CHAMBRE REGIONALE DES COMPTES
Amiens, le 9 décembre 2003
DE PICARDIE
LE PRESIDENT
RAR n°
Monsieur le Directeur,
En application de l'article L. 241-11 du code des juridictions financières et à l'expiration du délai
d'un mois fixé par ledit article, je vous notifie par la présente, le rapport d'observations définitives
de la Chambre régionale des comptes de Picardie sur la gestion de la Maison de retraite de
Fouilloy.
Ce rapport devra être communiqué par vos soins à l'assemblée délibérante de votre
établissement dès sa plus proche réunion, faire l'objet d'une inscription à l'ordre du jour de celle-ci
et être joint à la convocation adressée à chacun des membres de l'assemblée et donnera lieu à
débat.
Je vous rappelle qu'aux termes de l'article R. 241-17 du code des juridictions financières, les
observations définitives de la Chambre régionale des comptes sont communicables aux tiers dès
qu'a eu lieu la première réunion de l'assemblée délibérante suivant leur réception par
l'établissement.
Afin de permettre à la Chambre de répondre aux demandes éventuelles de communication des
observations définitives, je vous serais reconnaissant de bien vouloir me faire connaître la date de
cette réunion.
Je vous prie d'agréer, Monsieur le Directeur, l'expression de ma considération distinguée.
Francis SALSMANN
Monsieur Michel BRIZZI
Directeur de la maison de retraite de Fouilloy
52, rue Hippolyte Noiret
BP 11
80800 FOUILLOY
RAPPORT D'OBSERVATIONS DEFINITIVES SUR LA GESTION
de la Maison de retraite de FOUILLOY
Par courrier du 3 mai 2002, le directeur de la maison de retraite de Fouilloy a été informé de
l'engagement de l'examen de la gestion conformément aux termes de l'article L. 211-8 du code
des juridictions financières.
Dans le cadre des dispositions de l'article L. 241-9 du code des Juridictions financières, la
Chambre a décidé l'envoi d'un rapport d'observations provisoires sur la période 1997 à 2001 dans
sa séance du
22 mai
2003
.
Un exemplaire de ce rapport a été adressé le 3 juin
2003
à
M. Brizzi, directeur de la maison de
retraite, et au président du conseil d'administration.
Dans sa séance du
25 septembre 2003, la Chambre a examiné les réponses de M. Brizzi et du
président du conseil d'administration ; elle a décidé l'envoi d'un rapport d'observations définitives
portant sur les points suivants :
- l'activité
- les conditions de fonctionnement
- les données financières et la tarification
- la gestion financière et budgétaire
La maison de retraite Hippolyte Noiret se situe à l'entrée de l'agglomération de Fouilloy Corbie à
une quinzaine de km d'Amiens. L'établissement comporte deux bâtiments, dont le bâtiment initial
de 30 chambres, rénové en 1994, et un second bâtiment de 80 chambres, ouvert au printemps
1992.
1-L'activité
La capacité installée de la maison de retraite en 2001 est de 113 lits et correspond à la capacité
autorisée depuis 1997 (auparavant, elle était de 110 lits).
Elle comprend une section de soins courants de 79 lits
et une section de cure médicale de 34 lits,
ce qui représente un taux de médicalisation de 30 %.
Le taux d'occupation de la
section de cure médicale est de 100% sur toute la période.
Sur l'ensemble de la maison de retraite, l'activité est en progression depuis 1997, le taux
d'occupation passant de 97 % à
100% en 2000 et restant quasiment à ce niveau en 2001.
L'activité de la maison de retraite est d'autant plus satisfaisante qu'elle se trouve en situation de
forte concurrence avec la proximité de la maison de retraite de Villers Bretonneux
et de celle du
centre hospitalier de Corbie.
En ce qui concerne l'état de dépendance des personnes âgées, le GIR moyen pondéré (GMP)
de la maison de retraite
pour les trois années 1999 à 2001, évolue entre 565 et 570, ce qui
est
légèrement supérieur au GMP national (555 dans les maisons de retraite non rattachées à un
hôpital).
Au 1er janvier 2002, la maison de retraite de Fouilloy a été transformée en établissement
hébergeant des personnes âgées dépendantes (EHPAD). Enfin,
par arrêté du 17/1/2003 du
préfet et du président du conseil général de la Somme, la capacité de la maison de retraite a été
augmentée de 5 places destinées à l'accueil de jour des personnes souffrant de la maladie
d'Alzheimer ou de maladies apparentées.
2- les conditions
de fonctionnement
Sur la nature des observations relatives au fonctionnement de l'établissement, la chambre
rappelle que, conformément à la loi, l'examen de gestion porte non seulement
sur la régularité
des actes de gestion , mais aussi sur l'économie des moyens mis en ouvre et sur l'évaluation des
résultats atteints par rapport aux objectifs .
- La démarche d'évaluation :
L'établissement a rédigé le rapport d'évaluation " Marthe " de juin 2000 ; " l'auto-évaluation "
ANGELIQUE a également été effectuée.
Parmi les points faibles, on relève notamment l'insuffisance des effectifs paramédicaux. En 2000,
les soins étaient assurés par 2 infirmières et 8,5 emplois d'aides soignantes ce qui ne permettait
pas d'en garantir la continuité. En décembre 2001, avec la signature de la convention tripartite,
des créations de postes sont intervenues (1 infirmière et 5 aides soignantes); l'établissement a
rencontré des difficultés de recrutement des personnels, notamment infirmiers, mais début 2003,
les postes sont pourvus. La situation reste cependant délicate, en particulier compte tenu du
nombre de postes d'infirmières.
La chambre note aussi qu'il n'y a pas de médecin coordonnateur, en raison semble-t-il des
difficultés de recrutement.
- Fonctionnement en réseau :
L'absence de convention avec un
centre hospitalier spécialisé en psychiatrie est relevée.
En ce qui concerne le réseau gérontologique , en l'absence de schéma gérontologique
départemental , un protocole d'accord a été signé en janvier 2002 avec le centre hospitalier de
Corbie et la maison de retraite de Villers-Bretonneux
dont les modalités pratiques de coopération
restaient cependant
à définir pour l'essentiel.
3- les données financières et
la tarification
- Evolution des dépenses et des recettes de fonctionnement :
De 1998 à 2000 :
. les dépenses de fonctionnement sont passées de 2 040 290 Euros à 2 231 437 Euros, soit une
augmentation de 9,36 % ;
.
les recettes de fonctionnement sont passées de 2 025 729 Euros à 2 234 682 Euros, soit une
augmentation de 10,31%.
- la tarification :
On constate une augmentation sensible des produits de l'hébergement en 2000 (6,91%) ; elle
provient notamment de l'évolution du prix de journée ( + 4,28%) , qui était en 1999 légèrement
inférieur au prix moyen national ( 37,49 Euros contre
38,43 Euros ). En 2001, ce prix de journée
s'établit à 40,23Euros.
Le produit du forfait global de soins a également sensiblement augmenté en 2000 (+6,67%) ; le
forfait journalier approuvé en 2000 (10,14 Euros)
restait pourtant encore légèrement inférieur au
forfait plafond moyen
(10,23 Euros),
calculé sur les activités soins courants et cure médicale.
En 2001, compte tenu des compléments alloués en fin d'année, le forfait global de soins approuvé
a augmenté d'environ 6,9% , soit un forfait journalier légèrement supérieur au forfait plafond
moyen (respectivement
10,84 Euros
et
10,40 Euros).
4- la gestion financière et
budgétaire :
4.1 - gestion de la dette
Au 31/12/2000,
la dette financière de la maison de retraite comprend, outre des emprunts sans
intérêt de la CRAM pour 0,52 MEuros, 3 emprunts du CLF
pour 0,72 MEuros. Ces 3 emprunts
avaient été réalisés en 1992 (2 emprunts) et 1994 (1 emprunt)
pour une durée de 15 ans avec
des taux fixes de 10%, 9,85% et 7,05%.
En novembre 1997, l'établissement a conclu un contrat d'échange de conditions d'intérêts ( type
SWAP), sur un montant de 0,61 MEuros , correspondant à l'encours des 3 emprunts en fin 2002
;
ce contrat , conclu avec la
BNP pour 5 ans, prévoit le paiement par la banque d'un taux fixe de
4,92 % et le paiement par la maison de retraite d'un taux variable TAG 3 mois ( taux annuel
glissant 3 mois, sur le marché monétaire ).
Cette opération a été montée par un cabinet spécialisé parisien, avec lequel la maison de retraite
a conclu un contrat de conseil et d'assistance
en matière de gestion active de la dette ; ce contrat
du 1er décembre 1997, conclu pour une durée d'un an renouvelable par tacite reconduction,
a
pour objet " le suivi et la gestion du risque de taux "
de la dette et prévoit une rémunération TTC
de la société égale à 10% des profits semestriels obtenus.
- les conditions du recours au contrat d'échange de conditions d'intérêts:
Au vu de l'extrait de la délibération du 25 juin 1997, par laquelle le conseil d'administration a
autorisé le directeur à lancer la consultation et à signer le contrat, cette opération a fait l'objet
d'une analyse menée sur la base de plusieurs scénarii par le cabinet.
Les documents produits à la chambre mentionnent la consultation de 5 établissements financiers
et une seule offre (la BNP), qui a été retenue.
La note du 24/6/97 établie par le cabinet spécialisé estimait le gain cumulé possible de l'opération
à environ
33 843,68 Euros
sur 22 trimestres, jusqu'en 2002, dans une perspective prudente
(hypothèse de " dérive haussière "), et beaucoup plus si les taux restaient stables.
Cependant, cette note du cabinet établie pour le conseil d'administration n'envisage réellement
que l'opération de SWAP, sans comparaison avec d'autres formules ;
en particulier, elle ne fait
pas référence aux propositions de refinancement de la dette du CLF datées du 23 juin 1997, qui
comprenaient 3 variantes, dont deux présentaient des conditions
avantageuses en termes
d'économies d'intérêts au vu de l'écart cumulé
à l'échéance 2009 par rapport aux annuités
existantes sur la période d'amortissement des emprunts (en euros courants
: 1ère proposition
-
48 727,58 Euros ;
2ème proposition - 55 986,44 Euros ). Ces propositions comportaient toutefois
le versement d'une indemnité par la maison de retraite, en partie non refinancée ; mais
l'établissement disposait alors de ressources provenant d'un legs (cf point
suivant).
- bilan de l'opération
:
Le recours à cet instrument financier n'a pas donné lieu au
compte rendu annuel, qui doit
être
annexé au budget et au compte administratif (cf instruction CP 96-105 M21 du 9 octobre 1996).
Un bilan du contrat SWAP établi fin 2001, produit à la chambre, se traduisait par un gain net
cumulé de
26 441,98 Euros. Le bilan en fin 2002
à l'échéance du contrat, communiqué par le
directeur de la maison de retraite (non vérifié), fait état d'un gain net total de
35 101,45 Euros, soit
un peu plus que le montant estimé initialement.
Ce résultat
positif doit être relativisé, dès lors qu'il ne ressort pas des documents produits que
l'étude préalable à la décision soumise au conseil d'administration ait pris en compte l'ensemble
des solutions qui se présentaient à l'établissement pour gérer sa dette ; néanmoins, le président
du conseil d'administration
a indiqué en réponse à la chambre que le conseil avait été informé
objectivement des diverses solutions
par le directeur.
La chambre note également que la même année, l'établissement
avait aussi décidé, par
délibération du 4 décembre 1997, de rembourser par anticipation deux emprunts du Crédit
agricole (taux de 9,90 et 9,80) pour près de 0,23 MEuros ; au vu des éléments produits par
l'ordonnateur, ce remboursement
a permis une économie d'intérêts de 79 712
Euros.
4.2 - le legs
En 1997,
l'établissement venait de bénéficier d'un legs important. Ce legs, provenant d'une
ancienne résidente de la maison de retraite, décédée le 8 novembre 1996, n'était assorti d'aucune
condition d'emploi, si ce n'est l'entretien de la sépulture de l'intéressée au cimetière de Fouilloy.
Par deux délibérations du 20 décembre 1996, le conseil d'administration a d'une part, accepté le
legs et décidé de le prendre en compte au compte 1025 "dons et legs en capital", d'autre part
donné son accord pour l'ouverture d'un compte titre au nom de la maison de retraite, le directeur
étant chargé en liaison avec le comptable de réaliser les meilleurs placements budgétaires
possibles des fonds provenant du legs.
La chambre relève toutefois, au vu des extraits des délibérations, que le conseil d'administration
était alors informé que le legs en cause était essentiellement composé d'avoirs financiers
et que
le montant des actifs s'élèverait à environ 0,43 MEuros, le notaire chargé de la succession
devant
faire connaître le situation de ce legs dans les meilleurs délais.
Or
l'évaluation du legs par le notaire datée 14 février 1997, fait état d'un montant net arrondi de
799 062
Euros.
Le conseil d'administration n'a ainsi été amené à délibérer que sur une partie du
legs: en effet , d'une part, il ne paraît exister aucune autre délibération faisant état du nouveau
montant sensiblement supérieur résultant de cette évaluation faite par le notaire ; d'autre
part, les
délibérations budgétaires qui sont ensuite intervenues de 1997 à 1999
pour autoriser, entres
autres, l'emploi des ressources du legs ( en placements budgétaires) n'ont concerné qu'une partie
de ces ressources ( virements du notaire, solde du compte courant et remboursements des
contrats d'assurance vie ), le montant total enregistré
sur la période examinée ( jusqu'en 2001)
s'élevant à 843 760,17 Euros .
De fait, une partie du legs a été traitée en opérations non budgétaires, soit la somme de 316
221,78 Euros, correspondant
au montant d'un PEA et de valeurs d'un compte titres dont le détail
est donné dans un état du 19/11/97 établi par le trésorier de Corbie et visé par l'ordonnateur ; ce
montant a été directement intégré au compte 1025 en 1997. Cette procédure non budgétaire, qui
ne fait pas intervenir l'organe délibérant, n'est pas conforme à la réglementation
(cf instruction M21 et instruction CP n°92-112-M2 du 11
septembre 1992).
Si le président du conseil d'administration et le directeur ont indiqué en réponse à la chambre que
le conseil avait été informé oralement, ce dernier n'a néanmoins pas pris de décision globale
d'affectation sur les fonds issus du legs. Cependant, les ressources cumulées ont fait l'objet de
placements, comme cela avait été décidé initialement lors de l'information sur une première
estimation
du legs. Au vu des comptes administratifs de 1997 à 2000, les produits financiers de
ces placements ont évolué comme suit : 9 860,40 Euros (1997),
20 741,91 Euros (1998), 35
800,21 Euros (1999), 36 204,96 Euros (2000).
Le
compte définitif
de la succession a été établi par le notaire
en mars 2002 et a donné lieu au
versement du solde en faveur de la maison de retraite; il en
ressort que le montant
total des
ressources provenant du legs s'élève à
870 820,04 Euros.
S'agissant du portefeuille de la maison de retraite, le montant du compte titres (composé
d'emprunts d'Etat, d'obligations et de SICAV-FCP), s'élève au
vu d'une situation au 31 décembre
2002,
à 950 291,45 Euros (montant intégrant des placements effectués en 1999
indépendamment du legs, pour environ
34 569 Euros ).