Sort by *
L
E FINANCEMENT PUBLIC
DE LA RECHERCHE
,
UN
ENJEU NATIONAL
Rapport public thématique
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
Sommaire
Délibéré
.......................................................................................
9
Introduction
.............................................................................
11
Chapitre I - Un effort de recherche stable malgré des
financements publics croissants
..............................................
17
I
- La forte croissance des dépenses de l'État en faveur de la
recherche depuis la loi de programme de 2006
.....................
19
A - Une loi de programme respectée
.................................
20
B - Une forte augmentation des concours de l’État entre
2006 et 2013
......................................................................
22
C - Une programmation et une information financière
insuffisantes
.......................................................................
36
II
- Un effort de R&D resté stable
.........................................
43
A - Un ratio éloigné de l’engagement de Barcelone
..........
44
B - Une contribution des entreprises moindre que dans les
pays comparables
...............................................................
47
C - Une contribution des administrations mal évaluée et
sous-estimée
.......................................................................
50
D - Des pertes en ligne dans les circuits de financement ..55
Chapitre II - Les financements sur projets : une hausse
significative, un niveau encore limité
.....................................
65
I
- La montée en puissance des financements sur projets ...66
A - Les financements sur projets au Royaume-Uni et en
Allemagne
..........................................................................
66
B - Principal instrument, l’ANR à la croisée des chemins 69
II
- L’impulsion du programme des investissements
d’avenir
.....................................................................................
78
A - Des principes clairs
......................................................
79
B - Une mise en oeuvre rapide du programme
...................
85
C - De nouvelles formes de coopération complexes
.........
88
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
4
COUR DES COMPTES
D - Des risques non maîtrisés
............................................
91
III
- Une insuffisante participation aux programmes
européens
..................................................................................
94
A - Des budgets européens en croissance continue depuis
1982
...................................................................................
95
B - Une part française en baisse depuis 2007
....................
96
C - Des explications de cette érosion peu convaincantes ..97
D - Des mesures à prendre dans la perspective du
programme Horizon 2020
..................................................
98
Chapitre III - Les conséquences pour les établissements : des
ressources accrues, une gestion mal adaptée
.......................
103
I
- Des équilibres financiers modifiés
..................................
105
A - Des ressources en forte croissance depuis 2006
........
105
B - Des dépenses marquées par le poids des charges de
personnel et une moindre priorité aux équipements
........
112
II
- Un pilotage des moyens défaillant
................................
121
A - L'absence d'outils de pilotage des crédits des unités
mixtes de recherche
.........................................................
121
B - Une gestion des personnels mal maîtrisée
.................
127
C - Une absence de vision claire du bon équilibre entre
organismes de recherche et universités dans le pilotage de
la recherche
......................................................................
139
Chapitre IV - Des performances scientifiques meilleures que
leurs retombées économiques
...............................................
145
I
- Un impact économique mal pris en compte par les
indicateurs de performances
.................................................
147
A - Un succès global pour les publications et les brevets147
B - L’absence de mesure de l’impact économique dans les
indicateurs de performance du budget de l’État
..............
151
II
- Une grande dispersion des aides aux entreprises
........
152
A - Une multiplicité d'acteurs
..........................................
152
B - Un foisonnement de dispositifs
.................................
155
C - Une simplification indispensable
...............................
160
III
- Une valorisation nationale insuffisante
.......................
161
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
SOMMAIRE
5
A - Le faible retour économique de l'effort de recherche 162
B - Des leviers d’action à renforcer
.................................
168
Conclusion générale
...............................................................
173
Récapitulatif des recommandations
.....................................
179
Annexes
...................................................................................
181
Réponses des administrations, des organismes et des
collectivités concernés
............................................................
235
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
Les rapports publics de la Cour des comptes
- élaboration et publication -
La Cour publie, chaque année, un rapport public annuel et des
rapports publics thématiques.
Le présent rapport est un rapport public thématique.
Les rapports publics de la Cour s’appuient sur les contrôles et les
enquêtes conduits par la Cour des comptes ou les chambres régionales des
comptes et, pour certains, conjointement entre la Cour et les chambres
régionales ou entre les chambres. En tant que de besoin, il est fait appel au
concours d’experts extérieurs, et des consultations et des auditions sont
organisées pour bénéficier d’éclairages larges et variés.
Au sein de la Cour, ces travaux et leurs suites, notamment la
préparation des projets de texte destinés à un rapport public, sont réalisés par
l’une des sept chambres que comprend la Cour ou par une formation
associant plusieurs chambres.
Trois principes fondamentaux gouvernent l’organisation et l’activité
de la Cour des comptes, ainsi que des chambres régionales des comptes, et
donc aussi bien l’exécution de leurs contrôles et enquêtes que l’élaboration
des rapports publics : l’indépendance, la contradiction et la collégialité.
L
’indépendance
institutionnelle
des
juridictions
financières
et
statutaire de leurs membres garantit que les contrôles effectués et les
conclusions tirées le sont en toute liberté d’appréciation.
La
contradiction
implique
que
toutes
les
constatations
et
appréciations ressortant d’un contrôle ou d’une enquête, de même que toutes
les
observations
et
recommandations
formulées
ensuite,
sont
systématiquement soumises aux responsables des administrations ou
organismes concernés ;
elles ne peuvent être rendues définitives qu’après
prise en compte des réponses reçues et, s’il y a lieu, après audition des
responsables concernés.
La publication d’un rapport public est nécessairement précédée par la
communication du projet de texte que la Cour se propose de publier aux
ministres et aux responsables des organismes concernés, ainsi qu’aux autres
personnes morales ou physiques directement intéressées. Dans le rapport
publié, leurs réponses accompagnent toujours le texte de la Cour.
La
collégialité
intervient pour conclure les principales étapes des
procédures de contrôle et de publication.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
8
COUR DES COMPTES
Tout contrôle ou enquête est confié à un ou plusieurs rapporteurs.
Leur rapport d’instruction, comme leurs projets ultérieurs d’observations et
de recommandations, provisoires et définitives, sont examinés et délibérés de
façon collégiale, par une chambre ou une autre formation comprenant au
moins trois magistrats, dont l’un assure le rôle de contre-rapporteur, chargé
notamment de veiller à la qualité des contrôles. Il en va de même pour les
projets de rapport public.
Le contenu des projets de rapport public est défini, et leur élaboration
est suivie, par le comité du rapport public et des programmes, constitué du
premier président, du procureur général et des présidents de chambre de la
Cour, dont l’un exerce la fonction de rapporteur général.
Enfin, les projets de rapport public sont soumis, pour adoption, à la
chambre du conseil où siègent en formation plénière ou ordinaire, sous la
présidence du premier président et en présence du procureur général, les
présidents de chambre de la Cour, les conseillers maîtres et les conseillers
maîtres en service extraordinaire.
Ne prennent pas part aux délibérations des formations collégiales,
quelles qu’elles soient, les magistrats tenus de s’abstenir en raison des
fonctions qu’ils exercent ou ont exercées, ou pour tout autre motif
déontologique.
*
Les rapports publics de la Cour des comptes sont accessibles en ligne
sur le site Internet de la Cour des comptes et des chambres régionales et
territoriales des comptes :
www.ccomptes.fr
. Ils sont diffusés par
La
documentation Française
.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
Délibéré
La Cour des comptes, délibérant en chambre du conseil réunie en
formation ordinaire, a adopté le présent rapport
Le financement public de
la recherche, un enjeu national.
Le rapport a été arrêté au vu du projet communiqué au préalable
aux administrations et aux organismes concernés et des réponses
adressées en retour à la Cour.
Les réponses sont publiées à la suite du rapport. Elles engagent la
seule responsabilité de leurs auteurs.
Ont participé au délibéré : M. Migaud, Premier président,
MM. Bayle, Bertrand, Mme Froment-Meurice, MM. Durrleman, Lévy,
Lefas, Briet, Mme Ratte, présidents de chambre, MM. Pichon, Picq,
Babusiaux, Descheemaecker, Hespel, présidents de chambre maintenus
en
activité,
MM.
Devaux,
Ganser,
Mmes
Bellon,
Pappalardo,
M. Braunstein, Mmes F. Saliou, Seyvet, MM. Vachia, Vivet, Davy de
Virville, Sabbe, Maistre, Ténier, Lair, Mme Trupin, MM. Ravier,
Guédon, Le Méné, Antoine, Mme Malgorn, MM. Viola, Glimet, Senhaji,
d’Aubert, Mmes Fontaine, Perin, MM. Cahuzac, Ortiz, conseillers
maîtres.
Ont été entendus :
-
en sa présentation, M. Lefas, président de la chambre chargée des
travaux sur lesquels le rapport est fondé et de la préparation du
projet de rapport ;
-
en son rapport, M. Bertrand, rapporteur du projet devant la
chambre du conseil, assisté de M. Glimet, conseiller maître, Mmes
Charolles, Bouyer, conseillères référendaires, et Mmes Fau,
Costes, rapporteures extérieures, rapporteurs devant la chambre
chargée de le préparer, et de M. Andréani, conseiller maître,
contre-rapporteur devant cette même chambre ;
-
en ses conclusions, sans avoir pris part au délibéré, M. Johanet,
Procureur général, accompagné de M. Miller, avocat général.
***
M. Gérard Terrien, secrétaire général, assurait le secrétariat de la
chambre du conseil.
Fait à la Cour, le 14 mai 2013.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
10
COUR DES COMPTES
Le projet de rapport soumis à la chambre du conseil a été préparé,
puis délibéré les 28 mars 2013 et 3 avril 2013, par la troisième chambre
de la Cour des comptes, présidée par M. Lefas, président de chambre, et
composée de MM. Barbé, Mmes Seyvet, Moati, MM. Sabbe, Frentz,
Clément, de Nicolay, conseillers maîtres, Blairon et Marland, conseillers
maîtres en service extraordinaire, ainsi que, en tant que rapporteurs,
M. Glimet, conseiller maître, Mmes Charolles, Bouyer, conseillères
référendaires, et Mme Fau et Costes, rapporteures, et, en tant que contre-
rapporteur, M. Andréani, conseiller maître.
Le projet de rapport a été examiné et approuvé, le 9 avril 2013, par
le comité du rapport public et des programmes de la Cour des comptes,
composé de MM. Migaud, Premier président, Bayle, Bertrand, rapporteur
général du comité, Mme Froment-Meurice, MM. Durrleman, Levy,
Lefas, Briet et Mme Ratte, présidents de chambre, et M. Johanet,
procureur général, entendu en ses avis.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
Introduction
En 2013, l'État a consacré 14 Md€ de crédits budgétaires au
financement de la recherche civile. S’y ajoutent, dans le cadre des
investissements d'avenir, des financements d’environ 1 Md€ par an entre
2012 et 2020. La principale dépense fiscale en faveur de la recherche, le
crédit d’impôt recherche, devrait, quant à elle, permettre en 2013 aux
entreprises de constituer des créances fiscales à hauteur d’un montant
estimé à 5,8 Md€ contre 1,8 Md€ en 2007. Sur ces bases, les
financements et les aides fiscales de l’État destinés à la recherche
correspondent à un montant estimé de 20,8 Md€ en 2013, auquel
s’ajoutent les concours de l'Union européenne (694 M€ en 2011) et des
collectivités territoriales (1,2 Md€ en 2010).
La recherche : un investissement public particulier
Par rapport à d'autres secteurs de l'activité nationale, la recherche
présente de fortes spécificités, les unes générales, les autres propres à la
France, qui expliquent les modes de financement particuliers qui s'y
appliquent.
Une première spécificité tient à ce que la dépense de recherche,
qu'elle soit publique ou privée, est universellement considérée comme un
facteur de progrès : progrès de la connaissance, qui est une valeur en soi,
progrès économique, que la théorie tend à corréler à l'effort de recherche
et développement (R&D), à la fois facteur de croissance, et de
développement qualitatif et humain.
Il en résulte que la recherche est l'un des rares domaines de l'action
publique où l'augmentation de la dépense peut être regardée comme un
objectif en soi au plan européen comme au plan national.
La stratégie de Lisbonne avait, en 2000, retenu pour l'Union
européenne l’ambition à dix ans de «
devenir l’économie de la
connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde
» grâce
à un effort de recherche accru. Elle s'est traduite, lors du Conseil
européen de Barcelone en 2002, par l'objectif suivant : «
l'ensemble des
dépenses en matière de recherche et de développement (R&D) et
d'innovation dans l'Union doit augmenter, pour approcher 3 % du PIB
d'ici 2010
».
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
12
COUR DES COMPTES
Ce résultat n'a pas été atteint en France, ni d’ailleurs en Europe, et
l'effort de recherche, qui a plafonné à 2,2 % du PIB, a été reconduit dans
le cadre de la stratégie « Europe 2020 ».
Une deuxième spécificité tient à ce que les résultats de la recherche
sont impossibles à prévoir avec certitude. La dépense ne peut donc pas
être programmée de la même manière que pour les autres investissements
productifs. Cela ne signifie pas que les moyens doivent être alloués de
façon égale ou aveugle : certains champs ou certaines thématiques
peuvent légitimement bénéficier de financements plus importants en
fonction de la demande sociale, des besoins économiques du pays et de
l'évolution de la science, qui elle-même ne progresse pas, à un moment
donné, au même rythme dans tous les domaines.
Une troisième spécificité découle à la fois de la difficulté
d'anticiper les résultats de la recherche et de la compétition inhérente à
une activité qui vise à découvrir, c'est-à-dire à être le premier à trouver. Il
en résulte qu'un système de financement performant doit subvenir en
priorité aux besoins des meilleurs projets et des équipes les plus
dynamiques, dans un tissu vivant de la recherche, où projets et équipes
sont appelés à un renouvellement continuel.
À cette fin, une partie des crédits de recherche est allouée selon des
règles de mise en concurrence, sous la forme d’appels à projets, soit
destinés à un champ de recherche particulier, soit attribués en fonction de
la seule qualité des projets et des équipes. Les agences chargées d'allouer
ces financements, que l’on qualifie parfois de compétitifs, doivent être
réactives et capables de mettre en place ceux-ci rapidement, au rythme
des progrès de la recherche. Elles doivent aussi justifier de leurs choix au
moyen de procédures d'évaluation équitables et transparentes.
Les spécificités du système de recherche français
À ces caractéristiques communes à la recherche dans le monde
s’ajoutent, depuis longtemps, des spécificités propres à la France qui
contribuent à expliquer les choix faits en matière de financement de la
recherche au cours des années récentes.
En premier lieu, la France se situe dans la moyenne basse des pays
membres de l'OCDE pour la part de la recherche et développement
(R&D) dans le produit intérieur brut (PIB), et notamment à une place
sensiblement inférieure à celle des États-Unis, du Japon et de
l'Allemagne. Ce moindre niveau général s'explique principalement par la
faiblesse de la R&D des entreprises, dont la part est, en France, très
inférieure à celle de nos principaux partenaires.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
INTRODUCTION
13
En deuxième lieu, en France, l'organisation de la recherche
publique est duale. Elle comporte, d'une part, des universités, d'autre part,
des organismes publics de recherche, dont le principal est le Centre
national de la recherche scientifique (CNRS). Ces derniers ont joué
historiquement un double rôle : effectuer des recherches propres dans
leurs laboratoires, et être des agences de moyens ayant pour mission
d'affecter des ressources matérielles et humaines à l'ensemble de la
recherche publique, notamment aux universités.
Cette dualité existe à des degrés divers dans d'autres pays. Le rôle
des organismes n’en a pas moins été historiquement prépondérant en
France dans le financement et la conduite de la recherche. Ailleurs au
contraire, les grandes universités sont le lieu naturel d'intégration de la
recherche et sont propriétaires de leurs laboratoires. Les agences, peu
nombreuses, sont de puissantes agences de moyens. Cette organisation
explique également la faiblesse relative qui était celle des financements
sur projets en France.
Enfin, les moyens affectés par les organismes de recherche aux
universités le sont, en France, dans le cadre d'unités mixtes de recherche
au sein desquelles chaque partie prenante, l'université, ainsi que le ou les
organismes qui y sont associés, conservent chacun la gestion de leurs
crédits et de leurs personnels, selon des règles budgétaires et comptables
distinctes. Cette particularité contribue à expliquer la complexité du
système français de financement de la recherche.
Des réformes récentes
Depuis 2006, plusieurs mesures ont été prises. Elles ont eu pour
but de soutenir financièrement l'effort de recherche et de modifier
l'organisation et les modes de financement de la recherche pour les
rapprocher des pratiques étrangères les plus répandues.
La loi de programme du 18 avril 2006
1
pour la recherche a prévu
un effort budgétaire important de l'État en faveur de la recherche
(19,4 Md€ supplémentaires sur la période 2005-2010 par rapport à 2004).
Elle a institué deux nouveaux organismes : l'Agence d'évaluation de la
recherche et de l'enseignement supérieur (AERES) et l'Agence nationale
de la recherche (ANR), afin notamment d'accroître la part des
financements publics sur projets. La loi a instauré, en outre, un ensemble
de dispositifs ou de structures destinés à faciliter les coopérations entre
acteurs de l'enseignement supérieur et de la recherche : pôles de recherche
1
Loi n° 2006-450.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
14
COUR DES COMPTES
et d'enseignement supérieur (PRES)
2
, réseaux thématiques de recherche
avancée (RTRA) dans le nouveau cadre juridique des fondations de
coopération
scientifique
3
,
établissement
publics
de
coopération
scientifique et centres thématiques de recherche et de soins.
En incitant les universités à privilégier, sous contrainte calendaire,
l’accès à des compétences et à des responsabilités élargies, la loi du
10 août 2007 (dite LRU) a relégué au second plan, au moins
temporairement, la logique coopérative qui sous-tendait la politique de
regroupement des établissements et la création des PRES, tout en
affirmant la prééminence des universités en matière de recherche. Des
fondations universitaires ou partenariales sont venues compléter les
dispositifs coopératifs créés en 2006.
L’ensemble visait à mieux associer organismes de recherche et
universités au sein de pôles d'excellence plus visibles sur le plan
international, et à conforter le rôle d'intégrateur de la recherche des
universités. Parallèlement à la mise en place de ces dispositifs,
l'association des organismes de recherche aux universités dans le cadre
d'unités mixtes a été encouragée et est devenue la norme d'organisation
dominante de la recherche publique.
En 2008, le principal soutien à la recherche et au développement
(R&D) des entreprises, le crédit d'impôt recherche (CIR), a été modifié,
ce qui a porté le montant des créances fiscales constituées par les
entreprises à ce titre à plus de 5 Md€ dès 2010. Cette réforme place la
France en tête des pays membres de l'OCDE pour l'avantage fiscal
accordé aux dépenses de recherche et développement des entreprises.
Enfin, la loi de finances rectificative du 9 mars 2010 a lancé un
programme d'investissements d'avenir de 35 Md€ dont les deux tiers
2
Le concept de pôle de recherche et d’enseignement supérieur (PRES) est apparu dès
2004, notamment dans les travaux de la conférence des présidents d’université (CPU)
et dans le rapport sur les états généraux de la recherche publié en novembre 2004. La
Cour des comptes y a consacré un chapitre,
Rapport public annuel 2011,
Tome I. Les
pôles de recherche et d’enseignement supérieur (PRES) : un second souffle
nécessaire, p. 305 à 333. La Documentation française,
Février 2011, 702 p.
et
disponible sur www.ccomptes.fr. Elle a montré que les 21 PRES créés depuis 2006
avaient un impact encore faible en matière de recherche et de formation, notamment
parce que les grands établissements publics scientifiques et techniques en étaient
restés à l’écart, et que la gouvernance de nombre d’entre eux reposait sur des
compromis peu satisfaisants.
3
La Cour a dressé un bilan de ces campus de recherche d’envergure mondiale sur des
thématiques d’avenir dans son
Rapport public annuel 2012
, Tome I. Les réseaux
thématiques de recherche avancée, p. 599 à 655. La documentation française, février
2012, 1079 p. et disponible sur www.ccomptes.fr.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
INTRODUCTION
15
(21,9 Md€) concernent l'enseignement supérieur et la recherche.
L'allocation de ces sommes a été décidée de façon à servir deux objectifs
déjà mentionnés : le renforcement du financement sur projets, en
recourant exclusivement à des procédures de mise en concurrence dans
lesquelles intervenaient des jurys internationaux ; et l'émergence de pôles
d'excellence associant organismes de recherche et universités.
Placé sous le signe du renforcement de la compétitivité de
l'économie française, le programme des investissements d'avenir a, en
outre, cherché à améliorer le transfert des résultats de la R&D publique au
monde de l'entreprise, et les dispositifs de valorisation de la recherche.
Un bilan de moyen terme
Dans le présent rapport, la Cour a porté un regard d'ensemble sur le
financement public de la recherche et a cherché à faire un bilan des
différentes transformations qu’il a enregistrées. Son propos va ainsi au-
delà du champ strict du financement pour inclure l’impact des nouveaux
modes d’allocation des ressources sur la gestion de la recherche, ainsi que
l’impact académique et économique des financements supplémentaires
dont a pu bénéficier la recherche depuis 2006.
Au moment où le Parlement est amené à se prononcer sur un projet
de loi qui lance un nouveau cycle de réforme, un inventaire des dispositifs
de financement existants et des transformations qui les ont affectés depuis
2006 est indispensable. C’est cet inventaire que, dans le champ de ses
compétences, la Cour s’est efforcée de réaliser.
Pour ce faire, elle a procédé à une enquête sur les aspects macro-
économiques et budgétaires
4
du financement de la recherche, y compris
dans leur dimension communautaire. Elle a également examiné les
nouvelles modalités de soutien à la recherche mises en oeuvre depuis 2006
(création de l’Agence nationale de la recherche, réforme du crédit
d’impôt recherche, lancement des investissements d’avenir relevant de la
mission interministérielle recherche et enseignement supérieur). Elle s’est
appuyée sur le contrôle des comptes et de la gestion de l’Institut national
de la santé et de la recherche médicale (INSERM) et de l’Institut national
de la recherche en informatique et en automatique (INRIA),
ainsi que sur
un travail de synthèse mené auprès d’un échantillon d’autres opérateurs.
Elle a mené en outre une enquête sur les dispositifs publics en faveur de
la R&D des entreprises. Afin de disposer d’éléments de comparaison
4
Les notes d’analyse par la Cour de l’exécution budgétaire de la mission MIRES
(2010-2011-2012) sont accessibles sur le site Internet de la Cour.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
16
COUR DES COMPTES
internationale, des échanges ont eu lieu avec l’OCDE et des visites de
terrain ont été organisées en Allemagne, au Royaume-Uni et en Suisse.
Le rapport est organisé en quatre chapitres qui analysent
successivement :
-
les financements publics et l’effort de recherche ;
-
les financements sur projets ;
-
le financement des opérateurs publics ;
-
le lien entre les financements, la performance et les retombées
économiques.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
Chapitre I
Un effort de recherche stable malgré des
financements publics croissants
Dans cette partie, sont examinés successivement les moyens de
l’État tels qu'ils ont été définis dans le cadre de la programmation
budgétaire 2005-2010 adoptée par le Parlement en 2006 et prolongée par
la programmation budgétaire triennale, puis l'évolution de la dépense
publique en faveur de la recherche et celle de la recherche et
développement (R&D) nationale.
Un premier niveau de constat, simple, montre une dépense de
l’État en forte croissance qui a largement dépassé, globalement, le niveau
programmé dans la loi de 2006. La priorité budgétaire en faveur de la
recherche a été effective, même si la dépense a été moins dynamique
depuis 2010 qu’elle ne l’avait été dans la période 2005-2010 couverte par
la loi de programme de 2006.
En regard de cet effort consenti par les finances de l’État, l’activité
de recherche nationale, qu’elle soit le fait des administrations publiques
ou des entreprises, est restée stable en pourcentage du PIB et s’établit en
2010 à 2,2 % du PIB, à un niveau peu différent de celui atteint en 2000 et
inférieur à celui de 1993 (2,36 % du PIB).
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
18
COUR DES COMPTES
Ce constat doit cependant être prolongé et nuancé à la lumière
d’une analyse des différentes composantes de l’effort public de soutien à
la recherche, d’une part, de l’activité de recherche nationale, de l’autre.
Cet exercice de comparaison est compliqué sur le plan
méthodologique, parce qu'il met en regard deux séries de données
différentes dans leur définition et leur périmètre :
-
la dépense publique en faveur de la recherche qui est
principalement retracée dans la mission interministérielle
recherche et enseignement supérieur (MIRES)
5
;
-
l’activité de recherche nationale, qui est mesurée par un agrégat
de comptabilité nationale, la dépense intérieure de recherche et
développement (DIRD).
Ces difficultés méthodologiques portent principalement sur la
recherche militaire
6
, sur les crédits de recherche médicale des hôpitaux, le
financement des collectivités territoriales et le calcul de l’effort de
recherche universitaire.
Sous ces réserves, l'examen de l'évolution comparée de la DIRD et
des dépenses publiques est parlant : la relative stabilité de la dépense
intérieure de recherche contraste avec un effort public de soutien à la
recherche en croissance, qu'il s'agisse des crédits programmés dans le
cadre de la loi de programme pour la recherche de 2006 ou, plus encore,
du principal instrument de soutien à la recherche des entreprises, le crédit
d'impôt recherche.
5
Le budget de l’État est organisé en missions et programmes.
Une mission, interministérielle ou ministérielle, comprend un ensemble de
programmes concourant à une politique publique définie.
Un programme regroupe les crédits destinés à mettre en oeuvre une action ou un
ensemble cohérent d’actions relevant d’un même ministère.
Une action est une composante d’un programme identifiant la destination de la
dépense (des éléments de politique par exemple).
6
L’analyse budgétaire effectuée dans le présent rapport exclut les dépenses de
recherche militaire qui ne sont pas portées par la mission recherche et enseignement
supérieur. Cependant, le principal instrument de mesure de la recherche dans les
agrégats
de
comptabilité
nationale,
la dépense
intérieure
de
recherche
et
développement (DIRD), ne distingue pas entre recherche civile et recherche militaire
et inclut l’ensemble des dépenses de recherche. De façon similaire, certains
instruments, comme le crédit d’impôt recherche, bénéficient à la fois à la recherche
civile et à la recherche militaire des entreprises.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
UN EFFORT DE RECHERCHE STABLE MALGRÉ DES FINANCEMENTS
PUBLICS
CROISSANTS
19
Un examen plus approfondi fait cependant apparaître de fortes
nuances, dont certaines positives, dans ce tableau à première vue
décevant.
I
-
La forte croissance des dépenses de l'État en
faveur de la recherche depuis la loi de programme
de 2006
Au sein du budget de l'État, les moyens consacrés à la recherche
ont fait l'objet d'une priorité continument affichée depuis 2006. Cette
priorité s'est traduite en 2006 par l'engagement de la loi de programme de
consacrer 19,4 Md€ supplémentaires cumulés à la recherche entre 2005 et
2010 par rapport à 2004. En 2008, soit deux ans après la promulgation de
la loi de programme, la réforme du crédit d’impôt recherche (CIR) a
considérablement accru l'aide fiscale apportée aux entreprises par ce
dispositif. En 2010, enfin, les secteurs de l'enseignement supérieur et de
la recherche ont été, avec 21,9 Md€, les principaux bénéficiaires des
35 Md€ d'investissements d'avenir.
Dans le même temps, le ministère de l'enseignement supérieur et
de la recherche et les opérateurs qui lui sont rattachés ont été largement
exonérés des mesures d'économies applicables aux dépenses de l'État : la
règle du non remplacement d'un départ à la retraite sur deux ne leur a pas
été appliquée, l'évolution des dépenses de pension a été financée au titre
de mesures nouvelles et les mises en réserve ont été limitées par rapport
aux normes généralement applicables.
L'examen des crédits dévolus à la mission interministérielle
«
recherche et enseignement supérieur
»
(MIRES) permet de mesurer
globalement l'effort budgétaire accompli en faveur de la recherche.
Cependant, la MIRES ne constitue pas aujourd’hui un cadre de
pilotage et d’analyse véritable des dépenses publiques en faveur de la
recherche :
-
son périmètre reste incomplet ;
-
la part des crédits consacrés spécifiquement à la recherche est
difficile à déterminer et résulte de conventions simplificatrices
ou de clés de répartition anciennes ;
-
la répartition par grands secteurs de recherche n’est pas
fiabilisée.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
20
COUR DES COMPTES
Le traitement budgétaire et comptable des investissements d'avenir
a amplifié ce défaut de lisibilité, que plusieurs recommandations de la
Cour proposent de corriger.
A - Une loi de programme respectée
Dans son article 1
er
, la loi de programme pour la recherche de 2006
approuve une programmation détaillée des moyens consacrés à la
recherche, qui s’apprécie en euros courants et en montant cumulé de
toutes les hausses de crédits sur la période 2005 à 2010 rapportées à
chaque fois à l’année de référence, soit 2004.
Le périmètre de dépenses défini par la loi va au-delà du seul
secteur de la recherche. Il couvre, comme le montre le tableau n° 1 ci-
après : (1) les crédits recherche et enseignement supérieur hors vie
étudiante ; (2) les agences de financement sur projet (ANR et
financements complémentaires d'Oséo-Anvar en faveur de la recherche) ;
(3) la dépense fiscale correspondant au crédit d'impôt recherche.
Il n'a pas été réalisé jusqu’à présent de bilan de l'exécution de cette
disposition législative. Dès 2007, en effet, la référence à la loi de
programme, pourtant toujours en vigueur, a été remplacée dans les
documents budgétaires par une autre référence, l'engagement de consacrer
à la MIRES et au crédit d'impôt recherche 9 Md€ supplémentaires en
2012 par rapport à 2007.
Le bilan d'exécution de la loi de programme de 2006 auquel la
Cour a procédé fait apparaître un effort cumulé pour la recherche de
24,9 Md€ sur la période 2005-2010 selon le périmètre défini par la loi. La
hausse de près d’un tiers par rapport aux moyens prévus (+ 5,5 Md€) se
décompose comme suit : + 400 M€ pour les crédits budgétaires,
- 1,2 Md€ pour les agences et + 6,3 Md€ pour la dépense fiscale.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
UN EFFORT DE RECHERCHE STABLE MALGRÉ DES FINANCEMENTS
PUBLICS
CROISSANTS
21
Tableau n° 1 : programmation issue de la loi de programme pour la
recherche (LOPR) de 2006 et son exécution
Le cumul 2005-2010 est la somme des écarts entre le montant de chacune des années et celui de
l’année de référence 2004
Source : Cour des comptes à partir des données de la direction du budget et du
ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche
Entre 2005 et 2010, les crédits budgétaires et ceux dédiés aux
agences de financement sur projet (ANR et Oséo-Anvar) ont augmenté de
5,21 Md€, soit + 29,6 %. En 2010, ils sont supérieurs de 499 M€ au
montant prévu cette même année dans la loi de programme, mais la part
revenant aux agences est en retrait de 515 M€. En neutralisant l'effet de
l'évolution des cotisations au compte d’affectation spéciale
Pensions
7
,
8
,
qui a augmenté de 1 Md€ entre 2006 et 2010, les crédits budgétaires dits
récurrents (c’est-à-dire hors agences) se situent en année terminale 2010
au niveau prévu par la loi de programme (20,8 Md€).
En année terminale, la dépense fiscale se trouve majorée de
4,2 Md€ par rapport à 2004 et de 3,2 Md€ par rapport au chiffre de la loi
de programme.
7
Il n’est pas possible de retraiter les cotisations au CAS
Pensions
sur 2004 et 2005.
8
Le compte d’affectation spéciale (CAS)
Pensions
regroupe, dans le budget de l’Etat,
l’ensemble des recettes (cotisations retraite des agents, contribution de l’État en tant
qu’employeur) et des dépenses (pensions versées aux retraités) relatives aux retraites
des fonctionnaires de l’Etat. Ces recettes et ces dépenses devant être équilibrées, la
contribution de l’État en tant qu’employeur est ajustée en conséquence.
en M€ (CP)
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
Cumul
2005-2010
Programmation LOPR (1+2+3)
18 855
19 861
20 870
21 840
22 639
23 320
24 000
19 400
Crédits budgétaires (1)
18 205
18 561
18 950
19 360
19 919
20 365
20 800
8 725
Agences (2)
0
350
630
910
1 100
1 295
1 500
5 785
Dépenses fiscales (3)
650
950
1 290
1 570
1 620
1 660
1 700
4 890
LOPR
en M€ (CP)
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
Cumul
2005-2010
Ecarts avec
la LOPR
Exécution courante (1+2+3)
18 855
18 290
20 782
20 479
22 365
28 414
27 699
24 899
5 499
Crédits budgétaires (1)
17 240
19 341
18 591
20 115
21 238
21 814
9 108
383
pour information : dont CAS Pensions
2 681
2 770
3 074
3 373
3 626
2 120
Agences (2)
350
641
888
750
976
985
4 590
-1 195
Oseo Anvar puis Oseo Innovation
45
55
50
159
198
ANR (budgétisation à partir de 2008)
700
817
787
ANR
(CAS 902-24 jusqu'en 2007)
350
596
834
Dépenses fiscales (3)
700
800
1 000
1 500
6 200
4 900
11 200
6 310
pour information : autres dépenses
fiscales rattachées à la MIRES
770
706
720
1 122
1 210
1 342
Exécution
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
22
COUR DES COMPTES
Dans le périmètre de la loi, qui inclut les crédits d’enseignement
supérieur, les moyens consacrés à la recherche en 2010 sont supérieurs à
ceux de 2004 à hauteur de 8,8 Md€, soit une augmentation de 47 %.
B - Une forte augmentation des concours de l’État entre
2006 et 2013
Entre 2006
9
et 2013, les concours de l’État en faveur de la
recherche, toutes sources confondues, ont crû de près de 50 % en euros
courants. Ils résultent de trois sources, les crédits budgétaires, les
investissements d’avenir gérés de manière extrabudgétaire et la dépense
fiscale associée au crédit d’impôt recherche (CIR), de loin la plus
dynamique à la suite de la réforme de 2008.
1 -
L'évolution des crédits budgétaires depuis 2006
Les crédits budgétaires destinés à la recherche civile relèvent de la
mission interministérielle
Recherche et enseignement supérieur
(MIRES).
Celle-ci représente, en 2013, 25,9 Md€ en crédits de paiement, soit 6,6 %
du budget général de l'État. Cette part est en croissance par rapport à 2006
où elle était de 6,2 % et à 2009 où elle s’établissait à 6,4 %.
La mission est structurée autour de dix programmes, soit, par ordre
de montants décroissants :
-
le programme 150
Formations supérieures et recherche
universitaires
qui portent en particulier les crédits des
universités consacrés à la recherche ;
-
le programme 172
Recherches scientifiques et technologiques
pluridisciplinaires
où sont suivis les crédits destinés notamment
au CNRS, à l'INSERM, à l'INRIA ou encore à l'Agence
nationale de la recherche (ANR) ;
-
le programme 231
Vie étudiante
qui finance les bourses des
étudiants et les activités des CROUS ;
-
le programme 193
Recherche spatiale
qui porte les crédits du
Centre national d’études
spatiales (CNES) ;
-
le programme 190
Recherche dans les domaines de l'énergie,
du développement et de l'aménagement durables
, avec
9
Il n’est pas possible de remonter à 2005, car 2006 est la première année de
présentation et d’exécution selon les dispositions de la
loi organique relative aux lois
de finances (LOLF) du 1
er
août 2001.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
UN EFFORT DE RECHERCHE STABLE MALGRÉ DES FINANCEMENTS
PUBLICS
CROISSANTS
23
notamment des crédits pour l'Agence de l’environnement et de
la maîtrise
de l’énergie (ADEME) ou le Commissariat à
l’énergie atomique (CEA) ;
-
le programme 187
Recherche dans le domaine de la gestion des
milieux et des ressources
, avec notamment les crédits de
l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) ou de
l’Institut français pour l'exploitation de la mer (IFREMER) ;
-
le programme 192
Recherche et enseignement supérieur en
matière économique et industrielle,
avec les écoles rattachées
au ministère de l'économie et les crédits d'Oséo destinés à la
recherche ;
-
enfin,
trois
programmes
d'un
volume
financier
moins
significatif :
142
Enseignement
supérieur
et
recherche
agricoles
, 191
Recherche duale (civile et militaire)
, et
186 Recherche culturelle et culture scientifique
10
.
a)
Les crédits de la mission interministérielle recherche et
enseignement supérieur, hors vie étudiante
En cohérence avec le format retenu par la loi de programme, il
convient d’exclure le programme n° 2
Vie étudiante
, qui ne finance pas
de dépenses de recherche.
Les neuf autres programmes enregistrent un fort dynamisme de
leurs crédits entre 2006 et 2009, avec un rythme annuel de croissance de
3,6 %. Cette évolution se poursuit ensuite à un rythme annuel de 1,5 %
entre 2009 et 2013, très légèrement inférieur à l’inflation moyenne sur
cette période (1,6 %). Au total, les crédits passent de 20 Md€ en 2006 à
23,6 Md€ en 2013, soit une augmentation de 18 % en 7 ans.
10
La liste détaillée des opérateurs rattachés à chaque programme figure en annexe 1.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
24
COUR DES COMPTES
À périmètre constant et après correction des principales mesures de
transfert
11
, la croissance des crédits se concentre sur la période 2006-
2009, comme le montre le tableau ci-dessous.
Tableau n° 2 : crédits de la MIRES enseignement supérieur (hors vie
étudiante) et recherche à périmètre constant (2006-2012)
Source : Cour des comptes (données direction du budget et
ministère de
l’enseignement supérieur et de la recherche MESR). Crédits exécutés jusqu’en 2011
et crédits de la loi de finances initiale pour 2012
La principale mesure de transfert de crédits concerne un versement
de 1,25 Md€ en faveur du CEA qui a transité de manière exceptionnelle
en 2006 par le programme 188, alors qu’il relève normalement des
programmes gérés par le ministère de la défense.
11
Selon les données fournies par la direction du budget, les mesures de périmètre
concernent, pour les plus importantes d’entre elles : la rebudgétisation d'Oséo-ISI et
Innovation (+ 280 M€), la correction de la base de TVA des opérateurs de recherche
(- 180 M€), la budgétisation des dividendes d'Areva versés au Commissariat à
l’énergie atomique (+ 190 M€). Le périmètre des crédits de l'ANR a été retraité en
intégrant les financements issus du CAS
Pensions
en 2006 et 2007.
Selon les données fournies par le ministère de l’enseignement supérieur et de la
recherche, les principales mesures de transfert externe sur la MIRES concernent :
+ 50 M€ pour le programme 150, notamment pour le renforcement du ministère ;
+ 110 M€ pour le programme 192, notamment pour l’intégration des personnels des
écoles ; -35 M€ transférés du programme 186 vers les programmes de la mission
culture. En raison de sa complexité, ce retraitement n’était pas disponible pour l’année
2012 au moment de l’élaboration du rapport.
valeur
en %
2006-
2009
2009-
2012
142
Enseignement supérieur et
recherche agricoles
249
250
260
277
287
283
292
43
17%
4%
1,7%
150
Formations supérieures et
recherche universitaire
10 116
10 752
11 309
11 940
12 197
12 304
12 449
2 333
23%
6%
1,4%
172
194
Recherches scientifiques et
technologiques pluridisciplinaires
(hors ANR)
3 965
3 638
4 083
4 299
4 466
4 426
4 442
476
12%
3%
1,1%
172
ANR
596
834
700
817
787
687
760
164
27%
11% -2,4%
186
Recherche culturelle et culture
scientifique
144
148
143
155
153
159
160
16
11%
3%
1,0%
187
Recherche dans le domaine de la
gestion des milieux et des
ressources
1 112
1 126
1 209
1 259
1 267
1 273
1 286
173
16%
4%
0,7%
190
188
189
Recherche dans les domaines de
l’énergie, du développement et de
l'aménagement durables
1 180
1 233
1 237
1 298
1 301
1 335
1 243
64
5%
3% -1,4%
191
Recherche duale (civile et
militaire)
198
196
195
200
194
189
193
-5
-3%
0% -1,2%
192
Recherche et enseignement
supérieur en matière économique
et industrielle
525
842
429
672
825
790
681
156
30%
9%
0,5%
193
Recherche spatiale
1 239
1 248
1 228
1 267
1 275
1 373
1 395
156
13%
1%
3,3%
19 325
20 267
20 793
22 183
22 752
22 818
22 899
3 575
18%
4,7%
1,1%
Total
(en millions d'euros)
Programme
Croissance
annuelle
Evolution
2006-2012
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
UN EFFORT DE RECHERCHE STABLE MALGRÉ DES FINANCEMENTS
PUBLICS
CROISSANTS
25
Pour le programme 150 qui porte les crédits alloués aux universités
au titre de leurs activités d’enseignement supérieur et de recherche, la
progression des crédits est de 2,3 Md€ entre 2006 et 2012, avec un
rythme annuel de croissance de 6 % jusqu'en 2009, puis de 1,4 %.
Les crédits du programme 172 hors ANR, qui sont destinés au
CNRS, à l’INSERM et à huit autres opérateurs, augmentent de 500 M€
sur la période avec un rythme de croissance de 3 % par an entre 2006 et
2009 et de + 1,1 % entre 2009 et 2012.
Les crédits destinés à l'ANR, aux recherches dans le domaine de la
gestion des milieux et des ressources, à la recherche et à l'enseignement
supérieur en matière économique et industrielle ainsi qu’à la recherche
spatiale bénéficient tous d’abondements supérieurs à 150 M€ entre 2006
et 2012, soit des taux de croissance allant de + 13 % à + 30 %.
b)
L'évolution des crédits recherche de la mission interministérielle
recherche et enseignement supérieur
Pour isoler les crédits destinés spécifiquement à la recherche au
sein de la mission interministérielle, il faut descendre au niveau des
actions qui composent les programmes. Ce niveau, plus fin, n’offre
cependant pas la même fiabilité qu’en raisonnant globalement, la
répartition des crédits entre actions ne revêtant qu'un caractère indicatif.
Les documents annexés aux projets de lois de finances ne permettent pas
une lecture directe des crédits de la MIRES consacrés à la recherche.
Le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche suit ces
dépenses en retenant l'intégralité des programmes qui concernent
uniquement la recherche (programmes 172, 186, 187, 190, 191 et 193) et,
pour les trois programmes 150, 192 et 142, dotés de crédits
d'enseignement et de recherche, les seules actions portant sur la
recherche
12
.
Ainsi définis les crédits consacrés spécifiquement à la recherche
représentent 14 Md€ en 2013. À périmètre et en euros courants ils
augmentent entre 2006 et 2013 de manière identique à ceux de l’ensemble
de la mission hors vie étudiante (+ 18 %, soit + 2,1 Md€), et le rythme de
progression annuelle est proche de celui constaté pour la mission (+ 3,3 %
entre 2006 et 2009) et (+ 1,7 % entre 2009 et 2013).
12
Ce sont les actions 6 à 12 du programme 150, les actions 2 et 3 du programme 192
(pris en compte en totalité jusqu'en 2009 dans le périmètre recherche) et l’action 2 du
programme 142.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
26
COUR DES COMPTES
Tableau n° 3 : crédits recherche de la MIRES à périmètre
courant (2006-2013)
Source :
ministères chargés du budget et la recherche.
Si l’on excepte la recherche duale qui régresse, les autres
programmes
13
connaissent des progressions significatives. Les plus fortes
concernent la recherche universitaire (+ 1,5 Md€, soit + 67 %) et le
programme 172 qui porte notamment les subventions au CNRS, à
l'INSERM, à l'INRIA et à l'ANR (+ 1,2 Md€, soit + 30 %). Le rythme
annuel de croissance est très soutenu entre 2006 et 2009 (+ 15 % pour la
recherche universitaire, +8 % pour le programme 172). Il l'est moins entre
2006 et 2013 (respectivement + 2,3 % et + 0,8 %).
Ainsi constitué, le périmètre recherche de la MIRES regroupe une
très large part de l'activité de recherche civile et duale financée par l'État.
Il ne comprend cependant ni certaines dépenses au titre de la politique de
santé publique qui figurent dans la mission
Santé
(moins de 5 M€), ni
surtout l’enveloppe des crédits alloués aux établissements de santé pour
leurs missions d'enseignement, de recherche, de référence et d'innovation
13
Les évolutions négatives qui apparaissent sur les programmes 186 et 190 peuvent
être rapportées à des mesures de transfert.
(en millions d'euros)
valeur
%
2006-
2009
2009-
2013
142
Recherche agricole
41
43
41
41
41
36
37
36
-5 -12%
0%
-3%
150
Recherche universitaire
2 264
2 773
3 315
3 446
3 599
3 675
3 744
3 776
1 511
67%
15%
2,3%
172
194
Recherches scientifiques et
technologiques pluridisciplinaires
3 965
3 638
4 783
4 994
5 131
5 033
5 122
5 159
1 194
30%
8%
0,8%
186
Recherche culturelle et culture
scientifique
144
148
143
154
152
124
124
119
-25 -17%
2%
-6%
187
Recherche dans le domaine de la
gestion des milieux et des
ressources
1 112
1 126
1 209
1 224
1 232
1 237
1 250
1 282
170
15%
3%
1,2%
190
188
189
Recherche dans les domaines de
l’énergie, du développement et
de l'aménagement durables *
2 433
1 233
1 217
1 260
1 264
1 444
1 352
1 378
-1 055
-43%
1%
2,3%
191
Recherche duale (civile et
militaire)
198
196
195
200
194
189
193
192
-6
-3%
0%
-1,0%
192
Recherche en matière
économique et industrielle
525
863
450
544
692
790
673
700
175
33%
1%
6,5%
193
Recherche spatiale
1 239
1 248
1 238
1 270
1 278
1 377
1 399
1 413
174
14%
1%
2,7%
11 921
11 268
12 590
13 134
13 583
13 906
13 894
14 054
2 133
18%
3,3%
1,7%
Données en crédits de paiements, en exécution (2006 à 2011) et en loi de finances (2012 et 2013)
Evolution 2006-
2013
Croissance
annuelle
Total
Programme ou actions
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
* la rupture de données entre 2006 et 2007 des programmes 190-188-189 est liée à la mesure de transfert de 1,25 Md€ mentionnée précédemment
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
UN EFFORT DE RECHERCHE STABLE MALGRÉ DES FINANCEMENTS
PUBLICS
CROISSANTS
27
(MERRI) par la Caisse nationale d’assurance maladie des
travailleurs salariés pour un montant de 2,95 Md€ en 2012
14
. De même,
certaines dépenses de recherche agricole figurent dans la mission
Agriculture
,
pêche, alimentation et affaires rurales
et dans un compte
d'affectation spéciale
Développement agricole et rural
(environ 60 M€).
2 -
Les financements extrabudgétaires
L'évolution des crédits budgétaires de la MIRES affectés à la
recherche ne donne pas la pleine mesure des moyens mobilisés par l’État
en faveur de ce secteur. En effet, une part de ceux-ci, en forte croissance
depuis 2006, est hors budget général et est même extrabudgétaire.
a)
Les premières dotations de l'ANR
Jusqu'en 2008, les interventions de l'Agence nationale de la
recherche (ANR) n'étaient pas financées sur crédits du budget général
mais par des ressources issues du compte d'affectation spéciale alimenté
par les opérations en capital de l'État (350 M€ en 2005, 596 M€ en 2006,
845 M€ en 2007).
b)
Les dotations initiales aux fondations de coopération scientifique
Dès sa promulgation en 2006, la loi de programme a intégré dans
le code de la recherche de nouveaux instruments de coopération
scientifique. Le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche a
retenu treize réseaux thématiques de recherche avancée (RTRA) et,
s’agissant de la recherche biomédicale, neuf centres thématiques de
recherche et de soin (CTRS). Ces entités ont le statut de fondations de
coopération scientifique. L’État leur a alloué une somme de 236 M€ issue
du compte d’affectation spéciale
Participations financières de l’État
(CAS PFE) afin de compléter les dotations apportées par les fondateurs
qui s’élevaient à 54,175 M€ pour les RTRA et à 20,275 M€ pour les
CTRS.
14
Cour des comptes,
La sécurité sociale
, Le financement des centres hospitalo-
universitaires (CHU), p. 229 à 258. La Documentation française, septembre 2011,
579 p. et disponible sur www.ccomptes.fr, la Cour a recommandé
« d’être nettement
plus sélectif dans l’attribution des financements [...] MERRI en s’appuyant sur des
indicateurs de performance portant sur l’activité et la qualité de la recherche ».
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
28
COUR DES COMPTES
c)
Le programme des investissements d'avenir
Le programme des investissements d'avenir relevant de la MIRES
a été entièrement imputé en 2010 sur des programmes qui ont été ouverts
et fermés cette même année, les sommes étant alors affectées aux
opérateurs
désignés
pour
piloter
les
différentes
actions
des
investissements d'avenir
15
. En exécution budgétaire, les 21,9 Md€
d'investissements d'avenir ne sont constatés qu’en 2010, alors même que
la mise en oeuvre des projets et la consommation des crédits sont appelées
à s’étaler sur une période de dix ans, de 2010 à 2020.
Les 21,9 Md€ rattachés à la MIRES au titre des investissements
d'avenir concernent à la fois la recherche et l'enseignement.
Le calcul de la part des crédits des investissements d'avenir
affectés à la recherche au sein de la MIRES suppose de retenir des
hypothèses. Une approximation des crédits annuels apportés par les
investissements d'avenir aux actions se rapportant à la recherche peut être
réalisée autour des principes suivants : ne pas prendre en compte l'action
« initiatives d’excellence en formations innovantes » (IDEFI) qui ne
concerne que des actions d'enseignement supérieur, ni les actions
« Plateau de Saclay » et « Campus » qui concernent l'immobilier ; en
revanche, retenir 50 % de l'action « initiatives d'excellence ». Cette
méthode majore cependant l'apport des investissements d'avenir à la
recherche, plusieurs financements couvrant également des actions
d'enseignement supérieur (laboratoires d’excellence ou LABEX par
exemple) ou même de soins (instituts hospitalo-universitaires
16
).
Avec ces hypothèses, et en tenant compte des parts consommables
et non consommables des investissements d'avenir, le total de crédits des
investissements d'avenir disponibles pour la recherche dans le périmètre
de la MIRES se monte à 9,065 Md€ sur la période 2010-2020. Compte
15
En effet, 34,65 Md€ ont été ouverts par la loi de finances rectificative n° 2010-237
du 9 mars 2010 entre 13 programmes budgétaires créés à cette occasion au sein de six
missions budgétaires préexistantes du budget général, ainsi qu'au sein du compte de
concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés »
s'agissant du refinancement de l'activité de prêts aux PME. Ils ont été versés
immédiatement à chaque opérateur concerné et ont donc été imputés sur le résultat
d’exécution des lois de finances de l’exercice 2010.
16
Pour être reconnu comme un pôle d’excellence, un institut hospitalo-universitaire
(IHU) doit avoir un ou plusieurs services de soins reconnus, des équipes de recherche
biomédicale de réputation mondiale, un enseignement universitaire de qualité et un
système de valorisation des découvertes grâce à une recherche partenariale et
translationnelle efficace. La création de ces instituts fait suite aux recommandations
du rapport au Président de la République du professeur Jacques Marescaux.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
UN EFFORT DE RECHERCHE STABLE MALGRÉ DES FINANCEMENTS
PUBLICS
CROISSANTS
29
tenu des faibles décaissements intervenus en 2010 (2,8 M€) et 2011
(400 M€), le montant annuel sur la période 2012-2020 devrait être de
l'ordre de 1 Md€ en fourchette haute, chiffre cohérent avec la prévision de
décaissement pour 2012 (1,06 Md€).
Ce milliard d'euros supplémentaire représente l'équivalent de 7 %
des crédits recherche de la MIRES.
3 -
Le crédit d’impôt recherche
Le crédit d'impôt recherche (CIR) est une dépense fiscale rattachée
à la MIRES. Par nature, elle n'apparaît pas dans les crédits budgétaires.
C’est néanmoins un soutien important de l'État à la recherche des
entreprises, en forte croissance depuis sa réforme en 2008. Pour la
dernière année (2010) où les données d’exécution sont connues, les
entreprises ont constitué, au titre du CIR, un droit annuel à crédit d'impôt
de 5 Md€. Ce dispositif, qui représentait en 2006 l'équivalent de 12,5 %
des crédits recherche de la MIRES, atteint en 2010 l'équivalent de 36 %,
et sa croissance devrait se poursuivre en 2014.
a)
Un dispositif particulièrement avantageux au regard des pratiques
de nos principaux partenaires
Le crédit d'impôt recherche permet aux entreprises de retrancher de
leur impôt sur les sociétés une part de leurs dépenses de recherche et
développement (R&D). Cette imputation peut être étalée sur trois
exercices si elle excède l'impôt dû, le reliquat éventuel étant remboursé la
quatrième année
17
.
De sa création, en 1983, jusqu'en 2003, le crédit d'impôt était établi
en fonction de l'accroissement des dépenses de recherche des entreprises.
À partir de 2004, une part du crédit d'impôt était calculée sur le volume
de ces dépenses. La réforme de 2008 a supprimé la part calculée sur
l'accroissement des dépenses. Les dépenses de R&D sont désormais
déductibles de l'assiette de l'impôt sur les sociétés (IS) au taux de 30 %
jusqu'à 100 M€ de dépenses et de 5 % au-delà. Ces taux sont majorés à
50 % la première année et à 40 % la deuxième année pour les entreprises
nouvelles. Le plafond du crédit d'impôt est supprimé.
Dans le cadre du plan de relance, les entreprises ont pu obtenir, en
2009 et 2010, le remboursement de leur créance de crédit d’impôt
recherche (CIR) dès la première année. Cette mobilisation, saluée par les
17
Article 199 ter B du code général des impôts.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
30
COUR DES COMPTES
entreprises auxquelles elle a apporté des liquidités dans une période
cruciale, a été utile sur le plan macro-économique. Contrairement à ce qui
a pu se passer dans d'autres phases de tensions économiques, la dépense
intérieure de R&D des entreprises n'a pas fléchi durant cette période.
Le nouveau dispositif est immédiatement apparu beaucoup plus
onéreux que prévu. L'adoption de la réforme par le Parlement s'est, en
effet, réalisée sur la base d'un chiffrage du coût du dispositif de 2,7 Md€
en régime de croisière alors qu’il a atteint 5,05 Md€ en 2010. Cette
situation a suscité de nombreux rapports et études et un ajustement de son
mode de calcul a été décidé en loi de finances pour 2011
18
.
Si les dépenses déclarées au CIR augmentent régulièrement depuis
2000, l’évolution de son coût est principalement liée à la réforme de
2008.
Graphique n° 1 : évolution des dépenses déclarées au crédit d’impôt
recherche, et de la créance de 2000 à 2010
Source : ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche
Sur la période 2007-2010, le montant global du crédit d’impôt
recherche est passé de 1,81 Md€ à 5,05 Md€ : la créance a été
globalement multipliée par près de 3. Au total, entre 2007 et 2010, la
créance rapportée aux dépenses déclarées est passée de 12 % à près de
28 %.
Du fait de son déplafonnement et de ses taux, le dispositif français
apparaît particulièrement généreux, quel que soit l’indicateur utilisé.
Selon les dernières données publiées par l'OCDE, la France se place ainsi
18
La loi de finances a notamment pérennisé le dispositif de remboursement anticipé
pour les PME, réduit les taux majorés applicables aux nouveaux entrants et le forfait
de fonctionnement permettant de calculer la créance de crédit d’impôt recherche.
(montant en M€ courants)
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
Dépenses de R&D déclarées
10 250
10 700
11 700
11 350
12 500
13 500
13 700
15 400
15 600
17 000
18 200
Montant du CIR - Créance
550
500
500
450
950
1 000
1 500
1 800
4 500
4 700
5 050
10 000
11 000
12 000
13 000
14 000
15 000
16 000
17 000
18 000
19 000
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
Dépenses de
R&D déclarées -
M€ constants
Dépenses de
R&D déclarées -
M€ courants
Dépenses déclarées au CIR
0
1 000
2 000
3 000
4 000
5 000
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
Créance du CIR -
M€ constants
Créance du CIR -
M€ courants
Créances CIR
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
UN EFFORT DE RECHERCHE STABLE MALGRÉ DES FINANCEMENTS
PUBLICS
CROISSANTS
31
en tête du classement des pays membres en fonction de l’aide fiscale
pratiquée pour un euro de R&D. Il en est de même pour le ratio dépense
fiscale en faveur de la recherche/PIB qui, avec 0,28 % du PIB, place la
France loin devant ses partenaires
19
.
b)
Un coût en très forte augmentation
L'accroissement du coût du crédit d’impôt recherche (CIR) se
mesure dans ses deux composantes : la dépense fiscale, c’est-à-dire
l’allègement de la charge fiscale par rapport à ce qui serait résulté de
l’application des principes généraux du droit fiscal, et la créance fiscale,
c'est-à-dire les droits à crédit d'impôt constitués chaque année par les
entreprises. Ces deux évolutions devraient converger en 2014.
Tableau n° 4 : dépenses et créance fiscale du crédit d’impôt
recherche
Source : Cour des comptes
La dépense fiscale liée au crédit d’impôt recherche (CIR) dépend
de la manière dont les entreprises mobilisent leur crédit d'impôt, soit en
l'imputant sur leur impôt sur les sociétés, soit en en demandant à l'État le
remboursement. À cet égard, la mise en oeuvre du plan de relance, qui a
permis aux entreprises de mobiliser entièrement leurs créances en 2009 et
2010, a modifié la part des imputations et des restitutions, renforçant très
sensiblement ces dernières : elles sont passées d'un peu plus de 550 M€
en 2008 à plus de 4,6 Md€ en 2009 et à 3,5 Md€ en 2010
20
.
Depuis 2008, les dépenses fiscales associées au crédit d’impôt
recherche (CIR) ont connu de très fortes variations. Elles sont liées à la
montée en puissance des effets de la réforme, qui mettent quatre ans à
atteindre leur plein régime. Elles sont aussi le fruit de la mise en oeuvre du
plan de relance : après une forte remontée de la dépense fiscale a succédé
19
Une présentation des principales stratégies d'allègement fiscal pratiquées figure en
annexe 2.
20
Dans le cadre de l'instruction menée par la Cour à l'été 2012, les services de la
direction générale des finances publiques n'ont pas été en mesure de fournir des
données postérieures à 2010 à cet égard.
(en millions d'euros)
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
Dépense fiscale
800
1 000
1 500
6 200
4 900
3 070
2 853
3 350
Créance fiscale
1 500
1 800
4 500
4 700
5 050
5 277
5 527
5 751
La dépense fiscale est celle figurant dans les lois de finances.
La créance fiscale est la créance réelle (jusqu'en 2010), puis estimée par le MESR
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
32
COUR DES COMPTES
en 2011 et 2012 un point bas, les entreprises n'ayant plus de stock de
créance à mobiliser.
Dans ce contexte particulier, la prévision de dépense fiscale
présentée dans les projets de loi de finances a jusqu'ici sous-estimé le coût
associé au crédit d'impôt, alors même que, selon les documents
budgétaires, cette prévision est réputée avoir été fiable durant toute la
période.
Tableau n° 5 : évaluation de la dépense fiscale dans les lois de
finances initiales
(M€)
Source : Cour des comptes à partir des fascicules voies et moyens
À l'été 2012, les estimations des administrations ont convergé vers
une créance de crédit d’impôt recherche (CIR) de 6 Md€ à horizon 2014,
ce qui en ferait la première dépense fiscale rattachée au budget de l'État
compte non tenu des nouvelles dépenses fiscales créées en 2013. Ces
évaluations devront être confirmées, mais en tout état de cause, le CIR
connaîtra un important ressaut en 2014.
En effet, à compter de cette date, les conséquences du plan de
relance ne se feront plus sentir et la dépense fiscale, entrée en régime de
croisière, correspondra à l'équivalent de 100 % de la créance constituée
par les entreprises. Dès 2013, un ressaut de 1,05 Md€ a été prévu dans
l'équilibre de la loi de finances. En 2014, un ajustement d'une ampleur
plus grande sera nécessaire. La dépense fiscale devrait continuer à
évoluer de façon dynamique par la suite, car il reste un écart important
entre les dépenses de R&D éligibles au crédit d'impôt et celles, moindres,
qu'elles déclarent au titre du dispositif.
c)
Une incertitude persistante sur l'efficacité de l’instrument fiscal
Eu égard au coût croissant de cet instrument fiscal, il importe d’en
mesurer l’impact économique.
2007
2008
2009
2010
2011
2012
Voies et moyens PLF 2009
1 000
1 390
2 010
Voies et moyens PLF 2010
1 500
5 800
4 000
Voies et moyens PLF 2011
6 200
4 500
2 100
Voies et moyens PLF 2012
4 900
2 275
2 300
Voies et moyens PLF 2013
3 070
2 853
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
UN EFFORT DE RECHERCHE STABLE MALGRÉ DES FINANCEMENTS
PUBLICS
CROISSANTS
33
À ce jour aucune des études économétriques disponibles ne porte
encore sur le dispositif issu de la réforme de 2008. L'étude servant de
fondement
21
à l'indicateur d'impact présenté à l'appui des lois de finances
est une simulation
ex ante
et non pas une évaluation
ex post
de l'effet de
la réforme de 2008. Les données utilisées s'arrêtent en 2007, les auteurs
de cette étude notant en conséquence dans leur introduction que la
simulation ainsi réalisée doit être considérée avec une grande prudence.
Dans le courant de l'année 2013, trois études devraient être
publiées et pourraient fournir des éléments d'évaluation du multiplicateur
de la dépense de recherche résultant du mécanisme du crédit d’impôt
postérieurement à la réforme.
Dans l'attente de ces résultats, il importe que les documents
annexés aux lois de finances soient corrigés de façon à ne pas donner
l'impression qu'ils reposeraient sur une évaluation effective de l'impact de
la réforme de 2008.
La réforme de 2008 s’est également inscrite dans le cadre plus
large de la réponse macro-économique à la crise. Dans un contexte de
dégradation persistante de la conjoncture, il est difficile de porter un
jugement sur l’effet de levier de la réforme du crédit d’impôt recherche
(CIR) sur la recherche des entreprises indépendamment des effets de
trésorerie.
D’une part, on constate une mauvaise évaluation de départ, une
dynamique mal anticipée, un coût difficile à maîtriser et l’absence de
mesures d’impact probantes du mécanisme fiscal. D’autre part, on voit un
effet positif sur la trésorerie des entreprises, un soutien fiscal indirect au
secteur industriel et une stabilisation de l’effort de recherche des
entreprises en dépit de la crise.
Les indications recueillies par la Cour auprès d’un certain nombre
de grands groupes ont confirmé que le crédit d’impôt permettait de
compenser le surcoût des charges sociales d’un chercheur français par
rapport à celui d’un chercheur américain ou chinois de manière plus
ciblée que ne le ferait une baisse du taux de l’impôt sur les sociétés.
La Cour reviendra prochainement sur ces questions dans un
rapport demandé par la commission des finances de l’Assemblée
21
Dans le projet annuel de performances pour 2013, les prévisions d’impact pour les
années 2012 et 2013 sont une reprise des résultats présentés dans le rapport de
MULKAY B. et MAIRESSE J.
Évaluation de l’impact du crédit d’impôt recherche
,
Rapport pour le ministère de l’enseignement supérieur et la recherche, publié en
novembre 2011.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
34
COUR DES COMPTES
nationale
22
, et consacré à l’évolution et aux conditions de maîtrise du
crédit d’impôt recherche, en exploitant les données de l’année 2011 et les
résultats d’études économétriques qui, pour la première fois, devraient
porter sur le dispositif issu de la réforme de 2008.
4 -
Des moyens fortement augmentés malgré des évolutions
contrastées
a)
Une évolution très soutenue des financements de l'État à la
recherche, y compris investissements d'avenir et crédit d’impôt
recherche
En faisant la somme des crédits recherche dans le périmètre de la
MIRES, des crédits apportés à l'Agence nationale de la recherche hors
MIRES jusqu'en 2008, des décaissements attendus au titre des
investissements d'avenir et de la créance fiscale associée au crédit
d’impôt recherche (CIR), les moyens consacrés par l'État à la recherche
augmentent de 6,8 Md€ entre 2006 et 2013, soit une hausse de 48 % en
euros courants. Sur ce total la progression la plus forte (+ 283 %)
concerne la créance au titre du CIR, alors que les seuls crédits recherche
dans le champ de la MIRES croissent de 18 % et, en incluant les
financements de l’ANR hors MIRES, en 2006 et 2007 de 12 %
seulement.
Tableau n° 6 : moyens financiers consacrés par l'État à la recherche
Source : Cour des comptes à partir des données budgétaires
En euros constants, la progression reste importante. Les moyens
financiers consacrés par l’État à la recherche augmentent de 33 % entre
2006 et 2013 (+ 244 % pour le crédit d’impôt recherche, + 8 % pour les
crédits budgétaires et extrabudgétaires, y compris les investissements
d’avenir).
22
En application de l’article 58-2° de la LOLF.
(en millions d'euros)
valeur
%
Crédits recherche MIRES
11 921
11 268
12 590
13 134
13 583
13 906
13 894
14 054
2 133
18%
Financement de l'ANR hors MIRES
596
834
Investissements d'avenir MIRES -
recherche (décaissements)
2,8
400
1 006
1 000
1 000
Crédit d'impôt recherche (créance)
1 500
1 800
4 500
4 700
5 050
5 277
5 527
5 751
4 251
283%
Total
14 017
13 902
17 090
17 834
18 636
19 583
20 427
20 805
6 788
48%
La créance fiscale est la créance réelle (jusqu'en 2010), puis estimée par le Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Sur la base de la part recherche des investissements d'avenir estimée, décaissements réels pour 2010 et 2011 et estimés pour 2012 et 2013.
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
Evolution
2006-2013
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
UN EFFORT DE RECHERCHE STABLE MALGRÉ DES FINANCEMENTS
PUBLICS
CROISSANTS
35
Le tableau ci-dessous donne, sur la période 2006-2013, la
ventilation des crédits par composantes. Il en ressort que la recherche
universitaire, la recherche en matière économique et industrielle et les
crédits
attribués
à
l’ANR
enregistrent
les
plus
fortes
hausses,
respectivement + 67 %, + 33 % et + 27 %.
Tableau n° 7 : principales composantes de l'évolution du
financement de la recherche
Source : Cour des comptes à partir des données budgétaires
b)
Les perspectives du budget triennal 2013-2015
Dans un cadre particulièrement contraint, le budget triennal arrêté
au titre de la loi de programmation des finances publiques 2012-2017
préserve le caractère prioritaire des crédits de la Mission interministérielle
Recherche et enseignement supérieur
(MIRES) par rapport à l’évolution
globale du budget de l’Etat, avec toutefois des progressions modestes en
euros courants (+3,2 % entre 2012 et 2015) : le plafond de crédits est
arrêté en effet à 25,1 Md€ en 2012, 25,6 Md€ en 2013, 25,7 Md€ en 2014
et à 25,9 Md€ en 2015.
Dans le périmètre recherche de la MIRES, l’évolution attendue
repose sur des plafonds d'emplois stables pour les opérateurs rattachés au
ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. Une baisse des
crédits de l'ANR est prévue (- 195 M€ par rapport à la loi de finances
pour 2012, soit 563,5 Md€ de crédits de paiement en 2015), redéployée
en majorité sur les moyens des laboratoires des organismes de recherche.
(en millions d'euros)
valeur
%
Recherche universitaire
2 264
2 773
3 315
3 446
3 599
3 675
3 744
3 776
1 511
67%
Recherches pluridisciplinaires (hors
ANR)
3 965
3 638
4 083
4 177
4 344
4 346
4 362
4 400
435
11%
ANR
596
834
700
817
787
687
760
759
163
27%
Recherche dans le domaine de la
gestion des milieux et des
ressources
1 112
1 126
1 209
1 224
1 232
1 237
1 250
1 282
170
15%
Recherche dans les domaines de
l'énergie, du développement et de
l'aménagement durables
2 433
1 233
1 217
1 260
1 264
1 444
1 352
1 378
-1 055
-43%
Recherche en matière économique
et industrielle
525
863
450
544
692
790
673
700
175
33%
Recherche spatiale
1 239
1 248
1 238
1 270
1 278
1 377
1 399
1 413
174
14%
Autres
383
388
379
395
387
348
354
347
-36
-9%
Investissements d'avenir
2,8
400
1006
1000
1 000
CIR (créance)
1 500
1 800
4 500
4 700
5 050
5 277
5 527
5 751
4 251
283%
Total
14 017
13 902
17 090
17 834
18 635
19 583
20 427
20 805
6 788
48%
2006
2007
2008
2009
2010
2011
* évolutions en % à compter de 2007 pour les programmes 190, 188 et 189 du fait d'une rupture de données entre 2006 et 2007
2012
2013
Evolution
Les programmes recherche duale, recherche agricoles et recherche culturelle et culture scientifique ont été regroupés sous la rubrique autre.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
36
COUR DES COMPTES
C - Une programmation et une information financière
insuffisantes
Les financements affectés par l’État à la recherche ne sont pas
identifiés distinctement dans les documents annexés aux lois de finances.
Ils souffrent d’être établis sur des modes de calculs forfaitaires pour la
recherche universitaire. Et il n’est pas possible de rapprocher la
programmation budgétaire et les priorités scientifiques, mise en relation
pourtant indispensable pour opérer des choix.
1 -
Des documents budgétaires incomplets
Il n'existe pas pour l'heure de synthèse au sein de la mission
interministérielle
Recherche
et
enseignement
supérieur
(MIRES)
récapitulant les crédits budgétaires destinés à la recherche et faisant
également
état
des
dépenses
extrabudgétaires
associées
aux
investissements d'avenir. Une telle information, complétée par la dépense
fiscale liée au crédit d’impôt recherche (CIR), est nécessaire pour donner
l’exacte mesure de l'effort financier consacré par l'État à la recherche.
S’agissant des investissements d’avenir en particulier, un système
de suivi a été mis en place pour rendre compte de ces montants dans les
documents budgétaires annexés aux lois de finances. Cependant ceux-ci
ne figurent pas dans le total des crédits budgétaires de l’État réputés
entièrement consommés en 2010. L’appréciation de l’effort réellement
consacré par l’État à la recherche jusqu’en 2020 s’en trouve rendue plus
malaisée, à défaut d’éléments de synthèse.
2 -
Une mesure imprécise de la recherche universitaire
Au sein du périmètre recherche de la MIRES, les crédits recherche
des universités ont connu la plus forte croissance depuis 2006, surtout sur
la période 2006-2009.
Ces crédits sont établis sur la base des six actions regroupant les
activités de recherche universitaire par grandes thématiques de recherche,
selon une nomenclature identique à celle utilisée pour le programme
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
UN EFFORT DE RECHERCHE STABLE MALGRÉ DES FINANCEMENTS
PUBLICS
CROISSANTS
37
Recherches pluridisciplinaires
, qui porte notamment les crédits du CNRS
et de l'INSERM
23
. Or, ces crédits sont déterminés sur des bases
forfaitaires remontant à 2004.
L'évolution des crédits du programme
Enseignement supérieur et
recherche universitaire
n'explique pas à elle seule la forte croissance
constatée entre 2006 et 2009 sur les actions de recherche universitaire par
rapport à celles retracées au sein du programme qui porte les crédits des
organismes de recherche pluridisciplinaires.
Tableau n° 8 : dynamique des actions recherche (2006-2012)
Source: Cour des comptes à partir des rapports annuels de performances
Ainsi, les crédits consacrés aux six actions de recherche
universitaire et de recherches pluridisciplinaires conduites par les
organismes ont augmenté de 1,9 Md€ entre 2006 et 2012. Dans cette
hausse 1,5 Md€ est imputable aux universités, dont 1,2 Md€ sur la seule
période 2006-2009. Cette croissance (+ 15 % par an en moyenne entre
2006 et 2009) est très nettement supérieure à celle des crédits d'ensemble
affectés à l'enseignement supérieur et à la recherche universitaire (+ 6 %
par an en moyenne entre 2006 et 2009). La part des crédits recherche au
sein de ce programme s’accroît donc mécaniquement, passant de 22 % en
2006 à 29 % dès 2009 et à 30 % en 2012.
Cette évolution, en dehors d'un changement de périmètre de
220 M€ en 2007, est due à une modification de la méthodologie de calcul
de la part des crédits affectés à la recherche au sein des universités dans la
période 2006-2009, sans que mention en soit faite dans les documents
annexés aux lois de finances. En effet, la clé de répartition définie en
2004, qui réservait 45 % de leur temps de travail à la recherche, a été
remplacée, par la suite, par une clé de répartition à 50 %, choix justifié
selon le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche par les
obligations statutaires des enseignants-chercheurs.
23
Les regroupements thématiques sont les suivants : 1) sciences de la vie,
biotechnologies et santé ; 2) mathématiques, sciences et technologies de l’information
et de la communication, micro et nanotechnologies ; 3) physique, chimie et sciences
pour l'ingénieur ; 4) physique nucléaire et des hautes énergies ; 5) sciences de la terre,
de l'univers et de l'environnement ; 6) sciences de l'homme et de la société.
(en crédits de paiement et en M€)
univer-
sités
organi-
smes
total
univer-
sités
organi-
smes
total
univer-
sités
organi-
smes
total
univer-
sités
organi-
smes
total
Total
2 264
2 875
5140
3 446
3 189
6635
3 744
3 310
7 054
1 480
435 1 915
Part dans le programme 150
2006
2009
2012
Ecart 2006/2012
22%
29%
30%
Les crédits des universités correspondent à ceux des actions 6 à 12 du programme 150.
Les crédits des organismes correspondent à ceux des actions 5 à 11 du programme 172.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
38
COUR DES COMPTES
Nos principaux partenaires procèdent à un examen plus fin. Ainsi
l'Allemagne, où les enseignants ont le même type de charges, fixe des
taux de participation à la recherche différenciés par discipline, allant de
9,2 % à 41,1 %
24
.
Le forfait appliqué en France tend donc à surpondérer le poids des
sciences humaines et sociales (SHS) dans l’effort de recherche
25
.
En outre, depuis le passage des universités aux responsabilités et
compétences élargies, la méthode utilisée ne peut plus s'appuyer, au plan
budgétaire, sur des données réelles fournies par les universités. Les
évolutions induites par leur politique de recrutement et d'affectation ne
sont donc pas prises en compte.
Il s’agit d’un sujet d'importance tant en matière de recherche que
d'enseignement supérieur
26
. En effet, le partage entre la dépense
d'enseignement et celle de recherche des universités alimente à la fois les
actions « recherche » et les actions « formation » du programme 150 : une
surestimation de la part consacrée effectivement à la recherche par les
universités conduirait mécaniquement à une sous-estimation de la part
consacrée à l'enseignement.
Dans ces conditions, le ministère de l'enseignement supérieur et de
la recherche doit définir rapidement une grille méthodologique permettant
d'étayer de manière objective la clé de partage du temps de travail des
enseignants-chercheurs. Les travaux statistiques en cours au sein du
ministère pourront fournir un appui utile à cette démarche pour apprécier
la position réelle de la France dans les classements internationaux.
24
Sciences naturelles : 39,3 %, ingénierie : 41,1 %, sciences agricoles : 36,5 %,
médecine vétérinaire : 26,7 %, sciences sociales : 33 %, humanités : 24,5 %,
médecine : 9,2 % (source : OCDE, document de méthodologie concernant
l’Allemagne).
25
Selon le rapport sur les politiques nationales de recherche et de formations
supérieures, annexé au projet de loi de finances pour 2013, la recherche en sciences
humaines et sociales (SHS) atteint 2,78 Md€ en 2012, soit 21,5 % des crédits répartis
par objectifs du budget de la recherche. En Allemagne, les crédits bénéficiant à ce
secteur ne représentent que 6,6 % des dépenses de recherche de l’État fédéral
(708,5 M€ sur 10,7 Md€ auxquels s'ajoutent entre 13 % et 15 % des 3 Md€ de crédits
récurrents des organismes de recherche, soit une dépense publique de 1,1 à 1,2 Md€).
26
La Cour avait déjà alerté sur ce point dans son rapport public thématique de 2005
sur la recherche universitaire.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
UN EFFORT DE RECHERCHE STABLE MALGRÉ DES FINANCEMENTS
PUBLICS
CROISSANTS
39
3 -
Un effort de programmation insuffisant
a)
L'absence de priorités par grands secteurs de recherche
Contrairement à ce que laisse penser l’architecture choisie pour les
programmes et actions de la mission interministérielle et pour la
présentation du budget des organismes de recherche dans leur nouveau
cadre budgétaire et comptable, l’arbitrage des crédits budgétaires en
faveur de la recherche ne s’effectue pas par grandes thématiques de
recherche. Il se fait pour l’essentiel par opérateur.
L’architecture budgétaire mise en place en 2006 n’assure pas de
lecture directe des financements par grandes thématiques de recherche.
Des informations sont données dans le rapport sur les politiques
nationales de recherche et de formations supérieures, annexé aux projets
de lois de finances, mais selon des regroupements qui ne coïncident pas
avec
la
programmation
budgétaire
27
.
Ces
données
ont
être
reconstituées par la Cour dans le tableau n° 9 ci-après.
27
Par exemple, la recherche en sciences de l’homme et de la société correspond à
11 % des crédits recherche de la MIRES en 2012 (Tableau n° 9) alors que le rapport
sur les politiques nationales de recherche indique une part de 21,5 %.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
40
COUR DES COMPTES
Tableau n° 9 : évolutions des grandes thématiques des crédits MIRES
Source : Cour des comptes à partir des données du ministère de l'enseignement
supérieur et de la recherche
(en CP et en millions d'euros)
Evol. en
valeur
Actions et programmes
2006-
2012
2006-
2009
2009-
2012
Sciences de la vie, biotechnologie, santé
1 619
1 853
1 932
17%
16%
312
5%
1%
Mathématiques, STIC, micro et
nanotechnologies
707
808
875
7%
7%
169
5%
3%
Physique, chimie, science pour l'ingénieur
898
1 063
1 165
9%
10%
267
6%
3%
Physique nucléaire et des hautes énergies
317
339
348
3%
3%
31
2%
1%
Science de la terre, de l'univers et de
l'environnement
396
421
465
4%
4%
69
2%
3%
Sciences de l'homme et de la société
908
1 156
1 282
10%
11%
373
8%
3%
Recherches interdisciplinaires et
transversales
294
994
989
3%
8%
694
50%
0%
Recherche agricole
41
41
37
0%
0%
-3
0%
-3%
Recherche culturelle et culture
scientifique
144
154
124
2%
1%
-20
2%
-7%
Recherche dans le domaine de la gestion
des milieux et des ressources
1 112
1 224
1 250
12%
10%
138
3%
1%
Recherche dans les domaines de l'énergie,
du développement et de l'aménagement
durables
1 233
1 260
1 352
13%
11%
119
1%
2%
Recherche duale (civile et militaire)
198
200
193
2%
2%
-5
0%
-1%
Recherche en matière économique et
industrielle
443
544
673
5%
6%
230
7%
7%
Recherche spatiale
1 239
1 270
1 399
13%
11%
159
1%
3%
Total par thématiques
11 170
11 329
12 082
100%
100%
2 634
6%
2%
Total MIRES recherche
11 921
13 134
13 894
*2007 pour la recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de l'aménagement durables pour des
raisons de ruptures de périmètre entre 2006 et 2007.
Croissance
annuelle
moyenne
Les sept premiers domaines correspondent aux actions 6 à 12 du programme 150 et 5 à 11 du programme 172 qui ne
couvrent ni les très grandes infrastructures, ni les fonctions immobilières et d'appui. Les sept suivant correspondent
au périmètre
des actions recherche des autres programmes qui comportent ces fonctions. La part des sept premiers
domaines telle qu'elle ressort des documents budgétaires est minorée du fait de cette différence d'approche et
explique pourquoi le total est inférieur à celui du périmètre recherche de la MIRES.
2006*
2009
2012
Part
2006
Part
2012
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
UN EFFORT DE RECHERCHE STABLE MALGRÉ DES FINANCEMENTS
PUBLICS
CROISSANTS
41
De même, la stratégie nationale de recherche et d’innovation, qui
oriente la politique de la recherche pour les années 2009 à 2012, a
déterminé trois priorités stratégiques
28
, sans pour autant l'assortir de
traduction chiffrée
29
.
La formulation de telles priorités ne garantit pas leur mise en
oeuvre : la Cour a constaté, dans son rapport public thématique de 2007
sur la gestion de la recherche publique dans les sciences du vivant, que la
priorité affichée en faveur de celles-ci n’avait pas été suivie d’effets.
Comme le montre le tableau n° 9, la part des sciences de la vie,
biotechnologie et santé s’est contractée entre 2006 et 2012, passant de
17 % du total à 16 %. Cette contraction est encore plus marquée
s’agissant des universités et des organismes de recherche relevant du
programme 172
30
, comme le montre le tableau n° 10 ci-dessous.
Tableau n° 10 : recherches universitaires et pluridisciplinaires par
thématiques (programmes 150 et 172)
Source : Cour des comptes à partir des données du ministère de l'enseignement
supérieur et de la recherche
Or la fonction stratégique du ministère de l'enseignement supérieur
et de la recherche en matière budgétaire devrait, de l'avis de la Cour,
s'exercer principalement sur la définition de ces priorités par grands
secteurs de recherche, comme sont construits et réalisés les programmes
européens en matière de recherche.
28
Santé,
bien-être,
alimentation
et
biotechnologies ;
environnement
et
écotechnologies ; information, communication et nanotechnologies.
29
Le projet annuel de performances (PAP) comporte désormais un indicateur fixant
des objectifs quant à la part des publications effectuées par les opérateurs dans les
trois secteurs prioritaires de la stratégie nationale de recherche et d’innovation (SNRI)
et un indicateur rapportant le nombre de projets, soutenus par le programme blanc de
l’Agence nationale de la recherche dans ces trois domaines, au total du programme
blanc (programme 172, indicateurs 2.2 et 2.3).
30
Cf. annexe n° 1.
(en CP et en millions d'euros)
univer-
sités
organi-
smes
total
univer-
sités
organi-
smes
total
univer-
sités
organi-
smes
total
parts
2006
parts
2012
Sciences de la vie, biotechnologie, santé
581
1 038
1 619
726
1 127
1 853
757
1 175
1 932
32%
27%
Mathématiques, STIC, micro et nanotechnologies
255
452
707
325
483
808
366
509
875
14%
12%
Physique, chimie, science pour l'ingénieur
411
488
898
475
588
1 063
548
617
1 165
17%
17%
Physique nucléaire et des hautes énergies
12
305
317
8
332
339
13
335
348
6%
5%
Science de la terre, de l'univers et de l'environnt
132
265
396
128
293
421
164
301
465
8%
7%
Sciences de l'homme et de la société
632
276
908
849
308
1 156
968
313
1 282
18%
18%
Recherches interdisciplinaires et transversales
242
52
294
935
59
994
928
61
989
6%
14%
Total
2 264
2 875
5 140
3 446
3 189
6 635
3 744
3 310
7 054
100%
100%
2006
2009
2012
Les crédits des universités correspondent à ceux des actions 6 à 12 du programme 150.
Les crédits des organismes correspondent à ceux des actions 5 à 11 du programme 172.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
42
COUR DES COMPTES
Les alliances créées pour réunir les acteurs intervenant dans des
champs scientifiques déterminés peuvent fournir un point d'appui au
ministère pour construire une présentation
ex post
des crédits par grands
domaines scientifiques et une programmation à moyen terme.
Dans ses réponses à la Cour, le ministère de l’enseignement
supérieur et de la recherche estime que l’architecture de la MIRES
pourrait évoluer en fusionnant les programmes 172 et 187, créant, hormis
le CNES, un seul programme pour les opérateurs de recherche sous sa
tutelle.
Les alliances de recherche
La création des alliances vise à décloisonner les relations entre les
acteurs, en développant les initiatives de coordination et de partenariat. Ces
cinq instances de coordination souples, sans structure juridique, regroupent
les principaux acteurs des grands secteurs : AVIESAN pour les sciences de la
vie et de la santé, ANCRE dans les domaines de l'énergie, ALLISTENE pour
les sciences et techniques numériques, ALLENVI pour les sciences de
l'environnement et ATHENA pour les sciences humaines et sociales.
b)
Les crédits destinés aux entreprises et aux financements sur appels
à projets
Il relève de la fonction stratégique de l’État d’arrêter les
enveloppes de crédits allouées sous forme d’appels à concurrence et
celles destinées aux entreprises. Or ces parts respectives n'apparaissent
pas non plus distinctement dans les documents budgétaires. Ainsi les
crédits destinés aux entreprises dans les programmes 172, 190 et 192 ont
crû fortement sur la période 2006-2012 (+ 54%), mais représentent une
part limitée (5,3 % en 2012) des crédits budgétaires globaux destinés à la
recherche dans un contexte marqué, il est vrai, par la très forte
progression du crédit d’impôt recherche (CIR).
Tableau n° 11 : crédits de la MIRES aux entreprises (en CP)
Source : ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
Evolution
(en millions d'euros)
Exéc.
Exéc.
Exéc.
Exéc.
Exéc.
Exéc.
LFI
2006-2012
P.172 Recherches scientifiques et technologiques
pluridisciplinaires
46,3
50,4
55,7
54,1
53,2
75,0
73,9
60%
P.190 Recherche dans les domaines de l’énergie,
du développement et de l'aménagement durables
71,8
61,2
80,2
73,7
90,0
98,1
76,6
7%
P.192 Recherche en matière économique et
industrielle
360,4
347,2
352,8
462,0
511,4
611,6
584,2
62%
Total
478,5
458,7
488,7
589,7
654,6
784,7
734,7
54%
Evolution
-4%
7%
21%
11%
20%
-6%
Part MIRES Recherche
4,0%
4,5%
5,3%
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
UN EFFORT DE RECHERCHE STABLE MALGRÉ DES FINANCEMENTS
PUBLICS
CROISSANTS
43
Faire de la mission interministérielle recherche et enseignement
supérieur le support d’une programmation budgétaire articulée avec des
priorités scientifiques et une politique de recherche suppose donc un
effort de lisibilité dans la présentation des crédits, de sincérité dans leur
évaluation, s’agissant de la recherche universitaire, et de clarification des
objectifs. Ce sont là des contreparties indispensables à la priorité accordée
en termes de crédits à ce secteur.
II
-
Un effort de R&D resté stable
En contraste avec un effort public de soutien à la recherche en
croissance, le niveau de recherche et développement (R&D) français est
constant en pourcentage du PIB sur moyenne période, dans ses deux
composantes, R&D des entreprises et R&D des administrations. Si le
niveau de R&D des administrations en France paraît comparable à ceux
d’autres pays membres de l’Organisation de coopération et de
développement économique (OCDE), le ratio de R&D des entreprises en
France est inférieur à la moyenne de l’OCDE. La comparaison avec
l’Allemagne montre que les différences de structure économique et, en
particulier, la taille du secteur industriel, expliquent pour une large part
cet écart.
Les circuits de financement de la recherche des administrations et
des entreprises sont relativement séparés : les ressources publiques
financent la recherche publique ; les entreprises s'autofinancent ; la
collaboration entre public et privé ne prend pas la forme de transferts
financiers (exception faite du crédit d’impôt recherche) ou de
financements.
Les agrégats de comptabilité nationale
relatifs à la recherche et développement
L’effort de recherche et développement est reflété par un agrégat
principal de comptabilité nationale, la dépense intérieure de recherche et
développement (DIRD). Celle-ci se subdivise en DIRD des administrations
(la DIRDA) et DIRD des entreprises (la DIRDE). Elle obéit à une définition
méthodologique commune aux pays membres de l'OCDE, contenue dans le
« Manuel de Frascati » (voir annexe 4). Elle est complétée par un autre
agrégat, la dépense nationale de recherche et développement (la DNRD), qui
permet de mesurer la dépense de recherche financée sur des ressources
publiques ou privées françaises, qu'elle soit exécutée en France ou à
l'étranger.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
44
COUR DES COMPTES
Le principal instrument de mesure de la recherche, la DIRD, ne
distingue pas entre recherche civile et recherche militaire. En outre, certains
instruments, comme le crédit d'impôt recherche, bénéficient à la fois à la
recherche civile et à la recherche militaire des entreprises.
A - Un ratio éloigné de l’engagement de Barcelone
Le Conseil européen de Barcelone (2002) a retenu l’objectif de
consacrer d’ici 2010 au moins 3 % du PIB des États membres de l’Union
européenne à la recherche, l’accroissement de l'effort devant porter pour
deux tiers sur le secteur des entreprises et, pour un tiers, sur le secteur des
administrations publiques. Appliqués à la France, les objectifs de
Barcelone impliquaient, s’agissant des dépenses de recherche et
développement (R&D) publiques, une augmentation de 0,81 % à 1,09 %
du PIB et, pour les dépenses des entreprises, de 1,34 % à 1,91 %.
Or, entre 2000 et 2010, le ratio dépenses de recherche/PIB a peu
varié en France. Il est passé, globalement, de 2,15 % du PIB en 2000 à
2,24 % en 2010 (43,4 Md€), pour les administrations, de 0,81 % à 0,83 %
et pour les entreprises, de 1,34% à 1,43 %.
La France se situe ainsi au cinquième rang parmi les six pays
membres les plus importants de l’OCDE en termes de dépense intérieure
de R&D (DIRD), derrière la Corée (3,74 %), le Japon (3,26 %), les États-
Unis (2,83 %) et l’Allemagne (2,80 %), mais devant le Royaume-Uni
(1,80 %). La Suède et la Finlande, de taille économique moyenne,
consacrent à la R&D une part comparativement plus importante de leur
PIB (respectivement 3,39 % et 3,90 %).
Tableau n ° 12 : effort de recherche des principaux pays de l'OCDE
Sources : OCDE (PIST 2012-2), ministère de l’enseignement supérieur et de la
recherche - systèmes d’information et études statistiques pôle Recherche et Insee
Etats-Unis
2,71
(j)
2,86
(j)
2,91
(j)
2,83
(j)
2,77
(j, p)
Japon
3,00
3,47
(a)
3,36
3,26
n.d.
Allemagne
2,47
2,69
2,82
2,80
2,84 (c)
Corée du Sud
2,30 (g)
3,36
3,56
3,74
n.d.
France
2,15 (a)
2,12
2,21 (a)
2,24 (p)
2,25 (p)
Royaume-Uni
1,82
1,78
(c)
1,84 (c)
1,80 (c)
1,77 (p)
Finlande
3,35
3,70
3,94
3,90
3,78
Suède
n.d.
3,70
(c)
3,60
3,39 (c)
3,37 (ac)
Union européenne (UE 27)
1,74 (b)
1,84 (b)
1,92 (b)
1,91 (b)
1,94 (bp)
OCDE
2,20 (b)
2,36 (b)
2,41 (b)
2,38
(b)
n.d.
(a) Discontinuité dans la série avec l'année précédente pour laquelle les données sont disponibles.
(b) Estimation ou projection du Secrétariat fondée sur des sources nationales.
(c) Estimation ou projection nationale.
(g) Sciences sociales et humaines exclues.
(j) Dépenses en capital exclues (toutes ou en partie).
(n.d.)
non disponible
(p) Provisoire.
DIRD/PIB
en %
2000
2008
2009
2010
2011
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
UN EFFORT DE RECHERCHE STABLE MALGRÉ DES FINANCEMENTS
PUBLICS
CROISSANTS
45
Depuis 1978, la part de la R&D dans le PIB en France a évolué de
manière contrastée
:
Graphique n°
2 : évolution du ratio DIRD/PIB en France de 1978 à
2010, en regard de l’évolution du PIB
Source : Cour des comptes, à partir des données du ministère de l’enseignement
supérieur et de la recherche
et de l’Insee
De 1978 à 1993, elle passe de 1,67 % à 2,36 %, décroît ensuite
jusqu’en 1998, puis remonte jusqu'en 2002 et baisse à nouveau jusqu'en
2007. Depuis lors on enregistre une augmentation continue qui permet à
la France de retrouver en 2010 le niveau de 2002, soit 2,24 %, la faible
croissance du PIB améliorant par construction l'indicateur d'effort de
recherche.
-4%
-3%
-2%
-1%
0%
1%
2%
3%
4%
5%
1,6%
1,7%
1,8%
1,9%
2,0%
2,1%
2,2%
2,3%
2,4%
1978
1980
1982
1984
1986
1988
1990
1992
1994
1996
1998
2000
2002
2004
2006
2008
2010
évolution du PIB
en volume
DIRDE / PIB
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
46
COUR DES COMPTES
La composition de la recherche et développement (R&D) en
France a peu varié entre 2000 et 2010, mais la part exécutée par les
entreprises
a
eu
tendance
à
remonter
sensiblement
depuis
le
déclenchement de la crise alors qu’elle avait nettement baissé entre 2002
et 2007, comme le montre le graphique n° 3 ci-après.
Graphique n° 3 : dépenses exécutées de R&D des entreprises et des
administrations, entre 2000 et 2011, en France (en % du PIB)
Source : ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche- systèmes
d’information et études statistiques, pôle recherche, et Insee
L’effort de recherche du secteur public
31
représente entre 0,8 % et
1,0 % du PIB dans une large majorité des pays industrialisés et la France
(avec un ratio de 0,82 % en 2011) se situe dans cette fourchette.
En revanche, l’effort de recherche des entreprises varie très
fortement d’un pays à l’autre : il a ainsi atteint, en 2010, 2,72 % du PIB
en Finlande, 2,49 % au Japon, 1,93 % aux États-Unis, 1,88 % en
Allemagne, 1,41 % en France, 1,10 % au Royaume-Uni.
La faiblesse de la recherche et développement (R&D) des
entreprises en France - de l’ordre de 1,4 % du PIB contre 1,58 % en
moyenne au sein de l'OCDE - a justifié la création ou le renforcement des
dispositifs de soutien en faveur de celles-ci, principalement le crédit
d'impôt recherche. Pourtant, la situation ne s’est pas significativement
améliorée en dix ans : entre 2000 et 2010, la R&D des entreprises est
31
L'effort de recherche dans le secteur public comprend trois catégories : les dépenses
de recherche de l’enseignement supérieur, celles de l’État (y compris les dépenses des
organismes de recherche) et celles des associations.
(p) Prévision
(r) Ruptures de série
0,81
0,81
0,82
0,81
0,80
0,80
0,78
0,77
0,79
0,81
0,83
0,82
1,34
1,39
1,42
1,36
1,36
1,31
1,33
1,31
1,33
1,40
1,41
1,43
0,0
0,5
1,0
1,5
2,0
2,5
3,0
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006 (r)
2007
2008
2009 (r)
2010
2011 (p)
Dépenses de R&D des administrations
Dépenses de R&D des entreprises
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
UN EFFORT DE RECHERCHE STABLE MALGRÉ DES FINANCEMENTS
PUBLICS
CROISSANTS
47
passée de 1,34 % à 1,42 % du PIB (le niveau de 2011 est estimé à
1,43 %
32
).
B - Une contribution des entreprises moindre que dans
les pays comparables
1 -
Une croissance de la dépense de recherche des entreprises sans
effet de rattrapage du retard
Sur longue période, la dépense de recherche des entreprises
françaises a augmenté à un rythme de 6 % par an en euros courants,
masquant des évolutions plus fortes (de 1981 à 1992) ou moindres (de
1992 à 1998). Sur la même période de trente ans, l’Allemagne a connu un
taux de croissance de 4 % par an, marqué aussi par des ruptures de
rythme.
L’écart entre les dépenses réalisées par les entreprises françaises et
allemandes n’en est pas moins très significatif. Au début des années 80,
cet écart était de 1 à 2,4. En 1990, du fait de l’évolution différenciée des
deux pays, l’écart s’est resserré de 1 à 1,7, sans doute en partie en raison
de la réunification de l’Allemagne. En 2010, l’écart est toujours de 1,7,
alors que l’écart entre les PIB des deux pays était de 1,3.
Graphique n° 4 : évolution de la dépense intérieure de recherche et
développement (DIRDE) en France et en Allemagne, 1981-2010
Source : Cour des comptes, retraitements des données OCDE (PIST 2012-2)
32
« Dépenses de recherche et développement en France en 2010, Premières
estimations pour 2011 », Note d'information 12-11, ministère de l’enseignement
supérieur et de la recherche, août 2012.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
48
COUR DES COMPTES
Globalement, l’intensité de recherche et développement (R&D)
(dépenses intérieures
de R&D des entreprises/chiffre d’affaires) s'élève à
3,2 % en France en 2009, soit un niveau proche de celle des entreprises
en Allemagne (3,5 %).
Les dépenses de recherche font apparaître de fortes différences
selon la taille des entreprises menant des travaux de recherche. Ainsi, les
entreprises de moins de 1 000 salariés ont investi autant dans la recherche
dans les deux pays (environ 10 Md€), alors que les entreprises de 1 000 à
5 000 salariés ont investi 5,9 Md€ en France, contre près de 10 Md€ en
Allemagne et celles de plus de 5 000 salariés ont investi 10,3 Md€ en
France, contre 25,4 Md€ en Allemagne
33
.
Cette intensité moyenne varie également selon le type d’activité
des entreprises. En France, les industries de haute technologie investissent
10,9 % de leur chiffre d’affaires dans la recherche, contre 8,4 % en
Allemagne.
À
l’inverse,
dans
les
industries
de
moyenne-haute
technologie et les services, l'intensité de recherche est plus faible en
France qu'en Allemagne.
Graphique n° 5 : part des dépenses intérieures de R&D des entreprises
dans le chiffre d’affaires par type d’activité en 2009
(en
%)
Source : ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche- systèmes
d’information et études statistiques, pôle recherche, Stifterverband Wissenschafts
statistik.
33
Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Un déficit de recherche
des entreprises françaises ? Comparaison France-Allemagne.
Note d'information
12-
09
,
juillet 2012. Le nombre d’entreprises de taille intermédiaire est beaucoup plus
important en Allemagne qu’en France.
0
2
4
6
8
10
12
Industries de
haute
technologie
Industries de
moyenne-
haute
technologie
Industries de
moyenne-
faible
technologie
Industries de
faible
technologie
Services à
forte
intensité de
savoir
Services à
moindre
intensité de
savoir
Autres
activités
Ensemble
France
Allemagne
Champ : ensemble des entreprises qui mènent des travaux de R&D.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
UN EFFORT DE RECHERCHE STABLE MALGRÉ DES FINANCEMENTS
PUBLICS
CROISSANTS
49
2 -
La structure économique nationale, facteur explicatif
déterminant de l'intensité de R&D
L’intensité en recherche et développement (R&D) n’est pas
uniforme dans les différentes branches d’activité. Les dépenses de R&D
sont particulièrement fortes, au regard de la valeur ajoutée produite dans
les
activités
industrielles
comme
les
produits
informatiques
et
électroniques, les matériaux de transports, l’industrie pharmaceutique ou
la branche automobile. À l’opposé, l’intensité en R&D est plus faible
dans la grande majorité des activités de services.
Ainsi, bien que l’intensité en R&D ait globalement progressé à la
fois dans l’industrie (9,7 % en 2009 contre 7,4 % en 2001) et, de manière
plus limitée, dans les services (0,51 % en 2009 contre 0,46 % en 2001), le
recul de la valeur ajoutée de l'industrie dans l’économie française a
contribué négativement à la croissance de l’effort en R&D de l’ensemble
des entreprises.
En effet, en 2009, 12 % de la valeur ajoutée émane des branches
industrielles qui concentrent 80 % des dépenses de recherche, alors qu'en
2001, ces mêmes branches industrielles représentaient 17 % de la valeur
ajoutée et investissaient 83 % des dépenses de recherche.
Ce constat est corroboré par le nombre d’entreprises qui déclarent
du crédit d’impôt recherche et qui est inférieur à 18 000.
Pour illustrer l’effet négatif de structure, une double simulation a
été réalisée par le ministère chargé de la recherche
34
. Elle compare
l’évolution de l’effort de recherche des entreprises sur la période 2001-
2009 à ce qu’elle aurait pu être :
-
si l’intensité de recherche au sein des activités économiques
était restée stable (la structure du PIB évoluant) ;
-
si l’effet de la modification de « structure » de l’économie était
neutralisé (l’intensité de recherche suivant son évolution
réelle).
34
Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Dans une économie
tournée vers les services, la recherche industrielle française reste dynamique.
Note
d'information
12-01, avril 2012.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
50
COUR DES COMPTES
Graphique n° 6 : simulations du ratio dépense intérieure de
recherche et développement/produit intérieur brut (DIRDE/PIB)
mettant en évidence les effets « intensité de recherche » et « structure
du PIB »
Source : ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche systèmes
d’information et études statistiques, pôle recherche, Insee.
Comme le montre le graphique n° 6, si la structure économique de
2001 était restée constante, le seul effet de l’augmentation de l’intensité
de recherche aurait porté le ratio DIRDE/PIB de 1,39 % à 2,04 %.
Inversement, à intensité de recherche constante depuis 2001, le seul effet
de la désindustrialisation de l’économie française aurait conduit à un ratio
DIRDE/PIB de 0,98 %.
L’indicateur DIRD/PIB n'est donc pas un outil de comparaison
internationale pleinement satisfaisant de l’effort de recherche, compte
tenu des différences de structure économique. À titre d’exemple, si la
France avait la structure industrielle de l’Allemagne tout en gardant
l’intensité de recherche des entreprises situées en France, l’effort de
recherche du secteur privé atteindrait 2,75 % du PIB français et serait
donc bien supérieur à celui de l'Allemagne (1,91 %). À l’inverse, si on
applique les intensités de recherche allemandes dans la structure
économique française, le DIRDE/PIB tomberait à 1 %.
C - Une contribution des administrations mal évaluée et
sous-estimée
En France, 37 % des dépenses intérieures de R&D (soit 16 Md€ en
2010) sont exécutées par les administrations. Celle-ci recouvre l’État avec
les opérateurs de recherche que sont les établissements publics à caractère
scientifique et technologique (EPST) et les établissements publics à
1,39%
0,98%
1,39%
2,04%
0,75%
1,00%
1,25%
1,50%
1,75%
2,00%
2,25%
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
Effort de recherche observé
Effort de recherche théorique sans effet "intensité" depuis 2001
Effort de recherche théorique sans effet "structure" depuis 2001
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
UN EFFORT DE RECHERCHE STABLE MALGRÉ DES FINANCEMENTS
PUBLICS
CROISSANTS
51
caractère
industriel
et
commercial
(EPIC),
ainsi
que
d'autres
établissements publics (EPA), les institutions à but non lucratif et
l’enseignement supérieur.
1 -
Une appréciation difficile de la dépense intérieure de R&D des
administrations
Au cours des dix dernières années, les dépenses intérieures de
recherche et développement des administrations ont connu une croissance
annuelle moyenne de 3,3 % en euros courants (soit 1,3 % en euros
constants).
Hors
défense,
l'évolution
des
dépenses
de
recherche
et
développement (R&D) est plus dynamique : elle augmente presque de
moitié entre 2000 et 2010 (soit 4 % en moyenne par an), et à partir de
2005, elle croît de près de 5 % par an en moyenne (en euros courants).
Sur longue période, l'évolution de la place occupée par le ministère
de la défense est marquante. En 1992, la dépense intérieure recherche et
développement des administrations (DIRDA) dans le secteur de la
défense représentait 20,4 % des dépenses des administrations. En 2000, sa
part est passée à 6,7 % et
n'est plus en 2010 que de 0,1 %. Cette baisse
reflète les profondes évolutions de la direction générale de l’armement
(DGA) qui a externalisé ses activités industrielles. La recherche associée
à ces activités est aujourd’hui, pour l’essentiel, exécutée par des
entreprises et des opérateurs publics dans un cadre contractuel.
L’appréciation de la DIRDA de la France est cependant difficile
pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, la révision en cours de la méthodologie de collecte
statistique des dépenses des ministères (visant à distinguer les dépenses
de R&D exécutées en propre par les ministères, de leur activité de
financeur) a conduit à une révision à la baisse de la dépense intérieure de
recherche et développement des administrations (DIRDA) de l’ordre de
1 Md€ et des effectifs de 6 000 équivalents temps plein (ETP). Ces
révisions ont affecté, au premier rang, la DIRDA défense (pour 850 M€ et
3 300 ETPT). Au total, il est probable que ces changements
méthodologiques ont conduit à une sous-estimation de la DIRDA pour
2009 et 2010.
Par ailleurs, malgré le cadre normalisé de l'Organisation de
coopération et de développement économique (OCDE), chaque pays
apporte des aménagements à la méthodologie d'observation. Ainsi, la
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
52
COUR DES COMPTES
France ne s'est pas dotée d'une méthodologie aussi rigoureuse pour la
recherche universitaire
35
que pour d’autres secteurs institutionnels : le
niveau de la DIRDA est établi en retenant conventionnellement 50 % des
rémunérations
des
enseignants-chercheurs
dans
les
dépenses
de
recherche. Ce mode de calcul, qui n'est pas partagé par nos principaux
partenaires, a pour effet de majorer artificiellement la part des dépenses
de recherche des administrations. Il devrait être revu et affiné par grands
secteurs de recherche.
Enfin, la recherche clinique, déclarée par les centres hospitaliers
universitaires et les centres de lutte contre le cancer, est incluse dans la
dépense intérieure de recherche et développement des administrations
(DIRDA), au titre des dépenses des établissements d'enseignement
supérieur pour 300 M€. Ce chiffre est très inférieur au montant des crédits
appelés
Missions
d’enseignement, de recherche, de référence et
d’innovatio
n (MERRI) (2,95 Md€) accordé aux établissements de santé
pour leur participation aux missions d’enseignement, de recherche, de
référence et d’innovation. Cet écart est une illustration supplémentaire de
la sous-estimation de l’effort public direct de recherche.
2 -
Des composantes de la recherche et développement (R&D)
publique dynamiques
Trois groupes d’acteurs ont contribué au dynamisme de la
recherche publique.
Les établissements d'enseignement supérieur engagent 37 % du
total de la DIRDA (5,9 Md€). Leurs dépenses ont augmenté de 2,2 Md€
entre 2000 et 2010, soit une hausse moyenne de 4,6 % par an en euros
courants, plus forte au cours de la deuxième moitié de la décennie (6,5 %
par an en moyenne entre 2005 et 2010).
35
Voir supra et annexe 5 : méthodes statistiques utilisées dans les pays membres de
l'OCDE pour mesurer la recherche universitaire.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
UN EFFORT DE RECHERCHE STABLE MALGRÉ DES FINANCEMENTS
PUBLICS
CROISSANTS
53
Les dépenses des établissements publics à caractère scientifique et
technologique (EPST) s’élèvent à 5,2 Md€ en 2010 (soit 33 % de la
DIRDA). Avec une augmentation de 6,1 % par an en moyenne, ces neuf
établissements
36
engagent une part croissante des dépenses en R&D des
administrations : en 2000, ils représentaient 26 % de la DIRDA et, en
2010, le tiers. Le CNRS compte pour 3,1 Md€ dans ce total, ce qui en fait
le plus grand organisme public de recherche ; depuis 2000, ses dépenses
de recherche ont augmenté de 5,1 % par an en moyenne.
Les dépenses des établissements publics à caractère industriel et
commercial
37
(EPIC) représentent 3,7 Md€ en 2010 (23 % de la DIRDA).
Les EPIC ont connu l'augmentation des dépenses la plus faible, environ
600 M€ entre 2000 et 2010 (soit 1,8 % par an en moyenne en euros
courants).
36
CEMAGREF/IRSTEA (Institut de recherche en sciences et technologies pour
l'environnement et l’agriculture), CNRS (Centre national de recherche scientifique),
INED (Institut national d'études démographiques), INRA (Institut national de la
recherche agronomique), INRETS (Institut national de recherche sur les transports et
leur sécurité), INRIA (Institut national de recherche en informatique et en
automatique), INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale), IRD
(Institut de recherche pour le développement) et LCPC (Laboratoire central des ponts
et chaussées).
37
Il s’agit d’établissements de recherche dont les statuts des personnels relèvent le
plus souvent du droit privé et dont les recettes externes sont en moyenne plus
importantes que celles des établissements publics à caractère scientifique et
technologique : ANDRA (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs),
BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières), CEA civil (Commissariat à
l'énergie atomique et aux énergies alternatives), CIRAD (Centre de coopération
internationale en recherche agronomique pour le développement), CNES (Centre
national d’étude spatial), CSTB (Centre scientifique et technique du bâtiment),
IFREMER (Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer), INERIS
(Institut national de l'environnement industriel et des risques), IPEV (Institut polaire
français Paul Emile Victor), IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire),
LNE (Laboratoire national de métrologie et d'essais) et ONERA (Office national
d'études et de recherches aérospatiales).
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
54
COUR DES COMPTES
Graphique n° 7 : évolution des dépenses de recherche du
secteur public, par catégorie
Source : Cour des comptes, à partir des données du ministère de l’enseignement
supérieur et de la recherche- systèmes d’information et des études statistiques
3 -
Un effort de recherche public stable dans les comparaisons
internationales
La
dépense
de
recherche
et
développement
(R&D)
des
administrations atteint en 2010, 0,83 % du PIB, soit un niveau légèrement
inférieur à ceux des États-Unis (0,90 %), de l'Allemagne (0,92 %) ou de
la Corée (0,94 %).
Cet indicateur d'effort de recherche exécuté par le secteur public a
peu évolué en France en dix ans, tout comme le taux de chercheurs
publics par actif qui est resté stable à 3,5 %. En Allemagne et au
Royaume-Uni au contraire l’effort de recherche public rapporté au PIB a
progressé de manière significative sur la période, de même que le taux de
chercheurs publics.
0
2 000
4 000
6 000
8 000
10 000
12 000
14 000
16 000
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
EPIC
EPST
ETABLISSEMENTS ENSEIGNEMENT SUPERIEUR
Autre ADMINISTRATION
en millions d'euros
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
UN EFFORT DE RECHERCHE STABLE MALGRÉ DES FINANCEMENTS
PUBLICS
CROISSANTS
55
Tableau n° 13 : indicateurs d'effort de recherche public des
principaux pays
Source : Cour des comptes, retraitements des données OCDE (PIST 2012-2)
D - Des pertes en ligne dans les circuits de financement
Les données analysées jusqu’ici correspondent aux dépenses de
recherche, telle qu’elles sont exécutées par les entreprises et les
administrations (DIRD). Ces données peuvent être complétées par
l’analyse du financement des dépenses de recherche par les différents
acteurs, et qui est retracé dans l’agrégat de dépense nationale de R&D, la
DNRD. Cet agrégat permet en effet de mesurer les transferts financiers
entre les acteurs de la recherche.
1 -
Des flux croisés de financement public et privé limités
L’ensemble des financements mobilisés par les entreprises ou les
administrations françaises pour réaliser des travaux de R&D en France ou
à
l’étranger
constituent
la
dépense
nationale
de
recherche
et
développement (DNRD). En 2010, elle s’élève à 44,6 Md€.
2000
2010
Etats-Unis
0,69
(j)
0,90 (j)
1,8
n.d.
9,0
(b)
n.d.
Japon
0,87
0,77 (a)
3,3
2,5
9,6
10,0
Allemagne
0,73
0,92
2,6
3,4
6,5
(c)
7,9
(c)
Corée du Sud
0,60
(g)
0,94
1,6
2,5
4,9
(g)
10,7
France
0,81
(a)
0,83
3,5
3,5
6,6
(a)
8,5
(p)
Royaume-Uni
0,64
0,70 (c)
3,0
5,5
5,9
(b)
8,2
(c)
Finlande
0,97
1,18
6,1
6,9
13,4
(u)
15,4
Suède
n.d.
1,06 (c)
n.d.
3,8
n.d.
9,9 (cm)
Union européenne (UE 27)
0,63
(b)
0,74 (b)
2,7
3,7
5,0
(b)
6,6 (bp)
OCDE
0,67
(b)
0,80 (b)
2,3
n.d.
6,4
(b)
n.d.
(a) Discontinuité dans la série avec l'année précédente pour laquelle les données sont disponibles.
(b) Estimation ou projection du Secrétariat fondée sur des sources nationales.
(c) Estimation ou projection nationale.
(g) Sciences sociales et humaines exclues.
(j) Dépenses en capital exclues (toutes ou en partie).
(m) Sous-estimé ou fondé sur des données sous-estimées
(p) Provisoire.
(u) Diplômés universitaires au lieu des chercheurs.
Dépenses Intérieures
de R&D des
Administrations / PIB
en %
Chercheurs publics /
Population active
pour mille actifs
2000
2010
2000
2010
Chercheurs / Population
active
pour mille actifs
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
56
COUR DES COMPTES
Schéma n° 1 : les agrégats de la recherche en France en 2010 :
financement et exécution
Source : ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche - systèmes
d’information et études statistiques
En 2010, les entreprises contribuent à la dépense nationale de
R&D à hauteur de 57 % et les administrations à hauteur de 43 %. La
contribution des entreprises dépasse celle des administrations depuis le
milieu des années 1990. En 1992, la dépense nationale de recherche et
dépense des administrations (DNRDA) représentait 51 % du total.
D'une façon générale, les circuits de financement de la recherche
des administrations et des entreprises sont relativement séparés : les
ressources publiques financent la recherche publique, les entreprises
s'autofinancent, et la collaboration entre public et privé ne prend pas la
forme de transferts financiers ou de financements conjoints.
14,5 Md€
22,4 Md€
0,7 Md€
EXÉCUTION
DIRD=43,4 Md€
2,24 % du PIB
FINANCEMENT
DNRD=44,6 Md€
2,30 %
du PIB
2,4 Md€
2,6 Md€
Administrations (43 %)
DNRDA=19,2 Md€
0,99 % du PIB
Entreprises (57 %)
DNRDE=25,5 Md€
1,31 % du PIB
2,2 Md€
0,7
Étranger
Étranger
Administrations (37 %)
DIRDA=16,0 Md€
0,83 % du PIB
Entreprises (63 %)
DIRDE=27,4 Md€
1,41 % du PIB
2,5 Md€
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
UN EFFORT DE RECHERCHE STABLE MALGRÉ DES FINANCEMENTS
PUBLICS
CROISSANTS
57
a)
Le financement des dépenses de recherche par l'administration
La dépense nationale de R&D des administrations (DNRDA)
s'élève en 2010 à 19,2 Md€, soit 0,99 % du PIB. Elle est quasi
exclusivement le fait du secteur de l'État (97 %). Les établissements
d'enseignement supérieur et les institutions sans but lucratif ne
contribuent qu'à hauteur de 3 %. La dépense nationale publique intègre
aussi les financements de travaux de R&D par les collectivités
territoriales, pour 560 M€ en 2010.
Plus des trois quarts des financements de la DNRDA sont destinés
à la recherche publique.
Un dixième de la dépense nationale de recherche et dépense des
administrations (DNRDA) part à l'étranger. La plus grande partie de ces
2,2 Md€ correspond aux contributions françaises à des programmes de
recherche européens. La participation française au programme-cadre pour
la recherche et le développement technologique (PCRDT) est ainsi
intégrée à hauteur de 1 Md€ et la contribution à l'Agence spatiale
européenne (ESA) à hauteur de 0,7 Md€.
Les entreprises sont destinataires de 13 % de la DNRDA. Ce
financement de la R&D des entreprises par les administrations comprend
les contrats de recherche externalisés par les organismes publics ou le
ministère de la défense et les subventions, mais n’inclut pas les mesures
d’incitation fiscale telles que le crédit d'impôt recherche (CIR) ou le statut
de jeune entreprise innovante (JEI).
Globalement en 2010, le financement public direct représente 7 %
des dépenses de recherche des entreprises, mais connaît des variations
importantes selon la taille de l'entreprise : il finance 2 % de la recherche
des entreprises de 500 à 1 000 salariés, 9 % de celle de 2 000 à
5 000 salariés et 8 % de celle des entreprises de plus de 5 000 salariés.
Tableau n° 14 : financement public direct de la recherche des
entreprises rapporté aux dépenses, par taille d'entreprise en 2010
Source : ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche - systèmes
d’information et études statistiques
en milliards d'euros
Dépenses de
recherche
(DIRD+DERD)
Financements
publics directs
taux de
financement
public
moins de 250 salariés
7,8
0,6
8%
de 250 à 499 salariés
2,7
0,1
5%
de 500 à 999 salariés
3,2
0,1
2%
de 1.000 à 1.999 salariés
3,5
0,2
5%
de 2.000 à 4.999 salariés
4,5
0,4
9%
plus de 5.000 salariés
13,1
1,1
8%
Ensemble des entreprises
34,7
2,5
7%
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
58
COUR DES COMPTES
Ces différences sont très marquées selon les branches d’activité.
Ainsi, l'industrie automobile et l'industrie pharmaceutique disposent de
financements publics directs à hauteur de 1 % de leurs dépenses, alors
qu'ils s'élèvent à 21 % pour la construction aéronautique et spatiale.
Dans les 2,5 Md€ reçus comme financement public par les
entreprises, 1,4 Md€ sont des financements provenant du ministère de la
défense et correspondent, pour la plupart, à une externalisation de travaux
de recherche de la part de ce ministère.
b)
Le financement des dépenses de recherche par les entreprises
En 2010, sur les 25,5 Md€ de financement de la recherche par les
entreprises (DNRDE), 22,4 Md€ sont destinés à la recherche exécutée par
les entreprises. L'entreprise elle-même est son premier financeur,
l'autofinancement couvrant les trois quarts des dépenses de recherche
engagées. Les ressources extérieures, dont les entreprises bénéficient pour
leur activité de R&D, s’élèvent à 8,6 Md€, dont 4,5 Md€ en provenance
d’entreprises du même groupe en France ou à l’étranger.
Le financement de la recherche publique par des entreprises est
estimé à 740 M€ en 2010. Les destinataires de ce financement sont pour
70 % de leur montant les organismes publics de recherche, au premier
rang desquels le CEA, qui effectue près de 40% de la R&D sous-traitée
par le secteur privé au secteur public. Ce montant apparaît faible au
regard des financements de la recherche universitaire par les entreprises
dans d'autres pays, point développé au dernier chapitre du présent rapport.
2 -
Un soutien public à la recherche minoré
L'approche par les circuits de financement retracés dans la DNRD
confirme l'hypothèse d'une sous-estimation de l'effort de recherche des
administrations évoquée plus haut.
a)
Le financement de la recherche et développement (R&D) par les
collectivités territoriales
Les financements consacrés à la recherche et au transfert de
technologie par les collectivités territoriales s'élèvent, en 2010, à
1,2 Md€. Ils sont le fait des régions pour 69 %, des départements et des
communes respectivement pour 15 % et 16 %. Sur ce total 0,5 Md€
seulement figure dans les statistiques nationales, qui ne retracent que les
montants dépensés par les exécutants de la recherche.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
UN EFFORT DE RECHERCHE STABLE MALGRÉ DES FINANCEMENTS
PUBLICS
CROISSANTS
59
Les collectivités territoriales interviennent pour un tiers de leur
action sur l'immobilier de la recherche (pour une grande part dans le
cadre des contrats de projet État-régions). Elles s’impliquent aussi dans le
financement de structures favorisant le transfert de technologie (31 %).
L'exemple de la région des Pays de la Loire montre la diversité des
soutiens apportés à ce titre.
Le soutien à la recherche par la région des Pays de la Loire
Dans le cadre du contrôle de la gestion de la région des Pays de la
Loire, la chambre régionale des comptes des Pays de la Loire a examiné les
interventions de la région en matière de soutien à la recherche.
Ces interventions prennent plusieurs formes : financement de projets
de recherche (rémunération de thèses, post-docs, chercheurs, financement
d’équipements, moyens accordés à des projets européens) et construction de
bâtiments ou de grands équipements généralement cofinancée dans le cadre
des contrats de projets État-région. Le tableau ci-après présente l’évolution
des dépenses de la région par nature d’intervention depuis 2007.
Tableau n° 15 : évolution 2007-2011 des dépenses de soutien à la
recherche (incluant le financement par fonds de concours)
Source : Chambre régionale des comptes des Pays de la Loire
Sur la période, la région a exercé une activité de maîtrise d’ouvrage
pour plusieurs grandes opérations de construction cofinancées par différents
partenaires (centres hospitalo-universitaires, universités, organismes de
recherche, etc.). Le tableau ci-dessous indique les financements partenariaux
obtenus sur fonds de concours pour chaque opération.
Tableau n° 16 : fonds de concours perçus par la région
Source : Chambre régionale des comptes des Pays de la Loire
2007
2008
2009
2010
2011
Projets de recherche et équipements
13 545
12 500
23 592
17 255
18 618
dont thèses/post-doc/chercheurs
4 215
4 773
6 838
6 203
6 274
Financements divers (ingénieurs, administratifs,
fonctionnement, colloques etc.)
1 466
1 403
1 696
1 818
1 446
Sous-total
15 011
13 902
25 289
19 073
20 063
Construction de bâtiments et grands équipements
19 772
27 897
10 823
1 648
3 909
dont Institut de recherche thérapeutique
8 385
18 240
3 812
570
92
dont CYCLOTRON
11 355
9 586
6 423
240
448
dont LAUM (laboratoire d'acoustique de l'U. du Mans)
32
45
334
147
1 147
dont ONIRIS (école vétérinaire de Nantes)
25
124
231
1 012
TOTAL
34 782
41 799
36 112
20 720
23 972
2007
2008
2009
2010
2011
CYCLOTRON
6 887
10 163
1 134
1 641
IRT
764
16 341
5 866
ONIRIS
417
Total
7 650
26 504
7 000
0
2 058
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
60
COUR DES COMPTES
b)
La recherche financée par le ministère de la défense
En
additionnant
les
crédits
consacrés
à
la
recherche
et
développement (R&D) dans les programmes 144, 191, et 146, le
ministère de la défense chiffre son soutien à la R&D à un montant de
l'ordre de 3,5 Md€.
Cependant, le financement par le ministère de la défense de
travaux de recherche exécutés en propre ou sous-traités, tel qu'il est
comptabilisé dans les agrégats économiques de la recherche, s’élève à
1,6 Md€.
L'écart, de près de 2 Md€, entre les données budgétaires et les
statistiques de R&D souligne la nécessité d’utiliser les mêmes définitions
de la R&D et de mieux retracer les financements du ministère de la
défense à destination des organismes publics de recherche, de
l'enseignement supérieur et des entreprises pour fiabiliser la mesure de
l'effort de recherche en France.
c)
La non-prise en compte des financements indirects
Seul
figure
dans
la
dépense
nationale
de
recherche
et
développement (DNRD) le financement direct reçu par les entreprises de
l'administration, qui couvre 7 % des dépenses de recherche engagées par
les entreprises, la part des financements directs reçus de la défense étant
de 4 %. Le crédit d'impôt recherche en est donc exclu, alors qu'il
représente un soutien important de l'État à la recherche des entreprises. Il
en est de même, à un moindre degré, pour la dépense fiscale afférente à la
taxation à taux réduit des plus-values à long terme provenant des cessions
et de concessions de brevets qui bénéficie aux entreprises de R&D (coût
annuel de 810 M€ en 2010), et de la dépense fiscale liée au dispositif des
jeunes entreprises innovantes (JEI), d’un montant de 152 M€ en 2010.
Ces trois dispositifs représentent une dépense fiscale équivalente à
0,31 % du PIB en 2010. Cet ordre de grandeur illustre l'importance, tous
instruments de soutien confondus, des soutiens fiscaux en faveur de la
recherche des entreprises en France.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
UN EFFORT DE RECHERCHE STABLE MALGRÉ DES FINANCEMENTS
PUBLICS
CROISSANTS
61
Graphique n° 8 : financements et soutiens publics reçus par les
entreprises exécutant des travaux de R&D, 2000-2010
Source : Cour des comptes, à partir des données fiscales de l'Agence centrale des
organismes de sécurité sociale (Acoss) et du ministère de l’enseignement supérieur et
de la recherche (MESR)
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
_________
Depuis que l'objectif de consacrer 3 % du PIB à la R&D a été fixé
en 2002, la part de la recherche dans le PIB n'a pas progressé et est
restée au niveau de 2,2 %.
Les financements publics de la recherche ont évolué de façon
dynamique depuis 2006 : les crédits budgétaires retracés au sein de la
mission interministérielle Recherche et enseignement supérieur (y
compris Agence nationale de la recherche) ont crû de 12 % entre 2006 et
2013, pour atteindre 14 Md€ en 2013, prolongeant ainsi un effort
2004-2010 globalement conforme à la loi de programme.
À ces financements s'ajoute l'effet des investissements d'avenir
consacrés à la recherche, qui devraient assurer un financement annuel
supplémentaire de l'ordre de 1 Md€ par an sur les années 2012-2020. Le
crédit d'impôt recherche, enfin, a connu une très forte augmentation, la
créance constituée par les entreprises ayant été multipliée par six depuis
2006 pour atteindre un volume annuel de 5 Md€ en 2010 et estimé à
5,8 Md€ en 2013.
Ce décalage, entre des dépenses publiques consacrées à la
recherche, qui connaissent une croissance dynamique, et un taux d'effort
de recherche mesuré par le ratio DIRD/PIB, qui reste stable depuis
10 ans, est un motif de déception.
Au regard des comparaisons internationales, le niveau de
financement public de la recherche en France peut paraître en ligne avec
l'objectif de 1 % du PIB (il est de 0,99 % selon les statistiques de
l'OCDE). Cependant les dépenses de recherche réalisées par les
0
1
2
3
4
5
6
7
8
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009*
2010
Milions d'euros courants
CIR
JEI
financement direct hors défense
financement direct défense
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
62
COUR DES COMPTES
organismes publics se situent légèrement en deçà (0,83 %), en raison
principalement de la sous-estimation statistique de la recherche relevant
du ministère de la défense, et de l'écart entre les financements que la
France apporte à l'Union européenne et ceux qu'elle en reçoit.
En outre, le niveau de la DIRD des administrations est établi en
retenant conventionnellement 50 % des rémunérations des enseignants-
chercheurs dans les dépenses de recherche. Pour la Cour, ce mode de
calcul, qui n'est pas partagé par nos principaux partenaires, a pour effet
de majorer artificiellement la part des dépenses de recherche en France.
Il doit être revu et affiné par grands secteurs de recherche.
La France ne peut donc pas considérer que le niveau de sa
dépense de R&D publique soit totalement satisfaisant au regard des
objectifs qu'elle s'est assignés.
Cependant, c'est essentiellement au niveau de la dépense
intérieure de R&D des entreprises que les résultats de la France sont en
retrait par rapport à ceux de ses partenaires : celle-ci se situe à 1,41 %
du PIB en 2010, loin des 2 % visés, et ce taux d'effort de la recherche des
entreprises n’a pas progressé depuis 10 ans.
Ce résultat n'est pas à rapporter à une intensité en R&D des PME
et grandes entreprises françaises qui serait d'un niveau inférieur à nos
partenaires ou en décroissance. Il provient de trois facteurs : une faible
intensité
en
R&D
des
entreprises
de
taille
intermédiaire,
une
spécialisation de la France sur des secteurs peu intensifs en R&D,
notamment les services, et une évolution de la structure du PIB marquée
par la baisse de la part de l'industrie. La politique de la recherche n'a
pas toutes les clés de cette situation qui relève de politiques industrielles
et économiques plus larges
38
. Mais elle doit avoir pour objectif de
favoriser le développement de la recherche sur des secteurs de pointe, à
même de renouveler ou de renforcer le tissu économique.
Ces constats sur la dépense de R&D des entreprises amènent à
poser trois questions.
La première concerne le crédit d’impôt recherche (CIR) :
l’accroissement spectaculaire de la dépense fiscale résultant de cet
instrument a-t-il été efficace au regard de l’absence de progression du
ratio DIRD/PIB ? On ne peut répondre à cette question en l’absence
38
BEFFA Jean-Louis, Rapport :
Pour une nouvelle politique industrielle,
la
Documentation française, Janvier 2005 ; et GALLOIS Louis, Rapport :
Pacte pour la
compétitivité de l’industrie française
, la Documentation française, Novembre 2012.
Ces 2 rapports témoignent de la persistance de ces questionnements.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
UN EFFORT DE RECHERCHE STABLE MALGRÉ DES FINANCEMENTS
PUBLICS
CROISSANTS
63
d’études économétriques probantes et sans replacer le CIR dans le
contexte de l’impact économique de l’impôt sur les sociétés. Cependant, à
titre conservatoire, la dépense afférente doit être contenue, et il faut se
donner les moyens de mesurer son efficacité afin de dessiner à terme un
dispositif dont le coût soit mieux proportionné aux objectifs à en attendre.
Il faut aussi éviter de présenter comme des évaluations du CIR des
simulations ou des extrapolations réalisées à partir du dispositif en
accroissement d’avant 2008.
La deuxième question concerne la crédibilité de la cible des 3 %
dans le cas de la France à une échéance rapprochée. Comme les
Pays-Bas ont choisi de le faire dans le cadre de la stratégie européenne
pour 2020, en retenant un objectif de 2,5 %, la France pourrait, tout en
maintenant l’objectif des 3 %, se mobiliser autour d’une cible
intermédiaire plus réaliste, dans le contexte de redressement des comptes
publics, et néanmoins mobilisatrice.
La troisième question concerne les modalités de programmation
budgétaire et la lisibilité des moyens consacrés par l’État à la recherche.
Ceux-ci devraient être déclinés dans des prévisions budgétaires plus
complètes, plus sélectives et mieux articulées avec la gestion des
opérateurs. Or les instruments disponibles rendent difficile une approche
budgétaire plus sélective articulée avec de véritables priorités nationales
de recherche : l’optimisation des financements, qu’impose le contexte
économique, passe par une amélioration des instruments et des données
budgétaires.
À cette fin, il serait souhaitable de parvenir à une déclinaison des
budgets par grands secteurs de recherche, permettant une meilleure
articulation entre l'architecture budgétaire et la programmation
pluriannuelle de la recherche. L'horizon de celle-ci devrait être étendu,
car la programmation budgétaire triennale apparaît insuffisante pour un
domaine stratégique comme la recherche, où les acteurs ont besoin de
programmer leur effort à moyen terme.
En conséquence, la Cour émet les recommandations suivantes :
1.
programmer à moyen terme les crédits de l’État destinés à la
recherche par grands secteurs scientifiques en prenant notamment
appui sur les cinq alliances de recherche existantes et identifier dans
cette programmation la part des financements compétitifs nationaux ;
2.
donner, dans les documents annexés aux lois de finances des
éléments de synthèse sur l’ensemble des crédits destinés à la
recherche par grands secteurs scientifiques ainsi que sur les aides
fiscales ;
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
64
COUR DES COMPTES
3.
accélérer la production des données relatives au crédit d’impôt
recherche et intégrer dans les prévisions budgétaires de 2014 le
ressaut inéluctable de la dépense fiscale à cette échéance ;
4.
remplacer le taux conventionnel de 50 % d'activité de recherche
attribuée aux enseignants-chercheurs par des taux reflétant leur
activité
de
recherche
statistiquement
constatée
par
grandes
disciplines ;
5.
sans remettre en cause l’engagement de consacrer
3
% du PIB à la
R&D, fixer un objectif intermédiaire réaliste et mobilisateur ;
6.
décliner cet objectif dans ses deux composantes, administrations et
entreprises, et le compléter par un indicateur sur les dépenses de
R&D des entreprises par branche d’activités.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
Chapitre II
Les financements sur projets : une
hausse significative, un niveau encore
limité
L'augmentation du soutien public à la recherche depuis 2005 s'est
accompagnée d’une montée en puissance des financements sur projets
faisant appel à des mécanismes de mise en concurrence : création de
l'Agence nationale de la recherche (ANR) en 2005, augmentation rapide
de la dotation de l'État qui atteint 850 M€ en 2008, programme des
investissements d'avenir (PIA) en 2010, dont la gestion en matière de
recherche est déléguée à l'ANR, avec deux vagues successives d'appels à
projets à un an de distance, en 2010 et 2011.
Les financements sur projets n'étaient pas inconnus du système
français de recherche : les grands organismes de recherche en avaient
organisés jusqu'à la fin des années 1990 pour leur compte, et les
ministères, en particulier de la recherche et de l’industrie, avaient
développé eux-mêmes des « actions incitatives ». Les fondations y ont
également recours de plus en plus pour soutenir la recherche, notamment
dans le domaine biomédical.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
66
COUR DES COMPTES
Les programmes-cadres successifs pour la recherche et le développement
technologique (PCRDT) de l'Union européenne fonctionnent, depuis
qu'ils existent, sur la base d'appels à projets compétitifs et contribuent de
façon importante au financement sur projets en France (598 M€ en 2011).
Enfin, les équipes de recherche françaises ont accès aux
financements sur projets d'agences de financement ou de fondations
étrangères.
Cependant, il n'existait pas en France, jusqu'à la création de
l'Agence nationale de la recherche (ANR) en 2005, d'agence nationale
pluridisciplinaire de financement de la recherche ayant pour mission
principale d'allouer des fonds sur la base d’une mise en concurrence.
L’action de l’ANR, le fait que lui ait été confiée la gestion
des investissements d'avenir dans le domaine de la recherche, illustrent un
choix politique tendant à donner une plus grande place à ce mode de
financement de la recherche et à rapprocher ainsi la France de la pratique
de la plupart des autres grands pays scientifiques.
Les
trois
principales
sources
publiques
de
financements
compétitifs (l'ANR, le PIA et le PCRDT) sont examinées dans ce
chapitre.
I
-
La montée en puissance des financements sur
projets
A - Les financements sur projets au Royaume-Uni et en
Allemagne
Les composantes du financement public de la recherche diffèrent
de celles retenues dans des pays comme l'Allemagne et le Royaume-Uni,
où la part des financements sur projets est très importante.
1 -
Un principe de financement mixte au Royaume-Uni
Le soutien public de la recherche universitaire au Royaume-Uni est
fondé sur le principe du financement mixte (
dual support
) : un
financement annuel récurrent et des financements sur projets.
Le budget de la science et de la recherche fait l’objet d’une
programmation budgétaire sur quatre exercices (2011-12 à 2014-2015)
qui l’exonère de régulation budgétaire : les crédits sont garantis en livres
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
LES FINANCEMENTS SUR PROJETS : UNE HAUSSE SIGNIFICATIVE, UN NIVEAU
ENCORE LIMITÉ
67
courantes sur les quatre exercices, et la recherche médicale, priorité
gouvernementale, bénéficie du maintien en termes réels.
L’organisation de la recherche au Royaume-Uni
Le financement de la recherche universitaire au Royaume-Uni est
fondé sur le principe du financement mixte (
dual support
) : un financement
annuel récurrent et des financements sur projets. Le budget de la science et de
la recherche fait l’objet d’une programmation budgétaire sur quatre exercices
budgétaires (2011-12 à 2014-2015).
Les financements récurrents sont administrés par
le Higher Education
Funding Council for England
(HEFCE), pour l’Angleterre, et des organismes
équivalents, pour le Pays de Galles, l’Écosse et l’Irlande du Nord. Ils
représentent en 2011-12 pour l’ensemble du Royaume-Uni 2,06 Md£
(2,46 Md€). Pour 70 % du montant, le financement est déterminé sur la base
d’une évaluation des unités de recherche valable pour quatre ans. Cette
évaluation est fondée sur les résultats de la recherche (publications,
notamment) et sur l’impact de la recherche menée sur la société ou
l’économie du Royaume-Uni. Le système a pour objectif affiché de
privilégier l’excellence : une unité classée 4 étoiles, recevra trois fois plus
qu’une unité 3 étoiles ; une unité 2 étoiles ne recevra pas de financements.
Ainsi, 70 % de l’enveloppe revient aux 20 premiers établissements et 33 %
aux 5 premiers (en 2012/2013 :
Oxford
: 131 M£ (161 M€),
Cambridge
:
121 M£ (149 M€),
University College London
: 115 M£ (142 M€),
Imperial
College
: 99 M£ (122 M€),
University of Leeds
: 48 M£ (59 M€)). Le reste de
la dotation récurrente couvre les coûts indirects des projets financés par les
organisations philanthropiques et par le secteur privé.
Les financements sur projets (2,6 Md£ - 3,1 Md€) pour l’ensemble du
Royaume-Uni en 2011/2012) sont administrés par les sept conseils de la
recherche (
Research Councils
) : arts et humanités (99 M£ - 119 M€),
biologie et biotechnologies (370 M£ - 443 M€), sciences physiques et
ingénierie (760 M£ - 910 M€), sciences économiques et sociales (156 M£ -
187 M€), recherche médicale (536 M£ - 642 M€), nature et environnement
(299 M£ - 358 M€), valorisation de la recherche (109 M£ - 130 M€). Pour
chaque conseil, un
Delivery Plan
2011-2015
définit les priorités, les montants
affectés à chaque sous-domaine et les axes de coopération internationale. Les
financements sont attribués par des comités d’évaluation. Les appels à projets
peuvent prendre des formes diverses : projets « blancs », dans le cadre des
axes stratégiques définis pour chaque
Research Council
, appels thématiques,
projets pluriannuels, aide à la valorisation.
Une organisation fédératrice,
Research Councils UK
, assure la
coordination des sept conseils et des actions transversales dont la gestion de
bureaux à l’étranger (Chine, Inde, États-Unis, Bruxelles).
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
68
COUR DES COMPTES
2 -
Une augmentation constante du budget de la recherche en
Allemagne
L'Allemagne a fait le choix d'investir largement dans la recherche
et l'innovation. Ce choix se traduit par une augmentation constante du
budget du ministère de la recherche et de l'enseignement (BMBF, + 7,2 %
en 2011, + 11 % en 2012, + 6,2 % en 2013) et une croissance du budget
des organismes et de l'agence de moyens pour la recherche (+ 5 % par an
depuis 2011) dans le cadre du « pacte pour la recherche et l'innovation ».
Les axes de la politique de recherche en Allemagne
Plusieurs initiatives ont été lancées depuis 2005 : l'initiative
d'excellence pour créer des pôles universitaires d'excellence (1,9 Md€ sur
2007-2012, 2,7 Md€ prévus sur 2012-2017) ; la
Stratégie High Tech 2020
pour la période 2010-2020 qui s'inscrit dans la continuité de la précédente
(2006-2009), et qui se traduit par des programmes-cadres, notamment sur la
santé (5,5 Md€ entre 2011 et 2015), la bio-économie (2,4 Md€ entre 2011 et
2016) et l'énergie (3,5 Md€ entre 2011 et 2014) ; le « Pacte 2020 pour
l'enseignement supérieur » qui prévoit 3,2 Md€ d'investissements d'ici 2018.
La part du financement sur projets en Allemagne est très importante :
44 % du financement provenant de l’État fédéral pour la R&D en 2010 ont
été investis dans des projets sélectionnés sur appels d’offres, à travers les
Projektträger
ou « gestionnaires de projets » et l'agence de moyens pour la
recherche universitaire, la
Deutsche Forschungsgemeinschaft
(DFG).
Tableau n° 17 : évolution 2000-2012 du budget allemand de la
recherche
Source : Federal report on research and innovation 2012.
En M€
2000
2006
2010
2012
Evolution
2006-2012
Croissance
annuelle
(2006-2012 /
2006-2010)
Dépenses fédérales*
8 479
9 306
12 793
13 818
48%
8,1%
Dépenses des Länder**
1 146
8 004
9 753
nc
5,5%
** estimation pour 2010
* estimation pour 2012, et incluant pour 2009 à 2011 le "economic stimulus package II", et pour 2011 et 2012
les fonds pour l'énergie et le climat
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
LES FINANCEMENTS SUR PROJETS : UNE HAUSSE SIGNIFICATIVE, UN NIVEAU
ENCORE LIMITÉ
69
Par ailleurs, le gouvernement a mis en place une série de programmes
pour faciliter le partenariat public-privé et renforcer la composante
industrielle de la R&D, à travers les
clusters
de pointe (
Spitzencluster
), les
campus de recherche qui concrétisent des alliances entre l'industrie et la
recherche publique, le programme central d'innovation des PME (
Zentrales
innovationsprogramm Mittelstand
) en augmentation de 31 % entre 2011 et
2013. Les dépenses de R&D des entreprises, qui représentent deux tiers des
dépenses totales, sont en croissance (+ 3,7 % en 2010, + 7,2 % en 2011).
B - Principal instrument, l’ANR à la croisée des
chemins
Créée en 2005, sous la forme d’un groupement d’intérêt public
(GIP), l’Agence nationale de la recherche (ANR) est devenue un
établissement public administratif au 1
er
janvier 2007, selon les
dispositions de la loi de programme pour la recherche.
Elle a pour principales missions de financer et de promouvoir le
développement des recherches fondamentales, appliquées et finalisées,
l’innovation et le transfert technologique, ainsi que le partenariat entre le
secteur public et le secteur privé. Son principal mode d’action est le
lancement d’appels à projets auprès des équipes de recherche et la
sélection des lauréats sur la base de critères d’excellence scientifique.
La Cour a rendu compte, dans son rapport public annuel de
février 2011, des premiers constats et perspectives sur l'ANR
39
. Elle y
relevait en particulier l'inscription réussie de l'ANR dans le nouveau
paysage de la recherche, mais également des faiblesses en matière de
gestion, l'absence de cadrage stratégique avec l'État et la nécessité de
mesurer l'impact des aides de l'agence.
1 -
Deux phases successives de croissance
a)
2005-2009 : une équipe légère et des appels à projets dans le
paysage de la recherche
L’ANR a lancé ses propres appels à projets dès 2005 et a assuré la
sélection, puis les engagements correspondants. Un tel résultat n’a pu être
atteint qu’en s’appuyant sur des équipes d’organismes de recherche et
39
Cour des comptes
, Rapport public an
n
uel
2011,
Tome I. L’Agence nationale de la
recherche : premiers constats et perspectives,
p. 365-377. La Documentation
française, Février 2011, 1130 p., disponible sur www.ccomptes.fr.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
70
COUR DES COMPTES
d’établissements d’enseignement supérieur, les « unités support », au
nombre de 16 en 2005
40
. Dans le même temps, l’agence reprenait la
gestion des projets précédemment lancés et financés par les différents
fonds ministériels (400 M€ en 2005).
Les dotations budgétaires de l’agence ont régulièrement augmenté
entre 2005 et 2008, passant de 700 M€ à 850 M€ en autorisations
d’engagement (AE). Dans cette première période de croissance, l’agence
a mis l’accent sur la formalisation de ses processus de programmation et
de sélection, qui constituaient un élément clé de sa crédibilité et qui ont
été certifiés ISO9001. Parallèlement, elle a acquis rapidement une
reconnaissance auprès de ses homologues internationaux.
b)
2010-2012 : des difficultés pour absorber l'accroissement de son
activité
Dans sa deuxième phase de croissance (2010-2012), l’agence s’est
vu confier la gestion de la grande majorité des crédits des investissements
d’avenir consacrés à la recherche et à l’enseignement supérieur
(18,9 Md€ sur 21,9 Md€). Cette nouvelle responsabilité l’a confortée dans
son statut d’opérateur du financement de la recherche sur appels à projets,
mais n'était pas sans risque, comme l'avait relevé la Cour, dans une
période où elle reprenait l'ensemble de la gestion de ses unités support.
L’agence a conduit les appels à projets des investissements
d’avenir avec une grande rapidité en deux vagues : l’une à l’été 2010,
trois mois après la publication de la loi, pour 13 appels à projets ; l’autre à
l’été 2011 pour 12 appels à projets, alors même que les projets de la
première vague n’avaient pas encore été conventionnés.
La gestion simultanée de l'ensemble de ces actions a entraîné un
retard important pour le conventionnement des projets lauréats. Ce retard
s’explique également par la complexité du conventionnement différent
des appels à projets « classiques » et par la difficulté à faire valider par
certains organismes bénéficiaires leurs engagements propres sur les
projets.
L’agence et sa tutelle ont pris des mesures d’urgence pour y faire
face (préfinancement des laboratoires d’excellence, renforcement des
effectifs). Au 30 juin 2012, 18 des 18,9 Md€ (plus de 95 %) étaient
affectés à 537 projets, qui devaient faire l'objet de 713 conventions. Au
40
Elles ont assuré, sur la base de conventions avec l’agence et en lien avec elle,
l’animation et la gestion d’une grande majorité des appels à projets de l’ANR, puis le
financement et le suivi des projets sélectionnés.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
LES FINANCEMENTS SUR PROJETS : UNE HAUSSE SIGNIFICATIVE, UN NIVEAU
ENCORE LIMITÉ
71
31 décembre 2012, 600 d'entre elles (plus de 84 %) avaient été signées.
L’ensemble du conventionnement devrait être achevé à la mi-2013.
Ainsi, l'activité de l'ANR est très vite montée en puissance, et, par-
delà les débats parfois vifs qui ont entouré sa création, la communauté des
chercheurs s'est largement mobilisée pour répondre à ses appels à projets.
Dès 2005, plus de 5 500 projets avaient été soumis, et ce nombre est en
augmentation régulière depuis 2007, pour atteindre plus de 6 800 projets
présentés en 2012. Entre 2005 et 2012, hors programme des
investissements d'avenir, plus de 49 000 projets ont été soumis à l'ANR,
et 11 000 financés, pour un montant total de 4,8 Md€. Au-delà de ces
projets, l'ANR a engagé 1,44 Md€ d'aides au titre du volet « partenariat et
compétitivité » sur la même période.
Au
total,
alors
que
l’agence
fonctionnait
avec
environ
80 équivalents temps plein travaillé (ETPT) dans la période 2006-2009,
elle est passée à 251 ETPT en 2013, soit une multiplication par plus de
trois en trois ans, changeant ainsi de taille et de nature.
2 -
Un positionnement stratégique en évolution
a)
La programmation des appels à projets
Au cours des premières années de son existence, en l’absence de
stratégie nationale de recherche et d’innovation, l’ANR a construit une
méthodologie de programmation fondée sur une consultation des acteurs,
au sein de comités sectoriels.
Une première inflexion de la programmation de l'ANR a été
donnée en 2009, avec le renforcement significatif du programme
« blanc » ou « non-thématique » pour faire émerger des projets
« risqués » et potentiellement générateurs de sauts scientifiques. Alors
que ces programmes représentaient moins de 30 % des crédits de
programmation de l’ANR jusqu’en 2008 (entre 152 et 165 M€), le
gouvernement a décidé d’augmenter leur part, qui a atteint, dès 2010, près
de 290 M€ (48,2 % du budget de programmation) et 278 M€ en 2011, soit
plus de 50 % de la programmation.
Cette augmentation de la part relative des « programmes non
thématiques » a eu pour conséquence la baisse de la part des aides aux
entreprises. Celle-ci est passée de 17,7 % des dotations en 2006 à moins
de 9 % en 2012, alors qu’un des objectifs initiaux de la création de l’ANR
était de favoriser le développement de la recherche privée, source de
compétitivité.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
72
COUR DES COMPTES
Des évolutions récentes ont permis d’améliorer l'organisation du
processus de programmation de l'agence. Pour 2013, l’exercice de
programmation a été conduit sur la base d'un cadrage des principes
généraux par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche
et d'une meilleure coordination avec les alliances de recherche et avec les
différents ministères concernés.
b)
La baisse des dotations budgétaires de l'ANR
En autorisations d'engagement, la dotation budgétaire de l’ANR
pour ses programmes propres, qui était en croissance de 2005 à 2008, n’a
cessé de baisser depuis son point haut de 850 M€ en 2008 : initialement
prévue à 772 M€ en 2011, elle a été réduite à 687 M€, et s'est élevée à
751 M€ en 2012. La loi de finances pour 2013 prévoyait une dotation de
687 M€, réduite de 50 M€ début 2013, soit une baisse supplémentaire de
16 % de son budget.
Graphique n° 9 : évolution des dotations de l’État à l’ANR
Source : Agence nationale de la recherche, rapport annuel de perfermances
(RAP) - budget exécuté sauf pour l'année 2013
Cette baisse de la dotation budgétaire a pour conséquence une
réduction de ses crédits d'intervention. En 2012, ceux-ci s'élevaient à
710,1 M€, dont 554 M€ de « budget de programmation » pour les appels
à projets de la programmation annuelle et 156,1 M€ consacrés aux
partenariats et à la compétitivité
41
. Le tableau ci-dessous en donne la
décomposition.
41
Environ 60 M€ pour les instituts Carnot, 5 M€ de bonus pour les projets labellisés
« pôles de compétitivité », 40 M€ pour l'INCa, 56 M€ de préciput pour les opérateurs
de recherche - données 2011.
0,00
100,00
200,00
300,00
400,00
500,00
600,00
700,00
800,00
900,00
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
millions d'euros
Autorisations
d'engagements (AE)
Crédits de
paiements (CP)
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
LES FINANCEMENTS SUR PROJETS : UNE HAUSSE SIGNIFICATIVE, UN NIVEAU
ENCORE LIMITÉ
73
Tableau n° 18 : budget d’intervention de l’ANR en 2012
Source : Agence nationale de la recherche
En 2011, 23 % des projets et 34 % des financements ont été
consacrés à des projets partenariaux associant des laboratoires publics et
privés.
c)
Un taux de succès en baisse, source de risques
La baisse de la dotation de l’ANR et l’augmentation continue du
nombre de soumissions ont pour conséquence la diminution des taux de
succès moyens à ses appels à projets, qui sont passés de près de 26 % en
2005 à 20 % en 2012.
Graphique n° 10 : évolution du taux de succès aux appels à
projets de l’ANR entre 2005 et 2012
Source : Cour des comptes à partir des données de l'Agence nationale de la
recherche
Budget d'intervention de l'ANR en 2012 en M€
Montant
Programmes non thématiques
266,3
Recherche partenariale et valorisation
18,8
Progresser dans la connaissance du vivant
56,5
L'urgence environnementale et les écotechnologies
107,2
L'information, la communication et les nanotechnologies
71,9
Les sciences humaines et sociales
12,0
Sécurité et recherche duale
21,3
TOTAL programmation
554,0
Partenariats et Compétitivité
156,1
TOTAL budget de l'ANR en AE
710,1
15,00%
17,00%
19,00%
21,00%
23,00%
25,00%
27,00%
29,00%
31,00%
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
Taux de succès moyen (tous
programmes)
Recherches Exploratoires et
Emergentes (programmes non
thématiques)
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
74
COUR DES COMPTES
Les taux de succès, très variables selon les appels à projets, qu’ils
soient blancs ou thématiques, peuvent atteindre des niveaux faibles au
regard des pratiques étrangères (40 % pour la DFG en Allemagne, 25 %
pour les
Research Councils
au Royaume-Uni, 23 % pour la
National
Science Foundation
aux États-Unis). Ils sont même parfois considérés
comme non soutenables par les soumissionnaires et peu efficaces au
regard de la mobilisation des équipes pour préparer leurs projets.
Dans le même temps, le financement moyen par projet a diminué,
passant de 400 000 € en 2008 à 350 000 € en 2011 pour les appels à
projets « ouverts » et de 870 000 € à 700 000 € pour les appels à projets
partenariaux.
Face à ce faible taux de succès et à la déperdition d’énergie qu’il
provoque au sein des équipes de recherche, seules deux dispositions
d’ordre technique ont été prises pour 2013 : la limitation à une
proposition par an pour un même coordinateur scientifique de projet, et le
relèvement de l’engagement minimal du coordinateur scientifique sur le
projet de 33 % à 40 % de son temps de recherche.
L’année 2013 étant la dernière d’un cycle triennal 2011-2013,
l’ANR n’a pas eu de latitude pour adapter sa stratégie à la diminution de
ses crédits d'intervention afin d'éviter la baisse excessive du taux de
succès, par des décisions en matière de ciblage de la programmation ou
de modalités d’intervention
42
.
3 -
Les modalités d'intervention de l'ANR et leurs impacts
a)
La question du financement des frais généraux
Pour les laboratoires privés, la subvention de l’ANR correspond à
un pourcentage du coût total du projet incluant des frais de personnel
permanent, de gestion et de fonctionnement. Pour les laboratoires publics,
la subvention correspond à 100 % du coût marginal du projet intégrant
des frais de fonctionnement plafonnés à 4 %.
42
Le ministère chargé de la recherche n’a pas souhaité que l’agence infléchisse
significativement sa programmation. Plusieurs pistes sont actuellement à l’étude, en
particulier celle suggérée par le rapport d'évaluation de l'Agence d’évaluation de la
recherche et de l’enseignement supérieur (AERES) de septembre 2012 de mise en
place d'une phase de présélection sur la base de dossiers allégés lors des appels à
projets. Ce type de procédure est actuellement expérimenté pour le programme
Agrobiosphère.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
LES FINANCEMENTS SUR PROJETS : UNE HAUSSE SIGNIFICATIVE, UN NIVEAU
ENCORE LIMITÉ
75
L'agence verse également aux opérateurs publics un montant
supplémentaire forfaitaire, le préciput, correspondant à un pourcentage
des crédits ANR versés à leurs équipes. Fixé à 5 % en 2007, son taux a
été relevé à 11 % depuis 2008.
Ce dispositif fait l’objet de critiques récurrentes, notamment parce
qu’il ne couvrirait pas les frais de gestion occasionnés par les projets. La
Cour en avait critiqué en 2011 la complexité et suggéré d’étudier son
remplacement par une prise en compte, dans le coût du projet, de frais
généraux d’environnement et de structure d'un niveau adéquat.
Pour ce faire, conformément aux pratiques en usage à l’étranger,
deux méthodes sont envisageables : le relèvement des frais de gestion et
du préciput, dans une optique forfaitaire qui semble par ailleurs se
dessiner au niveau européen, ou le développement de la méthodologie de
« coûts complets » (ou « coûts environnés »).
Il sera difficile de mettre en oeuvre cette évolution pourtant
souhaitable dans le cadre d'un budget d'intervention en baisse, si l'agence
ne procède pas à un recentrage de ses interventions.
Étude du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) sur les
coûts induits
Le CNRS a procédé en 2011 à une étude des coûts induits par
l'activité de gestion de ses contrats ANR. Ceux-ci sont constitués de dépenses
de personnel et de dépenses de fonctionnement des agents affectés à la
gestion des contrats ANR, principalement dans les directions régionales et les
laboratoires de recherche, ainsi que des charges associées aux personnels
recrutés sur contrats ANR (dépenses de formation permanente, d'action
sociale et de chômage).
Pour l'année 2010, le CNRS a reçu 172 M€ au titre des contrats ANR
et 10,89
M€ au titre des frais de gestion et du préciput. Les charges induites
sont estimées à 30,58 M€. L'étude conclut que les frais de gestion et le
préciput touchés ne couvrent que 35 % des charges induites. Ainsi, les
charges induites seraient de l'ordre de 18 % du montant des contrats ANR.
En règle générale, le CNRS n’est pas l’hébergeur des équipes mixtes
avec les universités et bénéficie moins de ce dispositif.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
76
COUR DES COMPTES
b)
L'impact sur les effectifs des équipes de recherche
Les contrats de recherche de
l’Agence nationale de la recherche
(ANR) représentent notamment un moyen de financement des contrats
doctoraux et post-doctoraux. Le déficit de moyens pour financer ces
derniers était auparavant largement dénoncé en France.
De nombreux personnels sont recrutés en contrat à durée
déterminée dans les équipes de la recherche publique à travers les
financements de l’ANR. Celle-ci ne dispose pas d’un suivi précis des
contrats établis par les établissements porteurs de projets. L’ordre de
grandeur des recrutements en contrat à durée déterminée (CDD) sur
contrats ANR a été estimé par la Cour dans son rapport public annuel
2011 à 15 000 contrats
43
. Les seules estimations disponibles à ce jour font
état d’un volume d’environ 10 000 équivalents temps plein pour toute la
durée
44
des projets sélectionnés en 2010 et 2011, et d’environ 5 700 pour
les projets 2012. Environ 28 % de ces contrats concernent des doctorants.
Compte tenu des conséquences observées, le ministère et
l’Agence
nationale de la recherche (ANR) cherchent à contenir l'augmentation des
effectifs financés par l'ANR. Depuis 2013, la part d’emplois temporaires
dans les projets doit être limitée à 30 % du total des personnels affectés
aux projets (ce taux était précédemment de 50 %). L’agence travaille par
ailleurs à la mise en place d’une enquête régulière sur le devenir de ces
personnes après leur contrat à durée déterminée (CDD).
43
Cour des comptes,
Rapport public annuel
2011, Tome I.
L’Agence nationale de la
recherche : premiers constats et perspectives
,
p. 365-377. La Documentation
française,
Février 2011, 1130 p., disponible sur www.ccomptes.fr.
44
La durée moyenne des projets est de 3,5 ans. L’ANR recense, dans le cadre des
projets, hors investissements d’avenir : 10 989 équivalents temps plein (ETP) financés
pour 2010 dont 3 041 doctorants ; 9 621 ETP financés pour 2011 dont
2 783 doctorants ; 5 711 ETP financés pour 2012 dont 1 629 doctorants. Chaque ETP
financé peut correspondre à plusieurs personnes physiques et à plusieurs contrats de
travail.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
LES FINANCEMENTS SUR PROJETS : UNE HAUSSE SIGNIFICATIVE, UN NIVEAU
ENCORE LIMITÉ
77
c)
Une construction inaboutie d’indicateurs d’impact pour mesurer la
valeur ajoutée propre de l’ANR
Dans son rapport public de 2011, la Cour avait souligné la
nécessité de mesurer l'impact des aides de l'agence et avait suggéré cinq
pistes.
Rappel des indicateurs suggérés par la Cour
- La comparaison du niveau de publications des équipes avant et après
l’aide de l’ANR ;
- les résultats comparés des équipes soutenues par l’ANR et des autres
équipes dans les réponses aux appels à projets européens ;
- la capacité des bénéficiaires à publier seuls ou en tant que premier
rédacteur à l’issue des appels « jeunes chercheurs » ;
- la poursuite de l’association entre les équipes concernées après
l’achèvement des projets ;
- la proportion des contrats à durée déterminée (CDD) financés par
l’agence bénéficiant après trois ans d’un emploi stable.
L'agence a effectué en 2012 des travaux de comparaison
internationale auprès des agences étrangères de référence et a constaté
que la plupart n’avaient pas encore déployé d’outils de mesure d’impact
au-delà des indicateurs classiques de production de la recherche, qu’elle-
même mesurait déjà.
Ainsi, la recommandation formulée par la Cour a commencé à être
prise en compte par l’ANR, mais ne s’est pas encore concrétisée, la
réflexion sur la construction d’indicateurs n’ayant pas encore abouti
45
.
4 -
Des choix à opérer pour l’avenir de l’ANR
L’État s’est doté d’une agence aux compétences reconnues en
matière de sélection de projets, sur laquelle il a pu s’appuyer au moment
de la mise en oeuvre du programme des investissements d’avenir.
Les perspectives budgétaires de la programmation triennale
2013-2015 et le rééquilibrage mis en place au profit des organismes de
45
Un « livre des indicateurs » est en cours d’élaboration pour le suivi et les résultats
des projets soutenus par les investissements d’avenir.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
78
COUR DES COMPTES
recherche vont entraîner une baisse de 33 % du budget de programmation
de l’ANR sur la période, qui lui impose d’adapter sa stratégie.
Différentes pistes peuvent être évoquées, dans le but d’accélérer la
recherche sur les projets à haut potentiel ou sources de compétitivité :
lancer des appels à projets thématiques plus resserrés, ou sur certains
types de projets (plus ambitieux, plus coopératifs, ou plus difficiles à
couvrir par les financements de base des laboratoires ou le programme
des investissements d'avenir) ; rechercher des cofinancements externes
plus importants en valorisant son professionnalisme en matière de gestion
d'appels à projets auprès des régions, des ministères techniques, voire des
associations ou fondations de recherche.
Dans le contexte de la baisse annoncée des crédits d’intervention
de l’ANR, la question de l’équilibre souhaitable entre les financements
sélectifs sur projets et les financements attribués aux opérateurs de
recherche (organismes et universités), qui peuvent être aussi en partie
compétitifs, doit être traitée. L'indicateur 2.1 du programme 172, qui
existait depuis 2007, visait à suivre la part relative du financement sur
projets et du financement récurrent des laboratoires de recherche. Il a été
supprimé dans le projet annuel de performances 2013. Il apparaît
cependant nécessaire de se doter d'un objectif en termes de taux de
financement sur projets et d'une capacité de suivi de cet objectif.
Enfin, le contrat pluriannuel entre l’État et l’ANR prévu par la loi
n’est toujours pas établi à ce jour, et les discussions à cette fin n’ont pas
débuté. Il n'est pas normal qu’un opérateur majeur de la politique de
recherche ne soit toujours pas lié à l’État par un contrat huit ans après sa
création.
II
-
L’impulsion du programme des
investissements d’avenir
Après les mesures de relance de l’économie en 2008, le Président
de la République a annoncé le 22 juin 2009 le lancement d’un grand
emprunt pour financer les priorités qui devaient préparer l’avenir de la
France et a confié à une commission, coprésidée par MM. Alain Juppé et
Michel Rocard, le soin de formuler des propositions sur le choix des
priorités à retenir.
Le rapport remis en novembre 2009 définissait sept axes
stratégiques d’investissement. Il recommandait de les financer au moyen
de l’emprunt et estimait le besoin d’investissement de l’État à 35 Md€,
avec une prévision d’effet de levier de 25 Md€, soit un volume
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
LES FINANCEMENTS SUR PROJETS : UNE HAUSSE SIGNIFICATIVE, UN NIVEAU
ENCORE LIMITÉ
79
d’investissement global d’environ 60 Md€. La moitié des crédits de
l’emprunt devait être consacrée à l’enseignement supérieur et à la
recherche.
À la suite de la remise de ce rapport, les décisions de mise en place
du programme des investissements d’avenir ont été rapides. Annoncé mi-
décembre 2009, le projet de loi a été adopté par le conseil des ministres le
20 janvier 2010 et la loi de finances rectificative du 9 mars 2010 a ouvert
les
crédits
correspondants :
33,64 Md€
au
titre
de
programmes
budgétaires auxquels s’ajoute 1 Md€ ouvert en compte d'affectation
spéciale au titre du refinancement de l’activité de prêts aux petites et
moyennes entreprises d'Oséo et 360 M€ de taxe affectée à Oséo.
A - Des principes clairs
1 -
Une priorité affirmée en faveur de la recherche et de
l’enseignement supérieur
Le programme est structuré autour de cinq priorités stratégiques
déclinées en 35 actions : l’enseignement supérieur et la formation
(11 Md€), la recherche (7,9 Md€), les filières industrielles et les PME
(6,5 Md€), le développement durable (5,1 Md€) et le numérique
(4,5 Md€).
Plus de la moitié des crédits du programme, soit 21,9 Md€,
relèvent de
la mission
Recherche et enseignement supérieur
(MIRES).
Une politique sélective est clairement affichée pour réserver ce
programme exceptionnel aux investissements jugés les plus stratégiques.
La gestion de la grande majorité des crédits relevant de la mission
MIRES
(18,9 Md€
sur
21,9 Md€)
est
confiée
à
l'ANR.
Les
investissements
financés,
qui
constituent
de
nouvelles
formes
d’intervention de l’État, peuvent être répartis en trois catégories :
-
des projets d’excellence, multithématiques, qui visent à
renforcer les moyens pour l’enseignement supérieur et la
recherche, tout en exigeant des coopérations scientifiques :
équipements
d’excellence
(EQUIPEX),
laboratoires
d’excellence
(LABEX),
initiatives
d’excellence
(IDEX),
dispositifs innovants de formation (IDEFI) ;
-
des projets d’excellence centrés sur le domaine de la biologie et
de la santé : instituts hospitalo-universitaires (IHU), cohortes,
infrastructures nationales de biologie et santé, démonstrateurs,
bio-ressources, bio-informatique, nanotechnologies ;
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
80
COUR DES COMPTES
-
des projets visant à renforcer le secteur de la valorisation et à
stimuler les coopérations public/privé : sociétés d’accélération
du
transfert
de
technologie
(SATT),
consortiums
de
valorisation thématiques (CVT), France Brevets, instituts de
recherche
technologique
(IRT),
instituts
en
énergie
décarbonnée, instituts Carnot.
Les objectifs affichés par le programme des investissements
d’avenir sont structurants pour le système français d’enseignement
supérieur et de recherche. Le programme vise à l’émergence de centres en
mesure de concurrencer les meilleures universités sur le plan international
(initiatives d’excellence – IDEX). Les actions laboratoires d’excellence,
équipements d’excellence, instituts hospitalo-universitaires ont pour
objectif d’identifier les disciplines phares des sites universitaires français
et de leur consacrer des moyens financiers dans la durée pour se
développer. Le programme définit et finance également la création d’un
nouveau système de valorisation, à plusieurs composantes, en réservant
un financement important pour la phase de maturation
46
des inventions.
Le programme des investissements d’avenir finance également des
programmes de recherche de filières industrielles, dont la gestion est
confiée aux opérateurs spécialisés dans le domaine :
-
action démonstrateurs technologiques aéronautique et aéronefs
du futur gérée par l’ONERA (1,5 Md€) ;
-
action espace gérée par le CNES (500 M€) ;
-
action réacteur de 4
ème
génération et réacteur Jules Horowitz
gérée par le CEA (900 M€) ;
-
action recherche en matière de traitement des déchets gérée par
l’ANDRA (100 M€).
Les
investissements
d'avenir
financent
aussi
certains
investissements stratégiques décidés avant la remise du rapport de la
commission Juppé-Rocard :
-
1,3 Md€ au titre de l’action « Plan Campus », qui s’ajoutent
aux 3,7 Md€ déjà financés au titre du compte d’affectation
spéciale
Participations financières de l’État
(CAS PFE) et
permettent d’honorer l’engagement du Gouvernement d’un
financement total de 5 Md€ pour les campus retenus
47
;
46
Phase d'étude ayant pour objectif de valider le potentiel de l'invention.
47
Dix campus, dont Saclay, sélectionnés en deux vagues en 2008, auxquels se sont
ajoutés deux sites supplémentaires dans le cadre du plan de relance et neuf campus
« prometteurs et innovants ».
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
LES FINANCEMENTS SUR PROJETS : UNE HAUSSE SIGNIFICATIVE, UN NIVEAU
ENCORE LIMITÉ
81
-
1 Md€ au titre de l’action « Plateau de Saclay », complément de
financement pour le projet d’aménagement de celui-ci retenu
préalablement au programme des investissements d’avenir
48
;
-
l’action « Instituts Carnot », qui vise à renforcer ces instituts ;
-
450 M€ dans le secteur de l’aéronautique pour le programme
A350 dont le financement par l’État était initialement prévu sur
les crédits budgétaires du programme 190 ;
-
s’agissant du nucléaire, la programmation du réacteur Jules
Horowitz et du réacteur de quatrième génération ASTRID.
Les dispositifs du programme des investissements d’avenir en
faveur de la recherche et de l’innovation ne relèvent pas tous de la
mission MIRES. Parmi les actions relevant des missions
Écologie,
développement et aménagement durable
et
Économie
, un fort accent est
mis sur la recherche et l’innovation. Il concerne en particulier les actions
« plates-formes mutualisées d’innovation des pôles de compétitivité
(PFMI) » et « économie numérique » gérées par la Caisse des dépôts et
consignations. Il concerne aussi les actions gérées par l’Agence de
l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) sur les véhicules
du futur, les démonstrateurs énergies renouvelables ou les réseaux
intelligents électriques. Enfin, il bénéficie aux actions gérées par Oséo
relatives aux projets de recherche et développement structurants des pôles
de compétitivité.
2 -
Une sélection des projets majoritairement fondée sur des
procédures compétitives et des jurys internationaux
Pour la grande majorité des crédits gérés par l’Agence nationale de
la recherche (ANR), la sélection des projets a été organisée par appels à
projets. Cette approche ascendante dite
bottom up
, qui permet de révéler
les projets d’excellence à partir du terrain, a été préférée dès le départ à
une approche tendant à financer des projets choisis
a priori
.
Le
Gouvernement
a
ainsi
clairement
affiché
avec
les
investissements d’avenir une politique fondée sur une attribution des
financements sur des critères d’excellence des équipes, de leur projet
scientifique et de leur gouvernance. Aucune directive n’était donnée aux
48
Le projet de développer sur le plateau de Saclay un
cluster
ou bouquet scientifique
et technologique d’envergure mondiale prend corps entre 2007 (remise du rapport de
M. Philippe LAGAYETTE au ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement
supérieur et de la recherche le 10 avril 2007) et 2009 – 2010 (approbation du Plan
Campus, vote de la loi sur le Grand Paris).
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
82
COUR DES COMPTES
jurys concernant une répartition thématique des projets lauréats, ni
géographique des porteurs de projet.
La procédure de sélection est fondée sur un appel à projets, avec
un classement par un jury composé d’experts de niveau international. Le
classement du jury est ensuite examiné par le comité de pilotage de
l’action qui propose la liste de projets à financer et une enveloppe
financière pour chaque projet respectant le cadrage financier global de
l’appel à projets. La décision est prise
in fine
par le Premier ministre sur
avis du commissaire général à l’investissement.
Parmi les dispositifs des investissements d’avenir, ceux qui sont
assimilables à des financements compétitifs sur appel à projets
correspondent à un montant estimé à 415 M€ par an sur le milliard de
décaissements annuels attendu au titre du programme pour la recherche
49
.
3 -
Un financement extrabudgétaire composé de crédits
« consommables » et de « dotations non consommables »
Sur le plan financier, la première particularité des investissements
d’avenir est le caractère extrabudgétaire des crédits, transférés en 2010 à
des opérateurs. Le financement des projets est prévu pendant toute la
durée de la convention État-opérateur, conclue en général pour dix ans.
La seconde particularité concerne spécifiquement les crédits
relevant de la mission MIRES, qui sont décomposés en 6,87 Md€ de
crédits dits « consommables », c'est-à-dire qui donneront lieu à un
décaissement, et en 15,03 Md€ de crédits dits « non consommables »
(gérés par l'ANR), dont seuls les intérêts issus du placement de la
dotation seront dépensés
50
.
Compte tenu de ces principes, il est possible d’estimer les crédits
disponibles sur la période 2010-2020 pour les différentes actions de la
mission MIRES (crédits consommables et intérêts des dotations non
consommables) : ils s’élèvent à 11,81 Md€, soit 46,8 % des dépenses du
programme des investissements d’avenir.
49
Cf annexe 6 pour le détail du calcul.
50
Ces dotations sont rémunérées à un taux de 3,413 % par an, sauf pour la dotation
complémentaire pour l'opération Campus qui est gratifiée d’un taux de 4,03238 %.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
LES FINANCEMENTS SUR PROJETS : UNE HAUSSE SIGNIFICATIVE, UN NIVEAU
ENCORE LIMITÉ
83
Tableau n° 19 : montant des crédits par action, et estimation du total
prévisionnel 2010-2020 (après redéploiement)
Source : Cour des comptes à partir des données du commissariat général à
l’investissement (CGI)
Néanmoins, ce ratio pourra évoluer à terme, puisqu’une partie des
15,03 Md€ « non consommables » sera, si les évaluations des projets sont
positives, transférée aux établissements de recherche et d’enseignement
supérieurs lauréats
51
.
La complexité de ce montage financier, en particulier du calcul des
intérêts des « dotations non consommables », impose un suivi rigoureux.
4 -
Un rôle limité de contrôle du Parlement
Le pilotage du programme des investissements d’avenir a été
confié à une structure interministérielle, spécialement créée et placée
directement sous l’autorité du Premier ministre : le commissariat général
à l’investissement (CGI), créé par décret du 22 janvier 2010, qui assure la
direction des différents programmes, pilote le travail interministériel et
prépare les décisions de l’État. En revanche, il n'assure pas la gestion des
fonds.
51
En effet, il est prévu, au terme du programme des investissements d’avenir, que les
15,03 Md€ reviennent à l’État, sauf dans le cas des actions « Opération campus » et
« IDEX », dont les dotations pourront être transférées aux porteurs de projets. Si leur
évaluation est positive, les LABEX pourront continuer à bénéficier des intérêts issus
du placement de leur dotation non consommable au-delà des 10 ans de la convention.
Opérateur
Action
Convention
Dotation
consommable
en M€
Dotation non
consommable
en M€
Intérets
cumulés sur
dotation
Total cash
prévisionnel
ANR
Equipements d'excellence
Equipements d'excellence
452,7
400,0
129,4
582,0
ANR
Cohortes
10,0
200,0
64,5
74,5
ANR
Santé biotechnologie
Santé biotechnologie
430,0
900,0
276,4
706,4
CNES
Espace
Espace
500,0
500,0
ANR
Campus d'excellence
Initiatives d'excellence dt IDEFI, ISTEX
258,5
6 987,6
2 100,9
2 359,4
ANR
Opération Campus
Opération Campus
1 300,0
524,2
524,2
ANR
Opération du plateau de Saclay
Opération du plateau de Saclay
1 000,0
1 000,0
ANR
Valorisation
Fonds national de valorisation
950,0
950,0
ANR
Valorisation
Instituts Carnot
500,0
148,0
148,0
ANR
Valorisation
Instituts de recherche technologique
475,0
1 500,0
449,0
924,0
CDC
Valorisation
France Brevet
50,0
50,0
ANR
Laboratoire d'excellence
Laboratoire d'excellence
130,5
1 812,4
559,1
689,6
ANR
Instituts Hospitalo-Universitaires
Instituts Hospitalo-Universitaires
190,0
680,0
217,8
407,8
ANR
Instituts d'excellence en matière d'énerg
250,0
685,0
198,2
448,2
IEED - dotation non affectée
65,0
ONERA
Démonstrateurs technologiques
aéronautiques
Aéronefs du futur
CEA
Réacteur de 4ème génération
Réacteur de 4ème génération ASTRID
626,6
626,6
CEA
Réacteur Jules Horowitz
Réacteur Jules Horowitz
248,4
248,4
ANDRA
Recherche en matière de traiteme
Rech. traitement et stockage déchets
75,0
75,0
Total MIRES
7 146,6
15 030,0
4 667,5
11 814,1
1500
Nucléaire de
demain
Instituts
d'excellence en
matière
d'énergies
Instituts d'excellence
Projets
thématiques
d'excellence
Pôles d'excellence
Recherche dans le
domaine de
l'aéronautique
Recherche dans le domaine de
l'aéronautique
1500
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
84
COUR DES COMPTES
Pour chaque action, celle-ci est confiée à un opérateur, également
chargé de l’organisation de la sélection et du conventionnement des
projets. Un comité de pilotage est constitué par action, présidé par un
représentant du ministère chargé de la politique publique concernée. Il
réunit notamment les représentants des autres ministères concernés, du
CGI et de l’opérateur et propose une sélection des projets. La décision
finale est prise par le Premier ministre sur proposition du CGI.
Un comité de surveillance, placé sous la présidence conjointe de
MM. Alain Juppé et Michel Rocard, a pour mandat d’évaluer
annuellement la démarche et de suivre son exécution. Ses rapports,
transmis au Premier ministre et à chaque assemblée, ont été produits en
mai 2011 et mai 2012.
La loi de finances rectificative du 9 mars 2010 organise le suivi des
crédits extrabudgétaires hors du cadre budgétaire classique, ainsi que les
relations spécifiques entre le Gouvernement et le Parlement sur le
programme des investissements d’avenir. Elle prévoit notamment une
information des commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du
Sénat en amont de la signature des conventions, un compte rendu
trimestriel et un rapport annuel sur la mise en oeuvre des investissements
d’avenir et sur leurs conséquences sur les finances publiques.
Il s'agit pour le Gouvernement d'informer le Parlement. Celui-ci en
effet n’a pas la possibilité de s’opposer à la signature d’une convention ou
à un redéploiement des crédits au sein du programme.
Cette relation avec le Parlement n’a pas soulevé de difficulté
majeure, même si certaines des informations ont donné lieu à des
remarques de sa part sans que le Gouvernement modifie d'ailleurs les
projets en cause.
Cette gouvernance du programme, qui confie un rôle limité au
Parlement pour le contrôle de l’emploi des crédits et qui prévoit
systématiquement la prise de décision au niveau du Premier ministre,
est inusitée. Il faudra s’assurer que, dans la durée, elle ne déresponsabilise
pas les ministères normalement compétents.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
LES FINANCEMENTS SUR PROJETS : UNE HAUSSE SIGNIFICATIVE, UN NIVEAU
ENCORE LIMITÉ
85
B - Une mise en oeuvre rapide du programme
1 -
Un processus d’engagement rapide et mobilisateur
La phase de mise en oeuvre des appels à projets par l’Agence
nationale de la recherche (ANR) a été menée avec une grande rapidité, en
deux vagues : la première a été lancée à l’été 2010, trois mois après la
publication de la loi de finances rectificative, la deuxième à l’été 2011.
En tout, 1 316 projets ont été déposés et 369 lauréats ont été retenus.
Le lancement simultané de ces appels à projets a mobilisé la
communauté scientifique et un effort considérable a été demandé à
l’ANR.
Au total, sur les 22,18 Md€ des investissements d'avenir de la
MIRES (15,03 Md€ de crédits non consommables et 7,15 Md€ de crédits
consommables après le redéploiement de mars 2012), 95 % des crédits
avaient été affectés à des projets en juin 2012, ce qui est plus rapide que
les autres actions du programme des investissements d'avenir (76,6 % des
crédits engagés en moyenne).
Seules deux actions n’ont pas vu leur dotation complètement
engagée à la suite de difficultés rencontrées au cours du processus de
sélection : les Instituts Carnot et le fonds national de valorisation, en
particulier les crédits destinés aux sociétés d’accélération du transfert de
technologie (SATT). Ces deux actions ont fait l'objet de redéploiements
en janvier 2013.
Le rythme des décaissements est, en revanche, beaucoup plus lent,
compte tenu du retard rencontré dans la phase de conventionnement,
même s’il est plus rapide sur l’enseignement et la recherche que sur
l’ensemble du programme. L’année 2010 a été consacrée à la sélection
(seuls 30 M€ ont été décaissés). Les paiements des dotations aux lauréats
ont surtout commencé en 2011, avec près de 400 M€ décaissés, auxquels
s’ajoutent près de 50 M€ d’intérêts des dotations non consommables. En
2012, les décaissements ont atteint près de 930 M€, auxquels s’ajoutent
près de 325 M€ d’intérêts, ce qui correspond à la prévision du rythme
moyen des paiements, de 1,2 Md€ par an, sur le périmètre de la mission
interministérielle recherche et enseignement supérieur.
Les nombreuses procédures de sélection des investissements
d’avenir et leur simultanéité ont représenté un coût certain pour les
porteurs de projets, compte tenu de la complexité des dossiers à établir et
des nombreux partenariats à négocier. De nombreux porteurs de projets
ont fait appel à des consultants extérieurs pour les assister dans les tâches
qui nécessitaient des compétences particulières (analyse de l’impact
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
86
COUR DES COMPTES
socio-économique, élaboration des modèles économiques, traduction en
anglais par exemple). Le coût global des consultants extérieurs n’a pas été
estimé, mais les cas analysés par la Cour montrent que le recours à des
prestataires extérieurs a été très important et qu’il a été majoritairement
financé sur fonds publics.
2 -
Le rattachement de chaque projet à un grand domaine
scientifique
L’ANR a estimé, pour la part qu'elle gère, la répartition des
financements
des
investissements
d’avenir
par
grands
domaines
scientifiques, en rattachant chaque projet financé à un domaine
52
.
Graphique n° 11 : répartition financière des crédits
d’investissements d’avenir (IA) par grands domaines scientifiques
Source : Agence nationale de la recherche
Trois grands domaines bénéficient d’une part importante des
financements des investissements d'avenir :
-
les sciences biologiques et médicales, secteur identifié comme
un axe important d’investissement par le rapport Juppé-Rocard,
et qui a fait l’objet d’appels d’offres spécifiques (IHU
53
,
Infrastructures nationales en biologie-santé, démonstrateurs
préindustriels, bioressources, etc.) ;
52
En dehors des appels à projets IDEX, SATT, Campus, Saclay et IDEFI, qui ne
présentent pas de caractère thématique pour la recherche.
53
Institut hospitalo-universitaires.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
LES FINANCEMENTS SUR PROJETS : UNE HAUSSE SIGNIFICATIVE, UN NIVEAU
ENCORE LIMITÉ
87
-
les sciences de la matière et de l’ingénierie, secteur qui
bénéficie d’une grande partie des aides accordées ou prévues
pour les instituts de recherche technologique (IRT) ;
-
les sciences du numérique et de l’informatique bénéficient de
17 %.
3 -
Une réussite inégale des régions aux appels à projets
À ce jour, le ministère n’est pas en mesure de calculer précisément
la part de financement des investissements d’avenir par région. Seules des
analyses fondées sur des hypothèses simplificatrices sont disponibles.
Elles révèlent que la réussite des régions aux appels à projets des
investissements d’avenir a été inégale.
Certaines régions, notamment l’Alsace et l’Aquitaine, ont connu
une réussite très importante comparativement à leur poids dans les
dépenses intérieures de recherche et développement (DIRD).
Parmi les régions qui contribuent fortement à la DIRD française,
l’Île-de-France a eu une réussite moindre que ce qui aurait pu être
attendu, de même que les régions Rhône-Alpes, Languedoc-Roussillon et
Bretagne. En revanche, les régions Provence-Alpes-Côte d'Azur et Midi-
Pyrénées ont très bien réussi.
Parmi les régions moins importantes en termes de DIRD, plusieurs
régions ont connu un réel succès : Champagne-Ardenne et Picardie. À
l’inverse, d’autres ont eu une réussite moindre : Poitou-Charentes,
Lorraine,
Limousin,
Haute-Normandie,
Franche-Comté,
Centre,
Bourgogne, Basse-Normandie.
Toutefois, ces éléments ne pourront être confirmés qu’avec une
analyse dans la durée de l’utilisation des crédits.
4 -
Un accueil positif de la communauté scientifique
De nombreuses actions du programme des investissements
d’avenir ont été perçues très positivement par la communauté scientifique
grâce au volume et à la durée des financements accordés.
Les crédits des laboratoires d’excellence et des projets en biologie
santé, prévus pour dix ans, permettent aux équipes labellisées de
développer dans la durée de nouveaux axes de recherche.
Les infrastructures nationales en biologie-santé et l’appel à projets
équipements d’excellence, qui a rencontré un succès important, pallient la
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
88
COUR DES COMPTES
baisse des moyens d’investissements observée dans les plates-formes au
cours des dernières années.
Les investissements d’avenir offrent de nouveaux moyens de
financement aux "cohortes" de patients indispensables à la recherche
médicale et qui n'étaient pas financées jusque-là de façon satisfaisante.
C - De nouvelles formes de coopération complexes
Le programme conduit cependant à la multiplication de nouveaux
instruments de coopération qui soulèvent de nouvelles questions.
1 -
Un manque d’accompagnement des projets lauréats
Le programme des investissements d’avenir a défini de nouveaux
instruments
de
coopération
entre
établissements
d’enseignement
supérieur et de recherche (laboratoires d’excellence, équipements
d’excellence, projets en biologie-santé, etc.). Ces nouvelles modalités de
coopération entraînent des complications inutiles dans la gestion
administrative et financière des établissements et des unités de recherche,
compte tenu des règles spécifiques de chaque action et du nombre
important de partenaires impliqués.
Il apparaît nécessaire de mettre en place, par action, des procédures
et des outils d’accompagnement des porteurs de projets. Il convient de
simplifier la gestion administrative et financière des projets dont la
complexité risque de constituer un frein au développement scientifique (à
travers des solutions de mutualisation ou de délégation globale de
gestion).
La mise en place des procédures et des outils de suivi des projets a
pris un certain retard, compte tenu de la mobilisation des acteurs sur la
gestion des appels à projets et sur le conventionnement. Elle doit être
accélérée, pour être en mesure, à la fin des périodes probatoires, en
général de trois ou quatre ans, de réorienter, voire d’arrêter les projets qui
s’écartent trop de leurs objectifs.
2 -
Une multiplication de structures partenariales, source de
complexité
La multiplication des structures de coopération et l’apparition de
nouveaux acteurs brouillent la visibilité du système, souvent déjà qualifié
de « millefeuille » administratif. Même si une part des structures créées
pour les besoins du PIA n'a pas été dotée de la personnalité juridique,
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
LES FINANCEMENTS SUR PROJETS : UNE HAUSSE SIGNIFICATIVE, UN NIVEAU
ENCORE LIMITÉ
89
celles-ci ont ajouté à la complexité déjà grande du système français de
recherche.
La multiplication des structures partenariales complique les
circuits de gestion financière entre le porteur et ses partenaires et rend
plus délicate la connaissance des moyens attribués aux différents
opérateurs, compte tenu des nombreux reversements entre partenaires.
Ces nouvelles formes de coopération représentent un coût, car
chacune d’elles a nécessité la mise en place d’une gouvernance spécifique
à plusieurs niveaux : chefs d’équipe impliqués dans le projet, directeurs
d’unité, représentants des tutelles, lien avec la gouvernance de l’IDEX le
cas échéant, etc. Un exemple portant sur l’INSERM est révélateur. Pour
la gouvernance des structures de coopération dans lesquelles l’INSERM
est impliqué, le président-directeur général de l'institut était auparavant
statutairement tenu de participer à 300 réunions par an. Avec les
investissements d’avenir, ce chiffre est estimé aujourd’hui à 450.
Par ailleurs, compte tenu de la complexité administrative et
financière des structures de coopération, leur gestion nécessite le
recrutement de personnel administratif, sans que des économies futures
de personnel soient identifiées aujourd’hui dans les établissements
concernés. L’analyse des projets d’IDEX montre que ce poste, qui a été
en général diminué à la demande du jury international, reste estimé à
environ 10 % du montant attribué pour plusieurs projets d’IDEX.
La Cour avait recommandé en 2012 de mettre fin à la prolifération
des instruments de coopération scientifique : « Le ministère doit veiller à
la cohérence des dispositifs successifs de coopération mis en place dans le
domaine de la recherche, notamment ceux prévus au titre des
investissements d’avenir, et stabiliser dans la durée les instruments mis à
disposition de la communauté scientifique
54
.
»
Après la phase de sélection des investissements d'avenir, le
principal enjeu est leur mise en cohérence avec les instruments de
coopération existants : par exemple, la cohérence des périmètres et cadres
de gestion des pôles de recherche et d’enseignement supérieur (PRES) et
des initiatives d’excellence (IDEX) qui, pour certaines, ont créé deux
structures
juridiques
différentes
pour
un
même
projet,
ou
la
rationalisation des structures de valorisation universitaires (services des
activités industrielles et commerciales et dispositifs mutualisés de
54
Cf. Cour des comptes.
Rapport public annuel 2012,
Tome I.
Les réseaux
thématiques de recherche avancée, p. 599 à 655.
La Documentation française, Février
2012, 1079 p., disponible sur www.ccomptes.fr.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
90
COUR DES COMPTES
transfert de technologie) à travers les sociétés d’accélération du transfert
de technologie (SATT).
3 -
Une nécessaire cohérence entre les différents modes de
financement
La faiblesse des frais de gestion prévus au titre des projets des
investissements d’avenir (4 %) conduit les établissements porteurs de
projets à mobiliser leurs moyens récurrents pour la réalisation de ces
projets d’excellence. Il en résulte un défaut de cohérence entre les
moyens dévolus au titre des investissements d’avenir et les dotations des
porteurs qu’il importe de corriger.
La vigilance s’impose par ailleurs sur les effets de substitution
consécutifs au lancement de ces programmes chez les opérateurs et sur le
respect du caractère « additionnel » du programme des investissements
public (PIA) et des objectifs fixés en termes de valeur ajoutée scientifique
et de rentabilité économique et financière des investissements.
Enfin,
pour
les
établissements,
ces
financements
seront
majoritairement consacrés à des dépenses de personnel. Ces moyens ne
pourront constituer un investissement à long terme si aucune disposition
ne permet de stabiliser l’emploi de ces personnels formés dans les
meilleures équipes. Il est donc indispensable, pour obtenir un effet de
structuration durable, que les projets d’excellence soient dotés des
moyens
de
se
développer
et
que
les
établissements
porteurs
accompagnent les projets d'investissements d’avenir.
4 -
Un effet de levier incertain
Le commissariat général à l’investissement annonce un effet de
levier global du programme des investissements d’avenir de plus de
20,4 Md€. Les sources de cofinancement se composent à hauteur de
15,2 Md€ d'apports du secteur privé (banques et entreprises non
financières, essentiellement sur les mesures Oséo et l'aéronautique), à
hauteur
de
3,6 Md€
des
concours
des
collectivités
territoriales
(essentiellement sur les projets de transports en commun en site propre,
les écocités et le très haut débit), à raison de 548 M€ des opérateurs
(notamment le CEA) et de 1 Md€ d'autres ressources publiques
(notamment des projets spatiaux du CNES qui ont mobilisé des
ressources internationales).
Pour les actions relevant de la mission MIRES, l’effet de levier
attendu est de l’ordre de 4,5 à 6 Md€, dont 3 à 4 Md€ de financement
privé. Cet effet de levier porte surtout sur les actions de soutien aux
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
LES FINANCEMENTS SUR PROJETS : UNE HAUSSE SIGNIFICATIVE, UN NIVEAU
ENCORE LIMITÉ
91
filières industrielles (nucléaire, aéronautique, espace, traitement des
déchets nucléaires) et les actions institut de recherche technologique
(IRT) et institut d’excellence pour des énergies décarbonées (IEED) qui
exigent un co-financement minimal de 50 % des industriels partenaires.
L’analyse des actions « Equipements d’excellence (EQUIPEX) »
(vague 1) et institut hospitalo-universitaires (IHU), estimé au stade de la
contractualisation, révèle que l’effet de levier porte principalement sur
des crédits publics (79 % de l’effet de levier EQUIPEX, 74 % de l’effet
de levier IHU), majoritairement des collectivités territoriales, et non sur
des apports d’entreprises.
5 -
Des outils d’évaluation à mettre en place
Un budget spécifique a été réservé au sein de chaque action du PIA
pour l'évaluation ex-post du programme (11,8 M€ pour le seul périmètre
des actions gérées par l'ANR).
Les modalités de l'évaluation, qui aura lieu dans cinq à dix ans,
n'ont pas été arrêtées. Un groupe de travail, piloté par le commissariat
général à l’investissement (CGI), a remis récemment ses conclusions et
défini les quatre niveaux complémentaires d'évaluation nécessaires, mais
les modalités fines restent à construire.
Compte tenu des objectifs affichés par le programme des
investissements d'avenir, une attention particulière devra être portée sur
l'évaluation de l'impact socio-économique des projets financés en termes
notamment de croissance, de création d'emplois, de ré-industrialisation et
de protection de l'environnement, cette analyse constituant le dernier
niveau d'évaluation identifié par le CGI.
D - Des risques non maîtrisés
1 -
Les risques liés à certaines actions
Plusieurs actions du programme présentent des risques.
L’action Initiatives d’excellence (IDEX) s’inscrit dans la poursuite
des initiatives visant à faire émerger une dynamique de site entre acteurs
de la recherche et de l'enseignement supérieur. Elle présente, par
l’importance
des
financements
apportés,
un
fort
effet
incitatif.
L’ensemble des acteurs locaux, universités, écoles, organismes de
recherche, ont coopéré pour définir ensemble leur stratégie de site en
matière de formation et de recherche. L’action est cependant fortement
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
92
COUR DES COMPTES
exposée au risque de décalage entre le projet défendu par les porteurs
devant le jury international et leur capacité réelle à le mettre en oeuvre.
La réussite des IDEX est conditionnée à la capacité des différents
partenaires à tenir les engagements en termes de mise en oeuvre de la
feuille de route, mais également en termes de moyens consacrés à
l’IDEX. Le risque de décalage est particulièrement fort, s'agissant des
modes de gouvernance et des rapprochements annoncés dans les projets.
La mise en oeuvre des sociétés d’accélération du transfert de
technologie (SATT) a été longue et difficile. Le schéma à retenir n'était
toujours pas trouvé en septembre 2012 pour Saclay et la région
Rhône-Alpes qui sont entrés dans le processus de sélection depuis plus de
deux ans. La réussite des SATT est conditionnée à plusieurs
enjeux : l’adhésion réelle des partenaires, la capacité à monter en
compétence sur les thématiques prioritaires de chaque SATT, tout en
limitant les dépenses de masse salariale, la viabilité des différents
modèles économiques retenus, la clarification de l’articulation avec les
structures de valorisation des organismes de recherche.
Au regard de ces risques, l’investissement important de l’État dans
ces nouvelles structures apparaît excessif et imprudent. Les difficultés à
faire aboutir les derniers projets ne peuvent que renforcer les
interrogations concernant cette action. Il aurait été plus réaliste de
labelliser quelques structures à la suite de l’appel à projets et d’organiser
un retour d’expérience avant d’étendre ce modèle à l’ensemble du
territoire.
Le modèle des instituts de recherche technologiques (IRT),
nouvelle structure de coopération public/privé, est fortement remis en
cause, particulièrement la création d’une nouvelle structure juridique au
sein d’un dialogue public-privé déjà délicat et l’obligation pour les entités
publiques de mettre des personnels à disposition de celle-ci. Le premier
institut de recherche technologique créé déroge à ce modèle et est hébergé
par le CEA.
La mise en place de ces instituts s’est également heurtée à de
nombreuses difficultés juridiques, managériales (coordination interne de
l’État) et fiscales, qui ne sont pas toutes résolues. Les différents acteurs
dénoncent ainsi des changements dans les modalités de coopération,
apparus après la sélection des projets, au fur et à mesure de l’instruction
des difficultés.
Les modalités de sélection des instituts Carnot au titre du
programme des investissements d'avenir ont été également fortement
critiquées et l’appel à projets peut être considéré comme un échec. Une
grande partie de la dotation prévue pour les instituts Carnot n’a pas
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
LES FINANCEMENTS SUR PROJETS : UNE HAUSSE SIGNIFICATIVE, UN NIVEAU
ENCORE LIMITÉ
93
encore été engagée (318,3 M€ de dotation non consommable jusqu’en
2016, et 500 M€ à partir de 2017). On relève également un contexte
d’incertitude plus large sur le « modèle Carnot », sur sa place, ses
objectifs et ses moyens pour inciter aux recherches collaboratives et
partenariales.
Enfin, compte tenu du caractère risqué du modèle économique,
l’État doit être vigilant sur le suivi de la nouvelle structure France
Brevets
55
qui sera dotée de 50 M€ de crédits des investissements d’avenir.
L’investissement devra pouvoir être arrêté si les premiers programmes de
gestion de portefeuille de brevets ne génèrent pas les revenus attendus.
2 -
L’avenir des projets à l’échéance des dix ans
Les financements apportés par le programme des investissements
d’avenir sont prévus pour s’arrêter au terme des conventions (dix ans en
général). Seules deux actions échappent à cette règle :
-
les initiatives d’excellence qui auront réussi la période
probatoire de quatre ans obtiendront la gestion de leur
dotation non consommable ;
-
les laboratoires d’excellence, dont l’évaluation aura été
positive à l’échéance des dix ans, pourront continuer à
profiter des intérêts issus du placement de leur dotation.
Dans le domaine de la santé-biotechnologie et pour les grands
équipements (infrastructures nationales de biologie et équipements
d’excellence), le programme des investissements d’avenir apporte des
financements complémentaires sur une durée limitée. Il permet de
financer l’acquisition de grands équipements et d’en prendre en charge le
fonctionnement pendant dix ans, mais la poursuite d’activité et leur
renouvellement devront être financés par ailleurs.
Compte tenu des coûts élevés d’acquisition, les échéances du
programme devront être prises en compte pour la définition des moyens
ultérieurs consacrés à l’achat d’équipements (contrats de plan État-région,
très grandes infrastructures de recherche, etc.).
De nombreuses structures ont été créées et seront financées
pendant les dix premières années de fonctionnement. Leur capacité à
55
Le fonds d’investissement France Brevets a été créé en mars 2010 dans le cadre du
programme des investissements d’avenir. Il est doté de 100 M€ apportés à parité par
la Caisse des dépôts et consignations et l’État.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
94
COUR DES COMPTES
générer des ressources suffisantes à horizon de dix ans pour atteindre un
équilibre financier est un enjeu majeur, d’autant plus que leurs modèles
économiques ne sont pas éprouvés (sociétés d'accélération du transfert de
technologie, instituts de recherche technologique, instituts en énergie
décarbonnée, instituts hospitalo-universitaires, etc.). La capacité effective
de ces entités à procurer des revenus doit constituer un point majeur du
suivi, afin d’anticiper la fin de la période de subvention.
Par ailleurs, le programme des investissements d’avenir participe
au financement de grands programmes, notamment dans le domaine
aéronautique, sur lesquels les engagements pris par l’État dépassent
l’enveloppe allouée au titre des investissements d’avenir, et devront être
honorés par d’autres modalités à l’échéance des versements du PIA.
Les investissements d’avenir apportent, pour dix ans, des moyens
supplémentaires à l’enseignement supérieur et à la recherche, de l’ordre
de 7 % du budget de la recherche en 2012. Pour les lauréats, ce
financement est l’occasion de mettre en place des actions de structuration
et de développer dans la durée de nouveaux axes de recherche.
Le programme est également porteur de certaines rigidités.
Il a été déterminant dans les stratégies d'alliance des universités et
des grandes écoles. Les appels à projet IDEX ont ainsi contribué à
dessiner pour longtemps, sur la base de considérations parfois
conjoncturelles, le paysage français de l'enseignement supérieur.
Il est indispensable d'avoir une vision dynamique des périmètres
d'excellence pour maintenir la capacité de soutenir de jeunes équipes ou
de faire émerger de nouveaux axes de recherche. À ce titre, une
cohérence entre les projets soutenus par le PIA et la programmation
classique de l’ANR, est nécessaire, ce qui a été mis en oeuvre pour la
programmation 2013.
III
-
Une insuffisante participation aux
programmes européens
Les crédits communautaires consacrés à la recherche et au
développement technologique sont de plus en plus structurants tant par
les montants affectés que par leurs axes prioritaires.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
LES FINANCEMENTS SUR PROJETS : UNE HAUSSE SIGNIFICATIVE, UN NIVEAU
ENCORE LIMITÉ
95
A - Des budgets européens en croissance continue
depuis 1982
Depuis le premier programme-cadre pour la recherche et le
développement technologique (PCRDT), les financements alloués par
l’Union européenne ont fortement augmenté, atteignant 52,7 Md€ pour le
7
ème
PCRDT (2007-2013). Les principales rubriques de l’actuel
programme-cadre sont l'excellence scientifique (programme « Idées » du
Conseil européen de la recherche - ERC - doté de 7,5 Md€), les projets de
recherche collaboratifs (programme "Coopération" doté de 32 Md€), le
soutien à la mobilité des chercheurs (programme « Personnes » avec les
actions Marie Curie, doté de 4,75 Md€) et le soutien aux infrastructures
de recherche (programme "Capacités" doté de 4,1 Md€).
Graphique n° 12 : évolution des budgets des PCRDT
en Md€
Source : Stratégie nationale de recherche et d’innovation/ Ministère de
l’enseignement supérieur et de la recherche
Pour le prochain programme-cadre (2014-2020), Horizon 2020
56
,
la Commission européenne a proposé un budget de 87,8 Md€ (soit
80 Md€ 2011), avec une structure renouvelée et trois grandes rubriques :
56
Horizon 2020 est le successeur des programmes-cadres pour la recherche et le
développement technologique (PCRDT). Ce programme s’inscrit dans l’Initiative
Europe 2020, rappelée en introduction du rapport, qui est la nouvelle stratégie sur dix
ans, présentée en mars 2010 par la Commission européenne. Celle-ci prolonge la
précédente stratégie de Lisbonne et vise à développer une croissance « intelligente,
durable et inclusive », s’appuyant sur une plus grande coordination entre les politiques
nationales et européennes.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
96
COUR DES COMPTES
l’Excellence scientifique (regroupant les programmes « Idées » et
« Personnes », pour un montant de 27,8 Md€), la primauté industrielle
(20,3 Md€) et les défis de société (35,9 Md€). Le Conseil européen est
parvenu, le 8 février 2013, à un accord sur le prochain cadre financier
pluriannuel qui a ramené l'enveloppe d'Horizon 2020 à un montant estimé
entre 69 et 71 Md€ (euros 2011)
57
.
B - Une part française en baisse depuis 2007
Les financements du PCRDT constituent une part limitée de
l'effort de recherche de la France (moins de 2 % de la DIRD au cours des
20 dernières années), mais le montant reçu (694 M€ en 2011) atteint un
niveau significatif, à rapprocher des 728 M€ de financements sur projets
de l'ANR.
Par rapport au sixième PCRDT, la France est l'État membre qui a
connu la plus forte érosion de sa part relative (de 13 % des contributions à
11,6 % pour le septième PCRDT à fin 2012). À l'inverse, le Royaume-
Uni, l'Espagne, l'Italie, les Pays-Bas ont augmenté leur part.
La France a ainsi reçu, en 2011, 10,1 % du total des fonds
distribués, tandis que sa quote-part dans le budget de l'Union européenne
s’est élevée à 17,5 %. L'Italie et l'Espagne sont dans la même position,
mais l'Allemagne fait mieux, tout en demeurant déficitaire (16,1 % des
fonds distribués contre une quote-part de 19,1 %). À l’inverse, le
Royaume-Uni et les Pays-Bas bénéficient plus des programmes
communautaires qu’ils ne les financent. Au total, sur les six premières
années du septième PCRDT (2007-2012), la France a contribué à hauteur
de 6 Md€ à cette politique et a remporté des projets de recherche pour un
montant de 3,42 Md€.
Rapportés à la taille des systèmes de recherche nationaux
(appréciée en termes de DIRD), les résultats français apparaissent
décevants. Plusieurs États membres,
démontrent une plus grande
efficacité dans l'obtention de financements du PCRDT : le Royaume-Uni
a ainsi remporté en 2010 un montant de contrats 34 % supérieur à la
France, alors que sa DIRD est inférieure de 20 %. Les Pays-Bas, avec une
DIRD qui représente 25 % de la DIRD française, a obtenu un montant de
projets représentant 62 % des montants perçus par la France.
D'un point de vue sectoriel, sur trois secteurs du volet
« Coopération » (qui représentent 57 % du total de l'enveloppe), les
57
Cet accord est soumis à l'approbation du Parlement européen.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
LES FINANCEMENTS SUR PROJETS : UNE HAUSSE SIGNIFICATIVE, UN NIVEAU
ENCORE LIMITÉ
97
positions
françaises
apparaissent
en
net
retrait
par
rapport
au
sixième PCRDT : la santé (passant de 12,8 % du total à 10,7 %), les
technologies de l'information et de la communication (de 13,1 % à
10,2 %) et le programme "NMP" : nanotechnologies, matériaux avancés,
procédés avancés de fabrication (de 10,8 % à 8,4 %).
En outre, la dynamique constatée depuis 2007 est préoccupante.
L'évolution depuis le début du septième PCRDT traduit une érosion
accélérée, de 14,4 % des contributions reçues en 2007 à 11,2 % en 2008,
10,1 % en 2011 et 9,5 % en 2012. La France est également peu
dynamique en termes de dépôt de propositions : fin 2012, elle avait
déposé au titre du septième PCRDT un nombre de propositions
équivalent à celui du sixième programme-cadre, tandis que l'Allemagne,
sur la même période, avait augmenté le nombre de propositions déposées
de 12 %, le Royaume-Uni de 35 % et les Pays-Bas de 36 %. Le bon taux
de succès des propositions françaises (25,5 %) doit être relativisé au
regard des taux de succès britanniques (23,3 %), allemand (23,8 %) et
néerlandais (25,5 %)
58
.
C - Des explications de cette érosion peu convaincantes
La surcharge de travail occasionnée par les appels à proposition du
programme des investissements d’avenir au cours des années 2010 et
2011 peut expliquer la baisse des propositions soumises à la Commission
européenne. De même, pour les entreprises, le crédit d'impôt recherche et
les différents concours offerts par Oséo ont pu constituer des soutiens
plus accessibles que les projets collaboratifs du PCRDT. Cependant, dans
de nombreux cas, les financements européens et nationaux ne sont pas
substituables : ainsi, le montant unitaire des projets "blancs" de l'ANR ne
dépasse pas 300 000 €, tandis que celui des financements ERC
59
peut
atteindre 2,5 M€.
Les résultats de la France dans le septième PCRDT posent
également des questions de nature structurelle à la recherche française,
celle en particulier de l'adaptation de son offre, notamment publique, aux
programmes européens et celle de l'efficacité de son dispositif
d'accompagnement.
58
Des éléments de constat plus détaillés sont présentés en annexe 8.
59
Le programme de l’ERC (acronyme du Conseil européen de la recherche) vise à
financer des projets de recherche exploratoire portés par des chercheurs de haut
niveau, soit jeunes chercheurs, soit chercheurs confirmés.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
98
COUR DES COMPTES
L’orientation donnée au septième PCRDT en direction de l’aval a
joué au détriment des performances de la France. Beaucoup d’équipes de
recherche se sont tournées vers les projets de l’ANR, plus adaptés à la
recherche fondamentale. Ainsi, les financements européens recueillis par
les opérateurs publics des programmes 172 et 187 ont diminué de 10 %
entre 2006 et 2011, tandis que les financements de l’ANR ont connu une
forte augmentation (+ 257 %). De même, les résultats médiocres de la
France au PCRDT dans les domaines de la santé, des technologies de
l’information et des nanotechnologies traduisent probablement un
problème d'inadéquation de l’appareil de recherche français aux thèmes
des appels à proposition du PCRDT.
Enfin, le montage et la coordination des projets européens
constituent une charge lourde. Les travaux de coordination des projets
européens
ne
font
pas
suffisamment
l’objet
en
France
d’une
reconnaissance
dans
l’évaluation
de
l’activité
des
chercheurs,
contrairement par exemple aux publications. De même, les méthodes
d’évaluation des unités de recherche par l’Agence d’évaluation de la
recherche et de l’enseignement supérieur (AERES) ne font pas de
l’obtention de financements européens un critère en soi.
D - Des mesures à prendre dans la perspective du
programme Horizon 2020
Un diagnostic partagé sur les performances de la France dans le
septième PCRDT et sur les stratégies des acteurs dans chaque secteur est
indispensable pour préparer la recherche française à Horizon 2020.
L'articulation des programmations nationales avec le cadre
européen est aujourd'hui quasiment inexistante. Une instance de pilotage
stratégique par domaine au niveau national faciliterait la prise en compte
de la dimension européenne.
La mise en place d'Horizon 2020 devrait être l'occasion
d'introduire plus systématiquement un « test de compatibilité » avec les
orientations
des
financements
européens,
lors
des
exercices
de
programmation annuels et pluriannuels. Cette réflexion devrait intégrer
un séquençage des actions, le niveau national préparant les acteurs à
participer à des projets européens. Aujourd'hui, le séquençage reste un
concept abstrait, qui n'a trouvé que de rares points d'application : ainsi, les
projets « Jeunes chercheurs » de l'ANR sont, à partir de 2013,
conditionnés au dépôt d'un dossier ERC dans les cinq ans. De même, la
mise en cohérence de la programmation nationale avec l’échelon
européen suppose d’opérer des choix et d’identifier les domaines pour
lesquels le financement via Horizon 2020 sera privilégié.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
LES FINANCEMENTS SUR PROJETS : UNE HAUSSE SIGNIFICATIVE, UN NIVEAU
ENCORE LIMITÉ
99
Le dispositif d'information des autorités françaises vis-à-vis des
acteurs de la recherche est perfectible.
L'organisation des 21 points de contact nationaux est à la fois
complexe (un chef de file et un réseau), et centrée sur les grands
organismes publics, qui sont déjà dotés d'équipes pour monter les projets
européens. Elle répond mal à l'objectif de toucher les catégories qui
gagneraient à être mieux informées et prospectées, à savoir les
laboratoires des universités et surtout les PME.
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
_________
La progression, à partir de 2005, des financements compétitifs
alloués par l’ANR a été rapide : ses appels à projets se sont installés
dans les pratiques de la recherche publique française et ont contribué
pour une part importante à la hausse des financements publics reçus par
les unités de recherche. Moins directifs qu’initialement, avec un taux de
projets blancs qui atteint presque la moitié du total de sa programmation
en 2012, ils sont aujourd’hui acceptés par la communauté des
chercheurs.
Des progrès restent néanmoins à accomplir pour mieux articuler
les appels à projets avec les autres instruments de financement de la
recherche. La loi de finances pour 2013 prévoit une baisse des crédits de
l’ANR, qui conduit à une diminution de 16 % de son budget de
programmation. Celle-ci doit envisager de mieux cibler ses appels à
projets. Sinon, le risque existe que la baisse du taux de succès et des
montants unitaires des contrats n’aboutisse à un saupoudrage, aléatoire
et décourageant pour les équipes de recherche.
L’État aussi doit s’efforcer de progresser dans la mise en oeuvre
des financements sur projets. En allouant les crédits du programme des
investissements d’avenir sous forme d’appels à projets, et en en confiant
la gestion à l’ANR, il a renforcé la place des financements compétitifs
dans le financement de la recherche. Pour l’essentiel, la mise en
concurrence des projets a été menée avec rigueur, et le caractère
additionnel des crédits du Programme des investissements d'avenir a été
respecté.
Cette démarche n’est cependant pas sans risques : la mise en
oeuvre des investissements d’avenir a suscité la prolifération de structures
nouvelles par le canal desquelles leurs financements ont été alloués,
induisant une complexité accrue du système public de recherche à
laquelle il faut remédier. Le risque existe aussi
de voir se constituer, à la
faveur d’appels d’offres, des regroupements universitaires et de
recherche opportunistes dont les contours et la dynamique s’avèreraient
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
100
COUR DES COMPTES
fragiles. S’y ajoutent des risques de non-conformité des réalisations aux
engagements ayant déterminé le choix des projets ou à leurs objectifs
initiaux, en particulier pour les initiatives d’excellence, les instituts de
recherche technologiques et les sociétés d’accélération du transfert de
technologie.
Pour parer à ces risques, il importe de soumettre les principaux
projets aux évaluations prévues par les conventions. La capacité
d’arrêter des projets non conformes aux engagements initiaux sera un
test de la crédibilité du programme.
Enfin, si les financements européens ne sont pas nouveaux, la
détérioration récente des participations de la France ne trouve pas
uniquement son origine dans le développement des appels à projets
nationaux. Elle provient également et surtout d’une insuffisante
articulation
entre
programmation
nationale
et
programmation
européenne, de plus en plus tournée vers l’aval de la recherche. Cette
situation appelle des mesures correctrices.
Au total, les principaux financements compétitifs des agences, -
décaissements de la part du programme des investissements d’avenir géré
sous forme d’appels à projets, (environ 415 M€), financements sur
projets de l’ANR (610 M€), et d’Oséo-Innovation (240 M€)- ont
représenté ensemble 1,25 Md€ en 2012. La loi de programme avait prévu
qu’en 2010 les financements compétitifs de la recherche par les agences
nationales hors PCRDT (près de 600 M€ en 2011) atteindraient un
niveau d’1,5 Md€. C’est dire que le niveau des financements compétitifs
est sensiblement inférieur à ce qui avait été prévu en 2006. Une analyse
plus fine des autres crédits compétitifs au sein des programmes
budgétaires de la mission interministérielle recherche et enseignement
supérieur du budget de l’État, présentée en annexe 7, montre que la part
du financement récurrent reste supérieure à 82 %.
Malgré leur complexité, les financements compétitifs
sont
néanmoins devenus stratégiques pour la capacité d’innovation et la
dynamique des équipes de recherche. Celles-ci seraient inévitablement
affectées si, après la montée en puissance de ces financements, la
tendance devait être durablement inversée.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
LES FINANCEMENTS SUR PROJETS : UNE HAUSSE SIGNIFICATIVE, UN NIVEAU
ENCORE LIMITÉ
101
En conséquence la Cour formule les recommandations suivantes :
7.
poursuivre le développement du financement de la recherche sur
appels à projets ;
8.
définir les priorités de programmation de l’Agence nationale de la
recherche ainsi que les autorisations d’engagement y afférentes dans
un contrat pluriannuel de performances avec l'État, et assortir cette
programmation de mesures d’impact des aides de l’agence ;
9.
uniformiser les règles d'éligibilité et de présentation des projets pour
les différents dispositifs de financements compétitifs nationaux ;
10.
mettre un terme aux projets des investissements d’avenir qui n’auront
pas atteint leurs objectifs lors des bilans d’étape ;
11.
mieux articuler la programmation nationale avec les orientations du
programme-cadre
pour
la
recherche
et
le
développement
technologique de l’Union européenne.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
Chapitre III
Les conséquences pour les
établissements : des ressources accrues,
une gestion mal adaptée
Après avoir examiné l’évolution du financement de la recherche du
point de vue du budget de l’État dans le premier chapitre, et à travers les
trois principales sources de financement sur projets dans le deuxième, il
convient de se placer du point de vue des destinataires de ces
financements, universités et organismes de recherche pour en apprécier
l’impact effectif sur la recherche. Il s’agit d’apprécier l’évolution des
financements qui parviennent aux équipes de recherche, qu’elles soient
rattachées aux universités, aux organismes, ou dans le cadre d’unités
mixtes. Tel est l’objet du présent chapitre.
La part des financements destinée directement aux projets de
recherche a crû fortement depuis 2006 : de + 25 % au CNRS à + 90 %
pour les organismes de recherche dont les financements sur projets ont
augmenté le plus ; + 40 % pour les deux premières universités
scientifiques françaises, Pierre et Marie Curie et Orsay.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
104
COUR DES COMPTES
Cependant, ces données coexistent avec un ensemble de constats
plus nuancés :
-
les financements nouveaux ont été alloués par des structures
nouvelles qui ont compliqué les circuits de financement de la
recherche et appellent une rationalisation ;
-
la volonté de faire des universités les principaux intégrateurs de
la recherche, en généralisant à cette fin le modèle des unités
mixtes, et d’en réduire le nombre par une politique de
regroupements, ne s’est pas accompagnée d’une unification de
leurs modes de gestion. Soumises à des tutelles plus
nombreuses du fait des regroupements, elles continuent de voir
leur gestion divisée en comptabilités et budgets distincts ;
-
l’accroissement des subventions pour charges de service public,
moindre que celle des financements sur projets, n’a pas permis
aux organismes de faire face à certaines charges en forte
croissance : cotisations de pension de leur personnel et
alourdissement
des
frais
de
structure
résultant
de
l’accroissement de leurs activités de recherche principalement.
Il
en
est
résulté,
paradoxalement,
un
sentiment
d’appauvrissement dû à la baisse des financements récurrents,
au sein d’unités de recherche globalement mieux financées ;
-
les financements sur appels à projets ont permis des
recrutements de courte durée, sources de déséquilibres sur
lesquels la Cour a déjà appelé l’attention publiquement à
l’occasion de ses contrôles de l’ANR et de l’INSERM ;
-
les personnels permanents, qui constituent l’essentiel des
dépenses, ne font pas l’objet d’une gestion prévisionnelle de
l’emploi
scientifique permettant de faire le lien entre
recrutement, affectation et priorités scientifiques, tant au niveau
de l’État que des organismes ;
-
enfin, les crédits du programme des investissements d’avenir
consacrés aux équipements, notamment le programme Equipex,
ont remédié provisoirement à une lacune structurelle du
système français de financement de la recherche qui appelle des
remèdes pérennes.
Ces problèmes compliquent la gestion des opérateurs de recherche.
Ils sont pour l’essentiel l’effet de problèmes anciens non résolus comme
la gestion des unités mixtes, et l’équilibre entre universités et organismes
de recherche, à l’égard desquels les nouvelles modalités de financement
de la recherche ont été un révélateur. Ils appellent des mesures de
correction, pour certaines depuis trop longtemps différées.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
LES CONSÉQUENCES POUR LES ÉTABLISSEMENTS : DES RESSOURCES ACCRUES,
UNE GESTION MAL ADAPTÉE
105
Des réponses adaptées sont possibles sans remettre en cause
l’acquis essentiel qu’a représenté l’accroissement significatif des
financements alloués directement aux projets de recherche.
I
-
Des équilibres financiers modifiés
A - Des ressources en forte croissance depuis 2006
1 -
La hausse des subventions pour charges de services public et
des financements sur appels à projets
Les recettes des principaux organismes de recherche sont en
hausse régulière depuis 2006. Celles du plus grand d'entre eux, le CNRS,
ont progressé de 16,6 % entre 2006 et 2011, passant de 2 810 M€ à
3 277 M€.
Cette croissance est encore plus marquée pour les autres grands
établissements publics à caractère scientifique et technologique :
+ 24,2 % à l'INRA (de 677,8 M€ à 842 M€), + 35 % à l'INSERM (de
603,2 M€ à 814,4
M€) et + 43,5 % à l'INRIA (de 164,1 M€ à 235,6 M€),
comme cela ressort du graphique ci-dessous.
Graphique n° 13 : évolution 2006-2011 des recettes des organismes de
recherche
En millions d'euros
Source : Cour des comptes d'après les données des organismes
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
106
COUR DES COMPTES
La hausse des ressources des opérateurs est liée à deux facteurs
principaux :
-
l'augmentation régulière depuis 2006 de la subvention pour
charges de service public ;
-
la forte croissance des ressources issues des contrats de
recherche, liée à la montée en puissance de l'ANR et à la
multiplication des guichets de financement.
La principale ressource des opérateurs de recherche est la
subvention pour charges de service public. Pour les quatre opérateurs
principaux du programme 172, cette subvention a augmenté entre 2006 et
2011 comme suit : + 293 M€ pour le CNRS (+ 13,2 %), + 73 M€ pour
l'INRA (+ 12,6 %), + 86 M€ pour l'INSERM (+ 18,4 %), + 38,5 M€ pour
l'INRIA (+ 30,1 %).
Les
autres
ressources
des
organismes
de
recherche
60
,
communément appelées « ressources propres », ont augmenté plus
fortement encore : de 29,4 % pour le CNRS et de plus de 90 % pour les
trois autres organismes de recherche (92,2 % pour l'INRA, 93,0 % pour
l'INSERM, 91,1 % pour l'INRIA).
2 -
L’affirmation du rôle des universités dans le pilotage de leurs
activités de recherche
Sur cette même période, les universités, dont les deux missions
principales sont la formation et la recherche, ont connu deux évolutions
successives depuis 2006 : dans un premier temps sont intervenues la
suppression du fléchage des crédits alloués aux unités de recherche dans
les contrats quadriennaux et la globalisation de la quasi-totalité des
crédits recherche ; puis à partir de 2009, une évolution majeure de leurs
modalités de financement avec le passage progressif des universités aux
responsabilités et compétences élargies et l'attribution d'une dotation de
60
Ces ressources recouvrent les contrats de recherche (dont ceux de l'ANR), les
subventions pour l'activité de recherche (par exemple, les bourses de thèses ou les
achats d'équipement), les revenus issus de la valorisation de la recherche.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
LES CONSÉQUENCES POUR LES ÉTABLISSEMENTS : DES RESSOURCES ACCRUES,
UNE GESTION MAL ADAPTÉE
107
fonctionnement incluant désormais la masse salariale des personnels
statutaires
61
.
Les universités autonomes reçoivent une dotation globale de
fonctionnement et sont responsables de l'allocation des crédits entre leurs
différentes missions (formation et recherche) et entre leurs différentes
composantes et unités de recherche.
Elles ont enregistré également une forte augmentation des
ressources propres de la recherche sur cette même période (par exemple :
+ 41 % pour l'université Pierre et Marie Curie entre 2008 et 2011, + 46 %
pour l'université Paris-Sud entre 2006 et 2011).
L’instauration du budget global a eu également pour effet
d’augmenter le financement sur subvention d’État des activités de
recherche pour la plupart des universités, qui ont développé leur propre
méthodologie d’allocation des moyens, ont fait évoluer leurs dispositifs
de crédits incitatifs.
Les
nouvelles
modalités
de
financement
de
la
recherche
universitaire représentent ainsi une opportunité d’affirmer le rôle et la
place des universités dans le pilotage de leurs activités de recherche.
La capacité de moduler les moyens des unités en fonction de la
performance et le recours à des crédits incitatifs pour soutenir la politique
scientifique sont des points positifs qui permettent de dynamiser la
recherche universitaire.
L’absence depuis 2012 de notation globale des laboratoires par
l’AERES (et de calcul du taux de « produisants »
62
à partir de 2013)
risque cependant de priver les universités d’un levier important pour le
pilotage de leurs unités de recherche.
61
Par ailleurs, le ministère a remplacé en 2009 le système de répartition des moyens
SAN REMO par le nouveau système SYMPA, qui prend en compte des critères de
performance à hauteur de 20 %. Il n'est en réalité pas rigoureusement appliqué et n'a
pas permis de redéployer les moyens entre universités, même si les universités,
considérées comme surdotées, ne sont pas en position de demander des moyens
humains supplémentaires.
62
Selon l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur
(AERES), est considéré comme un chercheur ou un enseignant-chercheur produisant
en recherche et valorisation, celui qui, dans le cadre d’un contrat quadriennal, satisfait
à un nombre minimum de publications. Ce nombre est à pondérer en fonction de sa
situation de carrière et de son engagement dans des tâches d’intérêt collectif pour la
recherche.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
108
COUR DES COMPTES
3 -
La multiplication des sources de financement
Le financement de la recherche publique a été marqué depuis 2006
par l'amplification des dispositifs de financement sur projets : au-delà de
la création de l’ANR et du programme des investissements d’avenir, la
constitution de nombreuses fondations de coopération scientifique a
conduit à multiplier les nouveaux dispositifs de financement sur appels à
projets. Le secteur de la recherche en sciences du vivant bénéficie ainsi
d'un nombre plus important encore de guichets de financement, compte
tenu d'une part de l'existence d'entités spécialisées sur une thématique
(Institut national du cancer
63
, Agence nationale de recherches sur le sida
et les hépatites virales, Fondation France Alzheimer
64
) et, d'autre part, de
l'existence de nombreuses fondations et associations de malades qui
financent la recherche. Néanmoins, le financement par le mécénat et la
générosité publique reste bien moins développé qu'au Royaume-Uni ou
aux États-Unis
65
.
Pour tous les opérateurs, les crédits issus des contrats de recherche
ont fortement augmenté. Pour le CNRS, ils sont passés entre 2006 et 2011
de 380 M€ à 658 M€ et représentent en 2011 20 % des ressources totales
du CNRS. Pour l'INRA, ces crédits ont crû de 59,8 M€ à 123,4 M€ et
représentent 15 % des recettes de l'organisme en 2011. Pour l'INSERM,
ils représentent 30 % de ses recettes en 2011.
Le graphique ci-après illustre l'évolution de ces crédits à l'INRA
par financeur.
63
Voir le chapitre consacré à la lutte contre le cancer dans le
Rapport public annuel
de la Cour. Cour des comptes,
Rapport public annuel 2012.
Tome II,
La lutte contre
le cancer : une cohérence et un pilotage largement renforcés,
p. 25-48. Février 2012,
468 p. et disponible sur www.ccomptes.fr.
64
Voir le chapitre consacré à la lutte contre la maladie d’Alzheimer. Cour des
comptes,
Rapport public annuel 2013,
Tome I.
La lutte contre la maladie
d’Alzheimer : une politique de santé publique à consolider, p. 121-150. La
Documentation française, Février 2013, 657 p. et disponible sur www.ccomptes.fr.
65
Voir annexe 11.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
LES CONSÉQUENCES POUR LES ÉTABLISSEMENTS : DES RESSOURCES ACCRUES,
UNE GESTION MAL ADAPTÉE
109
Graphique n° 14 : évolution des produits des contrats de
recherche de l'INRA entre 2006 et 2011
En M€
Source : Cour des comptes d'après les données de l’Institut national de la recherche
agronomique (INRA)
Les autres organismes de recherche présentent des évolutions
similaires : une forte hausse des crédits ANR et des financements des
collectivités territoriales, et pour l'INSERM, des crédits issus des agences
de financement spécialisées et des associations et fondations (passant de
19,6 M€ en 2006 à 52,6 M€ en 2011).
Les crédits issus des autres organismes de recherche et
d'enseignement supérieur sont également en hausse du fait de la
multiplication des partenariats de recherche.
La multiplication des guichets de financement conduit à une
démultiplication des contrats de recherche à gérer par les opérateurs. À
l'université Pierre et Marie Curie, le nombre annuel de nouveaux contrats
de recherche est passé de 191 en 2008 à 409 en 2011. De même, au
CNRS, le nombre de contrats de recherche, qui font l'objet d'un suivi
analytique, est passé de 987 en 2007 à 2 708 en 2011.
Par ailleurs, les contrats de recherche sont d'une durée et d'un
montant unitaire relativement modestes. Jusqu'au lancement des projets
des investissements d'avenir, les contrats les plus importants étaient les
contrats européens. À l'INRA, par exemple, ils représentent un montant
moyen de l'ordre de 300 000 € pour une durée moyenne de 2,9 années
(pour les nouveaux contrats de l'année 2011). Les contrats ANR sont d'un
montant moyen de 150 000 € environ pour une durée de 3,4 ans.
L'ensemble des autres contrats (collectivités territoriales, fondations-
associations, ministères, partenaires agricoles et économiques) sont d'un
montant moyen inférieur à 100 000 € pour une durée inférieure à trois
ans.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
110
COUR DES COMPTES
La gestion de ces multiples contrats alourdit les charges
administratives des opérateurs, car chaque type de contrat emporte ses
propres règles de soumission de projet, de financement et de compte
rendu d'activité. Par ailleurs, les frais de gestion associés à ces contrats
sont variables selon les financeurs et ne couvrent pas l'ensemble des coûts
indirects, contrairement aux pratiques en vigueur dans d'autres pays.
Ainsi, les contrats de l’ANR financent essentiellement les coûts de
fonctionnement directement liés au projet (consommables, petits
équipements, missions) et la rémunération des personnels contractuels
recrutés pour la réalisation du projet (post-doctorants, doctorants,
ingénieurs ou techniciens), mais excluent la rémunération des personnels
statutaires.
Les ressources d'une unité mixte de recherche
Le laboratoire de virologie humaine est rattaché à l’université Claude
Bernard de Lyon, à l'ENS de Lyon et à l'INSERM. En 2011 il est constitué de
35 personnes
titulaires
dépendant
des
trois
tutelles
et
du
CNRS,
19 chercheurs et 16 ingénieurs, techniciens administratifs (ITA), mais
l'effectif total s'élève à 93 personnes en prenant en compte les personnels
contractuels (15 post-doctorants, 31 doctorants, 12 ingénieurs, techniciens
administratifs « ITA »). Trois personnes, dont une en CDD, sont chargées de
l'ensemble de la gestion administrative et financière.
Cette même année, les dotations de base reçues de ses trois tutelles
s'élèvent à 26 013 € pour l’université Claude Bernard de Lyon, 39 298 € pour
l'ENS de Lyon et 372 400 € pour l'INSERM. Pour les contrats de recherche,
les plus grands financeurs du laboratoire en 2011 sont l'ANR (577 000 € en
2011 au titre de 10 contrats), l'ANRS (393 000 € au titre de neuf contrats),
l'Union européenne (252 000 € pour deux contrats). Le laboratoire perçoit
également de nombreux financements des fondations ou associations (AFM,
ARC, FRM, Ligue contre le cancer, SIDACTION, etc.).
Au total, sur 2006-2011, l’unité mixte a géré plus de 125 lignes de
crédits, principalement des contrats ANRS (26 contrats) et ANR (16).
Si les guichets de financement de la recherche se sont multipliés
depuis 2006, les crédits restent majoritairement publics. Par exemple, les
crédits publics nationaux représentent plus de 65 % des contrats de
recherche de l'INRA en 2011, les crédits européens 12 % et les crédits
industriels 15 %. Pour l'INSERM, ils représentent 56 % des ressources
propres de la recherche, les crédits européens et internationaux 13 %, les
crédits industriels 8,6 % et les apports des associations et fondations
22 %. C’est pourquoi une uniformisation des règles d'éligibilité, de
présentation et de suivi des projets pour les différents dispositifs de
financements compétitifs est souhaitable.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
LES CONSÉQUENCES POUR LES ÉTABLISSEMENTS : DES RESSOURCES ACCRUES,
UNE GESTION MAL ADAPTÉE
111
Les ressources du CEA
Le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives est
un organisme de recherche à finalité scientifique et technologique, qui
intervient, au titre du secteur civil, dans quatre grands domaines : énergies
bas carbone, technologies pour l’information, technologies pour la santé,
conception et exploitation des très grandes infrastructures de recherche, en
s’appuyant sur un socle de recherche fondamentale. Son statut
sui generis
est
proche d'un EPIC. Ses ressources sont constituées pour une part importante
de ressources externes. Sur la période 2006-2011, plusieurs éléments
marquent l'évolution de ses ressources :
- une croissance de la subvention de 2006 à 2009 (+ 23 %), moins
importante que l’évolution prévue par le contrat d’objectifs État-CEA pour
les activités civiles. La subvention est stable depuis 2009 ;
- une collecte accrue des ressources externes (+ 14 %) majoritairement
portée par les financements industriels (qui représentent environ 57 % des
ressources externes
66
en 2011) et les revenus issus des fonds incitatifs
nationaux (ANR, Carnot, Oséo, investissements d'avenir hors nucléaire du
futur), qui sont passés de 61,5 M€ en 2006 à 191,1 M€ en 2011. Le
financement par les collectivités territoriales a également augmenté. Il
représente entre 7 et 8 % des ressources externes sur la période ;
- depuis 2010, un financement du programme des investissements
d'avenir pour la filière nucléaire, au titre de l'action nucléaire du futur
(16,3 M€ en 2010, 70,6 M€ en 2011).
Le CEA estime que la stagnation du niveau de la subvention depuis
2009 fait aujourd'hui courir un risque à ses activités, compte tenu de
l'augmentation des charges de personnel. Les montants financiers disponibles
permettant de couvrir les programmes de recherche
stricto sensu
ont ainsi
diminué.
Tableau n° 20 : ressources du CEA civil (en M€)
Source : Commissariat à l’énergie atomique
66
Hors produits financiers, vente immobilières, dividende AREVA.
2006
2007
2008
2009
2010
2011
Subvention civiles hors ITER et Cratanem
840,8
902,4
961,2
1 037,7
1 037,7
1 038,4
Transfert ITER
16,9
33,9
44,6
61,9
61,9
Cratanem
0,9
1,8
3,1
PIA
16,3
70,6
Recettes externes
694,7
705,7
704,3
801,1
817,1
789,8
Fonds dédiés
393,1
421,9
435,8
501,7
547,4
494,1
Solde de gestion (n-1)
37,1
0,9
-6,9
2,2
25,0
54,5
Total sur secteur civil
1 965,7
2 047,8
2 128,3
2 388,2
2 507,2
2 512,4
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
112
COUR DES COMPTES
Les ressources du CNES
Le Centre national d'études spatiales (CNES) est un établissement
public industriel et commercial. Il a une double mission de conseil du
Gouvernement pour l'élaboration et la conduite de sa politique spatiale et de
maîtrise d'ouvrage des programmes spatiaux sélectionnés. Pour assurer ces
deux missions, il dispose de la double compétence d'agence de programmes
et de centre technique. De ce fait, les ressources du CNES sont diversifiées :
subvention d'État pour le programme national, subvention d'État destinée au
financement de l'Agence spatiale européenne
67
, subvention de l'Agence
spatiale européenne pour la maîtrise d'ouvrage des programmes européens,
ressources externes de vente de produits et de services à ses différents clients
industriels.
Le CNES est le seul grand opérateur de la mission MIRES qui a passé
un contrat de performance et de moyens avec l'État. Le contrat 2005-2010
prévoyait que la subvention d'État pour le budget national, qui avait été fixée
à 681,4 M€ pour l'année 2005, augmente de 1,5 % par an en euros courants
sur la période du contrat. De 2006 à 2010, la subvention d'État versée au
CNES (hors subvention à 'l'Agence spatiale européenne) a varié de façon
erratique mais reste proche, quoique légèrement en dessous de la trajectoire
prévue par le contrat quadriennal.
Le nouveau contrat 2011-2015 prévoyait une augmentation sensible
de la subvention d'État, portée à 761 M€ pour les années 2011 à 2015.
Cependant l'État n'a pas tenu ses engagements : le nouveau plan à moyen
terme du CNES, présenté au conseil d'administration du 6 décembre 2012,
prévoit une subvention réduite à 696,6 M€ en 2012 et à 742,7 M€ en 2013.
B - Des dépenses marquées par le poids des charges de
personnel et une moindre priorité aux équipements
Le profil des dépenses des quatre grands établissements publics à
caractère scientifique et technologique (EPST) est assez similaire, avec
une part très importante de dépenses de personnel (entre 63 % et 70,5 %),
des dépenses de fonctionnement et d’investissement non programmé
représentant entre 25 % et 35 % des dépenses, et une part très faible
(entre 1 % et 8 %) de dépenses d'investissement programmé (qui couvrent
principalement l'investissement immobilier).
67
L’analyse des engagements du CNES dans les programmes de l’Agence spatiale
européenne a fait l’objet d’un rapport de la Cour adressé aux commissions des
finances de l’Assemblée nationale et du Sénat en juin 2008.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
LES CONSÉQUENCES POUR LES ÉTABLISSEMENTS : DES RESSOURCES ACCRUES,
UNE GESTION MAL ADAPTÉE
113
Contrairement aux universités pour lesquelles les modalités de
financement de l'activité de recherche ont fortement évolué depuis 2006,
les modalités d'allocation des moyens aux EPST n'ont pas connu de
changement majeur.
La négociation budgétaire avec l'État porte principalement sur
l'évolution de la masse salariale. Elle ne prend véritablement en compte ni
les priorités de la stratégie nationale de recherche et d'innovation ni la
performance des opérateurs. Dans un contexte de restrictions budgétaires
et d'alourdissement de la charge des retraites, les marges de manoeuvre
sont donc très réduites.
1 -
La forte hausse des dépenses de personnel depuis 2006
Le nouveau cadre budgétaire et comptable des EPST distingue
deux catégories de dépenses de personnel, selon l'origine des crédits qui
les financent :
-
les dépenses de personnel limitatives correspondant aux
personnels fonctionnaires ou contractuels, rémunérés sur la
subvention pour charges de service public ;
-
les dépenses de personnel dites non limitatives correspondant
aux agents non permanents dont la rémunération est financée
par les contrats de recherche.
Pour l'ensemble des EPST étudiés, les dépenses de personnel ont
fortement augmenté entre 2006 et 2011 : +
28,1 % pour l'INRA,
+
37,7 % pour le CNRS, + 39,8 % pour l'INSERM et +
68,4 % pour
l'INRIA, comme le montre le graphique ci-après.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
114
COUR DES COMPTES
Graphique n° 15 : dépenses de personnel des organismes de
recherche (années 2006 et 2011)
En millions d'euros
Source : Cour des comptes d'après les données des organismes
La hausse des dépenses de personnel non limitatives est
directement liée à l'augmentation, depuis 2006, des personnels non
permanents recrutés au titre des contrats de recherche.
En revanche, mis à part l'INRIA, la hausse des dépenses de
personnel limitatives n'est pas liée à une augmentation des personnels
rémunérés sur la subvention pour charges de service public. Au contraire,
les effectifs de personnels fonctionnaires sont relativement stables au sein
des opérateurs. La hausse de la masse salariale est essentiellement due à
la forte augmentation des charges patronales liées aux retraites des
fonctionnaires (compte d'affectation spéciale
Pensions
).
Au CNRS par exemple, les dépenses de personnel limitatives ont
augmenté de 323 M€ entre 2007 et 2012, soit + 18 %. Au sein de ces
dépenses, le CAS
Pensions
a très fortement augmenté sur la période,
passant de 356
M€ à 630,1 M€, soit +
274,1 M€, portant ainsi l'essentiel
de l'augmentation de ces dépenses. Hors CAS
Pensions
, les dépenses
limitatives (traitements bruts, primes et indemnités, autres charges
patronales) n'ont augmenté que de 3 % en six ans, ce qui démontre une
certaine maîtrise de la masse salariale.
Le graphique ci-après illustre l'augmentation des dépenses de
personnel limitatives du CNRS entre 2007 et 2012, ainsi que celle de la
subvention pour charges de service public sur la même période.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
LES CONSÉQUENCES POUR LES ÉTABLISSEMENTS : DES RESSOURCES ACCRUES,
UNE GESTION MAL ADAPTÉE
115
Graphique n° 16 : évolution 2007-2011 des dépenses de personnel
limitatives du CNRS
En euros
Source : Cour des comptes d'après les données du Centre national de la recherche
scientifique (CNRS)
La progression de ladite subvention (+
9,7 %) a été moindre que
celle de l'ensemble des dépenses de personnel limitatives (+ 18,4 %). Il en
résulte, une fois la masse salariale limitative financée, une baisse des
crédits de fonctionnement et d'investissement disponibles sur subvention
d'État entre 2007 et 2011 (-
99 M€ soit - 18 %).
Au total, dans le périmètre de la mission interministérielle
recherche et enseignement supérieur, les dépenses de personnel
représentent en 2011, 18,1 Md€ correspondant à l’équivalent des deux
tiers des dotations.
2 -
Une augmentation des crédits des laboratoires malgré une
baisse de leurs dotations de base
Les parts respectives, dans les budgets des laboratoires, des
ressources versées par l'organisme de recherche au titre de la subvention
d'État et des ressources contractuelles obtenues par les équipes de
recherche par appel à projets, ont été fortement modifiées sur la période.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
116
COUR DES COMPTES
Le graphique ci-dessous présente l'évolution des crédits de
fonctionnement alloués à l'activité de recherche au CNRS de 2007 à
2011. Il illustre les tendances présentes dans les quatre établissements
publics à caractère scientifique et technologique (EPST) étudiés :
-
une baisse des crédits de fonctionnement issus de la subvention
d'État, accentuée au cours des dernières années ;
-
une augmentation sensible des ressources externes des activités
de recherche. Entre 2007 et 2012, celles-ci sont passées de
270,5 M€ à 394,9 M€, soit une augmentation de 46 %.
En prenant en compte l'ensemble des sources de financement, la
dotation de fonctionnement dédiée à l'activité de recherche a augmenté de
18,8
% entre 2007 et 2011. Pour l'INRA, elle a augmenté de 21,6 % entre
2006 et 2011.
Graphique n° 17 : évolution 2007-2011 de la dotation globale non
programmée de l'activité de recherche (Agrégat A1) du CNRS
En M€
Source : Cour des comptes d'après les données du Centre national de la recherche
scientifique
Les crédits consacrés à l'activité de recherche couvrent différents
types de dépenses des opérateurs, notamment la « dotation de base » des
laboratoires (c'est-à-dire les crédits à la disposition du directeur de
laboratoire qui permettent de financer notamment les achats, les petits
équipements, les missions), des enveloppes réservées à des actions
incitatives et des crédits d'équipement.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
LES CONSÉQUENCES POUR LES ÉTABLISSEMENTS : DES RESSOURCES ACCRUES,
UNE GESTION MAL ADAPTÉE
117
Les modalités d'allocation des moyens financiers aux unités de
recherche par les organismes prennent en compte différents facteurs
(nombre de personnels actifs en recherche, nature de l'activité
notamment). La question du lien entre la performance de l'unité et le
calcul de sa dotation reçoit des réponses diverses.
La plupart des universités ont augmenté les dotations de leurs
laboratoires en prenant en compte différents paramètres, notamment les
évaluations définitives réalisées par l’AERES.
L’allocation des moyens des laboratoires : exemples des universités
Paris-Sud et Pierre et Marie Curie
Parmi les grandes universités de recherche, l'université Paris-Sud et
l'université Pierre et Marie Curie ont suivi une démarche similaire et utilisent,
pour définir les moyens d'une unité, les paramètres suivants : le nombre
d'enseignants-chercheurs et de chercheurs jugés « produisants » par l'Agence
d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES), un
coefficient lié à la discipline ou au type de recherche expérimentale ou
théorique menée, enfin un coefficient lié à la performance des unités. Les
unités évaluées A reçoivent leur dotation théorique, les unités évaluées A+
reçoivent en outre un bonus de 20 % sur leur dotation théorique.
Pour l'université Pierre et Marie Curie, les unités classées B ont une
dotation de base diminuée de 20 % et les unités classées C sont restructurées
ou fermées. Pour Paris-Sud, 20 % du financement des unités classées B sont
conditionnés au respect des recommandations de l'AERES (regroupement
avec une autre unité par exemple). Les chercheurs de l’unique unité classée C
ont été rattachés à une autre unité de recherche.
Ces deux universités ont par ailleurs fait évoluer leurs dispositifs de
crédits incitatifs. L'université Paris-Sud met en oeuvre des appels à projets
pour l'achat et le fonctionnement d'équipements mutualisés entre plusieurs
unités de recherche et pour allouer un « bonus attractivité » qui représente
une dotation de fonctionnement pour les enseignants nouvellement recrutés.
Les crédits incitatifs mis en oeuvre par l'université Pierre et Marie Curie
prennent différentes formes : le programme « émergence » pour soutenir de
nouveaux projets de recherche ou de nouvelles équipes en favorisant des
thèmes fédératifs ou pluridisciplinaires ; le programme « convergence » pour
initier des projets interdisciplinaires associant plusieurs laboratoires sur des
thématiques données.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
118
COUR DES COMPTES
La dotation financière (hors masse salariale) allouée par ces deux
universités à l'activité de recherche a globalement augmenté depuis le
passage à l’autonomie. L'université Pierre et Marie Curie consacrait 7,9 M€ à
l'activité de recherche en 2009 et 10,9 M€ en 2011, ce qui a permis la mise en
place des crédits incitatifs et une augmentation de 160 000 € de la dotation de
base des laboratoires. De même, l'université Paris-Sud a augmenté de 0,5 M€
la dotation de base des laboratoires (+ 7,4 %).
Cependant, les difficultés financières récentes de ces universités leur
ont imposé de réduire les crédits alloués à la recherche. Les critères de
répartition du système SYMPA sont en effet contestés par les universités de
recherche intensive
68
qui considèrent que leurs contraintes particulières ne
sont pas suffisamment prises en compte par le système.
Parmi les établissements publics à caractère scientifique et
technologique, l'INRA, qui avait instauré un dispositif d'encouragement
de ses départements à moduler la dotation des unités selon la
performance, a abandonné ce dispositif au profit des méta-programmes,
qui constituent depuis 2011 un nouveau mode d’allocation sur projet des
crédits à la recherche.
À l'INSERM, la performance des unités fait partie des critères pris
en compte. Pour le budget 2013, la dotation des unités a été ainsi modulée
selon la performance scientifique des équipes, en prenant en compte, au-
delà de la notation de l'AERES, une analyse de leurs publications
scientifiques. Pour autant, le calcul de la dotation intègre différents
éléments, et la performance n'a pas d'effet automatique.
Selon les EPST, il existe ainsi des mécanismes permettant de lier
performance et dotation, mais ceux-ci ne sont en général pas clairement
affichés.
En conséquence des réductions de marges de manoeuvre liées à
l'augmentation de la masse salariale, les dotations de base des laboratoires
versées par les EPST ont diminué au cours des dernières années.
Au CNRS, l'enveloppe qui finançait les dotations de base, les
crédits incitatifs et les équipements mi-lourds a baissé de 14 % entre 2008
et 2012
69
. À l'INRA, la baisse de l'enveloppe des dotations de base est de
68
Une quinzaine d’universités françaises, très actives en recherche, se sont regroupées
depuis 2008 au sein de la coordination des universités de recherche intensive
françaises (CURIF).
69
L’analyse porte sur la période 2008-2012, car les évolutions du régime de la TVA
pour les EPST sur la période 2006-2007 pourraient fausser l’interprétation des
données.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
LES CONSÉQUENCES POUR LES ÉTABLISSEMENTS : DES RESSOURCES ACCRUES,
UNE GESTION MAL ADAPTÉE
119
5 %. Cette baisse sensible des dotations de base a fait l'objet de critiques
des chercheurs largement relayées lors des assises de l'enseignement
supérieur et de la recherche. Un rééquilibrage des crédits de l'ANR au
profit des organismes de recherche a été opéré dans le budget 2013
70
.
Si cette baisse de la dotation de base des laboratoires est réelle,
pour l'ensemble des quatre EPST, les crédits consacrés à l'activité de
recherche ont globalement augmenté grâce aux contrats de recherche
obtenus par les équipes.
3 -
Un défaut de programmation, de suivi et de coordination dans
le financement des équipements scientifiques
L'équipement scientifique des établissements de recherche est un
élément crucial de compétitivité internationale, comptant à la fois pour la
qualité des recherches menées et pour l'attractivité des laboratoires vis-à-
vis des chercheurs étrangers.
Le ministère a mis en place des modalités de financement
spécifiques des grandes plates-formes sous la forme des très grandes
infrastructures de recherche (TGIR) qui font l'objet d'une programmation
budgétaire et d'un suivi particulier.
À l'exception des TGIR, les crédits d'équipement des laboratoires
ne font pas, pour l'essentiel, l'objet d'une programmation particulière et
sont globalisés avec les crédits de fonctionnement.
Les très grandes infrastructures de recherche (TGIR)
Les très grandes infrastructures de recherche (TGIR) sont des
installations de recherche susceptibles d’assurer une mission de service pour
une ou plusieurs communautés scientifiques de grande taille. Leur coût de
construction et d’exploitation est tel qu’il justifie un processus de décision et
de financement concerté au niveau national, voire européen ou international,
et une programmation pluriannuelle des crédits.
Il existe ainsi des structures de dimension internationale telles que le
collisionneur LHC du CERN ou le réseau de 64 radiotélescopes ALMA de
l'ESO (
European Southern Observatory)
, des structures de dimension
européenne comme l'Institut Laue-Langevin ou le Centre européen pour les
prévisions météorologiques à moyen terme (CEPMMT), enfin des structures
de dimension nationale comme le synchrotron SOLEIL.
70
Le CEA n’a pas bénéficié de cette mesure, qui n’a concerné que les établissements
publics à caractère scientifique et technologique. Par ailleurs, le ministère a annoncé
que les universités allaient profiter de la création de 5 000 postes sur cinq ans.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
120
COUR DES COMPTES
Le financement des TGIR est assuré, soit par les opérateurs de
recherche, soit par des structures dédiées. Pour les infrastructures portées par
des organisations internationales comme l'Organisation européenne pour la
recherche nucléaire (pour le CERN) ou l'Organisation européenne pour la
recherche astronomique (pour l'ESO), la participation de la France est
apportée directement par le ministère chargé de la recherche.
En 2010, les TGIR ont été financées par la mission MIRES à hauteur
de 464,96 M€ sur le programme 172 et de 65,52 M€ sur le programme 187.
En 2011, elles ont été financées à hauteur de 480,82 M€ sur le programme
172 et de 63,14 M€ sur le programme 187.
En termes de programmation, le ministère de l'enseignement supérieur
et de la recherche a adopté un nouveau schéma de gouvernance et de pilotage
des TGIR pour élaborer la nouvelle feuille de route française.
Les modalités de programmation budgétaire de ces achats sont
variables selon les opérateurs. Au CNRS, une ligne budgétaire
« équipements mi-lourds » était identifiée jusqu'en 2010. Depuis 2011, les
crédits sont inclus dans la dotation des laboratoires et ne sont plus suivis
de façon centralisée. De 2007 à 2010, les crédits destinés à l'équipement
mi-lourd n'ont cessé de décroître, de 26 M€ à 23 M€.
Les
procédures
d'acquisition
des
équipements
sont
aussi
caractérisées par un émiettement des sources de financement : universités,
organismes de recherche, collectivités territoriales, associations. Les
régions financent des équipements et des travaux immobiliers au titre des
contrats de projet État-régions : 10 % des dépenses d’intervention des
collectivités territoriales (soit 110 M€/an sur la période 2007-2010)
concernent l’équipement des laboratoires.
Si les grands laboratoires peuvent trouver les moyens de financer
des équipements dans le cadre actuel, tel n’est pas le cas des laboratoires
plus petits. Cette quasi-obligation de cofinancement dans un contexte de
restrictions budgétaires rend par ailleurs particulièrement complexe,
longue et périlleuse l'achat de matériel scientifique. La multiplicité des
financeurs est source de délais de coordination et de retards administratifs
qui peuvent pénaliser l’activité de recherche. Elle présente également le
risque que le désengagement d’un des partenaires fasse échouer le projet
d’investissement.
Par ailleurs, même si des solutions de cofinancement sont trouvées
pour acquérir un équipement, les coûts de fonctionnement et de
maintenance ne sont en général pas systématiquement identifiés.
Du fait même de cette complexité, l’action « équipements
d'excellence » du programme des investissements d'avenir a rencontré en
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
LES CONSÉQUENCES POUR LES ÉTABLISSEMENTS : DES RESSOURCES ACCRUES,
UNE GESTION MAL ADAPTÉE
121
2010 et 2011 un succès important auprès de la communauté scientifique,
matérialisé par un très grand nombre de projets de qualité soumis aux
deux vagues d’appels à projets. Le succès de ces appels à projets montre
les attentes qui existent en la matière et l'absence de couverture
satisfaisante du système actuel de financement public.
Enfin, les modalités de suivi des crédits effectivement destinés à
l'investissement scientifique dans le budget diffèrent en fonction des
organismes et des universités, ce qui obère le suivi des crédits destinés à
l'équipement des laboratoires publics. Pourtant, le niveau d’équipement
des laboratoires publics situés sur un même territoire devrait constituer un
indicateur de pilotage compte tenu de son importance stratégique pour
leurs avancées scientifiques et pour la compétitivité des entreprises à
travers la mise en place de collaborations adaptées à leurs besoins. En
outre, un meilleur suivi permettrait de rechercher des mutualisations.
Un moyen pour remédier à cette situation consisterait à élargir les
conditions dans lesquelles les financements de l’ANR couvrent les
dépenses d’équipement scientifique, et à ouvrir régulièrement des appels
à projets de type Equipements d’excellence (Equipex), en agrégeant
éventuellement des financements partenariaux, notamment avec les
collectivités territoriales. Il conviendrait également que les acteurs de la
politique de la recherche se dotent, par exemple au niveau des alliances,
de moyens de suivi consolidé de l’investissement scientifique.
II
-
Un pilotage des moyens défaillant
A - L'absence d'outils de pilotage des crédits des unités
mixtes de recherche
Le modèle privilégié de coopération entre les différents acteurs de
recherche publique est l'unité mixte de recherche (UMR). Ces unités
représentent aujourd'hui une part importante du potentiel de recherche et
incluent la quasi-totalité des laboratoires les plus prestigieux.
Cette organisation particulière, si elle paraît féconde pour la
structuration de la recherche, n'est pas sans poser des difficultés de
gestion identifiées depuis de nombreuses années. Le résultat des
différentes initiatives lancées depuis 2008 pour en améliorer la gestion est
aujourd'hui décevant et pose la question de la pertinence des orientations
retenues.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
122
COUR DES COMPTES
1 -
La généralisation du modèle de l'unité mixte de recherche
Au cours des dernières années, les structures de recherche ont
connu un mouvement de regroupement fondé sur différents objectifs
parmi
lesquels
l'amélioration
de
la
visibilité
internationale,
la
diversification des compétences scientifiques et la mutualisation des
moyens supports. Ainsi, au sein des établissements étudiés, le nombre de
laboratoires de recherche n'a cessé de diminuer, par regroupements
successifs, au fur et à mesure du renouvellement des unités lors de la
définition des contrats quadriennaux. En revanche, le nombre moyen de
tutelles des nouvelles unités a augmenté.
Ainsi à l'université Pierre et Marie Curie, le nombre d'unités qui
était de 154 pour le contrat 2004-2008 est descendu à 106 pour le contrat
2009-2012, avec une moyenne de trois tutelles par unité. L'université
précise par ailleurs que le nombre de tutelles peut aller jusqu'à cinq pour
le contrat 2009-2012. À Paris-Sud, la part des unités mixtes, qui était de
36 %, est passée à plus de 60 % sur le contrat quadriennal 2006-2009 et à
75 % depuis le nouveau contrat 2010-2014. En 2012, l'université compte
81 unités mixtes sur 107 unités, soit 75 %. 59 d'entre elles ont deux
tutelles, 17 trois tutelles et 5 quatre tutelles.
Le tableau ci-dessous illustre le phénomène de regroupement des
unités de recherche du CNRS depuis 2000 et l'augmentation du nombre
moyen de tutelles.
Tableau n° 21 : unités de recherche du CNRS
Source : Centre national de la recherche scientifique
L'institut national de recherche en informatique et en automatique
(INRIA) a développé un autre mode de coopération avec les universités
sous
la
forme
d'
« équipes-projets »
71
,
créées
pour
quatre
ans
renouvelables après évaluation, et regroupant autour d’un responsable
scientifique un groupe de chercheurs et d’ingénieurs qui travaillent sur un
71
Ces équipes-projets ne sont pas des unités mixtes de recherche, même si elles
peuvent accueillir des chercheurs d’autres établissements. Inversement ces équipes
sont parfois hébergées dans un laboratoire commun ou encore chez un partenaire
(grande école, université, autre organisme de recherche, centre hospitalier
universitaire).
CNRS
2000
2006
2012
Nb d'unités de recherche
1307
1188
1029
Part des unités mixtes
88%
93%
95%
Nb de tutelles des unités mixtes
2,3
2,5
2,8
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
LES CONSÉQUENCES POUR LES ÉTABLISSEMENTS : DES RESSOURCES ACCRUES,
UNE GESTION MAL ADAPTÉE
123
même programme de recherche et qui peuvent être employés dans
différentes structures : organismes de recherche comme l’INRIA ou le
CNRS, universités ou écoles. Les collaborations se font sur la base d’une
convention qui peut prévoir, notamment, des moyens et la copropriété des
résultats au prorata des moyens affectés.
En Allemagne, la recherche est également organisée au sein
d'organismes de recherche et d'universités. Le modèle des unités mixtes
de recherche (UMR) n'existe pas, chaque établissement n'ayant que des
laboratoires en propre et les seuls partenariats entre équipes pouvant être
organisés sur des projets de recherche. Pour renforcer les liens entre
équipes universitaires et équipes d'organismes de recherche, une
expérimentation va y être lancée sur le modèle des unités mixtes.
2 -
Les difficultés de gestion importantes, que la délégation
globale de gestion n'a pas résolues
Comme la Cour l’a souligné depuis 2005
72
, l’appartenance des
laboratoires à plusieurs tutelles entraîne une complexité de leur gestion
administrative.
Selon le statut des personnels ou l'origine des crédits, les modalités
de gestion entre établissements publics à caractère scientifique et
technologique (EPST) et universités diffèrent, comme par exemple les
règles
concernant
le
recrutement
des
personnels
contractuels,
l'exonération de la TVA pour les achats scientifiques, les frais de mission
ou les procédures d'achats.
L'appartenance à différentes tutelles implique une multiplication
des actes de gestion administrative en raison de l’absence de coordination
des différents processus gérés par les différentes tutelles : procédures
budgétaires, notification des crédits attribués, rapports et comptes rendus
d’activités par exemple. L’utilisation de systèmes de gestion financière
distincts
73
selon l'origine des crédits supposerait que les personnels
administratifs soient familiarisés avec le fonctionnement de chacun. Les
coûts d’hébergement des équipes de recherche ne sont pas identifiés dans
l’allocation des moyens de l’établissement hébergeur.
72
Cour des comptes,
Rapport public particulier
:
La gestion de la recherche dans les
universités
. Octobre 2005 (p. 157 à 162).
73
Majoritairement SIFAC pour les universités, SAFIR pour l'INSERM, X-LAB pour
le CNRS par exemple.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
124
COUR DES COMPTES
Cette complexité de gestion conduit également à des doublons au
niveau territorial entre les délégations régionales des EPST (CNRS et
INSERM) et les services de gestion des universités.
Enfin, en termes de valorisation de la recherche, la copropriété des
brevets issus des travaux d’une unité mixte complique et peut même
compromettre, par trop de lourdeur et de lenteur, le succès des
négociations de licence. L'absence d'un interlocuteur unique ne facilite
pas les relations avec les industriels.
Ces difficultés de gestion ont été dénoncées depuis de nombreuses
années. Le rapport des états généraux de la recherche proposait déjà en
2004 de confier la gestion à une seule tutelle. Plusieurs chantiers ont été
engagés dans ce sens par le ministère chargé de la recherche, portant sur
la notion de mandataire unique pour la valorisation, le développement de
la délégation globale de gestion et la définition de procédures communes.
Le décret du 10 juin 2009, relatif à la gestion, entre personnes
publiques, de la propriété industrielle des résultats issus de travaux de
recherche réalisés par des fonctionnaires ou des agents publics, a instauré
le principe du mandataire unique
74
.
Sur le fondement de cette nouvelle
réglementation, des conventions de partenariat ont été établies entre
EPST et universités pour simplifier la valorisation des travaux issus de
leurs unités communes. Cependant, malgré cette simplification, la
valorisation des travaux des unités mixtes reste encore complexe du fait
de la multipropriété intellectuelle.
La délégation globale de gestion (DGG) repose sur le principe que
le mandataire est chargé de l'intégralité de la gestion administrative, c'est-
à-dire des moyens matériels, financiers et humains à l'exception de la
gestion des personnels titulaires des autres établissements. Plusieurs
expériences de délégation globale de gestion entre EPST et universités
ont été lancées. Cinq ans après, le résultat est cependant particulièrement
décevant.
Le faible développement de la délégation globale de gestion
À l’université Paris-Sud, seules huit unités de recherche sont en
délégation globale de gestion (7 % des unités de recherche de l'université),
quatre en gestion par le CNRS et quatre en gestion par l'université.
74
Une seule personne publique, par défaut celle qui héberge l’unité de recherche, est
chargée de la protection et de l’exploitation des inventions.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
LES CONSÉQUENCES POUR LES ÉTABLISSEMENTS : DES RESSOURCES ACCRUES,
UNE GESTION MAL ADAPTÉE
125
À l'université Pierre et Marie Curie, 16 unités sont en délégation
globale de gestion (15 %), dix sont gérées par l'université, cinq par le CNRS
et une par l'INSERM.
Au CNRS, 54 UMR sont en délégation globale de gestion (soit 5 %
seulement des unités du CNRS) : 27 gérées par l'université et 27 par le
CNRS. Le CNRS s'est engagé, dans son plan d'action 2012-2015, à proposer
aux établissements un plan de déploiement de la délégation globale de
gestion reposant sur plusieurs critères dont notamment une délégation assurée
par le CNRS quand la masse salariale qu'il finance est supérieure à 70 % et
une délégation globale de gestion assurée par l'université quand elle est
inférieure à 30 %. Entre 30 et 70 % la répartition n'est pas automatique. Le
nombre d'unités en délégation globale de gestion de l'INSERM a triplé entre
2010 et 2011, passant de 10 à 29 (10 % des unités). L'objectif pour
l'INSERM, comme pour l'IRD, est d'atteindre 25 % d'unités en délégation
globale de gestion (soit environ 70 unités INSERM).
L’INRA a mis en place une délégation globale de gestion avec
l’université d’Aix-Marseille II.
Le principe de la délégation de gestion à l'organisme hébergeur de
l'unité mixte, qui est dans l'essentiel des cas l'université, nécessite que
celle-ci prenne la responsabilité de la gestion administrative des unités de
recherche.
Or les moyens humains des universités consacrés à la gestion
administrative des laboratoires sont bien moins importants que ceux des
EPST ou des EPIC. De plus, sur la même période, les universités ont été
mobilisées par le passage aux responsabilités et compétences élargies qui
imposaient la prise de nouvelles responsabilités dans la gestion des
ressources humaines, budgétaires et financières. En l'absence de
redéploiement de moyens de gestion, la délégation globale de gestion a
peu prospéré alors qu’elle était un mode de simplification de la gestion
des unités mixtes et qu’elle aurait permis d’asseoir le rôle d’opérateur de
recherche des universités.
D'autres formes de partenariat se sont développées, comme les
plates-formes mutualisées de gestion, qui bénéficient de personnels
administratifs des différentes tutelles pour la gestion des unités
communes. Si le retour d'expérience de l'INSERM avec l'université Paris-
Diderot est aujourd'hui positif, celui du CNRS avec l'université de
Strasbourg l’est moins, le CNRS mettant en avant les difficultés de
l'université à tenir ses engagements de mise à disposition de personnels.
L'INRA est également impliqué dans un projet de plate-forme mutualisée
de gestion avec deux écoles de l’enseignement supérieur agronomique
« Agro campus ouest » et « Montpellier sup agro » sur les sites d’Angers,
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
126
COUR DES COMPTES
Montpellier et Rennes. Enfin, l’INRIA a développé un autre mode de
coopération sous la forme d’équipes-projets gérées dans le cadre de
conventions entre partenaires.
Quelle que soit la solution retenue, le point essentiel est de mettre
en place, pour les unités mixtes, une unicité de gestion budgétaire et
comptable ainsi que des procédures harmonisées.
3 -
Une absence de vision consolidée des moyens obérant les
capacités de pilotage
Jusqu'à une période très récente, aucun des établissements n'avait
de vision des moyens attribués aux unités par leurs autres tutelles, ni des
contrats de recherche obtenus, en dehors de ceux qu'il gérait lui-même.
Aujourd'hui encore, la connaissance des moyens humains et financiers
des unités reste le plus souvent lacunaire et, en l'absence d'interface entre
les systèmes de gestion des tutelles, passe simplement par une
interrogation des différents partenaires
75
.
Depuis 2004, les conditions de gestion des unités mixtes de
recherche se sont peu améliorées. L'absence de vision des ressources
globales des unités, connues uniquement des directeurs d'unités, entretient
une forme d'opacité vis-à-vis des tutelles, que la Cour avait fortement
critiquée dans son rapport public annuel de 2011 du point de vue du
pilotage et de l'efficacité de l'allocation des moyens
76
.
La situation est cependant en train de changer. La convention de
partenariat conclue en mars 2011 entre la conférence des présidents
d'université (CPU), le CNRS et l'Agence de mutualisation des universités
et établissements (AMUE) fixe un certain nombre d'objectifs et instaure
différents cadres de discussions entre universités et organismes pour les
mettre en oeuvre.
75
L'université Pierre et Marie Curie dispose d’une base de données de ses laboratoires
qui contient les informations sur les crédits alloués et les ressources humaines
fournies par ses services centraux ainsi que les mêmes informations provenant des
organismes et des contrats propres. Au sein de l’université Paris-Sud, aucune
procédure de coordination et d’information entre les tutelles des unités mixtes n’a été
mise en place pour l’allocation des moyens aux unités de recherche. Les procédures
de coordination les plus avancées concernent la gestion des unités communes avec le
CNRS.
76
Cour des comptes,
Rapport public annuel 2011,
Deuxième partie
,
Le CNRS dans
le nouveau paysage de la recherche, p. 121 à 151. La Documentation française,
Février 2011, 414 p. et disponible sur www.ccomptes.fr.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
LES CONSÉQUENCES POUR LES ÉTABLISSEMENTS : DES RESSOURCES ACCRUES,
UNE GESTION MAL ADAPTÉE
127
Plusieurs initiatives ont été lancées pour améliorer la gestion
financière des unités mixtes de recherche : travail sur l’harmonisation
budgétaire et comptable, expérimentation de processus budgétaires
partagés
entre
le
CNRS,
l’INSERM
et
plusieurs
universités,
développement d’interfaces entre systèmes d’information
77
. Néanmoins,
ces initiatives ne progressent que lentement, les différents partenaires se
renvoyant mutuellement la responsabilité du retard.
Or, tant que les opérateurs ne disposeront pas d’une connaissance
des moyens de leurs laboratoires et d’une procédure budgétaire
impliquant l'ensemble des partenaires de l'unité, le système de
financement ne pourra pas être efficace du point de vue de la puissance
publique.
Il revient au ministère de l'enseignement supérieur et de la
recherche de faire du règlement de cette question une priorité.
B - Une gestion des personnels mal maîtrisée
1 -
Une hausse des effectifs due à l'augmentation des personnels
recrutés sur ressources propres
Le secteur de la recherche n'a pas été soumis aux règles générales
de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite et a
profité du principe du maintien de l'emploi scientifique. Par ailleurs, il a
pleinement profité du développement du financement sur projets de la
recherche, qui s'est traduit par une hausse importante des personnels
recrutés sur ressources propres.
Du fait de ces nouvelles modalités de financement, l'équilibre des
effectifs s'est modifié entre 2006 et 2011, avec une augmentation de la
part des personnels contractuels au sein des opérateurs.
Selon les données du ministère de l'enseignement supérieur et de la
recherche,
les
agents
contractuels,
toutes
catégories
confondues
(chercheurs, ingénieurs et techniciens) hors vacataires et doctorants,
représentaient, au début de 2012, environ un quart de l’ensemble des
personnels des établissements publics à caractère scientifique et
technologique. Ces établissements recrutent uniquement en contrat à
durée déterminée sur ressources propres, puisque la possibilité de recruter
des personnels en contrat à durée indéterminée dans leurs emplois hors
plafonds ne leur est pas ouverte.
77
Voir annexe 9.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
128
COUR DES COMPTES
Les effectifs des quatre grands EPST ont tous augmenté depuis
2006 selon des dynamiques différenciées :
-
une hausse globale de 42 % à l'INRIA, liée à la fois à
l'augmentation
des
personnels
titulaires,
des
personnels
contractuels sur subvention d'État et des personnels sur
ressources propres. Cette hausse est la conséquence d'une
politique affirmée de développement de l'établissement ;
-
une hausse globale de 20,6 % à l'INSERM, surtout portée par le
recrutement de nombreux personnels rémunérés sur ressources
propres, alors que l'effectif de personnels titulaires s'est
légèrement rétracté (- 2,4 %) ;
une hausse globale plus modérée au CNRS et à l'INRA
(respectivement + 6,3 % et + 3 %), liée à une légère rétractation
ou à une stabilité des effectifs de personnels titulaires
(respectivement - 2,0 % et + 0,1 %) et au recrutement de
personnels sur ressources propres (+ 43 % et + 59,7 %).
Tableau n° 22 : évolution 2006-2011 des effectifs des quatre EPST
En ETPT (équivalent temps plein travaillé)
Source : Cour des comptes d'après les données des établissements publics à caractère
scientifique et technologique (EPST)
L’augmentation des personnels contractuels n’est pas uniquement
liée à la montée en puissance de l’ANR : en 2011, les contrats à durée
determinée financés par l’ANR ne représentent que 16 % des emplois
temporaires à l’INSERM, 7,8 % au CNRS et 19,2 % à l’INRA.
2006
2007
2008
2009
2010
2011
Evol.
2011/2006
CNRS
Titulaires
25 485,6
25 319,7
25 233,2
25 051,2
24 995,1
24 964,8
-2,0%
Contractuels sur SE
2 589,4
2 611,0
2 611,0
Contractuels sur RP
5 084,1
5 635,4
5 635,4
Total
31 250,5
31 832,0
32 439,0
32 724,7
33 241,5
33 211,2
6,3%
INRA
2011/2007
Titulaires
8 181,9
8 104,6
8 147,7
8 200,3
8 188,0
0,1%
Contractuels sur SE
1 030,0
1 069,5
1 099,0
1 054,8
976,8
-5,2%
Contractuels sur RP
562,6
639,1
719,6
826,4
898,5
59,7%
Total
9 774,5
9 813,2
9 966,3
10 081,5
10 063,3
3,0%
INSERM
Titulaires
5 016,5
4 900,8
4 928,0
4 954,4
4 945,3
4 896,1
-2,4%
Contractuels sur SE
591,6
798,3
866,8
751,0
694,0
711,1
20,2%
Contractuels sur RP
948,8
1 101,5
1 623,7
2 026,4
2 191,3
2 301,0
142,5%
Total
6 556,9
6 800,6
7 418,5
7 731,8
7 830,6
7 908,2
20,6%
INRIA
Titulaires
993,7
1 080,4
1 162,1
1 195,3
1 204,3
1 204,5
21,2%
Contractuels sur SE
264,0
372,7
415,0
430,0
469,3
461,8
74,9%
Contractuels sur RP
556,6
669,9
724,8
812,5
946,3
909,3
63,4%
Total
1 814,3
2 123,0
2 301,9
2 437,8
2 619,9
2 575,6
42,0%
6 512,3
5 764,9
7 205,8
43,0%
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
LES CONSÉQUENCES POUR LES ÉTABLISSEMENTS : DES RESSOURCES ACCRUES,
UNE GESTION MAL ADAPTÉE
129
La même tendance est observée dans les universités. La
présentation dans les rapports annuels de performances des effectifs des
universités
illustre
le
passage
progressif
aux
responsabilités
et
compétences élargies qui conduit à la prise en charge des rémunérations
des personnels titulaires. L'évolution des effectifs met en évidence une
dynamique similaire à celle observée pour les opérateurs de recherche :
une légère baisse (- 1,6 % entre 2008 et 2011) des effectifs sous plafond
(rémunérés par le programme 150 et par les opérateurs) et une forte
hausse des effectifs hors plafond recrutés notamment sur contrats de
recherche (multipliés par 3 environ).
Tableau n °
23 : évolutions 2008-2011 des emplois dans les
universités
Source : Cour des comptes d'après les rapports annuels de performances
Même s’il est prévu de réduire le recours au personnel contractuel
dans les projets ANR, les effectifs des personnels en contrat à durée
déterminée pourraient continuer à augmenter. L'analyse des dépenses
prévues au titre des projets des investissements d'avenir montre qu'une
part importante du financement accordé est dévolue à la masse salariale,
tout en excluant le recrutement de personnels statutaires. De fait, les
recrutements concerneront essentiellement des personnels contractuels.
Pour l’INRA par exemple, une première évaluation des besoins
exprimés par les porteurs de projets s’élève à environ 250 contractuels qui
pourraient s’ajouter à ceux actuellement présents dans l’institut. Il est
donc indispensable de se doter d’une politique spécifique de gestion des
ressources humaines. Les pratiques du CEA et du CNES sont différentes,
comme l’illustrent les deux encadrés ci-dessous.
sous plafond
hors plafond
contrats aidés
2008
125 170
13 434
5 253
2009
91 603
48 858
10 357
2010
37 513
101 882
12 591
707
2011
10 354
125 901
15 260
708
ETPT
rémunérés
par P150
ETP rémunérés par les opérateurs
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
130
COUR DES COMPTES
L'évolution des effectifs du CEA civil
Les personnels du CEA relèvent du droit privé.
De façon similaire aux EPST, l'effectif des personnels en contrat à
durée déterminée du CEA civil a fortement augmenté (+ 75,7 %) entre 2006
et 2011. Les effectifs en contrat à durée indéterminée connaissent une hausse
plus modérée de 5 %, avec une hausse sensible de l'effectif des cadres
(+ 14,8 %) et une diminution des effectifs non-cadres (- 7,2 %). Hors
changement de périmètre lié à l’intégration au CEA courant 2008 du Centre
national de recherche en génomique situé à Evry, cette hausse s’élève à 3 %.
En pourcentage de l’effectif total, l’augmentation de l’effectif des
agents contractuels est plus mesurée au CEA que dans certains EPST, car
celui-ci est soumis aux règles du droit privé. Une catégorie dite des « CDD
de recherche » a été créée en 2008 pour identifier les CDD financés dans le
cadre de programmes européens (durée du contrat jusqu’à trois ans).
Tableau n° 24 : évolution 2006-2011 des effectifs du CEA
Source : Commissariat à l’énergie atomique
L'évolution des effectifs du CNES
Les personnels du CNES relèvent du droit privé.
Le contrat d'objectifs et de moyens 2005-2010 du CNES prévoyait que
la masse salariale soit contenue dans une évolution annuelle moyenne de
0,5 à 1 %, ce qui signifiait d'une part un gain de productivité et d'autre part
une stabilisation des effectifs. Sur la période 2006-2011, les effectifs du
CNES ont légèrement diminué et ont fait l’objet, comme au CEA, et un
repyramidage. Les ingénieurs, qui constituaient 72 % de l'effectif en 2006, en
représentent 79 % en 2011 au détriment des personnels administratifs. Le
bilan du contrat 2005-2010 du CNES montre que l'objectif de maîtrise de la
masse salariale a bien été atteint.
Tableau n° 25 : évolution 2006-2011 des effectifs du CNES
Source : Centre national d’études spatiales
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2011/2006
Cadres
5 838
5 960
6 144
6 355
6 516
6 702
14,8%
Non-cadres
4 740
4 694
4 687
4 608
4 478
4 400
-7,2%
Total CDI
(ETPT)
10 578
10 654
10 831
10 963
10 994
11 102
5,0%
CDD
217
353
486
566
680
698
221,7%
post-docs
266
310
308
254
247
215
-19,2%
doctorants
581
618
706
823
906
956
64,5%
Total CDD
(ETP 31/12)
1 064
1 281
1 500
1 643
1 833
1 869
75,7%
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2011/2006
CDI
2 409,10
2 393,10
2 367,90
2 359,40
2 380,40
2 383,40
-1,1%
CDD
9,10
12,30
8,60
13,40
24,70
23,80
161,5%
Total
2 418,20
2 405,40
2 376,50
2 372,80
2 405,10
2 407,20
-0,5%
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
LES CONSÉQUENCES POUR LES ÉTABLISSEMENTS : DES RESSOURCES ACCRUES,
UNE GESTION MAL ADAPTÉE
131
2 -
L'absence de vision de l'équilibre souhaitable entre les
différents statuts
Le financement de la recherche par appel à projets est aujourd’hui
le modèle dominant au niveau international. Il importe de ne pas en
remettre en cause le principe, car il apporte du dynamisme à la politique
de recherche, en allouant des moyens à des priorités tout en ciblant les
équipes les plus performantes. La Cour estime cependant que plusieurs
éléments méritent réflexion.
Il apparaît en effet nécessaire de définir une vision de l'équilibre
souhaité entre les emplois contractuels pour la réalisation de projets de
recherche et les emplois de titulaires.
À la suite du contrôle de l'INSERM, la Cour a alerté la ministre
des affaires sociales et de la santé, la ministre de l’enseignement
supérieur et de la recherche et la ministre de la réforme de l’État, de la
décentralisation et de la fonction publique dans un référé du 1
er
août 2012
sur les risques liés à la gestion des personnels contractuels dans la
recherche publique
78
, en particulier les risques juridiques et financiers liés
à l’application de la loi du 12 mars 2012, qui ont depuis lors donné lieu à
un premier jugement en mars 2013.
Jugement du tribunal administratif de Nantes
Par jugement rendu le 12 mars 2013, le tribunal administratif de
Nantes a annulé, à la demande d’une chercheuse de l’INSERM, la décision
de l’institut refusant de transformer son contrat à durée déterminée en contrat
à durée indéterminée et a enjoint à l’INSERM de proposer à la requérante un
contrat à durée indéterminée par application des dispositions de l’article 8 de
la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 qui prévoient notamment cette
transformation au terme de six années d’ancienneté dans le poste occupé.
78
Cour des comptes,
Rapport public annuel 2013,
Tome I.
L’INSERM et les sciences
du vivant, p. 261 à 303. La Documentation française, Février 2013, 657 p.et
disponible sur www.ccomptes.fr. La Cour avait constaté que les personnels
contractuels se répartissaient à l'INSERM de façon identique entre chercheurs d'une
part (doctorants, post-doctorants, chercheurs plus confirmés) et personnels ingénieurs,
techniciens et administratifs (ITA). Les modalités de gestion des personnels ITA
étaient particulièrement critiquables, sur la base de contrats de courte durée,
renouvelés plusieurs fois au titre de différents contrats de recherche.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
132
COUR DES COMPTES
La requérante a été embauchée par l’INSERM le 1
er
octobre 2001 sous
contrat à durée déterminée, a exercé durant onze années au sein de la même
unité de recherche, mais a été rémunérée par une pluralité d’employeurs,
dans le cadre de transferts successifs entre diverses autorités publiques (CHU
de Nantes, CNRS, puis à nouveau l’INSERM).
Le tribunal a estimé, à partir d’un faisceau d’indices, que l’INSERM
était depuis plus de dix ans l’employeur unique de la requérante, en dépit des
« contrats-supports »
souscrits à l’intérieur de cette période par le CHU de
Nantes et le CNRS.
Au-delà de l’application de la loi du 12 mars 2012, le ministère a
pris différentes mesures, dont la limitation des contractuels à 30 % des
personnels dans les projets ANR. Par ailleurs, il réunit désormais les
organismes de recherche régulièrement afin d'harmoniser leurs politiques
de ressources humaines et de diffuser les meilleures pratiques. Plusieurs
établissements publics à caractère scientifique et technologique ont ainsi
défini des chartes de bonnes pratiques concernant la gestion des
personnels contractuels.
Ces mesures ne sont pas pour autant suffisantes. Ainsi, le seuil de
30 % ne sera plus une limite si davantage de personnels titulaires sont
affectés aux projets de l’ANR, affectations qu’il sera impossible de
contrôler.
C’est pourquoi le recours aux contrats à durée déterminée dans le
cadre des financements sur projets doit être réservé aux doctorants et
post-doctorants, y compris étrangers, sauf exceptions qui seraient à
justifier par les porteurs de projet sur le caractère temporaire du poste
occupé. Cela permettrait d’inscrire ainsi ces jeunes chercheurs dans les
parcours professionnels internationalement reconnus en matière de
recherche.
Il est en effet bénéfique de former au sein des laboratoires publics
un nombre important de doctorants ou de post-doctorants, contractuels,
qui apportent dynamisme et créativité, s’il existe pour eux des
perspectives professionnelles dans la recherche publique ou dans
l'industrie.
La vision de l'équilibre à atteindre doit prendre en compte une
notion de vivier, à la fois pour le secteur public et le secteur privé, tout en
tenant compte des aspects très internationaux de la recherche. Ainsi, dans
différents secteurs de recherche, comme ceux de l'INRIA ou du CEA, la
présence de nombreux contractuels ne pose pas la question de leur
devenir de façon aigüe, car ces jeunes chercheurs ou ingénieurs sont en
général facilement recrutés par les entreprises du secteur. La situation est
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
LES CONSÉQUENCES POUR LES ÉTABLISSEMENTS : DES RESSOURCES ACCRUES,
UNE GESTION MAL ADAPTÉE
133
plus compliquée dans les secteurs où la recherche et développement
industrielle est en crise ou dans les secteurs où la recherche en entreprise
est moins développée, comme les
sciences de l’homme et de la société
(SHS) par exemple.
Pour les personnels scientifiques de soutien, en particulier les
techniciens, leur statut doit correspondre à l’emploi qu’ils occupent : si la
fonction occupée correspond à un besoin temporaire de l’opérateur pour
mener à bien un projet de recherche, le statut de contractuel est le plus
adapté. À l’inverse, ce n’est pas le cas pour les personnes occupant un
poste permanent (comme la gestion d’une plate-forme, ou d’un
équipement scientifique spécifique sur une longue durée qui nécessite une
formation adéquate).
Enfin,
les
indicateurs
choisis
pour
mesurer
l’attractivité
internationale ne reflètent pas suffisamment la réalité de l’attractivité des
laboratoires publics. En effet, la seule mesure (indicateur 6.1 du
programme 172) porte sur le taux de chercheurs étrangers dans les
recrutements des EPST des programmes 172 et 187 et fixe une valeur
cible de 30 % en 2015
79
. Compte tenu de la forte sélectivité des concours
des corps de chargés de recherche des établissements publics à caractère
scientifique et technologique, il apparaîtrait plus pertinent de fixer un
indicateur portant sur les recrutements de chercheurs étrangers en tant que
post-doctorants, ce qui mesurerait l'attractivité internationale de la France
pour de jeunes chercheurs, appelés généralement à poursuivre leur
carrière à l'international.
3 -
L'absence de pilotage de l'emploi par grands secteurs de
recherche
Les
personnels
chercheurs
statutaires
appartiennent
majoritairement aux corps nationaux d'enseignants-chercheurs et aux
corps de chercheurs des établissements publics à caractère scientifique et
technologique, dont les gestionnaires sont les présidents d'établissement.
Au sein des universités, la gestion des emplois des enseignants-
chercheurs est essentiellement fondée sur des procédures annuelles
d'examen des besoins et d'ouverture de postes. Ce sont majoritairement
les critères d'enseignement qui guident le choix des postes à ouvrir. Le
ministère estime ainsi que le pilotage des enseignants-chercheurs se fait
plutôt
«
par la démographie étudiante
»
que par les priorités de recherche.
79
Projet annuel de performances 2013 de la mission interministérielle de recherche et
d’enseignement supérieur.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
134
COUR DES COMPTES
En outre, le système SYMPA d'allocation des moyens aux universités ne
prend pas en compte la stratégie nationale de recherche et d'innovation.
Les marges de manoeuvre de redéploiement entre unités de
formation et de recherche (UFR) sont faibles. À l'université Paris-Sud, un
tiers des postes libérés par un départ à la retraite est mis au concours sur
des profils de recherche spécifiques proposés par les composantes et
validés par le conseil scientifique. Cette politique permet ainsi d’orienter
des recrutements sur des thématiques de recherche nouvelles et pointues
et de redéployer des emplois d’enseignants-chercheurs au sein d’une
même UFR et, parfois, entre UFR, avec un volume annuel qui reste
cependant faible (ce dispositif concerne 10 emplois sur 69 recrutements
en 2013).
Dans tous les EPST, les procédures d'ouverture de postes sont
également annuelles. La répartition des postes à ouvrir est faite par la
direction de l'organisme, par institut, puis par section au CNRS, par
commission scientifique à l'INSERM ou par département à l'INRA. Au
CNRS, le collège de direction définit les priorités scientifiques de l'année
à venir qui vont se traduire dans les postes à ouvrir au sein de chaque
section. Cependant, les capacités de redéploiement restent assez limitées
entre sections.
Au CNRS et à l'INSERM, la grande majorité des lauréats est
ensuite libre de choisir son laboratoire d'affectation, le critère principal
étant l'adéquation du projet scientifique du lauréat avec le projet
scientifique et les moyens du laboratoire. C'est également la procédure
qui prévaut en cas de mobilité. À l'INRA en revanche, la grande majorité
des postes ouverts correspondent à un laboratoire d'accueil prédéfini et à
un thème de recherche. Seuls environ 15 % des postes ne sont pas fléchés.
Ce dispositif permet efficacement de prendre en compte les priorités
scientifiques de l'organisme.
La gestion des ingénieurs, techniciens et administratifs (ITA)
relève de procédures beaucoup plus classiques d'examen des besoins au
sein des laboratoires de recherche par les délégations régionales,
départements et instituts.
Les modalités d'allocation des moyens aux priorités scientifiques
sont ainsi limitées aux capacités de recrutement annuel qui, si elles
permettent d'affecter une priorité à un département, demeurent réduites.
Les marges de manoeuvre pour allouer des moyens statutaires à une
priorité de recherche sont faibles. Les procédures mises en oeuvre ne
permettent en outre pas d'assurer une allocation prioritaire des moyens
aux unités performantes, même si les candidats nouvellement recrutés
choisissent généralement des laboratoires performants.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
LES CONSÉQUENCES POUR LES ÉTABLISSEMENTS : DES RESSOURCES ACCRUES,
UNE GESTION MAL ADAPTÉE
135
La gestion prévisionnelle des emplois et des compétences est peu
développée au sein des EPST et se fonde le plus souvent uniquement sur
des prévisions de départs à la retraite et sur les besoins exprimés
annuellement par les unités ou directions, avec peu de vision prospective
des thématiques à développer. Au CNRS, le dialogue de gestion annuel
intègre désormais une analyse des besoins sur un horizon pluriannuel,
fondée sur différents scénarios. Un travail est en cours à l'INRA pour
définir une gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des
compétences (GPEEC) à partir des schémas stratégiques à cinq ans
établis par ses départements.
La vision prospective des compétences nécessaires est également
peu partagée entre les différents acteurs, universités et organismes de
recherche. L'INSERM mène ainsi des réflexions avec le CNRS et les
universités pour quelques compétences critiques (animalerie, bio-
informatique par exemple).
L'absence
de
gestion
prévisionnelle
des
emplois
et
des
compétences est particulièrement marquée dans les sciences humaines et
sociales, comme la Cour l'a montré dans un contrôle récent de la branche
SHS au CNRS qui a débouché sur un référé
80
.
Sans méconnaître la nécessaire liberté de recherche attachée aux
travaux de recherche fondamentale, il apparaît que les procédures de
recrutement des chercheurs statutaires sont très sélectives mais qu’une
fois le recrutement effectué, les modalités de gestion des chercheurs
offrent peu de marges de manoeuvre pour que les opérateurs orientent
leurs forces de recherche sur des priorités scientifiques.
Au mécanisme incitatif de financement de la recherche sur projets,
qui permet d'affecter des moyens de fonctionnement à des thématiques
prioritaires (programmes de l'ANR, investissements d'avenir en biologie-
santé), ne répond pas la même capacité d'allocation fine des moyens en
personnels statutaires. Cette situation n'est pas optimale, car les forces
que représentent les chercheurs orientent les capacités de recherche.
Au cours des dernières années on a assisté à un fort
renouvellement des effectifs de recherche, conséquence d'une vague
importante de départs à la retraite. Un tel contexte offrait l'occasion
d'esquisser une vision prospective partagée des besoins à moyen terme et
de mettre en oeuvre des campagnes de recrutement permettant d'orienter
80
Cour des comptes,
Référé
à la ministre de l'enseignement supérieur et de la
recherche
du
1
er
août
2012,
accessible
sur
le
site
Internet
de
la
Cour : www.ccomptes.fr.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
136
COUR DES COMPTES
les forces de recherche vers les sujets faisant l'objet d'une priorité. Il est
regrettable que cette opportunité n'ait pas été saisie, faute de concertation
entre les différents acteurs et d'une impulsion du ministère chargé de la
recherche.
Cependant les départs prévus au cours des années à venir offrent
encore des marges de manoeuvre. Il est important que les différents
acteurs, organismes de recherche, universités, grandes écoles, puissent
mener des réflexions prospectives coordonnées sur l'évolution de leurs
forces de recherche par grandes thématiques. Les alliances pourraient
constituer le cadre de discussion. Il revient au ministère en tout état de
cause de fournir le cadre stratégique de ces réflexions.
4 -
Une mobilité trop faible entre les différents statuts et avec le
secteur privé
Le
développement
de
passerelles
entre
les
activités
des
enseignants-chercheurs et celles des chercheurs des établissements
publics à caractère scientifique et technologique a toujours été considéré
comme devant être encouragé, que ce soit l'enseignement par les
chercheurs dans les universités ou la possibilité pour un enseignant-
chercheur de bénéficier de décharges d'enseignement pour se consacrer à
ses travaux de recherche
81
à certains moments de sa carrière.
Depuis 2006, deux dispositifs issus du plan carrière avaient pour
objectifs de développer ces échanges : les chaires université-organisme
82
et la prime d'excellence scientifique, qui devaient favoriser l’activité
d’enseignement des chercheurs.
Les chaires université-organisme se sont développées à un rythme
beaucoup moins rapide qu’envisagé lors de leur lancement. Sur les 260
chaires inscrites en lois de finances en 2009 et 2010, 218 seulement
(80 %) ont été pourvues. Les causes principales d’échec en matière de
recrutement sont le nombre très limité de candidatures, le niveau jugé
81
Comme le permettent les dispositifs de délégation au sein d'un établissement public
à caractère scientifique et technologique, de congé de recherche pour conversion
thématique ou la nomination à l'Institut universitaire de France.
82
Le
principe
est
d’organiser
une
procédure
de
recrutement
conjointe
université/organisme de recherche pour recruter un maître de conférences qui sera
placé en délégation pendant cinq ans auprès de l’organisme de recherche, avec une
dispense de deux tiers de son service d’enseignement. Le financement des deux tiers
de son salaire doit être assuré par l’organisme de recherche, le tiers restant ainsi
qu’une
prime
d’excellence
scientifique
étant
assurés
par
l’établissement
d’enseignement supérieur. Ces dispositions financières ne s’appliquent pas au CEA.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
LES CONSÉQUENCES POUR LES ÉTABLISSEMENTS : DES RESSOURCES ACCRUES,
UNE GESTION MAL ADAPTÉE
137
insuffisant des candidats, ainsi qu’une visibilité trop faible de l’existence
de ces postes et le niveau requis pour y postuler. Les acteurs dénoncent
également les modalités très lourdes d’organisation des recrutements. Une
autre explication est la contestation manifestée par une partie de la
communauté scientifique des avantages accordés à ces chaires. Selon le
ministère, un bilan qualitatif de ce dispositif expérimental doit être
effectué en 2013 afin d'évaluer son effet conjugué sur l’activité et la
carrière des lauréats ainsi que sur les structures d’accueil.
L’accueil en délégation, pour une période limitée à un ou deux
semestres, est une position statutaire spécifique aux enseignants-
chercheurs. Délégué dans un organisme de recherche, l’enseignant-
chercheur continue d’être rémunéré par son établissement d’origine, tout
en étant déchargé de son service d’enseignement. Ce dispositif est stable
depuis 2006, de l’ordre de 500 hommes-an. Néanmoins, il bénéficie en
2012 à un nombre plus important d’universitaires (725 contre
650 accueillis au CNRS en 2006), car l'accueil est généralement limité à
un semestre. Depuis la mise en oeuvre des chaires, l'INSERM
n'accueille
plus d'enseignants-chercheurs en délégation. Et à l'INRA, le nombre de
délégations est très réduit (quatre personnes en 2012).
La
prime
d'excellence
scientifique
devait
encourager
les
chercheurs à assumer des charges d'enseignement en retenant un critère
d'enseignement pour son attribution. La circulaire d'application est
beaucoup plus floue que le décret de création de la prime et exige
simplement un engagement du chercheur à enseigner. Le contrôle de
l'INSERM a montré que l'application de ce critère par l'établissement était
devenue assez souple, perdant ainsi de vue l'un des objectifs de cette
nouvelle prime.
La mobilité entre les corps d'enseignants-chercheurs et de
chercheurs est enfin très faible. Les corps de chercheurs recrutent
majoritairement des post-doctorants. La mobilité du corps des chargés de
recherche des établissements publics à caractère scientifique et
technologique vers celui de professeur d'université, qui permettrait à un
chercheur en milieu de carrière de se réorienter vers l'enseignement, est
peu fréquente, excepté dans la filière des mathématiques où elle constitue
au contraire une évolution naturelle de la carrière. Dans le domaine de la
recherche médicale, des passerelles existent également entre les corps de
chargés de recherche de l'INSERM et le corps des professeurs des
universités-praticiens hospitaliers (PUPH). L'objectif n° 5 du programme
172 est « d'accroître la mobilité des chercheurs vers l'enseignement
supérieur et l'entreprise ». Cependant, cet objectif ne comporte qu'un seul
indicateur portant exclusivement sur la mobilité vers l'entreprise. Il
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
138
COUR DES COMPTES
apparaît nécessaire de compléter cet indicateur par des indicateurs de
recrutements croisés entre statuts.
La problématique particulière de l’existence de deux types de
corps de chercheurs et d’enseignants chercheurs est liée à la singularité du
système français de recherche. Dans le modèle dominant à l’international,
fondé sur de grandes universités de recherche, les personnels sont à la fois
enseignants et chercheurs, comme l’illustre l’exemple de l’École
polytechnique fédérale de Lausanne présenté ci-après.
Recrutements de l’École polytechnique fédérale de Lausanne
(EPFL)
Tous les enseignants de l’École polytechnique fédérale de Lausanne
sont à la fois chercheurs et enseignants. Chacun dirige sa propre équipe de
recherche.
Le
processus
de
recrutement
des
jeunes
professeurs
repose
aujourd’hui sur un cursus de
tenure track
très sélectif, qui vise à évaluer
pendant les six premières années les capacités d’enseignement et de
recherche ainsi que le potentiel du candidat.
Avant d’entrer dans ce cursus, les candidats, qui ont en général déjà
effectué une ou deux périodes de post-doctorat, sont identifiés au niveau
international par les doyens des facultés et évalués par un comité de
sélection. Le cursus de
tenure track
correspond à un contrat d’enseignement
et de recherche de huit ans au cours desquels les assistants professeurs
doivent effectuer une demi-charge d’enseignement et disposent d’une
dotation de démarrage de 1 M€ environ, qui leur permet de constituer leur
propre équipe de recherche (deux doctorants et un post-doctorant). Les
assistants professeurs sont évalués à la fin de la sixième année. Si
l’évaluation est positive (dans environ 75 % des cas), ils peuvent candidater à
un poste de professeur associé à l’EPFL.
Enfin, la participation par la mobilité des chercheurs au
développement des entreprises reste très faible. Malgré la modification du
périmètre de l'indicateur du projet annuel de performances, qui prend en
compte l'ensemble des dispositifs permettant à un chercheur de participer
à la création d'entreprise
83
, les chiffres annuels restent très faibles en
regard de l'effectif total des emplois du programme 172 (100 sur
83
Mode de calcul de l'indicateur : nombre d’agents autorisés, après avis de la
commission de déontologie, à participer à la création d’une entreprise valorisant leurs
travaux de recherche, ou à apporter un concours scientifique à une entreprise
valorisant leurs travaux de recherche, ou à participer au capital d’une société, en
application des articles L. 413-1 et suivants du code de la recherche.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
LES CONSÉQUENCES POUR LES ÉTABLISSEMENTS : DES RESSOURCES ACCRUES,
UNE GESTION MAL ADAPTÉE
139
48 000 ETP environ en 2012). Cet indicateur est partiel, car il ne prend en
compte que les chercheurs titulaires et ne permet pas de suivre la
diffusion des personnels contractuels vers le secteur privé. Une
augmentation des liens entre la recherche publique et le secteur privé,
pour un transfert plus efficace, doit passer par une augmentation de la
mobilité des personnels.
C - Une absence de vision claire du bon équilibre entre
organismes de recherche et universités dans le pilotage
de la recherche
Le problème du financement
des opérateurs de recherche doit être
replacé dans le contexte plus large de la politique suivie en matière
d’organisation de la recherche et de l’enseignement supérieur, et sur le
nouvel équilibre entre universités et organismes qu’elle a visé à
promouvoir.
Après la loi de programme de 2006 et la création de l’Agence
nationale de la recherche et de l’agence d’évaluation de la recherche et de
l’enseignement supérieur (AERES), la loi relative aux libertés et
responsabilités des universités de 2007 procédait de la volonté de donner
aux universités, rendues plus autonomes, des responsabilités accrues en
matière de recherche et de rapprocher ainsi le système français des
normes d’organisation prévalant sur le plan international : des universités
ayant la responsabilité des laboratoires de recherche et la maîtrise des
recrutements
d’enseignants-chercheurs,
intégrant
des
moyens
de
recherche provenant de sources diverses, et notamment d’agences de
moyens nationales, dans une stratégie de recherche dont elles ont la
responsabilité à titre principal.
Cette
politique
a
été
amplifiée
par
le
programme
des
investissements d’avenir, qui avec les initiatives d’excellence a apporté
des moyens financiers substantiels à des regroupements de recherche et
d’enseignement d’excellence dont les universités étaient les pivots : les
initiatives d’excellence ont ainsi prolongé le mouvement amorcé en 2006
avec la création des pôles de recherche et d’enseignement supérieur
(PRES), auxquels aucun moyen financier spécifique n’était associé, ce
qui en limitait la portée pratique. Les investissements d’avenir ont
constitué un levier financier pour la politique d’encouragement aux
regroupements universitaires.
La rationalisation de la gestion des unités mixtes et
la promotion
de la formule du mandat unique de gestion s’inscrivaient dans la même
perspective de rehaussement du rôle stratégique des universités en
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
140
COUR DES COMPTES
matière de recherche : le principe, promu par le ministère de la recherche
et de l’enseignement supérieur à partir de 2005, selon lequel l’organisme
hébergeur avait vocation à assumer la gestion unifiée des UMR, favorisait
les universités, qui fournissaient dans la grande majorité des cas les
locaux des unités de recherche.
Enfin, la création d’une agence d’évaluation autonome, l’Agence
d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES),
compétente pour évaluer les unités de recherche des organismes et des
universités, mettait ces dernières en mesure d’accéder, en matière
d’évaluation, à des informations que jusqu’alors, seuls les grands
organismes de recherche disposant de moyens d’évaluation propres,
pouvaient produire. Le dialogue entre universités et organismes sur les
activités scientifiques des unités mixtes et l’allocation des moyens à
celles-ci s’en est trouvé rééquilibré.
Aux problèmes techniques de financement et de gestion des unités
de recherche correspondent ainsi des enjeux de pouvoir dans les relations
entre universités et organismes de recherche qui ont compliqué la
résolution de ces problèmes. Les modalités retenues d’un partage en
nombre égal des unités de recherche, placées sous mandat de gestion
unique des universités d’une part, et des organismes d’autre part, a traduit
une réticence sous-jacente envers la formule du mandat unique. De
même, certains organismes ont eu tendance à percevoir la montée des
financements sur projets de l’Agence nationale de la recherche (ANR)
comme les privant de la marge d’initiative financière nécessaire à
l’animation de leur propre stratégie de recherche.
Les organismes de recherche sont cependant loin d’être seuls
responsables de cette situation et des blocages qu’elle a suscités.
Le choix politique de faire des universités le centre de gravité de la
recherche publique n’a en effet pas été poussé jusqu’au bout. Ainsi l’État
n’a pas donné aux universités, moins bien dotées que les organismes de
recherche en moyens de soutien et de gestion, la capacité d’assumer
en
pratique les responsabilités d’intégration de la recherche qu’il souhaitait
leur voir assumer. Il n’a pas poursuivi la politique de rapprochement entre
grandes écoles et universités dans les regroupements de type pôle de
recherche et d’enseignement supérieur (PRES) ou initiatives d’excellence
(Idex) que la volonté de recentrage du système au profit des universités
impliquait. Il a compensé l’émiettement institutionnel du système français
de recherche par la création de structures de coordination, les alliances,
où les universités étaient mal représentées, et où le rôle essentiel a été
joué par les grands organismes de recherche. Il n’a pas cherché à imposer
le principe hébergeur-gestionnaire pour la mise en oeuvre du mandat
unique, ni cherché à faire de celui-ci la règle, sans pour autant formuler
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
LES CONSÉQUENCES POUR LES ÉTABLISSEMENTS : DES RESSOURCES ACCRUES,
UNE GESTION MAL ADAPTÉE
141
de solution alternative au problème ainsi laissé pendant de la pluralité de
gestion des unités mixtes.
Au défaut de cohérence dans la mise en oeuvre de la politique
définie au cours de la période 2006-2012 s’ajoutent des orientations
récentes qui pourraient aboutir à remettre en cause le choix même
de
rehausser le rôle des universités en matière de recherche. Il en va ainsi de
la réduction envisagée des financements sur projets et de la suppression
de l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur
(AERES). Il résulte, tant de ce défaut de cohérence que des choix les plus
récents, une incertitude sur le modèle d’organisation de la recherche et
sur le partage souhaitable des rôles entre organismes et universités.
Il sera très difficile de mettre en oeuvre des méthodes d’allocation
des moyens plus efficaces sans une plus grande clarté sur les rôles
respectifs des principaux acteurs de la recherche publique et sur le modèle
d’organisation qui les sous-tend : si la Cour peut formuler des
recommandations sur les modes de financement, elle ne peut que
constater cette incertitude persistante sur les rôles respectifs des
organismes et des universités, dont la clarification relève d’arbitrages
politiques qui ne sont pas de sa compétence. Elle se doit néanmoins de
souligner leur caractère nécessaire, alors que la représentation nationale
se trouve saisie du projet de loi sur l’organisation de l’université et de la
recherche.
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
_________
Les problèmes analysés dans ce chapitre tiennent à des causes
structurelles : dualité du système de recherche français partagé entre
universités et organismes, émiettement des financements, multiplicité des
structures fédératives et des cadres de coopération, insuffisante
intégration de la gestion des unités mixtes, absence de politique des
ressources humaines de la recherche.
La Cour, à plusieurs reprises, est intervenue sur ces différents
sujets. Dans son rapport public thématique de 2005 sur la recherche à
l'université, elle avait notamment plaidé pour développer le rôle
d'intégration de la recherche des universités. En 2007, dans un rapport
public thématique sur la recherche en sciences du vivant, elle avait
appelé à une simplification de l'organisation de la recherche dans ce
domaine et à une véritable gestion prévisionnelle des emplois et des
compétences qui améliore en particulier la situation de carrière des
jeunes docteurs. En 2009 et 2011, elle avait appelé à ce que le rôle et la
stratégie du CNRS s’adaptent au nouveau contexte de la politique de la
recherche et à ce que les conditions d’un meilleur pilotage des moyens
financiers et humains soient réunis.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
142
COUR DES COMPTES
Les nouvelles modalités de financement de la recherche ont allégé
le poids de certains de ces problèmes, à défaut de les régler totalement.
Elles ont aussi créé de nouveaux déséquilibres. Enfin, l'absence
persistante de réponse à certains problèmes devient véritablement
criante.
Parmi les progrès enregistrés depuis 2006, il y a davantage de
financements pour la conduite de la recherche dans les organismes de
recherche et les universités. L'augmentation des crédits de l’État se
retrouve au niveau des organismes et des universités, dans les unités de
recherche.
Sur le plan qualitatif, les universités ont également affirmé leur
rôle de façon certes incomplète mais croissante, en allouant plus
explicitement les financements en fonction du dynamisme des unités.
Enfin, les financements sur projets ont permis de recruter et de
rémunérer en nombre des post-doctorants, comblant ainsi une lacune
dommageable dans les cursus de carrière de recherche en France.
En regard, il s’est produit plusieurs déséquilibres. La croissance
des ressources des unités de recherche, résultat de la montée des
financements
sur
projets
qui
leur
bénéficie
directement,
a
paradoxalement réduit la marge de manoeuvre financière des universités
et surtout des organismes de recherche dont la subvention pour charges
de service public est de plus en plus absorbée par la charge des
rémunérations des personnels statutaires. Par ailleurs, elle s’est traduite
par des recrutements de personnels en contrats à durée déterminée dont
certains, s’agissant des personnels de soutien, présentent des risques
contentieux.
Pour corriger ce double déséquilibre, la Cour propose d’améliorer
la prise en compte des frais généraux des établissements dans les
financements sur contrats : ainsi pourraient-ils retrouver une marge de
manoeuvre financière au niveau central, et procéder aux recrutements
stables qui doivent accompagner la montée de leurs charges de structure
et de leur volume d'activité résultant de celle des financements sur
projets.
La Cour alerte par ailleurs sur l’insuffisante attention portée au
financement
de
l’équipement
scientifique,
sujet
décisif
dans
la
compétition internationale.
Restent les problèmes non résolus, dont deux sur lesquels la
volonté de progresser semble buter : la gestion des unités mixtes et la
politique de l'emploi scientifique.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
LES CONSÉQUENCES POUR LES ÉTABLISSEMENTS : DES RESSOURCES ACCRUES,
UNE GESTION MAL ADAPTÉE
143
Seule une faible minorité d’unités a été soumise à un mandat de
gestion unique, en dépit des recommandations de la Cour. La priorité
financière accordée à la recherche suppose une transparence dans les
dotations dont bénéficient les laboratoires pour qu’un pilotage puisse
être exercé. Ceci passe au minimum par une interopérabilité des systèmes
d’information des organismes et des universités et par des procédures et
règles de gestion unifiées.
Le problème de l’emploi scientifique est le fait de quatre
catégories d’acteurs : l’État, les organismes de recherche, les universités
depuis peu davantage autonomes en ce domaine, et les unités de
recherche elles-mêmes dont les capacités de recrutement sur contrat de
courte durée ont été fortement accrues par la montée des financements
sur projets.
Il est essentiel, dans un contexte budgétaire peu favorable au
développement de l’emploi public statutaire, que l’État parvienne à
réguler les flux émanant de ces différentes catégories d’acteurs et les
intègre dans une vision prévisionnelle des besoins scientifiques du pays
partagée par tous les acteurs.
En conséquence, la Cour formule les recommandations suivantes à
l'attention du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche et
des opérateurs de recherche :
12.
élargir le volume des frais généraux éligibles aux financements sur
projets par référence aux taux qui seront mis en oeuvre par l’Union
européenne ;
13.
réserver les recrutements en contrats à durée déterminée financés
directement sur projet aux doctorants et post-doctorants et limiter à
deux l’enchaînement de contrats post-doctoraux au sein d’un
établissement ;
14.
établir sans délai une unicité de budget, de comptabilité et de règles
de gestion pour les unités mixtes de recherche ;
15.
mettre en place un suivi coordonné des investissements scientifiques
et charger l’ANR de procéder régulièrement à des appels à projets
dans ce domaine ;
16.
développer, chez les opérateurs et au ministère, une gestion
prévisionnelle
des
emplois
et
des
compétences
par
grands
secteurs scientifiques
et
fixer,
dans
ce
cadre,
des
objectifs
mesurables en matière de mobilité entre les corps d'enseignants-
chercheurs et de chercheurs et avec le secteur privé.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
Chapitre IV
Des performances scientifiques
meilleures que leurs retombées
économiques
Les études économiques montrent que les résultats tirés de la
recherche ont un effet très important sur la croissance potentielle de
l'économie qui, elle-même, joue un rôle essentiel dans la compétitivité
future de l'économie comme dans les conditions d'équilibre des comptes
publics. Ces résultats ne dépendent pas uniquement des moyens
budgétaires alloués à la recherche. Ils sont tributaires aussi et surtout de la
performance de ces dépenses. Les dépenses publiques en faveur de la
recherche peuvent donc avoir un effet très significatif sur l’innovation et
la croissance, à condition qu’elles soient efficaces.
Pour un nombre croissant de secteurs économiques, les activités de
recherche et développement, et en particulier de recherche appliquée et de
développement
expérimental,
constituent
un
enjeu
majeur
de
positionnement sur le marché national mais aussi mondial. La création de
nouvelles activités et entreprises et le développement des secteurs et
entreprises existants sont ainsi de plus en plus directement rapportés à
leurs capacités d'innovation technologique.
La mesure traditionnelle du succès de la politique de recherche est
double, quantitative et qualitative.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
146
COUR DES COMPTES
Sur le plan quantitatif, l'augmentation du volume de la recherche
publique et privée mesurée par le ratio dépense intérieure de recherche et
développement/produit intérieur brut (DIRD/PIB) est un objectif en soi.
Sur le plan qualitatif, le succès de la recherche se mesure
principalement de deux façons : d’une part, par les performances
enregistrées par les équipes de chercheurs en matière de publications et de
distinctions scientifiques ; d’autre part, par les résultats obtenus en
matière de dépôt de brevets et de contrats de licence ou, plus
généralement, de valorisation de la recherche des entreprises comme des
laboratoires publics.
Cette double mesure, quantitative et qualitative, de la performance
de recherche laisse de côté des questions relatives aux modes d'allocation
des ressources et à la mesure de la performance.
L'idée selon laquelle le volume global de la recherche, financé ou
exécuté, est un objectif en soi est soutenue par de nombreuses études
économiques, qui tendent à établir un lien entre la croissance potentielle
d'une part, la recherche et l'innovation de l'autre. Cependant, ce lien varie
selon les disciplines et les champs de la recherche.
Par ailleurs, le processus d’innovation ne relève pas simplement de
l’aboutissement d’un continuum, qui irait de la recherche fondamentale à
l'innovation sur le marché, et que la politique de recherche doit avoir pour
objectif de renforcer. Les déterminants de la croissance et de l’innovation
sont multiples et complexes.
Pour être performante, l'allocation des ressources au système de
recherche ne peut donc se désintéresser des mécanismes de transmission
de l'amont vers l'aval de la recherche et, plus généralement, de son impact
sur l'économie.
Après un bref passage en revue des performances de la recherche
en termes de publications, le présent chapitre examine les instruments de
politique publique mis en place pour assurer la transmission des résultats
de la recherche vers l’économie.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
DES PERFORMANCES SCIENTIFIQUES MEILLEURES QUE LEURS RETOMBÉES
ÉCONOMIQUES
147
I
-
Un impact économique mal pris en compte par
les indicateurs de performances
A - Un succès global pour les publications et les brevets
Tous domaines confondus, selon les indicateurs du ministère de
l'enseignement supérieur et de la recherche
84
, la France se situe en 2010
au 6
ème
rang mondial avec 3,9 % des publications scientifiques. La part de
la France dans les publications mondiales est en baisse continue depuis
1999, après avoir atteint 5,4 % en 1995, malgré un nombre de
publications en augmentation
85
.
Sur cette même période, les parts respectives des publications
mondiales des États-Unis, principal producteur avec 24,1 % en 2010, du
Japon (5,7 %), du Royaume-Uni (5,6 %) et de l'Allemagne (5,4 %) ont
également diminué
86
, en raison de la forte émergence des pays asiatiques
(en particulier la Chine qui atteint 9,5 % et l'Inde) et du Brésil.
Malgré la baisse relative de la part française dans les publications
mondiales, la visibilité française (indice de citation des publications) est
en augmentation régulière, passant de 0,91 en 1993 à 1,06 en 2010. Elle
reste néanmoins inférieure à celle des États-Unis, de l'Allemagne et du
Royaume-Uni.
La part mondiale des publications françaises, leur visibilité et leur
impact ainsi que leur évolution sur dix ans varient considérablement selon
les champs scientifiques.
84
L'état de l'enseignement supérieur et de la recherche en France n° 6
, déc. 2012.
85
Le nombre de publications de la France recensées dans la base de données
Thomson Reuters est passé de 48 000 à 64 700 entre 2000 et 2011, soit une hausse de
35 %.
86
Avec la France, ils affichent une baisse de 15 points en 10 ans.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
148
COUR DES COMPTES
Tableau n °
26 : part mondiale des publications françaises et indice
d'impact par grand secteurs
Source : base de données Thomson Reuters - 2013. Données non retraitées
Ainsi pour le secteur spatial, la part des publications françaises
recensées dans la base de données Thomson Reuters
87
est passée, entre
2001 et 2011, de 11,8 % à 14 % des publications mondiales avec une
visibilité en augmentation de 26 %. La France s’affirme dans ce secteur,
et ses résultats sont indéniablement liés aux financements publics
consentis depuis 50 ans. Quatre autres secteurs voient leur part relative
augmenter (sciences sociales, économie, psychiatrie, environnement et
écologie). Il s’agit de secteurs où la part française reste en deçà de la part
moyenne des publications françaises dans cette base de données.
En outre, avec plus de 45 % de ses publications en partenariat avec
un laboratoire étranger en 2010, la France est le premier pays en matière
de taux de collaboration, rang qu'elle occupait déjà en 2000. Plus de la
moitié des partenariats (57 %) le sont avec les États membres de l'Union
européenne, et un quart (25,3 %) avec les États-Unis.
87
L'observatoire des sciences et techniques retraite ces données qui accordent une part
très significative aux publications en langue anglaise.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
DES PERFORMANCES SCIENTIFIQUES MEILLEURES QUE LEURS RETOMBÉES
ÉCONOMIQUES
149
Enfin, la France représente 6,4 % des demandes de brevets
européens en 2010, part en forte baisse depuis 1994 (8,3 %) liée à
l'émergence des pays asiatiques.
Graphique n° 18 : demandes de brevets européens en 2010 : part
mondiale et évolution 2005-2010
Source : Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, OST (données
OEB (Patstat) et OCDE (Regpat), traitements OST).
Le rayonnement de la recherche française
Plusieurs personnalités scientifiques françaises ont été récompensées
récemment par des distinctions internationales.
Deux français ont reçu le prix Nobel de Physique : Albert Fert, en
2007, pour ses travaux sur la magnétorésistance géante qui ont un impact
important sur les technologies de l'information et de la communication, et
Serge Haroche, en 2012, pour ses travaux sur la mesure et la manipulation de
systèmes quantiques individuels.
Trois
personnalités
françaises
ont
obtenu
le
prix
Nobel
de
physiologie-médecine : Françoise Barré-Sinoussi et Luc Montanier, en 2008,
pour leurs travaux sur le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), Jules
Hoffmann, en 2011, pour ses découvertes dans le champ de l’immunité innée.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
150
COUR DES COMPTES
Yves Chauvin a obtenu, en 2005, le prix Nobel de chimie pour le
développement des réactions de métathèse en synthèse organique, qui ont
aujourd’hui de nombreuses applications industrielles.
La recherche française en mathématiques a obtenu depuis 2002 quatre
médailles Fields (attribuées tous les quatre ans à des chercheurs de moins de
quarante ans): Laurent Lafforgue (2002), Wendelin Werner (2006), Cédric
Villani et Ngô Bào Châu (2010).
En informatique, Joseph Sifakis a été lauréat du prix Turing en 2007
pour ses travaux sur la modélisation et la vérification des systèmes temps-
réel, largement utilisées dans l'industrie pour les systèmes embarqués.
La médaille d'or du CNRS distingue chaque année l'ensemble des
travaux d'une personnalité scientifique qui a contribué de manière
exceptionnelle au dynamisme et au rayonnement de la recherche française.
Le palmarès de la médaille d’or du CNRS illustre ainsi le rayonnement de la
recherche française dans des domaines variés :
2002 - Claude Lorius et Jean Jouzel (climatologie) pour avoir mis en
évidence le lien entre teneur en gaz à effet de serre et évolution du climat
grâce à l'analyse des bulles d'air présentes dans la glace des calottes polaires.
2003 - Albert Fert (Prix Nobel de Physique 2007).
2004 - Alain Connes (mathématiques) (médaille Fields 1982) pour ses
travaux sur les problèmes mathématiques soulevés par la physique quantique
et la théorie de la relativité.
2005 - Alain Aspect (physique) pour ses recherches dans le domaine
de l'optique quantique et de la physique atomique.
2006 - Jacques Stern (informatique) pour ses travaux sur la
cryptologie.
2007 - Jean Tirole (économie) pour ses travaux sur la « nouvelle
économie industrielle ».
2008 - Jean Weissenbach (génétique) pour ses travaux de cartographie
et de séquençage du génome humain.
2009 - Serge Haroche (Prix Nobel de physique 2012).
2010 - Gérard Férey (chimie) pour ses travaux sur les solides poreux
hybrides capables notamment de stocker du CO2 ou des médicaments.
2011 - Jules Hoffmann (Prix Nobel physiologie-médecine 2011).
2012 - Philippe Descola (anthropologue).
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
DES PERFORMANCES SCIENTIFIQUES MEILLEURES QUE LEURS RETOMBÉES
ÉCONOMIQUES
151
B - L’absence de mesure de l’impact économique dans
les indicateurs de performance du budget de l’État
La mesure du retour sur investissement du financement public de
la recherche ne peut pas se limiter aux indicateurs du nombre de
publications scientifiques ou du nombre de brevets déposés. Elle doit
également intégrer la mesure du retour sur investissement en termes
d’emplois sur le territoire et de richesse créés.
Une série d’objectifs et d’indicateurs actuels de la MIRES donnent
un éclairage sur les externalités positives de l’effort public de recherche
pour l’activité économique.
Tableau n° 27 : objectifs socio-économiques et indicateurs associés de
performances figurant dans les documents budgétaires
Source : Direction du budget
On peut également relever l’indicateur 4.3 portant sur la part du
programme-cadre pour la recherche et le développement technologique
de la Commission européenne (PCRDT), attribuée à des équipes
françaises, ou encore le dispositif des conventions industrielles de
formation par la recherche (CIFRE) suivi dans l’action 1 (pilotage et
animation) du programme 172.
programme
objectifs
indicateur
3. Améliorer la valorisation des résultats de la
recherche et le soutien à l'innovation dans les
entreprises
3.3 Dépenses de R&D privé supplémentaire par € de CIR
5. Accroître la mobilité des chercheurs
vers
l'enseignement supérieur et l'entreprise
5.1 Nombre de chercheurs du secteur public ayant rejoint une
entreprise dans l'année
2.1 Rentabilité de la valorisation : produit des redevances sur
brevets, certificats d'obtention végétale, logiciels et licences
rapporté aux dépenses liées aux frais de propriétés intelectuelle
2.2 Part des contrats de recherche passés avec des entreprises
dans les ressources des opérateurs
1. Contribuer à améliorer la compétitivité des
entreprises par le développement des pôles de
compétitivité
1.1 Impact de la politique des pôles de compétitivité sur les
entreprises et les territoires
3.1 Ecart en le taux de croissance sur 3 ans du CA des
entreprises soutenues par les aides à l'innovation d'OSéO et celui
des entreprises similaires
3.2 Taux de pérennité à trois ans des entreprises technologiques
aidées par les écoles
191
2. Soutenir le développement des PME duales
susceptibles de travailler pour les besoins de la
défense
2.1 Pourcentage de montant total des projets dont bénéficient les
PME - PMI
2. Contribuer à l'amélioration de la compétitivité des
filières économiques associées par le transfert et la
volarisation des résultats de la recherche
187
3. Contribuer au développement des entreprises
technologiques innovantes
192
172
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
152
COUR DES COMPTES
Sont, en outre, mesurés les produits de la propriété intellectuelle et
le montant des contrats industriels des organismes de recherche
88
et des
universités
89
. Le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche
considère que ces deux derniers indicateurs constituent aujourd’hui les
indicateurs les plus pertinents pour mesurer le retour sur investissement
des opérateurs. Il s’agit d’une mesure financière des relations nouées
entre les opérateurs et le monde économique.
Or, ces deux indicateurs, présents dans les programmes 150, 172,
187 et 190, ne se retrouvent pas dans les autres programmes de la
MIRES.
Enfin, ces indicateurs laissent pour l'instant de côté la question des
retombées socio-économiques de la recherche sur le territoire national.
II
-
Une grande dispersion des aides aux
entreprises
La part de la dépense intérieure de recherche des entreprises
(DIRDE), financée par le secteur public
90
en France (9,9 % en 2010), est
plus élevée que la moyenne des États membres de l’Union européenne
(7,3 %) et des pays membres de l’OCDE (8,2 %). À l’inverse, la part de
la dépense intérieure de recherche des administrations (DIRDA) financée
par les entreprises (4,2 % en 2010) est plus faible que la moyenne de
l’Union européenne (7,1 %) et de l’OCDE (5,1 %).
Il existe pourtant un foisonnement de dispositifs d'aides aux
entreprises (hors crédit d'impôt recherche), gérés par une multiplicité
d’acteurs, situation qui appelle une simplification.
A - Une multiplicité d'acteurs
Au niveau national, la politique d’innovation est portée par
plusieurs ministères et plusieurs directions d’administration centrale,
responsables des programmes budgétaires correspondants : le ministère
chargé de l’industrie, le ministère chargé de la recherche, ainsi que les
88
Indicateurs des programmes 172, 187 et 190 : part des ressources apportées aux
opérateurs par les redevances sur titre de propriété intellectuelle et part des contrats de
recherche passés avec des entreprises dans les ressources des opérateurs.
89
Mêmes indicateurs pour le programme 150.
90
Sources : Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE),
PIST 2012-2.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
DES PERFORMANCES SCIENTIFIQUES MEILLEURES QUE LEURS RETOMBÉES
ÉCONOMIQUES
153
ministères chargés de la défense, de l’agriculture, du développement
durable et de l’aménagement du territoire.
Pour mettre en oeuvre un soutien à la R&D industrielle, l’État
s’appuie sur plusieurs opérateurs et partenaires publics, en particulier
Oséo, l’ANR et l’ADEME. La Caisse des dépôts et consignations
intervient également pour le soutien à la recherche et à l’innovation des
entreprises à travers sa filiale CDC Entreprises.
Au niveau local, les services de l’État et les représentations
territoriales d’Oséo coexistent et développent rarement des actions
coordonnées sur des objectifs stratégiques communs. Les directions
régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du
travail et de l'emploi (DIRECCTE) ne disposent pas d’une vue générale
de l’ensemble des dispositifs en faveur de la recherche et de l’innovation
des entreprises. Le ministère de l'enseignement supérieur et de la
recherche, pour sa part, ne semble pas avoir optimisé l’atout que
représente pour l’action publique le réseau des délégués régionaux à la
recherche et à la technologie (DRRT). Des projets de réforme lancés en
2012 pourraient améliorer ce service.
La nouvelle Banque publique d’investissement (BPI), issue du
regroupement de CDC entreprises, filiale de la Caisse des dépôts et
consignations, du fond stratégique d’investissement (FSI) et d’Oséo,
annoncée à l’automne 2012 et mise en place
91
, marque une nouvelle étape
à compter de mars 2013.
L’implication des collectivités territoriales dans le développement
économique les conduit, en outre, à intervenir significativement dans la
recherche et le développement technologique en soutien des laboratoires
publics comme des entreprises ainsi que dans la création et la
structuration des dispositifs de valorisation de la recherche et des
transferts de technologie. Elles consacrent plus d’un milliard d’euros par
an à la recherche et technologie (R&T). Les conseils régionaux
92
sont les
91
La Banque publique d’investissement a été créée par la loi n° 2012-1559 du
31 décembre 2012. Elle est détenue à parts égales par l'État et la Caisse des dépôts et
consignations. Elle regroupe en son sein les services auparavant assurés par Oséo,
CDC entreprises et le FSI, créé en 2008. Elle disposera d'un budget de 42 Md€, dont
20 Md€ destinés à être prêtés et 10 Md€ investis en fonds propres d'ici 2017.
92
La recherche et la technologie ne relèvent pas des compétences directes des régions.
Cependant, leur action en la matière est loin d’être ignorée des textes. Le code général
des collectivités territoriales précise en son article L. 4252-1, que « la région est
associée à l'élaboration de la politique nationale de la recherche et de la technologie ;
elle participe à sa mise en oeuvre ».
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
154
COUR DES COMPTES
principaux bailleurs de fonds avec un volume moyen de 752 M€ par an
depuis 2007 (826 M€ en 2010).
Près d’un tiers des financements R&T des collectivités territoriales
sont réalisés dans le cadre du volet « Recherche » des contrats de projets
entre l’État et les régions (CPER), soit 349 M€ par an, entre 2007 et 2010,
répartis entre les conseils régionaux pour 70 %, les départements pour
14 % et le bloc communal pour 16 %
93
. Les opérations de « transfert de
technologie et d’aides aux entreprises innovantes » représentent chaque
année près de 30 % des budgets R&T des collectivités territoriales, dont
la moitié concerne la collaboration public-privé. Entre 2008 et 2010, le
budget consacré à ces opérations se stabilise entre 370 et 380 M€ si bien
qu’en 2010 leur part est supérieure à celle des opérations immobilières
94
.
En 2009, les entreprises ont déclaré avoir reçu 98 M€ de la part des
collectivités territoriales, soit 3,9 % des financements publics alloués.
L'effort des collectivités territoriales en matière de recherche et
développement est en grande partie tourné vers les entreprises de taille
plus réduite. La plupart des régions se sont dotées d’une agence régionale
de l’innovation qui conduit leurs actions.
L’effort de recherche (DIRD/PIB) des régions européennes : de fortes
disparités
Les régions d'Europe présentent entre elles de fortes disparités : 27 des
260 régions européennes investissent l’équivalent de plus de 3 % de leur PIB
régional dans la R&D, c'est-à-dire au-dessus de l’objectif réaffirmé par la
stratégie Europe 2020. Ces 27 régions génèrent plus de 40 % des dépenses
totales en R&D de l’Union européenne.
Se signalent par leur performance les Länder de Bade-Wurtemberg
(ratio de 5,85 %) et de Basse-Saxe (6,77 %). Deux régions françaises
apparaissent sur cette carte : Midi-Pyrénées, première région de France en
intensité (4,15 %) et l’Île-de-France, qui avec un taux de 3,11 %, s’affirme
comme la région phare de l’Union européenne dans la mesure elle représente
près de 8 % des dépenses totales de l’Union en matière de R&D
95
. La région
Rhône-Alpes est en retrait par rapport à son potentiel (2,6 %).
93
De 2007 à 2010, première phase du contrat de projet entre l’État et les régions
(2007-2013) le budget R&T déjà réalisé est de 1,4 Md€ dont 72 % sont consacrés à
des opérations immobilières.
94
Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche - systèmes d’information
et études statistiques Pôle recherche.
Le financement de la recherche et du transfert de
technologie par les collectivités territoriales
, - février 2012, p. 6.
95
EUROSTAT 2010. Confirmé par OST 2010.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
DES PERFORMANCES SCIENTIFIQUES MEILLEURES QUE LEURS RETOMBÉES
ÉCONOMIQUES
155
B - Un foisonnement de dispositifs
Les dispositifs publics de financement du transfert et de la
diffusion de technologie peuvent être regroupés en trois familles,
impliquant
des
acteurs
différents :
la
recherche
partenariale,
la
prospection des entreprises, la valorisation et le transfert des résultats de
la recherche publique.
1 -
La recherche technologique partenariale
La recherche partenariale s’exerce au sein des établissements
d’enseignement supérieur et des organismes publics, des entités ou
regroupements spécialisés. Un des acteurs majeurs est le CEA, dont le
montant des contrats avec les industriels s'élevait à 434 M€ en 2011. Les
34 instituts Carnot jouent également un rôle important dans la recherche
partenariale et bénéficient de financements publics dédiés.
Il existe aussi sur le territoire des dispositifs en principe centrés sur
des prestations plus finalisées. On peut mentionner :
-
les plates-formes technologiques (PFT), créées en application
de la loi du 12 juillet 1999 sur la recherche et l'innovation dite
« loi Allègre » ;
-
les centres de ressources technologiques (CRT), structures
d'appui technologique aux entreprises, dont la mise en place a
été décidée en 1996 par les ministres chargés de la recherche et
de l'industrie et qui ont reçu un label qualité délivré par une
commission nationale ;
-
les centres régionaux pour l’innovation et le transfert de
technologie (CRITT), environ 200 en France, créés pour aider
les entreprises à renforcer leur potentiel technologique en
application de la loi aujourd'hui abrogée du 15 juillet 1982 ;
-
les sociétés de recherche contractuelle (SRC), structures privées
labellisées par Oséo ;
-
les plates-formes mutualisées d’innovation (PFMI), mises en
place dans le cadre du programme des investissements d’avenir
(2012) ;
-
les huit instituts de recherche technologique (IRT), créés dans
le cadre des investissements d'avenir (2012).
Dans le cadre des contrats de projet État-régions (CPER),
38 plates-formes technologiques, 75 centres de ressources technologiques
et 25 cellules de diffusion technologique (CDT) répertoriés en juin 2011
sont financés. Les dotations publiques qui leur sont affectées sont de
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
156
COUR DES COMPTES
l’ordre de 10 M€ par an, avec une baisse à partir de 2011. Oséo
accompagne les 214 sociétés de recherche contractuelle, labellisées pour
trois ans, depuis une vingtaine d’années, pour un montant total de 137 M€
(soit environ 7 M€/an). En août 2012, treize projets de plates-formes
mutualisées d’innovation ont été sélectionnés, pour un montant de 50 M€
sur huit ans et les instituts de recherche technologique bénéficient d'une
enveloppe de 924 M€ sur dix ans.
Le montant des aides est parfois très modeste, mais peut avoir un
effet d’image valorisant, constituant une sorte de label.
Ces dispositifs de soutien public à la fonction de recherche
technologique gagneraient en efficacité s'ils étaient regroupés,
a minima
,
autour d’un label unique, et, dans un second temps, en adossant certaines
de ces structures de recherche technologique à des opérateurs plus grands,
permettant ainsi une mutualisation des fonctions supports.
Par ailleurs, en application de la loi du 22 juillet 1948, 11 centres
techniques industriels (CTI) bénéficiant de dotations budgétaires
(23,6 M€ en 2012) ou d’affectation de taxes parafiscales (139 M€ en
2012) et constitués en réseau interviennent au soutien des filières
industrielles, notamment par des prestations de recherche technologique.
Certains sont des instituts Carnot.
Pour développer un environnement favorable aux entreprises et à
l'innovation, l’État a mis en place en 2004 une politique de soutien aux
pôles de compétitivité
96
.
Les pôles de compétitivité paraissent durablement installés dans le
paysage de la recherche en partenariat avec les entreprises. 5,7 Md€ de
financements publics et privés ont été mobilisés entre 2008 et 2011 dans
les projets de R&D labellisés par ces pôles, soit 4,5 % des dépenses
nationales de R&D sur la période. La complexité du montage des dossiers
reste souvent dissuasive pour les entreprises autant que pour les pôles,
malgré la création du fonds unique interministériel (FUI) et le transfert de
la gestion des dossiers et du conventionnement à Oséo en 2009.
Certains pôles connaissent une réussite marquée, d’autres souffrent
d’un manque de dynamisme et toutes les conséquences n’ont pas été
tirées des évaluations réalisées, s’agissant du pilotage par la performance
et du nombre de pôles qui peuvent effectivement s’affirmer.
96
Comités interministériel d'aménagement et de compétitivité des territoires (CIACT)
des 13 décembre 2002, et 14 septembre 2004, suivis de la loi n° 2004-1484 du
30 décembre 2004 de finances pour 2005 article 24.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
DES PERFORMANCES SCIENTIFIQUES MEILLEURES QUE LEURS RETOMBÉES
ÉCONOMIQUES
157
À la suite de la première évaluation en 2008 de nouvelles
orientations ont été arrêtées pour les années 2009-2011, et le principe
d’une contractualisation avec les pôles a été retenu. La seconde
évaluation réalisée en juin 2012 ne permet pas de dresser un classement
par degré de réussite.
Les pôles de compétitivité
Le processus de sélection, entamé en 2005, a permis de retenir
71 pôles répartis en trois catégories : 7 pôles mondiaux, 10 pôles à vocation
mondiale, et 54 pôles nationaux. Chaque pôle est représenté et animé par une
entité juridique propre, le plus souvent une association, qui regroupe des
acteurs industriels, scientifiques, académiques et les collectivités territoriales
intéressées. Les projets financés au titre de ces pôles de compétitivité ont
bénéficié, sur les périodes 2005-2008 et 2009-2011, d’une bonification par
rapport au financement public «
classique
»
97
.
Les grandes entreprises ont bénéficié d’au moins 10 % des
financements. Si les entreprises de taille intermédiaire ou ETI (8 % des
entreprises membres des pôles) recueillent à peine 2 % des financements
alloués aux projets, les PME ont été destinataires de plus d’un tiers (au moins
36 %) des financements totaux.
Tableau n° 28 : financements publics alloués à l’ensemble des
projets des pôles de compétitivité (en M€, 2007 à 2011)
Source : évaluation des pôles, 2012, chap IV.
97
Dans son rapport d’enquête sur les interventions extrabudgétaires de l’État en
faveur de la recherche développement, notamment dans les pôles de compétitivité, la
Cour chiffre leur financement public à 1,46 Md€ pour la période 2005-2008 et
1,5 Md€ pour la période 2009-2011, au titre du fonds unique interministériel (FUI) et
du financement des opérateurs (ANR, Oséo, Caisse des dépôts et consignations).
Financeur en M€
2007
2008
2009
2010
2011
Total
% Total
%.2011
ANR
193
178
192
213
182
958
27,5% 32,6%
Fonds Unique
Interministériel (FUI)
239
256
216
154
149
1010
29,0% 26,0%
Programme ISI Oséo
162
109
89
120
90
570
16,4% 16,1%
Collectivités
125
152
128
118
109
632
18,2% 19,5%
Oséo
80
77
70
52
32
311
8,9%
5,7%
Total
799
772
695
657
560
3481
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
158
COUR DES COMPTES
Ces financements sont affectés, pour une part non négligeable, aux
acteurs de la recherche publique : entre 2008 et 2011, 56 % des financements
ont été alloués à des entreprises, au coût complet, et 44 % aux organismes de
recherche et de formation, au coût marginal.
Le nombre moyen d’adhérents aux pôles a augmenté de plus de 50 %
entre 2008 et 2011, pour atteindre un niveau de 187 membres en 2011. Les
PME, prédominantes en nombre, représentent plus de la moitié des adhésions
et près de 80 % des entreprises membres.
En définitive, aucune conclusion particulière ne semble être tirée
des résultats contrastés des différents pôles de compétitivité.
Il existe d’autres formes de recherche partenariale, comme les
laboratoires communs entre la recherche publique et la recherche privée,
mais celles-ci sont encore peu développées. C’est par exemple le cas du
CNRS avec le groupe Saint-Gobain et le groupe Solvay, et de l’INRIA
avec Microsoft.
Structures partenariales entre l’industrie et la recherche
académique : l’institut de chimie du CNRS et les entreprises
L’institut de chimie du CNRS développe plusieurs types de partenariat
avec l’industrie : contrats de collaboration (50 M€ par an), mobilité des
personnels de la recherche vers l’industrie, mise en place de groupements de
recherche et, en cas de collaboration particulièrement approfondie, des unités
mixtes de recherche (UMR).
Ces UMR, créées pour quatre ans, sont des laboratoires constitués de
personnels issus de l’entreprise et du secteur public avec mise en commun
des moyens d’équipement. Ce partenariat est conclu à travers une convention
qui définit notamment les règles de propriété intellectuelle.
Ce type de partenariat est apprécié par les industriels, compte tenu du
niveau scientifique des chercheurs académiques associés.
2 -
La fonction de prospection des entreprises et de mise en
relation
Cette fonction relève principalement d’Oséo, des conseils
régionaux et de leurs agences, et des chambres de commerce et
d’industrie. S’y ajoutent les cellules de diffusion technologique (CDT),
label accordé par le ministère depuis 2007. Enfin, les efforts pour
atteindre une cible de PME plus éloignées de l’innovation sont
essentiellement conduits par la mise en réseau volontaire des prospecteurs
de terrain à travers le réseau de diffusion technologique (RDT) et sa
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
DES PERFORMANCES SCIENTIFIQUES MEILLEURES QUE LEURS RETOMBÉES
ÉCONOMIQUES
159
capacité à financer (par des crédits mis à disposition par Oséo) des
prestations technologiques de faible niveau.
Compte tenu de l’intérêt qui s’attache à ce que les moyens publics
consacrés au soutien à la recherche et à l’innovation des entreprises soient
efficacement mobilisés par une cible d’entreprises aussi large que
possible, la coordination ou la mise en commun des actions de
prospection et de premier conseil des entreprises des différents acteurs
constitue un enjeu important.
3 -
La fonction de valorisation et de transfert des résultats de la
recherche publique
Cette fonction
est assurée par les structures dont se sont dotés les
établissements d’enseignement supérieur et les organismes publics de
recherche : filiale, association de valorisation, service interne dédié ou
service des activités industrielles et commerciales des universités (SAIC).
Afin de rationaliser et de mutualiser ces efforts entre établissements,
diverses initiatives ont été prises. On peut mentionner notamment la
création des dispositifs mutualisés de transfert de technologie (DMTT) en
2006 financés par l’ANR, puis celle des société d’accélération du
transfert de technologie (SATT) en 2012 financées par le programme des
investissements d’avenir qui ont intégré certains DMTT. Alors que les
14 DMTT étaient dotés par l’État d’environ 4 M€ par an depuis 2005, une
dotation de 900 M€ est programmée sur 10 ans pour 14 SATT.
La juxtaposition de structures aux missions identiques ou proches
n'est plus possible. Par exemple, l’arrivée des SATT doit conduire à
supprimer des dispositifs mutualisés de transfert de technologie.
Plus largement, si la variété des dispositifs est sans doute
nécessaire
pour
irriguer un
tissu
d’entreprises
très
diverses
et
géographiquement éparses, la logique d’ensemble de l’intervention
publique
98
face aux besoins des entreprises n'apparaît pas.
98
Cela concerne en particulier les instituts Carnot, les sociétés de recherche
contractuelle et les instituts de recherche technologique, mais aussi les plates-formes
technologiques, les plates-formes mutualisées d’innovation, les centres de ressources
technologiques et les centres régionaux pour l’innovation et le transfert de
technologie.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
160
COUR DES COMPTES
C - Une simplification indispensable
L’architecture générale des dispositifs en faveur de la recherche et
de l’innovation des entreprises est le fruit de décisions dont les effets
s’accumulent. Ce système est à nouveau doublé par la mise en oeuvre du
programme des investissements d'avenir, qui superpose d’autres actions
gérées par d’autres opérateurs et d’autres administrations centrales. Dans
ce contexte, les acteurs de terrain sont unanimes : le système n’est pas
lisible et conduit chacun à
mettre en oeuvre sa propre politique sans
s’attacher à celle des autres acteurs.
Une grille de lecture des différents dispositifs par objectif
définissant pour chacun une cible d’entreprises et le niveau de
développement technologique à soutenir fait défaut. Se dispenser de cet
effort conduit à créer des dispositifs dont on ne mesure ni l’impact ni le
sens économique.
Au-delà du constat de désordre qui s’applique à l’arborescence
spontanée des dispositifs et à leurs interactions, une évaluation
d'ensemble de leur efficacité et de leurs coûts d'intermédiation est
devenue indispensable.
Ces constats sont identifiés dans le rapport d’évaluation de la Cour
sur les aides à la création d’entreprise
99
, qui formule plusieurs
recommandations en vue de simplifier l’offre des dispositifs de soutien.
Cette évaluation insiste sur la nécessité de développer la culture
entrepreneuriale dans toutes les catégories de la population.
Une étude globale sur les coûts et les acteurs du transfert de
technologie s’impose. Elle devrait permettre, en dehors de recoupements
de périmètre, d’établir les coûts de gestion, les financements et les
résultats
obtenus.
Tel
était
l’objet
de
la
mission
confiée
à
MM. Tambourin et Beylat, dont le rapport au ministère de l’enseignement
supérieur et de la recherche,
L’innovation, un enjeu majeur pour la
France
, a été remis en avril 2013. Ce rapport propose notamment
d’organiser le système de transfert pour le rendre plus lisible et plus
efficace.
Certains dispositifs posent plus particulièrement question du point
de vue de la Cour.
99
Rapport d’évaluation demandé par le président de l’Assemblée nationale pour le
comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques sur les dispositifs de
soutien à la création d’entreprises, décembre 2012.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
DES PERFORMANCES SCIENTIFIQUES MEILLEURES QUE LEURS RETOMBÉES
ÉCONOMIQUES
161
La dépense fiscale ? liée au taux réduit de taxation des plus-values
à long terme de cessions de brevets, ne concerne en 2011 que
150 entreprises, mais coûte 680 M€ en dépenses fiscales selon le
chiffrage de la loi de finances pour 2013. Les doutes exprimés sur son
efficacité par le comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches
sociales plaident pour un réexamen de ce dispositif. D’une part, avec le
crédit d’impôt recherche la France dispose d’un mécanisme fiscal
puissant d’aide à la R&D des entreprises, d’autre part, cette taxation à
taux réduit tend plutôt à aggraver le phénomène constaté selon lequel une
grande partie de la propriété intellectuelle française est exportée et n’est
donc pas exploitée sur le territoire national.
Par ailleurs, si certains régimes d’aides (comme ceux d’Oséo)
prévoient la possibilité d’un remboursement en cas de changement de
capital lorsque l’activité économique d’une entreprise aidée n’est plus
déployée en France, les dispositions prises en ce sens sont inégales.
Même pour le programme des investissements d’avenir, pour lesquels un
objectif de retour économique est clairement affiché, seuls certains
dispositifs intègrent une priorité à la structuration de filières locales. Il ne
sera donc possible de juger de la réelle prise en compte du retour
économique d’ensemble qu’au moment des premières évaluations. Ce
point méritera, de l'avis de la Cour, la plus grande attention.
Dans ce contexte, le dispositif des SATT exige une vigilance
particulière. En effet, l’essentiel de l’activité de ces sociétés consiste en
des aides à la maturation de projets, et leurs recettes principales
proviendront de la propriété intellectuelle créée. L’objectif d’équilibre
financier à 10 ans fixé à ces sociétés, constituées sous forme de sociétés
par actions simplifiées, fait peser le risque de les pousser à valoriser au
maximum les brevets ou licences qu’elles auront créés, en les cédant au
mieux disant, au détriment des objectifs de valeur ajoutée pour
l’économie nationale. Là encore, des indicateurs permettant de mesurer le
retour pour l'économie nationale mériteraient d'être déployés.
III
-
Une valorisation nationale insuffisante
La majorité des dépenses de recherche et développement est
réalisée par les entreprises privées, sans lien direct avec la recherche
publique. Plusieurs indicateurs montrent même une difficulté de retour
dans l'économie de l'effort de recherche.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
162
COUR DES COMPTES
A - Le faible retour économique de l'effort de recherche
1 -
Les composantes de la recherche en France
L’effort de recherche appréhendé au travers du
manuel de
Frascati de l'OCDE comporte trois grandes composantes : la recherche
fondamentale, la recherche appliquée et le développement expérimental.
Aux États-Unis dont les dépenses de recherche sont les plus
importantes du monde (représentant selon l’OCDE plus de 35 % des
dépenses mondiales), la répartition entre les composantes est de 63 %
pour le développement expérimental et de 37 %, répartis pour moitié
entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée.
Par rapport aux autres pays membres de l’OCDE, la France se
caractérise par un fort taux de recherche fondamentale (26 %), un faible
taux de développement expérimental (34 %), et une recherche appliquée
de l’ordre de 40 %. Ces chiffres reflètent la faiblesse de la part de la
recherche en entreprise, celle-ci étant majoritairement constituée de
développements expérimentaux.
Graphique n° 19 : dépenses de R&D par composantes
Source : données de l’OCDE 2009 (Australie et Suisse 2008, Corée 2010)
À l’inverse, en Chine, près de 83 % de l’effort de recherche est
concentré sur le développement expérimental et la place de la recherche
fondamentale est très faible (moins de 5 %).
En analysant l’évolution de ces différentes composantes entre
2000 et 2009, on observe que la part du développement expérimental a
décru en France. Parallèlement, la part de la recherche appliquée a
augmenté, tandis que la part de la recherche fondamentale est restée
stable.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
DES PERFORMANCES SCIENTIFIQUES MEILLEURES QUE LEURS RETOMBÉES
ÉCONOMIQUES
163
Les composantes de la recherche
La recherche fondamentale est le travail théorique ou expérimental
entrepris afin d’acquérir de nouvelles connaissances quant aux fondations
sous-jacentes de phénomènes et faits observables, sans application ou
utilisation particulière en vue.
La recherche appliquée est le travail entrepris afin d’acquérir de
nouvelles connaissances, dirigé principalement dans un but ou un objectif
pratique spécifique.
Le développement expérimental est un travail systématique, fondé sur
des connaissances existantes acquises par la recherche et/ou des expériences
pratiques, qui est entrepris afin de produire de nouveaux matériaux, produits
ou appareils, d’installer de nouveaux processus, systèmes ou services ou
d’améliorer de manière substantielle les éléments déjà produits ou installés.
Graphique n° 20 : évolution de la répartition des dépenses de
recherche par composante et par secteur entre 2000 et 2009 en
France
Source : données de l’OCDE 2000 à 2009
0
5000
10000
15000
20000
25000
30000
Année
2000
Année
2009
Année
2000
Année
2009
Année
2000
Année
2009
Année
2000
Année
2009
Opérateurs publics
Enseignement
supérieur
Entreprises privées
Secteur privé à but
non lucratif
M
Développement expérimental
Recherche appliquée
Recherche fondamentale
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
164
COUR DES COMPTES
La baisse de la part du développement expérimental est en partie
due à celle des montants qui lui sont consacrés par les opérateurs
gouvernementaux : alors que le montant total de leurs dépenses exécutées
a augmenté de 30,3 % entre 2000 et 2009, la part consacrée au
développement expérimental a baissé de 31,3 %. La hausse des dépenses
de recherche appliquée est, quant à elle, plus forte que la hausse moyenne
des dépenses, quel que soit le secteur dans lequel cette recherche est
réalisée.
Cette dynamique négative pose la question de l’efficacité de la
transformation
de
notre
recherche
appliquée
en
développement
expérimental.
2 -
Une performance en innovation très insuffisante au regard de
l’effort de recherche
L’OCDE définit l’innovation comme l’ensemble des démarches
scientifiques,
technologiques,
organisationnelles,
financières
et
commerciales qui aboutissent à la réalisation de produits ou procédés
technologiquement nouveaux ou améliorés. Même si l’innovation ne
dispose pas d'un cadre de mesure aussi structuré que la recherche et
développement, certains travaux récents permettent de situer la France en
la matière.
Ainsi,
l’Innovation Union Scoreboard 2011
, réalisé à l’initiative de
la société PRO INNO Europe, analyse huit thèmes d’innovation dans les
États membres de l’Union européenne à partir de 25 indicateurs. Elle
situe la France dans la moyenne européenne, dans la catégorie des pays
« suiveurs en matière d’innovation » (« Innovation followers »).
Le
Global Innovation Index 2012
, publié conjointement par
l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), l'Institut
européen d'administration des affaires (INSEAD) et ses experts
partenaires
100
, classe 125 pays en fonction de leur capacité d’innovation,
en se fondant sur cinq champs et 80 critères. Dans cet index, la France se
place au 24
ème
rang mondial. Elle recule de cinq places par rapport à
l’index 2009, et se situe loin derrière le Royaume-Uni (5
ème
mondial), les
États-Unis (10
ème
mondial) et l’Allemagne (15
ème
). Son rang (16
ème
sur 27)
100
Il s’agit de la quatrième édition de cet indice mondial. Pour l'édition 2012, les
partenaires étaient Alcatel-Lucent, Booz & Company et la Confédération des
industries indiennes (CII)). Depuis l’édition 2011, un comité scientifique composé
d’experts est chargé de suivre ces travaux. Un audit, mené par le
Joint Research
Centre
de la Commission européenne, confirme que la méthodologie utilisée par cet
index est solide.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
DES PERFORMANCES SCIENTIFIQUES MEILLEURES QUE LEURS RETOMBÉES
ÉCONOMIQUES
165
est tout aussi médiocre au sein de l'Union européenne. Cette approche
distingue, d’une part, la capacité d’un pays à innover et, d’autre part, sa
capacité à transformer l’innovation dans son économie. La France se situe
au 22
ème
rang mondial pour le premier indicateur et au 26
ème
pour le
second : elle est donc mieux placée pour produire de l’innovation que
pour la transformer dans sa propre économie.
3 -
La France, exportateur net de propriété intellectuelle, peine à
transformer les résultats de la recherche
Les indicateurs composites de l’INSEAD montrent que la France
est meilleure pour la « diffusion de la connaissance » (21
ème
rang mondial)
que pour l’« absorption de la connaissance »
101
(47
ème
rang). Ces
indicateurs composites s’appuient sur la base de données de la Banque
mondiale
102
. Une analyse de ces données montre en effet que la balance
technologique
103
de la France affiche, depuis l’année 2000, un solde
positif, en croissance continue (alors qu’il était négatif précédemment) :
la France est donc un « exportateur net » de propriété intellectuelle. En
2011, cette balance était de 5,75 Md$ (4,44 Md€). À l’inverse, la balance
commerciale totale
104
de la France est depuis 2005 négative, en
dégradation continue, sauf en 2009 et atteint -77,92 Md$ (60,14 Md€) en
2011.
101
Il s’agit de deux indicateurs composites calculés en pondérant quatre
sous-indicateurs. Cf
Global Innovation Index 2012.
102
World Development Indicators database
.
103
Différence, en M$, entre les
royalty and license fees receipts
et les
royalty and
license fees payments
. Ces échanges technologiques comprennent quatre grandes
catégories : transferts de technologie (cessions de brevets et de licences,
communication de savoir-faire) ; transfert (vente, cession de licences et de franchises)
de dessins, marques ou modèles ; prestations de services techniques, comprenant les
études techniques et d'ingénierie ainsi que l'assistance technique ; recherche-
développement à caractère industriel.
104
External balance on goods and services
,
World Development Indicators database.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
166
COUR DES COMPTES
Graphique n° 21 : balance technologique et commerciale sur 15 ans
Source : Cour des comptes à partir des données de la Banque mondiale
L’OCDE explique un excédent de balance technologique comme
suit : « Si la balance est excédentaire, cela peut être le résultat d'une très
grande
autonomie
technologique,
de
la
modicité
du
volume
d'importations de technologie ou d'une incapacité à assimiler les
technologies étrangères. Par ailleurs, la plupart des transactions
correspondent à des opérations entre sociétés mères et filiales. Il est donc
important de disposer d'informations qualitatives et quantitatives
complémentaires pour analyser correctement la position déficitaire ou
excédentaire d'un pays pendant une année donnée ».
Si les États-Unis sont certainement dans la position d’une grande
autonomie
technologique
qui
nécessite
moins
d’importations
de
technologies (le ratio entre le montant des importations de propriété
intellectuelle et le PIB est effectivement inférieur entre un tiers et la
moitié à celui de la France, du Royaume-Uni, du Japon ou de
l’Allemagne) et d’un marché intérieur très important, la France n’est pas
-6,00
-4,00
-2,00
0,00
2,00
4,00
6,00
Balance technologique
* 1 000
/ PIB
Moyenne 1997-2001 (BT/PIB)
Moyenne 2002-2006 (BT/PIB)
Moyenne 2007-2011 (BT/PIB)
-60,00
-40,00
-20,00
0,00
20,00
40,00
60,00
80,00
Balance commerciale
* 1 000
/ PIB
Moyenne 1997-2001 (BC/PIB)
Moyenne 2002-2006 (BC/PIB)
Moyenne 2007-2011 (BC/PIB)
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
DES PERFORMANCES SCIENTIFIQUES MEILLEURES QUE LEURS RETOMBÉES
ÉCONOMIQUES
167
dans cette situation. Le faible niveau d’importation de propriété
intellectuelle (un quart de moins, rapporté au PIB, que le Royaume-Uni),
ainsi que le faible niveau d’investissement direct étranger reflètent une
difficulté à assimiler les technologies étrangères en France.
De nombreuses études permettent aujourd’hui d’éclairer la
diversité des déterminants et processus d’innovation. Elles montrent la
multiplicité des formes d'innovation des entreprises, dont l'innovation
technologique ne constitue qu'une partie. Dans le rapport «
Pour une
nouvelle vision de l'innovation
»
105
, M. Pascal Morand et Mme Delphine
Manceau ont rappelé ainsi que l'innovation ne se limite pas à la R&D,
mais intègre un travail sur les usages, les modèles économiques, le design
et le marketing.
Pour autant, une des finalités de la recherche, avec le progrès des
connaissances, est l'amélioration des technologies afin de pouvoir
produire de l'innovation.
La production de l'innovation n'est plus considérée aujourd'hui
simplement comme un processus linéaire et séquentiel, permettant, à
partir de résultats obtenus par des organismes publics en recherche
fondamentale, de mener des recherches de plus en plus appliquées
aboutissant au développement d'un nouveau produit par le secteur privé.
Le processus innovant, guidé par les besoins du marché, comprend
de nombreuses interactions entre les différents acteurs aux différentes
étapes. L’étude de la direction générale de la compétitivité, de l’industrie
et des services
(DGCIS), publiée en mai 2011, portant sur
«
L’innovation
dans les entreprises, moteurs, moyens et enjeux
»,
montre notamment,
comment les coopérations en R&D, permettant l’acquisition des
connaissances externes et l’articulation entre compétences internes et
externes aux entreprises, sont des moyens essentiels pour innover
aujourd’hui.
Dans ce cadre, le lien entre la recherche publique et les entreprises
est un enjeu majeur pour la création de valeur et l'innovation.
105
MORAND Pascal et MANCEAU Delphine.
Rapport
Pour une nouvelle vision de
l'innovation
. La Documentation française, mai 2009.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
168
COUR DES COMPTES
B - Des leviers d’action à renforcer
Si la principale faiblesse de la France réside dans le niveau
d’investissement privé dans la recherche, lui-même lié au phénomène de
désindustrialisation que connaît l’économie nationale depuis une
quinzaine d’années, la recherche publique n'en a pas moins un rôle
majeur à jouer dans l’innovation et dans la création de valeur
économique. Plusieurs actions ont été mises en place dans ce sens, mais
leur application est encore lacunaire et leur champ n'est pas suffisamment
large.
1 -
Promouvoir une culture de l’intelligence économique dans les
établissements de recherche
Le financement public d’une recherche fondamentale de qualité
doit permettre de répondre à des enjeux de long terme. Il ne doit donc pas
ignorer l’enjeu du maintien du tissu industriel et de la commercialisation
des produits innovants sur le territoire.
L’État s’est doté, en mars 2012, d’un « guide de l’intelligence
économique pour la recherche », qui présente les actions fondamentales à
mettre en place par les opérateurs de recherche pour se doter d’une
politique d’intelligence économique. Il leur fournit, à travers cinq fiches,
une soixantaine de recommandations très concrètes concernant la veille
stratégique, la gestion du patrimoine immatériel, la sécurité des systèmes
d’information, le développement de l’interface entre la recherche
publique et le monde socio-économique et la politique internationale.
La prise en compte de ces enjeux est aujourd’hui très inégale chez
les opérateurs de recherche.
Certains opérateurs spécialisés, comme le CNES ou le CEA, ont
une organisation historiquement tournée vers les filières industrielles.
Plusieurs autres opérateurs ont entrepris récemment des démarches en vue
d'accroître l’efficacité du transfert des résultats de leurs recherches vers le
monde socio-économique.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
DES PERFORMANCES SCIENTIFIQUES MEILLEURES QUE LEURS RETOMBÉES
ÉCONOMIQUES
169
Exemple d'une étude du CNES
Une étude, menée par le CNES en amont du financement d'un projet
par le programme des investissements d’avenir, mérite d’être citée en
exemple. Elle identifie précisément :
- les applications commercialement pertinentes du projet ;
- le marché cible correspondant ;
- les acteurs français qui auraient de vrais avantages compétitifs sur
certaines applications et pourraient être de bons supports à un développement
commercial efficace ;
- enfin, les leviers qui peuvent être appliqués par le CNES ou l'État
pour maximiser les chances des filières françaises de capturer la valeur
identifiée.
Le programme des investissements d’avenir, dont l’objectif est
d’avoir un impact positif sur la croissance nationale, prévoit de mesurer
les retours socio-économiques des projets financés. Il doit être l’occasion
pour l’ensemble des acteurs de prendre conscience de ces enjeux et de
développer des méthodologies adéquates.
2 -
Accroître la sensibilisation et la formation des chercheurs à la
valorisation
Un des axes de développement de la valorisation et du transfert des
résultats de la recherche publique dans l’économie est d’améliorer la
sensibilisation et la formation des chercheurs.
Plusieurs dispositions sont mises en oeuvre par les opérateurs de
recherche : organisation de formations au niveau national ou directement
dans les laboratoires, mise en place de correspondants au niveau de
l’opérateur ou d’une filiale spécialisée. Cependant, l'évaluation des
chercheurs et enseignants-chercheurs ne prend pas suffisamment en
compte les activités de valorisation et de transfert.
Depuis 2011, un critère spécifique portant sur l’activité de
valorisation a été ajouté aux critères d’attribution de la prime
d’excellence scientifique des chercheurs et enseignants-chercheurs,
principale prime attribuée sur des critères scientifiques.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
170
COUR DES COMPTES
3 -
Appliquer et étendre le champ des dispositifs de la loi de 2006
visant à favoriser le transfert aux PME
La Cour avait souligné, dans son rapport public annuel de 2011,
que l’ANR ne mettait pas en oeuvre le dispositif spécifique de valorisation
des résultats des recherches publiques qu’elle subventionne, tel qu’il est
prévu par l’article L. 329-7 du code de la recherche. Ce dispositif, qui
s'inspirait du
Bayh Dole Act
américain
106
, en réservant de façon prioritaire
la
valorisation
des
projets
soutenus
par
l'ANR
à
des
PME
communautaires, n'était en effet tout simplement pas appliqué : il ne
figurait pas dans les conventions d'aide de l'agence. Cette disposition
avait été perdue de vue, alors même qu'il s'agissait d'un des rares articles
de loi applicable à l’ANR.
Ce n’est qu’en décembre 2012 que le conseil d’administration de
l’ANR a adopté des mesures visant à rendre opérationnelle cette
disposition législative, à travers son introduction dans les conventions
d’aide. L’ANR ne souhaite néanmoins pas rendre le suivi de sa mise en
oeuvre systématique.
C'est pourtant au travers de tels dispositifs que les retombées
économiques de la recherche publique pourront être renforcées sur le
territoire national. De tels dispositifs pourraient trouver à s'appliquer dans
un cadre plus large que celui des aides de l'ANR. Ils auraient pu être
retenus dans le cadre des investissements d'avenir ou encore de l'activité
de valorisation des organismes et des universités.
D'une manière générale, le rôle des opérateurs publics en matière
de transfert vers l'économie mérite d'être affirmé.
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
_________
Les bons résultats de la recherche en matière de publications et les
distinctions internationales accordées à des chercheurs français sont une
mesure essentielle de leur performance. Il ne fait pas de doute que la
recherche, instrument du progrès de la connaissance et outil de formation
106
Le Bayh-Dole Act est une loi votée en 1980 par le Congrès des États-Unis, avec
pour objectif d’ancrer la propriété intellectuelle et la création de valeur et d’emplois
sur le sol américain. Elle permet aux universités et organismes de recherche à but non
lucratif bénéficiant de fonds publics de breveter leurs inventions sans avoir à
demander l’aval de l’agence fédérale qui les a financées. Les détenteurs de brevets
doivent, en échange, favoriser le transfert de leurs technologies par des licences
exclusives bénéficiant préférentiellement à des PME américaines.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
DES PERFORMANCES SCIENTIFIQUES MEILLEURES QUE LEURS RETOMBÉES
ÉCONOMIQUES
171
universitaire irremplaçable, a une valeur en soi et suscite des retombées
économiques diffuses et mal mesurées à ces deux titres.
La politique de recherche s'efforce par ailleurs de développer des
instruments visant à stimuler une circulation fluide entre le monde de la
recherche et celui de l'entreprise, à assurer un continuum de l'amont vers
l'aval et à faciliter la transformation des découvertes de la science en
innovations sur le marché.
Or, il existe des signes d'une difficulté particulière à cet égard :
étanchéité relative des circuits de financement de la recherche publique
et de la recherche en entreprise ; difficulté de mise en oeuvre des
instruments du Programme des investissements d'avenir visant à associer
financements publics et privés dans des dispositifs partenariaux de type
IRT ou Instituts Carnot ; baisse des performances françaises dans la
participation aux programmes européens, accentuée sans doute par le
déplacement vers l'aval du centre de gravité du programme-cadre ;
circulations de carrière des chercheurs vers l'entreprise qui demeurent
l'exception. En outre, les performances des chercheurs en matière de
valorisation ne sont, dans les faits, pas suffisamment prises en compte
dans leur évaluation.
Le positionnement de la France en matière de compétitivité ajoute
à ces signaux des constats plus explicites qui vont malheureusement dans
le même sens. Il y a derrière cette situation des causes plus
profondes : une performance de la France bonne en recherche, moins
bonne en innovation. La France a davantage tendance à exporter ses
technologies qu'à en développer les usages sur son territoire au profit de
son industrie.
Il y a plus largement des problèmes de compétitivité globale, et, au
premier chef, la faiblesse des marges bénéficiaires des entreprises
françaises par rapport à leurs concurrents, comme l’avait déjà souligné
la Cour dans son rapport sur les prélèvements fiscaux et sociaux France-
Allemagne
107
.
Les dispositifs publics autres que le
crédit d’impôt recherche
(
CIR)
qui visent à soutenir la recherche et l'innovation des entreprises, le
recours de celles-ci à la recherche publique, la valorisation et le transfert
des résultats de la recherche sont foisonnants, pour certains redondants,
et appellent de toute évidence un effort de simplification.
107
Cour des comptes,
Rapport public thématique
:
Les
prélèvements fiscaux et
sociaux en France et en Allemagne
. La Documentation française, Mars 2011. p. 27 à
30, disponible sur www.ccomptes.fr
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
172
COUR DES COMPTES
Les organismes publics et les universités devraient dans ce
contexte développer une plus grande conscience des enjeux économiques
de la recherche et mieux s'approprier la culture de l'intelligence
économique.
Il faudra également veiller à ce que les nouveaux opérateurs de
transfert de technologies créés dans le cadre du programme des
investissements d’avenir (PIA), les sociétés d’accélération du transfert de
technologie (SATT), n'affaiblissent pas les opérateurs publics existants
dans ce domaine.
Enfin, la valorisation des résultats des recherches publiques sur le
territoire national doit être encouragée.
En conséquence, la Cour formule les recommandations suivantes :
17.
simplifier les aides financières en faveur de la recherche des
entreprises ou destinées à soutenir les actions partenariales, de
valorisation ou de transfert des opérateurs publics ;
18.
mieux prendre en compte la valorisation, ainsi que la participation
aux
programmes
communautaires,
dans
les
évaluations
des
chercheurs et des unités de recherche ;
19.
renforcer la part accordée au transfert et au développement
technologique dans les indicateurs de performance de la politique de
la recherche ;
20.
étendre et appliquer les mécanismes favorisant le transfert de la
recherche soutenue par l'État au profit des PME communautaires.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
Conclusion générale
Un rang scientifique maintenu
Avec 3,9 % des publications scientifiques mondiales en 2010, la
France occupe le sixième rang, derrière les États-Unis, la Chine, le Japon,
l'Allemagne et le Royaume-Uni. Elle représente 6,4 % des brevets
européens, soit le quatrième rang derrière les États-Unis, l'Allemagne et
le Japon et est au huitième rang pour l'obtention de brevets aux États-
Unis.
La France semble donc tenir son rang en matière de recherche,
d'autant que la visibilité des publications françaises, mesurée par leur
indice d'impact à court terme, est supérieure à la moyenne et tend à
croître.
Ces résultats ont été favorisés par le traitement réservé au secteur
de la recherche dans le budget de l'État : la programmation des moyens
budgétaires annexée à la loi de 2006 a été respectée dans ses grandes
lignes, et la recherche a été exemptée des mesures de réduction des
effectifs et de la dépense qui ont affecté la plupart des autres
départements ministériels. Il y a aujourd’hui davantage de financement
pour la conduite des activités de recherche dans les organismes et les
universités, ce qui se traduit notamment par une augmentation des
effectifs.
Si les financements apportés par l’État ont crû sensiblement depuis
2006 pour atteindre un niveau estimé de 20,8 Md€ en 2013, y compris la
dépense fiscale associée au crédit d’impôt recherche (CIR), la part du PIB
consacrée à la recherche est restée stable sur dix ans, autour de 2,2 %.
Cette situation tient principalement à la faiblesse de la dépense de
R&D des entreprises, qui mérite d’être caractérisée précisément.
Excepté pour les entreprises de taille intermédiaire, cette faiblesse
ne tient pas à une intensité en R&D des entreprises, insuffisante ou
insuffisamment dynamique, mais à une spécialisation sur des secteurs
faiblement intensifs en R&D, liée en particulier à la baisse de la part de
l’industrie dans le PIB. Si elle peut favoriser le renouvellement du tissu
économique à partir de secteurs de pointe, la politique de la recherche n’a
pas toutes les clés de cette situation. Se pose en outre la question de la
crédibilité et de la pertinence de l’objectif que s’est assignée la France
d’abord pour 2010, puis pour 2020, de consacrer 3 % de son PIB à la
recherche et développement.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
174
COUR DES COMPTES
Des priorités nécessaires
La conjoncture ne permet pas d'envisager des flux budgétaires
nouveaux significatifs de la part de l'État, à la différence de l’Allemagne,
dans un contexte où, par ailleurs, la France tient son rang en termes de
publications et de dépôts de brevets. La croissance des avantages fiscaux
découlant du crédit d’impôt recherche (CIR) pour les entreprises
imposera toutefois de prévoir dans l'équilibre de la loi de finances pour
2014 un ressaut de l'ordre de 1,8 Md€, après un effort de 1,05 Md€ déjà
intégré dans la loi de finances pour 2013. Dans les années à venir, il sera
difficile de concilier la croissance attendue de la dépense fiscale associée
au CIR et le maintien d’une priorité en matière de crédits budgétaires
alloués à la recherche. La Cour consacrera à l'été un rapport spécifique à
l'évolution et aux conditions de maîtrise du CIR, à la demande de la
commission des finances de l'Assemblée nationale.
Maintenir des performances scientifiques d'excellence et en
améliorer les retombées économiques supposent de rendre le système de
financement public de la recherche plus efficace. Il importe à cet égard
que les financements apportés par l'État reposent sur des bases plus
lisibles et des priorités clairement affichées, que les instruments soient
simplifiés et fassent l'objet d'un pilotage plus transparent. Dans tous ces
domaines, il existe d'importantes marges de progression.
Le pilotage assuré par le ministère chargé de la recherche sur les
dépenses se réalise pour l'essentiel dans le cadre d'une négociation
opérateur par opérateur, sans reposer suffisamment sur une vision de
synthèse et sur des priorités financières par grands secteurs de recherche.
La France a rapproché son système de financement de la recherche
des pratiques de ses principaux partenaires, en renforçant le rôle des
universités et en augmentant le niveau des financements sur projets. Sur
ces deux plans, le système français de recherche reste encore singulier. Le
rôle des universités dans le financement et l'intégration de la recherche ne
progresse que lentement. Les financements sur projets n'occupent en
France qu'une place quantitativement modeste. Il est donc essentiel de ne
pas la réduire mais, bien au contraire, de l’augmenter.
Le rôle bénéfique des financements sur projets
La création de l'Agence nationale de la recherche (ANR), sa
réorganisation puis la réduction de ses moyens d'intervention se sont
réalisées sans qu'un contrat d'objectif soit conclu avec l'État, alors qu'il
serait nécessaire pour arrêter des choix de programmation stables et
cohérents, et pour progresser sur la mesure de l'impact des aides de
l'agence.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
CONCLUSION GÉNÉRALE
175
Le
programme
des
investissements
d'avenir
apporte
des
financements sur dix ans sur la base de critères d'excellence permettant de
développer des projets de recherche sur une longue période et soutenant
des projets difficiles à financer dans le cadre budgétaire classique
(équipements d’excellence, cohortes de patients en recherche médicale).
Il n'en présente pas moins des risques, plus particulièrement sur les
programmes
initiatives d’excellence
,
sociétés d’accélération du transfert
de technologie
(SATT) et
instituts de recherche technologique
(IRT).
Pour les projets qui ne répondraient pas aux conditions des conventions
de financement, les conséquences devront être tirées et les financements,
ainsi libérés, réaffectés. Il serait en effet dommageable que les
investissements d'avenir ne viennent figer pour dix ans le périmètre
d'excellence de la recherche française.
La dynamique de croissance qu’ont connue les financements sur
projets par rapport aux financements récurrents, depuis 2006, ne doit pas
être arrêtée, car elle a montré son efficacité en dépit de certains effets
pervers qui doivent être corrigés.
Il importe dans le même esprit d’être également vigilant quant au
niveau de participation de la France aux programmes européens.
Une réforme nécessaire du cadre de gestion des établissements
La montée en puissance des financements sur projets s'est
accompagnée d’une prise en compte trop faible des frais généraux. Il en
est résulté des charges fixes supplémentaires pour les établissements,
réduisant ainsi leurs marges de manoeuvre financières. Les modalités de
gestion attachées aux financements sur projets, bénéficiant directement
aux laboratoires, ont ainsi accentué leur autonomie vis-à-vis de leurs
organismes d’appartenance et diminué la qualité du pilotage de ces
derniers.
Le système de recherche repose sur les unités mixtes de recherche,
associant des partenaires - universités, grandes écoles, organismes - dont
chacun n'a qu'une vision partielle des financements de l'unité et dont la
gestion se trouve de ce fait même fragmentée. La part plus importante
prise par les financements sur projets et la multiplication des structures de
coopération,
notamment
pour
la
gestion
du
programme
des
investissements d’avenir, ont accru la complexité de la gestion. Pour
remédier à cette situation, la mise en place d’une unicité de gestion des
unités
mixtes
est
indispensable.
L’interopérabilité
des
systèmes
d’information en est une condition.
Les financements sur projets sont concentrés sur le fonctionnement
des laboratoires et les dépenses de personnel occasionnel, tandis que la
règle du maintien des plafonds d'emplois des opérateurs rattachés au
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
176
COUR DES COMPTES
ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche a accru la part
représentée par la masse salariale des personnels sous statut dans les
charges financées par la subvention globale versée par l'État. Ces
mécanismes délaissent les dépenses d'équipement scientifique, alors que
celui-ci joue un rôle déterminant dans la compétition internationale en
matière de recherche.
Le financement apporté par l'État à ses opérateurs dans le domaine
de la recherche doit correspondre à une vision à moyen terme de l'emploi
scientifique par grands champs du savoir. C'est à ce niveau que se
détermine l'orientation future de nos forces de recherche. En la matière, la
fonction de gestion prévisionnelle du ministère de l'enseignement
supérieur et de la recherche, comme celle des organismes de recherche,
reste insuffisante.
Des retombées économiques insuffisantes
Enfin, les retombées économiques de l'activité de recherche sur le
territoire national n'ont pas fait l'objet d'une attention suffisante. La
culture du transfert reste peu développée chez la plupart des acteurs
publics de la recherche. Les dispositifs de soutien à la recherche des
entreprises sont multiples, et doivent être simplifiés.
Dans ces conditions, la France n'est pas en mesure de tirer le
meilleur parti, en termes de croissance et d'emplois, de l'effort de
recherche qu'elle finance, en dépit de résultats en matière de publications
qui attestent que la recherche française continue de se situer à un
excellent niveau dans les comparaisons internationales.
Les nécessaires contreparties à la priorité budgétaire : une
sélectivité et une évaluation accrues
La priorité accordée à la recherche a justifié que, depuis près de
dix ans, ce secteur soit exempté des mesures les plus contraignantes de
régulation de la dépense publique telles que la norme de dépense de l’État
ou le non-remplacement d’un agent sur deux. De fait, les dépenses de
l’État en faveur de la recherche ont continué de progresser au-delà de la
crise de 2008, à un rythme moins soutenu, il est vrai, après 2010.
Cette exception à la politique budgétaire nationale doit avoir des
contreparties. Faute d’une sanction par le marché ou d’une performance
directement perceptible par des usagers, cette contrepartie doit consister
en un double effort de sélectivité et d’évaluation de ceux auxquels elle
bénéficie. La montée des financements compétitifs et l’amélioration des
procédures d’évaluation, décidées en même temps qu’était formalisée la
priorité budgétaire accordée à la recherche, en ont été deux traductions
complémentaires.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
CONCLUSION GÉNÉRALE
177
Quelle qu’en soit la forme, le maintien de cette double exigence,
une sélectivité des financements qui les fasse attribuer en priorité aux
meilleures équipes et aux projets les plus prometteurs, et une fonction
d’évaluation qui éclaire ces choix et en mesure les résultats, restent
indispensables si l’on veut justifier, dans la durée, la priorité budgétaire
dont a bénéficié la recherche. Une telle priorité doit également pouvoir
s’appuyer sur une vision consolidée des financements par grands secteurs
scientifiques, une gestion prévisionnelle des emplois et une attention
renforcée aux retombées économiques des résultats de la recherche sur le
territoire national.
Afin d'améliorer l'efficacité du système de financement public de
la recherche, la Cour formule les 20 recommandations ci-après.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
Récapitulatif des recommandations
Au titre des aspects budgétaires et macro-économiques :
1.
programmer à moyen terme les crédits de l’État destinés à la
recherche par grands secteurs scientifiques en prenant notamment
appui sur les cinq alliances de recherche existantes et identifier dans
cette programmation la part des financements compétitifs nationaux ;
2.
donner dans les documents annexés aux lois de finances des éléments
de synthèse sur l’ensemble des crédits destinés à la recherche par
grands secteurs scientifiques ainsi que sur les aides fiscales ;
3.
accélérer la production des données relatives au crédit d’impôt
recherche et intégrer dans les prévisions budgétaires de 2014 le
ressaut inéluctable de la dépense fiscale à cette échéance ;
4.
remplacer le taux conventionnel de 50 % d'activité de recherche
attribuée aux enseignants-chercheurs par des taux reflétant leur
activité
de
recherche
statistiquement
constatée
par
grandes
disciplines ;
5.
sans remettre en cause l’engagement de consacrer
3
% du PIB à la
R&D, fixer un objectif intermédiaire réaliste et mobilisateur ;
6.
décliner cet objectif dans ses deux composantes, administrations et
entreprises, et le compléter par un indicateur sur les dépenses de
R&D des entreprises par branche d’activités.
Au titre des financements sur projets :
7.
poursuivre le développement du financement de la recherche sur
appels à projets ;
8.
définir les priorités de programmation de l’Agence nationale de la
recherche ainsi que les autorisations d’engagement y afférentes dans
un contrat pluriannuel de performances avec l'État, et assortir cette
programmation de mesures d’impact des aides de l’agence ;
9.
uniformiser les règles d'éligibilité et de présentation des projets pour
les différents dispositifs de financements compétitifs nationaux ;
10.
mettre un terme aux projets des investissements d’avenir qui n’auront
pas atteint leurs objectifs lors des bilans d’étape ;
11.
mieux articuler la programmation nationale avec les orientations du
programme-cadre
pour
la
recherche
et
le
développement
technologique de l’Union européenne.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
180
COUR DES COMPTES
Au titre du financement des établissements :
12.
élargir le volume des frais généraux éligibles aux financements sur
projets par référence aux taux qui seront mis en oeuvre par l’Union
européenne ;
13.
réserver les recrutements en contrats à durée déterminée financés
directement sur projet aux doctorants et post-doctorants et limiter à
deux l’enchaînement de contrats post-doctoraux au sein d’un
établissement ;
14.
établir sans délai une unicité de budget, de comptabilité et de règles
de gestion pour les unités mixtes de recherche ;
15.
mettre en place un suivi coordonné des investissements scientifiques
et charger l’ANR de procéder régulièrement à des appels à projets
dans ce domaine ;
16.
développer, chez les opérateurs et au ministère, une gestion
prévisionnelle
des
emplois
et
des
compétences
par
grands
secteurs scientifiques
et
fixer,
dans
ce
cadre,
des
objectifs
mesurables en matière de mobilité entre les corps d'enseignants-
chercheurs et de chercheurs et avec le secteur privé.
Au titre des retombées économiques de la recherche :
17.
simplifier les aides financières en faveur de la recherche des
entreprises ou destinées à soutenir les actions partenariales, de
valorisation ou de transfert des opérateurs publics ;
18.
mieux prendre en compte la valorisation, ainsi que la participation
aux
programmes
communautaires,
dans
les
évaluations
des
chercheurs et des unités de recherche ;
19.
renforcer la part accordée au transfert et au développement
technologique dans les indicateurs de performance de la politique de
la recherche ;
20.
étendre et appliquer les mécanismes favorisant le transfert de la
recherche soutenue par l'État au profit des PME communautaires.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
ANNEXES
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
Annexe n° 1
Opérateurs rattachés aux programmes de la
MIRES (hors vie étudiante)
Programme
150
Formations
supérieures
et
recherche
universitaire :
universités, ENS, IEP, AMUE, établissements à vocation
d'enseignement supérieur et de recherche (CNAM, Paris-Dauphine,
EPHE, EHESS, École des Chartes,…), établissements à vocation
principale de recherche (Institut physique du globe de Paris, Muséum
national d'histoire naturelle, Fondation maison des sciences de l'homme,
Observatoire de Paris,…), chancelleries des universités, collège de
France, écoles d'ingénieurs sous tutelle du ministère de l'enseignement
supérieur et de la recherche, écoles françaises à l'étranger, etc.
(193 opérateurs au total).
Programme 172
Recherches scientifiques et technologiques
pluridisciplinaires
:
ANR, CNRS, CEA (activité sciences du vivant),
INED, INRIA, INSERM, Institut Paul Emile Victor, Académie des
technologies, Observatoire des sciences et des techniques, Génopole,
IHEST.
Programme 187
Recherches dans le domaine de la gestion des
milieux et des ressources
: INRA, BRGM, IRSTEA (ex-CEMAGREF),
CIRAD, IFREMER, IRD.
Programme 193 Recherche spatiale
: CNES.
Programme 190
Recherche dans les domaines de l'énergie, du
développement et de l'aménagement durables
: IFP, IRSN, IFSTTAR
ainsi que des contributions aux activités de l'ADEME, l'ANSES, du CEA
et de l'INERIS.
Programme 192
Recherche et enseignement supérieur en matière
économique et industrielle
: Écoles des mines, groupement des écoles
nationales d'économies et statistiques, Institut Mines-Télecom, Supélec.
Programme 191
Recherche duale (civile et militaire)
: une part des
activités du CEA et du CNES.
Programme 186 Recherche culturelle et culture scientifique
:
Universcience.
Programme 142
Enseignement supérieur et recherche agricoles
:
Association de coordination technique agricole et des industries
agroalimentaires, écoles d'enseignement supérieur agricole et vétérinaire
et pour une part de leur activité l'INRA et l'IRSTEA.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
184
COUR DES COMPTES
Annexe n° 2
Les principales stratégies d'allègement fiscal en
faveur de la R&D dans le monde
D'après l'OCDE
108
en 2011, 26 des 34 pays de l'OCDE offraient
des incitations fiscales en faveur de la R&D ainsi que plusieurs
économies émergentes comme la Russie, la Chine ou encore le Brésil.
1 -
Panorama d'ensemble
Malgré la diversité des dispositifs mis en place dans le monde,
trois stratégies principales d’allègement fiscal peuvent être distinguées.
Le système le plus répandu permet aux entreprises de déduire de
leur assiette imposable un pourcentage de leurs investissements de R&D,
ce qui a pour conséquence de réduire l'impôt dû. Ainsi l'Inde dispose
d'une super déduction de 200 % des dépenses engagées pour la R&D
réalisée en interne, tout comme le Royaume-Uni.
Le crédit d'impôt recherche constitue une deuxième stratégie
d'allègement fiscal. Les principaux pays à avoir adopté un tel système
sont l'Australie, l'Autriche, le Canada, la Corée, l'Espagne, les États-Unis,
la France, l'Italie, l'Irlande, le Japon, la Norvège, les Pays-Bas et le
Portugal. Les taux et les modalités d'application de ces crédits d'impôt
diffèrent fortement entre les pays.
La troisième stratégie d'incitation fiscale repose sur l'exonération
pour certains emplois liés au développement de la R&D d'une partie ou
de la totalité des charges sociales. La Belgique, les Pays-Bas et la Turquie
ont mis en place ce type de mesures.
Certains pays ont enfin fait le choix de privilégier les subventions
directes à la R&D. C'est le cas de la Suède, mais aussi de l'Allemagne,
qui dispose par ailleurs d’un dispositif de droit commun de plafonnement
des charges sociales pour les personnels de R&D sans les cibler.
2 -
Quelques exemples de stratégies d'allègement fiscal
Le Canada dispose d'un système de crédit d'impôt recherche
proche du système français, d'une part du fait de son coût, et d'autre part,
108
Rapport remis le 20 septembre 2011 à la demande de la commission des finances
du Sénat des États-Unis.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
ANNEXES
185
parce qu'il repose également sur le volume des dépenses de R&D.
Toutefois, le programme d'incitation fiscale pour la recherche scientifique
& développement expérimental (RS&DE) repose sur une assiette plus
restreinte et est plafonné. Les provinces offrent aussi d’importantes
incitations fiscales en faveur de la R&D. Les réformes engagées en 2012
dans un contexte de tension budgétaire réduisent fortement l’avantage
accordé aux grandes entreprises par rapport aux PME.
Le dispositif d’incitation fiscale aux États-Unis fut développé en
1981 dans le cadre de l’Economy Recovery Tax Act (ERTA). Le
Research & Experimentation Tax Credit (RETC) est une mesure
provisoire qui a été reconduite quatorze fois depuis 1981. Il a expiré le
31 décembre 2011 et la décision de le prolonger n’a pas encore été
adoptée. Le RETC est un crédit d'impôt recherche en accroissement qui
offre deux taux, celui du calcul dit « normal » (20 % de la différence
entre le total des dépenses R&D et une base calculée pour l’année n
109
), et
celui du calcul alternatif simplifié de 14 % des dépenses R&D qui
dépassent 50 % de la moyenne des trois années précédentes. Entre
2001 et 2008, le montant moyen de la dépense fiscale encourue par le
RETC était de 5 779 M$.
Ce programme est caractérisé par des modalités qui doivent
permettre de limiter au maximum les effets d'aubaine. Le Président des
États-Unis a proposé de rendre le dispositif pérenne et d'augmenter le
taux du crédit alternatif simplifié de 14 % à 17 % pour un coût total
approximatif de 100 Md$ entre 2012 et 2022, soit en moyenne 7,7 Md€
par an.
L’Espagne dispose de mesures d'incitation fiscale en faveur de la
R&D qui comportent un volet « volume » et un volet « accroissement. »
Malgré des taux élevés, la dépense fiscale reste limitée, en raison de sa
faible utilisation par les entreprises espagnoles. Le coût du dispositif est
ainsi passé de 205 M€ en 2002 à 262 M€ en 2008.
Avec le Canada et la France, la Corée est un des pays les plus
attractifs en termes d'incitations fiscales en faveur de la R&D. Le crédit
d'impôt peut être calculé, soit en fonction du volume des dépenses de
recherche, soit de l'accroissement, et les taux sont modulés en faveur des
PME. En 2008, le coût de ce dispositif représentait 0,19 % du PIB de la
Corée.
109
Le calcul de cette base pour l’année n est : (moyenne des dépenses R&D entre 84
et 88/moyenne des recettes)*(moyenne des chiffres d’affaires de n-5 à n-1).
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
186
COUR DES COMPTES
Le Royaume-Uni propose un système qui favorise les PME et
repose sur des déductions de l'assiette imposable de l'impôt sur les
sociétés. Depuis avril 2012, les PME peuvent déduire de l'assiette 225 %
des dépenses éligibles de R&D. Le taux pour les grandes entreprises est
de 130 %. En 2010-2011, le coût de ce dispositif était de 1,1 Md£
(1,3 Md€). Les récentes réformes du R&D Tax Credit vont dans le sens
d’une extension de ce dispositif.
L'Allemagne ne dispose pas d'incitation fiscale en faveur de la
R&D, mais présente néanmoins de bons résultats dans ce domaine. La
question de l'adoption de mesures d'incitation fiscale a été soulevée à
plusieurs reprises au cours des dernières années, sans qu'aucune décision
ait été prise en ce sens.
Selon l’OCDE, « la tendance générale [des politiques récentes] a
été d'améliorer la disponibilité, la simplicité d'utilisation et la générosité
des incitations fiscales en faveur de la R&D
110
. » L'Australie a ainsi
remplacé en 2011 un double système de déductions fiscales sur le volume
(125 %) et sur l’accroissement (175 %), par un dispositif de crédit
d’impôt sur le volume. De même, certains pays ont augmenté les taux des
abattements disponibles comme par exemple au Royaume-Uni, ou les
plafonds des crédits d'impôts, comme ce fut le cas au Japon. La
modulation en faveur des PME est également un enjeu majeur des
réformes des stratégies d'allègement fiscal en faveur de la R&D. Dans
cette optique, la réforme en 2012 du dispositif canadien d’incitations
fiscales repose sur une réduction des taux du crédit d’impôt sensiblement
plus forte pour les grandes entreprises que pour les PME. Une telle
modulation caractérise aussi les dispositifs de la Corée, du Royaume-Uni
et de l’Australie.
La plupart des pays ont connu des modifications de leurs
dispositifs depuis 2008. Les conditions économiques récentes ont en effet
accentué la concurrence fiscale dans le domaine de la R&D, provoquant
une plus grande volatilité des mesures mises en place dans un contexte
également marqué par des politiques de réduction des déficits et dettes
publiques.
110
Rapport OCDE, Science, Technology and Industry Outlook 2012, p. 165.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
ANNEXES
187
Annexe n° 3
Méthode de répartition des crédits universitaires
sur les actions recherche
La méthodologie a été arrêtée à la fin de 2004 et mise en oeuvre en
2005. Pour les dépenses de personnel, elle repose sur le système
analytique de répartition des moyens alors utilisé, le système dit Sanremo.
Les dépenses de personnel IATOS sont réparties, sauf cas particulier, à
hauteur de 17,99 % dans les actions recherche (soit 9 956 emplois
affectés aux actions recherche), l'affectation entre les domaines
scientifiques étant effectuée au prorata des effectifs enseignants-
chercheurs établie à partir des différentes sections du conseil national des
universités. Les personnels enseignants-chercheurs sont répartis, après
prise en compte de ceux affectés sur des fonctions de pilotage, sous
l'hypothèse qu'ils consacrent 45 % de leur temps à la recherche et 55 % à
l'enseignement, y compris pour les personnels enseignants dans les
centres hospitalo-universitaires (soit 22 039 emplois d'enseignants-
chercheurs et 4 250 enseignants en centres hospitalo-universitaires
affectés sur les actions recherche).
Cette répartition a fait l’objet d’un certain nombre de modifications
de périmètre, en particulier en 2007 : les allocations de recherche ont
alors été transférées du programme 172 "recherches scientifiques et
technologiques pluridisciplinaires" au programme 150 « formation
supérieure
et
recherche
universitaire »,
dans
l'action
recherches
interdisciplinaires et transversales pour un montant de 305 M€ ; à
l'inverse, 87,4M€ ont été transférés des actions portant la recherche
universitaire vers l'action relative à l’immobilier du programme 150, de
sorte que celle-ci regroupe cette fonction dans sa globalité. La clé de
répartition définie en 2004 a été remplacée par la suite par une clé de
répartition à 50 %, choix justifié selon le ministère de l’enseignement
supérieur et de la recherche par les obligations statutaires des
enseignants-chercheurs, sans que mention en soit faite dans les
documents annexés aux lois de finances.
S'agissant des crédits de masse salariale, ceux correspondant à la
masse salariale directement versée par l'État sont ajustés au moment des
projets de loi de finances en fonction des résultats d'une enquête menée
auprès des établissements sur l'affectation de leur personnel. Ceux qui ont
été transférés aux universités, ce qui est désormais le cas de l'essentiel des
crédits de personnel du programme 150, ont été affectés aux universités
sur la base de la répartition préalablement établie par le ministère de
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
188
COUR DES COMPTES
l’enseignement supérieur et de la recherche. Enfin, les évolutions
tendancielles, comme la hausse du compte d'affectation spéciale portant
les pensions, sont réparties au prorata des crédits de masse salariale.
De façon générale, seules les mesures nouvelles clairement
identifiées viennent s'imputer sur l'action spécifiquement concernée. Pour
le reste, la base évolue de façon homothétique d'une année sur l'autre.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
ANNEXES
189
Annexe n° 4
Manuel de Frascati
Le Manuel de Frascati, « méthode type proposée pour les enquêtes
sur la recherche et le développement expérimental », est élaboré par
l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE),
qui depuis 1963, s’est attachée à identifier et définir la R&D pour guider
les mesures internationales de la recherche.
Il traite exclusivement de la mesure des ressources humaines et
financières consacrées à la recherche et au développement expérimental
(R&D), souvent qualifiées « d’intrants » de la R&D. Il contient les
définitions des notions de base, des principes directeurs pour la collecte
de données ainsi que les classifications à utiliser pour la compilation des
statistiques.
L'OCDE organise, autour du manuel de Frascati, des groupes de
travail réunissant les experts nationaux sur les statistiques de R&D, afin
de préciser les concepts ou de faire évoluer les indicateurs de science et
de technologie (IST), mais aussi les classifications utilisées. L'objectif
poursuivi est de disposer de statistiques et d’indicateurs fiables et
comparables. Les rapports de l’OCDE sur les indicateurs de la science et
de la technologie, la série de l’OCDE portant sur la politique scientifique
et technologique ainsi que le Tableau de bord d’indicateurs de la science,
de la technologie et de l’industrie fournissent des mesures de l’ampleur et
de l’orientation de la R&D dans divers pays, secteurs, industries,
domaines scientifiques et autres catégories de classification.
Les reprises du Manuel (la sixième version date de 2002) et ses
interprétations divergentes, toujours actuelles, montrent combien ces
concepts sont difficiles à appréhender.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
190
COUR DES COMPTES
Annexe n° 5
Méthodes statistiques OCDE de mesure de la
recherche universitaire
L'exemple de la mesure de la recherche des établissements
d'enseignement supérieur illustre la difficulté d'identifier la recherche
dans des entités où cette activité n'est pas exclusive.
L'analyse des particularités nationales de méthodologie mises en
oeuvre pour les indicateurs R&D de l'OCDE montre que de nombreux
pays butent sur ce point. Les adaptations de méthode portent autant sur le
champ des entités à inclure dans l'enseignement supérieur (Autriche,
Belgique, Canada, Corée, Luxembourg, Pays-Bas, Norvège, États-Unis),
que sur le rattachement ou non des doctorants financés par l'État (Pays-
Bas), la définition de la frontière entre le personnel de soutien et les
chercheurs (Pays-Bas, Espagne, États-Unis) ou la manière de calculer
« l'équivalent temps plein recherche » des personnels.
Sur ce dernier point, on constate que la difficulté d'une mesure
précise est souvent contournée : calcul et application de coefficients de
R&D (Finlande, Allemagne, Japon, États-Unis), règles forfaitaires de
décompte des ETP des doctorants (Royaume-Uni), enquêtes spécifiques
(Portugal, Suède). Ainsi en Allemagne, une enquête spécifique réalisée
tous les quatre ans détermine des coefficients d'équivalent temps plein
recherche par grande discipline, qui sont appliqués au dénombrement des
personnels issus de fichiers administratifs. Au Portugal les réponses
agrégées des établissements d'enseignement sont recoupées avec les
résultats d'un recensement des chercheurs.
En France, les mêmes difficultés sont rencontrées. Actuellement la
statistique R&D de l'enseignement supérieur repose sur la combinaison
d'une enquête statistique sur les ressources contractuelles, de fichiers
administratifs pour les financements budgétaires et le dénombrement des
personnels, et d'une clef forfaitaire (50 %) pour le calcul de l'équivalent
temps plein recherche. Contrairement aux enquêtes R&D réalisées auprès
des autres secteurs institutionnels, et bien que le champ concerné soit
petit (quelques centaines d'entités), l'effort fourni pour l'observation des
établissements d'enseignement supérieur est assez faible et, in fine, il
n'existe pas d'information par établissement d'enseignement supérieur sur
les dépenses et les personnels de R&D. Le ministère en charge de la
recherche met en place depuis deux ans, au rythme du passage aux
responsabilités et compétences élargies, un protocole d'enquête statistique
auprès de chaque établissement (18 universités enquêtées sur l'exercice
2010, 56 pour l'exercice 2011), en vue de pallier cette lacune.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
ANNEXES
191
Annexe n° 6
Programme des investissements d'avenir
A - Les financements du programme des
investissements d'avenir
1 -
Les financements du programme prévus dans la loi de
finances rectificative de mars 2010
Programmes créés par la LFR du 9 mars 2010, par mission
Source : projet de loi de finances rectificative
2 -
Le mécanisme extrabudgétaire des 34,64 Md€ du PIA et son
impact budgétaire jusqu'en 2020
Dans le rapport sur les résultats et la gestion budgétaire (RRGB) de
mai 2011 (p. 20), la Cour indique que le PIA a été mis en place « par
l’intermédiaire d’un montage particulièrement hétérodoxe au regard des
principes budgétaires ».
En effet, l’impact budgétaire des 34,64 Md€ du programme des
investissements d’avenir a été entièrement enregistré en 2010 et s’est
traduit par une augmentation de l’endettement
111
.
111
Lors de la présentation de la loi de finances, il a été évoqué un montant
d’accroissement de la dette de 22 Md€, 13 Md€ étant financés par le retour des prêts
consentis par l’État aux banques.
Titre de la mission
Nom du programme créé
Montant des crédits
ouverts (Md€)
Démonstrateurs et plateformes technologiques en
énergies renouvelables et décarbonées et chimie verte
1,6
Transport et urbanisme durables
1
Véhicule du futur
1
Croissance des petites et moyennes entreprises
2,14
Développement de l'économie numérique
4,5
Enseignement scolaire
Internats d'excellence et égalité des chances
0,5
Instituts d'excellence en matière d'énergies
décarbonées
1
Projets thématiques d'excellence
3,05
Pôles d'excellence
15,35
Recherche dans le domaine de l'aéronautique
1,5
Nucléaire de demain
1
Travail et emploi
Investissemens dans la formation en alternance
0,5
Ville et logement
Rénovation thermique des logements
0,5
Ecologie, développement
et aménagement durables
Economie
Recherche et
enseignement supérieur
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
192
COUR DES COMPTES
Cependant, étant considéré comme une opération exceptionnelle,
ce montant n’a pas été intégré à la norme de dépenses
112
. En revanche, les
intérêts des dotations consommables y seront intégrés chaque année.
La Cour soulignait également que l’impact réel en trésorerie pour
l’État
correspondait
à
la
partie
décaissée
du
programme
des
investissements d’avenir et non à l’ensemble de la dotation, et indiquait
qu’ « ainsi conçu, le mécanisme des investissements d’avenir affectera
durablement la lisibilité du solde budgétaire »
En effet, le décaissement des dotations consommables sur 10 ans
n’aura plus d’impact budgétaire. À l’inverse, les intérêts générés par les
dotations non consommables auront un impact budgétaire futur. Ce
montant est estimé dans le tableau ci-dessous à 518 M€ par an (avec une
évolution possible de + 2 M€ par an dès l’affectation des 65 M€ non
affectés de l’action Instituts d'excellence sur les énergies décarbonées
(IEED).
Estimation du montant d’intérêts versés ou à verser sur les comptes
du Trésor entre 2010 et 2020
Source : Cour des comptes à partir des données fournies par le commissariat général
de l’investissement (au 18 juin 2012)
Les produits des intérêts des dotations ne transitent pas par la
mission interministérielle recherche et enseignement supérieur. Ils sont
gérés comme les intérêts de la dette et pèseront sur les dépenses du
compte de commerce et sur la mission « Engagements financiers de
112
La Cour avait critiqué ce point et proposait d’ajouter, chaque année à compter de
2011, la consommation de la part des dotations consommables aux dépenses entrant
dans le champ de la norme. Le rapport de la mission d’évaluation et de contrôle
(MEC) de l’Assemblée nationale en décembre 2011 ne partage pas ce point de vue et
se range aux arguments du Gouvernement sur la nécessité d’une « dèsannualisation de
ces crédits » et d’une parfaite étanchéité entre crédits budgétaires et extrabudgétaires
(d’autant plus qu’ils sont gérés par des opérateurs).
Montant des intérets vers sur les comptes du Trésor en année n (intérets des T4 n-1, T1, T2 et T3 n)
Année
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
Investissements d'avenir
hors CAMPUS
6 947 556 €
331 837 106 €
443 178 518 €
466 386 450 €
466 386 450 €
466 386 450 €
467 664 221 €
466 386 450 €
466 386 450 €
466 386 450 €
422 331 671 €
Investissements d'avenir
CAMPUS
8 473 522 €
52 420 940 €
52 564 559 €
52 420 940 €
52 420 940 €
52 420 940 €
52 564 559 €
52 420 940 €
52 420 940 €
52 420 940 €
43 660 180 €
Total Investissements
d'avenir
15 421 078 €
384 258 046 €
495 743 077 €
518 807 390 €
518 807 390 €
518 807 390 €
520 228 780 €
518 807 390 €
518 807 390 €
518 807 390 €
465 991 851 €
Campus hors PIA
24 934 470 €
149 198 060 €
149 606 822 €
149 198 060 €
149 198 060 €
149 198 060 €
149 606 822 €
149 198 060 €
149 198 060 €
149 198 060 €
125 299 304 €
Total PIA + CAMPUS
40 355 548 €
533 456 106 €
645 349 898 €
668 005 450 €
668 005 450 €
668 005 450 €
669 835 602 €
668 005 450 €
668 005 450 €
668 005 450 €
591 291 155 €
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
ANNEXES
193
l’État ». Les autorisations d’engagement et les crédits de paiement
correspondants figurent dans le programme 117 Charge de la dette et
trésorerie de l’État
113
.
Comme précisé précédemment, les taux de rémunération des
dotations non consommables du PIA ont été fixés une fois pour toutes,
contrairement aux autres postes de trésorerie qui suivent l’évolution des
conditions du marché, ce qui confère aux projets financés un avantage, en
particulier en cas de choc de taux (qui aurait, à l’inverse, des
conséquences plus brutales et dommageables pour l’État)
114
.
La particularité budgétaire du PIA est que les crédits ne sont plus
retracés dans les comptes de l’État depuis 2010, mais qu’ils auront quand
même un impact en matière de gestion de trésorerie pour l’État jusqu’à
2020, ce qui souligne l’enjeu d’un suivi rigoureux des décaissements, et
un impact en comptabilité nationale tant sur le déficit public que sur
l’endettement public.
B - Les actions gérées par l’ANR
Pour chaque action du programme des investissements d'avenir, la
gestion des fonds est confiée à un opérateur, à travers une convention. Le
tableau ci-dessous présente les actions gérées par l'ANR, en distinguant
les parts « consommables » (DC) et « non consommables » (DNC) des
dotations.
113
L’impact budgétaire de la gestion de trésorerie de l’État correspond à la différence
entre le produit des placements (y compris la rémunération du compte du Trésor à la
Banque de France), qui génèrent des recettes de trésorerie, et la rémunération des
comptes de correspondants (tous ne sont pas rémunérés, en particulier les comptes «
courants » des collectivités locales). Ce solde est, aujourd’hui, structurellement
débiteur du fait de la rémunération des fonds non consommables destinés au
financement des investissements d’avenir.
114
En effet, la trésorerie disponible est placée chaque matin sur les marchés et a un
objectif de rémunération au taux de l’EONIA, soit aujourd’hui 0,25 %. Le coût net
budgétaire pour l’État entre les intérêts versés au titre du PIA et les intérêts reçus en
gestion de trésorerie est aujourd’hui de 3,25 %, ce qui explique l’impact budgétaire de
la gestion de la trésorerie de l’État soit lourdement déficitaire. Quand les bénéficiaires
du PIA « tirent » sur leur dotation consommable, ils réduisent le solde de trésorerie
disponible au Trésor qui est placé chaque matin et obligent l’État qui a moins de
trésorerie disponible à emprunter plus de BTF si l’ANR l’a mal anticipé, sinon des
BTAN, voire des OAT, en fonction de la politique de gestion de la dette par l’AFT.
Le taux des BTF 3 mois est légèrement négatif depuis l’été 2012, mais l’AFT prévoit
qu’il remonte jusqu’à 0,5 % en fin 2013. La remontée attendue des taux devrait être
sensible : pour le 2 ans + 125 points de base, pour le 5 ans + 150 points de base et
pour le 10 ans + 100 points de base.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
194
COUR DES COMPTES
Appels à projets investissements d’avenir gérés par l’Agence
nationale de la recherche : financement, nombre de projets
sélectionnés, objectifs
Montants en M€
DNC
DC
Intérêts
DC +
intérêts
Nombre
de
projets
Objectifs de l'action
Equipex v1
236,4
261,5
80,1
341,6
52
Equipex v2
163,6
191,2
49,2
240,4
41
Cohortes
200,0
10,0
64,5
74,5
10
Financer des cohortes (groupes de population suivis
régulièrement sur un horizon de 10 ans, qui constituent l’un
des instruments de référence de la recherche en santé
publique).
Bioinformatique v1
-
10,0
-
10,0
7
Bioinformatique v2
-
7,1
-
7,1
5
Bioressource v1
77,7
12,0
22,0
34,0
5
Bioressource v2
153,2
7,5
50,0
57,5
8
Démonstrateur v1
64,5
18,0
22,0
40,0
2
Démonstrateur v2
65,2
18,0
20,0
38,0
2
Infrastructure v1
158,2
166,0
54,0
220,0
9
Infrastructure v2
381,5
169,8
108,4
278,2
14
Nano biotechnologie v1
-
15,1
-
15,1
6
Nano biotechnologie v2
-
3,7
-
3,7
2
Labex v1 hors Idex
1 254,6
44,0
396,1
440,1
43
Labex v2 hors Idex
557,7
86,5
163,0
249,5
32
Idex v1
1 507,8
-
454,2
454,2
3
Idex v2
2 541,7
110,6
760,4
871,0
8
Labex v1 in Idex
1 596,2
56,0
503,9
559,9
57
Labex v2 in Idex
1 012,4
-
290,8
290,8
39
Projets Thématiques d'excellence
Pôles d'excellence
Financer des équipements de recherche de valeur
intermédiaire (1-20 M€), qui ne peuvent être assurés ni dans
le cadre des très grands équipements couverts par des
feuilles de route ( TGIR) ou des accords internationaux
(ESFRI), ni par les établissements de recherche sur leurs
budgets récurrents
Financer des projets de recherche pluridisciplinaires dans le
domaine de la bioinformatique.
Financer des recherches sur l’amélioration des espèces
végétales utiles à l’agriculture et sur la substitution de
ressources non renouvelables (chimie classique), par la
biomasse (organismes vivants) issue de l’agriculture, de la
mer ou des micro-organismes levures et bactéries.
Financer des démonstrateurs de biotechnologies
Financer des plateformes d'expérimentation à vocation
nationale pour la recherche en sciences du vivant.
Financer des projets permettant l'accélération du transfert de
la recherche en nanotechnologies vers des applications
médicales.
Doter les laboratoires sélectionnés de moyens significatifs
leur permettant de faire jeu égal avec leurs homologues
étrangers, d’attirer des chercheurs et enseignants-
chercheurs de renommée internationale et de construire une
politique intégrée de recherche, de formation et de
valorisation de haut niveau.
Faire émerger des pôles pluridisciplinaires d’excellence
d’enseignement supérieur et de recherche de rang mondial
sur le territoire français. Ces pôles seront organisés sous la
forme de regroupements territorialement cohérents
d’établissements d’enseignement supérieur, universités et
écoles, impliquant des organismes de recherche, et en
partenariat avec des entreprises, autour de forces
scientifiques d’excellence, pluridisciplinaires et reconnues au
niveau international, et d’activités de formation innovantes.
Projets soutenus :
PSL*, Strasbourg, Bordeaux, Université
Sorbonne Paris Cité, Sorbonne Universités, Marseille,
Saclay, Toulouse, soutien pour 3 ans des PRES HESAM et
Université de Lyon, projet ISTEX.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
ANNEXES
195
(DC : dotation consommable, DNC : dotation non consommable, Intérêts :
intérêts issus de la dotation non consommable, en M€)
Source : Cour des comptes à partir des données du commissariat général à
l’investissement
Les schémas ci-dessous illustrent le calendrier de gestion des
appels à projets par l’ANR. Pour chaque appel à projets sont indiquées la
phase d’appel à projets, la date de la ou des décisions par le Premier
ministre, et la phase de signature des conventions avec les bénéficiaires
qui débute avec la signature de la première convention et se termine par la
signature de la dernière, ou au 4 juillet 2012 quand toutes les conventions
ne sont pas encore signées.
DNC
DC
Intérêts
DC +
intérêts
Nombre
de
projets
Objectifs de l'action
Idefi in Idex
144,0
6,9
41,1
48,0
10
Idefi hors Idex
185,5
87,7
50,5
138,2
27
Opération Campus IA
1 300,0
-
524,2
524,2
Participer au financement des opérations immobilières au
profit des dix sites sélectionnés dans le cadre de l'opération
campus
Saclay
-
1 000,0
-
1 000,0
16
Participer au financement de l'opération d'intérêt national
Plateau de Saclay.
SATT v1
-
330,0
-
330,0
5
SATT v2
-
450,0
-
450,0
4
SATT v3
-
120,0
-
120,0
2
C.V.T.
-
50,0
-
50,0
6
Financer des consortium de valorisation thématique, portés
par des organismes publics nationaux de recherche, leurs
filiales de valorisation ou par une Alliance.
Instituts Carnot
500,0
-
148,0
148,0
4
Renforcer de façon pérenne les ressources financières
dédiées aux instituts Carnot.
I.R.T.
1 500,0
475,0
449,3
924,3
8
Financer la création d'instituts de recherche technologique de
rang mondial, plateformes interdisciplinaires rassemblant les
compétences de l'industrie et de la recherche publique dans
une logique de co-investissement public-privé.
IHU
680,0
135,0
217,8
352,8
6
IHU-B
-
55,0
-
55,0
6
IHU-PHUC
-
-
-
-
2
IEED v1
210,0
42,4
61,1
103,5
2
IEED v2
540,0
207,6
137,1
344,7
11
RSNR
-
50,0
-
50,0
Dégager des moyens supplémentaires pour renforcer la
recherche dans le domaine de la recherche en sûreté
nucléaire et en radioprotection où la France dispose d'une
avance reconnue.
TOTAL IA ANR (M€)
15 030,0
4 196,6
4 667,8
8 864,4
454
-
Instituts d'excellence en matières d'énergie décarbonnées
Sûreté Nucléaire
Financer la création d'instituts d'excellence en matière
d'énergies décarbonées, plateformes rassemblant les
compétences de l'industrie et de la recherche publique dans
une logique de co-investissement public-privé.
Financer des pôles d'excellence en matière de recherche, de
soins, de formation et de transfert de technologie dans le
domaine de la santé. Six IHU ont été sélectionnés, ainsi que
6 "IHU prometteurs". L'appel à projets a par la suite été
complété par un appel à projets spécifique centré sur la
thématique du cancer (IHU-PHUC).
Financer des projets de formations innovantes.
Créer des sociétés de valorisation de site par des
groupements d'établissements et d'organismes de recherche.
Elles ont vocation à regrouper l'ensemble des dispositifs de
valorisation des sites universitaires : Conectus Alsace,
Lutech, Midi-Pyrénées, IdF Innov, Paca Corse, Aquitaine,
Nord de France valo, Ouest valo, AxLR (Languedoc
Roussillon), Grand Centre, Grand Est.
Projet de Lyon,
Grenoble, Saclay en cours de finalisation.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
196
COUR DES COMPTES
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
ANNEXES
197
Source : Cour des comptes à partir des données de l'Agence nationale de la recherche
et le commissariat général à l’investissement (CGI)
Ce calendrier met en évidence la grande rapidité avec laquelle le
programme a été mis en oeuvre puisque les premiers appels à projets ont
été lancés à l’été 2010, trois mois après la publication de la loi de finances
rectificative.
La phase de sélection jusqu’à la décision du Premier ministre a fait
l’objet d’une instruction beaucoup plus longue, en moyenne de six mois
environ.
Le calendrier met également en évidence le retard très important
des phases de conventionnement : sur l’ensemble des actions gérées par
l’ANR,
seule
la
première
vague
des
équipements
d’excellence
(EQUIPEX) a été intégralement contractualisée.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
198
COUR DES COMPTES
Annexe n° 7
Part comparée PIA/Financement de la recherche
par appels à projets
L’attribution des financements des investissements d’avenir est
essentiellement fondée sur une sélection par appel à projets. Il est
également possible de comparer par approximation la part de financement
apportée par les investissements d’avenir à la recherche à la part de
financement de la recherche attribuée par appels à projets.
Selon le ministère en charge de la recherche, le financement de la
recherche sur appels à projets s’effectue au moyen de vecteurs
budgétaires différents :
-
la source principale de financement des appels à projets est
l’Agence nationale de la recherche, dont les moyens sont
regroupés sur le programme 172 ;
-
les autres crédits de recherche sur appels à projets sont, par
ailleurs, concentrés sur d’autres programmes de la mission
interministérielle de recherche et d’enseignement supérieur
(MIRES), notamment les crédits de recherche amont dans le
domaine de l’aéronautique (70 M€ de crédits de paiements en
2012), ainsi que le soutien de la recherche industrielle
stratégique (320 M€ de crédits de paiements en 2012) pour
financer des projets de recherche et développement stratégiques
relevant du secteur industriel ou des pôles de compétitivité.
Les montants de recherche sur projets ont évolué de 1 396,8 M€ en
2008 à 1 211 M€ programmés en 2012 (en exécution, ce montant est
ramené autour de 1 000 M€ compte tenu des annulations de crédits), ce
qui représente entre 10 et 14 % des crédits recherche de la MIRES.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
ANNEXES
199
Évolution 2008-2012 des crédits par appels à projets de la mission
MIRES (en millions d'euros)
Source : ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche
Une valeur approchée du financement annuel apporté par les
investissements d’avenir rapporté au financement par appel à projets peut
être calculée en ne retenant que les actions assimilables à du financement
par appel à projets : équipements d’excellence, cohortes, santé-
biotechnologies, 50 % des initiatives d’excellence, initiatives en
information scientifique et technique (ISTEX)
115
, instituts Carnot,
laboratoires d’excellence et instituts hospitalo-universitaires (IHU).
On obtient un financement annuel supplémentaire de projets de
recherche, octroyé par appels à projets, de l’ordre de 416 M€, qui peut
être comparé aux crédits annuels du programme 172 (800 M€ prévus
initialement en 2012, ramenés à 650 M€ compte tenu des annulations de
crédits). Même si l’augmentation semble importante, compte tenu de la
faible part du financement sur projet par rapport au financement
« récurrent » (environ 10 % des CP en 2012), le financement « récurrent »
de la recherche publique, à structure constante du budget actuel de la
MIRES, restera largement majoritaire, puisqu’il dépasse 85 %.
115
Le projet ISTEX est porté par l’université de Lorraine et associe la conférence des
présidents d’université, le consortium Couperin, l’INIST-CNRS et l’agence
bibliographique de l’enseignement supérieur.
AE
CP
AE
CP
AE
CP
AE
CP
AE
CP
(Opérateur) ANR
951,978
951,978
868,074
868,074
839,853
839,853
771,858
771,858
759,854
759,854
(Opérateur) ANRS
39,312
39,312
39,312
39,312
39,612
39,612
39,888
39,888
(Opérateur) INSERM
-
-
-
-
-
-
-
-
39,888
39,888
P 172 : Recherches scientifiques
et technologiques pluridisciplinaires ( MESR )
991,290
991,290
907,386
907,386
879,465
879,465
811,747
811,747
799,743
799,743
P 190 : Recherche dans le domaine de l'énergie,
du développement et de l'aménagement durables ( MEDDTL )
122,911
97,128
147,806
96,158
152,255
111,060
76,935
113,897
76,881
90,823
P 192 : Recherche et enseignement supérieur
en matière économique et industrie le ( MEFI )
425,361
302,511
368,938
283,338
367,336
309,777
367,675
355,711
282,556
316,369
P 186 : Recherche culture le et
culture scientifique ( MCC )
5,698
5,698
5,423
5,423
4,458
4,458
4,463
4,463
4,463
4,463
Crédits et programmes incitatifs
1 545,261
1 396,628
1 429,553
1 292,305
1 403,514
1 304,760
1 260,819
1 285,817
1 163,642
1 211,398
MIRES, hors programmes 150, 231 et 142 : crédits "Recherche"
10 358,071
10 196,872
9 811,845
9 616,745
10 207,238
10 005,269
10 236,284
10 262,497
10 245,439
10 150,260
Part des crédits et programmes incitatifs
14,92%
13,70%
14,57%
13,44%
13,75%
13,04%
12,32%
12,53%
11,36%
11,93%
LFI 2011
LFI 2012
LFI 2010
LFI 2009
LFI 2008
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
200
COUR DES COMPTES
Financement des investissements d’avenir pour la recherche à
comparer avec le financement par appels à projets de la mission
MIRES (en M€)
Source : Cour des comptes
Financements des investissements
d’avenir (en M€)
Crédits dédiés à la
recherche
Dont crédits dédiés aux
appels à projets de
recherche
Montant total décaissable 2010-2020
9 065
3 743
Moyenne annuelle (durée de 9 ans)
1 006
416
Décaissements 2010
3
3
Décaissements 2011
400
194
Prévision décaissements 2012
1 062
414
(1) - Actions relevant de la mission MIRES, hors IDEFI, 50% IDEX, Saclay, et Opération Campus
(2) - Actions : LABEX, EQUIPEX, 50 % IDEX, IRT, IEED, Cohortes, Santé et Biotechnologies, IHU, Instituts Carnot
Principaux ratios
Montant total des crédits recherche de la MIRES en 2012
13 894 M€
dont crédits MIRES du programme 150 en 2012
3 744 M€
Crédits des investissements d'avenir / crédits recherche de la MIRES
7%
Crédits de l'ANR en 2012
610 M€ (crédits de paiement) /
710 M€ (budget d'intervention)
Autres crédits de financements compétitifs de la mission MIRES, hors
programmes 150 et 142 en 2012
400 M€ (crédits programmés)
Estimation* de la part du financement récurrent de la recherche en 2012
86% à 90%
* 90% en prenant en compte l'ensemble du budget de la MIRES et des investissements d'avenir ainsi que le budget d'intervention de l'ANR (et
non les crédits de paiements 2012), 86% en ne prenant pas en compte le programme 150, compte tenu des réserves émises sur le calcul de ce
montant dans le rapport.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
ANNEXES
201
Annexe n° 8
Le programme-cadre de recherche et de
développement technologique (PCRDT)
Le programme-cadre de recherche et développement technologique
(PCRDT) constitue depuis le début des années 80 le principal instrument
de la politique de recherche de l’Union européenne.
En montant, les PCRDT successifs ont connu une forte
augmentation depuis 1984. Pour le prochain programme-cadre (2014-
2020), Horizon 2020, la Commission a proposé un budget de 87,8 Md€
(soit 80 Md€ 2011), avec une structure renouvelée et trois grandes
rubriques : l’Excellence scientifique (regroupant les programmes «Idées»
et « Personnes », pour un montant de 27,8 Md€), la primauté industrielle
(20,3 Md€) et les défis de société (35,9 Md€). Le Conseil européen est
parvenu, le 8 février 2013, à un accord sur le prochain cadre financier
pluriannuel qui a ramené l'enveloppe d'Horizon 2020 à un montant estimé
entre 69 et 71 Md€ (euros 2011)
116
.
Evolution des budgets des PCRDT
en Md€
Source :
Stratégie nationale de recherche et d’innovation/ Ministère de
l’enseignement supérieur et de la recherche
Les financements européens au titre du 7
ème
PCRDT représentaient
en 2011 environ 3 % de l’effort de R&D total de l’Union européenne. Ils
116
Cet accord est soumis à l'approbation du Parlement européen.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
202
COUR DES COMPTES
n'en constituent pas moins aujourd’hui une donnée structurante de la
recherche pour les États membres de l’Union européenne, sur la durée du
PCRDT (7 ans).
1 -
Le 7
ème
PCRDT (2007-2013)
Le PCRDT couvre aujourd’hui un champ large, tant en terme de
secteurs couverts (santé, sciences du vivant, technologies d’information et
de communication (TIC), nanotechnologies, énergie, transports, espace,
sécurité, sciences humaines) et de modes d’intervention : projets de
recherche transnationaux, soutien à la mobilité des chercheurs, aux
chercheurs d’excellence, aux infrastructures.
Répartition des crédits du 7
ème
PCRDT (hors nucléaire)
Source : Commission européenne
a)
Le programme COOPERATION
C’est le programme historique du PCRDT. Son objectif est de
soutenir la coopération transnationale en matière de recherche. Les
projets font l’objet « d’appels à proposition », auxquels peuvent répondre
des « consortiums » composés, en règle générale, d’au moins trois entités
(organismes de recherche, universités, entreprises,…), issues de trois
États membres différents.
Ce programme a pour vocation de financer, dans chaque domaine,
une recherche finalisée, voire appliquée, et a largement mis de côté la
recherche amont, qui concerne plus les autres volets du PCRDT. Le
programme « Coopération » fonctionne sur le principe du cofinancement
entre la Commission et le bénéficiaire du soutien (taux variables selon la
nature de l’organisme : 75 % pour les organismes publics sans but lucratif
et les PME, 50 % pour les grandes entreprises).
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
ANNEXES
203
Le programme Coopération est celui qui a concentré les plus fortes
critiques en termes de gestion : lourdeur des dossiers de soumission,
lenteur des décisions (un an en moyenne entre l’appel à propositions et
l’octroi de la subvention), procédures complexes de rendu des comptes.
b)
Le programme IDEES
Le programme du Conseil européen de la recherche (ERC) vise à
soutenir l’excellence scientifique individuelle : il s’agit d’une politique
nouvelle du 7
ème
PCRDT, qui a connu un succès extrêmement rapide.
Cet instrument a pour objectif de
« recruter, rapatrier et retenir »
les chercheurs de haut niveau en Europe. Il consiste en des dotations
octroyées à un chercheur sur la base des travaux qu’il a conduits et d'un
projet de recherche pour l'avenir : les montants peuvent aller jusqu’à
2,5 M€ sur 5 ans pour les chercheurs confirmés. Le chercheur est
« titulaire » de la dotation ERC : s’il change d’employeur, sa dotation est
transférée. Sa dotation peut être utilisée comme complément de
rémunération, pour recruter des personnels contractuels, acquérir des
équipements ou financer des déplacements.
Depuis 2007, 3400 projets ERC ont été financés pour un montant
total de 5,7 Md€ (fin 2012, la France avait obtenu 454 projets ERC).
L’ERC est devenu un critère de performance des organismes de recherche
européens, retenu dans les classements des universités. Au-delà des
financements reçus, ERC est donc un label puissant pour l’attractivité
d’une institution de recherche ou d’un pays. C’est aussi dans cette
perspective que les excellentes performances du Royaume-Uni et celles,
moyennes, de la France doivent être examinées.
c)
Le programme PERSONNES
Plus connu sous sa dénomination traditionnelle d’ « actions Marie-
Curie », ce programme vise à favoriser la formation et la mobilité du
personnel de recherche. Sur la période 2007-2012, 1 461 chercheurs sont
venus en France dans le cadre d'actions Marie Curie, ces actions
représentant un budget de 319 M€.
d)
Le programme CAPACITES
Le programme « Capacités » recouvre différentes actions dont les
principales (représentant les trois quarts de l’enveloppe) concernent les
infrastructures de recherche et la recherche dans les PME.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
204
COUR DES COMPTES
Pour le volet « infrastructures de recherche », les actions financées
portent sur la mise en réseau, la constitution de bases de données, le
financement de l’accès partagé aux équipements complexes et les études
préparatoires aux grands équipements. L’objectif est de soutenir le
développement de grandes infrastructures prioritaires, qui sont identifiées
par l'ESFRI (
European Strategy Forum on Research Infrastructures
).
Le volet PME vise à soutenir spécifiquement les efforts de
recherche dans les PME, ces dernières étant généralement peu présentes
dans les instruments des PCRDT (l’objectif d’une participation à hauteur
de 15 % des participants a été fixé dans le 7
ème
PCRDT et devrait être
atteint).
e)
La coordination des programmes nationaux
Alors que plus de 95 % de l’effort de R&D est financé au niveau
national, l’enjeu de la coordination des politiques nationales est essentiel
dans la structuration de l’Espace européen de la recherche. Le 7
ème
PCRDT comporte plusieurs instruments de financement visant à
promouvoir cette coordination : ERA-NET, dans lequel l’Union
européenne finance les dépenses de coordination, ERA-NET Plus, dans
lequel l’union européenne finance des coûts de coordination et des
dépenses de R&D, enfin les procédures dites « de l'Article 185 », qui sont
proches des ERA-NET Plus mais reposent sur une décision du Conseil.
Quatre projets « Article 185 » ont été mis en place : trois dans le domaine
de la coopération (métrologie, recherche maritime en Baltique, maintien à
domicile des personnes âgées par les TIC), un dans le domaine des
infrastructures de recherche (R&D dans les PME).
Par ailleurs, la « programmation conjointe » (entre États membres)
dans le domaine des grands défis sociétaux s’est fortement développée,
largement à l’initiative de la présidence française de l’Union européenne.
Une première initiative de programmation conjointe a été décidée dans le
domaine des maladies neuro-dégénératives (Alzheimer) en 2008, puis
9 autres en 2010 (sécurité alimentaire, alimentation et santé, patrimoine
culturel et changement global, défi microbien,
Urban Europe
, Défis en
matière d’eau, Mers et Océans, Changement climatique, Défis du
changement démographique).
f)
Les initiatives technologiques conjointes (ITC)
Il s’agit d’une réponse au déclin de la part des industriels dans les
programmes-cadre successifs. Les ITC sont des partenariats public-privé
de long terme autour de buts de recherche communs. 5 ITC ont été créées
en 2008 :
Clean Sky
(aéronautique), IMI (médicaments innovants),
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
ANNEXES
205
Nanotechnologies
ENIAC,
Informatique
incorporée
(ARTEMIS),
Hydrogène et piles à combustible.
2 -
Le futur programme-cadre : Horizon 2020 (2014-2020)
a)
Le projet de la Commission
Dans le cadre des discussions sur le budget de l’union européenne
2014-2020, la Commission a proposé de mettre en place un cadre
stratégique commun pour la recherche et l’innovation, Horizon 2020, doté
d’un budget en forte augmentation (88 Md€ en euros courants).
Le programme-cadre est construit autour de trois priorités :
l’excellence scientifique, le « leadership » industriel
et les défis
sociétaux.
Le premier pilier, excellence scientifique (27,8 Md€),
comprend les
programmes suivants :
-
le Conseil européen de la recherche (ERC) : le dispositif ERC
serait prolongé et sa dotation budgétaire serait presque
multipliée par deux (15 Md€) ;
-
un programme sur les technologies futures et émergentes
(FET),
ayant
vocation
à
promouvoir
des
technologies
radicalement nouvelles (3,5 Md€) ;
-
les actions Marie Curie, en faveur de la mobilité des
chercheurs, sont significativement augmentées (6,5 Md€) ;
-
les infrastructures européennes de recherche : cette action
s’inscrit
dans
la
continuité
du
programme
Capacités/infrastructures du 7
ème
PCRDT (2,8 Md€).
Le
deuxième pilier, leadership industriel
(20,3 Md€), est une
nouveauté par rapport aux PCRDT précédents, qui résulte de l’intégration
des programmes de soutien à l’innovation dans Horizon 2020. Il
comporte trois axes :
-
un programme pour le «
leadership
» dans les technologies
génériques
et
industrielles
(15 Md€)
couvre
plusieurs
technologies : les TIC,
les nanotechnologies, les matériaux
avancés
et
les
systèmes
avancés
de
production,
les
biotechnologies et l’espace ;
-
un programme sur l’accès aux financements à risque (4 Md€),
qui
comporte
deux
volets :
un
mécanisme
d’emprunt,
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
206
COUR DES COMPTES
instrument de prêts et garanties cogéré par la Commission
européenne et la BEI ; un mécanisme de participation en capital
visant à compenser les défaillances du marché européen de
capital-risque ;
-
un programme de soutien aux activités d’innovation menées par
les PME (0,7 Md€).
Le
troisième pilier, défis sociétaux
(35,9 Md€), consacre une
nouvelle approche, centrée sur la réponse aux grands défis et non plus sur
des secteurs. Ce programme s’articule autour des six thèmes ou « défis » :
-
la santé, l'évolution démographique et le bien-être (9 Md€) ;
-
la sécurité alimentaire, l’agriculture durable, la recherche
marine et maritime et la bio-économie (4,7 Md€) ;
-
les énergies sûres, propres et efficaces (6,5 Md€) ;
-
les transports intelligents, verts et intégrés (7,7Md€) ;
-
la lutte contre le changement climatique, l’utilisation efficace
des ressources et les matières premières (3,6 Md€) ;
-
des sociétés inclusives, novatrices et sûres (4,3 Md€).
b)
Une structuration novatrice
De l'avis de nombreux observateurs, Horizon 2020 apporte une
meilleure lisibilité que les programmes-cadres précédents. Pour certains,
le programme pourrait même fournir un cadre de référence dans lequel les
politiques nationales de R&D pourraient s’insérer.
Il reste néanmoins de nombreuses zones d'incertitude, notamment :
- le contenu du 2
ème
pilier et notamment son positionnement qui
devrait être plus « en aval » que le volet « Coopération » du 7
ème
PCRDT
et devrait défavoriser les laboratoires de recherche fondamentale ;
l'articulation de ce volet avec les initiatives de technologie conjointes, qui
seront amenées à traiter de sujets proches, reste à définir ;
- la gestion des « défis de société », qui reste aujourd’hui à
préciser. Or, c’est dans ce domaine que l’articulation avec le niveau
national sera critique et que les risques de concurrence et de redondance
existent.
c)
L'enjeu de la simplification
C’est un objectif essentiel si l’on veut répondre aux critiques de
complexité adressées au PCRDT et attirer de nouveaux acteurs, au
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
ANNEXES
207
premier rang desquels les PME. C'est également un enjeu de retour
financier pour les différents acteurs.
L'un des points les plus sensibles de la négociation d'Horizon 2020
concerne la méthode de décompte des coûts. Dans le 7
ème
PCRDT, les
aides fonctionnent selon trois taux différents de cofinancements : 50 %
pour les entreprises, 75 % pour le secteur non lucratif, 100 % pour les
activités de coordination. Ces taux sont appliqués aux coûts directs et
indirects. Pour la détermination des coûts indirects, quatre modes de
calcul différents fondés sur les coûts réels ou sur des taux forfaitaires sont
utilisés.
Horizon 2020 prévoit un taux unique de subvention de 100 % du
total des coûts éligibles, directs et indirects pour tous les projets, excepté
ceux constitués essentiellement d’activités proches du marché, auxquels
s’applique un taux de subvention de 70 %. Les coûts indirects éligibles
sont fixés forfaitairement à 20 % des coûts directs éligibles (taux porté à
25 % par le Conseil lors de la discussion du projet de la Commission). La
simplification apportée serait très significative, notamment dans le
reporting demandé. À ce jour, la discussion est au stade de la codécision
(« trilogue » Commission/Conseil/Parlement).
3 -
Les résultats de la France dans le 7
ème
PCRDT
La situation de la France au titre du PCRDT se dégrade depuis
2007.
Situation de la France au titre du PCRDT
2007
2008
2009
2010
2011
Fonds reçus par la France au titre
du PCRDT (%)
14,4 %
11,2 %
11,1 %
11,3 %
10,1 %
Contribution de la France au
budget de l’UE (en %)
16,8 %
17,5 %
20 %
17,6 %
17,5 %
Source: ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche / Direction du
budget
La comparaison avec d’autres États membres est significative : le
Royaume-Uni
et
les
Pays-Bas
apparaissent
comme
les
grands
bénéficiaires du PCRDT.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
208
COUR DES COMPTES
Situation d'autres États membres au titre du PCRDT
Quote-part budget UE
%
dans le 7
ème
PCRD
Allemagne
19,1 %
16,1 %
Royaume-Uni
10,9 %
15,0 %
Italie
13,9
%
8,2 %
Pays-Bas
3,8 %
6,9 %
Espagne
9,6 %
7,0 %
Source : ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche / Direction du
budget
a)
Résultats détaillés de la participation de la France dans le 7ème
PCRDT
Résultats de la France dans le 7
ème
PCRDT
Source : Commission européenne (contrats signés au 31 décembre 2012 pour les
appels lancés directement par la Commission)
Sur l’ensemble du 7
ème
PCRDT, la France avait reçu au
31 décembre 2012 3,42 Md€, soit 11,6 % des contributions financières
distribuées par la Commission.
Elle est en 3ème position derrière
l’Allemagne (qui reçoit 4,75 Md€, soit 16,1 %) et le Royaume-Uni (qui
reçoit 4,4 Md€, soit 15 %).
La performance de la France dans le programme « Coopération »
(2,2 Md€ pour la France à fin 2012, soit 65 % du montant total reçu par la
France
7ème PCRDT
Tous les Programmes
Nombre de participations dans
les contrats
Contributions obtenues par les
participants (en mi liers d’euros)
Nombre de contrats
coordonnés
signés
% pays
signés
% pays
signés
% pays
rg
rg
rg
Programme Coopération (SP1)
5 669
9,6%
3
2 207 277,7
11,8%
3
556
10,8%
4
Santé (HEALTH)
779
9,2%
3
369 163,2
10,7%
3
84
11,1%
4
Alimentation, agriculture et biotechnologie (KBBE)
513
8,3%
3
129 775,9
9,2%
4
54
12,9%
2
Technologies de l'information et de la communication (ICT)
1 605
10,1%
4
560 607,8
10,2%
4
169
10,2%
4
Nanosciences, nanotechnologies, matériaux et nouve les
. (NMP)
574
8,0%
5
186 221,4
8,4%
5
44
7,7%
5
Énergie (ENERGY)
235
8,1%
4
103 202,5
9,5%
4
29
11,2%
3
Environnement (changements climatiques inclus) (ENV)
401
7,2%
5
97 620,7
7,5%
4
24
5,9%
6
Transports (aéronautique comprise) (TPT)
931
14,0%
2
286 061,7
16,1%
2
72
14,2%
2
Sciences socio-économiques et humaines (SSH)
122
6,6%
4
25 487,1
6,9%
6
17
9,4%
5
Espace (SPA)
219
12,7%
1
133 170,4
27,9%
1
31
19,3%
1
Sécurité (SEC)
274
11,8%
1
106 613,9
14,0%
1
30
15,5%
1
Activités générales (annexe IV) (GA)
16
9,4%
3
209 353,1
79,2%
1
2
8,0%
5
Programme Idées (SP2)
407
12,4%
3
573 874,1
12,5%
3
368
12,8%
3
Programme Personnes (SP3)
1 366
10,1%
3
319 241,6
10,2%
3
744
10,0%
2
Programme Capacités (SP4)
981
7,1%
5
268 069,7
9,6%
3
124
8,4%
5
Infrastructures de recherche (INFRA)
419
9,2%
3
177 172,9
13,3%
3
64
20,6%
1
Recherche au profit des PME (SME)
311
5,2%
5
46 807,1
5,8%
5
25
3,8%
6
Régions de la connaissance (REGIONS)
59
8,0%
4
9 016,0
10,8%
2
9
14,1%
2
Potentiel de recherche (REGPOT)
12
4,5%
9
7 740,9
2,9%
13
5
3,0%
11
La science dans la société (SIS)
86
6,5%
4
11 550,9
6,3%
6
10
7,1%
4
Soutien au développement cohérent des politiques de recherche (COH)
8
7,6%
4
1 345,3
5,4%
2
1
4,3%
7
Activités spécifiques de coopération internationale (INCO)
86
9,7%
1
14 436,6
12,5%
2
10
8,3%
2
Recherche nucléaire et formation (SP5)
220
15,8%
1
52 090,0
21,3%
1
30
28,8%
1
Énergie de fusion- ITER (Fusion)
5
7,8%
4
928,0
18,6%
3
0
0,0%
10
Fission nucléaire et protection contre la radiation (Fission)
215
16,1%
1
51 162,0
21,3%
1
30
29,7%
1
Tous les programmes (FP7)
8 643
9,5%
5
3 420 553,0
11,6%
3
1 822
10,7%
5
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
ANNEXES
209
France) est de 11,8 % du total des contributions distribuées. Celle du
programme « Idées » est de 12,5 % des contributions financières. Les
résultats obtenus dans les programmes « Personnes » (10,2 % des
contributions financières) et « Capacités » (9,6 % des contributions
financières) sont moins bons en termes de retours financiers.
b)
Comparaison avec le 6
ème
PCRDT
Par rapport au 6
ème
PCRDT, la France garde la troisième place,
mais enregistre un tassement sensible de sa participation dans quasiment
tous les domaines thématiques.
Globalement, les participations françaises dans les contrats signés
passent de 10,6
% dans le 6
ème
PCRDT à 9,5
% dans le 7
ème
, les
contributions financières reçues par la France passent de 13
% dans le
6ème PCRDT à 11,6
% dans le 7
ème
et les coordinations de projet
françaises de 13 % à 10,7
%.
Dans le programme
«
Intégration et renforcement de l’espace
européen de la recherche » du 6
ème
PCRD (qui correspond au programme
« Coopération » du 7
ème
PCRDT), la France totalisait 13,1 % des
contributions financières (contre 11,8 % dans le 7
ème
PCRD).
c)
Comparaison avec les autres participants du PCRDT
Parmi les 6 premiers pays participants au 7
ème
PCRDT, la France
se place 3
ème
en nombre de participations, en contributions reçues et en
nombre de coordinations, derrière l’Allemagne et le Royaume-Uni (qui
tient la première place en matière de coordinations) et devant l’Italie,
l’Espagne et les Pays-Bas (ces derniers occupant la 5
ème
position devant
l’Espagne en terme de contributions reçues).
7
ème
PCRDT - classement par pays
Source : Commission européenne/
Ministère de l’enseignement supérieur et de
la recherche
7ème PCRDT (Situation au 31
décembre 2012)
Participations dans les
contrats signés
Contributions obtenues par les
participants (en milliers d’euros)
Contrats coordonnés
Nombre
% pays
rang
(en milliers
d’euros)
% pays
rang
Nombre
% pays
rang
1 - Allemagne (DE)
12 290
13,52%
1
4 750 381,4
16,14%
1
2 110
12,42%
2
2 - Royaume-Uni (UK)
11 596
12,76%
2
4 401 742,6
14,96%
2
3 207
18,88%
1
3 - France (FR)
8 643
9,51%
3
3 420 553,0
11,62%
3
1 822
10,73%
3
4 - Italie (IT)
8 152
8,97%
4
2 421 871,4
8,23%
4
1 352
7,96%
5
5 - Espagne (ES)
7 119
7,83%
5
2 068 700,3
7,03%
5
1 537
9,05%
4
6 - Pays-Bas (NL)
5 273
5,80%
6
2 034 355,9
6,91%
6
1 069
6,29%
6
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
210
COUR DES COMPTES
Les performances de la France sont contrastées :
- s’agissant du volet « Coopération », les montants reçus sont
proches du Royaume-Uni et nettement inférieurs aux performances
allemandes, témoignant de la différence de taille des systèmes de
recherche ;
- s'agissant des programmes Idées (ERC) et Marie-Curie, les
résultats illustrent les remarquables performances du Royaume-Uni,
témoignant de la capacité du système universitaire à mobiliser des
recettes extérieures et de l'attractivité des universités britanniques.
Par ailleurs, la France a connu la plus forte baisse de participation
des États membres de l’Union européenne à 15 entre les deux derniers
PCRDT. Certains États membres ont enregistré une baisse, y compris
l’Allemagne ; d'autres, comme le Royaume-Uni et les Pays-Bas ont
enregistré une hausse de leur participation. Toutefois, la France en
passant de 13,0 %
des contrats signés au titre du 6
ème
PCRD à 11,6 % au
titre du 7
ème
PCRD, a connu la plus forte érosion
.
Parts des États membres de l'UE 15 entre le 6
ème
et le 7
ème
PCRDT
Source : Commission européenne / ministère de l’enseignement supérieur et de la
recherche (données au 15/02/2013)
PCRD 6 - Cumul (M€)
PCRD 7 - Cumul (M€)
Différence (pt)
Evolution (taux de retour)
Ensemble
16 709 766
32 640 000
France
2 178 088
3 742 517
Pourcentage
13,0%
11,6%
-1,41
-10,8%
Allemagne
3 031 156
5 287 751
Pourcentage
18,1%
16,3%
-1,87
-10,3%
Royaume-Uni
2 376 297
4 918 487
Pourcentage
14,2%
14,9%
0,72
5,0%
Italie
1 460 950
2 640 232
Pourcentage
8,7%
8,3%
-0,47
-5,4%
Espagne
946 283
2 337 938
Pourcentage
5,7%
6,9%
1,22
21,5%
Autriche
424 268
848 902
Pourcentage
2,5%
2,7%
0,13
5,2%
Belgique
708 764
1 266 876
Pourcentage
4,2%
3,8%
-0,39
-9,2%
Pays-Bas
1 108 608
2 274 363
Pourcentage
6,6%
6,8%
0,18
2,8%
Danemark
397 185
768 003
Pourcentage
2,4%
2,2%
-0,14
-5,7%
Suède
679 318
1 238 378
Pourcentage
4,1%
3,8%
-0,23
-5,8%
Finlande
342 991
671 925
Pourcentage
2,1%
2,1%
0,05
2,3%
Pays membres (UE15)
14 468 413
27 751 090
Pourcentage
86,6%
84,9%
-1,71
-2,0%
Danemark
Suède
France
Allemagne
Royaume-Uni
Italie
Finlande
UE-15
Espagne
Autriche
Belgique
Pays-Bas
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
ANNEXES
211
d)
Résultats au titre des PCRD et taille des systèmes de recherche
Il peut être intéressant de mesurer les performances des États
membres au regard de la taille de leur système de recherche. Sur cette
base, il apparaît que les Pays-Bas, le Royaume-Uni et l’Espagne reçoivent
proportionnellement plus que la France. L'Allemagne fait légèrement
moins bien que la France.
Comparaison par taille des systèmes de recherche nationaux
117
En indice (France : 100)
Financements
de l’UE signés
en 2010 (€)
DIRD
2010
(€)
DIRD 2010
(USD ppa)
Nombre de
chercheurs
(ETPT)
Allemagne
136
161
173
137
France
100
100
100
100
Royaume-
Uni
134
n/a
79
107
Italie
70
45
49
43
Pays-Bas
62
25
26
22
Espagne
63
34
41
56
Suède
36
n/a
25
21
Source : Cour des comptes à partir des données de l'OCDE et des Projet de loi de
finances
À l'exception de l'Allemagne, les cinq autres États membres
retirent proportionnellement plus de l'Union européenne que la France.
L'exemple le plus surprenant est le cas des Pays-Bas qui, avec une DIRD
quatre fois inférieure à celle de la France, reçoit de l'UE 62 % du montant
français.
e)
La dynamique pour la France est préoccupante depuis le début du
7
ème
PCRDT
Après un bon démarrage en 2007 (France en 2
ème
position des
bénéficiaires avec 14,4 % des contributions financières pour une année
particulière marquée par le lancement de l’ERC), la participation
française s’est stabilisée (11,2 % en 2008, 11,1 % en 2009, 11,3 % en
2010). Elle a fortement diminué pour les contrats signés en 2011 (10,1 %
117
Les problèmes de taux de change pour le Royaume-Uni et la Suède ont été
neutralisés en recourant aux données de l'OCDE exprimées en dollars américains,
corrigées des parités de pouvoir d'achat (PPA).
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
212
COUR DES COMPTES
des contributions financières), sur la base des appels à propositions
ouverts au cours du second semestre 2010, soit au moment des premiers
appels du programme des investissements d'avenir. Les résultats de 2011
révèlent donc probablement l'impact du PIA ; les chiffres de 2012, avec
une baisse à 9,5 %, confirment cette tendance.
Evolution de la participation de la France au cours des 1ères années
du 7
ème
PCRDT
Source : Commission européenne / ministère de l’enseignement supérieur et de la
recherche
La France est un des grands États membres qui participent le
moins aux réponses aux appels à projet, comparativement aux résultats
qu’elle obtient dans les projets retenus. En d’autres termes, elle ne répond
pas assez aux appels du PCRDT, ce qui se traduit par un résultat réduit
dans les projets retenus, même si cela est compensé par un taux de succès
élevé (25,3 %, soit l’un des plus élevés parmi les grands pays participants
au PCRDT).
Participations dans les projets déposés et retenus dans les appels du
7
ème
PCRDT dépouillés à fin 2012
Source : Commission européenne / ministère de l’enseignement supérieur et de la
recherche
Nombre de participations dans
les contrats
Contributions allouées aux
participants dans les contrats (en
milliers d’euros)
Nombre de contrats coordonnés
signés
% pays
rg
signés
% pays
rg
signés
% pays
rg
2007
2 449
10,0%
3
1 041 971,5
14,4%
2
395
11,8%
3
20
08
1 126
9,5%
3
391 378,6
11,2%
3
267
11,4%
2
2009
1 425
9,9%
3
549 084,8
11,1%
3
324
10,6%
3
2010
1 383
9,5%
3
540 471,0
11,3%
3
357
11,3%
3
2011
1 695
8,9%
5
693 629,2
10,1%
3
397
10,0%
3
2012
565
8,7%
5
204 017,9
9,5%
3
82
7,2%
6
7ème PCRDT
8 643
9,5%
3
3 420 553,0
11,6%
3
1 822
10,7%
3
7ème PCRDT (Situation des
appels dépouillés au 31
décembre 2012)
Nombre de participations dans les projets
évalués
% pays
rg
retenus
% pays
rg
retenus / évalués
1 - A lemagne (DE)
55 141
12,03%
1
13 119
13,01%
1
23,8%
2 - Royaume-Uni (UK)
54 687
11,93%
2
12 741
12,63%
2
23,3%
3 – Italie (IT)
47 530
10,37%
3
8 720
8,65%
4
18,3%
4 - Espagne (ES)
39 316
8,58%
4
7 820
7,75%
5
19,9%
5 – France (FR)
36 367
7,93%
5
9 184
9,11%
3
25,3%
6 - Pays-Bas (NL)
22 852
4,99%
6
5 835
5,79%
6
25,5%
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
ANNEXES
213
f)
Des situations variables selon les secteurs
Il serait utile qu'une évaluation systématique des résultats de la
France dans le 7
ème
PCRD, secteur par secteur, soit menée avant le
démarrage d'Horizon 2020. Des éléments d'analyse technique existent :
une étude a été commandée par le ministère de l’enseignement supérieur
et de la recherche (MESR) au cabinet Technopolis (« L'articulation des
programmations nationale et communautaire en faveur de la R&D » - juin
2011). Un premier retour sur expérience a été réalisé lors d'un séminaire
de novembre 2012 organisé par le ministère sur la mise en place du
programme « technologies génériques » (KET) d'Horizon 2020. Des
travaux ont également été conduits par les « groupes de travail
nationaux » (GTN) sectoriels
118
.
Une analyse des résultats du PCRDT (volet « Coopération ») fait
apparaître une typologie des secteurs. Sans prétendre à l'exhaustivité,
quelques exemples ont été retenus, les plus caractéristiques étant
documentés par des données chiffrées.
g)
Des secteurs où la France est au 1
er
rang, qui correspondent à des
points forts de l'industrie française :
Ces secteurs correspondent à des points forts de l’industrie
française :
- l'aéronautique (avec une part de 25 % du total des projets) ;
- le volet « Sécurité », avec 14 % des financements alloués ; il
s'agit d'un domaine dont la France avait demandé la création dans le 7
ème
PCRDT ;
- l'espace avec 28 % des financements alloués (en partie en
trompe-l'oeil, l'Agence spatiale européenne étant établie en France).
Il s'agit d'industries travaillant sur des programmes de longue
durée, traditionnellement bien structurées, accoutumées au dialogue avec
les financeurs publics (DGA, DGAC, etc.) et où la recherche est financée
par la commande publique (défense, notamment). Ce sont des domaines
où l'ANR n'est intervenue que marginalement. On retrouve ainsi EADS,
Thalès, SNECMA parmi les 50 premières entreprises bénéficiant du
PCRDT.
118
Groupe de travail réunissant sous la présidence du MESR les principaux acteurs
dans un domaine d'intervention du PCRDT.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
214
COUR DES COMPTES
Néanmoins, ces domaines ne représentent qu'environ 20 % du total
du volet « Coopération ».
h)
Un secteur où l'articulation a été problématique
L'environnement est un secteur où l’articulation entre la recherche
publique et la recherche privée est problématique.
En effet, la part de la France a baissé de 9,2 % à 7,5 %, en raison
de l'évolution du 7
ème
PCRDT vers les éco-technologies (au détriment de
disciplines plus académiques comme le changement climatique) et la
nécessité de bâtir des consortiums avec des PME. La communauté de
recherche s'est donc orientée vers les programmes de l'ANR, mieux
adaptés. L'étude Technopolis précise que
« les financements européens
obtenus par le secteur sont faibles (entre 15 et 20 millions par an) au
regard des programmes de l'ANR (dont le total avoisine 50 millions par
an) »
.
i)
Trois secteurs à l'évolution préoccupante : santé, TIC et
nanotechnologies :
La santé, les TIC et les nanotechnologies sont trois secteurs clés du
volet « Coopération », comme le montrent les crédits qui leur sont
consacrés : santé (6,1 Md€ - 19 % du total), TIC (9,05 Md€, 28 % du
total), « NMP » - nanotechnologies, matériaux avancés, procédés avancés
de fabrication (3,475 Md€, 10,7 % du total).
Sur ces trois secteurs, les résultats français sont en forte baisse :
santé (de 12,8 % du total des contributions reçues à 10,7 %), TIC (de
13,1 % à 10,2 %), NMP (de 10,8 % à 8,4 %). Pour la santé, le Royaume-
Uni et l'Allemagne font mieux (plus de 16 % chacun). Pour les TIC et les
nanotechnologies, l'Allemagne remporte des montants qui représentent
plus du double de ceux perçus par la France, avec une part supérieure à
20 % des montants distribués.
L'étude du cabinet Technopolis (terminée en octobre 2010) faisait
apparaître une baisse des financements PCRDT imputable pour les deux
tiers aux organismes publics, laissant supposer une réorientation des
sources de financements, notamment vers l'ANR.
Pour les TIC, la baisse est imputable à hauteur de 80 % aux acteurs
privés, laissant apparaître une concurrence avec d'autres mécanismes de
soutien
:
crédit
d’impôt
recherche
(CIR),
Oséo,
fonds
unique
interministériel (pôles de compétitivité). Toutefois, les résultats et les
stratégies des acteurs sont différents d'un sous-secteur à l'autre
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
ANNEXES
215
(télécommunications, robotique, photonique, etc.) et appellent des
diagnostics différenciés.
Pour les nanotechnologies, la baisse est très significative et est
imputable au recul des organismes publics. Le positionnement des appels
à propositions du PCRDT, orienté vers les processus de production, ne
correspondait pas à leur spécialisation, tandis que les financements de
l'ANR ont fortement progressé (50 M€ en 2006, 80 M€ en 2009).
Dans le projet de la Commission pour Horizon 2020, il est prévu
que ces trois secteurs reçoivent des financements importants (1,8 Md€
pour la micro/nano-électronique, 4,3 Md€ pour NMP, 9,1 Mds € pour le
défi Santé).
Une analyse précise des résultats et une bonne compréhension des
stratégies des acteurs sont indispensables, faute de quoi les évolutions
constatées risquent de se poursuivre dans Horizon 2020.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
216
COUR DES COMPTES
Annexe n° 9
Initiatives lancées pour améliorer la gestion
financière des unités mixtes de recherche
La convention de partenariat conclue en mars 2011 entre la
Conférence des présidents d'université (CPU), le CNRS et l'Agence de
mutualisation des universités et établissements (AMUE) a permis de
lancer plusieurs initiatives.
Sur le plan des procédures, un groupe de travail s’est réuni entre
mars 2011 et juin 2012 avec des comptables publics, des commissaires
aux comptes, des représentants des ministères des finances et de la
recherche, des responsables d’établissements et d’unités de recherche. Il a
rédigé un ensemble de fiches portant sur les procédures budgétaires et
comptables relatives à l'activité de recherche publique, qui doit permettre
une harmonisation des pratiques des différents acteurs. Par ailleurs, le
comité de pilotage institué pour la mise en oeuvre du décret relatif à la
gestion budgétaire et comptable publique (GBCP) du 7 novembre 2012
associe différents acteurs, organismes de recherche et universités, pour
définir les nouvelles règles communes applicables.
Une initiative de « processus budgétaire partagé » a été également
organisée. Elle regroupe onze établissements pilotes dont le CNRS,
l'INSERM
et
plusieurs
universités.
La
procédure
qui
se
met
progressivement en place prévoit que chaque unité fasse remonter ses
demandes de moyens, en postes, en crédits d'investissement et en crédits
de fonctionnement annuellement avec une application spécifique
(DIALOG). Une réunion budgétaire commune permettra alors aux
tutelles d'examiner ces demandes ensemble, avec le directeur de l'unité,
avant de fixer leurs propres arbitrages. Cette initiative pilote ne concerne
toutefois qu'un petit nombre d'unités. Si la fréquence de ces réunions
budgétaires ne mérite pas d'être annuelle pour les petites unités, il est
nécessaire qu'elle le soit pour les plus importantes.
Outre le développement de l'outil DIALOG, l'accord de partenariat
signé en décembre 2011 par le CNRS, la CPU et l’AMUE entérine le
développement de deux autres outils de gestion : GESLAB (outil de
gestion financière pour les laboratoires) et CAPLAB (description des
activités scientifiques des laboratoires). Ces projets ont démarré en 2012
avec un objectif de réalisation en 2014-2015. Cependant, les principes
retenus pour le développement de l'outil GESLAB ne font pas aujourd'hui
l'unanimité parmi les différents acteurs, la question majeure étant la
capacité effective du futur système à gérer l'ensemble des interfaces entre
les différents systèmes de gestion financière.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
ANNEXES
217
Annexe n° 10
Publications scientifiques et brevets émanant de la
France
Demandes de brevet européen et brevets américains émanant de la
France selon l'inventeur
Disciplines
2001
2005
2010
2001
2005
2010
Energie-machines électriques
8,31
6,12
6,17
2,89
1,79
1,63
Audiovisuel
4,25
3,74
3,65
1,00
0,77
0,73
Télécommunications
6,97
7,07
6,05
2,07
2,23
1,80
Transmission d'informations numériques
7,38
7,65
7,47
2,57
2,07
2,33
Circuits électroniques fondamentaux
7,01
6,36
6,96
2,73
2,16
1,95
Informatique
6,87
6,35
5,42
1,43
1,56
1,46
Méthodes de traitement de données pour le management
3,45
3,43
5,70
0,69
0,68
0,55
Semi-conducteurs
5,02
4,76
5,45
0,88
1,01
1,20
Optique
4,72
4,20
4,74
1,47
1,20
0,78
Mesure
7,04
6,46
6,05
2,51
2,05
2,28
Analyse biologique
4,26
4,84
5,41
2,93
2,72
2,75
Contrôle
7,65
7,56
6,29
2,20
2,01
1,93
Technologies médicales
5,50
4,22
3,45
1,94
1,84
1,86
Chimie organique fine
11,71
12,37
9,52
7,09
5,93
6,08
Biotechnologie
4,57
5,10
5,57
3,03
2,89
1,77
Pharmacie
5,74
5,24
5,90
3,94
4,23
4,17
Chimie macromoléculaire
4,82
5,50
4,75
2,90
3,16
2,66
Produits agricoles et alimentaires
8,21
6,70
6,85
2,51
3,08
2,08
Chimie de base
4,94
4,89
4,23
3,05
2,83
2,97
Matériaux, métallurgie
8,48
6,70
7,41
4,82
3,61
4,28
Traitement de surface
4,72
4,83
5,20
2,29
1,92
2,11
Nanotechnologies et microstructures
4,54
6,25
12,19
1,75
1,41
4,08
Ingénierie chimique
7,77
6,55
6,95
3,85
3,54
2,80
Technologie de l'environnement
8,49
8,07
6,95
2,95
2,30
2,60
Outillage
8,17
7,70
7,69
2,63
2,92
2,29
Machines, outils
6,00
5,33
5,00
1,63
1,64
1,83
Moteurs, pompes, turbines
6,40
6,96
8,42
2,97
2,15
3,58
Machines pour textiles et papeterie
3,75
3,77
3,42
1,89
1,49
1,18
Autres machines spécialisées
8,24
7,45
7,53
2,45
2,60
2,70
Procédés thermiques
8,35
6,08
6,69
3,20
2,30
2,11
Composants mécaniques
9,57
8,03
7,98
3,43
2,87
2,69
Transports
10,82
11,60
13,08
3,23
3,40
3,05
Ameublement, jeux
11,10
8,26
6,81
1,68
1,45
1,20
Autres biens de consommation
11,16
9,15
7,41
2,94
2,65
2,35
BTP
10,12
9,23
8,98
1,65
1,74
1,72
Tous domaines confondus
7,19
6,55
6,45
2,48
2,13
1,97
données OEB (Patstat) et OCDE (Regpat), traitements OST
OST-2013
Part mondiale (%) de
demandes de brevet
européen
Part mondiale (%) de
brevets américains
délivrés
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
218
COUR DES COMPTES
Publications scientifiques émanant de la France (compte
fractionnaire combiné, en année lissée)
Disciplines
2001
2005
2010
2001
2005
2010
Art, architecture
4,33
4,53
3,45
0,49
0,87
0,66
Autres sciences humaines (ling., comm.)
4,10
4,29
3,15
0,38
0,28
0,42
Droit
0,41
0,45
0,74
0,15
0,20
0,32
Economie
3,82
3,59
3,83
0,80
0,73
0,67
Géographie, démographie, ethnographie
1,91
1,80
1,98
0,80
0,59
0,84
Gestion, finance
1,56
1,79
2,03
1,10
0,96
0,77
Histoire, archéologie
9,08
6,80
5,87
0,27
0,48
0,58
Lettres, philosophie
5,61
5,16
4,69
0,30
0,31
0,36
Politique publique
1,35
1,33
1,95
0,98
1,05
0,96
Psychologie
2,15
1,98
2,10
0,63
0,72
0,72
Sanitaire et social
0,61
0,83
1,00
0,94
0,81
0,98
Sciences de l'éducation
0,64
0,52
0,63
0,97
0,72
1,08
Science de l'information
1,52
1,15
1,25
0,80
0,90
0,90
Science politique
1,21
1,56
1,84
0,73
0,42
0,53
Sociologie, sciences sociales diverses
2,30
2,61
2,23
0,63
0,52
0,51
Agriculture, biologie végétale
3,85
3,33
3,25
1,21
1,38
1,63
Agroalimentaire
4,58
3,66
2,85
1,32
1,27
1,34
Chimie analytique
4,29
3,26
3,17
0,87
0,95
1,00
Astronomie, astrophysique
5,84
5,68
5,81
0,86
0,88
0,97
Biochimie
5,33
4,58
4,05
0,85
0,94
1,01
Bioingénierie
4,35
3,90
3,83
0,80
0,80
0,85
Biotechnologie, génétique
5,45
4,63
3,79
0,95
0,92
1,00
Cancérologie
4,81
4,31
4,44
0,82
0,80
0,87
Cardiologie, pneumologie
5,60
5,12
4,39
0,88
0,90
1,03
Génie civil et minier
2,98
2,59
2,87
1,68
1,46
1,29
Divers médical
5,40
4,48
3,76
0,68
0,72
0,97
Ecologie, biologie marine
4,19
3,34
3,27
0,97
1,07
1,33
Endocrinologie
5,32
4,59
4,05
0,83
0,86
0,98
Energie, génie chimique et industriel
4,69
4,56
4,39
1,09
1,05
1,07
Environnement
3,61
3,34
3,08
0,85
0,90
1,06
Chimie générale
3,87
3,55
3,31
1,08
1,11
1,35
Géosciences
6,02
5,48
5,17
1,01
1,08
1,22
Santé publique et divers
4,60
4,00
3,59
0,63
0,69
0,79
Matériaux, polymères
4,93
4,14
3,49
1,09
1,09
1,08
Mathématiques
7,92
7,31
6,00
1,08
1,04
1,00
Microbiologie et virologie, immunologie
6,32
5,68
5,16
0,88
0,87
0,96
Multidisciplinaire
4,35
3,13
1,79
1,50
1,27
1,84
Neurosciences, sciences comportementales
4,76
3,99
3,85
0,78
0,85
0,88
Chimie organique, minérale, nucléaire
5,99
5,19
4,60
1,01
1,05
1,20
Pharmacie, toxicologie
4,75
3,83
3,10
0,94
0,96
1,05
Physique du solide
5,84
4,79
4,26
1,01
1,01
1,05
Physique générale
6,32
5,65
4,80
0,97
1,01
1,25
Physique des particules et nucléaire
5,12
4,73
4,44
1,02
1,03
1,11
Reproduction, biologie du développement
4,17
3,97
4,65
1,01
1,06
0,88
Stic : génie électrique, électronique
3,81
3,38
3,56
0,98
1,07
1,11
Stic : informatique, télécommunications
5,17
4,49
4,49
0,75
1,12
1,00
Stic : intelligence artificielle
4,41
4,30
4,23
0,94
1,05
1,00
Chirurgie, gastro-entérologie, urologie
5,03
4,54
4,31
0,94
0,95
0,97
Toutes disciplines confondues
4,97
4,36
3,94
0,94
0,96
1,06
données Thomson Reuters, traitements OST
OST-2013
Part mondiale (%) de
publications
Indice d'impact relatif à 2 ans
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
ANNEXES
219
Annexe n° 11
Dons et mécénat pour la recherche
A -
France : Une perspective historique
Le financement de la recherche par le mécénat de particuliers ou
d’entreprises est intimement lié à l’institutionnalisation d’une politique
scientifique nationale. En effet, la participation volontaire au financement
de la recherche est avant tout le produit du constat, légitime ou non, d’une
déficience de l’action publique. Les grandes étapes du développement
d’une politique de la recherche en France au XX
ème
siècle offrent ainsi un
socle à l’analyse de l’évolution du mécénat pour la science.
Contrairement aux États-Unis, au Royaume-Uni ou à l’Allemagne,
au XIXe siècle, les universités françaises ne concentrent pas les activités
de recherche. La Révolution française et les réformes napoléoniennes ont
consacré cette séparation entre l’université et la recherche. Toutefois, à
partir de la seconde moitié du XIXe siècle, la révolution industrielle
exerce une influence prépondérante sur le développement de la science.
La dépendance du tissu industriel naissant à l’égard de la recherche
scientifique dans un contexte de compétition économique internationale a
trois conséquences. La science devient progressivement utilitariste, la
complexité accrue des travaux réalisés en augmente considérablement le
coût. Elle devient une affaire nationale. Les récriminations de l’opinion
publique après la défaite de 1870 à l’encontre de l’infériorité ressentie de
l’industrie et de la science françaises face à l’Allemagne marquent un
tournant majeur de l’histoire de la recherche en France
119
.
Parce que l’université française ne dispose pas des structures
adéquates pour permettre le développement de la recherche scientifique,
celle-ci s’organise rapidement à l’extérieur de ses murs. L’Institut Pasteur
est ainsi fondé en 1888. Son financement initial est assuré par une
souscription publique, mais les débuts sont difficiles, et Louis Pasteur est
dans l’obligation de réclamer des fonds à l’État
120
. Le modèle pasteurien
119
J.F. Picard, « L’organisation de la science en France depuis 1870 : un tour des
recherches actuelles »,
French HIstorical Studies
, 1991, Vol.17 (1), p. 250.
120
J.F. Picard,
La République de Savants – La recherche française et le C.N.R.S
,
Paris, Flammarion, 1990, p. 22.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
220
COUR DES COMPTES
ne connaît que peu de descendance en France, alors qu’il est repris avec
succès dans les autres pays
121
.
La troisième République ne soutient que marginalement le
financement de la recherche qui repose alors sur l’initiative privée et
associative
122
. Toutefois, de timides avancées dans l’institutionnalisation
du financement public sont introduites. En 1901, une Caisse des
recherches scientifiques (CRS) est fondée sur une proposition du sénateur
Audiffred pour financer les laboratoires, mais peine à s’imposer face aux
universités
123
.
Si le financement de la recherche française reposait sur l’initiative
privée, cette dernière était-elle suffisante ? Le projet du sénateur
Audiffred était que la CRS ne soit alimentée que de manière
complémentaire par l’État, l’effort principal devant être volontairement
assuré par des souscriptions publiques et de grands groupes comme le
Crédit Foncier, les Chemins de fer de l’État ou la Société Générale. Mais
ce plan fut un échec, et l’État ne put convaincre l’industrie de participer
au financement de la recherche. En Allemagne, les industriels berlinois
s’étaient eux fortement investis dans la fondation de la
Kaiser Wilhelm
Gesellschaft
124
.
La Première Guerre mondiale verra la consécration de cette
logique. Si l’intégration des scientifiques français à l’effort de guerre fut
une réussite, elle fut organisée selon un modèle que J.F. Picard qualifie de
« colbertiste. » Alors que les Britanniques établissent en 1916 le
Department of Scientifc et Industrial Research
(DSIR), financé aux deux
tiers par l’industrie
125
, la perspective française ne parvient pas à concilier
intérêts publics et privés.
L’entre-deux-guerres est caractérisé par l’expression d’une volonté
nouvelle de réformes du secteur de la recherche en France, réformes qui
dans leur majorité ne se concrétiseront qu’après la Seconde Guerre
mondiale.
121
Ibid., p. 22. Parmi les exemples les plus connus : la Kaiser Wilhelm Gesellschaft
(qui deviendra le Max-Planck Institute) est fondé en 1911, et la Fondation Rockfeller
en 1913.
122
V. Duclert, « La France et la politique de recherche au XXe siècle. L’enjeu
historique de l’institutionnalisation »
in
A. Chariot et V. Duclert,
Le gouvernement de
la recherche
, Paris, La Découverte, 2006, p. 21.
123
Ibid. p. 21.
124
Le KWG reçoit 10 millions de Reichsmark à sa fondation.
125
J.F. Picard,
La République de Savants – La recherche française et le C.N.R.S
,
Paris, Flammarion, 1990, p. 27.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
ANNEXES
221
Ainsi, pour pallier les insuffisances du CRS, un prélèvement sur la
taxe d’apprentissage est institué en 1925. Face à la faiblesse des
investissements privés, le mécénat d’État se substitue à l’initiative privée,
mais n’est accompagné d’aucun effort d’organisation. Sur un budget total
de 25 MF pour la recherche, 1 MF proviennent du CRS, et 14 MF de ce
prélèvement, le reste étant constitué des dotations budgétaires. De même,
plusieurs initiatives voient le jour dans les années 1930. Jean Perrin
propose la création d’un Service National de la Recherche Scientifique
(SNRC) pour soutenir les jeunes chercheurs et promouvoir la recherche
au sein des universités. En 1930, la Caisse Nationale des Sciences (CNS)
est fondée, et en 1933, un Conseil Supérieur de la Recherche Scientifique
(CSRS) est finalement créé. Ce processus d’institutionnalisation aboutit
en 1936, avec l’arrivée du Front Populaire, à la création d’un sous-
secrétaire d’État à la recherche scientifique. En décembre 1936, J. Zay
annonce sa décision d’engager une véritable politique scientifique. Le
CNRSA est créé en 1938, et en 1939, la Caisse Nationale de la Recherche
Scientifique (CNRS) et le CNRSA sont fusionnés pour donner naissance
au CNRS
126
.
Malgré ces premières formes d’intervention de l’État au sein de la
recherche française, les initiatives privées s’avèrent cruciales pour cette
dernière. Paradoxalement, les grands laboratoires français ne sont pas
soutenus par des particuliers français, mais bien par des fondations
philanthropiques américaines. En 1910, l’Institut du Radium de Marie
Curie est financé par la Fondation Carnegie. Après-guerre, Marie Curie
reçoit également un don de H. de Rothschild pour la création de la
fameuse Fondation Curie (1920). L’Institut de biologie physico-chimique
est financé par Edmond de Rothschild, qui offre en 1926 50 MF, soit
deux fois le budget de l’État pour la recherche. Enfin, l’Institut Henri
Poincaré est créé grâce à une donation de la Fondation Rockfeller
127
.
126
V. Duclert, « La France et la politique de recherche au XX
e
siècle. L’enjeu
historique de l’institutionnalisation »
in
A. Chariot et V. Duclert,
Le gouvernement de
la recherche
, Paris, La Découverte, 2006, pp. 23-25.
127
J.F. Picard,
La République de Savants – La recherche française et le C.N.R.S
,
Paris, Flammarion, 1990, p. 23.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
222
COUR DES COMPTES
La qualité de la recherche française attire dans les années 1930 les
investissements philanthropiques américains. Il est toutefois possible de
constater que si la France reçoit 11 prix Nobel entre 1901 et 1913, contre
13 pour l’Allemagne, elle n’en reçoit plus que 5 entre 1918 et 1939. Les
Allemands en obtiennent alors 20
128
.
Les années 1940 voient la création de nouvelles institutions
de
recherche comme le CENT, l’ONERA, l’INH (INSERM), l’INRA et le
CEA
129
. La réorganisation et la rationalisation progressive de la recherche
française sont amorcées par Pierre Mendès France qui crée en 1954 un
secrétariat d’État à la recherche scientifique et au progrès technique. Mais
l’arrivée au pouvoir du général de Gaulle marque une rupture profonde.
Entre 1958 et 1968, la part du financement de la recherche dans le budget
de l’État passe de 2,46 % à 6,2 %
130
. La création de la DGRST en 1959
permet le développement de nouveaux liens entre la recherche et
l’industrie.
La
recherche
fait
désormais
l’objet
d’une
politique
profondément volontariste qui ne laisse que peu de place à l’initiative
privée et associative.
Comme le rappelle J.F Picard, «
le savant français compare
volontiers l’effort consenti par des fondations privées, et étrangères … à
la pingrerie de ses pouvoirs publics
131
. » En réalité, d’après H.W. Paul,
les crédits accordés seraient proportionnellement comparables aux
ressources disponibles dans d’autres pays. Le problème reposerait avant
tout sur une allocation déficiente des crédits, question encore d’actualité.
Toutefois, il est important de souligner, d’une part, le rôle crucial
des fondations américaines durant la première moitié du XXe siècle pour
le développement d’une recherche moderne en France. La fondation
Rockfeller soutient non seulement l’Institut Henri Poincaré, mais
128
Cette théorie du déclin de la recherche française dans les années 1930 est celle
défendue notamment par J.F. Picard. H.W. Paul a pu soutenir, qu’au contraire, l’entre-
deux-guerres constituait une période d’expansion de la science française, cf. H.W.
Paul,
From knowledge to power, the rise of the scientif empire in France, 1860-1939
,
Cambridge University Press, 1985.
129
V. Duclert, « La France et la politique de recherche au XXe siècle. L’enjeu
historique de l’institutionnalisation »
in
A. Chariot et V. Duclert,
Le gouvernement de
la recherche
, Paris, La Découverte, 2006, pp. 26.
130
C. Bonneuil, « Science et société en France depuis la Seconde Guerre mondiale
(1944-2004) »,
in
Les États-Généraux de la recherche, 9 mars, 9 novembre 2004
,
Paris, Tallandier, 2004, p. 51.
131
J.F. Picard,
La République de Savants – La recherche française et le C.N.R.S
,
Paris, Flammarion, 1990, p. 24.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
ANNEXES
223
également le CNRS à sa création
132
. D’autre part, la Fondation de France
n'est créée, sous l'impulsion du général de Gaulle, que le 9 janvier 1969,
soit à la toute fin de la période de l’évolution de la politique de recherche
nationale. Le mécénat apparaît n'avoir jamais été une composante
importante du paysage du financement de la recherche, la conséquence
d’un manque d’intérêt des acteurs économiques pour la science, et de la
faible organisation institutionnelle de l’État pour canaliser et promouvoir
ce type de ressources.
B - Le financement du soutien volontaire de la
recherche aux États-Unis et au Royaume-Uni
Aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, le soutien volontaire privé au
financement de la recherche s’articule autour de trois acteurs principaux : les
entreprises (par le mécénat), les particuliers (de manière directe, par les
donations aux universités, ou de manière indirecte par le biais de fondations
et d’associations) et les organisations privées à but non-lucratif.
Il est réalisé par quatre vecteurs : la dotation, la subvention, le contrat
et la donation. Il exclut d’une part, le financement public, et donc les
dotations et les subventions des acteurs publics, et d’autre part, la recherche
menée à des fins commerciales, ce qui a pour conséquence l’exclusion du
financement par contrat.
Demeurent ainsi dans le périmètre du soutien volontaire privé de la
recherche les subventions offertes par les entreprises et les organisations
privées à but non-lucratif, et les donations.
Dans ce cadre, les incitations fiscales, si elles ne conditionnent pas les
dons, semblent avoir une influence sur leur montant, et constituent ainsi une
logique essentielle du soutien volontaire au financement de la recherche.
Les difficultés soulevées par une analyse de ce financement aux États-
Unis et au Royaume-Uni, pays où leur part dans les dépenses de recherche est
parmi les plus importantes du monde (voir graphique ci-après), relèvent
principalement de la complexité des flux. Les fondations jouent un rôle
central en transformant les dons des particuliers et des entreprises en
subventions et en exerçant un contrôle sur le travail des opérateurs de
recherche. Cependant les universités américaines et britanniques reçoivent
aussi des donations directes seulement en partie consacrées à la recherche.
132
J.F. Picard, «
L’organisation de la science en France depuis 1870 : un tour des
recherches actuelles
»,
French HIstorical Studies
, 1991, Vol.17 (1), p. 252.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
224
COUR DES COMPTES
Part (en %) du secteur privé à but non lucratif dans les dépenses de
recherche
Source : Eurostat (2010 sauf Chine 2008, NO, JP, BE, NL, US 2009)
1 -
États-Unis
a)
Le cadre légal et les incitations fiscales
Le cadre légal des organisations à but non-lucratif a été fixé avec le
Tax Reform Act
de 1969. Il existe deux formes de fondation : les
public
charities
et les
private foundations
133
. Les premières bénéficient de
nombreux
avantages
134
.
Les
private
foundations
sont
définies
négativement par rapport aux
public charities
. Elles disposent dans la
majorité des cas d’une seule source de financement (dons d’une famille
ou d’une entreprise) et leur activité est fréquemment la redistribution des
contributions.
Une autre distinction essentielle repose sur la différence entre
operating
et
non-operating
foundations
.
Les
premières
utilisent
directement leurs ressources pour atteindre leurs objectifs, tandis que les
secondes redistribuent leurs dotations
135
. Les
operating foundations
disposent d’avantages fiscaux supplémentaires.
Créée en 1917, la
Charitable Contribution Tax Deduction
136
est la
principale mesure d’incitation fiscale pour le soutien volontaire au
financement de la recherche et de l’enseignement supérieur. Seules les
133
134
Exonération de la "tax on net investment income" et de certaines taxes fédérales
indirectes, opportunités plus larges pour lever des fonds, et conditions plus souples.
135
C’est le cas par exemple de la Bill & Melinda Gates Foundation.
136
Définie à la section 170(c) de l’Internal Revenue Code.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
ANNEXES
225
donations aux organisations préalablement agréées sont éligibles à ce
dispositif fiscal.
D’après le
Center on Philanthropy
, les dons représentaient
297,42 Md$ en 2011, dont 13 % pour l’éducation et 8 % pour la santé
137
et la
Charitable Contribution Tax Deduction
représentait une dépense
fiscale de 53,7 Md$
138
. Le président des États-Unis a proposé en 2012 de
réduire le taux d’abattement dont bénéficient les ménages les plus aisés
de 35 %
139
à 28 %, mais ce projet a été abandonné.
Les donations peuvent prendre différentes formes. Il peut s’agir de
dons annuels (versement monétaire, de valeurs mobilières, ou de biens)
ou de dons planifiés qui offrent une source de revenus au donateur selon
des conditions déterminées, et qui se concluent dans la majorité des cas
par le transfert complet de la donation lors du décès du donateur.
b)
Le financement du soutien volontaire de la recherche
En 2011, le nombre d’organisations à but non lucratif était estimé à
2,3 millions dont 1,6 million étaient enregistrées auprès de l’IRS
140
. Les
public charities
étaient au nombre de 979 901 dont 366 086 étaient
enregistrées auprès de l’IRS
141
. Les capitaux et les revenus à la disposition
de ce secteur sont considérables, puisque les premiers sont estimés à
2 600 Md$ en 2009, et les seconds à 1 400 Md$ pour la même année
142
.
La diversité des organisations à but non-lucratif, tant en terme de
financements que d’objectifs, ne permet pas de dresser un tableau
synthétique et exhaustif de leur participation au financement de la
recherche.
Une étude a néanmoins été réalisée par le
Foundation Center
sur
les contributions en 2011 d’un panel de 1 330 fondations (dont 800 des
1 000 plus importantes en terme de donations). Le montant total de leurs
contributions s’élève à 20,6 Md$.
137
Les organisations religieuses constituent de loin l’ensemble le plus important
puisqu’elles reçoivent, en 2011, 32 % des donations.
138
Source : Budget of the United States Governement.
139
Taux d’imposition marginal maximal de l’Income Tax.
140
141
Pour bénéficier des avantages fiscaux liés à ce statut, notamment d’abattements, et
par nécessité, parce que l’organisation disposait de revenus
supérieurs à 50 000 $.
142
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
226
COUR DES COMPTES
Graphique n°22 : Contributions des fondations par secteurs en
2011
Source : Foundation Center Statistical Service
Source : Foundation Center Statistical Service
Ces graphiques soulignent la part importante que constituent les
contributions pour la recherche. Cependant, du fait de l’absence de
données précises sur la ventilation des subventions, ce résultat doit être
considéré avec prudence. La catégorie
Higher Education
intègre
certainement des mesures qui ne peuvent être considérées comme une
aide à la recherche. En outre, le panel est constitué de telle sorte qu’il
n’est pas représentatif de l’ensemble du champ des organisations à but
non-lucratif dans lequel les organisations avec des revenus limités sont
fortement majoritaires. Il est possible de poser comme hypothèse que ces
dernières ont un investissement plus important dans des questions locales
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
ANNEXES
227
et sociales, et donc ne participent que rarement au financement de la
recherche.
Une autre approche pour estimer le soutien volontaire privé passe
par l'analyse de la structure des ressources des opérateurs de recherche.
La
National Science Foundation
réalise chaque année une enquête auprès
des universités américaines quant à leurs dépenses de recherche : en
2009, sur 54,9 Md$, 11,2 Md$ proviennent des
Institutions funds
et
4,3 Md$ des
Other Sources
. Leurs périmètres sont néanmoins un peu plus
larges que le soutien volontaire privé.
Source : National Science Foundation
2 -
Royaume-Uni
a)
Le cadre légal et les incitations fiscales
Le
Charities Act
2006 amende les précédents actes de 1992 et
1993 et fixe la définition du statut de
charity
au Royaume-Uni
143
.
Les donations aux
charities
donnent droit à un certain nombre
d’avantages fiscaux. Le plus important de ces avantages est le
Gift Aid
Scheme
qui s’applique uniquement aux donations faites par des
particuliers. Ce dispositif repose sur l’exonération fiscale de la donation.
Cela signifie que la charity qui reçoit une contribution peut demander aux
services fiscaux (HMRC) la différence avec la somme que le donateur
aurait pu offrir s’il n’était pas imposé au taux de base
144
. D’autre part, si le
143
La réforme de 2011 est n’entraîne pas de changement majeur.
144
Le taux de base est de 20 %. Ainsi, pour une donation de 100 £, la
charity
peut
demander 25 £ (125*20 % = 100).
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
228
COUR DES COMPTES
donateur est soumis à un taux d’imposition du revenu supérieur au taux
de base, il peut lui aussi réclamer la différence de taux
145
.
La plupart des revenus et des gains utilisés pour des fins caritatives
sont exonérés d’impôt. La dépense fiscale estimée pour les exonérations
liées aux dons caritatifs est de 2 885 M£ pour 2011-2012
146
.
En 2012, approximativement 160 000
charities
étaient déclarées.
Elles disposaient en 2011 d'un revenu de 56 Md£, dont 11 Md£
provenaient des donations de particuliers
147
et 760 M£ d'entreprises
148
.
b)
Le financement de la recherche par les organisations privées à but
non lucratif
En 2010, les organismes privés à but non lucratif ont financé la
recherche à hauteur de 1 269 M£. 75 % de ces fonds sont destinés au
financement de la recherche réalisée dans l'enseignement supérieur.
Source : Office for National Statistics
c)
Les charities
Les charities jouent un rôle essentiel dans le financement dans la
recherche, notamment la recherche médicale qui constitue le premier
145
Pour une donation de 100 £ et un taux d’imposition de 40 %, le donateur peut
demander 25£ (125*[40 %-20 %]).
146
147
148
while-proportion-kind-donations-grows.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
ANNEXES
229
poste de dons (38 % des donateurs) et le plus important (17 % du montant
total de dons)
149
.
En 2006, suite à l’
Innovation & Technology Framework
2004-
2014,
est introduit le
Charities Research Support Funds
(CRSF), au sein
du
Quality Research Block Grant
du HEFCE. Le gouvernement offre
ainsi des fonds supplémentaires, dans le cadre du financement par
dotation, pour les dépenses associées aux coûts des infrastructures et de
fonctionnement qui ne sont pas couverts par les objectifs des
charities
.
Cette mesure doit permettre d'améliorer l'impact des
charities
sur la
recherche, tout en assurant au public que les donations seront
exclusivement utilisées pour des dépenses de recherche. En 2010-2011, le
HEFCE a doté ce fond de 198 M£
150
. Un dispositif proportionnellement
équivalent est présent en Écosse, et de manière plus limitée au Pays de
Galle et en Irlande du Nord.
L'Association of Medical Research Charities
occupe une position
centrale dans le financement par les
charities
de la recherche médicale.
Fondée en 1987, elle réunit 124 associations caritatives et le montant
cumulé des participations de ses membres s'élève en 2011-12 à plus de
1,1 Md£, ce qui la place à un niveau comparable au financement du
NIHR. Trois membres de l'AMRC, le
Wellcome Trust
151
, la
British Heart
Foundation
et
Cancer Research UK
représentent à eux seuls 80 % de la
contribution des
charities
à la recherche médicale.
149
150
151
Le Wellcome Trust est l'une des plus importantes organisations caritatives du
monde.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
230
COUR DES COMPTES
Source : Association of Medical Research Charities (AMRC)
Pour intégrer l'AMRC, les
charities
doivent répondre à un certain
nombre de critères : être établie au Royaume-Uni ou fondée pour soutenir
la recherche au Royaume-Uni, subventionner la recherche de la plus
haute qualité, disposer d’un processus de décision transparent et fondé sur
un examen par un panel d’experts, définir une stratégie de politique de
recherche, et rendre public l’attribution des fonds.
L'impact de ces dons sur la recherche menée dans les universités
n'a pas fait l'objet d'une étude précise. Néanmoins, les statistiques
disponibles montrent que 15 % du financement de la recherche dans les
universités britanniques proviennent des
charities
.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
Glossaire
ADEME
Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie
AE
Autorisation d’engagement
AERES
Agence d’évaluation de la recherche et de
l’enseignement supérieur
ANR
Agence nationale de la recherche
ANVAR
Agence nationale de valorisation de la recherche
BRGM
Bureau de recherches géologiques et minières
CEA
Commissariat à l'énergie atomique
CEMAGREF
Centre national du machinisme agricole, du génie rural,
des eaux et des forêts
CER
Conseil européen de la recherche
CERN
Centre européen pour la recherche nucléaire
CGI
Commissariat général à l’investissement
CIFRE
Convention industrielle de formation par la recherche
CIR
Crédit d’impôt recherche
CIRAD
Centre de coopération internationale en recherche
agronomique pour le développement
CNES
Centre national d'études spatiales
CNRS
Centre national de la recherche scientifique
CPER
Contrats de projets États-régions
CRITT
Centre régional d’innovation et de transfert de
technologie
CRT
Centre de ressources technologiques
CSTB
Centre scientifique et technique du bâtiment
CTRS
Centre thématique de recherche et de soin
DEPP
Direction de l’évaluation de la prospective et de la
performance
DGAC
Direction générale de l’aviation civile
DGESIP
Direction générale pour l’enseignement supérieur et
l’insertion professionnelle
DGRI
Direction générale pour la recherche et l’innovation
DIRD
Dépense intérieure de recherche et développement
DIRDA
Dépense intérieure de recherche et développement des
administrations
DIRDE
Dépense intérieure de recherche et développement des
entreprises
DNRD
Dépense nationale de recherche et développement
DNRDA
Dépense nationale de recherche des administrations
DRRT
Délégué régional à la recherche et à la technologie
EEF
Espace européen de la recherche
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
232
COUR DES COMPTES
ENS
École normale supérieure
EPA
Établissement public à caractère administratif
EPCS
Établissement public de coopération scientifique
EPIC
Établissement public à caractère industriel et commercial
EPST
Établissement public à caractère scientifique et
technologique
EQUIPEX
Équipements d'excellence
ESA
European space agency
ESFRI
European strategy forum for research infrastructures
ETP
Équivalent temps plein
ETPT
Équivalent temps plein travaillé
FUI
Fonds unique interministériel
GIP
Groupement d'intérêt public
GPEC
Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences
HCST
Haut conseil de la science et de la technologie
IATOS
Ingénieurs administratifs, techniques, ouvriers et de
service
IDEX
Initiatives d'excellence
IEED
Instituts d'excellence sur les énergies décarbonées
IFP
Institut français du pétrole
IFR
Institut fédératif de recherche
IFREMER
Institut français pour l'exploitation de la mer
IGN
Institut géographique national
IHU
Institut hospitalo –universitaire
INCA
Institut national du Cancer
INED
Institut national d'études démographiques
INERIS
Institut national de l’environnement industriel et des
risques (environnement)
INRA
Institut national de la recherche agronomique
INRETS
Institut national de recherche sur les transports et leur
sécurité
INRIA
Institut national de recherche en informatique et en
automatique
INSEE
Institut national de la statistique et des études
économiques
INSERM
Institut national de la santé et de la recherche médicale
IRD
Institut de recherche pour le développement
(exORSTOM)
IRSN
Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire
IRT
Instituts de recherche technologique
ITA
Ingénieurs, techniciens, administratifs
JEI
Jeune entreprise innovante
LABEX
Laboratoires d'excellence
LCPC
Laboratoire central des ponts et chaussées
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
GLOSSAIRE
233
LFI
Loi de finances initiale
LFR
Loi de finances rectificative
LOLF
Loi organique relative aux Lois de Finances
LRU
liberté et responsabilité des universités
Md€
milliard d’euros
MESR
Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche
M€
million d’euros
MIRES
Mission interministérielle de recherche et
d’enseignement supérieur
OCDE
Organisation de coopération et de développement
économiques
OEB
Office européen des brevets
ONERA
Office national d'études et de recherches aérospatiales
OST
Observatoire des sciences et techniques
PAP
Projet annuel de performances
PCRDT
Programmes cadres pour la recherche et le
développement technologique
PFT
Plate-forme technologique
PIA
Programme des investissements d’avenir
PIB
Produit intérieur brut
PLF
Projet de loi de finances
PME
Petites et moyennes entreprises
PMI
Petites et moyennes industries
POST DOC
Post- doctorants
PRES
Pôles de recherche et d’enseignement supérieur
RAP
Rapport annuel de performances
RDT
Réseau de développement technologique
RTRA
Réseau thématique de recherche avancée
RTRS
Réseau thématique de recherche et de soin
SAIC
Services d’activités industrielles et commerciales
SATT
Société d’accélération du transfert de technologie
SNRI
Stratégie nationale de recherche et d’innovation
SOLEIL
Projet de source de rayonnement synchrotron
TGIR
Très grande infrastructure de recherche
UMR
Unité Mixte de Recherche
UE
Union Européenne
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
RÉPONSES DES
ADMINISTRATIONS, DES
ORGANISMES ET DES
COLLECTIVITÉS CONCERNÉS
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
Sommaire
Premier Ministre
239
Ministre de la défense
247
Ministre du redressement productif
252
Ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche
253
Ministre délégué auprès du ministre de l’économie et des
finances, chargé du budget
260
Directrice générale de l’agence nationale de la recherche
(ANR)
262
Administrateur général du commissariat à l’énergie
atomique et aux énergies alternatives (CEA)
270
Président du centre national d’études spatiales (CNES)
273
Président-directeur général du centre national de la
recherche scientifique (CNRS)
274
Président-directeur général de l’institut national de la
recherche agronomique (INRA)
276
Président-directeur général de l’institut national de
recherche en informatique et automatique (INRIA)
277
Président de l’université Paris-Sud
278
Président de l’université Pierre et Marie Curie
279
La réponse du président du conseil régional des Pays de la Loire est
parvenue à la Cour après qu’elle a délibéré. La Cour n’a donc pu en tenir
compte.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
238
COUR DES COMPTES
Destinataire n’ayant pas répondu
Président directeur général de l’Institut national de la santé et de la
recherche médicale (INSERM)
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS, DES ORGANISMES ET DES COLLECTIVITÉS
CONCERNÉS
239
RÉPONSE DU PREMIER MINISTRE
Ce document appelle un certain nombre d’observations sur la partie
spécifique consacrée aux Investissements d’avenir, qui sont développées dans
le présent courrier.
A titre liminaire, il convient de rappeler que le Programme
d’investissements d’avenir (PIA) répond à un certain nombre de principes,
mis en avant dès la Commission Juppé-Rocard puis retenus dans les règles
de fonctionnement du PIA, et notamment :
une mise en oeuvre à travers des opérateurs,
sélectionnant
des projets dans le cadre d’une gouvernance stricte
en se
reposant si possible sur des jurys internationaux de
sélection ;
des
financements
strictement
additionnels
pour
les
bénéficiaires,
qui n’ont pas vocation à se substituer à des
financements budgétaires
structurels ;
une
sélection sur la qualité des dossiers
ne répondant pas a
priori à une logique d’aménagement du territoire ;
une
mise en oeuvre transparente
, sous le contrôle d’un
comité de surveillance et du Parlement, et un suivi détaillé
des actions engagées.
Ces principes visent à permettre la réussite d’une action de
transformation à partir de moyens limités
par rapport au financement
global de la recherche et de l’enseignement supérieur en France. C’est à
l’aune de cet objectif que doit être jugée la mise en oeuvre de ce programme
d’investissement et les contraintes qui en découlent nécessairement.
1.
Un
dispositif
spécifique
quant
à
son
pilotage
et
aux
financements apportés
1.1.
Une organisation tripartite source de valeur ajoutée qui ne
déresponsabilise pas les ministères
La
Cour
souligne
à
juste
titre
le
pilotage
spécifique
des
Investissements
d’avenir
basé
sur
une
organisation
tripartite :
le
Commissariat général à l’investissement (CGI), garant des objectifs
d’ensemble et des objectifs particuliers du PIA, les ministères concernés
(avec à titre principal le ministère de l’enseignement supérieur et de la
recherche, MESR), et un opérateur (l’Agence nationale de la recherche,
ANR) ayant en charge l’ensemble des mesures opérationnelles de
l’organisation des procédures de sélection, au conventionnement avec les
lauréats.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
240
COUR DES COMPTES
Un comité de surveillance, placé sous la présidence conjointe de
MM. Alain Juppé et Michel Rocard, a pour mandat d’évaluer annuellement
la démarche et de suivre son exécution. Un tel dispositif interministériel a
permis de garantir à la fois le haut niveau de priorité politique, une
cohérence d’ensemble et une continuité dans la poursuite des objectifs fixés.
D’ores et déjà, comme la Cour le souligne elle-même,
cette
organisation tripartite s’est révélée particulièrement féconde, dans sa
capacité à sélectionner des projets puis à engager et décaisser les
financements prévus
(dont le rythme s’accélère fortement en 2013
,
avec
1,2 Md€ de décaissement prévu sur le périmètre considéré). Cependant, la
Cour souligne, à ce stade, le « coût certain » que ces procédures de
sélection auraient entraîné.
La valeur ajoutée de cette organisation apparait cependant majeure.
En effet, le dialogue et la coopération CGI-MESR ont permis de tenir
pleinement compte des caractéristiques propres au secteur de l’enseignement
supérieur et de la recherche et d’articuler l’action des Investissements
d’avenir avec les axes de la politique conduite par le ministère. La validation
finale de la décision par le Premier ministre sur avis du CGI a constitué en
elle-même une procédure dissuasive de tout abandon en cours de route des
objectifs d’excellence, nécessairement fortement distinctifs au sein du monde
de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Enfin le rôle confié à l’ANR pour assurer la responsabilité de
l’ensemble du processus opérationnel, outre qu’il correspond parfaitement
aux missions d’un opérateur de l’État, a allégé d’autant la charge du
ministère et du CGI leur permettant de se concentrer sur les sujets les plus
stratégiques.
Au-delà, il y a même lieu d’avancer que l’existence de cette
organisation tripartite a rendu possible la mise en oeuvre de démarches
sélectives qu’il aurait été potentiellement difficile au ministère de
l’enseignement supérieur et de la recherche de conduire seul.
La Cour, à ce stade, indique cependant qu’il conviendra de s’assurer
que cette gouvernance «ne déresponsabilise pas les ministères compétents».
Ce risque ne parait pas devoir se matérialiser, et ce pour plusieurs raisons.
D’une part, il convient en effet de noter que les actions du PIA sont
intervenues par le biais de moyens additionnels par rapport aux enveloppes
budgétaires des politiques publiques concernées, et sous des formes
nouvelles qui n’étaient jusqu’alors pas mises en oeuvre.
Les ministères concernés ont donc pu bénéficier de moyens
supplémentaires, avec un effet de levier important, mais en contrepartie de
principes encadrant l’utilisation de ces crédits du PIA et de modalités
précises, notamment sur la gouvernance. D’autre part, compte tenu du
caractère interministériel de la plupart des actions mises en place, leur
gouvernance implique une forte dimension interministérielle aux différents
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS, DES ORGANISMES ET DES COLLECTIVITÉS
CONCERNÉS
241
niveaux (engagement, suivi, pilotage) qui a permis de faire émerger des
projets en prenant en compte toutes leurs dimensions, alors qu’une décision
confinée au périmètre d’un seul ministère serait nécessairement moins
« informée » et plus limitée dans ses ambitions.
Ce fut par exemple le cas pour les actions concernant les sociétés
d’accélération du transfert de technologies (SATT) ou les instituts de
recherche technologiques (IRT) où la discussion interministérielle a permis
d’adapter certaines caractéristiques initiales des projets. Par ailleurs, en
termes de compétence, la participation des ministères aux comités
d’engagement, de pilotage et de suivi a permis une véritable association sur
le fond des sujets.
Ces modalités d’organisation mises en oeuvre jusqu’à présent pour le
lancement des actions, l’organisation des appels à projets et des opérations
de sélection, la chaîne de la prise de décisions jusqu’au Premier ministre
doivent trouver leur prolongement naturel et cohérent dans le dispositif de
suivi, comme cela a été souligné dans la lettre de mission du Commissaire
général du 21 aout 2012.
1.2.
Des financements particulièrement importants au service de la
recherche publique
Le gouvernement partage l’analyse de la Cour sur le caractère
massif des financements apportés par le Programme Investissements
d’avenir et sur la nécessité de respecter leur caractère « additionnel »
. Ce
caractère «additionnel» du PIA fait pleinement partie des contrats signés
avec les projets pour lesquels les établissements partenaires se sont engagés
sur les moyens alloués au projet sur sa durée de réalisation.
La Cour soulève par ailleurs la question dite du « préciput » qui
concerne la participation aux charges indirectes des ressources apportées
par les contrats de recherche sur projet. Dans le cas des appels à projets
concernant l’enseignement supérieur et la recherche du programme
d’investissements d’avenir, il a été décidé de traiter la question des charges
indirectes à travers une amélioration des règlements financiers adoptés par
l’ANR pour l’attribution des aides et le contrôle des dépenses. Ces charges
indirectes ne sont prises en compte que sur justifications. Ce travail
d’amélioration a concerné tous les règlements financiers et a fortement
mobilisé les équipes de l’ANR, du MESR et du CGI et il a été finalisé, comme
le signale la Cour, en juin 2012.
Il répond correctement au problème posé,
dès lors que les financements accordés aux projets lauréats rendent
soutenable cette participation aux charges indirectes
. En effet, les
financements apportés par le PIA sont d’un tout autre ordre de grandeur que
le financement habituel de l’ANR dans ses appels à projets traditionnels :
350 K€ par an sur 3 ans dans le cas des projets ANR, 1 000 K€ par an sur
10 ans pour un LABEX financé par le PIA.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
242
COUR DES COMPTES
Un tel financement est de nature à permettre, sans effet dommageable,
la participation du projet aux charges indirectes. Par ailleurs, sur le plan des
principes, il semble naturel que les établissements aient à participer, d’une
façon quelconque, au financement de projets
essentiels à leur image de
marque, à leur attractivité et à leur visibilité mondiale.
2.
L’accompagnement et le suivi des projets sur différents aspects
est aujourd’hui opérationnel
2.1.
Un accompagnement au service de la réussite des projets
Le CGI s’est progressivement investi, avec ses partenaires, sur le suivi
et l’accompagnement des porteurs de projet dont la Cour souligne le
caractère primordial. Un premier objectif de cette démarche consiste à
simplifier le dispositif.
Les règles encadrant la contractualisation et la
gestion financière des projets ont ainsi été simplifiées à plusieurs reprises
sous l’impulsion du CGI.
D’autre part, dans le cadre du lancement d’un diagnostic territorial
du PIA dans chaque région, il est proposé aux acteurs de faire valoir les
mesures de simplification de la carte des réalisations du PIA qui leur
semblent susceptibles de clarifier le paysage d’ensemble et d’assurer
l’impact et l’efficacité les meilleurs pour appuyer leurs politiques de
développement. Cette action sera conduite progressivement et a d’ores et
déjà
été engagée en Bretagne.
La simplification doit venir du terrain et de ses besoins, plus que
d’une mesure uniforme décidée par la gouvernance interministérielle du
programme
. La gouvernance accompagnera les actions simplificatrices
proposées par les acteurs, y compris en réduisant les éventuelles dispersions
relevées pour les réalisations du PIA. Il devrait en tous les cas être possible,
à cet effet, de tirer parti de la synthèse des diagnostics territoriaux engagés
par le CGI avec les régions. Le CGI veille également, avec le MESR, à ce
que l’opérateur mène des actions régulières d’accompagnement (diffusion
d’informations,
réunions
d’accompagnement
bilatérales,
réunions
thématiques de gestion, etc.) dans lesquelles il s’investit parfois directement
pour les projets les plus structurants.
Le CGI a été particulièrement attentif à ce que les opérations de suivi
annuel (compte rendu scientifique, financier, et indicateurs) soient les plus
simples possibles et se concentrent sur les données de réalisation, de résultat
et d’impact les plus essentielles.
2.2.
Des points de vigilance identifiés feront l’objet d’un suivi
spécifique
Ces opérations de suivi, aujourd’hui opérationnelles, permettront de
rester vigilant sur la gestion de certains risques soulignés par la Cour et que
le CGI et le MESR ont identifiés.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS, DES ORGANISMES ET DES COLLECTIVITÉS
CONCERNÉS
243
L’importance de l’effet de levier et de la capacité à générer des
ressources augmentant l’autofinancement des projets, dont l’importance est
rappelée par la Cour, constituent deux points centraux qui seront suivis dans
l’ensemble des projets financés. La Cour pointe également certains risques
spécifiques liés à des actions particulières.
a)
Les Initiatives d’excellence (IDEX)
Les IDEX ont défini dans leurs conventions une trajectoire et des
jalons intermédiaires précis qui synthétisent leurs principaux engagements
.
Les Initiatives d’excellence feront l’objet, en plus du suivi annuel prévu lors
des 3 premières années,
d’une évaluation concomitante par un jury
international au bout de 4 ans
. Il me reviendra alors de décider de la
poursuite du projet, sur avis du CGI et du MESR. Des difficultés plus
importantes ont été soulevées par le projet des établissements toulousains.
En
effet,
à
la
suite
des
élections
universitaires
2012,
des
établissements
participants
ont
souhaité
organiser
une
phase
d’appropriation du projet dans le cadre d’une large concertation, susceptible
de conduire à des évolutions du projet. A Toulouse, cette phase a conduit à
un réexamen en profondeur du projet sélectionné, et à des évolutions
substantielles du projet sélectionné. Dans le dialogue qui s’en est suivi, j’ai
rappelé la nécessité de garantir le très haut niveau de qualité qui avait
justifié la sélection du projet par le jury international et de tenir les
engagements pris pour respecter l’égalité entre les candidats. La convention,
qui est aujourd’hui en voie de finalisation, a finalement intégré des
dispositions spécifiques qui donnent les moyens à l’Etat d’éviter tout
dérapage prolongé du projet : jalon spécifique à 2 ans, période probatoire
réduite à 3 ans (et donc évaluation concomitante avec les autres IDEX),
comité de suivi interministériel permettant d’enclencher une procédure
d’alerte en cas de manquement avéré.
b)
Les sociétés d’accélération du transfert de technologie (SATT)
Au terme du travail interministériel, les projets de SATT dont le
modèle comportait des spécificités par rapport aux premières SATT
contractualisées et au cahier des charges initial ont aujourd’hui tous engagé
leur processus de contractualisation avec l’Etat sur la base d’un accord de
principe sur les modèles présentés.
De nombreuses dispositions sécurisent
l’investissement consenti par l’Etat dans les SATT :
Le financement des SATT par le PIA est opéré par tranches
de trois ans. Le bilan à trois ans pour le versement de la
deuxième tranche du financement est conditionné à des
critères clés dont celui de la capacité des actionnaires et
administrateurs de la SATT à trouver le bon équilibre entre
les intérêts de la société et ceux de leur structure d’origine ;
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
244
COUR DES COMPTES
Le comité de gestion des SATT
(auquel participent
notamment le CGI, le MESR et le ministère du redressement
productif) et l’ANR pourront réaliser à la demande des
membres du Comité de pilotage ou du CGI, des analyses sur
la répartition des investissements en maturation sur les
thématiques qui ont été affichées comme prioritaires par
chacune des SATT ;
Des mesures pourront être demandées au sein des conseils
d’administration par les représentants de l’Etat (MESR,
Ministère du redressement productif, Caisse des Dépôts et
Consignations, Oséo) pour rectifier la trajectoire en cas de
dérapages ou de dispersions qui ne seraient pas conformes
aux dépenses de personnel prévues et aux compétences
acquises. Les administrateurs représentant l’Etat et les
autres actionnaires des SATT auront la responsabilité de
proposer des mesures correctrices en cas de dérive forte par
rapport aux plans d’affaires initiaux.
La clarification de l’articulation avec les structures de valorisation
des établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST)
est certes importante, mais elle
ne concerne pas la maturation qui est
l’essentiel de l’activité des SATT. Elle porte plutôt sur le volet prestations
(5 % de l’activité) sur lequel une mutualisation des actions des différents
actionnaires est souhaitée pour regrouper des moyens existants et réduire les
coûts par effet de taille et professionnalisation. Pour autant, il n’est pas
envisagé de fusionner les équipes nationales de transfert de technologie des
EPST dans les SATT. De manière pragmatique, les SATT et leurs
actionnaires EPST devront trouver ensemble les modes de fonctionnement les
plus efficaces préservant les intérêts de chacun.
Les EPST étant actionnaires et administrateurs des SATT, il est de
leur responsabilité de veiller au bon équilibre entre les intérêts des SATT et
leurs intérêts propres. Enfin, la labellisation des SATT s’est faite par vagues
successives : 5 SATT dans une première vague, puis 4 dans une deuxième
vague et enfin 2 dans une dernière vague. Des éléments clés pour la réussite
des SATT ont été identifiés lors de la contractualisation de la première vague
(priorisation thématique, négociation de la propriété intellectuelle, maîtrise
des coûts, mode de recrutement du management…). Ces éléments ont été
transmis aux porteurs des projets alors non labellisés afin qu’ils les intègrent
dans la réingénierie de leurs projets.
c)
Les Instituts de recherche technologiques (IRT)
La mise en place d’Instituts nouveaux dans lesquels l’Etat et des
partenaires
privés
et
publics
co-investissent
sur
de
la
recherche
technologique avec l’objectif de la diffuser aux entreprises et au marché,
incluant des effets de levier sur les fonds publics supérieurs à tous les modes
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS, DES ORGANISMES ET DES COLLECTIVITÉS
CONCERNÉS
245
d’organisation préexistants, est apparue complexe. Les différents sujets à
résoudre pour finaliser la contractualisation avec les porteurs de projets, tels
que la gouvernance, le partage de risques, le cofinancement, la propriété
intellectuelle, les modalités de contribution par mise à disposition étaient en
interaction les uns avec les autres.
Aujourd’hui, au terme du travail interministériel, 5 projets sont
contractualisés et les 3 autres projets sont en bonne voie.
Les difficultés
juridiques, managériales et fiscales ont donc été progressivement
surmontées dans le respect du modèle initialement conçu de recherche
partenariale.
Pour les IRT contractualisés, le CGI, le MESR et le ministère du
redressement productif ont prévu que, tout au long de la vie de l’IRT, et plus
spécifiquement pendant la première année de phase de démarrage, chacun
d’entre eux devra alerter le comité de pilotage et le CGI sur les éventuelles
difficultés de mise en oeuvre. Le comité de pilotage, dans son rôle de suivi des
IRT, se prononcera alors sur les adaptations projet par projet, le cas échéant
en recourant à des experts extérieurs aux composantes de l’IRT.
Après avis conforme du CGI, il me reviendra de décider de la mise en
oeuvre de ces adaptations, conformément aux dispositions prévues dans la
convention entre l’ANR et les IRT.
Un point d’étape sera réalisé au terme
d’une année pour examiner d’éventuels nouveaux ajustements
.
Ainsi, les différents risques recensés par la Cour font aujourd’hui
l’objet de mesures dédiées qui sont la juste contrepartie de la sécurité
apportée par les financements du PIA. En même temps, la longue période
de déploiement des projets permettra de préparer très en amont la sortie du
dispositif PIA, tant sur le plan financier que sur la gestion des ressources
humaines qui y sont engagées.
3.
Conclusion
Le PIA a permis la mise en place de mesures exceptionnelles de
soutien aux projets les plus stratégiques en matière de recherche et
d’enseignement supérieur. Loin de rigidifier le paysage de la recherche
publique, il a favorisé l’émergence d’une véritable dynamique, qui doit
encore se poursuivre afin d’aller dans le sens d’une cohérence, notamment
territoriale, et d’une lisibilité toujours plus grande.
Les recommandations faites par la Cour sur la nécessité d’une
attention accrue portée aux retombées économiques de la recherche
publique, et au développement de la culture partenariale du transfert, sont au
coeur de la démarche des investissements d’avenir. De même, l’exigence
conjointe de
sélectivité des financements
et
d’évaluation des choix et des
résultats
fait partie des principes mêmes du PIA et c’est donc à juste titre que
la Cour insiste sur sa nécessité. Enfin, l’arrêt ou la réorientation des projets
d’investissements d’avenir qui n’auront pas atteint leurs objectifs sera
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
246
COUR DES COMPTES
essentiel pour la crédibilité toute entière du PIA : c’est donc à raison que la
Cour insiste sur cet aspect du programme, qui nécessite de préserver sur la
durée de vie des projets la gouvernance actuelle du PIA.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
247
COUR DES COMPTES
RÉPONSE DU MINISTRE DE LA DÉFENSE
Le ministère de la défense contribue via le programme 191
« Recherche duale (civile et militaire) » à la mission interministérielle
Recherche et enseignement supérieur (MIRES) dont relèvent les crédits
budgétaires destinés à la recherche civile.
Si les actions communes du ministère de la défense avec les ministères
de la recherche et de l’industrie se limitent aux actions du programme 191, il
convient toutefois de souligner que la coopération du ministère de la défense
avec la recherche civile va bien au-delà. Elle vise en effet à renforcer les
synergies autour des technologies duales et à démultiplier l’efficacité des
budgets investis. Elle permet également de faire partager les enjeux de la
défense à la communauté scientifique et de recherche civile et d'identifier au
plus tôt l'émergence de nouvelles ruptures technologiques susceptibles de
présenter un intérêt pour les applications de défense. Par ailleurs, sont
également subventionnés des projets innovants de PME présentant un intérêt
pour de futures applications tant civiles que militaires.
Les principaux outils actuellement utilisés pour soutenir cette
politique sont les suivants :
- le cofinancement de programmes avec l’agence nationale pour la
recherche (ANR) pour 7 M€/an. Ce partenariat avec l’ANR favorise non
seulement les travaux et les résultats de recherche ainsi aidés, mais il
augmente aussi la visibilité du ministère de la défense dans le monde
académique et industriel ;
- la participation active du ministère de la défense à la politique des
pôles de compétitivité ; la Défense y contribue à hauteur de 13 M€/an ;
- la formation par la recherche, au titre de laquelle sont financées
environ 150 nouvelles thèses chaque année et une vingtaine de stages de
recherche ;
- le programme ASTRID
152
mis en place depuis 2011 et dont la gestion
a été confiée à l’ANR. Il finance une quarantaine de projets spontanés de
laboratoires de recherche seuls ou en consortium notamment avec des PME
innovantes ; il dispose de 12 M€/an ;
- le dispositif RAPID
153
mis en place depuis mai 2009 en liaison avec
la direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services pour
152
ASTRID : Accompagnement spécifique de travaux de recherche et d'innovation
défense.
153
RAPID : Régime d'appui aux PME pour l'innovation duale.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
248
COUR DES COMPTES
soutenir l’innovation duale des PME et des entreprises de taille
intermédiaire à compter de 2011 ; ce dispositif s’élève à 40 M€/an.
En ce qui concerne l'évolution de la dépense intérieure de recherche
et développement des administrations (DIRDA), le document attribue à des
changements de méthodologies de collecte de données la forte baisse de la
DIRDA défense sur la période 1992 - 2010 (20,4 % des dépenses des
administrations en 1992, 6,7 % en 2000, 0,1 % en 2010). Or, la structure de
la direction générale de l’armement (DGA) a profondément évolué sur cette
période avec la suppression des arsenaux et la création de DCN et GIAT
industries, le recentrage de la DGA sur les activités de maîtrise d'ouvrage et
l’arrêt de la plus grande partie des activités de recherches menées en propre.
La recherche de défense a dès lors été confiée en grande partie aux maîtres
d'oeuvre industriels de ces programmes. Comme dans tous les pays détenant
une industrie de défense, l'Etat français contribue au financement de la R&D
de la base industrielle et technologique de défense avec l'objectif affirmé de
maintenir les compétences et les capacités d'innovation des entreprises. La
baisse de la DIRDA défense (conduite dans les laboratoires propres de la
défense) est donc davantage liée à ces évolutions structurelles qu'à des
changements méthodologiques.
Dans son analyse des circuits de financement de la recherche, la Cour
indique que « dans les 2,5 Md€ reçus comme financement public par les
entreprises, 1,4 Md€ sont des financements provenant du ministère de la
défense et correspondent, pour la plupart, à une externalisation de travaux
de recherche de la part de ce ministère » ; cette externalisation en fait est
structurelle et constitue une conséquence de la disparition des activités
industrielles de la DGA.
Le rapport met ce montant de 1,4 Md€ de financement des entreprises
en regard des données budgétaires du ministère de la défense, qui chiffre son
soutien à la R&D à un montant de l'ordre de 3,5 Md€. Il juge que « l'écart de
plus de 2 Md€ avec les statistiques de R&D pose question » et il souligne « la
nécessité de mieux retracer les financements du ministère de la défense à
destination des organismes publics, de l'enseignement supérieur et des
entreprises pour fiabiliser l'enquête R&D ».
Les 3,5 Md€ des agrégats de la R&D de défense sont structurés de la
manière suivante :
- 830 M€ sont consacrés à la recherche et technologie (R&T), dont
683 M€ (programme 144) aux études amont et 147 M€ (programme 144) aux
subventions (notamment ONERA, ISL, écoles) ;
- 1,7 Md€ sont consacrés aux études de défense (R&T + études
prospectives et stratégiques, études à caractère opérationnel et technico
opérationnel et recherche duale – CNES, CEA) ;
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS, DES ORGANISMES ET DES COLLECTIVITÉS
CONCERNÉS
249
- 3,5 Md€ sont
consacrés à la R&D (études de défense +
développement (1,8 Md€)).
La ventilation des financements par catégorie d’exécutant et par mode
d’attribution (dotation récurrente par subvention directe, subvention après
procédure compétitive d’appel à projet (AAP), contrats relevant de marchés
publics) est détaillée dans le tableau ci-après
154
:
Subvention
récurrente
Subvention
après AAP
Marchés
publics
TOTAL
Organismes
publics
993 M€
155
41 M€
156
341 M€
157
1 375 M€
Entreprises
0
53 M€
158
2 073 M€
159
2 126 M€
TOTAL
993 M€
94 M€
2 414 M€
3 501 M€
Par ailleurs, concernant « la recherche financée par le ministère de la
défense », l’évolution tendancielle globale de l’ensemble des crédits de
paiement (CP) de recherche et développement (R&D) entre 2009 et 2012 est
certes contrastée, mais l’effort financier reste soutenu, plaçant ainsi le
154
La ventilation par catégories d'exécutants des dépenses de développement du
programme 146 (soit 1,8 Md€ sur les 3,5 Md€) n'est pas mesurée. Pour construire le
tableau, les ratios utilisés de 14 % pour les organismes publics et 86 % pour les
entreprises sont ceux mesurés pour la totalité du programme 146. Moyennant
l’hypothèse que les mêmes ratios s’appliquent à la part R&D, il apparaît qu'environ
2,1 Md€ (soit 60 % des 3,5 Md€) sont perçus par des entreprises et 1,4 Md€ (les 40 %
complémentaires) profitent à des organismes publics tels que le CEA, le CNES et
l'ONERA.
155
Subventions ONERA, ISL et Ecoles (sur P144), CNES et CEA (sur P191), CEA
oeuvre commune (sur P146).
156
Programmes ASTRID (accompagnement spécifique des travaux de recherches et
d’innovation défense – programme géré par l’ANR) + programmes cofinancés à
l’ANR + formation par la recherche (thèses).
157
Part des études amont « Classiques, espace, nucléaire » allant vers des organismes
publics (14 % de 589 M€) + Part des études prospectives et stratégiques et des études
technico-opérationnelles allant vers des organismes publics (6 M€) + travaux de
développement du P146 allant vers des organismes publics (estimé à 14 % de
1 800 M€).
158
Programme RAPID (régime d’appui pour l’innovation duale - programme géré par
la DGCIS) + contribution au fonds unique interministériel (pôles de compétitivité)
159
Part des études amont « Classiques, espace, nucléaire » allant vers des entreprises
(86 % de 589 M€) + Part des études prospectives et stratégiques et des études
technico-opérationnelles allant vers des entreprises (19 M€) + travaux de
développement du P146 allant vers des entreprises (estimé à 86 % des 1 800 M€).
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
250
COUR DES COMPTES
ministère de la défense au coeur de la politique de croissance et de
compétitivité du pays.
CP M€ courants
LFI 2009
160
LFI 2010
LFI 2011
161
LFI
2012
162
Etudes de défense
163
1 571,3
1 620,1
1 647,9
1 649,5
dont recherche et technologie (R&T)
164
821,0
814,7
801,2
780,3
dont Etudes amont
660,1
653,2
645,2
633,0
Développements
165
2 253,1
1 948,5
1 629,6
1 800,0
Total R&D
166
3 824,3
3 568,6
3 277,5
3 499,5
En outre, les technologies impliquées dans les systèmes de défense
sont caractérisées par un très haut niveau d’innovation, souvent à la pointe
de l’état de l’art. Ceci est à l’origine d’effets d’entraînement des dépenses de
R&D militaires sur les dépenses de R&D civiles, avec des effets sur la
productivité nationale à travers la formation.
Le ministère de la défense a ainsi financé, en moyenne sur la période
2009-2011, 15 % de la recherche publique. Il a, de plus et à la différence des
autres ministères, la caractéristique d’externaliser la majorité de sa R&D
auprès des entreprises. Ainsi, en 2009, les financements étatiques reçus par
les entreprises à des fins de R&D (qu’elle soit civile ou militaire),
proviennent pour les deux tiers de la Défense (cf. Ecodef n° 54
167
).
160
Hors LFR de 110 M€ du plan de relance.
161
50 M€ de ressources exceptionnelles attendues du compte d’affectation spéciale
« Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien » non
inclus.
162
50 M€ de ressources exceptionnelles attendues du compte d’affectation spéciale
« Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien »
Fonds de concours inclus
.
163
Les « études de défense » incluent les études de « recherche et technologie »
(R&T) (incluant elles-mêmes les études amont), les EPS (études prospectives et
stratégiques), les EOTO (études à caractères opérationnel ou technico-opérationnel),
la recherche duale du programme 191 et la recherche CEA.
164
Le montant des R&T inclut le montant des EA.
165
« Développements » des programmes d’armement du programme 146.
166
Le total R&D inclut les « études de défense» et les « développements » du
programme 146.
167
Ecodef est le bulletin de l’observatoire économique de la défense de la direction
des affaires financières du secrétariat général de l’administration du ministère de la
défense.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS, DES ORGANISMES ET DES COLLECTIVITÉS
CONCERNÉS
251
Enfin, l’écart sur l’effort de R&D relevé avec les statistiques R&D
(type OTAN et OCDE) résulte quant à lui de l’évolution des nomenclatures et
de la distinction parfois marquée entre la part recherche et la part
développement.
S’agissant de la présentation des projets, la Cour préconise
« d'uniformiser les règles d'éligibilité et de présentation des projets pour les
différents
dispositifs
de
financement
compétitifs
nationaux ».
Cette
recommandation ne concerne pas les contrats de R&D financés par la
défense dans le cadre de marchés publics (2,4 Md€ sur les 3,5 Md€). Les
financements compétitifs de la défense sous forme de subventions, tels que
RAPID ou ASTRID, répondent au souci du ministère de la défense de
soutenir des innovations dans des secteurs technologiques et industriels
duaux dont la part défense touche à l’autonomie nationale. Les règles
d'éligibilité et de sélection des projets sont le plus proche possible des
pratiques nationales, mais l'uniformisation ne saurait être totale, certains
critères, comme l'intérêt pour la défense, étant spécifiques.
Enfin, en ce qui concerne les programmes de recherche européens, le
succès du programme sécurité du 7
ème
Programme cadre de recherche et
développement technologique (PCRDT), en termes de retour financiers vers
les organismes publics nationaux et entreprises nationales, est attribué dans
le document à l'existence de points forts de l'industrie française. Cette
position conduit à omettre l'implication conséquente des ministères, dont
celui de la défense, pour définir une stratégie nationale et porter
efficacement les intérêts français auprès de la Commission Européenne et
d'autres
Etats
membres.
Si
le
rapport
recommande
d'articuler
la
programmation nationale avec les orientations du programme européen, il
est regrettable qu’il n'évoque pas la coordination interministérielle et
l’exercice d'influence auprès de la Commission nécessaires pour orienter les
appels à projets et in fine capter davantage de financements européens.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
252
COUR DES COMPTES
RÉPONSE DU MINISTRE DU REDRESSEMENT PRODUCTIF
Je tiens tout d’abord à remercier la Cour des comptes pour la qualité
de son travail et pour le panorama qu’elle dresse du financement public de la
recherche allant jusqu’à évoquer le lien avec les retombées économiques.
Au-delà du diagnostic, ce rapport présente également un ensemble de
recommandations qui ont été souvent évoquées depuis une dizaine d’années,
sans être mises en oeuvre par les gouvernements qui se sont succédé.
Je ne peux donc que partager pour l’essentiel les constats formulés
par le rapport, ainsi que les propositions qu’il suggère. Néanmoins, nous
aurions aimé pouvoir disposer de propositions plus concrètes et directement
opérationnelles.
S’agissant de la simplification des aides financières en faveur de la
recherche des entreprises ou destinées à soutenir les actions partenariales de
valorisation ou de transfert des opérateurs publics, elle est un objectif
général de politique publique que la MAP a fait sienne, elle demeure
cependant indissociable d’une évaluation de leur efficacité au regard des
objectifs qui leur sont assignés. C’est pour partie l’objet de la mission
confiée à MM. Queyranne, Demaël et Jurgensen relative aux aides aux
entreprises. Le ministère du redressement productif n’a pas en l’espèce de
réponse particulière à apporter à ce rapport.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS, DES ORGANISMES ET DES COLLECTIVITÉS
CONCERNÉS
253
RÉPONSE DE LA MINISTRE DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
ET DE LA RECHERCHE
Le rapport public thématique de la Cour des comptes dresse un
panorama pertinent et utile du financement public de la recherche à travers
ses évolutions récentes. Cette synthèse a notamment le mérite de mettre en
perspective les différentes modalités et sources de financement, alors que la
consolidation des données constitue tout à la fois un enjeu important et un
exercice délicat. Les observations critiques et les recommandations de la
juridiction témoignent de l’enjeu majeur qui s’attache à la nécessité
d’inscrire la stratégie de financement dans une stratégie scientifique, alors
que la multiplication des acteurs et la complexification du paysage de la
recherche qui ont caractérisé la dernière décennie ont entrainé un recul sur
ce point.
En premier lieu, le ministère de l’enseignement supérieur et de la
recherche
partage le constat de la Cour selon lequel la France a su
conserver son rang d’excellence en matière de recherche dans les
comparaisons internationales, et qu’elle le doit principalement à l’effort
consenti par l’Etat et plus généralement aux financements publics malgré les
contraintes budgétaires qui sont allés en se renforçant depuis des années.
Dans ce cadre, comme le relève la Cour, un indicateur tel que celui de la
dépense intérieure de recherche et développement (DIRD) ne rend
qu’imparfaitement compte des résultats obtenus par notre pays. Pour un euro
public et un point de PIB investis dans la recherche, la France présente une
production scientifique supérieure à celle des Etats-Unis par exemple.
A cet égard, la Cour souligne à juste titre qu’au-delà du niveau du
financement public de la recherche, il convient de s’interroger sur le degré
d’efficience de ce financement. Une telle démarche était d’ailleurs au
fondement de l’organisation, au deuxième semestre 2012, des Assises de
l’enseignement supérieur et de la recherche qui ont débouché sur le projet de
loi actuellement examiné par le Parlement.
Certaines conclusions que tire la Cour de son évaluation appellent
néanmoins quelques remarques et nuances. Celles-ci concernent notamment
le développement du financement sur projet, l’impact et les retombées
économiques du financement public, et la problématique de la gouvernance
et du pilotage, notamment pour ce qui concerne la définition des priorités
stratégiques de la recherche.
Le développement du financement sur projets
La Cour met en avant, dans son rapport, les avantages du
financement sur projets, lesquels ont justifié son développement. Mais elle en
souligne à juste titre aussi certaines limites : la multiplication des contrats à
durée déterminée et la précarisation d’une partie du personnel des
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
254
COUR DES COMPTES
opérateurs de recherche, d’une part, la stagnation, qui correspond en fait à
une réduction des dotations récurrentes aux équipes et aux laboratoires
d’autre part. À ce titre, l’affaiblissement du rythme de renouvellement et de
modernisation de l’équipement scientifique, que regrette par ailleurs la
Cour, en est un symptôme significatif.
Au vu de ce constat, si certaines des recommandations de la Cour
visant à améliorer le fonctionnement des mécanismes de financement sur
projet méritent l’attention, l’idée que le niveau globalement atteint par ce
type de financement serait insuffisant et nécessiterait d’être augmenté
apparaît pour le moins contestable. Au contraire, la nécessité d’un
rééquilibrage au profit des financements récurrents est apparue comme une
revendication unanime des organismes de recherche et de la communauté
scientifique à l’occasion des Assises. C’est la raison pour laquelle le
Gouvernement a entrepris ce rééquilibrage en 2013, en redéployant une
partie des crédits alloués à l’Agence nationale de la recherche (ANR) au
profit des dotations de base aux organismes, qui ont ainsi pu progresser pour
la première fois depuis des années.
Dans ce cadre, la relation directe et, surtout, exclusive que la Cour
établit entre financement sur projets et excellence apparaît discutable. Parmi
les objectifs assignés aux organismes de recherche dans leur contrat
d’objectifs et de performance figure, en cohérence avec le volet performance
des PAP et des RAP des programmes de recherche, la progression de leur
production scientifique et technologique, mesurée notamment par le nombre
de publications de niveau international et le taux de citations, ainsi que par
le nombre de brevets et les ressources issues de licences de propriété
intellectuelle. Et le processus même de labellisation d’une unité mixte de
recherche
(UMR)
peut
s’analyser
comme
relevant
d’une
logique
d’excellence. Aucun élément tangible ne permet de considérer comme moins
« performante » au regard des standards internationaux la recherche
financée sur dotations récurrentes par rapport à celle qui résulterait de
projets financés dans une logique compétitive. Celle-ci peut permettre
d’orienter à court terme ou de finaliser tel ou tel volume de financement mais
n’est pas en elle-même un gage de qualité. D’autre part, un pan entier de la
recherche, dite fondamentale, risquée et exploratoire, « sans applications
immédiates », génère des ruptures scientifiques et technologiques majeures.
Le financement de cette recherche, qui doit obéir au seul critère de
l’excellence des projets et non à la capacité à leur trouver une justification
extérieure, doit être garanti. Le ressourcement de la recherche partenariale
exige le maintien d’une recherche fondamentale de grande qualité en amont.
C’est la raison pour laquelle le projet de loi d’orientation sur
l’enseignement supérieur et la recherche renforce les instruments de la
programmation scientifique en prévoyant la mise en place d’une stratégie
nationale de la recherche qui fixera les objectifs et priorités scientifiques
pour les années à venir. Cet agenda stratégique fera l’objet d’un rapport
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS, DES ORGANISMES ET DES COLLECTIVITÉS
CONCERNÉS
255
biennal par l’OPECST et sera révisé tous les cinq ans. Il s’agit ici de créer
les conditions d’une recherche continûment en phase avec les grands enjeux
de la connaissance et les grands défis de société, protégeant la recherche
fondamentale
et
technologique,
indépendamment
de
son
mode
de
financement, compétitif ou récurrent.
Impact et retombées économiques du financement public de la
recherche
La Cour juge les retombées économiques de la recherche insuffisantes
au regard du niveau de son financement public. Cette appréciation mérite
d’être précisée et complétée. Il est démontré qu’il existe une corrélation
positive entre la qualité des connaissances de base, c’est-à-dire de la
recherche fondamentale, et le potentiel d’innovation du système de la
recherche considéré dans son ensemble. Il n’y a pas deux recherches, l’une
fondamentale sans retombées mesurables et l’une finalisée, mais une
continuité et des échanges à intensifier tant fonctionne la stimulation
réciproque. L’impact de la qualité de la production scientifique des
universités sur les performances en matière de transfert a ainsi été mesuré
statistiquement en comparant les Etats-Unis et différents pays européens. Le
rapport utilise l’indice d’impact pour apprécier la qualité des publications
scientifiques, ce qui revient à faire référence à une moyenne mondiale et non
pas aux pays les plus innovants. De fait, il existe un décalage entre la place
que nous occupons en matière de production scientifique, qui nous range au
6
ème
rang mondial, et notre position au regard de l’indicateur synthétique
d’innovation (15
ème
en tenant compte des Etats-Unis, du Japon, de la Corée
et de la Suisse). Ce décalage n’existe pas pour l’Allemagne, par exemple, ce
qui montre qu’il est possible de rapprocher encore les performances dans ces
deux domaines.
Le rapport recommande de simplifier les aides à la R&D des
entreprises et les instruments de soutien aux actions partenariales et au
transfert. Il rejoint en cela les conclusions de trois autres rapports
récents (IGF-IGAENR-CGIEIET sur la recherche partenariale ; Beylat-
Tambourin sur le transfert et l’innovation ; Cour des comptes sur les aides à
la recherche des entreprises). Ces rapports proposent des modalités
différentes pour procéder à la rationalisation des dispositifs, mais soulignent
l’importance d’améliorer leur évaluation et leur pilotage. Le MESR y
souscrit et s’y emploie. Dans ce contexte, il a lancé en novembre 2012,
15 mesures pour le Transfert dont l’objectif central est d’augmenter l’impact
économique de la recherche.
Le CIR doit être inclus dans ce processus. A ce stade, c’est un des
dispositifs pour lequel les responsables publics disposent de données
détaillées et de plusieurs évaluations, avec une échéance importante en 2013
pour capitaliser sur différentes études. Un des points importants des
évaluations est la prise en compte du cumul des aides par les entreprises et
donc des interactions entre dispositifs. Une étude très récente cherche ainsi à
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
256
COUR DES COMPTES
analyser simultanément l’impact de l’appartenance à un pôle et du CIR sur
la R&D des PME.
La Cour souhaite que la valorisation et la participation aux
programmes européens soient mieux prises en compte dans les évaluations
des chercheurs et des unités de recherche. Ces aspects sont déjà pris en
compte dans les déroulements de carrière, mais voient leur importance
soulignée par le projet de loi d’orientation sur l’enseignement supérieur et la
recherche, qui introduit le transfert des résultats de la recherche vers le
monde socio-économique parmi les missions du service public de
l’enseignement supérieur. D’autre part, l’Agenda stratégique de la recherche
France Europe 2020, identifie clairement comme priorités scientifiques et
technologiques huit défis sociétaux également inscrits dans le programme
cadre européen Horizon 2020.
Le rapport souligne que la balance technologique de la France est
excédentaire depuis le début des années 2000, mais beaucoup moins que
celle du Royaume Uni, des Etats-Unis et de pays émergents comme la Corée
du Sud. Il rappelle que la plupart des transactions, notamment sur les
brevets, correspondent à des opérations entre sociétés mères et filiales
d’entreprises
multinationales.
Il
existe
ainsi
un
lien
entre
l’internationalisation de la production des grandes entreprises françaises, la
vente de licences à leurs filiales et l’accélération de la réduction de l’emploi
industriel dans notre pays. La montée en gamme de nos produits constitue
ainsi un objectif majeur qui repose sur la recherche et l’innovation, à l’instar
de ce que réussissent les Fraunhofer allemands.
Gouvernance et pilotage de la recherche publique
Plusieurs des constats dressés par la Cour et des recommandations
qui en découlent interrogent le mode de gouvernance de la recherche
publique française. Ils rejoignent les préoccupations qui ont inspiré le projet
de loi actuellement en discussion au Parlement. Celui-ci répond à cette
préoccupation par deux types de mesures : la mise en place d’un Conseil
stratégique de la recherche placé auprès du Premier Ministre et chargé de
définir les priorités inscrites dans l’Agenda stratégique France Europe 2020,
en appui à la décision politique ; et une véritable politique de site, permettant
de simplifier le paysage de l’enseignement supérieur et de la recherche sur le
territoire.
Cette politique de site vise à faire émerger une trentaine de sites sur le
territoire. Les regroupements créés sous statut d’établissement public
assureront la coordination nécessaire des politiques des établissements
d’enseignement supérieur et permettront d’assumer pleinement le choix de
faire des universités le lieu de la coordination des politiques de recherche.
La loi permettra d’effectuer ces regroupements sous un statut simplifié de
communautés d’universités ou d’établissements, par association à un
établissement
ou
par
fusion
inter-établissements.
Le
ministère
de
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS, DES ORGANISMES ET DES COLLECTIVITÉS
CONCERNÉS
257
l’enseignement supérieur et de la recherche renforce ainsi son rôle
régulateur, favorisant l’émergence d’universités complètes, cohérentes et
ancrées dans leur écosystème. Il s’agit de favoriser, comme dans tous les
pays dynamiques, les initiatives des écosystèmes en les articulant à une
politique nationale et européenne.
Ce faisant, la loi répond également à la nécessité relevée par la Cour
d’une simplification du paysage et d’un rapprochement durable entre tous les
types d’établissements d’enseignement supérieur et les organismes de
recherche.
La méthode retenue, celle de la contractualisation est le résultat d’un
dialogue avec les établissements d’enseignement supérieur et les organismes
de
recherche.
La
constitution
de
ces
ensembles
sera
progressive,
l’expérimentation effectuée début 2013 sur les sites de la vague C (Alsace et
Lorraine) étant en cours de finalisation. La contractualisation par site sera
ensuite étendue aux établissements relevant de la vague D (contrats
2014-2018 des sites parisiens).
Le projet de loi complète cette logique par différentes mesures de
simplifications des structures de coopération. Les fondations pour la
recherche sont encouragées à se rassembler et seront abritées dans la
fondation
de
site
propre
à
chaque
regroupement
territorial.
Les
établissements
publics
de
coopération
scientifique
(EPCS)
seront
transformés en communautés d’universités et établissements, nouvelle
catégorie d’EPSCP. Du fait de ces regroupements, les PRES, les RTRA et
RTRS ont vocation à disparaître comme catégories d’établissements et à
rejoindre le droit commun.
Par ailleurs, on ne peut qu’être d’accord avec la Cour lorsqu’elle
constate que l’unité mixte de recherche (UMR) constitue un modèle
d’organisation fécond pour la structuration de la recherche, modèle qui,
comme elle le souligne elle-même, commence à être copié à l’étranger. Aussi,
les difficultés que peut poser ce modèle en termes de gestion ne doivent pas
conduire à le remettre en cause, mais simplement à s’interroger sur les
mesures qui seraient de nature à lever ces difficultés. Dans cette optique, un
objectif du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche est
clairement de faire évoluer les cadres budgétaires et les systèmes
d’information des EPST et des EPSCP vers un cadre, sinon unique, du moins
convergent. C’est le même objectif qui inspire l’introduction du mandataire
unique en matière de transfert que favorise le projet de loi d’orientation.
D’autre part, la Cour estime que le mode actuel de financement de la
recherche publique ne permet pas au ministère de l’enseignement supérieur
et de la recherche un pilotage des moyens par grands secteurs de recherche.
Sur ce point, il convient de rappeler que le pilotage par le MESR de la
dépense de recherche doit s’inscrire à la fois dans une logique de tutelle
d’opérateurs autonomes, logique qui s’appuie sur le dialogue contractuel et
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
258
COUR DES COMPTES
de gestion, mais aussi dans le respect de l’architecture budgétaire issue de la
LOLF dans son découpage par programmes, actions et sous-actions. Cette
double entrée permet d’obtenir, au travers des différents documents qui
l’éclairent (PAP, RAP, rapport sur les politiques nationales de recherche et
de formations supérieures), l’information nécessaire sur le financement des
différents secteurs scientifiques. Une matrice qui croiserait directement les
approches scientifiques et budgétaires n’apparaît pas envisageable.
Le MESR examinera par ailleurs la possibilité de mettre en oeuvre les
recommandations de la Cour qui visent à améliorer la gouvernance du
système de recherche en poursuivant la simplification de l’architecture
budgétaire de la MIRES par la fusion éventuelle des programmes 172 et 187
et en enrichissant la documentation de la performance.
En outre, comme le suggère la Cour, le ministère a déjà mobilisé les
Alliances pour renforcer la fonction de programmation nationale, assurant
ainsi l’interface entre les orientations définies par le Gouvernement et la
recherche réalisée dans les établissements. En matière de programmation
scientifique, l’harmonisation entre les programmes nationaux et européens
constitue une nécessité dont rend compte l’articulation entre la stratégie
France Europe 2020 présentée le 21 mai 2012 et le programme cadre
Horizon 2020 de l’Union européenne.
Concernant l’emploi scientifique, le MESR, à partir de ses deux
instruments stratégiques que sont la Stratégie nationale de recherche et les
programmes de l’Agence nationale de la recherche (ANR) sur des
thématiques considérées comme essentielles, élabore un cadre national de
GPEEC. C’est dans ce contexte qu’il oriente et encourage les réflexions sur
la GPEEC au sein des opérateurs de recherche, notamment par
l’intermédiaire des contrats d’objectifs.
Par ailleurs, les Alliances ont également vocation à améliorer la
coordination entre les acteurs d’une discipline de recherche afin de bâtir une
réflexion prospective en termes d’emploi, même s’il revient à chaque
établissement autonome de définir ses besoins à court et moyen terme et les
ressources à mobiliser pour mener sa politique de recrutement, de mobilité et
de formation.
Enfin, toujours dans une optique de pilotage, la Cour regrette
qu’aucun document budgétaire ne donne une vision d’ensemble des moyens
consacrés par l’Etat à la recherche, y compris les dépenses fiscales et les
dispositifs extrabudgétaires du type investissements d’avenir. À ce titre, il est
sans doute possible de faire évoluer le rapport sur les politiques nationales
de recherche et de formations supérieures (Jaune) annexé aux projets de lois
de finances dans le sens d’une plus grande exhaustivité.
*
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS, DES ORGANISMES ET DES COLLECTIVITÉS
CONCERNÉS
259
Les mesures arrêtées dans le cadre de la programmation budgétaire
2013-2015 et le projet de loi d’orientation sur l’enseignement supérieur et la
recherche répondent ainsi aux grands défis qui se posent à la recherche
française et qu’éclairent les observations et recommandations de la Cour. Le
rééquilibrage du financement des équipes de recherche entre projets et
dotations récurrentes a été amorcé dès le budget 2013, de même que la
résorption de la précarité à travers la mise en oeuvre des dispositions de la
loi du 12 mars 2012. Au-delà, c’est le projet de loi d’orientation qui
permettra de renforcer la dimension stratégique de la programmation
scientifique nationale et de la concevoir en pleine coordination avec la
programmation européenne. Cette coordination, jointe à la simplification de
l’accès aux financements, est la condition pour que la France retrouve son
rang en termes de participation et de retour dans les programmes européens,
au service d’une politique de redressement par la compétitivité, la recherche
et l’innovation.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
260
COUR DES COMPTES
RÉPONSE DU MINISTRE DÉLÉGUÉ AUPRÈS DU MINISTRE DE
L’ÉCONOMIE ET DES FINANCES, CHARGÉ DU BUDGET
Je tiens à souligner la grande qualité et l'exhaustivité des travaux de
la Cour, qui attestent de l'ampleur de l'effort des pouvoirs publics envers le
secteur de la recherche.
Cet effort a notamment pris la forme d'une augmentation des crédits
budgétaires dévolus à la recherche, évaluée à 12 % entre 2006 et 2013, mais
également de l'extension du crédit d'impôt recherche et de la mise en place
du programme d'investissements d'avenir, qui a largement bénéficié au
secteur de la recherche.
Dans
le
prolongement
de
ces
efforts
substantiels,
la
Cour
recommande la mise en oeuvre d'une programmation à moyen terme des
crédits
alloués
par
l'État
par
grands
secteurs
scientifiques.
Cette
recommandation trouve déjà sa traduction législative dans les lois de
programmation des finances publiques, qui permettent d'apporter une
visibilité sur les moyens dédiés à la recherche sur un horizon de trois ans.
Par ailleurs, la stratégie nationale de recherche et d'innovation a vocation à
constituer le support privilégié d'une déclinaison par grands secteurs
scientifiques.
En dépit des efforts publics en faveur du secteur, la Cour regrette la
relative stabilité de la dépense intérieure de recherche et de développement
(DIRD), autour de 2,2 % du PIB, alors que la stratégie européenne
« Horizon 2020 » fixe une cible de 3 % pour 2020. Ces résultats, qui
apparaissent relativement décevants, s'expliquent toutefois en partie par la
structure de l'économie nationale. Dans ce contexte, afin de mieux
appréhender les évolutions de la DIRD, la recommandation visant à décliner
cet indicateur par grands secteurs d'activité me semble constituer une
avancée intéressante.
La Cour fait par ailleurs état de la nécessité de disposer d'une
information complète sur l'ensemble des moyens alloués à la recherche. Je
rappelle que le « Rapport sur les politiques nationales de recherche et de
formations supérieures », annexé à chaque projet de loi de finances, répond
déjà à cet objectif. Par ailleurs, si je partage le souhait de mieux déterminer
la part des crédits du programme 150 « Formations supérieures et recherche
universitaire » dévolus à la recherche, toute amélioration dans ce domaine
repose sur la mise en oeuvre d'une comptabilité analytique fiable au sein des
organismes d'enseignement supérieur.
Dans ce contexte de forte croissance des financements publics depuis
2006, la Cour souligne l'émergence des financements sur projets. A cet
égard, je partage votre souhait de voir l'Agence nationale de la recherche et
l'Etat formaliser un contrat pluriannuel de performance. Si l'évolution des
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS, DES ORGANISMES ET DES COLLECTIVITÉS
CONCERNÉS
261
missions de l'ANR a retardé jusqu'à présent la finalisation de ce document,
celui-ci s'avère désormais nécessaire. Il convient par ailleurs de mieux
rationaliser les autres sources de financements compétitifs du secteur. Je
souscris à ce titre aux recommandations visant, d'une part, à mettre un terme
aux projets financés par le programme d'investissements d'avenir (PIA) qui
n'auraient pas atteint leurs objectifs lors des bilans d'étape et, d'autre part, à
mieux articuler la programmation nationale avec les orientations du
programme cadre pour la recherche et le développement technologique de
l'Union européenne.
La Cour propose également une évolution des modalités de prise en
charge des frais généraux éligibles aux financements de l'ANR et du PIA, par
référence à ce qui est prévu au titre des projets communautaires. A ce sujet,
je tiens à souligner que les pratiques de l'Union européenne ne sont pas
transposables aux projets nationaux compte tenu des particularités de
financement du secteur de la recherche en France, et notamment du niveau
élevé de subventions récurrentes directement versées aux organismes.
Les organismes publics de recherche se sont fortement adaptés aux
mutations du secteur, en initiant notamment des stratégies de rapprochement,
dans le but de répondre aux projets de l'ANR, de l'Union européenne ou des
investissements d'avenir. Aussi, je partage les recommandations qui visent à
leur offrir davantage de visibilité, par l'établissement d'une gestion
prévisionnelle des emplois et des compétences ou la recherche d'une plus
grande souplesse dans la gestion des unités mixtes de recherche.
Enfin, la recommandation portant sur la simplification des dispositifs
publics en faveur de la recherche en entreprise, de la valorisation et du
transfert me semble devoir entrer dans le cadre des travaux de modernisation
de l'action publique amorcés par le Gouvernement.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
262
COUR DES COMPTES
RÉPONSE DE LA DIRECTRICE GÉNÉRALE DE L’AGENCE
NATIONALE DE LA RECHERCHE (ANR)
Les travaux de la Cour des comptes, premier de ce type à apporter
une vision consolidée des financements en faveur de la recherche, éclairent
le débat public au moment où un projet de loi est en discussion, et où les
équilibres budgétaires sont en évolution concernant le financement sur
projets. Ils sont donc pour notre pays d’une particulière importance.
Concernant l’Agence nationale de la recherche, La Cour a
parfaitement bien montré la montée en puissance rapide de l’établissement,
ainsi que le carrefour stratégique et budgétaire où elle se situe. L’ANR, en
contact permanent avec ses homologues dans le monde, souhaite mentionner
que les grandes Nations de recherche et d’innovation ont développé des
modèles où la part du financement sur projets est beaucoup plus importante
qu’en France (moins de 20 % dans notre pays alors que cette part dépasse
60 % aux USA, atteint 47 % au Japon, et se situe entre 35 % et 45 % dans les
pays
européens
les
plus
productifs
scientifiquement
-
Allemagne,
Grande-Bretagne, Danemark, Suède). Elles ont également décidé d’y
consacrer un effort croissant, en dépit des difficultés en matière de finances
publiques, ce qui leur permet de maintenir des taux de succès plus
importants, dépassant les 23 % aux Etats Unis comme au Royaume Uni et en
Allemagne où ils atteignent 40 % à la DFG.
La loi d’orientation pour la recherche de 2006 prévoyait la montée en
puissance du financement sur projets dans le financement de la recherche
(1 500 M€), niveau récemment réaffirmé comme pertinent par le député
Christophe Borgel, Président de la commission des Affaires économiques de
l’Assemblée Nationale, dans son avis publié en avril 2013. Une telle dotation
permettrait d’une part, une mise à niveau de la part du financement sur
projet et d’autre part, une augmentation du pourcentage revenant aux
établissements, frais de gestion et préciput restant insuffisants pour donner
au financement sur projet un maximum d’efficience.
Depuis 2005, la mise en place d’un financement sur projets via
l’Agence nationale de la recherche a déjà permis d’apporter une véritable
valeur ajoutée au système français de recherche. L’appréciation de l’OCDE
les analyses de l’Agence sur le fait que le mode projet permet de tracer
précisément sur le plan du suivi financier, l’activité de recherche en fonction
des domaines, mais aussi de concentrer et d’accélérer les recherches sur des
priorités scientifiques en mobilisant les meilleures équipes.
Car au-delà de ces aspects financiers, l’impact est multiple. Les
modalités de sélection compétitive et indépendante, répondant à des
standards internationaux, permet de concentrer les financements vers les
équipes de recherche les plus performantes. La réponse à des challenges
scientifiques et défis sociétaux est source de créativité et facilite la
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS, DES ORGANISMES ET DES COLLECTIVITÉS
CONCERNÉS
263
collaboration entre équipes scientifiques de différentes disciplines et
d’institutions publiques et privées (organismes, universités, entreprises,
écoles..) autour d’objectifs communs. De tels décloisonnements sont
indispensables pour relever les défis sociétaux identifiés dans le cadre des
stratégies nationales et européennes, défis sociétaux qui correspondent tous
à des problématiques complexes nécessitant la mobilisation de champs
disciplinaires variés associant notamment les sciences humaines et sociales
et les sciences de la vie ou physiques, pour espérer la production de
nouvelles connaissances rapidement mobilisables pour y répondre. En 2013,
outre des programmes couvrant les problématiques de la ville durable, de
l’alimentation, du changement climatique, de la sécurité globale ou de la
transition
énergétique,
qui
impliquent
toutes
des
approches
interdisciplinaires, l’ANR a lancé un nouveau programme sur les
mécanismes
d’apprentissage
à
l’interface
entre
sciences
cognitives,
neurosciences et technologies de l’information et de la communication qui
connaît un grand succès.
On
peut
estimer
à
près
de
20 %,
les
projets
fortement
interdisciplinaires à l’ANR.
L’affichage de priorités clairement identifiées, la mise en place de
financements significatifs sur des périodes permettant de se maintenir ou
d’acquérir du leadership sur des thèmes émergents, permettent orientation et
accélération de la recherche sur des thématiques prioritaires permettant de
donner force aux orientations stratégiques de l’Etat. Ainsi par exemple, le
renforcement attendu des sciences humaines et sociales a pu effectivement
s’opérer. Avant la création de l’ANR, un projet SHS était financé en moyenne
sur la base de quelques milliers d’euros sur trois ans. Aujourd’hui, il reçoit
en moyenne 240 000 euros. Entre 2005 et 2011, 1440 projets SHS ont été
déposés dans les programmes ouverts à tous les champs disciplinaires et 341
ont été financés, 715 projets SHS ont été déposés dans le programme Jeunes
chercheuses/Jeunes chercheurs et 177 ont été financés. Enfin, pour les
programmes thématiques SHS, 1 403 projets ont été déposés et 320 financés.
Le financement total accordé à ce champ scientifique atteint 158,8 M€.
La possibilité d’utiliser une partie des moyens pour financer
doctorants et post-doctorants place ces derniers au coeur d’équipes
particulièrement dynamiques et ouvertes dont on peut faire le constat
qu’elles se retrouvent ensuite bien positionnées dans d’autres cadres de
financement que l’ANR, nationaux et internationaux. Ainsi, par exemple, de
nombreux pilotes industriels ont pu être développés dans le cadre du Fonds
Démonstrateur Grenelle et du PIA grâce à des projets ou des grappes de
projets soutenus en amont par l’ANR (bioénergies, véhicule électrique,
batteries innovantes, technologies de santé, matériaux innovants, etc.). Le
devenir des jeunes formés dans de tels contextes, est particulièrement
important à analyser.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
264
COUR DES COMPTES
Une large part du financement sur projets de l’agence est orientée
vers la recherche partenariale (23 % des projets sont en partenariat
public-privé, à part égale entre grandes entreprises et PME). Cette
orientation prend tout son sens dans un contexte où le besoin de ré-
industrialisation et d’amélioration de la compétitivité des entreprises devient
primordial. Le financement de la recherche collaborative en partenariats
public-privé a de nombreux avantages car il accélère le transfert de savoir-
faire de la recherche publique vers les entreprises, ainsi que l’employabilité
des doctorants et jeunes chercheurs par les entreprises. Les bilans
scientifiques des programmes de l’ANR montrent que ces projets déposent 2
à 3 fois plus de brevets que les projets strictement publics.
Le corpus de programmes proposé s’adapter aux objectifs et laisser
place notamment au financement de projets à risque, générateur de sauts
scientifiques. C’était toute l’ambition du programme « Blanc » qui a par
exemple permis d’accompagner les travaux de Serge Haroche, coordinateur
d’un projet en 2005, récompensés depuis par un prix Nobel.
Enfin, le financement sur projets est l’instrument privilégié des
collaborations internationales. Avec la création de l’ANR, la France s’est
dotée d’un outil de collaboration avec
les autres agences de financement qui
travaillent toutes sur des bases analogues, mises en place de longue date
dans certains pays : 60 ans en Allemagne, 50 ans aux USA et plus encore en
Grande Bretagne. Actuellement, 15 % des projets de l’agence sont basés sur
des consortiums internationaux.
L’ANR a fait la preuve de la robustesse de ses processus de sélection,
lesquels ont été certifiés ISO 9001. Elle est un acteur reconnu au plan
international et répond aujourd’hui à une « demande » qui n’a cessé
d’augmenter et qui témoigne de « l’acculturation » des chercheurs français
au financement sur projets.
La Cour a bien noté les évolutions en cours du point de vue du
positionnement de l’agence qui, lors de ses premières années de
fonctionnement,
a
élaboré
des
méthodologies
très
ouvertes
de
programmation basées sur une consultation très large et une comitologie
adaptée faisant interagir la communauté scientifique internationale, les
différents ministères, les industriels et les établissements au sein de ses
comités sectoriels. La montée en puissance des alliances a permis de
construire un dialogue qui alimente aujourd’hui la programmation in fine
actée
par
le
Conseil
d’Administration.
Le
cadrage
amont
de
la
programmation a vocation à prendre appui sur les Alliances, des échanges
étant actuellement en cours pour élaborer une méthodologie qui permettent
une prise en compte tant des enjeux académiques qu’industriels. Sur la base
de ce cadrage, l’ANR devrait diversifier ses instruments de financement et
privilégier une sélection en deux temps dès l’édition 2014. Comme le
mentionne la Cour, la mise en place d’un processus de sélection en 2 étapes
est à l’étude depuis plusieurs mois, et a même fait l’objet, dès 2013, d’une
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS, DES ORGANISMES ET DES COLLECTIVITÉS
CONCERNÉS
265
expérimentation sur le programme Agrobiosphère. L’ANR souhaite insister
sur le fait que cette sélection en deux temps, qui permet d’éviter aux
chercheurs dont les pré-propositions ne sont pas retenues, de constituer un
dossier définitif détaillé, ne saurait être considérée comme une réponse en
soi à un faible taux de sélection et n’apportera les avantages escomptés en
gain de temps pour les chercheurs que si le volume de pré-propositions ne
subit pas une croissance déraisonnable.
Du point de vue budgétaire, la Cour montre la baisse des crédits de
l’agence, et notamment des engagements, avec une accélération en 2013. La
Cour s’inquiète de cette diminution, par ailleurs accompagnée de la
disparition du projet annuel de performance de l’indicateur relatif au taux de
financement sur projets. Les perspectives budgétaires de l’agence sont
aujourd’hui défavorables, aussi bien concernant la programmation future
que du point de vue de la capacité de l’agence à honorer ses engagements
passés à moyen terme.
La loi de finances pour 2013 prévoyait une baisse de 10 % de la
subvention de l’agence qui n’impactait pas le hors appel à projets. Le MESR
a notifié un surgel supplémentaire de 50 M€ en AE et de 100 M€ en CP, ce
qui aboutit à une baisse de 16 % de la subvention de l’agence (en AE) et de
113,5 M€ par rapport l’exécution 2012. La diminution de crédits impacte
majoritairement l’enveloppe « appels à projets », laquelle passe de 533,3 M€
à
411 M€, soit une baisse de 23 %. Compte tenu du nombre de dossiers
déposés en 2013, le taux de sélection des projets dits « blanc » relevant de la
programmation ouverte à toutes les thématiques, pourrait être en recul de
près de 5 points (13 % contre 18 % en 2012).
A
périmètre
identique,
les
moyens
dédiés
aux
programmes
thématiques (201 M€) sont en baisse de 46,8 M€ par rapport à ceux de 2012
(247,8 M€), soit - 18,9 %.
Au-delà de cette évolution, l’ANR souhaite attirer l’attention de la
Cour, comme elle l’a fait dans le rapport d’observation provisoire, sur sa
situation de trésorerie. L’ANR espère que cette situation ne conduira pas
l’Etat à réguler d’autant plus les autorisations d’engagement, accroissant
ainsi la diminution du financement sur projets mise en avant par la Cour.
En tenant compte de l’effet cumulé des annulations de crédits de
paiements 2012 (100 M€), du surgel notifié début 2013 (100 M€), de la
baisse de subvention indiquée dans la programmation triennale 2013-2015
de la fluidité des paiements, et de l’absorption antérieure des anciens fonds
ministériels sans crédits de paiement associés, les hypothèses de solde de
trésorerie auraient été les suivantes : 2013 : 273 M€ ; 2014 : - 30,5 M€ ;
2015 : - 198,5 M€, conduisant à une incapacité de l’agence à couvrir ses
engagements passés. Le CA de l’ANR a validé en mars 2013 des hypothèses
révisées fondées sur l’allongement des échéanciers de paiement à compter de
2013
en
5
versements
de
20
%
plutôt
que
4
versements
de
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
266
COUR DES COMPTES
30 %, - 30 %, - 20 %, - 20 %. Avec cet allongement des échéanciers, les
prévisions de trésorerie sont améliorées : 2013 : 277 M€ ; 2014 : 97,8 M€ ;
2015 : 10 M€. Mais, dès 2013, cette mesure aura un impact sensible sur les
moyens perçus par les laboratoires laquelle viendra s’ajouter aux effets des
baisses de subventions disponibles.
La Cour interroge les modalités de financement de l’agence, et
notamment la question des frais généraux. L’ANR souscrit à l’analyse qui est
faite sur la probable insuffisance du préciput et frais de gestion. Ceci mérite
d’être objectivé et l’ANR y travaille, en lien avec quelques organismes de
recherche. Elle souscrit enfin à l’analyse selon laquelle il est difficile de
relever les frais de gestion et/ou
le préciput avec des moyens en forte
diminution. De même, si l’agence souscrit à l’analyse d’ensemble de la
faiblesse du financement d’équipements mi-lourds en France, elle souligne
dans le rapport que la proposition de charger l’ANR de coordonner des
appels à projets en investissements scientifiques qui constituerait une
avancée pour la communauté scientifique comme l’a été la sélection des
équipements d’excellence dans les investissements d’avenir, se devrait d’être
accompagnée budgétairement à la hauteur des objectifs qui pourraient être
fixés.
Sur la question des emplois sous forme de contrats à durée
déterminée, l’ANR souhaiterait que soit rappelé, dans la partie relative à
l’ANR, ce que la Cour explicite plus loin dans le rapport, à savoir que les
contrats financés par l’ANR représentent une fraction minoritaire des
contrats à durée déterminée des EPST. La lecture des bilans sociaux de
quelques organismes apporte en effet un éclairage intéressant sur la part des
CDD ANR dans les CDD des organismes et permet de relativiser les
« critiques » sur le rôle du financement sur projets dans la précarisation des
personnels. Ainsi, en 2011, les CDD financés par l’ANR ne représentent que
7,8 % des emplois temporaires à l’INSERM, 16 % au CNRS et 19,2 % à
l’INRA. En outre les CDD financés par l’ANR voient leurs travaux couverts
par l’aide accordée et ils bénéficient d’un environnement scientifique ouvert.
Bon nombre sont en contact avec le secteur privé et l’international et
acquièrent ainsi une employabilité plus importante, un contexte bien différent
de celui induit par d’autres sources de financement exclusivement orientées
sur le soutien de frais salariaux des CDD. Pour aller plus loin dans le suivi
de ces chercheurs sous contrats temporaires, l’ANR s’est engagée à mettre
en place une enquête de grande ampleur avec les acteurs du secteur comme
la Cour le signale.
L’agence a cependant renforcé sa vigilance et demandé dès cette
année aux porteurs de projets de veiller à davantage contenir la part
d’emplois temporaires. Mais elle veillera à ce que cette orientation, qui
pourrait être pénalisante pour les petites équipes et pour les doctorants, soit
aménagée en fonction des secteurs et des types de projets.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS, DES ORGANISMES ET DES COLLECTIVITÉS
CONCERNÉS
267
Concernant le développement de l’analyse d’impact, l’agence définit
actuellement une méthodologie visant à bâtir un processus spécifique
« évaluation d’impacts » afin de répertorier de manière exhaustive l’impact
des programmes qu’elle a lancé il y a plusieurs années. Huit ans après sa
création, cela commence à être possible, car il est démontré que l’impact en
recherche ne peut s’évaluer que sur de longues durées. Plusieurs travaux en
collaboration avec des laboratoires spécialisés sont en cours afin d’identifier
l’impact du programme Blanc en terme de production scientifique, sur des
bases économétriques, mais également sociologiques. Une réflexion est en
cours afin d’examiner une transposition de la méthode « Starmetrix »
développée aux USA pour les agences NIH et NSF.
Commentaires relatifs à la partie sur les investissements d’avenir
La Cour apprécie favorablement l’ensemble de la démarche des
investissements d’avenir et la manière dont a été conduite l’opération,
confiée dans sa gestion pour 18,9 Mds€ à l’ANR. Le conventionnement des
projets est à présent quasiment terminé.
La Cour met tout d’abord en évidence la nécessité d’apporter un
accompagnement aux porteurs de projets. C’est ce à quoi s’est attachée
l’ANR en tant qu’opérateur du CGI, dès la phase de conventionnement. Un
suivi est donc assuré dès la mise en place des crédits,
et se poursuit avec une
organisation apte à répondre aux enjeux des phases ultérieures. Depuis les
échanges avec la Cour, l’ANR a développé les systèmes d’information qui
permettront d’assurer un suivi de bon niveau des projets,
de partager les
informations avec le MESR et le CGI, et d’ accompagner les acteurs. Un
outil de collecte des données est finalisé, une base access a été mise en place
et permet de retracer les informations selon plusieurs angles (opérateurs,
régions, disciplines, cofinancement….), un infocentre est en cours de
développement.
Ces
instruments
seront
importants
pour
conforter
l’accompagnement
notamment
sur
des
problématiques
transversales
(réunions par exemple avec l’ensemble des idex pour évoquer les modalités
de suivi, les questions d’accords de consortium, les relations aux labex…)
mais aussi plus ponctuellement pour faciliter le déroulement des projets.
Comme nous le faisons pour le reste des projets de l’ANR, l’activité
d’animation sur l’ensemble des programmes IA doit être développée
(colloques, diffusion de bonnes pratiques, bilan par action…) et articulée
lorsque cela est pertinent avec celle touchant les autres programmes de
l’ANR.
La Cour exprime la nécessité de mettre en place des outils
d’évaluation. Sur un plan très général, la trajectoire scientifique telle qu’elle
a été définie pour chacun des projets est consignée dans l’annexe scientifique
de la convention d’aide, qui comprend la description du projet tel qu’il a été
examiné par le jury et les ajustements apportés lors de la rédaction de la
convention. Sur une durée d’une dizaine d’années, il est probable que
certains projets s’écarteront sensiblement de la trajectoire prévue, pour des
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
268
COUR DES COMPTES
raisons très diverses
évolution du contexte scientifique et apparition de
nouvelles priorités, disponibilité de nouveaux équipements, modification du
périmètre des équipes impliquées, etc.). Il convient donc de positionner le
suivi dans un contexte global, d’éventuelles modifications de trajectoire ne
signifiant pas pour autant que le projet doive être abandonné. En pratique,
l’analyse des rapports de suivi annuel permettra de détecter les éventuelles
difficultés rencontrées par les porteurs qui n’auraient pas encore été portées
à la connaissance de l’ANR (suivant les termes de la convention), de manière
à en informer le comité de pilotage qui pourra prendre toutes dispositions
utiles. En fin de période probatoire, il est prévu de demander aux porteurs de
projets de fournir un compte-rendu plus exhaustif qui pourra servir de base à
une évaluation impliquant des membres du jury ayant participé au processus
de sélection. Cette évaluation sera formulée après un entretien avec porteurs
de projets et principaux partenaires et présentée au comité de pilotage qui
disposera ainsi des éléments utiles pour formuler sa proposition de go ou no-
go, assortie de commentaires justifiant sa décision.
Commentaires relatifs à la partie sur les financements européens
La Cour fait le constat de la baisse de la part française dans les
financements européens. Il est cependant très difficile de l’imputer
exclusivement à une concurrence induite par les IA dans la période
2009-2011. En effet, le moment du décrochage de la France au PCRD est
perceptible depuis 2004 avec des taux de succès amélioré ne compensant pas
la diminution du nombre de soumissions et donc précède le lancement des IA
comme d’ailleurs la mise en place du guichet national ANR. Par ailleurs, les
périmètres sont différents avec une part très importante dédiée au secteur
privé dans les appels européens rendant l’analyse statistique délicate.
Un premier facteur d’érosion
peut en revanche être trouvé dans la
chute du nombre de projets portés par le secteur privé français (grands
groupes et PME), plusieurs éléments pouvant être avancés pour expliquer ce
phénomène (mise en place du FUI, CIR, retour sur investissement jugé trop
faible par les entreprises, etc.).
Un second facteur pouvant être imputé depuis 2008 à une évolution de
la programmation du 7
ème
PCRD, axée plus fortement sur des thématiques de
sortie de crise (recherche technologique) et de soutien à l’innovation (CIP,
démonstration) et moins sur des aspects plus amont ou d’appui aux
politiques publiques (environnement, santé…) qui a pu trouver moins d’écho
dans les communautés de recherche publiques françaises.
La bonne articulation des programmations françaises et européennes
est sans aucun doute l’une des clés de voute d’une amélioration des taux de
succès. La programmation de l’ANR a été systématiquement coordonnée ces
dernières années afin que le calendrier des appels à projets ne soit pas
chevauchant avec ceux du PCRD. Des arbitrages thématiques ont été opérés
afin d’éviter les redondances. La programmation 2013, intègre également
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS, DES ORGANISMES ET DES COLLECTIVITÉS
CONCERNÉS
269
des mesures visant à renforcer la présence française à l’ERC, avec
l’obligation des lauréats du programme « Jeunes Chercheurs » de déposer
une proposition à l’ERC pendant la durée de leur projet. L’ANR réfléchit à
des mesures complémentaires dans le cadre de son plan d’action 2014 afin
de développer l’offre scientifique française aux futurs appels d’H2020.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
270
COUR DES COMPTES
RÉPONSE DE L’ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL DU COMMISSARIAT
À L’ÉNERGIE ATOMIQUE ET AUX ÉNERGIES ALTERNATIVES
(CEA)
Je souhaite vous faire part d’un accord global avec les diagnostics
posés et les conclusions tirées par la Cour des comptes. Il me semble
cependant nécessaire de souligner que ce rapport met principalement
l’accent sur les EPST et ne rend que très partiellement compte du rôle des
EPIC, statut qui est celui du CEA. Ces établissements jouent un rôle
particulier dans le paysage de la recherche française publique, mais c’est un
rôle stratégique, concernant à la fois la recherche, l’innovation et son
transfert vers l’industrie en France, comme dans le cas du CEA. Ce point
mériterait sans doute d’être clairement indiqué.
Le CEA soutient donc l'ensemble des recommandations formulées par
la Cour des Comptes et souhaite apporter des éclairages ou des précisions
sur les recommandations suivantes :
Recommandation 1 : je relève que l'exercice d'élaboration de la
stratégie nationale de recherche en cours est une première traduction
concrète qu'il conviendra de mettre à jour de façon très régulière.
Recommandation 7 : il convient effectivement de maintenir un volant
d'appel à projet compétitif conséquent permettant de mobiliser les meilleurs
chercheurs sur des thématiques considérées comme stratégiques au sein de la
Stratégie Nationale de Recherche, sans toutefois se limiter à un modèle
unique d'appel à projet ; en effet selon les domaines, l'outil optimal de
pilotage de la recherche n'est pas nécessairement le projet isolé. La mise en
réseau, ou la mise en place d'un ensemble de projets coordonnés peuvent
s'avérer plus efficace. Il convient également de bien déterminer la façon dont
les connaissances générées seront capitalisées au sein du système français de
recherche. Parallèlement aux soutiens compétitifs thématiques, il serait
opportun de maintenir, me semble-t-il, des appels à projets non–thématiques
en ratio moindre qu'aujourd'hui, plus particulièrement orientés sur les
projets à forts risques et pour les jeunes chercheurs.
Recommandation
11 :
l'articulation
entre
les
programmations
nationale et européenne est très importante et doit être mise en place. Si le
CEA est d'accord avec une articulation temporelle entre les projets jeunes
chercheurs ou chaires et une candidature ERC, sur les domaines
thématiques, l'articulation visant à préparer un domaine au plan national
pour favoriser un succès ultérieur au plan européen ne lui semble, ni réaliste
pratiquement (impossibilité de connaitre la programmation européenne
suffisamment précisément et suffisamment longtemps à l'avance), ni efficace
(les équipes soutenues en France ne candidateront pas nécessairement à
l'Europe et, si elle le font, ne le feront pas en leader, car elles seront
occupées à générer les résultats correspondant au projet soutenu au plan
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS, DES ORGANISMES ET DES COLLECTIVITÉS
CONCERNÉS
271
national). Il me semble qu’il conviendrait plutôt de considérer la mise en
place d'alliances et de réseaux européens sur les thèmes dont la
programmation au plan européen est connue (dans ce cas la connaissance
précise de la programmation peut être obtenue dans un deuxième temps et le
réseau ou l'alliance peut d'ailleurs influer sur celle-ci).
Recommandation 14 : la connaissance précise et partagée par les
tutelles et tous les partenaires des budgets des UMR est effectivement
indispensable. Le CEA attire l'attention sur le fait que cette recommandation,
ou l'analyse associée, pourrait insister sur la question de la prise en compte
des frais d'hébergement des unités hébergées au profit de l’hébergeur. Une
réponse simple pourrait être apportée en attribuant à l'hébergeur des frais
forfaitisés par personnel hébergé l’année n-1, par exemple au travers d'une
dotation spécifique ajoutée à sa subvention annuelle.
Recommandation 16 : le CEA soutient pleinement l'importance de
cette recommandation. Il a mis en place depuis de nombreuses années des
processus de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences dont il
peut apprécier le bénéfice dans l'exercice de ses missions. L'AERES a
d'ailleurs
souligné
que
sa
gestion
des
ressources
humaines
était
remarquable. La mobilité entre acteurs publics et privés doit absolument être
encouragée.
Recommandation 17 : la recherche partenariale est un levier essentiel
permettant d'augmenter la compétitivité hors coût des entreprises nationales
et devrait, de ce fait, mériter de
bénéficier d'une priorité élevée.
Recommandation 20 : les transferts technologiques vers les PME sont
essentiels pour contribuer à la ré-industrialisation de la France. Il me semble
important d'insister sur le fait que cette action nécessite une grande
professionnalisation de façon à éviter de mettre en péril des PME par des
mécanismes de transfert mal maîtrisés, et il me paraîtrait naturel également
que cette professionnalisation soit budgétée.
Au-delà de l’analyse ci-dessus des recommandations de la Cour des
Comptes, je souhaite formuler les remarques suivantes :
La problématique de la nécessaire simplification du système français
de recherche et d’innovation, soulignée dans le rapport et de façon insistante
lors les assises de la recherche, appelle, de mon point de vue, une action
résolue. A cet égard, le rapport est particulièrement édifiant. Le
regroupement de ces dispositifs, puis dans un second temps leur adossement
à des structures plus grandes paraît en effet une mesure à recommander. A
cet égard, il pourrait être utile de tirer parti du réseau des instituts Carnot
dont le CEA perçoit le dynamisme et estime qu'il pourrait efficacement
contribuer à une dynamisation de l'action de ré-industrialisation de la
France au travers d'une augmentation substantielle des moyens dits
d'abondement Carnot, en préservant le principe que leur montant abonde
effectivement les recettes partenariales constatées (mécanisme vertueux).
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
272
COUR DES COMPTES
Le rapport analyse plus particulièrement les EPST et les universités,
notamment dans le chapitre 3. La globalisation avec le CEA peut induire en
erreur. Le traitement systématique de ce dernier, comme du CNES, par voie
d'éclairage spécifique, comme c'est partiellement le cas, permettrait d'éviter
des confusions :
- La Cour souligne l'absence de priorisation des objectifs des
opérateurs de l'Etat. Au contraire, pour ce qui concerne le CEA, des priorités
claires sont fixées à l'organisme en regard de moyens prévisibles. Ces
priorités sont consignées et suivies au sein du Contrat d’objectifs et de
performance Etat-CEA 2010-2013.
- Le CEA n'a pas pu bénéficier de la mesure (citée dans le rapport) de
rééquilibrage des crédits de l'ANR au profit des organismes de recherche,
alors même qu'il intervient, pour ce qui concerne ses directions de recherche
fondamentale, sur des projets de nature exactement similaire à celle des
EPST. Il y a eu là une iniquité dommageable.
- Dans le rapport, comme indiqué ci-dessus en regard de la
recommandation 16, le CEA ne considère pas que la gestion de ses
personnels soit mal maîtrisée. Il souhaiterait en revanche très vivement que
les EPIC puissent bénéficier, comme les EPST, de CDD de 3 ans, qui
correspondent beaucoup mieux à la durée des programmes de recherche
menés dans les établissements (alors que la durée actuelle est limitée à 18
mois pour les organismes de droit privé). Cette mesure permettrait
d'optimiser encore sensiblement la gestion du personnel du CEA. Elle
pourrait être prise à l’occasion de la loi sur l’enseignement supérieure et la
recherche qui est en débat au Parlement.
De même, tout en partageant le constat, le CEA ne se retrouve pas
dans la remarque faite par la Cour quant à la nécessaire clarification des
rôles entre les organismes et les universités.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS, DES ORGANISMES ET DES COLLECTIVITÉS
CONCERNÉS
273
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU CENTRE NATIONAL
D’ÉTUDES SPATIALES (CNES)
Le CNES n’a pas de remarque particulière à formuler sur ce
document.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
274
COUR DES COMPTES
RÉPONSE DU PRÉSIDENT-DIRECTEUR GÉNÉRAL DU CENTRE
NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
Le projet de rapport public thématique intitulé « Le financement
public de la recherche » que la Cour des comptes se propose de publier
prochainement appelle de notre part les remarques suivantes :
1.
En ce qui concerne la recommandation de la Cour :
« programmer à moyen terme les crédits de l’État à la recherche
par grands secteurs scientifiques en prenant appui sur les cinq
alliances de recherche existantes et identifier dans cette
programmation
la
part
des
financements
compétitifs
nationaux »
Cette recommandation se fonde sur une analyse du rôle et du
fonctionnement des « alliances de recherche » qui ne s’inscrit pas dans une
approche scientifique.
En effet, les alliances (au moins quatre d’entre elles, Athena ayant un
rôle un peu différent), ne couvrent pas l’ensemble des champs de la
recherche. Elles ont pour objet de coordonner les recherches à visée
applicative dans des domaines bien ciblés qui correspondent à des grands
défis sociétaux : l’énergie, l’environnement et le climat, la santé et le
numérique. La science fondamentale est pour l’essentiel absente des
préoccupations des alliances.
A titre d’exemple, citons quelques succès récents à très fort
retentissement international de la recherche française : la découverte du
boson de Higgs (auquel la France a beaucoup participé au travers de ses
investissements au CERN), le robot ChemCam installé sur Curiosity (mission
sur Mars), les médailles Fields et les prix Poincaré en mathématiques, les
matériaux innovants (ceux de Gérard Férey médaille d’or CNRS 2010 et de
Ludwig Leibler, médaille de l’innovation 2013),
les atomes froids et les
expériences de Serge Haroche, prix Nobel de physique 2012, etc… Il
apparaît qu’aucune de ces grandes avancées scientifiques ne peut être
rattachée aux alliances de recherche.
Il convient donc impérativement de laisser toute sa place à la
recherche de base qui ne se « programme pas ». C’est ce qui justifie le
financement du CNRS ainsi que le programme blanc de l’ANR. Les
découvertes scientifiques les plus importantes, y compris celles qui auront les
plus grands effets pratiques et conduiront aux futures innovations de rupture,
résulteront de recherches libres, guidées par la curiosité du chercheur.
Cela ne signifie en rien qu’il ne faille pas inciter les chercheurs à se
pencher sur les grands défis sociétaux, par des appels à projets ciblés et une
meilleure coordination entre les organismes de recherche appliquée (au
travers des alliances, notamment). Mais les grandes inventions ne se
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS, DES ORGANISMES ET DES COLLECTIVITÉS
CONCERNÉS
275
programment pas. Le rôle d’un organisme national comme le CNRS est de
mettre en place une organisation de la recherche, en insistant sur le
décloisonnement entre disciplines, qui permette aux chercheurs de mener
leurs travaux au meilleur niveau et dans les meilleures conditions.
2.
En ce qui concerne l’« absence de vision claire du bon équilibre
entre organismes de recherche et universités dans le pilotage de
la recherche ».
Ce chapitre laisse curieusement de côté la politique de rapprochement
stratégique vers les universités que le CNRS mène depuis son changement de
gouvernance en janvier 2010.
Dans le cadre des appels à projets du PIA, le CNRS a mobilisé ses
équipes (mixtes) sur le terrain afin qu’elles contribuent par leurs projets
(Equipex, Labex, etc…) à la structuration territoriale de la recherche autour
de quelques grands sites, futures grandes universités pluridisciplinaires à
forte visibilité.
Dans le même ordre d’idée, le CNRS a participé au montage de la
majorité des projets d’IDEX (et de 100 % des projets lauréats). Le CNRS est
aujourd’hui membre fondateur des FCS supportant les IDEX (ou des organes
de gestion universitaires comme à Strasbourg et Marseille, universités
fusionnées). Le CNRS est également actionnaire de toutes les SATT qui se
créent sur les territoires.
De même il convient de souligner que le CNRS a été pionnier dans la
proposition de mise en place de « conventions de sites », remplaçant par une
convention unique, celles qu’il passait avec plusieurs établissements
d’enseignement supérieur et de recherche sur un même site (universités ou
écoles) dans le passé. Ces conventions de site ont pour objectif de contribuer
à la mise en place d’une politique scientifique de site ambitieuse associant de
façon plus étroite et stratégique le CNRS aux universités, en précisant bien le
rôle et les missions respectives d’un organisme national et des futures
grandes universités territoriales
.
La première convention de site a été signée
à Bordeaux le 4 décembre 2012. Les signatures suivantes concernent
Clermont-Ferrand et Toulouse (juin 2013), puis Grenoble avant l’été 2013.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
276
COUR DES COMPTES
RÉPONSE DU PRÉSIDENT-DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L’INSTITUT
NATIONAL DE LA RECHERCHE AGRONOMIQUE (INRA)
J’avais eu l’occasion, par courrier du 24 mars 2013, de transmettre
au Président de la troisième chambre les observations que suscitaient, pour
mon établissement, le rapport de constatations provisoires : le rapport public
prend en compte les éclaircissements que nous avions souhaité apporter.
Sur l’apport de l’analyse aujourd’hui présentée, je puis confirmer
qu’elle correspond bien aux enjeux auxquels la direction d’un organisme de
recherche finalisée, tel que l’Inra, doit faire face. Les recommandations
présentées ne suscitent pas d’observations de ma part, elles constituent,
lorsqu’elles concernent les opérateurs de recherche, des préconisations, pour
nous, particulièrement utiles.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS, DES ORGANISMES ET DES COLLECTIVITÉS
CONCERNÉS
277
RÉPONSE DU PRÉSIDENT-DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L’INSTITUT
NATIONAL DE RECHERCHE EN INFORMATIQUE ET
AUTOMATIQUE (INRIA)
J'ai l'honneur de vous indiquer que ce rapport
n'appelle
aucune
remarque particulière
de
ma part.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
278
COUR DES COMPTES
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DE L’UNIVERSITÉ PARIS-SUD
Je souhaite vous informer que je n’ai aucune objection sur le contenu
de ce rapport en général et sur ce qui y est écrit à propos de notre université.
J’ajoute que personnellement je trouve l’analyse particulièrement claire et
bien documentée, mettant bien en valeur l’amélioration qui aurait pu être
apportée par certaines réformes des universités ces dernières années et les
raisons pour lesquelles les résultats ont été décevants quoique significatifs
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS, DES ORGANISMES ET DES COLLECTIVITÉS
CONCERNÉS
279
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DE L’UNIVERSITÉ PIERRE
ET MARIE CURIE
Je tiens en premier lieu à souligner que le rapport consacré par la
Cour des comptes au financement public de la recherche est particulièrement
exhaustif sur le sujet puisqu’il intègre notamment la dépense fiscale
correspondant au crédit d’impôt recherche.
J’en partage la plupart des analyses et des constats et je m’associe à
la plupart des recommandations proposées par la Cour.
Vous trouverez ci-après un certain nombre de commentaires sur les
points suivants :
- le poids des pensions civiles sur les analyses et les comparaisons
entre composantes du financement de la recherche publique ;
- le rôle essentiel des financements de la recherche sur projets par les
agences pour le développement des universités de recherche ;
- l’impact des clés de répartition du temps de travail des personnels
de la recherche académique et des moyens attribués à la formation et à la
recherche sur les analyses et l’orientation de la politique de l’Etat ;
- l’importance de la prise en compte par les agences du coût complet
des projets de recherche qu’elles soutiennent ;
- la faible place faite aux universités de recherche dans la mise en
place, la gouvernance et le fonctionnement des alliances ;
- les retombées économiques de l’activité des SATT sur l’économie
nationale.
Le poids des pensions civiles fausse les analyses et les comparaisons
entre composantes du financement de la recherche publique
La Cour remarque que la part la plus importante de l’augmentation
de la masse salariale du CNRS de 2007 à 2012 est liée à l’augmentation du
taux de cotisation au titre de la pension civile. Il en est de même dans la
plupart des EPST et dans tous les établissements d’enseignement supérieur.
A titre d’exemple, à l’UPMC, entre 2010 et 2013, la masse salariale sous
plafond Etat aura augmenté d’environ 15 M€ ce qui correspond à
l’augmentation de la contribution au CAS Pensions.
En d’autres termes, certaines données peuvent laisser croire à une
augmentation de l’effort de recherche dans le secteur académique, alors
même que les moyens humains et matériels investis dans la recherche sont en
diminution. Il pourrait donc être utile, notamment lorsque des comparaisons
sont faites avec d’autres composantes de l’effort public de recherche
(agences, EPIC, CIR) de neutraliser l’impact de l’augmentation des taux de
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
280
COUR DES COMPTES
cotisation sociales et notamment du point de pension civile. Entre 2006 et
2011, le CNRS a vu sa subvention pour charges de service public augmenter
respectivement de 293 M€ mais, comme la Cour le fait remarquer,
l’augmentation apparente de cette dotation a été pour l’essentiel absorbée
par le coût des cotisations au CAS Pensions.
Certes, le choix fait par l’Etat de répartir la charge des pensions sur
les fonctionnaires en activité explique ce décalage entre l’effort apparent en
faveur de la recherche académique et une stagnation voire une régression
des moyens qui y sont réellement investis. Mais ce décalage est de nature à
fausser l’analyse de l’évolution de l’effort public de la recherche. En effet,
d’une part l’évolution des effectifs des fonctionnaires n’est pas la même dans
tous les secteurs de la fonction publique. Or la charge des retraites ne repose
pas aujourd’hui sur les programmes LOLF auxquels les fonctionnaires
aujourd’hui retraités étaient rattachés lorsqu’ils étaient en activité, mais sur
les
programmes
LOLF
auxquels
sont
rattachés
les
fonctionnaires
aujourd’hui en activité. L’effort qui semble être consenti au profit de la
recherche académique sert en partie à rémunérer les retraités d’autres
départements ministériels et la réciproque n’est pas vraie car de nombreux
départements ont vu fortement diminuer leurs effectifs de fonctionnaires
contrairement à celui de l’enseignement et de la recherche.
Par ailleurs, si l’équilibre du régime des pensions civiles est une
obligation, celui du régime général des retraites l’est tout autant. Or l’effort
consenti par l’Etat pour son équilibre pour les personnels de recherche de
droit privé employés dans les EPIC ou les entreprises n’est pas visible dans
le financement public en faveur de la recherche puisqu’il ne s’est pas traduit
sur la période étudiée par une hausse des cotisations vieillesses comparable
à celle produite pour le régime des pensions civiles.
Les financements de la recherche par les agences sur appels à
projets sont essentiels pour le développement des universités de recherche
La Cour recommande à juste titre la poursuite du développement de
la recherche sur appels à projets. Ce type de financement favorise en effet
une évolution dynamique de la recherche : de nouvelles thématiques portées
par de jeunes équipes de recherche peuvent ainsi émerger ; des sites peuvent
atteindre plus rapidement une masse critique et attirer de nouveaux talents.
Les données relatives aux appels à projets de l’ANR montrent bien
leur impact positif sur les universités de recherche françaises les mieux
placées dans la compétition internationale.
Je ne peux qu’être inquiet, avec mes collègues présidents d’université,
face à la diminution des dotations de l’ANR. Cette diminution s’est faite en
2013 au profit des organismes de recherche et sans que les universités voient
augmenter leurs dotations de manière comparable. Nulle explication n’a été
fournie aux présidents d’université à ce sujet si ce n’est que le Ministère des
finances se serait opposé à ce que ces dotations soient augmentées… Nous
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS, DES ORGANISMES ET DES COLLECTIVITÉS
CONCERNÉS
281
risquons de perdre des moyens qui, dans le même temps, ne sont pas comptés
à nos concurrents étrangers puisque, dans la plupart des autres pays, le
volume des financements attribués sur projets est beaucoup plus important.
J’ajoute que l’évolution des financements obtenus par l’UPMC aux
appels à projets du PCRDT ne correspond pas au constat dressé par la Cour
sur les financements globalement obtenus par la France. Les contrats
européens ouverts à l’UPMC sont ainsi passés de 7,2 M€ à 19,9 M€ entre
2008 et 2011. Cet écart devrait justifier à lui seul un soutien plus important
accordé par l’Etat aux universités de recherche. Ce serait là un moyen
indirect pour mettre en oeuvre la recommandation n° 11 de la Cour.
Les clés de répartition du temps de travail des personnels de la
recherche académique et des moyens attribués à la formation et à la
recherche faussent les analyses et conduisent à des évolutions contraires
aux objectifs que l’Etat s’est fixé
Dans sa recommandation n° 4, la Cour propose de faire évoluer le
taux conventionnel de 50 % d’activité de recherche attribuée aux
enseignants-chercheurs. Elle observe par ailleurs, l’impact très fort sur
l’effort apparent en faveur de la recherche qu’a eu l’évolution de ce taux de
45 % à 50 % sans que l’effort réel au profit de la recherche en soit changé.
La même question se pose d’ailleurs pour les personnels BIATSS des
universités. Le rôle qu’ils jouent dans le développement de la recherche varie
de manière considérable d’un secteur à un autre et, par conséquent, d’une
université à une autre. A l’UPMC, ces personnels sont absolument essentiels
pour la recherche et notre établissement a protesté à plusieurs reprises
contre le taux d’environ 20 % retenu dans le modèle SYMPA.
Dans le même ordre d’idée, l’évolution de la part que ce modèle
consacre à la recherche dans les crédits de fonctionnement des universités
pose problème. Elle est ainsi passée de 49 % à 46,3 % entre 2009 et 2013
sans que soient données les explications sur cette évolution largement
défavorable aux universités de recherche.
Une des conséquences de ces choix de clé de répartition est
l’évolution à la baisse des crédits attribués à cette catégorie d’universités
alors même qu’elles sont les plus exposées à la compétition internationale.
De plus, la place qu’y occupent les sciences de la vie, les mathématiques, les
STIC, explique pourquoi, comme l’observe la Cour, l’évolution des parts
consacrées à ces disciplines diminue dans la recherche académique alors
que la stratégie nationale de recherche et d’innovation les avait portant
identifiées comme prioritaires.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
282
COUR DES COMPTES
La prise en compte par les agences du coût complet des projets de
recherche qu’elles soutiennent est insuffisante voire inexistante
La Cour remarque combien le financement de 4 % accordé par l’ANR
au titre des frais de gestion pour les investissements d’avenir est insuffisant.
Le préciput de 11 % versé par l’ANR sur les projets qu’elle soutient hors
investissements d’avenir reconnaît certes l’effort fait par les établissements
pour que ces projets puissent se réaliser. Mais ce niveau de 11 % est très
largement insuffisant. J’observe par ailleurs que l’Etat avait imposé à Oséo,
jusqu’à une date récente, un dispositif dit de « coûts complets » si
défavorable aux EPST et aux universités que nous nous sommes interrogés
sur l’intérêt qu’il y avait à participer à certains projets que cette agence
soutenait. Il semble qu’Oséo puisse revenir à un mode de financement au
coût marginal sans qu’on ne connaisse aujourd’hui le niveau des frais
généraux qui sera accepté. D’autres agences ou départements ministériels
ont des pratiques différentes de celles de l’ANR et d’Oséo. L’UPMC partage
donc totalement le point de vue de la Cour qui recommande d’élargir le
volume des frais généraux éligibles aux financements sur projets par
référence aux pratiques de l’Union européenne. Nous souhaitons par ailleurs
que ces pratiques soient harmonisées pour l’ensemble des financements sur
projets.
La mise en place, la gouvernance et le fonctionnement des alliances
ne respectent pas le rôle des universités en tant qu’opérateurs de recherche
Comme le souligne la Cour, la place faite aux universités dans les
alliances n’est pas satisfaisante. J’ajoute qu’on ne sait pas quel type de
rationalité a prévalu dans leur composition. Le poids des universités n’y est
pas reconnu puisqu’elles ne disposent que d’un siège attribué à la CPU.
Dans AVIESAN, des universités particulièrement investies en recherche
médicale, comme l’université Paris Descartes, l’UPMC ou l’université de
Strasbourg, ne sont pas représentées en tant que telles alors que leur poids
respectif est plus important que celui du CEA ou - a fortiori - de l’INRIA en
sciences de la vie ! Par ailleurs, aucun établissement d’enseignement
supérieur n’est présent en tant que tel dans les Alliances sauf l’Institut
Mines-Télécom au sein d’ALLISTENE sans, là encore, qu’aucune explication
ne soit donnée.
Comme la diminution des dotations budgétaires de l’ANR, la mise en
place des alliances traduit le soutien de l’Etat aux organismes de recherche
spécialisés au détriment des établissements investis dans la recherche
académique.
La mise en place des SATT doit conduire à des retombées plus
importantes pour l’économie nationale
La Cour recommande une vigilance particulière sur le dispositif des
SATT pointant le risque que ces sociétés cèdent des brevets ou des licences
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS, DES ORGANISMES ET DES COLLECTIVITÉS
CONCERNÉS
283
au « mieux disant », privant ainsi l’économie nationale de parts de valeur
ajoutée.
J’observe que ce risque se réalise fréquemment et de longue date
lorsque de « jeunes pousses » sont rachetées par des entreprises étrangères
faute d’avoir pu lever en France des capitaux leur permettant de se
développer. L’intérêt que présente à ce sujet le dispositif des SATT consiste à
permettre la pleine maturation de projets de transfert de telle sorte que si une
entreprise émerge de ces projets, elle soit, plus qu’aujourd’hui, à même de
trouver des capitaux puisque de nombreuses incertitudes pesant sur son
développement futur auront pu être levées. Le Fonds national d’amorçage
devrait lui aussi permettre d’améliorer la situation.
Pour ce qui est des licences signées avec des entreprises existantes
susceptibles d’être intéressées, les SATT démarchent d’ores et déjà les
entreprises françaises car c’est plus simple pour elles. La création des SATT
ne devrait rien changer à la situation qui prévalait jusqu’à présent sur ces
questions. Les établissements publics cherchaient déjà à rentabiliser leurs
investissements en recherche et en propriété intellectuelle mais avaient pris
l’habitude de travailler avec les entreprises de leur environnement. Les
exemples récents montrent ainsi que, le plus souvent, les entreprises qui
exploitent des technologies issues de la recherche publique étaient ou sont
des entreprises françaises. C’est clairement le cas pour l’UMPC, qu’il
s’agisse de grands groupes, d’entreprises de taille intermédiaire, de PME ou
de jeunes pousses : Biomérieux, Ucopia, Oosmos, Cellectis, Neovacs, MG63,
GéoCarta, Carmat, Agorabox, Eyebrain, Hemarina, Climpact, Biophytis,
Renault, Total, Pierre Fabre, Endocontrol ou encore Cameca (qui a intégré
la société américaine Amtek en 2007 mais après avoir signé une licence avec
l’UPMC). Enfin, de nombreuses entreprises françaises exploitent des
résultats de recherche obtenus à l’étranger sur des fonds pourtant publics.
Les marchés technologiques sont mondiaux et ouverts comme d’ailleurs les
échanges entre scientifiques.
Cour des comptes
Le financement public de la recherche, un enjeu national – juin 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr