Rapport demandé par la commission des finances de
l’Assemblée nationale
(Article 58-2 de la loi organique relative aux lois de
finances du 1
er
août 2001 et L.132-4 du code des
juridictions financières)
Tome 1
La redéfinition des zones
de compétence de la
police et la gendarmerie
nationales
Octobre 2011
SOMMAIRE
AVERTISSEMENT
5
RESUME
7
INTRODUCTION
13
CHAPITRE I : LES REDEPLOIEMENTS RESULTANT
DE LA LOPSI (2003-2006)
15
I
- Les principes directeurs : ruptures et continuités avec les années 1990
17
A - Les critères et les travaux des années 1990
17
B - Les principes et les objectifs des redéploiements
20
II
- La mise en oeuvre des redéploiements
22
A - La méthode
22
B - Des redéploiements entourés de plusieurs garanties
28
III
- Le bilan des redéploiements
35
A - Les redéploiements de communes
37
B – Le bilan en termes d’effectifs
39
IV
- Une évaluation difficile et peu conclusive de l’efficacité des
redéploiements
41
A - Les critères d’évaluation
42
B - L’évolution du nombre de faits constatés
43
C - Les résultats : le taux d’élucidation
47
CHAPITRE II : LES REDEPLOIEMENTS ISSUS DE LA
RGPP
53
I
- Les buts poursuivis
53
A - Une orientation de la RGPP
53
B - Police d’agglomération et police des territoires
55
4
COUR DES COMPTES
II
- Le processus de décision
59
A - Les propositions conjointes de la DGPN et de la DGGN
59
B - L’apparition de désaccords
61
C - Les propositions des préfets de région
62
D - Les positions de la DGPN et de la DGGN
69
E - Les décisions ministérielles
77
III
- La mise en oeuvre des opérations de redéploiements
83
A - L’extension de la zone de police
83
B - L’extension de la zone de gendarmerie
93
C - Le coût global des opérations de redéploiement
103
CHAPITRE III : LES PERSPECTIVES DE NOUVEAUX
REDEPLOIEMENTS
111
I
- La situation actuelle
111
A - L’atténuation des critères objectifs de distinction entre les deux zones 112
B - Un partage territorial encore inadapté
113
C - Doctrine d’emploi et organisation territoriale des forces
114
II
- Lignes directrices et contraintes des redéploiements futurs
118
A - Deux lignes directrices
118
B - Les contraintes
121
CONCLUSION GENERALE
133
ANNEXES
135
Avertissement
Le présent rapport, subdivisé en deux tomes, a été établi en
réponse à la demande adressée à la Cour le 1
er
décembre 2010 par le
président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, en
application du 2
ème
alinéa de l’article 58 de la loi organique relative aux
lois de finances du 1
er
août 2001, sur
« l’évaluation de la redéfinition des
zones de compétence de la police et de la gendarmerie nationales et de la
mutualisation de leurs moyens »
.
Le présent tome 1 du rapport porte sur les opérations de
redéploiement territorial menées de 2003 à 2006 entre les zones de
compétence de la police et de la gendarmerie nationales, sur celles qui ont
été mises en oeuvre en 2011 et sur les perspectives d’un nouveau partage
territorial entre les deux forces de sécurité.
Le tome 2 porte sur les actions de mutualisation engagées entre la
police et la gendarmerie, traitées dans un rapport distinct en réponse à la
demande précitée du président de la commission des finances de
l’Assemblée nationale. Il ne porte pas non plus sur les divers dispositifs
de coordination opérationnelle des deux forces.
Pour le présent tome 1, les responsables des directions générales de
la police et de la gendarmerie nationales chargés des sujets traités ont été
rencontrés et plusieurs questionnaires leur ont été adressés.
Six départements ont fait l’objet d’analyses spécifiques à partir des
éléments recueillis sur place auprès du préfet de département ou du préfet
délégué à la sécurité, du directeur départemental de la sécurité publique et
du commandant de la région ou du groupement départemental de
gendarmerie : la Meuse, la Nièvre et les Alpes-Maritimes au titre des
redéploiements menés de 2003-2006 ; le Rhône, les Bouches-du-Rhône et
la Gironde au titre des redéploiements menés de 2008 à 2011 dans le
cadre de la mise en place de la « police d’agglomération » dans les villes
de Lyon, Marseille et Bordeaux.
Le relevé des observations provisoires de la Cour a été adressé le
26 juillet 2011 au directeur général de la police nationale, au directeur
général de la gendarmerie nationale, au secrétaire général du ministère de
l’intérieur, au directeur du budget et au contrôleur budgétaire et
comptable ministériel. Des extraits ont été adressés le même jour à la
directrice des affaires criminelles et des grâces du ministère de la justice
pour les observations concernant son champ de responsabilité.
6
COUR DES COMPTES
Le directeur général de la police nationale et le directeur général de
la gendarmerie nationale ont fait parvenir à la Cour, sous couvert du
secrétaire général, une réponse commune datée du 26 août 2011. La
directrice des affaires criminelles et des grâces a aussi répondu le 26 août
2011. Aucune réponse n’a été reçue du directeur du budget ni du
contrôleur budgétaire et comptable ministériel.
Le présent tome 1 du rapport, qui
constitue la synthèse de la
première partie de l’enquête effectuée, a été délibéré, le 15 septembre
2011, par la quatrième chambre de la Cour des comptes, présidée par
M. Bayle, président de chambre, et composée de MM. Hespel,
président de chambre maintenu, Schneider, Moreau, Barbé, Martin,
Uguen, conseillers maîtres, Carpentier, conseiller maître en service
extraordinaire, les rapporteurs étant MM. Martin, conseiller maître,
Giannesini et Michelet, conseillers référendaires, et le contre-
rapporteur, M. Ganser, conseiller maître.
Il a ensuite été examiné et approuvé le 27 septembre 2011 par le
comité du rapport public et des programmes de la Cour des comptes,
composé de MM. Migaud, premier président, Bénard, procureur
général, Picq, Babusiaux, Descheemaeker, Bayle, Bertrand, rapporteur
général du comité, Mme Froment-Meurice, MM. Durrleman et Levy,
présidents de chambre.
Résumé
Les redéploiements territoriaux opérés de 2003 à 2006 entre la
police et la gendarmerie nationales ont été principalement guidés par
la volonté de supprimer une partie des anachronismes dont souffrait
le partage territorial entre les deux forces.
Ils ont essentiellement visé à l’adapter, au moins partiellement, aux
évolutions de l’urbanisation et des phénomènes de délinquance.
Ils ont concerné 66 départements et se sont traduits par le transfert
de 219 communes en zone de police et de 121 communes en zone de
gendarmerie. Ils n’ont conduit à transférer
en zone de gendarmerie que la
moitié environ des « petites » circonscriptions de sécurité publique (CSP)
visées en 1998 dans le rapport Carraz-Hyest. Un nombre supérieur de
communes a été intégré en zone de police si bien qu’en termes
démographiques, cette vague de redéploiements s’est traduite par un
accroissement net de la population couverte par la police nationale.
Il est difficile de mesurer l’efficacité de cette réforme dans la lutte
contre la délinquance. Toutefois,
a posteriori
, aucune des opérations
réalisées n’a provoqué des dysfonctionnements manifestes.
Le ministère de l’intérieur n’a pu fournir à la Cour un bilan précis
et complet de l’ensemble des mouvements de personnels opérés au cours
de cette première vague de redéploiements. Il n’est donc pas possible de
s’assurer que celle-ci a globalement permis d’instaurer un meilleur
emploi des effectifs de policiers et de gendarmes au regard des densités
de population et des niveaux de délinquance. Ce défaut d’évaluation est
dommageable pour la conduite ultérieure d’opérations analogues.
Selon la direction de la gendarmerie nationale, les effectifs de
gendarmes affectés dans les communes qui composaient les 41 CSP
fermées de 2003 à 2006 correspondaient en moyenne à 70 % de ceux des
policiers précédemment en poste. Les données transmises à la Cour font
apparaître un taux de substitution de 54 %, mais elles ne recouvrent que
les unités de base (brigades territoriales) et non le renforcement des autres
unités, notamment rattachées à la compagnie de gendarmerie, nécessaire
pour étendre les missions de sécurité publique à une ou plusieurs
communes supplémentaires.
En matière de ressources humaines, la mise en oeuvre de ces
opérations a été facilitée par un ensemble de mesures indemnitaires et de
déroulement de carrière, mises en oeuvre par la direction générale de la
8
COUR DES COMPTES
police nationale (DGPN) et celle de la gendarmerie nationale (DGGN),
ainsi que par l’acceptation de surnombres temporaires dans les unités
d’accueil des personnels mutés.
Le ministère ne dispose d’aucune estimation du coût de cet
accompagnement social ce qui est une lacune pour éclairer les choix à
venir en la matière. La Cour n’a pu reconstituer ce coût faute notamment
de disposer de la liste nominative des personnels concernés dont elle ne
connaît même pas le nombre exact.
Les opérations de redéploiement mises en oeuvre en application
de la révision générale des politiques publiques ont répondu à une
logique différente de celles des années 2003 à 2006
.
Le
développement
de
la
« police
d’agglomération »
a
progressivement pris le pas, parmi les mesures visant une meilleure
répartition des forces, retenues par la RGPP, sur l’objectif général d’un
redéploiement territorial police-gendarmerie, arrêté en avril 2008.
L’objectif premier a été de donner aux CSP de quelques grandes villes des
contours plus proches de ceux des bassins de délinquance afin d’obtenir
une plus grande continuité de l’intervention de la police et de favoriser, à
une plus grande échelle, la mutualisation de l’emploi de ses unités.
En contrepartie, un nombre suffisant de CSP devait être transféré
en zone de gendarmerie afin d’établir un échange « équilibré ».
Le choix difficile de ces contreparties explique d’ailleurs la faible
ampleur du dispositif de redéploiement territorial finalement mis en
oeuvre en 2011, notamment au regard du projet global élaboré
conjointement par le DGPN et le DGGN à la fin 2008, avec seulement
douze communes transférées en zone de police et sept en zone de
gendarmerie. Le cas des agglomérations de Toulouse, Grenoble et
Mulhouse n’a pas été traité. L’extension de la zone de police s’élève à
6 %, 1,8 % et 1,3 % de la population respectivement couverte par les CSP
de Lyon, Marseille et Bordeaux.
Les critères de choix des sept CSP transférées n’apparaissent pas
toujours clairement au sein de celles peuplées de moins de 20 000
habitants. Si le choix des CSP de Fourmies, Pertuis, Port-Saint-Louis-du-
Rhône ainsi que Libourne (24 200 habitants) est lié à l’extension de la
police d’agglomération dans les régions visées, il n’en va pas de même
pour les CSP d’Annonay, Montbrison et Graulhet au regard des autres
transferts de ce type possibles au plan national.
Au
total,
les
opérations
de
développement
de
la
police
d’agglomération et de transfert de CSP en zone de gendarmerie ont accru
de quelque 28 000 habitants la population prise en charge par les services
RESUME
9
de sécurité publique au moyen d’effectifs demeurés quasiment constants
grâce au dimensionnement globalement rigoureux des renforts alloués
aux CSP concernées.
Les effectifs de gendarmes affectés en 2011 dans les communes
nouvellement prises en charge représentent environ 70 % de ceux des
policiers en poste dans les CSP concernées, mais les opérations de
redéploiement se sont traduites pour la gendarmerie par un besoin net de
42 emplois alors que la population de sa zone de compétence a été réduite
de 28 000 habitants.
Ces nombres modestes, rapportés à l’échelle nationale, montrent
néanmoins, par comparaison avec la première vague de redéploiements,
que la gendarmerie, au moins à titre transitoire, a prévu de doter assez
largement les CSP dont elle a pris la responsabilité. Chaque gendarme
affecté dans les communes intégrées en 2011 couvre en moyenne
sensiblement moins d’habitants que ceux précédemment en poste dans les
communes passées en police d’agglomération. Au contraire, la densité de
policiers est plus importante dans les communes nouvellement intégrées
en zone de police qu’antérieurement dans les CSP fermées. On peut y
voir une meilleure utilisation des emplois concernés.
En ce qui concerne l'accompagnement social des mouvements de
personnel provoqués par les opérations de redéploiement territorial entre
zones de police et de gendarmerie, le régime indemnitaire dont peuvent
bénéficier les policiers mutés n’est globalement pas moins favorable que
celui appliqué lors de la première vague de redéploiements.
Le ministère de l’intérieur ignore le montant global des indemnités
versées dans la police et ne l’a estimé que partiellement dans la
gendarmerie. La Cour ne pourrait être en mesure de le déterminer que
lorsqu’elle disposera, en 2012, des données de l’exécution budgétaire
2011 et à condition de disposer de la liste nominative des personnels
concernés.
Malgré les mesures déjà mises en oeuvre de 2003 à 2006 puis,
plus modestement, en 2011, le partage territorial entre la police et la
gendarmerie doit encore évoluer.
En particulier, des CSP de moins de vingt mille habitants
confrontées à un bas niveau de délinquance bénéficient d’une densité
élevée de policiers au regard de leur population. A l’avenir, les
prochaines
opérations
de
redéploiement
doivent
donc
porter
particulièrement sur les petites CSP « isolées ».
Les conditions de prise en charge en 2011 par la gendarmerie de
communes issues de telles CSP comme le niveau actuel de ses effectifs
10
COUR DES COMPTES
dans les communes provenant des CSP fermées de 2003 à 2006 montrent
que, grâce à sa doctrine d’emploi et à son modèle d’organisation, elle est
en mesure d’y exercer les missions de sécurité publique avec des moyens
en personnels sensiblement inférieurs à ceux de la police nationale. La
DGGN a évalué à 542 emplois le gain théorique du transfert dans sa zone
de toutes les CSP de moins de 20 000 habitants, sauf celles situées dans
les villes chefs-lieux de département.
En outre, les critères d’instauration du régime de la police d’Etat,
inscrits dans le décret du 16 septembre 1996, seraient à réviser. En
particulier, le seuil de population pourrait être porté à 50 000 habitants,
voire davantage.
Enfin, l’instauration de nouveaux redéploiements entre les deux
zones serait facilitée si l’on renonçait à rechercher, pour chaque force, un
impact globalement compensé, en termes de population couverte comme
d’effectifs. Cette contrainte d’équilibre peut en effet bloquer des
redéploiements qui permettraient un emploi globalement plus efficient
des policiers et des gendarmes.
Il n’y a en effet pas de raison
a priori
pour que l’extension de la
zone de police dans les grands pôles urbains et celle de la zone de
gendarmerie dans les petites CSP, qui répondent à des logiques
différentes, mobilisent des moyens équivalents au sein de chaque force.
Le solde des emplois dégagés et mobilisés par ces opérations serait à
évaluer au plan national, sans exclure des mouvements d’emplois d’un
programme à l’autre, au sein de la mission
Sécurité
.
Recommandations
En conséquence, la Cour adresse au ministère de l’intérieur les
recommandations suivantes :
−
achever le transfert à la gendarmerie nationale des CSP
« isolées » de moins de 20 000 habitants ;
−
parfaire le périmètre de la police d’agglomération là où elle a
été
instituée
et
étendre
cette
approche
à
d’autres
agglomérations ;
−
préciser les conditions d’application locale du concept de
bassin de délinquance employé pour justifier le développement
d’une police d’agglomération ;
−
ne plus s’imposer la recherche d’un impact globalement
compensé, en termes de population couverte comme d’effectifs
concernés, pour chaque force ;
−
réviser les critères réglementaires d’instauration du régime de
la police d’Etat en portant le seuil de population à 50 000
habitants, voire davantage, et en actualisant la référence à la
nature et au niveau requis de la délinquance dans les communes
susceptibles d’en bénéficier ;
−
veiller,
préalablement
à
l’engagement
de
nouveaux
redéploiements, à ce que la DGPN et la DGGN se dotent de
dispositifs permettant d’établir un bilan détaillé et complet de
l’ensemble des mouvements d’effectifs réalisés et de suivre de
façon ciblée l’évolution des effectifs en surnombre acceptés
provisoirement pour faciliter la mise en oeuvre de ces
opérations ;
−
veiller également à ce que les deux directions générales soient
en mesure d’évaluer les dépenses de personnels (mesures
indemnitaires, déroulement de carrière) visant à accompagner
les mutations des fonctionnaires ainsi que les dépenses hors
titre 2 relatives notamment à l’aménagement des locaux ;
−
intégrer dans la programmation des travaux immobiliers de la
police comme de la gendarmerie l’éventualité d’opérations de
redéploiement concernant des communes périphériques des
grandes villes ou de petites CSP.
Introduction
Au sein de la DGPN, les missions de sécurité publique sont
confiées à la direction centrale de la sécurité publique (DCSP) dont les
services territoriaux sont organisés en directions départementales (DDSP)
elles-mêmes divisées en circonscriptions de sécurité publique (CSP).
A l’échelle de Paris et des départements de la petite couronne
(Hauts-de-Seine, Seine-St-Denis, Val-de-Marne), la préfecture de police
reproduit une organisation analogue à celle de la DGPN du point de vue
de la spécialisation de ses directions opérationnelles
1
.
La gendarmerie nationale est placée depuis 2002 pour son emploi
sous l’autorité du ministre de l’intérieur
2
, chargé d’en définir les missions
autres que celles relatives à l'exercice de la police judiciaire. Elle a été
rattachée organiquement au ministère de l’intérieur par la loi du 3 août
2009 et incluse dans son administration par un décret du 23 décembre
2009. Cette réforme a été mise en oeuvre sans modification, au niveau
territorial, de son organisation ou des conditions de coordination de ses
unités avec les services de la police nationale.
Contrairement à celle de la police nationale, l’organisation de la
gendarmerie est pyramidale et intégrée. Les formations opérationnelles et
administratives s’imbriquent les unes dans les autres : brigades de
proximité, communautés de brigades ou brigades territoriales autonomes,
compagnies, groupements départementaux, régions de gendarmerie. Cette
organisation est régie par un principe non de spécialisation mais de
polyvalence des unités de base. Alternativement, les gendarmes affectés
en brigades sont amenés à participer à l’accueil du public, aux équipes de
« premiers à marcher d’intervention » (PAMI), aux patrouilles, aux
contrôles routiers, à l’établissement des procédures judiciaires et au
recueil des renseignements.
1
La préfecture de police comprend notamment cinq directions opérationnelles dans le
domaine de la sécurité publique : la direction de la police judiciaire, la direction du
renseignement, la direction sécurité de proximité de l’agglomération parisienne
(DSPAP), la direction de l’ordre public et de la circulation (DOPC) et la direction
opérationnelle des services techniques et logistiques (DOSTL). Elle possède aussi une
inspection générale des services (IGS) et des directions chargées des fonctions support
(ressources humaines, finances, affaires immobilières, affaires juridiques).
2
Article 3 du décret n°2002-889 du 15 mai 2002 relatif aux attributions du ministre de
l'intérieur.
14
COUR DES COMPTES
La gendarmerie départementale comprend aussi des unités
spécialisées en police judiciaire, les brigades de recherches (BR) et les
sections de recherches (SR) et en surveillance de zones sensibles, les
pelotons de surveillance et d’intervention (PSIG) qui interviennent en
renfort sans dessaisir les unités de base.
En dépit des dispositions du décret du 19 septembre 1996 pris en
application de la loi d’orientation et de programmation relative à la
sécurité (LOPS) du 21 janvier 1995, qui prévoit que le régime de « police
d’Etat » peut être établi dans une commune ou dans un ensemble de
communes formant un ensemble urbain de plus de vingt mille habitants,
certaines CSP ont une population inférieure à ce seuil. Du fait d’un faible
niveau de délinquance, les effectifs de policiers n’y sont pas employés
dans des conditions optimales.
En outre, le développement des réseaux de transport et les
difficultés de logement en ville ont entraîné, parmi d’autres facteurs, le
développement d’espaces périurbains situés en zone de compétence de la
gendarmerie nationale. Souvent, le territoire des CSP ne couvre pas
complètement celui de l’agglomération.
Impulsé par la loi d’orientation et de programmation sur la sécurité
intérieure du 29 août 2002 (LOPSI), un premier mouvement de
redéploiement,
après
bien
des
années
d’études
et
d’hésitations
administratives, a été conduit de 2003 à 2006 dans le but de rendre plus
cohérentes les zones de compétence respectives de la police et de la
gendarmerie.
Un second mouvement de redéploiement, d’ampleur nettement
plus limitée, a ensuite été décidé à compter de 2008, dans le cadre de la
révision générale des politiques publiques (RGPP), dans le but de
contribuer à l’adaptation des forces de sécurité aux évolutions de la
délinquance par le développement de polices d’agglomération.
Le présent rapport porte sur la mise en oeuvre de ces deux vagues
de redéploiements d’inégale importance ainsi que, dans une troisième
partie, sur les perspectives d’un nouveau partage territorial entre la police
et la gendarmerie s’agissant de l’exercice de leurs missions de sécurité
publique.
Il n’examine pas les conditions de coordination des deux forces de
sécurité dans des domaines, comme ceux de la police judiciaire ou le
maintien de l’ordre, où leurs services et unités sont également compétents
sur l’ensemble du territoire national.
Chapitre I
Les redéploiements résultant de la
LOPSI (2003-2006)
La question du partage des zones de compétence de la police et de
la gendarmerie en matière de sécurité publique est restée continument
ouverte pendant une trentaine d’années
3
avant que la LOPSI du 29 août
2002, permette d’engager pour la première fois depuis des années un
mouvement global de redéploiement des unités de police et de
gendarmerie.
Instruit par l’échec du redéploiement global initié par le
Gouvernement en 1998 à la suite du rapport Carraz-Hyest (cf. ci-
dessous), ce mouvement a été lancé de façon prudente et précautionneuse,
comme en témoigne la formulation de ses objectifs et de ses grands
principes à l’annexe 1 de la loi :
«
B. - Parvenir à un redéploiement rationnel et équilibré, d'une
part, entre les zones de compétence de la police nationale et de la
gendarmerie nationale, d'autre part, au sein même de celles-ci.
Une répartition plus rationnelle sera recherchée entre les zones de
compétence de la police nationale et de la gendarmerie nationale. Il
conviendra ainsi de corriger, par le biais d'échanges compensés, les
situations qui présentent au plan local un manque de logique
3
Cf. annexe 1.
16
COUR DES COMPTES
opérationnelle.
Chaque
force
devra
s'organiser
pour
prendre
effectivement en charge les missions de sécurité publique dans l'ensemble
de la zone de responsabilité qui lui est confiée.
Au sein même des zones attribuées à chaque force, la répartition
des effectifs devra tenir compte de la réalité des besoins de sécurité. Dans
la zone de gendarmerie, le maillage territorial, confirmé dans son
principe, pourra toutefois faire l'objet d'adaptations locales afin
d'optimiser l'offre de sécurité au regard de l'évolution de la démographie
et de la délinquance. Afin de mieux mutualiser les moyens, l'organisation
du service sera développé autour du concept de communauté de brigades.
Cet effort de rationalisation aura pour objectifs d'assurer une
meilleure qualité du service offert à la population et d'améliorer les
performances
des
deux
forces,
notamment
s'agissant
du
taux
d'élucidation des crimes et délits
».
L’évaluation
ex post
de la portée, de l’efficacité et de l’efficience
de ces redéploiements doit être rapportée à ces objectifs et principes, qui
ont été inégalement explicités. En effet, aucun objectif quantitatif ni
géographique précis n’a été attaché au redéploiement lancé par la loi :
aucun scénario de mise en oeuvre n’a été officiellement arrêté au niveau
ministériel
4
, aucune liste de circonscriptions à redéployer n’a été rendue
publique, aucune estimation préalable des effectifs susceptibles d’être
redéployés n’a été entreprise. Le mouvement lancé par la LOPSI relevait
d’une déclaration de principe dont la mise en oeuvre a ensuite emprunté
une voie pragmatique, chaque hypothèse de transfert de communes d’une
zone à l’autre faisant l’objet d’une étude locale au cas par cas, avant
décision du directeur de cabinet du ministre de l’intérieur voire du
ministre.
Ce mouvement a commencé en mai 2003, date des quatre
premières opérations, avant d’atteindre sa vitesse de croisière en
septembre 2003 (48 opérations) puis tout au long de l’année 2004 (à
4
La lettre du ministre de l’intérieur aux préfets en date du 29 octobre 2002 indiquait
ainsi, en introduction : «
Par circulaire du 26 septembre dernier, j’ai demandé à
chaque préfet de procéder à une analyse de la situation sur la répartition police-
gendarmerie de son département en consultant les chefs de service, les élus et les
magistrats. Ce n’est qu’après cette consultation que vous devrez m’adresser vos
propositions pour le 15 novembre prochain. J’ai donc été surpris d’entendre parler,
ici ou là, de services dont la fermeture avait déjà été programmée. Etablir depuis
Paris une liste nationale, ne s’apercevoir qu’ensuite des difficultés et finir par ne rien
faire : ce n’est pas la méthode suivie par le gouvernement. Annoncer des fermetures
avant tout examen de la situation locale ne constitue pas non plus la bonne
démarche
».
LES REDEPLOIEMENTS RESULTANT DE LA LOPSI (2003-2006)
17
nouveau 48 opérations) et au début de l’année 2005 (30 opérations). Il
s’est ensuite sensiblement ralenti, seules étant achevées deux opérations
en septembre 2005 puis trois opérations en septembre 2006, date des
derniers redéploiements labellisés « LOPSI 1 ».
Ces redéploiements ont concerné 66 départements et se sont
traduits :
−
pour la police nationale, par l’intégration dans sa zone de
compétence de 219 communes, entraînant l’extension de 82
CSP et la création de trois nouvelles ;
−
pour la gendarmerie nationale, par l’intégration dans sa zone de
compétences de 121 communes, avec l’absorption de 41 CSP et
deux postes de police, soit 67 communes dans 36 départements,
et la reprise de 54 communes dans 27 départements sans
fermeture de CSP.
Faute d’objectifs précis, ces redéploiements ne se prêtent pas à une
évaluation : la loi prévoyait qu’un mouvement aurait lieu ; un mouvement
a eu lieu, mais son ampleur et ses contours correspondent simplement à
ce que le ministère de l’intérieur a décidé au fur et à mesure qu’étaient
examinées les propositions des préfets.
En revanche, il peut être observé que ces redéploiements n’ont
conduit ni à une répartition territoriale des deux forces de sécurité
reposant sans exception sur les critères arrêtés en 1996, ni à réaliser la
totalité des transferts identifiés comme souhaitables entre 1995 et 1998.
I
-
Les principes directeurs : ruptures et
continuités avec les années 1990
A - Les critères et les travaux des années 1990
1 -
Le décret du 19 septembre 1996
En application de la LOPS du 21 janvier 1995, le décret n° 96-827
du 19 septembre 1996 a formalisé trois critères objectifs visant à
départager les zones respectives de la police et de la gendarmerie
nationales, à travers la qualification du régime de la police d’Etat :
-
«
Les communes chefs-lieux de département sont placées sous le
régime de la police d'Etat
» ;
18
COUR DES COMPTES
-
«
La population de la commune ou de l'ensemble de communes,
appréciée en tenant compte de l'importance de la population
saisonnière, est supérieure à 20 000 habitants
» ;
-
«
Les caractéristiques de la délinquance sont celles des zones
urbaine
».
Ces critères, aujourd’hui codifiés sans modification à l’article
R.2214-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) visent les
conditions d’instauration du régime de la police d’Etat mais non de son
maintien. Ils n’imposent à l’Etat aucune obligation de transfert à la
gendarmerie nationale des CSP de moins de 20 000 habitants.
Un second décret du même jour est venu préciser la répartition des
attributions, en affirmant le principe d’exclusivité de compétence, ainsi
que les modalités d'organisation de la coopération entre la police
nationale et la gendarmerie nationale
5
.
2 -
Le rapport Carraz-Hyest de 1998
C’est sur la base de ces critères que deux députés, MM. Roland
Carraz et Jean-Jacques Hyest, devaient, en avril 1998, proposer un
scénario de redéploiement dans leur rapport au Premier ministre «
Une
meilleure répartition des effectifs de la police et de la gendarmerie pour
une meilleure sécurité publique
».
En termes quantitatifs et géographiques, le rapport Carraz-Hyest
s’appuyait pour l’essentiel sur la liste des communes susceptibles de faire
l’objet d’un transfert d’une force à l’autre qui avait été établie en 1995, à
la suite de la LOPS, par MM. Roussot, contrôleur général des armées, et
Nouaille de Gorce, inspecteur général de l’administration :
−
en application des critères du décret du 19 septembre 1996, 100
CSP devaient être transférées en zone gendarmerie ;
−
en vertu de critères
ad hoc
6
, 29 communes, dans 23
départements différents, étaient susceptibles d’être transférées
en zone police.
5
Décret n° 96-828 du 19 septembre 1996 : dans les communes placées sous le régime
de police d'Etat, la police nationale assure seule la responsabilité de l'exécution des
missions de sécurité et de paix publiques. Dans les autres communes, la gendarmerie
nationale assure seule la responsabilité de l'exécution de ces mêmes missions.
6
Trois critères étaient alors proposés : la continuité de l’agglomération urbaine, une
densité de population supérieure à 500 habitants par km
2
, et un taux de criminalité
supérieur à 67 faits pour mille habitants.
LES REDEPLOIEMENTS RESULTANT DE LA LOPSI (2003-2006)
19
A la même époque, la DGPN avait élaboré deux scénarios en
retrait par rapport à celui proposé par le rapport Roussot-Nouaille de
Gorce pour les transferts à la gendarmerie, puisque le premier faisait état
de 61 circonscriptions et le second de 89 en portant le critère de
population de 20 000 à 25 000 habitants. A l’inverse, les deux hypothèses
élaborées par la DGPN en matière de transferts symétriques de la
gendarmerie à la police étaient plus ambitieux, puisqu’ils portaient sur 38
communes représentant 22 circonscriptions dans un cas et 92 communes
dans un scénario maximal.
In fine
, après avoir actualisé quelques-uns des éléments qui sous-
tendaient ces différents scénarios, le rapport Carraz-Hyest proposait ainsi
de faire porter les redéploiements sur 95 CSP à transférer en zone de
gendarmerie et sur 38 communes situées en zone gendarmerie à intégrer
en zone police.
3 -
Les suites données
La liste des circonscriptions et des communes proposée par le
rapport Carraz-Hyest a été reprise par les ministres de la défense et de
l’intérieur en 1998. Annoncé par le conseil de sécurité intérieure le 27
avril 1998, ce redéploiement a fait l’objet d’une note de méthode adressée
aux préfets le 5 mai suivant, puis d’une circulaire détaillée communiquée
le 14 août 1998.
Dans un premier temps, cette circulaire demandait aux préfets
d’engager une phase d’expertise et de concertation sur les opérations
identifiées dans chaque département et désignées en annexe. Mais la liste
nationale des redéploiements envisagés sur laquelle travaillait le
gouvernement a été remise, à leur demande, aux organisations syndicales
de policiers, puis aux associations nationales d’élus et finalement aux
préfets eux-mêmes le 4 septembre 1998 par une communication du
DGPN. Elle comprenait 94 circonscriptions et 9 communes dotées de
commissariats subdivisionnaires. Le DGGN allait, quelques jours plus
tard, communiquer lui aussi aux préfets la liste nationale de toutes les
brigades de gendarmerie proposées à la dissolution.
La publication de listes nationales a rapidement amplifié
l’opposition frontale de nombreux élus des communes susceptibles d’être
concernées par un transfert d’une zone à l’autre. Finalement, le 19 janvier
1999, le Premier ministre annonçait que les mouvements envisagés
seraient examinés « au cas par cas », signifiant
de facto
la suspension de
la réforme.
20
COUR DES COMPTES
A la suite d'une réunion conjointe entre les ministères de l’intérieur
et de la défense en juin 1999, quelques opérations étaient validées :
transfert à la gendarmerie nationale de six CSP
7
, quatre transferts dits de
compensation en zone police
8
, transferts dits d'harmonisation inter-zones
de police et de gendarmerie dans 29 communes (21 devant passer en zone
de gendarmerie, 8 en zone de police).
En 2002, seulement une partie de ces projets avaient été réalisés,
avec le transfert en zone de gendarmerie de l'intégralité des six CSP
regroupant 14 communes ainsi que de 21 autres communes, soit au total
35 communes, et le transfert en zone de police de 11 communes, dont 3 à
titre de compensation. En termes d'échanges démographiques, ces
opérations ont représenté un transfert de population de 48 022 habitants
de la zone de la gendarmerie vers celle de la police et de 162 169
habitants de la zone de la police vers celle de la gendarmerie, soit un
accroissement net de 114 137 habitants pour la zone de la gendarmerie.
B - Les principes et les objectifs des redéploiements
La LOPSI du 29 août 2002 ne comportait que l’énoncé du
mouvement de redéploiement qu’elle engageait. Elle en fixait les
principes directeurs, mais sans objectif opérationnel précis, ni objectif
budgétaire d’économies, tandis qu’elle programmait une croissance des
moyens alloués aux deux forces
9
. A travers des énoncés génériques, deux
principes directeurs devaient gouverner le mouvement de redéploiement.
1 -
Le principe d’une « répartition plus rationnelle »
Le
premier
principe
était
celui
d’une
«
répartition
plus
rationnelle
», selon une logique opérationnelle, l’objectif étant de
favoriser l’exercice des missions de chacune des deux forces en évitant
que le partage territorial conduise à un zonage qui fragilise l’efficacité de
l’une ou de l’autre, voire des deux à la fois. En priorité, les zones trop
7
Hirson (02), les Andelys (27), Aubusson (23), Vitry-le-François (51), Bagnères-de-
Bigorre (65), Saint-Junien (87)
8
Communes de La Penne-sur-Huveaune (13), Pont-Evêque (38), Villers-Saint-Paul
(60), Maurecourt (78).
9
La lettre du ministre de l’intérieur aux préfets en date du 29 octobre 2002 rappelle
ainsi : «
Contexte tout à fait nouveau également par rapport à l’exercice conduit en
1998, il ne s’agit pas de réorganiser pour mieux gérer une pénurie de moyens. Au
contraire, chacune des forces verra ses moyens propres renforcés, l’exercice est
conduit aujourd’hui dans un contexte d’accroissement des moyens de la police
nationale et de la gendarmerie nationale après le vote de la LOPSI
».
LES REDEPLOIEMENTS RESULTANT DE LA LOPSI (2003-2006)
21
petites ou isolées au milieu d’une zone attribuée à l’autre force devaient
faire l’objet de transferts afin d’offrir à chaque circonscription territoriale
la possibilité d’être efficiente (avec un concept implicite de masse
critique) et efficace.
La circulaire du 26 septembre 2002 adressée aux préfets par les
ministres de l’intérieur et de la défense est venue préciser ce concept de
« rationalisation ». Le redéploiement des zones de compétences y était
présenté comme le moyen d’un redéploiement des effectifs, destiné à
renforcer la présence des forces de sécurité (de l’une ou l’autre en
l’occurrence) «
au profit des zones qui ont connu à la fois une
augmentation démographique et un développement urbain important,
notamment dans les secteurs péri urbains
».
En mettant ainsi l’accent sur le renforcement des effectifs en zones
urbaines et périurbaines, couvertes par la police nationale, la circulaire
donnait une logique au mouvement : renforcer et étendre les CSP
existantes, les basculements symétriques de « petites » CSP en zone
gendarmerie servant à libérer les effectifs et à équilibrer le mouvement
entre les deux forces.
2 -
Le principe d’un redéploiement «
équilibré
»
Le second principe posé par la LOPSI était que le redéploiement
devait être «
équilibré
», la présentation par le Gouvernement de la loi
précisant clairement que les redéploiements entre forces de sécurité ne
devraient «
léser
» aucune des deux.
Au regard des priorités opérationnelles énoncées, c’est-à-dire les
zones urbaines ou périurbaines, l’équilibre des mouvements n’apparaît
pas rétrospectivement comme un objectif d’efficacité mais plutôt comme
une contrainte d’application. Si le texte de la loi elle-même s’en tenait à
un objectif générique de redéploiement «
équilibré
», en pratique, il a
rapidement été considéré que l’ensemble du mouvement devait être
neutre selon deux critères : celui de la population couverte par chacune
des deux forces et celui de leurs effectifs indépendamment de la
croissance des moyens programmés par la LOPSI. La circulaire du 26
septembre 2002 devait ainsi préciser :
«
Par nature, une redistribution plus rationnelle des compétences
ne doit créer aucun déséquilibre au préjudice de l’une ou l’autre force. Il
conviendra donc de veiller à ce que l’ensemble de ces opérations de
réorganisation satisfasse au principe du transfert compensé des charges,
si possible, à l’intérieur même du département. A défaut, vos propositions
seront étudiées au niveau central, dans le cadre d’un mécanisme de
compensation au niveau national
».
22
COUR DES COMPTES
Cet objectif de neutralité en termes d’effectifs constitue une
différence marquée avec le scénario de redéploiement présenté dans le
rapport Carraz-Hyest de 1998, qui impliquait explicitement une
réduction, il est vrai peu importante, des effectifs de la police au profit de
ceux de la gendarmerie
10
.
II
-
La mise en oeuvre des redéploiements
Pour éviter les oppositions rencontrées en 1998 lors de la
publication de listes de transferts envisagés, le mouvement initié par la
LOPSI a été officiellement lancé par le ministère de l’intérieur sans
publication d’aucune liste et avec un simple rappel des critères fixés par
le décret du 29 septembre 1996 qui était le droit applicable. Dans les faits,
les préfets se sont appuyés sur les études et sur les critères de la fin des
années 1990 dans leurs propositions au ministère, qui a choisi de n’opérer
que les redéploiements faisant l’objet d’un relatif consensus. C’est ce qui
explique que, lorsque le mouvement a été considéré comme achevé en
2006, moins de la moitié du programme établi en 1998 avait été mené à
bien.
A - La méthode
1 -
Les instructions nationales : une approche concertée
«
A l’écoute des acteurs de terrain, de la population et des élus,
avec un souci permanent de réalisme et de pragmatisme, vous serez les
premiers concepteurs et artisans de cette opération qui sera conduite
sans esprit de système, pour adapter l’offre de sécurité à la réalité des
besoins
». Ainsi commençait la circulaire du 26 septembre 2002 par
laquelle les ministres de l’intérieur et de la défense demandaient aux
préfets leurs propositions de redéploiements. Celle-ci consacrait ses plus
longs développements à la méthode, en insistant notamment sur la
différence d’approche par rapport à la réforme avortée de 1998 :
«
L’absence de schéma global préétabli par les administrations
centrales témoigne de la préoccupation forte du Gouvernement de ne pas
imposer de manière centralisée des dispositions générales méconnaissant
10
Le rapport indiquait ainsi : «
il faut rompre avec le principe de compensation
équivalente des populations, qui a prévalu jusqu’ici dans les modifications de zonage,
car il ne répond pas à l’objectif essentiel : concentrer plus de policiers dans les zones
urbaines
».
LES REDEPLOIEMENTS RESULTANT DE LA LOPSI (2003-2006)
23
la diversité des situations locales. La concertation et le dialogue
guideront votre démarche avec un souci pédagogique de nature à assurer
chacun de la justesse des choix proposés au regard de l’intérêt général. A
la différence des plans de réorganisation antérieurs, les redéploiements
que vous conduirez seront conçus et mis en oeuvre par vos soins, en
liaison étroite avec les directeurs départementaux de la sécurité publique
et les commandants de groupements de gendarmerie. (…) Les élus locaux
et l’autorité judiciaire seront informés, en toute transparence, de la
méthodologie choisie pour la gestion de ce dossier et des propositions
que vous aurez arrêtées
».
Au niveau national, les propositions des préfets devaient être
examinées par des groupes de travail tripartites réunissant cabinet du
ministre de l’intérieur, DGPN et DGGN, chaque opération faisant ensuite
l’objet d’une fiche destinée au directeur de cabinet du ministre de
l’intérieur pour préparation des décisions.
Un calendrier très rapide était imposé aux préfets puisque leurs
premières propositions, issues elles-mêmes de la phase de concertation
prescrite, devaient être communiquées au ministre de l’intérieur avant le
15 novembre 2002, soit dans un délai global de sept semaines. Cette
instruction ministérielle a été dédoublée par deux notes du DGPN et du
DGGN à leurs responsables départementaux, des 1
er
octobre et 27
septembre 2002, qui rappelaient notamment les critères du décret du 16
septembre 1996.
La note du DGPN, notamment, réitérait le principe suivant lequel
«
il n’existe aucune liste officielle ou officieuse, destinant à l’avance telle
commune ou telle circonscription
à un transfert de compétence, les
représentants du personnel doivent en être très clairement et largement
informés
11
».
2 -
La reprise des scénarios de 1998
Le maintien des critères issus du décret du 19 septembre 1996 et
l’identité des objectifs implicites attendus des redéploiements avant
comme après 2002 font qu’en pratique, les préfectures et les états-majors
départementaux des deux forces de sécurité ont tous ressorti les dossiers
élaborés en 1998 pour procéder à leur actualisation. Logiquement, les
11
Le surlignage en gras est d’origine.
24
COUR DES COMPTES
inquiétudes et oppositions qui s’étaient manifestées cinq ans auparavant
se donc réveillées en des termes comparables
12
.
La brièveté des délais laissés aux préfets ne leur a pas permis de
mener une concertation approfondie, ni même (mais cela ne leur avait pas
été demandé) d’enquête publique auprès des habitants des communes ou
du réseau associatif. La phase de dialogue a en fait pris la forme d’une
série d’entretiens bilatéraux avec les élus concernés, parfois
de visu
,
parfois téléphoniques, complétés dans certains cas par une ou deux
réunions collectives
13
.
Les autorités judiciaires compétentes ont été consultées par les
préfets dans le cadre d’entretiens, certains procureurs ayant pris la peine
de formuler par écrit leurs avis (surtout les avis négatifs).
D’après les quelques dossiers départementaux complets que la
Cour a pu consulter, presque tous les préfets ont proposé au ministre de
l’intérieur
14
des scénarios « conservateurs », en retrait, à l’échelle de leurs
départements, de ce qui avait été étudié en 1998.
Dans la Meuse, par exemple, les deux CSP « transférables » qui
avaient été étudiées en 1998 (la CSP de Bar-le-Duc, en tant que CSP-
préfecture, n’étant pas concernée par un transfert mais seulement par une
éventuelle extension) ont fait l’objet des propositions suivantes :
−
s’agissant de la CSP de Verdun (26 000 habitants) : «
La
suppression a été écartée compte tenu de l’importance
démographique de la circonscription et de la présence d’une
délinquance caractéristique des zones urbaines, ce qui la place
12
Le préfet de la Meuse, écrivait ainsi, le 25 octobre 2002, au ministre de l’intérieur :
«
Avant la remise de mon rapport complet d’ici le 15 novembre prochain, je souhaite,
d’ores et déjà, appeler votre attention sur un dossier sensible, celui de l’éventuelle
suppression du commissariat de Commercy, ceci pour deux raisons. D’une part, je
fais d’ores et déjà l’objet de sollicitations fortes des syndicats de police (SNPT et
SYNERGIE) auxquels j’ai indiqué que mes propositions sont réservées en priorité au
Ministre. D’autre part, le député-maire de Commercy (…) s’est trouvé à la pointe du
combat contre le projet de redéploiement de 1998, en s’opposant ouvertement aux
Ministres de la Défense et de l’Intérieur de l’époque, en prenant la tête de la fronde
des députés socialistes contre même la position de son groupe ».
13
Cf. propositions des préfets de la Nièvre et de la Meuse aux ministres de l’intérieur
et de la défense, en date respectivement des 14 et 15 novembre 2002.
14
Bien que les deux ministres de l’intérieur et de la défense aient été cosignataires de
la circulaire du 26 septembre 2002, les propositions des préfets n’ont été adressées
formellement qu’au seul ministre de l’intérieur, à l’attention de son directeur de
cabinet.
LES REDEPLOIEMENTS RESULTANT DE LA LOPSI (2003-2006)
25
dans la champ d’application du décret n° 96-828 du 19
septembre
1996.
(…)
C’est
donc
l’hypothèse
d’une
modification marginale des périmètres, conjointement proposée
par la police et la gendarmerie, qui est avancée : la commune
d’Haudainville (300 hab) serait rattachée à la zone police. Une
telle évolution devrait toutefois être accompagnée d’une
augmentation des effectifs de la circonscription de police de
Verdun
» ;
−
s’agissant de la CSP de Commercy (9 010 habitants) : « (…)
c’est donc la suppression de la circonscription de police de
Commercy au profit d’une brigade territoriale autonome de
gendarmerie qui est proposée, en dépit des obstacles évoqués
dans ma note du 25 octobre 2002
(…) ».
Dans la Nièvre, les études de 1998 et l’application des critères de
1996 ne débouchaient que sur une seule hypothèse, celle du transfert à la
gendarmerie de la CSP de Cosne-sur-Loire (12 000 habitants). Dans ses
propositions au ministre de l’intérieur, le préfet de la Nièvre, tout en
reprenant ce scénario, recommandait pourtant plutôt le
statu quo
:
«
Le seul échange de responsabilité entre police et gendarmerie
concevable dans la Nièvre :
−
ne me paraît pas pouvoir obéir à une amélioration des logiques
d’organisation territoriale de la police et de la gendarmerie ;
−
présente le risque de se traduire par l’aggravation des
difficultés rencontrées à Nevers pour maîtriser la délinquance,
dont le niveau est élevé, sauf à y consacrer des renforts
d’effectifs tels qu’ils priveraient l’opération de tout réel intérêt
global ;
−
impliquerait
la
réalisation
d’investissements
immobiliers
importants sans que la collaboration des collectivités locales
soit garantie ;
−
se heurterait, sans bénéfice évident dans l’efficacité des forces
de sécurité, à une opposition ferme des élus locaux, toutes
tendances confondues.
Au total, je considère que l’échange ici étudié présenterait plus
d’inconvénients que d’avantages
».
26
COUR DES COMPTES
3 -
Le rôle du ministère de l’intérieur dans le choix des opérations
Dans un nombre limité de cas, le ministère de l’intérieur est allé
au-delà de l’approche prudente, pragmatique et consensuelle évoquée par
la loi et les circulaires de l’automne 2002 qui avait été celle des préfets.
A titre d’exemple, en dépit de la proposition de
statu quo
du préfet
évoquée ci-dessus, le ministre de l’intérieur a décidé à la fin de l’année
2002 de transférer les communes de la CSP de Cosne-Cours-sur-Loire en
zone de gendarmerie et en a informé les élus concernés en février 2003.
Cette situation est toutefois exceptionnelle, le ministère n’ayant que
rarement « repêché » un transfert identifié en 1998 mais non proposé en
2002 par le préfet concerné.
a)
L’accord des communes concernées
La suppression ou l’instauration du régime de la police d’Etat
nécessite un arrêté ministériel en cas d’accord du conseil municipal
concerné et un décret en Conseil d’Etat dans le cas contraire.
L’analyse des actes pris permet d’établir que, sur les 121
communes transférées en zone de gendarmerie de 2003 à 2006, 36 l’ont
été contre l’avis de leur conseil municipal et 85 avec l’accord de ce
dernier.
En sens inverse, parmi les 219 communes transférées en zone de
police, 34 l’ont été contre l’avis de leur conseil municipal et 185 avec
l’accord de ce dernier.
Avec environ un cinquième des transferts opérés contre la volonté
des assemblées délibérantes, l’affirmation du ministère de l’intérieur
selon laquelle «
les transferts de compétence ont été mis en oeuvre de
2003 à 2006 dans 66 départements de métropole et d’outre-mer,
et très
peu d’entre eux ont fait l’objet de réactions négatives
»,
15
est donc
contestable.
Sans qu’un bilan chiffré précis ait pu être dressé dans les 66
départements affectés par les redéploiements en rapportant les réalisations
aux propositions initiales des préfets, il apparaît que le ministère, d’une
façon générale, n’ait décidé de passer outre à l’avis négatif des conseils
15
Fiche « Redéploiements des zones de compétences entre la police et la gendarmerie
nationales » communiquée à la Cour lors de son contrôle. Le surlignage en gras est
d’origine.
LES REDEPLOIEMENTS RESULTANT DE LA LOPSI (2003-2006)
27
municipaux concernés que dans les cas jugés indispensables ou faciles
par les préfets.
A titre d’exemple, dans la Nièvre, la circonscription de police de
Nevers aurait dû être étendue, en 2003, à la commune de Varennes-
Vauzelles (10 210 habitants), qui fait partie de la communauté
d’agglomération de Nevers, compte tenu de la continuité urbaine et
commerciale entre les deux villes. En 2003, le conseil municipal de
Varennes-Vauzelles était très opposé à cette hypothèse pour des raisons
de principe. Mais le préfet du département s’était montré tout aussi
réticent, en estimant, dans son rapport au ministre, que l’extension de la
CSP de Nevers exigerait un renfort conséquent en personnels qu’il ne lui
était pas possible de demander. Bien que dans le même temps, la
suppression de la CSP de Cosne-sur-Loire (déconseillée par le préfet) ait
libéré des effectifs policiers, le ministère a choisi de ne pas transférer
Varennes-Vauzelles, et a utilisé le transfert de Cosne-sur-Loire pour
compenser d’autres transferts unilatéraux au niveau national dans le cadre
de la compensation globale entre les deux forces.
b)
Les contentieux
Les recours contentieux introduits par les communes contre les
décrets de transfert ont été rares : la Cour n’a trouvé que deux décisions
du Conseil d’Etat sur de tels recours. La première porte sur le transfert en
zone police des communes de Boé et Bon Encontre (Lot-et-Garonne)
16
, la
seconde sur le transfert en zone gendarmerie de la commune de
Marmande (également dans le Lot-et-Garonne)
17
. Ces deux affaires ont
donné l’occasion au juge administratif de préciser les conditions
d’appréciation des critères de 1996.
Dans sa décision rejetant le recours formé par la commune de Bon
Encontre à l’encontre du décret du 28 août 2006 y instaurant le régime de
la police d’Etat, le Conseil d’Etat a estimé que la croissance
démographique de la commune, la présence de zones artisanales et
commerciales, la continuité périphérique avec la ville d’Agen et
l’existence d’une communauté d’agglomération étaient autant d’indices
qu’il existait un «
ensemble urbain
» au sens du décret du 16 septembre
1996. Mais surtout, le Conseil d’Etat a constaté que l’ «
imbrication
accrue entre la délinquance observée à Agen et dans les communes
périphériques telles que Boé et Bon Encontre ainsi que la commission
dans ces dernières communes de délits de dégradations et destructions
16
Cf. CE,
Commune de Bon Encontre
, 16 janvier 2008.
17
Cf. CE,
Commune de Marmande
, 16 janvier 2008.
28
COUR DES COMPTES
volontaires plus fréquemment observés dans les zones urbaines
»
remplissait le deuxième critère exigé par le décret, c’est-à-dire celui d’une
délinquance caractéristique des zones urbaines : cette formulation met
l’accent sur la continuité territoriale de la délinquance générale,
entraînant celle de l’action des forces.
En 2001, dans une décision relative à la suppression du régime de
la police d’Etat sur la commune de Vitry-le-François
18
, le Conseil d’Etat
avait caractérisé ce critère réglementaire à partir des caractéristiques
intrinsèques de la délinquance, en relevant notamment la part de la
délinquance de voie publique et de la délinquance des mineurs dans la
délinquance générale pour en apprécier le caractère urbain.
De façon moins innovante, la décision par laquelle le Conseil
d’Etat a rejeté le recours formé par la commune de Marmande contre son
transfert en zone gendarmerie a permis au juge administratif de préciser
qu’indépendamment
de
l’aire
urbaine
à
laquelle
appartient
géographiquement une commune ou un ensemble de commune, seule la
population des communes soumises au régime de la police d’Etat (c’est-
à-dire constituant une CSP) doit être prise en compte pour apprécier le
critère des 20 000 habitants.
B - Des redéploiements entourés de plusieurs garanties
Afin de prévenir ou modérer les diverses oppositions qui avaient
cristallisé en 1998, les redéploiements opérés dans le cadre de la LOPSI
ont été entourés de multiples garanties offertes aux directions générales,
aux élus et aux personnels.
1 -
Des garanties d’équilibre entre les deux forces
Vis-à-vis des deux directions générales, l’objectif d’équilibre, à
savoir qu’aucune des deux forces ne devait perdre des effectifs du fait des
redéploiements, au plus petit niveau territorial possible, était présent dans
la LOPSI.
Quoique non explicite dans la loi, un second critère d’équilibre,
auquel les directions générales et départementales attachaient et attachent
toujours le plus grand prix, est rapidement apparu : celui de la population
couverte par chacune des deux forces. Dans sa circulaire du 27 septembre
2002, le DDGN écrivait ainsi : «
Les transferts qui seront réalisés doivent
être appréciés à l’intérieur d’un département sur la base du
principe de
18
Cf. CE,
Commune de Vitry-le-François
, 30 novembre 2001.
LES REDEPLOIEMENTS RESULTANT DE LA LOPSI (2003-2006)
29
l’échange compensé de population
19
fixé par la LOPSI
». En réalité, la
loi elle-même ne mentionnait que «
l’échange compensé
», et non
«
l’échange
compensé
de
population
»,
a
fortiori
à
l’échelle
départementale, ce qui permettait en principe davantage de souplesse.
Dans les faits, la question était suffisamment sensible pour que les
préfets se soient efforcés de proposer des scénarios équilibrés en termes
de population couverte, quitte à faire jouer à certaines communes le rôle
de « monnaie d’échange » sans enjeu opérationnel évident.
Ces compensations n’ont cependant pas été systématiques, soit
qu’elles n’aient pas été retenues par le ministère malgré la proposition du
préfet (comme dans le cas de la Nièvre, évoqué ci-dessus), soit, plus
rarement, que le préfet ait de lui-même proposé un scénario à l’avantage
d’une des deux forces (comme dans le cas des Alpes-Maritimes).
Le bilan présenté au point II ci-dessous montre que ce critère n’a
pas été respecté au niveau national, la police ayant bénéficié d’un « solde
net » de 190 814 habitants à l’issue des transferts des années 2003-2006.
2 -
Des garanties destinées aux élus : le maintien des effectifs et de
la qualité des services
L’objectif de maintien des effectifs se posait sous un jour différent
au niveau de chaque commune et, en termes aigus, dans les cas des
transferts de la police à la gendarmerie.
En effet, les transferts de la gendarmerie à la police ne portaient
que sur des communes de petite taille situées dans la continuité urbaine
immédiate de CSP importantes. Ces communes ne bénéficiaient souvent
que de petites brigades de gendarmerie, voire plus souvent, dépendaient
d’une
brigade
cantonale
sans
implantation
sur
leur
territoire.
Conformément au concept d’emploi de la police, ces communes ont été
prises en charge par le commissariat le plus proche. Dans les quelques cas
de communes importantes, des postes de police ont toutefois été ouverts,
avec un fonctionnement de quatre ou cinq jours sur sept et de 8 heures à
18 heures. Dans le Puy-de-Dôme, par exemple, la création des CSP de
Cournon et de Gerzat s’est accompagnée de l’ouverture de bureaux de
police dans les communes limitrophes de Lempdes, de Cendre et de
Cébazat, qui dépendaient auparavant de brigades territoriales localisées
ailleurs.
19
Le surlignage en gras est d’origine.
30
COUR DES COMPTES
Les élus locaux inquiets étaient davantage ceux concernés par des
transferts de la police vers la gendarmerie, avec suppression de CSP et
donc de commissariats. Dans une lettre adressée au secrétaire général
d’une organisation professionnelle de policiers, le ministre de l’intérieur
devait ainsi préciser le 29 octobre 2002 : «
C’est un service de même
niveau, ouvert chaque jour de l’année, avec une présence nocturne qui
sera mise en place par la gendarmerie nationale.
(…)
A la différence de
1998, il n’est pas question de substituer à un commissariat doté de 40
fonctionnaires une brigade de gendarmerie de 12 ou 16 militaires mais
une brigade d’un effectif voisin de celui d’un commissariat.
» Un peu plus
tard, cet engagement était repris dans une circulaire générale aux préfets
adressée en avril 2003 : «
Il s’agit là d’un fait sur lequel il convient
d’insister auprès des élus locaux qui demandent a minima
le maintien
des effectifs de police ou de gendarmerie
. Ils demandent également et
fort logiquement
une permanence des services de nuit
dont ils ont le
sentiment qu’elle est mieux assurée par les services de police que de
gendarmerie. L’objet même de cette réforme est notamment de garantir
cette disponibilité nocturne. C’est pour cette raison que j’ai pris
l’engagement devant l’Assemblée Nationale de la maintenir en tout état
de caus.
».
En pratique, le maintien des effectifs dans les cas de transferts de
la police à la gendarmerie a été obtenu par deux moyens :
−
parfois, en acceptant pour les nouvelles brigades territoriales un
effectif
supérieur à celui qui aurait résulté de l’application des
ratios nationaux de référence pout établir leur tableau
d’effectifs autorisés (TEA) ;
−
mais surtout, en localisant dans la commune affectée des unités
ayant une compétence sur l’ensemble de la communauté de
brigade (COB), l’arrondissement voire le département.
Dans ce dernier cas, le plus fréquent, l’engagement rappelé ci-
dessus de mettre en place des brigades «
d’un effectif voisin de celui du
commissariat
» n’a pas été respecté, le maintien des effectifs étant obtenu
autrement qu’avec la seule création de brigades territoriales se substituant
aux commissariats.
L’exemple de Commercy, dans la Meuse (cf. annexe n°3), avec ses
61 gendarmes présents, dont 24 pour la brigade territoriale proprement
dite, contre 41 policiers auparavant, ne constitue pas un cas isolé. Le
dispositif mis en place par la gendarmerie pour remplacer deux CSP
supprimées dans le Puy-de-Dôme montre aussi comment le « calibrage »
des brigades appelées à succéder aux commissariats a permis de respecter
LES REDEPLOIEMENTS RESULTANT DE LA LOPSI (2003-2006)
31
en apparence le maintien des effectifs sur place tout en rationalisant les
dotations au regard du nombre d’habitants et du niveau de la délinquance.
Tableau n° 1 : Constitution des nouvelles brigades du Puy-de-Dôme
ISSOIRE
Effectifs
Ratios (2002 / 2004)
Police
44
1 policier / 312
habitants
1 policier / 12,5 faits
constatés par an
Gendarmerie
44
Brigade territoriale
d’Issoire
24
1 gendarme / 864
habitants
1 gendarme / 30 faits
constatés par an
Peloton de surveillance
et d’intervention (PSIG)
14
Brigade de recherches
6
Source : préfecture du Puy-de-Dôme, novembre 2002
THIERS
Effectifs
Ratios (2002 / 2004)
Police
44
1 policier / 296
habitants
1 policier / 20 faits
constatés par an
Gendarmerie
51
Brigade territoriale de
Thiers
29
1 gendarme / 592
habitants
1 gendarme / 34 faits
constatés par an
Peloton de surveillance
et d’intervention (PSIG)
16
Brigade de recherches
6
Source : préfecture du Puy-de-Dôme, novembre 2002
Cette gestion habile des opérations de transfert a sans doute été
facilitée, dans la plupart des départements, par les augmentations
d’effectifs programmées par la LOPSI. C’est ainsi que les groupements
ont pu, comme dans le cas de Thiers ci-dessus, dépasser le référentiel
national appliqué par la DGGN qui était alors fixé à un gendarme pour
1 000 habitants dans les brigades non périurbaines, un pour 800 habitants
dans les brigades périurbaines très sensibles (PU 1), un pour 900 dans les
brigades périurbaines sensibles (PU 1) ainsi que dans les autres brigades
périurbaines (PU 3).
La qualité des services, quant à elle, notamment la nuit, a été
pensée dans le cadre du concept d’emploi de chacune des deux forces. La
gendarmerie
n’a
pas
expérimenté
l’ouverture
nocturne,
mais
a
simplement appliqué aux communes transférées la disponibilité nocturne
en usage.
C’est donc surtout l’organisation de la présence sur la voie
publique qui a été mise en avant par les deux forces au titre de la qualité
des services. Dans les communes transférées de la police à la
32
COUR DES COMPTES
gendarmerie, la localisation d’un peloton de surveillance et d’intervention
(PSIG) a souvent permis d’accroître la quantité des patrouilles diurnes et
parfois nocturnes, mais à l’échelle du canton et non pas des seules
communes où la présence policière avait été supprimée. Il en a été ainsi,
par exemple, à Commercy, Cosne-sur-Loire ou Vence. Symétriquement,
les renforts d’effectifs dans les CSP principales en provenance des CSP
supprimées ont fréquemment permis de créer ou renforcer les brigades
anti criminalité (BAC).
3 -
Les garanties offertes aux personnels
Dans les deux forces, les mutations géographiques rendues
nécessaires par les redéploiements ont été gérées via un système de
recueil de voeux et, dans les quelques départements examinés par la Cour,
ce système s’est révélé suffisant pour gérer la quasi-totalité des situations
individuelles.
En vertu du principe de l’échange compensé, le « solde net » des
fonctionnaires ou des militaires appelés à quitter le département ou à
s’éloigner significativement de la commune où ils étaient affectés a été
réduit dans la plupart des cas, notamment parce que plusieurs CSP
principales ont conservé pendant plusieurs années après 2003 un effectif
supérieur à leur effectif théorique. La circulaire du 30 avril 2003 destinée
à préciser aux préfets et aux DDSP les modalités pratiques des
redéploiements avait en effet prévu un droit d’accès à la CSP la plus
proche, qui était souvent la CSP « centre » dans le cas de suppressions de
petites CSP : «
Les gradés et gardiens de la paix
auront la possibilité de
formuler trois choix de nouvelle affectation. Ils pourront obtenir,
prioritairement et sans condition, leur mutation dans la circonscription
de sécurité publique la plus proche de leur actuelle résidence
administrative ou personnelle. Les autres choix ne seront satisfaits
qu’après un examen individuel de chaque demand
».
Le dispositif de mutation mis en place par la gendarmerie,
conformément à ses règles, était plus directif, au moins dans les textes,
puisqu’aucun droit n’a été formellement garanti, la circulaire du 27
septembre 2002 du directeur général énonçant simplement : «
Les
mutations seront prononcées dans l’intérêt du service après examen
attentif des souhaits exprimés par les personnels. Des sureffectifs de
gestion pourront être momentanément autorisés en cas de nécessité
avéré
».
LES REDEPLOIEMENTS RESULTANT DE LA LOPSI (2003-2006)
33
a)
La police nationale
Dans sa lettre précitée du 29 octobre 2002 au secrétaire général
d’une organisation professionnelle de policiers, le ministre de l’intérieur
annonçait la mise en place d’une série de mesures exceptionnelles
destinées à accompagner les personnels affectés par les redéploiements.
Il existait déjà une liste et un barème des différentes indemnités
destinées aux policiers affectés par les redéploiements entre zones de
police et de gendarmerie, fixés par un arrêté du 28 mars 2002. Et ce sont
d’abord les montants fixés en mars 2002, avant la LOPSI, qui ont été
repris dans la circulaire du 30 avril 2003. Ces montants ont ensuite être
doublés par un arrêté du 20 janvier 2004 :
Tableau n° 2 : Indemnités destinées aux policiers affectés par un redéploiement
Arrêté du 28
mars 2002
Arrêté du 20
janvier 2004
Changement de résidence familiale
- célibataire et marié sans enfant
4 573 €
9 147 €
- avec au moins 1 enfant à charge
5 335 €
10 672 €
Pas de changement de résidence
familiale et nouvelle résidence fixée à
- entre 20 et 39 kms
1 372 €
2 745 €
- à 40 kms et +, célibataire sans enfant à
charge
3 049 €
6 098 €
- à 40 kms et +, autre cas
4 573 €
9 147 €
En sus de ces indemnités pécuniaires, la circulaire du 30 avril 2003
a instauré un dispositif exceptionnel d’avancement :
34
COUR DES COMPTES
Tableau n° 3 : Mesures exceptionnelles de promotion et d’avancement dans la
police nationale
Gardiens de la paix
- promotion de droit à l’échelon exceptionnel pour les plus de
45 ans, l’année suivant le redéploiement ;
- avancement au grade brigadier sur un contingent réservé sous
réserve d’accepter un poste dans le ressort de la commission
administrative paritaire interdépartementale ;
- promotion à titre social six mois avant la retraire pour les non-
titulaires des unités de valeur.
Brigadiers
- avancement au grade de brigadier-major sous réserve
d’accepter un poste vacant dans le ressort de la commission
administrative paritaire interdépartementale ou dans une région
déficitaire en gradés ;
- promotion à titre social six mois avant la retraite pour les non-
titulaires des unités de valeur.
Corps de
commandement et
d’encadrement
- avancement aux grades de capitaine et de commandant
moyennant « un examen particulièrement attentif des
candidatures aux postes vacants »
Source : circulaire du 30 avril 2003.
b)
La gendarmerie nationale
Les gendarmes en poste dans les unités dissoutes n’ont bénéficié
d’aucune
mesure
particulière
de
déroulement
de
carrière.
Les
mouvements de mutation ont été traités au niveau régional en veillant à
concilier les souhaits fonctionnels et géographiques des intéressés avec
l’intérêt du service (postes vacants dans la région de gendarmerie, profils
et compétences des militaires).
En matière de droits à solde, ceux-ci ont bénéficié du dispositif de
droit commun, à savoir l'attribution des compléments (taux dégressifs en
fonction du temps passé dans la précédente affectation) et suppléments (à
compter de la sixième mutation pour les officiers et de la troisième pour
les sous-officiers) de l’indemnité pour charges militaires, prévus par le
décret n°59-1193 du 13 octobre 1959. Cependant, tandis que ces deux
avantages ne sont normalement pas cumulables, le décret n°2003-1042 du
31 octobre 2003 a autorisé leur cumul en faveur des gendarmes concernés
par les redéploiements.
En ce qui concerne les frais de déménagement, ces personnels ont
été traités selon la règle de droit commun en vigueur à l’époque. Ils ont
bénéficié de la prise en charge de leurs frais de changement de résidence
sur la base des frais réellement exposés dans la limite d'un volume
transporté autorisé tenant compte des charges de famille et du grade du
gendarme.
LES REDEPLOIEMENTS RESULTANT DE LA LOPSI (2003-2006)
35
Le ministère de l’intérieur n’a pas été en mesure de communiquer
à la Cour un bilan financier des mesures indemnitaires et de déroulement
de carrière appliquées par la DGPN et la DGGN aux personnels mutés à
l’occasion des redéploiements police-gendarmerie des années 2003-2006.
L’ignorance du coût global de ces dispositifs d’accompagnement
constitue une lacune problématique pour éclairer les choix à venir en la
matière.
Pour reconstituer ce coût, la Cour aurait eu besoin de disposer de la
liste nominative des personnels concernés, alors qu’elle n’a même pas eu
connaissance de leur nombre exact. En outre, s’agissant de la police, le
coût du dispositif exceptionnel d’avancement ne peut être estimé que par
une simulation entre la carrière des agents concernés et celle qu’ils
auraient eu sans cet avancement exceptionnel. Enfin, l’acceptation de
surnombres transitoires dans certaines CSP, pour des raisons sociales, ou
dans certaines unités de gendarmerie, pour répondre aux engagements
pris vis-à-vis des élus locaux a un coût, non identifiable, qui ne peut-être
négligé.
III
-
Le bilan des redéploiements
Si le mouvement initié par la LOPSI a globalement repris les
mêmes critères, quoique sans formalisation particulière, il s’est en
revanche révélé plus modeste que les scénarios de la fin des années 1990.
Ces scénarios étaient en effet fondés sur des échanges à peu près
équilibrés commune par commune, ce qui les conduisait à ne prendre en
compte que les communes d’une taille significative
20
. Or, dans un grand
nombre de départements, les redéploiements effectués au titre de la
LOPSI ont manifestement été élaborés en partant de la nécessité de
supprimer de petites CSP, les transferts symétriques en zone police,
visant à un « équilibre », identifiés dans un second temps, portant sur des
petites, voire très petites communes situées dans la continuité des CSP
existantes. Dans d’autres départements, moins nombreux, l’approche
inverse a pu dominer : les préfets se sont efforcés de dessiner de
nouvelles
CSP
cohérentes
par
extension
ou
restructuration
des
circonscriptions existantes, les transferts en zone gendarmerie venant
dans un second temps équilibrer le mouvement.
20
Le rapport Carraz-Hyest limitait lui-même ses évaluations aux «
commune d’une
certaine taille
» susceptibles de passer en zone police.
36
COUR DES COMPTES
Le tableau n°4 ci-après compare les redéploiements opérés entre
2003 et 2006 aux divers scénarios antérieurs.
Tableau n° 4 : Comparaison des scénarios de la fin des années 1990 et des
redéploiements au titre de la LOPSI
Communes
transférées
de ZPN en
ZGN
Communes
transférées de
ZGN en ZPN
CSP
supprimées
Population couverte
Rapport Roussot –
Nouaille de la
Gorce, 1995
nd
29
100
Nd
Scénario commun
DGPN / DGGN,
1995
29
Nd
23
Nd
Rapport Carraz-
Hyest, 1998
193
38
89
Croissance nette de la
population gendarmerie
Scénario DGPN –
hypothèse basse
nd
38
61
+ 430 000 police
+ 870 000 gendarmerie
= + 410 000 gendarmerie
Scénario DGPN –
hypothèse haute
nd
92
89
+ 1 072 000 police
+ 1 288 000 gendarmerie
=
+ 216 000 gendarmerie
Bilan des
redéploiements
LOPSI
21
121
219
41
+ 973 523 police
+ 782 709 gendarmerie
= + 190 814 police
S'agissant de la métropole, le calendrier prévu a été respecté (étape
1 : 55 opérations du 1
er
mai 2003 au 31 décembre 2003 ; étape 2 : 48
opérations du 1
er
janvier 2004 au 31 décembre 2004 ; étape 3 :
32
opérations du 1
er
janvier 2005 au 1
er
septembre 2005). Au 31 octobre
2004, 85 % des dissolutions, 75 % des resserrements, 75 % des échanges
de communes et 80 % des extensions avaient été réalisés. Au 31 mars
2005, il ne restait plus qu'une CSP à fermer (celle de Guingamp
programmée au 1
er
septembre 2005). La quatrième étape devait s'achever
en 2006.
21
Les données mentionnées ici sont fondées sur le dénombrement des arrêtés portant
instauration ou suppression du régime de la police d’Etat publiés au Journal officiel.
LES REDEPLOIEMENTS RESULTANT DE LA LOPSI (2003-2006)
37
A - Les redéploiements de communes
1 -
Les transferts vers la zone de police
Au total, 219 communes ont été transférées en zone police entre
2003 et 2006. Il s’agit là d’un nombre très supérieur à ceux des scénarios
des années 1990, lié au fait que l’approche des redéploiements a été
différente de celle qui présidait implicitement aux études antérieures.
Ces basculements ont pris la forme, dans leur très grande majorité,
d’extension des CSP existantes à des communes limitrophes. Ainsi, 82
CSP ont été étendues, 10 restructurées, et seulement trois créées : les CSP
de Cournon et de Gerzat dans le Puy-de-Dôme, et la CSP de Guilherand-
Grange dans l’Ardèche.
L’exemple du Puy-de-Dôme, où a été suivie une démarche visant à
dessiner de nouvelles CSP cohérentes par extension ou restructuration des
circonscriptions existantes, est intéressant à cet égard avec la création
de
facto
d’une « police d’agglomération » compétente sur l’espace urbain et
périurbain situé autour et entre les villes de Clermont-Ferrand et Riom,
anticipant ainsi dès 2002 l’objectif des redéploiements ultérieurs.
En revanche, l’outil créé par la LOPSI que devaient constituer les
circonscriptions de sécurité publique interdépartementales, destinées à
réunir dans une unique CSP des agglomérations cohérentes au-delà des
frontières départementales, n’a pas été utilisé, sauf dans un cas, avec la
circonscription couvrant les communes d’Avignon dans le Vaucluse et
des Angles et de Villeneuve-lès-Avignon dans le Gard, créée par décret
du 27 avril 2006.
Signe de la réticence des préfets vis-à-vis de cet outil, la création
de la CSP de Guilherand-Granges dans l’Ardèche était justifiée par le
préfet, en 2002, par l’ouverture prochaine d’un second pont sur le Rhône
qui allait renforcer la continuité entre la ville et l’agglomération de
Valence. La configuration géographique était donc proche de celle
d’Avignon, mais le préfet, tout en évoquant une «
approche concertée
avec la Drôme
», n’avait pas mentionné l’hypothèse d’une CSP
interdépartementale
22
.
22
Proposition du préfet de l’Ardèche au ministre de l’intérieur, 14 novembre 2002.
38
COUR DES COMPTES
Pour être exhaustif, le bilan d'ensemble comporte aussi la
suppression de trois CSP par fusion avec une autre circonscription du
même département
23
, mais ces opérations, bien que mises en oeuvre à
l'occasion du redéploiement des forces entre zones, relèvent de la réforme
de l'organisation territoriale de la police nationale.
2 -
Les transferts vers la zone de gendarmerie
Au terme du mouvement, 121 communes dont 67 communes
relevant de 41 CSP fermées et 54 communes sans fermeture de CSP ont
été transférées à la gendarmerie entre 2003 et 2006.
Ce nombre est sensiblement inférieur aux 100 CSP identifiées par
le rapport Roussot-Nouaille de Gorce en 1995, aux 89 CSP du rapport
Carraz-Hyest, et même aux deux listes de respectivement 61 et 89 CSP
des scénarios envisagés par la DGPN à la fin des années 1990.
La modestie du nombre de ces transferts s’explique notamment par
le fait que les circonscriptions transférées comptaient toutes entre 5 000 et
16 000 habitants
24
, alors que les scénarios antérieurs comprenaient des
communes de 20 000, voire 25 000 habitants, la police et le ministère de
l’intérieur ayant fait prévaloir une interprétation restrictive du critère
réglementaire des 20 000 habitants.
Ainsi, la police a bénéficié
in fine
d’un surcroît de population dans
sa zone de compétence avec un solde de 190 814 habitants au terme des
redéploiements 2003-2006.
Enfin, à l’exception de Saint-Tropez, qui a retrouvé ses gendarmes,
peu de « vitrines »
25
ont été transférées de la police à la gendarmerie
parmi celles qui figuraient sur la liste de 1998. A titre d’exemple, les CSP
de Pamiers, de Castelnaudary, de Port-Saint-Louis-du-Rhône, de
Tarascon, d’Ussel, de Dinan, de Bagnols-sur-Cèze, de Beaucaire, de
23
On compte une fusion-absorption de la CSP de Villefranche-sur-Mer par celle de
Nice, dans les Alpes-Maritimes, ainsi que deux opérations de fusion de petites
circonscriptions dans la Meurthe-et-Moselle (Briey et Joeuf) et dans la Moselle
(Hagondange et Moyeuvre-Grande).
24
Dans les faits, quelques communes transférées à la gendarmerie comptaient en 2008
(date du dernier recensement général) plus de 16 000 habitants, soit que leur
population ait crû entre les deux recensements, soit qu’elles aient constitué des
exceptions (Joigny, avec 21 771 habitants, Pierrelatte, avec 20 529 habitants, Autun,
avec 18 187 habitants).
25
Terme utilisé par les services gestionnaires.
LES REDEPLOIEMENTS RESULTANT DE LA LOPSI (2003-2006)
39
Bagnères-de-Bigorre, d’Albertville, de Carmaux ou de Mazamet sont
demeurées en zone police.
B - Le bilan en termes d’effectifs
1 -
Le bilan dans la police
Le ministère de l’intérieur a communiqué à la Cour les effectifs de
la police nationale dégagés dans les 41 CSP (en fait, 40 CSP et un
commissariat subdivisionnaire) fermées de 2003 à 2006 pour cause
de
transfert en zone de gendarmerie des 67 communes correspondantes. Ces
effectifs (gardiens et gradés, personnels techniques et scientifiques,
agents administratifs) sont estimés à 1 872 personnels au total.
Cependant, malgré les demandes de la Cour, le ministère n’a pas
été en mesure de lui communiquer les donnés exhaustives relatives aux
effectifs déployés en raison des opérations d’extension ou de création de
CSP liées à l’intégration de 219 communes en zone de police de 2003 à
2006.
Lors de l’enquête menée en 2011, le ministère n’a pas complété et
validé les données partielles obtenues par la Cour en 2005 lors d’une
enquête sur la DCSP qui comprenaient le bilan provisoire rappelé ci-
dessous :
Tableau n° 5 : Effectifs redéployés dans la police (2003-2005)
Postes créés ou supprimés
Nombre de
CSP
concernées
Nombre de
communes
Nombre
d'habitants
Actifs
Administratifs
Création
Extension
Echange
Suppression
Resserrement
3
77
12
39
9
+ 9
+ 174
+ 31
- 28
- 64
- 12
+ 63 267
+ 712 232
+ 73 215
- 84 032
- 502 181
- 56 078
+ 143
+ 1.489
+ 128
- 1.638
- 41
+ 9
+ 47
+ 3
- 117
- 1
Totaux
140
+ 110
+ 206 423 (*)
+ 81
- 59
Source : Enquête Cour des comptes en 2005 – Retraitement des données du bureau
Organisation de la DGPN
(*) L’accroissement net de la population couverte par la zone de police, mentionné dans ce
tableau, diffère de celui (190 814) mentionné dans le tableau n°5, car les sources sont
différentes et la totalité de la période de redéploiement (2003-2006) n’est pas couverte. De
même le nombre de CSP supprimées (39 ci-dessus) diffère de celui mentionné dans le tableau
4 (41) pour les mêmes raisons.
40
COUR DES COMPTES
Ce bilan tendait à montrer que les opérations de redéploiement
avaient pu être menées jusqu’en 2005 à effectifs pratiquement constants.
Localement, elles étaient fréquemment équilibrées. Elles ont le plus
souvent consisté en l'extension territoriale de la CSP de la ville chef-lieu
de département et la fermeture d'une petite CSP dans le même
département. De fait, les créations de nouvelles CSP ont été l'exception.
Ce bilan indiquait aussi que ces opérations avaient favorisé une
adéquation globalement plus rigoureuse des effectifs à l'activité. Le taux
de couverture de la population s’établissait en moyenne, compte tenu des
postes ouverts, à un policier pour 478 habitants dans les communes
transférées à la sécurité publique, au lieu d’un policier pour 307 habitants
dans les 39 CSP supprimées.
Ces
dernières
couvraient
de
petites
villes
(parfois
des
regroupements de communes) d'une population moyenne de 13 000
habitants. Presque toutes étaient dotées d'un effectif, compris entre 40 et
45 agents actifs, important au regard de la population. Toutefois,
l'éventail des populations concernées était relativement large si bien que
le rapport entre les moyens en personnel et l'activité de chaque
circonscription était variable. En effet, 13 CSP avaient une population
inférieure à 11 000 habitants
et 13 une population supérieure à 14 000
habitants.
Les redéploiements ont eu pour effet de faire disparaître des
situations notoires de mauvaise répartition des moyens comme, par
exemple, dans les cinq circonscriptions de 8 000 habitants : Le Teil en
Ardèche (39 policiers actifs), St Jean-d'Angely en Charente (39),
Guingamp en Côte-d'Armor (51), Pezenas dans l'Hérault (44), Mourenx
dans les Pyrénées-Atlantiques (41). Dans le même temps, des
circonscriptions comportant des populations deux à trois fois plus
nombreuses avaient des effectifs à peine équivalents : La Flèche dans la
Sarthe (39 policiers actifs pour 17 000 habitants), Vire dans le Calvados
(43 pour 18 000 habitants) ou Joigny dans l'Yonne (46 pour 23 000
habitants).
Il est dommageable pour la conduite ultérieure d’opérations
analogues que le ministère de l’intérieur n’ait pas dressé et conservé un
bilan exhaustif des mouvements d’effectifs opérés de 2003 à 2006 au sein
de la police nationale dans le cadre des redéploiements territoriaux avec
la gendarmerie nationale.
LES REDEPLOIEMENTS RESULTANT DE LA LOPSI (2003-2006)
41
2 -
Le bilan dans la gendarmerie
Selon le ministère de l’intérieur, la couverture par la gendarmerie
des 67 communes, représentant une population totale de 504 000
habitants (recensement de 1999), transférées dans sa zone de compétence
en raison de la fermeture de 41 CSP (en fait, 40 CSP et un commissariat
subdivisionnaire) de 2003 à 2006 est assurée aujourd’hui grâce à un
effectif total de 1 019 gendarmes, dans les brigades ou communautés de
brigades concernées, sans compter ceux venus renforcer d’autres unités
de la gendarmerie départementale. La Cour n’a pas eu communication des
effectifs affectés dans les 54 communes transférées sans fermeture de
CSP.
En sens inverse, les effectifs rendus disponibles par les transferts
des 219 communes en zone de police se sont élevés à 1 544 personnels et
ont représenté 62 % des effectifs redéployés dans le contexte de la
LOPSI.
Le rapprochement des données précédentes fait apparaître que,
dans les 41 CSP fermées au cours de redéploiements opérés entre 2003 et
2006, le taux de substitution des gendarmes aux policiers précédemment
en poste peut être évalué
a posteriori
à 54 %.
Ce pourcentage est différent du taux moyen de 70 % généralement
avancé par la DGGN, mais il ne tient pas compte du renforcement des
unités dites d’environnement, notamment de la brigade de recherches
(BR) et du peloton d’intervention (PSIG) dans chaque compagnie de
gendarmerie qui étend sa couverture à une ou plusieurs communes
supplémentaires.
IV
-
Une évaluation difficile et peu conclusive de
l’efficacité des redéploiements
L’évaluation de l’efficacité des redéploiements se heurte à une
difficulté de principe, mais surtout à deux obstacles de méthode
dirimants.
La difficulté de principe est – comme il a déjà été indiqué –
l’absence d’objectifs précis assignés au mouvement considéré dans son
ensemble et à chaque opération de redéploiement prise isolément, et
portant sur l’évolution des principaux indicateurs de la délinquance (taux
42
COUR DES COMPTES
de délinquance, taux d’élucidation
26
) comparée à celle observée dans le
reste du territoire.
Le premier obstacle de méthode est général. Il tient à au fait que
l’évolution globale du nombre de faits de délinquance constatés et
l’évolution du taux d’élucidation résultent d’une multitude de facteurs,
parmi lesquels il est impossible de déterminer ce qui serait imputable, au
sein de ces évolutions, aux redéploiements qui n’ont concerné qu’à peine
plus de 1 % de la population.
Le second, si l’on s’intéresse aux seuls territoires et populations
concernés par les transferts, tient au fait que l’analyse avant puis après
transfert des nombres de faits délictueux et partant des taux d’élucidation,
montre que la saisie et la qualification des faits font l’objet de traitements
différents entre police et gendarmerie, différences rompant la continuité
des séries statistiques.
Enfin, dans la police, les indicateurs d’activité des services issus de
la main courante informatisée (MCI) (taux de présence sur la voie
publique, effectifs disponibles, etc.) ne sont devenus fiables et homogènes
qu’à la fin des années 2000, si bien qu’il serait hasardeux de les utiliser
rétrospectivement
pour
mesurer
cet
aspect
de
l’efficacité
des
redéploiements.
Ce qui est certain, c’est que la concomitance des redéploiements
avec l’augmentation des moyens en personnels des deux forces a permis à
chacune d’elles d’optimiser son organisation et de créer ou renforcer
plusieurs services ou unités. Par exemple, les effectifs policiers
« gagnés » grâce au transfert de CSP à la gendarmerie ont permis, dans
plusieurs départements, de constituer des brigades anti-criminalité (BAC)
ou de renforcer les BAC existantes.
Au-delà des statistiques de la délinquance, l’analyse des situations
locales peut permettre de cerner l’intérêt et les insuffisances des
redéploiements menés à bien comme dans les départements de la Meuse,
de la Nièvre et des Alpes-Maritimes (cf. annexe n°3).
A - Les critères d’évaluation
La LOPSI, dans son annexe 1, donnait comme objectifs aux
redéploiements, l’amélioration de la qualité de service et l’amélioration
26
De 2002 à 2009, le nombre de faits de délinquance élucidés a augmenté en zone
police (28 %) comme en zone gendarmerie (8,5 %). Le taux moyen d’élucidation a
quant à lui progressé de 23 % à 35 % dans l’une et de 32 % à 41 % dans l’autre.
LES REDEPLOIEMENTS RESULTANT DE LA LOPSI (2003-2006)
43
de la performance, cette dernière appréciée avec le taux d’élucidation des
crimes et délits, seul indicateur quantitatif cité :
« Cet effort de
rationalisation aura pour objectifs d'assurer une meilleure qualité du
service offert à la population et d'améliorer les performances des deux
forces, notamment s'agissant du taux d'élucidation des crimes et délits. ».
Pour apprécier la performance, la LOPSI ne mentionnait pas le
taux de délinquance, à côté du taux d’élucidation. Deux ans plus tard,
dans le cadre des premiers projets et rapports annuels de performance
préparés
en
application
de
la
LOLF,
les
deux
taux
seront
systématiquement retenus ensemble comme indicateurs de l’objectif n° 1
des programmes
Police nationale
et
Gendarmerie nationale
, à savoir
«
Réduire la délinquance générale (du point de vue du citoyen)
».
De fait, par la suite, ce sont les deux taux qui ont été placés côte à
côte dans les tableaux destinés à suivre les effets des redéploiements, et
qui ont été au coeur de la communication gouvernementale sur le
mouvement
(par
exemple,
dans
les
réponses
aux
questions
parlementaires). Celle-ci semble même avoir privilégié le taux de
délinquance sur le taux d’élucidation : «
En terme de délinquance, cette
réorganisation des forces de sécurité a contribué à l’amélioration de la
lutte contre la délinquance sur l’ensemble du territoire, ainsi, on constate
une baisse du nombre de faits constatés tant en zone police nationale
qu’en zone gendarmerie
»
27
.
B - L’évolution du nombre de faits constatés
1 -
Dans les communes transférées de la police à la gendarmerie
Dans la grande majorité des communes des anciennes CSP
transférées par la gendarmerie entre 2003 et 2006, une baisse des faits
constatés a été enregistrée l’année suivant le transfert. Mais dans de
nombreux cas, cette baisse a atteint des proportions incompatibles avec le
seul effet du transfert, même conjugué à la baisse du nombre de faits
constatés au plan national, et relève nécessairement de différences de
pratiques d’enregistrement d’une force à l’autre, voire d’anomalies
statistiques.
27
Réponse à une question parlementaire, communiquée par la DGPN à la Cour.
44
COUR DES COMPTES
Tableau n° 6 : Faits constatés dans les CSP transférées à la gendarmerie en 2003
Communes
Faits constatés
en 2002
Faits constatés
en 2004
Evolution
N-1 / N+1
Romilly-sur-Seine (10)
924
697
- 24 %
Villefranche-de-Rouergue
(12)
715
607
-15%
Châteaurenard (13)
1 174
824
-30%
Saint-Jean-d'Angély (17)
896
607
-32%
Saint-Amand-Montrond (18)
745
637
-14%
Sarlat-la-Canéda (24)
740
632
-15%
Bernay (27)
1 360
921
-32%
Pézenas (34)
933
862
-8%
Issoudun (36)
929
605
-35%
Mayenne (53)
755
836
11%
Commercy (55)
558
401
-28%
Caudry (59)
1 291
685
-47%
Issoire (63)
526
873
66%
Oloron-Sainte-Marie (64)
817
553
-32%
Mourenx (64)
467
94
-80%
Le Tréport (76)
1 002
524
-48%
Albert (80)
783
505
-36%
Saint-Tropez (83)
1 374
969
-29%
Fontenay-le-Comte (85)
1 034
668
-35%
Total
16 099
11 803
-27%
Source : données DGGN communiquées en cours d’instruction
Parmi les 19 CSP transférées en 2003, seules deux ont vu le
nombre de faits constatés augmenter (dont une dans des proportions elles
aussi anormales), tandis que toutes les autres connaissaient des baisses
sensibles. Dans dix cas, cette baisse était supérieure à 30 %, ce qui
n’apparaît guère plausible en l’espace de deux ans.
Le constat n’est guère différent dans les 14 CSP transférées en
2004, où l’évolution de la délinquance a été encore plus accusée à la
hausse comme à la baisse.
LES REDEPLOIEMENTS RESULTANT DE LA LOPSI (2003-2006)
45
Tableau n° 7 : Faits constatés dans les CSP transférées à la gendarmerie en 2004
Communes
Faits constatés
en 2003
Faits constatés
en 2005
Evolution N-
1 / N+1
Le Teil (07)
355
527
48%
Limoux (11)
645
586
-9%
Vire (14)
649
670
3%
Pierrelatte (26)
764
1033
35%
Saint-Claude (39)
647
416
-36%
Figeac (46)
853
465
-45%
Avranches (50)
706
472
-33%
Neuves-Maisons (54)
1374
440
-68%
Pontivy (56)
1237
736
-41%
Cosne-sur-Loire (58)
748
560
-25%
Thiers (63)
795
522
-34%
Tarare (69)
563
478
-15%
La Flèche (72)
934
552
-41%
Joigny (89)
2372
1631
-31%
Total
12642
9088
-28%
Source : données DGGN communiquées à la Cour
Finalement, seuls les sept transferts effectués en 2005 et 2006
témoignent, en deux ans, d’une évolution du nombre de faits constatés
compatible avec les tendances nationales.
Tableau n° 8 : Faits constatés dans les CSP transférées à la gendarmerie en 2005
Communes
Faits constatés
en 2004
Faits constatés
en 2006
Evolution
N-1 / N+1
Tournon-sur-Rhône (07)
836
748
-11%
Guingamp (22)
1058
769
-27%
Douarnenez (29)
811
726
-10%
Lure (70)
585
622
6%
Autun (71)
626
670
7%
Paray-le-Monial (71)
393
409
4%
Total
4309
3944
-8%
Communes
Faits constatés
en 2005
Faits constatés
en 2007
Evolution N-
1 / N+1
Marmande (47)
1 483
1 314
-11%
Source : données DGGN communiquées à la Cour
Plusieurs hypothèses sont avancées par les services pour expliquer
ce phénomène de baisse très sensible du nombre de faits constatés après
le passage sous compétence gendarmerie.
46
COUR DES COMPTES
Tout d’abord, certains responsables avancent l’hypothèse que les
commissariats figurant sur la liste de 1998, se sachant menacés, auraient
eu tendance à partir de cette date à enregistrer systématiquement tous
types de faits sur l’état 4001, y compris certains qui, dans la pratique
usuelle des CSP, ne sont portés que sur la main courante, afin d’afficher
un niveau d’activité le plus élevé possible. Cette pratique aurait eu pour
effet d’augmenter le nombre de faits constatés en 2001 et 2002
28
.
Par ailleurs, l’absence d’équivalent de la main courante dans les
services de gendarmerie conduirait paradoxalement les brigades à être
plus restrictives dans l’enregistrement des faits, qui correspondraient
strictement à ceux ayant débouché sur une procédure, tandis que
l’enregistrement des faits par la police serait plus fluctuant entre main
courante et état 4001. Par exemple, pour les escroqueries portant sur de
petits montants, la gendarmerie appliquerait le seuil national recommandé
de 300 € pour enregistrer une plainte, tandis que la police enregistrerait
toutes les plaintes.
2 -
Dans les communes transférées de la gendarmerie à la police
Les incertitudes sur la fiabilité des statistiques issues de
l’enregistrement des faits constatés évoquées ci-dessus, ont été relevée en
janvier 2005 par la DCSP, lorsqu’elle a essayé d’étudier l’évolution de la
délinquance dans 21 circonscriptions ayant été transférées de la
gendarmerie vers la police, et représentant au total 361 955 habitants
29
.
Opérant un constat en miroir de celui relatif aux transferts de la police
vers la gendarmerie, cette étude a conclu à une progression importante
des faits de délinquance, qui seraient passés pour l’échantillon retenu de
28
En 1997, le nombre de faits constatés dans la CSP de Commercy s’élevait à 372. De
fait, c’est
partir de 1998 que celui-ci s’est brutalement accru, ce qui, d’après les
responsables locaux, ne correspond pas à une évolution « socio-économique »
marquée dans une aussi petite circonscription d’à peine 9 000 habitants. Cela étant, le
périmètre des faits pris en compte n’est pas toujours homogène : l’agrégat « Faits
constatés – délinquance générale » affichait 414 faits en 2001 dans le tableau de bord
de
la
délinquance
établi
par
la
DDSP
de
la
Meuse
en
octobre
2002,
vraisemblablement en ne tenant pas compte des infractions relevées par l’action des
services (IRAS).
29
L'étude a porté sur 21 circonscriptions de sécurité publique affectées par la réforme,
soit 15 où le redéploiement a eu lieu en septembre 2003 pour 227 410 habitants, cinq
en janvier 2004 pour 90 756 habitants et la circonscription de Toulouse où il a été
effectué en février 2004 pour 43 789 habitants. La comparaison est établie sur huit
mois pour les quinze premières CSP, sur un an pour les suivantes et sur onze mois
pour la circonscription de Toulouse.
LES REDEPLOIEMENTS RESULTANT DE LA LOPSI (2003-2006)
47
16 277 infractions enregistrées par la gendarmerie en 2003 à 19 635
enregistrées par la police en 2004, soit une augmentation de 20,6 % d'une
année sur l'autre. Selon la DCSP, une aussi forte progression en l’espace
d’une année ne peut s'expliquer que par des méthodes d'enregistrement
par les brigades de gendarmerie, si ce n’est des anomalies, conduisant à
une minoration importante des faits constatés.
De
façon
plus
générale,
certains
responsables
rencontrés,
notamment au sein de l’autorité judiciaire, estiment que le changement de
philosophie dans l’usage des « chiffres de la délinquance » dans les
années
2001-2004
a
induit
des
ajustements
de
pratique
dans
l’enregistrement des faits dont les effets sont suffisamment forts pour ôter
toute pertinence
aux comparaisons avant transfert et après transfert.
Le nombre des faits constatés sur les années 2003-2010 peut donc
difficilement
être
utilisé
comme
indicateur
de
l’efficacité
des
redéploiements, la LOPSI mettant au demeurant l’accent sur le taux
d’élucidation.
C - Les résultats : le taux d’élucidation
1 -
Dans les communes transférées de la police à la gendarmerie
La gendarmerie nationale n’a pas communiqué à la Cour les taux
d’élucidation mesurés par la police nationale dans les communes dont elle
avait la responsabilité avant leur transfert. Il n’est donc pas possible de
dresser une comparaison des situations entre avant et après transfert. Au
demeurant, les ruptures statistiques évoquées ci-dessus quant au nombre
de faits constatés, qui sert de dénominateur au taux d’élucidation, auraient
créé un biais dans cette comparaison.
L’objectif de la LOPSI peut être interprété comme visant à
améliorer à moyen terme le taux d’élucidation grâce à une meilleure
adéquation des forces et de leurs doctrines d’emploi aux caractéristiques
des territoires et surtout à une plus grande continuité dans le ressort des
forces.
Les données communiquées permettent ainsi de comparer les taux
d’élucidation mesurés en 2010 avec ceux mesurés au cours de la première
année suivant les transferts. Sur une période de trois à six ans, selon les
cas, l’évolution du taux d’élucidation est loin d’être systématiquement
positive, comme les tableaux suivants le montrent.
48
COUR DES COMPTES
Tableau n° 9 : Evolution du taux d’élucidation dans les CSP transférées à la
gendarmerie
Communes transférées en
2003
Taux
d’élucidation
en 2004
Taux
d’élucidation
en 2010
Evolution en
points
Romilly-sur-Seine (10)
43,0 %
45,2 %
+ 2,2
Villefranche-de-Rouergue
(12)
55,2 %
61,1 %
+ 5,9
Châteaurenard (13)
35,6 %
26,3 %
- 9,3
Saint-Jean-d'Angély (17)
37,6 %
49,2 %
+ 11,6
Saint-Amand-Montrond
(18)
36,7 %
39,5 %
+ 2,8
Sarlat-la-Canéda (24)
34,8 %
40,4 %
+ 5,6
Bernay (27)
41,0 %
48,1 %
+ 7,1
Pézenas (34)
28,5 %
39,5 %
+ 11,0
Issoudun (36)
50,9 %
67,2 %
+ 17,3
Mayenne (53)
43,2 %
47,8 %
+ 4,6
Commercy (55)
69,8 %
45,7 %
- 24,1
Caudry (59)
59,3 %
60,7 %
+ 1,4
Issoire (63)
49,4 %
35,4 %
- 14,0
Oloron-Sainte-Marie (64)
46,5 %
48,8 %
+ 2,3
Mourenx (64)
30,9 %
64,6 %
+ 33,7
Le Tréport (76)
36,5 %
37,3 %
+ 0,8
Albert (80)
57,4 %
60,0 %
+ 2,6
Saint-Tropez (83)
29,7 %
40,7 %
+ 11,0
Fontenay-le-Comte (85)
50,7 %
31,5 %
- 19,2
Moyenne
43,3 %
45,7 %
+ 2,4
Communes transférées en
2004
Taux
d’élucidation
en 2005
Taux
d’élucidation
en 2010
Evolution en
points
Le Teil (07)
24,5 %
28,1 %
+ 3,6
Limoux (11)
54,8 %
46,8 %
- 8,0
Vire (14)
62,4 %
52,9 %
- 9,5
Pierrelatte (26)
54,6 %
37,8 %
- 16,8
Saint-Claude (39)
54,3 %
56,5 %
+ 2,2
Figeac (46)
49,0 %
36,1 %
- 12,9
Avranches (50)
45,3 %
47,9 %
+ 2,6
Neuves-Maisons (54)
45,0 %
45,8 %
+ 0,8
Pontivy (56)
62,5 %
50,7 %
- 11,8
Cosne-sur-Loire (58)
49,3 %
48,3 %
- 1,0
Thiers (63)
33,9 %
52,3 %
+ 18,4
Tarare (69)
43,5 %
27,4 %
- 16,1
La Flèche (72)
40,6 %
47,7 %
+ 7,1
Joigny (89)
39,6 %
43,6 %
+ 4,0
Moyenne
47,0 %
45,6 %
- 1,4
LES REDEPLOIEMENTS RESULTANT DE LA LOPSI (2003-2006)
49
Communes transférées en
2005
Taux
d’élucidation en
2006
Taux
d’élucidation en
2010
Evolution
en points
Tournon-sur-Rhône (07)
42,4 %
43,9 %
+ 1,5
Guingamp (22)
62,2 %
53,7 %
- 8,5
Douarnenez (29)
54,8 %
43,3 %
- 11,5
Lure (70)
63,2 %
52,7 %
- 10,5
Autun (71)
46,7 %
53,3 %
+ 6,6
Paray-le-Monial (71)
62,3 %
57,6 %
- 4,7
Moyenne
54,6 %
50,3 %
- 4,3
Commune transférée en
2006
Taux
d’élucidation
en 2007
Taux
d’élucidation en
2010
Evolution
en points
Marmande (47)
72,6 %
49,1 %
-23,5
Source : données DGGN communiquées à la Cour.
L’une des explications courante de ces cas fréquents de baisse du
taux d’élucidation tient à la baisse du nombre des infractions révélées par
l’action des services (IRAS) qui présentent structurellement un taux
d’élucidation proche de 100 % dès leur enregistrement puisqu’elles
donnent en principe automatiquement lieu à des actes de poursuite. Dès
lors, moins elles sont nombreuses dans le total des faits constatés moins le
taux d’élucidation est élevé. A l’inverse, dans la Meuse, par exemple, le
nombre d’IRAS de la zone gendarmerie est passé de 480 à 539 entre 2009
et 2010, soit une hausse de 12,3 % qui explique presque à elle seule la
croissance, entre les deux mêmes années, du taux d’élucidation de 2,6
points (de 49,54 à 52,12 %).
Or, les deux directions générales et les directions départementales,
voire les parquets, ont pu avoir au cours des dernières années des
politiques très différentes et variables dans le temps vis-à-vis des IRAS
(par exemple en matière de simple consommation de stupéfiants).
2 -
Dans les communes transférées de la gendarmerie à la police
L’évolution des taux d’élucidation dans les communes transférées
de la gendarmerie à la police n’a pas été analysée.
50
COUR DES COMPTES
______________________
CONCLUSION
_____________________
L’importance des redéploiements effectués de 2003 à 2006 a été
modeste au regard des scénarios élaborés à la fin des années 1990. Ils
n’ont conduit à réaliser que la moitié environ des transferts de « petites »
CSP envisagés en 1998, alors qu’au contraire, les communes transférées
en zone de police ont été beaucoup plus nombreuses qu’il n’avait été
envisagé cinq ans plus tôt. Il en résulte qu’en termes de population, le
mouvement a étendu la zone de compétences de la police nationale.
Il est difficile de mesurer le degré de réussite de cette réforme en
matière de lutte contre la délinquance, faute d’objectifs explicites et
d’indicateurs pertinents affichés lors de son engagement. Toutefois,
même si les nombreuses incertitudes affectant les statistiques de la
délinquance empêchent d’évaluer l’impact sur l’action des services de
chaque transfert pris isolément, aucun cas d’inadaptation manifeste des
choix opérés voici sept ans n’est à relever.
En matière de ressources humaines, la mise en oeuvre des
opérations de redéploiement a été facilitée dans la police par un
ensemble de mesures indemnitaires et de déroulement de carrière ainsi
que par l’acceptation de surnombres temporaires dans les unités
d’accueil des personnels mutés.
Le ministère de l’intérieur n’a pas procédé à l’estimation du coût
de cet accompagnement social.
De plus, il n’a pu fournir à la Cour un bilan précis et complet de
l’ensemble des mouvements d’effectifs opérés au cours de cette première
vague de redéploiements mis en oeuvre de 2003 à 2006 entre la police et
la gendarmerie. Il n’est donc pas possible de s’assurer a posteriori que
ceux-ci ont permis un meilleur emploi des effectifs de policiers et de
gendarmes, notamment au regard des densités de population et des
niveaux de délinquance.
Il ressort néanmoins du rapprochement des données obtenues par
la Cour que, dans les 41 CSP fermées au cours de redéploiements opérés
entre 2003 et 2006, le taux de substitution des gendarmes aux policiers
précédemment en poste peut être évalué a posteriori à 54 %.
Ce pourcentage établi a posteriori
est différent du taux moyen de
70 % généralement avancé par la DGGN, mais ne tient pas compte du
renforcement des unités dites d’environnement, notamment de la brigade de
recherches (BR) et du peloton d’intervention (PSIG) dans chaque compagnie
de gendarmerie qui étend sa couverture à une ou plusieurs communes
supplémentaires.
LES REDEPLOIEMENTS RESULTANT DE LA LOPSI (2003-2006)
51
Les redéploiements ont été menés parallèlement à des réorganisations
internes aux deux forces au niveau départemental (surtout dans la
gendarmerie) portant
sur leur réseau territorial et sur la répartition des
moyens entre leurs unités de base. Ces réorganisations, marquées notamment
par la création des communautés de brigades (COB) ou la fermeture de
postes de police peu occupés au profit des commissariats principaux, sont à
l’origine d’une rationalisation de l’emploi des moyens qui n’aurait peut-être
pas été conduite sans la « mise en mouvement » déclenchée par les
redéploiements.
Chapitre II
Les redéploiements issus de la RGPP
I
-
Les buts poursuivis
A - Une orientation de la RGPP
1 -
Les CMPP de 2007 et 2008
Le premier conseil de modernisation des politiques publiques
(CMPP), qui s’est tenu le 12 décembre 2007, a constaté que les
conditions d’emploi des forces de sécurité n’étaient pas optimales. Pour y
remédier, il a arrêté trois orientations de la révision générale des
politiques publiques (RGPP) au titre de la politique de sécurité publique :
−
mieux organiser la complémentarité des forces de sécurité, en
particulier de la police et de la gendarmerie ;
−
adapter les modalités d’intervention et la répartition des forces
sur le territoire pour mieux répondre aux attentes et aux besoins
réels des citoyens ;
−
améliorer l’organisation et l’efficacité des fonctions support
dans les forces de police et de gendarmerie, notamment en
développant leur mutualisation et l’utilisation d’outils de
financement innovants.
54
COUR DES COMPTES
Dans un premier temps, l’éventualité d’une modification du
partage du territoire national entre la police et la gendarmerie n’a pas été
directement évoquée. La décision d’adapter
« la répartition des forces de
sécurité sur le territoire »
n’a pas précisé si cette mesure devait
s’appliquer aux deux forces considérées séparément ou globalement.
La
« poursuite
du
processus
de
redéploiement
police-
gendarmerie »
a été décidée par le deuxième CMPP, le 4 avril 2008. Les
zones respectives d’intervention des deux forces devaient être adaptées
afin que la police puisse exercer ses compétences sur des ensembles
urbains plus vastes et cohérents et la gendarmerie sur les autres espaces.
Cette mise en cohérence devait s’inscrire dans une perspective à plus long
terme en vue d’une présence plus efficace des forces de sécurité.
Cette mesure, parmi d’autres concernant l’organisation du
ministère de l’intérieur ou la politique de sécurité publique, sera rappelée
en ces mêmes termes et sans davantage de précision dans le relevé de
décisions du CMPP du 11 juin 2008 et les rapports d’étape de mai 2009
30
et de février 2010.
Conformément au premier CMPP du 12 décembre 2007, la loi du 3
août 2009 a placé la gendarmerie nationale sous l’autorité fonctionnelle
du ministre de l’intérieur, dans le respect du statut militaire des
gendarmes, alors qu’elle ne relevait de l’autorité du ministre de
l’intérieur, depuis 2002, que pour son « emploi ». La gendarmerie
nationale a été incluse dans l’administration centrale du ministère de
l’intérieur par un décret du 23 décembre 2009.
2 -
Les CMPP de 2010 et 2011
Le CMPP du 5 juin 2010 est revenu sur les mesures prise par le
ministère de l’intérieur depuis décembre 2007, en application de la RGPP,
en vue d’adapter la présence des forces de sécurité sur le territoire
national aux évolutions de la délinquance : la police d’agglomération
inaugurée le 14 septembre 2009 en région parisienne, la création de 34
unités territoriales de quartier (UTeQ)
31
. Au titre des mesures nouvelles,
30
« L’amélioration de l’efficacité de la politique de sécurité a été renforcée par le
transfert de la gendarmerie sous l’autorité du ministère de l’intérieur (…).
L’adaptation de l’organisation territoriale des forces de sécurité à l’évolution de la
délinquance (brigades de gendarmerie, répartition territoriale police/gendarmerie)
renforce également l’efficacité de la politique de sécurité publique ».
31
La décision sera ensuite prise en 2010 d’arrêter la mise en place des cent UTeQ
prévues et de les remplacer par 36 brigades spécialisées de terrain (BST).
LES REDEPLOIEMENTS ISSUS DE LA RGPP
55
la décision a alors été prise d’étendre la police d’agglomération à d’autres
grandes villes comme Lille, Lyon ou Marseille
« tandis qu’une plus
grande cohérence des zones d’intervention respectives de la police et de
la gendarmerie sera recherchée en dehors des zones d’agglomération »
.
Enfin, le CMPP du 5 mars 2011 a réaffirmé l’orientation visant à
adapter les forces de sécurité aux évolutions de la délinquance par une
meilleure couverture du territoire. Après l’instauration d’une police
d’agglomération en 2009 en région parisienne et en 2010 à Lille, la
décision a été annoncée de déployer, avant la fin 2011, les polices
d’agglomération de Lyon, Marseille et Bordeaux.
En définitive, au fur et à mesure de l’avancement des travaux de la
RGPP et des réunions des instances de décision, une fois passé le
rattachement organique de la gendarmerie nationale au ministère de
l’intérieur en 2009, l’extension de la zone de police autour de quelques
grandes agglomérations a pris progressivement le pas, parmi les mesures
visant une meilleure répartition des forces, sur l’objectif général d’un
redéploiement territorial police-gendarmerie énoncé en avril 2008. Ce
dernier n’a plus figuré que comme une conséquence de l’extension de la
police d’agglomération qui, au titre de l’équilibre à respecter entre les
deux forces, appelait en contrepartie le transfert en zone de gendarmerie
de certaines circonscriptions de sécurité publique.
B - Police d’agglomération et police des territoires
1 -
La police d’agglomération dans les grands bassins de
délinquance
Dans une lettre cosignée le 21 avril 2009, portant sur les priorités
gouvernementales en matière de sécurité publique, le Président de la
République et le Premier ministre ont demandé au ministre de l’intérieur
d’engager une réforme de l’organisation des forces prenant en compte la
nécessité d’une unité de commandement au niveau de l’agglomération.
Cette réforme devait, dans un premier temps, concerner l’agglomération
parisienne dans la logique du « Grand Paris » puis s’étendre aux autres
agglomérations sur la base d’une analyse des bassins de délinquance. Il a
ainsi été demandé au ministre de l’intérieur de procéder aux
expérimentations nécessaires et de présenter ses propositions d’ici la fin
de l’année 2009.
56
COUR DES COMPTES
a)
L’exemple de la police de l’agglomération parisienne
-
Un exemple peu transposable
La police d’agglomération parisienne a été inaugurée le 14
septembre 2009. Le préfet de police de Paris s’est vu confier l’autorité sur
33 000 policiers chargés de la sécurité des 6,4 millions d’habitants de
Paris et des départements de la petite couronne. Cette chaîne de
commandement unifiée à l’échelle de Paris et des départements de la
petite couronne doit permettre un meilleur emploi des moyens disponibles
et une efficacité accrue de l’action des services en matière de maintien de
l’ordre et de lutte contre la délinquance.
A une échelle différente, cette logique a été transposée à d’autres
agglomérations urbaines. Au cours des dernières décennies, les
transformations de l’espace urbain des grandes agglomérations, la
multiplication des équipements collectifs et des réseaux de transport,
l’amplification des flux de population entre les métropoles régionales et
leur banlieue ont dessiné de nouveaux bassins socio-économiques. Les
nouvelles facilités de déplacement bénéficient également aux délinquants
dans leurs entreprises délictueuses. Pour en tenir compte, les services de
sécurité doivent s’adapter en intégrant la logique d’agglomération.
Les mesures étudiées ont visé à renforcer la continuité des zones
d’intervention de la police nationale, contrariée par un découpage des
CSP devenu obsolète. Dans les agglomérations concernées, l’extension de
la zone de compétence de la police doit dégager des marges de manoeuvre
en vue d’une mutualisation accrue des services et de leurs moyens.
L’objectif est aussi d’unifier le dispositif de commandement dans chaque
grand bassin de délinquance.
Toutefois, la comparaison entre l’instauration de la police
d’agglomération dans de grandes villes de province avec la réforme mise
en oeuvre dans l’agglomération parisienne a une portée limitée. Cette
dernière en effet a consisté à unifier, à l’échelle de Paris et des
départements de la petite couronne, le commandement des services de
police chargés de la sécurité, sans opérations de redéploiement territorial
avec la gendarmerie, même si elle s’est traduite par une rationalisation
des implantations de cette dernière en Ile-de-France.
-
La réorganisation de la gendarmerie
Bien que n’étant pas territorialement compétente en matière de
sécurité publique à Paris et dans la petite couronne, la gendarmerie y
disposait de groupements départementaux. Elle a procédé à la dissolution
des quatre groupements, des brigades de recherches de Paris et des
LES REDEPLOIEMENTS ISSUS DE LA RGPP
57
départements de la petite couronne et de onze brigades territoriales. A la
place, elle a créé été un groupement de gendarmerie « interdépartemental
de Paris » (GGIP), disposant d'une seule brigade territoriale par
département (Paris-Exelmans, Nanterre, Bobigny et Créteil). Prise dans le
prolongement de l’instauration de la police d’agglomération parisienne,
cette mesure de rationalisation a permis de redéployer 342 emplois (ETP).
b)
La notion de bassin de délinquance
A partir du constat établi par la RGPP selon lequel l'utilisation et la
répartition des forces de sécurité sur le territoire n’étaient pas optimales,
il a été prévu d'adapter, à l'horizon 2012, les zones respectives
d'intervention de la police et de la gendarmerie. L'idée directrice
consistait à permettre à la police d'exercer ses compétences sur des
ensembles urbains plus vastes et plus cohérents, intégrant les zones
périurbaines, et de réserver à la gendarmerie la couverture des autres
parties du territoire, alors que les précédents redéploiements avaient eu
pour principal objectif de mettre un terme à des anachronismes
territoriaux avec des échanges compensés.
Dans cette optique, la priorité a été donnée à l'intégration en zone
de
police
des
communes
formant
le
prolongement
naturel
d'agglomérations importantes et appartenant à un même bassin urbain. A
l'inverse, quand cette condition n'était pas remplie et que le type dominant
de la délinquance ne correspondait plus aux modes d'organisation et de
fonctionnement de la police nationale, le transfert de certains territoires
en zone gendarmerie pouvait être envisagé.
Une étude cartographique menée par la direction centrale de la
police judiciaire (DCPJ) en mars 2009, a permis de distinguer les bassins
de délinquance les plus significatifs en s’appuyant sur les données
statistiques relatives au taux de délinquance pour mille habitants de
l’année 2008 et à la population française (hors Corse et outre-mer)
résultant du dernier recensement de 2006.
D’une part, l’étude a fait ressortir l’existence de quatre grands
bassins de délinquance : l’arc méditerranéen, les régions du Nord-Pas-de-
Calais, Rhône-Alpes et Ile-de-France. D’autres, plus restreints sont
apparus aux abords des grandes agglomérations comme Bordeaux et
Toulouse. Dans ces bassins, le taux de délinquance cumulé des deux
forces était compris entre 60 ‰ et 120 ‰ pour une moyenne nationale
estimée à 55,9 ‰, soit 77,6 ‰ en zone de police et 32,2 ‰ en zone de
gendarmerie.
58
COUR DES COMPTES
D’autre part, à partir de la base nationale STIC
32
, la DCPJ a
procédé à une analyse des lieux de résidence des auteurs d’infractions
commises au sein des CSP du département chef-lieu de ces régions dans
le but de déterminer la part de délinquance importée
33
en provenance de
la zone de gendarmerie ou d’autres CSP et la part de la délinquance
exportée
34
. L’étude en a conclu que les auteurs d’infractions demeurent le
plus souvent près des lieux de commission des faits, à l’exception notable
de Paris où 39 % des auteurs d’actes résident ailleurs en Ile-de-France
(68 % dans la petite couronne et 32 % dans la grande couronne).
2 -
La police des territoires en zone de gendarmerie
L’objectif pour la gendarmerie a été, en contrepartie de l’extension
de certaines grandes CSP, de modifier les contours de sa zones de
compétence pour la rendre plus cohérente, moins dispersée, gommer
certaines discontinuités et créer ainsi un contexte plus favorable à la mise
en oeuvre du nouveau concept de « police des territoires » dans les
espaces périurbains ou ruraux et le long des axes de communication.
La police des territoires poursuit, en dehors des grandes aires
urbaines, le même objectif que la police d’agglomération. Elle vise à
mieux répondre aux besoins de la population sédentaire ou de passage en
matière de sécurisation à la fois des territoires et des flux.
La DGGN insiste sur sa capacité éprouvée à s’adapter à des flux
importants de population, par exemple, sur la côte méditerranéenne l’été
ou en zone de montagne l’hiver. Elle estime que le modèle de la
gendarmerie est aussi applicable dans des villes moyennes de plusieurs
dizaines de milliers d’habitants en s’appuyant sur le dispositif des
communautés de brigades.
Parallèlement à l’extension de la zone de compétence de la police
dans quelques grandes aires urbaines, la gendarmerie pourrait reprendre
des CSP de petite taille, isolées au sein de sa propre zone de compétence,
voire des CSP chefs-lieux de département remplissant ces conditions. Des
réflexions ont été engagées en ce sens en 2008 entre la DGGN et la
DGPN pour proposer des échanges compensés en matière de zone de
compétence qui permettraient d’atteindre un équilibre en termes de
population, d’activité et d’effectifs.
32
STIC : système de traitement des infractions constatées par les services de police.
33
Localisation du lieu de domiciliation des auteurs d’infractions.
34
Localisation du lieu de constatation d’infractions commises par des mis en cause en
ZPN.
LES REDEPLOIEMENTS ISSUS DE LA RGPP
59
II
-
Le processus de décision
La Cour a analysé les conditions de la prise de décision concernant
l’extension de la police d’agglomération dans certaines capitales
régionales et les opérations de redéploiement police-gendarmerie
associées. Cette analyse vise à comprendre l’écart entre les objectifs
initiaux et les mesures finalement décidées.
A - Les propositions conjointes de la DGPN et de la
DGGN
À la demande du cabinet du ministre de l’intérieur, la DGPN et la
DGGN ont travaillé à partir de la mi-2007 à un nouveau projet de
redéploiement territorial entre la police et la gendarmerie. Il s’agissait
d’élaborer des hypothèses géographiques et calendaires d’échanges
croisés de communes, sans en référer à ce stade aux échelons locaux
(préfecture, DDSP, groupement départemental de gendarmerie).
A la suite de travaux menés entre leurs états-majors respectifs, les
deux directeurs généraux se sont accordés lors d’une réunion du
21 octobre 2008 sur une
« proposition de calendrier pour la 2
ème
vague de
réajustement des services territoriaux de la police et de la gendarmerie
nationales »
qui, en cinq étapes, s’échelonnait du premier semestre 2010
au premier semestre 2012.
Les opérations proposées à l’issue des travaux préparatoires ont été
déterminées dans le respect d’une contrainte d’équilibre, au plan national,
entre les effectifs dégagés et les effectifs redéployés par chacune des deux
forces. En revanche, l’échange compensé de population n’a été recherché
à aucun niveau, national, régional ou départemental.
Le choix a été fait de travailler prioritairement sur les
« plaques urbaines »
des agglomérations de
Lyon, Toulouse, Grenoble,
Bordeaux
et
Mulhouse
. La DGPN a proposé d’intégrer en priorité dans
ses CSP des communes formant des entités urbaines celles déjà couvertes
et présentant un taux de délinquance proche afin de permettre la
continuité de ses missions
35
. La DGGN a proposé que soient transférées
dans sa zone de compétence des CSP « isolées », d’une population
inférieure à vingt mille habitants, en vue
« d’une mise en cohérence des
zones responsabilités au sein de certaines régions ».
35
Article 8 du décret n°2005-1642 du 26 décembre 2005 portant création des
circonscriptions interdépartementales de sécurité publique.
60
COUR DES COMPTES
Tableau n° 10 : Propositions conjointes du DGPN et du DGGN (janvier 2009)
Extension de CSP
Transferts de CSP
1
er
semestre 2010
Toulouse (31)
: Villeneuve-Tolosane, Saint-Jean,
Ramonville-Saint-Agne,
Portet-sur-Garonne,
Plaisance-du-Touch,
La
Salvetat-Saint-Gilles,
L’Union, Cugnaux, Balma
Saint-Brieuc (22)
: Plérin
Saint-Gaudens
(31)
:
Saint-
Gaudens, Valentine, Miramont-de-
Comminges
Pamiers (09)
Castelsarrasin (82)
Graulhet (81)
Dinan (22)
2
ème
semestre 2010
Bordeaux
(33)
:
Saint-Médard-en-Jalles,
Le
Haillan, Eysines.
Castelnaudary (11)
Thouars (79)
: Thouars, Saint-
Jean-de-Thouars,
Saint-Jacques-
de-Thouars, Sainte-Verge
1
er
semestre 2011
Lyon (69)
: Tassin-la-Demi-Lune, Saint-Genis-
Laval,
Rillieux-la-Pape,
Genas,
Francheville,
Ecully, Chassieu.
Noeux-les-Mines (62)
: Hersin-Coupigny
Château-Thierry (02)
Ussel (19)
Coutances (50)
: Coutances, Saint-
Pierre-de-Coutances
Sarrebourg
(57)
:
Sarrebourg,
Buhl-Lorraine, Imling, Reding
Argentan (61)
2
ème
semestre 2011
Mulhouse-Wittenheim
(68)
:
Rixheim,
Richwiller, Illzach.
Héricourt (70)
Guebwiller (68)
1
er
semestre 2012
Grenoble (38)
: Sayssinet-Pariset, Sassenage,
Saint-Egrève, Meylan, Le-Pont-de-Claix
Albertville (73)
Briançon 05)
Pertuis (84)
LES REDEPLOIEMENTS ISSUS DE LA RGPP
61
A la demande de la DGPN, les CSP placées dans cette situation
mais ayant leur siège dans une ville chef-lieu de département n’ont pas
été concernées par ces propositions de transfert. Enfin, l’existence de
projets de construction de casernes, devenus irréversibles, a conduit à ne
pas retenir l’intégration des communes concernées en zones de police.
Ce travail a abouti en octobre 2008 à un accord des deux directeurs
généraux sur des propositions conjointes (tableau n°10, ci-dessus) qu’ils
ont transmises au ministre de l’intérieur par une lettre cosignée, datée du
19 janvier 2009 et demeurée sans suite.
Compte tenu des objectifs, critères de choix et contraintes
respectives des deux forces, ces travaux ont permis de définir cinq
groupes d’opérations se traduisant principalement par l’extension de la
zone de police dans les agglomérations de Toulouse, Bordeaux, Lyon,
Mulhouse et Grenoble.
Le projet, moins ambitieux que la vague de redéploiement des
années 2003 à 2006, représentait tout de même le transfert de 17 CSP à la
gendarmerie et l’intégration en zone de police de 29 communes à des CSP
existantes.
A ce stade, les directeurs généraux n’ont fait aucune proposition
pour une « police d’agglomération » à Marseille et à Lille ; il est vrai que
le DDSP du Nord préparait la fusion de la CSP de Lille avec celles de
Roubaix, Tourcoing et Armentières, fusion intervenue en février 2009
(
cf. infra
).
B - L’apparition de désaccords
La réflexion a repris au vu de l’étude réalisée par la DCPJ sur les
« bassins de délinquance » à la demande du DGPN (cf.
supra
). Cette
notion renvoyait à des zones dont les caractéristiques de la délinquance
sont proches et au sein desquelles on observe une relative mobilité des
auteurs.
A la demande du DGPN, le directeur du cabinet du nouveau
ministre de l’intérieur a réuni des représentants des deux directions
générales le 22 avril 2009 autour de la possibilité, à partir des analyses
sur les flux de délinquance de l’étude de la DCPJ, de développer une
police d’agglomération à
Lyon
,
Toulouse
et
Marseille
. A l’issue de cette
réunion, les contreparties exprimées en termes de CSP transférées en zone
de gendarmerie ont paru insuffisantes à la DGGN.
62
COUR DES COMPTES
Le 15 mai 2009, le directeur du cabinet du ministre a présidé une
nouvelle réunion élargie aux préfets de région concernés ainsi qu’aux
préfets délégués à la sécurité. Cette réunion n’a pas permis de lever les
points de désaccord portant en particulier sur l’importance réelle des flux
de délinquance dite « importée » ou « exportée » entre la ville-centre et
les communes périphériques susceptibles d’être intégrées en zone de
gendarmerie. La DGGN a mis en cause la démonstration développée par
la DGPN. De même, le préfet de la région Rhône-Alpes a exprimé un avis
défavorable sur l’extension de la CSP de Lyon arguant que la délinquance
enregistrée en zone de gendarmerie n’alimentait pas celle constatée à
Lyon. Le préfet de la région PACA a proposé que la CSP d’Arles
(comptant 53 058 habitants) soit transférée à la gendarmerie.
A l’issue de cette réunion, il a été demandé aux trois préfets de
région de produire, le 15 juillet 2009 au plus tard, un rapport sur la mise
en oeuvre d’une police d’agglomération à
Lyon, Marseille, Bordeaux
et
Lille
, précisant la démarche et le périmètre géographique retenus. Le
directeur de cabinet a en outre confié une mission conjointe à un
représentant de chaque force afin d’examiner plus précisément, par des
visites sur place dans les départements concernés, les contraintes,
notamment immobilières, des opérations envisagées.
Après l’envoi dans plusieurs ministères par un haut fonctionnaire
détaché auprès du DGPN d’une note du directeur de cabinet du ministre
de l’intérieur sur les réflexions en cours, des données confidentielles ont
fait l’objet d’une fuite auprès de la presse et, par suite, des élus locaux
concernés, suscitant leurs vives réactions et interrompant l’avancement
des travaux pendant six mois.
C - Les propositions des préfets de région
Des réunions de travail se sont tenues localement au second
semestre de 2009 sous l’égide des préfets afin de déterminer le périmètre
pertinent des polices d’agglomération dans les grandes villes retenues et
d’envisager les redéploiements nécessaires entre les zones de police et de
gendarmerie. Les préfets ont proposé le transfert de plusieurs communes
de la zone de compétence de la gendarmerie à celle de la police nationale
afin de définir un périmètre de police d'agglomération adapté aux
caractéristiques locales de la délinquance et, en contrepartie, le transfert
de CSP dans la zone de compétence de la gendarmerie.
LES REDEPLOIEMENTS ISSUS DE LA RGPP
63
1 -
La région Rhône-Alpes
Dans une note au ministre du 13 juillet 2009, le préfet de région a
fait des propositions (cf. annexe n°4) alimentées par des échanges avec le
DDSP du Rhône et le commandant du groupement départemental de
gendarmerie,
pour
mettre
en
place
une
police
d'agglomération
« ambitieuse », interdépartementale, avec une première étape pouvant être
engagée « très rapidement ».
Ces
propositions
formaient
un
projet
de
redéploiement
relativement ambitieux, notamment par le nombre de communes dont
l’intégration au sein de la police d’agglomération de Lyon était proposée,
neuf à court terme, dont quatre transferts (Rillieux-la-Pape, Ecully,
Feyzin , Chassieu) ne présentant pas de difficultés apparentes et cinq plus
délicats
(Jonage,
Irigny,
Saint-Genis-Laval,
Tassin-La-Demi-Lune,
Francheville) en raison d’investissements immobiliers récents ou en
cours.
Ce projet ne se contentait pas de répondre à une sollicitation de
court terme sur l’extension des polices d’agglomération, mais avait aussi
une dimension prospective en proposant, par exemple, le rattachement à
terme de la zone de l’aéroport de Lyon-Saint-Exupéry à la police
d’agglomération de Lyon.
Enfin, il ne manquait pas d’audace en proposant le transfert en
zone de gendarmerie d’une CSP de 50 000 habitants (Villefranche-sur-
Saône) alors que le seuil d’instauration du régime de police d’Etat restait
fixé à 20 000 habitants par le décret de septembre 1996. Ce transfert
présentait en effet l’avantage de permettre un équilibre local, en termes
d’effectifs, des opérations de redéploiement entre police et gendarmerie,
facilitant ainsi leur mise en oeuvre en matière de ressources humaines.
2 -
Les propositions du préfet de la région PACA
Les 3 et 25 juin 2009, le préfet de région a tenu deux réunions
associant le préfet délégué pour la sécurité et la défense de la zone Sud,
les représentants de la DGGN et de la DGPN, le DDSP des Bouches-du-
Rhône, le général commandant la région de gendarmerie PACA, le
colonel commandant le groupement de gendarmerie des Bouches-du-
Rhône, les représentants des préfectures du Gard et du Vaucluse.
A l’issue de cette concertation, il a transmis au ministre par une
note du 7 juillet 2009, un projet de police d'agglomération dans le
département des Bouches-du-Rhône. Ce projet (cf. annexe n°5),
largement inspiré par le nouveau DDSP nommé en 2009, s'établissait en
deux volets portant sur l'aire urbaine de Marseille et le secteur ouest du
64
COUR DES COMPTES
département. Il tenait compte des caractéristiques des bassins de
délinquance (zones de résidence des auteurs de délits et axes routiers
favorisant la mobilité des délinquants). Il avait un caractère départemental
et même au-delà puisqu’il s'étendait du nord de Marseille jusqu'à Pertuis
et se prolongeait vers l'ouest autour de l'étang de Berre. Il proposait
d’intégrer quinze nouvelles communes en zone de compétence de la
police nationale des Bouches-du-Rhône: quatorze transférées de la zone
de compétence de la gendarmerie dans les Bouches-du-Rhône et une de la
zone de police dans le département du Vaucluse
.
L’un des principaux enjeux de la police d’agglomération était le
passage des secteurs de Plan-de-campagne et de l’Etang-de-Berre en zone
de police. Dans la zone commerciale de Plan-de-campagne, située pour
un tiers en zone de police et pour deux tiers en zone de gendarmerie, la
coordination des deux forces était jugée non satisfaisante. Lors d’un
récent conflit social dans la zone commerciale, chaque force avait envoyé
des effectifs supplémentaires, mais un pilotage commun avait fait défaut.
Au minimum, il aurait fallu créer une implantation commune aux deux
forces, à la tête d’un dispositif mixte, mais cette proposition du DDSP
n’avait pas abouti.
Ainsi, le projet de police d'agglomération mis au point par le préfet
de la région PACA, sans analyse préalable à l’échelon central (Marseille
ne faisant pas partie des agglomérations étudiées en 2008 par la DGPN et
la DGGN) était encore plus ambitieux que celui du préfet de Rhône-
Alpes.
Il avait en effet un caractère départemental et même au-delà
puisque, en référence à la logique des bassins de délinquance, il visait à
étendre le territoire couvert par les services de la DDSP, le long de chacun
des axes d’urbanisation ou de déplacement autour de la ville-centre, en y
ajoutant quinze communes d’une population totale de 137 000 habitants :
vers l’est en direction d’Aubagne (Cassis et Carnoux), vers les quartiers
nord et la zone commerciale de Plan-de-Campagne (Septèmes-les-
Vallons, Cabriès et Bouc-Bel-Air), dans la direction d’Aix-en-Provence et
des Alpes (Puy-Sainte-Réparade, de Venelles et de Pertuis), autour de
l’étang de Berre (Rognac, Berre-l'Etang et Saint-Chamas) et, vers l’ouest,
le long de la Côte Bleue (Saussaies-les-Pins, Carry-le-Rouet, Ensues-la-
Redonne et du Rove). Il était ainsi projeté d’accroître de 17 % la
population de la zone de police marseillaise.
Parallèlement à la mise en place d’une police d'agglomération
autour de Marseille, le préfet de région proposait, en vue de
contrebalancer en partie la forte extension de la zone de police, de
transférer en zone de gendarmerie la CSP d’Arles, ce qui ne pouvait
manquer
de
soulever
quelques
objections :
d’une
part,
cette
LES REDEPLOIEMENTS ISSUS DE LA RGPP
65
circonscription de police avait un taux de délinquance plus élevé que la
moyenne enregistrée dans cette zone ; d’autre part, sa population était
nettement supérieure à 20 000 habitants.
3 -
Les propositions du préfet de la région Aquitaine
Dans un courrier du 6 juillet 2009, le préfet de région a estimé que
deux principes devaient sous-tendre le projet : d’une part, le renforcement
de la cohérence opérationnelle de la répartition des compétences entre les
deux
forces
et,
d’autre
part,
l’opportunité
de
rationnaliser
les
implantations de la gendarmerie à Libourne à l’occasion de la fermeture
de l’école des sous-officiers de la gendarmerie (ESOG).
En conséquence, il a proposé le transfert de la commune de
Libourne (24 200 habitants) en zone de gendarmerie car
« le maintien de
cette ville en ZPN ne se justifie plus par les caractéristiques de la
délinquance locale et surtout un tel schéma constitue un scénario idéal de
réaffectation de l’ESOG ».
Cette proposition pouvait se justifier par le relatif isolement
géographique (32 km de Bordeaux à Libourne) de la CSP de Libourne,
constituée
d’une
seule
commune,
connaissant
une
délinquance
essentiellement locale mais non négligeable (taux de 73 ‰ en 2008). Cet
isolement des autres services de sécurité publique dans le département ne
permettait pas à la DDSP de répondre, dans des conditions satisfaisantes,
à ses demandes occasionnelles de renforts, en matière de lutte contre la
délinquance ou l’insécurité routière. Outre les temps de trajets, l’efficacité
opérationnelle
des
policiers
envoyés
en
renfort
souffrait
d’une
connaissance limitée de la ville.
Par ailleurs, afin d’assurer une prise en compte plus cohérente et
unifiée de la communauté urbaine de Bordeaux (CUB), le préfet de
région a proposé d’intégrer dans le zone de police nationale les
communes d’Eysines (19 200 habitants), Le-Haillan (8 400 habitants),
Artigues-près-Bordeaux (6 500 habitants) et Bouliac (3 100 habitants).
Ces quatre communes ont connu une extension de leurs zones
d’habitat, industrielles et commerciales dans la continuité des villes de
l’agglomération bordelaise. La commune de Bouliac est limitrophe de
Floiriac déjà située en zone de police. Son transfert, associé à celui
d’Artigues-près-Bordeaux, devrait permettre de faire coïncider, à l’est, les
limites de la CUB avec celles de la zone de police et d’y inclure toute la
rocade bordelaise. De même, le transfert des communes d’Eysines et du
Haillan permettrait, à l’ouest, d’étendre la zone de police en y incluant
toute la rocade bordelaise.
66
COUR DES COMPTES
La commune de Bouliac a connu en 2009 un taux de délinquance
de 40,8 ‰. La BTA de Latresne à laquelle cette commune est rattachée y
consacre d’ailleurs une partie importante de son activité. Les taux de
délinquance d’Artigues-près-Bordeaux (38,7 ‰) et du Haillan (40,6 ‰)
sont voisins de celui de Bioulac ; celui d’Eysines est inférieur (28,9 ‰).
Dans trois des ces quatre communes, le taux de délinquance était
en 2009 plus élevé que le taux moyen constaté dans le département de
Gironde au sein de la zone de gendarmerie (36,1 ‰). Il paraissait
néanmoins
relativement
faible
par
comparaison
avec
ceux
de
Bordeaux (84,9 ‰), Cenon (75,4 ‰), Bègles (72,8 ‰) ou, par ailleurs, de
la CSP de Libourne (72,9 ‰) pourtant retenue pour être transférée en
zone de gendarmerie.
Le 16 juillet 2010, un an après l’envoi de son projet de redéfinition
des zones de compétence, le préfet de région a saisi à nouveau le cabinet
du ministre en insistant sur le fait que la fermeture de la brigade de
gendarmerie d’Eysines n’impliquait pas une implantation immobilière de
la police en lieu et place. Au contraire, cette dernière «
contredirait toute
la politique, mise en place localement, de fermeture des implantations
immobilières pour accentuer la présence sur la voie publique et capterait
des effectifs supplémentaires ».
Le préfet insistait sur le regroupement des
unités de gendarmerie à Libourne (compagnie, BTA, BR, PSIG,
logements) dans l’ancienne ESOG.
Dans la région Aquitaine, la formulation par le préfet de
propositions de développement de la police d’agglomération paraît avoir
été plus longue et difficile qu’en Rhône-Alpes ou PACA. Celles-ci ont
répondu davantage à une logique géographique que de bassins de
délinquance. Elles ont visé, en effet, à faire mieux coïncider les limites de
la zone de police bordelaise avec celles de la rocade encerclant la ville en
y intégrant quatre communes, d’une population totale de 41 200
habitants, marquées par un plus faible taux de délinquance. Par ailleurs,
comme les propositions formulées par les préfets de Rhône-Alpes et de
PACA, elles ont retenu, principalement pour un motif d’opportunité
immobilière (fermeture de l’école des sous-officiers), le transfert à la
gendarmerie d’une commune, Libourne, dotée d’une population (24 200
habitants) supérieure au seuil fixé par le décret de 1996.
Au total, ces propositions étaient quelque peu contradictoires avec
les
objectifs
assignés
à
la
police
d’agglomération
puisqu’elles
impliquaient un accroissement de 17 000 habitants de la population
LES REDEPLOIEMENTS ISSUS DE LA RGPP
67
couverte par les services de la DDSP mais une légère baisse, d’environ
300 faits
36
, de la délinquance enregistrée dans leur zone de compétence.
4 -
Les propositions du préfet de la région Nord-Pas-de-Calais
a)
La mise en place antérieure de la police d’agglomération de Lille
Décidée par arrêté du 13 février 2009, la fusion le 1
er
mars 2009
des CSP de Lille, Roubaix, Tourcoing et Armentières a conduit à la
création de la CSP Lille-Agglomération. L’objectif d’une telle fusion était
de corriger les conséquences préjudiciables au plan opérationnel du
morcellement et de la superposition des services dans l’agglomération
Lille-Roubaix-Tourcoing-Armentières, qui se traduisait par une chaîne de
commandement distendue, freinant le processus de décision, et engendrait
des charges de structure et de fonctionnement élevées. Cette réforme de la
structuration
des
services
de
sécurité
publique
à
l’échelle
de
l’agglomération devait permettre de mutualiser plus facilement l’emploi
des unités en fonction des besoins et de renforcer la présence policière sur
le terrain.
Le DDSP du Nord est devenu le commissaire central de Lille-
Agglomération, en mesure d’exercer un commandement unifié et
d’harmoniser les pratiques et les procédures au sein des nouvelles
divisions de Lille, Roubaix et Tourcoing, organisées selon une
architecture identique. Un nouvel hôtel de police regroupe désormais les
services de la DDSP, précédemment répartis sur plusieurs sites. Cette
réorganisation a été réalisée à effectifs constants. Des agents des
anciennes CSP ont été redéployés vers des structures départementales
37
qui
interviennent
dans
toute
la
circonscription
de
Lille-
Agglomération, petites communes comprises.
b)
Les propositions de mesures nouvelles
Le préfet de la région Nord-Pas-de-Calais a présenté au ministre de
l'intérieur, dans un courrier du 10 juillet 2009, un projet d’organisation de
la police d'agglomération portant sur l'ensemble de la région.
36
1759 faits de délinquance ont été enregistrés en 2009 à Libourne et 1 463 dans les
quatre communes d’Eysines, Le-Haillan, Artigues-près-Bordeaux et Bouliac.
37
Le CIC départemental de 120 fonctionnaires a ainsi absorbé les 80 éléments du CIC
de Lille, la sûreté départementale est passée de 40 à 82 fonctionnaires principalement
issus de la sûreté de Lille, un service départemental de nuit (SDN) de 47
fonctionnaires.
68
COUR DES COMPTES
Ce projet partait du constat selon lequel la continuité urbaine n'est
pas encore une réalité à l’échelle du Nord et du Pas-de-Calais, la
dynamique de la métropolisation ne justifiant pas dans l'immédiat la
création d'une zone de police commune aux deux départements. Il existe
des entités correspondant à des réalités sociologiques, économiques et
urbaines distinctes : le pôle lillois, en continuité de la frontière belge, et le
sillon du bassin houiller, orienté selon un axe est-ouest, à cheval sur le
Nord et le Pas-de-Calais. Certes, les grandes infrastructures de transport
se sont fortement développées entre les principaux bassins de vie
régionaux, renforçant la relation, selon un axe nord-sud, entre
l'agglomération lilloise et le bassin minier. À ce jour, cependant, la réalité
de la délinquance dans l'agglomération lilloise est davantage conditionnée
par la proximité de la Belgique. Seulement 6 % des délinquants
interpellés au premier semestre de 2009 dans le bassin de Lens
provenaient de l'agglomération lilloise.
En conséquence, le préfet de région s'est borné à formuler les
quatre propositions suivantes :
−
évaluer la création en février 2009 d'une police d'agglomération
à Lille à partir de la fusion des quatre CSP de Lille, Roubaix,
Tourcoing et Armentières ;
−
compléter l'effort de mutualisation en intégrant à la CSP de
Lille la circonscription de Bailleul, rattachée au district de
police de Dunkerque, dans le but d'améliorer les délais
d'intervention ;
−
engager une démarche de fusion des CSP constituant les
districts de l'ancien bassin houiller : comme dans le cas de
Lille, ces fusions permettraient d'optimiser les fonctions
administrative et d’état-major, l'organisation des permanences
et astreintes, et d'améliorer les capacités opérationnelles sur ces
territoires ;
−
procéder à une extension à la marge de la CSP de Lille en
résorbant l'enclave constituée par cinq communes (Quesnoy-
sur-Deûle, Deûlemont, Frelinghien, Verlinghem et Warneton),
situées
à
proximité
d’Armentières,
représentant
13 000
habitants, soit un peu plus de 1 % du total de la population de la
circonscription : cette opération ne pourrait être mise en oeuvre
que dans le cadre d'un échange compensé avec la gendarmerie
qui recevrait la CSP de Fourmies dans sa zone de compétence.
LES REDEPLOIEMENTS ISSUS DE LA RGPP
69
Au total, l'exemple du département du Nord montre que la
réorganisation des forces de sécurité publique selon une logique de police
d'agglomération peut passer tant par des opérations de redéploiement
territorial entre la police et la gendarmerie que par une mutualisation plus
poussée au sein même de la DDSP. Ainsi, la fusion de quatre CSP (Lille,
Roubaix, Tourcoing, Armentières), regroupant plus de deux millions
d'habitants, a permis notamment la mise en place d’une BAC à cette
échelle, une souplesse accrue dans l'affectation des personnels et la
suppression de certains doublons relatifs en particulier aux fonctions
support.
Compte tenu de la nouveauté de cette réforme de réorganisation, le
préfet de région n’a proposé en juillet 2009 que des mesures limitées de
modification du partage territorial entre la police et la gendarmerie.
D - Les positions de la DGPN et de la DGGN
1 -
La position du directeur général de la police nationale
Le directeur général de la police nationale a fait connaître son avis
sur les propositions des préfets de région, à la fin 2009 dans un courrier
commun concernant les agglomérations de Lyon, Marseille et Lille, et à la
mi-2010 en ce qui concerne celle de Bordeaux.
a)
L’extension de la zone de compétence de la police nationale
L’agglomération de Lyon
Le DGPN a approuvé la proposition du préfet de la région Rhône-
Alpes visant à intégrer neuf communes en zone de police (Rillieux-la-
Pape, Saint-Genis-Laval, Ecully, Tassin-la-Demi-Lune, Francheville,
Feyzin, Chassieu, Irigny et Jonage), d’une population totale de 130 400
habitants,
au
motif
qu’elles
présentent
pour
la
plupart
« des
caractéristiques de nature urbaine »
. Par exemple, Rillieux-la-Pape qui
compte près de 30 000 habitants présente un taux de délinquance de
55 ‰.
70
COUR DES COMPTES
Sur les neuf communes envisagées, six avaient d’ailleurs fait
l’objet d’un accord de transfert avec la DGGN dans le cadre du projet
commun de redéploiement transmis au cabinet du ministre le 19 janvier
2009
38
.
L’agglomération de Marseille
Le DGPN a aussi approuvé l'intégration en zone de police de
quatorze communes (117 800 habitants) des Bouches-du-Rhône ainsi que
celle de Pertuis (18 900 habitants) rattachée à la DDSP du Vaucluse. Il a
motivé son avis pour plusieurs d'entre elles : Rognac partage son tissu
urbain et industriel avec la ville de Vitrolles situé en zone de police ;
Cassis est située dans la continuité urbaine des CSP de Marseille,
Aubagne et La Ciotat ; Pertuis, bien située dans le département du
Vaucluse, appartient à la communauté d'agglomération du pays d'Aix-en-
Provence, toute son activité administrative et économique est tournée vers
les Bouches-du-Rhône et elle est régulièrement renforcée par des effectifs
de police d'Aix-en-Provence en raison d'éloignement d'Avignon (une
heure de route).
Le DGPN a également exprimé un avis très favorable sur le projet
de création d'une circonscription interdépartementale de sécurité publique
recouvrant les communes de Beaucaire (Gard) et de Tarascon (Bouches-
du-Rhône). Cependant, alors que le préfet des Bouches-du-Rhône
souhaitait le rattachement de cette nouvelle entité au département du
Gard, le DGPN a proposé son intégration à la DDSP des Bouches-du-
Rhône pour des raisons opérationnelles : en cas de renfort, ce sont
essentiellement les moyens des Bouches-du-Rhône et non du Gard qui
sont mobilisés.
L’agglomération de Lille
Le DGPN a également marqué son accord pour l'intégration en
zone de police, proposée par le préfet de la région Nord-Pas-de-Calais, de
cinq
communes
de
l'agglomération
lilloise
(Quesnoy-sur-Deûle,
Deûlemont, Frelinghien, Verlinghem, Warneton) d’une population totale
de 13 600 habitants. Il a relativisé le caractère modeste de ces
propositions de transfert au vu du caractère très urbanisé du département
et de la mise en oeuvre déjà bien avancé d'une police d'agglomération
38
En fait, la lettre commune du DGPN et DGGN, prévoyait l’extension de la CSP de
Lyon à sept communes : Rillieux-la-Pape, Saint-Genis-Laval, Ecully, Tassin-la-Demi-
Lune, Francheville, Genas et Chassieu, soit les neuf communes proposées par le préfet
moins Feyzin, Irigny et Jonage, et plus Genas.
LES REDEPLOIEMENTS ISSUS DE LA RGPP
71
avec la fusion de quatre circonscriptions (Lille, Roubaix, Tourcoing,
Armentières).
L’agglomération de Bordeaux
Le DGPN a exprimé un avis favorable, dans un courrier du 13 août
2010, sur le projet du préfet de la région Aquitaine, notamment sur
« l’inutilité de créer une structure immobilière dans la commune
d’Eysines ».
Toutefois, il a relevé que le transfert de la commune de
Libourne à la gendarmerie risquait de créer un précédent au regard des
critères du décret du 19 septembre 1996 puisque la CSP couvrait une
population de 24 200 habitants, supérieure au seuil de 20 000 habitants.
b)
Le transfert de CSP en zone de gendarmerie
En revanche, le DGPN a formulé un avis très défavorable sur les
propositions de transfert en zone de gendarmerie des CSP de
Villefranche-sur-Saône dans le Rhône et d'Arles dans les Bouches-du-
Rhône, formulée par les préfets de région en compensation de l'extension
des zones de police d'agglomération.
La CSP de Villefranche-sur-Saône
En ce qui concerne Villefranche-sur-Saône, le DGPN a motivé cet
avis défavorable en trois points :
−
Alors que les communes de Gleize (7 800 habitants), Limas
(4 400 habitants) et Arnas (3 200 habitants) avaient été
intégrées au sein de cette CSP en 2004 lors des opérations de
redéploiement réalisées entre la police et la gendarmerie, il
pouvait apparaître relativement incohérent, notamment aux
yeux des élus locaux concernés, de faire revenir ces trois
communes dans la zone de compétence de la gendarmerie.
−
Le taux de délinquance de la CSP de Villefranche-sur-Saône
(73 ‰ en 2008), nettement supérieur à la moyenne nationale
(55
‰) est plutôt caractéristique des zones urbaines.
−
La mobilité de la délinquance ne plaiderait pas pour transférer
cette circonscription en zone de gendarmerie. La délinquance
« importée » dans la CSP était de 40 % dont 15 % en
provenance de la ville de Lyon ; 57 % de la délinquance
« exportée » (habitants de la circonscription ayant commis au
moins une infraction à l'extérieur) concernait la ville de Lyon.
Par conséquent, selon le DGPN, l’enclavement de Villefranche-
sur-Saône en zone de gendarmerie mis en avant par le préfet du
Rhône, était sans doute réel d'un point de vue strictement
72
COUR DES COMPTES
géographique mais nettement moins en termes de flux de
délinquance.
La CSP d’Arles
Le DGPN a employé des arguments analogues pour rejeter la sortie
de cette circonscription de sa zone de compétence.
−
En application d'un protocole du 23 juillet 1986, les services de
la sécurité publique prennent en charge 98 % de la population
résidant en secteur urbain et la gendarmerie, qui couvre la
partie rurale de la commune, seulement 2 %.
−
La CSP d'Arles connaît un taux de délinquance (73 ‰ en 2008)
caractéristique des zones urbaines.
−
L'étude de l'origine des auteurs d'infractions commises à Arles
montre que ceux-ci provenaient en grande partie (50 % de la
délinquance importée) des autres CSP du territoire et que la
commune d'Arles est donc plutôt située dans un bassin de
délinquance urbain.
Le seuil d’instauration du régime de police d’Etat
Le DGPN a exprimé sa vive opposition à la proposition formulée
par la DGGN de relever à 50 000 habitants le seuil d’instauration du
régime de police d’Etat, mesure de portée générale nécessaire pour
transférer les CSP d'Arles (53 000 habitants) et de Villefranche-sur-Saône
(49 600 habitants dont 34 600 dans la seule commune-centre). Il a détaillé
les difficultés soulevées selon lui par la modification des dispositions du
décret du 19 septembre 1996 qui subordonne l'instauration du régime de
la police d'État à deux conditions cumulatives : les caractéristiques de la
délinquance des zones urbaines et populations communales supérieures à
20 000 habitants.
La position de la DGPN repose sur les arguments suivants :
−
la part importante des CSP de moins de 50 000 habitants,
environ 40 %, soit 167 sur 418
39
;
−
la mise en concurrence de la police et de la gendarmerie
nationales pour la prise en charge de la police d'agglomération
39
Nombre total de CSP intégrant celles des départements de la petite couronne
parisienne transférés sous l’autorité du préfet de police de Paris en septembre 2009.
La gendarmerie n’exerce plus aucune mission de sécurité publique dans ces
départements.
LES REDEPLOIEMENTS ISSUS DE LA RGPP
73
si la gendarmerie venait à être compétente dans les communes
de plus de 50 000 habitants ;
−
le risque que l'article 1
er
du décret de 1996, selon lequel les
communes chefs-lieux de département sont placées sous le
régime de la police d'État, soit lui aussi remis en cause dans la
mesure où beaucoup de ces communes ont moins de 50 000
habitants (et même moins de 20 000 habitants comme Foix,
Mende, Privas, Guéret, Tulle, Digne-les-Bains) ce qui aurait
pour conséquence potentielle de placer vingt-six départements
dans le champ unique de la gendarmerie nationale ;
−
le statut des officiers du ministère public : la loi n’a pas prévu
l'intervention d'un officier de gendarmerie pour remplir la
fonction d'officier du ministère public ;
−
la remise en cause de la compétence nationale reconnue à la
DCSP
en
matière
d'information
générale :
les
services
départementaux de l'information générale (SDIG), qui sont
rattachés aux DDSP, assurent leur mission d'information sur
toute l'étendue du département et, à l’échelon central, la sous-
direction de l’information générale est chargée de le faire pour
l’ensemble du territoire ;
−
enfin, la disparition du caractère national de la police si elle
n'est plus présente dans l'ensemble des départements.
c)
La compensation non nécessaire des échanges entre les deux forces
Selon le DGPN, les transferts de CSP en zone de gendarmerie,
proposés dans le cadre de l'accord conclu entre les deux directeurs
généraux à la fin de 2008, pouvait permettre de compenser intégralement
les opérations d'extension de la zone de police dans les agglomérations de
Lyon, Marseille et Lille. Ces dernières engendraient un accroissement de
261 000 habitants de la population prise en charge par la police nationale,
répartie dans 28 communes. La population totale des 17 CSP, dont le
transfert en zone de gendarmerie avait été
proposé par les deux directeurs
généraux dans leur lettre commune de janvier 2009, s’élevait à environ
236 000 habitants.
Cependant, la recherche d'une compensation équilibrée des
échanges croisés entre les deux forces ne devait pas constituer, selon le
DGPN, un facteur de blocage des opérations de redéploiement. En
l'absence d'équilibre national, il lui apparaissait cohérent de transférer des
emplois de la DGGN à la DGPN compte tenu de la suppression
programmée de 8 000 ETPT d'ici la fin de 2011.
74
COUR DES COMPTES
En résumé, le directeur général de la police nationale a exprimé un
avis favorable sur les propositions formulées par les préfets d’extension
de la zone de compétence des services de la sécurité publique dans la
périphérie des agglomérations de Lyon, Marseille et Bordeaux, y compris
quand elles avaient un caractère ambitieux au regard du nombre de
communes visées.
En revanche, il a exprimé sa réticence (Libourne) ou sa franche
hostilité
(Arles,
Villefranche-sur-Saône)
sur
les
opérations
de
redéploiement touchant des CSP de plus de 20 000 habitants au nom d’un
strict attachement au seuil de population prévu par les textes en vigueur
pour l’instauration du régime de police d’Etat.
2 -
La position du directeur général de la gendarmerie nationale
Le DGGN a fait connaître par une note au ministre du 28 août
2009 son avis sur les propositions transmises par
les préfets des régions
Rhône-Alpes, PACA et Nord-Pas-de-Calais relatives à la mise en oeuvre
de la police d'agglomération autour des villes de Lyon, Marseille et Lille.
Son avis sur le projet d’agglomération de Bordeaux dont l’élaboration a
été plus longue n’est venu qu’en juillet 2010.
Le DGGN a approuvé l'économie générale des propositions des
préfets, cohérentes, selon lui, avec les concepts de police d'agglomération
et de police du territoire. Il a jugé que ces réorganisations, envisagées à
court ou moyen terme, répondaient au besoin de rationaliser l’action de la
police nationale à l’intérieur de périmètres plus larges correspondant au
bassin de délinquance. Toutefois, l’objectif premier était pour lui d'obtenir
des dispositifs plus homogènes tant en zone de police qu’en zone de
gendarmerie.
Le DGGN a donc défendu, dans sa note au ministre, la nécessité de
préserver les «
grands équilibres
» entre la police et la gendarmerie en
termes d'effectifs, de population et d’activité, et donc d'aller au-delà des
propositions formulées par les préfets. Il a ainsi prôné la prise en charge
par la gendarmerie des CSP « isolées » et éloignées de toute capacité de
renforcement. Ses propositions ont visé une meilleure compensation par
la reprise complémentaire de CSP, y compris de certaines dépassant le
seuil de 20 000 habitants. Sur ce point, il a d’ailleurs rappelé au ministre
les travaux menés en commun avec le DGPN en 2008 qui avaient conduit
les deux directeurs généraux à lui proposer de nouveaux redéploiements
par lettre commune du 19 janvier 2009.
De plus, le DGGN a affirmé que les propositions des préfets de
confier à la gendarmerie nationale les missions de sécurité publique dans
des
villes
moyennes
telles
que
Villefranche-sur-Saône
et Arles
LES REDEPLOIEMENTS ISSUS DE LA RGPP
75
confirmaient pleinement son analyse selon laquelle
« il est désormais
nécessaire de faire évoluer vers 50 000 habitants le seuil d’établissement
du régime de police d’Etat prévu par le décret
[du 19 septembre 1996]
.
Cette évolution ne présente pas de difficulté particulière pour la
gendarmerie ».
Enfin, l’équilibre entre les opérations de redéploiements favorables
à la police ou à la gendarmerie, selon les cas, devait être envisagé au
niveau régional afin de faciliter, au sein de chaque force, les mouvements
des personnels et de leur famille.
a)
La police d'agglomération de Lyon
Le DGGN a émis un avis favorable au transfert à la police
nationale des communes de Chassieu, Rillieux-la-Pape, Feyzin et Écully,
en vue de mettre en place de la police de l’agglomération lyonnaise,
accompagné, comme proposé par le préfet de la région Rhône-Alpes, de
la reprise par la gendarmerie de la CSP de Villefranche-sur-Saône (49 000
habitants).
Dans l’hypothèse envisagée par le préfet où l’opération porterait en
outre sur cinq autres communes (Jonage, Francheville, Tassin-la-Demi-
Lune, Irigny et Saint-Genis-Laval), représentant une population totale de
63 800 habitants, le DGGN a proposé, dans le but de remédier aux
déséquilibres qui en résulteraient entre les deux forces, le transfert
complémentaire
des
CSP
isolées
de
Voiron
(20 700
habitants),
Montbrison
(18 100
habitants)
et Albertville
(18 000
habitants),
rassemblant au total 56 800 habitants.
b)
La police d'agglomération de Marseille
Le DGGN a approuvé douze des quatorze transferts de communes
en zone de police (Cassis, Carnoux-en-Provence, Septèmes-les-Vallons,
Cabriès, Bouc-Bel-Air, Rognac, Berre-l’Etang, Saint-Chamas, Sausset-
les-Pins, Carry-le-Rouet, Ensues-la-Redonne et le Rove) proposés par le
préfet de la région PACA, représentant une population totale de 104 200
habitants. Il a néanmoins appelé l'attention du ministre sur l’urgence
d’une décision concernant la commune de Berre-l’Etang où le projet de
construction d'une caserne de gendarmerie était engagé, le choix de
l'architecte devant avoir lieu en septembre 2009.
En revanche, il a émis un avis défavorable au transfert en zone de
police des communes de Venelles et Le-Puy-Saint-Réparade en extension
de la CSP d'Aix-en-Provence au nord pour faire jonction avec la CSP de
Pertuis au motif que la
« physionomie »
de ces communes s'inscrivait en
76
COUR DES COMPTES
cohérence avec la zone de gendarmerie. Il a repris sur ce point les termes
du rapport du préfet selon lequel Le-Puy-Sainte-Réparade (5 200
habitants)
« présente les caractéristiques d'une commune rurale »
tandis
que Venelles (8 400 habitants)
« est considérée comme la banlieue d'Aix-
en-Provence et tend à se développer »
. En outre, la commune du Puy-
Sainte-Réparade se situe sur l'itinéraire spécial destiné à transporter les
composants du projet ITER pour lequel le commandement unique des
opérations relève du commandant du groupement de gendarmerie des
Bouches-du-Rhône. Le DGGN a aussi observé que cette opération allait à
l’encontre des travaux conjoints formalisés par sa lettre commune avec le
DGPN du 26 janvier 2009.
Enfin, le DGGN a approuvé le projet de transfert de la commune
d'Arles (52 400 habitants) en zone de gendarmerie.
Toutefois, il a noté que le projet du préfet n'était globalement pas
compensé, au détriment de la gendarmerie, en termes de population,
d'activité et de répartition des effectifs. En conséquence, il a proposé que
celle-ci se voie transférer deux autres CSP, celles de Pertuis (18 900
habitants) et de Manosque (21 200 habitants) également identifiée comme
« isolée » par rapport aux autres services territoriaux de la DCSP.
La reprise par gendarmerie des CSP d'Arles, Pertuis et Manosque,
regroupant au total 92 500 habitants, équilibrerait les échanges entre les
zones de police et de gendarmerie.
c)
La région Nord-Pas-de-Calais
Concernant les opérations envisagées pour 2010, le DGGN a émis
un avis favorable à la reprise de la CSP de Fourmies en compensation de
l’intégration à la CSP de Lille des communes de Quesnoy-sur-Deûle,
Deûlemont, Frelinghien, Verlinghem et Warneton, situées à proximité
d’Armentières.
Comme cette opération de redéploiement provoquerait un
déséquilibre en termes d'effectifs, il a proposé en outre le transfert en
zone de police de la commune de Hersin-Coupigny (6 300 habitants),
dans le Pas-de-Calais, par extension de la CSP de Noeux-les-Mines. Cette
extension figurait déjà dans les propositions conjointes de redéploiement
adressées au ministre le 19 janvier 2009 par le DGGN et le DGPN.
À l'échéance d'une dizaine d'années, le DGGN a aussi émis un avis
favorable au transfert en zone de police nationale des 93 communes
situées dans l’aire interstitielle entre les CSP de Lille, Lens et
Valenciennes, rassemblant une population totale de 210 500 habitants.
Toutefois, afin de se rapprocher de l’objectif de compensation
LES REDEPLOIEMENTS ISSUS DE LA RGPP
77
quantitative des effectifs et des populations transférés entre les deux
zones, il a proposé que soient reprises par la gendarmerie les
circonscriptions de Cambrai (48 300 habitants) et de Saint-Omer (48 900
habitants) en sus de celles de Bailleul (13 600 habitants), Hazebrouck
(21 100 habitants), Le Touquet (5 500 habitants) et Berck (19 100
habitants), l’ensemble représentant une population totale de 156 600
habitants.
d)
La police d’agglomération de Bordeaux
Le 5 juillet 2010, le DGGN a donné son accord sur le projet
proposé par le préfet de la région Aquitaine, mais a attiré l’attention du
ministre sur le fait que la réinstallation de la gendarmerie à Libourne sur
le site de l’ESOG qu’elle venait de quitter exigerait des financements
importants (25 M€ au titre des logements pour l’ensemble des gendarmes
y compris ceux déjà sur place et 1,4 M€ pour les locaux de service).
En résumé, le DGGN n’a que peu contesté les propositions
initiales d’extension de la zone de police autour des agglomérations de
Lyon, Marseille et Bordeaux. Toutefois, il a plaidé, au nom de la
recherche d’une plus grande continuité territoriale, pour le transfert dans
sa zone compétence de CSP de plus de 20 000 habitants, et même de plus
de 50 000 habitants, dès lors qu’elles sont isolées et éloignées de toute
capacité de renforcement. Il a également défendu le principe d’une
compensation au niveau régional plutôt que national des mouvements de
population entre les deux forces.
E - Les décisions ministérielles
Après la transmission au ministre de l’intérieur, en juillet 2009, des
propositions des préfets de région de Rhône-Alpes, PACA, Nord-Pas-de-
Calais et Aquitaine, une réunion présidée par son directeur de cabinet
s’est tenue le 3 novembre en leur présence ainsi que celle du DGPN et du
DGGN. Par la suite, le ministre leur a fait connaître par des notes datées
du 30 novembre 2009 la
« première série de décisions »
tirées de ces
travaux.
1 -
L’agglomération de Lyon
Le ministre a entériné la proposition du préfet de région de
rattacher à la CSP de Lyon les quatre communes limitrophes de Feyzin,
Rillieux-la-Pape, Chassieu et Ecully,
« totalement parties prenantes du
bassin de délinquance du grand Lyon »
, soit un accroissement de
seulement 6 % de la population couverte par les services de police. Les
78
COUR DES COMPTES
compensations pour la gendarmerie devaient en être trouvées dans la
région Rhône-Alpes avec, notamment, le transfert des CSP de Voiron
(Isère), Montbrison (Loire) ou Albertville (73).
Ces opérations de redéploiement étaient présentées comme une
première étape.
« Sans nécessairement préjuger de l’avenir, cinq autres
communes (Jonage, Irigny, Saint-Genis-Laval, Francheville, Tassin-la-
Demi-Lune)
pourraient,
à
terme,
s’inscrire
dans
cette
logique
d’agglomération. »
Dans cette perspective, le ministre a donné instruction
au préfet de lui transmettre des propositions en vue de renforcer
rapidement la coopération opérationnelle entre les CSP de Lyon et les
brigades de gendarmerie de ces communes.
En fait, il apparaît
a posteriori
, que l'exclusion de certaines
communes dont l'intégration en zone de police avait été initialement
envisagée a été justifiée par des raisons matérielles, comme la
construction
en
projet
de
nouvelle
casernes
de
gendarmerie
à
Francheville, Irigny et Saint-Genis-Laval, alors qu'il n'était pas prévu
d'implanter un commissariat ou même une antenne de proximité dans ces
communes.
2 -
L’agglomération de Marseille
Le ministre a validé l’intégration de douze communes situées en
zone de gendarmerie sur les quatorze de l’aire marseillaise figurant dans
les propositions du préfet de région : Cassis, Carnoux-en-Provence,
Septèmes-les-Vallons, Cabriès, Bouc-Bel-Air, Rognac, Berre-l’Etang,
Saint-Chamas, Le Rove, Ensuès-la-Redonne, Carry-le-Rouet, Sausset-les-
Pins. Cette importante extension de la zone de police devait permettre
« d’assurer une véritable continuité territoriale dans l’action menée à
l’échelle du bassin de délinquance, tant le long de la Côte Bleue que sur
le pourtour de l’Etang de Berre »
.
Dans une même logique de continuité territoriale au-delà des
frontières administratives, il a été décidé la fusion des CSP de Tarascon
(Bouches-du-Rhône) et de Beaucaire (Gard).
Le ministre a limité les transferts en zone de gendarmerie aux CSP
de Port-Saint-Louis-du-Rhône, au sud-est d’Arles, et de Pertuis dans le
département du Vaucluse. Cette décision s’est écartée fortement des
propositions du préfet : la CSP de Port-Saint-Louis-du-Rhône n’y figurait
pas ; quant à celle de Pertuis, il avait proposé de la maintenir en zone de
police tout en la rattachant à la DDSP des Bouches-du-Rhône.
LES REDEPLOIEMENTS ISSUS DE LA RGPP
79
Comprise dans l’arrondissement d’Arles, Port-Saint-Louis-du-
Rhône (8 500 habitants) est située à l'embouchure du Rhône et constitue
également la limite ouest du Grand Port Maritime de Marseille. Du fait de
sa situation géographique, elle est totalement isolée des autres zones
urbaines placées sous la compétence de la police nationale. Avec 416 faits
recensés en 2007 par la police nationale, soit un taux de délinquance de
48 ‰, elle se situe dans la moyenne de la zone de gendarmerie nationale
des Bouches-du-Rhône. Curieusement, alors que le transfert de la CSP de
Port-Saint-Louis-du-Rhône
répondait
aux
critères
habituellement
employés, le préfet ne l’avait pas proposé.
Enfin, le ministre n’a pas approuvé le transfert de la CSP d’Arles.
Sans être définitif, il a indiqué qu’il suggérait de
« maintenir le statu quo
mais de revoir les limites de compétences entre la police et la
gendarmerie »
, une enclave située en zone de gendarmerie au nord de la
commune pouvant être intégrée en zone de police.
La gendarmerie ne trouvant pas, au niveau régional, une exacte
compensation en termes d’effectifs, le ministre a demandé au préfet
d’expertiser d’autres possibilités,
« tout en retenant d’ores et déjà, le
transfert à la gendarmerie de la CSP de Briançon (Hautes-Alpes) »
.
Par une note du 14 avril 2010, le préfet de région a attiré l’attention
du ministre sur l'incompréhension suscitée par le projet d'agglomération
parmi les élus. Les maires restaient attachés à leur interlocuteur (police ou
gendarmerie) en matière de sécurité publique et croyaient discerner dans
les opérations envisagées la volonté de réduire les moyens prévus sur le
territoire de leur commune. Du côté des responsables des services de
police, le projet était apprécié, mais il était ressenti comme un désaveu du
côté de ceux de la gendarme départementale.
Ainsi, le préfet de région a proposé de réduire le projet de police
d’agglomération au seul transfert des communes de Septèmes-les-
Vallons, Cabriès et Bouc-Bel-Air. Il a ajouté le basculement de la
commune de La Ciotat en zone de gendarmerie pour assurer une
continuité
de
compétence
malgré
la
construction
du
nouveau
commissariat de La Ciotat en cours à cette époque. Le 3 mai 2010, le
cabinet du ministre a informé le préfet de région que sa proposition
d’intégration de La Ciotat n’était pas retenue.
Dans sa réponse au ministre, datée du 12 mai 2010, le préfet de
région a pris acte de la réduction du projet de police d’agglomération de
Marseille au basculement des communes de Cabriès et Septèmes-les-
Vallons. Il l’a informé que l’intégration des sept communes de la Côte
bleue ne présentait pas un grand intérêt, nécessitait des gros moyens et
80
COUR DES COMPTES
suscitait une ferme opposition des élus. De plus, deux projets de casernes
de gendarmerie, dont le plus avancé à Berre-l'Etang posait un problème.
Le 23 juillet 2010, le ministre a demandé au préfet de région une
étude complémentaire approfondie sur les avantages et inconvénients du
transfert en zone de police de la commune de Bouc-Bel-Air. Par note du
12 novembre 2010, il a informé le DGPN, le préfet de région et le général
commandant la région de gendarmerie PACA de sa décision de la
maintenir en zone de gendarmerie.
Le préfet de région a indiqué au ministre par une note du 6
décembre 2010 que le transfert en zone de police des communes de
Cabriès et Septèmes-les-Vallons ne suscitait plus, selon lui, de réaction
négative des élus locaux. La réussite de cette opération ne tenait plus
désormais qu’à l’attribution de moyens suffisants en effectifs, estimés à
soixante gradés et gardiens de la paix, et en crédits de fonctionnement et
d’équipement, évalués à 1,3 M€.
3 -
L’agglomération de Lille
Dans une note du 30 novembre 2009 au préfet de région, le
ministre lui a indiqué qu’il écartait sa proposition, pourtant approuvée par
le DGPN et le DGGN, d’intégrer dans la CSP de Lille-agglomération les
communes de Verlinghem, Quesnoy-sur-Deûle, Deûlemont, Frelinghien
et Wartenon. En revanche, il a décidé l’absorption par la CSP de Lille de
la circonscription de Bailleul qui dépendait du district de Dunkerque.
En outre, il a adopté des mesures de rationalisation des
implantations territoriales de la DDSP du Nord : fusion des CSP de
Dunkerque et Gravelines ; fusion des CSP de Maubeuge, Aulnoye-
Aymeries et Jeumont ; transformation en CSP du district de Douai (CSP
de Douai, Somain et Aniche) et du district de Valenciennes (CSP de
Valenciennes, Denain, Condé-sur-Escault et Saint-Amant-les-Eaux).
Les seules décisions relatives au partage territorial entre police et
gendarmerie, ont concerné le transfert en zone de gendarmerie de la CSP
de Fourmies, isolée au sud du département du Nord, et l’extension de la
CSP de Noeux-les-Mines (Pas-de-Calais) à la commune de Hersin-
Coupigny (6 265 habitants), cette mesure faisant partie des propositions
communes des deux directeurs généraux du 19 janvier 2009.
Afin de mettre en oeuvre l’ensemble de ces décisions dès le début
de l’année 2010, le ministre a demandé aux préfets d’engager sans tarder
la concertation avec les élus locaux concernés ainsi qu’avec les autorités
judiciaires.
LES REDEPLOIEMENTS ISSUS DE LA RGPP
81
Le directeur de cabinet a notifié au DGPN par une note du 14 juin
2010 l’instruction d’engager les opérations de transfert de la CSP de
Fourmies (Nord) et d’intégration en zone de police celles de Hersin-
Coupigny ainsi que de Marck également située dans le Pas-de-Calais.
4 -
L’agglomération de Bordeaux
Le 8 novembre 2010, le ministre de l’intérieur a validé les
propositions préfectorales relatives à l’agglomération de Bordeaux. La
population supplémentaire intégrée en zone de police représente 15 000
habitants, soit seulement une extension de 1,3 %.
5 -
Une réforme finalement d’ampleur limitée
L’année 2010 s’est donc traduite par une forte réduction de
l’ampleur des projets de police d’agglomération de Lyon, Marseille et
Lille, formulés par les préfets de région et approuvés par le DGPN et le
DGGN. Les décisions ministérielles ont finalement porté, pour les quatre
agglomérations concernées, sur le transfert en zone de police de
seulement douze communes. Ces transferts devaient intervenir entre le 1
er
juillet et le 1
er
septembre 2011.
Tableau n° 11 : Transferts de la zone de gendarmerie à la zone de police
Communes intégrées en zone de police
Nombre
d’habitants
Date de mise en oeuvre
HERSIN-COUPIGNY
6 300
Région Nord-Pas-
de-Calais
MARCK
9 000
01/07/11
FEYZIN
9 500
03/01/11
RILLIEUX-LA-PAPE
29 600
01/08/11
ECULLY
18 200
01/07/11
Agglomération de
Lyon
CHASSIEU
9 300
01/07/11
SEPTEMES-LES-VALLONS
10 400
Agglomération de
Marseille
CABRIES
8 300
01/08/11
ARTIGUES-PRES-BORDEAUX
6 500
LE HAILLAN
8 400
BOULIAC
3 100
Agglomération de
Bordeaux
EYSINES
19 200
01/09/11
Population totale intégrée en zone de police
138 000
Source : Cour des comptes à partir de données du ministère de l’intérieur
82
COUR DES COMPTES
En contrepartie, les communes de sept CSP devaient être
transférées en zone de gendarmerie.
Tableau n° 12 : Transferts de la zone de police à la zone de gendarmerie
Départements
CSP transférées en zone de
gendarmerie
Nombre d’habitants
Date de mise en oeuvre
Nord (59)
FOURMIES
13 900
19/04/11
Loire (42)
MONTBRISON
14 600
01/08/11
Ardèche (7)
ANNONAY
17 500
01/08/11
Vaucluse(84)
PERTUIS
18 900
01/08/11
Bouches-du-
Rhône (13)
PORT-SAINT-LOUIS-DU-
RHONE
8 500
01/08/11
Gironde (33)
LIBOURNE
24 200
01/09/11
Tarn (81)
GRAULHET
12 600
01/08/11
Population totale intégrée en
zone de gendarmerie
110 000
Source : Cour des comptes à partir de données du ministère de l’intérieur
Le refus de transférer à la gendarmerie nationale les CSP d’Arles et
de Villefranche-sur-Saône, CSP de plus de 20 000 habitants, répond au
critère traditionnel de la population. Néanmoins, le ministre a décidé de
transférer la CSP de Libourne (24 200 habitants). Par rapport à un autre
critère traditionnel, celui de l’intensité de la délinquance, la CSP de
Pertuis a été également transférée, en dépit d’un taux de délinquance
élevé (72 ‰) au regard du niveau moyen enregistré en zone de
gendarmerie.
Divers autres critères ont dû être pris en compte pour écarter
certaines propositions : la construction récente ou programmée de
casernes de gendarmerie sans utilité dans les communes susceptibles
d’être intégrée en zone de police ; l’opposition de certains élus ; la
difficulté de trouver un nombre suffisant de CSP transférable en zone de
gendarmerie pour parvenir à la compensation, au plan national, des
mouvements, internes à chaque force, des effectifs et des populations
couvertes.
Cependant, s’agissant de l’opposition assez fréquente des élus
locaux concernés par les opérations de redéploiement, la concertation
dont ont été chargés les préfets a pu conduire, selon les cas, à en tenir
compte en renonçant à un grand nombre des opérations envisagées, par
LES REDEPLOIEMENTS ISSUS DE LA RGPP
83
exemple dans les Bouches-du-Rhône, ou bien à poursuivre néanmoins
rendant alors nécessaire le recours à un décret en Conseil d’Etat pour
passer outre l’avis défavorable des conseils municipaux.
Enfin, les raisons du rejet des propositions d’intégration dans la
CSP de Lille des communes de Verlinghem, Quesnoy-sur-Deûle,
Deûlemont, Frelinghien et Wartenon demeurent inconnues.
III
-
La mise en oeuvre des opérations de
redéploiements
A - L’extension de la zone de police
1 -
L’agglomération de Lyon
En juillet 2010, l’intégration en zone de police des communes de
Feyzin,
Chassieu et Ecully était programmée au 1
er
janvier 2011 et celle
de Rillieux-la-Pape au 1
er
juillet. De fait, l’extension de la police
d’agglomération a été mise en oeuvre avec six mois de retard.
Le 30 juillet 2010, en application de l’article R.2214-2 du code
général des collectivités territoriales, le ministre de l’intérieur a saisi le
ministre de budget en vue d’obtenir son accord sur le projet de décret en
Conseil d’Etat instaurant le régime de police d’Etat sur le territoire des
trois
communes
du
Rhône
(Chassieu,
Ecully,
Rillieux-la-Pape),
instauration sur laquelle les conseils municipaux avaient émis un avis
défavorable
40
. Le Conseil d’Etat a été saisi le 25 octobre 2010 pour avis
sur ledit projet de décret, mais il n’a pas pu examiner ce texte avant de
connaître l’accord du ministre du budget, qu’il n’a donné que le 6 janvier
2011, plus de six mois après avoir été saisi. C’est pourquoi, le transfert en
zone de police des communes de Chassieu et Ecully a dû être reporté au
17 juillet 2011, juste avant celle du 1
er
août programmée pour Rillieux-la-
Pape. En revanche, l’opération a pu avoir lieu dès le 3 janvier 2011 à
Feyzin dont le conseil municipal avait émis un avis favorable.
40
Le ministre du budget a été saisi simultanément d’un projet décret en Conseil d’Etat
concernant la commune de Fourmies (Nord) où le conseil municipal a émis un avis
défavorable à la suppression du régime de police d’Etat.
84
COUR DES COMPTES
a)
Les engagements ministériels sur les effectifs
Les décisions ministérielles relatives à l’organisation et aux
effectifs sont différentes selon les communes intégrées à la DDSP de
Lyon.
Le rattachement de la commune de
Rillieux-la-Pape
(29 600
habitants) à la CSP de Lyon, programmé au 1
er
août 2011, devait donner
lieu à la création d’un commissariat subdivisionnaire. La commune
d’Ecully
(18 200 habitants) devait être dotée d’un commissariat de
secteur, rattaché au commissariat subdivisionnaire du 9
ème
arrondissement
de Lyon (division Ouest)
41
. De même importance démographique, les
communes de
Feyzin
(9 500 habitants) et
Chassieu
(9 300), quant à elles,
ne devaient bénéficier d’aucune implantation immobilière et être
rattachées
respectivement
au
commissariat
subdivisionnaire
de
Vénissieux (division Centre) et au commissariat subdivisionnaire de Bron
(division Est).
Le ministre de l’intérieur a informé chaque maire concerné, par
courrier du 6 juillet 2010 des effectifs supplémentaires alloués à la DDSP
pour étendre ses missions au territoire de sa commune. Du fait des divers
modes de couverture adoptés, l’importance et la nature des effectifs
diffèrent d’une commune à l’autre.
Selon la décision du ministre,
62 agents
devaient être affectés à
Rillieux-la-Pape
pour
assurer
le
fonctionnement
du
nouveau
commissariat ouvert 24 heures sur 24 : un commandant, deux officiers,
cinquante gradés et gardiens, six adjoints de sécurité et trois agents
administratifs.
Seulement dix agents étaient prévus au nouveau commissariat de
secteur d’
Ecully
, en fait une antenne de proximité ouverte en semaine de
8 heures à 19 heures : un brigadier-major, six gradés et gardiens et trois
adjoints de sécurité. En outre, le commissariat du 9
ème
arrondissement de
Lyon devait voir son effectif accru de quinze agents supplémentaires afin
de mettre en place une patrouille d’intervention présente à Ecully 24
heures sur 24 et sa brigade de sûreté urbaine (BSU) devait aussi être
renforcée de huit policiers supplémentaires afin de faire face au
traitement des procédures judiciaires et à la conduite des enquêtes sur le
territoire d’Ecully. A ces
33 agents
« spécifiquement dédiés à Ecully »
selon les termes du ministre devaient enfin s’ajouter
cinq
policiers du
41
Au titre de la police d’agglomération, les services territoriaux de la CSP de Lyon
ont été répartis en trois divisions (division Ouest, division Centre, division Est).
LES REDEPLOIEMENTS ISSUS DE LA RGPP
85
groupe de sécurité de proximité (GSP) de la division Ouest dont dépend
le commissariat du 9
ème
arrondissement.
Pour assurer la couverture du territoire de la commune de
Chassieu
(respectivement de
Feyzin
), quinze personnels supplémentaires
étaient prévus au commissariat de Bron (respectivement de Vénissieux)
pour permettre la présence continue d’une patrouille du type police-
secours 24 heures sur 24, sept jours sur sept. De surcroît, l’effectif de la
BSU du commissariat de Bron (respectivement de Vénissieux) doit être
augmenté de cinq policiers. Pour Chassieu comme pour Feyzin, à ces
vingt policiers
de tous grades
« spécifiquement dédiés »
à la couverture
du territoire communal devaient s’adjoindre
cinq
policiers du GSP de la
division Centre.
Enfin, au titre de l’extension de la CSP de Lyon à une population
supplémentaire de 66 600 habitants au total, la DDSP du Rhône devait
recevoir
25 policiers
supplémentaires pour renforcer ses unités
départementales : la compagnie départementale d’intervention (CDI), la
brigade anti-criminalité et la sûreté départementale.
Au total, un renfort de
175 agents
, toutes catégories confondues,
dont 102 gradés et gardiens a donc été annoncée par le ministre de
l’intérieur en juillet 2010 pour l’extension de la police d’agglomération à
Lyon, y compris les équipes des groupes de sécurité de proximité des
divisions Ouest et Centre.
Cet effectif supplémentaire paraît avoir été déterminé assez
largement. Par rapport à la population supplémentaire intégrée en zone de
police, il correspond à une densité relativement élevée (387 habitants par
policier) de policiers affectés dans ces communes périphériques,
équivalente à celle de la ville de Lyon. Comme l’un des objectifs assignés
à la police d’agglomération est un meilleur emploi des forces grâce à leur
mutualisation, on aurait pu s’attendre à ce que la couverture des
communes intégrées en zone de police soit assurée avec des effectifs
marginalement moins importants que dans la moyenne de la CSP de
Lyon. C’est le contraire qui a été décidé.
Le dispositif prévu par le DDSP en juin 2011 était encore plus
étoffé. Il comprenait ainsi, pour la commune de Chassieu, un effectif
global de 30 agents et non de 25, au nom d’un effort plus marqué de
présence de proximité
42
. De même, l’organigramme prévu pour le
42
Les cinq agents supplémentaires (trois gardiens de la paix, deux ADS) doivent
assurer une patrouille de 9 heures à 18 heures, du lundi au samedi, destinée à rester au
contact de la population et à assurer des prises de plaintes à domicile, en cas de besoin
exprimé par des personnes empêchées de se déplacer
86
COUR DES COMPTES
commissariat de Rillieux-la-Pape comportait 70 agents (au lieu de 62)
dont 52 gradés et gardiens (au lieu de 50) et 12 ADS (au lieu de 6).
b)
Les mouvements de personnels
Le directeur central de la sécurité publique (DCSP), dans sa
réponse datée du 1
er
juin 2011 aux demandes du DDSP du Rhône,
relayées par des interventions écrites du préfet de région, sur les
mouvements de personnels nécessaires au regard de l’organisation mise
en place dans les communes intégrées en zone de police et des
engagements pris auprès des élus locaux, a rappelé que ces engagements
portaient sur l’affectation de 102 agents du corps d’encadrement et
d’application (CEA), 59 adjoints de sécurité et six personnels
administratifs, soit un total de 167 personnels. Ce nombre est légèrement
en recul par rapport aux engagements du ministre de juillet 2010.
Selon les données communiquées à la fin août 2011 par le
ministère de l’intérieur, le bilan des mouvements de personnels
consécutifs aux commissions paritaires et aux sorties d’école de juin et
septembre 2011 s’est traduit par le renforcement des effectifs de la CSP
de Lyon à hauteur de 117 fonctionnaires du CEA (au lieu de 102).
Pour le reste, le respect des engagements ministériels dépend du
nombre d’ADS recrutés et affectés à Lyon.
2 -
L’agglomération de Marseille
a)
Les ressources humaines
Par lettre du 18 février 2011, le DGPN a indiqué au préfet de
région qu’il avait décidé d'affecter 66 fonctionnaires et adjoints de
sécurité, parmi lesquels une majorité de gradés et gardiens, pour
permettre la mise en place de la police d'agglomération dans les Bouches-
du-Rhône l'été 2011. Cet effectif supplémentaire devait être obtenu grâce
au redéploiement des personnels de Port-Saint-Louis-du-Rhône et de
Pertuis.
Cet effectif supplémentaire devait être réparti de la façon suivante :
−
36 policiers affectés à la création du groupe de sécurité de
proximité (GSP) dans les locaux de l’ancienne caserne de
gendarmerie de Septèmes-les-Vallons, rattaché à la CSP de
Vitrolles, qui fonctionnera en régime cyclique du type 4/2
l’après-midi en soirée et assurera ses missions dans la zone
tampon entre Aix-en-Provence et Marseille, prioritairement sur
LES REDEPLOIEMENTS ISSUS DE LA RGPP
87
le territoire des communes de Cabriès, Les Pennes-Mirabeau et
Plan-de-Campagne ;
−
12 policiers affectés à la création du point de contact de police
de proximité (PCPP) ouvert du lundi au samedi en régime
hebdomadaire ;
−
18 au renfort de la BAC nord qui va couvrir le territoire des
deux communes nouvellement intégrées.
Le ministère de l’intérieur a précisé à la Cour à la fin août 2011
que la CSP de Marseille a bénéficié au total d’un accroissement de ses
effectifs de 100 ETP pour la prise en charge de Septèmes-les-Vallons et
Cabriès, y compris les personnels autres que les gradés et gardiens,
notamment les ADS. Compte tenu de la population de ces deux
communes (10 400 et 8 300 habitants respectivement), cet effectif
supplémentaire correspond à une densité élevée d’un policier pour 187
habitants.
En ce qui concerne les mouvements de personnels effectivement
réalisés, le solde des arrivées et des départs consécutifs aux commissions
paritaires et aux sorties d’école de juin et septembre 2011 s’est traduit par
le renforcement des effectifs de la CSP de Marseille à hauteur de 74
fonctionnaires du CEA (au lieu de 66).
La CSP de Pertuis, transférée à la gendarmerie, était dotée au 1
er
janvier 2010 d’un effectif de 45 personnels (46 au 1
er
janvier 2009),
composé de 2 officiers, 32 gradés et gardiens, 4 agents administratifs et 7
ADS, soit une densité d’un policier pour 461 habitants. Elle ne comptait
plus que 38 personnels au 1
er
juin 2011, huit départs en retraite n’ayant
pas été remplacés.
Au moment de son transfert à la gendarmerie, la CSP de Port-
Saint-Louis-du-Rhône, rattachée au district de Martigues, comptait
officiellement un effectif de seulement 30 agents : 4 officiers, 24 gradés et
gardiens, 2 agents administratifs et aucun ADS. L’effectif réel n’était en
fait que de 28 puisque deux agents étaient mis à disposition de la CSP
d’Arles (un officier) et de celle de Martigues (un brigadier). Il était
inférieur à l’effectif minimum, généralement évalué entre 40 et 45 agents,
nécessaire pour assurer le fonctionnement d’un commissariat de police
ouvert 24 heures sur 24. L’effectif de la CSP de Port-Saint-Louis-du-
Rhône a en effet été fortement réduit dans les deux ans précédant son
transfert à la gendarmerie nationale puisqu’il était encore de 39 agents
dont deux ADS et deux agents administratifs au 1
er
janvier 2009, soit à
l’époque une densité policière très élevée d’un policier pour 230
habitants.
88
COUR DES COMPTES
Globalement, le bilan en effectifs de l’extension de la zone de
police autour de Marseille est équilibré puisque celle-ci nécessite
l’affectation de 66 fonctionnaires du CEA alors que la dissolution des
CSP de Pertuis et Port-Saint-Louis-du-Rhône en a libéré 55 (moins en
réalité du fait des départs en retraite non remplacés).
A l’échelle du département, en revanche, ce bilan fait apparaître un
déficit de plus de
43
fonctionnaires du CEA dans la mesure où peu
d’agents du commissariat de Port-Saint-Louis-du-Rhône ont émis le
souhait d’être réaffectés dans les Bouches-du-Rhône.
b)
Les moyens budgétaires
L’intégration en zone de police des communes de Septèmes-les-
Vallons et Cabriès a nécessité l’affectation d’un budget supplémentaire de
640 067 €, soit 390 247 € au titre des crédits de fonctionnement à
caractère structurel et 249 820 € au titre des travaux immobiliers
préalables à l’occupation d’une partie des locaux de l’ancienne caserne de
gendarmerie de Septèmes-les-Vallons.
Le transfert à la gendarmerie des CSP de Pertuis et de Port-Saint-
Louis-du-Rhône devrait engendrer une économie de 113 210 € au total,
équivalente à leurs coûts de fonctionnement de 37 544 € (dont un loyer
annuel de 7 355 €) et 75 666 € respectivement.
Le coût de la création de la CSP interdépartementale de Beaucaire-
Tarascon devrait être nul, l’opération étant équilibrée par un transfert de
crédits de la DDSP du Gard à la DDSP des Bouches-du-Rhône.
Au total, l’extension de la zone de police dans les Bouches-du-
Rhône devrait se traduire par un accroissement des dépenses annuelles de
fonctionnement des services de police évalué à 277 037 €.
3 -
L’agglomération de Bordeaux
La mise en place d’une police d’agglomération dans le
département de la Gironde devait se traduire par l’extension le 1
er
septembre
2011 de
la CSP
de
Bordeaux à
quatre
communes
périphériques.
a)
Les ressources humaines
Les communes du
Haillan
et d’
Eysines
sont rattachées à la
division de Mérignac. Contrairement aux propositions initiales du préfet
validées par le DGPN au mois d’août 2010, une antenne de police devait
être ouverte à Eysines dans les locaux libérés de la brigade de
LES REDEPLOIEMENTS ISSUS DE LA RGPP
89
gendarmerie, ouverte du lundi au vendredi, de 8 heures à 12 heures et de
14 heures à 18 heures. Il a en effet été décidé que, compte tenu de la
vétusté et de l’exigüité (6 m² par poste de travail) de ses locaux actuels, le
commissariat de Mérignac ne pouvait accueillir 29 fonctionnaires
supplémentaires, destinés à renforcer la division. Le projet de relogement
du commissariat, envisagé par la DGPN, est à l’étude avec la ville de
Mérignac mais ne saurait se réaliser avant trois ans. Le DGPN a donc
donné son accord le 18 février 2011 à la mise aux normes de l’ancienne
caserne pour un montant de 180 000 €.
L’effectif prévu dans cette antenne d’Eysines était de 9
fonctionnaires auxquels la DDSP a ajouté, par redéploiement interne, un
officier et un major. Une brigade de police-secours, travaillant en cycle
4/2, rattachée au commissariat de Mérignac doit assurer des missions de
patrouille 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 avec un effectif de 12
fonctionnaires. Un renfort de deux fonctionnaires était prévu au profit de
la brigade anti-criminalité (BAC) et de l’unité cynophile légère (UCL).
Par ailleurs, les services judiciaires de la division sont renforcés de six
fonctionnaires pour faire face à l’augmentation prévue des plaintes à
enregistrer, des instructions du parquet à exécuter et des enquêtes à
diligenter. Au total, l’effectif des fonctionnaires mobilisés pour ces deux
communes est de
31
, y compris l’officier et le major prélevés sur les
affectifs actuels de la DDSP.
Les communes d’
Artigues-près-Bordeaux
et
Bouliac
sont
rattachées à la division des Hauts-de-Garonne et au commissariat de
police de Cenon. Une implantation immobilière n’a donc pas été prévue.
Une patrouille supplémentaire « police secours » de 15 fonctionnaires
doit assurer une activité jour et nuit sur un cycle 4/2 et une patrouille du
groupe de sécurité de proximité de 5 fonctionnaires de 12 heures à 20
heures. L’UCL doit être renforcée de deux fonctionnaires et le service des
délégations
judiciaires
de
trois.
Au
total,
25
fonctionnaires
supplémentaires ont été prévus à l’échelle de la division des Hauts-de-
Garonne.
Selon le DDSP de la Gironde, compte tenu des régimes de travail
et des absences de ces fonctionnaires, les renforts pour la BAC ou l’UCL
ne pourront être opérationnels que grâce aux effectifs déjà existants de 60
pour l’une et 25 pour l’autre qui facilitent ainsi la mutualisation des
moyens. La mise en place de fonctionnaires supplémentaires dans les
quatre communes doit se comprendre avec la mutualisation des services
d’appui existants de la DDSP, qui interviendront à leur profit, BAC, UCL
et groupe de sécurité de proximité (GSP).
90
COUR DES COMPTES
De plus, deux autres services se voient adjoindre neuf
policiers
supplémentaires pour pallier le surcroit d’activité, soit sept fonctionnaires
au service d’ordre public et de sécurité routière (SOPSR) de la DDSP afin
de permettre la réalisation de deux contrôles routiers par semaine et deux
fonctionnaires à l’unité d’enquête criminalistique afin de ne pas réduire le
taux de couverture de recherche de traces et indices dans le cadre de la
lutte contre les cambriolages.
Au vu des engagements ministériels initiaux, la mise en place de la
police d’agglomération à Bordeaux par l’intégration de quatre communes
en zone de police devait donc s’appuyer sur un effectif supplémentaire de
63
fonctionnaires dont 49 gradés et gardiens.
En se limitant aux 54 personnels affectés aux missions de sécurité
publique, cet effectif supplémentaire, rapporté à la population des
communes concernées, correspond à une densité d’un policier pour 689
habitants par policier, beaucoup plus faible que celle ressortant des
opérations analogues mises en oeuvre à Lyon ou Marseille.
Toutefois, selon les données communiquées par l’administration
centrale à la fin août 2011, le solde des mouvements de personnels
effectivement réalisés faisait apparaître un renforcement des effectifs de
la CSP nettement supérieur puisqu’il s’élevait à 75 fonctionnaires du
CEA.
Il est à noter que le transfert de la commune de Libourne en zone
de gendarmerie devait libérer 70 fonctionnaires, mais seuls deux officiers
et 14 gradés et gardiens en poste dans cette CSP ont accepté d’être mutés
dans celle de Bordeaux.
b)
Les moyens immobiliers et logistiques
Les dépenses liées aux travaux d’aménagement de la caserne
d’Eysines, les transferts et acquisitions de mobiliers et la location à la
société nationale immobilière (SNI) d’un des quatre bâtiments de la
caserne d’Eysines s’élèvent, selon le SGAP, à la somme de 180 000 €.
D’autre part, au-delà du transfert de véhicules de Libourne, quatre
véhicules supplémentaires ont été prévus, pour un montant de 148 000 €.
En année pleine, le bâtiment d’Eysines appellera un loyer annuel
de près de 30 000€. En matière de dépenses de fonctionnement (eau,
énergie, téléphone, etc.), le SGAP estime qu’elles seront quasiment
identiques à celles du commissariat de Libourne.
LES REDEPLOIEMENTS ISSUS DE LA RGPP
91
4 -
La région Nord-Pas-de-Calais
Dans le département du Nord, la police d’agglomération à Lille ne
s’est pas faite par extension de circonscriptions de sécurité publique ou
intégration de communes situées en zone de gendarmerie, mais par
réorganisation des CSP existantes à périmètre constant.
Dans le département du Pas-de-Calais, un renfort de neuf
personnels de police (un CEA, huit ADS) devait être alloué pour
l’intégration, le 1
er
juillet 2011, des communes de Hersin-Coupigny par la
CSP de
Noeux-les-Mines et de Marck par celle de Calais.
La fermeture de la CSP de Fourmis a permis à la DGPN de
redéployer 54 emplois, toutes catégories confondues.
5 -
Le bilan en termes d’emplois pour la police
Le bilan des opérations de fermeture et d’extension de CSP fait
apparaître que celles-ci ne devraient pas constituer, en termes d’emplois,
une charge pour la police nationale (tableau n°13). Le ministère de
l’intérieur évalue à 16 emplois le solde net des besoins engendrés par ces
opérations de redéploiement.
Il apparaît toutefois que ce solde est quasiment équilibré si l’on
prend en compte les effectifs des CSP de Pertuis et Port-St-Louis-du-
Rhône au 1
er
janvier 2009, c’est-à-dire avant le mouvement de baisse
amorcé dans la perspective de leur dissolution.
Ces opérations de développement de la police d’agglomération et
les transferts associés de CSP en zone de gendarmerie ont donc conduit
les services de sécurité publique à prendre en charge une population
supplémentaire de quelque 28 000 habitants avec des effectifs quasiment
constants.
Cette évolution vers un meilleur emploi marginal des effectifs est
due au dimensionnement relativement rigoureux des renforts alloués aux
CSP de Lille et Bordeaux par rapport à ceux attribués aux CSP de Lyon et
Marseille.
92
COUR DES COMPTES
Tableau n° 13 : Bilan des opérations de redéploiement pour la police
nationale en termes d’emplois
Départements
Reprises GN
Reprises PN
ETP PN affectés ou
retirés
69
Communes de Feyzin,
Chassieu, Rillieux-la-
Pape et Ecully
+ 167
7
CSP d'Annonay
- 41
42
CSP de
Montbrison
- 50
81
CSP Graulhet
- 38
13
Communes de
Septèmes-les-Vallons et
Cabriès
+ 100
84
CSP Pertuis
- 40 (*)
13
CSP de Port-St-
Louis-du-
Rhône
- 31 (*)
33
Communes d’Artigues,
Le Haillan, Bouillac et
Eysines
+ 63
33
CSP Libourne
- 69
62
Communes de Hersin-
Coupigny et Marck
+ 9
59
CSP de
Fourmies
- 54
(*) Ces effectifs sont ceux enregistrés par le ministère de
l’intérieur avant la fermeture de ces deux CSP. Des effectifs
supérieurs étaient en poste au 1
er
janvier 2009 et au 1
er
janvier
2010.
+ 16
Source : Cour des comptes à partir de données du ministère de l’intérieur
LES REDEPLOIEMENTS ISSUS DE LA RGPP
93
B - L’extension de la zone de gendarmerie
1 -
Les opérations liées à la police d’agglomération de Lyon
L'intégration en zone de police de la commune Rillieux-la-Pape a
permis à la région de gendarmerie de redéployer
52
emplois de
gendarmes en reprenant les 42 emplois de la brigade territoriale dissoute
et en diminuant, au niveau de la compagnie, de quatre gendarmes les
effectifs de la BR et de six ceux du PSIG. Y compris les communes de
Feyzin, Ecully et Chassieu,
105
emplois ont pu ainsi être redéployés.
La région de gendarmerie a supporté une dépense ponctuelle de
154 000 € correspondant aux frais de déménagement de l'ensemble des
personnels concernés et a réduit ses dépenses annuelles de 683 317 € en
renonçant à des locaux et logements pris à bail.
En contrepartie de l’extension de la zone de police autour de Lyon,
il a été décidé de transférer à la gendarmerie nationale le 1
er
août 2011
trois CSP isolées dans d’autres départements : Annonay (07), Montbrison
(42) et Graulhet (81).
Le même dispositif que pour le transfert en zone de gendarmerie
des autres CSP a été retenu : les effectifs supplémentaires alloués par la
DGGN aux régions ont servi à renforcer à la fois de la brigade territoriale
et
des
unités
d’environnement
(BR,
PSIG)
de
la
compagnie
territorialement compétente. Ces effectifs supplémentaires ont été de 38
ETP à Montbrison, 38 à Annonay et 32 à Graulhet, soit 106 ETP au total.
Le transfert des CSP d'Annonay et Montbrison a mis à la charge de
la région de gendarmerie des dépenses ponctuelles de 430 300 € pour les
frais de déménagement, les travaux d'aménagement des locaux et l'achat
de matériels. Le paiement des loyers des logements des gendarmes et
l'occupation des bâtiments des anciens commissariats représentent une
dépense annuelle supplémentaire de 510 648 €.
Ainsi, les opérations de redéploiement territorial de la gendarmerie
induites par l’extension de la zone de police autour de Lyon apparaissent
équilibrées à compter de 2012 pour ce qui concerne les dépenses de
fonctionnement courant de la gendarmerie.
2 -
Les opérations liées à la police d’agglomération de Marseille
Comme pour le transfert des communes de Septèmes-les-Vallons et
de Cabriès à la police nationale, la date de transfert à la gendarmerie des
CSP de Port-Saint-Louis-du-Rhône (Bouches-du-Rhône) et de Pertuis
(Vaucluse) a été fixée 1
er
aout 2011.
94
COUR DES COMPTES
La gendarmerie nationale a dû réaménager son dispositif territorial
autour des communes de Pertuis, Port-Saint-Louis-Rhône et Septèmes-
les-Vallons, dans le souci d'assurer une prestation de sécurité de même
niveau que celle exercée précédemment.
a)
Les ressources humaines
La totalité des gendarmes précédemment en poste au sein de la
brigade de Septèmes-les-Vallons ont été reçus en « dialogue de gestion »
au mois de mars 2011 afin d’anticiper leur départ. Certains ont bénéficié
de plusieurs entretiens. Ils ont tous obtenu satisfaction de leur voeux
d’être mutés dans le département des Bouches-du-Rhône ; un seul a été
muté dans une autre région (Midi-Pyrénées), mais à sa demande. Les
mutations internes devraient être prononcées entre le 1
er
et le 31 juillet.
Le transfert de la CSP de Pertuis
Pour prendre en charge cette commune supplémentaire, la
gendarmerie a réorganisé son dispositif territorial dans le sud du Vaucluse
en :
−
renforçant la brigade territoriale de proximité de Pertuis à
hauteur de 19 militaires ;
−
créant une BR à Pertuis à l'effectif de 8 militaires ;
−
créant un PSIG à Pertuis armé de 12 personnels ;
−
déplaçant le groupe de commandement de la compagnie d'Apt à
Pertuis (6 militaires) tout en le renforçant d’un personnel.
Au total, la décision a été prise de déployer
46
gendarmes, soit un
effectif strictement équivalent à celui du commissariat de Pertuis avant sa
fermeture, en renfort des 15 gendarmes déjà en place au titre de la
communauté de brigades.
La région de gendarmerie n’a pas rencontré de difficulté majeure
pour armer les unités de Pertuis, même si elle a dû tenir compte de la
mise à disposition des logements nécessaires. Toutes les affectations ont
été prononcées entre le 1
er
mai et le 1
er
août 2011 en fonction des
disponibilités immobilières.
La BT de Pertuis a été armée conformément au tableau des
effectifs annuels (TEA), sans appel à volontaire, à partir des flux internes
et externes en assurant une complémentarité des compétences et
expériences professionnelles. En revanche, un appel à volontaires au sein
de la région a été nécessaire en vue de compléter les postes spécifiques de
LES REDEPLOIEMENTS ISSUS DE LA RGPP
95
la BR et du PSIG de Pertuis à cause des compétences nécessaires pour
armer ces unités.
Le transfert de la CSP de Port-Saint-Louis-du-Rhône
Dans le cadre du redéploiement, la gendarmerie a décidé
d’implanter à Port-Saint-Louis-du-Rhône le 1
er
août 2011 une BTA, avec
un effectif de
douze
gendarmes et une circonscription limitée au territoire
de cette commune, une brigade nautique fluviale, de
huit
gendarmes,
chargée les missions de surveillance générale, police de la pêche et de la
navigation, contrôle des flux transitant sur le fleuve. En outre,
deux
gendarmes supplémentaires doivent renforcer la BR d'Arles et
quatre
le
PSIG d’Arles stationné dans cette ville. Au total, la prise en charge de la
commune
de
Port-Saint-Louis-du-Rhône
devait
se
traduire
par
l’affectation de
26
gendarmes, y compris la nouvelle brigade fluviale dont
la mission excède les missions de sécurité publique sur le territoire de la
commune.
Alors que la gendarmerie a affecté à Pertuis des effectifs
strictement équivalents à ceux du précédent commissariat de police, ils
n’en représentent que 59 % à Port-Saint-Louis-du-Rhône, soit 22
gendarmes (hors brigade fluviale) au lieu de 37 policiers (au 1
er
janvier
2009 hors agents administratifs).
Les difficultés majeures rencontrées dans cette opération de
transfert sont venues de l’absence, au moins jusqu’en juin 2011, de
délibération favorable du conseil municipal et de la tension sur le marché
du logement locatif, qui ont conduit à différer les affectations et
notamment le traitement par la région de gendarmerie de certaines
demandes de mutation. Le groupement départemental a sollicité
directement les agences immobilières par courrier pour élargir les
recherches.
Le bilan en termes d’emploi
Les transferts à la police nationale des communes de Septèmes-les-
Vallons (10 200 habitants) et de Cabriès (8 300 habitants) ont conduit la
gendarmerie à dissoudre la BTA de Septèmes-les-Vallons (19 militaires)
et à transférer la commune de Simiane-Collongue (qui était dans la
circonscription de la BTA Septèmes-les-Vallons) vers la brigade
territoriale de Bouc-Bel-Air qui perdant celle de Cabriès a pu être allégée.
Au total,
31
emplois ont été redéployés.
Les effectifs dégagés par cette opération ont servi pour partie à
satisfaire les besoins dus à la reprise des CSP de Pertuis et de Port-Saint-
Louis-du-Rhône, soit 72 gendarmes. La DGGN a alloué à cet effet 28
emplois supplémentaires (18 de militaires professionnels et 10 gendarmes
96
COUR DES COMPTES
adjoints volontaires), les autres effectifs nécessaires (44 personnes) étant
trouvé au niveau de la région PACA.
b)
Les moyens budgétaires
L’installation à Pertuis
Pour prendre en charge la commune Pertuis, la région de
gendarmerie, a adressé à la direction des affaires financières du ministère
(DEPAFI) une demande de crédits complémentaires de 200 000 € qui ont
été refusés au motif que le financement des travaux d’aménagement sur
des casernes louées n’incombent pas à l’Etat, mais à la commune, quitte
pour elle, après négociation, à augmenter le loyer. Si l’unité a pu intégrer
les lieux sans gros travaux préalables, des financements étaient
nécessaires dès 2011 pour mettre en place, par exemple, la signalétique et
les moyens de transmission propres à la gendarmerie.
Le montant des dépenses d’installation, actualisé au 15 juin 2011, a
été de 240 000 €, partiellement financé sur le budget alloué à la région de
gendarmerie, et concernait surtout les travaux d’aménagement de l’ancien
commissariat (205 000 €), mais aussi de cinq logements à Meyrargues,
des locaux techniques de l’actuelle caserne de Pertuis, de locaux et de
logements à Apt. Il s’y est ajouté une somme de 47 750 € prévue pour
l’acquisition de mobiliers. Le montant des frais de déménagement s’est
élevé à 144 000 €. Au total, les dépenses non récurrentes pour la prise en
charge de la commune de Pertuis par la gendarmerie devraient atteindre
336 250 €.
Les dépenses récurrentes de fonctionnement sont évaluées à
410 259 € par an, dont 343 659 € pour la location du commissariat de
Pertuis et le reste surtout pour la location des logements des gendarmes.
L’installation à Port-Saint-Louis-du-Rhône
La région de gendarmerie a repris les locaux du commissariat de
police, propriété de L’Etat. Elle a adressé à la DEPAFI une demande de
crédits de 185 000 € pour réaliser des travaux d’aménagements. Celle-ci a
programmé l’opération en deux tranches avec l’installation en 2011 de
structures modulaires d’occasion (quatre fois 15 m²) destinées à la
brigade nautique pour un montant de 83 246 €, la seconde tranche d’un
montant prévisionnel de 105 000 € devant être financée en 2012.
Pour assurer la continuité de service entre le départ de la police et
l’installation de la gendarmerie, ces locaux modulaires devaient être
installés avant l’été, alors que les policiers étaient encore présents, leur
livraison ayant été demandée pour le 1
er
juillet au plus tard. Dans un
premier temps, ils doivent servir de locaux aux personnels de la BT
LES REDEPLOIEMENTS ISSUS DE LA RGPP
97
jusqu’à la réalisation de travaux d’aménagement du bâtiment de l’ancien
commissariat de police. L’achat de mobiliers (27 000 €) et les frais de
déménagement des personnels et des matériels (123 000 €) s’ajoutent à
ces dépenses non récurrentes.
Les
dépenses
récurrentes
supplémentaires
sont
estimées
à
190 412 € par an, à compter de 2012, pour la location du bâtiment de
l’ancien commissariat et de la prise à bail des logements destinés aux
gendarmes affectés au sein de la nouvelle brigade territoriale, de la
nouvelle brigade fluviale et en renfort des services d’environnement (BR
et PSIG d’Arles).
Le bilan en termes budgétaires
En sens inverse, des économies de dépenses de fonctionnement
résulteront de la résiliation des baux afférents à la caserne de Septèmes-
les-Vallons (- 191 000 €) et de cinq logements à Bouc-Bel-Air (- 80 000
€), soit une économie permanente de 271 000 €.
En définitive, les opérations de redéploiement territorial entre la
police et la gendarmerie liées à la police de l’agglomération marseillaise
devraient se traduire, à compter de 2012, par un surplus de dépenses
annuelles de fonctionnement de la gendarmerie évalué à 330 000 €.
98
COUR DES COMPTES
3 -
Les opérations liées à la police d’agglomération de Bordeaux
Dans le département de Gironde, le transfert le 1
er
septembre 2011
de la CSP de Libourne à la gendarmerie nationale a été décidé en
complément de l’extension de la zone de police dans l’agglomération
bordelaise.
Le retrait de la gendarmerie des communes Eysines, Le Haillan,
Artigues-près-Bordeaux et Bouliac lui a permis de redéployer
41
emplois
de gendarmes.
La ville de Libourne compte 24 200 habitants répartis sur des
espaces urbanisés, des zones agricoles, viticoles ou naturelles. La
gendarmerie nationale assure déjà la sécurité publique de 128 des 129
communes de l’arrondissement de Libourne. La compagnie qui comprend
154 militaires est organisée en un groupe de commandement implanté
dans la ville, quatre brigades territoriales autonomes (BTA) et quatre
communautés de brigades (COB). Elle apporte en outre, à ces unités de
base, l’appui d’une BR, d’un PSIG et d’une brigade motorisée, aussi
implantés à Libourne. Dans l’arrondissement de Libourne (hors commune
de Libourne), 4 026 faits de délinquance pour 114 994 habitants ont été
enregistrés en 2008 par la gendarmerie, soit un taux de 35 ‰. La BTA de
Libourne, dotée d’un effectif de 15 gendarmes, assure de façon exclusive
les missions de sécurité publique sur une circonscription comprenant sept
communes, représentant une population de 12 900 habitants et 423 faits
de délinquance enregistrés en 2008, soit un taux de délinquance de 33 ‰.
Elle reçoit le soutien d’une BR de 8 gendarmes et d’un PSIG de 18
gendarmes, implantés dans la ville, soit un effectif total de 41 gendarmes
avant transfert.
Avec le transfert de la CSP de Libourne, la compagnie
d’arrondissement est désormais chargée des missions de sécurité publique
sur 125 communes peuplées d’environ 138 000 habitants, avec une
délinquance globale de 5 632 faits (données 2008), dont près du tiers dans
la seule commune de Libourne. C’est pourquoi, la gendarmerie a renforcé
les effectifs des unités déjà implantées de
32
militaires, soit 25 à la BTA,
4 au PSIG et 3 à la BR. Ainsi, la BTA, maitre d’oeuvre principal de la
sécurité publique à Libourne dispose désormais de 40 gendarmes dont
plus de la moitié d’OPJ. Cette unité doit assurer l’accueil du public et les
interventions 24 heures sur 24, et mettre sur pied, en permanence, deux
LES REDEPLOIEMENTS ISSUS DE LA RGPP
99
patrouilles de surveillance générale, de jour comme de nuit. Elle doit
projeter des capacités PTS sur chaque cambriolage
43
.
Sur le plan immobilier, les unités de gendarmerie déjà présentes
sont implantées dans deux casernes en location et 32 militaires sont logés
également dans des locaux loués. En raison d’un nombre insuffisant de
logements en caserne et dans l’attente d’une construction future, la région
de gendarmerie doit louer 32 logements supplémentaires pour un coût de
300 000 €.
La gendarmerie a repris les locaux de l’ancien commissariat de
Libourne. Une dépense de 141 000 €, pendant l'année de transition
(2011), a compris la mise aux normes de l’ancien commissariat, les frais
de déménagement administratifs et l'acquisition de mobilier de bureau de
la caserne.
En matière de dépenses de fonctionnement, la reprise par la
gendarmerie de la commune de Libourne et le départ des quatre
communes transférées en zone de police a entraîné une dépense non
récurrente de 133 000 € au titre du changement de résidence des
militaires. En année courante, les dépenses de fonctionnement devraient
s’accroître de 153 000 € (88 000 € pour les nouveaux loyers auquel et
75 000 € environ pour l’entretien et le fonctionnement de la caserne).
4 -
Les opérations liées à la police d’agglomération de Lille
Dans le département du Pas-de-Calais, l’intégration en zone de
police des communes de Hersin-Coupigny et de Marck a permis à la
gendarmerie de redéployer
16
emplois de gendarmes.
Dans le département du Nord, en marge du projet de police
d’agglomération lilloise, la CSP de Fourmies a été transférée le 19 avril
2011 à la gendarmerie. La brigade territoriale
de Fourmies, devenue
autonome, est passée de 7 à 36 gendarmes. Les effectifs de la BR
d’Avesnes-sur-Helpe ont été relevés de 9 à 11. La COB de Trelon a rendu
43
Selon l’organisation générale de la gendarmerie, la brigade peut bénéficier, d’une
part, de renforts locaux décidés par le commandant de compagnie (BR et PSIG,
services mutualisés en matière de police des étrangers, de la police du travail) et,
d’autre part, de renforts d’unités spécialisées gérées par le groupement de
gendarmerie départementale : la brigade départementale de renseignements et
d’investigations
judiciaires
en
matière
d’identification
criminelle,
le
centre
d’opérations et de renseignement de la gendarmerie (CORG) pour la gestion des
appels et interventions, la géo-localisation de téléphones portables, les équipes
cynophiles stupéfiants et un hélicoptère.
100
COUR DES COMPTES
un emploi. Au total, la DGGN a donc mobilisé un effectif supplémentaire
de
30
gendarmes pour la reprise de cette CSP.
La gendarmerie n’a pas repris les locaux de l’ancien commissariat
de Fourmies et devrait, en phase définitive, occuper une nouvelle caserne
en location pour un montant annuel de 341 000 €. Elle ne prendrait à bail
que deux logements hors caserne (17 000 € par an) au lieu de 26
logements (174 000 € par an) dans un premier temps.
5 -
Le bilan en termes d’emplois pour la gendarmerie
Les effectifs supplémentaires (cf. tableau n°14) affectés par la
DGGN pour renforcer la brigade territoriale dans les villes centres de sept
CSP reprises à la police nationale et dans les unités dites d'environnement
(notamment BR et PSIG) se sont élevés au total à
243
emplois, soit 235
emplois exclusion faite de la brigade fluviale de Port-Saint-Louis-du-
Rhône dont la mission n’avait pas d’équivalent au sein de l’ancienne CSP.
Ces ETP affectés dans les communes nouvellement prises en
charge ont été pour partie procurés par ceux rendus disponibles dans les
communes transférées à la police d’agglomération de Lyon (105
gendarmes), Marseille (31), Bordeaux (41) et Lille (16), soit
193
emplois
au total.
Le solde de 50 emplois, selon les données de l’administration
centrale, peut être réduit à 42 emplois déduction faite des effectifs de la
brigade fluviale de Port-Saint-Louis-du-Rhône qui répondent à de
nouvelles missions.
Les
effectifs
de
gendarmes
affectés
dans
les
communes
nouvellement prises en charge représentent environ 70 % de ceux des
policiers en poste dans les CSP concernées, mais le déficit supporté par la
gendarmerie atteint la proportion d’un cinquième des ressources
redéployées. Les opérations de redéploiement se sont en effet traduites
pour la gendarmerie par un besoin net de 42 emplois alors que la
population couverte par sa zone de compétence a été réduite de 28 000
habitants. Au contraire, ces redéploiements se sont traduits, pour la
police, par une responsabilité étendue à 28 000 habitants supplémentaires
à effectifs quasiment constants.
LES REDEPLOIEMENTS ISSUS DE LA RGPP
101
Tableau n° 14 : Bilan des opérations de redéploiement pour la police
nationale en termes d’emplois
Départements
Reprises GN
Reprises PN
ETP GN affectés ou
retirés
69
Communes de
Feyzin, Chassieu,
Rillieux-la-Pape et
Ecully
- 105
7
CSP
d'Annonay
+ 38
42
CSP de
Montbrison
+ 38
81
CSP Graulhet
+ 32
13
Communes de
Septèmes-les-
Vallons et Cabriès
- 31
84
CSP Pertuis
+ 46
13
CSP de Port-
St-Louis-du-
Rhône
+ 26
33
Communes
d’Artigues, Le
Haillan, Bouillac et
Eysines
- 41
33
CSP Libourne
+ 32
62
Communes de
Hersin-Coupigny et
Marck
- 16
59
CSP de
Fourmies
+ 31
+ 50
Source : Cour des comptes à partir de données du ministère de l’intérieur
Rapportés à l’échelle nationale, ces nombres sont modestes, mais
ils montrent, par comparaison avec les données relatives à la première
vague de redéploiements, que la gendarmerie, au moins à titre transitoire,
a prévu de doter assez largement les CSP dont elle a pris en 2011 la
responsabilité. La comparaison de la densité moyenne de policiers ou de
gendarmes dans les communes transférées confirme ce constat.
102
COUR DES COMPTES
Tableau n° 15 : Transferts de la zone de police vers la zone de gendarmerie
Population des
communes
transférées
Effectifs des
forces de
sécurité
Avant transfert : compétence de la
police nationale
337
Un policier
pour
326
habitants
Après transfert : compétence de la
gendarmerie nationale
110 000
235
Un gendarme
pour
468
habitants
Tableau n° 16 : Transferts de la zone de gendarmerie vers la zone de police
Population des
communes
transférées
Effectifs des
forces de
sécurité
Avant transfert : compétence de la
gendarmerie nationale
193
Un gendarme
pour
715
habitants
Après transfert : compétence de la
police nationale
138 000
339
Un policier
pour
407
habitants
Source : Cour des comptes à partir de données du ministère de l’intérieur
La densité de policiers au regard de la population couverte est
nettement plus importante dans les communes nouvellement intégrées en
zone de police qu’antérieurement dans les CSP fermées. On peut y voir
une meilleure utilisation des emplois concernés.
L’évolution inverse est observée dans la gendarmerie : chaque
gendarme affecté dans les communes nouvellement intégrées couvre en
moyenne sensiblement moins d’habitants que ceux précédemment en
poste dans les communes passées en police d’agglomération. La densité
d’un gendarme pour 468 habitants paraît élevée au regard des normes
appliquées par la DGGN dans les tableaux des effectifs annuels (TEA),
soit un gendarme pour 1 000 habitants dans une brigade territoriale et un
pour 800 dans une zone urbaine sensible.
LES REDEPLOIEMENTS ISSUS DE LA RGPP
103
C - Le coût global des opérations de redéploiement
1 -
L’équilibre global en termes d’emplois
En supposant que les effectifs prévus dans les communes prises en
charge par chacune des deux forces soient effectivement mis en place à la
hauteur des données communiquées à la Cour par le ministère de
l’intérieur, le coût immédiat en termes d’emplois des opérations de
redéploiement menées en 2011 devrait être quasiment nul pour la police
nationale et représenter pour la gendarmerie une charge supplémentaire
de 42 emplois.
2 -
Le coût global en termes de crédits hors titre 2
A partir des échanges avec les directions générales et les
responsables locaux, le contrôle de la Cour a permis d’obtenir au cas par
cas des données sur tout ou partie des dépenses supplémentaires induites
par les opérations de redéploiement de 2011.
Toutefois, ces données n’étant pas toujours comparables, la Cour a
demandé au ministère un bilan global distinguant bien les dépenses non
récurrentes (travaux d’aménagement, frais de déménagement, etc.) des
dépenses ou économies à caractère permanent, justifié par les données
particulières relatives à chaque opération.
En réponse, le ministère n’a fourni que des données globales
relatives à la gendarmerie nationale, sans les décomposer par opération.
Economies
annuelles de
fonctionnement
Dépenses non récurrentes
Nouvelles
dépenses
annuelles de
fonctionneme
nt
Police
NC
NC
NC
Gendarmerie
1 712 000
Travaux
d’adaptation
et/ou de
réhabilitation
des locaux :
418 000 €
Frais de
changement
de résidence :
522 000 €
1 950 000 €
Totaux
ND
ND
ND
Source : Cour des comptes à partir de données du ministère de l’intérieur
104
COUR DES COMPTES
Les
économies
et
dépenses
annuelles
de
fonctionnement
correspondent aux résiliations et locations de logements concédés par
nécessité absolue de service et aux résiliations de casernes précédemment
louées aux collectivités locales. Les dépenses non récurrentes sont les
frais de changement de résidence des personnels et le coût des travaux
liés aux reprises de locaux de commissariats de police.
En ce qui concerne, le changement de résidence, le dispositif de
droit commun a été appliqué aux fermetures d'unités opérées en 2011
dans le cadre des opérations de redéploiement. Toutefois, depuis le décret
n°2007-639 du 30 avril 2007, les gendarmes concernés bénéficient d'une
meilleure prise en charge, tenant compte notamment de leur ancienneté de
service et de leurs charges de famille, toute référence au grade ayant été
supprimée. Les droits sont limités en montant, mais un dispositif
d'intéressement est appliqué si le militaire déménage pour un coût
inférieur au plafond. Il perçoit alors 50 % de l'économie réalisée.
3 -
Les dispositifs d’accompagnement social
a)
Les règles applicables aux policiers mutés
Un travail de concertation a été mené avec les organisations
syndicales et un dialogue a été engagé avec les policiers concernés sur les
conditions de leur reclassement en tenant compte de leurs situations
individuelles. Les comités techniques paritaires départementaux ont émis
un avis sur les opérations envisagées.
b)
Des mesures indemnitaires d’accompagnement
Le régime d’accompagnement prévu pour les policiers mutés dans
le cadre des opérations de redéploiement territorial entre la police et la
gendarmerie résulte désormais du décret n° 2008-366 du 17 avril 2008
applicable en cas de restructuration d’une administration de l’Etat, de l’un
de ses établissements publics ou d’un établissement public local
d'enseignement.
−
La prime de restructuration de service
est versée en une seule
fois au moment de la prise de fonction de l'agent dans la limite
d'un montant fixé par arrêté conjoint des ministres chargés du
budget et de la fonction publique. Son montant peut toutefois
être modulé, dans des conditions fixées par arrêté ministériel,
en fonction des contraintes supportées par les agents à raison de
la restructuration.
LES REDEPLOIEMENTS ISSUS DE LA RGPP
105
−
Un agent public bénéficiaire de la prime de restructuration peut
se voir attribuer une allocation d'aide à la mobilité du conjoint
dès lors que son conjoint ou partenaire d'un pacte civil de
solidarité est contraint de cesser son activité professionnelle en
raison de la mutation ou du déplacement du bénéficiaire, au
plus tôt trois mois avant et au plus tard un an après cette
mutation ou ce déplacement. Le montant forfaitaire de cette
allocation est fixé par arrêté conjoint des ministres chargés du
budget et de la fonction publique.
Conformément aux textes, un arrêté ministériel du 11 août 2011
désigne l’opération de restructuration des services territoriaux de la
direction centrale de la sécurité publique (DCSP) ouvrant droit à la prime
de restructuration de service et l’allocation d’aide à la mobilité du
conjoint instituées par le décret du 17 avril 2008. Un second arrêté
ministériel, également daté du 11 août 2011 en fixe les montants.
Le montant de l’indemnisation est différent selon que le
changement de résidence administrative s’accompagne ou pas d’un
changement de résidence familiale.
Mutation sans changement de résidence familiale, la prime de
restructuration de service s’élève à :
−
2 800 €
si la nouvelle résidence administrative est distante de
plus de 10 kilomètres et de moins de 40 kilomètres de la
précédente ;
−
6 100 €
si l'agent n'a pas d'enfant à charge ou
9 200 €
si l'agent
à au moins un enfant à charge quand la nouvelle résidence
administrative est distante d'au moins 40 kilomètres de la
précédente.
Mutation avec changement de résidence familiale : la prime est de
6 100 €
pour un agent célibataire,
10 000 €
pour un agent célibataire avec
au moins un enfant à charge,
7 500 €
pour un agent marié ou lié par un
pacte civil de solidarité (PACS) et
15 000 €
pour un agent marié ou
« pacsé » avec au moins un enfant à charge.
A
titre
d’exemple,
le
montant
estimé
de
l'indemnité
de
restructuration pour les 70 personnels policiers, administratifs et ADS
mutés à partir de la CSP de Libourne devait s’élever au total à près de
445 000 €. Quinze fonctionnaires vont percevoir le maximum prévu de
15 000€.
106
COUR DES COMPTES
De surcroît, de manière générale, les agents concernés bénéficient
de l'indemnité forfaitaire de changement de résidence prévue par le décret
du 28 mai 1990 qui créé un dispositif de droit commun
44
, constitué par la
prise en charge du transport des personnes et le remboursement de tous
les autres frais au moyen d'une indemnité forfaitaire dont le mode de
calcul est déterminé par arrêté des ministres chargés du budget et de la
fonction publique.
En cas de perte ou de diminution de nouvelle bonification
indiciaire (NBI) ou de l’allocation de service, le différentiel est pris en
charge grâce à la prime de restructuration de service sur douze mois.
c)
L’évolution du régime indemnitaire
Lors des opérations de redéploiement de 2003 à 2007, les
indemnités de restructuration ont été versées en application du décret
n° 2002-443 du 28 mars 2002 portant attribution d’une indemnité
exceptionnelle de mutation ou de déplacement d’office lié aux transferts
de compétence entre la police nationale et d’autres services de l’Etat.
Leurs montants ont été déterminés d’abord par l’arrêté du 28 mars 2002
puis par celui du 20 janvier 2004 qui les a substantiellement revalorisés
pour la grande majorité des opérations de redéploiement relevant de cette
première vague, du fait de leur calendrier.
En euros
Arrêté du
28 mars 2002
Arrêté du
20 janvier 2004
Arrêté du 17 avril
2008
Changement de résidence familiale
Célibataire et marié sans enfant
4 573
9 147
6 100 (C)
7 500 (M ou P)
Avec au moins un enfant à charge
5 335
10 672
10 000 (C +1)
15 000 (M ou P +1)
Pas de changement de résidence familiale et nouvelle résidence administrative
Eloignée de 10 à 39 km
1 372
2 745
2 800
Eloignée
de
40
km
et
plus,
3 049
6 098
6 100
44
Décret n° 90-437 du 28 mai 1990 fixant les conditions et les modalités de règlement
des frais occasionnés par les changements de résidence des personnels civils sur le
territoire métropolitain de la France lorsqu'ils sont à la charge des budgets de l'Etat,
des établissements publics nationaux à caractère administratif et de certains
organismes subventionnés.
LES REDEPLOIEMENTS ISSUS DE LA RGPP
107
célibataire sans enfant à charge
Eloignée de 40 km et plus, autre cas
4 573
9 147
9 200
Pour les agents qui n’ont pas à connaître un changement de
résidence familiale, le régime indemnitaire actuellement appliqué est du
même niveau que celui résultant de l’arrêté de 2004. Dans le cas
contraire, il est plus favorable pour les agents ayant au moins un enfant à
charge et moins pour les autres.
Le ministère de l’intérieur n’a pas été en mesure de communiquer
à la Cour le bilan financier des dépenses engagées dans la police
nationale pour l’application des mesures d’accompagnement des
mutations des personnels décidées dans le cadre des opérations de
redéploiement de 2011.
La Cour ne pourra être en mesure de reconstituer ce coût que
lorsqu’elle disposera, en 2012, des données de l’exécution budgétaire
2011 et à condition de disposer de la liste nominative des personnels
concernés.
d)
Les règles applicables aux gendarmes mutés
Le dispositif applicable aux gendarmes dans les communes
précédemment placées en zone de police comprend un ensemble de règles
de mutation et de mesures d’incitation financières ou relative à
l’avancement.
Conformément aux dispositions de l'instruction n° 6268 relative à
la mobilité des sous-officiers de gendarmerie, les mouvements « pour
raison de service » relèvent exclusivement de la compétence du
commandant de région, chargé de l'accompagnement des personnels
concernés (entretiens de gestion avec les intéressés).
Comme lors des opérations de redéploiement de 2003 à 2006, les
gendarmes concernés par les opérations menées en 2011 n'ont pas
bénéficié de mesures particulières relatives à leur déroulement de
carrière. Les seules mesures ayant un impact budgétaire portent sur la
prise en charge des frais de changement de résidence (
cf. supra
) et sur les
indemnités prévues (droits à solde).
Deux mesures indemnitaires sont susceptibles d'être appliquées
aux militaires mutés ou déplacés dans le cadre d'une restructuration :
−
La majoration de l’indemnité pour charges militaires (MICM)
versée aux gendarmes qui sont chargés de famille : son calcul
108
COUR DES COMPTES
est fait au cas par cas en fonction de la situation du militaire dès
qu’un changement de résidence est imposé.
Les gendarmes concernés par les fermetures d’unités en 2011 ont
bénéficié du dispositif de droit commun relatif au versement des
compléments ou suppléments de l'indemnité pour charges militaires. La
possibilité de cumuler ces deux avantages sans condition, instaurée lors
de la première vague de redéploiements (
cf. supra
), a été supprimée par le
décret n°2008-1525 du 30 décembre 2008. Le cumul ne reste possible que
si la nouvelle affectation intervient moins de 36 mois après la précédente.
Toutefois, ce texte a permis aux gendarmes célibataires de bénéficier de
ces avantages.
−
L’allocation d'aide à la mobilité du conjoint (AAMC), créée par
le décret n°2008-647 du 30 juin 2008, dont le montant est
forfaitaire (6100 €) : elle est due dès lors que le militaire atteste
que son conjoint ou pacsé est contraint de cesser son activité
professionnelle en raison de sa mutation.
La mise en oeuvre de ce dispositif est conditionnée par la
publication d’un arrêté portant réorganisation des unités d’appartenance
des gendarmes concernés et d’un arrêté leur ouvrant droit au bénéfice de
ces deux indemnités de restructuration.
Selon le ministère de l’intérieur, les montants alloués en 2011 sont
de 161 000 € pour le complément et de 9 600 € pour le supplément de
l'indemnité pour charges militaires, ainsi que de 336 000 € pour
l’allocation d’aide à la mobilité du conjoint, soit un total de
506 600 €
.
______________________
CONCLUSION
_____________________
Les opérations de redéploiement menées de 2003 à 2006 ont été
guidées par la volonté d’adapter les périmètres des zones de compétence
de la police et de la gendarmerie aux évolutions de l’urbanisation et des
phénomènes de délinquance. De fait, son principal objectif a été de
remédier à une partie des anachronismes dont souffrait le partage
territorial entre les deux forces.
La finalité des redéploiements issus de la RGPP a été différente. Ils
ont essentiellement consisté à créer une « police d’agglomération »
autour de quelques grandes villes, avec l’intégration en zone de police de
communes
formant
le
prolongement
naturel
d’agglomération
importantes. L’objectif était double : donner aux CSP de ces grandes
villes des contours collant davantage à ceux des bassins de délinquance
en vue d’une plus grande continuité de l’intervention des services ; créer
LES REDEPLOIEMENTS ISSUS DE LA RGPP
109
des possibilités de mutualiser à une plus grande échelle l’emploi d’unités
placées au niveau local sous un commandement unique.
Les transferts de CSP à la gendarmerie n’ont été que le corollaire
du développement de la police d’agglomération. La nécessité pour la
police nationale de dégager les emplois exigés par l’extension des CSP
concernées a conduit à examiner les possibilités de transfert de sens
opposé, compatibles avec la doctrine d’emploi des unités de la
gendarmerie départementale, formalisée sous le concept de
« police des
territoires »
.
Le redéploiement territorial finalement opéré en 2011 s’est révélé
modeste au regard des orientations fixées par la RGPP, du projet global
élaboré conjointement par le DGPN et le DGGN à la fin 2008 ainsi que
des propositions formulées en 2009 par les préfets des régions Rhône-
Alpes et PACA.
Le cas des agglomérations de Toulouse, Grenoble et Mulhouse n’a
pas été traité. L’extension de la zone de police en termes de population
s’élève à seulement 6 % à Lyon, 1,8 % à Marseille et 1,3 % à Bordeaux,
et ne concerne pas l’agglomération de Lille. Par rapport au schéma de
fin 2008, le nombre de communes intégrées en zone de police à des CSP
existantes est passé de 29 à 12, le nombre de CSP transférées en zone de
gendarmerie de 17 à 7.
Les critères de choix des CSP transférées en 2011 en zone de
gendarmerie n’apparaissent pas toujours clairement parmi l’ensemble de
celles peuplées de moins de 20 000 habitants. Si le choix des CSP de
Fourmies, Pertuis, Port-Saint-Louis-du-Rhône et Libourne paraît lié à
l’extension de la police d’agglomération dans les régions visées, il n’en
va pas de même pour les CSP d’Annonay, Montbrison et Graulhet au
regard des autres transferts de ce type possibles au plan national.
En termes de population couverte par chacune des deux forces,
l’échange est presque équilibré, mais les flux sont faibles par rapport à la
première vague de redéploiements. Les transferts de CSP en zone de
gendarmerie, subordonnés à l’extension des polices d’agglomération,
sont limités en raison du souci de respecter un équilibre entre les
mouvements d’effectifs induits au sein de chacune des forces.
A l’issue de ces opérations, la population prise en charge par la
police nationale a été accrue de 28 000 habitants à effectifs quasiment
constants ce qui montre un meilleur emploi de ses personnels. Au
contraire, bien qu’elle ait vu diminuer d’autant la population de sa zone
de compétence, la gendarmerie a affecté plus d’emplois dans les
communes prises en charge en 2011 que celles transférées à la police
n’en ont libérés. Toutefois, le nombre de gendarmes mutés dans ces
110
COUR DES COMPTES
communes représente en moyenne 70 % des effectifs de policiers
précédemment en fonction dans les sept CSP fermées.
En ce qui concerne l'accompagnement social des mouvements de
personnel, le régime indemnitaire dont ont bénéficié les policiers mutés
en 2011 n’est globalement pas moins favorable que celui appliqué lors de
la première vague de redéploiements. Le ministère n’a pas pu
communiquer à la Cour le coût de coût de cet accompagnement qui n’est
pourtant pas négligeable. La gendarmerie a appliqué le dispositif de droit
commun prévu pour les mutations des gendarmes et a établi le bilan de
leur coût pour ces opérations.
S’agissant des dépenses autres que de personnels entraînées par
les redéploiements territoriaux (travaux d’aménagement des locaux, frais
de changement de résidence des personnels), elles sont suivies
globalement dans la gendarmerie nationale, mais pas dans la police
nationale qui n’a pu en communiquer aucun bilan à la Cour.
Ces lacunes sont dommageables dans la perspective d’opérations
ultérieures.
Chapitre III
Les perspectives de nouveaux
redéploiements
Les forces de sécurité de l’Etat doivent améliorer leur efficacité
dans la lutte contre la délinquance dans un contexte budgétaire désormais
marqué par la baisse des effectifs et des crédits de fonctionnement et
d’équipement. Ce défi ne peut être relevé qu’au prix de réformes
d’organisation visant à un meilleur emploi des capacités opérationnelles
disponibles, notamment par la poursuite du remodelage des zones de
compétences des deux forces. Compte tenu des difficultés politiques et
organisationnelles que soulèvent les opérations de redéploiement
territorial, leur poursuite pourrait s’appuyer sur une définition plus claire
de leurs enjeux, objectifs et modalités.
I
-
La situation actuelle
La répartition actuelle des communes entre zones de police ou de
gendarmerie, fruit de l’histoire, a été modifiée par les deux vagues de
redéploiement de ces dix dernières années. Elle se réfère notamment aux
deux critères, mentionnés dans le décret du 16 septembre 1996 :
l’importance démographique et les caractéristiques de la délinquance
« urbaine » ou non. Cette répartition reste parfois inadaptée au regard des
doctrines d’emploi et modes d’organisation respectifs des deux forces.
112
COUR DES COMPTES
A - L’atténuation des critères objectifs de distinction
entre les deux zones
La portée des deux critères de distinction entre les deux zones est
devenue moins nette.
1 -
La distinction entre zones urbaines et zones rurales
La répartition des missions de sécurité publique entre police et
gendarmerie nationales était traditionnellement fondée sur la distinction
entre territoires urbains et ruraux. Cette distinction a perdu de sa netteté.
Au demeurant, la loi du 3 août 2009 relative à la gendarmerie nationale
en a pris acte dans son article 1
er
: «
la gendarmerie nationale est destinée
à assurer la sécurité publique et l'ordre public, particulièrement dans les
zones rurales et périurbaines, ainsi que sur les voies de communication
».
Les éléments de spécificité rurale de la zone de compétence de la
gendarmerie ne sont en effet plus aussi marqués, en raison de l’extension
et de la densification des espaces périurbains. Aussi, tout en couvrant des
territoires ruraux, parfois en voie de désertification, la gendarmerie est
aussi responsable de plusieurs zones urbaines sensibles. Sa zone de
compétence se caractérise par sa grande diversité de situation.
Par exemple, dans le département des Alpes-Maritimes, elle
s’étend sur 94 % de la superficie et 29 % de la population. Elle se
compose à la fois de zones rurales, d’espaces périurbains et de véritables
centres urbains, dont une partie sur la bande côtière où se concentre la
population. De même, dans le département de l’Essonne, la zone de
gendarmerie, où la population, qui a augmenté de 8,5 % entre 1999 et
2009 pour s’établir à 349 000 habitants, a un caractère rurbain
particulièrement avéré au nord du département.
2 -
La distinction entre délinquance « urbaine » ou non
L’article R.2214-1 du CGCT, dans sa rédaction issue du décret du
16 septembre 1996, conditionne l’instauration (et non le maintien) du
régime de la police d’Etat à un critère d’appréciation matériel de la
délinquance, qui doit être «
caractéristique des zones urbaines
».
Comme il a été indiqué dans la première partie, cette définition
tautologique a été précisée en 2001 par le Conseil d’Etat à partir de
critères matériels, qui rapportaient la délinquance «
caractéristique des
zones urbaines
» à trois conditions non cumulatives mais prises en
exemple par le juge administratif : un taux de délinquance générale, une
proportion de délinquance de voie publique et une proportion des
LES PERSPECTIVES DE
NOUVEAUX REDEPLOIEMENTS
113
infractions commises par des mineurs supérieurs à la moyenne nationale.
En 2006, le Conseil d’Etat, sans formellement renier ces critères, a insisté
plutôt sur la continuité géographique de la délinquance, appelant celle de
l’action des forces, comme critère susceptible de justifier le régime de la
police d’Etat.
Le caractère urbain de la délinquance a été utilisé pour justifier le
maintien en zone de police des circonscriptions de petite taille
45
. Pour
autant, la capacité de la gendarmerie à gérer des quartiers sensibles ou des
vastes aires commerciales n’est pas contestée, même par la police
nationale. Ainsi, dans les Alpes-Maritimes, la DDSP a préféré, en 2003,
laisser à la gendarmerie les communes situées autour du quartier de
l’Ariane.
D’ailleurs, l’utilisation trop poussée du critère matériel de la
« délinquance urbaine » introduirait
de facto
une forme de spécialisation
des forces à laquelle elles sont vigoureusement opposées.
B - Un partage territorial encore inadapté
Le rapport de la Cour publié en juillet 2011 sur
« L’organisation et
la gestion des forces de sécurité publique »
a montré que, au sein de la
zone de compétence de la police ou de la gendarmerie, la répartition des
effectifs laisse encore apparaître d’importantes disparités au regard des
critères de population et de niveau de délinquance. Ces disparités existent
entre de grandes villes, capitales de région, entre des villes moyennes ou
encore entre des CSP de la banlieue parisienne.
En particulier, au sein de la police nationale, presque toutes les
villes bénéficiant d’une densité élevée de policiers, soit de plus d’un
policier pour trois cents habitants, ont des populations comprises entre
10 000 et 20 000 habitants. Certaines de ces petites villes sont dotées
d’effectifs élevés au regard de leur population résidente en raison d’une
forte activité de tourisme (Agde, Honfleur) ou de pèlerinage (Lourdes).
Ainsi, la CSP du Touquet, qui compte seulement six mille habitants
permanents, était dotée d’un effectif record d’un policier pour 118
habitants avec il est vrai un taux de délinquance lui aussi record de
175 ‰. D’autres, villes, dotées d’une présence policière importante par
rapport à leur modeste population, connaissent des taux de délinquance
largement supérieurs à la moyenne de leur strate démographique. Tel est
45
La note élaborée par la DDSP de la Nièvre pour défendre l’idée d’un maintien,
voire d’une extension de la CSP consacre de longs développements à démontrer « le
caractère urbain » de la délinquance qui y est enregistrée.
114
COUR DES COMPTES
le cas de Château-Thierry (84 ‰ en 2008), Tarascon (92 ‰), Laon
(84 ‰) ou encore Beaucaire (94 ‰), Cahors (71 ‰) ou Lons-le-Saunier
(89 ‰).
Cependant, de nombreuses autres CSP de dix à vingt mille
habitants ont des densités policières parmi les plus élevées malgré des
taux de délinquance remarquablement bas (de l’ordre de 50 ‰ voire
nettement moins) : Privas (un policier pour 216 habitants au 1
er
janvier
2009), Mende (1/230), Guéret (1/259), Tulle (1/264), Héricourt (1/275),
Castelnaudary (1/283), mais aussi Briançon (1/305), Ussel (1/306),
Pamiers (1/319), Guebwiller (1/321), Marles-les-Mines (1/328), Graulhet
(1/332).
Si l’article R.2214-1 du CGCT dispose que le régime de la police
d’Etat peut être institué lorsque
« la population de la commune ou de
l'ensemble de communes, appréciée en tenant compte de l'importance de
la population saisonnière, est supérieure à 20 000 habitants
», il n’y
interdit pas son maintien si elle a été instituée avant 1996.
Toutefois, au-delà de cet aspect juridique, comme l’indiquent les
responsables des deux forces, le critère de population doit être relié à la
doctrine d’emploi et l’organisation respectives des deux forces.
C - Doctrine d’emploi et organisation territoriale des
forces
1 -
L’organisation de la police
Le fonctionnement d’un commissariat de façon continue, 24 heures
sur 24, sept jours sur sept, ne permet pas de faire descendre ses effectifs
en-deçà d’un minimum nécessaire pour assurer la plénitude de ses
missions. Même si elle se caractérise par un faible taux de délinquance et
une population de taille modeste, une CSP doit reposer sur trois pôles
distincts chargés des missions de police de proximité, d’investigations
judiciaires et de sécurité routière. Compte tenu des cycles de travail et des
règles de récupération applicables, la constitution des équipes mobilise un
effectif incompressible pour assurer leurs missions.
Ainsi, pour assurer le maintien en permanence d’une patrouille sur
la voie publique, un commissariat ne peut disposer de moins de 40
fonctionnaires car le règlement général d’emploi de la police nationale
(RGEPN) prévoit en particulier qu’une patrouille doit être formée d’au
LES PERSPECTIVES DE
NOUVEAUX REDEPLOIEMENTS
115
moins deux policiers
46
. Ce niveau d’étiage est rapidement dépassé s’il est
nécessaire de maintenir en permanence deux patrouilles diurnes et une
patrouille nocturne. L’effectif minimal de la CSP se situe alors entre 80 et
100 fonctionnaires.
Ces contraintes expliquent la forte densité de policiers atteintes
dans les CSP dotée d’une faible population.
2 -
L’organisation de la gendarmerie
Les brigades territoriales, unités de base de la gendarmerie
départementale, sont déchargées de la plus grande partie des tâches de
gestion administrative qui sont assurées à l'échelon de la compagnie et du
groupement départemental. Leurs effectifs en sont allégés d'autant alors
qu'au sein d'une CSP, des agents administratifs mais aussi des policiers
actifs en sont chargés.
Par ailleurs, la concession de logements par nécessité absolue de
service est la condition d'une large disponibilité des gendarmes affectés
en brigade territoriale. Le régime de travail est notamment régi par deux
dispositifs déterminants.
D'une part, après avoir été en service durant des horaires décalés,
les gendarmes sont systématiquement placés en position de « repos
physiologique » d'une durée de huit heures. Ainsi, ayant cessé leur travail
à minuit, ils peuvent en principe le reprendre à huit heures du matin. Dans
la police, la continuité du service 24 heures sur 24 est obtenue, dans les
unités qui y sont astreintes, grâce au régime cyclique en 4/2 (quatre jours
de travail suivi de deux jours de repos) qui est beaucoup plus coûteux en
effectifs.
D'autre part, le régime de travail des gendarmes comporte
plusieurs positions, caractérisées par leur degré différent de disponibilité
en cas d’urgence, qui permettent leur mobilisation graduelle en fonction
des nécessités. Ainsi, lorsqu'ils ne sont pas en permission ou en repos, ils
peuvent être disponibles 24 heures sur 24 ou bien en régime d'astreinte.
Dans ce dernier cas, tout en se trouvant en quartier libre le soir à leur
domicile après avoir effectué le nombre d'heures prévues à leur planning,
ils peuvent être appelés en cas de besoin.
46
Ce chiffre est de trois dans la gendarmerie. Dans le cas des BAC ou des patrouilles
nocturnes, les patrouilles à deux fonctionnaires son très critiquées par les
organisations professionnelles qui estiment que trois fonctionnaires constitueraient un
minimum.
116
COUR DES COMPTES
Les appels sont relayés, au niveau du groupement départemental,
par le centre opérationnel de renseignement de la gendarmerie (CORG)
qui contacte le logement des gendarmes concernés. Dans chaque brigade,
au moins un gendarme est ainsi disponible la nuit et doit descendre de son
logement en cas d'appel. Depuis 2009, il existe deux niveaux d'astreinte :
le délai laissé aux gendarmes en moment de l'appel et celui de leur départ
de la caserne est fixé à dix minutes ou à une heure. Dans le premier cas,
le gendarme sous astreinte doit rester impérativement à son domicile
Dans le second, il peut s'en éloigner quelque peu pour faire des courses
par exemple.
Au total, la durée du travail est en moyenne plus longue dans les
unités de la gendarmerie départementale que dans les services de police
chargés de la sécurité publique. La durée annuelle de travail était en 2007
de 1 796 heures dans la gendarmerie nationale
47
alors que, dans les
services de police chargés de missions de sécurité générale, elle variait de
1 435 heures en régime cyclique de nuit et 1 555 heures en régime
cyclique de jour à 1 603 heures en régime hebdomadaire.
3 -
Des possibilités d’optimiser l’emploi des personnels
Dans les départements où la présence policière est importante, une
partie des effectifs est affectés à la DDSP pour venir en renfort des CSP.
Toutefois, les CSP géographiquement isolées de la ville chef-lieu en
bénéficient rarement ou dans des délais peu compatibles avec leurs
besoins. Dans les départements peu peuplés et dotés d’une faible présence
policière, ces possibilités de renfort sont limitées et le mode
d’organisation de la police est également peu adapté à la situation des
petites villes où la délinquance est relativement faible mais non exempte
de variations conjoncturelles.
Dans la gendarmerie départementale, les effectifs déployés pour
assurer les missions de sécurité publique ne sont pas tous affectés aux
unités de base. Une partie est mutualisée au niveau des compagnies ou du
groupement départemental. Les unités de base reçoivent en tant que de
besoin le soutien d’unités dites d’environnement (BR, PSIG).
Dans les petites CSP, le nombre de policiers par habitant, nombre
sans doute difficile à réduire en raison des modes d’organisation de la
police, en particulier ses règles de travail, est manifestement supérieur au
nombre de gendarmes nécessaires pour remplir les mêmes missions selon
47
Rapport du groupe de travail intérieur-défense
« Police-gendarmerie : vers la parité
globale au sein d’un même ministère »
(mars 2008).
LES PERSPECTIVES DE
NOUVEAUX REDEPLOIEMENTS
117
les ratios communément utilisés par la DGGN pour établir ses TEA.
Ainsi, dans les petites villes, pour une même intensité de délinquance, la
gendarmerie mobilise des moyens nettement moins importants que la
police pour assurer les missions de sécurité publique.
Dans les communes concernées entre 2003 et 2006 par les
transferts de la police vers la gendarmerie, l’objectif était que, localement,
chaque policier soit remplacé par un gendarme, selon la demande des élus
locaux concernés. Cet objectif a été atteint de façon habile en localisant
dans ces communes des personnels intervenant sur un territoire plus large,
comme le montre les cas analysés dans la première partie.
Selon la DGGN, l'expérience a montré que le nombre de
gendarmes affectés dans les petites CSP transférées en zone de
gendarmerie correspondait en moyenne à environ 70 % de celui des
policiers précédemment en fonction. Ce taux de substitution, variable
selon les situations locales, s'explique par les différences d'organisation à
l'échelon local entre les deux forces.
L’un des scénarios prospectifs de la DGGN concerne les 42 CSP
« isolées » de moins de 20 000 habitants. Celles-ci emploient 2 144
fonctionnaires de police et couvrent une population totale de 635 000
habitants, soit un taux moyen d’un policier pour moins de 300 habitants,
très supérieur à la moyenne nationale. En appliquant à ces effectifs le taux
de réfaction de 70 %, la DGGN estime pouvoir assurer les mêmes
missions que la police avec 1 501 militaires, soit une économie de 643
emplois au total.
Le cas échéant, cette économie de 30 % d’emplois ne procurerait
pas une économie budgétaire de même proportion. En effet, selon le
projet annuel de performances de la mission Sécurité pour 2011, le coût
budgétaire moyen d’un emploi
48
du programme
Gendarmerie nationale
est en moyenne supérieur de 30 % à celui d’un emploi du programme
Police nationale
, cette différence ayant plusieurs causes. Tout d’abord, le
taux des cotisations des gendarmes pour le compte d’affectation spéciale
Pensions
est très supérieur à celui appliqué aux policiers. Ensuite, les
gendarmes sont logés alors que les policiers ne le sont pas.
48
Total des dépenses du programme divisé par le nombre d’ETPT autorisés.
118
COUR DES COMPTES
II
-
Lignes directrices et contraintes des
redéploiements futurs
La poursuite des redéploiements reste nécessaire pour progresser
vers un partage territorial des zones de compétence, rationnel, plus
économe en moyens et adapté aux doctrines d’emploi des deux forces.
Dans le respect de ces doctrines, dites de « police d’agglomération » et de
« police des territoires », les nouveaux redéploiements pourraient être
guidés par deux lignes directrices à articuler dans un cadre contraint.
A - Deux lignes directrices
Ces deux lignes directrices ne sont pas nouvelles : l’approche
géographique de la délinquance à travers les « bassins de délinquance »,
qui met l’accent sur la cohérence et la continuité des zones de
compétence et l’unité de commandement opérationnel ; la recherche
d’économie de moyens, qui vise à rationaliser les zones, pour ajuster au
mieux les effectifs nécessaires aux missions de sécurité publique. Ces
deux approches ne sont pas contradictoires.
1 -
L’approche géographique : la cartographie de la délinquance
La poursuite du remodelage des zones de compétence respectives
devrait s’appuyer sur une réflexion plus aboutie autour de la notion de
« bassins de délinquance » dans le prolongement des concepts de « police
d’agglomération » et de « police des territoires » qui ont été forgés en
2009 pour accroître l’efficacité de l’emploi des forces.
Il conviendrait d’abord d’affiner l’étude cartographique menée par
la DCPJ en 2009, évoquée en partie II, qui a contribué à étayer le concept
de « police d’agglomération », pour s’assurer que cette approche est plus
pertinente qu’une simple approche géographique fondée sur les bassins
socio-économiques et les axes de circulation.
En effet, cette étude a distingué des bassins de délinquance très
vastes, qui, à la différence de Paris, ne dessinent pas encore des territoires
homogènes susceptibles d’être confiés en bloc à la police en fonction
d’objectifs opérationnels. Un travail plus fin pourrait désigner au sein
même de ces bassins les périmètres de zones homogènes au regard de
caractéristiques de la délinquance.
Par exemple, la DCPJ a désigné l’arc méditerranéen comme l’un
des quatre grands bassins de délinquance au niveau national. A l’échelle
des Alpes-Maritimes, en particulier, on ne peut en tirer aucune
LES PERSPECTIVES DE
NOUVEAUX REDEPLOIEMENTS
119
conséquence pour mieux délimiter les zones de compétence respectives
des deux forces et départager la thèse de la police selon laquelle la frange
littorale constitue un seul sous-bassin de délinquance sans profondeur de
celle de la gendarmerie qui estime que celui-ci se limite en réalité à la
continuité Cannes-Nice et qu’un autre sous-bassin doit être distingué au
niveau de Menton, avec une profondeur vers le nord.
L’analyse des lieux de résidence des auteurs d’infraction au regard
des lieux de commission des faits reste à clarifier, comme d’ailleurs les
conséquences à en tirer. Pour justifier le maintien sous le régime de la
police d’Etat de la CSP d’Arles comme celle de Nevers, le DGPN a
avancé notamment le même critère de « délinquance importée », en dépit
de l’importante différence de proportion des auteurs d’infractions
originaires des communes environnantes : 50 % dans le cas d’Arles et
7 % dans celui de Nevers. Pour chaque CSP concernée, il conviendrait de
préciser si la notion de délinquance « importée » se limite à celle
provenant de quelques communes limitrophes ou bien inclut aussi celle
provenant d’autres CSP du département.
En corollaire de cette réflexion, les directions générales devraient
examiner l’intérêt que leurs zones de compétence s’affranchissent des
diverses frontières administratives, notamment départementales.
La
LOPSI
avait
introduit
à
cet
effet
la
possibilité
de
circonscriptions de sécurité publique interdépartementales, permettant
qu’une même CSP couvre des communes de plusieurs départements, avec
une unité de commandement. Mais cette possibilité a été utilisée une
seule fois lors des redéploiements 2003-2006, les préfets de département
et les DDSP n’y étant guère favorables
49
. La « police d’agglomération »
n’a donné lieu qu’à deux propositions de CSP interdépartementales, dont
une seule a finalement vu le jour en juin 2011 entre Tarascon et
Beaucaire.
Enfin, l’efficacité opérationnelle de cette approche territoriale, en
matière judiciaire, supposerait que le ressort des tribunaux soit cohérent
avec celui des grandes zones ainsi dessinées, au moins au niveau du
ministère public.
49
Un décret du 27 avril 2006 a créé la circonscription couvrant les communes
d’Avignon dans le Vaucluse et des Angles et de Villeneuve-lès-Avignon dans le Gard
120
COUR DES COMPTES
2 -
La recherche d’économies de moyens
Le contexte budgétaire implique nécessairement d’assigner au
processus de redéploiement un objectif d’efficience qui peut être atteint
notamment par des transferts de la police vers la gendarmerie plus
systématiques et plus rigoureux.
a)
Les économies d’emplois liées au transfert de CSP à la
gendarmerie
Les redéploiements effectués dans le cadre de la LOPSI ont été
opérés officiellement avec une clé de remplacement d’un gendarme pour
un policier, mais en réalité, compte tenu des élargissements de périmètre
des zones concernées, la DGGN estime que cette clé a été de 70 % en
moyenne. Les redéploiements programmés en 2011 font apparaître, au vu
des effectifs annoncés par le ministère de l’intérieur, une clé moyenne de
substitution voisine.
En conséquence, selon les simulations étudiées par la DGGN (
cf.
infra
), le transfert de toutes les circonscriptions comptant moins de
50 000 habitants
50
, qu’elle ne propose d’ailleurs pas, pourrait procurer un
gain potentiel immédiat de 3 141 emplois.
Par ailleurs, une telle économie d’emplois n’est une économie
budgétaire que si les coûts initiaux, notamment immobiliers et
indemnitaires, ou récurrents, ne viennent pas annuler les gains
budgétaires sur les rémunérations. En outre, considérées globalement, les
deux forces ne peuvent gagner en efficacité que si les emplois de policiers
rendus disponibles par ces transferts sont redéployés là où ils sont le plus
nécessaires.
Les gains possibles des transferts en zone gendarmerie ne doivent
donc pas être surestimés.
b)
Le champ des possibles
Le champ des possibles est plus ou moins large selon qu’est
retenue ou non l’hypothèse du transfert de la police à la gendarmerie des
CSP isolées de moins de 20 000 habitants situées dans des villes chefs-
lieux de département. Dans cette hypothèse, la gendarmerie assurerait
seule les missions de sécurité publique dans certains départements où les
50
Ces CSP sont au nombre de 147, soit près de la moitié du total des CSP, hors
départements de la petite couronne.
LES PERSPECTIVES DE
NOUVEAUX REDEPLOIEMENTS
121
services de la DCSP ne sont présents que dans des villes dont la
population est inférieure à ce seuil.
De tels transferts ne sont pas indispensables à la poursuite du
mouvement de rationalisation des zones de compétence, d’autant qu’ils
soulèvent plusieurs difficultés analysées
infra
. Pour autant, ils ne
devraient pas, par principe, être écartés de la réflexion.
Par ailleurs, le DGPN, au vu de ses réactions aux propositions
avancées par les préfets de région à l’été 2009, souhaite non seulement
conserver un certain volant de « petites » CSP de moins de 30 000
habitants, mais s’oppose tant au retrait complet de la police d’un
département qu’au transfert de CSP proches des 50 000 habitants.
Enfin, même si ce sujet déborde celui du partage territorial entre
police et gendarmerie, l’objectif d’efficience exigerait de mener à bien
une réflexion sur les moyens rares (équipes cynophiles, plongeurs…) et
les fonctions spécifiques (secours en montagne, brigades motocyclistes,
etc.) pour envisager une attribution à l’une seulement des deux forces.
B - Les contraintes
La poursuite de redéploiements peut être freinée ou même bloquée
par trois contraintes de nature différentes.
1 -
Le critère de population
a)
Le critère réglementaire
L’article R.2214-1 du code général des collectivités territoriales
dispose que le régime de la police d’Etat peut être institué lorsque
« la
population de la commune ou de l'ensemble de communes, appréciée en
tenant compte de l'importance de la population saisonnière, est
supérieure à 20 000 habitants
».
Prise à la lettre, cette disposition n’interdirait que le transfert d’une
commune ou d’un groupe de communes de moins de 20 000 habitants,
population saisonnière comprise, de la zone gendarmerie à la zone police,
qui constitue un cas d’école jamais rencontré. En sens inverse, si cette
disposition ne crée aucune obligation de transférer à la gendarmerie les
communes de moins de 20 000 habitants placées sous le régime de la
police d’Etat, elle n’implique pas non plus qu’une commune placée sous
la responsabilité de la gendarmerie doive être intégrée en zone de police
parce qu’elle aurait dépassé le seuil fatidique de 20 000 habitants du fait
de son évolution démographique.
122
COUR DES COMPTES
En pratique, le critère réglementaire des 20 000 habitants ne sert
que de référence, mais d’une référence très présente dans les analyses par
la police des possibilités d’évolution.
Or, cette référence apparaît aujourd’hui dépassée, ne serait-ce
parce que la zone de compétence de la gendarmerie nationale comprend
déjà quelques communes dont la population est comprise entre vingt
mille et trente mille habitants
51
.
b)
Les réflexions de la DGGN
Confiante dans sa capacité d’appliquer sa doctrine d’emploi et son
schéma d’organisation dans des espaces urbains de plus de 20 000
habitants, la DGGN a étudié en 2010 les possibilités de reprise de CSP
« isolées », c’est-à-dire coupées de toute capacité de renforcement dans
des délais raisonnables d’une CSP voisine
52
. A titre prospectif, elle a
établi quatre listes sur la base de quatre seuils possibles : 20 000, 30 000,
40 000 et 50 000 habitants (tableau n°19). Dans cet ensemble, la DGGN a
jugé prioritaire le transfert de 48 CSP.
Indépendamment de ces listes, elle dispose aujourd’hui d’au moins
trois scénarios formalisés de reprise de communes proches des 50 000
habitants : Arles (51 970 habitants), Villefranche-sur-Saône (49 588
habitants), dont la situation en zone de police a été maintenue par les
récentes décisions ministérielles, et Dreux (46 800 habitants) dont la
situation n’a pas été récemment examinée.
51
Saint-Genis-Laval (69), Mandelieu-la-Napoule (06), Gardanne (13), Vertou (44),
Gif-sur-Yvette (91), Muret (31), Lunel (34), Saint-Médard-en-Jalles (33), et Rillieux-
la-Pape (69) avant son transfert en zone de police en août 2011.
52
L’isolement d’une CSP est défini en prenant en compte la distance avec
l’agglomération la plus proche. Elle doit se trouver dans une aire urbaine dont la
superficie ne dépasse pas les 20 à 35 km² et qui se situe à plus de 50 km ou 45
minutes de route de la CSP le plus proche.
LES PERSPECTIVES DE
NOUVEAUX REDEPLOIEMENTS
123
Tableau n° 17 : CSP
« isolées » de 20 000 à 50 000 habitants
Avec les villes
chefs-lieux de
département
Nombre
de CSP
Population
couverte
Effectifs PN
actuels
Effectifs
futurs GN
(0,7)
Gain
théorique
en emplois
CSP de moins
de 20 000
habitants
42
634 961
2 144
1 501
643
CSP entre 20 et
30 000
habitants
48
1 161 925
2 997
2 098
899
CSP entre 30 et
40 000
habitants
32
1 119 673
2 734
1 914
820
CSP entre 40 et
50 000
habitants
25
1 119 873
2 596
1 817
779
Hypothèse
d'un transfert
généralisé en
deçà de 50 000
habitants
147
4 036 432
10 471
7 330
3 141
Sans les villes
chefs-lieux de
département
Nombre
de CSP
Population
couverte
Effectifs PN
actuels
Effectifs
futurs GN
(0,7)
Gain
théorique
en
emplois
CSP de moins de
20 000 habitants
37
549 977
1 807
1 265
542
CSP entre 20 000
et 30 000 habitants
29
965 160
2 419
1 693
726
CSP entre 30 000
et 40 000 habitants
24
819 139
1 965
1 376
590
CSP entre 40 000
et 50 000 habitants
21
944 639
2 129
1 490
639
Hypothèse d'un
transfert
généralisé en deçà
de 50 000
habitants
111
3 278 915
8 320
5 824
2 496
Source : données DGGN, mai 2011
124
COUR DES COMPTES
c)
L’intérêt des « petites » CSP pour la DGPN
La DGPN est opposée à de telles perspectives. Elle estime qu’en
règle générale, les CSP de plus de 20 000 habitants, voire moins dans le
cas des villes-préfectures, doivent rester dans sa zone de compétence.
Reste que dans les Alpes-Maritimes, comme il a été indiqué, c’est la
DDSP elle-même qui a soutenu un scénario incluant le transfert de la
commune de Grasse, qui compte 51 800 habitants.
En réalité, la raison principale de l’opposition de la police à ces
perspectives, raison jamais écrite mais reconnue sans difficulté par tous
les responsables interrogés, y compris au sein de la police nationale est
l’intérêt « social » de conserver des commissariats de petite taille
susceptibles d’offrir des conditions de travail moins difficiles que les
grands commissariats situés en zones urbaines sensibles.
Cette raison est recevable, mais il serait toutefois souhaitable
qu’elle perde en importance avec le développement du dispositif
« Passerelle » qui vise à faciliter et amplifier les mobilités de personnels
entre les deux forces.
Au total, compte tenu des réflexions en cours et de l’intérêt de
transferts plus ambitieux vers la zone gendarmerie, la formulation de
l’article R.2214-1 du CGCT, même si elle n’est pas juridiquement un
obstacle, pourrait être révisée afin de porter le critère de population à au
moins 50 000 habitants et d’en permettre une application souple. Pas plus
qu’aujourd’hui, l’instauration de ce nouveau seuil n’aurait pour
conséquence d’obliger à transférer à la gendarmerie toutes les CSP dotées
d’une population inférieure, mais il faciliterait les transferts jugés
pertinents.
2 -
Le cas particulier des villes-préfectures
En application de l’article R.2214-1, les villes sièges des
préfectures sont obligatoirement placées sous le régime de la police
d’Etat. Parmi les 147 CSP de moins de 50 000 habitants identifiés par la
DGGN comme intéressantes à transférer, en raison de leur isolement, 26
sont implantées dans des villes chefs-lieux de département et représentent
20 % des emplois
53
; parmi les 42 CSP isolées de moins de 20 000
53
Foix (09), Mende (48), Privas (07), Guéret (23), Tulle (19) et Digne-les-Bains (04)
pour les CSP de moins de 20 000 habitants ; Bar-le-Duc (55), Auch (32), Lons-le-
Saunier (39), Saint-Lo (50), Chaumont (52), Cahors (46), Vesoul (70) et Laon (02)
entre 20 000 à 30 000 habitants ; Le Puy-en-Velay (43), Aurillac (15), Moulins, Gap
LES PERSPECTIVES DE
NOUVEAUX REDEPLOIEMENTS
125
habitants, six sont sises dans des villes chefs-lieux : Foix, Mende, Privas,
Guéret, Tulle et Digne-les-Bains.
Ces situations particulières méritent examen, même si la poursuite
des redéploiements territoriaux entre la police et la gendarmerie n’exige
pas de les remettre en cause.
Les départements où la ville-préfecture ne constitue qu’une
« petite » CSP et qui disposent ailleurs d’une « grande » CSP ayant
vocation à conserver son régime ne présentent pas d’enjeux de principe.
Rien n’interdit juridiquement que la DDSP soit localisée ailleurs que dans
la ville chef-lieu de préfecture, une telle localisation ayant pour seul
inconvénient de risquer de compliquer l’organisation matérielle des
relations entre le directeur et le préfet. Peu de départements présentent
cette configuration, mais ce pourrait être le cas de la Marne, où la ville de
Reims (181 468 habitants) a vocation à demeurer en zone police, mais où
la préfecture, Châlons-en-Champagne (46 138 habitants) figure parmi les
hypothèses de transfert. De façon moins évidente, la préfecture de l’Aude,
Carcassonne (46 639 habitants), se prêterait davantage à un transfert dans
la zone gendarmerie que la CSP de Narbonne.
La configuration qui présente les véritables enjeux de principe est
celle qui, par le jeu du transfert de la CSP-préfecture et le cas échéant
d’une ou deux autres petites CSP, verrait un département confié dans sa
totalité à la gendarmerie, du moins pour les missions de sécurité publique.
Cette unicité de compétence, en faveur de la police, est déjà réalisée à
Paris et dans les trois départements de la petite couronne.
En matière judiciaire, l’unicité éventuelle de compétence de la
gendarmerie dans un département soulève deux questions : celle du libre
choix des services enquêteurs par l’autorité judiciaire au niveau
départemental et celle du statut de l’officier du ministère public.
a)
Le libre choix des services enquêteurs
Les textes
Le principe de ce choix figure est posé par l’article 12-1 du code,
créé par l’article 2 de la loi du 3 août 2009 relative à la gendarmerie
(05), Nevers (58), Alençon (61) et Rodez (12) entre 30 000 à 40 000 habitants ;
Auxerre (89), Macon (71), Epinal (88) et Carcassonne (11) entre 40 000 et 50 000
habitants.
126
COUR DES COMPTES
nationale
54
et repris à l’article D2 (partie réglementaire) du même code
ainsi rédigé : «
Le procureur de la République et le juge d'instruction ont
le libre choix des formations auxquelles appartiennent les officiers de
police judiciaire territorialement compétents qui seront chargés de
l'exécution de leurs réquisitions ou commissions rogatoires
».
Cette liberté constitue une prérogative de l’autorité judiciaire qui,
dans chaque cas d’espèce, doit pouvoir saisir le service qui lui paraît le
plus apte à diligenter les investigations, ou au contraire, dessaisir le
service qui ne peut remplir de façon satisfaisante cette mission
55
. Elle
contribue à la pleine effectivité du principe à valeur constitutionnelle de
direction et de contrôle de la police judiciaire par l'autorité judiciaire,
résultant de l'article 66 de la Constitution.
Toutefois, ce libre choix s’exerce à l’égard des services
territorialement compétents tels qu’ils sont organisés. Il n’y a pas de
disposition légale ou de principe général de procédure pénale qui fasse
obligation à l’Etat de le garantir à l’autorité judiciaire dans les limites du
département ou même du ressort du tribunal de grande instance. En fait,
le libre choix ne s’exerce pas seulement dans une logique « horizontale »,
au niveau du département ou du ressort, mais surtout dans une logique
« verticale » à travers le recours aux échelons régionaux et nationaux de
la police ou de la gendarmerie.
Cette logique « verticale » figure à l’article D4 du code de
procédure pénale : «
Le magistrat fait appel aux officiers de police
judiciaire relevant de la direction centrale de la police judiciaire ou de la
direction centrale de la police aux frontières ou de la sous-direction de la
police judiciaire de la direction générale de la gendarmerie nationale
dans les cas de nécessité, en tenant compte des possibilités que procurent
à l'officier de police judiciaire premier saisi sa rapidité d'intervention,
ses sources d'information, sa connaissance de l'affaire et du milieu
humain
».
54
« Le procureur de la République et le juge d'instruction ont le libre choix des
formations auxquelles appartiennent les officiers de police judiciaire ».
55
Article D.3 du code de procédure pénale :
«le magistrat compétent apprécie
souverainement, dans chaque cas d'espèce, en fonction de la nature et des
circonstances de l’affaires, des hypothèses qu'elle autorise et de l'étendue des
recherches à entreprendre, s'il y a lieu de dessaisir l’officier de police judiciaire qui a
commencé l’enquête ou de lui laisser poursuivre pour tout ou partie les
investigations»
.
LES PERSPECTIVES DE
NOUVEAUX REDEPLOIEMENTS
127
C’est cette possibilité de choix « vertical » qui fait que l’autorité
judiciaire ne voit pas son libre choix interdit à Paris, dans les Hauts-de-
Seine, en Seine-Saint-Denis et dans le Val-de-Marne. Symétriquement, il
pourrait donc être considéré que le libre choix serait préservé et garanti
dans un département où seule la gendarmerie serait compétente en
matière de sécurité publique dès lors que l’autorité judiciaire pourrait
librement saisir le SRPJ compétent, voire l’une des formations nationales
de la DCPJ.
La position du ministère de la justice
La direction des affaires criminelles et des grâces (DACG),
consultée par la Cour, souligne les obstacles qui peuvent s’opposer à la
saisine du SRPJ compétent, voire de l’une des formations nationales de la
DCPJ, pour enquêter sur des faits commis en zone de gendarmerie.
D’une part, la première intervention sur les lieux d’un crime ou
d'un délit, dans le cadre d’une enquête de flagrance, ou le recueil des
premières informations, dans le cadre d’une enquête préliminaire,
constitue un élément essentiel à la détermination du service ou de l’unité
qui se voit confier la poursuite des investigations. Il est très rare en
pratique, car techniquement complexe et humainement délicat, surtout
dans le cadre d’une enquête de flagrance, de saisir un service de la police
nationale après qu’une unité de la gendarmerie nationale a procédé aux
premières investigations. Ne pouvant jamais procéder à ces actes initiaux
dans les départements placés intégralement en zone de gendarmerie, du
fait de l’absence de service de sécurité publique, la police nationale ne s’y
verrait confier que peu de procédures judiciaires.
En pratique, sur l’ensemble du territoire, le recours à la police ou à
la gendarmerie pour mener les enquêtes judiciaires résulte de façon
presque mécanique du lieu de commission des faits, en zone de
compétence de l’une ou de l’autre force. A cet égard, le principe du libre
choix est donc de fait largement formel. Son exercice se limite aux cas
exceptionnels où la nature de l’affaire justifie que le magistrat, comme l’y
autorise le code procédure pénale, dessaisisse le service à l’origine des
premières constatations.
D’autre part, selon la DACG, l’efficacité de l’intervention d’un
service d’enquêtes de la PJ (service régional ou direction centrale) ou de
la gendarmerie (brigade ou section de recherches) dépend beaucoup du
soutien logistique apporté par les enquêteurs locaux. Ainsi, si elle venait à
être saisie dans un département situé intégralement en zone de
gendarmerie, la police nationale verrait l’efficacité de son intervention
fortement amoindrie dans la mesure où elle y serait privée des atouts
opérationnels nécessaires à la bonne marche des
investigations. Ce risque
128
COUR DES COMPTES
doit être nuancé en tenant compte de la coopération nécessaire entre
services de police et de gendarmerie en matière judiciaire.
b)
Le statut de l’officier du ministère public
Le code de procédure pénale indique dans ses articles 45 et 46 que
les fonctions d’officier du ministère public (OMP) peuvent être occupées
par un commissaire de police ou, en cas d'empêchement, par un
commandant ou un capitaine de police également en poste dans le ressort
du tribunal de grande instance. A titre exceptionnel et en cas de nécessité
absolue, le procureur de la République peut désigner le maire de la
commune où siège le tribunal.
Aucun texte de portée générale ne prévoit la possibilité de confier
cette fonction à un officier de gendarmerie. Toutefois, cet obstacle
juridique ne paraît pas suffisant pour écarter par principe l’éventualité
d’un transfert en zone de gendarmerie des villes chefs-lieux de
département.
Selon la DACG, le statut militaire des gendarmes ne prévoit que
deux limites à leur intervention dans l’exercice de fonctions judiciaires.
L’article L.4122-2 du code de la défense énonce que les militaires ne
peuvent réaliser des consultations, expertises et plaidoiries dans des
litiges intéressant une personne publique sauf si cette prestation s’exerce
à son profit. L’article L.4121-6 reprend l’article 257 du code de procédure
pénale sur l’interdiction d'être juré d'assises.
Cependant, si le statut des commissaires (décret n°2005-939 du 2
août 2005) prévoit qu’ils exercent les attributions de magistrat qui leur
sont conférées par la loi, cette mention n’apparaît pas dans le statut les
officiers de police (décret n° 2005-716 du 29 juin 2005). Ainsi, il ne peut
être tiré de conclusions définitives du fait que les fonctions d’OMP ne
pourraient être confiées qu’aux fonctionnaires dont le statut le prévoit
expressément.
De plus, l’article 811 du code de procédure pénale prévoit
qu’outre-mer, un officier de police judiciaire de la gendarmerie peut être
désigné pour exercer ces fonctions en cas d’empêchement ou d’absence
du commissaire de police au lieu où siège la juridiction de proximité.
3 -
La contrainte d’équilibre
D’ampleur différente, les deux séries de redéploiements de la
dernière décennie ont été mises en oeuvre avec la volonté de respecter le
principe de l’échange compensé posé par la LOPSI qui n’en a toutefois
pas précisé le sens. Cet équilibre a été interprété comme portant à la fois
LES PERSPECTIVES DE
NOUVEAUX REDEPLOIEMENTS
129
sur les effectifs « gagnés » ou « perdus » et sur la population gagnée ou
perdue par chaque force lors des transferts. Le territoire de référence
(départemental, régional ou national) n’a pas été précisé. Or, plus le
territoire est restreint, plus la contrainte est forte.
a)
Les transferts des années 2003 à 2006
Entre
les
années
2003
et
2006,
plusieurs
exceptions
départementales à l’échange compensé de population sont observables et,
en dépit de l’engagement pris par le ministre de l’intérieur, ces exceptions
n’ont pas été globalement compensées pour parvenir
in fine
à un
redéploiement « équilibré » : le solde net des différents mouvements a
abouti à transférer un peu de plus de 190 000 habitants en zone police,
sans que ce déséquilibre prête à conséquence.
En revanche, s’agissant des emplois, l’équilibre a été recherché à
l’échelon local, pour des raisons sociales et des raisons politiques locales,
sans y être toujours trouvé. L’absence de données précises sur les
mouvements d’emplois dus à ces transferts ne permet pas de savoir dans
quelles proportions chaque force a « gagné » ou « perdu », d’autant que
ces transferts se sont accompagnés de réorganisations dans un contexte de
croissance globale des effectifs. Ainsi, dans la Nièvre, alors que le
transfert à la gendarmerie de la CSP de Cosne-sur-Loire était effectué et
qu’il était renoncé au transfert compensatoire à la police de Varennes-
Vauzelles, la DDSP a conservé, via des sureffectifs dans la CSP de
Nevers, l’essentiel des emplois affectés à Cosne-sur-Loire.
b)
Les transferts de 2011
Pour les redéploiements opérés en 2011, le principe d’échanges
compensés entre les deux forces s’est moins appliqué à la population
couverte qu’aux effectifs redéployés au sein de chacune des forces.
L’objectif était qu’au sein de la police comme de la gendarmerie, le solde
des mouvements d’emplois soit nul. Selon les décisions ministérielles
prises en 2011, cet objectif devrait être atteint dans la police mais non
dans la gendarmerie.
Ce principe d’équilibre auquel les deux directions générales
attachent une grande importance n’est pas en soi un critère de
rationalisation, mais plutôt une contrainte d’exécution. Il a conduit à
réduire le nombre et l’importance des transferts de la gendarmerie vers la
police, faute de CSP « d’échange », au fur et à mesure que, pour des
raisons locales, se restreignaient les possibilités d’extension des polices
d’agglomération.
130
COUR DES COMPTES
Au vu de la dernière série de redéploiements, la contrainte
d’équilibre est pesante. Elle l’est d’autant plus que la compensation est
recherchée à un échelon local (départemental ou régional) plutôt que
national.
Dans un nouveau contexte de réduction des effectifs, la question
des gains ou de pertes d’effectifs prend un tout autre sens, chaque force
pouvant désormais trouver intérêt à économiser des emplois pour
respecter des plafonds d’emplois en baisse.
4 -
Deux autres contraintes
A ces trois contraintes s’en ajoutent deux autres d’ordre différent :
−
la contrainte immobilière, dont on a vu qu’elle avait été très
présente par exemple dans la réflexion du préfet de la région
PACA pour proposer une configuration pour la police
d’agglomération de Marseille ;
−
l’avis des conseils municipaux concernés : la faible proportion
d’avis
défavorable
(20 %)
lors
des
opérations
de
redéploiements de 2003 à 2006 témoigne sans doute de la
prudence des autorités de l’Etat à aller contre la volonté des
élus locaux.
______________________
CONCLUSION
_____________________
Le concept de bassin de délinquance paraît pertinent pour étendre
la police d’agglomération dans la mesure où il vise à renforcer l’unité de
commandement et les possibilités de mutualisation des moyens au sein
d’une CSP élargie. Toutefois, les conditions locales de son application
restent à préciser. En outre la constatation au sein d’une CSP d’une
importante délinquance « importée » ne peut à elle seule justifier son
extension.
Les
futures
opérations
de
redéploiement
devraient
porter
particulièrement sur les petites CSP « isolées ». Un premier bilan des
opérations de redéploiement mises en oeuvre en 2011 montre que la
gendarmerie nationale est en mesure de prendre la responsabilité de
circonscriptions de moins de vingt mille habitants en y affectant des
effectifs inférieurs de 30 % à ceux des policiers précédemment en
fonction, grâce à sa doctrine d’emploi et à son modèle d’organisation
plus adaptés à de tels contextes que ceux de la police.
Les conditions de mise en oeuvre d’un nouveau partage territorial
devraient être assouplies. Les critères d’instauration du régime de la
police d’Etat, inscrits dans le décret de 1996, seraient à réviser. Le seuil
LES PERSPECTIVES DE
NOUVEAUX REDEPLOIEMENTS
131
de population pourrait être porté à 50 000 habitants, voire davantage. La
référence au niveau et à la nature de la délinquance doit être enrichie.
Cependant, le ministère de l’intérieur n'envisage pas, au regard de
l’expérience des derniers transferts comme de la nécessité d’une forte
concertation locale, de modifier les critères d'instauration du régime de
la police d'Etat, notamment le seuil de population. Les directions
générales de la police et de la gendarmerie nationales mènent seulement
des « réflexions opérationnelles ponctuelles » sur les agglomérations et
les territoires dont elles ont la responsabilité. Le transfert à la
gendarmerie de la commune de Libourne, d’une population légèrement
supérieure à 20 000 habitants, relève de cette démarche, mais doit être
considéré comme une exception.
De même, le ministère est défavorable à la remise en cause de la
compétence systématique de la police nationale dans les villes chefs-lieux
de département dotées d’une population inférieure à 20 000 habitants. En
conséquence, les modalités éventuelles de transfert à la gendarmerie de
ces villes, où sont implantés ses groupements départementaux et certaines
de ses unités territoriales, ne sont pas étudiées et les économies
réalisables par la police en termes d’emploi ne sont pas précisément
estimées.
En outre, il est souhaitable que, dans la police comme dans la
gendarmerie, que la programmation des investissements immobiliers
tienne compte de l’éventualité d’opérations de redéploiement dans les
communes périphériques des grandes villes ou dans les petites CSP
susceptibles d’être concernées par elles, afin d’éviter d’en compromettre
la mise en oeuvre comme cela a été observé dernièrement.
Enfin, il conviendrait de renoncer à la recherche d’un impact
globalement compensé, au sein de chacune des deux forces, en termes de
population couverte comme d’effectifs concernés, des opérations
d’extension de la police d’agglomération et de transfert de CSP en zones
de gendarmerie. Cette contrainte d’équilibre, surtout quand elle est
déclinée à l’échelon local, est un facteur important de rigidité comme
l’ont montré, lors des derniers redéploiements, les écarts importants
entre les propositions initiales et les décisions finales.
Il n’y a en effet pas de raison a priori pour que l’extension de la
zone de police dans les grands pôles urbains et celle de la zone de
gendarmerie dans les petites CSP, qui répondent à des logiques
différentes, affectent des moyens équivalents au sein de chacune des
forces. L’équilibre des emplois dégagés et mobilisés par ces opérations
serait à observer d’abord au plan national, sans exclure des mouvements
d’emplois d’un programme à l’autre, au sein de la mission Sécurité.
Conclusion générale
Les deux séries de redéploiements territoriaux entre la police et la
gendarmerie, opérés de 2003 à 2006 sous l’égide de la LOPSI et en 2011
en application de la RGPP, ont obéi à des logiques différentes mais
complémentaires. La première a visé à actualiser la délimitation des zones
de compétence des deux forces au regard des évolutions de la population
et de la délinquance ; la seconde, d’ampleur modeste, à développer la
police d’agglomération.
Hormis quelques situations locales particulières, le ministère de
l’intérieur n’a pas prévu de poursuivre ce mouvement de redéploiement
en raison des difficultés de tous ordres, en particulier le fréquent
attachement des élus locaux au statu quo en ce domaine et l’importance
des dépenses d’accompagnement des mutations des personnel et de celles
de nature immobilière.
Le coût des opérations menées par la police nationale de 2003 à
2006 et par les deux forces en 2011 aurait dû être rigoureusement évalué.
Un meilleur partage territorial est nécessaire pour optimiser
l’efficacité de l’action de l’Etat en matière de sécurité publique en
fonction de la densité des populations couvertes et de l’intensité de la
délinquance.
Les transferts de communes entre les zones de compétence de la
police et de la gendarmerie devraient donc être poursuivis conformément
à la doctrine d’emploi et à l’organisation respectives des deux forces.
140
COUR DES COMPTES
Annexe n° 2
Les redéploiements avant 1998
La répartition des compétences territoriales entre la police et la
gendarmerie a été régie pendant près de soixante ans par la loi du 23 avril
1941. La police nationale était, selon ce texte, chargée de la sécurité
publique dans les villes de plus de 10 000 habitants et la gendarmerie
dans toutes les autres communes. Ce principe simple a reçu en fait des
applications plus complexes. Certaines communes de moins de 10 000
habitants sont restées placées sous la responsabilité de la police nationale.
Malgré la compétence de la police nationale, la gendarmerie a conservé
un dispositif important dans les grandes villes, notamment dans la petite
couronne parisienne. Parfois, le transfert juridique ne s’est pas
accompagné de la mise en place de moyens de la police nationale
(notamment en outre-mer), la gendarmerie conservant ses missions en
application d’un protocole.
L’urbanisation, accélérée à partir des années soixante, et le
développement des zones périurbaines ont imbriqué les territoires rendant
ainsi les responsabilités plus confuses. La croissance de villes de moins
de 10 000 habitants, souvent à la périphérie des agglomérations, n’a pas
toujours été suivie d’un transfert de compétences. Il en est résulté une
confusion
des
responsabilités.
Dans
certaines
agglomérations,
le
découpage pouvait ressembler à une mosaïque. La lutte contre la
criminalité et la délinquance était contrariée par des « effets de
frontière », la compétence territoriale des policiers étant en principe
limitée au ressort de leur circonscription. Pendant ce temps, les
délinquants exploitaient cette rupture pour mieux déjouer les actions
menées à leur encontre.
Laborieuse, la redistribution territoriale des forces de sécurité est
passée par plusieurs étapes administratives :
−
protocole d’accord intérieur-défense du 7 octobre 1983 :
recensement et régularisation de situations de compétence de
fait non-conformes au droit (prise en compte policière intégrale
de 140 communes sur 144 déjà étatisées, désétatisation de 317
communes sur 341 destinées à relever exclusivement de la
gendarmerie, et partages de compétences conclus à l’échelon
central dans 19 communes), soit un coût en effectifs de police
de 363 fonctionnaires ;
ANNEXES
141
−
mission de liaison et de prospective sur la police et la
gendarmerie en 1988
56
: reconnaissance de la nécessité d’une
simplification de la carte des implantations territoriales
(étatisation complète de la police dans les secteurs les plus
urbanisés, désétatisation des villes de moyenne et petite
importance) et d’une planification concertée des projets
correspondants ;
−
création à partir de 1990 d’un groupe de travail commun
DGPN-DGGN dans le but d’une révision pluriannuelle du
partage des zones de compétence territoriales respectives sur la
base de critères objectifs de répartition tenant compte de la
notion d’unité urbaine de l’INSEE (instauration du régime de la
police d’Etat à partir de 20 000 habitants) : prise en charge
entre 1990 et 1993 de 4 communes par la gendarmerie, de 13
par la police, soit un coût de 258 fonctionnaires ;
−
mission conjointe IGA/contrôle général des armées sur la
coopération entre police et gendarmerie en 1995
57
dans le cadre
de la préparation des décrets d’application de la loi du 21
janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la
sécurité : proposition de révision du régime de la police d’Etat
dans 102 petites circonscriptions de police et de désengagement
de la gendarmerie des grandes agglomérations (confirmation du
seuil démographique d’étatisation de 20 000 habitants), suivie
d’un programme négocié de transfert à la gendarmerie de 53
communes et à la police de 39 communes.
Sur ce dernier programme, seuls ont été opérés, en 1997, les
transferts à la gendarmerie de la commune de Corte et à la police de
celles de Furiani et de Pietrabugno.
56
Mission conduite par M. Cabannes.
57
Mission conduite par MM. Roussot Nouaille et De la Gorce.
142
COUR DES COMPTES
Annexe n° 3
Liste des CSP redéployées en zone gendarmerie au titre de la
LOPSI de 2002
Département
CSP
Présent sur la
liste de 1998
1
er
mai 2003
Aube
Romilly-sur-Seine
OUI
1
er
juillet 2003
Dordogne
Sarlat
OUI
Aveyron
Villefranche-de-Rouergue
OUI
Bouches-du-Rhône
Chateaurenard
OUI
Charente-Maritime
Saint-Jean-d’Angely
OUI
Cher
Saint-Amand-Montrond
OUI
Eure
Bernay
OUI
Hérault
Pézenas
OUI
Indre
Issoudun
OUI
Mayenne
Mayenne
OUI
Meuse
Commercy
OUI
Nord
Caudry
OUI
Puy-de-Dôme
Issoire
OUI
Pyrénées-Atlantiques
Mourenx
OUI
Pyrénées-Atlantiques
Oloron-Saint-Marie
OUI
Seine-Maritime
Le Tréport
OUI
Somme
Albert
OUI
Var
Saint-Tropez
OUI
1
er
septembre 2003
Vendée
Fontenay-le-Comte
OUI
Jura
Saint-Claude
OUI
Lot
Figeac
OUI
1
er
janvier 2004
Nièvre
Cosne-sur-Loire
OUI
1
er
février 2004
Meurthe-et-Moselle
Neuves-Maisons
NON
Ardèche
Le Teil
OUI
Aude
Limoux
OUI
Calvados
Vire
OUI
Drôme
Pierrelatte
OUI
Manche
Avranches
OUI
Morbihan
Pontivy
OUI
Puy-de-Dôme
Thiers
OUI
Rhône
Tarare
OUI
Sarthe
La Flèche
OUI
1
er
septembre 2004
Yonne
Joigny
NON
ANNEXES
143
Ardèche
Tournon
OUI
Douarnenez
OUI
Finistère
Landerneau
OUI
Haute-Saône
Lure
OUI
Autun
OUI
1
er
janvier 2005
Saône-et-Loire
Paray-le-Monial
OUI
1
er
septembre 2005
Côtes d’Armor
Guingamp
OUI
1
er
septembre 2006
Lot-et-Garonne
Marmande
NON
144
COUR DES COMPTES
Annexe n° 4
Les redéploiements consécutifs à la LOPSI de 2002
L’exemple de trois départements
1.
Premier exemple : la Meuse
Le département de la Meuse a fait l’objet de trois transferts au titre
de la LOPSI :
-
la CSP de Commercy, comprenant les communes de Commercy
(6 446 habitants), Vignot et Lérouville a été supprimée, ces trois
communes étant transférées à la gendarmerie ;
-
la CSP de Verdun a été étendue à la commune d’Haudainville
(300 habitants) ;
-
la CSP de Bar-le-Duc a été étendue à la commune de Longeville-
en-Barrois (1 263 habitants), tandis qu’en était sortie la
commune de Naives-Rosières (863 habitants).
Ces mouvements ont été menés à bien parallèlement à la
constitution des COB au sein du groupement départemental de
gendarmerie, sans suppression d’implantations, mais avec une répartition
différente des effectifs entre les différentes brigades territoriales. C’est
cette réorganisation interne à la gendarmerie, plus encore que la
croissance des effectifs programmée par la LOPSI, qui a rendu possible la
localisation à Commercy d’un nombre de gendarmes supérieur (61) à
celui des policiers de l’ancien commissariat (41).
Ce dernier comptait 38 policiers titulaires, trois adjoints de sécurité
et trois agents administratif, soit 44 personnes au total (dont 41 exerçant
des fonctions de police). Les 41 fonctionnaires titulaires ont été affectés
ainsi : 16 à la CSP de Bar-le-Duc, ce qui constituait un renfort
exceptionnel puisque la CSP n’était dans le même temps que
marginalement étendue, cinq à la CSP de Verdun. Les 20 personnels
restant ont été mutés en-dehors du département.
Il y avait déjà à Commercy une brigade territoriale autonome
(BTA) couvrant 16 petites communes rurales dispersées autour de la ville
et peuplées en tout de 3 895 habitants. Cette BTA comptait dix militaires,
dont deux gendarmes adjoints volontaires (GAV), et abritait deux unités :
une brigade motorisée et un PSIG. A l’issue du transfert, Commercy a été
érigé en siège de compagnie ainsi constituée :
ANNEXES
145
Tableau n° 18 : Constitution de la nouvelle brigade de Commercy
Unités
TEA 2002 avant
transfert
TEA 2004 après
transfert
Brigade territoriale de Commercy
10
24
Brigade mobile opérationnelle (BMO)
6
9
Peloton de surveillance et
d’intervention de la gendarmerie
(PSIG)
6
20 (dont 6 pour
Commercy)
Brigade de recherches
nouveau
8
Total
24
61
Source : préfecture de la Meuse, 2003
La parité des effectifs localisés sur place a donc été plus que
respectée, avec un surcroît de 20 postes. Mais la nouvelle brigade couvre
un territoire beaucoup plus vaste que l’ancienne CSP, puisqu’elle n’a pas
abandonné sa compétence sur les 16 communes de l’ancienne BTA, et
que la BMO, le PSIG et la BR ont une compétence sur l’ensemble de
l’arrondissement.
Au plan immobilier, l’opération a conduit la gendarmerie à
récupérer le commissariat neuf dont la construction était en voie
d’achèvement. Le logement des 33 nouveaux gendarmes implantés à
Commercy a quant à lui emprunté des solutions transitoires de 2003 à
2007, notamment sur les communes voisines, jusqu’à la livraison, en
2007, d’une caserne adaptée aux besoins. La très grande majorité des 61
gendarmes localisés à Commercy est donc désormais logée sur place.
D’après un bilan communiqué au député de la circonscription par
le préfet de la Meuse le 22 novembre 2004, au plan opérationnel, cette
organisation a permis de tripler le nombre de patrouilles de nuit : alors
que le commissariat ne pouvait organiser qu’une seule patrouille
permanente de deux policiers, le nouveau dispositif autorise deux
patrouilles diurnes et une patrouille nocturne de trois gendarmes, sur un
territoire plus vaste il est vrai. Ce dispositif est cependant en retrait par
rapport à celui envisagé, puisque le dossier préparatoire au décret en
Conseil d’Etat portant suppression du régime de la police d’Etat
(nécessaire pour surmonter l’avis négatif du conseil municipal) évoquait
quatre patrouilles diurnes
58
.
58
Questionnaire relatif au projet de décret rempli par la préfecture de la Meuse le 10
juillet 2003.
146
COUR DES COMPTES
Les responsables de la gendarmerie insistent sur cette donnée
opérationnelle d’une plus grande présence sur la voie publique pour
expliquer la chute brutale des faits constatés au lendemain du transfert.
Sans contester cette explication, il n’est pas à exclure que, comme dans la
grande majorité des zones transférées à la gendarmerie, les différences de
pratique d’enregistrement des faits ont contribué à l’ampleur et
l’immédiateté du phénomène.
Tableau n° 19 : L’évolution de la délinquance à Commercy (Meuse)
CSP Police
Zone gendarmerie
2001
2002
2004
2010
Faits constatés
541
558
401
328
Taux de délinquance
58,1
59,9
43,1
35,2
Taux d’élucidation
Non
renseigné
Non
renseigné
69,8
45,7
Source : extraits état 4001 communiqués par la DGGN
S’agissant de l’évolution du taux d’élucidation, elle est due au taux
exceptionnel de 2004 (69,8 %), en raison de l’arrestation des auteurs
d’une importante série de cambriolages, tandis que le taux de 2010
(45,7 %) serait, selon les responsables de la gendarmerie, un taux
« normal ».
La permanence des équilibres arrêtés en 2003
Au printemps 2010 les réductions d’effectifs demandées dans le
cadre la RGPP ont conduit les responsables de la région de gendarmerie
de Lorraine et du groupement de la Meuse à envisager la suppression de
dix emplois au sein de la compagnie de Commercy. Le député et le
sénateur de la circonscription, par lettres du 25 février et du 8 mars 2010,
s’en sont inquiétés auprès du ministre de l’intérieur. Ce dernier a décidé,
en juin 2009, de geler ce projet.
Incidemment, les trois correspondances illustrent la difficulté de
chiffrer avec précision, à l’unité près, les effectifs de gendarmes mis en
place
dans
le
cadre
du
transfert
de
l’ancien
commissariat,
indépendamment des unités à compétence plus large simplement localisés
à Commercy. Dans sa lettre, le député indique ainsi : «
Je me permets de
vous rappeler qu’en 2003, Monsieur Nicolas Sarkozy, Ministre de
l’Intérieur de l’époque, s’était engagé
maintenir l’effectif de 24
gendarmes pour compenser la fermeture du commissariat de police de
Commercy. Avec 24 gendarmes, la brigade devait alors pouvoir prendre
ANNEXES
147
en charge la zone police.
». Dans sa lettre, le sénateur fait état quant lui
de 27 gendarmes. Et dans sa réponse du 9 juin 2010, le ministre de
l’intérieur conclut : «
(…) je suis en mesure de vous préciser que,
contrairement à ce qui avait été initialement envisagé, les effectifs de la
brigade territoriale de Commercy seront maintenus au format actuel de
23 militaires
».
S’agissant du renfort considérable de la CSP de Bar-le-Duc, dont
la nécessité opérationnelle n’était pas évidente, il avait permis en 2004 de
créer une BAC. Mais celle-ci n’a pas duré, puisqu’à la suite d’une
arrestation nocturne jugée sévèrement par l’inspection générale de la
police nationale, elle a été remplacée par un groupe de sécurité de
proximité (GSP) de trois personnes, qui constitue une unité d’appui et n’a
pas d’activité nocturne.
Les perspectives
Si l’on se réfère aux scénarios de la fin des années 1990, le seul
redéploiement qui pourrait encore être mené à bien à droit constant serait
le transfert à la gendarmerie de la CSP de Verdun. Celle-ci couvre
actuellement la commune de Verdun (20 429 habitants) et quatre
communes limitrophes pour atteindre 28 321 habitants au total. Le
commissariat de Verdun est doté de 72 emplois, dont 54 officiers et
agents de police, 10 personnels administratifs, techniques et scientifiques
et huit adjoints de sécurité. Avec un policier pour 393 habitants, il ne
s’agit pas là d’une dotation très supérieure à la moyenne nationale en
zone police, mais au regard des caractéristiques géographiques assez
proches des zones périurbaines de la gendarmerie, ce ratio est en
revanche très supérieur à celui usuellement appliqué en zone de
gendarmerie (un gendarme pour 800 ou 900 habitants selon la
classification).
Cependant aucun des responsables locaux ne plaide aujourd’hui
pour un nouveau mouvement
59
, en estimant que les redéploiements
LOPSI ont été bien menés et qu’il convient maintenant de travailler aux
outils de coordination ou de mutualisation, et, dans le cas de la
gendarmerie, d’adapter son maillage territorial, car plusieurs brigades ont
moins de six gendarmes, ce qui déroge à son référentiel national.
59
Toutefois la gendarmerie, sans le revendiquer, se déclare prête à reprendre la CSP
de Verdun si un tel schéma était arrêté au plan national, voire les deux CSP de Verdun
et Bar-le-Duc si l’hypothèse de départements « tout gendarmerie » était retenue à
l’occasion d’une troisième vague de redéploiements.
148
COUR DES COMPTES
2.
Deuxième exemple : la Nièvre
Le département de la Nièvre n’a connu qu’un seul transfert : la
suppression, en 2004, de la CSP de Cosne-sur-Loire, qui ne comportait
que la commune éponyme (11 400 habitants).
Comme indiqué ci-dessus, le préfet avait recommandé en
novembre 2002 de n’opérer aucun redéploiement dans le département, en
indiquant toutefois que si la suppression de la CSP de Cosne-sur-Loire
était décidée, elle devrait être compensée par l’extension de la CSP de
Nevers
à
la
commune
de
Varennes-Vauzelle
(9 664
habitants).
Cependant, le ministère de l’intérieur a décidé la suppression de la CSP
de Cosne-sur-Loire sans étendre la CSP de Nevers à la commune de
Varennes-Vauzelle, le conseil municipal y étant opposé.
Comme dans d’autres départements, la gendarmerie a consenti
d’importants moyens pour réaliser le transfert dans les meilleures
conditions possibles, en faisant de Cosne-sur-Loire le siège de la
compagnie d’arrondissement. Une BTA dotée de 30 militaires (dont sept
gendarmes adjoints volontaires) a été créée. Parallèlement, un PSIG de
neuf militaires d’active et de sept GAV a été créé sur place, tandis que les
effectifs de la BR étaient portés à neuf. Avec le groupe de
commandement de la compagnie, composé de cinq gendarmes,
l’opération a permis de localiser sur place 60 gendarmes en lieu et place
des 40 policiers de l’ancien commissariat.
Tableau n° 20 : Constitution de la nouvelle brigade de Cosne-sur-Loire
Effectifs
Ratios (2003 / 2005)
Police
40
1 policier / 285
habitants
1 policier / 18,7 faits
constatés par an
Gendarmerie
60
Brigade territoriale
autonome de Cosne-sur-
Loire
30
1 gendarme / 380
habitants
1 gendarme / 18,6 faits
constatés par an
Peloton de surveillance et
d’intervention de la
gendarmerie (PSIG)
16
Brigade de recherches
9
Commandement de
compagnie
5
Source : Dossier de transfert de novembre 2002 et présentation de la
compagnie de Cosne-sur-Loire à la Cour, juin 2011.
Au plan opérationnel, le commissariat, ouvert 24 heures sur 24,
assurait une patrouille nocturne de trois fonctionnaires de police. La
nouvelle organisation assure une disponibilité nocturne avec la présence
ANNEXES
149
d’un planton à Cosne même, et trois patrouilles nocturnes ont été mise en
place, mais sur le territoire de la BTA, plus étendu que celui de l’ancienne
CSP, limitée à Cosne.
La gendarmerie justifie cette organisation par la réduction du
nombre de faits constatés, notamment en matière de délinquance de voie
publique.
Tableau n° 21 : L’évolution de la délinquance à Cosne-sur-Loire (Nièvre)
CSP Police
Zone gendarmerie
2002
2003
2005
2010
Faits constatés
895
748
560
495
Dont voie publique
482
388
191
203
Taux de délinquance
80,0
66,9
50,1
44,3
Taux d’élucidation
Non
renseigné
Non
renseigné
49,3
48,3
Depuis 2004, ce dispositif a pu être maintenu, la réduction des
effectifs demandée à la compagnie dans le cadre de la RGPP (moins trois
emplois de sous-officiers et moins deux emplois de gendarmes adjoints
volontaires) ayant été absorbée grâce à la constitution d’une COB entre
les brigades de Cosne, de Donzy et de Saint-Amand, qui avait été différée
au moment de la reprise pour faciliter la transition.
La BTA de Cosne-sur-Loire avait repris l’ancien commissariat, qui
venait d’être construit, et en 2009, une nouvelle caserne de 61 logements
est entrée en service pour l’ensemble des gendarmes localisés sur place.
3.
Troisième exemple : les Alpes-Maritimes
Le département des Alpes Maritimes n’a connu qu’un seul
mouvement au titre des redéploiements 2003-2006 : les communes de
Vence (19 479 habitants) et de La Colle-sur-Loup (7 633 habitants) ont
été transférées de la police à la gendarmerie avec, corrélativement, la
fermeture du poste de police localisé à Vence qui dépendait du
commissariat de Cagnes-sur-Mer dans la CSP de Cannes.
Au regard d’autres transferts réalisés ailleurs, ce mouvement n’est
pas négligeable en termes de population couverte. Malgré cela, le préfet
n’a proposé aucun transfert symétrique de la gendarmerie vers la
150
COUR DES COMPTES
police
60
: le transfert des communes de Villeneuve-Loubet (14 427
habitants) et de quelques communes de petite taille situées autour du
quartier sensible de l’Ariane, à Nice, avait été envisagé, mais devant
l’opposition des élus dans le premier cas et les réticences de la DDSP
dans le second, cette compensation n’a pas été retenue.
En termes d’effectifs, le transfert a été relativement simple : les
quinze fonctionnaires de police qui occupaient le poste de Vence ont été
réaffectés au sein même de leur CSP de Cannes, tandis que la
gendarmerie a mobilisé l’essentiel de son surcroît de moyens lié à la
LOPSI (+ 18 emplois entre 2003 et 2005) pour constituer une brigade
territoriale à Vence.
Ce transfert paraît s’être accompagné d’une amélioration locale du
service. Le poste de police de Vence, puisqu’il ne s’agissait pas d’un
commissariat, n’était pas ouvert la nuit, et celui de Cagnes-sur-Mer ne
déployait sur le territoire de Vence, entre 18 heures et 8 heures du matin,
qu’une
unique
patrouille
de
deux
personnes.
La
gendarmerie,
conformément à son concept d’emploi, a mis en place une disponibilité
de nuit, et met en oeuvre, à l’échelle de la COB, deux à trois patrouilles de
trois gendarmes.
En 2008, les services de la préfecture et les états-majors des deux
forces de sécurité ont évoqué brièvement la possibilité de se porter
candidats à la constitution d’une police d’agglomération, mais devant les
difficultés repérées pour proposer un schéma territorial cohérent et
satisfaisant à une forme d’équilibre entre les deux forces, ils y ont
rapidement renoncé.
60
D’après l’actuel DDSP, ce choix serait la conséquence « des mauvaises relations du
DDSP de l’époque avec le préfet de l’époque ». Quoi qu’il en soit, ce transfert non
compensé au profit de la gendarmerie semble avoir laissé un peu d’amertume au sein
des services de police.
ANNEXES
151
Annexe n° 5
Propositions de redéploiement du préfet de la région Rhône-
Alpes (note au ministre du 13 juillet 2009)
L'agglomération lyonnaise n’a cessé de croître. Le réseau des
transports en commun (TCL) a densifié son maillage et diversifié les
moyens de transports mis à disposition des habitants des communes
situées à la périphérie de la CSP de Lyon. Ce maillage dense a rapproché
du centre-ville des populations délinquantes venues parfois de loin. Pour
autant, le département du Rhône ne connaît pas de façon préoccupante
des phénomènes de bandes. Leur mobilité interdépartementale est souvent
éphémère et peu structurée. Elles sont restées localisées sur des quartiers
compris dans la zone de compétence de la DDSP du Rhône (Vénissieux,
Vaulx-en-Velin, 5
ème
arrondissement de Lyon notamment). De plus,
l'analyse de la délinquance sur le département n’a pas montré de flux de
population délinquante en provenance des grandes agglomérations de la
région que sont Grenoble, St Etienne ou Bourg-en-Bresse.
a)
Des propositions de court terme
Le département du Rhône a connu en 2005 une opération de
redéploiement des forces de police et de gendarmerie qui s'est traduite par
la fermeture du commissariat de Tarare et, concomitamment, le
rattachement à la CSP de Villefranche-sur-Saône de trois communes
(Gleizé, Limas et Arnas) situées en zone gendarmerie. Des réflexions ont
ensuite été menées conjointement par la DGPN et la DGGN pour étendre
à nouveau la capacité opérationnelle de la DDSP du Rhône qui comprend
trois CSP : Lyon (14 communes, 977 000 habitants), Villefranche-sur-
Saône (4 communes, 50 000 habitants) et Givors (2 communes, 27 000
habitants).
Selon le préfet de région, neuf communes supplémentaires
pouvaient utilement être agglomérées à la CSP de Lyon. L'étude de la
délinquance montrait en effet qu'elles émettent des flux de délinquance en
direction du centre de Lyon ou de communes déjà situées en zone police.
Inversement, des délinquants lyonnais commettent des infractions dans
ces villes toutes proches.
Un transfert « rapide » de quatre communes de la gendarmerie à
la police
:
−
Rillieux-la-Pape est une commune importante (29 600 habitants),
frontalière de Vaulx-en-Vélin, qui comprend une zone urbaine
sensible. Frappée d’une délinquance (taux de 55 ‰) qui justifie
152
COUR DES COMPTES
depuis plusieurs années des mesures spécifiques pour lutter contre
les violences urbaines, notamment la présence soutenue d'une unité
des forces mobiles en sécurisation).
−
Ecully (18 200 habitants) connaît des flux de délinquance depuis et
vers le 9
ème
arrondissement de Lyon et notamment les quartiers
frontaliers de Vaise, la Duchère et la Sauvegarde.
−
Feyzin (9 500 habitants), qui se trouve dans le même bassin de
délinquance que Vénissieux, est dans le prolongement du quartier
des Minguettes.
−
Chassieu (9 300 habitants) est entourée par les communes de
Meyzieu, Decines-Charpieu, Bron et Saint-Priest qui se trouvent
en zone de police. Affectées d’un taux de 58 ‰, elle appartient au
même bassin de délinquance que celles-ci.
Chacune de ces quatre communes possédait une caserne de
gendarmerie, remontant aux années 1980 mais en bon état, facilement
convertible en locaux de police selon le rapport du préfet. Les quatre
unités de gendarmerie comptaient 102 personnels. La population
concernée s’élèvait au total à 66 600 habitants.
Un transfert plus complexe pour cinq autres communes
Au regard de la logique des bassins de délinquance et du principe
de continuité de l’action des forces de sécurité, cinq autres communes,
selon le préfet de région, pouvaient être utilement agglomérées à la zone
de police autour de Lyon. 103 gendarmes y étaient en poste dans ces cinq
brigades. Toutefois, ces opérations étaaient délicates par leur contexte
financier, immobilier et politique.
Dans quatre d’entre elles, les locaux des brigades de gendarmerie
avaient
bénéficié
récemment
de
travaux
de
construction
ou
d’agrandissement. Dans la cinquième, un projet immobilier vient d’être
lancé.
−
Les locaux de la brigade de
Jonage,
livrés en 2006, se composent
d'un bâtiment administratif distinct des logements (neuf villas
construites sur le même périmètre). La construction d’un coût de
1,9 M€, réalisée par la commune sans subvention de l'Etat ni du
département du Rhône, a fait l'objet d'un bail emphytéotique.
−
Les brigades
d'Irigny
(16 villas) et de
Saint-Genis-Laval
(20
villas) sont dans une situation équivalente. Les communes ont
construit les bâtiments et en sont propriétaires. A Irigny,
l’engagement financier a été de 2,7 M€, pris en charge par un
syndicat intercommunal à vocation unique (SIVU) avec des
subventions de l'Etat et du département. A Saint-Genis-Laval où la
ANNEXES
153
brigade ne couvre qu’une seule commune, cette dernière a engagé
une dépense d’investissement de 3,7 M€ avec l’aide de
subventions de l'Etat et du département.
−
A
Tassin-La-Demi-Lune
où deux des trois bâtiments de la brigade
(locaux techniques et quinze logements) datent de 1985 et le
dernier (dix logements) de 2005, le propriétaire de la caserne est
un SIVU regroupant les communes de Tassin et de Charbonnières.
Le montant de l'extension et de la rénovation des bâtiments s'est
élevé à 2,55 M€, cofinancé par l'Etat et le département.
−
A
Francheville
, la pose symbolique de la première pierre en vue
de la construction d’une nouvelle caserne a eu lieu le 20 juin 2009.
L’investissement devrait s’élever à 5,3 M€, pris en charge par un
SIVU propriétaire des futurs bâtiments, avec les concours
financiers de l'Etat et du département.
Ces difficultés inhérentes à des investissements immobiliers
récents ou en cours, supportés par les communes et intercommunalités ne
pouvaient être partiellement levées qu’au prix d’une étroite concertation
avec les élus locaux concernés, probablement rendus dubitatifs par
l’inconstance de l’Etat.
Au total, l’intégration de ces neuf communes dans la zone de
compétence de la police nationale devait se traduire par le transfert d’une
population de 130 400 habitants et permettrait le redéploiement de 205
gendarmes pour les seules brigades territoriales, nombre à majorer des
réductions d’effectifs des unités dites d'environnement (BR, PSIG) au pro
rata de la population perdue. Le groupement de gendarmerie évaluait
donc à 250 gendarmes les moyens humains libérés par l’extension de la
police d’agglomération à ces neuf communes.
b)
Des propositions de long terme
Anticipant les mouvements d’urbanisation, le préfet a aussi
proposé le rattachement à terme de la zone de l'aéroport de Lyon-Saint-
Exupéry à la police d’agglomération de Lyon, les espaces encore
largement ruraux qui séparent Lyon de son principal aéroport étant
appelés à se densifier. Ce projet d’extension couvrait une population de
26 100 habitants et englobait cinq communes : Gênas, Saint-Bonnet de
Mure, Saint-Laurent-de-Mure et Colombier-Saugnieu, qui ne participent
pas à la délinquance lyonnaise, et une commune de l'Isère, Janneyrias.
Les propositions du préfet incluaient aussi la ville de Vienne située
dans le département de l'Isère à quarante kilomètres de Lyon.
L'urbanisation n’est pas continue entre ces deux villes, mais le
rétrécissement de la vallée du Rhône et la présence contiguë de
154
COUR DES COMPTES
l'autoroute, des routes principales, du fleuve et des voies ferrées,
imposent une liaison facile, déjà largement utilisée en cas de demande de
renfort. En effet, en réponse à une demande de renfort, la CSP de police
de Vienne ne peut guère compter dans l'urgence sur la DDSP de l'Isère.
Elle pourrait constituer une CSP unique fusionnée avec celle de Givors à
l’extrémité sud du département du Rhône.
Enfin, le préfet proposait le rattachement à la CSP de Lyon de deux
communes de l'Ain, Neyron (2 300 habitants) et Miribel (8 900 habitants)
au motif qu’elles forment les limites nord du parc de loisirs Miribel-
Jonage implanté à cheval sur les départements de l'Ain et du Rhône.
Pendant la saison estivale le parc connaît des problèmes de sécurité liés à
ses activités de baignades, nautiques et de loisirs, mais aussi une
délinquance propre à ce type de grand rassemblement. Le transfert de ces
deux communes, situées en zone gendarmerie, dans la zone couverte par
le commissariat de Vaulx-en-Velin serait justifié par l’intérêt d’une unicité
de commandement.
c)
Le transfert d’une CSP de plus de 50 000 habitants
Le préfet de la région Rhône-Alpes s’est efforcé de contrebalancer
les propositions d’extension de la zone de police autour de Lyon par le
transfert en zone de gendarmerie d’un nombre suffisant de communes en
termes de population et d’effectifs. Son choix s’est porté sur la CSP de
Villefranche-sur-Saône dans le département du Rhône.
Depuis son extension en 2004 dans le cadre de la première vague
de redéploiement, cette CSP de 50 510 habitants comprend quatre
communes : Villefranche-sur-Saône, Gleizé, Limas et Arnas. En 2008,
son taux de criminalité la classait au 51
ème
rang parmi les 131
circonscriptions de 25 000 et 50 000 habitants. Elle employait 102
fonctionnaires. Les bâtiments du commissariat étaient vétustes et peu
opérationnels.
L'agglomération de Villefranche-sur-Saône est totalement enclavée
en zone gendarmerie. Son bassin de vie englobe notamment Trévoux dans
l'Ain, siège d'une compagnie de gendarmerie. La compagnie de
gendarmerie de Villefranche-sur-Saône possède déjà des unités couvrant
le spectre des missions de sécurité publique (brigade territoriale, brigade
motorisée pour la police de la route, BR et PSIG).
ANNEXES
155
Annexe n° 6
Propositions de redéploiement du préfet de la région PACA
(note au ministre du 7 juillet 2009)
a)
L’aire marseillaise
Le secteur de Cassis et Carnoux
La délinquance constatée à Cassis, commune située dans la
continuité urbaine des CSP de Marseille, Aubagne et la Ciotat, est
fortement liée aux flux de population de l'agglomération marseillaise. De
même, Carnoux, commune dortoir, est un axe de liaison routière
obligatoire entre les CSP d'Aubagne et de la Ciotat. L’intégration de ces
deux villes dans la police d'agglomération marseillaise répondrait à un
double objectif
de cohérence géographique et d’efficacité opérationnelle.
Cependant, le transfert de Cassis et Carnoux priveraient les
communes de Ceyreste et Roquefort-la-Bédoule de leurs brigades de
rattachement.
Le secteur de Septèmes-les-Vallons, Cabriès et Bouc-Bel-Air
Septèmes-les-Vallons est une commune totalement intégrée à
l'agglomération marseillaise dans la continuité des quartiers nord
particulièrement sensibles. Cabriès s’étend sur un tiers de la vaste zone
commerciale de Plan-de-Campagne, l'autre partie de la zone étant
couverte par le poste de police des Pennes-Mirabeau. Son intégration à la
zone de police devrait permettre de créer une cohérence d'action. Bouc-
Bel-Air est une commune en voie de densification urbaine dont la
population travaille sur l’axe Aix-Marseille.
Le transfert de Septèmes-les-Vallons en zone de police entraînerait
l’isolement de la commune de Simiane-Collongues, rattachée à la brigade
territoriale de Septèmes-les-Vallons, dont l’intégration ne présente pas
d’intérêt pour la police nationale en termes de flux ou d’intensité de la
délinquance (44 faits pour mille habitants en 2008). Comme pour
Ceyreste et Roquefort-la-Bédoule, cette opération de redéploiement
nécessiterait de modifier le territoire des brigades de gendarmerie ;
Simiane-Collongues pourrait être rattachée à la brigade de Gardanne mais
au prix d’un possible allongement du délai d'intervention.
Le secteur du Puy-Sainte-Réparade, de Venelles et de Pertuis
La CSP de Pertuis (18 900 habitants) relève de la DDSP du
Vaucluse, mais la commune appartient à la communauté d'agglomération
156
COUR DES COMPTES
du pays d’Aix et ses activités administratives et économiques se
développent principalement dans les Bouches-du-Rhône. La délinquance
y est relativement forte (72 ‰). En raison de l’éloignement d'Avignon
(une heure de route), les effectifs de la CSP sont régulièrement renforcés
par des policiers venant d’Aix-en-Provence. Quant à Puy-Sainte-
Réparade, commune rurale, et Venelles, considérée comme la banlieue
d'Aix-en-Provence, elles sont placées sur l’axe de circulation allant de
Marseille à Aix-en-Provence et passant à proximité de Pertuis en
direction des Alpes.
Le secteur de Rognac, Berre-l'Etang et Saint-Chamas
La commune de Rognac partage son tissu urbain, commercial et
industriel avec celle de Vitrolles. Saint-Chamas constitue avec Miramas
une cité populaire et des échanges permanents de population sont
constatés entre ces deux communes. Berre-l'Etang est une commune
industrielle (port, raffineries) identifiée pour être le lieu de résidence de
délinquants actifs dans diverses communes du département. Son
intégration en zone de police devrait améliorer la connaissance et le suivi
de ce milieu.
En revanche, l’opération envisagée risquerait de priver la
gendarmerie de la connaissance dudit milieu qui rayonne notamment sur
les communes limitrophes (La Fare-les-Oliviers, Coudoux, Ventabren,
Velaux).
La solution proposée pour Berre-l’Etang et Pertuis pouvait aussi
interférer avec l’accompagnement du projet ITER par les forces de
sécurité en mettant en cause le commandement unique assuré par le
groupement de gendarmerie des Bouches-du-Rhône. L’itinéraire spécial
déjà arrêté pour le transport des composants de ce site passe en effet
uniquement en zone de gendarmerie : les convois doivent arriver à Berre-
l’Etang par barge puis être acheminé par la route jusqu'à Cadarache.
Le préfet attirait l’attention du ministre sur l’urgence de statuer sur
le possible transfert de Berre-l'Etang car un projet de construction d'une
nouvelle brigade de gendarmerie y était alors engagé, avec une dépense
de 60 000 € déjà faite pour des études préalables, l’architecte devant être
choisi en septembre 2009.
Le secteur de Saussaies-les-Pins, Carry-le-Rouet, Ensues-la-
Redonne et du Rove
D'une faible densité urbaine, ces quatre communes sont néanmoins
concernées par de nombreux mouvements de population venant des
agglomérations
de
Marseille
(quartiers
Nord)
et
de
Martigues,
particulièrement en été. Leur rattachement à la CSP de Marseille devrait
ANNEXES
157
permettre la couverture de la Côte bleue par une force unique
d’intervention.
Toutefois, il était aussi de nature à compromettre l’existence de la
compagnie de gendarmerie d'Istres. Dans ce cas, le commandant du
groupement départemental de gendarmerie, désigné comme autorité
militaire territorialement compétente, n'aurait plus disposé des effectifs
pré-positionnés dans les communes concernées pour garantir un délai
d’intervention de moins de trente minutes en cas d’incident.
b)
L’ouest du département
En dehors de l’aire marseillaise, le préfet de région a proposé,
d'une part, de créer une circonscription interdépartementale de sécurité
publique rattachée au département du Gard et composée des communes
de Beaucaire (Gard) et Tarascon (Bouches-du-Rhône), et d’autre part, de
transférer la CSP d’Arles (52 000 habitants) à la gendarmerie nationale.
Cette commune atypique, la plus grande de France par sa
superficie, est dotée d’un protocole d'intervention passé entre la police et
la gendarmerie. La première est compétente sur la seule ville, soit 98 %
de la population communale, et la seconde sur l'estuaire du Rhône, soit la
majeure partie de la Camargue. Ce transfert devrait mettre fin à une
situation inconfortable de partage de responsabilité entre la police et la
gendarmerie sur la commune d'Arles, particulièrement antagonique tant
avec le concept de police d’agglomération ou qu’avec celui de police des
territoires.
De surcroît, il impliquerait aussi un renforcement des effectifs de
la CSP de Tarascon qui est soumise aux sujétions inhérentes au
fonctionnement du tribunal de grande instance et de la maison d'arrêt, et
voient ses effectifs régulièrement renforcés par ceux de la CSP d'Arles.
158
COUR DES COMPTES
Annexe n° 7
Liste des CSP isolées comptant moins de 20 000 habitants
(Source : DGGN, mai 2011)
Dépt
CSP
population
Effectifs PN
Mise en place GN (0,70)
62
Touquet-Paris-Plage
5 438
46
32
50
Coutances
9 896
44
31
19
Ussel
10 250
46
32
70
Hericourt
10 361
46
32
22
Dinan
11 235
46
32
05
Briancon
11 542
44
31
11
Castelnaudary
11 575
54
38
68
Guebwiller
11 609
40
28
09
Foix
11 726
52
36
14
Dives-sur-Mer
11 731
51
36
48
Mende
12 378
54
38
31
St-Gaudens
12 672
54
38
82
Castelsarrasin
12 740
44
31
14
Honfleur
13 056
47
33
07
Privas
13 489
50
35
79
Thouars
13 530
45
32
59
Bailleul
13 616
49
34
23
Gueret
13 789
60
42
02
Château-Thierry
14 622
58
41
09
Pamiers
14 830
50
35
61
Argentan
14 900
56
39
65
Lourdes
15 265
56
39
81
Carmaux
15 468
45
32
19
Tulle
15 734
57
40
14
Deauville
16 682
58
41
12
Decazeville
16 787
55
39
81
Mazamet
16 854
42
29
57
Sarrebourg
16 927
50
35
41
Romorantin-Lanthenay
17 572
43
30
04
Digne-les-Bains
17 868
64
45
ANNEXES
159
73
Albertville
18 009
52
36
59
Jeumont
18 393
51
36
30
Bagnols-sur-Ceze
18 545
56
39
54
Villerupt
19 096
43
30
62
Berck
19 128
55
39
59
Aulnoye-Aymeries
19 362
47
33
67
Selestat
19 459
50
35
22
Lannion
19 459
59
41
54
Conflans-en-Jarnisy
19 587
45
32
59
St-Amand-les-Eaux
19 829
51
36
29
Concarneau
19 953
50
35
77
Provins
19 999
79
55
Total
634 961
2 144
1 501
Nombre CSP
42
Gain théorique en emplois
643
160
COUR DES COMPTES
Annexe n° 8
Liste des CSP isolées comptant entre 20 000 et 30 000 habitants
(Source : DGGN, mai 2011)
Dépt
CSP
Population
Effectifs PN
Mise en place
GN (0,70)
88
Remiremont
20 015
52
36
29
Morlaix
20 401
60
42
38
Voiron
20 672
49
34
55
Bar-le-Duc
20 716
64
45
54
Pont-a-Mousson
21 001
51
36
50
Granville
21 020
55
39
59
Hazebrouck
21 101
50
35
04
Manosque
21 162
65
46
25
Pontarlier
21 183
51
36
34
Agde
21 293
84
59
32
Auch
21 545
72
50
57
Sarreguemines
21 733
67
47
21
Beaune
21 778
48
34
07
Aubenas
21 914
52
36
07
Guilherand-Granges
22 013
46
32
61
Flers
22 349
51
36
39
Lons-le-Saunier
22 561
66
46
54
Toul
22 646
56
39
76
Fecamp
22 682
53
37
54
Luneville
22 872
52
36
02
Tergnier
23 211
48
34
16
Cognac
23 278
55
39
41
Vendome
23 285
47
33
12
Millau
23 620
62
43
59
Gravelines
23 653
52
36
38
Bourgoin-Jallieu
23 659
62
43
35
Fougeres
23 873
52
36
80
Abbeville
24 052
63
44
ANNEXES
161
50
St-Lo
24 582
57
40
08
Sedan
24 601
56
39
52
Chaumont
25 378
78
55
39
Dole
25 621
68
48
46
Cahors
25 652
83
58
84
Cavaillon
25 819
63
44
68
St-Louis
26 233
51
36
17
Saintes
26 531
70
49
70
Vesoul
26 819
81
57
69
Givors
26 931
63
44
14
Lisieux
26 997
67
47
55
Verdun
27 050
73
51
73
Aix-les-Bains
27 375
62
43
18
Vierzon
28 147
73
51
88
St-Die
28 346
76
53
91
Etampes
28 607
95
67
49
Saumur
28 654
70
49
02
Laon
29 512
77
54
84
Orange
29 859
73
51
77
Coulommiers
29 923
76
53
Total
1 161 925
2 997
2 098
Nombre de CSP
48
Gain théorique en emplois
899
162
COUR DES COMPTES
Annexe n° 9
Liste des CSP isolées comptant entre 30 000 et 40 000 habitants
(Source : DGGN, mai 2011)
Dépt
CSP
population
Effectifs PN
Mise en place
GN (0,70)
47
Villeneuve-sur-Lot
30 292
81
57
01
Oyonnax
30 570
65
46
17
Royan
30 768
71
50
27
Vernon
31 306
82
57
52
St-Dizier
31 458
96
67
24
Bergerac
31 713
81
57
13
La Ciotat
32 126
87
61
64
Biarritz
32 304
85
60
71
Le Creusot
32 493
73
51
40
Dax
32 640
77
54
17
Rochefort
33 259
77
54
86
Chatellerault
34 402
84
59
76
Bolbec
34 715
55
39
51
Epernay
34 844
73
51
43
Le Puy en Velay
34 872
84
59
67
Haguenau
34 891
65
46
26
Montelimar
34 938
77
54
89
Sens
35 049
107
75
38
Vienne
35 197
84
59
15
Aurillac
35 411
88
62
95
Persan
36 088
106
74
03
Moulins
36 930
113
79
33
Arcachon
37 064
96
67
05
Gap
37 332
83
58
02
Soissons
37 433
79
55
27
Louviers
37 556
95
67
84
Carpentras
38 155
82
57
ANNEXES
163
40
Mont-de-Marsan
38 401
87
61
58
Nevers
38 496
120
84
61
Alençon
39 453
87
61
12
Rodez
39 639
107
75
71
Montceau-les-Mines
39 878
87
61
Total
1 119 673
2 734
1 914
Nombre CSP
32
Gain théorique en emplois
820
Source : DGGN, mai 2011.
164
COUR DES COMPTES
Annexe n° 10
Liste des CSP isolées comptant entre 40 000 et 50 000 habitants
(Source : DGGN, mai 2011)
Dépt
CSP
Population
Effectifs PN
Mise en
place GN
(0,70)
13
Salon-de-Provence
40 147
106
74
54
Longwy
40 320
81
57
89
Auxerre
40 667
117
82
85
Sables-d'Olonne
40 898
80
56
62
Avion
41 660
93
65
83
Draguignan
42 400
95
67
71
Macon
42 813
100
70
26
Romans-sur-Isere
43 082
88
62
81
Castres
43 141
93
65
59
Somain
43 376
84
59
64
St-Jean-de-Luz
43 844
98
69
57
Forbach
43 912
108
76
57
Freyming-Merlebach
44 169
122
85
88
Epinal
45 115
111
78
76
Dieppe
45 476
102
71
30
Ales
46 333
120
84
11
Carcassonne
46 639
139
97
45
Montargis
46 676
93
65
28
Dreux
46 800
130
91
59
Armentieres
47 971
93
65
59
Cambrai
48 299
108
76
13
Marignane
48 797
95
67
06
Grasse
48 801
117
82
62
St-Omer
48 949
124
87
69
Villefranche-sur-Saône
49 588
99
69
Total
1 119 873
2 596
1 817
Nombre CSP
25
Gain théorique en emplois
779
Source : DGGN, mai 2011.
ANNEXES
165
Annexe n° 11
Liste des CSP comptant entre 50 000 et 100 000 habitants
(Source : DGGN, mai 2011)
Code INSEE
CSP
Population
(1999)
13054
MARIGNANE
50 355
78586
SARTROUVILLE
50 560
2B033
BASTIA
51 219
59122
CAMBRAI
51 475
19031
BRIVE-LA-GAILLARDE
51 586
13004
ARLES
51 614
47001
AGEN
51 698
91114
BRUNOY
52 584
62765
SAINT-OMER
52 841
85191
ROCHE-SUR-YON
52 947
60159
COMPIEGNE
52 974
83069
HYERES
53 258
06083
MENTON
54 108
91201
DRAVEIL
54 160
82121
MONTAUBAN
54 421
2A004
AJACCIO
54 697
56260
VANNES
54 773
03310
VICHY
55 275
42998
ONDAINE
56 291
49099
CHOLET
56 320
13117
VITROLLES
56 334
60057
BEAUVAIS
57 355
74012
ANNEMASSE
57 619
27229
EVREUX
57 788
95607
TAVERNY
58 007
166
COUR DES COMPTES
91421
MONTGERON
58 048
78490
PLAISIR
58 249
83123
SANARY SUR MER
58 384
01053
BOURG-EN-BRESSE
59 396
41018
BLOIS
59 414
34301
SETE
59 513
77243
LAGNY-SUR-MARNE
59 580
81004
ALBI
61 851
77296
MOISSY-CRAMAYEL
62 929
24322
PERIGUEUX
63 078
03185
MONTLUCON
63 120
78208
ELANCOURT
63 869
91021
ARPAJON
64 301
79191
NIORT
64 329
78440
MUREAUX
64 956
95277
GONESSE
65 694
35288
SAINT-MALO
65 904
51108
CHALONS-EN-CHAMPAGNE
67 047
68066
COLMAR
67 163
83126
LA SEYNE-SUR-MER
67 642
08105
CHARLEVILLE-MEZIERES
67 868
42187
ROANNE
68 203
44184
SAINT-NAZAIRE
68 616
13047
ISTRES
68 844
78650
VESINET
68 949
74010
ANNECY
69 640
36044
CHATEAUROUX
69 715
60175
CREIL
69 806
02691
SAINT-QUENTIN
70 007
78551
SAINT-GERMAIN-EN-LAYE
70 212
ANNEXES
167
77108
CHELLES
70 634
06027
CAGNES-SUR-MER
71 459
53130
LAVAL
71 482
71076
CHALON-SUR-SAONE
71 641
95210
ENGHIEN-LES-BAINS
72 128
91549
SAINTE-GENEVIEVE-DES-BOIS
73 022
22278
SAINT-BRIEUC
73 399
78297
GUYANCOURT
73 412
77284
MEAUX
73 638
29232
QUIMPER
74 235
25388
MONTBELIARD
74 809
42999
GIER
75 242
65440
TARBES
76 516
90010
BELFORT
76 538
59172
DENAIN
78 003
78172
CONFLANS-SAINTE-HONORINE
78 769
83061
FREJUS
79 093
34032
BEZIERS
79 463
59392
MAUBEUGE
80 092
62041
ARRAS
80 728
73065
CHAMBERY
80 998
64102
BAYONNE
85 646
91326
JUVISY-SUR-ORGE
86 620
13056
MARTIGUES
87 409
28085
CHARTRES
87 859
91228
EVRY
88 662
77337
NOISIEL
88 737
62193
CALAIS
90 763
77373
PONTAULT-COMBAULT
90 824
78498
POISSY
91 447
168
COUR DES COMPTES
50129
CHERBOURG OCTEVILLE
91 717
26362
VALENCE
93 701
62119
BETHUNE
94 304
16015
ANGOULEME
95 532
95585
SARCELLES
97 223
18033
BOURGES
97 579
06004
ANTIBES
99 314
62160
BOULOGNE-SUR-MER
100 017
NB de CSP: 197
Total Population:
9 429 510
ANNEXES
169
Annexe n° 12
Les perspectives de nouveaux redéploiements
L’exemple de deux départements
L’exemple des deux départements donné ci-après, Nièvre et Alpes-
Maritimes, montrent, au moins dans ces deux cas, la nécessité de
s’abstraire de certains critères traditionnels si l’on entend poursuivre le
remodelage des zones de compétences pour accroître l’efficacité
opérationnelle des forces et économiser sur leurs moyens.
1.
Le département de la Nièvre
Aujourd’hui, le département ne compte plus qu’une seule CSP,
celle de Nevers, si bien que les scénarios possibles pour de nouveaux
redéploiements ne sont que de deux ordres, sauf inversion du mouvement
de 2004.
a.
Le scénario d’une extension de la CSP de Nevers
La DDSP a déjà remis au préfet une hypothèse de travail
61
consistant à étendre la CSP de Nevers aux limites de ce qui est considéré
sur place comme l’agglomération. Dans un premier temps, il s’agirait
d’étendre la CSP à la commune de Varennes-Vauzelles (9 664 habitants)
dans la continuité urbaine de Nevers. Dans un deuxième puis un troisième
temps, la CSP pourrait s’étendre sur un axe Est-Ouest, puis au Sud, avec
l’adjonction des communes de Marzy (3 683 habitants), de Coulanges-
Les-Nevers (3 672) et Saint-Eloi (2 102), puis de Challuy (1 732) et
Sermoise-sur-Loire (1 724). Toutes ces communes présentent une
configuration périurbaine à leur point de contact avec Nevers, mais leur
tissu est en majorité tissu rural.
La première opération, la seule étudiée en 2004, porterait la CSP à
49 795 habitants, tandis que les suivantes la porteraient à un peu plus de
63 000 habitants au terme des six transferts.
La DDSP mentionne comme un indice allant dans le sens d’une
« agglomération » le fait que 7,55 % des personnes mises en cause à
Nevers en 2011 viendraient des communes limitrophes où l’extension de
la CSP est envisagée. Cette proportion est assez faible au regard d’autres
situations de délinquance « importée ». Il montre surtout, avec 7,55 % des
61
Note non datée et non signée du DDSP destinée au préfet, communiquée à la Cour
pendant son contrôle.
170
COUR DES COMPTES
mis en cause venant des communes limitrophes pour 38 % de la
population
62
,
que
ces
communes
sont
sensiblement
moins
« criminogènes » que la ville-centre.
b.
Le scénario d’un transfert de la CSP de Nevers à la
gendarmerie
Un tel transfert n’a pas été formellement étudié. En effet, il serait
contraire au décret de 1996, puisque Nevers est le chef-lieu du
département. Il conduirait à placer tout le département de la Nièvre dans
la zone de compétence de la seule gendarmerie.
La DDSP paraît redouter un tel scénario, d’autant qu’elle en voit
un signe avant-coureur dans le fait que le SDIG de la Nièvre a été le seul,
sur le territoire métropolitain, à être confié à un militaire de la
gendarmerie.
2.
Le département des Alpes-Maritimes
Aujourd’hui, le département compte 1 931 fonctionnaires de police
(dont 153 adjoints de sécurité) répartis entre quatre circonscriptions et
851 gendarmes (dont 11 affectés à l’atelier automobile commun).
Chacune des deux forces a des idées, voire des scénarios écrits de
redéploiements, mais ils sont incompatibles.
a.
Un scénario de la DDSP
Le DDSP a proposé au préfet
63
un scénario de constitution d’une
vaste zone de police sur la quasi-totalité de la frange littorale, en
transférant de la zone de gendarmerie la commune de Villeneuve-Loubet
(14 427 habitants), aujourd’hui intercalée entre les CSP d’Antibes et de
Nice, les communes situées dans la continuité Est de la CSP de Nice,
c’est-à-dire Saint-Jean-Cap-Ferrat (2 085 habitants) et Beaulieu-sur-Mer
(3 742), et surtout Mandelieu (21 192), pointe ouest du département et
située dans la quasi-continuité urbaine de Cannes (dont elle est toutefois
séparée par la Siagne).
62
La ville de Nevers compte 39 000 habitants, et les communes limitrophes
représentent ensemble 24 000 habitants pour arriver, au total, à une CSP hypothétique
de 63 000 habitants.
63
Note du 24 juin 2011 adressée par le DDSP au préfet des Alpes-Maritimes à
l’occasion de la visite des rapporteurs de la Cour.
ANNEXES
171
En échange, la police transférerait à la gendarmerie la commune de
Grasse (51 580 habitants) qui est une circonscription mono communale
séparée de la CSP de Cannes par plusieurs communes moyennes
présentant un tissu périurbain situées en zone de gendarmerie.
Ce scénario est fondé sur une logique territoriale claire, qui
consiste à unifier sous le régime de la police d’Etat l’ensemble de la
bande littorale de 70 kilomètres de long (et de trois à six kilomètres de
large au maximum), qui regroupe environ les trois quarts de la population
du département et la majorité des 200 000 touristes qui y séjournent en
moyenne
64
. Pour la police, il en résulterait un gain d’efficacité,
notamment pour la gestion des grands événements fréquents qui se situent
presque toujours dans cette zone. Il permettrait également de créer, en
partie grâce aux effectifs récupérés à Grasse, une compagnie de
sécurisation.
Toutefois ferait exception à l’homogénéité de cette vaste zone le
bandeau de l’autoroute A8 qui est placé ès qualité sous la responsabilité
de la gendarmerie et qui s’intègre globalement dans la frange littorale. En
outre, la continuité de la zone resterait interrompue par le maintien en
zone de gendarmerie des communes d’Eze (2 961 habitants) et de Cap
d’Ail (4 997). Leur topographie est telle que la seule voie de
communication entre la CSP de Menton et celle de Nice étendue
demeurerait l’A8, en zone de gendarmerie.
L’hypothèse d’un transfert de la ville Grasse n’avait pas été
envisagée en 1998. Son transfert à la gendarmerie, s’agissant d’une ville
de plus de 50 000 habitants comportant un quartier sensible, romprait
avec la position relativement constante du DGPN. En l’espèce, le fait que
Grasse comporte un tribunal de grand instance et une maison d’arrêt, ce
qui occasionne une importante activité de gardes statiques et de
transfèrements (au moins jusqu’à la reprise par l’administration
pénitentiaire dans ce dernier cas) n’est sans doute pas étranger à la
proposition du DDSP.
b.
Les réflexions de la DGPN
La gendarmerie nationale n’a pas communiqué au préfet de
scénario formalisé, mais les hypothèses sur lesquelles elle travaille, au
niveau départemental ou au sein de sa direction générale, sont
radicalement différentes. Elle identifie en effet trois enjeux, fondés sur
l’idée que la frange littorale s’arrête en réalité après Nice, et que les axes
64
Ce nombre varie en réalité de 50 000 en janvier-février à 600 000 en juillet-août.
172
COUR DES COMPTES
nord-sud sont ceux du développement démographique et économiques du
département.
Le premier enjeu consisterait donc à unifier une zone de
compétence à l’est du département autour de Menton, confiée à la
gendarmerie, qui serait chargée de la CSP de Menton. Ainsi serait créée, à
l’est de Nice, une zone cohérente au sein de laquelle la montée en
puissance (par exemple en cas d’événement à Menton) s’effectuerait
depuis la profondeur du département, et non depuis sa largeur. Cette zone
aurait par ailleurs l’avantage d’être homogène autour de la principauté de
Monaco, alors que le scénario proposé par la DDSP maintient les deux
forces en contact avec cette dernière (la police à Beausoleil et la
gendarmerie à Cap d’Ail et la Turbie, sans changement).
Le deuxième enjeu tient à l’opération d’intérêt national (OIN) de la
plaine de Var, identifiée par le décret du 7 mars 2008. Celle-ci constitue
une bande sud-nord d’une profondeur de trente kilomètres, qui traverse le
territoire de 15 communes. La gendarmerie n’envisage pas d’exercer sa
compétence sur toute la zone puisque les deux communes qui en
constituent l’entrée, Nice et Saint-Laurent-du-Var, ont vocation à rester
dans la zone de la police. Mais elle estime nécessaire de réfléchir à un
concept d’emploi des forces adapté à cette zone, qui est déjà marquée par
une forte présence commerciale et d’activité, alors que les communes et
les zones d’habitation sont dispersées sur ses hauteurs. De surcroît, la
limite des ressorts des tribunaux de grande instance de Grasse et de Nice
est précisément le Var, si bien que la zone est partagée à parts
équivalentes entre les deux.
Enfin, plus ponctuellement, la gendarmerie estime nécessaire
d’unifier en zone de police les abords du quartier de l’Ariane, situé à l’est
de Nice, qui constitue une « dent » insérée dans la zone de gendarmerie.
Ces réflexions de la gendarmerie ne portent pas sur les hypothèses
de transfert des communes de Mandelieu (de la gendarmerie à la police)
et de Grasse (de la police à la gendarmerie), tandis que la livraison en
2012 de la nouvelle caserne de Villeneuve-Loubet, à l’initiative des élus
locaux, destinée à devenir la plus importante caserne de gendarmerie du
département laisse présager une vive opposition à un transfert en zone de
police de cette dernière commune.
A ces données s’ajoute une caractéristique particulière aux Alpes-
Maritimes : l’importance des polices municipales.
c.
Les polices municipales
Dans la zone de gendarmerie, il y a ainsi 37 polices municipales,
comprenant au total 327 agents, soit l’équivalent de 39 % des effectifs
ANNEXES
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départementaux de la gendarmerie. En zone de police, la proportion est
encore plus forte, avec 906 policiers municipaux, soit l’équivalent de
46 % des effectifs de la DDSP.
Il n’y a aujourd’hui aucune doctrine nationale, ni aucun critère
formalisé pour prendre en compte la réalité des polices municipales dans
l’allocation des effectifs, ni au sein de la gendarmerie, ni au sein de la
police. Au niveau départemental, tant les états-majors des forces que la
préfecture et le parquet estiment que cette réalité ne peut être ignorée.
Les Alpes-Maritimes constituent donc un laboratoire des réflexions
susceptibles d’inspirer une nouvelle génération de redéploiements ou de
réorganisations, tant elles doivent faire le partage entre les « vitrines »
(comme Mandelieu, le Cap Ferrat ou le périmètre de la principauté de
Monaco), les critères administratifs hérités des années 1990 (avec le sort
de la ville de Grasse), la problématique des bassins de délinquance (avec
la continuité du quartier de l’Ariane et la frange littorale), les enjeux
opérationnels liés à la montée en puissance saisonnière ou aux
événements, et enfin la question des ressorts judiciaires puisque la
réforme de la carte judiciaire n’a pas abouti ici à la création d’un tribunal
à ressort départemental.
Glossaire
ADS
: adjoint de sécurité
AVIP
: atteintes volontaires à l’intégrité physique des personnes
BAC
: brigades anti-criminalité (police nationale)
BR
: brigade de recherches (gendarmerie nationale)
BST
: brigade spécialisée de terrain (police nationale)
BSU
: brigade de sûreté urbaine (police nationale)
BTA
: brigade territoriale autonome (gendarmerie nationale)
CGCT
: code général des collectivités territoriales
COB
: communauté de brigades (gendarmerie nationale)
CORG
: centre opérationnel et de renseignement de la gendarmerie
CSP
: circonscription de sécurité publique
DDSP
: direction départementale de la sécurité publique
DCPJ
: direction centrale de la police judiciaire
DCRI
: direction centrale du renseignement intérieur
DDSP
: direction départementale de la sécurité publique
DGGN
: direction générale de la gendarmerie nationale
DGPN
: direction générale de la police nationale
DRCPN
: direction des ressources et des compétences de la police nationale
(anciennement DAPN : direction de l’administration de la police nationale)
ETPT
: équivalent temps plein travaillé
IGA
: inspection générale de l’administration
IRAS
: infractions révélées par l’action des services
LOLF
: loi organique sur les lois de finances du 1
er
août 2001
LOPS
: loi du 21 janvier 1995 dite d’orientation et de programmation sur la
sécurité
LOPSI
: loi d’orientation et de programmation sur la sécurité intérieure du
29 août 2002
LOPPSI
: loi d’orientation et de programmation pour la performance de la
sécurité intérieure du 14 mars 2011
MCI
: main courante informatisée
ONDRP
: observatoire national de la délinquance et des réponses pénales
OPJ
: officier de police judiciaire
PAMI
: premiers à marcher d’intervention (gendarmerie nationale)
PSIG
: peloton de surveillance et d'intervention (gendarmerie nationale)
RGPP
:
révision générale des politiques publiques
SR
:
sections de recherches
TEA
: tableau des effectifs autorisés (gendarmerie nationale)
TGI
: tribunal de grande instance
UTeQ
: unité territoriale de quartier (police nationale)