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ES FAIBLESSES DE L
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ES FAIBLESSES DE L
’É
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TAT
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ACTIONNAIRE
ACTIONNAIRE
ACTIONNAIRE
ACTIONNAIRE
D
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ENTREPRISES
ENTREPRISES
ENTREPRISES
ENTREPRISES
INDUSTRIELLES DE DEF
INDUSTRIELLES DE DEF
INDUSTRIELLES DE DEF
INDUSTRIELLES DE DEFENSE
ENSE
ENSE
ENSE
Rapport public thématique
Cour des comptes
Les faiblesses de l’État actionnaire d’entreprises industrielles de défense – avril 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
Sommaire
DELIBERE
....................................................................................................
9
INTRODUCTION
.....................................................................................
11
CHAPITRE I - LES SPECIFICITES DE L’ÉTAT ACTIONNAIRE
D’ENTREPRISES INDUSTRIELLES DE DEFENSE
...........................
15
I
- Le contexte
..........................................................................................
15
A - La contrainte budgétaire
....................................................................
15
B - L’impact sur les dépenses d’équipement des forces en Europe
.........
18
C - La taille intermédiaire des groupes français
.......................................
19
D - Les trois préoccupations de l’État-actionnaire
...................................
21
II
- Caractéristiques de la fonction de l’État actionnaire d’industries de
défense
....................................................................................................
22
A - Les enjeux industriels de défense
.......................................................
23
B - Les dispositifs de protection des industries de défense
.....................
28
C - Les moyens de l’État-actionnaire
........................................................
31
D - L’organisation de l’État-actionnaire : les rôles respectifs de l’Agence
des participations de l’État et de la direction générale de l’armement ... 35
CHAPITRE II - L’ÉTAT UNIQUE ACTIONNAIRE DE REFERENCE :
SAFRAN, GIAT INDUSTRIES ET SNPE
..............................................
45
I
- Safran : les suites d’une fusion
............................................................
45
A - La fusion Sagem-SNECMA
...................................................................
45
B - Les pouvoirs actuels de l’État-actionnaire dans Safran
......................
50
C - Les partenariats industriels envisagés
................................................
52
II
- GIAT Industries : une lourde restructuration
......................................
53
A - Rappel historique
................................................................................
53
B - Actionnariat actuel et gouvernance
....................................................
55
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4
COUR DES COMPTES
III
- SNPE : la vente par sous-ensembles après l’accident d’AZF
...............
57
A - Rappel historique
................................................................................
57
B - Actionnariat actuel
..............................................................................
58
C - Les résistances au rapprochement
Herakles décidé par l’État
..........
58
IV
- Les réflexions sur l’avenir de GIAT Industries et de SNPE
..................
60
CHAPITRE III - LA MONTEE PROGRESSIVE DU CONTROLE
ACTIONNARIAL EXERCE PAR LE GROUPE PRIVE DASSAULT :
DASSAULT-AVIATION, THALES ET DCNS
......................................
63
I
- La perte progressive de tout contrôle actionnarial de l’État sur Dassault-
Aviation
....................................................................................................
65
A - 1979 : l’entrée de l’État au capital de Dassault-Aviation
....................
65
B - 1981, une prise de contrôle public temporaire de Dassault-Aviation 66
C - 1996, une tentative avortée de fusion Aérospatiale/Dassault-Aviation
..................................................................................................................
67
D - 1998 : le transfert des participations publiques dans Dassault-Aviation
au profit d’Aérospatiale puis du groupe Lagardère
.................................
67
II
- 2008 : le partage du contrôle actionnarial de THALES avec Dassault... 69
A - Le départ d’Alcatel du capital de THALES
...........................................
69
B - L’accord passé avec Dassault
..............................................................
71
C - 2010-2012, la montée de Dassault-Aviation en droits de vote et la
dilution corrélative de l’État
.....................................................................
72
D - Le fonctionnement du pacte d'actionnaires
.......................................
74
E - Une vision divergente de la gouvernance de THALES entre Dassault-
Aviation et l’État
.......................................................................................
75
F - Les désaccords stratégiques
................................................................
77
III
- 2007-2012, la montée de THALES au capital de DCNS
........................
78
CHAPITRE IV - UNE ENTREPRISE SOUS CONTROLE PUBLIC
PLURI-NATIONAL : EADS
....................................................................
81
I
- Une construction actionnariale initiale reposant sur des intérêts
hétérogènes
.............................................................................................
81
A - Des conditions initiales peu favorables à la défense des intérêts
patrimoniaux de l’État
..............................................................................
81
B - Un dispositif de contrôle actionnarial qui s’est rapidement révélé
inadapté
...................................................................................................
86
C - Des relations déséquilibrées entre l’État et le groupe Lagardère
.......
89
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SOMMAIRE
5
II
- L’échec du projet de rapprochement EADS-British Aerospace
............
94
A - Les contours généraux de l’opération proposée
................................
94
B - Des difficultés concernant la souveraineté des trois États
concernés
.................................................................................................
95
C - Les raisons de l’échec
..........................................................................
96
III
- Le rééquilibrage actionnarial : l’accord du 5 décembre 2012
.............
99
A - Les contraintes
....................................................................................
99
B - Une mise en œuvre en deux étapes
.................................................
101
C - Les accords complémentaires concernant la protection des intérêts
français de défense
................................................................................
103
CONCLUSION GENERALE
...................................................................
107
ANNEXES
.................................................................................................
115
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES
CONCERNÉS
...........................................................................................
143
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Les rapports publics de la Cour des comptes
- élaboration et publication -
La Cour publie, chaque année, un rapport public annuel et des
rapports publics thématiques.
Le présent rapport est un rapport public thématique.
Les rapports publics de la Cour s’appuient sur les contrôles et les
enquêtes conduits par la Cour des comptes ou les chambres régionales des
comptes et, pour certains, conjointement entre la Cour et les chambres
régionales ou entre les chambres. En tant que de besoin, il est fait appel au
concours d’experts extérieurs, et des consultations et des auditions sont
organisées pour bénéficier d’éclairages larges et variés.
Au sein de la Cour, ces travaux et leurs suites, notamment la
préparation des projets de texte destinés à un rapport public, sont réalisés par
l’une des sept chambres que comprend la Cour ou par une formation
associant plusieurs chambres.
Trois principes fondamentaux gouvernent l’organisation et l’activité
de la Cour des comptes, ainsi que des chambres régionales des comptes, et
donc aussi bien l’exécution de leurs contrôles et enquêtes que l’élaboration
des rapports publics : l’indépendance, la contradiction et la collégialité.
L
’
indépendance
institutionnelle
des
juridictions
financières
et
statutaire de leurs membres garantit que les contrôles effectués et les
conclusions tirées le sont en toute liberté d’appréciation.
La
contradiction
implique que toutes les constatations et appréciations
ressortant d’un contrôle ou d’une enquête, de même que toutes les
observations et recommandations formulées ensuite, sont systématiquement
soumises aux responsables des administrations ou organismes concernés ;
elles ne peuvent être rendues définitives qu’après prise en compte des
réponses reçues et, s’il y a lieu, après audition des responsables concernés.
La publication d’un rapport public est nécessairement précédée par la
communication du projet de texte que la Cour se propose de publier aux
ministres et aux responsables des organismes concernés, ainsi qu’aux autres
personnes morales ou physiques directement intéressées. Dans le rapport
publié, leurs réponses accompagnent toujours le texte de la Cour.
La
collégialité
intervient pour conclure les principales étapes des
procédures de contrôle et de publication.
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8
COUR DES COMPTES
Tout contrôle ou enquête est confié à un ou plusieurs rapporteurs.
Leur rapport d’instruction, comme leurs projets ultérieurs d’observations et
de recommandations, provisoires et définitives, sont examinés et délibérés de
façon collégiale, par une chambre ou une autre formation comprenant au
moins trois magistrats, dont l’un assure le rôle de contre-rapporteur, chargé
notamment de veiller à la qualité des contrôles. Il en va de même pour les
projets de rapport public.
Le contenu des projets de rapport public est défini, et leur élaboration
est suivie, par le comité du rapport public et des programmes, constitué du
premier président, du procureur général et des présidents de chambre de la
Cour, dont l’un exerce la fonction de rapporteur général.
Enfin, les projets de rapport public sont soumis, pour adoption, à la
chambre du conseil où siègent en formation plénière ou ordinaire, sous la
présidence du premier président et en présence du procureur général, les
présidents de chambre de la Cour, les conseillers maîtres et les conseillers
maîtres en service extraordinaire.
Ne prennent pas part aux délibérations des formations collégiales,
quelles qu’elles soient, les magistrats tenus de s’abstenir en raison des
fonctions qu’ils exercent ou ont exercées, ou pour tout autre motif
déontologique.
*
Les rapports publics de la Cour des comptes sont accessibles en ligne
sur le site Internet de la Cour des comptes et des chambres régionales et
territoriales des comptes :
www.ccomptes.fr
. Ils sont diffusés par
La
documentation Française
.
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Délibéré
La Cour des comptes, délibérant en chambre du conseil réunie en
formation ordinaire, a adopté le présent rapport sur « Les faiblesses de
l’État actionnaire d’entreprises industrielles de défense ».
Le rapport a été arrêté au vu du projet communiqué au préalable
aux administrations concernées et des réponses adressées en retour à la
Cour.
Les réponses sont publiées à la suite du rapport. Elles engagent la
seule responsabilité de leurs auteurs.
Ont
participé
au
délibéré :
M. Migaud,
Premier
président,
MM. Bayle,
Bertrand,
Mme
Froment-Meurice,
MM.
Durrleman,
Levy, Lefas,
Mme Ratte,
présidents de chambre,
M. Monier, conseiller
maître,
suppléant
M.
Briet,
MM. Pichon,
Picq,
Babusiaux,
Descheemaeker,
présidents
de
chambre
maintenus
en
activité,
MM. de Mourgues, Devaux, Ganser, Mme Bellon, MM. Cazala,
Braunstein,
Mme Françoise
Saliou,
MM.
Phéline,
Barbé,
Mmes Darragon, Seyvet, MM. Bonin, Vachia, Vivet, Cossin, Maistre,
Ténier, Mmes Trupin, Monique Saliou, M. Antoine, Mme Bouygard,
MM. Boudy, de la Guéronnière, Mme Pittet, conseillers maîtres.
Ont été entendus :
-
en sa présentation, M. Levy, président de la chambre chargée des
travaux sur lesquels le rapport est fondé et de la préparation du
projet de rapport ;
-
en son rapport, M. Bertrand, rapporteur du projet devant la
chambre du conseil, assisté de M. Camoin, conseiller maître,
rapporteur devant la chambre chargée de le préparer, et de
M. Gros,
conseiller
maître
en
service
extraordinaire,
contre-rapporteur devant cette même chambre ;
-
en ses conclusions, sans avoir pris part au délibéré, M. Johanet
,
Procureur général, accompagné de Mme Gaspari, chargée de
mission
.
***
M. Gérard Terrien, secrétaire général, assurait le secrétariat de la
chambre du conseil.
Fait à la Cour, le 2 avril 2013.
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10
COUR DES COMPTES
Le projet de rapport soumis à la chambre du conseil a été préparé,
puis délibéré le 5 octobre 2012, par la deuxième chambre de la Cour des
comptes, présidée par M. Levy, président de chambre, et composée de
Mme Saliou (Françoise), MM. Vivet, Cossin, De Gaulle, Dors,
conseillers maîtres, ainsi que, en tant que rapporteur, M. Camoin,
conseiller maître, et, en tant que contre-rapporteur, M. Gros, conseiller
maître en service extraordinaire.
Le projet de rapport a été examiné et approuvé, le 8 janvier 2013,
par le comité du rapport public et des programmes de la Cour des
comptes, composé de MM. Migaud, Premier président, Descheemaeker,
Bayle, Bertrand, rapporteur général du comité, Mme Froment-Meurice,
MM. Durrleman, Levy, Lefas et Briet, présidents de chambre, et
M. Johanet, procureur général, entendu en ses avis.
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Introduction
Depuis 1976, la Cour est chargée de contrôler les entreprises
publiques
1
. À ce titre, elle a été conduite à contrôler les comptes et la
gestion d’un grand nombre d’entreprises, dont certaines ont été depuis
lors privatisées, mais dans lesquelles les entités publiques continuent
souvent à occuper une position d’actionnaire de référence : dans ce
dernier cas, la Cour continue à être compétente pour examiner la façon
dont l’État et ses services assurent, directement ou indirectement, la
gestion de ces participations.
Parmi ces entreprises, les groupes industriels de défense occupent
une place spécifique : une partie de ces groupes s’est progressivement
constituée sous forme de sociétés commerciales, depuis le début des
années 1970, à partir des anciens arsenaux militaires (SNPE en 1970,
GIAT en 1990, DCNS en 2003), d’autres ont résulté du regroupement et
de la nationalisation d’entreprises privées, soit à la fin de la seconde
guerre mondiale (SNECMA en 1945, le groupe Aérospatiale étant, de son
côté, né de la nationalisation et du regroupement de plusieurs sociétés
privées au cours des années 1950), soit au début des années 1980
(groupes Thomson et Dassault). À partir de la fin des années 1980, une
grande partie ont vu leur capital s’ouvrir ou retourner, partiellement ou
majoritairement, à des partenaires privés (EADS, THALES, Safran,
DCNS, Dassault-Aviation).
Dans la plupart des cas, chacune de ces évolutions a été l’occasion
pour la Cour d’effectuer divers contrôles, dont certains ont déjà été
évoqués dans les rapports publics annuels ou dans les rapports publics
thématiques.
En revanche, jusqu’à ce jour, la Cour n’a pas présenté une synthèse
de ses constats et analyses sur les participations publiques dans les
entreprises industrielles de défense : c’est l’objet du présent rapport, qui
examine, dans une perspective de longue période, la façon dont l’État a
tiré parti de la détention d’importantes participations au capital des plus
grands groupes industriels de défense opérant sur le sol français pour
protéger ses intérêts stratégiques et patrimoniaux.
1
L’article L. 133-1 du code des juridictions financières précise la compétence de la
Cour et le périmètre des entreprises concernées.
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12
COUR DES COMPTES
Le sujet est d’actualité : la réduction des budgets militaires
occidentaux restreint les débouchés nationaux ; la montée en puissance
des industries des pays émergents accroit la concurrence ; les tentatives
de concentration industrielle entre entreprises de même nationalité mais
aussi entre firmes de pays différents sont à l’ordre du jour, même si elles
se
heurtent
souvent
aux
coûts
en
emplois
et
en
fermetures
d’établissements qu’elles suggèrent ; l’élaboration fin 2012 - début 2013
un nouveau Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale renforce
cette actualité.
La puissance publique doit concilier trois préoccupations : assurer
l’indépendance de la France en matière d’équipements sensibles,
notamment concernant la dissuasion nucléaire ; gérer au mieux le
patrimoine de l’État actionnaire ; préserver l’activité et l’emploi dans les
régions concernées.
Sont concernées dans ce rapport toutes les participations directes
ou indirectes, majoritaires ou minoritaires, dès lors qu’elles sont d’un
niveau suffisant pour conférer à l’État, seul ou de concert avec des
partenaires, des pouvoirs de contrôle significatifs.
Dans la pratique, il s’agit, d’une part, de trois entreprises
industrielles publiques du secteur de l’armement :
-
DCNS (constructions navales, groupe détenu à 63,58 % par
l’État) ;
-
SNPE (matériaux énergétiques, détenue à 99,99 % par l’État) ;
-
GIAT Industries (armements terrestres, détenue à 100 % par
l’État) :
D’autre part, sont concernés trois groupes industriels privés :
-
Safran (fournisseur de moteurs et de trains d’atterrissage pour
la composante aéroportée de la force de dissuasion, propulsion
des missiles, participation étatique de 30,20 %) ;
-
THALES
(électronique
militaire,
participation
publique
indirecte de 27,08 %) ;
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INTRODUCTION
13
-
EADS (missiles balistiques de la force de dissuasion,
hélicoptères, avions militaires, etc. participation publique
indirecte de 15 % devant passer à 12 %).
2
Dans trois cas, le contrôle actionnarial de l’État est partagé avec
des partenaires français (DCNS, THALES) ou français et étrangers
(EADS), dans le cadre de concerts d’actionnaires.
Enfin, de façon indirecte, l’État est présent dans Dassault-Aviation
(avions de combat) à travers EADS, deuxième actionnaire avec 46,32 %
du capital, et MBDA (missiles tactiques), également à travers EADS,
premier actionnaire à parité avec BAE Systems avec 37,25 % du capital.
Le présent rapport examine successivement :
-
les spécificités de l’État actionnaire d’entreprises industrielles
de défense (chapitre I) ;
-
l’État unique actionnaire de référence : Safran, GIAT Industries
et SNPE (chapitre II) ;
-
la montée progressive du contrôle actionnarial exercé par le
groupe privé Dassault : Dassault-Aviation, THALES et DCNS
(chapitre III) ;
-
une entreprise sous contrôle public pluri-national : EADS
(chapitre IV).
Figurent en annexes huit fiches présentant chacun des principaux
groupes industriels concernés.
2
En ce qui concerne THALES et EADS, la participation de l’État est indirecte, puisqu’elle est
détenue à travers trois sociétés holdings publiques – TSA (détenue à 100 % par l’État) détient
27,08 % de THALES, Sogepa (détenue à 100 % par l’État) détient 66 % de Sogeade, cette
dernière détenant 22,35 % d’EADS.
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Chapitre I
Les spécificités de l’État actionnaire
d’entreprises industrielles de défense
Les commandes d’équipements militaires à des groupes industriels
français sont à la base du développement de ces derniers, et demeurent
aujourd’hui un élément essentiel de leur activité, quel que soit le niveau
de participation publique à leur capital. C’est donc dans ce contexte qu’il
convient de situer la problématique de l’actionnariat public dans les
industries de défense.
I
-
Le contexte
A -
La contrainte budgétaire
En ce qui concerne l’évolution des positions relatives des
principaux pays en termes de budgets de défense, trois points se
dégagent :
-
la France occupe une position intermédiaire, comparable à
celles du Royaume-Uni et de l’Allemagne ;
-
les États-Unis, malgré une contrainte budgétaire accrue,
disposent de moyens sans commune mesure avec ceux de tous
les autres pays ;
-
les principaux pays émergents enregistrent une croissance
rapide de leurs budgets militaires.
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16
COUR DES COMPTES
1 -
En termes de budget total de défense, la France se plaçait
au quatrième rang mondial en 2010
Tableau n° 1 : évolution des principaux budgets militaires,
pensions incluses
Pays
Dépenses
2011 en Md€
Evolution
depuis 2001
% du PIB
% des
dépenses
mondiales
Dépenses
2010 en Md€
en parité de
pouvoir
d'achat
États Unis
540,8
79,0%
4,2%
43,2%
540,8
Chine
101,4
213,9%
1,9%
8,1%
179,9
Russie
50,3
99,1%
3,7%
4,0%
48,7
France
45,7
1,4%
2,2%
3,7%
38,4
Royaume Uni
45,4
25,5%
2,5%
3,6%
68,3
Japon
42,8
-1,5%
1,0%
3,4%
34,3
Inde
34,7
65,6%
2,6%
2,8%
49,6
Arabie
Saoudite
36,2
66,7%
7,5%
2,9%
31,7
Allemagne
34,1
-6,4%
1,3%
2,7%
95,8
Italie
25,1
-18,6%
1,5%
2,0%
21,9
Brésil
24,8
21,4%
1,3%
2,0%
26,4
Corée du sud
22,2
48,9%
2,7%
1,8%
32,9
Australie
18,0
42,7%
1,6%
1,4%
12,9
Canada
18,1
53,9%
1,4%
1,4%
15,8
Turquie
14,7
-6,2%
1,8%
1,2%
20,0
Top 15
1054,2
2,7%
84,2%
1217,1
Total Monde
1251,6
100,0%
Source : Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI) Dollars US (USD)
convertis en euros (taux moyen de 2010 : 1 USD = 0,7843 €)
2 -
Le budget militaire américain demeure très élevé, d’un ordre
de grandeur différent des budgets qui arrivent juste après lui
Le budget militaire américain représente :
-
près de six fois le budget chinois ;
-
douze fois le budget français ou le budget britannique.
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LES SPÉCIFICITÉS DE L’ÉTAT ACTIONNAIRE D’INDUSTRIES D’ARMEMENT
17
La comparaison en parité de pouvoir d’achat réduit l’écart entre les
États-Unis et la Chine mais ne modifie pas fondamentalement la
comparaison avec les pays européens de l’Ouest.
Certes, les États-Unis ont annoncé, pour leur budget d’équipement
de défense, une baisse de l’ordre de 100 Md$ étalée sur 5 ans : ils n’en
restent pas moins sur des niveaux de crédits budgétaires extrêmement
élevés en termes absolus (de l’ordre de 600 Md$/an).
3 -
Les budgets des pays émergents sont en croissance rapide
Les chiffres disponibles ne présentent guère de fiabilité mais il ne
fait pas de doute que les quatre principales puissances émergentes
(« BRIC » - Brésil, Russie, Inde, Chine) consacrent une part croissante de
ressources à l’équipement de leurs forces militaires.
Équipement des forces dans les pays émergents
Russie :
le gros de l’effort russe semble actuellement principalement
concentré sur les forces aériennes, avec le programme T50 (chasseurs de
« 5
ème
génération », à horizon de la fin de la décennie), en partenariat avec
l’Inde et des réflexions sur un programme de bombardiers (remplacement des
Tupolev 160)
Chine :
la Chine se développe dans tous les domaines de défense,
avec la construction d’un 2
ème
porte-avion, la mise en service de nombreux
navires de surface et sous-marins à propulsion nucléaire, deux programmes
de chasseurs de 4
ème
génération en fin de développement, et deux
programmes de chasseurs de 5
ème
génération en début de développement, un
programme de chasseur-bombardier embarqué (copie du Sukhoï 33
«
Flanker
»), des programmes d’hélicoptères, etc.
Inde :
l’Inde s’équipe également dans tous les domaines – au-delà des
négociations actuelles sur le Rafale, elle prépare le développement de la
génération suivante d’avions de combat (T50), acquiert des hélicoptères
américains
Apache,
envisage
l’acquisition
d’avions
de
transport
(C17 américains),
a
acquis
un
porte-avions
auprès
de
la
Russie.
Parallèlement, elle a engagé divers programmes nationaux : avions de combat
(Tejas), chars, missiles, hélicoptères (DHRUV), etc.
Brésil :
le Brésil prévoit l’achat d’avions de combat, s’est engagé dans
un co-développement de sous-marins nucléaires d’attaque avec DCNS,
développe un avion de transport Embraer KC390 (classe A400M), etc.
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18
COUR DES COMPTES
B - L’impact sur les dépenses d’équipement des forces
en Europe
Pour
les
principales
puissances
militaires
européennes,
la
contrainte budgétaire est forte.
1 -
La France
La prise en compte de la totalité des programmes 144 -
Equipement
des
forces
et
maintien
en
condition
opérationnelle
(« MCO ») initial, et 146 - Recherche en matière d’industries de défense,
ainsi qu’une partie du programme 178 - MCO courant, permet de dresser
le tableau suivant
3
:
Tableau n° 2 :
budget français d’équipement des forces
Dépenses d'armement en M€
2007
2008
2009
2010
2011
2012
Etudes amont P144 (Titre 5 et Titre 3)
902
920
987
969
906
885
Recherche et exploitation du
renseignement P144 (Titre 5)
118
101
135
137
158
138
Dissuation P146 (Titre 5 et Titre 3)
2 817
2 775
3 349
2 966
2 689
2 667
Armement conventionnel P146 (Titre 5
et Titre 3)
6 259
6 307
7 979
7 040
5 934
6 271
MCO P178 (Titre 3)
3 227
2 945
3 409
2 968
3 094
3 408
TOTAL DEPENSES D'ARMEMENT
13 323
13 048
15 859
14 080
12 781
13 369
Source : rapports annuels de performance (2007-2011 réel, 2012 estimé)
Ces chiffres correspondent à des paiements budgétaires annuels, en
très large partie consacrés à l’exécution de programmes déjà engagés. En
France, les groupes industriels d’armement ont bénéficié jusqu’à une
période récente de commandes publiques maintenues à un niveau élevé.
Mais les perspectives d’évolution à court et moyen terme, qui font l’objet
d’un réexamen dans le cadre des réflexions en cours (Livre Blanc), seront
en tout état de cause moins favorables, l’achèvement des grands
programmes en cours réduisant en outre très fortement les marges de
manoeuvre en termes de nouveaux programmes d’armement.
3
L’écart avec l’agrégat équipement sur lequel communique habituellement le
ministère de la défense (16 à 17 Md€) vient des dépenses d’infrastructures et
d’immobilier (environ 1 Md€) et de l’activité d’entraînement des forces, non prises en
compte dans le présent agrégat.
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19
2 -
Le Royaume-Uni
Les dépenses d’équipement des forces y sont du même ordre que
celles de la France, son gouvernement avait prévu une baisse de ses
dépenses dans sa dernière «
strategic defense and security review
»
(octobre 2010) : on note cependant que cette perspective a été récemment
remise en cause, certaines coupes dans les
capacités, notamment dans le
domaine de la surveillance maritime, paraissant excessives.
3 -
L’Allemagne
À la différence de la France et du Royaume-Uni, les budgets
d’équipement des forces
allemandes connaissent une tendance haussière
– elles atteignent aujourd’hui un niveau équivalent à celui de la France,
mais sans crédits consacrés à des forces nucléaires, donc d’un niveau
sensiblement supérieur en ce qui concerne les armements conventionnels.
C - La taille intermédiaire des groupes français
La réduction des budgets des puissances occidentales et la
croissance simultanée de celle des pays émergents, Brésil, Russie, Inde,
Chine (BRIC) ont accru une tension déjà forte sur les groupes industriels
en
présence.
Cette
tension
s’exerce
naturellement
de
façon
particulièrement marquée dans deux directions :
-
celle des exportations, les groupes occidentaux historiquement
dominants ont un intérêt vital à compenser la baisse ou la
stagnation de leurs budgets nationaux de défense par la
fourniture d’armements à des clients tiers, notamment les pays
émergents, dont la demande croît fortement ; au même moment,
les groupes industriels d’armement de ces mêmes pays
émergents se développent rapidement, en s’efforçant de tirer le
maximum de profit des transferts de technologie et d’activités
exigés par leurs États dans le cadre des contrats d’importation ;
-
celle
de
la
diversification :
la
constitution
de
grands
conglomérats présentant un caractère «
dual
» (présents sur le
civil et le militaire) constitue une autre réponse industrielle
à
l’évolution de la conjoncture mondiale en matière de défense.
Le tableau suivant, qui est purement indicatif et comporte des
lacunes, donne une idée, sur la base des chiffres d’affaires réalisés en
2011 (et de la part du chiffre d’affaires dans la défense), du
positionnement respectif des principaux groupes industriels d’armement
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20
COUR DES COMPTES
mondiaux (les groupes industriels de défense implantés en France sont
indiqués en grisé).
Tableau n° 3 :
classement des principaux groupes industriels de
défense dans le monde
Md€
Nationalité
Chiffre
d’affaires
2011
(Md€)
Part défense
Chiffre
d’affaires
défense
Rang
Lockheed Martin
États-Unis
33,4
95 %
31,73
1
Boeing
États-Unis
49,9
45 %
22,46
2
BAE Systems
Royaume-Uni
22,1
97 %
21,44
3
General Dynamics
États-Unis
23,5
78 %
18,33
4
Raytheon
États-Unis
17,8
93 %
16,55
5
Northrop Grumman
États-Unis
19,0
81 %
15,39
6
EADS
Europe
49,1
24 %
11,78
7
Finmeccanica
Italie
17,3
61 %
10,55
8
L3 Communication
États-Unis
10,9
83 %
9,05
9
THALES
France
13,0
52 %
6,76
10
Rolls-Royce
Royaume-Uni
13,0
27 %
3,51
11
Textron
États-Unis
8,1
37 %
3,00
12
MBDA
Europe
3,0
100 %
3,00
13
DCNS
France
2,6
100 %
2,60
14
Mitsubishi
Japon
25,3
10 %
2,53
15
Safran
France
11,7
21 %
2,46
16
SAAB
Suède
2,6
90 %
2,34
17
Rheinmetall
Allemagne
4,5
52 %
2,34
18
Russian Helicopters
Russie
2,5
77 %
1,93
19
Elbit Systems
Israel
2,0
95 %
1,90
20
Kawasaki
Japon
11,7
16 %
1,87
21
IAI
Israel
2,5
73 %
1,83
22
Cobham
Royaume-Uni
2,1
72 %
1,51
23
Qinetiq
Royaume-Uni
1,7
82 %
1,39
24
KMW
Allemagne
1,3
100 %
1,30
25
TKMS
Allemagne
1,5
n.d.
n.d.
-
Nexter
France
0,9
100 %
0,90
26
Dassault-Aviation
France
3,3
27 %
0,89
27
Chemming Group
Royaume-Uni
0,9
97 %
0,87
28
Fincantieri
Italie
2,4
33 %
0,79
29
Meggitt
Royaume-Uni
1,7
40 %
0,68
30
Ultra Electronics
Royaume-Uni
0,8
82 %
0,66
31
Diehl
Allemagne
2,9
22 %
0,64
32
RUAG
Suisse
1,4
42 %
0,59
33
Patria
Norvège
0,6
91 %
0,55
34
Indra
Espagne
2,7
19 %
0,51
35
Namm
Suède
0,4
100 %
0,40
36
Almaz DITEM
Russie
0,3
85 %
0,26
37
Sources : Agence des participations de l’État (APE) et direction générale de l’armement (DGA)
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LES SPÉCIFICITÉS DE L’ÉTAT ACTIONNAIRE D’INDUSTRIES D’ARMEMENT
21
Les sept principaux groupes français présentent une dimension
intermédiaire au sein des trente premiers mondiaux.
On relève que l’État participe, directement ou indirectement, au
capital de l’intégralité de ces sept groupes.
D - Les trois préoccupations de l’État-actionnaire
L’État, en tant que principal actionnaire de la plupart des grandes
industries françaises de défense (à l’exception de Dassault-Aviation et de
MBDA, dans lesquelles il détient néanmoins des participations non
négligeables), doit agir en prenant en compte trois dimensions :
-
une
dimension
stratégique
d’indépendance
en
matière
d’équipement des forces de défense nationale : le maintien de
l’indépendance et de la compétitivité des grands groupes
industriels basés en France, principalement à l’exportation,
devient vital face à la réduction des budgets nationaux
d’équipement, de maintien en condition opérationnelle (MCO)
des matériels et de recherche ;
-
une dimension patrimoniale, puisque les participations de l’État
dans les groupes cotés concernés
- EADS (y compris les sous-
participations dans Dassault-Aviation et MBDA à travers ce
groupe), Safran et THALES (groupes privés mais dont l’État
demeure le principal actionnaire), DCNS, GIAT Industries et
SNPE (entreprises publiques) - représentaient une valeur
globale de l’ordre de 12,25 Md€ au 22 octobre 2012
4
;
-
une dimension économique en termes d’emplois, de commerce
extérieur et d’aménagement du territoire compte tenu du poids
pour le pays et pour les régions concernées – Cherbourg,
Toulouse, Lorient, Roanne, Bordeaux, etc. – de ces activités.
L’examen de la façon dont l’État a cherché à agir simultanément,
sur le long terme, en fonction de ces trois préoccupations, afin de porter
un jugement sur ses forces et ses faiblesses actuelles dans ce domaine,
constitue la base des analyses présentées ci-après.
4
Pour les groupes cotés, le calcul est effectué sur la base des cours de bourse au
22 octobre 2012, et au prorata des participations publiques : Safran représente
3,9 Md€, EADS, 3,4 Md€, et THALES 1,5 Md€. Pour DCNS et GIAT Industries, non
cotées, l’Agence des participations de l’État (APE) propose une valeur indicative
globalement estimée, à la même date, à environ 3,5 Md€.
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22
COUR DES COMPTES
II
-
Caractéristiques de la fonction de l’État
actionnaire d’industries de défense
Par rapport aux participations détenues dans le domaine civil,
compte tenu des dimensions évoquées ci-dessus, les participations de
l’État dans les industries de défense présentent plusieurs spécificités.
Les activités industrielles assurant aujourd’hui l’équipement des
forces armées ont été en grande partie développées, à l’origine, en France
comme dans de nombreux autres pays, au sein même de l’État : dans le
cas de la France, le monopole des poudres et explosifs, instauré au
quatorzième siècle (1336) n’a été aboli qu’en 2005, tandis que la plupart
des armements majeurs des forces terrestres et navales françaises,
naguère produits dans des arsenaux d’État, continuent aujourd’hui à l’être
par des entreprises publiques (GIAT Industries pour les forces terrestres
et DCNS pour la Marine nationale).
Les cas de l’aéronautique, de l’électronique militaire, des missiles
et des applications militaires de l’espace sont différents : apparues
beaucoup plus récemment, au XX
ème
siècle, ces activités se sont, dès
l’origine, développées dans des groupes industriels distincts de l’État.
À
l’issue de la seconde guerre mondiale et plus récemment, au début des
années 1980, des nationalisations sont intervenues :
-
certaines étaient totales : c’est le cas du groupe Aérospatiale, né
de la nationalisation après-guerre de Nord-Aviation et Sud-
Aviation, ou encore du groupe Thomson, dont l’activité
d’électronique militaire était assurée par Thomson-CSF,
nationalisé en 1981 puis privatisé en 1998, devenu aujourd’hui,
pour l’électronique militaire, THALES ;
-
d’autres étaient partielles : c’est notamment le cas du groupe
Dassault-Aviation pour les avions de combat, dans lequel l’État
a acquis en 1981 une participation significative, aujourd’hui
logée dans EADS à la suite de la privatisation d’Aérospatiale.
Puis ces participations ont été, en totalité ou en partie, rétrocédées
au secteur privé.
La France est devenue, après la seconde guerre mondiale, une
puissance nucléaire, dont la force de dissuasion repose sur la capacité à
disposer sur son territoire, et à l’abri de toute prise de contrôle par des
intérêts tiers, d’un outil industriel partagé entre un nombre restreint de
grandes entreprises. C’est là un élément central de la problématique
actuelle du contrôle actionnarial des entreprises concourant à cette
activité.
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LES SPÉCIFICITÉS DE L’ÉTAT ACTIONNAIRE D’INDUSTRIES D’ARMEMENT
23
Plus généralement, la privatisation progressive d’une partie
minoritaire ou majoritaire des principaux groupes industriels français
d’armement pose la question du rôle spécifique de l’État-actionnaire de
ces groupes.
Cette spécificité concerne :
-
les enjeux industriels de défense ;
-
la place de l’actionnariat public parmi les divers dispositifs de
protection des industries nationales de défense ;
-
l’organisation et la répartition des rôles entre l’Agence des
participations de l’État et la direction générale de l’armement
pour
l’exercice
des
prérogatives
de
l’État
actionnaire
d’industries de défense.
A - Les enjeux industriels de défense
Les activités industrielles peuvent, schématiquement, être réparties
entre quatre catégories au regard des enjeux stratégiques de défense, à
savoir en allant du plus étroit au plus large :
-
les activités industrielles concourant à la force de dissuasion
nucléaire, au domaine de la cryptologie gouvernementale ou
encore à celui de la sécurité de certains systèmes informatiques
stratégiques ;
-
le développement et la production des systèmes d’armement
évolués ;
-
les activités industrielles « duales », c’est-à-dire concernant des
technologies et productions présentant un caractère à la fois
militaire et civil ;
-
les emplois et les compétences dont le maintien sur le sol
national apparaissent nécessaires pour assurer, d’une façon
générale, la pérennité de l’activité industrielle d’armement
française.
1 -
Enjeux directement liés à la défense
Le ministère de la défense répartit traditionnellement les
armements en trois cercles.
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24
COUR DES COMPTES
a)
Activités relevant d’une souveraineté exclusive
Une première catégorie d’armements devrait impérativement,
selon le ministère de la défense, demeurer placée sous la maîtrise
souveraine
de
l’État.
Sont
concernées les
activités
industrielles
indispensables à l’indépendance de la dissuasion nucléaire et de la
« connaissance/anticipation » : outre le cas de la dissuasion nucléaire,
c’est celui de tous les systèmes d’information et de communication
permettant d’assurer l’autonomie de décision des autorités politiques
(cryptologie gouvernementale, sécurité des systèmes informatiques, etc.).
À des titres divers, sont concernés les groupes :
-
EADS, maître d’oeuvre, à travers sa filiale Astrium France, du
missile nucléaire M51 qui arme les sous-marins lanceurs
d’engins français ;
-
Safran, pour la propulsion des missiles stratégiques et tactiques
et la motorisation de la composante aéroportée de la dissuasion
nucléaire ;
-
SNPE, notamment, à travers sa filiale Eurenco, pour le
triaminotrinitrobenzene (TATB), explosif conventionnel utilisé
dans les ogives nucléaires, mais également pour diverses
munitions sophistiquées ;
-
DCNS, maître d’oeuvre des sous-marins nucléaires d’attaque et
des sous-marins lanceurs d’engin de la force française de
dissuasion ;
-
THALES, fournisseur, notamment, d’une importante partie de
l’équipement électronique des missiles balistiques et de divers
systèmes d’armes stratégiques évolués, de dispositifs de
sécurité, etc. ;
-
Dassault-Aviation, pour les activités concernant la composante
aéroportée de la dissuasion nucléaire.
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25
b)
Activités relevant d’une souveraineté partagée
Il s’agit des activités d’armement qui peuvent faire l’objet
d’interdépendances industrielles avec des pays alliés (notamment les pays
faisant partie du groupe dit de la LoI
5
) – c’est par exemple le cas des
programmes d’armement menés en coopération avec des partenaires
européens en matière :
-
d’hélicoptères militaires (Tigre, NH90) ;
-
de transport aérien stratégique (A400M) ;
-
de satellites militaires (Helios) ;
-
de navires de surface fortement armés (FREMM) ;
-
de missiles tactiques (Aster, Mica, Scalp) ;
-
de torpilles (MU90, nouvelle torpille lourde), etc.
c)
Achats sur étagère
La dernière activité d’armement concerne les matériels que l’on
peut acheter « sur étagère » sans risque de dépendance, dans la mesure où
les fournisseurs mondiaux sont suffisamment divers et nombreux pour
que l’approvisionnement soit en toute hypothèse assuré – ce peut être, par
exemple, le cas d’armements
non sophistiqués ou dans une moindre
mesure de certaines munitions.
Dans les deux premiers cas, disposer d’un contrôle national
durable du maintien des activités industrielles concernées sur le territoire
français constitue un objectif stratégique. Cela suppose, même lorsque
divers moyens de protection autres qu’une participation au capital sont
disponibles (conventions de protection des activités stratégiques passées
notamment entre l’État et EADS, Safran et THALES, action spécifique
détenue par l’État dans THALES), un minimum de maîtrise sur la
gouvernance et les orientations stratégiques des entreprises concernées :
dans cette optique, c’est surtout un certain degré de contrôle actionnarial
qui permet d’assurer, dans des conditions juridiques incontestables, une
telle maîtrise, la réglementation européenne ne facilitant pas la mise en
place d’autres types de protections élargies pour ce type d’activités, dès
5
LoI = «
letter of intention
» : le 27 juillet 2000 les ministres de la défense de
l’Allemagne, de l’Espagne, de la France, de l’Italie, du Royaume-Uni et de la Suède
ont signé un accord cadre en vue de la mise en oeuvre des mesures prévues dans une
« lettre d’intention » du 6 juillet 1998 qui visaient à faciliter les restructurations et le
fonctionnement de l’industrie européenne en matière d’armement.
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26
COUR DES COMPTES
lors qu’elles sont, en totalité ou en partie, soumises à la concurrence
internationale.
2 -
Enjeux indirectement liés à la défense
a)
Cas des activités duales
Un certain nombre de groupes industriels français, actifs dans
l’armement, exercent également des activités civiles : c’est le cas, par
exemple, du groupe EADS, dont la partie française comporte Astrium
France, à la fois présente dans le domaine des missiles balistiques et dans
celui des lanceurs civils, et dans des activités internationales, qui couvrent
à la fois l’aviation civile (Airbus) et militaire (A400M à travers
Cassidian, et Eurofighter à travers EADS en Allemagne), les hélicoptères
civils et militaires, etc.
Il ne fait pas de doute que le caractère « dual » de ces activités
constitue un atout indéniable en termes d’économies d’échelle et de
« fertilisation croisée », et que leur développement est, de ce point de vue,
éminemment souhaitable mais en contrepartie, leur caractère à la fois
civil et militaire peut rendre très délicate la protection des activités de
défense concernées.
Les activités françaises du groupe EADS pour ce qui concerne la
première catégorie d’armements évoquée plus haut (dissuasion nucléaire
notamment) peuvent être définies avec une assez grande précision. Mais
ce n’est pas le cas des autres activités de défense strictement françaises
logées dans ce groupe international, qui présentent des frontières plus
difficiles à cerner par rapport à celles de nos principaux partenaires,
notamment allemands et espagnols. Dans leur activité courante, les
bureaux d’études concernés par ces activités « duales » ne parviennent
pas toujours à isoler hermétiquement les activités relevant du secret
défense
6
.
On peut en dire autant des capacités industrielles de Safran en tant
que motoriste : sa capacité à produire les moteurs du Rafale n’est pas
séparable de sa position, conjointe avec le groupe américain General
Electric, de premier motoriste mondial de l’aviation civile ; de même, ses
capacités en propulsion solide pour le domaine civil (Ariane V, Vega), ne
6
La commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de
guerre (CIEEMG) a ainsi dû récemment s’opposer au transfert par Astrium France des
codes sources du logiciel de vol du lanceur civil Vega à l’industrie italienne, auxquels
les actionnaires non français d’EADS n’ont eux-mêmes pas accès.
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27
sont guère séparables, sans surcoûts considérables, des activités
largement similaires menées au profit de la défense (M51, missiles
tactiques), etc.
De ce fait, paradoxalement, l’utilité d’une position actionnariale
forte pour préserver dans des conditions juridiquement incontestables les
intérêts industriels de défense est d’autant plus grande que la proportion
des activités strictement militaires d’importance stratégique majeure (et
donc le pouvoir que l’État peut y détenir en tant que client) est faible face
aux activités civiles.
Plus généralement, le niveau de la participation publique
souhaitable pour assurer une protection des activités industrielles de
défense nationale doit s’apprécier en fonction de l’existence et de la
portée des autres dispositifs de protection dont dispose l’État (y compris
sa position de client) : aucun seuil minimal de participation ne peut être
fixé en termes absolus, même si certains seuils de participation au capital
peuvent présenter un degré particulier de robustesse juridique (majorité
qualifiée, majorité simple, minorité de blocage, etc.).
b)
L’environnement industriel
Face au mouvement de désindustrialisation constaté depuis
plusieurs années en France, le maintien des compétences industrielles sur
le territoire national ne peut être que très partiellement assuré par les
divers dispositifs spécifiques de protection des activités stratégiques de
défense évoqués plus loin (et notamment les actions spécifiques ou de
préférence détenues par l’État dans certains groupes, ainsi que les
conventions de protection des activités stratégiques passées auprès de
certains groupes). En effet, on peut difficilement envisager de préserver
une activité stratégique lorsqu’elle est exercée au sein d’un ensemble
d’autres activités duales ou civiles, si le groupe pris dans son ensemble
n’adopte pas une stratégie de développement de nature à assurer un
maintien durable des activités concernées sur le territoire national.
C’est ce qui explique qu’une participation stable au contrôle du
capital, à un niveau permettant d’exercer une vigilance sur la
gouvernance et les principales orientations stratégiques, constitue pour
l’État, en ce qui concerne les plus grands groupes industriels français de
défense, un dispositif sans équivalent de protection de son industrie
d’armement.
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28
COUR DES COMPTES
c)
La santé financière
Enfin, l’État n’échappe pas à une contrainte qui s’impose à tout
actionnaire : veiller à ce que toutes ses décisions, en tant qu’actionnaire,
soient de nature à consolider la valeur et la pérennité de ses actifs et
activités.
Mais si, à long terme, le respect de cette contrainte apparaît lui-
même comme une condition de la protection durable des activités
concernées, il peut souvent ne pas en être de même à plus court terme.
Notamment, les intérêts de l’État-actionnaire peuvent entrer en conflit
avec ceux de l’État-client des groupes industriels d’armement.
B - Les dispositifs de protection des industries de
défense
La question du contrôle actionnarial des industries de défense n’est
pas spécifique à la France. Les principales puissances militaires opérant
dans le cadre d’économies de marché internationalement ouvertes ont
également eu à la résoudre, dans le cadre d’une mondialisation croissante
de l’économie.
1 -
L’amendement Exon-Florio
Un pays a mis au point un dispositif qui règle le problème à la
base : les États-Unis, pour lesquels l’amendement
Exon-Florio
, est venu
compléter en 1988 le
« Defense production act
»
. Cet amendement donne
au Président des États-Unis le pouvoir d’examiner l’impact d’acquisitions
étrangères de sociétés américaines, et d’interrompre ou d’interdire des
acquisitions présumées menacer la « sécurité nationale », qu’elles opèrent
ou non dans le domaine de l’armement, ou de subordonner son
autorisation à la nomination de dirigeants américains choisis par le
département de la défense (exerçant une fonction de
« proxy »
faisant
écran entre les actionnaires et les décideurs opérationnels).
Il convient de préciser qu’il n’existe pas, aux États-Unis, de
définition juridique des domaines industriels couverts par ce concept, ce
qui laisse toute latitude au Président des États-Unis pour déclencher le
mécanisme de protection. C’est ce qui confère à ce dispositif une
efficacité très supérieure aux procédures d’agrément strictement limitées
à la production d’armes, mises en place dans la plupart des autres pays.
L’amendement
Exon-Florio
assure ainsi une protection des intérêts
stratégiques américains au niveau même de la gestion des entreprises de
défense américaines, même lorsque l’actionnariat de ces entreprises,
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dépossédé des prérogatives habituelles de contrôle de la gestion, demeure
entièrement privé, ce qui est en général le cas.
Dans le cadre d’un contrôle consacré à la protection des activités
stratégiques de défense, la Cour avait déjà, début 2008, fait le constat
suivant : « l’aspect largement discrétionnaire de la mise en oeuvre du
dispositif
Exon Florio
, et les circonstances qui ont conduit à sa mise en
place (une hostilité croissante contre les investissements japonais vers le
milieu des années 80), conduisent la plupart des observateurs à considérer
qu’en pratique, l’amendement
Exon-Florio
constitue un instrument de
politique industrielle nationale d’esprit protectionniste, contraire dans
l’esprit sinon dans la forme aux principes de l’organisation mondiale du
commerce (OMC). Il est clair que l’environnement européen n’est pas
propice à la mise en place de dispositifs similaires. »
La force exceptionnelle du dispositif
Exon-Florio
vient de ce que
le Président des États-Unis peut librement décider de ce qu’il juge
« stratégique ». Ni la France, ni l’Union Européenne, même si elles y ont
réfléchi à plusieurs reprises et pourraient de nouveau l’envisager, n’ont
été jusqu’à ce jour, pour des raisons diverses, en mesure de mettre en
place un tel dispositif de protection
7
.
C’est ce qui explique que la
présence directe ou indirecte de l’État au capital de certaines entreprises y
demeure un important moyen de protection pour les principales activités
industrielles stratégiques pour la défense nationale.
Un dispositif inspiré de l’amendement
Exon-Florio
américain
devrait être étudié avec nos principaux partenaires.
2 -
La protection en France par l'article L. 151-3 du code
monétaire et financier
Le dispositif français d'autorisation des investissements étrangers
offre un certain degré de protection des industries de défense. En effet
l'article L. 151-3 du code monétaire et financier dispose que :
« I. - Sont soumis à autorisation préalable du ministre chargé de
l'économie les investissements étrangers dans une activité en France qui,
même à titre occasionnel, participent à l'exercice de l'autorité publique ou
relèvent de l'un des domaines suivants :
a) Activités de nature à porter atteinte à l'ordre public, à la sécurité
publique ou aux intérêts de la défense nationale ;
7
Toutefois l’Italie a pris des dispositions s’inspirant de l’amendement
Exon Florio
,
dans le cadre d’un décret-loi du 15 mars 2012, dit «
golden power
».
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COUR DES COMPTES
b) Activités de recherche, de production ou de commercialisation
d'armes, de munitions, de poudres et substances explosives ».
La limite de la protection assurée par l’article L. 151-3 du code
monétaire et financier provient de la définition restrictive des activités
soumises à autorisation étatique.
Toutefois, comme le ministère de la défense le signale, dans les cas
les
plus
critiques
de
fournisseurs
d'importance
stratégique,
la
règlementation française a permis de
mettre en place un intermédiaire-
gérant français habilité par le ministère de la défense, équivalent français
du proxy américain.
3 -
Les autres dispositifs non actionnariaux de protection et
leurs limites
L'objet du présent rapport n'est pas de passer en revue tous les
dispositifs de protection des activités industrielles d'armement en France
ou à l'étranger, mais seulement ceux qui sont liés à la détention d'une
participation publique au capital.
On rappellera cependant qu'il existe divers autres moyens
juridiques d'assurer en France, indépendamment d'une participation au
capital, une certaine protection de ces activités, à savoir :
-
le contrôle précité des investissements étrangers en France, qui
constitue, dans le domaine législatif et réglementaire, le
principal instrument de protection ;
-
les actions spécifiques
« golden shares »
que l’État peut
instaurer par décret lors des privatisations, ou les actions de
préférence, qui peuvent être statutairement mises en place par
un vote qualifié des assemblées générales d’actionnaires des
groupes industriels concernés. Leur objet peut être de protéger,
par diverses clauses (veto sur certaines décisions, nationalité
des mandataires sociaux, etc.), certains actifs ou activités contre
une prise de contrôle jugée inopportune ; en revanche, elles ne
confèrent à leur détenteur aucun pouvoir direct sur la définition
et le contrôle de la stratégie et de la gouvernance des
entreprises concernées ;
-
la protection du secret défense, dans la mesure où il n’est pas
dissociable de la protection des actifs et activités industrielles
de défense nationale. Le non-respect du secret défense est
sanctionné par le code pénal ;
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31
-
le régime d’autorisation concernant l’exploitation d’inventions
faisant l’objet de demandes de brevet pouvant intéresser la
défense nationale ;
-
le contrôle des exportations de matériels de guerre, armes et
munitions, régi par le code de la défense ;
-
la surveillance résidentielle de l’activité de certaines entreprises
industrielles
de
défense
par
les
commissaires
du
gouvernement ;
-
les conventions de protection des actifs ou activités stratégiques
de défense que l'État peut passer avec un groupe industriel, à
l'occasion d'une opération de restructuration à laquelle il
participe (il existe ainsi des conventions passées par l'État avec
EADS, THALES et Safran, dont la sanction très théorique, en
cas de désaccord avec la société concernée sur le devenir de ces
actifs ou activités, serait leur rachat par l'État selon un prix fixé
à dire d'experts).
C - Les moyens de l’État-actionnaire
1 -
Les pouvoirs de l’État-actionnaire
L’étendue et les limites des pouvoirs de l’État en tant
qu’actionnaire sont les mêmes que pour tout autre actionnaire : ils sont
juridiquement définis par le code de commerce et le code civil, et lorsque
les sociétés sont cotées (ce qui est le cas, de Safran, de THALES et
d’EADS, ces deux dernières étant par ailleurs également inscrites à la
cote de bourses étrangères
8
), par diverses réglementations et contraintes
relatives à l’appel public à l’épargne.
Dans ce cadre, rien n’interdit à l’État, détenteur d’un bloc de
contrôle majoritaire ou minoritaire d’actions, comme à tout autre
actionnaire se trouvant dans la même situation, de poursuivre en tant
qu’actionnaire une stratégie propre non exclusivement patrimoniale, dès
lors que cette stratégie n’est contraire ni à l’intérêt de l’entreprise, ni aux
intérêts des actionnaires minoritaires, ni, pour les sociétés cotées, aux
règles relatives à la protection de l’épargne publique. La préservation,
voire la maximisation, de la valorisation patrimoniale des participations
détenues n’est, de ce point de vue, qu’un des éléments à prendre en
compte parmi de nombreux autres.
8
THALES est coté à Paris et à Londres ; EADS est coté à Paris, à Francfort et sur
quatre places espagnoles (Madrid, Bilbao, Barcelone et Valence).
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COUR DES COMPTES
Mais, par rapport à la plupart des actionnaires privés, qu’il s’agisse
de personnes physiques, de sociétés industrielles ou financières, l’État
présente deux différences majeures, en partie contradictoires :
-
sa permanence dans le temps et sa surface financière lui
permettent, en principe, de poursuivre une stratégie durable.
L’État-actionnaire est moins soumis aux contraintes à court
terme liées à des situations conjoncturelles. Il n’est pas exposé
aux problèmes périodiques de transfert patrimonial propres aux
actionnaires privés ;
-
en sens inverse, du fait des alternances politiques, voire du taux
de rotation souvent élevé des fonctionnaires chargés de
conseiller le gouvernement, les stratégies que développe l’État-
actionnaire sont soumises à divers aléas, parfois sur des durées
relativement courtes, que connaissent moins, en principe, les
actionnaires
privés.
Le
mouvement
de
nationalisations-
privatisations de la fin du XX
ème
siècle n’en est qu’une des
illustrations les plus manifestes. Cette situation constitue un
handicap en cas de concert actionnarial public-privé.
2 -
État-actionnaire et État-client
À la différence de la plupart des actionnaires privés, l’État est le
principal client des activités industrielles d’armement sur le territoire
national
9
. Il doit, de ce point de vue, veiller à bien distinguer ses intérêts
de client et d’actionnaire, ce qui a deux conséquences.
Première conséquence, il doit veiller à éviter toute confusion
d’intérêt entre ces deux positions : la Cour a ainsi pu relever, à l’occasion
de ses contrôles, l’ambiguïté de la présence de fonctionnaires de la
délégation générale pour l’armement au comité des offres de certaines
entreprises d’armement à forte participation actionnariale publique, alors
qu’une proportion prédominante de ces offres étaient adressées à la DGA
elle-même, et malgré le fait que cette dernière s’était en principe
organisée de manière à séparer les fonctions en son sein.
Le ministère de la défense considère que « des mécanismes
adéquats sont en place pour assurer le découplage à la direction générale
de l’armement (DGA) entre fonction achats et fonction stratégie d’une
9
Le cas peut cependant se présenter également dans le secteur privé, notamment en
cas d’intégration verticale d’activités industrielles – par exemple de grands groupes
d’automobiles peuvent disposer du contrôle actionnarial de certains de leurs
équipementiers, etc.
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33
part, et pour assurer la neutralité des représentants vis-à-vis des
délibérations concernées d’autre part ». Il estime par ailleurs que «
la
DGA est le plus souvent, dans les comités des offres concernées, la seule
entité en mesure de contester certaines affirmations de nature technique
de l’industriel. Cette capacité doit être considérée comme un atout pour
l’efficacité de ces structures ».
Néanmoins, la Cour constate que les « mécanismes adéquats »
dont fait état le ministère de la défense ne se fondent que sur des
dispositions internes à la DGA, ce qui ne peut qu’affaiblir la garantie
qu’ils offrent pour les groupes concernés. Une réflexion devrait donc être
menée pour donner à ce dispositif plus de consistance objective, en
formalisant les règles déontologiques de façon à ce qu’elles offrent une
garantie incontestable aux partenaires extérieurs à la DGA, et en
documentant par écrit les positions prises par les représentants de la DGA
au sein des conseils d’administrations et des comités des offres, de façon
à en assurer une plus grande traçabilité (comme le fait de façon
systématique l’Agence des participations de l’État (APE)).
Deuxième conséquence, il convient de bien apprécier la frontière
entre d’une part, le « devoir d’actionnaire », consistant à mettre à la
disposition d’un groupe industriel les capitaux indispensables à la
poursuite et au développement de son activité, et d’autre part, la
responsabilité de client, qui ne peut exiger qu’une entreprise lui fournisse
à perte les biens ou services dont il estime avoir impérativement besoin.
Cette problématique peut se poser dans le cas d’activités très
stratégiques mais structurellement déficitaires, pour lesquelles il convient
de faire le partage entre la nécessité pour l’État-actionnaire d’investir, et
celle, pour l’État-client, de garantir une visibilité sur les quantités et les
prix pour pouvoir, en contrepartie, exiger le maintien des compétences et
des outils de production nécessaires à la poursuite de ces activités
stratégiques. Une telle situation se rencontre actuellement, par exemple,
dans le cas d’Eurenco, filiale de SNPE, qui sera évoqué plus loin.
En ce qui concerne enfin les relations entre les grands groupes
d’armement et l’État-client, l’État-actionnaire doit distinguer deux
situations :
-
ou bien, pour une production donnée, il est le seul client (c’est
par exemple, le cas pour la plupart des matériels spécifiques à
la force de dissuasion, à la cryptologie gouvernementale et à la
sureté des systèmes informatiques stratégiques). En général,
les contrats passés avec l’industriel se fondent alors sur une
logique de répercussion pure et simple des coûts de production,
assortis d’une marge pour couvrir les risques si les marchés
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COUR DES COMPTES
sont forfaitaires (approche parfois qualifiée de
« cost plus »)
.
Dans ce cas, les problèmes éventuels de compétitivité passent
au second plan, et l’État-actionnaire peut légitimement
exprimer des exigences fortes en matière de localisation et
d’organisation des activités ;
-
ou bien, ce qui est de plus en plus fréquemment le cas, l’État
souhaite pouvoir bénéficier d’effets de série que seules des
exportations des matériels sont de nature à assurer : le principal
curseur sur lequel l’État-client conserve une marge de
manoeuvre est alors la prise en charge totale ou partielle des
coûts
initiaux
de
développement,
avec
des
clauses
d’intéressement en cas d’exportations. Mais l’État-actionnaire
n’est plus en mesure d’imposer des exigences aussi strictes en
matière de localisation ou d’organisation des activités, car il
doit tenir compte des impératifs de compétitivité qu’implique
une perspective d’exportation
10
.
3 -
L'État et les « devoirs d’actionnaire »
Enfin, concernant le rôle de l’État-actionnaire dans les entreprises
de défense, il convient de relativiser une opinion souvent avancée, selon
laquelle, à la différence des investisseurs privés, l’État n’aurait pas les
moyens financiers d’assumer les devoirs normaux d’un actionnaire, c’est-
à-dire notamment celui d’accompagner financièrement la croissance des
groupes au capital desquels il participe.
L’expérience pratique montre que, de ce point de vue, l’État n’est
pas dans une position radicalement différente de celle des autres
actionnaires en ce qui concerne les grands groupes de défense, qu’ils
soient français ou internationaux : leur croissance, durant ces vingt
dernières années, ne s’est en général pas faite par souscription des
actionnaires de référence à des augmentations de capital, mais par
fusions-acquisitions, les groupes les plus forts absorbant les groupes les
plus faibles.
Ni Lagardère, ni Daimler, ni Dassault-Aviation n’ont apporté du
numéraire externe aux groupes EADS et THALES (le récent rachat de la
10
Cette contrainte est d’autant plus forte que, de plus en plus souvent, les États-clients
exigent qu’une part plus ou moins importante des productions, voire des études, soient
exécutées sur leur sol national, avec les transferts technologiques que cela implique.
Dans cette situation, l’État-actionnaire doit limiter ses ambitions de localisation aux
« technologies verrous », mais doit admettre qu’elles ne s’étendent pas à l’ensemble
des activités.
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35
part d’Alcatel par Dassault dans THALES a profité à Alcatel, pas à
THALES).
La seule exception est constituée par les augmentations de capital
qui ont accompagné l’introduction en bourse de certains groupes
d’armement : ces augmentations ont eu pour effet de diluer, en
augmentant le poids du flottant, la part détenue par les actionnaires de
référence, qu’ils soient publics ou privés. Même au plus fort de la crise
d’EADS, en 2006-2007, le capital de ce groupe n’a pas été augmenté.
En sens inverse, l’État a, durant les vingt dernières années, procédé
à diverses augmentations de capital dans des sociétés d’armement dont il
était l’unique actionnaire (GIAT Industries et SNPE notamment). Il a
également participé à la recapitalisation de certaines filiales de ces
sociétés pour lesquelles seule sa présence a permis de convaincre des
partenaires privés d’apporter leur concours.
Il serait donc inexact d’affirmer que, d’un point de vue financier,
des actionnaires de référence privés seraient systématiquement mieux
placés que des actionnaires publics pour accomplir le « devoir
d’actionnaire » dans des entreprises industrielles de défense. On constate,
au contraire, que les actionnaires privés sont en général plus exigeants en
matière de distribution de dividendes, ce qui peut grever les capacités
d’autofinancement, et donc de développement, des groupes industriels
concernés.
D - L’organisation de l’État-actionnaire : les rôles
respectifs de l’Agence des participations de l’État et de
la direction générale de l’armement
1 -
L’Agence des participations de l’État
L’Agence des participations de l’État (APE) est un service à
compétence nationale créé par le décret n° 2004-963 du 9 septembre 2004
et initialement placé sous l'autorité exclusive du ministre de l’économie et
des finances. Elle a pour mission d’« incarner et exercer la fonction
d'actionnaire, exercer l'intégralité des missions de l'État actionnaire,
rendre l'action de l'État actionnaire transparente et améliorer l'efficacité
de la fonction d'actionnaire ».
Conçue
à
l’origine
dans
une
perspective
à
dominante
patrimoniale, visant à valoriser au mieux les participations de l’État, la
mission de l’APE a été réorientée au début de l’année 2011 par le décret
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COUR DES COMPTES
n° 2011-130 du 31 janvier 2011, la défense des intérêts patrimoniaux de
l’État ne constituant désormais qu’un des aspects de son rôle
11
.
Par ailleurs, et plus récemment, l’article 2 du décret n° 2012-773
du 24 mai 2012 modifié relatif aux attributions du ministre du
redressement productif a prévu que « conjointement avec le ministre de
l'économie et des finances », le ministre du redressement productif aurait
« autorité sur [...] le service à compétence nationale Agence des
participations de l'État ; les modalités d'exercice de cette autorité
conjointe sont précisées par arrêté du Premier ministre ».
Cet arrêté, relatif aux modalités d'exercice des attributions du
ministre de l'économie et des finances et du ministre du redressement
productif concernant l’Agence des participations de l’État (APE), a été
pris le 29 juin 2012. Son article 1
er
dispose que :
« Le service à compétence nationale Agence des participations de
l'État agit sous l'autorité conjointe du ministre de l'économie et des
finances et du ministre du redressement productif :
-
pour toute question relevant de la stratégie industrielle d'une
entreprise ou d'un organisme [relevant de sa compétence], à
l'exception des entreprises relevant du secteur bancaire ou des
assurances ;
-
pour l'ensemble des questions recouvrant des enjeux de
politique industrielle et dont la portée excède le périmètre d'une
seule
des
entreprises
et
organismes
[relevant
de
sa
compétence] ».
L’article 2 du même arrêté précise que « les positions prises par
l'Agence des participations de l'État dans les organes de gouvernance et
les assemblées générales des entreprises et organismes figurant sur la liste
[des participations relevant de l’APE], sont arrêtées sous l'autorité du
ministre de l'économie et des finances. Celles de ces positions qui sont
11
L’article 1
er
du décret du 31 janvier 2011 dispose en effet qu’« il est créé, sous le
nom d'Agence des participations de l'État, un service à compétence nationale rattaché
directement au ministre chargé de l'économie.
- l'agence exerce, en veillant aux intérêts patrimoniaux de l'État, la mission de l'État
actionnaire dans les entreprises et organismes contrôlés ou détenus, majoritairement
ou non, directement ou indirectement, par l'État […]. Elle exerce cette mission en
liaison avec l'ensemble des ministères chargés de définir et de mettre en oeuvre les
autres responsabilités de l'État.
- le commissaire aux participations de l'État, sous l'autorité du ministre chargé de
l'économie, anime la politique actionnariale de l'État, sous ses aspects économiques,
industriels et sociaux ».
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37
relatives à la stratégie industrielle de l'entreprise concernée ou qui
soulèvent une question liée à la conduite de la politique industrielle sont
arrêtées par le ministre de l'économie et des finances en association avec
le ministre du redressement productif. »
Du point de vue organique, l’ensemble des participations dans les
industries de la défense relève de la sous-direction « services,
aéronautique, défense », qui est l’une des trois sous-directions chargées
du suivi individuel des groupes d’entreprises au sein de l’APE.
Schéma n° 1 - organisation de l’Agence des participations de l’État
Source : Agence des participations de l’État (APE)
Au sein de la sous-direction « services, aéronautique, défense », les
groupes d’entreprises de défense sont eux-mêmes regroupés sous la
responsabilité d’un des trois bureaux, le bureau DC2 « aéronautique et
défense », selon l’organigramme suivant :
Schéma n° 2 - organisation de la sous-direction « services, aéronautique,
défense »
Source : Agence des participations de l’État (APE)
Directeur général
Transports
Audiovisuel
Énergie
Services
Aéronautique
Défense
Secrétariat
Général
Ressources
Humaines
Services
Aéronautique
Défense
Pôle juridique
La Poste
France Télécom
Aéronautique
et Défense
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COUR DES COMPTES
Enfin, au sein du bureau DC2, les groupes sont répartis entre trois
secteurs, dotés chacun d’un responsable :
Schéma n° 3 - organisation du bureau « aéronautique et défense »
Source : Agence des participations de l’État (APE)
Il s’agit donc d’une organisation permettant de disposer d’un
maillage relativement fin des participations suivies par l’APE, notamment
dans des entreprises d’armement : comme pour les autres groupes
d’entreprises, des notes au ministre sont établies, de façon systématique, à
l’occasion de chaque décision soumise à un conseil d’administration. Par
ailleurs, toute opération financière (privatisation, fusion-acquisition,
émission d’actions, etc.) concernant chacun des groupes industriels donne
elle-même lieu à l’établissement de notes adressées au ministre, ce qui
permet de documenter de façon précise toutes les décisions engageant
l’actionnaire public, que les propositions de l’APE soient ou non suivies
par le gouvernement – elles le sont dans la grande majorité des cas.
2 -
La direction générale de l’armement
Avec un effectif d’environ 12 000 agents, une vingtaine
d’implantations en France, et une présence internationale dans une
vingtaine de pays étrangers, la direction générale de l’armement (DGA)
est chargée d’assurer trois missions principales :
-
équiper les forces armées : la DGA est responsable de la
conception, de l'acquisition et de l'évaluation des systèmes qui
équipent les forces armées. Conduisant actuellement environ
80 programmes d'armement, et passant à ce titre une dizaine de
milliards d’euros de commandes annuelles à l’industrie, elle est
le premier investisseur de l'État ;
Aéronautique et
Défense
Sogepa/Sogeade/EADS
GIAT Industries
SNPE
SAFRAN
DCNS
TSA/THALES
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39
-
préparer l'avenir : le DGA est chargée de préparer les capacités
technologiques et industrielles de la France, essentiellement
dans le cadre européen. Avec près de 700 M€ de contrats
d'études notifiés annuellement à l'industrie, la DGA est
actuellement le premier acteur de la recherche de défense en
Europe ;
-
promouvoir les exportations d'armement (près de 8 Md€ de
commandes, en 2011, soit près du tiers de l’activité des
entreprises françaises du secteur).
Elle est l’une des principales directions du ministère de la
défense. Elle veille au maintien en France d’une base industrielle et
technologique de défense (BITD), indispensable à la capacité, pour la
France, de conduire une stratégie de défense souveraine : les plus grands
groupes industriels d’armement français, au capital desquels l’État
détient, directement ou indirectement, des participations significatives,
constituent le principal pilier de cette base industrielle de défense.
Sur le plan organisationnel, la DGA comporte un service central et
six directions opérationnelles.
Schéma n° 4 - organisation de la direction générale de l’armement
Source : direction générale de l’armement (DGA)
Le suivi des participations publiques dans les industries de défense
est assuré par la direction de la stratégie, chargée de tenir à jour
notamment la base industrielle et technologique de défense.
La direction de la stratégie comprend elle-même trois services et
deux sous-directions.
DGA
Service
central
modernisation
qualité
Direction
de la
stratégie
Direction
des
opérations
Direction
technique
Direction du
développement
international
Direction
plans,
programme
et budget
Direction
ressources
humaines
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COUR DES COMPTES
Schéma n° 5 - Organisation de la direction de la stratégie
Source : direction générale de l’armement (DGA)
C’est le « service des affaires industrielles et de l’intelligence
économique » qui suit
12
, entre autres, les participations publiques dans les
groupes industriels de défense. Ce service comprend cinq sous-directions,
dont la sous-direction de la stratégie industrielle et de l’intelligence
économique. À la différence de l’Agence des participations de l’État
(APE), celle-ci ne s’est pas organisée par groupes industriels, mais par
grandes problématiques, réparties entre quatre bureaux (un cinquième
étant chargé de traiter les interventions parlementaires et extérieures).
12
Cette mission a été précisée par l’arrêté du 2 décembre 2009 relatif à l’organisation
de la direction générale de l’armement : l’article 27 charge la sous-direction de la
stratégie industrielle et de l’intelligence économique de « l’exercice conjoint, avec les
services du ministère chargé de l’économie du contrôle sur les sociétés nationales du
secteur de l’aéronautique et de la défense ; contribuer à la gouvernance des entreprises
de ces secteurs lorsque l’État y détient une participation minoritaire, dans le cadre des
orientations générales fixées par le Gouvernement ; le cas échéant, l’exercice de la
surveillance des actifs stratégiques de ces entreprises lorsqu’une action spécifique ou
une convention le stipule ».
Service des
recherches et
technologies
de défense et
de sécurité
Direction de la stratégie
Service
d’architecture
des systèmes de
force
Service des
affaires
industrielles et
de l’intelligence
économique
Sous-direction de
la coopération et
du
développement
européen
Sous-direction
de la propriété
intellectuelle
et des affaires
générales
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LES SPÉCIFICITÉS DE L’ÉTAT ACTIONNAIRE D’INDUSTRIES D’ARMEMENT
41
Schéma n° 6 - organisation de la sous-direction de la stratégie
industrielle et de l’intelligence économique
Source : direction générale de l’armement (DGA)
L’absence de documentation écrite en réponse aux questionnaires
et demandes de la Cour concernant les principaux dossiers évoqués dans
le présent rapport montre que, si la DGA dispose, à la direction de la
stratégie, de représentants au sein de tous les groupes dans lesquels l’État
détient des participations significatives, en revanche, la préparation des
interventions de ces derniers est apparue, en règle générale, peu
formalisée
à une exception près.
Cette absence présumée de formalisation de la réflexion sur les
principales
décisions
actionnariales
concernant
les
participations
publiques dans les industries de défense est peut-être l’une des raisons
pour lesquelles les nouvelles dispositions évoquées plus haut (décret du
31 janvier 2011 et arrêté du 29 juin 2012), concernant la collaboration
entre l’APE et le ministère de la défense, n’étaient pas encore pleinement
entrées en vigueur dans les faits lors du dernier contrôle de la Cour
puisque, par lettre du 28 septembre 2012 adressée à la Cour, le ministre
de la défense estimait que « l’utilité d’un renforcement de la place du
ministère de la défense dans la conduite de l’action de l’État-actionnaire
pourrait être utilement réaffirmée ». Cela supposerait, au préalable, que la
DGA en précise les méthodes et s’en donne les moyens.
Sous-direction de la stratégie
industrielle et de l’intelligence
économique
Stratégie
industrielle et
partenariat
Analyse de la
base
industrielle
Exercice de la
tutelle
Expertise
financière,
juridique et
sociale
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42
COUR DES COMPTES
______________________
CONCLUSION
_____________________
Pour assurer la pérennité et la disponibilité des capacités
industrielles indispensables pour l’armement des forces françaises, l’État
doit, tout en préservant ses intérêts patrimoniaux, utiliser, lorsqu’il en
dispose, ses pouvoirs d’actionnaire, de façon à assurer :
-
la pérennité de leur localisation en France : ce premier aspect
rejoint
deux
préoccupations
générales
relevant
de
la
responsabilité politique de l’État, à savoir la préservation des
bassins d’emplois en France et des capacités d’exportation de
l’industrie française
13
;
-
le maintien du niveau de compétence des bureaux d’études
concernés, et dans certains cas, la protection et la conservation
de la propriété industrielle de certains procédés (brevets) ;
-
pour tout ce qui touche à la dissuasion nucléaire, la cryptologie
et les systèmes informatiques stratégiques, la préservation du
secret industriel, et donc la mise en place d’un accès
exclusivement français à certaines informations sensibles,
malgré la présence éventuelle au capital de partenaires privés,
et notamment étrangers.
La caractéristique commune de tous les dispositifs de protection
autres que la détention de blocs de contrôle actionnarial
14
est d’être
étroitement confinés à la protection de certains actifs ou de certaines
activités très strictement délimités, alors que ces actifs ou activités sont
totalement imbriqués et immergés au sein d’autres actifs ou activités non
protégés, ce qui restreint très fortement leur portée, dès lors qu’on tente
de les mettre en oeuvre concrètement.
Le contrôle de type actionnarial présente l’avantage unique
d’embrasser d’emblée, juridiquement, l’ensemble des actifs et activités
d’un groupe industriel et de sa gouvernance, et de constituer l’un des
13
De ce point de vue, la problématique n’est pas foncièrement différente entre les
groupes d’armement et les groupes purement civils au capital desquels l’État détient
également
des
participations
majoritaires
ou
significatives
–
énergie,
télécommunications, automobile, etc.
14
La notion de « bloc de contrôle » désigne la détention d’un nombre d’actions
permettant ou bien de disposer de la majorité des voix à l’assemblée générale (plus de
50 %), ou bien de disposer d’une minorité de blocage (plus de 33 %), voire de
disposer à travers une position d’actionnaire minoritaire, seul ou à travers un concert
d’actionnaires, d’un « pouvoir prépondérant », permettant par exemple, pour une
entreprise détenant une telle participation, d’en consolider les résultats dans ses
comptes (ce pouvoir est souvent présumé, par les autorités boursières, dès lors que la
participation dépasse 20 %).
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LES SPÉCIFICITÉS DE L’ÉTAT ACTIONNAIRE D’INDUSTRIES D’ARMEMENT
43
deux principaux leviers d’une maîtrise stratégique des industries
nationales de défense, l’autre étant la politique des achats des armées –
mais l’effet de cette dernière est très indirect, et ne permet qu’un contrôle
strictement
proportionnel
aux
budgets
d’équipement
militaire
disponibles.
Comme solution alternative ou complémentaire à l’actionnariat
public, une réflexion sur l’introduction d’un dispositif de type Exon-
Florio,
reposant
sur
une
notion
très
extensive
des
activités
« stratégiques », mériterait d’être reprise. Dans une telle perspective :
-
pour répondre aux préoccupations de localisation de certaines
activités stratégiques sur le territoire national, c’est au niveau
français, et non européen, que ce dispositif devrait être mis en
place pour offrir une alternative ou un complément crédible à
l’actionnariat public ;
-
son introduction pourrait néanmoins présenter également un
intérêt au niveau européen, notamment pour des groupes
internationaux européens tels qu’EADS, dont la situation est
analysée au chapitre IV du présent rapport. Mais, y compris
pour des groupes de ce type, un « Exon-Florio européen » ne
constituerait évidemment pas une alternative à l’actionnariat
public français, dès lors que l’objectif serait d’assurer la
pérennité de la localisation de certaines activités stratégiques
sur le territoire national.
Pour être utile et légitime, le rôle de l’État-actionnaire devrait
permettre :
-
face aux intérêts de ses partenaires privés, de protéger les
intérêts nationaux avec constance et cohérence dans le temps –
les chapitres suivants montrent rétrospectivement, sur le long
terme, que cela a rarement été le cas ;
-
de clairement séparer ses intérêts d’actionnaire et de client des
plus grands groupes industriels français de défense – le
dispositif actuellement en place au sein de la direction générale
de l’armement mériterait, de ce point de vue, d’être davantage
formalisé vis-à-vis de ses divers partenaires ;
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44
COUR DES COMPTES
-
d’assurer, de façon durable, des conditions financières et de
gouvernance favorables à une bonne gestion des groupes
industriels concernés : les chapitres suivants montreront que,
dans ce domaine également, l’État s’est souvent trouvé en
position de faiblesse pour faire prévaloir son point de vue
d’actionnaire.
Le rôle d’actionnaire de l’État confié à l’Agence des participations
de l’État (APE) doit être conduit, selon les termes de l’article 1
er
du
décret du 31 janvier 2011, « en liaison avec l’ensemble des ministères
chargés de définir et de mettre en oeuvre les autres responsabilités de
l’État » : pour les questions intéressant la défense nationale, cela
implique que la politique industrielle de défense, qui relève, au sein du
ministère de la défense, de la direction générale de l’armement, doit
désormais impérativement faire partie intégrante de la stratégie de
l’État-actionnaire conduite par l’Agence des participations de l’État
(APE).
Dans la pratique, cela n’a pas été, et n’est pas, toujours le cas : la
fusion Sagem-SNECMA
15
, effectuée par l’APE sans consultation de la
délégation générale pour l’armement (DGA) sur son intérêt industriel, en
est sans doute l’illustration récente la plus marquante. D’autres exemples
peuvent également être cités, concernant GIAT Industries, SNPE,
THALES et Safran, qui montrent que d’importants progrès restent à
accomplir dans ce domaine, pour que l’État puisse bénéficier de
l’expertise de tous les services concernés afin de définir une stratégie
d’actionnaire cohérente
16
.
Dans cette optique, la DGA devrait s’efforcer de formaliser
davantage sa propre réflexion sur l’évolution de l’organisation
industrielle impliquant les groupes d’armement dans lesquels l’État
demeure le principal actionnaire de référence.
15
Cf. chapitre II ci-après.
16
Cf. ci-dessous
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Chapitre II
L’État unique actionnaire de référence :
Safran, GIAT Industries et SNPE
L’État est l’unique actionnaire de référence de trois groupes
industriels de défense de tailles très différentes : Safran, GIAT Industries
et SNPE.
I
-
Safran
17
: les suites d’une fusion
A - La fusion Sagem-SNECMA
Après l’ouverture du capital de SNECMA dans le cadre d’une
introduction en bourse, le 18 juin 2004, le groupe Safran est résulté de la
fusion-absorption,
début
2005,
de
SNECMA
(moteurs
d’avions,
propulsion spatiale et services associés) par Sagem (électronique de
défense et électronique grand public), qui a eu pour conséquence la
privatisation de SNECMA.
17
Les principales caractéristiques du groupe Safran figurent en annexe (fiche
signalétique n° 1).
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46
COUR DES COMPTES
1 -
Une opération patrimonialement équilibrée pour l’État, mais
des synergies industrielles limitées
La loi de privatisation n° 93-923 du 19 juillet 1993 modifiée avait
inclus SNECMA dans la liste des sociétés publiques pouvant être
privatisées.
En 2001, une première tentative d’introduction en bourse d’un bloc
minoritaire a échoué du fait de la dégradation des conditions du marché à
la suite des évènements du 11 septembre 2001.
Début 2004, l’État détenait toujours 97,22 % de SNECMA. Le
3 juin 2004, l’Autorité des marchés financiers a visé une note d’opération
présentant la mise sur le marché de 35 % des titres de SNECMA.
L’opération qui s’est achevée le 16 juillet 2004, a été intégralement
souscrite : SNECMA était devenue une entreprise publique cotée en
bourse.
En septembre 2004, les présidents directeurs généraux de
SNECMA et de Sagem ont soumis un projet de fusion des deux groupes
aux responsables de l’Agence des participations de l’État (APE).
L’opération avait également pour effet de privatiser SNECMA : la
commission des participations et transferts (CPT) a émis un avis
favorable à l’opération le 17 février 2005.
De son côté, la Cour avait analysé les conditions financières de la
privatisation de SNECMA et en était arrivée à la même conclusion que,
compte tenu des niveaux de marché qui prévalaient au moment de la
fusion Sagem/SNECMA, l’opération n’était pas désavantageuse pour
l’État au moment où elle a été conclue (en 2005).
Sans contester cette appréciation, Safran fait aujourd’hui observer
que l’équilibre entre les actifs de Sagem et de SNECMA s’est
profondément modifié au détriment de Sagem depuis 2005.
D’après les documents visés par l’Autorité des marchés financiers
(AMF), la logique industrielle du rapprochement de Sagem et SNECMA
reposait sur cinq éléments :
-
l’atteinte d’une taille critique sur les marchés mondiaux ;
-
le renforcement de la capacité d’innovation ;
-
le positionnement sur des marchés aux cycles économiques
différents ;
-
la
création
de
nouveaux
débouchés
commerciaux
par
incorporation de produits électroniques dans les systèmes et
équipements aéronautiques ;
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L’ÉTAT UNIQUE ACTIONNAIRE DE REFERENCE : SAFRAN, GIAT INDUSTRIES ET
SNPE
47
-
un actionnariat salarié fort.
Le rapprochement Sagem-SNECMA était ainsi supposé dégager
des synergies significatives, principalement industrielles et commerciales,
sur les achats hors production, ainsi que des synergies administratives,
qui avaient été revues par le cabinet Roland Berger : les gains attendus
pour l’exercice 2008 étaient ainsi estimés entre 163 M€ et 205 M€, en
dépit d’incertitudes concernant notamment les perspectives de l’activité
de téléphonie de Sagem.
A l’époque, la plupart des analystes financiers avaient émis des
doutes sur la réalité des synergies annoncées.
De son côté la délégation générale pour l’armement (DGA),
interrogée quelques mois plus tard dans le cadre d’un contrôle de la Cour,
indiquait n’avoir pas été associée aux réflexions industrielles sur ce
dossier. Pour elle, à la fois cliente de SNECMA et de Sagem, l’opération
de fusion ne s’imposait pas. Seul le fait que l’État conserve un pouvoir
prépondérant dans la nouvelle gouvernance du groupe l’avait conduite à
admettre que l’opération était acceptable.
Lors de la première communication des résultats semestriels du
groupe Safran, le 12 octobre 2005, les performances très décevantes de la
branche télécommunications ont fait fortement fléchir le cours de l’action
et cette activité a finalement dû être cédée. Les synergies entre systèmes
électroniques et équipements aéronautiques se sont également révélées
très décevantes.
L’absence de synergies industrielles réelles s’est doublée d’une
mésentente au sein du management supérieur du nouveau groupe. Les
difficultés rencontrées par le groupe à la fin de l’année 2006 et au début
de l’année 2007, se sont traduites par une forte contestation, par les
salariés issus de Sagem, par ailleurs actionnaires significatifs de Safran,
de la gestion opérationnelle du groupe.
Au sein des organes de gouvernance de Safran, les tensions se sont
cristallisées autour de l’opposition entre l’ancien président du conseil de
surveillance de Sagem, devenu président du conseil de surveillance de
Safran, et l’ancien président-directeur général de SNECMA, devenu
président du directoire de Safran. La résolution de cette crise a été
recherchée par l’État et s’est traduite par le départ du président du conseil
de surveillance de Safran en janvier 2007, ainsi que par le départ, différé
à l’automne 2007, du président du directoire du groupe.
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48
COUR DES COMPTES
2 -
Droits de vote double : une erreur d’appréciation lors de la
privatisation de SNECMA
L’actionnariat actuel de Safran comporte une forte présence des
salariés
18
. C’est un héritage du groupe Sagem, qui avait fait, quelques
années avant la fusion avec SNECMA, l’objet d’une reprise par les
salariés («
leverage management buy-out
» ou LMBO). Cet actionnariat
peut être schématisé de la façon suivante.
Schéma n° 7 - actionnariat de Safran en parts de capital en juillet 2012
Source : Agence des participations de l’État (APE) et Safran
Les statuts de Sagem, devenus ceux de Safran, accordent des droits
de vote double à tout actionnaire ayant inscrit ses titres au nominatif
depuis plus de deux ans.
Avec 30,2 % des actions, l’État se trouvait en position de disposer
de plus du tiers des droits de vote à compter du 28 février 2007 (soit deux
ans après le règlement et la livraison des titres Sagem obtenus en échange
de titres SNECMA), et d’avoir ainsi une minorité de blocage au sein du
groupe désormais privatisé.
Dans ce cadre, l’État avait, le 18 novembre 2004, sollicité et
obtenu de l’Autorité des marchés financiers (AMF) une dérogation pour
lui permettre de franchir à terme le seuil du tiers du capital et/ou des
droits de vote de Sagem résultant de l’apport à cette dernière des titres
qu’il détenait dans SNECMA, sans avoir à déposer une offre publique sur
les titres Sagem.
Le 28 février 2007, l’État s’est effectivement vu automatiquement
octroyer des droits de vote double pour ses actions dans Safran, qu’il
18
Fonds commun de placement d’entreprise (FCPE) et « club Sagem ». Le FCPE des
salariés de Sagem est un fonds aujourd’hui principalement investi en titre de Safran
reçus en échange de titres Sagem lors de la fusion de 2005. Le club Sagem réunit les
cadres de Sagem qui ont participé au rachat de l’entreprise par ses salariés en 1972, et
qui continuent à détenir aujourd’hui une participation significative dans Safran.
Flottant
État
FCPE
salariés
Club Sagem
Autres
8,12 %
Safran
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L’ÉTAT UNIQUE ACTIONNAIRE DE REFERENCE : SAFRAN, GIAT INDUSTRIES ET
SNPE
49
avait inscrites au nominatif à l’issue de l’offre publique d’achat/offre
publique d’échange (OPA/OPE). Il disposait, à ce moment, de 38,8 % des
droits de vote totaux de Safran et dépassait la minorité de blocage, le
mettant largement à l’abri d’une prise de contrôle non sollicitée
19
.
En fait, deux mois plus tard, une note interne provenant de l’APE
datée du 16 octobre 2007, indiquait que cette dernière avait omis de
déclarer, dans le délai de cinq jours prévu à l’article L. 233-7 du code de
commerce, le franchissement du seuil du tiers des droits de vote totaux de
Safran
20
.
Les discussions ultérieures de l’Agence des participations de l’État
(APE) avec l’Autorité des marchés financiers (AMF) ont fait apparaître
qu’une interprétation stricte de la dérogation du 9 décembre 2004 ne
permettrait pas de couvrir l’activation automatique des droits de vote
double. Selon cette interprétation rétrospective, la dérogation accordée
par l’AMF n’aurait porté que sur les parts du capital et, faute d’avoir été
demandée et formulée de façon suffisamment claire, pas sur les droits de
vote. Cette interprétation empêchait l’État de franchir le seuil du tiers en
droits de vote. Le collège de l’AMF a confirmé cette interprétation le
18 octobre 2007.
Compte tenu de l’impossibilité pour l’État de disposer de la totalité
des droits de vote double initialement escomptés, alors que le fonds
commun de placement d’entreprise (FCPE) des salariés et le club Sagem
ont, de leur côté continué à en disposer, le poids relatif des principaux
actionnaires, en voix, est aujourd’hui le suivant :
Schéma n° 8 - actionnariat de Safran en droits de vote en juillet 2012
Source : Agence des participations de l’État (APE) et Safran
19
Cf. lettre du directeur général du Trésor du 18 juillet 2007.
20
Cette omission n’avait pas empêché l’APE, lors de l’assemblée générale mixte de
Safran du 25 mai 2007, d’exercer les droits de vote double de l’État, sans que le
bureau de l’assemblée ni aucun actionnaire tiers ne lui en contestât le droit.
État
FCPE
salariés
Club
Sagem
Flottant et
autres
Safran
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50
COUR DES COMPTES
L’État ne dispose pas de la minorité de blocage qu’il avait
escompté obtenir lors de la fusion Sagem/SNECMA, tout en demeurant
le premier actionnaire de Safran. Il détient à lui seul le plus grand nombre
de droits de vote. Mais il a proportionnellement moins de droits de vote
(29,50 %) que de parts du capital (30,20 %), alors que la situation est
inverse pour les structures détenues par les salariés du groupe (qui
détiennent au total 20,59 % des voix pour seulement 13,91 % du capital).
La récente décision de céder 3,12 % du capital de Safran ne
modifie pas sensiblement la donne à terme, puisqu’il suffirait à l’État de
réinscrire une partie des titres restants au nominatif pour revenir, au bout
de deux ans, à 29,50 % en droits de vote
21
.
Il n’y a pas de pacte d’actionnaires entre l’État et les deux entités
actionnariales héritées de Sagem. Certes, comme dans THALES et
EADS, l’État avait eu la prudence, lors de la privatisation, de mettre en
place une convention de protection des actifs et activités stratégiques,
mais, comme indiqué plus haut, ce type de protection non actionnariale
est de portée restreinte, plus symbolique que pratique.
B - Les pouvoirs actuels de l’État-actionnaire dans
Safran
1 -
Le renforcement de la gouvernance et de la protection du
capital
En 2011, de nouveaux statuts ont institué chez Safran une structure
de gouvernance à conseil d’administration, mettant fin, comme la Cour
l’avait recommandé, à la structure héritée de Sagem lors de la fusion
(conseil de surveillance et directoire), qui ne donnait pas satisfaction.
En outre, le 21 avril 2011, l’État-actionnaire a fait adopter par
l’assemblée générale de Safran une disposition dissuasive (nouvel article
31 des statuts de Safran) interdisant le franchissement du seuil de 30 %
des droits de vote par tout actionnaire, ce dispositif étant associé à un
critère de caducité fixé à la détention par un actionnaire tiers des 2/3 du
capital ou des droits de vote de Safran : il s’agit d’une clause rendant
difficile l’organisation d’une offre publique d’achat (OPA) hostile, qui
21
Le code de commerce prévoit que les entreprises peuvent décider l’attribution de
droits de vote double à leurs actionnaires à condition que ces derniers aient détenu au
nominatif (c’est-à-dire inscrits à leurs noms) leurs titres pendant une période d’au
moins deux ans.
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L’ÉTAT UNIQUE ACTIONNAIRE DE REFERENCE : SAFRAN, GIAT INDUSTRIES ET
SNPE
51
faisait défaut au dispositif de protection des intérêts de l’État, dès lors
qu’était perdue la possibilité de bénéficier de droits de vote double.
2 -
Les limites de la maîtrise de la stratégie du groupe par l’État
Dans le dispositif actuel, l’État est en position de proposer la
nomination du président-directeur général de Safran, et il dispose au
conseil d’administration de quatre administrateurs sur quinze : au moment
du contrôle, un administrateur provenait de l’Agence des participations de
l’État (APE), un autre de la direction générale de l’armement (DGA), les
deux autres étaient des fonctionnaires désignés en raison de leurs
compétences et dans le cadre des exigences de la loi du 27 janvier 2011
sur la parité hommes/femmes aux conseils d’administration ; deux
administrateurs représentaient les salariés actionnaires. Les neuf autres
administrateurs étaient des personnalités indépendantes.
Les limites de la maîtrise de la stratégie du groupe par l’État,
premier actionnaire, ont été illustrées en 2012 par l’échec d’une opération
d’échange d’actifs qui devait permettre de restructurer et de rationaliser
l’industrie française dans les domaines de l’optronique (THALES) et de
l’avionique (Safran) : alors même que les ministres de l’économie et de la
défense étaient d’accord pour qu’il soit procédé à un échange d’activités
entre les deux groupes, et que la DGA disposait, en tant que client, du
pouvoir de cesser d’alimenter en contrats deux chaînes industrielles
françaises d’approvisionnement concurrentes, il n’a pas été possible
d’obtenir la mise en oeuvre de ces décisions face à l’opposition du
président et des organes sociaux de Safran.
L’échec est imputable à la fois à THALES et à Safran. Les
circonstances qui ont conduit THALES à contribuer au blocage de
l’opération voulue par l’État seront explicitées au chapitre suivant. En ce
qui concerne Safran, il est rapidement apparu que le périmètre de
l’échange d’actifs initialement envisagé par la direction générale de
l’armement (DGA), que l’Agence des participations de l’État (APE) avait
pré-négocié avec Dassault-Aviation, co-actionnaire de l’État dans
THALES, nécessitait de dissocier des équipes travaillant au sein de la
filiale Sagem, ce qui se heurtait à une forte opposition à la fois des cadres
concernés et des organisations syndicales
22
.
22
Pour surmonter cette difficulté, le ministère de la défense (DGA) était prêt à
soutenir le management de Safran dans le cadre d’une contre-proposition consistant à
absorber intégralement THALES, mais cette position, difficilement acceptable pour
Dassault-Aviation, n’avait pas le soutien de l’Agence des participations de l’État
(APE), qui avait pré-négocié un simple échange d’actifs et non une fusion.
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52
COUR DES COMPTES
Ainsi
l’État
actionnaire
et
client,
malgré
un
arbitrage
gouvernemental initial sans ambigüité, entre l’APE et la DGA, s’est
montré incapable de mettre en oeuvre la stratégie qu’il avait décidée
23
.
C - Les partenariats industriels envisagés
Il n’y avait pas, au moment du dernier contrôle de la Cour,
d’opérations en cours d’examen concernant d’éventuelles restructurations
industrielles autour de Safran.
On note néanmoins qu’à plusieurs reprises ces dernières années,
diverses réflexions ont été conduites sur cette question, notamment depuis
la fusion Sagem-SNECMA : malgré les limites des synergies entre un
mécanicien (SNECMA) et un électronicien (Sagem) qui ont pu apparaître
à l’issue de cette opération, l’une des voies les plus couramment évoquées
demeure, comme indiqué ci-dessus, un éventuel rapprochement de Safran
avec l’électronicien de défense THALES.
Sans se prononcer sur la question de savoir si un tel rapprochement
relèverait d’avantage d’une « logique de conglomérat » que d’une
« logique industrielle », selon le niveau de synergies réelles attendues, on
peut observer qu’une opération de cette nature affecterait peu la place de
l’État au capital, puisque ce dernier en détient dans les deux cas près de
30 %.
A l’été 2012, la tentative de rapprochement de British Aerospace et
d’EADS a cependant confirmé les tendances lourdes de regroupements
industriels multinationaux, de plus, associant activités civiles et militaires.
Ce contexte implique qu’un certain nombre de fleurons de l’industrie
française présents dans le domaine de la défense ne pourront
probablement pas demeurer durablement en dehors des grandes
restructurations européennes et mondiales en cours.
23
La décision de rejeter les termes de l’échange proposé relevait de la seule compétence du
conseil d’administration de Safran : l’État étant à la fois actionnaire de THALES et de Safran,
ses représentants ne pouvaient prendre part ni aux débats, ni à la décision.
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L’ÉTAT UNIQUE ACTIONNAIRE DE REFERENCE : SAFRAN, GIAT INDUSTRIES ET
SNPE
53
II
-
GIAT Industries
24
: une lourde restructuration
A - Rappel historique
1 -
Un déclin constant de 1990 à 2006
La société GIAT Industries, créée en 1990, a été dotée à sa
constitution de l'ensemble des moyens industriels (quatorze sites de
production) et en personnels (près de 14 000 personnes) du groupement
industriel des armements terrestres (GIAT), jusqu’alors géré en régie par
la direction des armements terrestres de la délégation générale pour
l’armement (DGA).
Elle a été confrontée à la baisse des budgets militaires et donc des
programmes d'équipements consécutive à la fin de la guerre froide, et
ralentie dans ses tentatives pour faire décroître ses effectifs ouvriers, qui
avaient conservé le statut d’ouvriers d'État, et par l'importance sociale
locale des anciens arsenaux.
La société, qui a commis plusieurs erreurs coûteuses de stratégie et
de gestion (fermetures de sites ou réductions d’effectifs trop tardives,
signature de contrats export à perte, diversifications hasardeuses etc) n'a
jamais pu atteindre le plein emploi de ses moyens : jusqu’en 2006, les
exercices se sont soldés par des pertes financières considérables,
provenant aussi bien de l'exploitation que des provisions prises pour
financer les plans sociaux successifs.
De la création de la société à la fin de 2003, les effectifs inscrits de
la société sont passés de près de 14 000 à 5 400 salariés et trois sites
industriels sur quatorze ont été fermés. Les pertes cumulées se sont
élevées sur cette période à plus de 4,5 Md€.
2 -
La stabilisation grâce au plan « GIAT 2006 »
Un plan de redressement a été demandé par les tutelles en
décembre 2001 et rendu public en avril 2003 : ce plan, dit « GIAT
2006 », avait pour double objectif d'adapter le format de la société à une
forte baisse de l'activité et de restaurer sa compétitivité, grâce à un
recentrage sur le coeur de métier, les systèmes d'armes et les blindés d'une
part, les munitions d'autre part, par une rationalisation drastique des
24
Les principales caractéristiques du groupe GIAT Industries sont données en annexe
(fiche signalétique n° 2).
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54
COUR DES COMPTES
moyens industriels sur quatre sites principaux, ainsi que par une baisse
forte des effectifs, destinés à passer à 2 500 employés.
La structure du groupe a été profondément modifiée à cette
occasion, GIAT Industries, société nationale à capitaux entièrement
détenus par l'État, conservant le « passé », c'est-à-dire les sites à
reconvertir, le contrat de chars Leclerc avec les Émirats Arabes Unis et
les filiales opérant hors du coeur de métier, tandis qu’une nouvelle filiale à
100 % de la précédente, Nexter Systems, portait les activités industrielles
conservées, soit en interne, soit au sein de filiales à 100 %.
La négociation de ce plan avec les organisations syndicales fut
longue. Elle conduisit à diverses modifications des propositions initiales,
tant sur les effectifs cibles, portés de 2 500 à 2 900, que sur les modalités
et les conditions d'éligibilité aux diverses mesures offertes aux personnels
à reconvertir. Après diverses péripéties judiciaires, le plan put entrer
effectivement en application le 13 avril 2004.
Un contrat d'entreprise a été signé le 26 mars 2004 ; il précisait les
engagements de l'État en matière de recapitalisation, à hauteur de 1 Md€.
L’entreprise s'engageait à mettre en oeuvre le plan GIAT 2006 enfin
adopté.
Les exercices suivants ont vu, pour la première fois dans l'histoire
de la société, la réalité rejoindre, dans l'ensemble, les espérances :
-
le plan GIAT 2006 de concentration des sites industriels et de
réduction des effectifs a été conduit à son terme, malgré des
périodes
de
très
forte
tension
sociale
dans
certains
établissements ; la nouvelle structure du groupe a pu être mise
en place à la fin de 2006, avec effet rétroactif au 1er janvier ;
-
les programmes en cours de développement (véhicule blindé de
combat d’infanterie, système d’artillerie
Caesar
) se sont
déroulés
correctement
;
les
productions
de
série,
et
particulièrement celle des chars
Leclerc
, ont en revanche été
davantage perturbées ;
-
la recapitalisation et les intentions de commande du ministère
de la défense ont été respectées, sinon en calendrier, du moins
en volume ;
-
quelques commandes à l'exportation, notamment de matériels
d'artillerie, se sont concrétisées.
Cette
amélioration
du
paysage
social
et
industriel
s'est
progressivement traduite dans les résultats financiers : pour la première
fois de l’histoire de la société, l'exploitation de l'exercice 2005 a été
bénéficiaire.
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L’ÉTAT UNIQUE ACTIONNAIRE DE REFERENCE : SAFRAN, GIAT INDUSTRIES ET
SNPE
55
En 2006, de fortes reprises de provisions ont contribué à un résultat
net très largement positif.
Aujourd’hui, vingt-deux ans après sa création, GIAT Industries,
devenu Nexter dans sa partie hors défaisance fin 2006, semble, avec un
effectif d’environ 2 700 personnes, avoir enfin atteint son équilibre et
peut désormais envisager des alliances industrielles susceptibles d'assurer
son avenir.
B - Actionnariat actuel et gouvernance
Le capital de GIAT Industries est aujourd’hui détenu selon le
schéma suivant :
Schéma n° 9 – ac
tionnariat de GIAT Industries en juillet 2012
25
Source : Agence des participations de l’État (APE)
Au sein du conseil d’administration de GIAT Industries, l’État
disposait, en juillet 2012, de six administrateurs sur un total de dix-huit,
dont un provenait de l’Agence des participations de l’État (APE), trois de
la direction générale de l’armement (DGA), tandis qu’un fonctionnaire
avait été proposé par le ministre en charge de l’économie et un autre par
le ministre en charge du budget. Pour le reste, les salariés disposaient de
six administrateurs, et six autres administrateurs siégeaient
en qualité de
personnalités indépendantes qualifiées.
25
Nexter est une holding qui détient 100 % du capital de GIAT Industries. Dans le
présent rapport, la dénomination de GIAT Industries est utilisée pour désigner le
groupe sur l’ensemble de la période.
100 %
100 %
100 %
ÉTAT
GIAT Industries
NEXTER
25
Activités héritées
du passé
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56
COUR DES COMPTES
1 -
Les décisions courantes de gouvernance
Si l’on analyse l’activité de l’État actionnaire à travers les dossiers
sur lesquels l’APE et la DGA ont eu à conseiller leurs ministres respectifs
depuis 2006, on constate qu’elle n’a pas posé de difficultés majeures en
ce qui concerne les décisions courantes de gouvernance, dont les
principales ont été :
-
l’organisation générale de la gouvernance, la désignation et la
rémunération des présidents-directeurs généraux successifs, la
désignation des administrateurs ;
-
les propositions d’approbation des comptes et de distribution
des dividendes à soumettre à l’assemblée générale ;
-
l’approbation de la stratégie générale du groupe.
Le plus souvent, ces questions ont été préalablement étudiées par
les administrateurs représentant l’État, c’est-à-dire par l’Agence des
participations de l’État (APE) en concertation avec la direction générale
de l’armement (DGA), aboutissant à des propositions aux ministres
concernés, et après éventuel arbitrage, le point de vue de l’État
actionnaire a été régulièrement avalisé par les organes sociaux (conseil
d’administration ou assemblée générale, selon les cas) et mis en oeuvre.
2 -
L’opération Manurhin : un exemple de mauvaise coordination
entre APE et DGA
En revanche, lorsque GIAT Industries a pris une participation de
24,03 % dans le capital de MNR group, holding du groupe Manurhin, le
13 février 2012 (souscription à une augmentation de capital de 2 M€), le
conseil d’administration de GIAT Industries du 14 décembre 2011 a
autorisé cette prise de participation par onze voix pour, trois abstentions
et quatre voix contre.
Sur les quatre administrateurs indépendants, trois avaient voté
contre et un s’était abstenu. Mais sur les six administrateurs représentant
l’État, trois avaient voté pour, deux s’étaient abstenus et un avait voté
contre (les abstentions et l’opposition provenaient des trois représentants
de l’APE).
Les réserves de l’APE sur cette opération, souhaitée par la DGA,
avaient été exposées dans une note au ministre de l’économie du
13 décembre
2011
qui
proposait
un
vote
négatif
au
conseil
d’administration du 14 décembre : en fin de compte, le dispositif de
concertation interministérielle prévu par le décret n° 2011-130 du
31 janvier 2011 n’a pas fonctionné.
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SNPE
57
III
-
SNPE
26
: la vente par sous-ensembles après
l’accident d’AZF
A - Rappel historique
1 -
Un groupe ancien, en bonne santé jusqu’en 2001
La société nationale des poudres et des explosifs, dont la raison
sociale est aujourd’hui SNPE, a été créée dès 1971, par apport de
poudreries précédemment gérées en régie par le ministère de la défense,
et dont le statut antérieur de monopole pour les poudres et explosifs civils
et militaires ne pouvait plus être maintenu après l’entrée en vigueur du
traité de Rome.
Jusqu’en 2001, la société ne connut pas de problème majeur : ses
productions militaires, parmi lesquelles les propergols utilisés pour les
missiles balistiques de la force nucléaire stratégique (FNS), arrivaient en
temps et heure ; un développement volontariste des activités civiles,
particulièrement dans la chimie fine et de spécialités, fut dans l’ensemble
couronné de succès.
2 -
L’accident de l’usine AZF de Toulouse et le déclin
Le destin de la société fut bouleversé par l’accident survenu le
21 septembre 2001 dans l’usine AZF du groupe Total, mitoyenne de
l’usine SNPE de Toulouse, et dont l’une des productions civiles était celle
de gaz phosgène, très toxique, mais également très réactif chimiquement,
qui constituait un élément central dans le portefeuille de produits de la
société. Une décision gouvernementale vint en juillet 2002 interdire la
chimie du phosgène à Toulouse. Aggravée par une crise du secteur de la
chimie et par des décisions de réorganisation industrielles hasardeuses,
elle eut des conséquences désastreuses sur l’équilibre industriel et
financier de la société.
Par ailleurs, dès 1999, l’État avait envisagé un rapprochement
entre les activités liées à la propulsion solide des missiles et lanceurs et
aux explosifs détenues d’une part par SNPE dans sa filiale SME, d’autre
part par le groupe SNECMA dans sa filiale SPS. Il était alors actionnaire
26
Les principales caractéristiques du groupe SNPE sont données en annexe (fiche
signalétique n° 3).
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COUR DES COMPTES
principal ou unique des deux groupes. Connue à l’époque sous le nom de
code d’Herakles, cette opération n’avait pas abouti.
Le souci de faire aboutir le projet Herakles, et la constatation que
les activités civiles de SNPE, qui n’avaient pour l’État aucun caractère
stratégique, risquaient d’avoir de la peine à retrouver une rentabilité, ont
conduit depuis 2005 à céder tous les actifs civils de la société. Il restera,
une fois l’opération Herakles
27
menée à bien, et l’avenir d’Eurenco
28
(seule filiale présentant encore un intérêt stratégique) assuré, a organiser
l’apurement de tous les passifs.
B - Actionnariat actuel
Le capital de SNPE demeure directement détenu par l’État à
99,9 %.
Au conseil d’administration de SNPE, l’État dispose de cinq
administrateurs sur dix-huit, dont un provient de l’APE, deux de la DGA,
deux autres fonctionnaires émanant du ministère en charge de
l’économie. Pour le reste, la composition est similaire à celle de GIAT
Industries (à un administrateur près, qui représente la Société Générale,
actionnaire très minoritaire de SNPE).
C - Les résistances au rapprochement
Herakles décidé
par l’État
Les diverses contraintes qui pèsent sur la nomination des
présidents et des membres du conseil d’administration, soumise aux
dispositions des articles L. 225-17 et suivants du code de commerce et de
la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie
sociale et réforme du temps de travail, font que certaines priorités
stratégiques élaborées par l’Agence des participations de l’État (APE),
représentant officiellement l’État actionnaire, le cas échéant en
concertation avec la direction générale de l’armement (DGA) ou d’autres
ministères intéressés, n’ont pas toujours été assurées d’obtenir le soutien
ni des PDG nommés par l’État, ni de la majorité des administrateurs en
cas de vote au conseil d’administration.
27
Herakles est la société issue de la fusion, en 2011, sous le contrôle de Safran, des
activités de propulsion solide des sociétés SNPE-Matériaux Energétiques (SME) et
SNECMA-Propulsion Solide (SPS).
28
Filiale de SNPE spécialisée dans les munitions et explosifs sophisiqués, dont
certains sont essentiels pour la force de dissuasion nucléaire.
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SNPE
59
Le principe de création de la société Herakles, regroupant au sein
de Safran les deux opérateurs français de la propulsion solide, la société
SME, filiale de SNPE, et la filiale SPS de Safran, datait de 1998. La
plupart des arbitrages ministériels et des travaux de valorisations avaient
été pratiquement finalisés dès le début des années 2000.
Pendant un certain temps, le management supérieur de Safran n’a
pas facilité la conclusion rapide de cette opération.
Les responsables de SNPE, président et conseil d’administration,
en ce qui les concerne, n’ont pendant plusieurs années pas non plus
accepté la réalisation de cette opération, pourtant décidée par leur
actionnaire quasi unique. Il a fallu qu’en novembre 2008 l’État mette fin
aux fonctions du PDG pour qu’elle puisse être mise en oeuvre. Encore
a-t-il fallu attendre 2011 pour que cette consolidation de la filière
française de la propulsion solide devienne effective.
L’une des conséquences de la composition diversifiée des conseils
d’administration des entreprises publiques, conformément à la loi
n° 2008-789 du 20 août 2008 précitée,
est que, lorsque l’État-actionnaire
envisage de procéder à certaines restructurations industrielles ou à
certains choix stratégiques, il peut se heurter à l’obstruction des
mandataires sociaux, à commencer par les présidents-directeurs généraux
qu’il a lui-même désignés, mais qui sont juridiquement tenus de ne tenir
compte que de ce qui leur semble conforme à l’intérêt des sociétés dont
ils ont la charge.
Cette situation n’a guère d’équivalent en pratique sinon en droit
pour un actionnaire privé disposant du contrôle majoritaire d’une société.
L’incapacité pour l’État-actionnaire d’obtenir l’aval de certaines
décisions stratégiques par les organes sociaux, et notamment le conseil
d’administration, est paradoxalement encore plus forte lorsqu’il s’agit de
décisions concernant simultanément deux ou plusieurs groupes dont
l’État est actionnaire : dans ce cas en effet, les dispositions du code de
commerce, et notamment les articles L. 225-38 à L. 225-40, relatifs aux
conventions réglementées, interdisent aux représentants de l’État aux
conseils d’administration des sociétés concernées de voter sur les motions
correspondantes.
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COUR DES COMPTES
IV
-
Les réflexions sur l’avenir de GIAT Industries
et de SNPE
Le passé de ces deux groupes a été, pour l’essentiel, apuré, mais ils
demeurent aujourd’hui sans doute trop petits et isolés pour pouvoir
durablement résister à l’ouverture des marchés de l’armement.
Actuellement, deux axes majeurs de restructuration industrielle
semblent envisageables par l’État-actionnaire :
-
le premier concerne à la fois GIAT Industries et SNPE et vise à
assurer un avenir à Eurenco, seule filiale stratégique demeurée
dans l’orbite de SNPE, dans un cadre français ou européen ;
-
le second axe de restructuration concerne GIAT Industries et
THALES, et nécessiterait une consultation de la Commission
des participations et transferts (CPT) ; THALES apporterait sa
filiale TDA, spécialisée dans les armements terrestres, à
Nexter-munitions en échange d’une participation dans GIAT
Industries.
Ces axes de réflexion ne sont pas exclusifs d’autres discussions qui
pourraient aboutir à des restructurations industrielles plus amples,
notamment avec des partenaires étrangers, s’il était possible d’arriver à
des accords équilibrés.
______________________
CONCLUSION
_____________________
Le cas de Safran illustre plusieurs faiblesses de l’État dans
son rôle de premier actionnaire d’entreprise d’armement :
-
à la base, une vision trop exclusivement patrimoniale a conduit,
en 2005, l’APE à recommander au gouvernement, sans
consulter réellement la DGA, de donner suite à la proposition
conjointe des dirigeants de SNECMA et de Sagem de procéder
à une fusion qui avait peu de sens industriel, et dont l’absence
de synergies est aujourd’hui confirmée, une grande partie de
l’activité de Sagem ayant dû être abandonnée pour permettre à
Safran de rétablir sa situation boursière ;
-
à cette occasion, une erreur d’appréciation a été commise par
l’APE concernant le niveau de droits de vote auquel pouvait
prétendre l’État au sein de Safran à l’issue de l’opération ;
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L’ÉTAT UNIQUE ACTIONNAIRE DE REFERENCE : SAFRAN, GIAT INDUSTRIES ET
SNPE
61
-
aujourd’hui encore, premier actionnaire de Safran, l’État n’est
pas en mesure de mettre en oeuvre une rationalisation entre
certaines activités de ce groupe (avionique et optronique) sur
lesquelles opère ce groupe, et les activités correspondantes de
THALES, dont l’État est également le premier actionnaire :
l’APE et la DGA ne parviennent toujours pas à s’accorder sur
la stratégie industrielle à suivre.
GIAT Industries et SNPE sont aujourd’hui encore des entreprises
publiques, placées sous la responsabilité exclusive de l’État-actionnaire :
-
pour les deux groupes, même si l’on a pu constater une
certaine lenteur initiale à procéder aux restructurations
nécessaires en ce qui concerne GIAT Industries, l’État
actionnaire a rempli son devoir, qu’il s’agisse de combler les
pertes du passé pour GIAT Industries, ou d’accompagner la
liquidation progressive de SNPE et de prendre en charge les
passifs environnementaux depuis l’accident de Toulouse en
2001 ;
-
dans le cas de SNPE, la difficulté à faire aboutir l’opération
stratégique de restructuration de la propulsion solide (projet
Herakles), a montré que paradoxalement, même lorsqu’il était
l’actionnaire unique d’un groupe, et à la différence d’un
actionnaire privé, l’État ne parvenait pas toujours à faire
exécuter ses décisions dans des délais normaux.
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Chapitre III
La montée progressive du contrôle
actionnarial exercé par le groupe privé
Dassault : Dassault-Aviation, THALES
et DCNS
Au cours des trente dernières années, le groupe Dassault-Aviation,
un temps contrôlé en majorité par l’État, s’en est en grande partie éloigné.
En revanche, il est progressivement entré, directement ou
indirectement, au capital de THALES et de DCNS dans un partenariat
complexe avec la puissance publique.
Les trois entreprises en cause se présentent comme suit :
-
Dassault-Aviation est une entreprise privée dont l’État est
indirectement
actionnaire à travers sa participation dans
EADS, cette dernière étant le deuxième actionnaire avec 46 %
du capital de l’avionneur privé français ;
-
THALES est un groupe privatisé dont l’État est le principal
actionnaire, tout en ne détenant qu’un bloc minoritaire de titres
(27,08 % du capital) dans le cadre d’un pacte d’actionnaires
avec Dassault-Aviation (25,96 % du capital). Compte-tenu de
droits de vote double statutaires, l’État détient aujourd’hui une
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COUR DES COMPTES
minorité de blocage (avec 36,86 % des droits de vote, face à
Dassault-Aviation qui en détient 29,68 %). Le président y est
nommé par accord entre l’État et Dassault-Aviation. Au conseil
d’administration
de
THALES,
l’État
dispose
de
cinq
administrateurs sur un total de seize, tandis que Dassault-
Aviation dispose de quatre administrateurs, quatre personnalités
extérieures étant désignées sur proposition conjointe du secteur
public et de Dassault-Aviation, les trois autres administrateurs
représentant les salariés ;
-
DCNS, de son côté, demeure une entreprise publique, puisque
l’État y est majoritaire (63,58 % du capital aujourd’hui), mais il
partage le pouvoir actionnarial avec THALES, qui détient
depuis début 2012 une minorité de blocage (34 % du capital).
Le président y est nommé sur proposition de l’État qui dispose par
ailleurs au conseil d’administration de six administrateurs sur un total de
dix-huit (y compris le président), dont un provient de l’Agence des
participations de l’État (APE), un de la direction du budget, un de la
direction du Trésor, un de la direction générale de l’armement (DGA), un
de la direction des affaires financières de la défense, et un fonctionnaire
retraité. THALES dispose de trois administrateurs. Six administrateurs
représentent les salariés. Trois administrateurs sont indépendants.
L’exercice des prérogatives de l’État actionnaire dans THALES et
DCNS repose ainsi aujourd’hui sur un dispositif relativement complexe
impliquant un industriel privé, le groupe Dassault, à travers sa filiale
Dassault-Aviation, selon le schéma actionnarial suivant :
Schéma n° 10 - État-actionnaire de THALES et DCNS en juillet 2012
Source : Agence des participations de l’État (APE)
THALES
TSA
25,96 %
27,06 %
63,58 %
ÉTAT
100 %
Dassault-
Aviation
DCNS
35 %
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LA MONTÉE PROGRESSIVE DU CONTRÔLE ACTIONNARIAL EXERCÉ PAR LE
GROUPE PRIVÉ DASSAULT : DASSAULT-AVIATION, THALES ET DCNS
65
I
-
La perte progressive de tout contrôle
actionnarial de l’État sur Dassault-Aviation
29
A - 1979 : l’entrée de l’État au capital de Dassault-
Aviation
La Sogepa (société de gestion des participations aéronautiques)
avait été créée en 1978 à l’initiative du Premier ministre afin d’acquérir
pour le compte de l’État « une participation dans le capital de la société
des Avions Marcel Dassault (AMD-BA, devenue Dassault-Aviation), lui
assurant la minorité de blocage au sein de cette entreprise et
s’accompagnant d’un renforcement du contrôle d’État ».
Un second objectif était de « jeter les bases d’une coordination
industrielle avec la société nationale industrielle aérospatiale
(
SNIAS)
[devenue Aérospatiale] dont l’État est le principal actionnaire » : un
premier bloc d’actions, représentant 35 % du capital, a été acquis dans la
société des Avions Marcel Dassault par l’État en 1979 par conversion de
créances ou d’avances et de redevances dues ou à devoir. La famille
Dassault contrôle la société holding « groupement industriel Marcel
Dassault » (GIMD). En 1979, le schéma actionnarial était le suivant :
Schéma n° 11 - actionnariat de la société des avions Marcel Dassault
en 1979
Source : Société de gestion des participations aéronautiques (Sogepa)
29
Les principales caractéristiques du groupe Dassault-Aviation sont données en
annexe (fiche signalétique n° 4).
65 %
35 %
100 %
AMD-BA
SOGEPA
ÉTAT
GIMD > 50 %
+ flottant
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COUR DES COMPTES
B - 1981, une prise de contrôle public temporaire de
Dassault-Aviation
En 1981, l’État a pris théoriquement le contrôle de la société en
montant sa participation à 45,76 % du capital, ce qui, compte tenu de
droits de vote double, qui ont été immédiatement contestés par certains
partenaires privés du groupe, lui assurait en principe une majorité en voix
de 54,72 %.
Mais, dès cette période, des conventions orales, adoptées au
moment de la signature d’un protocole le 8 octobre 1981, ont organisé
une autolimitation du pouvoir du secteur public : elles prévoyaient une
parité du nombre des actionnaires publics et privés au sein du conseil
d’administration, et la désignation d’un président privé disposant
statutairement d’une voix prépondérante.
Contrairement à la logique actionnariale usuelle, l’État n’était ainsi
majoritaire
qu’à
l’assemblée
générale,
mais
pas
au
conseil
d’administration.
Rapidement, l’État est passé, sans contrepartie visible, en-dessous
de la barre des 50 % en voix, en fractionnant la participation publique
dans Dassault-Aviation, une partie des titres étant détenue directement
par l’État, tandis que le reste l’était par sa filiale Sogepa
30
. La structure
actionnariale était alors la suivante :
30
En mars 1993, Sogepa détenait 35,01 % du capital et 45,75 % des voix, et l’État
10,75 % du capital et 8,97 % des voix. Aucun pacte d’actionnaire n’était conclu entre
l’État et Sogepa, pour éviter de constituer un concert majoritaire en voix.
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67
Schéma n° 12 - actionnariat de la société des Avions
Marcel Dassault
(AMD-BA) en 1993
Source : Société de gestion des participations aéronautiques (Sogepa)
C - 1996, une tentative avortée de fusion
Aérospatiale/Dassault-Aviation
Une quinzaine d’années après cette prise temporaire de contrôle, le
21 février 1996, à la demande du Président de la République, le
gouvernement a demandé à Aérospatiale et Dassault-Aviation d’entamer
des discussions afin d’aboutir, début 1998, à une fusion des deux sociétés,
dans la perspective de la participation à une industrie aéronautique
européenne forte.
Le schéma envisagé pour le rapprochement consistait à apporter,
sous forme de filiale, Dassault-Aviation à Aérospatiale, le holding
Dassault (GIMD) devenant, en échange de son apport, actionnaire
minoritaire d’Aérospatiale.
Ce projet n’a pas été mis en oeuvre, la dissolution de l’Assemblée
nationale et les élections législatives intervenant quelques semaines plus
tard.
D - 1998 : le transfert des participations publiques dans
Dassault-Aviation au profit d’Aérospatiale puis du
groupe Lagardère
A la suite des élections législatives et du changement de
gouvernement qui en est résulté, trois nouveaux éléments sont venus
relancer la négociation entre Aérospatiale et Dassault-Aviation.
54,24 %
10,75 %
GIMD > 50 % + flottant
35,01 %
ÉTAT
100 %
AMD-BA
SOGEPA
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68
COUR DES COMPTES
Le 9 décembre 1997, le nouveau gouvernement a déclaré
publiquement son intention de participer à une intégration européenne
dans le secteur aérospatial civil et militaire, dans le cadre de discussions
engagées entre Aérospatiale et plusieurs groupes étrangers, BAE, DASA,
SAAB, CASA et Alenia.
Dans ce nouveau contexte, sans lien direct ni avec le projet de
fusion Aérospatiale/Dassault-Aviation tel qu’il avait été fixé en février
1996, ni avec la désignation, qui ne devait intervenir qu’ultérieurement,
du
groupe
Lagardère
comme
principal
partenaire
industriel
d’Aérospatiale, les pouvoirs publics estimaient urgent de renforcer la
position de négociation de cette dernière, en constituant autour d’elle un
véritable pôle aérospatial français, à l’image de ses homologues
européens.
C’est dans cette optique que, le 14 mai 1998, le gouvernement a
officiellement annoncé le transfert au groupe Aérospatiale de l’ensemble
des participations publiques dans Dassault-Aviation (soit 45,76 % du
capital).
Le 22 mai 1998, le gouvernement annonçait l’ouverture du capital
d’Aérospatiale et l’introduction du titre en bourse. Les dirigeants
d’Aérospatiale avaient désormais mandat pour nouer des partenariats
industriels.
Le 22 juillet 1998, le gouvernement a indiqué son accord de
principe sur un projet industriel élaboré conjointement par Aérospatiale et
le groupe Lagardère. L’objet de ce projet était de regrouper les activités
d’Aérospatiale (y compris sa participation dans Dassault-Aviation) avec
celles de Matra-Hautes-Technologies, filiale de Lagardère, et d’introduire
en bourse le nouvel ensemble ainsi constitué, de manière à faire passer la
participation de l’État sous la barre des 50 %. Le décret autorisant cette
opération a été pris le 13 février 1999.
Enfin, la restructuration européenne de ce nouvel ensemble au sein
d’EADS à la fin de la même année, a constitué un fait nouveau, non
prévu au moment du transfert. Aujourd’hui, l’ancienne participation
publique dans Dassault-Aviation est directement détenue par la société
holding de droit néerlandais EADS NV.
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69
Celle-ci n’exerce de facto aucun contrôle actionnarial
31
.
Un dernier paradoxe, qui résulte de cette politique sinueuse, est
qu’aujourd’hui Dassault-Aviation, producteur de l'avion Rafale, a pour
principal actionnaire minoritaire EADS, co-producteur du principal
concurrent de ce dernier, l'avion Eurofighter.
Aujourd’hui, l’actionnariat de Dassault-Aviation répond, de façon
très simplifiée (la détention de 15 % d’EADS par l’État étant elle-même
très indirecte
32
), au schéma ci-après.
Schéma n° 13 - actionnariat de Dassault Aviation en juillet 2012
Source : Agence des participations de l’État (APE)
II
-
2008 : le partage du contrôle actionnarial de
THALES
33
avec Dassault
A - Le départ d’Alcatel du capital de THALES
En mai 2008, Alcatel-Lucent a manifesté son intention de céder la
participation de 20,9 % dans THALES qu’il détenait depuis la
privatisation de Thomson-CSF.
En conséquence, l’Agence des participations de l’État (APE) et
la
délégation
générale
pour
l’armement
(DGA)
avaient
envisagé
conjointement trois scénarios :
31
Sa principale intervention en tant qu’actionnaire a consisté à s’opposer à la
modification des statuts visant à retarder la limite d’âge du président.
32
Cf. ci-dessous.
33
Les caractéristiques du groupe THALES sont données en annexe (fiche signalétique
n° 5).
Flottant
46,32 %
3,13 %
50,55 %
ÉTAT
Dassault
Aviation
Groupement
industriel Marcel
Dassault
EADS
15 % indirect
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70
COUR DES COMPTES
-
autoriser une cession des titres détenus par Alcatel-Lucent sur le
marché. L’action spécifique, instituée au profit de l'État lors de
la privatisation de Thomson-CSF par le décret n° 97-190 du
4 mars 1997, lui donnant le cas échéant le droit de s’opposer à
toute prise de participation significative dans le capital de
THALES, permettrait de se protéger contre une offre publique
d’achat (OPA). Cette cession aurait amélioré la liquidité du titre
sur le marché. Mais dans ce cas, Alcatel-Lucent n’aurait pas
bénéficié de la prime de contrôle qui pouvait s’attacher à son
bloc d’actions. L’APE considérait que cette option était,
techniquement, la meilleure ;
-
permettre à EADS de se substituer à Alcatel-Lucent, les deux
industriels créant une co-entreprise réunissant leurs actifs et
ceux de THALES dans le domaine des communications de
défense et de sécurité. L’APE et la DGA étaient hostiles à cette
solution, du fait d’un risque de démantèlement de THALES,
d’une marginalisation de Safran, et de la fermeture de THALES
à divers rapprochements industriels avec d’autres groupes de
défense ;
-
substituer
Dassault-Aviation
à
Alcatel-Lucent,
troisième
hypothèse, qui était considérée par les services comme
présentant « peu d’intérêt industriel » et n’offrant guère
d’avantages à l’État-client de THALES.
À l’été 2008, l’APE et la DGA ont procédé à une analyse de ces
trois scénarios : leur conclusion était très réservée quant à une substitution
de Dassault-Aviation ou d'EADS à Alcatel, elles évoquaient par ailleurs
l’éventualité d’un rapprochement THALES/Safran.
Les pouvoirs publics ont finalement retenu, sans suivre la
recommandation des services compétents, la solution de cession des parts
d’Alcatel à
Dassault.
Les réflexions ultérieures
ont été, pour l'essentiel, consacrées à la
négociation, visant à résister aux principales revendications de Dassault-
Aviation, à savoir, disposer d’une clause de dénonciation permettant de
s’opposer à certains choix stratégiques de l’État et, en cas de cession
d’actions par l’État, disposer de plus d’administrateurs que ce dernier.
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71
B - L’accord passé avec Dassault
Le dispositif retenu a consisté, d’une part, à obtenir de Dassault-
Aviation la signature d’une convention d’adhésion par laquelle il se
substituerait à Alcatel-Lucent au sein du pacte d’actionnaires existant
entre cette dernière et le « secteur public »
34
, pacte en vigueur jusqu’au
31 décembre 2011, et au sein de la convention sur la protection des
intérêts stratégiques nationaux dans THALES.
Ce pacte détermine les conditions d’un co-contrôle de THALES
par l’État et Dassault-Aviation. Il fixe la composition du conseil
d’administration. Il contraint les parties à choisir d’un commun accord le
PDG du groupe. Il impose une prise de décision conjointe sur les
questions
stratégiques
et
industrielles
(budget,
plan
stratégique,
acquisitions ou cessions d’actifs au-delà de 150 M€ de chiffre d’affaires).
Le pacte prévoit également un engagement de Dassault-Aviation
de se maintenir au-delà d’un seuil de participation de 15 % du capital et
des droits de vote, et de rester ainsi le premier actionnaire privé du
groupe. En cas de franchissement à la baisse de ce seuil, l’État bénéficie,
sur le reliquat des titres, d’un droit de préemption
D’autre part, en marge du pacte d’actionnaires, plusieurs
engagements ont été pris par les parties afin de garantir les intérêts de
chacune, et d’assurer plus particulièrement la protection des intérêts
stratégiques de l’État.
Ainsi, par échange de courriers en décembre 2006, l’État a-t-il pris
un engagement de ne pas descendre au-dessous de 10 % du capital au
moins pendant les trois années qui suivraient la cessation du pacte (clause
dite de
« lock-up »
), et au plus tard jusqu’en décembre 2014
35
, ou jusqu’à
la date à laquelle Dassault-Aviation cesserait de détenir au moins 15 % du
capital de THALES.
Dassault-Aviation, de son côté, a signé un courrier de renonciation
à son droit de veto en cas d’exercice de l’option de montée au capital de
DCNS à hauteur de 35 %, option effectivement levée par THALES début
2012-, ou d’opérations stratégiques portant sur les activités optroniques,
34
Le terme de « secteur public » et non d’État est utilisé, pour tenir compte du fait que
la participation publique dans THALES est détenue non pas directement par l’État,
mais à travers une société holding TSA (héritée de l’ancien groupe Thomson),
détenue à 100 % par l’État, ainsi que par Sofivision, filiale de Sogepa.
35
Fin 2012, le pacte ayant été renouvelé fin 2011, l’engagement de
lock-up
n’est donc
plus de trois, mais de deux ans.
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COUR DES COMPTES
la navigation inertielle, la génération électrique, ou encore dans le
domaine des systèmes et équipements de missiles
36
.
Une convention relative à « la protection des intérêts stratégiques
nationaux de THALES » a également été signée par l’État et Dassault-
Aviation, qui reprend pour l’essentiel les engagements souscrits
précédemment par Alcatel Lucent sous une forme analogue. Dans ce
cadre,
Dassault-Aviation
a
pris
divers
engagements
relatifs
à
l’implantation de son siège social, à la nationalité de ses représentants au
conseil d’administration, à la confidentialité des dossiers, et plus
généralement, au contrôle de l’absence d’influence d’intérêts étrangers
dans la gouvernance de THALES. Dans le cas d’un non-respect de ces
engagements, l’État aurait la possibilité de mettre fin au pacte
d’actionnaires et de demander au partenaire industriel de réduire sa
participation en dessous de 10 % du capital de THALES par cession sur
le marché.
L’ensemble
de
ces
dispositions
visait,
dans
la
nouvelle
configuration, à prolonger au moins provisoirement le dispositif du
concert préexistant avec Alcatel-Lucent, et à réaffirmer le caractère
prédominant du secteur public au capital de THALES.
L’Autorité des marchés financiers et la Commission européenne
ont donné leur accord à cette opération.
C - 2010-2012, la montée de Dassault-Aviation en droits
de vote et la dilution corrélative de l’État
L’engagement de Dassault-Aviation de ne pas inscrire au
nominatif
les
titres
cédés
par
Alcatel-Lucent
s’achevait
au
1
er
janvier 2010. Le 29 juin 2010, Dassault-Aviation, après consultation
de l’APE, a inscrit les deux-tiers de sa participation au nominatif, afin de
pouvoir bénéficier deux ans plus tard (au 29 juin 2012), conformément
aux statuts de THALES, des droits de vote double correspondants.
Dassault-Aviation ne pouvait pas inscrire l’intégralité de ses titres au
nominatif, car cela lui aurait fait franchir le seuil de 30 % en droits de
vote et l’aurait contraint à proposer une OPA sur l’ensemble de THALES.
De son côté, l’État ne voulait pas être dilué en-dessous de la
minorité de blocage et, pour conserver une marge de sécurité, il a
transféré les titres de THALES encore détenus par Sofivision (filiale de
36
L’État escomptait à ce moment parvenir à ce que THALES et Safran acceptent de
procéder à d’importants échanges d’actifs portant sur ces activités.
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73
Sogepa) à TSA, dont l’ensemble de la participation est passée de 26,51 %
à 27,08 %, intégralement inscrite au nominatif.
L’AMF a considéré que ces mouvements ne modifiaient pas le
contrôle
actionnarial
de
THALES,
car le
secteur
public
restait
prépondérant tant en capital qu’en droits de vote, et le pacte
d’actionnaires était maintenu, l’État conservant par ailleurs le bénéfice de
l’action spécifique.
En termes de participations au capital et de pourcentage des droits
de vote, et du fait de ces mouvements, la situation a évolué comme suit
depuis 1998 :
Tableau n° 4 : parts respectives des partenaires du pacte au
capital de THALES
Pacte
Actionnaires
% capital THALES
% droits de vote
1998
Secteur Public
46,94
46,94
Alcatel
16,36
16,36
Dassault-industrie
6,00
6,00
2006
Secteur Public
31,26
42,97
Alcatel-Lucent (2)
9,46
13,00
2009
Secteur Public
26,51
41,67
Dassault-aviation
25,93
20,39
2012
Secteur Public
27,08
36,86
Dassault-aviation
25,96
29,68
Source : Agence des participations de l’État (APE)
L’équilibre du contrôle actionnarial a donc progressivement évolué
au détriment de l’État, et ne repose plus aujourd’hui que sur :
-
la détention d’une minorité de blocage au profit du secteur
public en droits de vote ;
-
l’impossibilité pour Dassault-Aviation de dépasser le secteur
public en termes de participation au capital, et/ou de dépasser le
niveau de 30 % en droits de vote, sans avoir à proposer une
OPA sur l’ensemble de THALES.
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COUR DES COMPTES
D - Le fonctionnement du pacte d'actionnaires
1 -
L’interprétation du pacte par Dassault
Dassault-Aviation estime que « l’État ne peut, avec 27 % du
capital, se comporter dans cette entreprise avec la même latitude que
lorsque qu’il en possédait la majorité absolue du capital. Il doit composer
avec les autres actionnaires et ne peut plus décider de tout, et ce tout seul.
En soi, que les actionnaires soient
des personnes publiques ou des
personnes privées, ils partagent en principe un intérêt commun : que
l’entreprise soit pérenne. Il est évident que sur les modalités pratiques de
mise en oeuvre il puisse y avoir des divergences »
37
.
Par rapport aux enjeux évoqués au premier chapitre, on peut
considérer que par le dispositif précédemment décrit, la protection des
activités stratégiques de défense et l’existence d’un dispositif anti-OPA
sont préservés.
En revanche, la situation est nettement moins favorable en ce qui
concerne la maîtrise de la gouvernance et de la stratégie industrielle de
défense du groupe THALES. Néanmoins, d’une façon générale, l’Agence
des participations de l’État (APE) juge le bilan du pacte d’actionnaires
depuis 2008 « globalement positif », estimant qu’il a permis des échanges
constructifs en amont des décisions les plus sensibles, et soulignant le fait
que Dassault-Aviation, qui n’y était pas obligé, a consulté l’État avant
d’inscrire au nominatif une grande partie de sa participation dans
THALES afin de bénéficier de droits de vote double.
2 -
La reconduction du pacte
En reconduisant le pacte au-delà du 31 décembre 2011, l’État s’est
privé de la possibilité de proposer, s’il le jugeait nécessaire, une
recomposition du conseil d’administration en vue de faciliter la
participation
de
THALES
à
diverses
opérations
qu’il
estimait
souhaitables.
S’il avait dénoncé le pacte, l’État aurait pu en effet, en cas de
désaccord persistant avec le management de THALES, envisager une
recomposition du conseil d’administration permettant de faire adopter
plus aisément certaines décisions stratégiques concernant des opérations
de cession ou d’acquisition stratégiques qu’il estimait souhaitables. Les
marges de manoeuvre de l’État seraient cependant demeuré limitées, car
37
Note adressée à la Cour le 19 septembre 2012.
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75
dépendantes du vote favorable des administrateurs salariés, et réduites par
l’obtention, à compter du 29 juin 2012, de droits de vote double par
Dassault-Aviation dans les conditions indiquées ci-dessus.
En sens inverse, une dénonciation du pacte fin 2011 aurait pu
remettre en cause la réalisation, au premier semestre 2012, des opérations
stratégiques voulues par l’État, initiées par THALES, et sur lesquelles
Dassault-Aviation s’était engagé, dans le cadre du pacte d’actionnaires, à
ne pas utiliser son droit de veto :
-
montée de THALES à 35 % du capital de DCNS ;
-
et échange d’actifs entre THALES et Safran.
La dénonciation du pacte d’actionnaires, à l’échéance annuelle,
aurait fait courir un risque d’affaiblissement du contrôle par l’État de
l’évolution du capital de THALES sur le long terme : Dassault-Aviation
se serait en effet vu libre, dans cette hypothèse, de céder sa participation
dans THALES et de descendre en-dessous des 15 % du capital, ce qui
aurait affaibli le dispositif anti-OPA mis en place, l’État perdant par
ailleurs son droit de préemption sur le reliquat des 15 % du capital
détenus par Dassault-Aviation.
Dans cette hypothèse, ne seraient restées, pour protéger les
activités stratégiques du groupe THALES, que l’action spécifique et la
convention de protection des activités stratégiques, dispositifs dont la
mise en oeuvre n’a jamais été concrètement expérimentée.
E - Une vision divergente de la gouvernance de
THALES entre Dassault-Aviation et l’État
Même si formellement, la situation actuelle, comme le souligne
l’Agence des participations de l’État (APE), s’écarte peu de celle qui
prévalait en 2006 avec Alcatel-Lucent, sur le fond, elle en diffère
fortement : à la différence d’Alcatel-Lucent, Dassault-Aviation entend en
effet, jouer complètement ce qu’il estime être le rôle d’un « opérateur
industriel », ce qui peut entraîner des désaccords stratégiques profonds
entre l’État et son partenaire privé.
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COUR DES COMPTES
Dassault-Aviation interprète en effet son rôle d’« opérateur
industriel » dans THALES comme suit
38
: « Dassault-Aviation a
considéré que le pacte qui le désignait comme opérateur l’obligeait.
Dassault-Aviation n’est pas entrée dans THALES pour faire un
investissement financier et être un
sleeping partner
. Mais Dassault est
entré dans THALES comme un investisseur industriel (…) ».
Après
avoir critiqué la gestion précédente
39
et exposé ses premières actions de
redressement, Dassault-Aviation ajoute : «
Dassault-Aviation, à travers
son action, a assumé des responsabilités d’opérateur industriel dont la
mission consiste à stabiliser le capital d’une entreprise stratégique pour la
défense nationale, permettre son développement de long terme sans
s’attacher à un retour sur investissement à court terme tout en restant une
entreprise innovante et compétitive pour assurer la poursuite de son
développement. ».
Cette définition du rôle d’opérateur industriel de Dassault-Aviation
fait apparaître, par contraste, le rôle limité implicitement laissé à l’État,
pourtant premier actionnaire de THALES et disposant d’une minorité de
blocage en voix, dont Dassault-Aviation ne dispose pas. C’est clairement
à Dassault-Aviation qu’il appartiendrait désormais, selon ce dernier,
de
« stabiliser le capital »
et de permettre le « développement à long
terme » de THALES.
A contrario, cette mission que s’attribue le deuxième actionnaire
de
THALES
apparaît
difficilement
compatible
avec
le
rôle
réglementairement dévolu au premier actionnaire, l’État, selon les
dispositions du décret n° 2011-130 du 31 janvier 2011.
L’article 1
er
de ce
décret précise, en effet, que « le commissaire aux participations de l'État,
sous l'autorité du ministre chargé de l'économie, anime la politique
actionnariale de l'État, sous ses aspects économiques, industriels et
sociaux ». Il en est de même, plus récemment pour l’arrêté du
29 juin 2012, dont l’article 1
er
dispose que l’Agence des participations de
38
Les appréciations portées par Dassault-Aviation dans une lettre adressée à la Cour le
19 septembre 2012 n’engagent que lui et n’ont pas fait l’objet d’une expertise de la Cour des
comptes. Les derniers contrôles de la Cour, effectués au lendemain
de la privatisation du groupe
THALES, relevaient surtout que ce dernier était parvenu, en quelques années, à acquérir une
véritable dimension internationale.
39
Selon le point de vue de Dassault-Aviation, l'une des raisons essentielles des difficultés
invoquées provenait d'« actionnaires privés et publics n’exerçant pas leur fonction de contrôle »,
ce qui met clairement en cause Alcatel et l’État.
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77
l’État (APE) agit « pour toute question relevant de la stratégie industrielle
d'une entreprise » soumise à sa compétence
40
.
F - Les désaccords stratégiques
A travers divers documents adressés à la Cour par Dassault-
Aviation, et par le ministère de la défense, ainsi que des auditions du
délégué général pour l’armement et du président directeur général de
Dassault-Aviation, la Cour constate que le dispositif actuel repose sur
deux visions très différentes des rôles respectifs de l’État et de son
partenaire industriel dans la définition de la stratégie industrielle du
groupe :
-
concernant la montée de THALES de 25 à 35 % au capital
de DCNS
, Dassault-Aviation estime avoir « le devoir, avant
qu’un investissement soit réalisé
de s’interroger sur sa
pertinence. En souhaitant que THALES passe de 25 à 35 %
dans DCNS quelle est la stratégie de l’État ? En quoi cela
renforce-t-il THALES ? Quelle vision à long-terme ? Ce sont
des questions qu’un actionnaire, opérateur industriel, est en
droit de se poser et de poser à l’État qui est à l’initiative de cet
investissement ».
Par ces questions, Dassault-Aviation exprime très clairement des
doutes sur la validité de la stratégie de l’État consistant à souhaiter une
montée de THALES à hauteur de 35 % de DCNS, sans lui garantir en
contrepartie la perspective d’en acquérir la majorité absolue
41
.
-
concernant
le
projet
d’échange
d’actifs
optronique/avionique
souhaité par l’État entre THALES et
Safran, évoqué au chapitre précédent, Dassault-Aviation
40
Ce problème est résumé de façon très concise et sans complaisance dans une note
adressée à la Cour par le ministère de la défense, qui indique que « le fait que l’État a
finalement retenu l’unique solution non préconisée par l’APE et par la DGA illustre
parfaitement la complexité de l’organisation de l’actionnariat public et des circuits de
décision. Une analyse de cet événement aurait sans doute permis un éclairage
particulièrement illustratif des difficultés de gouvernance de THALES. Il convient de
préciser que le pacte prévoit aussi que l’État permette à Dassault-Aviation de rester le
principal actionnaire privé, ce qui ne permet pas à l’État de faire monter d’autres
actionnaires pour surpasser Dassault-Aviation ».
41
C’est précisément pour obtenir un accord sur les 35 % sans autre perspective, que
l’État en avait fait une condition de la substitution de Dassault-Aviation à Alcatel au
capital de THALES.
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COUR DES COMPTES
indique avoir soutenu le management de THALES dans son
refus de céder à Safran son activité calculateur.
Dassault-Aviation considérait, en effet, que cette modification de
périmètre, qui n’était pas prévue dans le pacte qui le liait à l’État
42
, portait
atteinte à la cohérence de THALES, parce qu’elle touchait une activité
dont les technologies étaient au coeur de l’activité de l’entreprise. Selon
Dassault-Aviation, le blocage de THALES sur le transfert d’actif est venu
de revendications nouvelles de Safran par rapport aux échanges prévus
par le pacte passé avec l’État.
Cet échec montre que le dossier n’avait pas été suffisamment
étudié en amont par les services compétents de l’État. Ces derniers
avaient été pris de court, il est vrai, par la décision des pouvoirs publics
de retenir une option de substitution de Dassault à Alcatel, à laquelle ils
n’étaient pas préparés.
Le point de savoir, sur le fond, qui avait raison sur le plan de la
stratégie industrielle ne relève pas de la compétence de la Cour : cette
dernière constate seulement que la décision de substituer Dassault-
Aviation à Alcatel Lucent a contrarié la stratégie soutenue par l’État sur
un point jugé majeur de stratégie industrielle de défense pour l’État.
III
-
2007-2012, la montée de THALES au capital
de DCNS
43
Sur le plan patrimonial, l’opération initiale d’échange de 25 % du
capital de DCNS contre des apports d’actifs et d’une soulte par THALES
à l’État, en 2007, et les conditions de l’exercice de l’option de montée à
35 % de DCNS, fin 2011, reposent sur des valorisations qui ont été
effectuées de façon contradictoire par des banques indépendantes. Les
autorisations et contrôles administratifs ont été régulièrement accomplis.
Par ailleurs, la protection des activités stratégiques de défense et
les garanties contre une prise de contrôle non sollicitée demeurent
assurées tant que l’État restera majoritaire au capital de DCNS.
En revanche, en termes de maîtrise de la gouvernance et de la
stratégie industrielle du groupe DCNS, la composition des organes
42
Limité à la génération électrique, à l’optronique, à la navigation inertielle et au
domaine des systèmes et équipements de missiles.
43
Les caractéristiques générales du groupe DCNS sont données en annexe (fiche
signalétique n° 6).
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LA MONTÉE PROGRESSIVE DU CONTRÔLE ACTIONNARIAL EXERCÉ PAR LE
GROUPE PRIVÉ DASSAULT : DASSAULT-AVIATION, THALES ET DCNS
79
sociaux implique désormais un accord avec THALES et donc, dans le
respect des dispositions du pacte d’actionnaires, avec Dassault-Aviation.
La question d’une évolution de la composition du capital de DCNS
n’est pas actuellement posée de façon urgente : le principal dossier de
restructuration industrielle, dans le secteur de l’armement naval,
consisterait en une ouverture à un partenaire européen. Le dossier qui a
donné lieu à ce jour aux réflexions les plus nourries est, de notoriété
publique, celui d’un rapprochement éventuel avec l’Allemand Thyssen
Krupp Marine Systems (TKMS).
L’hypothèse, envisagée en 2010 par la direction de DCNS, d’un
rapprochement avec TKMS conduirait à une transformation profonde de
l’entreprise publique, entraînant notamment son transfert au secteur privé.
L’Agence des participations de l’État (APE) et la direction générale de
l’armement (DGA) estiment qu’il conviendrait, dans cette perspective :
-
que puisse être démontré qu’un tel rapprochement serait
créateur de valeur pour l’État et DCNS ;
-
et qu’il assurerait une protection suffisante des intérêts
stratégiques de l’État (notamment en ce qui concerne l’activité
de DCNS dans le domaine de la dissuasion nucléaire) ;
-
que soit garanti, au profit de l’État actionnaire, l’exercice
normal de droits proportionnés à sa part au capital du nouvel
ensemble : de ce point de vue, la réticence allemande à l’égard
de la présence d’administrateurs représentant l’État français,
comme le montre le précédent de la création d’EADS, constitue
un préalable sans doute difficile à surmonter.
Le dossier n’a pas évolué depuis lors.
______________________
CONCLUSION
_____________________
Le partenariat entre l’État et Dassault concerne à la fois Dassault-
Aviation, THALES et DCNS, trois groupes industriels français occupant
une position majeure dans le domaine de la défense nationale :
-
en ce qui concerne Dassault-Aviation, après avoir vainement
tenté à plusieurs reprises de maîtriser, à travers des prises de
participation publique, l’avenir de ce groupe au sein du
dispositif industriel de défense français, l’État a, en suivant une
stratégie particulièrement sinueuse depuis 1978, fini par perdre
tout contrôle sur ce groupe, qui connaîtra fatalement, un jour
ou un autre, un problème de contrôle actionnarial : en effet,
l’actionnaire majoritaire GIMD est un groupe purement
familial, tandis que
le deuxième actionnaire, EADS, ne peut y
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80
COUR DES COMPTES
exercer aucun contrôle effectif, et échappe lui-même largement,
dans ce domaine, à toute volonté stratégique industrielle de
l’État ;
-
en ce qui concerne THALES, la substitution de Dassault-
Aviation à Alcatel-Lucent n’était pas la solution préconisée
d’un commun accord entre l’APE et la DGA. Cette substitution
a eu pour effet de limiter très fortement la marge de manoeuvre
de l’État, pourtant premier actionnaire de ce groupe qui
occupe une place prééminente dans les industries d’armement
française ;
-
enfin, en ce qui concerne DCNS, il n’y a guère de convergence
d’intérêts entre l’État-actionnaire, qui entend maîtriser l’avenir
de ce groupe industriel essentiel pour la force nucléaire
française, et Dassault-Aviation, qui, semble-t-il, ne peut se
satisfaire d’une minorité de blocage ne conférant pas à
THALES une position d’opérateur industriel.
Cette situation préoccupante ne peut cependant être imputée ni à
l’APE, ni à la DGA qui, pour une fois, s’étaient largement concertées, et
étaient très réservées sur l’instauration, en 2009, de ce partenariat, dès
lors
que
Dassault-Aviation
demeurait
un
groupe
sous
contrôle
exclusivement familial, ne garantissant de ce fait ni convergence
d’intérêts avec l’État, ni stabilité du contrôle du capital à très long
terme :
elle
résulte
exclusivement
d’un
choix
dépassant
les
administrations.
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Chapitre IV
Une entreprise sous contrôle public
pluri-national : EADS
44
I
-
Une construction actionnariale initiale reposant
sur des intérêts hétérogènes
A - Des conditions initiales peu favorables à la défense
des intérêts patrimoniaux de l’État
La Cour avait constaté, dès 2001, que :
-
d’une part, dans le cadre des évaluations conduisant à la fusion
d’Aérospatiale et de Matra Hautes Technologies (« MHT »),
appartenant au groupe Lagardère, l’État s’était laissé placer en
position de faiblesse ;
-
d’autre part,
les actifs français avaient été sous-valorisés deux
ans plus tard, lors de la fusion avec DASA, dans le cadre de la
négociation avec le partenaire allemand Daimler.
44
Les caractéristiques générales du groupe EADS sont données en annexe (fiche
signalétique n° 7).
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82
COUR DES COMPTES
1 -
Lors de la privatisation d’Aérospatiale (1999)
Deux éléments ont pesé défavorablement sur les négociations des
parités Aérospatiale/Matra Hautes Technologies (MHT) lors de cette
privatisation :
-
un
accès
dissymétrique
à
l’information,
défavorable
à
l’actionnaire public ;
-
une volonté politique de permettre à Lagardère de prendre le
contrôle
d’au
moins
30
%
du
nouveau
groupe
Aérospatiale/MHT.
a)
Un accès dissymétrique à l’information, défavorable à
l’actionnaire public
Le responsable français du GIE Airbus, élément clef du groupe
Aérospatiale, en charge en 1998 avait, dès sa nomination, demandé le
support technique du cabinet Barbier Andersen, branche française du
groupe international de conseil Andersen, groupe disparu depuis, dans des
conditions mouvementées.
Or, à la fin de la même année 1998, c’est le même cabinet Barbier
Andersen, avec le même expert,
qui a conseillé le groupe Lagardère lors
de la valorisation préalable à la fusion MHT/Aérospatiale.
Certes, la direction du Trésor était informée de cette situation, ce
même expert interrogé par la Cour, affirmait s’être interdit ainsi qu’à ses
collaborateurs d’employer les informations obtenues à l’occasion de la
première mission au profit de la seconde. Néanmoins, la défense, à si
brève échéance, d’intérêts opposés de deux clients d’un même conseiller
ne pouvait que soulever un problème de déontologie.
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UNE ENTREPRISE SOUS CONTROLE PUBLIC PLURI-NATIONAL : EADS
83
En tout état de cause, cette situation, en termes d’accès à
l’information, et donc de négociation, était de toute évidence défavorable
à l’État et favorable au groupe Lagardère
45
.
b)
Une volonté politique de permettre à Matra Hautes Technologies
de prendre le contrôle de plus de 30 % d’Aérospatiale
Lors des négociations entre l’État et le groupe Lagardère, qui ont
conduit fin 1998 à la fusion de Matra Hautes technologies et
d’Aérospatiale,
entraînant
la
privatisation
de
cette
dernière,
les
discussions avaient naturellement porté sur les valeurs relatives des deux
sociétés.
Or, dès juillet 1998, les pouvoirs publics avaient donné leur accord
politique sur le principe d’une parité Matra/Aérospatiale comprise entre
30 et 33 %, ce qui aboutissait à concentrer le reste de la négociation, une
fois fixé ce corridor étroit de parités, sur le montant d’une soulte
éventuelle et/ou sur une modification du périmètre de la fusion
46
.
Dans ce cadre, la négociation s’est rapidement focalisée sur deux
points concernant exclusivement Aérospatiale, à savoir le risque de
financement des ventes d’avions, et le risque lié au portefeuille de
couvertures de change. Dans les deux cas, les ordres de grandeurs
discutés étaient de 2 à 3 MdFF (304,9 M€ à 457,3 M€)
en défaveur
d’Aérospatiale.
45
La Cour avait officiellement dénoncé, par lettre du Procureur général du 6 mars
2002 au président de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes,
l’intervention d’un conseil ayant eu, peu de temps auparavant, accès direct à toutes les
données confidentielles concernant le GIE Airbus, au profit du groupe qui négociait sa
prise de participation par apport d’actifs à Aérospatiale. La Compagnie nationale des
commissaires aux comptes avait laissé au cabinet Barbier Andersen lui-même le soin
de répondre à la lettre du Procureur général : ce dernier n’avait pas contesté la
chronologie des événements pour lesquels il était intervenu (juin 1998 pour le compte
d’Airbus-Aérospatiale, et décembre 1998 pour le compte du groupe Lagardère). Mais
le responsable de l’étude établie au profit d’Airbus, responsable également de la
mission de valorisation préalable à la fusion pour le compte du groupe Lagardère et
signataire de la réponse du cabinet à la Cour, avait contesté l’analyse de cette
dernière : il affirmait qu’il s’était interdit, ainsi qu’à ses collaborateurs, de « livrer
accès aux informations » obtenues à l’occasion d’une précédente mission au bénéfice
de la seconde. Par ailleurs, il avait souligné que le rapport sur Airbus avait lui-même
été communiqué par Aérospatiale à Lagardère.
46
La participation d’Aérospatiale dans le groupe Thomson avait ainsi été rétrocédée à
l’État avant fusion, ce qui, au prorata de la participation de l’État dans Aérospatiale-
Matra, représentait à l’époque l’équivalent d’une soulte de 500 MF.
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84
COUR DES COMPTES
Toutes ces évaluations avaient, à l’époque, reposé sur une
projection du dollar sur longue période retenue à 5,50 FF (0,84 €).
Concrètement cela signifiait :
-
d’une part, que l’hypothèse retenue début 1999, alors que le
dollar était déjà sensiblement plus haut, était défavorable à
Aérospatiale
47
, plus exposée au dollar que Matra Hautes
technologies ;
-
d’autre part, que l’État n’avait probablement pas choisi le
meilleur moment pour apporter ses titres dans le cadre de la
fusion, compte tenu des perspectives d’évolution de la situation
d’Aérospatiale et du dollar, confirmées dans les mois qui ont
suivi.
Il est vraisemblable que le désir de conclure l’accord dans les
conditions initialement fixées a conduit à précipiter la transaction.
Cela n’est qu’un des indices, parmi d’autres, qui avaient conduit
les divers professionnels extérieurs au débat rencontrés par la Cour lors
de l’enquête à estimer que la valorisation patrimoniale des deux
entreprises avait été un exercice dont le résultat était largement
prédéterminé, quelle que soit la qualité des expertises des banques
d’affaires impliquées, et des contrôles auxquelles elles avaient donné lieu
de la part de la Commission des participations et transferts.
La parité avait été validée par des organes indépendants, sous le
contrôle du tribunal de commerce de Paris, des autorités de marché et de
la Commission des participations et des transferts
48
.
Néanmoins, un mécanisme d’ajustement a posteriori des parités
avait été mis en place sous forme de garantie de cours : la garantie a
effectivement joué à hauteur de son plafond (175 M€, que le groupe
Lagardère a dû verser à l’État en juillet 2001).
Le fait même que le plafond ait été atteint confirme que la valeur
d’Aérospatiale avait été sous-évaluée lors de la fixation des parités au-
delà des seuils d’erreur alors envisagés.
47
Les contrats de vente d’avions étant libellés en dollars américains, les pertes
latentes sur le carnet de commandes d’Airbus paraissaient d’autant plus élevées que le
dollar était faible.
48
L’avis de la
commission des participations et transferts (CPT) n° 99-AC-2 du
25 mars 1999 indiquait : « la rémunération de Lagardère SCA par la participation de
31,45 % dans le nouvel ensemble en échange de l’apport de Matra Hautes
Technologies n’est pas contraire aux intérêts patrimoniaux de l’État ».
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UNE ENTREPRISE SOUS CONTROLE PUBLIC PLURI-NATIONAL : EADS
85
2 -
Lors de la constitution du groupe EADS (2000)
La constitution d’EADS a eu pour objet, du côté français, d’éviter
une « cornérisation stratégique » d’Aérospatiale face au risque, à
l’époque, d’un regroupement entre le groupe de défense anglais British
Aerospace (BAE) et l’avionneur allemand DASA
49
. Comme pour la
privatisation d’Aérospatiale, la défense des intérêts patrimoniaux
immédiats de l’État n’était pas un objectif prioritaire.
Après qu’Aérospatiale n’eut été valorisé « qu’» à deux fois Matra-
Hautes technologies (MHT), la valorisation, quelques mois plus tard,
d’Aérospatiale-MHT à une fois « seulement » celle de DASA ne reflétait
pas non plus la valeur des apports industriels respectifs, ceux
d’Aérospatiale-MHT étant , à l’époque, sensiblement plus importants que
ceux de DASA. En dehors de toute considération sur la force relative des
positions de négociation des parties
50
, les termes de l’échange ont souffert
de la faiblesse structurelle des fonds propres du côté d’Aérospatiale,
notamment lorsqu’on la comparait à la trésorerie importante dont
disposait à l’époque DASA.
Lors de la négociation qui a abouti à la constitution d’EADS, le
fait qu’Aérospatiale a été plutôt orientée vers les programmes industriels
tandis que DASA présentait des réserves et des niveaux de trésorerie
largement supérieurs, s’est en effet « payé » lors du calcul des parités, et
la Cour a constaté rétrospectivement qu’il y avait eu, du point de vue des
pouvoirs publics tutelle et actionnaire d’Aérospatiale, une contradiction
entre le maintien de cette stratégie traditionnelle et leur désir de
restructuration avec des partenaires non publics, qu’ils soient français ou
étrangers.
49
Cette opération avait, comme le rappelle le ministère de la défense, été « enrayée in
extremis par la mise en vente par le groupe GEC (General Electric Company) de sa
branche d’électronique militaire Marconi Electronic Systems, dont le rachat par BAE
a incité DASA à devenir réceptif à la possibilité de rapprochement avec
Aérospatiale ». Un second élément avait joué en défaveur de la fusion : BAE refusait
la parité exigée par les Allemands (50/50), que ces derniers obtiendront dans le cadre
de la fusion avec Aérospatiale-MHT.
50
La partie allemande exigeait d’emblée, avant tout examen des apports industriels,
une parité 50/50, comme elle avait tenté sans succès de l’obtenir quelques mois plus
tôt dans le cadre de discussions avec BAE.
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86
COUR DES COMPTES
B - Un dispositif de contrôle actionnarial qui s’est
rapidement révélé inadapté
1 -
La structure du capital d’EADS depuis 2006
EADS N.V., qui est la société mère du groupe EADS, dont les
principales filiales sont Airbus, Eurocopter, Astrium et Cassidian, est une
société cotée de droit néerlandais détenue, jusqu’au début du mois de
décembre 2012, à 49,93 % par un concert d’actionnaires composé de
Sogeade, entreprise publique française (22,25 %), de l’entreprise privée
allemande DASA (22,25 %) et de l’entreprise publique espagnole SEPI
(5,42 %).
A cette même date, Sogeade, qui porte la participation française,
était détenue à 33,33 % par Lagardère SCA, via sa filiale
Désirade, et à
66,67 % par l’État français, via Sogepa.
DASA est, quant à elle, une filiale de Daimler à 66,67 %, les
33,33 % restants étant détenus par des investisseurs institutionnels
allemands, les droits de vote correspondant étant toutefois détenus par
Daimler.
SEPI est une société détenue à 100 % par l’État espagnol.
Il en résulte l'organigramme de participations relativement
complexe présenté ci-après.
Schéma n° 14 - actionnariat d’EADS en décembre 2012
Source : Agence des participations de l’État (APE)
100 %
100 %
66,6 %
9,62 %
100 %
100 %
33,3 %
22,35 %
49,86 %
5,45 %
22,35 %
Institutionnels
allemands
Lagardère
SCA
Désirade
SEPI
EADS
SOGEADE
E
DASA
SOGEPA
ÉTAT
M. Arnaud
Lagardère
État espagnol
Flottant
Daimler
DCLRH
Dedalus
100 %
66,6 %
33,3
%
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87
2 -
Les accords
De nombreux accords régissaient, fin 2012, les relations entre les
membres du concert de contrôle d’EADS, ainsi que les relations entre
l’État et Lagardère au sein de Sogeade.
De façon extrêmement simplifiée, ce concert d’actionnaires était
organisé, début décembre 2012, de la façon suivante.
Schéma n° 15 - pacte d’actionnaires - EADS
Source : Agence de participations de l’État (APE)
Sans entrer dans le détail complexe de chaque support juridique,
les divers pactes et accords qui organisent le concert d’actionnaires
contrôlant EADS fin 2012 contiennent notamment des dispositions
relatives :
-
à la composition du conseil d’administration d’EADS ;
-
aux restrictions affectant le transfert des actions EADS, ainsi
que les droits de préemption et de sortie conjointe de Daimler,
Sogeade, Sogepa et Lagardère ;
-
à des droits spécifiques de l’État français (notamment les
« reserved
» et les
« qualified voting matters »,
c’est-à-dire les
sujets devant obligatoirement être soumis à vote, voire être
entérinés à une majorité qualifiée, du conseil d’administration)
en ce qui concerne certaines décisions stratégiques relatives,
notamment, à l’activité missiles balistiques d’EADS ;
50,15 %
5,45 %
22,35 %
22,35 %
Pacte
Daimler/Dedalus
État
≈
15 %
Lagardère
≈
7,5 %
Daimler
≈
15 %
Dedalus
≈
7,5 %
État espagnol
5,45 %
Pacte
Sogepa/Desirade
Sepi
Pacte Sogepa
Sogeade
Daimler Sepi
EADS
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88
COUR DES COMPTES
-
à la restriction des droits de l’État français, notamment la
limitation de sa participation à 15 % du capital
51
, et
l’impossibilité pour l’État de nommer un fonctionnaire en
exercice au conseil d’administration d’EADS.
Sur ce dernier point, l’impossibilité de désigner un fonctionnaire
au conseil d’administration d’EADS a traduit la volonté des actionnaires
fondateurs, exprimée en premier lieu par Daimler et réaffirmée lors de la
réforme de la gouvernance de 2007 (accords dits «
Apple
»), de doter
cette société d’une gouvernance aussi proche que possible de celle d’une
société cotée sur plusieurs places européennes et au flottant important. En
particulier, Daimler voulait éviter que les administrateurs d’EADS
pussent
être
soumis
à
d’éventuelles
instructions
hiérarchiques
susceptibles d’être dictées prioritairement par des considérations
politiques, et non par l’intérêt social.
On peut cependant, a posteriori, regretter que ces conditions
n’aient pas été mieux subordonnées, lors des négociations initiales, à une
stabilité, au capital du nouveau groupe, des partenaires industriels privés
ayant exigé de telles conditions : or la suite des événements a
profondément modifié la situation, et les États français et allemand se
sont, de facto, très profondément impliqués dans la gouvernance du
groupe, contrairement à l’exigence initiale posée par Daimler.
3 -
L’impact du désengagement des partenaires industriels
Dans le cadre des accords «
Apple
» de 2007, rendus nécessaires
pour permettre à Daimler de céder à des investisseurs institutionnels, via
un véhicule de portage « Dedalus », 7,5 % du capital d’EADS porté par
DASA, un droit de préemption sur ces actions a été octroyé à l’État
allemand, qui n’était pas actionnaire d’EADS.
51
Cette clause limitatrice de la souveraineté française figure, paradoxalement, dans un
accord particulier de 1999 passé entre l’État français et l’industriel privé allemand
Daimler, ce qui témoigne de la force de l’intention politique qui a présidé à la volonté
initiale de placer le nouveau groupe sous le contrôle privé conjoint des groupes
Lagardère et Daimler.
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89
L’accord encadrait toutefois les droits de l’État allemand s’il venait
à user de cette faculté, en limitant notamment sa participation à 7,5 % du
capital d’EADS et en limitant ses droits dans la gouvernance de la
société, sur le modèle de Sogeade
52
.
A la suite de la volonté de Daimler d’abaisser de nouveau, avant
fin décembre 2012, sa participation au capital d’EADS, l’État allemand,
qui n’était toujours pas actionnaire d’EADS, avait indiqué dès le début de
l’année que, pour préserver l’équilibre franco-allemand au sein de la
société, il se porterait acquéreur, via la banque publique d’investissement
Kreditanstalt für Wierderaufbau (KfW), (i) avant fin 2012, de 7,5 % du
capital d’EADS auprès de Daimler et (ii),
avant fin 2013 et via l’exercice
du droit de préemption prévue par l’accord
« Apple »,
des actions
détenues par les investisseurs privés via Dedalus. Ainsi la participation
qu’il détiendrait via KfW atteindrait 12 % environ du capital d’EADS.
L’État allemand envisageait alors de reproduire, côté allemand, le
modèle d’organisation de Sogeade, où Daimler serait chargé de
représenter les intérêts allemands au sein des instances de gouvernance
d’EADS, et où l’État allemand disposerait, via KfW, de droits proches de
ceux attribués à l’État français dans le cadre des «
qualified voting
matters
» évoquées plus haut.
C - Des relations déséquilibrées entre l’État et le groupe
Lagardère
1 -
Les problèmes soulevés par la représentation des intérêts
publics au sein de Sogeade et d’EADS
a)
La présidence de Sogeade et d’EADS
Fin 2012, Sogeade était toujours détenue indirectement à 66 % par
l’État, et directement à 33 % par Lagardère SCA.
L’article 5.1 du pacte Sogeade comporte une clause selon laquelle
les administrateurs français de Sogeade au conseil d’EADS doivent être
« désignés par le conseil d’administration de [Sogeade] Gérance compte
tenu des propositions faites par ses administrateurs choisis parmi les
52
À la différence de Sogeade, les représentants de DASA, après l’entrée éventuelle de
l’État allemand à hauteur d’un maximum de 33,33 % de son capital, seraient désignés
à la majorité simple, c’est-à-dire exclusivement par Daimler (accord Apple, art.
2.3.(e)), et non pas conjointement par Daimler et l’État allemand.
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90
COUR DES COMPTES
porteurs d’actions y », c’est-à-dire représentant exclusivement le groupe
Lagardère
53
.
Divers éléments avaient conduit la Cour, lors de son premier
contrôle de Sogeade en 2009, à s’interroger, non sur la régularité
juridique, mais sur la légitimité du maintien de ce montage dans les
circonstances actuelles, du fait :
-
d’une part, du retrait partiel du groupe Lagardère du capital
d’EADS en 2006, et du maintien corrélatif de la participation
de l’État, à un moment où le groupe EADS allait, de l’avis
général, entrer dans une période de turbulences, et où
l’implication
effective
des
actionnaires
devenait
donc
primordiale ;
-
d'autre part, du fait que, pour diverses raisons, M. Lagardère
n’avait pas pu, ou pas voulu, être aussi présent aux réunions des
conseils de Sogeade et d’EADS que ne le laissait présager
l’importance des prérogatives dont il disposait au sein de ces
deux sociétés en tant que commandité de Lagardère SCA. Cette
situation risquait, vis-à-vis de l’opinion internationale et des
partenaires allemands, de nuire à l’image et à la crédibilité du
partenariat français au sein du capital d’un grand groupe
international.
Par ailleurs, paradoxalement, le 25 octobre 2007, les statuts de
Sogeade Gérance ont été modifiés dans un sens inverse à l’évolution des
participations de Sogeade SCA dans EADS : alors qu’auparavant, la
présidence de Sogeade Gérance était assurée par un représentant de l’État,
les nouvelles dispositions de l’article 11 des statuts réservaient désormais
cette fonction à un représentant de Lagardère.
L’obtention, par M. Arnaud Lagardère, à titre de commandité de
Lagardère SCA, de la présidence de Sogeade, a été présentée comme la
contrepartie de son acceptation des accords «
Apple »
de 2007.
Dans cette affaire, l’État-actionnaire avait fait preuve d’une
moins
grande capacité à protéger ses prérogatives d’actionnaire majoritaire de
Sogeade, en acceptant de donner un caractère irréversible à une clause qui
ne visait qu’à corriger une situation transitoire liée à la modification du
dispositif de gouvernance du groupe EADS.
53
Les statuts de Sogeade distinguent les porteurs d'actions EADS "x" (Sogepa) et "y"
(Lagardère).
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91
b)
La disproportion des engagements en capitaux
Les capitaux respectivement engagés par M. Arnaud Lagardère et
l’État français dans EADS étaient disproportionnés : l’État continuait à
supporter intégralement la participation publique de 15 %, alors que la
part du groupe Lagardère était encore, fin 2012, supportée à hauteur de
7,5 % par Désirade ; Désirade était détenue par Lagardère SCA, dont
M. Arnaud Lagardère ne détient que 9,62 % du capital, le principal
actionnaire étant la Qatar Investment Authority, qui contrôle 12,83 % du
capital.
Par équivalence, les capitaux propres de M. Arnaud Lagardère
n’étaient engagés, fin 2012, qu’à hauteur de 0,72 % dans EADS. En
outre, cet engagement était « porté », au 31 décembre 2011, par une
trésorerie nette du groupe Lagardère négative à hauteur de 1,27 Md€,
donc financée par l’emprunt.
De ce fait, si cette détention très partielle du capital de Sogeade
n’affecte en rien le contrôle de l’État français sur les 15 % qu’il a investis
dans EADS, le dispositif de portage des participations respectives de
l’État et du groupe Lagardère aboutit à donner, dans l’expression et la
représentation des intérêts d’actionnaire de l’État dans le groupe EADS,
une prééminence à Lagardère SCA, alors que M. Lagardère, le
commandité, ne détient indirectement que 0,72 % du capital d’EADS,
face à l’État, détenteur indirect de 15 % du capital.
2 -
Les perspectives du partenariat État-Lagardère
Le montage initialement accepté en 1999 s’est révélé foncièrement
fragile. Avant l’accord du 5 décembre 2012, le point de savoir si une
cession complète par Lagardère de sa participation dans EADS conduirait
à la dissolution de Sogeade faisait l’objet d’analyses divergentes entre
l’APE et le groupe Lagardère
54
.
54
Selon l’APE, une sortie complète de Lagardère aurait constitué un «
event of default
»
(un cas de défaillance) au sens de l’article 19 du
Participation Agreement
, ce qui aurait
laissé à Daimler un droit de préemption sur la totalité de la participation de Sogeade. Selon
le groupe Lagardère, une cession complète par Lagardère SCA de sa participation dans
EADS aurait seulement conduit l’État français à détenir la totalité du capital de Sogeade
[...] et non à sa dissolution. Dès lors, il ne s’agissait pas d’un
event of default
au sens de
l’article 19 du
Participation Agreement
, qui aurait continué à produire tous ses effets, et
Sogeade aurait conservé les droits qu’elle tenait de cet accord. Daimler n’aurait pas pu
préempter la participation de Sogeade : seul le pacte Sogeade, conclu entre Lagardère SCA
et l’État français aurait pris fin, conformément à son article 13.
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92
COUR DES COMPTES
En sens inverse, si Lagardère n’avait conservé qu’une participation
symbolique, et à condition de ne pas passer en dessous du seuil prévu
dans le pacte Sogeade, les droits que lui accordaient ses accords avec
l’État seraient devenus encore plus exorbitants au regard des capitaux
réellement engagés
55
.
Il convenait donc de régler, et cela dans un sens plus conforme à
l’engagement de l’État français au capital du groupe EADS, l’équilibre
des prérogatives respectives des deux parties, quelle que soit la décision
finale du groupe Lagardère de poursuivre ou non, son retrait du groupe
EADS.
Une solution d’attente avait été mise en place à l’occasion du
renouvellement du conseil d’administration d’EADS fin mai 2012 :
M. Jean-Claude Trichet avait été désigné simultanément, à cette occasion,
d’une part comme administrateur « choisi » par Sogeade par les
détenteurs d’actions « y » (c’est-à-dire, juridiquement, par le groupe
Lagardère) pour siéger au conseil d’EADS, et d’autre part par l’État,
comme président de Sogepa.
Certes, dans cette double position, M. Trichet se trouvait
naturellement tenu à ses obligations d’administrateur d’EADS, y compris
en termes de confidentialité des informations qu’il pourrait recevoir en
cette qualité, et par ailleurs, conformément au pacte d’actionnaires de
Sogeade, il ne pourrait lui être donné d’instructions par Sogeade, sauf
s’agissant des «
qualified voting matters
».
Néanmoins cette double nomination permettait d’assurer un lien
direct entre, d’une part, les conseils d’administration de Sogepa et de
Sogeade, et, d’autre part, celui d’EADS, ce qui permettrait à M. Trichet
de mieux éclairer ces deux instances sur les sujets figurant à leurs ordres
du jour et sur les sujets d’actualité pour EADS, et de mieux appréhender
les préoccupations de l’État.
55
La justification de la mise en place de ce dispositif était qu’il présentait un caractère
symétrique : la situation aurait en effet pu être inverse au profit de l’État, conservant
ses droits dans Sogeade même en abaissant très significativement sa participation, ce
qui était effectivement l’hypothèse dominante lors de la création d’EADS, le
participation agreement
faisant référence à une «
exit date
» (date de sortie) définie
comme étant la date à laquelle l’État français aurait intégralement cédé sa
participation dans EADS. Tout cela montre, rétrospectivement, que l’État a manqué
de clairvoyance en acceptant, sans en voir toutes les implications, des clauses très
habilement négociées par son partenaire privé, qui avait dès l’origine, et du vivant
même de M. Jean-Luc Lagardère, comme l’attestent les déclarations publiques
communiquées à la Cour par le groupe Lagardère, indiqué dès fin 1998 son intention
de se désengager d’EADS.
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93
3 -
Une sous-représentation de l’État devenue injustifiable au
sein d’EADS
A
la
dissymétrie
d’engagement
financier
entre
l’État
et
M. Lagardère évoquée ci-dessus s’ajoutaient les dispositions du pacte
d’actionnaires de Sogeade, qui, comme indiqué précédemment, donnent à
Lagardère SCA le pouvoir de proposer aux administrateurs de Sogeade,
statuant à la majorité simple, les représentants de cette dernière au conseil
d’administration d’EADS. L’État, via les quatre représentants dont il
dispose au conseil de Sogeade à travers Sogepa, ne pouvait, s’il le
souhaitait, que s’y opposer.
En revanche, l’État ne disposait pas, à travers Sogepa, de la
majorité simple. Par conséquent, si Lagardère SCA n’était pas en mesure,
juridiquement, d’imposer les administrateurs représentant Sogeade au
conseil d’EADS, elle était en revanche, en cas de désaccord avec l’État,
en mesure de bloquer la nomination des administrateurs d’EADS
56
.
Les administrateurs d’EADS représentant Sogeade, une fois
désignés d’un commun accord par Lagardère SCA et l’État français,
demeurent libres de leur vote (qu’ils doivent exercer exclusivement dans
le sens des intérêts de la société) et ne reçoivent pas d’instruction de vote,
sauf pour les sujets relevant des «
qualified voting matters
» (votes à
majorité qualifiée).
Le pouvoir d’actionnaire de l’État, comme Daimler l’avait exigé
pour rendre possible la création d’EADS, est donc, tant que ne sera pas
définitivement mis en place le dispositif négocié le 5 décembre 2012,
limité au sein de ce groupe bien en-deçà de ce qu’un actionnaire normal
pourrait attendre en contrepartie de son engagement au capital, alors
même que la participation de Daimler a, depuis lors, été fortement
réduite.
56
Face à cette situation juridique, le groupe Lagardère a indiqué à la Cour que « pour
éviter des situations de blocage, Lagardère SCA peut être amenée à proposer des
candidats dont elle sait qu’ils auront l’aval de l’État français. Il est notoire, par
exemple, que les nominations de M. Noël Forgeard en 2005, puis de M. Louis Gallois
en 2006, sont intervenues à la demande expresse de l’État. Ce fut plus récemment le
cas [...] de M. Jean-Claude Trichet ».
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94
COUR DES COMPTES
II
-
L’échec du projet de rapprochement EADS-
British Aerospace
Les réflexions sur les modifications à apporter au dispositif de
contrôle actionnarial d’EADS ont été momentanément interrompues, de
juillet à octobre 2012, par l’examen d’une proposition d’une fusion
EADS-British Aerospace.
A - Les contours généraux de l’opération proposée
Le projet préparé par les directions générales du groupe anglo-
américain
et
du
groupe
continental
européen
présentait
les
caractéristiques suivantes.
1 -
Constitution d’un champion mondial dans le domaine
aéronautique/défense
BAE est le n° 3 mondial des groupes industriels de défense
derrière Lockheed Martin et Boeing, avec un chiffre d’affaires 2011 de
24,2 Md€ dont 97 % dans le domaine de la défense, contre 49,1 Md€ pour
EADS, dont seulement 24 % dans le domaine de la défense.
BAE produit des avions de combat (Eurofighter, F35), des
armements
navals
(porte-avions
et
sous-marins),
des
armements
terrestres, de l’électronique (avionique) et des dispositifs de cyber-
sécurité, réalisant 45 % de son chiffre d’affaires aux États-Unis, et
seulement 15 % au Royaume-Uni
Un rapprochement EADS/BAE systems était a priori cohérent avec
la stratégie « vision 2000 », engagée depuis quelques années par EADS,
prévoyant un développement de la part des activités de défense et une
expansion commerciale vers les États-Unis : il permettait en effet de
constituer un groupe industriel d’aéronautique et de défense présent à
46 % dans la défense et à 54 % dans les activités civiles, employant
226 000 personnes dans le monde, et dépassant les groupes américains
Lockheed Martin et Boeing, le situant d’emblée en position de
leader
mondial dans son domaine.
2 -
Des avantages financiers immédiats incertains
Sur le plan industriel, les synergies, telles qu’estimées par EADS,
auraient été modestes, comprises entre 0,75 et 0,9 Md€, et concentrées sur
les avions de combat et l’électronique de défense (activités assurées au
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95
sein d’EADS par la filiale Cassidian). Compte tenu du faible niveau des
synergies attendues par les experts, le rapprochement envisagé relevait
donc plutôt d’une « logique de conglomérat » que d’une « logique
industrielle ».
Par ailleurs, certains soulignaient un risque de recul des ventes
de
BAE aux États-Unis (ou de sanctuarisation des activités américaines du
groupe BAE), la présence de l’État français au capital du nouvel
ensemble pouvant remettre en question le maintien du «
Special Security
Agreement
» (accord spécial de sécurité) dont bénéficie BAE auprès du
ministère de la défense américain.
Sur le plan strictement boursier, du côté des partenaires privés au
sein du pacte d’actionnaires EADS, et comme n’ont pas tardé à
l’exprimer publiquement les groupes Lagardère et Daimler, les parités
annoncées, quelles que soient les modalités pratiques du rapprochement
envisagé, constituaient une difficulté.
3 -
Des modalités pratiques nécessairement complexes
La création d’une société contrôlée à 60 % par EADS et à 40 % par
BAE Systems était a priori envisagée dans le communiqué commun
publié par les deux groupes, mais elle aurait nécessité la dissolution du
concert d’actionnaires EADS : il était envisagé que les actifs des deux
groupes soient transférés à une société codétenue par les actionnaires des
deux groupes ; ces derniers seraient restés cotés séparément mais auraient
été l’objet d’une seule gestion – mêmes organes sociaux, même comité
exécutif, vote conjoint aux assemblées générales (selon un mécanisme dit
de
l’« égalisation
politique »),
même
dividende
(« égalisation
économique »).
Ce mécanisme sophistiqué aurait permis de conserver les structures
juridiques des deux groupes, afin d’y maintenir les actifs stratégiques
nationaux respectifs des États concernés par le rapprochement.
B - Des difficultés concernant la souveraineté des trois
États concernés
Schématiquement, les principaux problèmes en matière de
souveraineté qui ont été portés à la connaissance du public
portaient sur
deux points.
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COUR DES COMPTES
1 -
Une fragilisation des protections existantes pour les
activités stratégiques nationales
Le montage proposé supposait la renonciation à l’action spécifique
britannique préexistante
57
, et, du côté franco-allemand, la dissolution du
concert d’actionnaires d’EADS, y compris de Sogeade (et donc la
disparition des
qualified voting
et
reserved matters
évoqués plus haut), en
échange d’actions de préférence statutaires accordées par l’assemblée
générale d’EADS permettant aux trois États concernés de s’opposer à une
modification des statuts sur certains points.
La convention de protection des activités nucléaires françaises
(dite « BMB ») semblait en revanche pouvoir être maintenue.
2 -
Des conflits d’intérêts latents sur la localisation des instances
dirigeantes du futur groupe
L’un des problèmes publiquement évoqués était la localisation,
entre le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne, des divers centres de
décision du groupe : les négociations ont été interrompues avant que ne
puisse être stabilisé un schéma consensuel, acceptable par les trois États
concernés.
C - Les raisons de l’échec
1 -
Les problèmes techniques étaient probablement surmontables
Les principales difficultés techniques rencontrées étaient liées
d’une part, à la parité envisagée, et d’autre part, aux dispositifs
spécifiques de protection des activités de défense nationale de nature à
satisfaire les États concernés (c’est-à-dire principalement, le Royaume-
Uni et la France, l’Allemagne n’ayant, de son côté, pas mis en place de
dispositifs équivalents dans EADS).
57
Les droits attachés à cette action spécifique permettent au gouvernement du
Royaume-Uni de limiter à 15 % les droits de vote des actionnaires étrangers, et
impliquent la désignation d’un
chief executive officer (CEO)
et de 50 % des membres
du conseil d’administration de citoyenneté britannique.
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Pour la France, il importait :
-
d’une part, de préserver le mécanisme des
qualified voting
matters
(ou un équivalent), voire d’obtenir un représentant au
conseil d’administration, le maintien de l’alternance franco-
allemande aux postes clés d’Airbus, voire de la nouvelle entité,
ainsi que le maintien du siège opérationnel à Toulouse ;
-
d’ajuster les parités, le cas échéant par le versement par EADS
d’un dividende exceptionnel
58
;
-
en ce qui concerne la convention BMB et le port de la part
française de l’important fabricant de missiles MBDA
59
par
EADS, divers dispositifs pouvaient être envisagés (notamment
l’apport des divers actifs stratégiques concernés dans une
holding de droit français).
Pour l’ensemble des trois États concernés, il fallait obtenir des
assurances sur :
-
la reconduction par les américains du
Special Security
Agreement
qui permet à BAE de produire des matériels
sensibles aux États-Unis ;
-
une protection anti OPA (probablement sur une base statutaire
plutôt qu’à travers des
golden shares
).
De leur côté, le Royaume-Uni et l’Allemagne avait leurs propres
intérêts nationaux de défense à protéger.
2 -
Les principaux actionnaires n’ont disposé que de peu de
temps pour prendre une décision
La confidentialité des contacts préparatoires était en toute
hypothèse nécessaire, s’agissant de groupes cotés en bourse : mais tant
pour le Royaume-Uni, détenteur d’une action de préférence dans BAE-
Systems, que pour la France, disposant de garanties
de souveraineté à
travers le dispositif des
qualified voting matters
et de la convention de
protection des activités nucléaires françaises dans EADS, et donc d’un
droit de veto vis-à-vis de ce type de projet, l’absence de toute information
préalable a sans doute fragilisé le projet mis au point par le management
des deux groupes.
58
Éventuellement versé à la partie française sous forme de titres de Dassault-
Aviation.
59
Les caractéristiques générales du groupe MBDA sont données en annexe (fiche
signalétique n° 8).
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COUR DES COMPTES
La « fuite » qui a eu lieu le 11 septembre 2012, obligeant les deux
groupes à confirmer et préciser leur projet dans un communiqué public
commun diffusé le 12 septembre, a contraint les actionnaires à apporter
une réponse à des questions multiples et complexes avant le 10 octobre
2012, du fait des contraintes de la réglementation boursière britannique.
3 -
L’incertitude sur les conséquences du rapprochement en
termes de localisation des activités a bloqué le projet
Du côté des partenaires publics, qu’ils soient britanniques (et
détenteurs d’une action de préférence dans BAE), français (à travers
Sogepa/Sogeade) ou allemands (les autorités fédérales allemandes ayant
été initiatrices, depuis le début du retrait de Daimler, du dispositif de
portage Dedalus rendant possible, à partir de 2006, l’entrée au capital
d’EADS d’investisseurs publics allemands), il est finalement apparu que
les problèmes de localisation des diverses activités des deux groupes
constituaient un enjeu majeur difficilement négociable en si peu de
temps : c’est, d’une façon assez logique, l’État dont les sites étaient les
plus directement menacés à moyen terme qui a dû assumer, aux yeux du
public européen, la responsabilité de l’échec
60
.
4 -
Les leçons de l’échec
A travers l’échec, la question posée est de savoir s’il est préférable
de laisser la restructuration d’importantes activités industrielles dans des
domaines stratégiques touchant à la défense obéir à une logique purement
privée, présentant certes l’avantage de contribuer à constituer de grands
« champions
industriels »
européens
d’échelle
mondiale,
mais
difficilement maîtrisables par les États en l’absence de dispositifs
européens de type
Exon-Florio
, ou bien s’il s’agit d’un domaine dans
lequel, en Europe, les intérêts nationaux ne peuvent, actuellement encore,
être protégés, à long terme, que par des dispositifs donnant aux États
concernés de réels moyens de contrôle.
Ce problème ne se pose pas pour les principales puissances non
européennes disposant d’industries stratégiques de premier plan (les
États-Unis, grâce à l’amendement
Exon-Florio
, mais également la Russie
ou la Chine, où le contrôle étatique est la règle) : si le projet initial de
fusion avait été mené à bien, dans un schéma au sein duquel les trois États
60
C’est-à-dire l’Allemagne, principalement avec le site de Manching (Cassidian) dont
l’avenir paraissait le plus directement menacé par une prise de contrôle de la branche
militaire par BAE.
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99
concernés n’auraient éventuellement disposé chacun que d’une action
spécifique («
golden share
»), le nouveau consortium civilo-militaire
aurait été, certes, le premier groupe mondial dans son domaine.
Cependant il aurait été également le seul groupe industriel de cette nature
au monde vis-à-vis duquel les contrôles étatiques auraient été affaiblis à
un tel degré, ce qui aurait pu constituer, sur le long terme, une fragilité de
l’Europe face au reste du monde
61
.
III
-
Le rééquilibrage actionnarial : l’accord du
5 décembre 2012
L’accord du 5 décembre 2012, validé par l’assemblée générale
extraordinaire du 27 mars 2013, vise à apporter une réponse à la plupart
des difficultés nées du montage initial.
A - Les contraintes
Dès lors que le rapprochement EADS/BAE était rejeté, les
partenaires des divers pactes (Sogepa, Lagardère SCA/Désirade, Sogeade,
SEPI, DASA/Dedalus) devaient renégocier leurs accords, afin de
répondre à trois contraintes :
-
le souhait de sortie des partenaires industriels (Lagardère et
Daimler) ;
-
le maintien de la parité France/Allemagne dans le contrôle
actionnarial d’EADS ;
-
le respect des contraintes du droit boursier hollandais.
61
Les actions spécifiques ne sont tolérées par la Commission européenne qu’à
condition que les pouvoirs qui leur sont attachés soient très strictement limités et
proportionnés aux impératifs de la protection des intérêts nationaux de défense
compris au sens étroit – le type de contrôle qu’elles offrent est de ce fait très limité
dans le cadre d’opérations de restructurations industrielles de grande ampleur,
auxquelles elles survivent rarement notamment dans le cas d’activités duales – cela a
été
notamment
le
cas
de
l’action
spécifique
que
détenait
l’État
dans
Aérospatiale/MHT, instaurée par décret du 15 février 1999, qui n’a tenu que quelques
mois, n’ayant pas survécu à la fusion avec DASA, étant transformée en action
ordinaire par décret du 8 juillet 2000. La plupart des «
golden shares
» mises en place
dans les sociétés britanniques au moment des privatisations ont connu un sort
analogue, l’action spécifique dans BAE (avec celle encore détenue dans Rolls Royce)
étant, de ce point de vue, une exception.
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COUR DES COMPTES
1 -
La sortie de Daimler et de Lagardère
Dès l’origine fin 1999, Daimler et Lagardère n’avaient pas caché
l’éventualité d’un désengagement du capital d’EADS, qu’ils jugeaient
désormais hors de leur coeur de métier.
Le désengagement s’est amorcé début 2006 :
-
les deux industriels cédaient sur le marché chacun 7,5 % du
capital ;
-
le pacte était réaménagé, en 2007, à la fois pour tenir compte de
la mise en place d’une structure de portage éphémère côté
allemand (Dedalus), destinée à maintenir la parité franco-
allemande, et pour remplacer le système de direction bicéphale
à tous les niveaux par un système classique équilibrant les
postes « français » et « allemands
62
».
2 -
Le maintien de la parité France/Allemagne dans le contrôle
actionnarial d’EADS
Quelles que soient les modalités pratiques envisagées, la partie
allemande exigeait, comme par le passé, le maintien d’une parité franco-
allemande au capital d’EADS, objectif depuis lors partagé par la France.
Mais le départ de Daimler impliquait une présence plus directe de l’État
allemand, à travers KfW.
3 -
Les contraintes du droit boursier hollandais
Dès lors que la substitution totale ou partielle de KfW à Daimler
entraînait, par construction, au sein du concert d’actionnaires français,
espagnol et allemand, un changement de l’un des partenaires, tout
nouveau concert ne pouvait regrouper des droits de vote représentant plus
de 30 % du total des droits de vote. En outre, EADS devant en
permanence acheter des titres pour couvrir les « stock-options » offertes à
ses cadres, il convenait de conserver une marge de manoeuvre, pour ne
pas franchir par inadvertance le seuil de déclenchement d’une OPA selon
62
Ce dispositif maintenait un certain nombre de dispositions, notamment des options
de rachat croisées entre les deux groupes industriels, qui ne pouvaient garantir le
maintien de la parité franco- allemande en cas de départ complet des deux industriels,
et ne permettait pas, sans avoir à proposer une OPA, une substitution de Daimler par
l’institutionnel
souhaité par le gouvernement allemand.
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101
le droit néerlandais. Il a été estimé qu’en se limitant à 28 % des droits de
vote, le futur pacte était à l’abri de ce risque.
Compte
tenu
des
contraintes
rappelées
ci-dessus,
les
gouvernements français, allemand et espagnol ont, dès le début de la
négociation finale fin octobre 2012, indiqué que l’objectif commun devait
être de déboucler la sortie de Daimler et de Lagardère et la montée de
KfW de façon à obtenir, en droits de vote relevant du futur concert
d’actionnaires, une structure octroyant 12 % des voix à la France, 12 % à
l’Allemagne et 4 % à l’Espagne.
B - Une mise en oeuvre en deux étapes
Cet objectif final a été validé par l’assemblée générale du 27 mars
2013 statuant à la majorité qualifiée des deux tiers (article 24 des statuts
d’EADS). Il fallait tenir compte du fait que Daimler voulait céder, dès
avant la fin 2012, la moitié de sa participation (soit 7,44 %). Cela
impliquait, simultanément, une première phase de montée au capital de
KfW dans le cadre du pacte préexistant. Cette phase devait précéder la
consultation de l’assemblée générale extraordinaire et la mise en oeuvre
d’un nouveau pacte.
1 -
Première étape : la sortie partielle de Daimler et la montée de
KfW
a)
Modalités
Dès la signature de l’accord du 5 décembre 2012 et de la
communication au marché de l’information le concernant, Daimler, ne
disposant plus d’une information privilégiée, pouvait céder sur le marché
7,44 % du capital d’EADS
63
.
Simultanément, KfW était autorisé à racheter tous les intérêts de la
structure de portage Dedalus, et à racheter 2,76 % sur les 7,44 % cédés
par Daimler : à l’issue de la première étape, Daimler conserverait 7,44 %
du capital, Dedalus disposerait toujours de 7,44 % des titres et
continuerait, dans le cadre des accords de 2006 inchangés, à laisser
Daimler exercer les droits de vote correspondants. KfW, hors concert,
détiendrait 2,76 % du capital.
63
La technique «
accelerated book building
» (ABB) permet d’effectuer une telle
opération sans perturber excessivement le marché.
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COUR DES COMPTES
b)
Clause dite de « lock-up »
La première étape déséquilibre la position relative des différents
partenaires du pacte, mais les accords prévoient, par une clause de
« lock-
up »
, que les autres partenaires s’abstiennent de céder des titres avant la
seconde étape.
2 -
Seconde étape : mise en place du pacte
Avant la fin du premier semestre 2013, le nouveau pacte
d’actionnaires, validé par l’assemblée générale extraordinaire du 27 mars
2013 se présentera comme suit :
Schéma n° 16 - EADS – Schéma du pacte d’actionnaires
décembre 2012
Source : Agence des participations de l’État (APE)
a)
Dispositions principales du pacte et des nouveaux statuts
Les dispositions prévoient un conseil d’administration de douze
membres (au lieu de onze dans le dispositif antérieur), dont plus de la
moitié doivent être européens.
Quatre membres font l’objet d’un agrément : deux doivent être
agréés par l’État français et deux par l’État allemand. Les dispositions
interdisant la désignation de fonctionnaires en exercice sont maintenues
pour les deux pays : les administrateurs agréés par les actionnaires publics
seront donc des personnalités ne dépendant pas fonctionnellement des
deux États. L’un des deux administrateurs agréés par l’État français
n’aurait cependant pas à avoir la qualité d’administrateur indépendant au
sens du droit néerlandais et pourrait ainsi être lié à l’État (président-
directeur général d’entreprise publique, etc.)
[
28 %
4 %
12 %
12 %
France
Allemagne
Espagne
SOGEPA
KfW
Sepi
Pacte
Sogepa/KfW/Sepi
EADS
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UNE ENTREPRISE SOUS CONTROLE PUBLIC PLURI-NATIONAL : EADS
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Les droits de veto sur les «
reserved
» et les «
qualified voting
matters
» du concert antérieur disparaissent. Ils sont remplacés par deux
listes de sujets :
-
la première concerne les sujets à soumettre obligatoirement au
conseil d’administration ;
-
la seconde concerne les sujets à soumettre au conseil
d’administration et devant nécessairement obtenir au moins huit
votes favorables sur douze.
En outre, l’État français est autorisé à acquérir une action
d’Astrium France, et une clause des statuts d’Astrium prévoira
l’unanimité à son assemblée générale pour toutes les questions
stratégiques de défense (correspondant à peu près au périmètre actuel de
la convention BMB). Ce dispositif est précisé par un accord spécial de
sécurité dont les modalités sont précisées plus loin.
Enfin, les statuts seront modifiés de façon à interdire à tout
actionnaire de détenir plus de 15 % des droits de vote d’EADS. Il s’agit
d’une clause anti-OPA classique
64
.
b)
Rachat de 15 % de titres par EADS
La même assemblée extraordinaire sera invitée à autoriser le rachat
par EADS d’un maximum de 15 % de ses titres, entraînant
mécaniquement une « relution » des titres non rachetés (c’est-à-dire une
augmentation proportionnelle de la part du capital qu’ils représentent).
C - Les accords complémentaires concernant la
protection des intérêts français de défense
Parallèlement à cet ensemble de dispositions, un accord spécial de
sécurité sera simultanément passé entre l’État et EADS. Cet accord doit
créer une sous-holding « chapeau » française détenant les actifs de
défense, au capital de laquelle l’État détiendra une action.
Un avenant précisera la convention BMB. Deux administrateurs
d’EADS, représentant les intérêts français de défense, seront agréés par
l’État.
64
On peut relever que ce nouveau dispositif de contrôle actionnarial d’EADS rappelle
celui de Safran (contrôle d’un bloc de près de 30 % de titres « publics » face au
flottant et clause statutaire anti-OPA). La seule différence, mais elle est de taille, est
que le bloc public de contrôle n’est pas français, mais tri-national.
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COUR DES COMPTES
Enfin, EADS cédera à l’État une action de Dassault-Aviation, et
l’État passera un pacte avec EADS prévoyant une consultation obligatoire
et un droit de préemption en cas de cession de titres Dassault-Aviation
par EADS.
______________________
CONCLUSION
_____________________
La régularité formelle des conditions dans lesquelles avait été
fixée et approuvée la parité Aérospatiale/Matra qui a abouti à la
privatisation
d’Aérospatiale
est
incontestable.
Pour
autant,
rétrospectivement,
l’appréciation sur l’intérêt patrimonial de l’État peut,
sur le fond, ne pas coïncider avec celle exprimée par la commission des
participations et transferts pour trois raisons :
-
grâce au cabinet Barbier Andersen, qui avait eu quelques mois
auparavant plein accès aux données internes d’Airbus, le
groupe Lagardère disposait de meilleures informations sur
Aérospatiale que la direction du Trésor n’en disposait sur
Matra ;
-
la
volonté
publiquement
annoncée
dès
le
début
des
négociations de parvenir à une parité permettant à Matra de
prendre le contrôle effectif d’Aérospatiale ne pouvait que
limiter les prétentions de la direction du Trésor en termes de
valorisation d’Aérospatiale ;
-
la limitation du mécanisme de garantie de cours, dont la
commission des participations et transferts (CPT) ignorait par
définition, lorsqu’elle avait formulé son avis, qu’il aboutirait à
se
heurter
au
plafonnement
négocié
(la
valeur
de
d’Aérospatiale-MHT dépassant largement les prévisions au
bout de deux ans), corrobore l’analyse rétrospective d’une
sous-évaluation d’Aérospatiale.
En ce qui concerne la négociation qui, quelques mois plus tard, a
conduit à la création du groupe EADS, deux points doivent être relevés :
-
si les conditions patrimoniales ont été défavorables pour l’État
lors de cette seconde négociation, comme l’estime la Cour, il
ne peut être contesté que cette parité affectait au même titre
Lagardère SCA ;
-
il est vraisemblable que la parité ainsi négociée était un
élément majeur d’une acceptation de la fusion par Daimler, et
plus généralement par le gouvernement allemand.
Dès 2006, l’inadaptation du dispositif actionnarial d’EADS était
patente, mais son remaniement, devenu indispensable avant fin 2012 pour
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105
permettre un nouveau désengagement de Daimler, nécessitait la
résolution de nombreuses difficultés :
-
il ne permettait pas d’assurer la pérennité du concert
d’actionnaires, en ne traitant pas la question de l’évolution à
moyen-long terme de l’actionnariat de la société, avec les
sorties anticipées à terme de Daimler et de Lagardère ;
-
le concert d’actionnaires, mis en place antérieurement à
l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi néerlandaise relative aux
OPA, était
le seul à pouvoir détenir plus de 30 % des droits de
vote et le contrôle de la société, et sa disparition éventuelle
conduisait à la perte de ce droit ;
-
ne permettant pas de traiter la sortie éventuelle du groupe
Lagardère, ce dispositif pouvait à terme remettre en cause
l’équilibre franco-allemand, en ne permettant pas à l’État
français de trouver un actionnaire de substitution ou
d’acquérir la participation de Lagardère, du fait de la
limitation de sa participation à 15 % du capital d’EADS.
L’échec du projet de fusion EADS-BAE conduit à se poser la
question de savoir si la présence d’États au capital de grands groupes
industriels européens de défense est souhaitable, alors même qu’elle peut
constituer un frein à des rapprochements internationaux par ailleurs
nécessaires.
De nombreux exemples récents, et pas seulement en Europe,
montrent que, même lorsqu’ils ne sont pas actionnaires, les États peuvent
être amenés à intervenir pour éviter la délocalisation ou la disparition
d’activités qu’ils jugent essentielles. Toutefois, ces interventions sont
souvent qualifiées d’« ingérences » par les actionnaires privés en place,
et leur portée pratique est en général contestée, sauf lorsque les États
concernés consentent à fournir les financements nécessaires à leur
maintien, se comportant finalement comme des actionnaires.
Dans le cas des principales industries de défense françaises, le
maintien de la présence de l’actionnaire public a permis jusqu’à
aujourd’hui d’éviter un tel dilemme.
S’il n’appartient pas à la Cour de se prononcer sur les mérites
respectifs des deux approches, en revanche, l’examen auquel elle a
procédé permet de mettre en évidence l’importance des enjeux des deux
branches extrêmes de cette alternative :
-
soit exercer pleinement les responsabilités de l’actionnaire,
avec la difficulté de réaliser des regroupements de taille
suffisante dans le seul cadre d’un pays européen ;
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COUR DES COMPTES
-
soit laisser le secteur privé procéder aux rapprochements
souhaités avec le risque de délocalisation d’activités jugées
stratégiques.
Contrairement aux accords initiaux, qui reposaient sur le principe,
voulu par le gouvernement allemand, d’un désengagement progressif des
actionnaires publics (et principalement de l’État français), un consensus
a pu être obtenu le 5 décembre 2012 sur la mise en place d’un concert
entièrement public d’actionnaires, disposant du contrôle des organes de
gouvernances d’EADS.
Vis-à-vis des actionnaires tiers, ce dispositif, sans disposer d’une
minorité de blocage, est protégé par une clause statutaire anti-OPA
(aucun actionnaire ne peut disposer de plus de 15 % du capital du
groupe).
Enfin, au sein même du concert public tripartite, si tout droit de
veto a été éliminé, les intérêts nationaux de défense font l’objet d’un
dispositif renforcé.
Les accords du 5 décembre 2012, validés par l’assemblée générale
extraordinaire du 27 mars 2013, semblent équilibrés et apportent une
réponse à la plupart des critiques émises depuis plusieurs années par la
Cour sur l’insuffisance des prérogatives de l’État, compte tenu de sa
position de premier actionnaire stable, face à ses partenaires privés
français et allemands.
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Conclusion générale
En prenant du recul, sur plusieurs décennies, on constate que
l’État, dans sa position d’actionnaire, a cherché à accompagner la
modernisation et l’adaptation des industries nationales de défense dans un
contexte mouvant.
Pour ce qui concerne la modernisation de l’outil industriel, figure
indiscutablement à son actif la transformation des anciens arsenaux et
monopoles d’État en entreprises commerciales dont la compétence est
reconnue, tant au niveau national qu’international, ainsi que le fait que
tous les groupes qu’il avait nationalisés ont, d’une manière générale,
connu un développement national et international remarquables.
Le maintien de l’industrie d’armement française à un très haut
niveau technologique dans la quasi-totalité des secteurs est également à
porter au crédit de l’État.
Au titre de l’adaptation à un contexte mouvant, on observe, sur le
très long terme, un mouvement de balancier.
De la fin de la seconde guerre mondiale au début des années 1980,
l’État a renforcé ou consolidé son contrôle actionnarial, pratiquement
sans discontinuer.
De la fin des années 1980, marquée par la fin de la guerre froide,
au début des années 2000, l’État a, au contraire, considéré que sa
présence au capital pouvait constituer un frein aux restructurations
rendues nécessaires par l’apparition de surcapacités industrielles en
France et en Europe. Pendant plusieurs années, l’État a considéré qu’il
devait
se
cantonner
à
gérer
au
mieux,
patrimonialement,
des
participations qui auraient vocation à être cédées au secteur privé à
l’occasion de restructurations, estimant les industriels privés plus aptes
que lui à défendre les intérêts de l’industrie de défense européenne face à
la nouvelle donne mondiale. La constitution du groupe EADS en 2000 a
sans doute marqué l’apogée de cette vision optimiste, selon laquelle la
logique industrielle privée et l’internationalisation au niveau européen ne
paraissaient présenter que des avantages et être une garantie de succès.
Il est rapidement apparu que le problème de la localisation des
compétences, des bassins d’emploi et des centres de décisions, avait été
sous-estimé : le groupe EADS a, d’une certaine façon, servi de laboratoire
permettant de mieux apprécier ce que pouvaient ou ne pouvaient pas
apporter des partenaires privés à un groupe industriel de défense,
notamment chargé d’assurer l’indépendance stratégique d’un État : les
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COUR DES COMPTES
difficultés rencontrées dans le partenariat avec les groupes Lagardère et
Daimler (EADS), ainsi que dans le partenariat avec le groupe Dassault
(impliquant Dassault-Aviation, THALES et GIAT Industries), ont conduit
l’État a adopter une démarche plus
pragmatique.
Dans ce vaste mouvement de balancier de plus d’un demi-siècle,
quatre tendances générales se dégagent aujourd’hui concernant l’action
de l’État actionnaire des principaux groupes industriels de défense
français :
-
l’État s’est mis en risque de perdre le contrôle de certaines
activités industrielles nationales d’armement ;
-
il s’est laissé diluer sans toujours obtenir en échange des
contreparties équivalentes ;
-
il n’est pas toujours parvenu à arbitrer entre des intérêts parfois
contradictoires ;
-
il est parfois incapable de faire appliquer ses décisions par les
responsables des entreprises qu’il contrôle.
L’État s’est mis en risque de perdre le contrôle d’activités qui
sont au coeur de la défense nationale :
-
dans
le
cas
d’EADS :
si
des
difficultés
financières
contraignaient le groupe Lagardère à se désengager, le risque
aurait été réel de le voir remplacé par d’autres partenaires, pas
nécessairement souhaités – les accords du 5 décembre 2012,
validés
par
une
assemblée
générale
extraordinaire
des
actionnaires d’EADS, élimineront ce risque ;
-
dans le cas de Safran : comme pour EADS, les activités de
défense ne représentent qu’une part très minoritaire du chiffre
d’affaires du groupe. En cas d’OPA hostile (malgré la mise en
place récente d’un dispositif statutaire visant à rendre
l’opération difficile), la question pourrait se poser de la valeur
des dérogations, pour des motifs de sécurité nationale, aux
règles de libre circulation des capitaux.
L’État a accepté de diluer son pouvoir sans obtenir de ses
partenaires de réelles contreparties.
Tout d’abord, en termes de niveau de présence au capital :
-
dans le cas de Dassault-Aviation : ayant acquis en 1981 une
participation de 45,76 % du capital assortie de droits de vote
double, qui en faisait une entreprise sous contrôle public, l’État
ne détient plus aujourd’hui qu’une participation indirecte (15 %
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CONCLUSION GENERALE
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d’EADS, qui détient 46,32 % de Dassault-Aviation), ce qui ne
lui confère aucun pouvoir actionnarial ;
-
dans le cas d’EADS : les valorisations peu favorables
d’Aérospatiale
lors
de
la
fusion
avec
Matra-Hautes
Technologies puis DASA, ont eu, dès le départ, pour effet de
limiter la part de capital détenue par l’État. En outre les accords
successifs, jusqu’à ceux du 5 décembre 2012, ne permettaient
même pas à l’État de disposer de droits à proportion de cette
participation ; même dans le cadre de l’accord du 5 décembre
2012, qui lui permet d’obtenir une représentation directe au
conseil d’administration, l’État sera contraint de neutraliser une
partie
de
sa
participation
(privée
des
droits
de
vote
correspondants).
-
dans le cas de DCNS : la participation de THALES au capital
de DCNS, conformément aux souhaits de l’État, est passée de
25 à 35 % du capital de DCNS, mais au même moment le
remplacement
d’Alcatel
par
Dassault-Aviation
est
venu
largement réduire les marges de manoeuvre de l’État-
actionnaire vis-à-vis de THALES ;
-
dans le cas de Safran : alors que les modalités de la
privatisation de SNECMA avaient été initialement conçues de
manière à assurer à terme à l’État des droits de vote largement
supérieurs à la minorité de blocage (près de 40 %), aujourd’hui,
avec 30,2 % du capital de Safran, l’État ne détient que 29,5 %
des droits de vote, n’atteignant même pas la minorité de
blocage.
En second lieu, dans l’exercice de ses droits à hauteur des
montants restant investis :
-
avec l’entrée de Dassault-Aviation dans THALES : non
seulement Dassault-Aviation, remplaçant Alcatel, partenaire
dormant au capital de THALES depuis 1998, s’est révélé
vouloir exercer la plénitude du rôle d’« opérateur industriel »,
exigeant le départ de certains dirigeants choisis par l’État, mais
dès qu’il en a eu la possibilité, il a acquis des droits de vote
double ;
-
avec la perte des droits de vote double dans Safran :
l’incapacité à remplir les conditions juridiques pour conserver
les droits de vote double escomptés dans Safran, a fait passer
l’État sous la minorité de blocage dans ce groupe ;
-
avec la mise en place d’un dispositif plaçant le commandité du
groupe Lagardère, qui n’a jamais caché sa volonté de se
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COUR DES COMPTES
désengager, à la présidence non exécutive d’EADS : même si
ce dispositif était une condition posée par Daimler pour rendre
possible la constitution du groupe EADS, alors que Daimler n’a
pas
non
plus
caché
sa
volonté
de
se
désengager
progressivement, on constate que l’engagement capitalistique
dans EADS de M. Lagardère est aujourd’hui inférieur à 1 % et
passe par des holdings qui détiennent optiquement 7,5 % du
capital, face aux 15 % détenus par la puissance publique qu’il
est supposé représenter.
L’État a du mal à arbitrer entre des intérêts parfois
contradictoires :
-
entre ses intérêts de client aussi fournisseur : actionnaire
soucieux de gagner de l’argent, il est souvent le principal client,
désireux
de
limiter
au
maximum
les
marges
de
ses
fournisseurs ;
-
entre ses intérêts à la fois patrimoniaux et stratégiques : lorsque
lui sont soumises, en sa qualité de principal actionnaire, de
grandes options stratégiques, l’État se montre à la fois un
capitaliste soucieux de ses intérêts patrimoniaux à travers
l’APE, et un défenseur de la base industrielle et technologique
de défense nationale à travers la DGA : si, sur le très long
terme, ces intérêts ne peuvent qu’être convergents, ils le sont
plus rarement à court terme, entraînant souvent des positions
contradictoires nuisant à l’intérêt général.
L’État est parfois incapable de faire appliquer ses décisions
par les responsables des entreprises qu’il contrôle, comme l’ont
montré ces dernières années, les difficultés rencontrées à l’occasion
des tentatives de restructuration suivantes :
-
dans les domaines de l’optronique et de l’avionique avec
l’échec du projet d’échanges d’actifs entre THALES et Safran
dans l’optronique et l’avionique ;
-
propulsion solide : durée très longue des regroupements dans le
secteur de la propulsion solide ;
-
au regard du respect de la réglementation avec le refus de
DCNS, bien que détenue à 66 % par l’État, de se conformer à la
réglementation
des
achats
publics,
qui
prévoit
la
communication aux enquêteurs de coûts de certaines données.
L’analyse sur
longue période met ainsi en évidence à la fois le
maintien, voire le développement, d’une industrie française de défense au
meilleur niveau mondial et les difficultés rencontrées à diverses reprises
par l’État dans l’exercice de sa fonction d’actionnaire. Récemment,
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CONCLUSION GENERALE
111
toutefois, en même temps que se déroulait la préparation du présent
rapport, plusieurs évolutions importantes, allant dans le sens des
préconisations de la Cour, sont intervenues.
La première est la réorganisation du capital du groupe EADS ainsi
que la renégociation du pacte d’actionnaires, avec le départ des
actionnaires les moins intéressés et la clarification de la gouvernance.
La deuxième est le droit de préemption obtenu par l’État à
l’occasion de cette réorganisation, qui lui permettrait, le cas échéant, de
reprendre directement le contrôle de la part du capital de Dassault-
Aviation actuellement détenue par EADS.
La troisième, enfin, concerne à la fois le développement de la
réflexion
stratégique
sur
le
secteur,
notamment
dans
le
cadre
d’élaboration du nouveau Livre blanc sur la défense et la sécurité
nationale, et sans doute le renforcement de la collaboration entre les
tutelles technique et financière.
La puissance publique ne peut en aucune façon se désintéresser de
l’avenir de l’industrie de défense. La mise en place d’un dispositif de type
Exon-Florio
, quelle qu’en soit la difficulté, devrait continuer à être
recherchée en liaison avec nos partenaires européens.
En tout état de cause, dans la mesure où l’État est un des
actionnaires principaux des entreprises concernées, la Cour estime qu’il
doit continuer d’améliorer les moyens d’exercer pleinement ses
prérogatives en mettant l’accent sur deux axes.
Le premier est la définition d’une stratégie de long terme dans
laquelle inscrire l’avenir de nos entreprises de défense.
Le second est la coordination renforcée entre ses propres services,
notamment la direction générale de l’armement (DGA) et l’agence des
participations de l’État (APE), afin qu’ils expriment la même position.
Les
recommandations
qui
suivent
s’inscrivent
dans
ces
perspectives.
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Recommandations
En conclusion, la Cour formule les recommandations suivantes :
1.
définir une doctrine en matière :
-
d’amélioration de la protection et du suivi des intérêts
stratégiques de l’État ;
-
de
restructurations
horizontales
(« franco-françaises »,
européennes, mondiales), dans lesquelles il convient de veiller
à la fois à la préservation des intérêts patrimoniaux (parités) et
stratégiques (localisation des activités) ;
-
de restructurations verticales, pour lesquelles les mêmes
intérêts doivent être préservés, mais qui peuvent en outre
comporter certaines limites commerciales, comme le montre le
rapprochement THALES/DCNS ;
2.
mettre en place un dispositif formel réunissant, sous l’autorité
du Premier ministre, à intervalles réguliers, l’Agence des
participations de l’État (APE) et la direction générale de
l’armement
(DGA)
pour
assurer
le
pilotage
conjoint
actuellement inexistant, des participations de l’État au capital
des groupes industriels de défense ;
3.
renforcer au sein de la direction générale de l’armement (DGA)
le suivi des participations dans les industries de défense ;
4.
dans ce cadre également, proposer une stratégie à long terme
sur les partenariats avec le groupe Dassault. Cela concerne
immédiatement THALES et DCNS, mais pourrait avoir des
prolongements concernant GIAT Industries, SNPE, voire
Safran ;
5.
éviter, sauf exceptions fortement motivées, des dispositions
ayant pour effet de limiter les droits d’actionnaire de l’État à un
niveau inférieur à celui qui résulte de sa participation au capital
(comme dans le cas d’EADS, et dans une moindre mesure, de
THALES).
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Annexes
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ANNEXES
117
Fiche signalétique n° 1 - Safran
Actionnariat actuel
État 30,2 % ; Public (flottant) 52 % ; salariés 17,4 % ; auto-détention 0,4 %.
Historique
Safran résulte de la fusion le 11 mai 2005 de SNECMA et de Sagem :
- SNECMA trouve ses origines dans la société des moteurs Gnome créée à
Gennevilliers en 1905 par Louis et Laurent Seguin, qui avait absorbé son concurrent,
la société Le Rhône, fondée en 1912 par Louis Verdet. « Gnome et Rhône » sera
nationalisée et prendra le nom de SNECMA en 1945.
- L’origine de Sagem remonte à la création par Marcel Môme en 1924 de la Société
d’Applications Générale d’Electricité et de Mécanique.
Secteurs d'activité et rang mondial ou européen
Propulsion aéronautique et spatiale (52,1 % du CA ; 37 % des effectifs), équipements
aéronautiques (26,4 % du CA ; 36 % des effectifs), défense (10,8 % du CA ; 11 % des
effectifs) et sécurité (10,7 % du CA ; 13 % des effectifs).
Le groupe compte parmi les leaders mondiaux sur la propulsion et les équipements
aéronautiques, en partie au travers de partenariats notamment avec General Electric
(États-Unis) sur la propulsion d’avions commerciaux (notamment moteur CFM 56 et
son successeur le Leap). Turboméca est leader mondial sur les turbomoteurs
d’hélicoptères. Safran est n° 2 mondial de la propulsion-fusée à propergol solide au
travers de sa filiale Herakles.
Principales filiales
- Propulsion : SNECMA, Turboméca, Herakles (SME et SPS fusionnés en avril 2012)
filiales à 100 %, et Techspace Aero filiale à 67,2 %.
- Equipements aéronautiques : Messier-Bugatti-Dowty, Labinal, Hispano-Suiza,
filiales à 100 %, de même qu’Aircelle (88,5 % en détention directe et 11,5 % au
travers d’Hispano-Suiza), Technofan 94,85 %.
- Défense et sécurité : Sagem Défense Sécurité (Défense) filiale à 100 %, détenant
elle-même Morpho (sécurité) à 100 %.
Produits phares actuels
- Moteurs civils de moyenne puissance (en coopération avec GE) : CFM56 et Leap.
- Moteurs civils de faible puissance : Silvercrest (aviation d’affaire) et SAM 146 (en
partenariat avec le Russe NPO Saturn).
- Présence sur moteurs de forte puissance principalement aux côtés de GE : GE 90,
GenX, CF6, GP7200.
- Moteurs militaires : M88 (Rafale), M53 (M2000), ATAR (Mirage III, IV, V, F1,
Super Etendard), Larzac et Adour (avions d’entraînement notamment), TP400
(A400M), Tyne (Transall et ATL2).
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118
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- Turbomoteurs pour hélicoptères : Arrius, Arriel, Makila, MTR 390 (Tigre), RTM
322 (NH90, EH101, Apache)
- Propulseurs à poudre pour accélérateurs Ariane 5 et P80 pour Vega, moteurs
cryogéniques Vulcain 2 et HM7 (Ariane 5), démonstrateur Vinci, propulseurs
satellites (moteur plasmique SPT 100 notamment).
- Propulsion missiles stratégiques M51, propulsion de missiles.
- Systèmes d’atterrissage, freinage, nacelles, inverseurs de poussée, distribution de
puissance, génération électrique.
- Drones tactiques Sperwer, système du fantassin FELIN, jumelle JIM LR,
optroniques hautes performances (viseur Strix du Tigre, optiques sur satellites
d’observation,…), navigation, autodirecteurs et guidage (AASM).
- Solutions de sécurité, détection substances dangereuses ou illicites, identification
biométrique, e-documents, documents d’identité sécurisés, cartes SIM, cartes
bancaires, etc.
Nombre d'employés (en France, à l'étranger) fin 2011
Effectifs : 59 800 dont 61 % en France.
Principales implantations en France et à l'étranger
Répartition géoSchéma des emplois du groupe : France 61 % (36 500 employés),
Amériques 19 % (11 400 employés), Europe hors France 11 % (6 600 employés),
Asie Océanie 5 % (3 000 employés), Afrique 4 % (2 400 employés).
Sites en France de plus de 1 000 employés :
- SNECMA : Corbeil, Villaroche, Gennevillers et Vernon
- SPS : Le Haillan
- Turboméca : Bordes et Tarnos
- Aircelle : Le Havre
- Messier-Bugatti-Dowty : Vélizy-Villacoublay
- Sagem : Massy et Montluçon.
Sites à l’étranger de plus de 500 employés :
Morpho Cards
Flintbek et Paderborn (501
employés ; Allemagne)
Techspace Aero
Herstal (1 176 employés ; Belgique),
Aircelle
Ltd
Burnley (645 employés ; Grande Bretagne),
Messier-Dowty
Gloucester (899
employés ; Grande-Bretagne),
Messier-Dowty
Toronto (548 employés ; Canada) ;
Labinal
Salisbury (856 employés ; États-Unis),
Labinal
Corinth (713 employés ;
États-Unis),
Morpho Trust
Billerica (1074 employés ; États-Unis),
Labinal
Chihuahua
(2 834 employés ; Mexique),
Morpho Cards
Taubate/Sao Paulo (633 employés ;
Brésil),
Smart Chip/Syscom Corporation
New Delhi (884 employés ; Inde).
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ANNEXES
119
Chiffre d'affaires
Groupe
2011 (réalisé)
2012 (prévu)
Chiffre d’affaires Total
11 736 M€
dont activités civiles
70 % (activités sécurité incluses)
dont activités défense
30 %
Chiffre d’affaires
FRANCE
25 %
Chiffre d’affaires hors
FRANCE
75 %
Résultat
Groupe
Résultat opérationnel
courant 2011 (réalisé)
2012 (prévu)
Résultat
1 189 M€
1 471 M€
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Fiche signalétique n° 2 – GIAT Industries
Actionnariat actuel
État 100 %
Historique
Création en 1764 de la manufacture d’armes de St Etienne, puis de Tulle en 1777, de
Toulouse en 1792. En 1971, regroupement des manufactures d’armes au sein du
Groupe Industriel des Armements Terrestres (toujours dans un cadre étatique). En
1990, création de la société GIAT Industries détenue par l’État.
Création en 2006 du groupe Nexter.
Secteurs d'activité et rang mondial ou européen
Armements terrestres : véhicules blindés, armes, munitions.
4
ème
position en Europe
Principales filiales
Nexter Munitions, Nexter Mechanics, Nexter Eletronics
Produits phares actuels
Caesar, VBCI, Aravis, Tourelles de moyen calibre
Nombre d'employés fin 2011
2 670 employés en France (quelques employés à l’étranger au travers de quelques
représentations de Nexter à l’étranger)
Principales implantations en France et à l'étranger
Principales implantations en France : Versailles, Roanne, Bourges. À noter également
les établissements de : La Chapelle-St-Ursin, Tulle, Toulouse, Rennes, Tarbes, Saint-
Etienne.
Pas d’implantation à l’étranger (hormis quelques représentations locales).
Chiffre d'affaires (100 % défense)
Groupe
2011 (réalisé)
2012 (prévu)
Chiffre d’affaires Total
851 M€
Chiffre d’affaires France
613 M€
Chiffre d’affaires hors France
238 M€
Résultat
Groupe
2011 (réalisé)
2012 (prévu)
Résultat
114
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121
Fiche signalétique n° 3 - SNPE
Actionnariat
État 100 %
Secteurs d'activité et rang mondial ou européen
Matériaux énergétiques (poudres, explosifs, nitrocellulose, etc.)
En Europe : 1ème position pour les explosifs, 2
ème
position pour les poudres
Principales filiales
Eurenco
Produits phares actuels
Chargements en explosifs composites à faible vulnérabilité, charges modulaires pour
artillerie de 155mm, molécules explosives peu sensibles.
Historique
En 1336, le roi Philippe VI de Valois rassemble l’ensemble des fabricants de poudres
sous l’autorité du royaume. En 1873 est créé le service des poudres et salpêtres sous
l’autorité du ministre de la guerre, et c’est en 1971 que la société SNPE est créée pour
rassembler l’ensemble des activités industrielles et commerciales de ce service.
En 2008 le PDG de SNPE a reçu pour mission, de mener à bien le projet de
consolidation de la filière française de propulsion solide en rapprochant les activités
correspondantes de SNPE avec celles de Safran (projet Herakles), et de mettre en
oeuvre les solutions optimales pour pérenniser les autres activités du groupe. Dans ce
cadre et après les cessions des filiales Isochem et Durlin en 2010, et surtout de SNPE
Matériaux Energétiques en 2011 à Safran, le périmètre opérationnel de SNPE se
limite aujourd’hui à sa filiale Eurenco.
Nombre d'employés (en France, à l'étranger) fin 2011
1 265 employés dont environ 450 à l’étranger
Principales implantations en France et à l'étranger
Principales implantations en France : les établissements de Sorgues, Bergerac et le
siège à Paris
Principales implantation à l’étranger : Karlskoga (Suède), Vihtavuori (Finlande).
Chiffre d'affaires
Groupe
2011 (réalisé)
2012 (prévu)
Chiffre d’affaires Total
313,8 M€
Dont activités civiles
(explosif civils)
13 M€
Chiffre d’affaires France
96,5 M€
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Chiffre d’affaires hors
France
217,3 M€
Résultat
Groupe
2011 (réalisé)
2012 (prévu)
Résultat
166 M€ *
* lié à des résultats exceptionnels de cessions de filiales.
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Fiche signalétique n° 4 - Dassault-Aviation
Actionnariat :
Dassault-Aviation est une société anonyme à conseil d’administration cotée à la
Bourse de Paris. Le groupe est contrôlé par la holding Groupe Industriel Marcel
Dassault (GIMD), qui possède 50,55 % des parts, EADS France en possède 46,32 %
et le Public 3,13 %. Les droits de vote sont identiques aux parts de capital. Il n’existe
pas de pacte d’actionnaires entre GIMD et EADS France.
Historique du groupe Dassault-Aviation :
L’origine du groupe remonte à 1928, année de création de la société Avions Marcel
Bloch. Le groupe ne sera baptisé Dassault-Aviation qu’à partir de 1990. L’entreprise
fut nationalisée au moment du front populaire puis elle est redevenue une entreprise
privée après la deuxième guerre mondiale.
Principales dates clés :
1928
: création de la société des Avions Marcel Bloch ;
1936
: nationalisation de la société Avions Marcel Bloch au sein de la SNCASO
(Société nationale des constructions aéronautiques du sud-ouest). À partir du bureau
d’études dont il conserve initialement la disposition, Marcel Bloch crée la Société
Anonyme des Avions Marcel Bloch (SAAMB), mais le bureau d’études sera
également
intégré quelques mois plus tard à la SNCASO ;
1947
: Marcel Bloch change son nom en Marcel Dassault
en hommage au nom de
code de résistance de son frère et sa société devient la Société des Avions Marcel
Dassault (SAMD) ;
1971
: SAMD fusionne avec Breguet Aviation et forme la société Avions Marcel
Dassault - Breguet Aviation (AMD-BA) ;
1977
: l’État acquiert 20 % des parts d’AMD-BA au travers de la SOGEPA (Société
de gestion de participations aéronautiques) ;
1981
: dans le contexte des projets de nationalisations, Dassault cède 26 % du capital
de AMD-BA à l’État ;
1986
: décès de Marcel Dassault et élection de Serge Dassault à la tête du groupe
AMD-BA ;
1990
: changement de dénomination sociale: AMD-BA devient « Dassault-
Aviation » ;
1998
: Dassault-Aviation sort du capital de Dassault Systèmes, transfert par l’État de
sa participation de 45,76 % dans Dassault Aviation à Aerospatiale. Un pacte
d’actionnaires est conclu entre les deux principaux actionnaires que sont Aerospatiale
Matra et le Groupe Dassault ;
2000
: suite au changement de contrôle d’Aerospatiale Matra résultant de la
constitution d’EADS, l’assemblée générale extraordinaire approuve la modification
des statuts de la société Dassault Aviation marquant la fin du pacte d’actionnaires ;
Charles Edelstenne succède à Serge Dassault à la présidence du groupe ;
2002
: après l’acquisition sur les marchés boursiers d’une quantité d’actions lui
permettant de détenir 50,01 % du capital, le Groupe Industriel Marcel Dassault prend
le contrôle de Dassault Aviation ;
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COUR DES COMPTES
2009
: acquisition des parts d’Alcatel-Lucent dans le groupe THALES, faisant de
Dassault Aviation l’actionnaire industriel de référence de THALES avec 26 % du
capital de celui-ci.
Secteurs d'activité et rang mondial ou européen :
Dassault-Aviation, groupe privé international, compte parmi les leaders mondiaux de
l’industrie aéronautique dans les secteurs de l’aviation d’affaire et de l’aviation de
combat. Dassault-Aviation se place au 60
ème
rang mondial des entreprises de défense
(en terme de chiffre d’affaires 2011), au 24
ème
rang mondial des entreprises du secteur
aérospatial et au 7
ème
rang mondial dans le domaine de l’aviation militaire.
Plus de 70 % de son chiffre d’affaires est réalisé dans le secteur de l’aéronautique
civile grâce à la vente d’avions d’affaires haut de gamme de type Falcon.
Actuellement, Dassault-Aviation occupe sur ce segment
29 % du marché, ses
principaux concurrents étant l’Américain Gulfstream Aerospace et le Canadien
Bombardier. Dassault-Aviation exporte ses avions civils dans plus de 70 pays. Le
groupe réalise majoritairement son activité civile en dehors de la France, en particulier
aux États-Unis qui comptent pratiquement les deux tiers de la flotte mondiale des
avions d’affaires.
Dans le secteur militaire, Dassault-Aviation conçoit et produit des avions de combat,
notamment le Rafale, ainsi que des avions de surveillance et de patrouille maritime
(Atlantique 2, Falcon Marine). Dassault-Aviation est également présent sur le secteur
des drones de combat (UCAV), d’une part avec le programme de démonstrateur
technologique nEUROn dont il assure la maîtrise d’oeuvre industrielle, d’autre part
avec le programme de démonstration FCAS DP (Future Combat Air System
Demonstration Programme), lancé en coopération avec le Royaume-Uni (notamment
BAE Systems).
Filiales et participations
Le groupe Dassault Aviation englobe la société mère et ses participations suivantes :
- périmètre consolidé au niveau groupe:
Dassault Falcon Service (filiale à 100 %), France
Sogitec Industries (filiale à 100 %), France
Dassault Falcon Jet (filiale à 100 %), États-Unis
Dassault Procurement Services (filiale à 100 %), États-Unis
THALES (participation de 26 %)
- Périmètre non consolidé :
Dassault Assurances Courtage (filiale à 100 %), France
Dassault International (filiale à 100 %), France
Dassault Réassurance (filiale à 100 %), France
SECBAT (participation de 36 %), France
Corse Composites Aéronautiques (participation de 25 %), France
Eurotradia International (participation de 16 %), France
Sofema (participation de 6,7 %), France
ODAS (participation de 6 %), France
Embraer (participation de 0,9 %), Brésil.
Produits phares actuels
Aviation civile
:
- en production :
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Falcon 900LX : Triréacteur, Mach 0,75, rayon d’action de 8890 km, 12 à 19
passagers ;
Falcon 2000LX : Biréacteur, Mach 0,8, rayon d’action de 7410 km, 8 à 14 passagers ;
Falcon 7X : Triréacteur, Mach 0,9, très long rayon d’action de 11 000km ; 12 à 19
passagers ;
- en développement :
Falcon 2000S ;
Falcon SMS.
Aviation militaire
:
- en production : Rafale
- en développement : démonstrateur d’UCAV (Unmanned Combat Air Vehicle)
nEUROn.
- en phase d’étude préliminaire: programme de démonstration FCAS DP (Future
Combat Air System Demonstration Program) en coopération avec BAE Systems.
- avions « anciens » : Mirage 2000, Alphajet, ATL2, Super Etendard Modernisé.
Nombre d'employés fin 2011
La société mère employait fin 2011 près de 11 500 personnes dont environ 8 000 en
France.
Principales implantations
Implantations en France :
Dassault-Aviation
(société mère)
- Argenteuil (assemblage et aménagement de fuselages avions militaires et civils,
pièces primaires, pièces mécaniques, tôlerie, tuyauteries et revêtements, pyrotechnie):
environ 1100 employés ;
- Argonay (production d’équipements par Dassault Equipements, bureau d'études
mécaniques servocommandes, fabrications mécaniques et électroniques commandes
de vol avions militaires et civils) : environ 500 employés ;
- Biarritz (fuselage central, empennage, composites, assemblage de tronçons et de
fuselage avions civils) : environ 1 000 employés ;
- Cazaux (essais d’emports et d’armements) & Istres (essais en vol, mise au point de
systèmes de navigation et d'armement) – Istres et Cazaux représentent globalement
environ 675 employés ;
- Martignas (assemblage de voilures militaires et civiles) : environ 475 employés ;
- Mérignac (assemblage final essais et réception des avions militaires et civils) :
environ 1175 employés,
- Poitiers (fabrication de pièces titane, pyrotechnie, formation super plastique,
verrières): environ 130 employés,
- Saint Cloud (direction, bureaux d’étude): environ 2 800 employés,
- Seclin (pièces de structures importantes, notamment voilures, tous avions): environ
270 employés
Dassault Falcon Service :
Le Bourget : maintenance, réaménagement, location de Falcon
Sogitec Industries :
Suresnes : simulation ; instruction et systèmes de
documentation
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Principales implantations des filiales à l’étranger : États-Unis
Dassault Falcon Jet :
- Teterboro (New Jersey) : coordination des activités mondiales de vente et de support
client ;
- Little Rock (Arkansas) : personnalisation des Falcon, centre de maintenance ;
- Wilmington (Dalaware) : services, modifications et maintenance aéronautique.
Aero Précision Inc :
Deerfield Beach (Floride) : réparation et maintenance des trains d’atterrissage et des
commandes de vol (pour les Falcon et ATR).
Dassault Procurement Services Inc
Paramus (New Jersey) : centrale d’achat d’équipements pour les Falcon.
Midway :
Teberboro (New Jersey) : révision et réparation d’équipements civils pour les
équipementiers français fournisseurs pour les Falcon ou autres avions.
Chiffre d'affaires
Groupe Dassault Aviation
2011 (réalisé)
2012 (prévu)
Chiffre d’affaires Total
3, 31 Md€
n.c.
dont activités civiles
73 %
dont activités défense
27 %
(22 % France et 5 %
Export)
Part exportations du
chiffre d’affaires global
74 %
Chiffre d’affaires France
0, 86 Md€
n.c.
dont activités civiles
17 %
dont activités défense
83 %
Chiffre d’affaires hors
France
2, 45 Md€
n.c.
dont activités civiles
93,2 %
dont activités défense
6,8 %
Résultat
Groupe Dassault Aviation
2011 (réalisé)
2012 (prévu)
Résultat net hors THALES
+
282 M€
n.c.
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ANNEXES
127
Fiche signalétique n° 5 – THALES
Actionnariat actuel
27 % État – 26 % Dassault Aviation – 47 % flottant
Historique
1893
Création de la Compagnie Française Thomson-Houston (CFTH) pour exploiter
en France les brevets de la société américaine Thomson-Houston Electric Corp., dans
le domaine de la production et du transport de l’électricité.
1918
Création de la Compagnie Générale de Télégraphie Sans Fil (CSF), pionnier des
transmissions hertziennes de l’électro-acoustique et du radar.
1968
Naissance de Thomson-CSF avec la fusion de la CSF et des activités
d’électronique professionnelle de Thomson-Brandt.
1982
Nationalisation.
1983
Cession des activités de télécommunications civiles à la Compagnie Générale
d’Électricité (devenue Alcatel-Lucent).
1987
Vente des activités d’imagerie médicale (CGR) à General Electric et création de
SGS-Thomson par fusion des activités de semi-conducteurs avec celles de l’italien
SGS (groupe IRI).
1989
Acquisition des activités d’électronique de défense du groupe Philips.
1997
Cession de la participation dans SGS-Thomson (devenue STMicroelectronics).
1998
Privatisation et apport d’actifs d’Alcatel et de Groupe Industriel Marcel Dassault
(GIMD), qui deviennent actionnaires. Création d’Alcatel Space, détenue par
Thomson-CSF (49 %) et par Alcatel (51 %) et regroupant les activités spatiales
d’Alcatel, d’Aerospatiale et de Thomson-CSF.
1999
Prise de contrôle de 100 % du capital de Sextant Avionique, co-entreprise entre
Thomson-CSF et Aerospatiale (devenue EADS) dans l’avionique.
2000
Acquisition de la société britannique Racal Electronics. Thomson-CSF se
renomme THALES. Création de la co-entreprise THALESRaytheonSystems avec
Raytheon dans le domaine de la défense aérienne.
2001
Cession de la participation dans Alcatel Space, dont le principal marché est alors
celui des satellites de communication civile.
2007
Acquisition des activités Transport & Sécurité et Espace d’Alcatel-Lucent et
cession à DCNS des activités navales de surface en France. Parallèlement, acquisition
de 25 % du capital de DCNS auprès de l’État français.
2009
Acquisition par Dassault Aviation des titres THALES détenus par Alcatel-
Lucent et GIMD. Dassault Aviation devient actionnaire de THALES à hauteur de
26 %.
2011
Montée au capital de DCNS à hauteur de 35 %.
Secteurs d'activité et rang mondial ou européen
Electronique de défense : équipements aéronautiques, systèmes de défense sol-air,
systèmes de missiles, systèmes spatiaux, systèmes C4I (
Command, Communications,
Control, Computers & Information
), systèmes liés à la sécurité, systèmes terrestres et
interarmées, etc.
Positionnement du groupe THALES :
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128
COUR DES COMPTES
Défense
:
- n° 1 européen "Electronique de défense"
- n° 11 mondial des entreprises de défense
Sécurité
:
- n° 1 mondial "Sécurisation des transactions interbancaires"
- n° 3 mondial "Systèmes de cryptologie hardware"
- n° 1 européen "Sécurité des systèmes d'information"
Espace
:
- n° 1 européen – n° 3 mondial "Satellites civils"
- n° 1 mondial "Charges utiles de télécommunication"
- n° 1 européen "Systèmes satellitaires de défense"
- n° 1 européen "Systèmes de navigation"
Aéronautique civile
:
- n° 1 mondial "Gestion du trafic aérien"
- n° 1 européen – n° 3 mondial "Avionique de vol"
- n° 2 mondial "Systèmes multimédia pour passagers"
Transport terrestre
:
- n° 2 mondial "Systèmes de signalisation ferroviaire"
Principales filiales
THALES Communications & Security, THALES Optronique, THALES Avionics,
THALES Alenia Space, THALES Systèmes Aéroportés, THALES Underwater Syste
ms, THALES-Raytheon Systems company, THALES Air Systems,
THALES Transport & Security, TDA Armements, THALES Training & Simulation,
THALES Nederland, THALES Services, THALES Angénieux, etc.
Produits phares actuels
Radar à antenne active RBE2 (Rafale) – radar 3D de défense aérienne Ground Master
400 – système de commandement et conduite des opérations de l'OTAN (ACCS) –
radio PR4G et radio logicielle Flexnet et Contact – équipements et systèmes
d'avioniques de vol (civils et militaires) dont le viseur/visuel de casque pour
hélicoptères Topowl – systèmes spatiaux de télécommunication (Syracuse),
d'observation de la Terre (Helios, CSO, Sentinel) et de navigation (Galileo) – nacelle
optronique aéroportée de désignation multifonction Damocles et nacelle de
reconnaissance Reco NG – missile sol-air moyenne portée terrestre SAMP-T –
système de drones tactiques Watchkeeper
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ANNEXES
129
Nombre d'employés (en France, à l'étranger) fin 2011
63 417 employés au niveau groupe à fin 2011 (actifs CDI et CDD au 31 décembre
2011 avec effectifs des joint-venture pondérés au taux de détention – hors apprentis et
alternance) dont 31 998 employés en France.
Principales implantations en France (villes) et à l'étranger (pays)
Principales
implantations en
France
:
Île-de-France
(Elancourt,
Colombes/
Gennevilliers, Vélizy, Neuilly-sur-Seine), Cannes, agglomération bordelaise (Pessac,
Le Haillan), Valence, Toulouse, Châtellerault, Brest, Laval, Cholet, Saint-Héand
Principales implantations à l’étranger : Royaume-Uni, Pays-Bas, Allemagne, États-
Unis, Canada, Australie, Chine, Inde, Singapour, Emirats Arabes Unis
Chiffre d'affaires
Groupe
2011 (réalisé)
2012
(prévu)
Chiffre d’affaires Total
13 028 M€
dont civil
43 %
dont militaire
57 %
Chiffre d’affaires origine France
47 %
Secteur Défense et Sécurité
Chiffre d’affaires Total
7 253 M€
dont
Division Opérations Aériennes (DAO)
1 156 M€
Division Systèmes de Mission (DMS)
2 130 M€
Division Défense Terrestre (DLD)
1 736 M€
Division Systèmes C4I (DSC)
3 117 M€
Chiffre d’affaires destination France
2 184 M€
Secteur Aérospatial & Transport
Chiffre d’affaires Total
5 682 M€
dont
Division Avionique (DAV)
2 903 M€
Division Systèmes de Transport (DTS)
1 519 M€
Division Espace (DSP)
1 557 M€
Chiffre d’affaires destination France
1 095 M€
Résultat
Groupe
2011 (réalisé)
2012 (prévu)
Résultat
566 M€
-
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130
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Fiche signalétique n° 6 - DCNS
Actionnariat
État (63,98 %), THALES (35 %), FCPE actions DCNS (1 %), autocontrôle (0,02 %)
Historique
Création en 1631des arsenaux de Rochefort et Toulon, puis de Ruelle en 1751, de
Nantes-Indret en 1771, de Lorient en 1778, de Cherbourg en 1813, etc. En 1852,
regroupement des différents établissements et rattachement à la marine. En 1900,
création de la Direction des Chantiers Navals (DCN). En 2000, DCN quitte la DGA et
devient en 2003 une société anonyme de droit privé. En 2007, constitution de DCNS
suite à la conclusion du projet « Convergence » avec THALES(détenant 25 % du
capital, porté à 35 % fin 2011).
Secteurs d'activité et rang mondial ou européen
Armements navals : frégates, porte-avions, sous-marins conventionnels, sous-marins
nucléaires d’attaque, sous-marins nucléaires lanceur d’engins, corvettes, torpilles, etc.
Produits phares actuels
Sous-marins Nucléaires d’Attaque Barracuda, Sous-marins Nucléaires Lanceurs
d’Engins Nouvelle Génération type Le Terrible, Frégates Horizon, FREgates Multi-
Missions (FREMM), Corvette Gowing, Bâtiment de Projection et de Commandement
de type Mistral (BPC), Sous-marins conventionnels Scorpène, Torpilles M90,
Torpilles BlackShark, Torpilles F21, etc.
Nombre d'employés fin 2011
12 657 (dont 12 352 en France)
Principales implantations en France et à l'étranger
France : Paris, Cherbourg, Lorient, Brest, Nantes, Ruelle, Toulon, Saint-Tropez.
Étranger : Singapour, Inde, Brésil, Malaisie.
Chiffre d'affaires
Groupe
2011 (réalisé) M€
2012 (prévu) M€
Chiffre d’affaires Total
2 624
dont activités civiles
3 %
dont activités défense
97 %
Chiffre d’affaires France
1784
dont activités civiles
4 %
dont activités défense
96 %
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ANNEXES
131
Chiffre d’affaires hors
France
840
dont activités civiles
dont activités défense
100 %
Résultat
Groupe
2011 (réalisé) M€
2012 (prévu) M€
1
Résultat net
179
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132
COUR DES COMPTES
Fiche signalétique n° 7 - EADS
Actionnariat
Au 30 juin 2012, l’actionnariat d’EADS NV était détenu d’une part à 49,87 % par les
actionnaires d’un Contractual Partnership comprenant :
- Sogeade (détenu à 66,67 % par l’État français et à 33,33 % par Lagardère) :
22,225 % (22,37 % des droits de vote) ;
- DASA (détenu à 66,67 % par Daimler et 33,33 % par Dedalus, un consortium
d’investisseurs publics et privés) : 22,225 % (Daimler exerce l’ensemble des droits de
vote représentant 22,37 %) ;
- SEPI (État espagnol) : 5,42 % (5,45 % des droits de vote).
Le flottant représentait 50,13 % dont public 49,49 % (49,75 % des droits de vote),
auto-détention 0,58 %, 0,06 % étant par ailleurs détenus directement par l’État
français.
Historique du groupe
EADS a été créé en juillet 2000 et résulte de la fusion des sociétés Aérospatiale Matra
(France), DASA (Allemagne) et CASA (Espagne). Aérospatiale Matra, issu du
rapprochement en juin 1999 de la société nationale Aérospatiale et du groupe privé
Matra Hautes Technologies, a apporté au groupe ses activités dans le domaine des
avions commerciaux (Airbus), des hélicoptères (Eurocopter), des systèmes spatiaux
(Arianespace et Astrium), des missiles et des télécommunications. DASA (Daimler
Chrysler Aerospace AG), issu du regroupement de Dornier, MBB, MTU et
Telefunken Systemtechnick en 1989, a apporté ses activités dans le domaine des
avions commerciaux (Airbus), des hélicoptères (Eurocopter), des avions de combat
militaire (Panavia, Eurofigther), des systèmes spatiaux (Arianespace et Astrium), des
missiles, des télécommunications, des systèmes électroniques de défense. La branche
motorisation MTU a été maintenue hors du périmètre d’EADS par Daimler. CASA
(Construcciones Aeronauticas SA), sous contrôle de l’État espagnol, a apporté ses
activités dans le domaine des avions commerciaux, des avions de combat militaire
(Eurofighter), des avions de transport militaire et de l’espace.
Fondé en tant que consortium de plusieurs fabricants européens à la fin des années
1960, Airbus Industrie est devenue une société par actions simplifiées en 2001,
possédée à 80 % par EADS et à 20 % par BAE Systems. En 2006, BAE a vendu ses
parts à EADS. Airbus Military est depuis 2009 une filiale d’Airbus en charge des
programmes d’avions de transport militaire du groupe EADS. En 2003, la division
Défense & Sécurité est née de la volonté de regrouper au sein d’une seule division les
systèmes de défense et de communication, l’électronique de défense, les systèmes
aériens militaires et les systèmes de missiles. Cette division a été rebaptisée Cassidian
en 2009. À partir de 2000, EADS Astrium devient la principale société de conception
et de fabrication de satellites en Europe. En janvier 2003, EADS rachète la
participation de BAE Systems dans EADS Astrium et devient l'actionnaire unique.
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ANNEXES
133
En 2006, EADS fusionne les deux sociétés EADS Astrium et EADS Space
Transportation. Sous la dénomination ASTRIUM, la nouvelle filiale d’EADS
regroupe désormais la totalité des activités spatiales, des satellites au transport spatial
et services associés. Eurocopter s’est constitué en 1992 autour des divisions
hélicoptères d’Aérospatiale et de MBB. Eurocopter devient une société par actions
simplifiées à actionnaire unique à la création d’EADS en 2001.
Secteurs d'activité et rang mondial ou européen
Avec un chiffre d’affaires de 49,1 Md€ en 2011, en augmentation de 7 % par rapport
à 2010,
EADS est le premier groupe
aéronautique, spatial et de défense en Europe
(n° 2 mondial derrière Boeing).
EADS comporte
4 grandes divisions :
- Airbus
(51 % des effectifs ; CA 2011 : 33,1 Md€ soit 67 % du CA EADS). Avions
commerciaux et avions de transport militaire. Airbus et Boeing se répartissent le
marché des avions commerciaux de plus de 100 places. Airbus Military est leader
mondial du marché des avions de transport militaire de petite et moyenne capacités.
- Cassidian
(17,4 % des effectifs ; CA 2011 : 5,8 Md€ soit 11,8 % du CA EADS).
Cassidian compte parmi les leaders mondiaux dans le domaine des avions de combats,
les communications, l’électronique de défense, les drones, les missiles (au travers de
sa participation dans MBDA), la protection et la surveillance, la sécurité informatique.
- Eurocopter
(13,7 % des effectifs ; CA 2011 : 5,4 Md€ soit 11 % du CA EADS).
Hélicoptères civils et militaires. Eurocopter est leader mondial sur le marché des
hélicoptères civils et troisième mondial sur le segment des hélicoptères militaires.
- Astrium
(12,6 % des effectifs ; CA 2011 : 4,96 Md€ soit 10,8 % du CA EADS).
Satellites, lanceurs, systèmes orbitaux, missiles balistiques, services spatiaux. Astium
est le troisième fabricant mondial de systèmes spatiaux, derrière Boeing et Lockheed
Martin et le premier européen. Astrium est le leader mondial du secteur des lanceurs
commerciaux avec environ 50 % de parts du marché. Astrium est l’un des deux
grands maîtres d’oeuvre européens du domaine des satellites.
En 2011, EADS a réalisé environ 76 % de son chiffre d’affaires dans le domaine civil
et 24 % dans le secteur de la défense. Les activités Défense englobent quasiment la
totalité des activités de Cassidian, la moitié environ de celles d’Eurocopter, un tiers de
celles d’Astrium et 7 % d’Airbus. EADS est aujourd’hui positionné au
7
ème
rang
mondial des industriels de l’armement. EADS est le premier fournisseur du ministère
français de la Défense.
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Principales filiales
-
Airbus
(détenue à 100 %) : les chaînes d'assemblage des avions commerciaux se
trouvent à Toulouse (France), Hambourg (Allemagne), Séville (Espagne) et Tianjin
(Chine). Airbus Military est la filiale d’Airbus en charge des programmes d’avions de
transport militaire du groupe EADS. Airbus Military commercialise également des
avions de missions, dérivés de plates-formes existantes d’avions commerciaux et
dédiés à des fonctions militaires et de sécurité spécifiques comme le ravitaillement en
vol, la surveillance maritime ou la guerre anti-sous-marine.
-
Cassidian
(détenue à 100 %) est leader en intégration de systèmes pour la Défense
et la Sécurité notamment dans trois segments: systèmes d’informations opérationnels
(sécurité des frontières, protection des infrastructures critiques, gestion des situations
d’urgence et de crise, systèmes de commandement, systèmes de renseignement et de
surveillance),
systèmes de communications (solutions de radiocommunications
sécurisées, cybersécurité, réseaux de communication d’infrastructures, systèmes de
télécommunications,…), systèmes aériens (avions de combats, systèmes de drones,
avions de missions,
systèmes de missions légers, avionique, solutions pour la
surveillance aérienne et l’identification, maintenance aéronautique, moyens de tests et
services associés).
- Eurocopter
(détenue à 100 %) : conception et production d’hélicoptères civils et
militaires au profit de clients répartis dans le monde entier. Eurocopter réalise
également des modifications et rénovations d’hélicoptères. Les services sont devenus
un axe de croissance stratégique de cette filiale.
- Astrium
(détenue à 100 %) est organisée en trois unités opérationnelles : Astrium
Satellites, Astrium Space Transportation et Astrium Services. Astrium Satellites
conçoit, développe et produit des satellites de télécommunications et d’observation de
la Terre civils et militaires, ainsi que des satellites scientifiques et de navigation.
Astrium Space Transportation conçoit, développe et produit des lanceurs spatiaux
(civils et militaires) et des systèmes de missiles balistiques. Astrium Services fournit
des services satellitaires de télécommunications et d’observation de la Terre
.
Les autres principales filiales et participations du groupe sont :
- EFW (filiale EADS à 100 % ; siège situé à Dresde (DE)) : conversion d’avions civils
à large fuselage
en avions cargo
- Aerolia (filiale EADS à 100 %; siège situé à Toulouse (FR)) : aérostructures et sous-
ensembles de pointes avant d’avions
- Prenium Aerotech GmbH (filiale EADS à 100 % ; siège situé à Ausbourg (DE)) :
aérostructures et outils de production destinés aux chaînes d’assemblages
- Infoterra Ltd (filiale ASTRIUM à 100 % ; siège situé à Leicester (UK)) : géo-
informations et imagerie satellite
- Paradigm Secure Communications (filiale ASTRIUM à 100 % ; siège situé à
Stevenage (UK)) ; services de communications sécurisées
- Crisa (filiale ASTRIUM à 100 % ; siège situé à Madrid (ES)) : conception et la
fabrication d’équipements électroniques et logiciels pour applications spatiales
- EADS Sogerma (filiale EADS à 100 % ; siège situé à Mérignac) : aérostructures,
aménagement cabine, sièges cockpit
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- United Monolithic Semiconductors (filiale commune d’EADS (50 %) et THALES ;
siège situé à Orsay (FR)) : semi conducteurs Radio Fréquences
- Daher-Socata (filiale commune EADS (30 %) et Daher ; siège situé à Louey (FR)) ;
constructeur et équipementier aéronautique
- Spot Image (filiale Astrium à 99 % ; siège situé à Toulouse) : imagerie satellitaire
- GIE ATR (filiale EADS (50 %) et Alenia Aermarcchi, siège situé à Blagnac (FR)) :
avions de transport régional
- Eurofighter GmbH (EADS (46 %), BAE Systems et Aliena Aeronautica):
consortium européen (Royaume-Uni, Allemagne, Italie, Espagne) afin de produire
l'avion de chasse Eurofighter
Typhoon
- EADS exerce une activité dans le domaine de la sûreté et de la sécurité maritime par
l’intermédiaire de sa filiale SIGNALIS et dans les systèmes de surveillance côtière à
travers ATLAS Elektronik (coentreprise avec Thyssenkrupp) dont le
siège est situé à
Brème (DE))
- MBDA (filiale EADS (37,5 %), BAE Systems et Finmeccanica; siège situé à Velizy
(FR)) : leader européen des missiles et des systèmes de missiles
- EADS détient en outre 46 % de Dassault Aviation : avions militaires et avions
d’affaires.
Produits phares actuels
Avions commerciaux :
- Airbus Commercial: courts et moyens courriers : famille A320 (A318, A319, A320
et A30NEO en cours de développement, A321) ; longs courriers : famille A330
(A330-200, A330-300), gros porteurs : A350XWB en cours de développement, A380
- Avions de transport régionaux : ATR42, ATR72.
Avions de transport militaires et avions de missions :
Airbus Military
: avions de petites et moyennes capacités C212, CN235, C295, avion
de transport tactique lourd A400M en cours de développement, ravitailleur A330-
MRTT.
Avions légers et d’affaires :
Daher - Socata : TBM 700, TBM850.
Avions de Combat :
Cassidian : Eurofighter Typhoon.
Hélicoptères civils :
Eurocopter : hélicoptères légers : EC120 Colibri, famille Ecureuil (EC130, AS350,
AS355), EC135, EC145 ; hélicoptères moyens : famille Dauphin (AS365, EC155),
EC175 ; hélicoptères lourds : famille Super Puma (AS332, EC225)
Hélicoptères militaires :
Eurocopter : hélicoptères légers : famille Fennec (AS 550;AS 555), EC635, EC645;
hélicoptères moyens : AS565 Panther; hélicoptères lourds : famille Cougar (EC725;
AS532), NH90 (transport tactique TTH et lutte anti navire et anti sous marine NFH),
hélicoptère de combat TIGRE.
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Drones :
-Cassidian : drone tactique à longue portée Atlante développé pour l’Espagne; Drone
de Renseignement Au Contact (DRAC) commercialisé sous le nom de Tracker
développé pour la France ; Système Intérimaire de drone Moyenne Altitude Longue
Endurance Harfang développé pour la France ; drone de surveillance Haute Altitude
Longue Endurance
EuroHawk développé pour l’Allemagne ; démonstrateur de drone
de combat Barracuda fruit d’une coopération germano-espagnole.
Systèmes spatiaux et missiles balistiques :
- Lanceurs spatiaux : lanceur Ariane 5 ;
- Missiles balistiques pour la dissuasion française : M51 ;
- Infrastructures orbitales : le Columbus Orbital Facility et l’Automated Transfer
Vehicle de la station
spatiale internationale ;
- Satellites de télécommunications : militaires (Skynet 5 pour l’armée britannique,
Satcom Bw pour l’armée allemande) et civils (Astra 1N, Arabsat 5C, Ka Sat pour
Eutelsat) ;
- Satellites d’observation : systèmes d’observation optique Helios 1, Helios 2, SPOT
5, Pléiades, Musis, Astroterra (SPOT 6-7) ; systèmes d’observation radar TerraSAR-
X, TanDEM-X ;
- Satellites scientifiques : GIAI.
Electronique de défense et de sécurité :
- Réseaux et équipements de radiocommunications sécurisées et multiservices
basés
sur la norme européenne TETRA à l’usage des forces de sécurité (police, pompier) et
de défense ;
- Famille de radar de surveillance SPEXER capables de détecter des cibles mobiles de
petite taille. Le dernier de la gamme, le SPEXER 2000 Coastal,
est destiné à
la
surveillance de zones côtières et d’infrastructures maritimes.
Nombre d'employés fin 2011
Effectifs 133 115 dont 48 394 emplois en France (1
er
pays du groupe EADS en terme
d’emplois).
Principales implantations en France et à l'étranger
Principales implantations en France :
- Midi-Pyrénées : Airbus (20 000 employés) et Astrium (2 700) à Toulouse ;
- Ile de France: Astrium (2 700 employés) notamment aux Mureaux et à Elancourt;
Cassidian (2000 employés) à Elancourt ; Eurocopter (1000 employés) à la
Courneuve ; MBDA (2600 employés) au Plessis-Robinson ;
- Provence Alpes Côte d’Azur : Eurocopter (7900 employés) à Marignane ;
- Pays de Loire : Airbus (3900 employés) à Nantes et Saint-Nazaire ;
- Picardie: Aerolia (1400 employés) à Meaulte ;
- Aquitaine: Astrium (1250 employés) à Saint Médard en Jalles ;
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- Centre : MBDA (1400 employés) à Bourges ;
- Poitou Charente : Sogerma (750 employés) à Rochefort.
Principales implantations à l’étranger (effectifs fin 2011) : Allemagne (47 051
employés) ; Espagne (10 701 employés) ; Royaume-Uni (13 467 employés) ; États-
Unis (2 829 employés) ; Italie (480 employés) ; reste du monde (10 193 employés).
Chiffres d'affaires
Groupe EADS
2011 (réalisé)
2012 (prévu)
Chiffre d’affaires Total
49,1 Md€
n.c.
dont activités civiles
76,4 %
dont activités défense
23,6 %
Chiffre d’affaires France
19,2 Md€
n.c.
dont activités civiles
74 %
dont activités défense
26 %
Chiffre d’affaires hors
France
29,9 Md€
n.c.
AIRBUS
2011 (réalisé)
2012 (prévu)
Chiffre d’affaires Total
33, 1 Md€
(67, 1 % du CA EADS)
n.c.
dont activités civiles
92,5 %
dont activités défense
7,5 %
ASTRIUM
2011 (réalisé)
2012 (prévu)
Chiffre d’affaires Total
4,9 Md€
(10,1 % du CA EADS)
n.c.
dont activités civiles
66 %
dont activités défense
34 %
CASSIDIAN
2011 (réalisé)
2012 (prévu)
Chiffre d’affaires Total
5,8 Md€
(11,8 % du CA EADS)
n.c.
dont activités civiles
8 %
dont activités défense
92 %
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EUROCOPTER
2011 (réalisé)
2012 (prévu)
Chiffre d’affaires Total
5,4 Md€
(11 % du CA EADS)
n.c.
dont activités civiles
53 %
dont activités défense
47 %
Autres affaires
2011 (réalisé)
2012 (prévu)
Chiffre d’affaires Total
1,2 Md€
n.c.
dont activités civiles
64 %
dont activités défense
36 %
Résultat
Groupe EADS
2011 (réalisé)
2012 (prévu)
Résultat net
+ 1 033 M€
n.c.
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Fiche signalétique n° 8 - MBDA
Actionnariat actuel
MBDA est une filiale commune d'EADS (37,5 %), BAE Systems (37,5 %) et
Finmeccanica (25 %).
Historique du groupe
MBDA est né en 2001 de la fusion des entreprises Aerospatiale Matra Missiles, Matra
BAE Dynamics, et Alenia Marconi Systems (devenues respectivement MBDA
France, MBDA Royaume-Uni et MBDA Italie).
En 2006, LFK GmbH rejoint le groupe MBDA, et prend, en 2012, le nom de MBDA
Germany.
Secteurs d'activité et rang mondial ou européen :
MBDA est le leader européen des missiles et des systèmes de missiles.
Son chiffre d’affaires 2011 est de 3 Md€, ce qui en fait le deuxième groupe mondial
dans l’industrie des missiles derrière Raytheon (4,2 Md€) et devant Lockheed Martin
(2,3 Md€) et Rafael Advanced Defense Systems (500 M€).
Principales filiales
- MBDA France, MBDA Royaume-Uni, MBDA Italie, MBDA Allemagne : filiales à
100 %
- Propulsion : Roxel (50 % MBDA et 50 % Heraklès), Bayern-Chemie (filiale à
100 %)
- Charge militaire : TDW (filiale à 100 %)
- Composants électroniques : Matra Electronique (filiale à 100 %)
Produits phares actuels
Missiles air-air :
ASRAAM (autoprotection, autoguidage infrarouge)
MICA (interception, combat et autoprotection, autoguidage infra rouge ou
électromagnétique)
METEOR (interception moyenne et longue portée, autoguidage électromagnétique)
Missiles surface-air :
Mistral (très courte portée, autoguidage infrarouge)
MICA-VL (courte portée, autoguidage infra rouge ou électromagnétique)
ASTER 15 (courte et moyenne, autoguidage électromagnétique)
ASTER 30 (moyenne et longue portée, autoguidage électromagnétique)
Missiles air-sol :
Brimstone
Trigat (PARS 3 LR)
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Missiles anti-char :
Milan
ERYX
Missiles anti-navires :
Exocet (AM39, SM39, MM40 Block III)
Marte MK2
Missiles de croisière :
Scalp / Storm Shadow
Missile de Croisière Naval
ASMPA
Nombre d'employés (en France, à l'étranger) fin 2011
MBDA emploie 9 750 personnes dont 4 500 en France.
Principales implantations en France et à l'étranger
Principales implantations en France :
Région Ile de France : Plessis-Robinson (siège, bureaux d’étude, 2540 personnes) ;
Région Centre : Selle-Saint-Denis (production, intégration et recherche, 240
personnes) et Bourges (production et intégration, 1320 personnes) ;
Région Picardie : Lacroix-Saint-Ouen (Matra Electronique, 380 personnes).
Principales implantations à l’étranger :
Royaume-Uni (2630 employés) : Stevenage, Bristol, Lostock
Italie (1300) : Fusaro, La Spezia, Rome
Allemagne (1250 employés) : Schrobenhausen, Aschau, Ulm
États-Unis (70 employés) : Huntsville, Westlake Village, Washington.
Chiffre d'affaires
Groupe MBDA
2011 (réalisé)
2012 (prévu)
Chiffre d’affaires
TOTAL
3 Md€
n.c.
dont activités civiles
/
dont activités défense
100 %
Chiffre d’affaires
FRANCE
1, 62 Md€
n.c.
dont activités civiles
/
dont activités défense
100 %
Chiffre d’affaires hors
FRANCE
1, 38 Md€
n.c.
Résultat
MBDA annonce une marge opérationnelle supérieure à 10 % pour 2011
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Glossaire
AMF : Autorité des marchés financiers
APE : Agence des participations de l’État
BAE : British Aerospace
BITD : Base industrielle et technologique de défense
CIEEMG : Commission interministérielle pour l’étude des exportations de
matériels de guerre
CPT : Commission des participations et transferts
DASA : Deutsche Aerospace AG
DCNS : Direction des constructions navales et systèmes
DGA : Direction générale de l’armement (ex délégation générale pour
l’armement)
EADS : European Aeronautic Defence and Space company
FCPE : Fonds commun de placement d’entreprise
GIAT : Groupement Industriel des Armements Terrestres
GIMD : Groupement Industriel Marcel Dassault
KFW :
Kreditanstalt
für Wiederaufbau
LMBO : Leverage Management Buy-Out
MBDA : Matra BAE Dynamics Aliena
MHT : Matra Hautes Technologies
OPA : Offre publique d’achat
OPE : Offre publique d’échange
SAAB : Svenska Aeoplan AktieBolaget
SEPI : Sociedad Estalal de Participaciones Industriales
SME : SNPE Matériaux Energétiques
SNECMA : Société nationale d'étude et de construction de moteurs d'aviation
SNIAS : Société nationale industrielle aérospatiale
SNPE : Société nationale des poudres et des explosifs
Sogeade : Société de gestion de l’aéronautique de la défense et de l’espace
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142
COUR DES COMPTES
Sogepa : Société de gestion des participations aéronautiques
SPS : SNCEMA Propulsion Solide
TKMS : ThyssenKrupp Marine Systems
TSA : Thomson SA
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RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS
ET DES ORGANISMES CONCERNÉS
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SOMMAIRE
Ministre de l’économie et des finances
147
Ministre de la défense
150
Président de l’autorité des marchés financiers
152
Ancien président-directeur général de Dassault-Aviation
(avril 2000 à janvier 2013)
153
Président-directeur général de Dassault-Aviation
156
Président-directeur général de DCNS
157
Président-directeur général de Nexter Group
158
Président-directeur général de Safran
159
Président-directeur général de la société nationale des poudres
et explosifs (SNPE)
161
Président du conseil d’administration de SOGEADE Gérance
162
Président
de
la
société
de
gestion
des
participations
aéronautiques (SOGEPA)
168
Ancien Président-directeur général de THALES
(janvier 1998 à mai 2009)
169
Président-directeur général de THALES
170
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RÉPONSE DU MINISTRE DE L’ÉCONOMIE ET DES FINANCES
Je tiens en premier lieu à réaffirmer la préoccupation constante de
l'Etat à renforcer et améliorer son rôle d'actionnaire, parfois majoritaire,
toujours de référence, au capital des principales entreprises de défense
françaises. L'analyse rétrospective conduite ici par la Cour des comptes ainsi
que les recommandations faites contribuent à cet effort et à la nécessité pour
l'Etat de poursuivre une politique actionnariale et stratégique à la fois
continue sur le long terme et adaptée aux circonstances économiques et
industrielles conjoncturelles.
Je partage pleinement la recommandation générale de la Cour des
comptes qui vise à la formulation d'une feuille de route stratégique cohérente
pour l'ensemble du secteur économique de la défense.
Cette réflexion passe par la définition d'un équilibre approprié dans
les relations entre les acteurs économiques du secteur et l'Etat actionnaire,
garant de la valorisation optimale du patrimoine public détenu au capital de
ses entreprises de défense, et protecteur des intérêts stratégiques vitaux de la
Nation portés par ces groupes industriels. Cette réflexion passe également
par la nécessité économique de poursuivre la restructuration et la
consolidation du secteur de l'industrie de défense.
Ces choix d'importance majeure font l'objet d'un examen approfondi à
l'heure de la rédaction du Livre blanc de la défense et de la sécurité
nationale et de la préparation de la loi de programmation militaire 2014-
2019. La pérennité des emplois et des compétences industrielles de défense
sur le territoire français sont nécessaires à la protection, sur le long terme,
des intérêts stratégiques de la défense nationale et il convient que l'Etat
actionnaire veille à assurer cette pérennité dans la gestion de ses
participations dans les industries d'armement.
Dans ce contexte, je me félicite de l'avis positif de la Cour des
comptes sur le travail, l'organisation et la traçabilité des recommandations
de l'Agence des participations de l'Etat. Je tiens également à souligner la
coordination opérationnelle aujourd'hui rapprochée de ce service avec la
Direction générale de l'armement dans l'élaboration des prises de position de
l'Etat au capital des industries d'armement, ainsi que le recommande la Cour
des comptes.
Plus spécifiquement, le projet de rapport de la Cour des comptes
appelle les observations suivantes de ma part :
1. La Cour des comptes estime que l'Etat s'est progressivement laissé
diluer au capital des industries de défense sans obtenir de réelles
contreparties. Ces dilutions ont permis toutefois le développement de grandes
réussites technologiques, industrielles et commerciales telles qu'EADS ou la
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148
COUR DES COMPTES
constitution de grands groupes de défense par apports d'actifs venus du
secteur privé tels que Thales.
Si une position forte de l'actionnariat public est un instrument
d'influence majeur, il convient toutefois de prendre en compte, au cas par
cas, l'ensemble des dispositifs de protection que l'Etat a mis en place et ne
pas considérer de niveau minimal de position actionnariale de manière
impérative.
Il convient à la fois de protéger les actifs de défense et de mettre en
place des dispositifs anti-OPA dans les entreprises concernées. L'Agence des
participations de l'Etat s'y est employée, comme le souligne le projet de
rapport. La maîtrise du contrôle de la gouvernance et de la stratégie est
également à rechercher, diverses voies s'offrant selon le niveau de
participation de 1'Etat au capital des entreprises concernées, notamment
l'organisation d'un co-contrôle avec un partenaire stratégique dans les
situations dans lesquelles le niveau de participation est le moins élevé.
2. S'agissant de DCNS, je prends note que les conditions financières
de réalisation de la prise de participation de Thales au capital de DCNS
ainsi que l'exercice de l'option de montée de 25 % à 35 % fin 2011
n'appellent pas de remarque de la Cour des comptes au regard du respect
des intérêts patrimoniaux de l'Etat.
Il convient en revanche de nuancer la remarque de la Cour des
comptes, qui souligne l'absence de convergence d'intérêts entre l'Etat et
Dassault-Aviation au travers de Thales, qui ne saurait se satisfaire de la
minorité de blocage actuelle. Cette opération de montée à 35 % du capital de
DCNS marque une étape importante pour la constitution d'alliances
stratégiques
dans
le
domaine
naval
en
Europe
et
s'accompagne,
conformément aux accords conclus en 2007, d'une augmentation des droits
de Thales dans la gouvernance de DCNS, permettant le renforcement de la
coopération entre les deux sociétés et une intensification des rapprochements
des cultures et des méthodes.
3. S'agissant de Safran, je prends acte du satisfecit donné par la Cour
des comptes sur les dispositifs opérationnels de protection anti-OPA et de
protection des activités stratégiques de défense. Ce dernier dispositif a été
renforcé en 2011, puisque les activités de propulsion solide sont également
protégées par la détention, par l'Etat, d'une action spécifique au capital de la
société Herakles, issue de la fusion des sociétés SNPE Matériaux
Energétiques et de Safran Propulsion Solide.
La Cour des comptes souligne la difficulté de l'Etat actionnaire à
« faire appliquer ses décisions par les responsables des entreprises qu'il
contrôle », à l'instar des négociations entre Safran et Thales visant à réaliser
les échanges d'actifs dans les domaines de l'optronique et de l'avionique. Il
convient tout d'abord de souligner que Safran n'est pas contrôlé par l'Etat et
que Thales est co-contrôlé par l'Etat et Dassault Aviation. Dans ce contexte,
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REPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNES
149
l'Etat peut s'avérer ne pas être en mesure, comme ce fut le cas en l'espèce, de
conduire les dirigeants des deux sociétés à un point de convergence sur un
niveau ambitieux de projet. Toutefois, les perspectives économiques actuelles
invitent au réexamen de rapprochements industriels cohérents.
4. S'agissant de Thales, la Cour des comptes estime qu'en substituant
Dassault Aviation à Alcatel-Lucent au capital de Thales, l'Etat a « limité très
fortement sa marge de manoeuvre » alors qu'il est premier actionnaire du
groupe. La Cour des comptes met notamment en doute la maîtrise de la
gouvernance et des orientations stratégiques majeures de Thales.
Si la substitution d'Alcatel-Lucent par Dassault Aviation au capital de
Thales n'était en effet pas l'option la plus recommandée par l'Agence des
participations de l'Etat, cette situation s'écarte peu de celle qui prévalait en
2006 avec Alcatel-Lucent. Les seuils d'un tiers du capital et de 50 % des
droits de vote étaient franchis seulement conjointement et le pacte
d'actionnaires octroyait au partenaire industrielles mêmes droits de véto sur
l'élection et la révocation du président directeur général, le budget et le plan
stratégique, les acquisitions et cessions significatives et les accords
stratégiques d'alliance et de coopération industrielle et technologique.
Ces droits résultent d'un équilibre entre actionnaires qui, agissant de
concert, contrôlent le groupe Thales et contribuent, au sein du conseil
d'administration, à la définition des grandes orientations stratégiques du
groupe selon un processus collégial qui tient compte à la fois des enjeux de
souveraineté attachés à la défense de nos intérêts nationaux et des enjeux
industriels propres aux secteurs d'intervention de Thales, qui sont pour la
plupart d'une complexité justifiant la mobilisation d'un partenaire industriel.
5. S'agissant de GIAT Industries et de SNPE, je prends note de
l'appréciation faite par la Cour des comptes sur les opérations de
restructurations menées au cours de la dernière décennie. Je partage
également l'analyse de la Cour des comptes sur l'enjeu stratégique que
représente pour ces sociétés leur participation à la consolidation de
l'industrie de défense au niveau français ou européen.
6. S'agissant d'EADS, je me félicite de l'appréciation faite par la Cour
des comptes sur les accords EADS du 5 décembre dernier relatifs à la
recomposition de l'actionnariat de la société et à l'évolution de sa
gouvernance, accords qui selon la Cour des comptes viennent répondre aux
critiques qu'elle formulait à l'encontre des accords constitutifs de 2000. En
particulier, la protection des intérêts stratégiques de l'Etat sera renforcée
par la mise en oeuvre d'un accord de défense et EADS, en vertu d'un accord
distinct, consultera l'Etat avant d'exercer ses droits de vote lors des
assemblées générales des actionnaires de Dassault Aviation et a octroyé à
l'Etat un droit de première offre et de premier refus en cas de cession de tout
ou partie de sa participation au capital de Dassault Aviation.
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150
COUR DES COMPTES
RÉPONSE DU MINISTRE DE LA DÉFENSE
Evoquant
« les
spécificités
de
l'État
actionnaire
d’industries
d’armement » et décrivant l'environnement de ces industries, ce document
relève avec raison la dimension stratégique qu'elles revêtent pour
l’indépendance de notre pays.
S'agissant des instruments de protection, la Cour évoque la
réglementation Exon-Florio qui donne au Président des États-Unis le
pouvoir
d'examiner
l'impact
d'acquisitions
étrangères
de
sociétés
américaines, et le cas échéant de s'y opposer ou de fixer des conditions de
« proxy » pour limiter les pouvoirs d'un actionnaire étranger. Elle affirme
que ni la France ni l'Union Européenne n'ont estimé, jusqu'à ce jour, pour
des raisons diverses, devoir mettre en place un tel dispositif de protection, et
en déduit que la présence de l'État au capital de certaines entreprises est
appelée à demeurer un important moyen de protection pour les principales
activités industrielles stratégiques pour la défense nationale. Cette
affirmation mérite d'être nuancée : en effet, la réglementation française des
investissements
étrangers
soumet
à
autorisation
préalable
lesdits
investissements dans le domaine de la défense, et la possibilité, utilisée dans
une majorité de cas, de fixer des conditions à l'autorisation, permet d'obtenir
de l'investisseur un engagement de pérennité des activités concernées ; elle a
par ailleurs conduit ces dernières années, dans les cas les plus critiques de
fournisseurs d'importance stratégique, à mettre en place l'équivalent français
du « proxy » américain auquel la Cour fait référence.
De même, le document affirme que la caractéristique commune de
tous les dispositifs de protection autres que la détention de blocs de contrôle
actionnarial serait d'être étroitement confinée à la protection de certains
actifs ou de certaines activités très strictement délimités. Il déplore que la
portée de cette protection soit, en pratique, restreinte, en raison de
l'imbrication des actifs et activités protégés au sein d'actifs et d'activités non
protégés. Cette appréciation de la Cour mérite elle aussi d'être nuancée. Les
conventions de protection d’actifs stratégiques prennent en effet également
en compte celles des activités duales utiles aux productions à vocation
militaire. Il n'est pas connu à ce jour de difficultés de mise en oeuvre
concrète.
S'agissant de la gouvernance de GIAT Industries et de SNPE, la Cour
relève
avec
raison
que
l'État
actionnaire
a
rempli
son
devoir
d'accompagnement de la transformation de ces entreprises. En ce qui
concerne la grosse propulsion solide pour applications balistiques et
lanceurs, l'aboutissement de l'intégration des actifs concernés de SNPE au
groupe Safran, avec protection par action spécifique, doit permettre de mieux
assurer la pérennité de ces activités.
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REPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNES
151
S'agissant du groupe EADS, les premières années de son existence
avaient fait ressortir toute l'importance du maintien d'un équilibre franco-
allemand dans cette entreprise. Les accords de décembre 2012 et la voie
choisie pour la transformation, actuellement en cours, de la gouvernance du
groupe, validés par l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires,
vont dans le sens de la recommandation que formulait la Cour de chercher à
remédier à l'insuffisance relative des prérogatives de l'Etat dans l'ancienne
gouvernance. En particulier, la protection des intérêts de défense,
concernant notamment les activités relatives aux missiles balistiques, doit
être assurée de manière satisfaisante par les dispositions statutaires
concernées.
En ce qui concerne la conclusion générale, il ne paraît pas justifié de
considérer, comme l'affirme le document de la Cour, que l'État ait pris le
risque d'une perte de contrôle de certaines activités industrielles nationales
d'armement. Les dispositifs de protection (actions spécifiques, conventions de
protection des activités stratégiques utiles à la défense) mis en place dans les
entreprises concernées, parallèlement à l'évolution des parts détenues dans
leur capital, montrent en effet que l'État a contrôlé le risque évoqué par la
Cour en conservant des leviers adéquats pour la protection de ces activités.
Enfin, d'une façon plus générale, l'action permanente des services de
la direction générale de l'armement en charge de l'industrie d'armement et
l'action régulière des commissaires du gouvernement nommés auprès des
principales sociétés assurent une information précise de mon cabinet et
complètent dans de nombreux cas la panoplie des instruments disponibles
pour assurer la protection indispensable des intérêts à long terme de la
défense.
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COUR DES COMPTES
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DE L’AUTORITÉ DES MARCHÉS
FINANCIERS
Je vous indique que ce rapport n’appelle pas de commentaire
particulier de ma part.
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153
RÉPONSE DE L’ANCIEN PRÉSIDENT-DIRECTEUR GÉNÉRAL
DE DASSAULT-AVIATION
(avril 2000 à janvier 2013)
L'Etat a souhaité que DASSAULT AVIATION devienne l'actionnaire
privé de référence dans THALES afin de bénéficier de son expérience
industrielle dans l'aéronautique, l'électronique et les systèmes. Ceci a été
mis en oeuvre sans que les prérogatives de l'Etat premier actionnaire ne
soient remises en cause dans la mesure où nous nous substituions dans un
pacte d'actionnaire à Alcatel.
Rien ne
permet
d'affirmer que DASSAULT AVIATION aurait
considéré que l'Etat devait être cantonné dans un rôle limité dans THALES
comme cela est indiqué page 55. Toutes les décisions qui relèvent des
actionnaires ont été prises de concert dans le cadre des principes posés par
le pacte d'actionnaires qui les lie. En aucune circonstance DASSAULT
AVIATION ne s'est retrouvée en désaccord avec les représentants de l'Etat
dans les organes sociaux de l'entreprise quand il s'est agi de se prononcer
sur les grandes orientations stratégiques de l'entreprise. Ce que l'APE a
d'ailleurs confirmé.
Par ailleurs, je tiens à souligner, que contrairement à ce qui est
indiqué dans votre rapport et pour ce qui nous concerne, ce n'est pas
DASSAULT AVIATION qui a demandé que des dividendes soient versés
aux actionnaires mais l'Etat. Nous aurions même accepté d'être payés en
titres
afin de ne pas oblitérer les capacités d'autofinancement de
THALES. De plus, c'est l'Etat qui a exigé de recevoir des acomptes sur
dividendes.
Sur les deux visions où DASSAULT AVIATION et l'Etat auraient été
en opposition, je souhaite apporter les précisions suivantes :
- pour la montée à 35 % dans le capital de DCNS, DASSAULT
AVIATION avait accepté ab initio de ne pas s'opposer au principe d'une telle
opération. Il n'y a donc jamais eu de divergence avec l'Etat sur ce sujet.
Toutefois, est-il anormal dans le cadre des principes de bonnes
gouvernances auxquels tous les actionnaires et administrateurs se doivent
de souscrire dans l'intérêt social d'une société d'interroger l'actionnaire
principal sur la stratégie poursuivie à travers cette opération, sur sa vision
long terme et sur la pertinence industrielle éventuelle d'un passage à plus
de 50 % ? Ne pas se poser ces questions en tant qu'actionnaire ne serait
pas responsable tant vis-à-vis des intérêts de THALES, que vis-à-vis de
l'Etat lui-même. Le choix de DASSAULT AVIATION comme opérateur
industriel de THALES marque la reconnaissance de certaines aptitudes
industrielles. Ce sont bien celles-là qui ont été exercées à travers ces
interrogations sur le sens industriel d'une montée dans le capital de DCNS
pour THALES.
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154
COUR DES COMPTES
- Sur l'échange THALES/SAFRAN : DASSAULT AVIATION et
l'Etat ont laissé les deux sociétés négocier librement la mise en oeuvre des
échanges d'actifs prévus par le pacte d'actionnaires nous liant à l'Etat. Il est
exact que DASSAULT AVIATION a soutenu THALES dans son refus de
céder à Safran l'activité calculateur, ce qui aurait été un non-sens
industriel car l'activité "calculateurs" est au coeur même du métier de
THALES. En revanche, je m'inscris en faux contre l'affirmation de la
Cour qui laisse entendre que la substitution d'Alcatel par Dassault aurait
« contrarié la stratégie soutenue par l'Etat sur un point jugé majeur de
stratégie industrielle de défense pour l'Etat ». Cela n'a pu être le cas dans la
mesure où lors de la substitution il n'a pas été fait mention des dits
calculateurs, que cette revendication a été poussée par Safran au cours de
la négociation avec THALES.
En conclusion, permettez-moi de m'interroger. En tant qu'opérateur
industriel dans THALES, en quoi DASSAULT AVIATION a-t-il agi contre les
intérêts de l'Etat ? Etait-il contraire à ces intérêts de se montrer vigilants
sur les investissements, les évolutions de périmètres industriels et d'exiger
de THALES une plus grande rigueur financière, juridique et commerciale
afin de rétablir une situation financière très détériorée ?
DASSAULT AVIATION
a
la
réputation d'être
un
industriel
compétent, conscient de ses devoirs vis-à-vis de ses clients privés et
étatiques. Il s'est toujours efforcé de respecter ses engagements contractuels
en termes de délais, de coûts et de performances des matériels qu'il a livrés
aux forces armées françaises. Ces dernières ont d'ailleurs pu mesurer les
performances de ces matériels sur tous les théâtres d'opération où elles ont été
engagées.
Je comprends que le recul de la place de l'Etat dans le capital des
entreprises de défense avec en corollaire la préservation de ses intérêts
stratégiques soit une question qui se pose.
Toutefois, le principe d'une privatisation de ces entreprises est un acte
politique qui relève de l'appréciation souveraine de ceux que les français ont
investi pour conduire la politique de la Nation. Il est évident qu'en tant
qu'industriel, je n'ai pas à me prononcer sur ce principe. Mais l'Etat ayant
décidé de privatiser ces entreprises, il est difficile de reprocher aux
actionnaires privés d'exercer le pouvoir que le droit leur donne et que
l'Etat, à travers des pactes d'actionnaires, leur a confié dans ces sociétés.
Mon expérience m'a permis de mesurer que dans bien des cas,
comme la Cour le rappelle, l'Etat n'est pas toujours le meilleur et le plus
vigilant des actionnaires. Mais qu'en parallèle le modèle de l'actionnariat
dispersé qui prévaut dans le modèle anglo-saxon qui tend à se répandre
y compris en France ne garantit pas mieux l'Etat client. Il y a un véritable
intérêt pour l'Etat de pouvoir s'appuyer sur un opérateur industriel,
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dont les compétences sont reconnues et complémentaires de celles de l'Etat,
et sur lequel il aura toujours plus de prise que sur un actionnariat dispersé.
En son temps le Général de Gaulle avait fait confiance à
DASSAULT AVIATION, industriel privé, en lui confiant dans le cadre
d'un marché forfaitaire la réalisation du Mirage IV qui contribuait à la
dissuasion en emportant l'arme nucléaire. Non seulement un domaine aussi
stratégique était confié à un industriel privé mais le cadre contractuel
choisi s'était traduit grâce à notre bonne gestion à ce que nous rétrocédions
à l'Etat une partie des excédents de ce programme. Cette approche illustrait
la confiance que l'Etat plaçait dans notre capacité à gérer un programme
stratégique pour la souveraineté française en parfaite intelligence avec lui.
A défaut de confiance dans les industriels privés, leurs compétences et
leur sérieux, la seule conclusion qui s'impose c'est que l'Etat demeure le seul
actionnaire. C'est ce qui s'appelait autrefois les arsenaux dont le modèle a
pourtant montré les limites tant pour les opérationnels, les finances
publiques que pour les contribuables.
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COUR DES COMPTES
RÉPONSE DU PRÉSIDENT-DIRECTEUR GÉNÉRAL
DE DASSAULT-AVIATION
Je souhaite confirmer que je n’ai rien à ajouter à la réponse de
l’ancien président-directeur général de DASSAULT-AVIATION.
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RÉPONSE DU PRÉSIDENT-DIRECTEUR GÉNÉRAL DE DCNS
Ce rapport n’appelle pas d’observations de ma part.
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COUR DES COMPTES
RÉPONSE DU PRÉSIDENT-DIRECTEUR GÉNÉRAL DE NEXTER
GROUP
Pour faire suite à votre proposition d’apporter réponse à ce rapport,
et après avoir pris connaissance par moi-même de ce document, je vous
confirme par la présente ne pas souhaiter utiliser ce droit.
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RÉPONSE DU PRÉSIDENT-DIRECTEUR GÉNÉRAL DE SAFRAN
Nos commentaires et éclaircissements sont les suivants :
La dualité des activités civiles et militaires évoquée
dans le point b)
Environnement Industriel, est une condition essentielle pour la survie
économique de pans entiers de notre base industrielle de Défense. Or les
groupes « duaux » de cette BITD relèvent majoritairement du privé. Il
convient dès lors de s’assurer qu’ils ont pris des dispositions de nature à
assurer la protection d’intérêts nationaux français.
Dans ce contexte, Safran est prêt à apporter sa contribution aux
réflexions et travaux relatifs à l’introduction éventuelle en droit français d’un
dispositif de type « Exon-Florio ». En effet, au travers de nos implantations
et acquisitions nord-américaines, nous avons acquis une bonne connaissance
de ces mesures. Bien que leur actionnariat et leur gestion soient entièrement
privés, ces sociétés sont soumises à des contraintes qui s’avèrent très
efficaces
pour
la
protection
des
intérêts
stratégiques
américains
(préservation du secret industriel, obligation de nommer des cadres de
nationalité américaine dans certaines fonctions, obligation de choisir des
administrateurs à partir d’une liste agréée par le département de la Défense,
protection des intérêts de l’État en tant que client, restrictions d’accès
technologique et à certaines informations…).
Au chapitre 2, I, A relatif à la fusion Sagem-SNECMA, il convient de
rappeler que l’ouverture du capital social de SNECMA est intervenue
antérieurement à la fusion absorption de SNECMA par Sagem début 2005.
Comme il est mentionné par la suite, des actions SNECMA ont été négociées
dès le 18 juin 2004 sur le Premier Marché d’Euronext Paris, bien avant la
constitution du Groupe Safran.
Le titre du chapitre 2, I, A, 1, ne correspond ni à la teneur du
chapitre, ni, me semble-t-il, à la réalité objective.
La fusion Sagem-SNECMA est qualifiée, à tort, d’« opération
patrimonialement équilibrée pour l’État ». Des éléments relatifs à l’évolution
de la valorisation du Groupe Safran, il ressort, selon nos analyses, que sept
années après l’annonce de la fusion, les actifs correspondant à l’ex groupe
Sagem ne représentent guère que 10 % de la valorisation de l’ensemble,
alors que les parités de fusion étaient à 65 % Snecma et 35 % Sagem. Le
résultat d’exploitation de ces mêmes activités ne représente, quant à lui, pas
plus de 8 % du résultat d’exploitation de l’ensemble. Les difficultés de la
partie Sagem ne se sont d’ailleurs pas révélées être confinées aux seules
télécommunications, contrairement à ce qui est indiqué.
S’agissant de la téléphonie mobile de Sagem, il est incontestable que
l’ensemble des industriels du secteur, en France, dans l’Union Européenne et
dans le monde, a été soumis à une violente mutation à l’époque considérée.
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160
COUR DES COMPTES
Cependant, il convient de noter que ces activités ont été cédées par Safran en
2008 dans des conditions financières plutôt moins défavorables que d’autres
et en préservant le site de Fougères, où 750 emplois ont été sauvegardés
grâce à la reconversion réussie du personnel dans d’autres activités du
groupe.
Au chapitre II, I, B, 2, il convient de rappeler que c’est le conseil
d’administration de Safran, seul compétent en la matière, qui a considéré
que les termes de l’échange d’actifs entre THALES et Safran étaient
déséquilibrés et donc irrecevables en l’état. Les représentants de l’État n’ont
pris part ni aux débats ni aux décisions, compte tenu du conflit d’intérêts
auquel ils étaient exposés du fait de la participation de l’État au capital
social de THALES. À noter néanmoins que deux actions ponctuelles mais
significatives ont été mises en oeuvre avec succès : (i) le regroupement de
l’ensemble des actifs français du capteur infra rouge au sein de Sofradir, et
(ii) la création de la JV Optrolead mettant un terme à une concurrence
stérile.
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REPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNES
161
RÉPONSE DU PRÉSIDENT-DIRECTEUR GÉNÉRAL DE LA SOCIÉTÉ
NATIONALE DES POUDRES ET EXPLOSIFS (SNPE)
Chapitre II
A/c/Achats sur étagères
Le projet de rapport de la Cour des comptes considère apparemment
que les munitions et leurs constituants dont les poudres (propellants) et les
explosifs peuvent globalement être considérés comme des produits qu’on
peut acheter « sur étagères dans la mesure où les fournisseurs mondiaux sont
suffisamment divers et nombreux pour que l’approvisionnement soit en toute
hypothèse assuré ».
Il est important de souligner qu’en ce qui concerne les explosifs, cette
facilité d’approvisionnement n’est aujourd’hui pas assurée.
En dehors de la SNPE il n’y a pas de fournisseurs européens en
matière d’explosifs et compositions d’explosifs, sauf en Suède et en Norvège,
qui pourraient ne pas accorder les autorisations d’exportation nécessaires
dans le cas d’utilisation des explosifs dans certains conflits qu’ils
désapprouvent.
D’une manière générale pour les munitions et leurs composants qui
peuvent faire l’objet d’utilisation massive en cas de conflit prolongé, il est
sans doute prudent de ne dépendre que d’approvisionnements en provenance
de nations européennes géographiquement proches et membres d’une
alliance militaire solide. Sinon les voies logistiques courent le risque d’être
interrompues.
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162
COUR DES COMPTES
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL D’ADMINISTRATION
DE SOGEADE GÉRANCE
Vous trouverez ci-après la réponse que je souhaite apporter à l’extrait
du projet de rapport public de la Cour des comptes intitulé « L’Etat
actionnaire d’industries d’armement », que vous m’avez adressé par courrier
du 13 février 2013, en ma qualité de gérant de Lagardère SCA et de
président de Sogeade Gérance
65
, et dont le chapitre IV est consacré à EADS.
A titre liminaire, je pense utile de souligner - ce que le Projet de
rapport omet de faire - que l’Etat et Lagardère SCA ont, ensemble, contribué
depuis plus de dix ans, précisément, à raison des conditions de leur
partenariat, à faire du groupe EADS ce qu’il est aujourd’hui, à savoir le
symbole d’un projet industriel de dimension européenne et mondiale réussi.
Au-delà de cet aspect symbolique, la création d’EADS a été pour l’Etat une
excellente opération patrimoniale :
-
La valeur de la participation actuellement détenue par l’Etat
dans EADS
66
est passée de 2 138 939 880 euros lors de la
première cotation d’EADS
67
à 4 889 005 440 euros au 8 mars
2013, soit une progression quasiment égale à 130 %. Par
ailleurs, l’Etat, via Sogepa, a perçu, depuis 2000, un montant
cumulé de dividendes de près de 500 millions d’euros.
-
Pendant la même période, l’indice CAC 40 est passé de
6 487,42 à 3 840,15 points, perdant ainsi plus de 40 % ; dans le
secteur de l’aéronautique et de la défense, les actions Thalès et
Safran ont perdu environ 25 % et 37,5 %, respectivement.
En outre, le 27 février 2013, EADS a annoncé des résultats pour
l’exercice 2012 qui ont été bien accueillis par le marché avec un chiffre
d’affaires ayant progressé de 15 % à 56,6 milliards d’euros, un résultat
opérationnel avant éléments non récurrents de 3 milliards d’euros
enregistrant une hausse de 68 %, un carnet de commandes ayant continué à
progresser pour atteindre 566 milliards d’euros et des perspectives
industrielles et financières favorables malgré les aléas inhérents à ses
activités. Le cours de bourse d’EADS a atteint avec 40 euros le 8 mars 2013
son plus haut niveau historique.
J’ai, de mon côté, alors que Lagardère SCA devrait prochainement
sortir du capital d’EADS, le sentiment d’avoir participé aux côtés de l’Etat à
une entreprise complexe par les défis qu’elle doit sans cesse relever mais
exaltante par les succès qui ont jalonné son parcours depuis sa création en
termes d’innovations technologiques et de performances commerciales et
financières. Cette réussite doit beaucoup à ses actionnaires de référence et
notamment à l’Etat et à Lagardère.
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163
I. Aérospatiale-Matra
Selon le Projet de rapport, l’Etat se serait « laissé placer en position
de faiblesse » dans le cadre des travaux de valorisation préalables à la
fusion d’Aérospatiale et de Matra Hautes Technologies (Section I/A/1 du
Chapitre IV).
D’une part, selon la Cour des comptes, les interventions successives
du cabinet Andersen comme conseil du GIE Airbus, puis du groupe
Lagardère, auraient entraîné un « accès dissymétrique à l’information »,
Lagardère ayant disposé « de meilleures informations sur Aérospatiale que
la direction du Trésor n’en disposait sur Matra » (Section I/A/1/a et
conclusion du Chapitre IV).
Le Projet de rapport admet cependant que la direction du Trésor était
parfaitement informée de l’intervention du cabinet Andersen comme conseil
de Lagardère (Section I/A/1/a du Chapitre IV), qui avait agi en toute
transparence, et qu’Aérospatiale avait elle-même communiqué à Lagardère
le rapport du cabinet Andersen sur Airbus (Section I/A/1/a du Chapitre IV,
note de bas de page n° 42).
Or rien n’obligeait la direction du Trésor à accepter que le cabinet
Andersen
conseillât
Lagardère
dans
cette
opération.
Elle
a
donc
nécessairement constaté au préalable que cela n’était susceptible ni de créer
une asymétrie d’information, ni plus largement d’être préjudiciable aux
intérêts de l’Etat.
D’autre part, selon la Cour des comptes, un accord politique donné
« dès juillet 1998 » par les pouvoirs publics sur le principe d’une parité
Matra/Aérospatiale comprise entre 30 et 33 % aurait limité « les prétentions
de la direction du Trésor en termes de valorisation d’Aérospatiale » (Section
I/A/1/b et conclusion du Chapitre IV).
Toutefois, comme l’admet le Projet de rapport, la parité de 31,45 %
finalement retenue, outre qu’elle était conforme aux analyses des diverses
banques-conseils
impliquées,
« avait
été
validée
par
des
organes
indépendants, sous le contrôle du tribunal de commerce de Paris, des
autorités de marché et de la Commission des participations et des
transferts » (Section I/A/1/b du Chapitre IV).
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COUR DES COMPTES
En effet, trois commissaires à la scission, désignés par ordonnance du
Tribunal de commerce de Paris en application de l’article 382 de la loi du
24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, avaient constaté que « cette
opération revêt pour les industries françaises de l’aéronautique et de la
défense un caractère stratégique et présente pour le groupe Lagardère des
risques qui justifient la parité retenue »
68
.
La Commission des participations et des transferts, saisie en
application de la loi n° 86-912 relative aux modalités des privatisations,
avait conclu au terme d’une analyse minutieuse que « la rémunération de
Lagardère SCA par la participation de 31,45 % dans le nouvel ensemble en
échange de l’apport de Matra Hautes Technologies n’est pas contraire aux
intérêts patrimoniaux de l’Etat »
69
. Cette Commission ne peut être suspectée
d’avoir été a priori acquise aux opérations envisagées par le groupe
Lagardère ; elle avait d’ailleurs, peu de temps auparavant, empêché son
rapprochement avec Thomson à l’occasion de la privatisation de ce dernier.
La Cour des comptes ne peut valablement remettre en cause, a
posteriori, une parité validée par la Commission des participations et des
transferts au seul motif que selon « les divers professionnels extérieurs au
débat » qu’elle dit avoir rencontrés - mais dont aucun n’est cité - « la
valorisation patrimoniale des deux entreprises avait été un exercice dont le
résultat était largement prédéterminé » (Section I/A/1/b du Chapitre IV).
Pas davantage, la Cour des comptes ne peut-elle justifier une telle
remise en cause en relevant qu’un « mécanisme d’ajustement des parités
avait été mis en place sous forme de garantie de cours » et que cette dernière
avait « joué à hauteur de son plafond », ce qui confirmerait « que la valeur
d’Aérospatiale a été sous-évaluée lors de la fixation des parités au-delà des
seuils alors envisagés » (Section I/A/1/b du Chapitre IV).
En effet, cette garantie que l’action ASM surperformerait l’indice
CAC n’était pas un mécanisme d’ajustement des parités. Elle obligeait
Lagardère SCA à verser un complément de prix à l’Etat si la performance du
titre Aérospatiale-Matra n’était pas de 10% supérieure à celle de l’indice
CAC 40 sur une période de deux années. La garantie de cours ne tenait donc
pas compte de la performance comparée, au sein d’Aérospatiale-Matra, des
actifs d’Aérospatiale et de ceux de Matra. Elle était fonction de la
performance de l’ensemble des actifs d’Aérospatiale-Matra par rapport à
celle de l’indice CAC 40. Cette garantie avait été conçue par les parties
comme la contrepartie du rôle central imparti à Lagardère SCA dans
la gestion
d’Aérospatiale-Matra :
le
pacte
d’actionnaires
relatif
à
Aérospatiale-Matra conférait au groupe Lagardère le statut de « partenaire
stratégique privilégié » et lui confiait le rôle d’opérateur industriel qu’il
assurait auparavant pour Matra Hautes Technologies et ses filiales.
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165
L’évolution du cours d’Aérospatiale-Matra ayant été inférieure à celle
du CAC 40 sur la période de référence de la garantie, Lagardère a versé à
l’Etat, en juillet 2001, un montant correspondant au plafond de la garantie,
soit 175 millions d’euros. Cet écart ne s’explique d’ailleurs pas par
l’insuffisance de la gestion d’Aérospatiale-Matra mais par le fait que cette
période de référence (1999-2001) a coïncidé avec la bulle spéculative liée à
internet, au cours de laquelle l’indice CAC 40 a été artificiellement tiré à la
hausse par les sociétés du secteur des nouvelles technologies.
Enfin, le Projet de rapport conteste la parité retenue, lors de la
création d’EADS, entre Aérospatiale-Matra, d’une part, et Dasa, d’autre
part, (Section I/A/2 du Chapitre IV). Quel que soit le bien-fondé de
l’assertion selon laquelle cette parité « ne tombait pas sous le sens d’un point
de vue industriel », j’observe que le Projet de rapport admet in fine qu’elle
affectait au même titre Lagardère SCA et l’Etat (conclusion du Chapitre IV).
II. EADS
Selon le Projet de rapport, les relations entre l’Etat et le groupe
Lagardère comme co-actionnaires d’EADS, par l’intermédiaire de Sogeade
SCA, seraient « déséquilibrées » (Section I/C du Chapitre IV).
D’une part, selon la Cour des comptes, « les capitaux respectivement
engagés par M. Arnaud Lagardère et l’Etat français dans EADS étaient
disproportionnés :
l’Etat
continuait
à
supporter
intégralement
la
participation publique de 15 %, alors que la part du groupe Lagardère était
encore, fin 2012, supportée à hauteur de 7,5 % par Désirade ; Désirade était
détenue par Lagardère SCA, dont M. Arnaud Lagardère ne détient que
9,62 % du capital (…). Par équivalence, les capitaux propres de M. Arnaud
Lagardère n’étaient engagés, fin 2012, qu’à hauteur de 0,72 % dans EADS »
(Section I/C/1/b du Chapitre IV).
Cette
comparaison
entre
la
participation
dans
EADS,
par
transparence, de l’Etat et, par transparence, de
ma participation, est dénuée
de toute pertinence. Elle procède en effet d’une confusion entre la société
Lagardère SCA, personne morale, et moi-même, personne physique. C’est la
société Lagardère SCA et elle seule qui détient exclusivement, via Désirade,
environ 7,5 % du capital d’EADS et exerce l’ensemble des droits
patrimoniaux correspondants. Les termes pertinents de la comparaison sont
donc la participation de l’Etat d’une part, qui représente environ 15 %
d’EADS, et celle de Lagardère SCA d’autre part. Celle-ci, qui représentait à
l’origine également 15 % du capital d’EADS, a été progressivement réduite
entre 2007 et 2009 et représente aujourd’hui environ 7,5 % du capital
d’EADS.
Ma qualité de gérant commandité chez Lagardère SCA est sans
incidence sur l’équilibre et la consistance des participations au sein du pôle
français. Il sera observé que d’autres personnes du groupe Lagardère, ont
toujours siégé au conseil de surveillance de Sogeade SCA, au conseil de
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COUR DES COMPTES
d’administration
de
Sogeade
Gérance
et,
bien
sûr,
au
conseil
d’administration d’EADS.
D’autre part, selon la Cour des comptes, depuis le « retrait partiel du
groupe Lagardère du capital d’EADS en 2006
70
», les droits de Lagardère
SCA seraient « exorbitants » dès lors que nonobstant l’écart entre les
participations respectives de Lagardère SCA et de l’Etat dans EADS, les
représentants de Sogeade SCA au conseil d’administration d’EADS sont
toujours désignés « d’un commun accord » par Lagardère SCA et l’Etat
71
(Sections I/C/1/a, I/C/2 et I/C/3 du Chapitre IV).
Il avait, en effet, été convenu, dès l’origine, que l’équilibre entre les
droits respectifs de Lagardère SCA et de l’Etat dans la gouvernance d’EADS
ne serait pas affecté par la sortie partielle de l’un d’entre eux, tant que sa
participation représenterait au moins 20 % de Sogeade SCA. Lagardère SCA
avait accepté cette solution à la demande de l’Etat
qui tenait à conserver des
droits de gouvernance importants dans EADS alors qu’il envisageait à
l’époque de réduire sa participation dans un avenir proche. Comme le relève
à juste titre le Projet de rapport, les accords initiaux reposaient en effet « sur
le principe, voulu par le gouvernement allemand, d’un désengagement
progressif des actionnaires publics (et principalement de l’Etat français) »
(conclusion du Chapitre IV).
Ce principe a été abandonné par la suite et ce sont les actionnaires
privés, y compris Lagardère SCA, qui sont finalement partiellement sortis
d’EADS, tandis que les Etats français et espagnol ont conservé leur
participation d’origine. Il ne saurait en être déduit que l’Etat aurait manqué
de clairvoyance en acceptant « des clauses très habilement négociées par son
partenaire privé qui avait (…) indiqué dès fin 1998 son intention de se
désengager d’EADS » (Section I/C/2 du Chapitre IV, note de bas de page
n° 52). Bien que le groupe Lagardère ait de longue date manifesté son
intention de ne pas rester indéfiniment au capital d’EADS, il ne s’était fixé
aucune échéance à court terme de sorte que cela lui permettait, dans
l’intervalle, de se comporter en actionnaire industriel de long terme.
C’est exactement ce qui s’est produit puisque Lagardère a conservé
pendant sept ans la totalité de sa participation et ne devrait céder la seconde
moitié de sa participation originelle que dans les mois qui viennent.
Rien, de surcroit, ne laissait penser que l’Etat
resterait actionnaire, y
compris dans l’esprit des négociateurs représentant l’Etat. Il suffit de se
reporter aux nombreuses références à la sortie de l’Etat
dans le
Participation Agreement et en particulier, à la notion d’« Exit Date »
(Section I/C/2 du Chapitre IV, note de bas de page n°52) pour pouvoir le
constater.
***
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Enfin, conformément à l’accord intervenu le 5 décembre 2012 entre
les actionnaires actuels d’EADS, la cession par Lagardère de ses actions
EADS ne pourra intervenir qu’à l’expiration de l’interdiction de cession par
laquelle Lagardère, comme les autres actionnaires actuels d’EADS, s’est
temporairement interdit de céder ses titres (Section III/B/1/b du Chapitre IV).
L’objectif de cette
interdiction de cession est de permettre aux actionnaires
actuels, à la demande des Etats qui composeront le nouveau concert, de voter
en faveur de la nouvelle gouvernance lors de l’assemblée générale
extraordinaire des actionnaires d’EADS qui a été convoquée pour le 27 mars
2013.
Le groupe Lagardère, en prenant part au « consensus (…) obtenu le
5 décembre 2012 sur la mise en place d’un concert entièrement public
d’actionnaires » dont la Cour des comptes se félicite (conclusion du
Chapitre IV) et en renonçant corrélativement à la libre cessibilité de ses
titres, a démontré sa volonté de jouer jusqu’au bout son rôle d’actionnaire
industriel de long terme dans le respect de son partenariat avec l’Etat et en
jetant, avec lui, les bases de la nouvelle gouvernance d’EADS.
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COUR DES COMPTES
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ DE GESTION
DES PARTICIPATIONS AÉRONAUTIQUES (SOGEPA)
Je n’ai pas de commentaires sur le texte du rapport dans cette version
définitive.
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169
RÉPONSE DE L’ANCIEN PRÉSIDENT-DIRECTEUR GÉNÉRAL
DE THALES (janvier 1998 à mai 2009)
Sur la partie, concernant spécifiquement Thales.
1 - Le rapport mentionne, sans la cautionner, l'appréciation de
Dassault selon laquelle Thales aurait été mal géré depuis des années.
Qu'il me soit permis de rappeler qu'en onze ans, avant l'arrivée de
Dassault au capital, la société a multiplié par deux son chiffre d'affaires et
par trois son résultat opérationnel, en croissance régulière pendant toutes
ces années.
Dans la même période la proportion d'activité à l'étranger a plus que
doublé et a été portée à 50 % avec le succès de la stratégie dite
"multidomestique".
Les mêmes pourcentages s'appliquent à la proportion des activités
civiles, avec le développement des systèmes pour l'aéronautique civile et les
transports terrestres, des satellites, et de la sécurité.
La combinaison de ces deux évolutions a considérablement réduit la
dépendance de Thales à l'égard de la DGA qui, tout en restant un client très
important, ne pèse désormais que pour moins de 20 % de l'activité. Ceci fait
écho aux préoccupations de la Cour sur les risques liés à la réduction du
budget français de défense.
Sur une telle durée ces résultats ne peuvent être le fruit du hasard ou
de quelque cavalerie comptable. S'il est exact que Thales a connu, lors de
l'arrivée de Dassault des difficultés techniques, et donc financières, sur
quelques programmes difficiles, il est à noter que ces programmes étaient
tous identifiés (et publiés dans les comptes) avant l'arrivée de Dassault et
sont restés en nombre très limité - cinq ou six à comparer aux centaines que
gère le Groupe. Le redressement des résultats après deux ans montre bien
que les fondamentaux étaient solides, car rien ne se fait dans cette industrie
de long terme en moins de 10 ans.
2 - Enfin, au plan stratégique, je partage l'observation de la Cour
selon laquelle les entreprises françaises sont trop petites, relativement à
leurs concurrents, notamment américains. Cet état de fait me semble de plus
en plus préjudiciable, pour aborder une compétition croissante dans les
grandes affaires à l'exportation, mais aussi en terme de puissance de feu
financière sur le marché des fusions et acquisitions. Bien que Thales ne soit
pas la plus mal lotie dans la liste, j'avais pour ma part tenté, peu avant mon
départ, un rapprochement industriel avec Safran, auquel l'APE était je crois
favorable ; mais ce projet n'a pas été soutenu par l'Etat qui a préféré
privilégier l'opération financière de Dassault. Une belle occasion manquée.
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COUR DES COMPTES
RÉPONSE DU PRÉSIDENT-DIRECTEUR GÉNÉRAL DE
THALES
L'extrait du projet de rapport public thématique intitulé « l'État
actionnaire d'industries d'armement
»
dont vous m'avez remis
un
exemplaire en date du 13 février dernier n'appelle pas d'observations de
fond de ma part.
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