistique et culturelle a
conforté la promotion des arts à l’école. Parallèlement, en 2006, l’Organisation
des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) a défini un
cadre international pour l’éducation artistique et culturelle.
L’ÉDUCATION ARTISTIQUE ET CULTURELLE
225
5.
Plus de 2,7 M€ ont été dépensés pour ce domaine en 2023-2024.
226
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
La rédaction actuelle de l’article L. 121-6 du code de l’éducation est issue de la loi du
8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la
République : «
L’éducation artistique et culturelle contribue à l’épanouissement des
aptitudes individuelles et à l’égalité d’accès à la culture. Elle favorise la connaissance
du patrimoine culturel et de la création contemporaine et participe au développement
de la créativité et des pratiques artistiques. L’éducation artistique et culturelle est
principalement fondée sur les enseignements artistiques. Elle comprend également
un parcours pour tous les élèves tout au long de leur scolarité dont les modalités sont
fixées par les ministres chargés de l’éducation nationale et de la culture. Ce parcours
est mis en œuvre localement ; des acteurs du monde culturel et artistique et du
monde associatif peuvent y être associés
».
En 2016, une charte élaborée par les membres du Haut Conseil à l’éducation
artistique et culturelle a conforté cette définition et affirmé le principe d’universalité
dans son premier article, selon lequel «
l’éducation artistique et culturelle doit être
accessible à tous, et en particulier aux jeunes au sein des établissements d’enseignement,
de la maternelle à l’université
». Elle décrit, dans son article 2, les trois piliers de cette
éducation : acquisition de connaissances, pratique artistique, rencontre avec les
œuvres et les artistes
.
2.
Une politique prioritaire du Gouvernement adossée à un dispositif
nouveau et à des moyens croissants
À partir de 2021-2022, l’éducation artistique et culturelle a été érigée en politique
prioritaire du Gouvernement, ce qui implique en principe un pilotage interministériel
renforcé et une déclinaison dans les territoires sous la responsabilité des préfets.
Désormais, en plus des moyens habituellement déployés en faveur des enseignements
artistiques et des politiques culturelles, l’éducation artistique et culturelle s’appuie sur
un financement spécifique, le pass Culture, articulé à un outil numérique, la plateforme
Adage
, et à un nouveau label, dénommé
« 100 % EAC »
.
a)
Des mesures fortes en faveur de la généralisation de l’éducation artistique
et culturelle
L’éducation artistique et culturelle a récemment fait l’objet de mesures destinées
à en renforcer la visibilité et les moyens : la création, en décembre 2021, d’un label
« 100 % EAC »
pour inciter les collectivités territoriales à promouvoir de manière
volontariste des partenariats et des actions bénéficiant à l’ensemble des jeunes d’un
territoire et surtout l’instauration, le 1
er
janvier 2022, d’un financement spécifique, la
part collective du pass Culture.
Ce dispositif a
complété la part individuelle du pass Culture, qui vise à favoriser la
consommation par les jeunes de biens et services culturels. Il offre aux collèges et
aux lycées un droit de tirage pour l’achat de prestations culturelles (à hauteur de
25 € par collégien, 30 € par élève de seconde ou préparant le certificat d’aptitude
professionnelle et 20 € par élève de première et de terminale), dont la liste est
présentée dans une application dénommée
Adage
. Les fonds correspondants, qui
proviennent du budget de l’Éducation nationale, sont versés directement par la
société Pass culture
6
aux prestataires recensés sur cette plateforme et ne transitent
donc pas par les établissements scolaires.
b)
Des moyens financiers en progression
Le pass Culture s’affiche ainsi comme l’instrument de généralisation de l’éducation
artistique et culturelle, à laquelle il confère une plus grande visibilité. En croissance
rapide au cours des trois dernières années, il intervient cependant loin derrière
d’autres moyens préexistants, tout aussi indispensables au déploiement de cette
politique.
Les crédits du pass Culture ont fortement augmenté au cours des trois dernières
années : ils sont passés de 0,29 M€ en 2021 à 14 M€ en 2022 puis à 51 M€ en 2023
7.
Ils constituent toutefois une part minime du montant total des dépenses réalisées
au bénéfice de l’éducation artistique et culturelle, que la Cour a estimé à environ
3,5 Md€ en 2023.
Elles résultent principalement de l’État et avant tout du ministère de l’éducation
nationale, qui consacre chaque année plus de 2,6 Md€
8
à la rémunération des
enseignants des disciplines artistiques. à cette charge, stable dans le temps,
s’ajoutent les dépenses du ministère de la culture, qui sont en augmentation et
s’établissaient au minimum à 151 M€ en 2023.
Ces différents financements, déployés dans les territoires par les rectorats et les
directions régionales des affaires culturelles, sont complétés par les dépenses des
collectivités territoriales
9
. En 2023, les régions et les départements
ont consacré
respectivement 38,4 M€ et 71,5 M€ (hors Paris) à l’enseignement artistique et
culturel.
Le déploiement local de cette politique repose toutefois principalement sur le bloc
communal, au titre de ses compétences sur les établissements du premier degré et
de l’organisation des activités périscolaires. Selon l’Institut national de l’éducation
artistique et culturelle, les communes et leurs groupements y contribuent à hauteur
de 60 € par élève du premier degré, soit un montant total de 377 M€ pour l’ensemble
du territoire national (hors Paris)
10
. En incluant Paris, les dépenses des collectivités
territoriales, toutes catégories confondues, sont estimées dans une fourchette
comprise entre 520 M€ et 650 M€.
L’ÉDUCATION ARTISTIQUE ET CULTURELLE
227
6.
La société par actions simplifiée (SAS) Pass culture a été créée spécialement pour la gestion de ce
dispositif.
7.
En incluant les reliquats au 31 décembre 2022 (3,68 M€ selon le ministère de l’éducation nationale), le
montant total s’élève à 54,68 M€.
8.
Montant évalué par l’Éducation nationale en fonction d’un coût moyen chargé d’un enseignant à temps
plein.
9.
Les dépenses des collectivités territoriales ont été estimées par la Cour à partir des réponses reçues
dans le cadre de son enquête. Malgré un taux de réponse élevé, les chiffrages déclarés ont nécessité des
retraitements et extrapolations.
10.
Étude de l’Inseac ; direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance, Repères et
références statistiques 2023, statistiques sur les élèves du premier degré.
228
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
GRAPHIQUE N° 1 | Estimation des dépenses d’éducation artistique et culturelle
en 2023 (en M€) hors dépenses fiscales
2 772
458
90
38
151
38
-
3 000
2 500
2 000
1 500
1 000
500
Ministère éducation nationale
Ministère de la culture
Ministère de l’agriculture
Bloc communal
Départements
Régions
Source : calcul Cour des Comptes d’après réponses des ministères, collectivités et rapport annuel de
performances (RAP) du programme 361
Ces chiffres donnent une idée des principales sources de financement et des
moyens consacrés à l’éducation artistique et culturelle. Ils reposent en partie sur
une base déclarative et ne restituent pas la totalité des moyens publics mis en
œuvre sur le territoire national.
Il reste que la dépense publique liée à l’éducation artistique et culturelle a augmenté
sensiblement au cours des trois dernières années, notamment du fait de la montée
en charge de la part collective du pass Culture, en cohérence avec l’objectif affiché
de généralisation de cette politique prioritaire.
II.
Une mise en œuvre hétérogène selon les
établissements et les territoires, une qualité
variable par manque d’un pilotage adéquat
Le déploiement de l’éducation artistique et culturelle s’opère tout d’abord dans les
établissements de l’enseignement scolaire, suivant des modalités variables selon
les niveaux et les filières, qui laissent persister des inégalités entre les élèves.
à l’échelle des territoires, cette politique dépend largement des moyens et du
volontarisme des acteurs locaux, qui ne permettent pas non plus de garantir à
tous un égal accès à la culture.
Malgré la volonté affichée d’accorder la priorité à l’éducation artistique et
culturelle, la gouvernance de cette politique reste insuffisamment structurée,
au niveau national comme à l’échelon local. Ce défaut de pilotage se traduit
aussi par une évaluation lacunaire des dispositifs mis en œuvre, dont la qualité
n’est pas toujours garantie.
L’ÉDUCATION ARTISTIQUE ET CULTURELLE
229
A.
La persistance d’inégalités dans le cadre scolaire
Au sein des établissements scolaires, tous les élèves ne bénéficient pas de l’éducation
artistique et culturelle.
Le déploiement de l’application
Adage
a permis d’améliorer les statistiques
disponibles, qui sont toutefois encore incomplètes et présentent des biais. Selon
la statistique générale sur l’accès de l’ensemble des élèves à l’éducation artistique
et culturelle, tous niveaux scolaires confondus, plus de 40 % d’entre eux (43 %) ne
bénéficient d’aucune action recensée, même ponctuelle. La difficulté paraît plus
marquée dans le premier degré.
GRAPHIQUE N° 2 | Taux de couverture éducation artistique et culturelle
en 2023-2024
72 %
0
%
10
%
20
%
30
%
40
%
50
%
60
%
70
%
80
%
Ensemble des actions
(écoles, collèges, lycées)
Actions financées par la part collective
du pass culture (collèges et lycées)
57 %
Source : Cour des comptes d’après données Adage (date d’observation 22 juillet 2024)
Périmètre : tous ministères confondus
1.
Une difficulté particulière pour apprécier le déploiement
de l’éducation artistique et culturelle à l’école primaire
Au cours de l’année scolaire 2023-2024, seulement 39 % des élèves du premier
degré ont bénéficié d’au moins une action d’éducation artistique et culturelle. Les
statistiques disponibles montrent que ce taux progresse au cours de la scolarité
en primaire : il passe de 30 % en première année de maternelle à 43 % au cours
moyen de l’école élémentaire.
Les actions d’éducation artistique et culturelle viennent en complément des
enseignements obligatoires de musique et d’arts plastiques (deux heures par
semaine au total) dispensés par les professeurs des écoles. Des emplois du temps
types par niveau de classe sont disponibles sur le site du ministère de l’éducation
nationale mais une souplesse d’organisation est laissée aux professeurs et ces
actions sont diversement mises en place.
230
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
En matière d’enseignements artistiques à l’école, les élèves parisiens bénéficient d’une
situation privilégiée. En effet la ville de Paris dote ses écoles publiques de professeurs
d’éducation musicale et d’arts plastiques, qui interviennent une heure par semaine
dans chacune de ces deux disciplines, aux côtés des professeurs des écoles.
Les professeurs de la ville de Paris
Conformément à leur statut
11
, les professeurs de la ville de Paris pour
l’enseignement des arts plastiques, de l’éducation musicale et de
l’éducation physique et sportive relèvent d’un corps de catégorie A.
Au nombre de 379 en mai 2024 pour les disciplines artistiques (dont 198
en arts plastiques et 181 en éducation musicale, pour une masse salariale
estimée à 20,7 M€ en 2023), ils apportent un enseignement spécialisé
supplémentaire aux enfants des écoles élémentaires publiques parisiennes.
En qualité d’enseignants, ils sont habilités, pendant le temps scolaire, à faire
pratiquer toutes les activités relevant de leur spécialité, conformément aux
programmes et aux instructions officielles de l’Éducation nationale, et en
étroite collaboration avec les professeurs des écoles. Ils sont recrutés par la
voie du concours (externe) ou celle du détachement. Le concours est calqué
sur celui des professeurs certifiés des disciplines artistiques, jusqu’à sa
réforme la plus récente (recrutement à bac +5). Leurs obligations de service
hebdomadaires sont fixées à 20 heures constituées, pour les disciplines
artistiques, d’un temps d’enseignement (une heure par classe) et d’un
temps de concertation d’une heure
12
.
Malgré ces moyens d’enseignement supplémentaires, la plateforme Adage
recense moins de projets d’éducation artistique et culturelle pour les
élèves des écoles parisiennes qu’en moyenne nationale. Cette situation,
apparemment paradoxale au regard des moyens considérables engagés
par la ville, peut tenir à un moindre taux de recours à la plateforme, les
enseignants trouvant directement dans l’offre municipale un riche éventail
de propositions pour leurs élèves. Il importe que, dans cette académie
comme dans les autres, un suivi beaucoup plus systématique de l’éducation
artistique et culturelle dans le premier degré soit mis en place, afin de
retracer précisément les pratiques.
S’agissant des actions d’éducation artistique et culturelle (hors enseignements
artistiques), la statistique issue d’
Adage
concernant le premier degré est très
incomplète. Les professeurs sont moins enclins à renseigner leurs initiatives dans
cette application qui ne leur ouvre pas de financement, puisque la part collective
du pass Culture ne concerne que le second degré.
11.
Le premier statut des professeurs de la ville de Paris a été créé en 1982, mais l’origine du corps est
beaucoup plus ancienne : à la fin du XIX
ème
siècle, la ville de Paris confiait déjà à des maîtres spécialisés,
formés et rémunérés par ses soins, l’enseignement du chant aux élèves de ses écoles primaires.
12.
Participation aux différentes instances (conseil des maîtres, d’école, de cycle…), temps d’échanges.
L’ÉDUCATION ARTISTIQUE ET CULTURELLE
231
Une enquête réalisée au premier semestre 2024 par l’Institut national supérieur
de l’éducation artistique et culturelle (Inseac), dans le cadre du partenariat avec
la Cour évoqué en introduction, apporte un autre éclairage sur les pratiques
d’éducation artistique et culturelle dans les écoles. Un peu plus de la moitié des
répondants (au nombre de 15 000) indiquent utiliser la plateforme
Adage
, ce qui
confirme que cet outil ne donne qu’une vision partielle de l’éducation artistique et
culturelle à l’école primaire. Si seulement 19 % des écoles répondantes ont désigné
un référent éducation artistique et culturelle, 54 % indiquent que le projet d’école
comporte un volet à ce sujet et précisent que, dans 71 % des cas, l’éducation
artistique et culturelle est discutée au sein d’une instance de l’école.
Malgré une difficulté certaine liée au niveau variable de formation artistique et
culturelle des professeurs des écoles, l’éducation artistique et culturelle n’est
probablement pas aussi négligée dans le primaire que la statistique
Adage
le
laisserait penser. Les communes et les intercommunalités offrent en effet un
grand nombre de dispositifs gratuits au sein des établissements culturels locaux
(bibliothèques, médiathèques, musées) ou subventionnés (théâtres, cinéma) ou
font intervenir des acteurs associatifs subventionnés pour contribuer à l’éducation
artistique et culturelle au bénéfice des élèves des écoles.
L’enquête de l’Inseac montre également que les trois domaines culturels les plus
représentés dans les projets appuyés par les municipalités sont la lecture (76 %), la
musique (63 %) et le théâtre (46 %). Les communes ou leurs regroupements offrent
en outre souvent une aide au transport des élèves (gratuité ou tarifs réduits sur
leurs réseaux). Certaines financent aussi des artistes intervenants (plasticiens ou
musiciens). Selon l’Inseac, 64 % des écoles répondantes disent travailler avec des
artistes intervenants (musiciens, danseurs, plasticiens, poètes, etc.).
Les « Dumistes »
Le diplôme universitaire de musicien intervenant (Dumi) a été créé par
les ministères de l’éducation nationale et de la culture pour former des
musiciens à intervenir sur projet dans les écoles et les lieux artistiques,
auprès de divers publics. Neuf centres de formation existent en France,
accueillant des promotions d’au maximum 20 étudiants.
Les mises en situation occupent une place dominante dans la formation.
La formation de 1 500 heures sur deux ou trois ans comprend en effet
500 heures de stage en situation devant des élèves. Les musiciens
intervenants sont généralement inclus dans les équipes pédagogiques
grâce aux conventions conclues entres les conservatoires et les écoles dans
les territoires. Du fait de la réduction du nombre de candidats, le métier de
musicien intervenant est en forte tension.
232
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
L’existence de partenariats, interventions d’artistes et sorties scolaires, en complé-
ment des activités, principalement de chant, de sensibilisation à la musique et d’arts
plastiques organisées par les professeurs pendant la classe, fait que la réalité de
l’éducation artistique et culturelle à l’école primaire, sans doute très inégale, n’est
pas aussi limitée que la statistique
Adage
conduirait à le penser.
Il revient au ministère de l’éducation nationale d’organiser le suivi de ces actions
à l’école, en s’appuyant notamment sur les inspecteurs de circonscription. Le
processus d’évaluation des écoles doit permettre de vérifier que chacune est
dotée d’un projet comportant un volet culturel. Il incombe également au ministère
de s’assurer que non seulement chaque école, mais aussi chaque classe et chaque
élève bénéficie de l’éducation artistique et culturelle.
2.
Un déploiement en progression au collège et au lycée,
la persistance d’inégalités sociales
Les statistiques issues d’
Adage
montrent que le taux d’élèves bénéficiant d’au
moins une action d’éducation artistique et culturelle est particulièrement élevé
au collège (84 %, en additionnant toutefois actions ponctuelles et programmes
dans la durée – cf. le graphique n° 3).
Ce
ratio
se maintient à 79 % au lycée pour la voie générale. En revanche, l’entrée
en cycle court (bac professionnel ou certificat d’aptitude professionnelle) prive
d’éducation artistique et culturelle une partie des élèves sortant du collège, dont
le parcours s’interrompt : le taux de couverture décroît alors à 64 %.
GRAPHIQUE N° 3 | Proportion d’élèves ayant bénéficié d’au moins une action
éducation artistique et culturelle en 2023-2024 selon le niveau et la voie
d’enseignement
13
84 %
79 %
64 %
39 %
90
%
80
%
70
%
60
%
50
%
40
%
30
%
20
%
10
%
0
%
Premier degré
Lycée Voie Pro
Lycée Voie GT
Collège
Source : Cour des comptes d’après données d’
Adage
Date d’observation : 22 juillet 2024
Périmètre : tous ministères confondus
13.
Les données relatives aux lycées ne comprennent pas les élèves suivant une formation post bac, hors du
champ de l’évaluation.
L’ÉDUCATION ARTISTIQUE ET CULTURELLE
233
Le décrochage de 15 points entre voie professionnelle et voie générale montre que
le déploiement de l’éducation artistique et culturelle est inégal. Cette situation est
d’autant plus préoccupante qu’elle touche surtout des élèves défavorisés, pour
lesquels le parcours scolaire est souvent l’unique chance d’accès à l’art et à la culture.
GRAPHIQUE N° 4 | Proportion de lycéens à l’origine sociale défavorisée
selon la voie de formation à la rentrée 2023
60
%
50
%
40
%
30
%
20
%
10
%
0
%
55,2%
29,3%
31,3%
10,6%
Secteur public
Secteur privé sous contrat
Voie générale et technologique
Voie professionnelle
Source : DEPP, système d’information Scolarité
Population concernée : établissements publics et privés sous contrat dépendant du ministère en
charge de l’éducation nationale (EREA compris).
Ces chiffres ne décrivent pas tout, notamment la consistance et la qualité des
activités offertes aux élèves. Par exemple, une sortie au spectacle est décomptée
au même titre qu’une pratique en atelier sur toute l’année. Ils mettent néanmoins
en évidence les limites du dispositif par rapport à son objectif central d’universalité
et de réduction des inégalités d’accès à la culture.
B.
Un déploiement hétérogène dans les territoires
Politique interministérielle au plan national, l’éducation artistique et culturelle est
déconcentrée dans les académies et les directions régionales aux affaires culturelles,
et fait l’objet de partenariats entre une multitude d’acteurs locaux, publics comme
privés. Les collectivités territoriales y contribuent selon des modalités diverses,
dépendant largement de leurs moyens et priorités, qui ne permettent pas d’assurer
une égalité d’accès sur l’ensemble du territoire national.
Malgré le développement de divers moyens humains et financiers au plan local, des
inégalités persistent, résultant aussi bien de l’éloignement des ressources culturelles
que des contraintes budgétaires pesant sur les collectivités locales. Les départements
citent l’éloignement et l’absence d’acteurs culturels de proximité comme l’un des
principaux freins au déploiement d’actions et de dispositifs d’éducation artistique et
culturelle, en raison du coût élevé des transports pour les collégiens
14
. Cette difficulté
affecte également les élèves du premier degré : dans les communes, 79 % des
écoles déclarent se trouver à moins de cinq kilomètres d’une bibliothèque, mais
39 % sont à plus de 15 kilomètres du premier théâtre et 33 % du premier musée.
De nombreuses collectivités locales parviennent cependant, par une action
volontariste, à promouvoir l’éducation artistique et culturelle. Elles peuvent aider
au transport des élèves, pratiquer une politique tarifaire incitative, faciliter l’inter-
vention d’artistes en résidence, accorder des aides aux jeunes sous diverses formes.
Elles sont aussi de plus en plus nombreuses à solliciter le label
« 100 % EAC »
(cf.
supra
, le point I-A-2) qui promeut une coordination locale plus efficace entre les
nombreux partenaires de cette politique.
En définitive, compte tenu de moyens nécessairement limités, l’égalité d’accès à
l’éducation artistique et culturelle dans les territoires repose sur une meilleure
articulation entre les partenaires, leurs dispositifs et financements respectifs. Il s’agit
selon les cas d’en assurer la complémentarité ou de les fusionner dans des dispositifs
communs d’éducation artistique et culturelle, cofinancés par les partenaires concernés.
C.
Une gouvernance insuffisamment structurée
La multiplicité des acteurs de l’éducation artistique et culturelle et son ancrage
territorial rendent nécessaire une gouvernance forte au plan national, qui fait
actuellement défaut. Depuis 2020, les ministères de la culture et de l’éducation
nationale ont renforcé leur structuration et leurs équipes respectives pour piloter
cette politique. Cependant la seule instance de concertation interministérielle est
le Haut Conseil à l’éducation artistique et culturelle, qui ne s’est plus réuni depuis
décembre 2021.
Cette instance a un rôle reconnu et légitime de dialogue entre l’État et les collectivités
locales et de définition du cadre de référence que constitue le label
« 100 % EAC »
.
Elle n’est cependant pas le lieu d’arbitrages interministériels, de conception et de
portage d’une politique partagée entre les ministères impliqués dans l’éducation
artistique et culturelle.
Sans ce pilotage transversal, l’animation de la politique au plan local est hétérogène.
Ainsi les services de l’État se mobilisent inégalement auprès des collectivités locales
pour réunir les comités régionaux supposés être le centre du pilotage local, à la fois
en termes de définition stratégique, de mise en synergie des actions et des budgets,
de suivi et d’évaluation.
La question de l’organisation territoriale apparaît en effet centrale pour garantir
partout l’accès à l’éducation artistique et culturelle. Une circulaire conjointe des
ministres de l’éducation, de la culture et de la ville du 10 mai 2017 a fixé les principes
234
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
14.
L’Inspection générale du ministère de l’éducation nationale estime en 2024 à 8 M€ les moyens
nécessaires au transport des élèves dans le secondaire.
de la gouvernance territoriale en la matière. Celle-ci doit réunir les différents
services de l’État concernés, les collectivités territoriales et les acteurs locaux,
institutionnels et associatifs, dans des comités territoriaux de pilotage au
niveau régional ainsi que, pour la mise en œuvre opérationnelle, au niveau
intercommunal ou communal. Ces principes sont appliqués de manière très
diverse dans les territoires.
L’absence de gouvernance forte a aussi une incidence sur l’évaluation de la politique
d’éducation artistique et culturelle, qui est insuffisante, en particulier dans sa dimen-
sion qualitative. Malgré le développement de référentiels d’évaluation, notamment
dans le cadre du dispositif
« 100 % EAC »
, l’évaluation des actions, lorsqu’elle existe,
est essentiellement quantitative. Elle est assise sur des indicateurs de fréquentation,
ou des données sur le nombre de classes, d’établissements ou d’élèves concernés.
D.
Une qualité qui n’est pas toujours garantie
La mise en place de la part collective du pass Culture s’est traduite par un
développement pléthorique de l’offre proposée aux établissements scolaires.
12 582 acteurs culturels étaient ainsi référencés début 2024. Cette évolution
soulève la question des conditions de référencement de ces acteurs, insuffisamment
encadrées, mais aussi celle du contrôle
ex post
de l’effectivité et de la qualité de leurs
prestations.
1.
Une procédure de référencement diversement appliquée
Selon un arrêté du 20 septembre 2022, le référencement est décidé par une commis-
sion, au niveau de la région académique, «
chargée de vérifier que les candidats sont
à même de présenter une offre correspondant aux attendus pédagogiques, éducatifs,
artistiques et culturels des actions menées dans le cadre scolaire
». La commission
examine la recevabilité de la structure qui propose l’offre, et non celle d’un projet
spécifique. Elle doit notamment veiller à l’expertise artistique, scientifique et
culturelle de l’intervenant, à la capacité de médiation des artistes ou des professionnels
concernés vers les enseignants et leurs élèves, et au respect de tout ou partie des
trois piliers de l’éducation artistique et culturelle.
En pratique, les commissions de référencement se réunissent à des fréquences
variables selon les territoires. Le caractère chronophage de l’examen d’un
nombre croissant de demandes, allant jusqu’à 24 heures par mois, a pu conduire
certaines d’entre elles à mettre en place des démarches simplifiées voire un
contrôle aléatoire.
De fait, le taux de refus de référencement est plus élevé là où la commission se
réunit plus fréquemment : il s’établit à 36 % en moyenne lorsque les réunions sont
mensuelles, 25 % lorsqu’elles ont lieu tous les deux mois, et encore moins quand
elles se tiennent au fil de l’eau.
L’ÉDUCATION ARTISTIQUE ET CULTURELLE
235
Les motifs de refus les plus fréquents sont une présentation trop succincte
des dossiers, des activités non éligibles au pass Culture (interventions de coachs,
thérapeutes, sophrologues, philosophes, sociétés de fabrication de jeux de société
et
escape game
, associations proposant des activités sportives), une professionnali-
sation non démontrée des intervenants, l’absence d’une dimension de création
artistique dans les offres, ou bien la présentation d’offres non adaptées au
public scolaire.
2.
Un contrôle lacunaire de l’effectivité et de la qualité des actions
Postérieurement à la réalisation des actions financées par la part collective du
pass Culture, le contrôle est quasi inexistant. Il repose exclusivement sur les
enseignants, qui peuvent transmettre au rectorat ou à la société Pass culture
15
un
signalement en cas de défaut de qualité ou de manquements pédagogiques ou
éthiques. Selon le ministère de l’éducation nationale, seuls deux acteurs culturels
ont été déréférencés, sur le fondement de faits graves.
Conjuguée à la mise à disposition de moyens inédits, l’insuffisance du contrôle
des offres référencées favorise l’apparition d’actions opportunistes dans leur contenu
(lien distendu avec l’éducation artistique et culturelle), dans leur coût (certains acteurs
adaptent leur rémunération aux moyens disponibles), voire dans leur existence même :
la date de création de certaines associations ou compagnies indique qu’elles ont été
spécifiquement mises en place pour bénéficier des financements du pass Culture.
Ces effets d’aubaine s’observent dans l’analyse des acteurs bénéficiant de ces
financements. Au cours de l’année scolaire 2023-2024, 7 % seulement des structures
concernées ont concentré la moitié du montant total des financements distribués. Les
trois premiers bénéficiaires sont des compagnies de théâtre spécialisées dans le public
scolaire et le théâtre en langue étrangère, aux marges des principes fondamentaux
de l’éducation artistique et culturelle : Théâtre en anglais (1,3 M€), Théâtre du Héron
(0,98 M€) et Emerald Isle Theater Company (0,63 M€).
Le manque de contrôle des prestations financées par la part collective du pass
Culture accroît également les risques d’irrégularité et de dérapage budgétaire.
Les dérives relevées sur le coût des offres culturelles peuvent en effet, si elles
se multiplient, entraîner une augmentation automatique de la dépense. La
transmission aux commissions de référencement de directives nationales, incluant
des fourchettes de prix par prestation, permettrait de limiter ces risques.
Au moment de l’exécution de la dépense, la société Pass culture a indiqué
déclencher automatiquement le paiement des prestataires à la date réservée par
l’établissement scolaire pour la réalisation de la prestation, indépendamment
de la réalité du service. La nécessité de mettre en place les contrôles adéquats
de la dépense publique liée à la part collective du pass Culture renforce donc la
recommandation, déjà formulée par la Cour dans son premier bilan du pass Culture,
de transformer au moins dans un premier temps la SAS en opérateur de l’État
16
.
236
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
15.
La société par action simplifiée (SAS) Pass culture, gestionnaire du dispositif.
16.
Cour des comptes,
Premier bilan du pass Culture,
rapport public thématique, décembre 2024
.
Si la part collective du pass Culture contribue assurément à la généralisation de
l’éducation artistique et culturelle, il est indispensable de resserrer son pilotage, de
mieux cadrer les conditions de référencement des acteurs culturels, en privilégiant les
grands dispositifs institutionnels, et de procéder à des contrôles ex post quantitatifs et
qualitatifs des prestations financées.
III.
La nécessité de garantir aux jeunes
un parcours effectif, cohérent et de qualité
La priorité accordée à la politique d’éducation artistique et culturelle et le renforcement
des dispositifs destinés à la mettre en œuvre ont conduit à étendre son champ en
stimulant une grande richesse d’initiatives, au détriment parfois de la cohérence, de
la qualité et de l’objectif de lutte contre les inégalités d’accès à la culture.
Dans ce contexte, marqué en outre par des moyens publics plus contraints, il convient
de resserrer l’organisation des actions et des dispositifs de manière à garantir aux jeunes
des parcours d’éducation artistique et culturelle cohérents et de qualité. L’atteinte
de cet objectif passe aussi par une valorisation du rôle des enseignants, qui sont à
l’initiative de son déploiement dans les établissements scolaires.
A.
Organiser l’éducation artistique et culturelle de manière
systématique à l’école, au collège et au lycée
L’objectif de faire bénéficier tous les élèves de l’éducation artistique et culturelle
et de réduire les inégalités culturelles est encore loin d’être atteint, malgré les
moyens importants déployés par l’État et les collectivités locales, en particulier
au sein de l’éducation nationale.
La difficulté d’atteindre tous les élèves tient moins à un manque de moyens
qu’à l’organisation insuffisante de l’éducation artistique et culturelle au sein
des établissements scolaires. On constate d’ailleurs qu’à la fin de l’année scolaire
2023-2024, ceux-ci avaient utilisé 64 % (tous ministères confondus) de l’enveloppe
qui leur avait été ouverte sur la part collective du pass Culture, qui n’a donc pas
été entièrement consommée
17
.
Au sein des écoles, collèges et lycées, il n’existe pas d’organisation systématique
qui garantisse que toutes les classes bénéficient de projets d’éducation artistique
et culturelle. La plupart des établissements sont maintenant dotés d’un référent
culture, mais la participation à des projets reste à la discrétion des professeurs
et largement tributaire de leur culture personnelle. Il en résulte que le parcours
d’éducation artistique et culturelle des élèves est très aléatoire.
L’ÉDUCATION ARTISTIQUE ET CULTURELLE
237
17.
Certaines académies ont un taux de consommation nettement plus faible : Corse (34 %), Orléans-Tours
(52,7 %), Amiens (53 %), Reims (55,8 %), Versailles (55,9 %).
238
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
Ce dernier constitue aujourd’hui l’un des quatre parcours éducatifs
18
de l’enseignement
scolaire. Il est paradoxal de viser l’universalité en appuyant cette politique sur un
dispositif de parcours, obligatoirement offert à tous les élèves, mais en pratique
inégalement déployé, d’autant qu’il ne s’appuie pas sur un horaire sanctuarisé dans
les emplois du temps des élèves. L’offre d’éducation artistique et culturelle, très
dépendante des initiatives individuelles des enseignants, reste un parcours à la carte.
Pour en généraliser la mise en œuvre, le parcours des élèves au sein de chaque
établissement doit être structuré de manière systématique. Certains établissements,
tels le collège Elsa-Triolet de Marseille, ont trouvé des modes d’organisation que
l’on peut aujourd’hui considérer comme de bonnes pratiques.
L’éducation artistique et culturelle au collège Elsa-Triolet (Marseille)
Le collège Elsa-Triolet, en réseau d’éducation prioritaire renforcée dans
les quartiers Nord de Marseille (13
ème
arrondissement), a systématisé
l’organisation du parcours d’éducation artistique et culturelle, qui constitue
un axe important de son projet d’établissement, pour faire réussir des
élèves issus de milieux défavorisés. Ce parcours est conçu comme un
vecteur privilégié d’intégration, notamment pour les élèves allophones
et pour les élèves en situation de handicap.
Ainsi, tous les élèves de sixième visitent la médiathèque voisine, où ils
obtiennent une carte d’adhésion ; ils bénéficient d’une sensibilisation au théâtre
(rencontres avec des artistes et un ou deux spectacles en cours d’année) grâce
au partenariat avec Le ZEF (scène nationale de Marseille) ; avec l’aide financière
de la cité éducative, ils partagent un projet inter degrés sur la bande dessinée,
qui concerne aussi une classe de cours moyen seconde année (CM2).
Les élèves de quatrième bénéficient tous d’un atelier de huit heures
d’éducation aux médias et à l’information avec un journaliste, dans le cadre
d’un partenariat, soutenu financièrement par le département, avec le
journal
15-38 Méditerranée.
Un projet illustre symboliquement cette vision du parcours sur les quatre années
de collège, sous la forme de « capsules temporelles » : les élèves rédigent en
sixième des lettres pour eux-mêmes, qui leur seront remises en troisième.
D’autres méthodes permettent également de systématiser l’accès à l’éducation
artistique et culturelle de tous les élèves dans toutes les classes.
18.
Au même titre que le parcours d’éducation à la santé, et le parcours d’éducation à la citoyenneté, qui
tous deux débutent aussi à l’entrée à l’école, et le parcours avenir, destiné à appuyer les choix d’orientation
de l’élève, qui commence à l’entrée au collège.
L’ÉDUCATION ARTISTIQUE ET CULTURELLE
239
L’éducation artistique et culturelle au collège des Hautes-Ourmes
(Rennes)
Au collège des Hautes-Ourmes, à Rennes, la commission culture veille
au respect de l’objectif prévu dans le projet d’établissement de réaliser
trois sorties obligatoires (une visite culturelle, un spectacle et un atelier
artistique) et de permettre la rencontre d’au moins un artiste par an pour
tous les élèves. La présence de classes à horaires aménagés
19
participe de la
diffusion de l’
éducation artistique et culturelle. Plus spécifiquement, en
sixième, tous les élèves se rendent au musée des Beaux-Arts de la ville
et, sur l’ensemble de la scolarité, suivent un parcours lecteur.
L’idéal est évidemment que les dispositifs choisis comportent bien les trois
composantes de l’éducation artistique et culturelle (connaissances, pratique
artistique, rencontres avec les œuvres et les artistes). À cet égard, les parcours
éducatifs proposés par les collectivités locales présentent un intérêt particulier
et pourraient être privilégiés.
Le parcours livre jeunesse à Marseille
Ce parcours, lancé par la ville de Marseille en 2023, vise à développer le
goût de la lecture autour de la découverte du livre jeunesse, complétée
par des rencontres avec un auteur ou un illustrateur jeunesse et des
professionnels du livre. Il permet également aux élèves de vivre une
expérience de création collective à travers des ateliers de pratiques
artistiques
20
. S’adressant aux élèves de la maternelle au collège, il comporte
sept étapes qui s’étalent tout au long de l’année scolaire. 62 classes ont été
retenues pour bénéficier de ce parcours en 2024-2025.
Les établissements peuvent aussi s’appuyer sur les grands dispositifs nationaux. Par
exemple,
« Ma classe au cinéma »
, piloté par le Centre national de la cinématographie
et de l’image animée et largement déployé sur l’ensemble du territoire et à tous
les niveaux de classes, repose sur un travail partenarial entre acteurs culturels et
enseignants et/ou professionnels de la pédagogie, sur des procédures exigeantes
de sélection des projets et des intervenants et sur des actions d’accompagnement
des enseignants.
19.
Les classes à horaires aménagés danse, musique (et à venir cinéma) mélangent les élèves relevant de ce
dispositif et des élèves qui n’en relèvent pas.
20.
Ateliers animés par un artiste à partir d’un livre en vue d’une production : mise en scène théâtralisée/
dansée d’un extrait, réalisation d’une vidéo, production plastique, écrite, musicale.
240
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
Les résidences d’artistes constituent une autre pratique plébiscitée par la communauté
éducative et soutenue par les collectivités locales. Elles permettent de développer des
actions sur le temps long, incluant les trois volets de l’éducation artistique et culturelle.
Les résidences d’artistes à Metz
La ville de Metz finance depuis 2021 des résidences d’artistes dans une
vingtaine d’écoles chaque année, à l’issue d’une procédure de sélection
sur appel à projets. Un élève effectuant l’ensemble de sa scolarité à Metz
a ainsi une chance sur deux de bénéficier de ce dispositif. Les résidences
permettent d’associer toutes les classes aux projets portés par les artistes.
Dans tous les cas, l’organisation de l’éducation artistique et culturelle pour tous
les élèves implique l’engagement personnel du directeur d’école ou du chef
d’établissement pour animer la concertation, et arbitrer la programmation et la
répartition des moyens.
Les multiples exemples rencontrés au cours de l’enquête de terrain de la Cour
montrent que, s’inspirant des pratiques bien éprouvées mises en œuvre par les
établissements, et appuyées par les collectivités locales, une organisation systé-
matique de l’éducation artistique et culturelle est possible.
B.
Soutenir l’engagement des enseignants
Si les élèves sont les bénéficiaires de la politique d’éducation artistique et culturelle,
les professeurs sont à l’initiative de son déploiement dans les établissements. Ils
doivent donc être au centre d’une réflexion sur leur rôle, sur les formations qui leur
sont proposées et sur l’ergonomie des outils professionnels à leur disposition.
1.
L’apport fondamental des enseignements artistiques
Le code de l’éducation dispose que «
L’éducation artistique et culturelle est
principalement fondée sur les enseignements artistiques
». Ces enseignements
sont obligatoires à l’école primaire et au collège. Ils sont surtout dispensés au
collège, où tous les élèves bénéficient chaque semaine d’une heure d’éducation
musicale et d’une heure d’arts plastiques, dispensées par des professeurs spécialisés
dans chacune de ces disciplines.
Paradoxalement, ces professeurs occupent rarement les fonctions de « référent
culture », alors que leurs compétences les y destineraient naturellement. Le rôle
de référent consiste à contribuer au volet culturel du projet d’établissement, à
encourager et accompagner les projets et à assurer la communication externe et
interne à l’établissement dans ce domaine. Cette fonction est en réalité souvent
exercée par des professeurs documentalistes (pour la moitié des référents au sein
des collèges, et près de 60 % dans les lycées) et par les professeurs de lettres (pour
environ un quart des référents)
21
.
Cette situation s’explique par les contraintes liées à l’organisation des enseigne-
ments artistiques. Au collège, les professeurs de musique et d’arts plastiques ont
18 classes différentes dans la semaine à raison d’une heure par classe. Leur service
est ainsi atomisé, ce qui se prête mal à l’élaboration de projets sur la durée, même
si certains trouvent les moyens de le faire pour plusieurs de leurs classes. Pour les
élèves, ces courtes séquences ne permettent qu’une pratique artistique très limitée.
Une réflexion a été amorcée sur cette organisation, qui pourrait évoluer en structu-
rant différemment les emplois du temps, sans toucher au nombre annuel d’heures
d’enseignement de ces disciplines.
L’ensemble de ces constats plaide pour que cette réflexion sur l’organisation des
enseignements artistiques soit reprise, dans le cadre d’une large concertation avec
les professeurs intéressés, et avec l’objectif de valoriser davantage la place de
ces disciplines, qui sont naturellement au cœur de toute démarche d’éducation
artistique et culturelle.
2.
La formation des enseignants de toutes disciplines, levier
essentiel pour généraliser l’éducation artistique et culturelle
La formation initiale en éducation artistique et culturelle des étudiants en master
« métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation »
est très réduite
22
,
même si les instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation (Inspé)
organisent des interventions avec les directions régionales des affaires culturelles
et les rectorats.
Le développement des compétences des enseignants repose donc principalement
sur la formation continue. Cependant les formations en inter degrés, qui permettent
de travailler sur tout le parcours des élèves, du primaire au collège, restent difficiles
à organiser.
La formation des enseignants pourrait s’appuyer davantage sur des certifications
complémentaires, comme les diplômes universitaires des Inspé ou de l’Inseac
23
,
et valoriser des formations partagées entre enseignants et artistes ou acteurs de
la culture.
L’ÉDUCATION ARTISTIQUE ET CULTURELLE
241
21.
Source : Culture/ Chiffres 2024-2.
22.
Des formateurs enseignants et le réseau des Inspé ont signé à Guingamp le 31 mai 2024 un manifeste
pour l’éducation artistique et culturelle dans la formation initiale des enseignants, dans le cadre de la
réforme envisagée de celle-ci.
23.
L’académie de Rennes travaille avec l’Inseac à la certification de certains parcours sous la forme de
crédits universitaires.
De telles formations auraient l’avantage de permettre à l’ensemble des parties
prenantes de mieux appréhender le rôle de chacun. À cet égard, les opérateurs du
ministère de la culture, qui produisent des données et proposent des formations
destinées aux enseignants, pourraient jouer un rôle intéressant.
3.
Faciliter la gestion de l’éducation artistique et culturelle
par les enseignants
Proposer aux enseignants des outils d’accès à l’offre artistique et culturelle simples
et fiables est essentiel pour promouvoir l’éducation artistique et culturelle. La
plateforme
Adage
permet des progrès en ce sens, soulignés par l’ensemble des
académies.
Cependant, cette application reste peu utilisée par les enseignants du premier
degré, qui souvent la connaissent mal ou manquent de temps pour y recourir. Certains
rectorats mènent donc des actions d’information et de formation des directeurs
d’école et des équipes du premier degré pour encourager son utilisation.
Par ailleurs, l’utilisation d’
Adage
est concurrencée dans certains territoires par les
plateformes que développent les grandes collectivités, obligeant les enseignants
à renseigner deux applications ou les conduisant à privilégier celle à laquelle
sont associés les financements disponibles. L’ouverture récente d’
Adage
aux
collectivités locales pour qu’elles y inscrivent leurs appels à candidatures et
présentent leurs projets est un premier progrès. L’élaboration de catalogues
d’offres communes, entre les services de l’État et des collectivités, comme en
Haute-Garonne, est aussi une pratique à promouvoir pour améliorer la lisibilité
des offres, tout en utilisant
Adage
comme un outil de convergence d’objectifs et
de moyens entre l’État et les collectivités territoriales.
242
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
Conclusion et
recommandations
Les nouveaux outils de la politique d’éducation artistique et
culturelle que constituent la part collective du pass Culture et
l’application Adage ont permis des progrès dans son déploiement
au bénéfice des élèves de l’enseignement scolaire. Ce point de
vue est partagé par la plupart des acteurs interrogés par la Cour,
même si tous regrettent la persistance de freins à la généralisation
de cette éducation.
En tant que « politique prioritaire du gouvernement », l’éducation
artistique et culturelle doit faire l’objet d’un suivi précis, qui est
en pratique rendu difficile par l’imperfection des statistiques
disponibles. Pour les administrations confrontées à l’injonction
d’atteindre les objectifs, la tentation existe de « faire du chiffre »,
les aspects qualitatifs étant laissés de côté par les indicateurs.
Le décompte des « élèves touchés par au moins une action
d’éducation artistique et culturelle pendant l’année scolaire »
ne renseigne ainsi aucunement sur la consistance et la portée
de ce dont ils ont bénéficié.
Au regard des éléments recueillis au cours de son enquête,
notamment lors de ses visites de terrain, la Cour estime que
l’objectif de toucher tous les élèves ne sera atteint que par une
meilleure structuration du déploiement de cette politique, seule
de nature à conférer une pleine efficacité aux moyens importants
que lui consacrent l’État et les collectivités locales.
Cette structuration doit d’abord s’exercer dans les établissements
scolaires par l’organisation beaucoup plus systématique,
au sein de chaque école, collège et lycée, d’un parcours
d’éducation artistique et culturelle pour toutes les classes, et
non plus seulement pour certaines d’entre elles. Ce parcours,
qui s’appuie en premier lieu sur les disciplines artistiques, ne
peut faire l’économie d’une réflexion sur l’organisation de leur
enseignement.
243
L’ÉDUCATION ARTISTIQUE ET CULTURELLE
Cette structuration doit aussi s’appliquer à la gouvernance de
cette politique, essentielle pour permettre une collaboration
efficace entre l’État et les collectivités locales des trois niveaux.
Celle-ci passe, dans les territoires, par la recherche d’une meilleure
articulation entre les différents dispositifs et leurs financements.
Au plan national, la concertation entre l’État et les collectivités
locales doit être relancée et poursuivie de manière pérenne, quelle
que soit la formule retenue pour y parvenir.
Enfin, les dispositifs d’éducation artistique et culturelle doivent
être resserrés pour mieux en garantir la qualité, notamment dans
le cadre du financement par la part collective du pass Culture.
Un système dans lequel on référence plus de 12 000 acteurs sans
pouvoir offrir une éducation artistique et culturelle à tous les
élèves est non seulement incontrôlable mais également inefficace,
et ne se justifie pas.
La Cour formule donc les recommandations suivantes :
1.
tenir avant la rentrée 2025 et chaque année une
concertation nationale des ministères concernés
avec les collectivités territoriales
(ministère de
l’éducation nationale, ministère de la culture)
;
2.
dès la rentrée 2025, étendre à la totalité des classes
des écoles, collèges et lycées, une organisation
systématique de parcours d’éducation artistique et
culturelle, pilotée par le directeur d’école ou le chef
d’établissement
(ministère de l’éducation nationale)
;
3.
dès 2025, sécuriser réglementairement la procédure de
référencement dans le cadre de la part collective du pass
Culture et la resserrer autour de dispositifs nationaux ou
territoriaux incluant une procédure d’évaluation périodique
obligatoire
(secrétariat général du Gouvernement, ministère
de l’éducation nationale, ministère de la culture)
.
244
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
RÉPONSES REÇUES À LA DATE DE LA PUBLICATION
245
Réponses reçues
à la date de la publication
Réponse de la ministre d’État, ministre de l’éducation nationale,
de l’enseignement supérieur et de la recherche
......................................................
245
Réponse de la secrétaire générale du Gouvernement
...........................................
249
Destinataire n’ayant pas d’observation
Madame la ministre de la culture
Destinataire n’ayant pas répondu
Monsieur le président de la société par actions simplifiée (SAS) pass Culture
Réponse de la ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement
supérieur et de la recherche
Par lettre en référence, vous m’avez adressé un chapitre destiné à figurer dans
le rapport public annuel 2025 de la Cour des comptes et intitulé
« l’éducation
artistique et culturelle, au bénéfice des élèves de l’enseignement scolaire »
.
Je souhaite porter à votre connaissance mes observations sur les trois
recommandations adressées par la Cour à mon ministère et formulées en
conclusion de son projet de chapitre.
La recommandation n° 1 préconise de
« tenir avant la rentrée 2025 et chaque
année une concertation nationale des ministères concernés avec les collectivités
territoriales »
.
Je rappelle qu’un pilotage interministériel substantiel de l’Éducation artistique et
culturelle (EAC) a été organisé, sans se traduire formellement par la mise en place
d’un comité interministériel.
Depuis l’automne 2020, les cabinets du ministère chargé de l’éducation
nationale et du ministère chargé de la culture ont des entretiens réguliers à
différents niveaux (directeurs de cabinet, conseillers). La direction générale de
l’enseignement scolaire (DGESCO) de mon ministère rencontre la délégation
générale à la transmission, aux territoires et à la démocratie culturelle (DG2TDC)
du ministère chargé de la culture environ une fois par trimestre, en dehors des
réunions spécifiques.
De plus, les équipes de ces deux directions ont des réunions de travail
hebdomadaires pluri-thématiques. Ces points réguliers se tiennent depuis le début
de l’année 2021 et ont permis d’avancer, conjointement, sur différents sujets :
-
le pass Culture dans toutes ses composantes : part individuelle et collective,
textes réglementaires, commissions de référencement, communication adaptée ;
-
l’Institut national supérieur de l’EAC de Guingamp ;
-
les groupes de travail permettant le déploiement d’ADAGE, application à
laquelle les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) ont accès ;
-
des programmes nationaux de formation au niveau interministériel ;
-
le pilotage national des pôles de ressources pour l’EAC ;
-
la signature de conventions de partenariats structurants entre le ministère
chargé de l’éducation nationale et certains grands opérateurs du ministère
de la culture tels que le centre national du Livre, la Bibliothèque nationale
de France, l’Opéra national de Paris, la Philharmonie de Paris, le Château de
Versailles, le Musée du Quai Branly ;
-
un pilotage de l’EAC déconcentré efficace, les rapports étant désormais
quotidiens entre les délégations académiques à l’éducation artistique et à
l’action culturelle (DAAC) et les DRAC ;
-
différents groupes de travail et de réflexion, notamment celui sur les
enseignements artistiques au lycée ;
-
une optimisation partagée des partenariats avec certains acteurs que les deux
ministères, désormais, soutiennent en complémentarité tels que l’Orchestre
à l’École, les Concerts de poche, les Ateliers Médicis, l’association nationale
de recherche et d’action théâtrale notamment.
À cela s’ajoutent :
-
une réunion bimensuelle entre la société par actions simplifiée (SAS) pass
Culture, la DGESCO et la DG2TDC ;
-
une réunion mensuelle avec ces mêmes acteurs autour des conseillers du
Premier ministre.
En complément, un renforcement des échanges entre les représentants de
l’État et des collectivités territoriales semble indispensable comme le souligne
la Cour. Le Haut Conseil de l’éducation artistique et culturelle (HCEAC) pourrait
être supprimé dans le cadre du projet de loi de simplification car il n’apparait
pas comme l’instance la plus appropriée. En matière d’éducation artistique et
culturelle, les échanges avec les collectivités devraient poursuivre trois objectifs :
-
de consultation,
-
de valorisation,
-
et de partage.
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Ainsi, certaines bonnes pratiques, relevées par les services déconcentrés des
ministères pourraient être exposées et partagées avec les collectivités. Cela
permettrait de placer les actions et les priorités respectives en synergie telles que :
l’EAC dans le premier degré, nécessairement en lien avec l’échelon communal et
intercommunal ;
-
le positionnement des actions d’EAC dans l’application ADAGE afin de
participer à la valorisation des actions initiées par les collectivités et de
construire également un parcours EAC traçable pour chaque élève ;
-
le partage des bonnes initiatives territoriales telles que la convention dite
Caravelle dans la région Grand Est ;
-
le renforcement du label 100 % EAC initié par les ministères chargés de la
culture et de l’éducation nationale ;
-
la recherche de solutions partagées sur des thématiques spécifiques telles
que la mobilité, la ruralité, l’éducation prioritaire, l’articulation avec la part
collective.
La recommandation n° 2 invite
« dès la rentrée 2025, à étendre à la totalité des
classes des écoles, collèges et lycées, une organisation systématique de parcours
d’éducation artistique et culturelle, pilotée par le directeur d’école ou le chef
d’établissement »
.
Je partage cette ambition pleinement légitime, qui constitue un objectif majeur
de mon action. Pour permettre une juste et efficace déclinaison de cet objectif,
plusieurs prérequis doivent être satisfaits :
-
un travail approfondi de formation et d’information doit être conduit sur le
lien entre l’éducation artistique et culturelle et les savoirs fondamentaux ;
-
dans le premier degré, le pilotage de l’EAC doit être structuré par la nécessaire
conjugaison des expertises de la direction de services départementaux de
l’éducation nationale et de la délégation académique à l’éducation artistique
et à l’action culturelle ainsi que la poursuite de l’appropriation de l’application
ADAGE (dédiée à la généralisation de l’EAC). De nombreuses actions ont été
engagées en la matière ;
-
au collège, une révision des programmes d’enseignement artistique dont les
contenus ont peu évolué depuis le début des années 1980, doit être menée ;
-
au lycée, une réflexion sur les ajustements des enseignements artistiques,
récemment initiée par le ministère chargé de la culture sur les enseignements
de spécialité et les options, doit être poursuivie.
Parallèlement à ces actions, le ministère chargé de l’éducation nationale
travaille à une déclinaison qualitative de l’EAC concrétisée par un parcours intra-
établissement (ou intra-école) offrant une diversité et une linéarité pour chaque
élève, et reposant sur le triptyque rencontre / pratique / connaissance.
RÉPONSES REÇUES À LA DATE DE LA PUBLICATION
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En écho à la remarque de la Cour évoquant
« …l’inclusion du développement durable
dans le périmètre de l’éducation artistique et culturelle… »
, il convient de préciser
que l’éducation au développement durable (EDD) ne fait pas partie des périmètres
pris en charge par la mission EAC, ni des champs éligibles à la part collective du
pass Culture, dans la mesure où cet enseignement n’est pas mentionné dans
l’annexe de l’arrêté du 6 novembre 2021 portant application du décret n° 2021-
1453 du 6 novembre 2021 relatif à l’extension du pass Culture aux jeunes en âge
d’être scolarisés au collège et au lycée. Toutefois, à travers certains projets relatifs
au patrimoine bâti ou naturel, ou liés à la culture scientifique, l’EDD se trouve
indirectement impliquée, sans constituer pour autant un point d’entrée spécifique.
La recommandation n° 3 suggère
« dès 2025, de sécuriser réglementairement la
procédure de référencement dans le cadre de la part collective du pass Culture et
de la resserrer autour de dispositifs nationaux ou territoriaux incluant une procédure
d’évaluation périodique obligatoire »
Je souhaite indiquer à la Cour que le cadre juridique est clairement défini. En effet,
le référencement et le déréférencement sont mis en œuvre dans le respect de
l’arrêté du 6 novembre 2021 précité et du code des relations entre le public et
l’administration.
Si les déréférencements des acteurs culturels sont, pour l’instant, peu nombreux,
cela s’explique par le caractère récent du recours au pass Culture avec seulement
deux années scolaires de recul, et une seule s’agissant de l’extension de la part
collective aux classes de sixième et de cinquième.
La mission éducation artistique et culturelle de mon ministère conseille et
accompagne les commissions académiques chargées du référencement qui le
demandent. Les délégués académiques vont développer des compétences liées
aux expertises juridiques et acquérir peu à peu leur autonomie. Les commissions
s’appuient sur les services juridiques académiques. Ces derniers peuvent demander
conseil au service juridique national, en premier lieu, avant de gagner aussi
progressivement en autonomie.
Il est important d’ajouter que les établissements publics nationaux ou les
structures labellisées font déjà l’objet d’un référencement automatique.
En revanche, s’il était décidé de limiter le nombre d’offreurs à ces seuls
établissements et structures, il est évident qu’il serait difficile de couvrir
l’intégralité du territoire et donc de parvenir à l’objectif du 100 % EAC. À titre
d’exemple, les publics scolaires des grands établissements publics culturels
parisiens ou franciliens sont pour l’essentiel issus d’écoles et d’établissements
d’Île-de-France.
Dans un objectif d’optimisation qualitative et de sécurisation réglementaire, il faut
effectivement travailler, avec l’ensemble des parties concernées, à encadrer et à
soulager les commissions de référencement avec l’appui d’éléments qualitatifs et
d’ajustements calendaires.
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RÉPONSES REÇUES À LA DATE DE LA PUBLICATION
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Après seulement deux années scolaires complètes de mise en œuvre de la part
collective du pass Culture, il est normal que son succès constaté, d’un point de vue
quantitatif, soit accompagné d’ajustements substantiels destinés à en renforcer la
dimension qualitative.
S’agissant du service fait, le chef d’établissement valide l’action en amont de sa
réalisation. Cette validation fait office de réservation et entraîne le paiement au
prestataire culturel dans les conditions indiquées. Les conditions d’annulation
figurent dans les conditions générales d’utilisation du pass Culture, comme indiqué
dans le vadémécum de la part collective. Pour favoriser plus de souplesse dans
la mise en œuvre du dispositif, il a été décidé que, par défaut, toute réservation
validée d’une action suppose qu’elle se tienne effectivement, sauf indication
contraire de la part de l’établissement ou de l’offreur culturel.
En cas de non-réalisation des actions, les établissements scolaires font remonter
aux DAAC ou à la SAS pass Culture les cas pour lesquels l’action n’a pas été réalisée
du fait de l’acteur culturel. Celui-ci utilise, alors, son interface pass Culture pour
créditer à nouveau l’établissement scolaire de possibilités de réservation. Si la non-
réalisation de l’action est du fait de l’établissement scolaire, l’acteur culturel peut
ne pas créditer l’établissement scolaire.
En ce qui concerne la réalité du service fait, les offres sont des activités collectives
dans le cadre des enseignements, et l’application ADAGE permet la lecture
des actions engagées par l’ensemble de l’équipe pédagogique et par l’adjoint
gestionnaire. Ainsi, même s’il est prévu de mettre en place des protocoles de
contrôle plus précis, ADAGE et le cadre d’utilisation du pass Culture limitent
drastiquement les situations de fraude du type « action fantôme ». À ce jour,
aucune action de ce type n’a été signalée.
Réponse de la secrétaire générale du Gouvernement
Vous avez bien voulu me transmettre le chapitre destiné à figurer dans le rapport
public annuel 2025 de la Cour des comptes et portant sur l’évaluation de la politique
d’éducation artistique et culturelle au bénéfice des élèves de l’enseignement
scolaire. Celui-ci appelle de ma part les remarques suivantes.
Par sa recommandation n° 3, la Cour préconise de «
Dès 2025, sécuriser
réglementairement la procédure de référencement dans le cadre de la part collective
du pass Culture et la resserrer autour de dispositifs nationaux ou territoriaux incluant
une procédure d’évaluation périodique obligatoire »
.
La phase de mise en place du volet collectif du pass Culture a nécessité d’apporter
des réponses rapides pour garantir dès le début du dispositif à l’ensemble des
enseignants la possibilité de bénéficier de propositions et de pouvoir construire
des partenariats sur l’ensemble du territoire.
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Un tel passage à l’échelle en quelques mois nécessitait de pouvoir identifier un
ensemble de partenaires déjà actifs mais pas toujours impliqués dans les dispositifs
ambitieux accompagnés par les services de l’État et des collectivités (résidences
d’artistes, dispositifs inscrits dans le long terme autour de partenaires multiples…).
Ces dispositifs, qui constituent à la fois des laboratoires, des espaces d’exemplarité,
de véritables moteurs sur les territoires, et dont tout élève devrait pouvoir bénéficier
au moins une fois dans son parcours, ne peuvent être démultipliés annuellement à
l’échelle de chaque classe ; ils doivent s’inscrire dans un parcours global qui repose
également sur des propositions plus ponctuelles de sensibilisation, d’ouverture
artistique ou culturelle dans le cadre des enseignements en accompagnant la
communauté éducative à cette nouvelle acculturation à l’EAC, d’espaces de
pratiques amateurs qualifiées des enfants et des jeunes dans les murs de l’école.
En ce sens, la part collective ne peut se resserrer entièrement sur des dispositifs
nationaux et territoriaux tels qu’ils continuent à être coconstruits et pilotés entre
services de l’État et des collectivités, et une ouverture d’Adage à de nouveaux
acteurs était nécessaire. L’ouverture à ces nouveaux acteurs permet également de
garantir une offre plus étoffée et plurielle sur des territoires moins pourvus, mais
bénéficiant d’un tissu associatif culturel ou impliquant des réseaux d’éducation
populaire, riche à valoriser.
Toutefois, les commissions de référencement établies par l’arrêté en date du
20 septembre 2022 portant modification de l›arrêté du 6 novembre 2021 portant
application du décret du 6 novembre 2021 relatif à l’extension du pass Culture aux
jeunes en âge d’être scolarisés au collège et au lycée, sont désormais confrontées
à un afflux de demandes sortant manifestement du cadre des attendus de
l’EAC dans le contexte scolaire, dont les refus engendrent des cycles de recours
chronophages et ne permettent pas un suivi adapté des partenaires d’ores et déjà
référencés.
Le cadre règlementaire actuel laisse en effet sans doute une trop large marge
d’interprétation des critères de référencement pouvant conduire à des contentieux,
et ne pose pas un cadre suffisamment précis des procédures d’évaluation et de
déréférencement.
Au vu de ce constat, il est d’ores et déjà prévu de mettre en place des groupes de
travail pour proposer une nouvelle procédure de référencement dans l’application
Adage, reposant sur des critères strictement définis et partagés, et incluant des
procédures d’évaluation. Les préconisations de ce groupe de travail pourront
utilement nourrir une évolution du cadre réglementaire, sans toutefois revenir à
un cadre qui serait contradictoire avec l’objectif de généralisation sur l’ensemble
du territoire.