2
La gestion du trait de côte en période
de changement climatique
_____________________ PRÉSENTATION_____________________
Le trait de côte, limite entre la terre et la mer lors des marées les
plus hautes hors événements exceptionnels, se déplace sous l
’
effet de
phénomènes naturels, marins ou continentaux, et des interventions
humaines,
comme
l
’
aménagement
d
’
ouvrages
de
protection.
Ce
déplacement
prend la forme d’une accumulation (accrétion) ou
d’une perte
(érosion) de matériaux, qui fait avancer ou reculer le trait de côte.
L’érosion peut
conduire à menacer de submersion marine les zones basses
situées à l’arrière.
Anciennes, ces évolutions sont aujourd
’
hui accélérées par les
conséquences du changement climatique, en particulier l
’
élévation du
niveau des eaux et la multiplication des événements météorologiques
extrêmes. Il en résulte un bouleversement, déjà manifeste ou seulement
prévisible, des conditions de vie des populations et activités installées en
bord de mer, comme des espaces naturels qu
’
il abrite.
COUR DES COMPTES
52
Schéma n° 3 :
pertes et apports sédimentaires à
l’œuvre sur le littoral
Source :
Cour des comptes d’après
Cerema
L
’
érosion marine affecte l
’
ensemble de l
’
Europe, avec des
disparités géographiques toutefois importantes. En France, selon le
Cerema
80
, 20 % des côtes seraient concernées, ce qui menacerait des
milliers de logements et d’activités économiques ainsi que des
infrastructures publiques. Cette vulnérabilité est d’autant plus importante
que les communes littorales
, qui n’occupent que 4
% de la surface
hexagonale, concentrent près de 10 % d
’une
population, multipliée par
deux à six l’été, pour une densité 2,5 fois plus élevée que la moyenne
80
Centre d’études et d’expertise sur les risques, la mobilité et l’aménagement. Le
Cerema
apporte aux acteurs territoriaux un appui en termes d’ingénierie et d’expertise
technique dans divers domaines (aménagement, transports, infrastructures, risques,
bâtiment, environnement, etc.).
LA GESTION DU TRAIT DE CÔTE EN PÉRIODE DE CHANGEMENT CLIMATIQUE
53
nationale. Cette forte pression démographique et touristique résulte autant
d
’un désir constant de rivage
que de décennies de politiques
d’aménagement.
Elle rend d’autant plus nécessaire l’adaptation de ces
territoires aux conséquences de l’érosion marine.
Pour examiner la réponse des pouvoirs publics à ce phénomène, une
formation inter juridictions couvrant les Hauts-de-France, la Normandie, la
Bretagne, les Pays de la Loire et la Nouvelle-Aquitaine a contrôlé
45 organismes locaux ainsi que les principaux ministères (transition
écologique et cohésion des territoires ; intérieur et outre-mer ; économie,
finances et souveraineté industrielle et numérique) et établissements
(BRGM, Cerema, Conservatoire du littoral et ONF) compétents. Ses
conclusions se nourrissent de la contribution d’une autre enquête des
juridictions f
inancières sur l’aménagement du littoral et les enjeux
environnementaux en Méditerranée et de comparaisons internationales.
L’outre
-
mer n’a pas été traité en raison de ses caractéristiques particulières.
Insuffisamment connus et intégrés aux politiques publiques (I), les
risques associés au recul du trait de côte ont fait l’objet de stratégies
d’anticipation souvent inabouties (II). Il en résulte un effort d’adaptation encore
limité des territoires littoraux, ce à quoi il convient de remédier par, notamment,
une clarification des modalités de financement futur de cet effort (III).
I -
Le recul du trait de côte : un phénomène
aggravé par le changement climatique
aux conséquences insuffisamment anticipées
L’érosion côtière (A) est un phénomène encore imparfaiteme
nt
connu dans le contexte du changement climatique (B). Ses conséquences
sur les biens et activités, pourtant déjà préoccupantes, sont insuffisamment
prises en compte dans les politiques d’aménagement du territoire (C).
A -
L’érosion côtière en métropole
1 -
Un ph
énomène d’ampleur inégale
L’érosion côtière est un phénomène naturel, qui se définit comme
une perte de matériaux vers la mer touchant tous les types de littoraux,
sableux, vaseux ou rocheux. Elle résulte des effets combinés de la marée,
de la houle (érosion marine), des vents et de dynamiques continentales,
comme la pluie, le ruissellement ou le gel (érosion aérienne). Elle se traduit
par un recul du trait de côte, temporaire ou permanent.
COUR DES COMPTES
54
Le littoral français est diversement exposé à ce phénomène.
Carte n° 5 :
surfaces perdues à cause du recul du trait de côte
entre 1960 et 2010
–
en km
2
Source : Cerema
Sur la façade atlantique, l’érosion côtière peut atteindre des niveaux
parmi les plus importants d’Europe. C’est le cas par exemple sur la côte
ouest de l’île d’Oléro
n (Charente-
Maritime), où l’on observe des taux de
recul annuels moyens de 15 mètres, alors que les départements bretons sont
moins touchés. Avec un linéaire de 2 400 km, représentant 34 % du trait
côtier de la France métropolitaine, le littoral méditerranéen est également
exposé. Selon le Cerema, un cumul de 9,72 km² a disparu de la façade
méditerranéenne en raison du recul du trait de côte entre 1960 et 2010, dont
54 % dans les Bouches-du-Rhône. La Camargue, particulièrement touchée,
a perdu sur cette période près de deux mètres par an en moyenne. Le littoral
LA GESTION DU TRAIT DE CÔTE EN PÉRIODE DE CHANGEMENT CLIMATIQUE
55
corse, moins concerné du fait des caractéristiques de ses côtes,
essentiellement rocheuses, est également touché par l’érosion due à la
houle, en particulier sur la plaine orientale entre Bastia et Solenzara. En
Occitanie, où les côtes sableuses sont majoritaires, 46 % du linéaire
devraien
t reculer d’ici 2100, dont 27
% de plus de 50 cm par an
81
.
2 -
Une érosion côtière parfois imbriquée avec la submersion marine
À la différence de l’érosion, la submersion
marine est une
inondation rapide et de courte durée de la zone côtière intervenant lors de
conditions météorologiques et océaniques défavorables.
L’approche des risques littoraux par les pouvoirs publics a été marquée,
depuis le début des années 2010, par la dissociation croissante du traitement
de ces deux risques. Cette distinction est justifiée par les caractéristiques de
l’érosion, généralement progressive, inéluctable et ne menaçant pas les vies
humaines de façon imprévisible. Elle est aussi motivée pa
r l’objectif de
moduler les droits à construire selon l’intensité de la menace, à la différence de
la submersion marine, qui appelle leur strict encadrement au regard du danger
qu’elle fait courir. Dans le même sens, l’érosion est exclue de la liste des
risques naturels majeurs que la loi a dressée pour faciliter, juridiquement
(expropriation) et financièrement (fonds de prévention des risques naturels
majeurs, dit « fonds Barnier
»), la mise à l’abri des personnes.
Cette exclusion a été jugée conforme à la Constitution à la suite du
contentieux né du refus d’appliquer la procédure d’expropriation pour risques
naturels majeurs aux propriétaires de l’immeuble «
Le Signal », à
Soulac-sur-Mer (Gironde
82
). En revanche ses fondements sont discutés par les
élus locaux et par certains scientifiques. En effet, les manifestations de
l’érosion côtière «
peuvent être brusques et aléatoires
»
83
, comme en
témoignent les reculs brutaux du trait de côte survenus à la suite des tempêtes
hivernales de 2013-2014 ou les effondrements soudains de falaises à Ault
(Somme) ou à Bidart (Pyrénées-Atlantiques). Des scientifiques font également
valoir que la submersion marine se transforme en aléa progressif, permanent
et irréversible, comme l’érosion, sous l’effet de l’élévation du nivea
u de la
81
Réseau d’expertise sur les changements climatiques en Occitanie,
Cahier régional
Occitanie sur les changements climatiques
, 2021.
82
Décision n° 2018-698 QPC du 29 mars 2018.
Menacé par l’érosion côtière venue
à
son pied, cet immeuble a été évacué, et finalement démoli en février 2023 au terme d’un
long processus administratif et juridictionnel.
83
Haut Conseil pour le climat,
Rapport annuel 2022 : dépasser les constats, mettre en
œuvre les solutions
, 2022, p. 27.
COUR DES COMPTES
56
mer
84
. Enfin, l’érosion peut être fortement imbriquée avec les deux risques
naturels majeurs que sont, d’une part, la submersion marine, en particulier dans
les zones basses dont les dunes peuvent être fragilisées par le recul du trait de
côte et, d
’autre part, les mouvements de terrain, comme dans les secteurs à
falaise, où les actions marines et continentales se cumulent. Dans ces deux cas,
le traitement de l’érosion côtière peut bénéficier des facilités de financement
du « fonds Barnier », selon l
’appréciation des services de l’État.
Cette distinction, que beaucoup d
’autres
pays reconnaissent
également, tire les conséquences des caractéristiques dominantes de
l
’
érosion, qui la différencient de la submersion, même si le changement
climatique tend à estomper leurs différences. Elle ne saurait toutefois
conduire à écarter
l’érosion comme risque naturel, c’est
-à-dire un aléa
–
manifestation physique brutale ou chronique
–
susceptible d’entraîner des
dommages. Elle ne doit pas nuire au correct traitement des risques littoraux
dans chaque territoire, et ne devrait pas interdire, là où ils interagissent,
leur cartographie conjointe et la mise en œuvre d’actions cohérentes.
Plusieurs pays procédant à la même distinction privilégient ainsi la gestion
des deux phénomènes par un instrument commun,
tels l’
Espagne,
l’
Italie
ou le Royaume-Uni, dont les stratégies traitent des deux risques littoraux.
B -
Une connaissance du phénomène encore imparfaite et
déjà préoccupante dans le contexte du changement climatique
1 -
La nécessité de poursuivre un effort de recherche
et développement et davantage coordonner les opérateurs
Le recul du trait de côte, phénomène ancien et historique, est
aggravé par le changement climatique. Celui-ci engendrera de nombreux
phénomènes qui affecteront le littoral et potentiellement
l’érosion côtière
.
Il en va ainsi de la modification de la direction moyenne des houles, qui
peut influencer les transports de sédiments littoraux et, en conséquence, le
taux moyen d
’
érosion. Les épisodes de submersion marine et de recul du
trait de côte majeurs, survenant lors de tempêtes intenses, devraient
également être plus fréquents. Les précipitations pourraient en outre
augmenter aux hautes latitudes, et donc accentuer
l’
érosion côtière
d’origine
aérienne. Comme le rappelle
l’Observatoire national sur les effets
84
BRGM (Groupe de travail « Risques naturels, assurances et adaptation au
changement climatique »),
Impacts du changement climatique
–
Adaptation et coûts
associés en France pour les risques côtiers
, 2009.
LA GESTION DU TRAIT DE CÔTE EN PÉRIODE DE CHANGEMENT CLIMATIQUE
57
du réchauffement climatique (Onerc)
85
, il est difficile de prévoir la réponse
des systèmes littoraux au changement climatique, particulièrement si ces
modifications sont fortes et rapides par rapport à leur c
apacité d’adaptation
.
Seules des projections de recul du trait de côte, et non des prévisions
incontestables, peuvent ainsi être réalisées. Ces projections dépendent de
nombreux paramètres, comme la prise en compte du rôle des ouvrages de
défense contre la mer ou des tempêtes exceptionnelles.
Le risque littoral sera également aggravé par l’
élévation prévisible
du niveau de la mer. Ce processus est essentiellement dû à la fonte des
calottes glaciaires et des glaciers continentaux, ainsi
qu’à
la dilatation des
océans
. Il entraîne l’envahissement chronique puis permanent du littoral
par la mer. Son ampleur dépend des émissions de gaz à effet de serre (GES)
et des mécanismes physiques à l
’œuvre dans l’
océan. Il est désormais
admis
que l’élévation prévisible du n
iveau de la mer se poursuivra pendant
plusieurs siècles en raison de l
’
inertie thermique des océans, y compris en
cas de très forte réduction des émissions de GES
86
.
Schéma n° 4 :
impact du réchauffement climatique sur le niveau de la mer
Source :
Cour des comptes d’ap
rès BRGM
85
ONERC,
Le littoral dans le contexte du changement climatique
, rapport au Premier
ministre et au Parlement, La documentation française, 2015.
86
Synthèse du sixième rapport du GIEC sur l
’
évolution du climat, 2021.
COUR DES COMPTES
58
Malgré la difficulté à élaborer des projections de recul du trait de côte
tenant compte du changement climatique, plusieurs approches scientifiques
sont mobilisables, en particulier pour intégrer aux diagnostics du risque
l’élévation prévisible du
niveau de la mer
87
. Un effort en matière de
recherche et développement doit toutefois être consenti afin de fiabiliser
davantage ces approches. Ceci est rendu compliqué par le fait que plusieurs
opérateurs interviennent en la matière, alors qu’aucun d’entre eux n’a atteint
une taille critique et que leur coordination n’est pas toujours assurée. Le
BRGM et le Cerema développent ainsi chacun des modèles numériques sans
porter de projets de recherche communs, pourtant gages de synergies et donc
d’une plus grande efficacité. Ainsi, l’indicateur national d’érosion côtière a
été élaboré par les seules équipes du Cerema. L’accord
-cadre national qui
organise le partenariat entre les deux structures ne porte pas sur les risques
littoraux, alors que leurs missions sont, en ce domaine, très proches.
Des partenariats inter-établissements devraient être recherchés plus
systématiquement
afin d’améliorer la connaissance du risque, en particulier
avec l’
Institut national de l
’
information géographique et forestière (IGN),
le Service hydrographique et océanographique de la marine, l
’
Institut
national de recherche
pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement,
Météo-France,
l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer,
le Conservatoire de l’espace litto
ral et des rivages lacustres (CELRL) ou
l’Office national des forêts (ONF).
Enfin, les observatoires locaux du trait de côte enregistrent des
informations de terrain particulièrement utiles, notamment pour quantifier
les effets du changement climatique comme l
’
impact des tempêtes et leur
récurrence
. Cependant ils n’emploient pas des méthodologies homogènes,
ce qui rend leurs données difficilement comparables. La création, en 2015,
du Réseau National des Observatoires du Trait de Côte constitue une
avancée pour améliorer leur coordination mais il regroupe très peu
d’observatoires de niveau infrarégional et ne mutualise pas les
informations collectées par ses adhérents. La transformation de ce réseau
en un véritable observatoire national conservant ces données
afin d’en
optimiser l’utilisation et de les
mettre à disposition du public et des opérateurs
apparaît dès lors souhaitable. L’IGN
est
d’ailleurs
disposé à apporter sa
compétence et son soutien pour contribuer à cette amélioration.
87
Recommandations pour l’élaboration de la carte locale d’exposition au recul du trait de côte
.
LA GESTION DU TRAIT DE CÔTE EN PÉRIODE DE CHANGEMENT CLIMATIQUE
59
2 -
Un recensement lacunaire des biens publics et privés menacés,
pour un enjeu représentant des
dizaines de milliards d’euros en 2050
Le Cerema a recensé en 2019 les locaux d’habitation qui disparaîtront
d’ici 2100 en France en raison de l’érosion côtière. Il a estimé que le nombre
de logements concernés serait compris entre 5 000 et 50 000 en métropole et
en outre-mer, selon les hypothèses retenues en termes de recul du trait de
côte et de pérennité des ouvrages de défense contre la mer. La valeur
immobilière de ces biens s’inscrit
dans une échelle de 0,8 à 8
Md€.
Tableau n° 1 :
recensement des logements menacés par l’érosion côtière en 2100
Nombre de logements
atteints en 2100
Ouvrages
maintenus
en place (A)
Disparition
progressive
des ouvrages (B)
Ouvrages
effacés (C)
Recul sur les secteurs historiques
de l’indicateur national (S1)
5 000 logements
7 600 logements
13 300
logements
Recul généralisé sur la majorité
du littoral (S2)
13 200 logements
21 300 logements
47 300
logements
Source : Cerema, 2019
Cette démarche inédite constitue une avancée pour mieux
appréhender les conséquences du recul du trait de côte mais souffre de
nombreuses limites méthodologiques
. Tout d’abord
, seul un horizon 2100
a été retenu alors que l
’
estimation aurait pu être affinée avec une autre
échéance à + 30 ans. Par ail
leurs, l’élévation
prévisible du niveau de la mer
n’a pas été prise en compte dans les projections, ce qui
pourrait engendrer
une sous-estimation du nombre de logements menacés. En outre, ces
derniers ne sont pas ventilés entre résidences principales et secondaires,
alors que
l’impact socio
-économique de la disparition des premières est
plus important. Aucune décote liée au risque d’érosion n’a, au surplus, été
appliquée. Enfin et surtout, les autres biens menacés ne sont pas pris en
compte
en
dépit
du
coût
potentiellement
considérable
de
leur
relocalisation : les bâtiments publics, les réseaux routiers, d
’
eau,
d
’
assainissement et d
’
électricité, les entreprises, les activités agricoles ou
encore les structures touristiques ne sont ainsi pas recensés. Sur les 207
établissements classés
Seveso
implantés sur le littoral français, seule
catégorie
d’établissements
à
avoir
fait
l’objet
d’un
inventaire
complémentaire en 2022, cinq pourraient être menacés, dont trois classés
en seuil haut et deux en seuil bas
88
.
88
Les obligations de prévention applicables aux sites industriels à risque en raison des
substances dangereuses qu’ils produisent ou stockent sont adaptées aux quantités
maximales de substances présentes, suivant deux seuils, bas et haut.
COUR DES COMPTES
60
Comm
e l’État, les collectivités contrôlées ont une connaissance
imparfaite des bâtiments et équipements menacés par l’érosion côtière sur leur
territoire. Lorsqu’il existe, leur recensement est en effet rarement exhaustif.
Dans le bassin méditerranéen, les impacts anticipés sont multiples :
disparition des plages et des services associés, modification de la qualité
des eaux souterraines et des espaces lagunaires, remodelage des territoires
agricoles et artificialisés. 9
500 logements seraient confrontés à l’ér
osion
côtière à l’horizon 2100
. La région Provence-Alpes-
Côte d’Azur, où les
trois quarts de la population se concentrent sur une bande côtière de
25
kilomètres de largeur et où dominent d’importants enjeux fonciers et
touristiques, est, avec la Nouvelle-Aquitaine, la plus concernée par le
nombre de bâtiments et logements potentiellement menacés, selon le Cerema.
L’estimation économique
de ces enjeux sur le littoral Atlantique-
Manche-
mer du Nord n’a pas encore été véritablement amorcée. La région
la plus avancée en ce domaine est la Nouvelle-Aquitaine,
où, d’ici
2050,
6 022 logements, 723 activités, 122 structures publiques et 99 km de
voiries sont menacés, pour une valeur totale oscillant entre 1,8 et 2,7
Md€.
En extrapolant ces données à l’échelle des huit
régions métropolitaines
concernées, il est donc vraisemblable que la valeur des logements,
bâtiments et équipements menacés
soit plutôt de l’ordre de
dizaines de
milliards d’euros d’ici 2050, bien au
-delà des prévisions du Cerema.
La connaissance des constructions et activités menacées par le recul
du trait de côte et leur estimation économique demeurent donc parcellaires
et doivent être améliorées. Elles sont indispensables à la réalisation des
analyses coûts-avantages des options de gestion du trait de côte. Il convient
en effet de connaître le montant des biens et activités à protéger pour le
mettre en regard du coût de leur protection. À cette fin, un nouvel
inventaire est en cours de réalisation par le Cerema, dont l’objectif est
d’apporter les éclairc
issements économiques attendus.
C -
Une intégration insuffisante dans les politiques
d’aménagement du territoire
Imparfaitement connu, le recul du trait de côte est également
insuffisamment anticipé dans les territoires menacés. La loi du
22 août 2021
portant
lutte
contre
le
dérèglement
climatique
et
renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi « Climat et
résilience », a créé un nouveau dispositif pour intégrer davantage
l’érosion
côtière dans les politiques d
’
aménagement des collectivités locales. Il doit
désormais monter en puissance.
LA GESTION DU TRAIT DE CÔTE EN PÉRIODE DE CHANGEMENT CLIMATIQUE
61
1 -
Les limites des plans de prévention des risques littoraux
La tempête Xynthia de 2010 a mis en évidence la nécessité de
relancer les plans de prévention des risques littoraux (PPRL) créés par la
loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de
l
’
environnement, dite « loi Barnier ». Ces plans
de l’État
ont pour objet de
cartographier les risques
de submersion marine et d’érosion côtière. Ils
définissent pour cette dernière une bande en principe inconstructible car
ayant vocation à disparaître à 100 ans, opposable aux plans locaux
d
’
urbanisme des communes et des établissements publics de coopération
intercommunale (EPCI).
Plus de dix ans après
Xynthia,
la couverture en PPRL des territoires
menacés par l
e recul du trait de côte n’est toutefois pas complète. Le
Cerema a relevé que sur les 52 communes les plus concernées, selon le
niveau de surface d
’
habitation qui disparaîtra à cause de l
’
érosion d
’
ici
2100, 37 ne sont pas couvertes par un PPRL, soit environ 70 % d
’
entre
elles. Le fait qu
’
aucun PPRL ne soit applicable à un nombre important de
territoires fortement menacés par l
’
érosion côtière
n’est pas satisfaisant.
Cette carence est rarement compensée par l
’
élaboration d
’
un diagnostic du
risque porté par les collectivités elles-mêmes ou par un autre acteur pour
être ensuite traduit dans leurs documents d
’
urbanisme. En conséquence, en
l
’
absence de cartographie
de l’aléa
ayant une valeur juridique dans ces
communes, l
’
urbanisation s
’
y poursuit sans prise en compte de la
problématique du recul du trait de côte. Une forte tendance à la
densification des logements, bâtiments, activités et équipements menacés
par le recul du trait de côte caractérise donc ces zones littorales dont la
vulnérabilité pourrait, dès lors, être aggravée
, et le coût d’éventuelles
opérations de relocalisation à l
’
avenir, accru.
Par ailleurs, lorsque les territoires menacés sont couverts par des
PPRL, ces derniers ne tiennent pas compte de l
’
élévation prévisible du
niveau de la mer causée par le changement climatique dans le calcul des
projections de recul du trait de côte, contrairement à ce qui prévaut pour le
risque de submersion marine. En conséquence, les PPRL cartographient
des bandes d
’
érosion côtière dont la superficie est susceptible d
’
être sous-
estimée. Persiste ainsi un risque que
l’
urbanisation se poursuive dans des
zones menacées par le recul du trait de côte.
Certains établissements publics de coopération intercommunale
(EPCI), comme les communautés de communes de la Terre-des-Deux-
Caps (Pas-de-Calais) ou Cap-Atlantique (Loire-Atlantique), ont lancé
l’élaboration de cartographies intégrant l’élévation prévisible du niveau
de la
mer pour remédier à cette carence.
COUR DES COMPTES
62
Même si un PPRL tenait compte de l’élévation prévisible du niveau d
e la
mer pour élaborer les projections de recul du trait de côte, il appliquerait l’échelle
retenue dans le guide des PPRL, qui est fondée sur la prévision d’une
augmentation du niveau de la mer de 60 cm à échéance de 100 ans. Or le BRGM
et le Cerema estim
ent qu’à cette échéance, la valeur de +
60 cm est un minimum
pour le scénario de trajectoire intermédiaire d’émissions de GES, et qu’il faudrait
au moins retenir + 100 cm pour anticiper un scénario plus pessimiste
89
.
Tableau n° 2 :
valeurs médianes et intervalles pour l’
élévation
du niveau de la mer en 2100 et 2150
Scénarios climatiques
2100
2150
SSP 1-2.6 (faibles émissions)
0,44 m [0,33
–
0,61]
0,69 m [0,46
–
1,00]
SSP 2-4.5 (scénario médian)
0,56 m [0,44
–
0,76]
0,93 m [0,67
–
1,33]
SSP 5-8.5 (fortes émissions)
0,77 m [0,63
–
1,02]
1,35 m [1,02
–
1,89]
Source
: sixième rapport du GIEC sur l’évolution du climat, 2021
Enfin, les PPRL reposent sur des données souvent anciennes. Or le
changement climatique impose de mettre régulièrement à jour les projections,
la plupar
t du temps à la hausse. La procédure d’élaboration et de révision des
plans est souvent très lourde, comme à Quiberville (Seine-Maritime) où plus
de 20
ans après sa prescription, le PPRL n’a toujours pas été adopté.
2 -
L’indispensable montée en puissance du d
ispositif instauré
par la loi « Climat et résilience »
La loi « Climat et résilience » du 22 août
2021 a prévu d’améliorer la
prise en charge du recul du trait de côte. Ce dernier n’est désormais plus
appréhendé comme un risque à proprement parler, c’est
-à-dire un aléa ayant
une probabilité non certaine d’occurrence, mais comme un phénomène
inéluctable à l’échelle d’une vie humaine, qui doit être traité sous l’angle de
l’aménagement du territoire pour que les collectivités locales adaptent leur
action en ma
tière d’urbanisme. La logique poursuivie consiste donc à inciter
ces dernières à adopter un projet global et concerté sur leur territoire. Il s’agit
d’utiliser de nouveaux outils juridiques, comme les cartographies locales
distinguant deux zones d’érosion
à 30 ou 100 ans, dans lesquelles les droits
à construire sont adaptés à chacune de ces deux échéances et où de nouvelles
modalités d’occupation des sols sont définies afin d’en faciliter le
réaménagement (préemption des biens menacés, baux réels d’adaptati
on à
l’érosion côtière
90
, dérogations à la « loi Littoral » etc.).
89
Recommandations pour l’élaboration de la carte locale d’exposition au recul du trait de côte
.
90
Contrats de bail permettant une occupation temporaire de biens acquis dans des zones
exposées au recul du trait de côte.
LA GESTION DU TRAIT DE CÔTE EN PÉRIODE DE CHANGEMENT CLIMATIQUE
63
L’approche de co
-construction avec les territoires promue par la loi
constitue une réponse à la critique faite aux PPRL d’être édictés de façon
descendante de l’État vers les collectivités
locales en se superposant de façon
parfois peu cohérente à leurs documents d’urbanisme. Ceux
-ci traitent
d’ailleurs peu de l’érosion côtière. C’est le cas par exemple des plans locaux
d’urbanisme (PLU) des communes membres de la communauté de communes
d’Aur
ay-Quiberon-Terre-Atlantique (Morbihan) ou encore du schéma de
cohérence
territoriale
(SCoT)
du
Pays-de-Saint-Gilles-Croix-de-Vie-
Agglomération (Vendée).
La loi permet également de mieux sensibiliser la population en
renforçant l’
information des acquéreurs et des locataires. Dès le stade de
l
’
annonce de mise en vente ou de location du bien immobilier, il est fait
référence à son exposition au risque. En effet, les biens immobiliers
affectés par le recul du trait de côte continuent souvent d
’
être achetés à des
prix très élevés qui sont déconnectés du risque, avec comme conséquence
de maintenir des logements d
’
une valeur économique importante dans la
zone menacée, rendant difficile leur relocalisation.
Le nouveau dispositif mis en place par la loi « Climat et résilience »
n’est toutefois pas exempt de défauts. Outre les critiques formulées contre
l’exclusion de l’érosion côtière des risques naturels majeurs, le choix du
législateur de retenir prioritairement l’échelon communal peut être discuté.
C’est en effet
aux communes qu’il revient, sur la base du volontariat, de
demander à figurer dans la liste du décret du 29 avril 2022
91
et d’élaborer
ensuite leur cartographie locale. Or, l’échelle communale correspond très
rarement à l’unité hydro
-sédimentaire qui est pourtant la référence de la
stratégie nationale. Alternativement, la loi a chargé l’EPCI d’établir la
cartographie locale lorsqu’il est compétent en matière d’urbanisme.
Toutefois, seul un tiers des EPCI littoraux détenait, au 31 décembre 2022, la
compétence urbanisme
via
un PLU intercommunal couvrant la totalité de leur
territoire. En outre, le contenu des nouvelles cartographies ne sera régi par
aucune norme obligatoire mais simplement par des recommandations pour
leur élaboration. Ces documents ne seront donc pas pleinement opposables,
en particulier par l’État dans le cadre de son contrôle de légalité. Comme pour
les PPRL, il est seulement recommandé d’intégrer l’élévation prévisible du
niveau de la mer dans les futures cartographies, ce qui pourrait entraîner les
mêmes travers. De même, il n’est pas prévu de réaliser un contrôle qualité des
prestataires qui réaliseront ces cartographies, par la délivrance préalable d’un
agrément, contrairement à ce qui prévaut en matière de submersion marine.
Enfin, des incertitudes demeurent quant à la pleine adhésion des
collectivités concernées au nouveau régime de la loi « Climat et résilience ».
91
Décret modifié n° 2022-750 du 29 avril 2022 établissant la liste des communes dont
l
’
action en matière d
’
urbanisme et la politique d
’
aménagement doivent être adaptées
aux phénomènes hydro-sédimentaires entraînant l
’
érosion du littoral.
COUR DES COMPTES
64
La liste publiée par les décrets du 29 avril 2022 et du 31 juillet 2023
comporte 253 communes, alors que 298 ont été identif
iées par l’État comme
les plus menacées. Certaines communes ont craint en effet de devoir assumer
une nouvelle compétence sans contrepartie financière et estiment que les
nouveaux outils juridiques, en particulier le droit de préemption pour
l’adaptation d
es territoires au recul du trait de côte, génèrent des risques
contentieux. À terme, il est souhaitable que la totalité des 298 communes
menacées par l’érosion du littoral s’inscrivent dans le dispositif. Il convient
en effet qu’elles soient toutes couvert
es par un diagnostic du risque
opposable juridiquement, pour que l’urbanisation de l’ensemble des zones
menacées puisse être maîtrisée.
Cette couverture devra être homogène, en particulier en ce qui
concerne la prise en compte de l’élévation prévisible du
niveau de la mer
dans les projections du risque. À cette fin, les PPRL qui ne tiennent pas
compte de ce phénomène devraient être progressivement remplacés par les
nouvelles cartes locales de la loi « Climat et résilience ».
Carte n° 6 :
communes de France métropolitaine les plus menacées
par l
’érosion côtière
, non couvertes par un PPRL et absentes
de la liste de la loi « Climat et résilience »
Source
: Cour des Comptes, d’après les données du Cerema (avril 2021)
LA GESTION DU TRAIT DE CÔTE EN PÉRIODE DE CHANGEMENT CLIMATIQUE
65
II -
Des stratégies nationale et locales
d’anticipation et d’
adaptation inabouties
Face au recul du trait de côte, Face au recul du trait de côte, une
stratégie nationale a été lancée dès 2012 (A). Cependant peu de territoires
l'ont déclinée localement (B),
autour d’une gouvernance souvent
défaillante, faute de coor
dination et d’association satisfaisantes de
l’ensemble des acteurs compétents (C).
A -
Une doctrine nationale qui s’est progressivement
structurée depuis 2012
En France,
suivant le premier plan national d’adaptation au
changement climatique,
l’État
a, dès 2012, arrêté une stratégie nationale de
gestion intégrée du trait de côte (SNGITC). Ce document s
’
insère dans un
cadre stratégique constitué de plusieurs instruments
92
en partie issus du
droit européen et susceptibles d
’
intéresser la gestion du trait de côte. Sans
être contradictoires, leurs déclinaisons dessinent un paysage éclaté.
L
’apport d
es documents stratégiques de façade, pourtant supposés définir
les objectifs de la gestion intégrée de la mer et du littoral, est limité. En
effet, ils ne portent pas un intérêt suffisant à certains des facteurs de cette
gestion intégrée, comme la préservation des habitats naturels ou
l
’
extraction de granulats marins.
La SNGITC a été déclinée en deux programmes d’actions (pour les
périodes 2012-2015 et 2017-2019), qui ont amélioré la connaissance de
l
’
aléa et incité à davantage structurer les mesures à prendre pour s
’
y
adapter. Ils ont donné lieu à de nombreux appels à projets destinés à
expérimenter des réflexions ou des solutions pour gérer la mobilité
croissante du trait de côte et anticiper les recompositions spatiales qui en
résultent. Le suivi incomplet et disparate de ces programmes, le caractère
général des actions priorisées et l
’
absence d
’
indicateurs temporels et
chiffrés rendent leur évaluation difficile. Aucun nouveau programme n
’
a
été élaboré depuis 2019, le précédent étant demeuré en vigueur selon le
Gouvernement. La période qui s
’
est ouverte depuis a été marquée par la
préparation de la loi « Climat et résilience » du 22 août 2021.
92
Stratégie nationale pour la mer et le littoral, stratégie nationale de gestion des risques
d
’inondation, stratégie nationale pour la biodiversité 2030, stratégie nationale pour les
aires protégées 2030 etc.
COUR DES COMPTES
66
Malgré ses insuffisances, la SNGITC a institué une doctrine stable,
que son actualisation en cours ne devrait pas remettre en cause. Elle
s’inscrit dans le cadre, posé au niveau international et européen, de gestion
intégrée des zones côtières, visant à traiter ensemble et de manière
c
ohérente toutes les problématiques côtières. Elle prône l’adaptation plutôt
que la défense systématique contre la mer en planifiant, à une échelle
pertinente, les mesures de réduction de la vulnérabilité à ce phénomène. La
protection des seuls secteurs à enjeux, l
’
articulation des échelles
temporelles et spatiales de prévention, d
’
aménagement et de gestion du
risque, la justification des choix
d’intervention et l’approfondissement de la
connaissance, en sont des constantes.
B -
Une appropriation locale insuffisante et hétérogène,
la Nouvelle-Aquitaine se signalant par son avance stratégique
La SNGITC a fait l’objet de déclinaisons locales hétérogènes.
Seules trois régions (Nouvelle-Aquitaine, Normandie et Occitanie)
se sont dotées d’une véritable stratégie
consacrée à la gestion du trait de
côte. Les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable
et d’égalité des territoires (SRADDET) abordent cette problématique dans
des termes et selon un degré de détail
variables. Moins d’une quinzaine de
communes
ou d’EPCI ont adopté une
stratégie territoriale, dont 11 pour la
seule Nouvelle-Aquitaine. Mais de nombreuses stratégies sont en cours
d’élaboration,
dont
six
en
Occitanie,
ou
envisagées,
grâce
à
l’accompagnement des régions, comme en Normandie dès 2014 av
ec le
dispositif
« Notre littoral pour demain »
.
Une faible structuration des actions locales en Méditerranée
malgré des enjeux comparables à ceux des façades ouest et nord
Malgré une plus grande connaissance du risque (grâce aux expertises
du GIEC, aux actions de sensibilisation du Cerema, portés à connaissance
de l’État et des collectivités territoriales à l’occasion des avis sur les
documents de planification et d’urbanisme, aux avis des autorités
environnementales) et en dépit de quelques initiatives, l
’action locale en
Méditerranée peine à se structurer. En Corse,
l’Assemblée territoriale a
approuvé dès 2019 les grandes orientations et la méthodologie pour
l’élaboration d’une stratégie de gestion intégrée du trait de côte, mais aucun
document opérationn
el n’
a été adopté à ce jour.
La portée et le contenu des stratégies territoriales existantes,
faiblement opposables et dépourvues de cahier des charges en listant les
prérequis, sont variables
, ce qui est en partie le reflet d’une grande diversité
LA GESTION DU TRAIT DE CÔTE EN PÉRIODE DE CHANGEMENT CLIMATIQUE
67
des situ
ations. D’autres cadres stratégiques
93
, tels les programmes
d’actions de prévention des inondations (PAPI), peuvent traiter de la
gestion du trait de côte. Cependant ils contribuent de manière inégale et
limitée à cette problématique, sauf à de rares exceptions.
L’articulation variable de la gestion des risques
d’inondation
et
d’érosion
: illustrations
À Noirmoutier (Vendée), l’insularité est propice à une gestion
intégrée des risques littoraux.
La baie de Somme et le littoral picard sont couverts par une stratégie
composée d’un PAPI et d’un programme sur l’érosion, qui ne rassemble
toutefois pas toutes les actions liées à cet aléa.
En Bretagne, la stratégie « Quimper-littoral sud Finistère » prévoit
l’articulation des politiques de gestion de l’érosion et de
la submersion
marine, mais les biens exposés sont traités distinctement selon le risque
couru, même s’ils relèvent d’un même secteur
.
Ce défaut de structuration territoriale contraste avec la situation
observée sur les côtes anglaises et galloises, couvertes par 22 plans
régionaux de gestion du littoral (
shoreline management plans
) et
80 stratégies locales (
coastal adaptation strategies
)
94
.
Facultative
95
, l
’
élaboration de stratégies de gestion du trait de côte
devrait être encouragée pour rompre avec la multiplication des
interventions ponctuelles, dépourvues de vision de long terme et guidées
par l
’
urgence. En l
’
état du droit, seuls un engagement accru des territoires
et une incitation forte de l
’
État, par la voie de la contractualisation,
garantiront l
’
appropriation locale des principes de la SNGITC.
C -
Une gouvernance locale à construire
La gestion du trait de côte associe autant les pouvoirs publics que
les propriétaires privés. La loi du 16 septembre 1807 relative au
dessèchement des marais, encore en vigueur, rend ces derniers
responsables de la protection de leurs biens contre la mer. Une gouvernance
adaptée à la diversité des acteurs est donc nécessaire.
93
Plans de gestion des aires marines protégées ou des sites de l’ONF et du CELRL.
94
Committee on climate change
,
Managing the coast in a changing climate
, 2018 ;
National Audit Office
,
Managing flood risk
, 2020.
95
Aux termes de l’article
L. 321-
16 du code de l’environnement, qui prévoit toutefois
qu’une stratégie locale peut faire l’objet d’un conventionnement financier avec l’État.
COUR DES COMPTES
68
Cette gouvernance a tardé à se mettre en place au niveau national. Un
comité de suivi de la SNGITC, créé trois années après son lancement, a
fonctionné de manière intermittente. Par ailleurs, sa composition ne permettait
pas une représentation satisfaisante des acteurs socio-économiques et
notamment des propriétaires privés. Lui a succédé en 2023 le comité national
du trait de côte, à la composition élargie et aux missions clarifiées, dont il est
encore prématuré d’apprécier le rôle mais qui devrait représenter un progrès.
Schéma n° 5 :
la gouvernance de la gestion du trait de côte
Source : Cour des comptes
LA GESTION DU TRAIT DE CÔTE EN PÉRIODE DE CHANGEMENT CLIMATIQUE
69
La gouvernance locale, variable dans son échelle et dans ses
modalités, demeure largement à construire
, à l’image des constats opérés
sur la mise en œuvre des plans nationaux d’adaptation successifs
96
. En
effet, lorsqu
’
elle est formalisée, elle ne permet pas toujours la coordination
et la mutualisation des interventions.
Certaines régions ont jeté les bases d’un partenariat. En Normandie, la
stratégie régionale fédère plusieurs structures autour de travaux centrés sur la
connaissance et la surveillance du littoral. Dans les Pays de la Loire, une
commission régionale de gestion durable du littoral formule un avis sur le
financement des projets locaux, dans l’attente de la mise en œuvre de la
convention régionale renouvelée en 2023, au cadre élargi et encourageant
l’élaboration
puis
la
mise
en
œuvre
de
stratégies
locales.
La
Nouvelle-
Aquitaine dont, à l’exception de la Charente
-Maritime, les territoires
les plus vulnérables sont couverts par des stratégies territoriales, dispose de la
gouvernance la plus aboutie. Le GIP Lit
toral, dont l’État, la région ainsi que
tous les départements et EPCI littoraux sont membres, structure les démarches
locales de gestion du trait de côte, même si les financements pourraient être
davantage conditionnés au respect de la stratégie régionale.
Au niveau local, la mobilité du trait de côte doit être traitée à
l’échelle pertinente, en mobilisant des moyens appropriés, dont ne dispose
pas toujours une commune seule. Le législateur a identifié l
’
EPCI en
principe compétent en matière de gestion des milieux aquatiques et de
prévention des inondations (GeMAPI) comme le porteur privilégié d
’
une
stratégie locale
97
, afin de faciliter sa déclinaison dans les décisions
d
’
urbanisme et d
’
aménagement lorsqu
’elles relèvent de sa compétence
.
Des syndicats mixtes, couvrant de vastes façades maritimes dépassant les
frontières des groupements de communes, ont été créés pour mieux épouser
le fonctionnement hydro-sédimentaire local
. C’est le cas notamment
dans
les Hauts-de-France (syndicat mixte Baie de Somme
–
Grand littoral picard
et pôle métropolitain de la Côte d
’
Opale) ou en Normandie (syndicats
mixtes du littoral de Seine-Maritime et T
er’
Bessin).
Ces initiatives positives ne garantissent toutefois pas un traitement
cohérent et adéquat du recul du trait de côte. Nombre de stratégies ou
d’actions continuent d’être mises en œuvre au niveau communal alors
qu’elles ont des incidences ailleurs et pourraient être mutualisées.
L
’
ambiguïté des textes sur les implications précises, dans ce domaine, de la
compétence la compétence de la GeMAPI
98
, dévolue aux EPCI, est une
source majeure de difficultés. La gestion du trait de côte
n’étant
96
Voir
supra
, le chapitre introductif, (point II.B.2).
97
Article L. 321-16 précité.
98
Compétence confiée, depuis 2018, aux intercommunalités et comprenant l’aménagement
des bassins versants, l’entretien et l’aménagement des cours ou plans d’eau, la défense
contre les inondations et la mer ainsi que la protection et la restauration des zones humides.
COUR DES COMPTES
70
explicitement rattachée à aucune compétence des collectivités territoriales,
le Gouvernement
l’
a de fait incluse dans le périmètre de la GeMAPI, comme
mission facultative de cette dernière
–
la lutte contre les submersions marines
étant quant à elle une composante explicite et obligatoire de la GeMAPI.
Cette interprétation, qui a évolué dans le temps et est contestée par certains
élus locaux, n
’
a pas été confirmée par le juge administratif. Elle est donc
affectée par une certaine insécurité juridique. Ceci n
’
incite pas le niveau
intercommunal à se saisir de la gestion du trait de côte. Cela a pour effet de
découpler celle-ci de la prévention des submersions marines
, ou d’en
accroître la complexité, des EPCI choisissant d
’
assumer seulement certaines
actions, sans motif valable. Les syndicats mixtes créés afin de coordonner et
de mutualiser ces actions, qui ne sont pas tous compétents pour la réalisation
de travaux, peinent donc à remplir leurs missions. Le pôle métropolitain de
la côte d’Opale en
offre une illustration.
Le pôle métropolitain de la côte d’Opale
Créé en 2013 et composé des départements du Nord et du
Pas-de-Calais ainsi que de 11 EPCI, dont six littoraux, couvrant la façade
de la mer du Nord et de la Manche, le pôle est supposé coordonner et
mutualiser les actions de ses membres en matière de protection contre la
submersion marine et de gestion du trait de côte.
L’
élaboration d
’
une
stratégie durable du trait de côte, pourtant initiée dès les années 2000, qui a
permis l
’
identification de bassins de risque, n
’
a pas encore abouti. Chaque
intercommunalité a développé sa propre conception de la défense contre la
mer, rendant impossible toute recherche de cohérence par le pôle.
L’intégration de la gestion du trait de côte comme une composante
obligatoire de la GeMAPI constitue donc une évolution nécessaire, gage
de cohérence des interventions locales face aux risques littoraux,
ce qu’ont
reconnu
les ministères de la transition écologique et de l’intérieur
.
L’échelon intercommunal, plus proche des logiques hydro
-sédimentaires,
est en effet mieux adapté à la déclinaison de ces interventions dans les
politiques d’aménagement et plus propice aux mutu
alisations.
L’
association des personnes privées à l
’
élaboration et à la mise en
œuvre des stratégies est soit inexistante, soit ponctuelle, alors qu’elles
sont
parties prenantes de la gestion du trait de côte. Sur le bassin d
’
Arcachon
par exemple, la part de l
’
investissement d
’
une association de propriétaires
à La Teste-de-Buch (Gironde) a dépassé les dépenses de la commune les
quatre premières années de réalisation de sa stratégie.
LA GESTION DU TRAIT DE CÔTE EN PÉRIODE DE CHANGEMENT CLIMATIQUE
71
III -
S’adapter plutôt que lutter
: un choix encore rare
Malgré les initiatives p
rises en faveur de l’adaptation à la mobilité
du trait de côte, la France a tendance à poursuivre une logique de défense
contre la mer (A). Cette situation s’explique en particulier par l’adoption
tardive des outils juridiques nécessaires aux recompositions spatiales et à
l’indétermination des modalités de financement de celles
-ci, à laquelle il
convient de remédier (B). À ces difficultés s’ajoute la faiblesse de
l’ingénierie locale, essentielle pour la réalisation de projets complexes (C).
A -
Une préférence pour la fixation du trait de côte, plutôt
que pour l’adaptation à sa mobilité, pourtant encouragée
La gestion du trait de côte amène à choisir entre plusieurs modes
d
’
intervention tendant à le fixer ou pas, depuis la lutte active, dure ou
souple,
jusqu’
à la recomposition spatiale, en passant par la simple
surveillance ou par l
’
accompagnement des processus naturels (
cf
. schéma
n° 4). Ce choix n
’
est pas que de portée locale. Certaines actions peuvent en
effet aggraver l
’
érosion
dans d’autres zones, comme les o
uvrages au droit
ou de part et d’autre desquels elle est plus prononcée
.
Schéma n° 6 :
principaux modes de gestion du trait de côte
Source : Cour des comptes (crédits image : Surfrider Foundation Europe)
COUR DES COMPTES
72
La priorité donnée par la SNGITC au développement des solutions
d’adaptation par rapport à la défense contre la mer ne s’est pas encore
traduite dans les faits.
Le choix entre ces modes d’intervention doit être précédé d’une
évaluation socio-
économique afin de comparer la rentabilité d’une action
par rapport à une autre (analyse coûts-avantages) et sa conformité à
d’autres facteurs (analyse
multicritère
s), comme l’impact sur l
es espaces
naturels, la faisabilité juridique
ou l’
acceptabilité locale. Ces analyses,
promues par la SNGITC, ne sont pas toujours menées et, lors
qu’elles le
sont, présentent des fragilités. Des scénarios, souvent celui de la
relocalisation, en sont exclus
ab initio
ou bien les critères retenus ne sont
pas hiérarchisés. L’exigence de justification des choix, pratiquée dans la
prévention des inondati
ons, devrait s’appliquer
avec la même rigueur à la
gestion du trait de côte, qui peut être beaucoup plus coûteuse. Selon le Cerema
99
,
le coût moyen de la protection contre les submersions marines s’élèverait ainsi
entre 0,7 et 2 M
€
par kilomètre de rivage protégé, contre 2,5 à 6 M
€
/ km pour
la gestion du trait de côte, selon l’ampleur des opérations à mener et les
caractéristiques des sites à protéger.
Aucune tendance générale à l
’
extension de la lutte active dure n
’
est
observée, sauf dans des territoires o
ù l’ampleur des biens publics et privés
menacés en justifie la poursuite, comme sur les îles (Noirmoutier, Oléron
etc.) ou dans les zones fortement urbanisées (côte basque, La Baule etc.).
Pour le reste, l’
État restreint l
’
aménagement de nouveaux ouvrages et le
financement de ceux existants. À Ault (Somme), seule la « sécurisation »
des ouvrages existants est ainsi autorisée
–
même si elle n’est pas
clairement définie. L
es interventions ont été recentrées, sous l’égide du
syndicat mixte compétent, sur la réduction du ruissellement des eaux en
haut des falaises, après plusieurs décennies d’une lutte active dure au bas
de celles-
ci, onéreuse et à l’efficacité limitée
.
Mais il peut aussi s’agir de
la continuation de pratiques préexistantes dont
l’
efficacité est incertaine,
alors que 30 % du trait de côte sont artificialisés par 16 000 aménagements
littoraux
selon le Cerema et qu’une partie n’a pas de propriétaire ou de
gestionnaire identifié.
La lutte active souple est récurrente, et parfois massive, sur le littoral
sableux, souvent sous la forme de rechargements de plage. Elle peut être
réalisée en urgence ou sans disposer du recul suffisant sur son impact
environnemental. Sa comptabilisation en
dépenses d’
investissement par
certaines collectivités en facilite l
a mise en œuvre, en leur permettant de
les financer par l
’
emprunt, alors que ces opérations présentent un caractère
99
Cerema,
Coût des protections contre les aléas littoraux
, 2018, pp. 180-181.
LA GESTION DU TRAIT DE CÔTE EN PÉRIODE DE CHANGEMENT CLIMATIQUE
73
éphémère et ne sont pas réalisées sur leur domaine. Ce mode
d’intervention
devrait être pratiqué avec d
’
autant plus de prudence qu
’
il reporte
l
’
échéance du recul sans la faire disparaître,
faussant l’effectivité de la
« protection »
qu’il procure
.
La surveillance et l’accompagnement des processus naturels
font
intervenir plusieurs établissements. L
’Office national des forêts (ONF)
,
compétent sur 10 % du linéaire côtier hexagonal, se concentre sur la
façade ouest, à travers sa mission d
’
intérêt général de stabilisation des
dunes du domaine forestier privé de l
’
État. Le Conservatoire du littoral
est, aux côtés de l
’
Office français de la biodiversité
100
et de l’ONF,
un
acteur majeur des solutions fondées sur la nature, qui consistent à se
servir des écosystèmes littoraux pour se protéger de l
’
érosion,
principalement par une reconnexion de certaines terres avec la mer. Ce
mode de gestion a été expérim
enté jusqu’en 2022 sur dix territoires dans
le cadre du projet « Adapto », mais nécessite un effort accru
d’objectivation du rôle des écosystèmes. La renaturation peut être l’étape
d’un processus plus vaste de recomposition spatiale. Aucune démarche
de cet
te nature n’a encore abouti dans l’hexagone
.
En revanche, de nombreuses études, ainsi que des relocalisations
ponctuelles, principalement d
’
infrastructures publiques ou dans des zones
à faibles enjeux, ont été réalisées ou sont en cours. Ces démarches, aux
succès variables, prennent de l
’
ampleur avec le lancement d
’
initiatives
sectorielles
101
et de cinq projets partenariaux d
’
aménagement (PPA)
102
sur
le littoral coutançais (Manche)
ainsi qu’à Lacanau
(Gironde), à Biscarrosse
(Landes), à Saint-Jean-de-Luz (Pyrénées-Atlantiques) et à Sète-Agglopôle-
Méditerranée (Hérault).
Ces modes d’intervention peuvent s’articuler en fonction de
l’échéance du risque et des biens, équipements ou activités menacés. La
lutte active peut ainsi permettre de préparer une recomposition plus durable
du territoire, sous réserve que cette orientation soit effective.
100
Pilote du projet ARTISAN (Accroître la Résilience des Territoires au changement
climatique par l’Incitation aux Solutions d’Adaptation fondées sur la Nature) qui se
déploie jusqu’en 2027 autour de dix sites, dont trois littoraux.
101
Diagnostic territorial des campings menacés par
l’érosion, adaptation des sentiers
littoraux, plan national de résorption des décharges littorales, etc.
102
Contrat entre l
’É
tat, l
’
intercommunalité et
d’autres
acteurs locaux visant à favoriser
la réalisation d’opérations complexes d’aménagement.
COUR DES COMPTES
74
Quelle adaptation pour Lacanau ?
Pourtant précurseur et territoire d’expérimentations, la commune de
Lacanau, dont l’ensemble du front de mer est menacé (1
200 logements et
110
locaux commerciaux, d’une valeur estimée à plus de 300
M€), illustre les
difficultés de l’adaptation. Après un premier programme centré sur la lutte
active, d’une durée initiale de trois ans, prolongée à sept années, la stratégie
locale prévoit la cons
truction d’un nouvel ouvrage de défense d’ici 2050
(31
M€), le temps d’arrêter un scénario d’adaptation pour 2100. Elle s’articule
à un PPA prévoyant le réaménagement du front de mer (15
M€), dont seul le
sud serait renaturé, la relocalisation de certains équipements et la réalisation
d’une nouvelle étude sur la faisabilité d’une relocalisation (200
000
€).
Pour la
CRC Nouvelle-
Aquitaine, il s’agit «
d’une stratégie de protection et de
maintien de l’artificialisation du littoral
» qui «
aura pour effet de renchérir
la valeur des enjeux menacés par l’érosion
».
Près de dix années après les premières études destinées à choisir
entre relocalisation et protection, la commune se heurte à la difficulté de
mettre en œuvre une vaste recomposition spatiale sur le pla
n juridique,
financier (son coût a été évalué à 360
M€ environ en 2015) et de l’acceptabilité.
La difficulté pour les territoires de s’adapter aux conséquences du
recul du trait de côte n’est pas une spécificité française. À l’étranger, la
majorité de la dépense publique dans ce domaine porte également sur
l’amélioration des ouvrages de défense
. Les exemples de recomposition
spatiale sont rares et d’ampleur limitée, hors le cas d’un
village au Pays de
Galles dont le démantèlement est acté mais pas financé
103
. Au Royaume-Uni,
un appel à projets (
Pathfinder
), lancé en 2009, a permis d’expérimenter des
relocalisations de biens et d’activités et de recenser les obstacles à leur mise
en œuvre
: l’absence d’équilibre économique des opérations, l’insuffisance
des aides à la relocalisation et la complexité des démarches.
La France a identifié des freins similaires à la suite d
’
un appel à
projets réalisé entre 2012 et 2015, dont les enseignements ont inspiré les
évolutions apportées aux règles de l
’
urbanisme littoral par la loi « Climat
et résilience ». Le droit de préemption des biens situés dans une zone
menacée a ainsi été institué pour faciliter leur démolition et, le cas échéant,
leur relocalisation, avec le concours des établissements publics fonciers.
Des dérogations ont été apportées aux règles d’occ
upation de la côte, en
particulier à l’obligation de construire en continuité des zones urbanisées,
à condition qu’elles s’inscrivent dans un PPA visant une recomposition
spatiale. Strictement encadrées, ces dérogations sont d’autant plus limitées
103
Il s’
agit du démantèlement progressif de
Fairbourne
, village gallois de 1 000 habitants
environ, menacé par la montée des eaux d’ici 30
ans et dont la relocalisation n’est pas
possible puisqu’il se situe au sein d’un vaste parc national protégé.
LA GESTION DU TRAIT DE CÔTE EN PÉRIODE DE CHANGEMENT CLIMATIQUE
75
que les
milieux d’implantation sont proches du rivage. C
es outils,
inapplicables aux situations les plus urgentes, ne lèveront pas tous les
obstacles à la reconfiguration des territoires littoraux. Celle-ci doit être
acceptée localement et conciliée avec d’autres
exigences (protection de la
biodiversité, sobriété foncière
, prévention d’autres risques naturels
etc.),
rendant nécessaire le démantèlement des biens non relocalisables.
Heurs et malheurs de la recomposition spatiale en Méditerranée
Les communes du littoral méditerranéen et leurs intercommunalités sont
peu nombreuses à s’être inscrites dans une démarche de reconfiguration spatiale.
Une initiative réussie, associant les communes concernées et le Conservatoire du
littoral, a permis la mise en protection du lido
104
de l’Or entre Carnon et la
Grande-
Motte dans l’Hérault. Cette opération a consisté en la suppression de la
route départementale côtière et la reconstitution du lido en arrière.
Plus à l’ouest, le SCoT du Biterrois avait acté en 2013 la mise en œuvre
d
’un recul stratégique de l’urbanisation dans les zones soumises à érosion,
notamment à Vias. En dépit de l’inscription de la commune dans
l’expérimentation lancée par l’État,
l’opération de relocalisation initiée s’est
avérée décevante en raison notamment des oppositions des propriétaires et du
renchérissement
du
prix
du
foncier.
Néanmoins
l’intervention
de
l’établissement public foncier Occitanie a permis à la commune de constituer
une zone d’aménagement différé en vue de la relocalisation progressive des
activités de camping menacées.
B -
Sur le plan financier, des dépenses encore modérées
mais un modèle futur à inventer
Ces évolutions ne se sont pas accompagnées d’un renforcement des
moyens financiers affectés à leur mise en œuvre, pourtant coûteuse s’agissan
t
d’opérations d’aménagement dont l’équilibre économique n’est pas garanti.
Les dépenses annuelles de l’État dans ce domaine ont cru de manière
significative, passant de 14
M€ en 2021 à 28,7
M€ en 2022 et 48,2
M€ en
2023
105
. Cette hausse a été financée par le plan de relance et par le fonds
d’accélération de la transition écologique dans les territoires, dit «
fonds vert »,
qui comprend une enveloppe consacrée à l’adaptation au recul du trait de côte.
Mais une attention accrue devrait être portée à l’adéquat
ion des moyens
104
Cordon sableux qui sépare une lagune de la mer.
105
Hors
dotations aux collectivités territoriales faisant l’objet d’une gestion
déconcentrée et pour lesquelles les données sont encore plus parcellaires.
COUR DES COMPTES
76
dévolus à certains établissements et notamment aux missions qui leur sont
confiées en matière d’accompagnement des territoires à l’adaptation au
changement climatique, comme le Conservatoire du littoral ou le Cerema, dont
les moyens, financi
ers et humains, ont été fragilisés jusqu’en 2022.
Tableau n° 3 :
aperçu des coûts et modalités de cofinancement
des dépenses locales de gestion du trait de côte (2018-2021)
–
en
€
Région
Total pour
l’échantillon
Dont
autofinancement
Dont subventions
Hauts-de-France
3 147 634
813 465 (26 %)
2 334 169 (74 %)
Bretagne
863 021
481 994 (56 %)
381 027 (44 %)
Pays de la Loire
6 955 095
5 437 854 (78 %)
1 517 241 (22 %)
Nouvelle-Aquitaine
18 518 183
4 564 043 (25 %)
13 954 140 (75 %)
Total
29 483 933
11 297 356 (38 %)
18 186 577 (62 %)
Source
: Cour des comptes, à partir des données d’un échantillon de 20
communes ou EPCI
contrôlés de 4 régions dans le cadre de la présente enquête
Là où elles sont suivies, les dépenses locales en faveur de la gestion
du trait de côte apparaissent
, pour l’heure et
sous réserve de leur fiabilité,
soutenables. Agrégées sur la période 2018-2021, et sur un échantillon de
20 collectivités contrôlées, elles se sont montées à 29,4
M€
(soit une
moyenne de 0,36 M€ par territoire et par an) et ont ét
é cofinancées à plus
de 60 %. Parmi les partenaires (État, régions, départements, agences de
l
’
eau etc.), l
’UE apporte un soutien souvent déterminant
, comme dans
l’ancienne région Aquitaine
106
ou pour le déploiement des solutions
fondées sur la nature
107
. La p
art cofinancée est d’autant plus importante
qu’il existe
un cadre stratégique et une gouvernance régionale aboutis.
Les coûts à venir sont fondamentalement incertains. Ils dépendent
en effet
de choix politiques entre modes d’intervention qui n’ont pas été
opérés, différeront d’un lieu à l’autre et devront s’appuyer sur un
recensement des enjeux menacés qui n’a parfois pas débuté. Tant le rapport
de mai 2023 de France Stratégie sur ces aspects économiques
108
que le plan
gouvernemental «
Mieux agir
–
la planification écologique
» de
juillet 2023
n’offrent
d’ailleurs aucune évaluation chiffrée de la future
adaptation au recul du trait de côte.
106
32 % des actions financées dans le cadre des stratégies locales entre 2014 et 2020.
107
Le programme LIFE finance par exemple 60 % du projet ARTISAN et a financé à
47 % le projet
Adapto
.
108
France Stratégie, Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz
, Les incidences économiques
de l’action pour le climat,
mai 2023.
LA GESTION DU TRAIT DE CÔTE EN PÉRIODE DE CHANGEMENT CLIMATIQUE
77
Les besoins futurs en termes de recompositions spatiales ne sont en
particulier pas connus avec précision. Le Gouvernement en évalue la part
publique à 50
M€ par an jusqu’en 2040 quand d’autres évoquent un montant
de 150
M€ par an
109
. Le seul rachat éventuel de biens menacés par le recul
du trait de côte pourrait mobiliser entre 140 et 800
M€ de fonds publics d’ici
2040
110
selo
n les hypothèses d’érosion et d’intervention publique retenues,
sans préjudice des dépenses de démantèlement (destruction, dépollution et
renaturation) et d’éventuelle relocalisation de ces biens, dont le recensement
est probablement sous-estimé. Parmi les rares travaux menés pour approcher
le coût complet d’une seule recomposition spatiale, une étude a évalué à
22
M€ le coût sur 20
ans de la relocalisation d’un quartier de 30
maisons
individuelles et jusqu’à 835
M€ celui de la relocalisation de l’ensemble d’un
front de mer de 3 km (comprenant 2 000 logements et 80 commerces)
111
.
L’imprécision des besoins pour la recomposition des territoires
littoraux est symptomatique d’un défaut plus général de quantification de
l’effort en faveur de la gestion du trait de côte dans son ensemble, à l’image
des difficultés de suivi des dépenses d’adaptation au niveau national
112
. Il en
va ainsi au niveau national, en raison d’un grand éclatement des vecteurs de
financement variant d’une année sur l’autre
113
, et local, faute de suivi
comptable rigoureux et homogène. Cette situation pose le problème de la
lisibilité et de la pérennité de l’accompagnement financier des territoires dans
leur adaptation à l’érosion marine. Elle prive les pouvoirs publics des outils
nécessaires au suivi
de la mise en œuvre de cette politique et à l’examen des
conditions de son financement dans les décennies à venir, ce à quoi il
conviendrait de remédier.
La soutenabilité de ces dépenses pour l’avenir est donc incertaine, à une
échéance plus ou moins brève selon les collectivités. Leur coût va
indéniablement croître par l’effet de l’amplification des risques d’érosion et de
submersion marines, dans un contexte de changement climatique accéléré et à
mesure de l’engagement des territoires ayant jusqu’à prése
nt peu investi cette
gestion. Le déplacement des infrastructures publiques vulnérables (routes,
stations d’épuration, réseaux etc.) et notamment la mise en œuvre de la
préemption des biens menacés par l’érosion, devraient conduire à la
multiplication des stratégies foncières nécessaires aux recompositions spatiales.
109
I4CE,
Se donner les moyens de s’adapter aux conséquences du changement
climatique en France : de combien parle-t-on ?
, 2022.
110
CGEDD, IGA et IGF,
La recomposition spatiale des territoires littoraux
, 2019, pp. 45-46.
111
André, C., Sauboua, P., Rey-Valette, H. & Schauner, G.,
Acceptabilité et mise en
œuvre des politiques de relocalisation face aux risques littoraux
: perspectives issues
d’une recherche en partenariat
,
VertigO
, 15, 2015.
112
Voir
supra
, le chapitre introductif (point II.B.2).
113
Pas moins de huit programmes budgétaires, relevant de quatre missions.
COUR DES COMPTES
78
Face à ces dépenses futures, les territoires exposés présentent
généralement une situation financière satisfaisante. Cependant ils ne disposent
pas tous des mêmes marges de manœuvre fiscales et
budgétaires futures.
La taxe GeMAPI
114
est un levier d’action
pour les territoires. En
2021, seuls 79 EPCI littoraux la percevaient pour un rendement de 94 M
€
,
avec un montant moyen par habitant (13
€
) loin du plafond fixé par la loi
(40
€
). Elle représente un potentiel annuel de 283 M
€
pour ces 79
établissements, et de 527 M
€
si tous les groupements de communes littoraux
l’instituaient à son plafond. Mais, en l’état du droit, elle ne peut financer que
des actions en lien direct avec la GeMAPI, ce qui convient à la lutte active
mais semble exclure par exemple les opérations de recomposition spatiale.
De surcroît, son produit doit couvrir l’ensemble des risques associés à cette
compétence, et pas seulement ceux du trait de côte. Or la remise à niveau
d’ouvrage
s de défense peut représenter une charge lourde, en particulier
pour des EPCI littoraux peu peuplés mais très étendus.
D’autres pistes de financement existent pour mettre à contribution
un spectre plus large d’usagers du littoral ne se limitant pas aux seu
ls
contribuables locaux, comme la taxe de séjour, dont le produit est
toutefois aujourd’hui réservé aux dépenses destinées à favoriser la
fréquentation touristique ou à la protection et la gestion des espaces
naturels à des fins touristiques
115
.
Les inspect
ions de l’environnement, de l’administration et des
finances ont proposé en 2019 la création d’un fonds d’aide à la
recomposition du littoral alimenté par le produit d’une augmentation de la
taxe communale additionnelle aux droits de mutation à titre onéreux
(TCADMTO) ou d’un prélèvement sur les recettes de fonctionnement des
communes et EPCI côtiers
116
.
En toute hypothèse, la réflexion en cours sur la soutenabilité de la
gestion de l’érosion côtière doit s’insérer dans le cadre plus général du
financement d
es politiques d’adaptation au changement climatique.
L’instauration d’un mécanisme de solidarité, nationale ou locale, peut se
justifier au regard du caractère exceptionnel des phénomènes littoraux à
l’œuvre et des politiques d’aménagement
du bord de mer, autorisé et en partie
encouragé. Mais cette solidarité sera d’autant mieux acceptée qu’elle sera
limitée et s’articulera avec des cofinancements privés, provenant en particulier
des propriétaires, responsables de la protection de leurs biens contre la mer.
114
Taxe réservée aux EPCI à fiscalité propre, ce qui prive les syndicats mixtes auxquels
cette compétence aurait été transférée par les EPCI membres de la maîtrise directe de
cette recette fiscale.
115
Article L. 2333-27 du code général des collectivités territoriales.
116
CGEDD, IGA et IGF,
op. cit.
.
LA GESTION DU TRAIT DE CÔTE EN PÉRIODE DE CHANGEMENT CLIMATIQUE
79
Une réforme du dispositif de financement des actions de gestion
publique du trait de côte doit en conséquence être étudiée rapidement. Elle
pourrait comprendre
la mise en place d’
un fonds de solidarité côtière, doté
de la personnalité morale et alimenté p
ar le produit d’une augmentation de
la TCADMTO concernant des biens situés dans les intercommunalités
littorales
117
. Les collectivités et groupements littoraux pourraient recourir
à ce fonds pour financer
des actions contractualisées avec l’État, sous
réserv
e d’une cible de dépenses qui resterait à leur charge sur leurs autres
ressources, notamment la taxe GeMAPI éventuellement assortie d’un
relèvement local de son plafond, et la taxe de séjour, dont les finalités
devraient être élargies dans les deux cas à la gestion du trait de côte.
S’agissant spécifiquement du rachat éventuel de biens privés
menacés, les pouvoirs publics devraient moduler leur soutien en fonction
de la nature des biens (résidence principale ou secondaire
118
, activités
économiques, activités
d’intérêt général etc.), des conditions de leur
acquisition (en toute connaissance de cause ou antérieurement à
l’établissement d’une cartographie du risque) et des capacités contributives
de leurs propriétaires.
C -
Un nécessaire renforcement de l’ingénierie
locale
L’adaptation à la mobilité du trait de côte engage les territoires
littoraux dans des actions et dans des projets d’une grande complexité,
requérant des compétences rares. Or le secteur de l’ingénierie a été marqué,
ces dix dernières années, par un
désengagement de l’État, avec
la quasi-disparition des capacités auparavant portées par les directions
départementales de l’équipement
119
. Les collectivités locales se sont en partie
adaptées à ce mouvement, en faisant appel à des agences techniques ou
d’ur
banisme départementales et à des prestataires privés. Mais cette nouvelle
offre n’a pas complètement compensé l’insuffisance d’ingénierie. En
Normandie et dans les Hauts-de-France, la demande porte sur la structuration
de filières de compétences en génie côtier ou en aménagement du littoral.
117
Les inspections de l’environnement, de l’administration et des finances évaluaient en
2019 à 54 M
€ / an, soit 1
Md€ sur vingt ans, le rendement potentiel d’une aug
mentation
de 0,2 point du taux de cette taxe, avec un abattement de 100 000
€ sur son assiette.
118
Les résidences secondaires représentent en moyenne plus de la moitié (54 %) du parc
de logements des communes littorales contrôlées dans le cadre de la présente enquête.
119
CGEDD et IGA
,
Le rôle du Cerema en matière d’appui aux collectivités
territoriales, renforcer son activité au bénéfice des collectivités locales
, 2021 ; Cour
des comptes,
Les effectifs de l’administration territoriale de l’État
, observations
définitives, mai 2022.
COUR DES COMPTES
80
Le Cerema a tardé à remplir ce rôle d’expertise, en raison du
contexte de sa création, issue de la fusion en 2014 de 11 services
préexistants, et d’une baisse continue de ses moyens financiers et humains
jusqu’en 2021. Sa trajectoire s’est depuis stabilisée. Sa transformation en
2022 en établissement public à pilotage partagé entre l’État et les
collectivités territoriales va faciliter le recours par ces dernières à ses
services et le développement de ses ressources propres. Les efforts
entrepris pour améliorer l’articulation de ses interventions avec celle
d’autres opérateurs, comme l’Agence nationale de la cohésion des
territoires, doivent être poursuivis. Cependant, au regard de ses moyens, le
Cerema
n’est pas en capac
ité de répondre à toutes les sollicitations, très
nombreuses ou portant sur l’ingénierie la plus technique, ce qui le conduit
à prioriser ses interventions. Des initiatives ont été prises pour
accompagner davantage les collectivités littorales, notamment par la
Banque des territoires, qui a récemment mis en place des financements et
outils spécifiques. Elles devraient s’accompagner d’un recensement global
de l’offre disponible afin d’apprécier son adéquation aux besoins.
LA GESTION DU TRAIT DE CÔTE EN PÉRIODE DE CHANGEMENT CLIMATIQUE
81
__________ CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS __________
L’a
mpleur du recul du trait de côte en France, variable dans son
intensité et ses modalités, appelle un engagement local et national plus soutenu
en faveur de l’adaptation des territoires menacés. La cartographie du risque
et son intégration dans les documents de planification locaux devraient
s’améliorer dans les années à venir. Mais des progrès sont nécessaires dans
la connaissance du phénomène comme dans la formalisation et l’évaluation
des actions à entreprendre pour s’y adapter. Plus de dix années après qu’a été
affichée, au niveau national, une préférence pour les alternatives à la défense
contre la mer, il est temps de sortir de la logique d’expérimentation qui a
prévalu jusqu’à présent pour donner toute leur place aux solutions de gestion
souple et pour planifier les recompositions spatiales nécessaires.
La Cour formule les recommandations suivantes :
1.
c
ouvrir l’ensemble des territoires fortement menacés
par le recul du
trait de côte d’un diagnostic
du risque opposable aux autorisations
d’urbanisme et tenant compte de l’élévation prévisible du niveau
de la
mer imputable au changement climatique (ministère de la transition
écologique et de la cohésion des territoires, communes et EPCI) ;
2.
assortir la prochaine stratégie nationale de gestion du trait de côte
d’objectifs
et d’indicateurs permettant d’en suivre et évaluer la mise en œuvre (ministère
de la transition écologique et de la cohésion des territoires) ;
3.
faire de la gestion du trait de côte une mission obligatoire de la
GeMAPI exercée par le bloc communal (ministère de la transition
écologique et de la cohésion des territoires et ministère de l’intérieur
et des outre-mer) ;
4.
opérer un suivi rigoureux et homogène des coûts et financements actuels
de la gestion du trait de côte afin d’objectiver les besoin
s futurs (ministère
de la transition écologique et de la cohésion des territoires, ministère de
l’intérieur et des outre
-
mer, ministère de l’économie, des finances et de la
souveraineté industrielle et numérique, communes et EPCI) ;
5.
mettre en place un dispositif de financement de la gestion publique du
trait de côte instituant une solidarité financière entre territoires
littoraux et comprenant un reste à charge pour chaque collectivité ou
groupement littoral financé sur ses ressources (ministère de la
transition écologique et de la cohésion des territoires, ministère de
l’intérieur et des outre
-
mer, ministère de l’économie, des finances et
de la souveraineté industrielle et numérique, communes et EPCI).
Réponses reçues
à la date de la publication
Réponse du ministre de l’économie, des finances et
de la souveraineté
industrielle et numérique
..........................................................................
84
Réponse du ministre de la transition écologique
et de la cohésion des territoires
.................................................................
86
Réponse du directeur général du C
entre d’études et d’expertise sur
les risques,
l’environnement, la
mobilité et l’aménagement (Cerema)
....................................
86
Réponse de la présidente-directrice générale du Bureau de recherches
géologiques et minières
............................................................................
88
Réponse de la directrice générale de
l’
Office national des forêts
.............
91
Réponse du président de l’
Association des maires de France
...................
91
Réponse du président de la région Normandie
.........................................
96
Réponse du président de la région Nouvelle-Aquitaine
..................................
99
Réponse de la présidente de la région Pays de la Loire
.................................
101
Réponse du président du conseil exécutif de Corse
......................................
103
Réponse du président du pôle métropolitain de la
côte d’Opale
.............
104
Réponse du président de la communauté de communes Médoc-Atlantique
....
104
Réponse du maire de la commune d’Ault
...............................................
105
Réponse du maire de la commune de Lacanau
.......................................
106
Destinataires n’ayant pas d’observation
Monsieur le président de l’
Association nationale des élus littoraux
Madame la présidente de la région Occitanie
Monsieur le maire de la commune de Quiberville
Destinataires n’ayant pas répondu
Madame la directrice du Conservatoire du littoral
Madame la
présidente de l’assemblée de Corse
COUR DES COMPTES
84
RÉPONSE DU MINISTRE
DE L’ÉCONOMIE, DES F
INANCES
ET DE LA SOUVERAINETÉ INDUSTRIELLE ET NUMÉRIQUE
J
’
ai pris connaissance de votre chapitre relatif à la gestion du trait
de côte en période de changement climatique, destiné à figurer dans le
rapport public annuel 2024 de la Cour des comptes. Je vous remercie de
ce rapport qui permet de mieux appréhender le recul du trait de côte, les
stratégies en cours et présente des pistes d
’
amélioration de celles-ci.
Je partage les objectifs de renforcement de la connaissance du
phénomène, au niveau local comme national, et d
’
évaluation des stratégies
mises en place.
Sur la connaissance du phénomène, le renforcement de la
coordination entre les opérateurs concernés semble effectivement
nécessaire, pour atteindre une taille critique suffisante et éviter les
doublons. Les études existantes devront par ailleurs être complétées,
comme indiqué dans le chapitre, pour recenser précisément les
conséquences du recul du trait de côte selon divers horizons temporels. Au
niveau local, une meilleure connaissance du phénomène par les
collectivités concernées est également indispensable.
Enfin, l
’
évaluation et le suivi de la stratégie nationale de gestion
intégrée du trait de côte, par l'instauration d
’
objectifs et d
’
indicateurs liés,
sont essentiels au renforcement de l
’
action de l
’
État sur le sujet.
Si vous soulignez la hausse des dépenses de l
’
État en faveur de la
gestion du trait de côte, je souhaiterais nuancer la remarque concernant
l
’
attention accrue qui devrait être portée à l
’
adéquation des moyens
dévolus à certains établissements, notamment le Conservatoire du littoral
ou le Centre d
’
études et d
’
expertise sur les risques, la mobilité et
l
’
aménagement (CEREMA)
.
Le Conservatoire du littoral a en effet connu une hausse de ses
effectifs en 2023, qui devrait être poursuivie en 2024. Par ailleurs, ses
interventions ont été renforcées exceptionnellement avec le plan France
Relance (+25
M€
) et devraient s'accroître avec la stratégie nationale
biodiversité. Le CEREMA a également connu une hausse de ses
interventions avec le plan France Relance (environ 42
M€
) et
l
’
augmentation de ses ressources propres depuis 2018.
Enfin, alors que de nouveaux fonds sont attribués aux collectivités
en la matière, notamment via le fonds vert (35 millions d'euros en
autorisations d'engagement et 9
M€
en crédits de paiement budgétés en
2023), je partage l
’
objectif de renforcement du suivi des dépenses locales
sur le sujet.
LA GESTION DU TRAIT DE CÔTE EN PÉRIODE DE CHANGEMENT CLIMATIQUE
85
Je vous remercie également pour les pistes de financements futurs
proposées. À court terme, néanmoins, aucun financement supplémentaire
n
’
apparaît nécessaire alors que les acteurs ne semblent pas s
’
être
entièrement saisis du sujet, comme le prouve la faible consommation de
l'enveloppe dédiée du fonds vert. Les collectivités ont par ailleurs la
possibilité de lever la taxe « gestion des milieux aquatiques et prévention
des inondations », opportunité dont elles se sont encore peu saisies. Si des
nouvelles ressources étaient nécessaires, une mobilisation accrue de ce
levier à leur disposition semblerait à privilégier pour favoriser la
responsabilisation des collectivités concernées.
Je souhaiterais néanmoins attirer votre attention sur la proposition
de création d'un fonds de solidarité côtière, qui serait doté de la personnalité
morale et alimenté par une taxe affectée, via l
’
augmentation de la taxe
communale additionnelle aux droits de mutation à titre onéreux concernant
des biens situés dans les intercommunalités littorales. Un fonds à
personnalité morale correspond à un établissement public : cette création
serait donc contraire à l
’
objectif de rationalisation du paysage administratif
et complexifierait la gestion du trait de côte, avec de potentiels doublons,
ainsi que des coûts de gestion et de coordination notables. Par ailleurs, la
taxe affectée n'aurait pas de lien avec l
’
objectif du fonds, ce qui serait
contraire à l'article 2 de la loi organique relative aux lois de finances et
risquerait de diluer les responsabilités. Enfin, un tel fonds serait en
contradiction avec le principe d'universalité budgétaire, qui garantit la
transparence des politiques publiques et conditionne leur efficacité.
Je prends également note de votre volonté d
’
articulation entre
financements publics et privés, qui mériterait d'être développée. Cette
question est particulièrement importante alors que vous mentionnez le
rachat éventuel de biens privés menacés : si l
’
indemnisation des
propriétaires de l'immeuble Le Signal répondait à une situation
exceptionnelle, avec un risque grave et imminent, l
’
objectif d
’
une stratégie
nationale de gestion intégrée et d
’
adaptation des littoraux est de prévenir
ces situations et de renforcer la responsabilité des acteurs privés, informés
et accompagnés.
COUR DES COMPTES
86
RÉPONSE DU MINISTRE DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE
ET DE LA COHÉSION DES TERRITOIRES
Je partage les observations de la Cour des comptes concernant
l'engagement nécessaire en faveur de l'adaptation des territoires menacés
par le recul du trait de côte. J
’
encourage de nouvelles communes à s
’
inscrire
dans la démarche de réalisation d'une carte locale d'exposition au
phénomène, opposable aux autorisations d
’
urbanisme, en plus des 242 ayant
déjà délibéré en ce sens, De même, j
’
attends que l
’
actualisation de la
stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte tienne compte des
enseignements des travaux précédents et permette de se doter d
’
objectifs et
d
’
indicateurs de
mise en œuvre. Enfin, j’
entends donner de la visibilité aux
collectivités territoriales sur les financements mobilisables pour faciliter et
accélérer l
’
adaptation de leur territoire. Je tirerai de premiers arbitrages à
partir des propositions qui seront faites par le Comité national du trait de
côte (CNTC) à l
’
issue de la concertation en cours depuis mars 2023.
Je salue par ailleurs l’effort de pédagogie du rapport, qui s'inscrit dans
le cadre posé par la loi Climat et résilience en 2021. Celui-ci confirme que les
politiques publiques doivent opérer une distinction entre, d
’
une part, le
phénomène prédictible de recul du trait de côte qui ne constitue pas un risque et,
d
’
autre part, le phénomène de submersion marine contre lequel, au contraire,
tous les outils de la prévention des risques naturels demeurent mobilisés
RÉPONSE DU DIRECTEUR GÉNÉRAL DU C
ENTRE D’ÉTUDES
ET D’EXPERTISE SUR LES RISQUES, L’ENVIRO
NNEMENT,
LA
MOBILITÉ ET L’AMÉNAG
EMENT (CEREMA)
Je vous remercie pour cette transmission où je constate que les
travaux du Cerema sont largement cités, avec ceux d’autres de nos
partenaires, témoignant ainsi de la forte implication de l’établissement
dans les domaines maritimes et côtiers depuis de nombreuses années.
Nous partageons le diagnostic posé et les termes du chapitre. Nous
tenons toutefois à souligner l’importance de l’enjeu de coopération de
l’ensemble des établissements publics mobilisés, en apportant quelques
précisions sur les points suivants :
Il est indi
qué « l’indicateur national d’érosion côtièr
e a été élaboré
par les seules équipes du Cerema ». L’indicateur national a été conçu et
suivi au sein du Comité Scientifique de la Stratégie Nationale de Gestion
LA GESTION DU TRAIT DE CÔTE EN PÉRIODE DE CHANGEMENT CLIMATIQUE
87
Intégrée du Trait de Côte qui rassemblait le ministère chargé de
l’écologie, des personnalité
s scientifiques, ainsi que plusieurs opérateurs
de l’État dont le Cerema, le BRGM, le Shom et l’Ifremer. Le Cerema, fort
de son expérience dans ce domaine, a proposé une méthodologie de
référence qu’il avait développé et qui a été approuvée au sein du Comi
té
de Scientifique. Le Cerema a dans un second temps réalisé les travaux
d’analyse qui ont permis de calculer cet indicateur. Au total, 6 équipes du
Cerema, réparties sur le territoire, ont été mobilisées à cette époque. Cet
indicateur national est actuell
ement mis à jour dans le cadre d’une
gouvernance partagée au sein du CNTC, associant à la sujétion du
Cerema, les observatoires du trait de côte en région ;
Il est mentionné « Un accord-cadre national organise un
partenariat entre les deux structures mais il ne porte pas sur les risques
littoraux alors que leurs missions sont, en ce domaine, très proches ».
Dans les faits, le Cerema collabore étroitement avec le BRGM, comme
avec les autres partenaires de référence du domaine du littoral à l’instar
du SHOM ou de Météo-France dans cadre de projets communs. Dans le
cas particulier du BRGM, le programme national d’accompagnement de
la loi Climat résilience (porté en commun par le Cerema et le BRGM) ou
encore les travaux conjoints avec le BRGM et coordonnés par le
Conservatoire du littoral dans le cadre du montage d’un projet de
recherche LIFE sur l’adaptation des littoraux au changement climatique
sont des illustrations concrètes de ce travail en commun ;
Concernant les études mobilisant actuellement les équipes du
Cerema et permettant de compléter la connaissance sur les enjeux
potentiellement menacés par le recul du trait de côte dans le contexte du
changement climatique, nous signalons les travaux réalisés en appui à la
mission
inter-
inspection
de
l’IGEDD
-IGA
et
qui
seront
livrés
prochainement dans le cadre du Comité National du Trait de côte.
Le chapitre s’appuie notamment sur les conclusions de l’étude
« Évaluation prospective des enjeux potentiellement affectés par le recul
du trait de côte ». Cette étude, produite par le Cerema, en grande partie
fin 2017 et publiée en 2019, a été réalisée avec les connaissances
disponibles, à cette époque et à l’échelle nationale. Certains aspects
(distinctions résidences principales et secondaires par exemple) qui n’ont
pu ê
tre investigués à l’époque le sont dans le cadre de la mise à jour en
cours pour le Comité National du Trait de côte à la demande de l’IGEDD
et de l’IGA. Un inventaire des bâtiments potentiellement impactés à court
terme, un nouveau scénario de recul à 2050 et un scénario du coût de
l’inaction à 2100 ont ainsi été produits.
COUR DES COMPTES
88
Le devenir des ouvrages littoraux est un élément clé dans la réflexion
sur l
’
adaptation des territoires côtiers. Les études du Cerema démontrent
que les hypothèses de maintien ou de suppression des ouvrages dans les
scénarios influencent grandement le nombre de biens susceptibles d’être
atteints par le recul du trait de côte. Le coût de maintien et ou d’adaptation
éventuelle de ces ouvrages doit être pris en compte d’un point de vue
économique. Le Cerema envisage d
’
approfondir la question des ouvrages
côtiers à travers un programme d
’
études dédié en 2024.
RÉPONSE DE LA PRÉSIDENTE-DIRECTRICE GÉNÉRALE
DU BUREAU DE RECHERCHES GÉOLOGIQUES ET MINIÈRES
Un accord-cadre entre le BRGM et Cerema a été signé en 2018
pour une durée de 5 ans. Celui-ci porte sur les risques sismiques,
instabilités gravitaires et géothermie. Si le littoral n’a pas été inscrit à cette
époque au titre de cette convention, cette thématique fait depuis l’objet de
collaborations nombreuses entre les deux établissements. Ainsi, le
rapprochement des équipes concernées sur les travaux d’accompagnement
de la loi Climat et Résilience (Document de recommandation, programme
d’accompagnement et de suivi de l’élaboration de carte loc
ale au recul du
trait de côte) a été efficace et fortement apprécié par le MTECT. Une
réunion d’échanges et concertation entre les deux directions des
établissements (juin 2022) a acté et confirmé cette volonté de coopération
sur cette thématique. Nul doute que la prochaine convention de partenariat
inter-établissements intégrera le littoral.
Il est important de noter que les spécificités des deux établissements
font leurs différences, mais aussi leur complémentarité et sont reconnues
par le MTECT. Elles sont notamment reliées à des aspects historiques (rôle
historique du BRGM sur la géologie et les risques associés ou des CETE
et du CETMEF, par exemple), de politiques territoriales ou aux demandes
de leurs ministères de tutelle :
Le BRGM est ainsi en premier lieu porté sur la recherche
opérationnelle et son transfert par l’expertise aux besoins des politiques
publiques nationales à locales. De par la thématique géologique, ses
terrains d’actions sont les grands linéaires de côtes, principalement
composés d
’espaces naturels ou faiblement aménagés ce qui a conduit le
BRGM à piloter 10
observatoires du trait de côte régionaux. D’autre part,
de par la diversité et les spécificités de ces territoires, il est présent dans
l’ensemble des DROM, position assez uniqu
e parmi les établissements
publics sous tutelle du MTECT.
LA GESTION DU TRAIT DE CÔTE EN PÉRIODE DE CHANGEMENT CLIMATIQUE
89
Le Cerema a, lui, un rôle d’ingénierie territoriale, au plus proche
de l’échelle de la collectivité, rôle renforcé par décret dans le cadre de la
loi 3DS en 2022. En lien avec les besoins des collectivités, le Cerema est
centré au niveau du littoral sur les secteurs anthropisés (risques, ouvrages,
aménagements…).
Ces éléments montrent ainsi en premier lieu la complémentarité
entre les deux établissements. Sur le volet recherche, les actions menées
pa
r le BRGM irriguent les besoins de l’ingénierie territoriale menée par le
BRGM en expertise ou par le Cerema dans son rôle auprès des
collectivités, comme par exemple dans le cadre du document de
recommandation pour la réalisation des cartes d’expositions
au recul du
trait de côte. Notons que la recherche portée par le Cerema est centrée sur
ses besoins propres, elle est donc connexe à celle du BRGM.
Ainsi si le volet recherche ne figure pas dans la convention de
partenariat, les nouveaux besoins des politiques publiques nécessiteront
certainement un rapprochement aussi des équipes de recherches de chacun
des établissements afin de répondre aux enjeux sociétaux induits par les
effets ressentis de l’impact du changement climatique comme le souligne
la Cour d
es comptes. L’établissement d’une nouvelle convention entre les
deux établissements permettra de développer les synergies nécessaires.
Notons cependant que ces rapprochements se réalisent d’ores et
déjà à l’échelle territoriale, mais aussi au niveau nation
al. Ainsi le BRGM,
co-pilote du Programmes et Équipements Prioritaires de Recherche sur les
risques, IRIMA (2023-2030), a invité le Cerema à participer au Projet
ciblé Littoral pour entamer ce rapprochement nécessaire.
La synergie entre le BRGM et le Cerema en termes de besoin
d’Ingénierie territoriale se traduit localement par un ensemble d’actions
communes et complémentaires. Si de par son statut, l’offre de service aux
collectivités du Cerema est étendue, elle repose aussi sur les apports
spécifiques du
BRGM ou d’autres établissements spécialisés. Le BRGM
peut être même en première ligne de l’action territoriale de par ces
spécifiés territoriales dans certaines régions et ses missions historiques,
notamment dans les DROM. Le BRGM soutient cette initiative de
recensement et souligne aussi le besoin de réévaluation de l’adéquation
des moyens aux besoins de son établissement. Notons aussi l’initiative des
Hauts de France en 2023 pour recenser et formaliser l’offre de service,
aux collectivités sur le littoral, des différents acteurs publics, et notamment
le Cerema et le BRGM.
COUR DES COMPTES
90
Les observatoires régionaux et locaux du trait de côte sont des
outils essentiels pour les besoins d’adaptation des territoires et de gestion
de la bande côtière, comme le souligne la Stratégie Nationale de Gestion
du Trait de Côte (ancienne et nouvelle). Le rôle des échelons politiques
locaux à régionaux est essentiel pour leur bonne appropriation de la
thématique, rôle amplifié par la loi Climat et Résilience. Cela leur permet
d’orient
er les actions de ces observatoires aux enjeux spécifiques
territoriaux, ce qui se traduit par leur engagement financier, crucial pour
le bon fonctionnement de ces observatoires. L’importance de cette échelle
territoriale ne milite pas pour une centralisation et une conservation des
données à une échelle nationale, mais a une mise en réseau par
interopérabilité des données et pour une agrégation d’indicateurs
pertinents à l’échelle nationale répondant aux besoins des politiques
publiques (MTECT). Ce schéma est préconisé par le RNOTC, donc par
l’ensemble des politiques impliqués dans ces observatoires, les
établissements publics en charge de son animation (Cerema et BRGM) et
par le MTECT. Ce schéma a ainsi été préconisé auprès du programme
France Nature Verte
pour répondre à l’ensemble des besoins et enjeux
d’aujourd’hui et demain des échelles politiques locales à nationales, aux
besoins des entreprises, des assurances et des particuliers. La
centralisation des données telle que préconisée par la Cour des comptes et
par l’IGN désengagerait les politiques publiques locales et régionales et
briserait la dynamique lancée par la loi climat et résilience, précisée
indispensable par la Cour des comptes dans ce chapitre.
L’avancée de la Nouvelle
-Aquitaine repose sur son initiative
d’anticipation de ces besoins, qui lui a permis de mettre en place deux
outils majeurs des politiques publiques sur le littoral : un observatoire du
trait de côte, OCNA, porté depuis 1996 à son origine par deux
établissements publics présents historiquement dans cette région : le
BRGM et l’ONF (l’Ifremer, autre EP historique s’étant retiré du
partenariat en 2000). L’OCNA est ainsi le plus ancien Observatoire du
trait de côte en France. Il a été complété par un instrument politique et
stratégiq
ue, le GIP Littoral en 2006. Mais c’est la synergie entre ces deux
instruments et à travers cela les rôles complémentaires des établissements
publics et du GIP dans leurs composantes régionales, qui permet
aujourd’hui cette avance reconnue nationalement. Notons qu’une
approche nationale et centralisée de la gestion des données (voir second
point abordé dans le présent document) pourrait entamer fortement ce
cercle vertueux. De plus, le BRGM a entamé depuis janvier 2021, la
migration de son unité de recherch
e et d’expertise sur la thématique du
littoral en NVA, afin de constituer avec l’écosystème local de R&D un pôle
d’excellence en la matière.
LA GESTION DU TRAIT DE CÔTE EN PÉRIODE DE CHANGEMENT CLIMATIQUE
91
Le BRGM souhaite suggérer que les politiques publiques doivent
très rapidement (dès 2024) être mises en conformité avec la nouvelle
trajectoire de réchauffement de référence pour l'adaptation au changement
climatique (TRACC), établie dans le cadre du plan national d’adaptation
au changement climatique (PNACC 2023). Notamment, la politique des
risques (PPR) tels que souligné par le chapitre de la Cour des comptes,
mais aussi celle de l’adaptation des territoires telle que traduit par la loi
Climat et Résilience et la loi 3DS ainsi que les documents d’applications
ou
de
recommandations
associés
et
en
particulier
celui
pour
l’établissement des cartes de recul du trait de côte, action approuvée
récemment par le MTECT et envisagée pour 2024.
RÉPONSE DE LA DIRECTRICE GÉNÉRALE
DE
L’
OFFICE NATIONAL DES FORÊTS
Ce chapitre appelle deux observations de ma part.
Premièrement, comm
e proposé dans le premier paragraphe l’ONF
souscrit à l’intérêt de considérer l’érosion côtière comme un risque naturel.
En second lieu, dans le schéma n° 3, deuxième pavé de la colonne la
plus à droite, il nous semblerait opportun de citer également la gestion des
domaines littoraux privés de l’État parmi les compétences de ses opérateurs.
RÉPONSE DU
PRÉSIDENT DE L’
ASSOCIATION
DES MAIRES DE FRANCE
L’AMF partage la majorité des constats, extrêmement précis, faits
par la Cour des Comptes dans ce chapitre du rapport annuel consacré à
la « gestion du recul du trait de côte en période de changement
climatique
», s’agissant de l’analyse des phénomènes et conséquences sur
les territoires littoraux liés à l’érosion côtière.
Tel est le cas pour le constat de la di
versité de l’exposition des
littoraux français au phénomène, imposant une application différenciée des
stratégies de gestion en fonction des territoires concernés, et de sa possible
imbrication avec deux risques naturels majeurs que sont la submersion
marine et les mouvements de terrain, où les actions marines et territoriales
se cumulent. À cet égard, il est primordial de souligner que la distinction
COUR DES COMPTES
92
entre érosion et submersion « ne saurait toutefois conduire à écarter
l’érosion comme risque naturel, c’es
t-à-dire un aléa - manifestation
physique brutale ou chronique -
susceptible d’entrainer des dommages
» et
qu’ «
elle ne doit pas nuire au correct traitement des risques littoraux dans
chaque territoire, et de devrait pas interdire, là où ils interagissent, leur
cartographie conjointe et la mise en œuvre d’actions cohérentes
».
Le constat sur la connaissance encore imparfaite du phénomène est
encore partagé par les élus, conduisant ici la Cour à considérer que
« seules des projections du recul du trait de côte et non des prévisions
incontestables, peuvent ainsi être réalisées. Ces projections dépendent de
nombreux paramètres, comme la prise en compte du rôle des ouvrages de
défense contre la mer ou des tempêtes exceptionnelles ».
S’agissant
de
l’impact
financier,
il
s’avère
effectivement
insuffisamment évalué. À titre d’exemple, dans l'étude réalisée en 2019
pour les compte du ministère de la transition écologique, intitulée
« évaluation prospective des enjeux affectés par le recul du trait de côte »,
au moment même où la loi Climat organisait le transfert de gestion de
l’érosion côtière aux communes touchées, le Cerema a analysé le nombre
de
logements potentiellement atteints jusqu’en 2100
, situés en métropole et
d'Outre-mer, et a estimé leur valeur immobilière : environ 5 000 et 50 000
maisons et appartements en métropole et dans les DROM seraient touchés,
pour une valeur immobilière estimée entre 0,8 et 8
Md€
.
Comme le constate également la Cour, ces chiffres doivent être
réévalués dès lors qu’ils ne prenne
nt pas en compte la valeur des
équipements et ouvrages publics, commerces, hôtellerie, camping,
bâtiments du secteur tertiaire et industriels, voirie, etc. dont la relocation
devra être engagée dans le cadre des stratégies à horizon 30 ou 100 ans,
qui pour
ront nécessiter la préemption ou l’expropriation de certains
terrains ou la prise à bail d’immeubles en copropriété avec dépollution et
renaturation des sites. La valeur cumulée de ces opérations dépasse donc
largement les montants déjà évalués par le Cerema pour les seuls
logements (plutôt de l’ordre de dizaines de milliards d’euros selon la Cour
d’ici 2050, à l’échelle des huit régions du territoire hexagonal concernées,
hors départements et régions d’outre
-mer également fortement touchés).
Sur le nécess
aire renforcement de l’ingénierie locale, le élus font
également valoir avec force le besoin accru en la matière et constatent,
comme la Cour, le désengagement de l’État marqué ces dix dernières
années par la « quasi-disparition des capacités auparavant portées par les
directions départementales de l’équipement ».
LA GESTION DU TRAIT DE CÔTE EN PÉRIODE DE CHANGEMENT CLIMATIQUE
93
C’est pourquoi, sur proposition de l’AMF, il avait été demandé dans
le cadre des débats parlementaires de la loi Climat et conformément aux
travaux de son groupe de travail Littoral, constants dans cette position
depuis 2018 (première initiative du gouvernement de création d‘une
obligation de cartographie à la charge de certaines communes listées), de
supprimer tout transfert de charge et de responsabilité aux communes en
matière de gestion du risq
ue recul du trait de côte relevant jusqu’alors
principalement de l’État dans le cadre des PPRN et PPRL. L’AMF, avec
l’ANEL
120
et le CEPRI, avait alors condamné les risques juridiques pesant
sur les communes et intercommunalités en l’absence de financement d’une
telle politique et de mise en place d’une stratégie commune englobant un
grand nombre d’acteurs susceptibles d’agir en matière de relocalisation.
Faute de prise en compte de ces positions et de financement de ce
transfert, l’AMF avait proposé d’avoir
recours à la contractualisation
pour amener l’État à prendre en charge financièrement et en apport
d’ingénierie, les actions de gestion du recul du trait de côte engagées par
les communes, proposant aux parlementaires de porter l’amendement qui
s’est traduit par l’adoption de l’article 237
121
de la loi Climat, qui n’a
malheureusement pas encore été mis en œuvre à ce jour.
Le dispositif proposé répondrait pourtant à la proposition de la
Cour de voir renforcées la gouvernance locale, la coordination et
l’assoc
iation satisfaisante des différents acteurs compétents. Préalable à
la réalisation de la cartographie à 30 et 100 ans, ce contrat pourrait
permettre de réaliser de manière approfondie et consensuelle, le
diagnostic du risque existant sur les projets de construction et
d’aménagement des espaces exposés, en lien avec la définition d’une
stratégie locale de gestion intégrée du trait de côte.
120
L’Association Nationale des Élus
des Littoraux et le Centre Européen de Prévention
et de gestion des Risques d’Inondation
121
Article L.321-
16 du code de l’environnement alinéa 3
: « Préalablement à la mise en
œuvre des mesures prévues au paragraphe 3 de la sous
-section 3 de la section 1 du chapitre
I
er
du titre II du livre I
er
du code de l'urbanisme, une stratégie locale de gestion intégrée du
trait de côte faisant l'objet d'une convention conclue avec l'État et, le cas échéant, avec les
collectivités territoriales concernées et leurs groupements peut être établie à l'initiative des
communes mentionnées à l'article L. 321-15 du présent code. Cette convention établit la
liste des moyens techniques et financiers mobilisés par l'État et les collectivités
territoriales pour accompagner les actions de gestion du trait de côte, notamment :
« 1° La construction, l'adaptation ou le maintien en l'état d'ouvrages de défense contre la mer ;
« 2° Les dispositifs de suivi de l'évolution du recul du trait de côte ;
« 3° L'élaboration d'une carte locale d'exposition au recul du trait de côte prévue à
l'article L. 121-22-1 du code de l'urbanisme ;
« 4° Les opérations d'aménagement liées au recul du trait de côte ».
COUR DES COMPTES
94
Sur le financement des actions, force est de constater qu’aucune
ligne budgétaire nouvelle n’est ouverte pour financer
ce transfert, sauf les
80
% de prise en charge de la cartographie sur lesquels l’État s’est engagé
via le Fonds vert.
Lors de la première réunion du Conseil national du trait de côte
(CNTC) le 14 mars dernier, dont l’AMF est membre, la définition des
mesur
es d’accompagnement financier de cette politique a été renvoyée à
la loi de finances pour 2025, ce qui ne permet pas aux communes
concernées et à leurs intercommunalités de se projeter dans des scénarii
de gestion à long terme.
À ce stade l’AMF, avec l’ANEL, ont demandé la création d’un fonds
national pérenne, sur le modèle du fonds Barnier, alimenté par la participation
des usagers du bord de mer à la préservation du littoral. Il pourrait également
être alimenté par toute autre fiscalité liée aux enjeux de lutte contre le
changement climatique sur les façades littorales, telle que, par exemple, une
part de la taxe éolienne en mer en zone économique exclusive (ZEE) qui
permettrait d’associer le développement des énergies renouvelables avec la
lutte contre les conséquences du dérèglement climatique.
Un groupe de travail sur l’évolution de la taxe G
emapi par ailleurs
récemment été mis en place par le CNTC et le Ministère de la transition
écologique afin d’identifier comment cette fiscalité pourrait permettre le
portage financier des ouvrages de protection liés à la gestion du recul du
trait de côte. Il a été rappelé la position constante de l’AMF sur ce point
constatant son effet levier relatif pour travailler sur les stratégies
d’adaptation au changement climat
ique, la piste de réforme visant à
l’augmentation du plafond de 40
€
par habitant n’étant pas nécessairement
supportable localement.
Des tentatives avaient déjà été faites pour faire financer l’érosion via
la taxe Gemapi par le gouvernement, dans les discussions de la loi Climat et
par le Sénat dans le cadre de la discussion du projet de loi 3DS, mais qui ont
été finalement levées en commission à l’Assemblée nationale, notamment à
la demande de l’AMF et de l’ANEL afin d’éviter, en augmentant le champ
de la
taxe, d’en faire la source exclusive de financement d’une politique
relevant, pour les associations d’élus, de la solidarité nationale. Les élus
attendaient que les lois de Finances pour 2022 et pour 2023 prévoient une
recette à l’échelle nationale pour f
inancer investissements nécessaires des
communes concernées, ce qui n’avait pas été le cas. Rien n’est prévu non
plus dans le projet de loi de finances pour 2024.
C’est pourquoi, l’AMF s’oppose à la proposition faite par la Cour
de faire de la gestion du trait de côte une mission obligatoire de la Gemapi.
LA GESTION DU TRAIT DE CÔTE EN PÉRIODE DE CHANGEMENT CLIMATIQUE
95
L’AMF sera également vigilante à la révision de la stratégie
nationale de gestion intégrée du trait de côte, en cours de définition, et le
transfert de responsabilité opéré sur les communes soumises à l’é
rosion
afin que l’État n’opère pas, encore, de confusion entre l’érosion,
prévisible, avec les risques naturels et littoraux dans leur ensemble, qui ne
le sont pas, et ce dans le seul but de faire porter l’entière gestion de
l’adaptation au changement clim
atique aux seules collectivités touchées.
La proposition de la Cour d’assortir la prochaine stratégie nationale
de gestion du trait de côte d’objectifs et d’indicateurs permettant d’en suivre
et d’en évaluer la mise en œuvre devra mentionner cette distinc
tion et
s’adresser tant à l’État, qu’aux collectivités et aux autres acteurs impliqués
dans cette gestion, dans le strict respect des compétences de chacun.
L’AMF constate enfin que la Cour n’analyse que très peu l’effet de la
mise en œuvre de l’objectif ZAN couplé à l’application stricte de la loi
Littoral sur la spéculation foncière locale et les conditions de relocalisation
en rétro-littoral qui pèseront sur le coût de gestion du recul du trait de côte
indépendamment d’outils d’appropriation foncière mi
s en place localement
(préemption, bail réel d’adaptation à l’érosion côtière, EPF…).
L’article 5 de la loi du 20 juillet 2023 et le décret du 27 novembre
2023 relatif «
à la mise en œuvre de la territorialisation des objectifs de
gestion économe de l'espace et de lutte contre l'artificialisation des sols »
prévoient l’adaptation de la trajectoire ZAN aux spécificités des territoire
soumis à la loi Littoral et aux impératifs de gestion du recul du trait de
côte.
L’AMF a soutenu le Sénat pour faire évoluer
le dispositif en ce sens
et assouplir sa mise en œuvre même si les textes restent encore compliqués
à appliquer et posent des questions d’interprétation.
Si l’objectif est partagé par les élus, la mise en œuvre doit leur
permettre de conserver une capacité de développement, avec une
acceptabilité sociale de la densité par les habitants.
L’AMF plaide pour des dispositifs incitatifs plus que contraignants
y compris dans les outils de financement. L’accompagnement en ingénierie
et la responsabilisation des services déconcentrés sur les trajectoires
conseillées localement au regard des enjeux des territoires littoraux sont
également essentiels pour l’atteinte de l’objectif.
L’AMF vient de produire 20 propositions pour le financement du ZAN
qui reprennent ces
enjeux d’incitation à un modèle plus sobre respectueux
de la libre administration des communes et intercommunalités.
COUR DES COMPTES
96
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DE LA RÉGION NORMANDIE
J'ai eu l'occasion de réagir par courrier du 31 août 2023 à un extrait
du relevé d'observations provisoires transmis par M. Paul SERRE,
président de la chambre régionale des comptes Nouvelle-Aquitaine, dans
le cadre d'une enquête réalisée sur cette problématique par une formation
commune à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes.
Dans mon courrier de réponse, je précisais avec force détails les initiatives
prises et les actions concrètes menées depuis plus de 10 ans à l'échelon de
la Normandie, sous l'angle de la stratégie régionale : appropriation et
déclinaison locales, gouvernance.
Après lecture attentive, je constate que les extraits communiqués
diffèrent très peu du relevé provisoire et relève que la prise en compte des
arguments et éléments d'information détaillés dans ma réponse n'a été que
très partielle et parcellaire. En conséquence, je vous réitère ci-après les
différents points mis en relief dans mon argumentaire initial.
L'extrait mentionne ainsi que la Stratégie Nationale de Gestion
Intégrée du Trait de Côte (SNGITC) a fait l'objet de déclinaisons locales
hétérogènes [...] et que les Schémas Régionaux d'Aménagement, de
Développement Durable et d'Égalité des Territoires (SRADDET) 'abordent
cette problématique dans des termes' et selon un degré de détail variables [...].
Je souscris en partie à votre constat global de nécessité d'une accélération
forte du passage à l'action, ainsi que d'une meilleure coordination entre
l'ensemble des acteurs. Forte d'une façade littorale très importante, avec
640 kilomètres de côtes, variée et sensible aux différents risques littoraux, la
région Normandie s'est saisie depuis plus de 10 ans des enjeux de gestion
intégrée du trait de côte. Sont reprises ci-après quelques initiatives spécifiques
parmi les plus marquantes prises à l'échelon de la Normandie.
•
En matière de connaissances, il me semble important d'évoquer la mise
en place depuis 2010 d'un Réseau d'Observation du Littoral, à l'initiative
des régions et du Conservatoire du Littoral, rejoints par l'État depuis
2016 et étendu à l'intégralité de la façade des régions Normandie et
Hauts-de-France. Ce réseau permet à la fois de centraliser les
connaissances existantes et travaux de recherche sur les dynamiques
littorales, de les mettre à disposition de l'ensemble des acteurs, au
premier rang desquels les collectivités locales littorales, et de porter des
projets tels que l'acquisition mutualisée de données LIDAR topo et
bathymétriques (www.rolnp.fr). En termes de connaissances, on peut
également signaler le « GIEC normand », groupe
d’
experts que j'ai mis
en place fin 2019 pour établir une synthèse des connaissances sur les
conséquences du changement climatique en Normandie, en particulier
sur la thématique littorale (www.normandie.fr/giec-normand).
LA GESTION DU TRAIT DE CÔTE EN PÉRIODE DE CHANGEMENT CLIMATIQUE
97
•
En matière de stratégie, au-delà de l'échelon régional, il me semble
essentiel de pointer l'importance des stratégies locales construites à la
bonne échelle, en associant les acteurs économiques et les populations. La
région Normandie, consciente de la nécessité d'anticipation de
l'adaptation des territoires littoraux aux conséquences du changement
climatique, a pris l'initiative dès 2014 d'une politique d'accompagnement
spécifique intitulée « Notre Littoral pour Demain ». Celle-ci permet de
mobiliser et former élus et techniciens des collectivités locales, puis de les
accompagner pour l'élaboration d'une stratégie de gestion durable à une,
échelle pertinente - géographiquement (échelle des cellules hydro
sédimentaires) et temporellement (prise en compte des conséquences du
changement climatique à 20, 50 et 100 ans). Cette démarche, assez
innovante à l'échelle nationale, a permis d'accompagner une majorité des
littoraux de Normandie (19 EPCI concernés au total) :
-
« Côte ouest de la Manche de Granville à Flamanville » (stratégie
finalisée en 2019) ;
-
« Côte est du Cotentin de Saint-Vaast à la baie des Veys » (stratégie
finalisée en 2019) ;
-
« Côte du Calvados de la Seulles aux Vaches noires » (stratégie
finalisée en 2021) ;
-
« Côte du Bessin de la baie des Veys à la Seulles » (démarche
d'élaboration débutée en 2021) ;
-
« Côtes de la Seine-Maritime » (démarche d'élaboration débutée en 2022).
Outre la dynamique collective engendrée sur les territoires, ces
démarches leur ont permis de commencer à imaginer le passage à
l’ac
tion.
Ainsi, les territoires dotés de telles stratégies sont parmi les premiers à
engager des projets concrets de recomposition spatiale (ex. PPA des 2
Havres de Coutances Mer et Bocage, l'un des premiers signés par l'État,
ou encore le projet porté par la Communauté Côte Ouest Centre Manche
retenu dans le cadre de l'appel à partenariat ANEL/CEREMA).
•
En matière de planification, il me parait utile de nuancer votre analyse
relative à le portée limitée des SRADDET dans ce domaine. Le
SRADDET normand intègre au sein de ses six objectifs stratégiques et
transversaux la nécessité de lutter et de limiter les effets du changement
climatique et revient largement sur la problématique dé du trait de côte
(objectifs 2 et 3). Parmi les 74 objectifs du SRADDET, certains sont plus
spécifiques, à l'image de l'objectif 10 : « Protéger les espaces naturels
littoraux » qui prévoit à l'horizon 2030 :
COUR DES COMPTES
98
-
D'adapter les territoires littoraux à l'évolution prévisible du trait de côte ;
-
De
prendre
en
compte
les
risques
immédiats
(événements
météorologiques) et à venir
-
De planifier l'urbanisme à court et moyen terme, en vue d'une
adaptation aux conséquences du changement climatique ;
-
De favoriser un développement et une implantation des activités
économiques qui tiennent compte de la nécessaire adaptation aux
conséquences du changement climatique à moyen et long terme.
Le SRADDET Normandie comporte également plusieurs règles
spécifiquement prévues pour accélérer la nécessaire adaptation aux
conséquences du changement climatique (et en particulier la règle n° 5
« Dans les zones littorales, rétro littorales et milieux estuariens, permettre les
aménagements et les constructions uniquement s'ils sont adaptés aux risques
naturels prévisibles à l'horizon de 2050 (inondation, submersion marine,
érosion, recul du trait de côte) »). Comme vous le savez, ces objectifs et règles
ont une portée juridique certaine, même si leur opérationnalité nécessite au
préalable une intégration dans les SCoT et les PLU, ce à quoi la Région est
particulièrement attentive, au rythme des révisions de ces documents.
Dans le cadre de la première modification du schéma et de
l'intégration de l'objectif du Zéro Artificialisation Nette, l'enjeu de la
gestion du trait de côte est également traité au regard de la réduction de la
consommation foncière des espaces naturels, agricoles et forestiers. La
région Normandie a fait le choix de réserver une enveloppe régionale
d'artificialisation possible pour ces territoires. Cette démarche vise à la fois
à préserver la faisabilité des projets d'envergure en Normandie et à
permettre aux territoires d'engager la relocalisation d'habitations,
activités, équipements et infrastructures lorsqu'ils sont menacés par le recul
du trait de côte et le risque de submersion marine. Tous les documents
relatifs au SRADDET normand (SRADDET actuel et proposition de
modification du schéma) sont consultables et téléchargeables sur le site
internet de la Région Normandie (www.normandie.fille-sraddet).
•
Concernant la réalisation d'opérations de relocalisation d'activités, la
région a choisi de mobiliser des nouveaux moyens de financement sur la
période 2021-2027 (10
M€ de FEDER + 15
M€ de crédits régionaux au
titre du CPER), ciblés spécifiquement sur ce type d'opération. En effet,
même si nous disposons d'un premier exemple concret en Normandie avec
l'opération de recomposition spatiale sur la basse vallée de la Saâne
incluant le déplacement d'un camping (projet Interreg PACCo, avec le
soutien de la région notamment), les exemples sont encore trop rares en
France. La région a donc la volonté de favoriser une démultiplication des
opérations pilote, nécessaires si l'on veut mieux identifier les points de
blocage concrets à lever avant d'envisager une politique plus générale.
LA GESTION DU TRAIT DE CÔTE EN PÉRIODE DE CHANGEMENT CLIMATIQUE
99
Enfin, la Cour des comptes souligne que la gouvernance locale,
variable dans son échelle et ses modalités, demeure largement à construire
[..] lorsqu'elle est formalisée, elle ne permet pas toujours la coordination
et la mutualisation des interventions. Certaines régions ont jeté les bases
d'un partenariat [...]. En Normandie, la stratégie régionale « Littoraux
Normands 2027 » validée fin 2020 à l'initiative de l'État (et dont la région
est l'un des partenaires) a cette vocation première de fédérer l'ensemble
des acteurs qui interviennent sur cette thématique, pour échanger et mieux
coordonner leurs actions, autour d'axes de travail partagés.
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DE LA RÉGION NOUVELLE-AQUITAINE
Je salue ce travail de la Cour des comptes et remercie les magistrats
en charge de sa production. Le rapport met bien en avant les travaux
précurseurs mis en place en Nouvelle-Aquitaine, tant sur le plan de la
connaissance que de la mise en place de stratégies de gestion, sous
l’impulsion de la Région.
En effet, avec 970
kilomètres de côtes, l’ensemble d
u littoral
néo aquitain va être impacté par la montée du niveau de la mer (entre 30
et 80 centimètres selon les scénarios climatiques du GIEC) et par des
phénomènes d’érosion côtière
(recul moyen prévu de 1 à 3 mètres par an
sur la côte sableuse). C’est po
urquoi, dès 2012, nous avons adopté une
stratégie régionale de gestion de la bande côtière, élaborée et mise en
œuvre par le GIP Littoral
, qui a donné un cadre aux collectivités pour
l’élaboration partenariale de stratégies locales dans lesquelles sont
réalisés les arbitrages entre protection ou repli des zones habitées. La
Région a aussi rappelé sa mobilisation en matière de gestion du trait de
côte à travers sa feuille de route Néo Terra, votée en 2019, afin de protéger
les populations face aux risques
d’
érosion côtière, de submersion marine
et d’inondations fluviales, en privilégiant la mise en place d’actions de
repli stratégique, ainsi qu’une gestion à l’aide de solutions fondées
sur la
nature, partout où elles sont possibles et efficaces.
COUR DES COMPTES
100
Concernant la connaissance des impacts du recul du trait de côte, je
partage votre constat sur les limites du travail mené par le Cerema en 2019,
et espère que la seconde version en cours de production intègrera un horizon
de moyen terme (2050), ainsi que
l’ensemble
des enjeux
122
potentiellement
menacés, au-delà des seuls logements
, comme nous l’avons fait en Nouvelle
-
Aquitaine. Je souhaite aussi, dans un objectif d’aide à la décision, que le
scénario de l’inaction (le plus pessimiste) ne soit pas le seul étudié par le
Cerema, afin de valoriser les bénéfices apportés par différentes modalités
d’action publique
(lutte active, repli stratégique, etc.).
Concernant les approches stratégiques, décrites dans votre rapport,
je formule le souhait que les 11 stratégies locales de gestion de la bande
côtière sur le littoral de Nouvelle-Aquitaine dont certaines existent depuis
une dizaine d’années, et qui ont fait leurs preuves, soient
davantage
valorisées par le ministère de la transition écologique, et que les stratégies
locales puissent prendre une place plus importante dans la stratégie
nationale de gestion intégrée du trait de côte, en cours de révision.
À ce jour, l’accompagnement de l’État sur ces stratégies locales de
gestion de la bande côtière, tant sur le plan technique q
ue financier, n’est
à mon sens pas à la hauteur des enjeux, ce qui met en évidence une
déconnexion entre les besoins des collectivités pour gérer et aménager leur
territoire en réponse au risque d’érosion côtière, et les
moyens
globalement déployés pour les soutenir dans cet objectif.
Par ailleurs, la reconnaissance des stratégies par l’
État pourrait
s’incarner dans leur prise en compte au moment de l’instruction de
dossiers d’autorisation environnementales ou d’occupation du domaine
public maritime. Les ouvrages de protection incompatibles avec les
stratégies locales devraient être refusés.
Enfin, je relève l’importance de la coordination des réponses entre les
risques d’érosion côtière
et de submersion marine
. Cette coordination n’est
que partiellement op
érationnelle à ce jour, et surtout elle n’est pas traduite
dans les outils de financement : la gestion des submersions marines bénéficie
d’importants fonds d’
État actant une solidarité nationale, alors que la gestion
de l’érosion côtière est
laissée aux se
ules collectivités territoriales, ce qu’a
renforcé la Loi Climat et résilience de 2021. Cela est injustifié, tant les deux
aléas peuvent être imbriqués sur le terrain, et tant ils nécessiteront à l’avenir
une gestion commune dans le
contexte de l’adaptation à l’élévation de niveau
de la mer liée au changement climatique.
122
La notion d’enjeu s’entend dans le cadre d’une politique de gestion des risques. Les
enjeux sont liés à la présence humaine sur le territoire : activités économiques,
infrastructures, etc.
LA GESTION DU TRAIT DE CÔTE EN PÉRIODE DE CHANGEMENT CLIMATIQUE
101
Je souhaite vivement que
le législateur et l’exécutif au niveau
national s’approprient les conclusions
de la Cour des comptes, ainsi que
celles des différentes chambres régionales ayant produit des rapports à ce
sujet tout au long de l’année 2023, afin de
fournir aux collectivités
littorales des moyens juridiques et financiers à la hauteur des enjeux. Les
travaux qui se dérouleront au sein du comité consultatif du trait de côte,
dont la réécriture en cours de la stratégie nationale de gestion intégrée du
trait de côte, devront être utiles pour apporter des réponses à cette question
des moyens.
La région Nouvelle-Aquitaine sera très attentive aux évolutions à
venir, et veillera à ce qu’elles r
épondent du mieux possible aux besoins des
collectivités littorales et leurs administrés.
RÉPONSE DE LA PRÉSIDENTE DE LA RÉGION PAYS DE LA LOIRE
La commission régionale de gestion durable du littoral
La commission régionale de gestion durable du littoral est l'instance
de gouvernance régionale pour accompagner et soutenir les démarches
menées par les collectivités, en matière de gestion durable du trait de côte.
Elle est constituée de l'État, du conseil régional des Pays de la Loire et des
conseils départementaux de la Loire-Atlantique et de la Vendée.
En matière de prévention du risque de submersion marine, elle
constitue l'instance de gouvernance régionale du dispositif national PAPI.
À ce titre, elle est amenée à émettre un avis sur l'ensemble des projets
relevant de ces deux domaines d'intervention.
Enfin, en matière d'amélioration de la connaissance et du partage
d'informations sur les risques côtiers, la commission suit les travaux de
l'observatoire régional des risques côtiers (OR2C). L'OR2C-PL a été créé
en mars 2016, sous l'impulsion de la région des Pays de la Loire et animé
par l'université de Nantes. Il fédère la communauté de travail des acteurs
du territoire pour œuvrer à une meilleure compréhension des dynamiques
littorales menaçant les enjeux de nature diverse et dispose d'une
reconnaissance scientifique et technique, dépassant l'échelle régionale. Il
assure la diffusion de l'information et des données sur ces aléas. Les
membres de la commission régionale de gestion durable du littoral font
partie du comité de pilotage de l'observatoire.
COUR DES COMPTES
102
La convention régionale de gestion durable du littoral
Dans la continuité des conventions précédentes, la convention
régionale de gestion durable du littoral, renouvelée en 2023, engage l'État,
la région des Pays de la Loire et les départements de la Loire-Atlantique et
de Vendée, autour de deux objectifs communs : améliorer la connaissance
des risques littoraux et soutenir les collectivités porteuses de projets de
prévention des risques de submersion et de gestion du trait de côte.
Elle permet d'accompagner les collectivités territoriales dans la mise
en œuvre de leurs programmes d'actions de prévention des inondations
(PAPI). La convention régionale peut également accompagner les études et
travaux de gestion du trait de côte, en contribuant à faire évoluer les
impératifs de défense contre la mer vers une approche plus intégrée des
risques littoraux, compatible avec une gestion durable du littoral.
Plusieurs collectivités ont également entrepris d'établir des
stratégies locales de gestion intégrée du trait de côte, et s'inscrivent ainsi
pleinement dans l'esprit de la loi « climat et résilience ». Ces démarches
bénéficient de l'appui de l'observatoire régional des risques côtiers en Pays
de la Loire (OR2C-PL), notamment grâce à la mise à disposition des
données acquises et produites. L'appui méthodologique de l'OR2C-PL
pour l'élaboration des stratégies locales sera encouragé.
Suite à la promulgation de la loi Climat et Résilience et à
l'accentuation des effets prévisibles du changement climatique sur notre
littoral, les réflexions sur les modalités de gestion du littoral se poursuivent
avec pour objectifs de :
-
mettre en place une concertation associant les territoires et parties
prenantes dans le but de construire un partenariat régional adapté au
défi de l'adaptation des territoires littoraux face à la hausse prévisible
du niveau marin, aggravant la vulnérabilité future des territoires
littoraux ;
-
faire progresser la connaissance du littoral régional et le partage des
données ;
-
i
nciter et accompagner les territoires dans la mise en œuvre de
stratégies locales pour la prévention des risques littoraux permettant
la réalisation d'actions concrètes à court terme ;
-
accompagner les territoires dans l'élaboration de leur stratégie locale
de gestion du trait de côte à plus long terme.
LA GESTION DU TRAIT DE CÔTE EN PÉRIODE DE CHANGEMENT CLIMATIQUE
103
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL EXÉCUTIF DE CORSE
Dans cet extrait, il est mentionné qu
’
« en Corse, l
’
Assemblée
territoriale a approuvé dès 2019 les grandes orientations et la
méthodologie pour l'élaboration d'une stratégie de gestion intégrée du trait
de côte, mais aucun document opérationnel n
’
est adopté à ce jour ».
Cette formulation m
’
amène à préciser les éléments d
’
information
suivants.
La collectivité de Corse a mandaté son opérateur expert dédié en
vue de proposer les grandes orientations et la méthode visant à mettre en
place une stratégie territoriale, la décliner à l
’
échelle locale et y associer
une ingénierie technique et financière.
Dès l
’
adoption par l
’
Assemblée de Corse de la définition des
grandes orientations et d
’
une méthodologie pour l
’
élaboration d
’
une
stratégie territoriale de gestion du trait de côte (en décembre 2019),
plusieurs axes opérationnels ont été identifiés: mise en place de la
gouvernance, connaissance des aléas et des enjeux, prise de conscience du
risque, surveillance vigilance et alerte, hiérarchisation des projets locaux,
mise en place de stratégies locales et accompagnement, portage, animation
et coordination des projets, et gestion publique du domaine maritime en
relation avec les problématiques d
’
érosion.
Il est certes exact que le calendrier prévisionnel de ce travail
important, initié à la fois au lendemain de la création de la collectivité de
Corse (née de la fusion de deux départements et de la collectivité
territoriale de Corse le 1
er
janvier 2018) et à la veille de la pandémie du
covid, a connu du retard.
Néanmoins, les travaux se sont poursuivis par la réalisation d'études
destinées à élaborer un diagnostic géomorphologique des côtes meubles et
rocheuses permettant de définir la sensibilité à l
’
érosion. Il est important de
signaler que la Corse manquait de données techniques (notamment sur la
sensibilité des côtes à l'érosion) pour finaliser sa stratégie. Ces données ont
été acquises par l
’
Office de l
’
Environnement de la Corse (OEC),
spécifiquement mandaté par la Collectivité, en partenariat avec le Bureau
de recherches géologiques et minières (BRGM), et n
’
ont été disponibles, en
totalité, qu'en janvier 2023. Un travail complémentaire d
’
interprétation a dû
être réalisé et finalisé en juin 2023.
Ce diagnostic sera soumis à l
’
Assemblée de Corse au premier semestre
2024 et permettra l
’
accompagnement technique des collectivités concernées
pour l
’
élaboration des stratégies adaptées à leur situation spécifique.
COUR DES COMPTES
104
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU PÔLE MÉTROPOLITAIN
DE LA
CÔTE D’OPALE
Ces éléments font apparaître que le pôle métropolitain de la côte
d'Opale peine à remplir ses missions dans la gestion du trait de côte du fait de
l'absence de compétence rattachée aux collectivités territoriales, et de son
caractère facultatif dans le périmètre de la Gemapi d'une part ; et que chaque
intercommunalité a développé sa propre conception de la défense contre la
mer, rendant impossible toute recherche de cohérence par le pôle, d’autre
part.
Je souhaite préciser que le pôle métropolitain de la côte d'Opale
n'exerce pas la compétence défense contre la mer de la Gemapi, ni la
compétence liée à l'érosion et à la gestion des milieux dunaires,
compétences qui appartiennent aux EPCI et aux communes. À
contrario, les intercommunalités, reconnaissent l'ingénierie du Pôle, et
son rôle de force de proposition sur la coordination et sur une vision
globale et structurelle de la problématique soulevée.
Enfin, le rôle du pôle est de rechercher une cohérence d'action dans un
littoral très différent, qui doit prendre en compte chaque cellule hydro
sédimentaire. Il ne peut pas avoir une stratégie unique sur le littoral du PMCO.
Sans le PMCO, chaque entité agirait de son côté sans réelle coordination.
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DE LA COMMUNAUTÉ
DE COMMUNES MÉDOC-ATLANTIQUE
L
’
extrait du rapport d
’
enquête sur la gestion du trait de côte en
période de changement climatique que vous avez bien voulu nous adresser
a retenu toute notre attention, et en particulier l
’
encadré sur la stratégie
locale de gestion de la bande côtière de Lacanau.
L
’
appréciation de la Cour des comptes sur les choix retenus par la
commune de Lacanau nous parait sévère et nous semble éluder les
difficultés liées à ce type d
’
exercices novateurs de recomposition spatiale
des territoires littoraux menacés par l
’
érosion marine, dont la principale
est celle du financement.
En effet, à ce jour, le coût de la protection du front de mer urbanisé
de Lacanau, estimé à 31
M€
, doit être comparé à la valeur des biens
menacés à savoir 302
M€
(estimation valeur 2015 pour 1 194 logements et
109 locaux commerciaux). Malgré l
’
adoption récente de la loi « Climat et
Résilience » et la mobilisation possible de nouveaux outils juridiques, la
LA GESTION DU TRAIT DE CÔTE EN PÉRIODE DE CHANGEMENT CLIMATIQUE
105
détermination d
’
une stratégie de relocalisation portant sur plus de
302 millions d'actifs privés et publics reste un exercice compliqué dès lors
que la question du financement a été éludée par les trains de mesures
législatives et réglementaires successives de ces dernières années.
Dans ces conditions il y a fort à penser que les collectivités
territoriales, désormais compétentes en la matière dans le cadre de la
Gemapi, feront le choix rationnel de la lutte active dure dès lors que son
coût reste largement inférieur à la valeur des actifs protégés et productifs
de revenus pour le territoire, sauf à mobiliser massivement les deniers
publics nationaux pour compenser les pertes et les coûts.
Ces difficultés financières pour mettre en œuvre de telles op
érations
de relocalisation des biens et des activités avaient été soulignées par mes
soins lors d'une rencontre organisée le 30 novembre 2022 par la chambre
régionale des comptes de Nouvelle-Aquitaine, et j'avais d
’
ailleurs souligné
l
’
insuffisance de l'actuelle taxe Gemapi, tout en évoquant des pistes de
financement complémentaire (droits de mutation, réforme du FPIC,
surtaxe d
’
habitation...).
Ainsi, au regard de ces échanges constructifs, je formule le vœu que
cette rédaction soit plus mesurée et contrebalancée par la mise en
perspective des coûts de la lutte active dure avec la valorisation des enjeux
socio-économiques privés et publics protégés (soit pour Lacanau, près de
350
M€
en valeur réactualisée 2023, sans prise en compte des coûts induits
tels que les études, les coûts liés à l
’
identification, la maîtrise foncière et
l
’
aménagement des zones de relocalisation et de réimplantation des
activités, du bâti, menacés par l
’
érosion).
RÉPONSE DU MAIRE DE
LA COMMUNE D’AULT
Si l’État restreint l’aménagement de nouveaux ouvrages et le
financement de ceux existants, ce positionnement doit être en mesure
d’évoluer en fonction du contexte local et des actions menées.
En effet, de lourds travaux ont été engagés il y a 40 ans pour
construire une digue qui a parfaitement joué son rôle de protection des
personnes et des biens, mais qui, malheureusement n’a pas été terminée.
De 2020 à 2023, dans le cadre du PAPI, des travaux
d’imperméabilis
ation des espaces publics proches de la falaise, de
redéploiement du réseau d’eau potable, d’eau usée, de réfection du réseau
électrique et d’eau pluviale ont été réalisés.
COUR DES COMPTES
106
Un schéma d’écoulement des eaux pluviales a été adopté et des travaux
visant à rete
nir l’eau sur le plateau seront engagés d’ici moins d’un an.
Ces travaux consistent en la mise en place d’une prairie inondable,
de fossés à redents, de bandes enherbées, de plantations de haies…
Au regard de l’engagement financier consenti par la commune
et
ses partenaires, le FEDER, l’État, la
région, le Département, la
communauté de communes, l’agence de l’eau, dans ces travaux, il parait
logique de terminer les actions de réduction de vulnérabilité par
l’enrochement en pied de falaise sur une longueur d
e 110 m. Encore faut-
il en évaluer son coût, ce qui n’a jamais été fait.
Je dois préciser que les frais d’entretien du trait de côte Aultois, ont
été assumés directement ou indirectement, uniquement par la commune
pour un montant de 1 520 000
€ de 2011 à 2022, soit 126
700
€ par an.
Bien entendu, la falaise, du quartier du bel air au bois de cise ne
pourra ê
tre défendue, en l’absence d’ouvrages de défense, ou en présence
d’ouvrages obsolètes. Seules des actions visant à ralentir le phénomène
d’
érosion par la modification des pratiques agricoles et la gestion des eaux
pluviales seront mise en œuvre.
RÉPONSE DU MAIRE DE LA COMMUNE DE LACANAU
Je remercie la formation commune de m’avoir accordé une audition
sur l’extrait d’observations provisoires
relatif à la gestion du trait de côte
à Lacanau, en application des articles L. 143-0-2 et R. 143-9 du code des
juridictions financières.
Consécutivement, par courrier du 20 octobre, vous m’avez fait part
du propos modifié devant figurer dans le rapport public annuel 2024 de la
Cour des comptes, aux chapitres
La gestion du trait de côte en période de
changement climatique, III -
S’adapter plutôt que lutter
: un choix encore
rare et A- Une préférence pour la fixation du trait de côte, plutôt que pour
l’adapt
ation à sa mobilité, pourtant encouragée
.
Je ne peux que souligner à la fois la reprise du premier propos qui
m’était inacceptable, pour moi et tous ceux qui nous accompagnent depuis
bientôt 15 ans dans la transformation de la station balnéaire et
l’adaptation au changement climatique (institutions, bureaux d’études,
citoyens…), et la persistance d’un arbitrage dépréciatif, au
-delà du
jugement propre à la CRC Nouvelle-Aquitaine qui lui appartient :
LA GESTION DU TRAIT DE CÔTE EN PÉRIODE DE CHANGEMENT CLIMATIQUE
107
-
Les outils d’adaptation des territoires littoraux ne consis
tent pas
qu’en une vaste recomposition spatiale, la défense des enjeux fait
partie des outils offerts aux acteurs publics ou privés exposés.
-
Les modélisations économiques des projets de relocalisation comme
celui de Lacanau, effectuées par le CEREMA pour la DHUP dans le
cadre des travaux nationaux sur le financement des opérations de
relocalisation, sont riches d’enseignements qui confirment les
conclusions initiales et qui sont mis de côté dans les rédactions
proposées au rapport.
-
Plus que de difficultés, les complexités et temps long nécessaires
seraient à évoquer. L’avancement par jalon et étape de trajectoires
est une nouvelle fois mis sous silence, alors qu’une transition n’est pas
possible sans l’articulation d’une vision à long terme et d’actions de
courts termes. Lacanau est une des rares collectivités il y a 15 ans à
l’avoir adopté pour la transformation de son front de mer. Aucun
cadre national n’articule ces temporalités.
-
La désimperméabilisation qui intervient sur le secteur nord en plus du
secteur sud cité est significative.
-
La commune de Lacanau demeure précurseur sur plusieurs sujets de
l’aménagement et la gestion littoraux. Je tiens à rappeler que les
opérations
réalisées
de
relocalisation
en
Nouvelle-Aquitaine
concernent à ce jour uniquement des postes de secours et une piste
cyclable. Un projet phare à l’étude chez nos voisins basques engagés
à la première heure comme Lacanau dans un PPA Trait de côte
concerne une STEP, aucun parking ni aucune maison de la glisse n’est
à l’étude aujourd’hui da
ns une logique « trait de côte », étant clair
pour tous nos partenaires que la suppression de ces équipements
majeurs de la côte néo-aquitaine est programmée. Les études de
relocalisations de biens privés ne sont pas si courantes non plus,
témoignant de l’intérêt d’encourager les démarches en cours plutôt
que de les charger d’insuffisance
.
Je vous propose de vous associer à nos études et programmation de
travaux à compter de 2024, pour vous permettre de prendre la mesure des
enjeux liés à la gestion du trait de côte qui se posent aux collectivités
locales, en articulation avec le GIP Littoral et tous les partenaires.
Je regrette qu’
in fine
le contrôle thématique contribue à formuler des
poncifs de portée injonctive, tendant à dessaisir l’échelon local de sa
souveraineté et professant un propos dénué, à ce stade, de propositions à-même
de donner des conditions de faisabilité des projets de relocalisation invoqués.