LES PRESIDENTS DE LA CHAMBRE DES COMPTES CORSE
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Claude CHARBONNIAUD de 1982 à 1983
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Jean Michel LE GUILLOU de 1983 à 1986
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Gilbert CANOSCI de 1986 à 1997
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André VALAT de 1997 à 2005
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Alain LEYAT de 2005 à 2008
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Jean Louis HEUGA de 2008 à 2014
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Jacques DELMAS de 2014 à 2021
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Nathalie GERVAIS de 2021 à 2022
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Philippe SIRE Depuis 2023
La République de Gênes (1453 - 1729)
L’organisation administrative
L’administration de l’Île est confiée à un gouverneur assisté par les Nobles Douze exerçant un rôle de conseil et de proposition. L’administration locale relève de la tradition médiévale italienne dans le cadre de la pieve (circonscription administrative et religieuse qui correspond à un canton rural actuel) et de communautés avec un podestat et deux homini boni élus par une assemblée populaire.
Mandat émis le 4 octobre 1765 en règlement d’approvisionnements et de divers travaux effectués au Palazzu naziunale à Corte, siège du Gouvernement.
Le sindicato et la procédure de sindicamento
Une institution est maintes fois évoquée dans les différents grands textes du droit statutaire de la Corse, notamment les Statuti civili e criminali (statuts civils et criminels) de 1571 : le sindicato. Ce terme provient du latin syndicus qui signifie « avocat » et « représentant d’une ville ».
Les sindicatori sont élus pour deux ans par le Sénat et la Camera de Gênes. Deux nobles génois en forment l’élément invariable auxquels sont adjoints des sindicatori corses (six pour la partie nord de l’île et six pour la partie sud) mais les voix des deux Génois sont équivalentes à celles de l’ensemble des Corses dans la prise de décision.
Le sindicato est à la fois un tribunal et un organe de vérification des comptes, souvent itinérant, escorté de soldats. Tous ceux qui exercent une parcelle d’autorité au nom de la Sérénissime République, tant dans l’ordre administratif que judiciaire, sont soumis à son contrôle à leur sortie de charge dans le cadre d’une procédure appelée sindicamento. Les sindicatori, juristes d’au moins 35 ans, désignés à cette charge sans pouvoir la refuser sous peine d’encourir une amende de cinq cents écus d’or, ont la préséance sur toutes les autorités de l’Île, exception faite du nouveau gouverneur. Ils sont compétents pour annuler les décisions des magistrats entachées de corruption ou de forfaiture. Ils prononcent différentes sanctions : interdiction d’exercer des fonctions publiques, amendes, relégation, peines corporelles telles la fameuse amputation du poing que les fonctionnaires concussionnaires ou prévaricateurs peuvent heureusement racheter en payant une amende, peine capitale. Lorsqu’il n’est pas jugé coupable, le fonctionnaire bénéficie d’un quitus, avec ou sans réserve, sous forme d’un brevet de syndicature de quatre degrés différents suivant le mérite, délivré par le chancelier du sindicato.
Le Gouvernement de Pascal Paoli (1755 - 1769)
Le contrôle des comptes au cœur des institutions
Après un quart de siècle de révoltes populaires (1729-1755), Pascal Paoli fonde l’Etat corse avec l’adoption, en novembre 1755, de la première Constitution écrite au monde basée sur la séparation des pouvoirs.
Pascal Paoli devient le chef de l’exécutif formé par un Conseil d’Etat qu’il préside, composé de trois sections (guerre, justice, finances). Le pouvoir législatif est confié à une Consulte, élue par le peuple, dotée d’une compétence générale (institutions, administration, politique étrangère, défense, justice, économie, finances, monnaie). Elle détient la suprématie sur tous les agents de l’Etat qui sont élus par elle, y compris le chef de l’exécutif et le Conseil d’Etat.
La Consulte contrôle tous les agents de l’Etat qui sont responsables devant elle pendant leur mandat et à leur sortie de fonction. Il en est ainsi des membres de l’exécutif. Les autres agents et magistrats de l’Etat sont contrôlés par le sindicato, hérité de Gênes, composé, outre le Général, de quatre membres issus de la Consulte, même si celle-ci se réserve certaines vérifications. Le sindicato lui rend compte de son action chaque année.
Les conseillers d’Etat, les magistrats de province, les fonctionnaires de l’administration des finances dont la charge est limitée à trois ans par la Consulte du 20 mai 1765, les membres des juntes de guerre et les autorités locales sont soumis à sa surveillance et jugés responsables de leur action. Les plaintes sont examinées par le sindicato qui joue parfois le rôle de Cour des comptes en informant la Consulte des abus les plus graves. Tous les ans, le grand caissier public présente les comptes à la Consulte pour qu’elle les contrôle et le résultat est annoncé publiquement.
Le sindicato effectue des tournées avec une garde armée. Elles coïncident souvent avec celles de Paoli ou de membres du Conseil d’Etat. La situation de pauvreté du pays et l’effort de guerre contre la République de Gênes obligent le chef de l’Etat à imprimer une extrême rigueur dans la gestion des deniers publics. Cela explique le caractère itinérant du pouvoir car Pascal Paoli se déplace souvent dans les différentes parties de l’Île aux frais de l’habitant.
Les « mandats de paiement »
La pièce ci-dessous, signée de la main de Pascal Paoli, illustre le mode de paiement des dépenses publiques. Dépouillée de tout formalisme administratif, elle témoigne néanmoins du principe de séparation entre l’ordonnateur, celui qui donne l’ordre de payer, et le comptable, celui qui manie les deniers publics.
L’Ancien Régime (1769 - 1789)
Le statut de l’Île
En concluant le Traité de Versailles, le 15 mai 1768, la Sérénissime République de Gênes abandonne au Roi de France Louis XV la souveraineté de la Corse érigée en pays d’Etat. Celle-ci ne sera définitivement acquise qu’à compter de la défaite des troupes paolistes à l’issue de la bataille de Ponte Novu, les 8 et 9 mai 1769.
Deux autorités, commissaires du Roi, sont chargées des affaires de Corse : le commandant en chef a la haute main sur la défense de l’Île, le maintien de l’ordre public, l’assimilation et la mise en valeur ; l’intendant veille à la bonne administration de la justice et de la police, contrôle les administrations civiles et financières, traite des questions économiques et sociales. Auprès de ces commissaires siège une commission des Nobles-Douze (composée de douze nobles désignés lors de la réunion des Etats) chargée d’examiner les comptes du trésorier de l’Île et de veiller au bon emploi de l’argent public.
Par l’intermédiaire de ses subdélégués, l’intendant contrôle la gestion des officiers municipaux élus pour un an (un podestat et deux pères du commun) et des podestats majors des pieve. Il vérifie leur comptabilité, autorise les dépenses et les travaux publics, supervise le recouvrement de toutes les impositions directes et indirectes. C’est à lui que rendent compte de leur gestion les receveurs des domaines et revenus royaux. Il juge toutes les contestations, abus et malversations en matière financière.
La vérification des comptes locaux
Une ordonnance de mai 1771 règle les attributions financières des officiers municipaux (podestats et pères du commun) au niveau des communautés.
Les officiers municipaux sont chargés de faire recette de tout ce qui revient ou appartient à la communauté (biens communaux, octrois, emprunts et impositions spéciales). Ils pourvoient aux dépenses auxquelles la communauté doit faire face sous le contrôle de l’assemblée générale des habitants mais ne peuvent y procéder avant d’y avoir été autorisés par l’intendant ou par ordonnance spéciale. La communauté, réunie en assemblée et à la pluralité des suffrages, détermine ces dépenses et le podestat major de la pieve doit en avoir reconnu l’utilité.
L’ordonnance fait obligation au dernier élu des pères du commun de rendre compte de sa gestion financière au cours du mois qui suit sa sortie de charge. Aucune dépense ne peut être validée si elle n’a été autorisée et délibérée, si elle n’a été faite sur le mandat du podestat et contrôlée par l’autre père du commun. Le compte de gestion n’est apuré que lorsqu’il a été lu en assemblée de communauté, communiqué au podestat major, à l’inspecteur de la province, arrêté et signé par l’intendant.
Ces dispositions seront en fait très peu suivies car les officiers municipaux entrant en charge, par déférence envers leurs prédécesseurs, ne demanderont souvent aucun compte de leur gestion financière aux sortants. Cela va favoriser les malversations et créer un indescriptible désordre dans la comptabilité des communautés de l’Île. Les Etats de 1777 tenteront de remédier à ces abus en proposant que les podestats majors contrôlent la comptabilité des communautés. Toutefois, ceux-ci ne seront pas rigoureux d’autant que plusieurs ignorent l’arithmétique et les règles de la comptabilité.
Malgré les instructions de l’intendant, les officiers municipaux vont continuer soit à ne pas rendre compte de leur gestion, soit à en rendre compte sans produire de pièces justificatives. Un observateur anonyme note en 1778 que « le premier vice à extirper est le peu de délicatesse dans le maniement des fonds publics et dans la comptabilité ».
Désirant « remédier au désordre qui règne dans la plupart des communautés par rapport à leur comptabilité », l’intendant La Guillaumye rappelle aux officiers municipaux les règles auxquelles ils doivent se conformer pour la recette, la dépense et la comptabilité des deniers communaux dans une instruction du 1er octobre 1778. Celle-ci ordonne la réunion immédiate d’une assemblée générale dans toutes les communautés au cours de laquelle le deuxième père du commun sortant rendra un compte très détaillé de l’état de la comptabilité. Elle rend en outre les officiers municipaux en exercice personnellement garants et responsables de toutes les sommes que leurs prédécesseurs ont entre leurs mains, au cas où ils négligeraient de poursuivre ces derniers. Ces mesures énergiques seront trop tardives pour remédier aux désordres financiers.
La Révolution française (1789 - 1794)
L’énoncé du principe d’assimilation politique et juridique
Sur la proposition du député Antoine Christophe Saliceti, l’Assemblée nationale approuve, le 30 novembre 1789, la déclaration suivante : « L’Assemblée nationale déclare que la Corse fait partie de l’Empire français, que ses habitants doivent être régis par la même Constitution que les autres Français, que, dès à présent, le Roi sera supplié d’y faire parvenir et exécuter tous les décrets de l’Assemblée nationale ». Ce texte réalise l’assimilation politique et juridique de la Corse. Dès lors, le droit commun est appliqué dans l’Île. Il en résulte que les mêmes textes organisant les finances ou la comptabilité s’appliquent avec plus ou moins de difficulté dans l’Île compte tenu d’une agitation politique persistante.
De retour de son exil anglais en juillet 1790, Pascal Paoli est placé à la tête des affaires départementales mais, effrayé par la Terreur, prend ses distances avec la Révolution.
Le Royaume anglo-corse (1794 - 1796)
La parenthèse anglaise
Les Corses se placent sous la protection du Roi d’Angleterre qui octroie une Constitution monarchique d’inspiration libérale, garantissant l’habeas corpus, la liberté de la presse ou encore la liberté de conscience, et organisant la séparation des pouvoirs entre un Vice-Roi anglais, sir Gilbert Elliot, et le Parlement corse.
Cette association politique ne résiste pas à la mise à l’écart du pouvoir de Pascal Paoli qui s’embarque pour l’Angleterre en 1795 et à l’avancée victorieuse des troupes révolutionnaires françaises engagées dans la campagne d’Italie.
Le Directoire (1796 - 1799)
La reconquête et la confirmation de l’assimilation
Sous l’impulsion de Napoléon Bonaparte, l’homme providentiel de la campagne d’Italie, la souveraineté française est rétablie sur l’Île à compter de la fin de l’année 1796.
Après la brève parenthèse de l’occupation anglaise, le droit commun est de nouveau progressivement réintroduit dans tous les compartiments de l’administration, notamment dans les domaines des finances et de la comptabilité.
Le Consulat (1799 - 1804)
L’ultime période d’exception
La persistance de l’hostilité politique conduit le Premier consul à placer temporairement la Corse « hors la Constitution » (loi du 13 décembre 1800) et à y nommer le conseiller d’Etat André-François Miot en qualité d’administrateur général des départements du Golo et du Liamone (mars 1801 - octobre 1802).
Muni des pleins pouvoirs, celui-ci prendra plusieurs arrêtés dont quelques-uns intéressent les finances et la comptabilité, sans pour autant remettre en cause les règles communes en ces domaines.
À son départ à l’automne 1802, la Corse est replacée dans le droit commun nonobstant la survivance de quelques célèbres assouplissements fiscaux dont certains persisteront jusqu’à la période contemporaine.
Après 1807…Deux siècles de norme commune
Après la création en septembre 1807 de la Cour des comptes, la Corse est soumise au même régime que le continent. La Cour juge les comptes des départements et des collectivités les plus importantes ; l’apurement des comptes des petites collectivités est de la compétence des conseils de préfecture dont les décisions relèvent, en appel, de la Cour.
François Xavier de Casabianca (27 juin 1796 - 24 mai 1881)
Sénateur, comte de l’Empire et pair de la Restauration, issu d’une famille de vieille noblesse corse qui, de Louis XV à Napoléon Ier, aide la France à établir son autorité sur l’Île, François Xavier de Casabianca, bonapartiste de conviction, se consacre sous la monarchie constitutionnelle à son métier d’avocat à Bastia. En 1848, il est élu représentant de la Corse à l’Assemblée constituante et réélu en 1849. Il siège avec le parti de l’ordre puis avec les partisans de l’Elysée. En 1851, il est nommé ministre de l’agriculture et du commerce puis aux finances. En 1852, il rejoint le Sénat dont il sera l’un des membres les plus actifs. Il suit fidèlement les options gouvernementales, qu’il soutient sans faille jusqu’à la fin de l’Empire. En 1864, il est nommé procureur général près la Cour des comptes jusqu’en 1871. Après l’Empire, lors d’une élection partielle, en 1876, il retrouve son siège de député de la Corse puis le cède, l’année suivante à son fils qui, comme lui, appartiendra au groupe bonapartiste de l’appel au peuple.