LES SOUTIENS À LA
PRODUCTION
CINÉMATOGRAPHIQUE
ET AUDIOVISUELLE :
DES CHANGEMENTS
NÉCESSAIRES
Rapport public thématique
Avril 2014
Cour des comptes
Les soutiens à la production cinématographique et audiovisuelle – avril 2014
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
Sommaire
DÉLIBÉRÉ
........................................................................................
9
INTRODUCTION
...........................................................................
11
CHAPITRE I - UN SYSTÈME DE SOUTIEN EN EXPANSION
CONTINUE
......................................................................................
17
I
- Des aides directes en forte augmentation
...........................................
19
A - Les aides du CNC
.................................................................................
21
B - Les dépenses fiscales
..........................................................................
27
C - Les aides locales
..................................................................................
40
D - Les garanties bancaires de l’IFCIC
.......................................................
43
II
- Des soutiens indirects d’une complexité croissante
............................
46
A - Les obligations pesant sur les diffuseurs
............................................
47
B - Un régime de plus en plus complexe
..................................................
53
C - Les diffuseurs, principaux financeurs de la production
cinématographique et audiovisuelle
........................................................
55
CHAPITRE II - LE SOUTIEN À LA PRODUCTION
CINÉMATOGRAPHIQUE : UN MODÈLE ORIGINAL SOUS
TENSION
.........................................................................................
61
I
- Les atouts de la mutualisation des coûts
.............................................
62
A - Le financement des œuvres en contrepartie d’un intéressement à leur
exploitation
..............................................................................................
62
B - Une intervention publique destinée à compléter et à sécuriser les
préfinancements
......................................................................................
66
C - Des résultats incontestables
...............................................................
71
II
- Un modèle fragilisé
.............................................................................
74
A - L’inflation des coûts
............................................................................
75
B - Une tension croissante entre le volume de production et les
perspectives d'exposition
.........................................................................
79
C - La dégradation de la rentabilité des SOFICA et de la distribution
......
84
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4
COUR DES COMPTES
III
- Les pistes d’adaptation du soutien
....................................................
86
A - Différencier les enjeux de financement
..............................................
86
B - Adapter les aides publiques
................................................................
88
C - Conforter le rôle d’expertise économique du CNC
.............................
92
CHAPITRE III - LE SOUTIEN À LA PRODUCTION
AUDIOVISUELLE : DES PERFORMANCES SANS RAPPORT
AVEC LES MONTANTS INVESTIS
.............................................
97
I
- La priorité donnée à la production indépendante
................................
98
A - Une politique publique née avec la libéralisation de l’audiovisuel
....
99
B - Des conséquences profondes sur le modèle de soutien public
........
100
II
- Un environnement changeant, un soutien important
.......................
102
A - Un paysage audiovisuel en pleine reconfiguration
...........................
102
B - Des contributions cumulées d’un montant inégalé en Europe
.........
104
C - Une importance cruciale dans le plan de financement des
programmes
...........................................................................................
108
III
- Une efficacité économique incertaine
.............................................
109
A - L’échec de la structuration économique de la filière
........................
109
B - Un risque de dévoiement
..................................................................
112
C - La fiction française : une baisse de la performance, des évolutions en
cours
.......................................................................................................
116
IV
- Une réorientation nécessaire
..........................................................
119
A - Un meilleur ciblage des obligations d’investissement
......................
119
B - Un meilleur équilibre à trouver entre producteurs et diffuseurs
.....
124
C - Un enjeu d’orientation et de niveau des aides publiques
................
128
CHAPITRE IV - LES DÉFIS DE LA NUMÉRISATION DANS
UN MARCHÉ MONDIALISÉ
.....................................................
135
I
- Le défi de la concurrence internationale
............................................
136
A - L’attractivité du territoire pour les productions internationales et
nationales : des instruments à mieux coordonner
.................................
137
B - La compétitivité à l'exportation : des atouts à consolider
................
146
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SOMMAIRE
5
II
- Une transition numérique source d’opportunités plus que de
menaces
.................................................................................................
158
A - Une économie traditionnelle ébranlée dans ses fondements par la
transition en cours
.................................................................................
158
B - Des réponses encore insuffisantes
...................................................
170
CONCLUSION GÉNÉRALE
........................................................
187
RÉCAPITULATIF DES RECOMMANDATIONS
...................
193
ANNEXES
.....................................................................................
197
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES
CONCERNÉS
................................................................................
233
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Les rapports publics de la Cour des comptes
- élaboration et publication -
La Cour publie, chaque année, un rapport public annuel et des
rapports publics thématiques.
Le présent rapport est un rapport public thématique.
Les rapports publics de la Cour s’appuient sur les contrôles et les
enquêtes conduits par la Cour des comptes ou les chambres régionales des
comptes et, pour certains, - ce qui a été le cas pour la présente enquête -
conjointement entre la Cour et les chambres régionales ou entre les chambres.
En tant que de besoin, il est fait appel au concours d’experts extérieurs, et des
consultations et des auditions sont organisées pour bénéficier d’éclairages
larges et variés.
Au sein de la Cour, ces travaux et leurs suites, notamment la
préparation des projets de texte destinés à un rapport public, sont réalisés par
l’une des sept chambres que comprend la Cour ou par une formation
associant plusieurs chambres.
Trois principes fondamentaux gouvernent l’organisation et l’activité
de la Cour des comptes, ainsi que des chambres régionales des comptes, et
donc aussi bien l’exécution de leurs contrôles et enquêtes que l’élaboration
des rapports publics : l’indépendance, la contradiction et la collégialité.
L
’indépendance
institutionnelle
des
juridictions
financières
et
statutaire de leurs membres garantit que les contrôles effectués et les
conclusions tirées le sont en toute liberté d’appréciation.
La
contradiction
implique
que
toutes
les
constatations
et
appréciations ressortant d’un contrôle ou d’une enquête, de même que toutes
les
observations
et
recommandations
formulées
ensuite,
sont
systématiquement soumises aux responsables des administrations ou
organismes concernés ; elles ne peuvent être rendues définitives qu’après
prise en compte des réponses reçues et, s’il y a lieu, après audition des
responsables concernés.
La publication d’un rapport public est nécessairement précédée par la
communication du projet de texte que la Cour se propose de publier aux
ministres et aux responsables des organismes concernés, ainsi qu’aux autres
personnes morales ou physiques directement intéressées. Dans le rapport
publié, leurs réponses accompagnent toujours le texte de la Cour.
La
collégialité
intervient pour conclure les principales étapes des
procédures de contrôle et de publication.
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8
COUR DES COMPTES
Tout contrôle ou enquête est confié à un ou plusieurs rapporteurs.
Leur rapport d’instruction, comme leurs projets ultérieurs d’observations et
de recommandations, provisoires et définitives, sont examinés et délibérés de
façon collégiale, par une chambre ou une autre formation comprenant au
moins trois magistrats, dont l’un assure le rôle de contre-rapporteur, chargé
notamment de veiller à la qualité des contrôles. Il en va de même pour les
projets de rapport public.
Le contenu des projets de rapport public est défini, et leur élaboration
est suivie, par le comité du rapport public et des programmes, constitué du
premier président, du procureur général et des présidents de chambre de la
Cour, dont l’un exerce la fonction de rapporteur général.
Enfin, les projets de rapport public sont soumis, pour adoption, à la
chambre du conseil où siègent en formation plénière ou ordinaire, sous la
présidence du premier président et en présence du procureur général, les
présidents de chambre de la Cour, les conseillers maîtres et les conseillers
maîtres en service extraordinaire.
Ne prennent pas part aux délibérations des formations collégiales,
quelles qu’elles soient, les magistrats tenus de s’abstenir en raison des
fonctions qu’ils exercent ou ont exercées, ou pour tout autre motif
déontologique.
*
Les rapports publics de la Cour des comptes sont accessibles en ligne
sur le site internet de la Cour des comptes et des chambres régionales et
territoriales des comptes :
www.ccomptes.fr
. Ils sont diffusés par
La
Documentation Française
.
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Délibéré
La Cour des comptes, délibérant en chambre du conseil réunie en
formation ordinaire, a adopté le présent rapport intitulé
Les soutiens à la
production cinématographique et audiovisuelle : des changements
nécessaires
.
Le rapport a été arrêté au vu du projet communiqué au préalable
aux administrations et aux organismes concernés et des réponses
adressées en retour à la Cour.
Les réponses sont publiées à la suite du rapport. Elles engagent la
seule responsabilité de leurs auteurs.
Ont participé au délibéré : M. Migaud, Premier président,
Mme Froment-Meurice, MM. Durrleman, Levy, Lefas, Briet, Mme Ratte,
M. Vachia, M. Paul, présidents de chambre, MM. Picq, Babusiaux, Bayle,
présidents de chambre maintenus en activité, MM. Rémond, Duchadeuil,
Pannier, Andréani, Mme Morell, M. Perrot, Mme Ulmann, MM. Bertucci,
Tournier, Diricq, Mme Trupin, MM. Ravier, Vialla, Ory-Lavollée,
Arnaud d’Andilly, Mousson, Guéroult, Viola, Rousselot, Laboureix,
Mme Esparre, MM. Geoffroy, Mourier des Gayets, Mme Fontaine,
MM. Écalle, Bouvard, Mme Soussia, MM. Basset, Fulachier, conseillers
maîtres, MM. Blairon, Jouanneau, Sarrazin, conseillers maîtres en service
extraordinaire.
Ont été entendus :
-
en sa présentation, M. Lefas, président de la chambre chargée des
travaux sur lesquels le rapport est fondé et de la préparation du
projet de rapport ;
-
en son rapport, M. Paul, rapporteur général, rapporteur du projet
devant la chambre du conseil, assisté de M. Tournier, conseiller
maître, M. Herbin, conseiller référendaire, Mmes Sorbe et
Lucidi, auditrices, rapporteurs devant la chambre chargée de le
préparer, et de M. Andréani, conseiller maître, contre-rapporteur
devant cette même chambre ;
-
en ses conclusions, sans avoir pris part au délibéré, M. Johanet,
procureur général. Il était accompagné de M. Miller.
M. Jérôme Filippini, secrétaire général, assurait le secrétariat de la
chambre du conseil.
Fait à la Cour, le 25 mars 2014
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10
COUR DES COMPTES
Le projet de rapport soumis à la chambre du conseil a été préparé,
puis délibéré le 25 novembre 2013, par la troisième chambre, présidée par
M. Lefas, président de chambre, et composée de MM. Pichon, Bayle,
présidents de chambre maintenus en activité, Frangialli, Gautier,
Braunstein, Phéline, Barbé, Tournier, Frentz, Saudubray, Glimet,
Mme Dardayrol, conseillers maîtres et Blairon, Marland, conseillers
maîtres en service extraordinaire, ainsi que, en tant que rapporteurs,
M. Herbin, conseiller référendaire, Mme Sorbe, auditrice, rapporteur de
synthèse, Mme Lucidi, auditrice, et, en tant que contre-rapporteur,
M. Andréani, conseiller maître.
Le projet de rapport a été examiné et approuvé, le 7 janvier 2014,
par le comité du rapport public et des programmes de la Cour des
comptes, composé de MM. Migaud, Premier président, Bertrand,
rapporteur général du comité, Mme Froment-Meurice, MM. Durrleman,
Levy, Lefas, Briet, Mme Ratte et M. Vachia, présidents de chambre, et
M. Johanet, procureur général, entendu en ses avis.
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Introduction
Pays de naissance du cinéma, la France occupe dans ce secteur une
place reconnue. Elle reste aujourd'hui l’État membre de l'Union
européenne qui produit le plus de films (270 en 2013), et la diffusion de
ces films se maintient à un niveau plus élevé que partout ailleurs en
Europe, avec une part de marché en salles supérieure à 30 %. Dans le
monde, les films français ont pu réunir, au cours de l’année
exceptionnelle qu’a été 2012, 140 millions de spectateurs dans les salles
étrangères et 82 millions en France. En matière audiovisuelle, la France a
produit près de 5 200 heures de programmes patrimoniaux
1
en 2012.
Les investissements dans la production cinématographique ou
audiovisuelle patrimoniale représentent, en 2012, respectivement 1,3 Md€
et 1,4 Md€. Les emplois dans la production de films ont été évalués à près
de 35 000 par le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC)
en 2009
2
, et près de 49 000 emplois ont été déclarés par les entreprises
productrices
de
fiction
audiovisuelle
en
2010.
La
production
cinématographique alimente les 5 502 salles du territoire, dont les recettes
atteignent 1,3 Md€ en 2012. Le poids économique du secteur est donc
important
3
.
Qu’elle appartienne au genre du cinéma ou de l’audiovisuel, la
production d’images animées relève d’une économie de projets : une idée
s’incarne dans un synopsis ou un scénario qui doit trouver, grâce à un
producteur, des investisseurs prêts à en financer la réalisation. L’oeuvre
est ensuite proposée au public, via les distributeurs, diffuseurs et
exploitants. En fonction de son succès, les recettes assurent, en principe,
directement ou indirectement, l’amortissement des frais engagés par les
différents acteurs de la filière.
1
Les programmes patrimoniaux, également appelés « programmes de stock »,
correspondent principalement aux oeuvres de fiction, aux documentaires et
programmes d’animation. Ils conservent, après leur première diffusion, une valeur
patrimoniale, à la différence des programmes de flux comme les émissions de plateau,
les informations, les jeux, la météo, les retransmissions sportives et la plupart des
magazines (cf. article 27-3° de la loi du 30 septembre 1986).
2
L’emploi dans les films cinématographiques
, étude réalisée conjointement par le
CNC et le groupe Audiens à partir de 518 films d’initiative française de fiction
cinématographique agréés entre 2006 et 2009.
3
L’inspection générale des finances et l’inspection générale des affaires culturelles
estiment la valeur ajoutée du secteur du cinéma et de l’audiovisuel respectivement à
3,6 Md€ et 5,2 Md€ en 2011 (IGF-IGAC,
L’apport de la culture à l’économie en
France,
décembre 2013).
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12
COUR DES COMPTES
Compte tenu de la taille du marché national et des freins à
l’exportation qu’opposent les barrières linguistiques et les spécificités
culturelles nationales, les recettes générées par les oeuvres d’origine
française ne suffisent généralement pas, à elles seules, à garantir que
puissent être rentabilisés les coûts importants attachés à la production de
films de cinéma, et, dans une moindre mesure, à celle des contenus
audiovisuels.
La France a instauré par étapes, depuis la fin des années 1940, un
dispositif unique de soutien à la production cinématographique, étendu
dans les années 1980 à la production audiovisuelle. Ce dispositif
comprend des aides budgétaires appuyées sur un mécanisme de taxes
affectées, des aides des collectivités territoriales et des dépenses fiscales
qui ont considérablement augmenté au cours des dix dernières années. Il
est complété par un encadrement juridique de certaines dépenses et
recettes, publiques ou privées, tant dans leur montant ou leur orientation
(obligations d’investissement des diffuseurs) que dans leur temporalité
(chronologie des médias).
La justification de cette économie administrée est la protection des
acteurs économiques et la régulation de leurs relations, avec pour
objectifs finaux la diversité de la production et la défense de la création
française et européenne sur le marché national et mondial. C’est cet
ensemble qui forme la politique publique de soutien à la production
cinématographique et audiovisuelle.
Si de tels systèmes d’aide ont été mis en place dans de nombreux
autres pays européens, ils n’y ont ni la même ampleur, ni la même
diversité d’instruments utilisés, ni le même coût : la France concentre en
effet les deux tiers des aides au cinéma et à l’audiovisuel dispensées par
l’ensemble des États membres de l’Union européenne. En outre, le
volume de ces aides s’est fortement accru : de 2002 à 2012, leur
augmentation a atteint 88 %, soit quatre fois la hausse du budget de l’État
sur la même période.
Par ailleurs, l'évolution rapide des technologies numériques et des
pratiques de consommation affaiblit les sources de financement du
système et soumet les acteurs à de fortes tensions. Pour maintenir et
développer la présence de la France sur le marché mondial, la politique de
soutien doit faire la preuve de capacités d'adaptation accrues.
Dans ce contexte particulièrement mouvant, le présent rapport
s’attache à apprécier si les objectifs fixés à la politique publique sont
atteints, si les résultats obtenus au cours des dix dernières années sont à la
mesure de l’augmentation des moyens engagés et si les mécanismes de
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INTRODUCTION
13
soutien sont adaptés aux défis de la numérisation dans un marché
mondialisé.
Les objectifs de la politique de soutien
Les objectifs de la politique de soutien conduite par le CNC figurent à
l’article L. 111-2 du code du cinéma et de l’image animée. Ils sont ainsi
précisés dans son document stratégique de performance
4
:
- « assurer une présence forte des oeuvres cinématographiques et
audiovisuelles françaises et européennes, sur notre territoire et à l’étranger, et
pour cela apporter un soutien à caractère économique à l’ensemble des
acteurs des filières concernées » ;
- « contribuer à la diversité et au renouvellement de la création et de la
diffusion ».
Par ailleurs, l’action « Industries culturelles » du programme 334 -
Livre et industries culturelles
(au sein de la mission
Médias, livre et
industries culturelles)
, attribue à l’intervention publique un rôle pour
« assurer la diversité et le renouvellement de la création, ainsi que sa
diffusion auprès des publics les plus larges ».
5
Les objectifs assignés aux chaînes de l’audiovisuel public en matière
de production sont, pour leur part, détaillés dans leurs contrats d’objectifs et
de moyens et, concernant France Télévisions, dans son cahier des charges.
France Télévisions s’engage ainsi à contribuer à « la diversité de la
production cinématographique », à soutenir « un cinéma d'initiative française
et européenne fort, pluriel et indépendant », et à développer « une action
ambitieuse en matière de fiction audiovisuelle », favorisant notamment « le
renouvellement des écritures, des formats et des thèmes ».
6
Or ces résultats sont ambivalents :
-
les succès d’estime et d’audience remportés par le cinéma
français (
The Artist
,
Intouchables
,
La Vie d’Adèle
, etc.) sont
4
Au titre de l’article L. 114-2 du code du cinéma et de l’image animée, le CNC établit
chaque année un document stratégique de performance, adressé au Parlement en
même temps que le projet de loi de finances, qui « rend compte du rendement et de
l’emploi prévisionnels des taxes et prélèvements et autres produits qu’il perçoit ou qui
lui sont affectés en application des dispositions du présent livre.
».
5
Le projet annuel de performances pour 2014 précise que « l’intervention publique ne
vise naturellement pas à se substituer aux acteurs privés, vecteurs naturels de la
création et garants de son financement, mais à assurer certains équilibres, notamment
en termes de diversité et d’accès à l’offre, que les règles économiques du marché
n’assurent pas à elles seules ».
6
Décret n° 2009-796 du 23 juin 2009 fixant le cahier des charges de la société
nationale de programme France Télévisions.
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14
COUR DES COMPTES
incontestables, mais le modèle de financement, pris dans son
ensemble, présente des risques d’essoufflement ;
-
malgré d’indéniables réussites, la production audiovisuelle
affiche un bilan médiocre, sans commune mesure avec les
investissements qui lui sont consacrés.
La Cour a déjà eu l’occasion d’aborder ce domaine de l’action
publique à travers son contrôle de France Télévisions
7
et des filiales de
production cinématographique des chaînes de l'audiovisuel public, ses
travaux sur les comptes et la gestion du CNC
8
, son contrôle de l’institut
de financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC) et les
notes d’analyse de l’exécution du budget de l’État de la mission Médias
et industries culturelles
9
, qui sont publiées en même temps que le rapport
sur les résultats et la gestion budgétaire
10
.
La présente enquête sur la politique de soutien à la production
cinématographique et audiovisuelle va au-delà de la synthèse de ces
rapports. Conduite auprès des différentes administrations concernées et
s’appuyant
sur
des
consultations
de
nombreux
organismes
et
personnalités (cf. annexe n° 17), elle vise un double objectif :
-
informer le citoyen sur l’ensemble des instruments publics
mobilisés en vue de soutenir la production cinématographique
et audiovisuelle qu’il contribue à financer, en tant que
contribuable ou en tant que consommateur, les ressources
consacrées à cette politique étant majoritairement constituées
d’impôts affectés
11
;
-
analyser l’impact de cette politique publique au regard de ses
objectifs, dans un contexte marqué par des mutations
économiques et technologiques profondes, rapides et continues.
7
Cour des comptes,
Rapport publique thématique
:
France Télévisions et la nouvelle
télévision publique
. La Documentation française, octobre 2009, 230 p., disponible sur
www.ccomptes.fr
8
Cour des comptes,
La gestion et le financement du Centre national du cinéma et de
l’image animée (CNC).
Exercices 2007 à 2011,
communication à
la commission des
finances du Sénat. La Documentation française, août 2012, 166 p., disponible sur
www.ccomptes.fr
9
Référence du rapport sur les résultats et gestion budgétaire de l’État (RRGB) 2013.
10
Cour des comptes,
Rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de l’État,
exercice 2012
, La Documentation française, mai 2013, 272 p, disponible sur
www.ccomptes.fr
11
Une taxe affectée se distingue d’une redevance notamment par le fait que la taxe
n’appelle pas de contrepartie directe de la part du service public (cf. Conseil des
prélèvements obligatoires,
La fiscalité affectée : constats, enjeux et réformes
, Conseil
des prélèvements obligatoires. p. 22. La Documentation française, juillet 2013,
206
p., disponible sur
www.ccomptes.fr
).
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INTRODUCTION
15
Le présent rapport rend ainsi compte des résultats indéniables
obtenus par la politique de soutien à l'image animée mise en oeuvre au
cours de la dernière décennie. Il souligne aussi les risques majeurs
auxquels cette politique publique est aujourd'hui confrontée, car
l’économie numérique sans frontière oblige à définir un nouveau
consensus entre les professionnels et les pouvoirs publics, et à proposer
une offre renouvelée de contenus sur le marché français et à l’exportation.
Cette analyse est déclinée en quatre chapitres :
-
la présentation et les évolutions de la politique de soutien au
cours de la dernière décennie (chapitre I) ;
-
le soutien à la production cinématographique (chapitre II) et à
la production audiovisuelle (chapitre III) ;
-
les défis de la numérisation dans un marché mondialisé
(chapitre IV).
Le rapport évoque enfin, en conclusion, les conditions à remplir
pour rendre plus efficace et mieux adaptée, la politique française du
soutien à l’image animée.
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Chapitre I
Un système de soutien en expansion
continue
Par l’ampleur des aides directes, la diversité des soutiens indirects,
l’étendue et la précision du cadre réglementaire, le système de soutien
français en faveur du cinéma et de l’audiovisuel est unique en Europe.
Ces soutiens sont actuellement de plusieurs types :
-
les aides directes (601 M€ en 2012) qui regroupent les aides à
la production versées par le CNC (355 M€) et les collectivités
territoriales (47 M€), les dépenses fiscales (145 M€) et les
contributions du CNC au fonds de garantie géré par l’institut de
financement du cinéma et des industries culturelles (54 M€ en
montant cumulé), auxquelles s’ajoutent les aides européennes
(programmes Eurimages et MEDIA) ;
-
les investissements obligatoires (1,16 Md€ au total) imposés
réglementairement aux chaînes publiques (531 M€) et privées
(626 M€) ;
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18
COUR DES COMPTES
-
d’autres modalités de soutien plus indirectes, constituées de
dispositifs fiscaux tels que l’amortissement dérogatoire dont
bénéficient les sociétés de production et de distribution
12
ou du
recours aux avantages fiscaux de droit commun accordés pour
favoriser l’investissement dans les petites et moyennes
entreprises.
Par ailleurs, le régime social paritaire des intermittents du
spectacle, sur lequel la Cour a déjà eu l’occasion de se prononcer à
plusieurs reprises
13
, peut bénéficier indirectement à la production
cinématographique et audiovisuelle.
Le régime des intermittents du spectacle
Le régime des intermittents du spectacle ne constitue pas un dispositif
de soutien direct à la production. Les caractéristiques de ce régime
dérogatoire résultent d’accords interprofessionnels. L’intermittence peut
néanmoins
contribuer
indirectement
au
soutien
à
la
production
cinématographique et audiovisuelle, lorsque certains employeurs reportent
abusivement sur l’Unedic une partie des frais fixes de rémunération de leurs
salariés.
Le secteur de la production cinématographique et audiovisuelle
représente à fin mars 2013, d’après Pôle emploi, 51 % de la masse salariale
versée par les employeurs des intermittents du spectacle et près de 40 % du
volume des heures de travail déclarées.
12
Ces sociétés peuvent amortir leur investissement dans un film au prorata des
recettes tirées de ce film. Au-delà, elles peuvent pratiquer un amortissement
dérogatoire si l’amortissement économique ainsi calculé est inférieur à un taux de
dépréciation fixé par la documentation fiscale de base. Cet avantage permet d’amortir
un film en 22 mois, le film pouvant être amorti à hauteur de 80 % la première année.
Dès lors qu’il conduit à amortir un investissement de façon accélérée, il peut
s’analyser comme une subvention remboursable versée sous la forme d’un moindre
impôt sur les sociétés à payer. Il était évalué à 7 M€ en LFI pour 2007.
13
La Cour s’est prononcée en dernier lieu à ce sujet dans le référé n° 67793 du
19 septembre 2013, « Le régime d’indemnisation du chômage à l’issue des emplois
précaires ».
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19
Graphique n° 1 : les différents mécanismes qui contribuent à soutenir
la production cinématographique et audiovisuelle en 2012
Source : Cour des comptes.
La dépense publique à laquelle correspond l’ensemble des aides
directes a crû fortement au cours de la dernière décennie (+ 88 %), cette
croissance excédant très largement la norme d’évolution de la dépense
publique. En outre, la multiplication des dispositifs, facteur de complexité
réglementaire, ne s’est pas accompagnée d’une évaluation de leurs effets
ni de l’analyse de leurs redondances éventuelles.
I
-
Des aides directes en forte augmentation
Les
aides
directes
à
la
production
cinématographique
et
audiovisuelle empruntent quatre canaux principaux :
-
les subventions directes ou les avances remboursables
14
versées
par le CNC sont passées de 291 M€ en 2002 à 355 M€ en 2012.
Elles sont majoritairement financées par des taxes affectées au
CNC, hors budget général de l’État (cf. annexe n° 4) ;
-
les aides de nature fiscale n’ont cessé de croître. La création de
trois crédits d'impôt entre 2004 et 2009 et le renchérissement du
coût
des
sociétés
de
financement
de
l’industrie
cinématographique et de l’audiovisuel (SOFICA) ont fait passer
la dépense fiscale de 18,6 M€ en 2002 à 145 M€ en 2012 (soit
+ 680 %). À ces avantages fiscaux bénéficiant directement aux
sociétés de production cinématographiques et audiovisuelles
s’ajoutent des dispositifs fiscaux de droit commun (notamment
ceux conçus pour favoriser l’investissement dans les PME)
susceptibles d’être utilisés pour financer la production ainsi que
14
Étant rarement remboursées en cas de succès, les avances remboursables peuvent
être de ce fait assimilées à des aides directes.
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20
COUR DES COMPTES
le taux réduit de TVA octroyé à Canal + et Numéricable
(cf.
infra
) ;
-
les aides des collectivités territoriales qui ont progressé de
7 M€ en 2002 à 47 M€ en 2012 (soit + 571 %) ;
-
le fonds de garantie géré par l’institut de financement du
cinéma et des industries culturelles (IFCIC), doté sur crédits
publics, qui permet d’offrir aux entreprises du secteur des
garanties sur les différents types de prêts bancaires. Ce fonds
fait l’objet d’abondements annuels
15
dont le total cumulé
s’élevait à 54 M€ en 2012 (41 M€ pour la production
cinématographique et 13 M€ pour la production audiovisuelle),
soit une hausse de 50 M€ sur la période.
Graphique n° 2 : la progression des aides directes à la production
cinématographique et audiovisuelle entre 2002 et 2012
(en M€ courants)
Source : Cour des comptes (cf. méthodologie en annexe n° 3). Le recours aux
dispositifs fiscaux de droit commun pour l’investissement dans les PME, ne
pouvant être chiffré, ne figure pas sur ce graphique.
Si l'on s'en tient aux seules aides directes (dépenses du CNC pour
la production, aides territoriales et dispositifs fiscaux, hors fonds de
garantie de l’IFCIC), l'augmentation au cours de la dernière décennie est
quatre fois supérieure à celle des dépenses de l'État (respectivement
+ 88 % et + 20 %). Ramenée en euros constants, elle reste forte (+ 45 %
en 10 ans). Parallèlement, les recettes du CNC, c’est-à-dire de l’ensemble
15
Le CNC a cessé d’abonder le fonds de garantie en numéraire en 2013 et 2014.
291
19
4
7
320
355
145
54
47
601
0
100
200
300
400
500
600
700
CNC
Dépense
fiscale
Fonds de
garantie
Aides
locales
Total des
aides
publiques
2002
2012
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21
des taxes qui lui sont affectées et qui, tout en dérogeant au principe
d’universalité budgétaire, n’en relèvent pas moins du régime des
impositions de toute nature, ont augmenté de 70 % entre 2002 et 2012,
passant de 440 à 749 M€.
Graphique n° 3 : aides directes à la production cinématographique et
audiovisuelle et taxes affectées au CNC, de 2002 à 2012 (en M€)
Source : Cour des comptes.
A - Les aides du CNC
1 -
Une large palette d’outils
Établissement
public
administratif
créé
par
la
loi
du
25 octobre 1946, le centre national du cinéma et de l'image animée
(CNC) est à la fois l'animateur et le principal concepteur de la politique
de soutien à la production cinématographique et audiovisuelle : en
application de l’article L. 111-2 du code du cinéma et de l’image animée,
il joue un double rôle de direction d’administration centrale et
d’opérateur.
Dans son document stratégique de performance élaboré dans le
cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2014, l’action du
CNC s’articule autour de neuf objectifs : « favoriser le succès du cinéma
français en France et à l’étranger, contribuer à la diversité de la création
cinématographique, contribuer à la diffusion du cinéma sur l’ensemble du
territoire,
contribuer
à
consolider
l’industrie
des
programmes
audiovisuels, contribuer à enrichir l’offre de programmes et soutenir
l’innovation audiovisuelle, améliorer la performance de la gestion des
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COUR DES COMPTES
soutiens mis en oeuvre, renforcer l’attractivité du territoire national pour
les tournages, favoriser la diversité de l’offre et l’exposition de la création
française en vidéo et sur les nouveaux supports de la distribution, vidéo à
la demande, internet fixe et mobile, et favoriser la transition rapide et
homogène vers la numérisation des salles de cinéma ».
Ainsi, le CNC, d’une part, est chargé de la réglementation du
secteur du cinéma et des autres arts et industries de l’image animée et
d’une mission d’observation des activités et professions de ce secteur.
D’autre part, il attribue des aides financières en faveur notamment de la
création, de la production, de la distribution, de la diffusion et de la
promotion des oeuvres cinématographiques et audiovisuelles et des
oeuvres multimédia. Il aide aussi la création et la modernisation des salles
de cinéma, et finance des écoles de formation, des festivals et des
dispositifs d’éducation à l’image.
Préalablement à l’allocation d’une aide, les investissements des
producteurs, puis la diffusion des oeuvres (films ou programmes
audiovisuels) font l’objet d’une procédure d’agrément (dans le domaine
cinématographique) ou d’autorisation (dans le domaine audiovisuel) par
le CNC, qui consiste à vérifier que les conditions techniques et
financières nécessaires à la qualification d’oeuvre d’initiative française ou
d’oeuvre européenne sont remplies.
Les aides versées couvrent l’ensemble des étapes, de la production
d’une oeuvre à sa distribution et à son exploitation. À chacun de ces
stades correspondent deux types de dispositifs : des aides automatiques et
des aides sélectives. L’ensemble des aides se répartit approximativement
à parité entre le soutien automatique et le soutien sélectif.
Le soutien automatique vise à consolider le tissu industriel
existant. Il repose sur le principe de la constitution de droits de tirage au
profit de producteurs, distributeurs, exploitants et éditeurs vidéo, à due
concurrence
des
recettes
dégagées
par
l’exploitation
d’oeuvres
cinématographiques ou audiovisuelles. Sur cette base, les entreprises
bénéficiaires peuvent mobiliser les droits constitués en vue de financer
leur activité future. En 2012, l’ensemble des soutiens versés à ce titre
s’élève à 312,3 M€.
Les soutiens sélectifs, quant à eux, ont pour principale vocation de
favoriser la diversité des oeuvres et le renouvellement des talents. La
procédure d’octroi de ces aides repose sur la sélection de projets jugés
porteurs par une commission de professionnels, comme c’est le cas par
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23
exemple pour l’avance sur recettes
16
. Tous secteurs confondus, ces
dispositifs sélectifs représentent un montant total de 299,6 M€ en 2012.
S’ils concernent l’ensemble des filières de l’image animée
(production,
distribution,
exploitation,
édition
vidéo,
industries
techniques, multimédia et jeu vidéo), les soutiens du CNC demeurent
principalement orientés
vers l’activité de production : en 2012, 355 M€
étaient
directement
affectés
aux
secteurs
de
la
production
cinématographique et audiovisuelle, soit près de 60 % des dépenses de
soutien de l’établissement
17
.
Graphique n° 4 : répartition sectorielle des principaux soutiens
versés par le CNC, de 2002 à 2012, en M€
Source : Cour des comptes d’après données CNC. Ce graphique n’inclut pas
les dispositifs de soutien transversaux (plan numérique, soutien à la
promotion du cinéma, éducation à l’image, patrimoine, etc.).
Parmi les soutiens à la production versés en 2012, 64 % étaient
consacrés à la production audiovisuelle et 25 % à la production
cinématographique, les 11 % restants correspondant à des aides
transversales.
16
Son règlement intérieur prévoit ainsi que « la commission du soutien sélectif à la
production est composée d’un président, de trois vice-présidents, de 25 membres
titulaires et de membres suppléants. » Elle est formée de trois collèges.
17
En réalité, la part des soutiens attribuée à la production est supérieure, plusieurs des
interventions du CNC présentant un caractère transversal et bénéficiant en partie à la
production (aides aux associations notamment, à l’image des subventions versées au
festival de Cannes). L’ensemble des soutiens du CNC est retracé en annexe n° 5.
0
50
100
150
200
250
300
2002 2004 2006 2008 2010 2012
production
audiovisuelle
production
cinématographique
exploitation
cinématographique
distribution
cinématographique
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La croissance soutenue du volume des aides allouées par le CNC
s’est accompagnée d’une extension continue de la palette des dispositifs
qu’il met en oeuvre. Relevée par la Cour lors de son dernier contrôle
18
,
cette double évolution résulte de la progression très dynamique des
recettes recouvrées par le CNC au titre de la perception des taxes
affectées dont il est le destinataire. Elle traduit un pilotage des dispositifs
d’aide par la recette, échappant aux normes de dépenses du budget
général de l’État.
2 -
La croissance des taxes affectées au CNC
Le CNC est financé à plus de 95 % par des taxes affectées, dont le
principe
général
est
demeuré
inchangé
depuis
la
création
de
l'établissement : taxer les acteurs économiques qui retirent un bénéfice de
la diffusion des contenus cinématographiques et audiovisuels, et recueillir
le produit de ces taxes pour financer l’ensemble de la filière
19
. Au nom de
ce principe ont successivement été imposés la billetterie des salles de
cinéma (taxe spéciale additionnelle, à hauteur de 10,7 % sur le prix
acquitté par le spectateur), les chaînes de télévision puis les distributeurs
de services de télévision (taxe sur les services de télévision, éditeurs et
distributeurs), ainsi que les sociétés vendant ou louant des contenus
audiovisuels sous forme de vidéogrammes (taxes vidéos).
L’augmentation récente des recettes du CNC correspond à l’entrée
en vigueur, en 2008, de la taxe sur les distributeurs de services de
télévision (TSTd). Passant de 94 M€ en 2008 à 279 M€ en 2012, le
produit de cette taxe explique, en grande partie, l’augmentation du niveau
général des taxes affectées au CNC, celles-ci ayant progressé de 512 M€
en 2007 à 749 M€ en 2012 (+ 46 %).
18
Cour des comptes,
La gestion et le financement du Centre national du cinéma et de
l’image animée (CNC). Exercices 2007 à 2011
, communication à la commission des
finances du Sénat. La Documentation française, août 2012, 166 p., disponible sur
www.ccomptes.fr
.
19
Cf. annexe n° 4. Le CNC est, par ailleurs, affectataire de la taxe sur les bénéfices
tirés de la production et de la diffusion de films à caractère violent ou pornographique,
ainsi que du produit des sanctions pécuniaires infligées par le CSA.
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25
Graphique n° 5 : évolution du produit des taxes affectées au
CNC entre 2002 et 2014, en M€
Source : Cour des comptes, d'après CNC. Les données 2013 et 2014 sont
prévisionnelles.
Étendant aux distributeurs de services de télévision le principe de
taxation des secteurs aval, la TSTd frappe trois catégories d’acteurs :
-
les chaînes de télévision auto-distribuées
20
(Canal +, auparavant
assujettie à la seule taxe sur les éditeurs de services de
télévision) ;
-
les services de diffusion par câble, satellite et télévision
numérique terrestre ;
-
les fournisseurs d’accès à internet (FAI) et opérateurs de
téléphonie mobile.
La taxe est calculée en appliquant un taux progressif (compris
entre 0,5 % et 4,5 %), à l’assiette taxable, constituée du chiffre d’affaires
des abonnements souscrits auprès des sociétés concernées. En pratique, la
TSTd marque l’extension du régime des taxes affectées du CNC au
secteur du numérique : en 2010, les opérateurs de communications
électroniques représentaient près des deux tiers du produit de la TSTd.
Cette taxe frappe donc désormais une activité économique dont le lien
avec le secteur cinématographique et audiovisuel est de moins en moins
20
Ces chaînes, aujourd’hui constituées par Canal + et Numéricable, acquièrent des
droits sur le marché primaire pour la diffusion d’oeuvres, comme les autres chaînes,
mais commercialisent également leurs services, sous forme de bouquets de chaînes
acquis auprès d'éditeurs sur le marché de gros, directement auprès de leurs abonnés.
442
749
-
100
200
300
400
500
600
700
800
900
TSA
Taxe vidéo
TST éditeurs
TST distributeurs
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26
COUR DES COMPTES
exclusif, comparé à la taxation des salles de cinéma ou des chaînes de
télévision.
En modifiant leur offre commerciale, ces opérateurs ont fait baisser
leur impôt depuis 2011.
Le transfert de la perception des taxes affectées au CNC (TSA au
1
er
janvier 2007, TST au 1
er
janvier 2010), auparavant assurée par la
direction générale des finances publiques, et, en parallèle, la clôture du
compte-mission
21
, le 1
er
janvier 2009, ont eu pour effet d’accroître
significativement l’autonomie financière du CNC.
En réaction au fort dynamisme des ressources du CNC, le
législateur a opéré, depuis 2011, plusieurs prélèvements sur le produit des
taxes affectées au profit du budget général de l’État.
La loi de finances pour 2011 a institué un prélèvement
exceptionnel de 20 M€ sur les recettes du CNC
22
, tandis que la loi de
finances pour 2012 a créé un mécanisme d’écrêtement des taxes affectées
aux opérateurs
23
, se traduisant dans le cas du CNC par un reversement de
50 M€ au budget général de l’État. La loi de finances pour 2013 a institué
un prélèvement exceptionnel de 150 M€ sur le fonds de roulement de
l’établissement
24
. Enfin, la loi de finances pour 2014 prévoit un nouveau
prélèvement de 90 M€.
Le dynamisme des ressources du CNC a, par ailleurs, conduit le
ministère de la culture et de la communication à faire supporter par
l’établissement des dépenses précédemment imputées sur ses propres
crédits budgétaires. Entre 2006 et 2012, le ministère a ainsi transféré au
CNC un ensemble de dépenses qui se décomposent en 17 M€ de dépenses
ponctuelles (prise en charge par le CNC d’engagements ponctuels non
payés par le ministère) et 46,9 M€ de dépenses annuelles récurrentes.
Au total, les prélèvements sur le fonds de roulement du CNC et les
débudgétisations du ministère de la culture et de la communication se
sont élevés à 284 M€ depuis 2006.
21
Les recettes du CNC ont transité, jusqu’en 2006, par un compte d’affectation
spéciale, puis par un compte-mission.
La mission hors budget général Cinéma,
audiovisuel et expression radiophonique locale
ayant été supprimée en 2009, les
charges
et
produits
des
anciens
programmes
711 -
Soutien
aux
industries
cinématographiques
et 712 -
Soutien aux industries audiovisuelles
sont depuis lors
imputés directement sur le budget du CNC.
22
Article 35 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011.
23
Article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012.
24
Article 41 de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013.
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UN SYSTEME DE SOUTIEN EN EXPANSION CONTINUE
27
Comme l’a relevé la Cour lors de son dernier contrôle, la logique
d’écrêtement au cas par cas n’est pas une modalité satisfaisante de
régulation budgétaire au regard de la nécessité de programmer les
dépenses publiques dans un cadre pluriannuel. Seul un contrat de
performance entre le CNC et l’État, fondé sur une évaluation des besoins
du secteur et une mesure de l’efficacité de la politique de soutien, pourrait
permettre un pilotage concerté du financement de l’opérateur.
Principales recommandations de la Cour concernant le financement
du CNC
25
- élaborer une méthode d’analyse de l’efficacité et de l’efficience des
dispositifs d’aide mis en oeuvre au regard, d’une part, des soutiens déjà
existants et, d’autre part, des objectifs fixés au CNC par ses tutelles et par le
Parlement ;
- en liaison avec le ministère de la culture et de la communication, établir
une trajectoire pluriannuelle de dépenses ;
- faire évoluer la structure de financement de l’établissement. À cet effet,
trois scénarios sont envisageables :
1 - la fixation d’un plafond de dépenses pluriannuel commandant la
détermination du barème des taxes affectées ;
2 - le recours à des écrêtements ciblés, scénario moins satisfaisant qui
a cependant été retenu ;
3 - la budgétisation d’une partie de l’actuelle TST « distributeurs »,
sous la forme d’un compte d’affectation spéciale.
B - Les dépenses fiscales
En raison du risque qui s’attache aux perspectives de recettes
issues de l’exploitation des films et des programmes audiovisuels, le
secteur de la production cinématographique et audiovisuelle est
structurellement peu attractif pour la plupart des investissements privés.
Des dispositifs fiscaux nouveaux ont été utilisés depuis les années 1980
pour faciliter les investissements dans la production : d’abord les
SOFICA dans les années 80, puis une combinaison de mesures fiscales de
droit commun en faveur des PME et de crédits d’impôt spécifiques
constamment renforcés au cours des dernières années.
25
Cour des comptes
, La gestion et le financement du Centre national du cinéma et de
l’image animée (CNC). Exercices 2007 à 2011,
communication à la commission des
finances du Sénat
.
La Documentation française, août 2012, 166 p., disponible sur
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28
COUR DES COMPTES
1 -
Les SOFICA
Créées en 1985
26
, les sociétés de financement de l’industrie
cinématographique et de l’audiovisuel (SOFICA) sont des sociétés
anonymes qui collectent, auprès des entreprises et des particuliers, des
fonds
destinés
au
financement
d’oeuvres
cinématographiques
et
audiovisuelles agréées par le CNC. Elles ont pour objectif de soutenir la
production française indépendante et d’encourager le renouvellement de
la création et des talents.
Les souscriptions au capital des SOFICA réalisées par les
entreprises ouvrent droit à un amortissement exceptionnel (égal à 50 %
des sommes souscrites) qui a pour effet de réduire leur impôt sur les
sociétés.
Consistant initialement en une déduction de 25 % des souscriptions
sur le revenu net global, l'avantage fiscal en faveur des particuliers a été
progressivement ramené à une réduction d'impôt sur le revenu,
correspondant à 30 % des sommes souscrites, dans la limite de 18 000 €
et de 25 % du revenu net global, sous réserve de la conservation des parts
détenues dans la SOFICA pendant au moins cinq ans.
Depuis 2009, le volume et l'orientation des investissements sont
encadrés de manière rigoureuse. La régulation intervient en effet à
plusieurs niveaux :
-
au niveau de la collecte de fonds privés : depuis sa création, la
dépense fiscale est reconduite tous les trois ans, et la création des
SOFICA (pour une durée de dix ans) est soumise à une procédure
d’agrément par la DGFiP. Chaque année, les pouvoirs publics sont
ainsi en mesure de déterminer l'enveloppe d'investissement
souhaitée, le nombre de SOFICA, généralement compris entre 10 et
12, et par voie de conséquence, la répartition de l’enveloppe entre
elles ;
-
au niveau des investissements réalisés par les SOFICA : une charte,
mise en place dès 2005 par le CNC, puis adaptée annuellement en
fonction des objectifs fixés, précise avant chaque collecte annuelle
les engagements de gestion auxquels doit souscrire chacune d’entre
elles. Qu'elles prennent la forme d’une souscription au capital des
sociétés de production ou, plus fréquemment, de versements en
numéraire dans le cadre de contrats d'association à la production,
les sommes investies par les SOFICA sont orientées vers certaines
catégories d’oeuvres (premiers et deuxièmes films, films dont le
26
Article 40 de la loi n° 86-695 du 11 juillet 1985.
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UN SYSTEME DE SOUTIEN EN EXPANSION CONTINUE
29
budget est inférieur à 8 M€, etc.). Les SOFICA doivent également
s’engager à réaliser, pour une part au moins égale à 50 %, des
investissements non adossés, c’est-à-dire sans accord préalable avec
le producteur, sur le prix de rachat à terme de l’investissement
réalisé
27
. Cette limitation bénéficie le plus souvent à la production
indépendante. Ces engagements sont individualisés par SOFICA et
validés par la direction générale des finances publiques (DGFiP) au
moment de l’octroi de l’agrément
28
;
-
au niveau de l'avantage fiscal accordé aux particuliers : celui-ci est
porté à 36 % lorsque le souscripteur investit dans une SOFICA qui
s'engage à réaliser au moins 10 % de ses investissements sous
forme de souscription en capital dans les sociétés de production, ce
qui permet de financer la phase de développement des projets.
Au cours des dix dernières années, les SOFICA ont permis de
collecter entre 35 M€ et 66 M€ par an. Le dispositif a été essentiellement
utilisé par les particuliers, les rares entreprises ayant souscrit des parts de
SOFICA se trouvant être, dans la majorité des cas, les fondatrices
desdites SOFICA (certaines d'entre elles ayant par ailleurs leur activité
principale dans le secteur cinématographique ou audiovisuel). Alors que,
jusqu'en 2011
29
, l'intégralité de l'enveloppe autorisée des SOFICA était
placée quelques jours après l'ouverture de la campagne, plusieurs
semaines ont été nécessaires en 2012 et n'ont, en outre, pas permis de
placer l’intégralité des sommes initialement destinées aux SOFICA (sur
une enveloppe globale de 63,07 M€, 1,5 M€ n'ont pas pu être placés).
27
Jusqu’en 2010, l’adossement total permettait de garantir le rachat à prix fixe de
l’ensemble des parts de la SOFICA à son échéance.
28
À titre d'exemple, en 2012, les principales conditions de l’agrément de la société
CINEMAGE 7, pour une enveloppe de 9 M€, étaient les suivantes : 65 % au moins de
films présentant un budget inférieur à 8 M€ ; 50 % au moins de premiers ou
deuxièmes
films ;
20 %
au
plus
d’investissements
adossés
et
100 %
des
investissements non adossés à réaliser auprès de producteurs indépendants.
29
À l'exception notable de la collecte 2008 en raison des effets de la crise financière.
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30
COUR DES COMPTES
Tableau n° 1 : évolution du nombre et du montant des souscriptions
aux SOFICA entre 2002 et 2013
Année
de
collecte
Nombre
de
SOFICA
agréées
Montant
collecté
(M€)
Nombre total
de
souscriptions
dont
souscriptions
de personnes
morales
Montant
moyen d’une
souscription
(€)
dont
souscription
moyenne des
personnes
morales (€)
2002
6
35,2
3 324
18
10 706
15 858
2003
9
41,0
3 648
21
11 372
5 778
2004
10
46,0
4 226
19
11 083
4 719
2005
15
51,5
5 086
21
10 370
16 028
2006
13
65,7
6 565
19
10 114
4 958
2007
14
63,1
7 327
20
8 715
4 075
2008
12
61,1
7 463
13
8 208
7 143
2009
11
63,1
7 716
16
8 419
3 483
2010
10
63,1
7 157
14
9 028
2 367
2011
12
63,1
7 442
14
8 575
4 310
2012
11
61,5
7 459
13
8 250
2 815
2013
10
59
7 109
9
8 295
14 311
Source : Cour des comptes d'après données CNC.
En contrepartie de leur apport, les SOFICA obtiennent auprès des
producteurs un droit à rémunération sur des couloirs de recettes,
correspondant au remboursement de leur apport initial auquel s’ajoute la
plupart du temps un bonus proportionnel au succès du film. L'attractivité
du dispositif résulte donc non seulement de l'avantage fiscal directement
accordé aux souscripteurs, mais aussi de l'éventualité de la distribution de
dividendes, liés aux recettes d’exploitation des films dans lesquels la
SOFICA a investi.
La part relative des SOFICA dans le financement des films
d'initiative française reste faible : en 2012, les SOFICA ne représentaient
en moyenne que 4 % de leurs plans de financement. Ces investissements
n’en sont pas moins cruciaux pour les producteurs. D'une part, ils sont
orientés vers les catégories d’oeuvres qui sont principalement touchées par
le
risque
du
sous-financement
30
.
D'autre
part,
ils
représentent
chronologiquement l'un des premiers soutiens financiers effectivement
versés aux producteurs, leur permettant d’assurer ainsi leur trésorerie.
30
S'agissant de la production audiovisuelle, les investissements des SOFICA se
concentrent sur les programmes d'animation (83 % en 2011), genre dont les coûts de
production sont élevés et la gestation généralement plus longue, mais qui présente
également les meilleures perspectives de recettes au-delà du premier cycle
d'exploitation (première série de deux à trois diffusions à la télévision).
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31
Graphique n° 6 : évolution des sommes collectées par les SOFICA et
du coût de la dépense fiscale associée pour l'impôt sur le revenu (IR),
depuis 2002 (en M€)
Source : Cour des comptes, d'après données CNC ; les données 2012 sont
prévisionnelles ; le coût de la dépense fiscale relative à l'impôt sur les
sociétés est considéré comme négligeable.
Dans l’ensemble, les évolutions récentes ont permis d’atteindre un
point d’équilibre puisque l’évolution à la hausse du montant collecté a été
limitée (à 63 M€ depuis 2007), ce qui a eu pour effet de stabiliser le coût
de la dépense fiscale associée aux SOFICA au-dessous de 30 M€.
Ainsi, les réformes apportées au dispositif des SOFICA ont permis
de conserver une maîtrise des modalités de mobilisation et d’orientation
des investissements privés, tout en maintenant son attractivité :
-
la réforme opérée en 2009 a renforcé la prise de risque dans les
sociétés de production indépendantes ;
-
le maintien de la possibilité de recourir à la technique de
l’adossement, partiel et orienté vers la production indépendante,
a permis de sécuriser pour une part, les perspectives de
recettes ;
-
les deux dernières réductions de l’avantage fiscal ayant affecté
l’essentiel des autres avantages fiscaux de même type, il n’en
est pas résulté une dégradation de la position relative des
SOFICA par rapport aux autres possibilités de défiscalisation ;
35
62
19
27
0
10
20
30
40
50
60
70
2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012
Sommes collectées
Coût du dispositif (réduction d'IR)
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32
COUR DES COMPTES
-
les banques continuent de faire de l’investissement dans une
SOFICA un produit d’appel ou de relation clients, de fait
réservé à un nombre limité d'investisseurs (près de 6 000
chaque année)
31
.
2 -
Le recours à des dispositifs fiscaux de droit commun
Bien qu’elles ne soient pas spécifiquement réservées au secteur
cinématographique et audiovisuel, deux dépenses fiscales visant à
encourager l'investissement des particuliers dans le capital des petites et
moyennes entreprises (PME) au travers d’une réduction de l’impôt de
solidarité sur la fortune (article 885-0-V bis du CGI)
32
ou d’une réduction
d’impôt sur le revenu (article 199 terdecies-0 A du CGI)
33
sont
couramment utilisées dans le financement d’oeuvres cinématographiques
ou audiovisuelles. Elles permettent à des particuliers de souscrire au
capital de PME qui interviennent dans la production ou la distribution
d’un film et de bénéficier :
-
des gains dégagés par les éventuelles recettes d'exploitation des
oeuvres financées ;
-
des réductions d'impôt sur le revenu (18 % du montant de la
souscription) ou de l'impôt de solidarité sur la fortune (50 % du
montant de la souscription).
Les PME qui utilisent ces deux dispositifs fiscaux investissent dans
la production et la distribution de nouveaux films et viennent ainsi
compléter le plan de financement du producteur ou du distributeur. Si
certaines sociétés sont des structures
ad hoc
créées en vue de la
production ou de la distribution d’un seul film, d'autres minimisent le
risque commercial en investissant dans un portefeuille de films qui
présentent des perspectives de recettes moins aléatoires que la moyenne
des films français (films produits par des circuits intégrés, films à budgets
élevés, etc.). Il arrive également que ces PME soient directement créées
par des producteurs ou des distributeurs, qui se servent de ces sociétés
31
Le caractère sélectif du système tient, en particulier, à un montant minimum de
parts à souscrire. La plupart des SOFICA proposent des valeurs nominales comprises
entre 1 000 € et 2 000 € par part. L'investissement moyen est de 8 600 € entre 2001 et
2011. Selon le CNC et la DGFiP, les souscripteurs ont, pour l'essentiel, un profil de
chef d'entreprise ou de retraité dont le revenu fiscal de référence moyen s’élevait à
161 000 € en 2011, et la collecte est marquée par un phénomène d'abonnement.
32
Article 16 de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi
et du pouvoir d’achat (couramment appelé « dispositif TEPA » ou « ISF-PME »).
33
Créé par l’article 26 V de la loi n° 94-126 du 11 février 1994, couramment appelé
« dispositif Madelin » (ou « Dutreil » car la loi n° 2003-721 du 1
er
août 2003 pour
l'initiative économique a complété les dispositions précédemment adoptées).
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UN SYSTEME DE SOUTIEN EN EXPANSION CONTINUE
33
comme fonds d’investissement. Enfin, certaines sociétés investissent dans
l’acquisition de droits d'exploitation et de distribution de films de
catalogue (déjà produits et financés) auprès des producteurs étrangers et
revendent les différents droits audiovisuels ainsi acquis aux éditeurs
vidéo, internet et télévisuels français. Cette organisation se rencontre
notamment dans le financement de films qui se rattachent à une catégorie
particulière
(« films
de
genre » :
policier,
thrillers
,
fantastique,
documentaires, etc.) et dans le domaine audiovisuel
34
.
Ces deux dispositifs présentent plusieurs caractéristiques qui les
rendent plus attractifs que les SOFICA :
-
le plafonnement de l'investissement, porté à 50 000 € pour la
réduction d’impôt sur le revenu et à 45 000 € pour la réduction
d’impôt de solidarité sur la fortune est supérieur à celui des
SOFICA (18 000 €) ;
-
le mécanisme de l'adossement n'y est pas limité. À l’image du
dispositif fiscal en vigueur en Belgique appelé
tax shelter
(cf. annexe 13), les investisseurs peuvent ne conserver que pour
une durée moyenne (cinq ans) les droits détenus dans les films
avant
que
ceux-ci
ne
soient
rachetés
par
le
groupe
d'adossement
35
.
Cependant, tant en termes de maîtrise des finances publiques que
d’efficacité des investissements, ces deux dépenses fiscales ne présentent
pas les mêmes garanties que les SOFICA :
-
leur enveloppe n’étant pas normée, le coût de la dépense fiscale
n’est ni clairement identifiable, ni maîtrisé
36
. Le CNC comme
l’administration
fiscale
ne
disposent
d’aucune
vision
d’ensemble
sur
les
montants
en
jeu
ou
les
sociétés
bénéficiaires ;
-
en l’absence de système d’agrément, il n’existe aucun contrôle
sur
la
destination
des
fonds
défiscalisés.
Ainsi,
les
34
Déjà propriétaire des droits francophones de la saison 1 de la série
Les Borgia
, la
PME Les Borgia a, par exemple, procédé à une augmentation de capital en recourant
au dispositif de réduction d’impôt sur le revenu afin d’acquérir 50 % des droits
francophones et américains de la saison 2 de cette même série.
35
Dans le cas des
Borgia
, les souscripteurs s’engagent à céder la totalité des actions
qu’ils détiennent au terme d’une période de cinq ans pour un prix de 140 € par action,
déduction faite des dividendes déjà perçus à la date de la cession, sans que le prix
puisse être inférieur à leur valeur nominale de 100 €.
36
En 2012, le dispositif de réduction d’impôt sur la fortune (ISF) a bénéficié à 81 090
ménages, pour une dépense fiscale de 170 M€. (130 M€ prévus en 2013) Le dispositif
de réduction d’impôt sur le revenu (IR), quant à lui, a bénéficié en 2012 à 41 300
ménages, pour une dépense fiscale de 318 M€ (460 M€ prévus en 2013).
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34
COUR DES COMPTES
investissements ne sont pas orientés prioritairement vers les
productions en besoin de financement, mais poursuivent un seul
objectif de rentabilité financière, en limitant au maximum la
prise de risque ;
-
bien que ces dispositifs soient jugés non « pas redondants, mais
complémentaires » avec les SOFICA par le CNC, la Cour a pu
constater, en contrôlant le plan de financement de dix films
ayant recours à ces dispositifs, que sept d’entre eux étaient
également bénéficiaires d’un financement de SOFICA.
L’absence de visibilité sur le niveau de la dépense fiscale, le risque
d’un effet d’aubaine pour des productions déjà soutenues, par ailleurs, et
l’existence d’un mécanisme de réduction d’impôt spécifiquement conçu
afin de drainer l’épargne privée vers les films les plus fragiles au travers
des SOFICA justifieraient d’exclure, comme c’est déjà le cas de certains
secteurs (production photovoltaïque, activités financières, gestion de
patrimoine mobilier, activités liées à la détention de métaux précieux,
oeuvres d’art, etc.), les sociétés de production cinématographique et
audiovisuelle
37
du bénéfice de ces deux dispositifs fiscaux de droit
commun. Si la Cour souscrit totalement à la nécessité d’accroître la part
des fonds privés dans le financement des oeuvres cinématographiques et
audiovisuelles, cette augmentation ne saurait se faire au prix de
l’accroissement concomitant d’une dépense fiscale non maîtrisée.
3 -
Les crédits d'impôt
Entre 2004 et 2009, trois crédits d’impôt ont été instaurés en vue
d’encourager la réalisation sur le territoire français des travaux de
production et de postproduction des oeuvres cinématographiques et
audiovisuelles : les crédits d’impôt cinéma et audiovisuel et le crédit
d’impôt international.
a)
Les crédits d’impôt cinéma et audiovisuel
Le crédit d’impôt sur un pourcentage des dépenses éligibles de
production d’oeuvres cinématographiques, dit crédit d’impôt cinéma
(CIC), créé par la loi de finances pour 2004
38
, et celui au titre des
dépenses de production audiovisuelle, dit crédit d’impôt audiovisuel
37
Les sociétés de distribution, ne bénéficiant pas du dispositif des SOFICA,
pourraient continuer à bénéficier de ces deux dépenses fiscales.
38
Article 88 la loi de finances pour 2004, codifié aux articles 220 sexies, 220F et
223 0 du code général des impôts.
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35
(CIA), voté un an plus tard
39
, partagent l’objectif de renforcer l'attractivité
du territoire national auprès des producteurs français. Ils ont des
caractéristiques communes et visent le même type de redevables : ne
peuvent en bénéficier que les entreprises assumant les fonctions de
producteur délégué, assujetties à l'impôt sur les sociétés et respectant la
législation sociale
40
.
Le bénéfice du crédit d'impôt ne peut être sollicité par une société
de production
41
qu'au titre d'un film ou d'un programme audiovisuel
déterminé, répondant à des conditions particulières : l'oeuvre doit avoir été
agréée ou autorisée par le CNC, être réalisée principalement sur le
territoire français, intégralement ou principalement en langue française ou
dans une langue régionale en usage en France, et « contribuer au
développement de la création cinématographique et audiovisuelle
française et européenne ainsi qu'à sa diversité ». Les oeuvres doivent
également répondre à des seuils de durée et de coûts.
Depuis sa création, le CIC bénéficie chaque année à près des deux
tiers des films d'initiative française
42
et près de 60 % des sociétés ayant
produit l'un des films agréés dans l'année. À l'exception des films dont le
coût est inférieur à 1 M€ ou supérieur à 15 M€, peu concernés par le
crédit d'impôt, l'octroi de l'avantage fiscal est réparti de manière
relativement homogène entre les films, quel que soit leur budget. La part
des films bénéficiaires du crédit d'impôt est néanmoins plus importante
pour les films à budget moyen (71 % des films en bénéficient) et les films
dont le coût est compris entre 7 M€ et 15 M€ (78 %) que pour les films
présentant un budget moins élevé.
Le CIA connaît une progression plus dynamique, moins en valeur
qu’en nombre de programmes concernés (192 en 2005, 337 en 2013) et
de sociétés bénéficiaires de l'avantage fiscal (68 en 2005, 190 en 2012).
Si les programmes documentaires et de fiction concentrent la majorité des
331 crédits d'impôt accordés en 2012, la probabilité d'obtenir ce soutien
est nettement plus forte pour les programmes d'animation et de fiction
39
Article 48 de la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 de finances rectificative
pour 2004, codifié aux mêmes articles que le crédit d’impôt cinéma.
40
Cette dernière condition vise notamment à exclure du bénéfice des crédits d'impôt
les sociétés de production qui recourent de manière abusive à l'emploi intermittent.
41
Pour une même oeuvre, les sociétés bénéficiaires du crédit d'impôt ne peuvent être
plus de deux. Dans le cas de deux sociétés co-déléguées, le montant du crédit d’impôt
est réparti entre elles proportionnellement aux dépenses de production éligibles
directement prises en charge par chacune d’elles.
42
Par « bénéficiaires », on entend ici les films ayant fait l’objet d’une demande
d’agrément provisoire au crédit d’impôt cinéma.
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36
COUR DES COMPTES
que pour les documentaires, la localisation de ces derniers étant plus
dépendante du sujet traité.
Le CIA et le CIC accordés aux producteurs s'élèvent à 20 % du
montant total des dépenses éligibles exposées au cours de l’exercice au
titre duquel le crédit d’impôt est calculé. Les dépenses à prendre en
compte sont majoritairement constituées des coûts salariaux
43
et des
dépenses liées au recours aux industries techniques et autres prestataires
de la création cinématographique et audiovisuelle. En 2012, les dépenses
éligibles ont été étendues aux rémunérations des artistes de complément
(les
figurants),
aux
dépenses
de
transport,
de
restauration
et
d'hébergement des équipes artistiques et aux dépenses relatives à
l’acquisition de droits d’exploitation d’images d’archives pour les
documentaires
44
.
La société de production peut imputer le crédit d’impôt sur l’impôt
sur les sociétés dû au titre de l’exercice et, le cas échéant, obtenir le
remboursement de l’excédent de crédit d’impôt non imputable. Ces
crédits d’impôt, du fait de l’automaticité de leurs critères d’application,
permettent aux producteurs d’anticiper le montant à recevoir dès la phase
de planification.
L'avantage fiscal susceptible d'être accordé au titre du CIC et du
CIA fait cependant l'objet de deux plafonnements spécifiques :
-
un plafonnement des dépenses éligibles – pour le CIC comme
pour le CIA, elles ne peuvent représenter plus de 80 % du
budget de production et, en cas de coproduction internationale,
plus de 80 % de la part française ;
-
un plafonnement du montant du crédit d’impôt – d’abord fixé à
500 000 € pour une oeuvre cinématographique de fiction et à
750 000 € pour un film d’animation, le montant maximum du
CIC a été relevé à 1 M€. La loi de finances rectificative pour
2012 a porté ce plafond à 4 M€. Le plafond du CIA, quant à lui,
s’exprime en euros par minute et diffère selon les genres
éligibles : il atteignait 1 150 €/min pour la fiction et le
documentaire et 1 200 €/min pour l’animation. La loi de
finances rectificative pour 2012 a porté ces plafonds,
respectivement, à 1 250 €/min et à 1 300 €/min et a relevé
significativement le plafond de l'avantage fiscal pour les
43
L’éligibilité des salaires, rémunérations et charges sociales des auteurs, artistes
interprètes et personnel de la réalisation et la production est subordonnée à des
conditions de résidence et de nationalité des bénéficiaires.
44
Loi du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012 (art. 33).
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37
programmes audiovisuels de fiction produits dans le cadre
d'une coproduction internationale (5 000 €/min)
45
.
Au même titre que l'ensemble des aides publiques, les crédits
d’impôt
obtenus
pour
la
production
d’une
même
oeuvre
cinématographique ou audiovisuelle ne peuvent avoir pour effet de porter
à plus de 50 % du budget de production le montant total des aides
publiques accordées
46
.
Les vérifications effectuées sur pièces par la Cour, à propos des
contrôles opérés par le CNC ou l’administration fiscale sur le CIC et le
CIA, ont montré que la distinction entre subventions publiques non
remboursables (exclues du montant des dépenses éligibles au CIC et au
CIA) et subventions publiques remboursables (qui sont au contraire
incluses) était sujette à caution. En effet, aucun suivi n’est effectué sur le
remboursement effectif des subventions publiques auquel les sociétés de
production se sont engagées (avances sur recettes, aides régionales). Au
vu de cette absence de contrôle et du faible taux de remboursement
constaté
47
, la question de l’exclusion de l’ensemble des subventions
publiques (y compris lorsqu’elles sont remboursables) de la base de
calcul du CIC et du CIA doit être posée.
b)
Le crédit d'impôt international
L'objectif du crédit d'impôt international (CII), créé en 2009, est
d’attirer en France la production de films et de programmes audiovisuels
étrangers par l'intermédiaire d'un producteur exécutif français. Liée par un
contrat avec l’entreprise de production dont le siège est situé hors de
France, l’entreprise de production exécutive est chargée, d’une part, de
réunir les moyens techniques et artistiques pour la réalisation de l’oeuvre
concernée, d’autre part, d’assurer la gestion des opérations matérielles de
fabrication de cette oeuvre et de veiller à leur bonne exécution. Le
producteur exécutif effectue ces opérations en contrepartie d’une
rémunération versée par le producteur étranger qui, ayant pris l’initiative
de la réalisation de l’oeuvre, en conserve la maîtrise et en assume la
responsabilité.
45
Subordonnée à l'autorisation de la Commission européenne, cette disposition
concernerait uniquement les programmes de fiction dont le coût de production
dépasse 35 000 €/ min, couvert au moins à 30 % par des financements étrangers.
46
Ce seuil est porté à 60 % pour les oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles
difficiles et à petit budget, définies par décret.
47
Le taux de remboursement moyen de l’avance sur recettes était par exemple de
5,1 % sur la période 2001-2010.
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38
COUR DES COMPTES
Le CII, qui s'adresse aux seules entreprises de production
exécutive établies en France, assujetties à l'impôt sur les sociétés et
respectant la législation sociale, vise ainsi à renforcer la compétitivité des
producteurs exécutifs français sur le marché mondial. Dans cette
perspective, les producteurs exécutifs ne peuvent solliciter l'octroi du CII
qu'au titre d'une oeuvre déterminée
48
dont le producteur est établi hors de
France et qui n'a fait l'objet d'aucune aide financière du CNC.
Le dispositif est explicitement orienté vers les oeuvres présentant
un budget significatif. Ainsi, seules les oeuvres pour lesquelles le montant
des dépenses éligibles est supérieur ou égal à 1 M€ peuvent bénéficier du
crédit d’impôt. Les oeuvres de fiction doivent également faire l’objet d’au
moins cinq jours de tournage en France. Enfin, l’octroi du crédit d’impôt
est subordonné à une condition tenant au propos des oeuvres, qui doivent
« comporter, dans leur contenu dramatique, des éléments rattachés à la
culture, au patrimoine ou au territoire français ». Le respect de cette
condition est vérifié au moyen d'un barème de points dont le contenu est
fixé par décret.
Calculé en appliquant un taux de 20 % aux dépenses éligibles
49
, le
crédit d'impôt obtenu est doublement plafonné. Comme pour le CIC et le
CIA (cf. supra), les dépenses éligibles ne peuvent représenter plus de
80 % du budget de production. En outre, le montant total du crédit
d’impôt octroyé pour une oeuvre ne peut excéder 4 M€, plafond que la loi
de finances rectificative pour 2012 a relevé à 10 M€ en 2013.
4 -
Une dépense fiscale en croissance rapide
Évalué à 80 M€ en 2006, le coût pour l’État des crédits d’impôt
dévolus à la production cinématographique et audiovisuelle a crû
rapidement en raison de la montée en puissance du CIC et du CIA
(+ 50 % entre 2006 et 2009), puis la création du CII en 2009, portant leur
coût total à près de 120 M€ en 2012. Les SOFICA, pour leur part, ont peu
contribué à cette croissance de la dépense fiscale.
Avec les SOFICA et hors mécanismes fiscaux de droit commun, la
dépense fiscale totale s’établit à 145 M€ en 2012, contre 19,7 M€ en
2004.
48
Seules les oeuvres de fiction et d'animation sont éligibles.
49
Une extension des dépenses éligibles de 20 % à 30 % du budget pour les films au
budget inférieur à 4 M€ a été instaurée par la loi de finances pour 2014.
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39
Tableau n° 2 : évolution du coût des crédits d'impôt en faveur de la
production cinématographique et audiovisuelle, depuis 2004 (en M€)
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013*
2014*
CIC
création
30
40
50
60
60
51
57
58
54
70
CIA
-
création
40
40
60
60
49
50
51
54
62
CII
-
-
-
-
-
création
4
8
9
12
12
Total
-
30
80
90
120
120
104
115
118
120
144
Dépense
fiscale, y
inclus
SOFICA
19,7
52,1
104,8
121,1
145,9
146,5
134,3
145,3
145,1
140
164
Source : Projets de loi de finances 2006 à 2014, évaluation des voies et moyens
(tome 2) ; * les chiffres pour 2013 et 2014 sont prévisionnels. Le recours aux
dispositifs fiscaux de droit commun pour l’investissement dans les PME, ne pouvant
être chiffré, ne figure pas sur ce graphique.
Cette tendance haussière pourrait s’accentuer encore dans les
années qui viennent : les modifications apportées par le législateur en
2012 (cf. supra) ont en effet renchéri le coût de ces dispositifs. Entre 2012
et 2014, l’augmentation prévisionnelle s’élève à 21 % pour le CIC, 22 %
pour le CIA et 33 % pour le CII, le montant prévisionnel des trois crédits
d’impôt étant estimés à 144 M€ en 2014
50
.
Le coût complet de ces trois dispositifs, cependant, est
vraisemblablement inférieur aux évaluations annexées à la loi de
finances. Les dépenses de production réalisées en France à l'occasion de
la production des oeuvres ayant bénéficié des crédits d'impôt donnent lieu,
en effet, à des consommations intermédiaires (dépenses d'hébergement,
de restauration, de transport, emploi local, etc.) et des recettes fiscales
associées (notamment la taxe sur la valeur ajoutée, l'imposition des
revenus et des bénéfices, les charges sociales) qui diminuent le coût direct
des crédits d'impôt. Ces recettes induites, difficiles à mesurer, ne
remettent toutefois pas en cause l’accroissement global de la dépense
fiscale sur la période.
50
Les
modifications
apportées
aux
trois
crédits
d’impôt
par
la
loi
du
29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012 (extension des dépenses
éligibles et relèvement des plafonds) ont été autorisées par la Commission européenne
par décision du 2 juillet 2013 jusqu’au 31 décembre 2013, puis par une nouvelle
décision du 28 octobre 2013 jusqu’au 31 décembre 2014. Les autorités françaises
devront notifier à la Commission européenne toute prolongation du régime actuel au-
delà de la date du 31 décembre 2014.
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40
COUR DES COMPTES
C - Les aides locales
L'intervention des collectivités territoriales dans les secteurs
cinématographiques et audiovisuels remonte au milieu des années 1980
51
.
Ce sont principalement les régions, mais aussi des départements (Alpes-
Maritimes, Charente, Pyrénées-Atlantiques) et quelques communes
(Paris, Strasbourg), qui ont progressivement développé des fonds de
soutien, d’abord pour financer la production cinématographique, avant
d’en ouvrir l’accès à la production audiovisuelle.
Dès la fin des années 1980, l'État, par l'intermédiaire des directions
régionales des affaires culturelles (DRAC) et du CNC, a abondé ces fonds
régionaux dans le cadre de conventions spécifiques. Depuis 2004, des
conventions pluriannuelles tripartites entre l’État, le CNC et les conseils
régionaux ont été conclues afin d’inscrire ce partenariat dans la durée et
d'en rendre les modalités d'application homogènes. Ces conventions, qui
peuvent
associer
d’autres
niveaux
de
collectivités
territoriales
(départements, groupements de communes, communes), se déclinent en
avenants financiers annuels qui définissent les engagements de chacun.
Les conventions sont structurées en trois parties : le soutien à la
production et l'accueil des tournages
52
, la diffusion culturelle et
l'éducation artistique, enfin l'exploitation cinématographique, avec un
volet relatif à la numérisation des salles. Pour ce qui est de la première
partie de ces conventions, la mesure dite du « 1 euro du CNC pour
2 euros de la région », mise en place en 2001, prévoit que le CNC
abonde, par des crédits issus du compte de soutien, les aides à la
production accordées par les collectivités territoriales aux projets de longs
métrages, de courts métrages et de programmes audiovisuels
53
. Le CNC
réserve ce dispositif aux oeuvres qu’il a précédemment agréées et limite
son intervention à 2 M€ par an et par convention.
51
Les premiers fonds d'aides ont été créés en 1985 (Aquitaine) et en 1986 (Midi-
Pyrénées).
52
La première partie des conventions s'étend parfois au-delà du seul champ de la
production et prévoit l'attribution d'aides à l'écriture, au développement et à la
postproduction.
53
Ce dispositif ne concerne que les aides à la production. Les dotations des
collectivités territoriales et du CNC pour les aides à l'écriture et au développement
sont librement déterminées par les deux cocontractants.
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UN SYSTEME DE SOUTIEN EN EXPANSION CONTINUE
41
Graphique n° 7 : dépenses engagées par l'État et les collectivités
territoriales en faveur du cinéma et de l'audiovisuel dans le cadre
conventionnel, depuis 2001 (en M€)
Source : Cour des comptes, d'après données CNC et CICLIC (agence
régionale du Centre pour le livre, l'image et la culture numérique).
La décennie écoulée est marquée par la très forte augmentation des
dépenses de l'État via le CNC et, plus encore, de celles des collectivités
territoriales au titre de ces conventions. Les dépenses consolidées de
l'État et des collectivités territoriales ont ainsi progressé de 15,58 M€ en
2001 à 112,81 M€ en 2012, soit une multiplication par sept du volume
des aides accordées au niveau local.
Les objectifs poursuivis par les collectivités territoriales dans le
cadre des conventions conclues avec le CNC ont progressivement évolué.
Si la formation de nouveaux talents et des nouveaux publics (politique
d'éducation à l'image) occupe toujours une place stratégique de ce
partenariat, sa dimension économique s’est récemment renforcée :
l'entretien du parc des salles de cinéma, l'encouragement de l'emploi
régional et la localisation des tournages occupent une part de plus en plus
importante dans les conventions.
Tandis que l'accueil des tournages
stricto sensu
ne représente
qu'une part minime des dispositifs, les aides attribuées à l'écriture et au
développement ainsi qu'à la production (près de 49 % des 112,8 M€
dépensés
dans
le
cadre
des
conventions)
impliquent
pour
les
bénéficiaires, dans la quasi-totalité des cas, un engagement minimum de
localisation des dépenses de pré-production et de production.
3
27
12
85
0
20
40
60
80
100
120
2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012
CNC et DRAC
collectivités territoriales
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42
COUR DES COMPTES
Graphique n° 8 : ventilation des dépenses engagées en 2012 dans le
cadre de la politique conventionnelle du CNC et des collectivités
territoriales
Source : Cour des comptes d'après CNC.
De fait, comme le notait en 2012 la commission nationale du Film
France, « pour la majorité des régions, l'essentiel de l'activité [de
tournage] est drainé par les aides accordées aux films. » Les tournages
ayant eu lieu en France en 2012 sans avoir bénéficié d'aides des
collectivités territoriales se sont concentrés sur l'Île-de-France, en
Provence-Alpes-Côte d’Azur et, dans une moindre mesure, en Aquitaine,
Languedoc-Roussillon, Pays de la Loire et Basse-Normandie
54
.
La prise en compte de la dimension économique de l'aide apportée
par les collectivités territoriales à la production conduit dans certains cas
celles-ci à revendiquer une part des recettes d'exploitation des films et des
programmes audiovisuels qu'elles cofinancent (cf. annexe n° 6).
Accompagnant les initiatives isolées de quelques régions, la
politique conventionnelle du CNC aura progressivement permis, au cours
des deux dernières décennies, de structurer au niveau national une
54
La commission Film France note que la région Basse-Normandie a réussi en 2012
« la performance d'attirer 100 % de son activité de tournage de longs-métrages sans
subvention ».
écriture-
développement
3%
production de
long-métrage
24%
production de
court-métrage
6%
production
audiovisuelle
19%
accueil des
tournages
3%
éducation
artistique et
diffusion
culturelle
33%
aide aux
salles de
cinéma
11%
aide aux
nouveaux
médias
1%
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UN SYSTEME DE SOUTIEN EN EXPANSION CONTINUE
43
politique de soutien cohérente et homogène, conduite en partenariat avec
l'ensemble des collectivités territoriales.
Sans remettre en cause cette construction, l’utilité de la subvention
systématique apportée, sur fonds publics, à la politique publique menée
au niveau local n’apparaît pas évidente. Une intervention plus
différenciée du CNC en faveur des collectivités territoriales permettrait de
mieux valoriser les avantages comparatifs des régions (comme la
présence de sites naturels favorisant la localisation des tournages,
d'industries techniques, d'écoles de formation spécialisées, de festivals
thématiques, de partenariats historiques avec des pays frontaliers, etc.).
Certaines régions se démarquent d’ores et déjà par une spécialisation de
leurs investissements (l’écriture pour la région Rhône-Alpes, le court-
métrage pour la région Centre, etc.).
Le cadre conventionnel liant le CNC aux collectivités territoriales
demeure à cet égard marqué par une certaine rigidité :
-
les sommes accordées pour chaque dispositif d'aides par le
CNC ne sont pas fongibles ;
-
la conclusion d'une convention avec le CNC et le bénéfice du
dispositif « un euro pour deux » supposent nécessairement,
pour la région concernée, le développement d’actions sur les
trois parties de la convention : le soutien à la production et
l'accueil des tournages
55
, la diffusion culturelle et l'éducation
artistique, enfin l'exploitation cinématographique.
La pertinence de la règle du « 1 euro pour 2 », et plus
particulièrement le principe de son automaticité, devrait être examinés à
la lumière des enjeux qui touchent aujourd’hui à la territorialisation de la
production. Dans ce contexte, une concentration des investissements
consolidés de l’État et des collectivités territoriales sur les avantages
comparatifs des régions et sur leurs projets les plus innovants paraîtrait
mieux appropriée.
D - Les garanties bancaires de l’IFCIC
Créé en 1983 à l’initiative du ministère de la culture, l’Institut pour
le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC) est une
société anonyme dont l’État possède directement 18,9 % du capital et
indirectement 49,2 % au travers des organismes qu’il contrôle. Doté du
statut d’établissement de crédit depuis décembre 1996, l’IFCIC a pour
55
En réalité, la première partie des conventions s'étend parfois au-delà du seul champ
de la production et prévoit l'attribution d'aides à l'écriture, au développement (pré-
production) et à la postproduction.
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44
COUR DES COMPTES
mission de garantir les prêts consentis aux entreprises ou organismes des
secteurs
du
cinéma,
de
l’audiovisuel,
de
la
culture
et
de
la
communication. En cas de défaillance de l’emprunteur, la perte finale est
ainsi partagée entre l’établissement de crédit et l’IFCIC en fonction du
niveau de garantie que celui-ci a consenti.
Tableau n° 3 : évolution de l’encours des crédits garantis par le
fonds du CNC entre 2008 et 2011 (en M€)
2008
2009
2010
2011
2008-
2011
encours des crédits
512,9
551,5
708,6
767,0
+ 50 %
nouveaux crédits (garantis dans
l'année)
305,0
372,8
527,7
477,6
encours des garanties
256,4
284,4
340,2
359,3
+ 40 %
nouvelles garanties (accordées
et utilisées durant l'exercice)
157,1
195,1
247,2
234,3
Source : Cour des comptes.
Si
ses
activités
couvrent
plusieurs
champs
56
,
le
secteur
cinématographique et audiovisuel constitue sans conteste son principal
domaine d’intervention. Géré par l’IFCIC, le fonds de garantie du CNC
est un fonds public qui représente 94 % des engagements de l’IFCIC, soit
un encours de garanties de 359 M€ en 2011, couvrant une valeur de
crédits de 767 M€.
L’encours des crédits garantis par le CNC a connu une progression
dynamique entre 2008 et 2011 (+ 50 %), un peu inférieure (+ 40 %) à
celle du volume des garanties sur la même période.
Disposant de 63,8 M€ en 2011, le fonds de garantie du CNC est
divisé en cinq sous-fonds (production cinématographique, production
audiovisuelle, exploitation – nommé « Ciné Caution » –, industries
techniques et jeu vidéo) qui permettent de garantir un large éventail de
crédits bancaires. La répartition du fonds entre ceux-ci est décidée chaque
année lors de la demande de dotation au CNC, sur la base des
anticipations de demandes de garanties prévisibles.
À l’exception de l’année 2010, au cours de laquelle le fonds Ciné
Caution a connu un abondement en prévision de la numérisation des
salles de cinéma, la répartition est relativement stable dans le temps.
56
Livre, musique, spectacle vivant, arts plastiques, photographie, théâtre, danse,
presse, théâtre, privé, création de mode, galeries d’art.
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UN SYSTEME DE SOUTIEN EN EXPANSION CONTINUE
45
Tableau n° 4 : évolution du montant des sous-fonds et du fonds de
garantie CNC entre 2008 et 2012 (en millions d’euros)
2008
2009
2010
2011
2012
2008-
2012
production – cinéma
27,9
26,7
27,5
33,0
40,8
46,2 %
production –audiovisuel
8,5
8,0
9,3
11,2
12,9
51,8 %
exploitation - cinéma (Ciné Caution)
8,1
8,3
12,7
12,9
11,2
38,3 %
industries techniques
5,2
5,7
5,6
6,5
6,5
25,0 %
jeu vidéo
-
-
-
0,3
0,3
-
Total
49,7
48,6
55,1
63,8
71,1
44,3 %
Source : IFCIC (rapports d’activité).
Les sous-fonds production cinématographique (56,9 % du fonds
CNC en 2012) et audiovisuelle (18,0 % du fonds CNC) garantissent des
lignes de crédit à court terme correspondant à toutes les étapes de la
création d’un projet cinématographique ou audiovisuel. Sont éligibles les
crédits de développement (de l’acquisition des droits à la décision de mise
en production), les crédits de préparation (de la décision au début du
tournage), les crédits de fabrication (la trésorerie du tournage), les crédits
à l’exportation, les crédits de distribution et les crédits de trésorerie.
En raison de la très forte spécialisation du système bancaire en
matière
cinématographique
et
audiovisuelle,
deux
établissements
bancaires, COFICINE et COFILOISIRS, représentent à eux seuls 99 %
des apports de crédits à garantir au titre des deux sous-fonds cinéma et
audiovisuel. En 2011, l’IFCIC a ainsi garanti 78 % des crédits distribués
par COFILOISIRS et 64 % de ceux de COFICINE.
Le sous-fonds exploitation, Ciné Caution (15,6 % du fonds CNC),
garantit les crédits à moyen et long terme et les crédits-bail des
exploitants ou associations d’exploitants indépendants de salles de
cinéma. Les crédits garantis portent sur tous les projets : création,
acquisition, transmission, modernisation, aménagements, renouvellement
et modernisation de matériels d’exploitation. L’origine des dossiers est
très diverse et émane principalement d’établissements de crédit non
spécialisés dans l’économie du cinéma qui agissent pour le compte
d’exploitants indépendants, répartis sur l’ensemble du territoire. Les
interventions de l’IFCIC concernent essentiellement des cinémas offrant
moins de sept écrans, situés très majoritairement hors de la région
parisienne.
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46
COUR DES COMPTES
Quel que soit le sous-fonds considéré, les garanties accordées par
l’IFCIC se caractérisent par au moins trois traits communs :
-
les taux de garantie sont fixes, bien que les logiques
économiques de chaque secteur soient différentes. Si les
barèmes changent en fonction de l’étape d’un projet (le taux de
garantie de la phase de développement, plus risquée, davantage
centrée sur la création et plus éloignée des contreparties
commerciales, est nettement supérieur aux autres), la politique
de couverture est
in fine
peu modulable ;
-
les garanties accordées par l’IFCIC sont soumises à de faibles
taux de sélectivité. À titre d’exemple, pour le sous-fonds
production cinématographique, les taux de rejet sont très
faibles : 4,9 % en 2010, 2,7 % en 2011. Ils sont légèrement plus
élevés pour le sous-fonds audiovisuel : 5,0 % en 2010, 7,2 % en
2011. En l’absence de critères de sélection fondés sur des
orientations préalablement définies ou sur le contenu artistique
des projets, il n’y a pas d’autres motifs de rejet que la mauvaise
qualité du plan de financement. Or, il n’est pas dans l’intérêt
des établissements financiers travaillant avec l’IFCIC, en
nombre fort limité, de présenter de tels plans ;
-
afin de respecter le principe d’individualisation des garanties,
l’examen des dossiers se fait projet par projet et non par
emprunteur.
En 2012, la part des encours de crédits consacrée à la production
cinématographique et audiovisuelle représente 76,5 % des encours.
L’encours des crédits du fonds production cinématographique garantis
par l’IFCIC a augmenté de 60 % au cours des quatre années précédentes.
Toutefois, cette progression ne correspond pas à une croissance régulière
de la production annuelle de risques, celle-ci ayant connu des à-coups
importants.
II
-
Des soutiens indirects d’une complexité
croissante
Au cours des années 1980, l'ouverture progressive à la concurrence
du secteur audiovisuel a donné naissance, en France, à un dispositif
original de soutien à la production, prenant la forme d'obligations
d'investissement et de quotas de diffusion s'imposant aux chaînes de
télévision, en contrepartie de l'octroi à titre gratuit des licences
d'exploitation des fréquences hertziennes appartenant à l'État.
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UN SYSTEME DE SOUTIEN EN EXPANSION CONTINUE
47
Graphique n° 9 : les investissements obligatoires des chaînes en 2002
et 2012 (en M€)
Source : Cour des comptes.
Si elles ne relèvent pas de la catégorie des aides publiques
57
, les
dispositions réglementaires qui imposent ces obligations d’investissement
constituent néanmoins l’un des instruments de la politique publique de
soutien à la production, d’autant plus qu’une partie de ces dépenses
obligatoires provient de chaînes de l’audiovisuel public (531 M€ en
2012), au premier rang desquelles France Télévisions, ces chaînes étant
majoritairement financées par la fiscalité et des dotations budgétaires. En
outre, une partie des investissements des chaînes privées (en particulier
Canal +) est conçue comme une contrepartie à un régime fiscal plus
favorable que le droit commun. Les investissements obligatoires des
chaînes de télévision ont représenté 1,2 Md€ en 2012.
A - Les obligations pesant sur les diffuseurs
Les premières mesures de soutien à la filière cinématographique
ont été introduites par la loi sur l’audiovisuel du 29 juillet 1982 : celles-ci
visaient à ne pas compromettre l’exploitation des films en salles et à
garantir la contribution financière des chaînes de télévision au
développement de la production cinématographique. Ces dispositions ont
été complétées par la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de
communication, qui a généralisé les obligations d'investissement et les
quotas de diffusion s'imposant aux diffuseurs, tandis qu’elle élargissait
ces mesures à la production audiovisuelle. Un tel cadre a été par la suite
57
En vertu d’une pratique constante de la Commission européenne comme de la
jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (
UTECA
, 5 mars 2009).
388
464
531
626
0
100
200
300
400
500
600
700
Investissements obligatoires des
chaînes publiques
Investissements obligatoires des
chaînes privées
2002
2012
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48
COUR DES COMPTES
étendu, sous la forme d’une obligation minimale, à l’ensemble des pays
européens, par l’intermédiaire d’une directive communautaire s’inspirant
du dispositif français : la directive « télévisions sans frontières
58
», révisée
en 2010.
Traduisant tout autant les craintes du législateur à l'égard d'un
média alors considéré comme concurrent du cinéma que la volonté
d'associer les groupes audiovisuels à la politique de soutien à l'image, le
système des obligations repose encore aujourd'hui sur deux piliers :
l'orientation de la programmation des chaînes par l'intermédiaire des
quotas de diffusion, et l'orientation de leurs dépenses par des obligations
d'investissement.
Ces deux dispositifs poursuivent deux objectifs complémentaires :
la consolidation de l’industrie de la production, grâce à l’apport financier
massif et régulier des diffuseurs, et la diversité de l’offre de films et de
programmes audiovisuels.
1 -
Les quotas de diffusion
Afin d’éviter que la diffusion des films à la télévision ne nuise à
l'audience des salles de cinéma, le législateur a interdit la programmation
d’oeuvres cinématographiques à la télévision aux jours et heures où la
fréquentation en salles est la plus forte. Plus de trente ans après son
adoption, ce dispositif reste en vigueur et la plupart des chaînes de
télévision hertziennes en clair ne peuvent, par exemple, diffuser de films
le mercredi, ni le vendredi soir, le samedi et le dimanche avant 20h30
59
.
De la même façon, la quantité de films diffusés annuellement par les
chaînes reste plafonnée (192 films pour les chaînes hertziennes en clair,
auxquels peuvent s’ajouter jusqu’à 52 films classés art et essai)
60
.
Par ailleurs, la loi du 30 septembre 1986 a posé le principe d'un
encadrement réglementaire de la programmation des chaînes de
télévision, publiques et privées, sous la forme de quotas de diffusion
exprimés en proportion du temps annuellement consacré à la diffusion
d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles. La loi a fixé le niveau de
ces quotas à 60 % de la programmation pour les oeuvres européennes et à
40 % pour les oeuvres d’expression originale française.
58
Directive n° 89/552/CEE du 3 octobre 1989, articles 4 et 5 puis directive
2010/13/UE du Parlement et du Conseil du 10 mars 2010.
59
Des dérogations peuvent être accordées pour les films d'art et essai après 22h30 les
mercredis, vendredis et samedis.
60
Articles 8 à 12 du décret n° 90-66 du 17 janvier 1990. Les chaînes à péage et la
chaîne Arte bénéficient à cet égard de régimes plus favorables.
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UN SYSTEME DE SOUTIEN EN EXPANSION CONTINUE
49
Le groupe audiovisuel public France Télévisions, lié par un cahier
des charges spécifique, doit pour sa part diffuser au moins 70 % d'oeuvres
audiovisuelles d'origine européenne, dont 50 % d'oeuvres d'expression
originale française. Cette obligation doit être respectée entre 18 heures et
23 heures, ainsi que le mercredi, le samedi et le dimanche entre 14 heures
et 18 heures. Enfin, afin de favoriser la production inédite, les services
gratuits dont le chiffre d’affaires est supérieur à 350 M€, c’est-à-dire les
principales chaînes historiques (TF1, France Télévisions et M6), sont
tenus de diffuser, en première partie de soirée, 120 heures d’oeuvres
audiovisuelles européennes ou d’expression originale française inédites.
2 -
Les obligations d'investissement dans la production
En dépit des nombreuses modifications qui y ont été apportées, le
principe des obligations d'investissement est demeuré constant depuis la
fin des années 1980 : chaque année, les chaînes de télévision doivent
investir dans la production d'oeuvres européennes et d’expression
originale française des sommes déterminées en proportion de leur chiffre
d’affaires net de l’exercice précédent. Une part très majoritaire de ces
investissements doit revenir à la production indépendante.
Tout au long des années qui ont suivi, le principe des obligations
d'investissement s'est progressivement décliné en un enchevêtrement
complexe de textes ne présentant pas la même portée normative :
-
les décrets adoptés en 1990
61
, dits décrets « Tasca », ont fixé le
montant des obligations s'imposant aux diffuseurs, précisé la
notion de production indépendante et déterminé la répartition
des
droits
issus
de
l'exploitation
des
oeuvres
et
des
programmes ; depuis 2010, l'actualisation des dispositions
contenues dans les décrets « Tasca » résulte de l'extension
réglementaire de négociations professionnelles ;
-
les conventions liant chaque diffuseur au conseil supérieur de
l'audiovisuel (CSA) précisent et déclinent les dispositions
contenues dans les décrets en déterminant notamment le niveau
d'investissement
par
catégorie
d'oeuvre,
le
niveau
de
mutualisation des obligations au sein des chaînes d'un même
groupe et
la
possibilité
de
report
des
investissements
obligatoires sur plusieurs exercices ;
-
les
négociations
bilatérales
ou
multilatérales
entre
les
producteurs
audiovisuels
et
cinématographiques
et
les
diffuseurs peuvent enfin se traduire par des engagements de la
61
Décrets n° 90-66 et 90-67 du 17 janvier 1990.
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50
COUR DES COMPTES
part
de
certains
diffuseurs,
dont
la
formalisation
est
indépendante des conventions passées avec le CSA et de
l’application des décrets « Tasca ».
En matière cinématographique, la contribution financière des
chaînes de télévision peut prendre la forme, soit d'achats ou de préachats
de droits de diffusion, soit d'investissements dans la production de films
par l'intermédiaire d'une filiale de la chaîne de télévision, la filiale
concernée devenant alors coproductrice du film financé. Depuis 2010,
cette contribution s'élève à 3,2 % du chiffre d'affaires, avec un sous-quota
de 2,5 % d'investissement dans les oeuvres d'expression originale
française qui s’applique à la plupart des chaînes (cf. annexe 7).
Les obligations d'investissement en matière de production
audiovisuelle visent plus spécifiquement les programmes audiovisuels
présentant une dimension patrimoniale. En règle générale, les chaînes de
télévision généralistes hertziennes ont le choix entre deux modèles
d'investissement : soit une obligation globale d'investissement de 12,5 %
du
chiffre
d'affaires
dans
la
production
audiovisuelle
d'oeuvres
patrimoniales, soit un apport de 15 % du chiffre d'affaires dans la
production audiovisuelle, avec un sous-quota en faveur des oeuvres
patrimoniales de 10,5 %
62
.
Loin
d'être
monolithique,
le
régime
des
obligations
d'investissement se traduit au contraire par une grande variété de
situations, conduisant à une modulation du niveau des investissements en
fonction des spécificités des diffuseurs.
Les chaînes de la télévision numérique terrestre ont ainsi bénéficié
de la possibilité d’étaler jusqu’en 2015 l’augmentation de leur niveau
d’obligations. Les éditeurs de services de cinéma de première diffusion
63
sont soumis à un traitement particulier : leurs obligations d'investissement
prennent la forme d'obligations d'achat de droits limitées aux oeuvres
patrimoniales, le taux des obligations étant réduit lorsque la chaîne est,
comme dans le cas de Canal +, son propre distributeur.
62
Les chaînes non hertziennes (émises par le câble, le satellite et internet) sont
soumises, quant à elles, à un régime d'obligations légèrement différent : les sommes
investies dans la production audiovisuelle doivent s'élever à 14 % du chiffre d'affaires
net de l'exercice précédent, dont 8,5 % consacrés aux oeuvres patrimoniales.
63
Il s’agit des services qui diffusent annuellement au moins une oeuvre
cinématographique en première exclusivité télévisuelle (hors paiement à la séance) ou
plus de dix oeuvres cinématographiques en seconde exclusivité, dans un délai inférieur
à 36 mois après leur sortie en salles (Canal +, TPS Star jusqu’en 2012).
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UN SYSTEME DE SOUTIEN EN EXPANSION CONTINUE
51
La situation particulière des chaînes publiques a également justifié
un traitement spécifique de leurs obligations d'investissement. Ainsi, la
chaîne culturelle Arte, qui n’est pas soumise à la réglementation
française, s’acquitte néanmoins, en application de son contrat d’objectifs
et de moyens 2012-2016, d’obligations d’investissement dans la
production cinématographique et audiovisuelle, définies en valeur
absolue (au moins 77 M€ en 2012, 78,5 M€ en 2013 et jusqu’à 86 M€ en
2016).
Le groupe France Télévisions, quant à lui, est assujetti à un cadre
encore plus contraignant. En application de son cahier des charges, qui lui
fixe pour mission d'être « l'un des premiers investisseurs dans la création
audiovisuelle et cinématographique d'expression originale française », le
groupe doit à la fois :
-
consacrer chaque année à des dépenses contribuant au
développement de la production d'oeuvres audiovisuelles
européennes ou d'expression originale française un minimum
de 20 % du chiffre d'affaires net de l'exercice précédent à
compter de 2012. Le contrat d’objectifs et de moyens 2010-
2015 fixe, en outre, un minimum d’investissement en valeur
absolue, de 420 M€ à partir de 2012 (ramenés à 400 M€ par
l’avenant du 22 novembre 2013). Cette contribution doit être
intégralement affectée à des oeuvres patrimoniales, et bénéficier
à hauteur de 95 % à la production indépendante (au lieu de
75 % pour les autres chaînes)
64
;
-
consacrer 3,5 % de son chiffre d’affaires à des dépenses de
production cinématographique (au lieu de 3,2 % pour les autres
chaînes), alors que ses dépenses en coproduction sont limitées à
45 % des sommes investies. Le contrat d’objectifs et de moyens
2010-2015 fixe, en outre, un minimum d’investissement, de
59,3 M€ à partir de 2012 (57 M€ en application de l’avenant
signé le 22 novembre 2013).
Plusieurs dispositions à caractère général ont été introduites, en
matière de financement audiovisuel comme cinématographique, pour
préserver l'indépendance des producteurs et la diversification des
financements. Ainsi, les investissements de toutes les chaînes dans la
production cinématographique doivent être dirigés, dans une proportion
64
Article 9 du cahier des charges de la société nationale de programmes France
Télévisions, annexé au décret n° 2009-796 du 23 juin 2009.
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COUR DES COMPTES
au moins égale à 75 %, vers la production indépendante
65
. Les apports en
coproduction des diffuseurs ne peuvent représenter plus de la moitié des
sommes investies au titre des obligations d'une chaîne, ni couvrir plus de
la moitié du coût de l'oeuvre financée. De même, les investissements
réalisés sous la forme de parts de coproduction ne sont éligibles au titre
des obligations que si la filiale de production de la chaîne de télévision
reste minoritaire parmi les producteurs du film.
3 -
Un acteur spécifique : le groupe Canal +
Première chaîne privée à péage française, née le 4 novembre 1984
dans le contexte de libéralisation du secteur audiovisuel, Canal +
66
a
introduit en France un modèle économique nouveau fondé sur les
ressources
tirées
des
abonnements
de
ses
téléspectateurs
(186 000 abonnés en 1984, 5,5 millions en 2012). De ce modèle
découlent des exigences fortes en matière de programmation, Canal +
devant s’efforcer de proposer à ses abonnés des contenus exclusifs à forte
valeur ajoutée : compétitions sportives, films et séries à succès diffusés en
première exclusivité.
Acteur à part dans le paysage audiovisuel français en raison du
droit, initialement exclusif, de diffuser de façon cryptée les films en
première exclusivité un an après leur sortie en salles, la chaîne s’est
engagée à appliquer des règles plus contraignantes que celles auxquelles
sont soumises les chaînes hertziennes historiques. Elle consacre ainsi
chaque
année
à
l’acquisition
de
droits
de
diffusion
d’oeuvres
cinématographiques européennes et d’expression originale française
respectivement au moins 12,5 % et 9,5 % de ses ressources totales
67
. Elle
s’est aussi engagée à ce que son obligation d’acquisition de droits de
diffusion d’oeuvres cinématographiques de longue durée d’expression
65
La définition de la production indépendante comprend un critère lié à la structure
capitalistique de la société de production (l’éditeur de services ne détient pas,
directement ou indirectement, plus de 15 % de son capital social ou de ses droits de
vote, et, inversement) et un critère lié à l’étendue des droits cédés à l’éditeur de
services (acquisition au maximum de deux diffusions, pour une durée d’exclusivité
n’excédant pas dix-huit mois ; limitation des mandats de commercialisation de
l’oeuvre détenus par la chaîne).
66
Le groupe Canal + est aujourd’hui une filiale à 100 % du groupe Vivendi.
67
En outre, par accord avec les organisations professionnelles du cinéma, repris dans
l’avenant à la convention avec le CSA signé le 22 décembre 2000, la chaîne s’est
engagée à ce que ses obligations d’acquisition de droits de diffusion ne soient pas
d’un montant inférieur au minimum garanti de 3,61 € par mois et par abonné au titre
des oeuvres européennes et de 2,73 € par mois et par abonné au titre des oeuvres
d’expression originale française.
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originale française bénéficie pour au moins 17 % du total au préachat de
films dont le devis est inférieur à 4 M€ (« clause de diversité »).
Canal + occupe donc une place de premier plan dans le
financement de la production cinématographique : en moyenne, entre
2001 et 2012, il a investi 140,1 M€ par an dans la production
cinématographique, soit 49,4 % du total des montants investis par
l’ensemble des diffuseurs.
Le groupe a bénéficié depuis l’origine
68
d'un taux réduit (de 7 % en
1986 à 5,5 % à compter de 1988) de taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Au
terme des évolutions successives de la législation, Canal + conserve une
fiscalité favorable par rapport à la majorité des autres opérateurs de
télévision payante, puisque le régime actuel assujettit à une TVA à taux
plein les offres qui comportent l’abonnement à la télévision, à internet et
au téléphone (
triple play)
. La moins-value de recettes fiscales consentie à
Canal + représente une somme comprise entre 200 et 330 M€ par an
depuis 2007.
Depuis le 1
er
janvier 2014, le taux réduit appliqué à Canal + a été
porté à 10 %, alors que le taux normal a été relevé de 19,6 à 20 %. Le
manque à gagner pour les finances de l’État, sur la base du chiffre
d’affaires 2012, est alors estimé à 175 M€ annuels.
Ce régime favorable, que Canal+ partage avec Numéricable
69
, est
considéré par les pouvoirs publics comme une contrepartie aux
obligations d’investissement du groupe
Canal + dans la production
cinématographique
70
.
B - Un régime de plus en plus complexe
Les révisions des décrets « Tasca » intervenues en 2001 et en 2010
ainsi que les modifications apportées aux conventions liant les diffuseurs
au CSA et les changements introduits dans les contrats d'objectifs et de
moyens des chaînes publiques illustrent la volonté d'adapter fréquemment
68
En application du 3° du b
octies
de l’article 279 du code général des impôts, dans sa
rédaction issue de l’article 17 de la loi n° 85-1403 de finances pour 1986.
69
Qui propose également un service de télévision dont il est à la fois éditeur et
distributeur.
70
Lors de l’examen en commission de l'amendement I-CF 236 à la loi de finances
pour 2011, M. le rapporteur général a ainsi indiqué que c'est « au nom de l'impératif
culturel que nous avons renoncé à remettre en cause le taux réduit de TVA sur la
télévision payante », Mme la ministre de la culture et de la communication soulignant
en complément que « ce taux réduit a, en effet, pour contrepartie la contribution des
opérateurs au financement du cinéma français ».
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COUR DES COMPTES
le régime des obligations à la situation économique des diffuseurs et des
producteurs.
À l'origine, les obligations d'investissement dans la production
cinématographique n'étaient opposables qu'aux services de télévision
hertzienne diffusant plus de 104 fois des longs-métrages au cours d’une
année civile, qu’il s’agisse de diffusions ou de rediffusions. En matière
audiovisuelle, les obligations ne s'imposaient qu’à celles de ces chaînes
consacrant plus de 20 % de leur temps d’antenne à la diffusion d'oeuvres
audiovisuelles.
Les modifications successives des décrets « Tasca » ont permis de
prendre acte de l'extension progressive du champ des diffuseurs aux
opérateurs du câble, de la télévision numérique terrestre et aux services
numériques.
Parachevant cette évolution, le décret du 12 novembre 2010
71
a
étendu le périmètre des obligations d'investissement aux services de
médias audiovisuels à la demande (télévision de rattrapage
72
et services
payants à l’abonnement ou à l’acte).
Ces révisions ont également conduit à étendre la nature des
dépenses éligibles aux obligations d'investissement des chaînes de
télévision pour y inclure des dépenses d'intérêt général, par exemple les
dépenses engagées pour la promotion et l'accessibilité des oeuvres à
destination des personnes aveugles ou malvoyantes. En matière de
production audiovisuelle, les dépenses éligibles ont été étendues aux
travaux d'écriture, aux dépenses de formation des auteurs et au
financement des festivals. En matière de production cinématographique,
les dépenses éligibles s'étendent, depuis 2010, aux versements à des fonds
participant à la distribution en salles d'oeuvres agréées.
Si
les
multiples
révisions
apportées
aux
obligations
d'investissement ont visé à introduire plus de souplesse dans le dispositif,
elles ont incontestablement nui à la clarté des objectifs poursuivis et à la
mesure de leur efficacité : ainsi en est-il de la possibilité de diminuer le
taux de l'obligation en prenant en compte, sous certaines conditions et
pour une partie des dépenses seulement, les montants investis dans des
émissions non patrimoniales, ou de l'affectation d'un coefficient
multiplicateur à certaines dépenses (travaux d'écriture, audio-description).
71
Décret n° 2010-1379 du 12 novembre 2010.
72
La télévision de rattrapage correspond à l’ensemble des services permettant de voir
ou revoir gratuitement des programmes après leur diffusion sur une chaîne de
télévision, pendant une période déterminée. En 2012, toutes les chaînes nationales
gratuites proposent ce service.
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55
En outre, à plusieurs reprises au cours des dix dernières années, les
négociations interprofessionnelles entre les producteurs audiovisuels et
cinématographiques et les chaînes de télévision ont eu pour effet de
rendre ce régime encore plus complexe. Certains diffuseurs se sont en
effet engagés, par voie de convention avec le CSA, sur des objectifs
intermédiaires qui, s'ils ne figurent pas dans les décrets, n'en sont pas
moins contraignants pour eux (à titre d'exemple, l'orientation de deux
tiers des investissements dans la production audiovisuelle vers les
programmes inédits, pour TF1 et M6).
C - Les diffuseurs, principaux financeurs de la
production cinématographique et audiovisuelle
L’existence d'obligations réglementaires a assuré une relative
stabilité des investissements dans la production audiovisuelle et
cinématographique française : exprimées en euros constants, les sommes
investies par les diffuseurs ont crû au cours des dix dernières années de
17 % en matière de production cinématographique (passant de 253 à
296 M€)
et de 2 % en matière de production audiovisuelle (de 644 à
657 M€).
Malgré des inflexions liées aux évolutions du marché publicitaire
(entraînant parfois une baisse du chiffre d'affaires et donc du volume des
investissements des chaînes gratuites), le montant des investissements des
chaînes dans la production s’explique notamment par le maintien à un
niveau élevé des obligations de France Télévisions
73
et par l'apparition de
nouveaux diffuseurs qui, à l'instar des chaînes de la TNT, sont
susceptibles de constituer à l’avenir des relais de financement de la
production dans le cadre du régime des obligations.
73
Alimentée par la contribution à l’audiovisuel public (d’un montant total de 2,4 Md€
en 2001 et de 3,2 Md€ en 2012).
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56
COUR DES COMPTES
Graphique n° 10 : évolution des investissements des diffuseurs dans
la production cinématographique et la production audiovisuelle entre
2002 et 2012 (en M€ constants)
Source : Cour des comptes d'après données CNC. Inflation : base INSEE.
Malgré la hausse récente (de 24 M€ en 2011 à 37 M€ en 2012, soit
+ 57 %) des contributions des chaînes payantes du câble et du satellite
qui, outre Canal +, offrent des services de cinéma (principalement Orange
cinéma séries et TPS Star), le paysage reste marqué par le poids de
Canal + qui, avec 186,4 M€ (153 M€ en euros constants), représente à lui
seul plus de la moitié de l'ensemble des diffuseurs dans le financement de
la production cinématographique.
L'augmentation des investissements des chaînes du groupe France
Télévisions s'est avérée particulièrement dynamique sur la période
considérée (+ 146 %). Le groupe est ainsi devenu le deuxième diffuseur
le plus important en matière de financement de la production
cinématographique française, avec un niveau d'investissement de 50,6 M€
en 2012.
Le financement de la production audiovisuelle par les chaînes de
télévision offre un paysage plus contrasté. Les investissements de Canal +
ont connu la progression la plus significative, passant de 14 à 54 M€ entre
2002 et 2012. Le groupe France Télévisions, dont les apports ont
augmenté de 35 %, reste le principal financeur du secteur avec 409 M€ en
2012, soit plus de la moitié des investissements.
0
200
400
600
800
1 000
1 200
2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012
production cinématographique
production audiovisuelle
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La décennie est également marquée par l'émergence des nouvelles
chaînes
de
la
télévision
numérique
terrestre
(TNT),
dont
les
investissements dans la production audiovisuelle ont atteint 26 M€ en
2012, s'approchant ainsi des 34 M€ investis par les chaînes du câble et du
satellite hors Canal +. La participation des services en ligne reste minime
à l'heure actuelle mais est en augmentation rapide.
Les sommes investies par les chaînes de télévision publiques dans
la production représentent des volumes financiers conséquents. En raison
de leur modèle de financement, qui repose en partie sur l’affectation de la
contribution à l’audiovisuel public (l’ancienne redevance audiovisuelle)
et sur des dotations budgétaires, les investissements dans la production
peuvent s’analyser pour partie comme des transferts opérés du
contribuable vers les entreprises du secteur cinématographique et
audiovisuel.
Non assujettie au régime des obligations, Arte a ainsi contribué à
hauteur de 58,8 M€ au financement de la création en 2012. La chaîne
étant presque exclusivement financée par la contribution à l’audiovisuel
public, l’effet de transfert sur le contribuable est quasi total. En ce qui
concerne France Télévisions, l’application aux sommes investies dans la
production du ratio correspondant à la part des financements publics dans
le chiffre d’affaires du groupe conduit à mettre en évidence un effet de
transfert estimé à 387,7 M€.
Au total, sur les 1,2 Md€ investis par les chaînes de télévision dans
la production cinématographique et audiovisuelle en 2012, 447 M€ – soit
plus du tiers des investissements – sont adossés à des ressources d’origine
fiscale et peuvent donc être considérés comme un financement public
indirect.
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58
COUR DES COMPTES
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
_________
Le soutien à la production cinématographique et audiovisuelle est
constitué d’un large éventail de dispositifs alliant des aides directement
financées sur fonds publics (soutien du CNC, dépenses fiscales, aides des
collectivités territoriales) et des soutiens indirects, au travers des
dépenses obligatoires imposées aux chaînes de télévision (obligations
d’investissement) et de l’encadrement réglementaire des modalités de
diffusion des oeuvres (obligations de diffusion, chronologie des médias).
La dernière décennie a été marquée par un renforcement de la
dépense publique en faveur du secteur, du fait de l’accroissement des
taxes affectées au CNC (passées de 440 M€ en 2002 à 750 M€ en 2012,
en raison notamment de la création d’une nouvelle taxe, la TST
distributeurs, en 2008). Les soutiens du CNC affectés à la production sont
ainsi passés de 291 M€ en 2002 à 355 M€ en 2012, soit une augmentation
de 22 %. Cet accroissement de la dépense budgétaire a été atténué par
des mesures de prélèvement sur le fonds de roulement du CNC. Dans le
même temps, le coût de la dépense fiscale a fortement crû : outre le
renchérissement du coût des SOFICA, la création de trois crédits d’impôt
entre 2004 et 2009 a porté la dépense fiscale totale à 145 M€ en 2012,
soit une multiplication par huit en dix ans, à laquelle s’ajoute le recours
à des dispositifs fiscaux transversaux destinés à favoriser l’investissement
dans les PME. Par ailleurs, les aides des collectivités territoriales se sont
élevées à 47 M€ en 2012, soit une multiplication par près de sept sur la
période.
Au total, en incluant le fonds de garantie géré par l’IFCIC, les
aides directes à la production ont atteint 601 M€ en 2012, soit 88 % de
plus qu’en 2002.
Alors même que les ressources alimentant cette politique
(impositions de toute nature, dépense fiscale) font partie intégrante de la
loi de programmation des finances publiques, cette augmentation des
aides directes a eu lieu sans évaluation publique et concertée de leur
efficacité.
Le soutien direct est par ailleurs complété par les investissements
obligatoires des diffuseurs publics et privés dans la production (1,2 Md€
en 2012). Plus du tiers ont des coûts induits, fiscaux ou budgétaires, pour
la puissance publique.
Au-delà des bouleversements qui affectent aujourd’hui ce secteur
et remettent en cause les mécanismes de financement traditionnels,
l’analyse de la performance propre à chacune des composantes de cette
politique
publique
est
donc
indispensable
afin
d’en
repenser
l’architecture d’ensemble, d’en maîtriser les coûts, de limiter la
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59
redondance de l’intervention publique et de clarifier les responsabilités
entre les intervenants.
La Cour formule en conséquence les recommandations suivantes :
1.
établir, dans le document de performance, sur la base d’une
évaluation rigoureuse des besoins du secteur et de l’efficacité
des dispositifs de soutien, une trajectoire pluriannuelle de
dépenses du CNC et adapter en conséquence le niveau de ses
recettes ;
2.
exclure les sociétés de production cinématographique et
audiovisuelle du bénéfice des dispositifs fiscaux de droit
commun
(TEPA,
Madelin)
visant
à
encourager
les
investissements des particuliers dans le capital des PME ;
3.
ajouter les subventions publiques remboursables à la liste des
subventions exclues du montant des dépenses éligibles aux
crédits d’impôt cinéma et audiovisuel ;
4.
mettre fin à l’abondement automatique des aides des
collectivités
territoriales
par
le
CNC
au
profit
d’un
conventionnement au cas par cas des dispositifs les plus
innovants.
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Chapitre II
Le soutien à la production
cinématographique : un modèle original
sous tension
À la différence du modèle intégré des studios anglo-saxons, la
production cinématographique française repose sur une logique de
préfinancement des oeuvres par des tiers. Un projet de film, avant le début
du tournage, réunit un ensemble de financeurs qui obtiennent en
contrepartie un intéressement aux recettes ultérieures liées à la
commercialisation du film
74
.
Adossé à un mécanisme de soutien public qui redistribue au
cinéma français une partie des recettes dégagées par l’exploitation des
oeuvres, quelle que soit leur nationalité, ce système de préfinancement
s’est
avéré
propice
au
développement
d’une
production
cinématographique nationale reconnue, qui a rencontré de nombreux
succès au cours des dernières décennies. Minoritaires, les financements
publics sont néanmoins essentiels aux montages délicats que comporte le
74
Ainsi, pour l’exploitation en salles, le producteur confie un mandat d’exploitation à
un distributeur qui lui verse ou non un minimum garanti. Le distributeur engage des
frais d'édition (copies, achats d’espaces publicitaires et frais de promotion),
programme les films dans les salles de cinéma et gère pour le compte du producteur la
remontée des recettes.
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62
COUR DES COMPTES
système de préfinancement, en particulier dans les segments les plus
vulnérables de la production.
Ce modèle est néanmoins confronté à des limites qui résultent pour
partie de son succès. Il provoque en effet une inflation, d’une part, du
nombre de films sans considération de leurs perspectives d’exposition et
de diffusion, et, d’autre part, des coûts de production et de distribution
des films aux budgets les plus importants, ce qui entraîne une dégradation
des conditions de financement de la production dans son ensemble.
I
-
Les atouts de la mutualisation des coûts
Visant à permettre aux producteurs de réunir les investissements
externes nécessaires à la production d’un film, le système de
préfinancement repose sur un équilibre subtil entre la régulation des
investissements et l’encadrement du partage de la valeur créée par
l’exploitation des films. Complétant cet édifice, les aides publiques à la
production sécurisent le financement des films fragiles et orientent les
recettes tirées de l’exploitation des oeuvres vers la production de
nouvelles oeuvres.
A - Le financement des oeuvres en contrepartie d’un
intéressement à leur exploitation
1 -
Une production portée par des financements d’origines
diverses
Dès qu’un projet de film naît, le ou les producteurs qui le portent
cherchent à en assurer le financement en sollicitant des partenaires
potentiellement intéressés avant le début du tournage. En contrepartie de
leur investissement, ceux d’entre eux qui sont des diffuseurs bénéficient
d’une période de diffusion exclusive de l’oeuvre et, le cas échéant, d'une
partie de ses recettes d'exploitation préalablement déterminée, cette
modalité de rémunération valant également pour les autres investisseurs.
S’élevant à près de 1,1 Md€ en 2012, les investissements ainsi
réalisés dans la production des films d’initiative française, sont de deux
ordres :
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-
des financements d’origine strictement privée (distributeurs,
éditeurs vidéo, exportateurs), dont le volume dépend des
perspectives de succès des productions
75
;
-
des financements encadrés (compte de soutien du CNC, aides
des collectivités territoriales, contribution des chaînes de
télévision, SOFICA).
Entre 2002 et 2012, la contribution des chaînes de télévision à la
production des films d’initiative française est ainsi passée de 249 M€ à
341 M€,
tandis
que
les
financements
privés
représentaient
une
contribution passant de 388 M€ à 598 M€
(dont 210 M€ des producteurs
en 2002, et 249 M€ en 2012). Les soutiens publics, pour leur part,
évoluaient dans le même temps de 87 M€ à 128 M€.
Graphique n° 11 : évolution des sommes investies dans la production
des films d'initiative française entre 2002 et 2012 (en M€)
Source : Cour des comptes d'après données CNC.
75
S'ils consistent le plus souvent en un apport financier récupérable sur les recettes
d'exploitation (« minimum garanti ») dans le cadre d'un mandat confié par le
producteur à celui qui distribuera l’oeuvre, ces préfinancements peuvent également
prendre la forme d'un intéressement aux recettes d'exploitation, voire d'une cession
des droits détenus par le producteur à un tiers en contrepartie d'une rémunération
(modèle de redevance, à l'oeuvre sur le marché de la vidéo physique).
0
200
400
600
800
1 000
1 200
1 400
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
Soutiens publics
Financements privés
dont financements des
producteurs
Contribution des
chaînes de télévision
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COUR DES COMPTES
Alors que ces deux catégories d'investissement représentaient
chacune la moitié du plan de financement des films d'initiative française
en 2001, les financements d’origine privée ont vu leur part relative
progresser pour atteindre près de 58 % en 2012.
Cependant, cette évolution ne résulte pas d'une participation
moyenne plus importante des producteurs au financement des films -
celle-ci n'ayant au contraire cessé de baisser, pour ne plus représenter que
moins de 20 % en 2012 - mais d'une augmentation des minima garantis
relatifs à la distribution en salle et à la vente internationale. Elle masque
surtout une réalité très contrastée. Les investissements d’origine privée
sont majoritaires dans le plan de financement des films dont le budget est
inférieur à 1 M€ (en raison d’une exposition plus forte des fonds propres
des producteurs) ou supérieur à 7 M€ (en raison de l’importance des
mandats et des fonds propres du producteur). En revanche, les
investissements encadrés restent majoritaires dans les films au budget
compris entre 1 M€ et 7 M€.
Dans les faits, l’investissement en fonds propres des producteurs
dans le financement des films est très hétérogène : en 2012, il atteignait
61,5 % du budget pour les films d’un montant inférieur à 1 M€, baissait
fortement dans les tranches comprises entre 1 et 7 M€ (32,4 % pour les
films de 1 à 4 M€, 24,6 % pour les films de 4 à 7 M€), pour remonter
légèrement (27,7 %) pour les films de plus de 7 M€.
La part des aides publiques dans le plan de financement des films
diminue à mesure que le devis s’accroît : représentant, en 2012, près du
quart du budget des films au devis inférieur à 1 M€, cette part baisse
régulièrement jusqu’à un niveau de 3,8 % pour les films dont le devis est
supérieur à 7 M€. En outre, les devis moyens, caractéristiques de
productions portées par des sociétés indépendantes disposant de peu de
fonds propres, voient leur accès au marché bancaire facilité par
l’intervention
de
l’IFCIC,
dont
les
garanties
concernent
très
majoritairement des films aux budgets compris entre 1 M€ et 10 M€.
Les financements des chaînes de télévision se concentrent à
l’inverse sur les films les plus chers : quasiment absents des plans de
financement des films les moins coûteux, ils représentaient, en 2012, près
d’un quart du budget des films au devis compris entre 1 M€ et 4 M€ et
plus du tiers des budgets des films au devis supérieur à 4 M€. La même
tendance caractérise les apports des détenteurs de mandats de
commercialisation de l’oeuvre (en salle, à la télévision, en vidéo, sur le
territoire français ou à l’étranger), dont le poids relatif dans le plan de
financement des films s’accroît à mesure que le devis augmente.
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Tableau n° 5 : structure de financement des films d’initiative
française, en 2012
Montant du devis
< 1 M€
Entre 1 et
4 M€
Entre 4 et
7 M€
> 7 M€
Producteurs
français
61,5 %
32,4 %
24,6 %
27,7 %
Aides publiques
22,8 %
14,8 %
6,6 %
3,8 %
SOFICA
0,4 %
7,4 %
7,0 %
2,5 %
Chaînes de
télévision
4,4 %
26,3 %
38,0 %
33,2 %
Mandats
5,3 %
8,0 %
15,5 %
23,8 %
Apports étrangers
5,7 %
11,2 %
8,3 %
9,1 %
Source : Cour des comptes d’après données CNC.
2 -
Des revenus d'exploitation aléatoires et encadrés dans le temps
Le partage des recettes d'exploitation des films, qui est la
contrepartie des financements apportés, fait l’objet d’un encadrement
réglementaire pour le producteur délégué qui est le seul à bénéficier de
droit d’un « couloir » de recettes. Pour les autres participants au
préfinancement,
les
conditions
du
partage
des
recettes
sont
contractuelles
76
. Afin de maximiser les perspectives de recettes pour
chaque partie prenante au cofinancement d’un film, les conditions
d'exposition de l'oeuvre sont assujetties au respect de la « chronologie des
médias ».
Demeuré inchangé dans son principe depuis son adoption à la fin
des années 1980
77
, cet ensemble de règles vise à délimiter dans le temps
plusieurs fenêtres d'exploitation successives, liées à un support particulier
d’exposition (salle de cinéma, télévision, vidéo physique, vidéo
dématérialisée, notamment), au cours desquelles la commercialisation
d'un film sera assurée par les sociétés ayant conclu un accord avec les
ayants-droit. Le séquençage de la diffusion d'un film en plusieurs
fenêtres, correspondant à un consentement à payer décroissant de la part
76
Si elles peuvent diverger sur de nombreux points, ces dispositions s'inscrivent
néanmoins dans un même modèle, qui prévoit la remontée successive des recettes
d'exploitation après déduction des taxes, des sommes perçues au titre des droits
d'auteur et des droits voisins, des
minima
garantis versés par les partenaires au stade
de la production, des frais engagés par ces partenaires pour assurer la circulation du
film dans la fenêtre d'exploitation concernée et de la rémunération du producteur.
77
Le décret du 16 janvier 1987 interdisait notamment la diffusion par voie hertzienne
terrestre d'oeuvres cinématographiques moins de trois ans après l'obtention du visa
d'exploitation.
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COUR DES COMPTES
du consommateur, permet ainsi d'entretenir un effet de nouveauté et de
rareté, qui ralentit la dépréciation économique de l’oeuvre. Il constitue
aussi
une
contrepartie
à
l’engagement
des
différents
segments
d’exploitation dans le préfinancement des oeuvres.
Ce dispositif laisse une large part à la négociation entre les
organisations professionnelles
78
. Pour les autres modes d'exploitation
(télévision, vidéo à la demande), la loi renvoie aux règles fixées par
accord professionnel ou, à défaut, aux stipulations contractuelles liant les
ayants droit aux diffuseurs.
Régissant la chronologie des médias en vigueur, l’accord
professionnel du 6 juillet 2009, étendu par l'arrêté du 9 juillet 2009,
prévoit les conditions, quatre mois après la sortie d'un film en salles, de
son exploitation successive en vidéo à la demande payante à l'acte et en
vidéo physique, sur les chaînes de télévision payante, sur les chaînes de
télévision en clair, en vidéo à la demande par abonnement et en vidéo à la
demande à titre gratuit (cf. annexe 10).
Mobilisant un grand nombre de représentants professionnels dont
les intérêts ne sont pas les mêmes, les conditions dans lesquelles la
chronologie des médias est négociée rendent ce système relativement
rigide et difficile à réformer.
B - Une intervention publique destinée à compléter et à
sécuriser les préfinancements
Si des dispositifs complémentaires s’y sont par la suite ajoutés,
l’intervention du CNC reste centrale, car elle conditionne souvent les
autres financements en venant confirmer la faisabilité d’un film vis-à-vis
des partenaires potentiels du tour de table.
Conçu en 1953, le fonds de développement de l’industrie
cinématographique, devenu par la suite le compte de soutien à la
production
cinématographique,
s’appuie
sur
un
mécanisme
de
financement original. Une partie des recettes d’exploitation de toutes les
oeuvres diffusées en France, y compris non françaises (c’est-à-dire
majoritairement des oeuvres américaines), est captée à travers une fiscalité
affectée au CNC, qui a été progressivement étendue aux différentes
fenêtres de diffusion : les salles de cinéma (TSA), puis la télévision (TST
éditeurs), la vidéo (taxe vidéo) et les services de télécommunications
(TST distributeurs). Les recettes ainsi collectées alimentent le soutien
78
Seul le délai de diffusion des vidéos physiques est explicitement déterminé par le
législateur (article L. 231-1 du code du cinéma et de l'image animée).
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public émanant du CNC et viennent donc étayer l’édifice du
préfinancement.
Les deux objectifs des aides du CNC à la production sont la
consolidation économique du secteur de la production et l’apport
d’investissements complémentaires aux productions fragiles afin de
contribuer à la diversité et au renouvellement de la création
79
.
1 -
Le soutien automatique à la production
Dès
lors
qu’ils
remplissent
les
conditions
fixées
par
la
réglementation du CNC, les films de long métrage français ou réalisés en
coproduction internationale sont générateurs d’un soutien automatique
afférent à leur exploitation commerciale en salles, à leur diffusion
télévisuelle et à leur exploitation sous forme de vidéogrammes. Chacun
de ces modes d’exploitation donne lieu à un « taux de retour » au profit
du producteur, en fonction des recettes dégagées. En 2012, ce soutien
représentait 312 M€.
La part « salles », qui est la plus importante, ouvre droit, pendant
cinq ans à compter de la date de la première projection publique du film,
à un soutien proportionnel à la fréquentation et aux recettes constatées.
Soucieux d’améliorer le caractère redistributif du soutien automatique, le
CNC a introduit, en 2002, dans le calcul de la part « salles », une
dégressivité du taux de retour.
Le soutien automatique comprend aussi une part « antenne », liée à
la diffusion du film par un service de télévision soumis à la taxe sur les
services de télévision. Cette part est calculée par application d'un taux aux
sommes hors taxes versées par les services de télévision en exécution des
contrats de préachat et d’achat.
Enfin, les recettes constituées par l’exploitation d’un film sous
forme de vidéo (vente ou location de DVD) représentent la troisième et
dernière part du soutien automatique généré au profit du producteur.
Celle-ci est calculée par application d’un taux au montant du chiffre
d’affaires déclaré par les entreprises d’édition vidéo.
Partant du principe que la salle demeure le marché d’entrée de la
valorisation d’un film, le CNC a, en conséquence, en 2001, réduit les
parts « antenne » et « vidéo ».
Cette diminution apparaît contradictoire avec la part toujours plus
importante prise dernièrement par ces deux modes d’exploitation dans la
valorisation globale des films. Ainsi en est-il de la forte augmentation des
79
Document stratégique de performance du CNC, 2014, p. 22.
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COUR DES COMPTES
ventes et locations de DVD au début de la décennie, relayée à partir de
2007 par le développement de la vidéo à la demande sur internet, ou de
l’augmentation tendancielle du prix d’achat de droits de télédiffusion. La
diminution de l’importance relative de la part « salles » dans les recettes
d’exploitation d’un film n’a pas été répercutée dans les modalités de
calcul du soutien automatique.
Aussi, comme la Cour l’a déjà recommandé
80
, il conviendrait que
le CNC assure une meilleure corrélation entre, d’une part, le succès
rencontré par un film en salles, à la télévision et en exploitation vidéo, et,
d’autre part, le droit au soutien automatique qui en résulte.
2 -
Les soutiens sélectifs à la production
Aide emblématique du CNC créée en 1959, l’avance sur recettes a
pour objectif de favoriser le renouvellement de la création en
encourageant la réalisation des premiers films et en soutenant un cinéma
audacieux au regard des normes du marché. Les aides sont attribuées par
une commission de professionnels, sur la base du projet d’un film, qui
peut être une fiction, un documentaire ou une oeuvre d’animation. En
2012, 78 projets ont ainsi été sélectionnés, parmi 670 candidats, pour un
montant total de 28,2 M€.
L’aide est remboursée, jusqu’à 80 % de son montant, par un
prélèvement sur le soutien automatique résultant de l’exploitation du film.
Dans les faits, les remboursements sont faibles (sur la période 2001-2010,
le taux moyen de remboursement était de 5,1 %), car la grande majorité
des films aidés ne rassemblent pas un public suffisant.
80
Cour des comptes,
Contrôle des comptes et de la gestion du Centre national du
cinéma et de l’image animée (CNC)
.
Exercices 2001 à 2010,
communication la
commission des finances du Sénat. La Documentation française, août 2012, 166 p.,
disponible sur
www.ccomptes.fr
.
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69
La limitation à 80 % du remboursement de l’avance n’est pas
justifiée, au regard des recettes que peuvent dégager certains films à
succès bénéficiaires de cette aide
81
Par ailleurs, compte tenu du haut niveau de sélectivité de l’aide, les
garanties procédurales qui entourent les modalités de son attribution
paraissent insuffisantes. Les membres des commissions sont nommés
pour une période d’un an, sans que les textes statutaires concernés ne
mentionnent les conditions de renouvellement éventuel de leur mandat.
Or entre 2001 et 2010, la moitié des membres nommés chaque année
étaient déjà présents au moins l’une des années précédentes. La rotation
des membres est donc seulement partielle, ce qui est d’autant plus gênant
que 38 réalisateurs ayant été membres de la commission ont perçu au
moins une avance pendant cette période.
Le CNC fait valoir l’importance de la relative pérennité de la
composition de la commission pour permettre à ses membres d’y trouver
pleinement leur place et leur autorité, la « nécessité de réunir les
compétences de professionnels actifs », sans qu’il soit « surprenant qu’il
arrive que leurs projets soient eux-mêmes soutenus ». Il ajoute que « ces
membres n’ont pas siégé à la session au cours de laquelle leur projet était
déposé », ce qui ne peut être vérifié à partir des procès-verbaux. Une
meilleure
formalisation
des
procédures
d’attribution
de
l’avance
permettrait de garantir l’homogénéité de traitement des candidats et de
rendre plus rigoureuses les procédures de déport en cas de conflit
d’intérêt.
Enfin, si l’on conçoit que le choix d’attribuer l’avance s’exerce à
partir d’un jugement portant sur la seule qualité cinématographique
intrinsèque au projet, il est difficile d’admettre que la détermination du
montant de l’aide ne soit pas davantage assortie d’une prise en compte du
budget qui sera finalement arrêté, à l’instar de ce que pratique l’agence
allemande de soutien au cinéma. À cet égard, il paraît surprenant que le
montant de l’avance accordée soit le plus souvent déterminé une fois pour
toutes, très en amont, sans être révisé en fonction d’éléments nouveaux
portés à la connaissance du CNC avant la mise en production du projet.
81
Par exemple
Indigènes
(sorti en 2006, produit par Jean Bréhat, avance de
500 000 €, 3 millions de spectateurs, 2,3 M€ de soutien automatique généré) ou
Océans
(2009, Jacques Perrin, 450 000 € d’avance sur recettes, 2,9 millions de
spectateurs, 1,7 M€ de soutien automatique généré).
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COUR DES COMPTES
Un exemple étranger : le fonctionnement de la
Vergabekommission
allemande
Compte tenu de la relative simplicité du modèle allemand de soutien
au cinéma et de la modicité des sommes versées, les aides de l’agence
allemande de soutien au cinéma (FFA) sont accordées par une seule
commission d’attribution, qui se réunit quatre fois par an. Il existe par ailleurs
cinq sous-commissions spécialisées (aide à la vidéo, au scénario, à
l’exportation, notamment). La commission est composée d’un membre
nommé par le Bundestag, d’un membre nommé par le délégué du
gouvernement pour la culture et les médias et de dix représentants des
professionnels, élus pour un mandat de trois ans, renouvelable une fois.
La
Vergabekommission
ne dissocie pas les critères esthétiques et
budgétaires au stade de l'octroi de l'aide. Pour l’aide sélective à la production
cinématographique, le dossier fourni doit ainsi contenir, outre les pièces
également demandées en France, des informations sur les éventuels achats de
droits, un calcul des coûts de production selon une grille standardisée et un
contrat de distribution ou une présentation concrète des projets du demandeur
sur la distribution de son film et ses espérances en matière de valorisation
ultérieure. Parmi les critères de décision de la commission, figurent donc les
perspectives de confrontation réelle de l’oeuvre avec le public, même très en
amont de la réalisation du projet.
La commission d’attribution des aides de la FFA joue un rôle incitatif
vis-à-vis des producteurs pour faire parvenir les projets à un stade de
maturité, aussi bien concernant le scénario que le plan de financement. Des
phénomènes d’aller-et-retour sont ainsi très fréquents avant que ne soit
entérinée la décision définitive d’attribution d’une aide.
Par ailleurs, une quinzaine de dispositifs sélectifs du CNC ont pour
vocation de soutenir un aspect particulier de la production : le scénario, la
conception, les coproductions internationales, la postproduction, etc.
Outre les garanties procédurales auxquelles l’octroi de ces aides devrait
être subordonné, leur montant généralement faible et la proximité de
certains de leurs objectifs invitent à une réflexion sur l’opportunité d’en
réduire le nombre et de
procéder à des regroupements dans des
dispositifs plus génériques.
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71
Tableau n° 6 : montant des soutiens sélectifs attribués à la production
cinématographique en 2012 (en M€)
Dispositif
Nombre
de projets
aidés
Montant
Soutien au scénario
43
1,1
Soutien au scénario - Aide à la conception
50
0,5
Aide au développement de projets de films de long
métrage
132
3,6
Aide à la création cinéma (auteurs, associations)
17
1,0
Aide au court métrage
152
7,3
Avance sur recettes
78
28,2
Aide aux cinémas du monde
25
2,8
Accompagnement de projets / Aide aux cinémas du
monde (associations)
5
0,1
Aide à la coproduction franco-allemande
11
1,5
Aide à la coproduction franco-canadienne
1
0,2
Aide au développement de la coproduction franco-
italienne (associations)
1
0,0
Aide pour les oeuvres cinématographiques d'outre-
mer
5
0,3
Fonds Image de la diversité
15
0,2
Aide à la musique de films de long métrage
34
0,3
Aide aux nouvelles technologies en production
61
5,7
Total
630
52,8
Source : Cour des comptes d’après CNC.
C - Des résultats incontestables
En orientant un investissement annuel de plusieurs centaines de
millions d’euros dans la production cinématographique, le mécanisme des
aides publiques et des financements encadrés permet de maintenir un
important
volume
de
production
nationale.
En
sécurisant
les
investissements dans la production, il garantit également la relative
autonomie des producteurs indépendants vis-à-vis des diffuseurs et des
groupes cinématographiques intégrés
82
.
82
Réunissant en leur sein des activités de production, de distribution et d’exploitation,
quatre groupes français peuvent être qualifiés de groupes intégrés à la date du présent
rapport : Gaumont, Pathé, MK2 et Europacorp.
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72
COUR DES COMPTES
La décennie 2002-2012 se caractérise par l’augmentation régulière
et marquée de la production cinématographique nationale, qui suit le
rythme de progression des films agréés par le CNC. Parmi les États
membres de l’Union européenne, la France est celui qui produit le plus
grand nombre de films : 207 en 2012 (films d’initiative française
83
),
tandis que l’Allemagne en produisait 171, le Royaume-Uni 91 et l’Italie
146.
Graphique n° 12 : nombre de films français produits, de 1952 à 2012
Source : Cour des comptes d’après CNC.
En outre, les dispositifs de soutien entretiennent un renouvellement
constant de la création cinématographique française : chaque année
depuis dix ans, entre 50 et 60 % des films d’initiative française sont des
premiers ou des deuxièmes films.
Ce renouvellement, largement porté par les distributeurs français,
est visible à travers la progression des sorties de films français inédits en
salle, qui explique pour une large part l’augmentation de l’ensemble des
sorties de films sur le territoire national. À la distribution du cinéma
américain, massive et concentrée sur quelques titres, essentiellement
opérée par les filiales françaises des majors américaines, répond en effet
le dynamisme des nombreux distributeurs indépendants qui assurent la
prise en charge des films français et européens, et grâce auxquels la salle
83
Les films d’initiative française présentent un financement intégralement français ou
reposent sur une coproduction majoritaire française. Ils représentent chaque année
entre 75 et 85 % des films français agréés, les films restants étant composés de
coproductions où la part française est minoritaire. Ces données sont issues de
l’annuaire 2012 de l’Observatoire européen de l’audiovisuel, volume 1.
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73
demeure le débouché naturel de la quasi-totalité des films produits en
France
84
.
Graphique n° 13 : nombre de films sortis en première exclusivité en
salle, de 1975 à 2012
Source : Cour des comptes d’après CNC.
Avec une part de marché du film national en salles comprise entre
30 % et 45 % au cours de la période 2002-2012, la France apparaît, sans
conteste, comme le pays européen qui résiste le mieux à la concurrence
du cinéma américain, loin devant le Royaume-Uni, l’Allemagne et
l’Italie.
84
En moyenne, de 2001 à 2012, 92 % des films produits ont été distribués en salles, la
majeure partie d’entre eux l’année suivant celle de leur production.
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74
COUR DES COMPTES
Graphique n° 14 : recettes guichet des salles et part de marché des
films nationaux dans l'Union européenne en 2011
Source : Cour des comptes d'après l'observatoire européen de l'audiovisuel.
II
-
Un modèle fragilisé
Ayant pour intérêt de répartir les risques financiers sur un grand
nombre de parties prenantes, le système de préfinancement n’est pas sans
défaut. Il n’offre aux producteurs que de faibles perspectives de remontée
de recettes à leur niveau et ne les intéresse pas suffisamment à la
rentabilité commerciale de leurs films.
Au
surplus,
ce
modèle
apparaît
aujourd’hui
fragilisé.
L’augmentation tendancielle des coûts de production et de distribution et
la saturation croissante des fenêtres d’exposition historiques des films
rendent, en effet, les perspectives de rentabilisation encore plus aléatoires
pour les préfinanceurs et les amènent à modifier leurs choix
d’investissement. Il en résulte une dégradation des conditions de
financement pour une part importante de la production.
FR
CZ
IT
FI
UK
DK
SE
DE
NL
PL
ES
BE
GR
AT
0
200
400
600
800
1 000
1 200
1 400
1 600
0
10
20
30
40
50
en M€
en part de marché
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75
A - L’inflation des coûts
1 -
L’augmentation des coûts de production
Entre 2002 et 2012, le coût médian et, plus encore, le coût moyen
de production des films français ont connu une augmentation légèrement
supérieure (respectivement, + 23 % et + 26 %) à celle du niveau général
des prix (+ 17 %
85
). Cette évolution n’est pas propre à la France, une
tendance similaire pouvant être constatée dans plusieurs autres États
européens
86
.
S’agissant des films de fiction
87
, qui représentaient 89 % des coûts
de production des films français en 2012 (soit 935 M€), l’augmentation
du coût moyen est imputable en priorité aux dépenses de personnel, aux
droits artistiques, aux frais de transport, de défraiement et de régie, aux
frais d’assurances, et, dans une moindre mesure, à la rémunération des
producteurs.
L’écart persistant entre le coût médian (3,4 M€) et le coût moyen
(5,2 M€) des films d’initiative française témoigne de l’effet de
concentration des dépenses sur les films à budget élevé et du rôle moteur
de ces films dans les tensions inflationnistes du secteur. De fait, le
nombre de films présentant un coût définitif supérieur à 7 M€ est passé de
17 à 24 % des films entre 2003 et 2012. Cette évolution s’est opérée
principalement au détriment de deux catégories de films de taille
intermédiaire : ceux dont le budget est compris entre 1 M€ et 2,5 M€ et
ceux dont le devis est compris entre 4 M€ et 5,5 M€.
L’évolution à la hausse des coûts de production est alimentée par
deux pratiques qui nuisent à la transparence des conditions de
rémunération : les rémunérations en participation et la rémunération des
artistes-interprètes sous la forme de droits à l’image.
a)
Les rémunérations en participation
Les « frais en participation », sur lesquels sont imputés la
rémunération des « talents » (auteurs, réalisateurs, interprètes) ainsi que la
rémunération et les frais généraux du producteur, sont présentés dans les
devis comme des charges et des produits, car ils sont considérés comme
des sources additionnelles de préfinancement. Dans ces conditions, les
comptes définitifs de production peuvent ressortir avec un total de
85
Évolution de l’indice des prix à la consommation hors tabac.
86
Observatoire européen de l’audiovisuel, annuaire 2012.
87
CNC,
Les coûts de production des films en 2012,
mars 2013.
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COUR DES COMPTES
charges moindre que celui affiché dans les devis prévisionnels, la
majoration artificielle de ces derniers ayant eu pour effet de gonfler le
montant des financements obtenus lors du montage du projet. Cette
pratique, établie en France depuis plusieurs décennies, n’est encadrée par
aucun texte.
D’après le CNC, le recours à des frais « mis en participation »
couvre deux cas de figure très différents :
-
pour des films bien financés ou à potentiel commercial
significatif, il sert à lever des financements. À la mise en
exploitation du film, le salaire et les frais généraux du
producteur seront effectivement versés car les financements
réunis seront suffisants ;
-
mais pour des films difficiles, à petit budget, ces participations
ne se retrouveront pas dans le coût final. Faute de financements
suffisants, le producteur sera contraint de rechercher des
économies de fabrication, et renoncera parfois même à facturer
un salaire et des frais généraux. Le coût du film aura été corrigé
à la baisse au regard des financements disponibles.
La neutralisation de ces postes du devis, quand le comité de
chiffrage se prononce sur le besoin de financement, est à ce jour
uniquement pratiquée dans le cas de l’avance sur recettes. Afin d’assurer
l’équité entre productions et de permettre la négociation
ex ante
de la
marge commerciale des producteurs, cette pratique devrait être étendue
au calcul de toutes les aides du CNC.
b)
La rémunération des artistes-interprètes
La rémunération des artistes-interprètes constitue une autre source
d’augmentation des coûts de production pour les films présentant les
budgets les plus élevés.
En première analyse, les rémunérations versées aux artistes-
interprètes des films de fiction ont augmenté, en moyenne, de 24 %
depuis 2003, portant les dépenses correspondantes à un niveau moyen de
615 000 € en 2012, au quatrième rang des postes budgétaires des films de
fiction. Cette évolution moyenne correspond en réalité à deux types de
situation : les films situés aux deux extrémités de l’échelle des coûts
(inférieurs à 1 M€ et supérieurs à 15 M€), pour lesquels la part relative
des dépenses de rémunération des artistes-interprètes a plutôt augmenté,
et les films situés entre ces deux extrémités, pour lesquels ces dépenses
sont restées, en proportion, relativement constantes.
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SOUS TENSION
77
Les années récentes marquent surtout l’essor de rémunérations
versées aux artistes-interprètes sous la forme de droits à l’image.
Le régime du droit à l'image des artistes-interprètes
Aux termes de l’article L. 7121-8 du code du travail, la rémunération
due à l'artiste à l'occasion de la vente, de l'exploitation ou de la présentation
par l’employeur ou par tout autre utilisateur de l'enregistrement de son
interprétation, n'est pas considérée comme un salaire dès lors que la présence
physique de l'artiste n'est plus requise et que cette rémunération n'est pas
fonction du salaire reçu pour la production, l’exécution ou la présentation de
son interprétation, mais qu’elle dépend du produit de la vente ou de
l’exploitation dudit enregistrement.
Si les sommes relevant de cette pratique sont encore relativement
limitées, le dynamisme de leur augmentation entre 2003 et 2012 n’en est
pas moins préoccupant (le poste du devis dans lequel ces sommes sont
retracées, intitulé « droits divers », a progressé de 119 % entre 2003 et
2012 pour atteindre un total de 8 M€ pour l’ensemble des films de
fiction).
Ces droits à l’image ne concernent, en théorie, que les recettes
enregistrées par l’exploitation des films et ne sont donc susceptibles
d’être versées aux artistes-interprètes par les producteurs qu’à compter de
l’exploitation des films. Or, il ressort des investigations de la Cour que
certains contrats d’artistes-interprètes prévoient, avant même le début du
tournage, une somme minimale susceptible de leur être attribuée, en
complément de leur rémunération, sous la forme de droit à l’image.
Cette pratique conduit à minorer artificiellement le salaire versé en
vue de réduire les sommes dues au titre des cotisations sociales, tout en
compensant cette minoration par un complément de rémunération déguisé
en droit à l’image. En outre, des avances peuvent être consenties en cas
de préachat du droit de diffusion par les chaînes de télévision, leur
montant étant alors indexé sur celui de cette source de financement, que
l’oeuvre soit ou non finalement diffusée.
Si le principe des rémunérations sous forme de droit à l’image
découle de dispositions législatives du code de la propriété intellectuelle,
et ne saurait être remis en cause, la pratique consistant à verser, avant ou
pendant le tournage, des avances à ce titre sans considération de
l’exploitation effective de l’oeuvre peut être tenue pour abusive.
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78
COUR DES COMPTES
Concentrée sur les films présentant les devis les plus élevés, la
progression dynamique de certaines natures de dépenses dans les coûts de
production invite à s’interroger sur l’opportunité de limiter la prise en
charge de ces coûts par le dispositif d’aides publiques et, plus
particulièrement, par le soutien automatique, dès lors que cette évolution
conduit à déséquilibrer la répartition de l’aide au profit de cette catégorie
de films.
Interrogé sur cette question, le CNC a indiqué qu’une limitation de
la prise en charge par le soutien automatique de certaines dépenses de
production lui semblait, de prime abord, « incompatible avec la
réglementation communautaire. En effet, celle-ci, pour garantir la
neutralité de l’effet incitatif de l’aide et notamment éviter que l’aide ne
soit attribuée ou modulée au regard de certains postes de dépenses
particuliers, susceptibles d’être fortement territorialisés en France
(industries techniques, main d’oeuvre), interdit des fléchages directs ou
indirects de l’aide vers certains types de dépenses ».
Pour autant, dès lors qu’il est susceptible de s’appliquer à
l’ensemble des films sollicitant l’agrément et vaudrait donc, de façon
indifférenciée, pour les producteurs français et les producteurs européens,
le plafonnement de certaines dépenses dans le calcul du soutien
automatique ne paraît pas constituer un fléchage de l’aide et mériterait, à
ce titre, d’être envisagé par le CNC. Une mesure de cette nature existe
d’ailleurs pour le crédit d’impôt, les cachets des artistes n’étant
comptabilisés qu’à hauteur du minimum conventionnel. Un tel dispositif
de maîtrise de la dépense est également en vigueur en Allemagne.
Le plafonnement des dépenses dans le calcul des aides de la FFA
Les modalités de calcul du soutien automatique à la production par
l’agence allemande de soutien au cinéma (FFA) n’intègrent certains postes du
devis qu’à concurrence d’un plafond, défini en référence au total des coûts de
production. Ainsi, les frais généraux sont comptabilisés dans la limite de
7,5 % des coûts de production (pour les devis inférieurs à 2 M€). La
rémunération du producteur, pour sa part, est plafonnée en valeur absolue
selon le montant du devis (de 15 000 € pour les devis inférieurs à 300 000 €
jusqu’à 125 000 € pour les devis supérieurs à 1 M€).
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79
3 -
L’évolution contrastée des coûts de distribution
Les coûts de distribution représentent en moyenne entre 10 % et
13 % du coût définitif des films d’initiative française (670 000 € en 2011
en moyenne par film). Si les sommes investies dans la distribution des
films français restent sans comparaison par rapport aux dépenses de
distribution des films américains
88
, elles ont néanmoins connu des
évolutions sensibles au cours de la dernière décennie.
En moyenne, sur la période 2004-2011, le coût de distribution par
film a peu augmenté (+ 4,9 %). Cette relative stagnation masque
cependant une hausse très marquée des dépenses de matériel publicitaire
(+ 38,6 %), la progression des dépenses de relations presse (+ 13,3 %) et
des achats d’espace (+ 7,3 %), qui ont surcompensé, jusqu’à présent, la
baisse des frais de laboratoire (- 10,4 %) résultant de la transition
numérique.
L’augmentation des frais de promotion diffère fortement selon le
budget de production et le profil des distributeurs. Les majors
développent des stratégies pluri-médias, recourant fortement à l’affichage
et au matériel publicitaire au sein des cinémas, tandis que les distributeurs
indépendants sont souvent cantonnés à la presse, aux relations publiques
et à internet. Les salles de cinéma ayant rendu payantes, au cours des dix
dernières années, plusieurs prestations auparavant gratuites (notamment
la mise à disposition du matériel publicitaire), la forte progression des
investissements publicitaires dans les salles de cinéma a contracté les
marges des distributeurs.
B - Une tension croissante entre le volume de
production et les perspectives d'exposition
1 -
Une fréquentation en salles élevée, mais concentrée sur
quelques succès
La France enregistre un niveau exceptionnel de fréquentation en
salles : 193 millions d’entrées en 2013, soit 2,9 entrées par habitant. De
tels résultats sont suffisamment remarquables, compte tenu des évolutions
constatées par ailleurs dans les pays européens, pour devoir être
soulignés.
88
Les sommes dépensées à ce titre représentent en moyenne 50 % des coûts de
production. Cette différence avec les films français se retrouve au moment de leur
commercialisation en France. Ainsi, l’investissement publicitaire brut pour un film
français était en moyenne de 580 000 € en 2011, soit le tiers du budget publicitaire
moyen investi dans un film américain (1,6 M€ en 2011).
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COUR DES COMPTES
Cependant, la fréquentation en salles est demeurée concentrée, au
cours de la décennie écoulée, sur un nombre limité de films à succès.
Alors qu’en 2012 le CNC a agréé 272 films, seule une trentaine (sur les
500 à 600 sorties en salles annuelles) rassemble près de 50 % des entrées
en salles chaque année depuis 2001. L’année 2012 constitue de ce point
de vue une année de très forte concentration, les dix films les plus
performants ayant rassemblé plus du tiers de la fréquentation annuelle.
À l’inverse, une part stable, comprise entre 50 et 60 % des films
français inédits sortis en salles chaque année, réalise moins de 50 000
entrées en salles. Au cours de la dernière décennie, cette proportion
apparaît même en légère augmentation, ce qui suggère qu’une part
croissante de la production française souffre de conditions d’exposition
de plus en plus dégradées.
Graphique n° 15 : films français sortis en salle et polarisation des
entrées, de 2001 à 2010
Source : données CNC (films français inédits).
Cette concentration de la fréquentation en salles coïncide avec
l’évolution de la structure des investissements dans les films d’initiative
française (cf. annexe n° 9).
Alors que les films dont le budget est supérieur à 7 M€
représentaient, en 2003 comme en 2011, près de la moitié des
investissements dans la production cinématographique française, leur part
dans la fréquentation en salles a augmenté de manière significative,
passant de 43,5 % en 2003 à 67,2 % en 2011. Inversement, les films dont
le devis est compris entre 4 M€ et 7 M€ ont vu leur poids relatif diminuer
entre 2003 et 2011, tant en ce qui concerne la part qu’ils occupent dans
les coûts définitifs de la production cinématographique française (34,0 %
0
50
100
150
200
250
300
2001
2003
2005
2007
2009
Films français
sortis
Films rassemblant
moins de 50 000
entrées
Films rassemblant
plus d'un million
d'entrées
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SOUS TENSION
81
en 2003, 24,9 % en 2011) que leur part dans la fréquentation des films en
salles (49,7 % en 2003, 24,3 % en 2011). Les films dont le budget est
inférieur à 4 M€ n’attirent, pour leur part, qu’entre 5 % et 11 % de la
fréquentation en salles, tandis que les films dont le budget est inférieur à
1 M€ rencontrent un public encore plus confidentiel (entre 1 % et 4 % de
la fréquentation des films d’initiative française).
S’il est vrai que le maintien d’un niveau élevé de part de marché
du film national est allé de pair avec une augmentation du nombre de
séances consacrées à des films français (+ 116 % entre 2000 et 2012,
alors que le nombre de séances consacrées aux films américains est resté
stable), la fréquentation des films d’initiative française a suivi des
évolutions singulières.
Tandis que le nombre de films réunissant plus de 2 millions de
spectateurs sur le territoire français est resté stable entre 2001 et 2010, le
nombre correspondant de films d’initiative française a baissé de 20 %. À
l’inverse, pendant la même période, le nombre de films d’initiative
française réunissant moins de 50 000 spectateurs a augmenté de 57 %,
alors qu’il n’augmentait que de 19 % pour l’ensemble des films ayant ce
niveau de fréquentation. Cette évolution conduit à de fortes tensions sur
la rotation des films, marquée par un raccourcissement spectaculaire de
leur durée d’exposition et, par voie de conséquence, de leur
amortissement en salles.
Ce seul état de fait ne saurait emporter le constat d’un échec de la
politique de soutien. Le CNC rappelle à juste titre que le succès d’un film
ne se mesure pas au seul nombre d’entrées ou de copies distribuées,
critères réducteurs qui ignorent la coexistence de modèles économiques
différents au sein du secteur du cinéma. Il existe ainsi des films qui
enregistrent relativement peu d’entrées (quelques centaines de milliers,
voire seulement quelques dizaines de milliers) mais qui atteignent
néanmoins leur équilibre économique compte tenu de leur faible coût de
production et de distribution
89
.
En revanche, un tel constat conduit à souligner les risques qui
pèsent sur la pérennité du dispositif de préfinancement. La stratégie
d’investissement des parties prenantes repose en effet sur les espérances
de recettes liées à l’exploitation des films, qui sont fortement déterminées
par les résultats obtenus en salles. Or la détérioration des conditions
d’exposition des films français limite fortement leur potentiel de recettes.
89
Le CNC en cite plusieurs exemples récents :
Tous au Larzac
en 2011, sorti sur 64
copies,
Les nouveaux chiens de garde
, sorti sur 36 copies, qui a progressivement
dépassé les 200 000 entrées après 16 semaines d’exploitation, ou
Nous
princesse de
Clèves,
sorti sur 20 copies et totalisant moins de 50 000 spectateurs.
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82
COUR DES COMPTES
2 -
La saturation de la fenêtre télévisuelle
La multiplication du nombre de chaînes diffusées (câble, satellite,
télévision numérique terrestre) a conduit à une augmentation de l'offre de
films à la télévision
90
. Cependant, qu’elle soit française ou étrangère,
l’oeuvre cinématographique a vu progressivement s’étioler son statut de
produit d'appel sur les chaînes historiques en clair. À ces évolutions
s’ajoute le développement de modes de consommation délinéarisés
91
.
Les années 1990 et 2000 ont en effet marqué la fin de la
suprématie des films de cinéma dans l’audience télévisuelle. En 1986,
43 films étaient en tête des 50 meilleures audiences de la télévision,
contre 12 seulement en 1995. Entre 2004 et 2011, l’audience moyenne
des films français en première partie de soirée est passée, sur les chaînes
en clair historiques, de 4,6 à 3,8 millions de téléspectateurs. Sept films
seulement apparaissent dans le palmarès des cent premières audiences de
2012 à la télévision
92
.
Cette érosion des audiences est notamment liée à l’explosion de la
vidéo et au développement d’une offre de films, inédits ou non, sur les
chaînes payantes, sur le câble et le satellite, et sur les chaînes de la
télévision numérique terrestre (TNT), ce qui affecte la valeur de produits
dont l’exposition a perdu de son caractère exclusif. Ainsi, le nombre de
diffusions de films sur les chaînes privées de la TNT gratuite est passé de
402 à 1 331 entre 2005 et 2011, ce qui leur a assuré des audiences
importantes : en 2011, six chaînes de la TNT gratuite réalisent leur
meilleure audience de l’année avec un film. Parmi ces diffusions, la part
des films français est passée, entre 2005 et 2011, de 56 à 41 %, et celle
des films américains de 31 à 40 %.
Le nombre de films diffusés en première partie de soirée sur les six
chaînes en clair historiques a globalement baissé jusqu’à représenter en
2012, sur TF1 et M6, un point bas jamais enregistré depuis les années
1980. Si cette baisse concerne davantage les rediffusions que les
premières diffusions, il n’en reste pas moins que le plafond réglementaire
de 192 films diffusés dans l’année n’est que rarement atteint par les
chaînes historiques. En outre, les rediffusions sont aussi de plus en plus
fréquentes : 34 % des films programmés par les chaînes nationales
90
2 398 oeuvres cinématographiques diffusées en 2011, contre 1 470 en 2001.
91
Les services linéaires désignent les usages (sur le modèle de la télévision
hertzienne) qui imposent aux consommateurs de se soumettre à une programmation
sur laquelle ils ne peuvent agir. Ils s’opposent aux services « délinéarisés », qui
laissent au consommateur la possibilité de choisir le programme qu’il veut regarder.
92
Gran Torino, L’Âge de glace 3, Les Bronzés font du ski, La Grande Vadrouille,
Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre, Titanic, La Vérité si je mens 2
.
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83
gratuites en 2012 avaient ainsi déjà été diffusés en 2011, alors que cette
part était de moins de 10 % en 2006
93
.
Ces phénomènes ont pour corollaire une dégradation des recettes
associées à la diffusion de films, la publicité et le retour sur
investissement des parts de coproduction ne permettant plus toujours de
couvrir le coût d’achat des droits. L’érosion de l’audience entraîne une
diminution des recettes publicitaires qu’amplifie l’effritement général
observé ces dernières années de la ressource publicitaire drainée par les
télévisions.
Limitant
par
ailleurs
structurellement
les
retombées
financières d’un éventuel succès dans l’exploitation du film, le
contingentement réglementaire des prises de participation des diffuseurs
dans la production des oeuvres ne permet pas d’en assurer la
compensation.
Les faibles résultats d’audience des films français induisent, pour
les chaînes en clair, une distorsion croissante entre le volume de leurs
obligations d’investissement et la valeur de marché que représente pour
elles le cinéma. Dans ce contexte, le maintien d’une contrainte en
augmentation continue
94
imposée aux chaînes pour financer un produit
qui attire de moins en moins les téléspectateurs se traduit par une
concentration des investissements dans des films dont l’audience à
l’antenne sera garantie par la présence à l’affiche d’acteurs connus ou par
des scénarios déjà éprouvés. Conséquence indirecte de cette tendance, un
nombre croissant de films peine à accéder au financement d’une chaîne
de télévision : 78 films en 2003, 112 en 2012, ont été produits sans
bénéficier du financement d’une chaîne.
L’évolution du nombre de films financés par les chaînes depuis
1980 en témoigne : alors que TF1 finançait 14 films en 1986, puis jusqu’à
28 en 2004, elle limitait sa participation à 17 films en 2012, sa
contribution restant dans le même temps relativement stable en volume
financier. Sur la même période, la contribution de France Télévisions est
passée de 32 à 61 films financés par an entre 1986 et 2012 (53 en 2004).
La concentration des investissements sur les films aux budgets les plus
importants est principalement le fait des chaînes commerciales : les films
au budget supérieur à 4 M€ représentent, en 2012, 70 % des films
financés par les chaînes publiques, et 83 % des films financés par les
chaînes privées en clair.
93
En tête des films les plus diffusés à la télévision gratuite depuis 1957, on trouve
La
Tulipe Noire
,
Le Capitan
,
Ne nous fâchons pas
et
Le Grand Restaurant
(CNC-CSA).
94
Le volume investi par les chaînes dans le cinéma a été multiplié par 8 entre 1984 et
2011, alors que le volume total de la production française a à peine triplé pendant
cette période, passant de 400 à 1 130 M €. Cf. Monique Sauvage, Isabelle Veyrat-
Masson,
Histoire de la télévision française
, février 2012, p. 266, et bilans du CNC.
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84
COUR DES COMPTES
Ces évolutions affectent la valeur de produits dont la diffusion a
perdu son caractère exclusif. Dès lors, dans un contexte d’évolution des
usages qui met à mal la chronologie des médias, le maintien pendant la
fenêtre d’exclusivité des chaînes de télévision de jours interdits de
diffusion pour les oeuvres cinématographiques apparaît particulièrement
daté. Il conduit, en outre, à la programmation le même soir, au même
horaire, du même type de films sur les chaînes en clair, ce qui contribue à
exacerber la concurrence, au détriment des résultats d’audience des films
programmés. Des aménagements ont d’ailleurs déjà été apportés à ce
régime. France Télévisions a ainsi signé un accord avec les professionnels
qui, en échange d’une augmentation de la contribution de France 4 à la
production, a permis à cette chaîne de diffuser des films le mercredi soir.
Si le maintien d’un plafond d’oeuvres cinématographiques
diffusées dans l’année se justifie pour préserver le caractère événementiel
de la diffusion du cinéma à la télévision, les règles actuelles ne se
justifient plus - sauf éventuellement le samedi soir - et pourraient être
davantage adaptées aux nouvelles habitudes de consommation de
programmes.
C - La dégradation de la rentabilité des SOFICA et de
la distribution
1 -
Les SOFICA
La dégradation de la rentabilité financière des SOFICA résulte
notamment de ce phénomène de saturation au stade de la diffusion. la
saturation de plusieurs fenêtres d’exploitation a en effet contribué à
dégrader les perspectives de reversement tant des recettes en salle (en
2011, sur les 93 films financés par des SOFICA et sortis en salles, 74, soit
79 %, ont provoqué moins de 500 000 entrées, et 28 d’entre eux, soit
30 % du total, moins de 50 000 entrées) que de celles issues de la
télévision, alors même que cette fenêtre d'exploitation est la principale
pourvoyeuse de recettes pour les SOFICA.
Ce constat révèle une érosion des perspectives d’exploitation des
oeuvres sur ces différentes fenêtres de diffusion.
2 -
La distribution
Les distributeurs constituent un tissu économique hétérogène, qui
assure le préfinancement de la majorité des films français et porte une
part de plus en plus importante du risque dans l’activité de production.
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SOUS TENSION
85
Depuis 2001, le nombre de sociétés de distribution recensées a
augmenté de 77 %, passant de 247 entreprises à 438 entreprises. Cette
forte croissance est majoritairement imputable aux petites structures
distribuant entre un et cinq films par an (inédits et de catalogue), qui
représentent l’essentiel des entreprises de distribution (302 sociétés en
2011, soit 69 % des entreprises du secteur).
Cet accroissement rapide du nombre des sociétés dans un secteur
pourtant risqué doit toutefois être relativisé :
-
il existe un grand nombre de sociétés « dormantes » ne
distribuant aucun film inédit dans l’année. De fait, alors que le
nombre de sociétés croît, la part de sociétés « actives », ayant
distribué au moins un film inédit dans l’année, diminue. Elle
s’élève en 2011 à 29,5 %, soit 10 points de moins qu’en 2002 ;
-
nombreuses sont les entreprises qui ne distribuent qu’un seul
film inédit par an (43 % des sociétés « actives » en 2011), et
certaines sociétés, à durée de vie très limitée, sont même
spécifiquement créées pour assurer la sortie d’un unique film.
Considérées avec les précautions d’usage
95
, les données statistiques
de l’INSEE révèlent le caractère déficitaire de l’activité de distribution
cinématographique en salles. En 2010, le résultat net comptable de
l’ensemble du secteur de la distribution enregistrait une perte de
28,9 M€
96
. Par comparaison, l’édition et la distribution vidéo, qui
réalisent un chiffre d’affaires nettement moins important (782,5 M€, alors
que le chiffre d’affaires de la distribution en salles était de 2,3 Md€ en
2011), dégagent un résultat net comptable positif, s’établissant à 24,4 M€.
Le caractère déficitaire de la distribution des films en salles n’est pas
propre aux sociétés indépendantes : la société Pathé distribution, par
exemple, enregistre régulièrement, elle aussi, des résultats nets
comptables négatifs.
Eu égard au caractère structurellement déficitaire de la distribution
en salles, la quasi-totalité des entreprises du secteur a développé des
95
Si les chiffres de l’INSEE reflètent bien la faible rentabilité de la distribution en
salles, ceux-ci sont établis à partir de l’activité principale déclarée par les sociétés. Les
sociétés de distribution exerçant majoritairement plusieurs activités, certaines ne sont
donc pas incluses dans ces statistiques. Ainsi, la société Gaumont, acteur important de
la distribution, est enregistrée en tant que société de production.
96
D’après les données collectées par l’organisation professionnelle des distributeurs
indépendants réunis (DIRE), la marge réalisée par les distributeurs indépendants au
titre de l’exploitation en salles est négative en 2010, en 2011 et en 2012. Même en ne
retenant que les frais de sortie et les minima garantis (neutralisation des frais de
structure), la marge sur la salle demeure négative pour les exercices 2010 et 2012 : la
recette brute distributeur ne permet pas de couvrir les frais de distribution.
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activités annexes (exploitation des films de catalogue, édition vidéo,
vente à l’international, production, exploitation de salles, etc.).
Par ailleurs, l’augmentation continue de la part des mandats
d’exploitation dans le financement des films d’initiative française au
cours de la dernière décennie traduit, au-delà des « à-valoir » consentis
sur les futures recettes d’exploitation en salles, le développement des
mandats groupés, destinés à capter les recettes sur plusieurs fenêtres
d’exploitation. De fait, l’apport des mandats groupés devient largement
prédominant par rapport à celui des mandats centrés uniquement sur la
salle, ceux-ci atteignant leur plus bas niveau en 2012 (1,7 %).
La pratique des mandats groupés s’accompagne souvent d’une
captation de la recette favorable au distributeur, la « collatéralisation
croisée », qui consiste à garantir et à compenser les éventuelles pertes
d’exploitation du film sur un support de distribution par un droit sur les
gains éventuellement réalisés sur un autre support (par exemple la
garantie des pertes en salles sur les recettes vidéo futures). Si cette
pratique répond à une volonté de lisser le risque pris par les distributeurs,
elle contribue néanmoins, en multipliant les créances opposables, à
éloigner toujours plus le producteur de l’intéressement aux recettes
d’exploitation de son film.
III
-
Les pistes d’adaptation du soutien
Les évolutions qui ont marqué, au cours des dix dernières années,
le système de préfinancement de la production cinématographique font
peser un risque sur la soutenabilité économique de ce modèle, ce qui
justifie de procéder à des infléchissements de la politique de soutien à la
production.
A - Différencier les enjeux de financement
La production cinématographique française se répartit entre
plusieurs catégories de films dont les problématiques, relativement
homogènes pour chacune d’elles, répondent à des enjeux spécifiques qu’il
convient de distinguer.
Principalement financés par les producteurs et les aides publiques à
la production, les films dont le budget est inférieur à 1 M€ ont présenté
une certaine stabilité au cours de la décennie écoulée, tant en proportion
du nombre de films sortis en salles qu’en termes de coûts de production
ou de fréquentation en salles (moins de 2 % de la fréquentation des films
d’initiative française). Compte tenu de l’étroitesse de leurs budgets, les
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SOUS TENSION
87
productions de cette catégorie sont très sensibles au renchérissement de
coûts qui peuvent affecter leurs postes de charges. Parallèlement, l’essor
de la diffusion numérique des contenus représente de nouvelles
perspectives de recettes pour ces films généralement éloignés des grands
circuits de distribution en salles comme de la télévision.
Les films dont le devis est compris entre 1 M€ et 4 M€ voient leur
part dans le nombre de films exposés et dans la fréquentation des films
d’initiative française sortis en salles (entre 5 % et 11 %) demeurer
relativement constante depuis 2002. Majoritairement financés par des
investissements encadrés, ces films sont confrontés à un recul des
investissements des chaînes de télévision, en dépit des clauses de
diversité qui s’imposent à certains diffuseurs. S’élevant à 8 % des devis,
la part de préfinancement assumée par les mandats demeure plus faible
que pour la moyenne des films d’initiative française.
Depuis 2002, les films dont le devis est compris entre 4 M€ et
7 M€ ont diminué en proportion du nombre de films d’initiative française
exposés en salles et en proportion de la fréquentation en salles de ces
films. Majoritairement financés par des investissements encadrés, ils se
caractérisent par la plus faible exposition de fonds propres du producteur
(moins de 25 % des devis en 2012).
Confrontés à la concentration des investissements de certaines
chaînes de télévision vers les films les plus chers et, indirectement, à
l’effet de seuil induit par les clauses de diversité, les films de cette
catégorie
sont
particulièrement
touchés,
par
ailleurs,
par
le
développement des stratégies pluri-mandats des distributeurs, dont la
mise en risque est la plus importante sur cette catégorie de films
intermédiaires. Ne pouvant faire l’économie d’un plan de distribution
conséquent en raison de leurs coûts de fabrication, ils ne peuvent pas pour
autant rivaliser avec la politique d’offre saturante qui caractérise les films
les plus chers.
Cette évolution se reflète dans la distribution des productions qui
bénéficient des garanties de l’IFCIC : si les films dont les devis sont
compris entre 1 M€ et 4 M€ y restent globalement majoritaires, la part
des films dont le devis est compris entre 5,5 M€ et 15 M€ y est
croissante
97
.
97
Entre 2008 et 2011, l’IFCIC a garanti entre 43 % et 55 % des films d’initiative
française. Les films aux budgets inférieurs à 1 M€ ou supérieurs à 15 M€ ne
recourent, quant à eux, que marginalement aux garanties de l’IFCIC, les premiers
étant portés par de petites sociétés faiblement intégrées aux réseaux bancaires et les
seconds par de grandes sociétés de production capables de mobiliser des fonds
propres et des concours bancaires non garantis.
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Les films les plus coûteux, dont le devis dépasse 7 M€, ne sont en
général pas confrontés à un problème de financement. La majorité des
investissements dans la production de ces films n’est d’ailleurs pas
encadrée, et les aides publiques y occupent une place très limitée (moins
de 4 % des devis en 2012). Captant près des deux tiers de la fréquentation
en salles en 2012, ces films présentent des perspectives de recettes
considérées comme suffisantes pour attirer les investissements des
chaînes de télévision et des mandataires, ces deux catégories de parties
prenantes représentant, en 2012, près de 60 % des montants cumulés de
financement sur l’ensemble des devis.
Cette segmentation des budgets des films doit donc être prise en
compte dans la réflexion sur l’adaptation de la politique de soutien à la
production.
B - Adapter les aides publiques
Il s’agit à la fois de moduler le soutien et de clarifier les objectifs et
instruments associés.
1 -
Moduler le soutien selon les besoins de chaque production
Au regard de la segmentation des budgets de production,
l’intervention
publique
gagnerait
à
être
mieux
modulée
pour
accompagner plus efficacement chacune de ces catégories en fonction de
leurs besoins spécifiques et des enjeux qui y sont associés.
Plusieurs instruments pourraient être mobilisés pour soutenir les
films aux budgets les plus modestes (moins de 1 M€), qui pâtissent d’un
manque d’exposition, et, par voie de conséquence, pour en favoriser la
diffusion, alternative ou concomitante à la salle, sur un support de vidéo à
la demande :
-
réorienter les aides à la production vers l’exploitation
numérique
des
films
(constitution
d’une
part
«
vidéo
numérique »
du
soutien
automatique
à
la
production,
majoration des aides sélectives, voire conditionnement de
certaines aides sélectives à l’engagement du producteur de
diffuser le film sur une plate-forme de vidéo à la demande) ;
-
inciter les représentants professionnels à introduire des
dérogations à la chronologie des médias permettant une
anticipation de la diffusion de ces films sur la fenêtre de vidéo à
la demande.
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Les films dont le budget est compris entre 4 et 7 M€, pour leur
part, ont besoin de garantir le maintien de financements privés. Dès lors,
deux instruments de la politique de soutien seraient mobilisables :
-
les aides à la production pourraient comporter, pour cette
catégorie de films, des clauses de conditionnalité tenant à
l’exposition des fonds propres des producteurs, afin d’inciter
aux regroupements de sociétés (niveau minimum de fonds
propres, bonification des aides à la production en cas
d’investissements importants du producteur, etc.) ;
-
les aides à la distribution pourraient être davantage ciblées sur
la consolidation économique du secteur, afin de favoriser le
développement de distributeurs présentant une taille critique
plus importante, susceptibles de préfinancer cette catégorie de
films désormais fragilisée.
Pour accompagner cette évolution, les mécanismes de garantie de
l’IFCIC pourraient viser un effet de levier supérieur. Sans doute les
adaptations apportées en mars 2013 permettent-elles une meilleure prise
en compte de la réalité des risques sur garantie. Cependant, le réglage des
paramètres d’évolution et de gestion du fonds CNC reste très prudent
98
,
alors que son intervention mériterait d’être plus nettement orientée vers
des activités plus innovantes ou plus risquées. Plusieurs paramètres de ce
mécanisme de soutien pourraient ainsi être modifiés (modulation des taux
de garantie, extension des champs d’intervention).
Enfin, pour les films les plus coûteux (plus de 7 M€) l’enjeu
principal concerne l’évolution de leurs coûts de production et de
distribution et, par voie de conséquence, leur tendance naturelle à capter
une part croissante des investissements finançant la production
cinématographique. Dans ce contexte, la politique de soutien pourrait
utilement être infléchie en vue de contrebalancer cette évolution naturelle.
Les aides publiques pourraient ainsi être plafonnées pour les dépenses de
production les plus dynamiques, tandis que la pratique des rémunérations
en participation devrait progressivement être supprimée au profit de
rémunérations fixes et préalablement déterminées, de manière à rendre
plus transparents les coûts de production.
98
Le taux de sinistre (sinistres payés au cours d’un exercice par rapport aux encours
de garantie) a été en 2011 de 0,56 % pour le sous-fonds cinéma et de 0,25 % pour le
sous-fonds audiovisuel, ce qui est par exemple très inférieur aux taux de sinistre des
fonds de garantie gérés par Oséo (BPI France).
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2 -
Mieux différencier les types de soutien
a)
Le soutien à la production
Le soutien automatique et le soutien sélectif constituent deux
modalités d’intervention publique qui visent deux objectifs bien distincts :
-
le soutien automatique confère une prime aux oeuvres qui
rencontrent le succès, incitant les producteurs qui en bénéficient
à réinvestir davantage de fonds dans la production de nouveaux
films ;
-
les aides sélectives sont accordées aux sociétés de production
qui présentent des projets prometteurs, afin de permettre à des
oeuvres innovantes de voir le jour.
L’équilibre à trouver entre ces deux formes de soutien dépend
notamment du diagnostic qui peut être porté sur la situation du secteur
économique de la production. Au cours des dernières années, tout en
restant majoritaire, la part du soutien automatique a décru. Pour les aides
à la production cinématographique, elle est ainsi passée de 65 % à 57 %
entre 2007 et 2012.
L’introduction en 2002 d’un coefficient dégressif dans la part
« salles » du soutien automatique a conduit à minorer l’impact du succès
en salles sur les droits générés au profit du producteur. En application de
ce principe, le soutien accordé à un film ayant peu de succès est
proportionnellement supérieur à celui d’un film à succès. Dès lors que la
vocation première du soutien automatique est la consolidation du secteur
de la production, il n’est pas sûr que cette forme de redistribution,
poussée trop avant, soit le meilleur moyen de répondre à cet objectif. À
tout le moins, le CNC pourrait s’interroger sur le niveau adéquat de
dégressivité de ce mécanisme de soutien.
Pour ce qui est par ailleurs du soutien sélectif, il y a lieu de
constater que parmi les 83 dispositifs d’intervention du CNC, dix
représentent près de deux tiers de l’ensemble des volumes financiers. La
faiblesse unitaire des montants financiers de la plupart des dispositifs
d’aide sélective doit conduire à remettre en question l’opportunité d’une
telle ventilation, au regard des coûts de gestion et de l’efficacité des aides
correspondantes. Le renouvellement de la création cinématographique,
visé par le soutien sélectif, ne peut, en outre, avoir de sens que si, par
ailleurs, les conditions sont réunies ou encouragées pour que ces oeuvres
soient exposées et reconnues. Un arbitrage doit donc être opéré entre le
niveau de sélectivité des soutiens et les capacités de réception par le
public des oeuvres produites.
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91
b)
Le soutien à la distribution
L’importance d’une différenciation plus affirmée des aides est
également très nette dans le champ de la distribution. Compte tenu des
difficultés rencontrées aujourd’hui par ce secteur, la question de la
structuration économique et de l’adaptation des aides publiques qui lui
sont consacrées par le CNC paraît devoir s’imposer.
Calculé par application d’un barème de soutien fortement
dégressif
99
au produit de la TSA sur le prix des places perçue à l’occasion
de l’exploitation des films en salles,
le soutien automatique généré par les
films distribués peut être réinvesti sous deux formes :
-
pour le financement des
minima
garantis d’une part ;
-
pour
la prise en charge de tout ou partie des dépenses de
distribution, d’autre part.
Conçue pour encourager
les distributeurs à participer au
financement de la production cinématographique, l’aide automatique
permet d’amortir le risque en majorant le soutien sur les niveaux de
recettes pour lesquels il est le plus élevé. D’un montant de 18 M€ en
2012, le soutien automatique joue un rôle essentiel dans la structuration
économique du secteur.
Les aides sélectives, qui ont pour objectif de contribuer à la
diversité de l’offre de films en France, apparaissent, quant à elles, très
dispersées, dans leur montant (à l’exception de l’aide au programme,
aucune aide ne dispose d’une enveloppe annuelle supérieure à 800 000 €)
comme dans leur organisation : le maintien de neuf guichets d’aides
sélectives répartis dans trois collèges différents, dont certains bénéficient
à moins de dix sociétés par an, pose question. Une rationalisation tendant
à réduire le nombre de dispositifs mis en oeuvre par le CNC s’impose.
La confusion entre objectifs relevant respectivement du soutien
automatique et du soutien sélectif est patente dans le cas de l’aide à la
structure, qui illustre la difficulté de concilier un mécanisme sélectif avec
un objectif de structuration économique. Conçue pour soutenir les
distributeurs qui, en dépit d’une activité régulière de distribution et une
ligne éditoriale de qualité, présentent une certaine fragilité financière,
cette aide est faiblement dotée (736 000 € en 2010, ayant bénéficié à
21 sociétés).
Un
meilleur
encadrement
de
cette
aide
apparaît
indispensable :
99
À la suite de la réforme de mars 2013, à partir de 1,23 M€ de recettes (soit 200 000
entrées), le taux de soutien passe de 120 % à 25 %.
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COUR DES COMPTES
-
en termes de durée : une aide à la structure parfois versée
pendant dix ans à une même entreprise conduit à émettre des
doutes sur son efficacité financière et comporte un risque de
distorsion de concurrence ;
-
en termes de montant : un meilleur ciblage de cette aide est
souhaitable, dès lors que les modalités d’attribution ne semblent
pas produire d’effet notable sur les résultats financiers des
entreprises aidées.
Plus généralement, les aides sélectives pourraient être recentrées
vers leur objectif premier de promotion de la diversité culturelle.
Dans ce contexte, la notion de distributeur indépendant gagnerait à
être clarifiée. Aujourd’hui, le rapport de la Médiatrice du cinéma, tout
comme les engagements de programmation que prennent les groupements
et circuits de salles, ou encore l’aide à la distribution versée par Canal +,
font en effet référence à la catégorie de distributeurs indépendants, sans
qu’aucune définition en soit clairement établie. Dès lors, un label
« distributeur indépendant » pourrait être attribué par le CNC sur la base
de critères objectifs préalablement déterminés (nature du capital, absence
de liens commerciaux avec les diffuseurs, activité de distribution
régulière et pérenne), de sorte que les soutiens publics puissent être
clairement ciblés sur un objectif préalablement identifié et faire l’objet de
contrôles, y compris par le Parlement.
C - Conforter le rôle d’expertise économique du CNC
L’efficacité du soutien public dépend de sa capacité à identifier
précisément les besoins auxquels celui-ci répond. Cette démarche
implique une connaissance approfondie des réalités économiques et
financières qui sous-tendent l’activité des secteurs du cinéma et de
l’audiovisuel, afin d’être en mesure d’évaluer de manière précise et
vérifiable les effets de la politique publique de soutien à la production
cinématographique.
Cela vaut, tout d’abord, pour le tissu entrepreneurial. Le nombre
d’entreprises opérant dans ces secteurs, leur taille et leur profil d’activités
pourraient être davantage analysés par le CNC, de même que les données
étrangères correspondantes à partir desquelles pourraient être effectuées
des études comparatives de performance avec le système français.
Compte tenu de la complexité croissante de ces secteurs, de la
multiplication des parties prenantes et de l’enchevêtrement de leurs
intérêts, une meilleure connaissance de la réalité de leur situation et de
leur fonctionnement s’impose. La place singulière du CNC, relais
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93
privilégié de la puissance publique et organisme reconnu par les
professionnels, pourrait être davantage développée en ce sens, à la suite
de l’élaboration par l’établissement de l’étude
L’économie des films
français,
rendue publique en janvier 2014. La mise à disposition du
public des données brutes sur lesquelles se fondent ces analyses
permettrait de consolider la confiance dans l’établissement et devrait
constituer pour lui un objectif à moyen terme.
Aujourd’hui, la collecte d’informations pertinentes que devrait
permettre la pratique de contrôles
a posteriori
par le CNC demeure
encore embryonnaire. Si le protocole d’accord interprofessionnel du
16 décembre 2010 a institué « une procédure de contrôle aléatoire de
l’ensemble du coût des oeuvres cinématographiques et des recettes
qu’elles génèrent » portant chaque année sur dix oeuvres choisies par
tirage au sort, les audits réalisés sous l’égide du CNC chez les
producteurs concernés et leurs mandataires n’ont pas encore été publiés à
ce jour.
Tout en mettant en oeuvre des procédures permettant de protéger le
secret des affaires, l’établissement public devrait disposer, au-delà de la
conduite d’audits ponctuels, d’un accès plus ouvert aux informations
économiques relatives aux entreprises qu’il soutient, aux conditions
présidant aux contrats par lesquels elles se lient aux différentes étapes
d’une oeuvre, ainsi qu’aux résultats de son exploitation et au partage des
recettes correspondantes. Outre que l’analyse régulière de ces données ne
peut que favoriser une adaptation au plus juste des dispositifs de soutien
existants, elle est de nature à conforter la dimension stratégique qui
incombe à l’établissement.
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
________
Le modèle de préfinancement qui caractérise la politique de
soutien à la production cinématographique a assuré la mobilisation
d’investissements dans la production des films d’initiative française à
hauteur de près de 1,1 Md€ en 2012. Si elle a permis au cinéma français
de connaître de remarquables succès au cours de la décennie écoulée,
elle présente néanmoins des signes d’essoufflement.
Tout d’abord, la hausse des coûts des films aux budgets les plus
élevés, qui n’est pas propre à la France, fragilise les équilibres de la
chaîne de financement. La responsabilité économique du producteur doit
être mieux identifiée et valorisée. Dans le même temps, le volume de
production présente un déséquilibre croissant avec les capacités de
valorisation économique des films produits. Si, dans son principe,
l’intervention publique est pleinement justifiée pour favoriser la diversité
de la création, elle doit s’accompagner d’une préoccupation constante
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pour les perspectives d’exposition des films, et s’efforcer d’endiguer
l’augmentation des coûts et d’éviter les effets d’aubaine.
La raréfaction des ressources mobilisables, par ailleurs, est due à
une transition désormais bel et bien engagée d’une économie matérielle
dans laquelle la diffusion des contenus cinématographiques suit un
parcours linéaire, de la salle de cinéma aux marchés étrangers, vers une
économie immatérielle reposant sur la disponibilité des contenus et la
variété des modes de consommation. Le financement du système par les
chaînes de télévision, qui constitue l’une des principales sources de
préfinancement du cinéma, risque de représenter une contrainte de plus
en plus forte dans ce contexte, alors que de nouveaux diffuseurs
concurrents font leur apparition, qui ne contribuent aucunement ou que
très marginalement à la production cinématographique.
À terme, l’instauration d’un cadre réglementaire adapté aux
nouveaux usages et aux modes de diffusion délinéarisés et mondialisés
(cf. chapitre IV) constitue une perspective souhaitable, qui amènerait les
nouveaux opérateurs diffusant des images sur internet à financer la
création. Néanmoins, une telle perspective est encore incertaine. Elle ne
dispense pas, pour le court terme, d’agir sur les principales menaces qui
pèsent sur le système de préfinancement : l’augmentation des coûts et la
dégradation des conditions de financement et d’exposition d’une partie
de la production. Deux outils existent à cet effet, le soutien automatique
et le soutien sélectif, qui doivent renouer avec leur vocation propre :
d’une part la structuration assumée du secteur, d’autre part le
renouvellement de la création.
La
Cour,
en
conséquence,
formule
les
recommandations
suivantes :
5.
procéder à des regroupements des aides sélectives à la
production et à la distribution cinématographique et réduire le
nombre de projets éligibles afin d’augmenter le montant
unitaire pour chacun des projets retenus
;
6.
faire bénéficier des activités plus innovantes et plus risquées de
la situation de suréquilibre du fonds cinéma de l’IFCIC ;
7.
lier le calcul du montant de soutien automatique accordé au
niveau des apports en fonds propres du producteur ;
8.
plafonner la prise en charge par le soutien public des
rémunérations les plus élevées ;
9.
neutraliser les rémunérations en participation dans le calcul
des soutiens publics à la production cinématographique ;
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10.
rendre inéligibles aux soutiens publics les films qui recourent
au versement anticipé de compléments de rémunération sous
forme de droit à l’image ;
11.
assouplir le régime des jours pendant lesquels la diffusion
d’oeuvres cinématographiques est interdite sur les chaînes de
télévision.
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Chapitre III
Le soutien à la production
audiovisuelle : des performances sans
rapport avec les montants investis
Alors que la production cinématographique relève majoritairement
d’une économie de l’offre, la production audiovisuelle correspond
davantage à une économie de commande : si les producteurs sont à
l’origine des contenus, leurs projets ne peuvent se concrétiser qu’à la
condition qu’une chaîne de télévision endosse une part, souvent
majoritaire, du financement et des risques en termes de retombée
d’audience.
Ce processus de formation de l'offre et de la demande est marqué
par la confrontation d’intérêts parfois divergents. Du côté de la demande,
le programme audiovisuel s'inscrit pour la chaîne de télévision dans une
stratégie éditoriale visant à se distinguer des chaînes concurrentes et à
fidéliser son audience par la diffusion de contenus exclusifs et fortement
identifiants. Du côté de l'offre, les producteurs, qui souhaitent développer
des projets et les proposer aux éditeurs, demeurent structurellement
dépendants des chaînes et entretiennent en réalité avec elles des relations
proches de celles qui lient un fournisseur à son client.
Dans ce contexte, la politique de soutien à la production
audiovisuelle, inspirée du modèle mis en oeuvre en matière de production
cinématographique, a été définie de façon à corriger les défaillances dans
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la formation de l’offre et de la demande, en orientant les investissements
des diffuseurs vers des contenus de qualité, qualifiés de programmes
audiovisuels patrimoniaux, commandés à des producteurs indépendants
des chaînes de télévision. Cette politique s’appuie sur les deux
instruments essentiels que sont le compte de soutien du CNC et les
obligations d’investissement des chaînes, celles-ci pesant pour plus de la
moitié sur le groupe France Télévisions. Elle a permis de mobiliser près
de 800 M€ d’investissements des chaînes de télévision dans la production
audiovisuelle en 2012 et des aides publiques (CNC, collectivités locales
et crédit d’impôt audiovisuel) à hauteur de 332 M€.
Pour autant, les performances globalement peu satisfaisantes de ce
secteur d’activité, la détention par la France du record européen du plus
fort taux d’exposition et d’audience des séries américaines en première
partie de soirée et les évolutions de consommation des produits
audiovisuels invitent à un réexamen du soutien public. La rigidité de la
politique de soutien empêche en effet de tenir suffisamment compte des
spécificités de la production audiovisuelle : l’emploi des leviers à
disposition des pouvoirs publics a été orienté vers un soutien quantitatif à
la production plutôt que vers l’aide à la création et la satisfaction
d’attentes du public en évolution rapide.
I
-
La priorité donnée à la production
indépendante
L’organisation de l’activité de production audiovisuelle peut
relever de deux modèles :
-
la production déléguée, correspondant au modèle d’activité qui
prévaut en France pour le cinéma, suppose que l’entreprise de
production, indépendante des diffuseurs, prenne l’initiative et la
responsabilité
financière,
technique
et
artistique
de
la
réalisation de l’oeuvre, en garantisse la bonne fin, et se
rémunère sur son exploitation puisqu’elle est alors détentrice de
sa propriété et des droits qui en découlent ;
-
la production exécutive consiste pour une entreprise à réunir, à
l’initiative d’un diffuseur qui la mandate et la rémunère à cette
fin, les moyens techniques et artistiques pour assumer la
fabrication d’une oeuvre dont elle ne détient pas la propriété ni
les droits afférents, ceux-ci appartenant au diffuseur pour le
compte duquel elle travaille. La rémunération du producteur
exécutif est donc définie à un niveau fixé préalablement, même
s’il peut parfois être intéressé aux résultats d’exploitation de
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RAPPORT AVEC LES MONTANTS INVESTIS
99
l’oeuvre. C’est, au plan international, le modèle dominant de
réalisation des programmes audiovisuels.
La réglementation de la production française a privilégié le
premier modèle, en n’autorisant que marginalement les chaînes de
télévision à recourir à la production exécutive pour la réalisation de leurs
programmes et en faisant du producteur le propriétaire ultime des droits
d’exploitation des oeuvres.
Pour autant, le système qui en est résulté constitue une variante
dégradée de la production déléguée, dès lors que la rémunération que les
producteurs audiovisuels tirent de l’exploitation des oeuvres est
de facto
nulle ou très faible, tandis que ceux-ci sont maintenus dans une forte
dépendance économique par rapport aux diffuseurs. Ce modèle, rigide au
regard des besoins des chaînes, est aujourd’hui source de tensions
importantes entre les producteurs et les diffuseurs.
A - Une politique publique née avec la libéralisation de
l’audiovisuel
La réglementation et les différents mécanismes de soutien à la
production audiovisuelle mis en place à la fin des années 1980 ont
répondu à la nécessité de créer un tissu productif privé appelé à prendre le
relais de l'appareil public de production audiovisuelle. Alors que prenait
fin le système de production intégrée de la Société française de
production (SFP), issu de l’éclatement de l’ORTF, la prise en
considération de la concurrence internationale croissante et le constat de
l'incapacité du système français à produire un volume de programmes
suffisant justifiaient, aux yeux des pouvoirs publics de l’époque, la
constitution d’entreprises de production diversifiées et indépendantes, à
même de garantir la diversité culturelle et la circulation des programmes
au moment où commençaient à se multiplier les chaînes de télévision.
Cet objectif était au coeur de la loi du 30 septembre 1986, qui a
prévu que la production dans laquelle les éditeurs de services
audiovisuels étaient désormais obligés d’investir devait être « en tout ou
partie indépendante à leur égard ».
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100
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La définition de la production indépendante
L’indépendance de la production audiovisuelle prévue par les textes
s’apprécie en fonction des critères suivants :
- l’indépendance est fonction de la part détenue, directement ou
indirectement, par l’éditeur de services ou par le ou les actionnaires le
contrôlant, au capital de l’entreprise qui produit l’oeuvre. Les décrets
d’application fixent cette part à 15 % ;
- à ce critère s’appliquant à la société de production s’ajoute celui de
l’indépendance de l’oeuvre produite. Il est considéré comme rempli lorsque
l’éditeur de services ne détient pas, directement ou indirectement, une part de
producteur dans l’oeuvre en question (sauf, depuis novembre 2013, s'il a
financé une part substantielle de l'oeuvre), et ne prend pas personnellement ou
ne partage pas solidairement l’initiative et la responsabilité financière,
technique et artistique de la réalisation de l’oeuvre, ni n’en garantit la bonne
fin, c’est-à-dire qu’elle n’assume pas le rôle de producteur délégué.
B - Des conséquences profondes sur le modèle de
soutien public
Le développement des chaînes de télévision privées au début des
années 1980 a conduit les pouvoirs publics à considérer que le jeu de
l’offre et de la demande entre les nouveaux acteurs – chaînes de
télévision et producteurs privés – devait être régulé, afin de parer aux
risques de dérive qu’il contenait en germe : dénaturation des contenus du
fait
d'une
dépendance
économique
trop
forte
des
producteurs,
standardisation des programmes, appauvrissement de la diversité
culturelle, disparition des programmes de stock au profit des programmes
de flux, générateurs de plus d'audience. Dans ce contexte, le système
français de soutien à la production audiovisuelle s'est efforcé d'infléchir le
comportement économique des chaînes et de limiter leur emprise sur les
programmes produits.
En même temps qu’on imposait aux chaînes d’investir dans la
production indépendante, a été créé en 1986 le compte de soutien aux
industries de programmes (COSIP), fonds financé par une taxe sur les
diffuseurs.
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101
Les objectifs alors assignés au COSIP sont de concourir à
l’enrichissement de l’offre de programmes en valorisant la production
patrimoniale, de favoriser l’innovation à la télévision, d’améliorer la
capacité de proposition des entreprises de production en leur assurant
l’accès à un financement indépendant des diffuseurs et de renforcer la
structuration du secteur de la production. Outre ces objectifs explicites,
les aides du CNC ont également pour fonction de diminuer, pour les
chaînes, le coût relatif de la production nationale par rapport aux
programmes acquis sur le marché international.
Les décrets « Tasca », en janvier 1990, sont venus compléter cet
édifice en obligeant les chaînes de télévision à orienter une part
substantielle de leurs investissements vers la production patrimoniale
indépendante, selon un taux variable en fonction de la nature de la chaîne.
À la différence d'autres États européens qui, tels le Royaume-Uni
ou l’Allemagne, ont fait le choix de promouvoir un modèle de production
audiovisuelle intégrée aux diffuseurs, la France a donc cherché, par sa
politique de soutien, à conforter la séparation que l’éclatement de l’ORTF
avait conduit à instituer entre les chaînes de télévision et les producteurs.
Le dispositif réglementaire et le système d’aide qui y est associé
visent à mettre les entreprises privées de production en situation d’opérer
comme des producteurs délégués. À cette fin, ils s’efforcent d’accroître et
de préserver leur responsabilité artistique et financière, tout en leur
garantissant des conditions minimales de rémunération. Leur mise en
oeuvre repose sur un principe de non-discrimination dans le choix des
productions financées par les diffuseurs. Ce principe est inscrit dans les
conventions avec le CSA et figure, pour Canal +, dans ses engagements
vis-à-vis de l’Autorité de la concurrence
100
et, pour France Télévisions,
dans les obligations de son cahier des charges.
L'investissement des chaînes de télévision sous forme de
coproduction a fait l'objet d'un encadrement encore plus strict, visant à
prémunir les producteurs, au nom de la logique qui sous-tend leur
indépendance, contre toute concurrence déloyale de la part des chaînes de
télévision. Cette règle s'est exprimée de manière absolue en matière
d'investissements audiovisuels depuis 2001, une chaîne de télévision ne
pouvant détenir, directement ou indirectement, de parts de coproduction
dans les oeuvres financées au titre des obligations d'investissement dans la
production indépendante. La puissance de marché dont jouissent les
grandes chaînes de télévision (88 % des dépenses de production des
100
Lors du rachat de TPS en 2006 ou, plus récemment, en application des injonctions
publiées le 23 juillet 2012.
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102
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diffuseurs proviennent de six chaînes
101
) a également été contrebalancée
par une limitation des droits acquis par celles-ci en contrepartie de leurs
investissements
102
.
Les révisions des décrets « Tasca » intervenues en 2001 et en 2010
ont étendu les droits des producteurs indépendants, en modifiant la durée
de détention par les chaînes de télévision des droits d'exploitation et en
imposant que les mandats de commercialisation d'une oeuvre financée par
une chaîne de télévision fassent l'objet de contrats distincts.
II
-
Un environnement changeant, un soutien
important
A - Un paysage audiovisuel en pleine reconfiguration
La multiplication des chaînes du câble et du satellite à partir des
années 1990, puis, à partir de 2005, le développement des nouvelles
chaînes de la TNT gratuite ont profondément modifié le paysage
audiovisuel français. Alors qu’il n’existait, au début des années 1990, que
six chaînes gratuites et 16 chaînes payantes, on en compte aujourd’hui
237 au total (et 154 chaînes locales), dont la plupart sont diffusées sur le
câble, le satellite, l’ADSL, la fibre optique ou le mobile. En 2012, 62 %
des foyers sont équipés en TNT, 46 % ont accès à la télévision par
l’ADSL.
En conséquence, le poids des chaînes hertziennes historiques a
fortement diminué au cours des deux dernières décennies : les parts
d’audience de TF1 et de France 2, dont la somme atteignait 61,1 % en
1995, n’est plus que de 37,6 % en 2012. Les chaînes de la TNT gratuite
ont atteint, en sept ans d’existence, 22 % de part d’audience annuelle
103
.
Les ressources financières drainées par l’ensemble des chaînes de
télévision sont marquées par une relative stagnation en euros constants.
101
France 2, France 3, TF1, Arte, Canal +, M6 (données 2012).
102
Cf. par exemple l’accord du 22 octobre 2008 entre France Télévisions et les
syndicats de producteurs, qui limite à 48 ou 36 mois la durée des droits détenus sur les
oeuvres de fiction selon le niveau de contribution de la chaîne à leur financement (plus
ou moins 50 % du coût de production).
103
Hors chaînes locales. Données CSA d’après Médiamétrie.
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103
Graphique n° 16 : recettes des chaînes de télévision de 2001 à 2011,
en milliards d’euros
Source : données CNC d’après CNC, DGMIC, IREP et sociétés. Les
financements publics incluent la part dédiée à la télévision de la contribution
à l’audiovisuel public, y compris les remboursements des dégrèvements, et la
dotation budgétaire de l’État.
Cependant l’augmentation des recettes tirées des abonnements aux
chaînes payantes et l’augmentation de la contribution à l’audiovisuel
public ne doivent pas masquer la baisse, en euros constants, des recettes
publicitaires. En outre, la répartition de ces dernières a connu une forte
inflexion au profit des chaînes de la TNT : alors que celles-ci
représentaient 6 % du marché publicitaire brut des chaînes de télévision
en 2007, elles en constituent 34 % en février 2013
104
. TF1 indique avoir
vu son chiffre d’affaires publicitaire baisser de 18,3 % entre 2007 et
2012
105
.
Pour autant, les chaînes hertziennes historiques concentrent
toujours 81,5 % des investissements dans la production audiovisuelle
inédite en 2012. Si les chaînes privées gratuites de la TNT réalisent près
du quart de l’audience de la télévision (23,1 % en 2011), leurs
investissements dans la production audiovisuelle aidée par le CNC,
104
Baromètre du marché publicitaire, CNC, février 2013.
105
Rapport du Sénat,
Production audiovisuelle : pour une politique industrielle au
service de l’exception culturelle
, M. Jean-Pierre Plancade, mai 2013, p. 33.
0
500
1 000
1 500
2 000
2 500
3 000
3 500
4 000
2003
2006
2009
2012
Recettes publicitaires
Abonnements
Financements publics
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104
COUR DES COMPTES
quoiqu’en croissance rapide, ne représentent que 2 % des investissements
totaux des chaînes
106
.
Les bouleversements intervenus dans le secteur de l’image au
cours de la dernière décennie incitent donc à s’interroger sur le devenir
des obligations d’investissement des chaînes de télévision. En effet, il
paraît probable que la contribution des chaînes de télévision hertzienne
historiques ne pourra se maintenir durablement au même niveau, compte
tenu du décrochage vraisemblablement durable de leurs recettes
publicitaires et de la dégradation de la valeur de marché des oeuvres
cinématographiques.
B - Des contributions cumulées d’un montant inégalé en
Europe
Le dispositif de soutien à la production audiovisuelle à travers les
investissements orientés des chaînes de télévision (près de 800 M€) et les
aides publiques (260 M€ pour le CNC et 22 M€ pour les collectivités
territoriales, auquel s’ajoute le coût du dispositif de crédit d'impôt
accordé aux producteurs, soit 50 M€), est unique en Europe dans son
principe et dans son volume
107
.
Les investissements des chaînes de télévision dans la production
audiovisuelle au titre de leurs obligations ont atteint 797,5 M€ en 2012,
en hausse de 43 % sur la période 2001-2012.
106
L’économie de la télévision 2002-2011
et
La production audiovisuelle aidée en
2012
, CNC.
107
Le rapport de l’Observatoire européen de l’audiovisuel consacré en 2004 aux
Aides publiques aux oeuvres cinématographiques et audiovisuelles en Europe présente
le dispositif français comme « le plus important programme de soutien à la production
audiovisuelle en Europe », devançant très largement en montant les rares fonds
existants (Bavière, Catalogne et Communauté française de Belgique).
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105
Tableau n° 7 : évolution des investissements des chaînes de télévision
dans la production audiovisuelle patrimoniale entre
2001 et 2012 (en M€ courants)
2001
2006
2012
2001-2012
Chaînes hertziennes gratuites
(hors nouvelles chaînes TNT)
516,2
674,2
650,0
26 %
Chaînes payantes
41,3
70,1
95,1
130 %
dont chaînes thématiques du câble
et du satellite
27,1
26,3
40,8
50 %
dont Canal+
14,2
43,8
54,3
283 %
Chaînes de la TNT créées après
2000
-
4,3
31,6
-
Services audiovisuels en ligne
-
-
4,4
-
Chaînes locales
8,0
16,4
-
Total
557,5
756,6
797,5
43 %
Source : Cour des comptes d'après données CNC. La contribution des chaînes LCP et
Public Sénat (930 000 € en 2012), n’est pas prise en compte.
La répartition de ces financements révèle un paysage contrasté,
marqué par l'importance du groupe France Télévisions, principal
financeur du secteur (avec plus de la moitié des investissements) et dont
les apports ont augmenté de 35 % en euros constants au cours de la
période 2001-2012.
La production audiovisuelle fait également l'objet d'un soutien
financier significatif du CNC (260 M€ en 2012). Avec un montant
d’environ 80 M€ par an, les aides consacrées à la fiction ont peu évolué
en valeur absolue depuis vingt ans (elles atteignaient 79 M€ en 1991),
tandis que le montant accordé aux autres genres a fortement crû, le
documentaire devenant en 2011 le premier genre aidé, devant la fiction.
Regroupées sous l’appellation de compte de soutien aux industries
de programmes audiovisuels (COSIP)
108
, les aides du CNC prennent trois
formes différentes :
-
un soutien automatique (« subvention de réinvestissement »),
attribué aux entreprises ayant produit des oeuvres agréées par le
108
Décrets n° 95-110 du 2 février 1995 et n° 98-35 du 14 janvier 1998.
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106
COUR DES COMPTES
CNC comme oeuvres de référence diffusées au cours de l’année
précédente et bénéficiant d'un apport important d'un diffuseur
français
109
; le montant de l'aide accordée dépend de la durée de
diffusion du programme et d’un coefficient pondérateur qui
varie par genre en fonction du montant des dépenses effectuées
en France ;
-
un soutien sélectif (« subvention d’investissement »), réservé
aux sociétés de production ne disposant pas de compte
automatique, versé sur avis d’une commission composée de
professionnels ;
-
des
avances
(« subvention
de
réinvestissement
complémentaire »), pour les sociétés disposant d’un compte
automatique mais dont le montant est insuffisant pour financer
le réinvestissement dans une nouvelle production ; l’octroi de
cette aide, après évaluation de la situation financière de
l’entreprise, est subordonné aux mêmes conditions que le
soutien automatique, son montant est plafonné en fonction du
soutien
préalablement
accordé,
et
les
avances
sont
remboursables à hauteur de 50 % de leur montant.
Les aides automatiques, qui représentent l’essentiel des aides à la
production (170 M€ en 2012), ont pour objectif de « consolider
l’industrie des programmes audiovisuels », selon les termes du document
de performance du CNC. Les aides sélectives doivent, pour leur part,
« contribuer à la diversité de l’offre de programmes », sous la forme de
subventions (85 M€) à de nouveaux entrants dans le secteur de la
production audiovisuelle.
Par
ailleurs,
anticipant
les
nouveaux
besoins
susceptibles
d’émerger de la diffusion des contenus audiovisuels en ligne, le CNC a
créé, en complément des aides du COSIP, de nouveaux dispositifs de
soutien spécifiques, destinés à accompagner le renouvellement des
formats et des genres audiovisuels (formats plus courts, programmes
trans-médias, création transformative
110
, possibilités d’interaction avec le
public, etc.) :
-
l’utilisation du COSIP a été étendue aux travaux d’écriture et
de développement préalables à la production (8 M€ ont été
versés à ce titre en 2012 pour 470 projets) ;
109
La part du diffuseur doit être au moins égale à 25 % de la part française du
financement, et composée d'une part de numéraire supérieure à 9 000 € de l'heure.
110
Les oeuvres transformatives, encore mal appréhendées par le droit de la propriété
intellectuelle, correspondent à une pratique culturelle née des possibilités de
reproduction, de découpage et de modification offertes par les outils numériques.
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107
-
deux dispositifs d'aides sélectives ont été créés dans les
domaines de l’animation et de la fiction, en vue de favoriser la
fabrication de pilotes pour des projets difficiles ou de
conception nouvelle (1,2 M€ ont été versés dans ce cadre en
2012) ;
-
le compte de soutien automatique a été étendu aux nouveaux
médias par décret du 1
er
avril 2011 : le « Web COSIP » permet
de faire bénéficier du soutien automatique les productions
financées exclusivement par un site ou un éditeur de services
internet, sans apport d’un diffuseur télévisuel, selon un barème
similaire à celui du soutien automatique aux programmes
destinés à la télévision. Les aides versées dans ce cadre
atteignent 2,2 M€ en 2012 (inclus dans le total indiqué plus
haut) pour 41 programmes, dont la moitié sont des captations
ou des recréations de spectacle vivant ;
-
dans le cadre des nouveaux dispositifs d'aides sélectives
déployés en faveur des nouveaux médias, le fonds d’aide à
l’innovation audiovisuelle et le fonds d’aide à la création pour
les nouveaux médias visent à favoriser la recherche de
nouvelles écritures et de nouveaux talents pour la création
d’oeuvres audiovisuelles à caractère innovant. Ils peuvent
bénéficier aux auteurs ou aux entreprises de production.
Tableau n° 8 : évolution des aides versées par le CNC à la production
audiovisuelle entre 2001 et 2012 (en M€)
2001
2007
2010
2011
2012
2001/
2012
Aides à la production et au
développement (COSIP)
187
191
231
229
255
36 %
Soutien automatique
123,7
135,5
162,2
154,2
170,3
38 %
dont Web COSIP
-
-
-
1,2
2,2
-
Soutien sélectif et avances
63,3
55,5
68,4
75,1
84,7
34 %
dont soutien sélectif
-
45
47,1
52,6
58,1
-
dont avances
10,5
21,3
22,4
26,6
-
Aide aux pilotes de fiction et
d'animation
-
-
-
1,1
1,4
-
Aide à l'innovation audiovisuelle
-
-
0,9
2,7
3
-
Total
187
191
232
233
260
39 %
Source : Cour des comptes d’après CNC. Ne sont pas prises en compte : l’aide aux
coproductions franco-canadiennes, l’aide aux vidéomusiques et les aides versées à des
associations au titre de la promotion des programmes audiovisuels, soit 4,1 M€ en 2012.
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108
COUR DES COMPTES
C - Une importance cruciale dans le plan de
financement des programmes
À l'exception notable de l'animation, le financement de la
production audiovisuelle fait intervenir majoritairement les chaînes de
télévision et le CNC. Le plan de financement des programmes
audiovisuels de fiction et de documentaire repose ainsi, à plus de 50 %,
sur les investissements des chaînes de télévision. Ajoutées aux aides du
CNC, ces sommes - dont la grande majorité est encadrée
111
- représentent
entre 70 % et 80 % des plans de financement.
Tableau n° 9 : répartition du financement des programmes
audiovisuels de fiction, de documentaire et d'animation en 2012
Fiction
Documentaire
Animation
Producteurs français
9,0 %
15,8 %
20,7 %
Préventes en France
0,8 %
0,1 %
3,0 %
Diffuseurs
70,1 %
51,5 %
27,3 %
SOFICA
0,1 %
0,1 %
1,6 %
CNC
10,7 %
20,1 %
20,2 %
Coproductions étrangères
4,9 %
3,5 %
12,8 %
Ventes et préventes à l'étranger
9,2 %
5,5 %
33,4 %
Autres
2,3 %
8,0 %
4,0 %
Source : Cour des comptes d'après données CNC. Les totaux dépassent 100 % car
sont inclues les ventes à l’étranger, qui ne contribuent pas directement au
financement de la production. Les oeuvres de captation et recréation de spectacle
vivant (14 % des heures aidées par le CNC) sont financées en moyenne à 35 % par le
diffuseur, à 29 % par le CNC et à 26 % par le producteur.
L'apport
des
producteurs
français
demeure
minoritaire,
particulièrement dans la fiction où il ne dépasse pas 9 % du budget. Les
apports internationaux, sous forme de coproductions comme de
préventes, ont baissé dans tous les genres jusqu’en 2009 et occupent, à
l'exception de l'animation, une place marginale dans le plan de
financement des programmes.
111
Seuls les investissements d'Arte, d'un montant de 44 M€ en 2012, ne relèvent pas
des obligations réglementaires, mais d’un contrat d’objectifs et de moyens.
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109
III
-
Une efficacité économique incertaine
Alors même qu’en matière audiovisuelle, l’économie générale de
l’intervention publique vise à promouvoir l’indépendance artistique des
producteurs vis-à-vis des diffuseurs, le modèle de financement qui
découle des obligations des chaînes et des aides du CNC entretient, dans
la
pratique,
un
tissu
fragmenté
de
sociétés
de
production,
économiquement dépendantes des commandes des chaînes.
La place des diffuseurs dans le financement de la production
audiovisuelle, croissante au cours des années 2000, invite à s’interroger
sur la pertinence des choix de politique publique. En effet, malgré une
aide massive, unique en Europe, la production audiovisuelle n’a pas
enregistré les succès d’audience, ni les ventes à l’exportation espérées. La
France détient, par exemple, le record européen du plus fort taux
d’exposition et d’audience des séries américaines en première partie de
soirée. Le CNC pourrait donc être invité à recentrer le soutien
automatique sur l’objectif de structuration de la filière et à orienter les
aides sélectives moins sur la diversité des créateurs que sur le
renouvellement de la création.
A - L’échec de la structuration économique de la filière
Dès la création du COSIP, la structuration du secteur de la
production a figuré parmi les objectifs que le CNC devrait poursuivre.
Réservé aux producteurs ayant déjà produit et diffusé des oeuvres
audiovisuelles sur des chaînes établies en France, le dispositif de soutien
automatique, largement majoritaire au sein du COSIP, devait en principe
contribuer à une consolidation graduelle des sociétés de production. C’est
d’ailleurs la raison pour laquelle le CNC indique avoir fait le choix, en
matière audiovisuelle davantage que dans le secteur cinématographique,
de privilégier le soutien automatique, « plus significatif et structurant
pour le secteur, plutôt que (…) le soutien sélectif qui favorise la
multiplication de petites structures de production »
112
. La stratégie
constamment poursuivie depuis lors vise, par le jeu des critères
d'éligibilité et de mobilisation des dépenses, à réserver l'accès au soutien
automatique aux sociétés qui semblent en mesure d’avoir une activité de
production suffisante et à les inciter à investir rapidement leur droit de
tirage sur le compte de soutien obtenu dans de nouvelles productions.
112
Compte rendu du conseil d’administration du 7 avril 2011.
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110
COUR DES COMPTES
Près de trente ans après l'adoption de la loi du 30 septembre 1986,
l'objectif de structuration économique de la production audiovisuelle n'a
pas été atteint, alors même qu’en raison des besoins croissants induits par
l'exploitation de l'offre télévisuelle et par la multiplication des nouveaux
diffuseurs, la hausse du volume d'oeuvres aidées a été spectaculaire (de
526 heures en 1986 à 5 151 heures en 2012, soit un quasi-décuplement).
Or, seule l’émergence de producteurs puissants est en mesure de donner
son véritable sens à la notion de production indépendante, en réduisant la
dépendance économique dans laquelle se trouvent placées les entreprises
de production, pour la plupart trop petites, vis-à-vis des quelques groupes
qui structurent le paysage audiovisuel français.
Les données du CNC font ainsi état d'une augmentation importante
du nombre de sociétés de production audiovisuelle de programmes de
stock, passé de 497 en 1996 à 844 en 2012
113
.
Graphique n° 17 : évolution du nombre de sociétés de production
audiovisuelle depuis 2003
Source : Cour des comptes, d'après Insee (Sirene), CNC et Observatoire de la
production audiovisuelle et cinématographique en Île-de-France (avril 2013). Les
données du stock d'entreprises au 01/01/2012 sont
provisoires.
113
CNC,
Les entreprises de l'audiovisuel, résultats 1996-2000
et L
a production
audiovisuelle aidée en 2012
.
0
1 000
2 000
3 000
4 000
5 000
6 000
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
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LE SOUTIEN À LA PRODUCTION AUDIOVISUELLE : DES PERFORMANCES SANS
RAPPORT AVEC LES MONTANTS INVESTIS
111
Leur nombre réel est sans doute supérieur, l'approche du CNC
n'identifiant que les sociétés de production « actives », c'est-à-dire celles
qui ont perçu au moins une aide dans l'année.
L'observatoire de la production audiovisuelle et cinématographique
en Île-de-France répertorie quant à lui, sur l'ensemble du territoire, 2 272
entreprises de production audiovisuelle ayant employé au moins une
personne au cours de l’année 2012, ce nombre ayant doublé en dix ans
(1 066 entreprises en 2001). Enfin, les données de l'INSEE, qui incluent
les sociétés de production de programmes de flux, font état de 4 813
entreprises en 2012, comme le montre le graphique ci-dessus.
Si la réalité se situe vraisemblablement entre les données du CNC
et celles de l'observatoire précité, l'ensemble des analyses disponibles
illustre néanmoins l'existence d'un secteur industriel de plus en plus
morcelé, voire atomisé, dans lequel une part importante de sociétés
n'exerce pas d'activité régulière. Cette atomisation du tissu productif est
particulièrement significative dans le secteur du documentaire : le nombre
d’entreprises de production actives y était de 610 en 2012 d’après le CNC
(contre 491 en 2005), dont 596 producteurs indépendants totalisant près
de 90 % du volume de documentaires aidés.
Toutefois, les données relatives au nombre de sociétés ne reflètent
pas parfaitement le degré de concentration du secteur, en raison du rôle
joué par les groupes. Le CNC a modifié en conséquence son indicateur de
performance en 2012, en prenant en compte les liens capitalistiques entre
les sociétés de production audiovisuelle. Il n’en reste pas moins que, sur
le marché international de la production et de l'exportation des
programmes audiovisuels, les groupes français sont loin de figurer parmi
les premiers, alors même qu'ils bénéficient des volumes d’investissement
encadrés parmi les plus élevés au monde. Ainsi, le palmarès des quarante
premières sociétés de production européennes sur la période 2006-2010
met en évidence la faible présence des entreprises françaises : seules huit
y figurent, dont la première, Telfrance, apparaît à la neuvième place
114
.
À titre de comparaison, l'Allemagne, qui recense 300 entreprises
de production audiovisuelle
115
, figure au quatrième rang de ce classement
(avec l'entreprise UFA Films), par ailleurs dominé par des sociétés
britanniques.
La multiplication du nombre d’entreprises n’empêche pas une
relative concentration des commandes sur un petit nombre d’entre elles :
6,3 % des 1 999 sociétés de production audiovisuelles répertoriées en
114
Observatoire européen de l’audiovisuel – Annuaire 2011 tome 2.
115
Source : ambassade de France en Allemagne.
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112
COUR DES COMPTES
2006 (soit 126 sociétés) réalisaient 62,5 % du chiffre d’affaires du
secteur, et 8,8 % des entreprises de production audiovisuelles (soit
63 entreprises) fournissaient, en 2007, 50 % des durées de production
116
.
Les aides du CNC ont un effet ambivalent sur la structuration
économique du secteur. Entre 2007 et 2012, la croissance du volume de
soutien automatique versé aux sociétés de production (+ 26 %) a été plus
forte que l’augmentation du nombre de sociétés bénéficiaires (+ 17 %).
Néanmoins, entre 2001 et 2012, la part de soutien automatique notifiée
aux dix premières sociétés a décru. Il semble donc que le dispositif de
soutien automatique n’ait guère d’influence sur le renforcement du tissu
productif, d’autant que, parallèlement, avec ses aides sélectives, le CNC
encourage l'apparition de nouvelles sociétés.
B - Un risque de dévoiement
1 -
Des obligations de production détournées de leur objet
Les coûts de production ayant peu évolué au cours des dix
dernières années
117
, l'augmentation des investissements des chaînes de
télévision dans la production audiovisuelle traduit principalement une
progression du volume de production liée à la multiplication des canaux
de diffusion. Poursuivant une tendance déjà à l’oeuvre au cours de la
décennie précédente, les documentaires et, dans une moindre mesure, les
captations de spectacles vivants demeurent les principaux bénéficiaires de
cette évolution, comme cela ressort du graphique ci-dessous.
116
Ibid
., citant
Statistiques d’entreprises des industries culturelles
- Ministère de la
Culture et de la Communication (DEPS) / (EAE) INSEE / Sessi – décembre 2008. La
différence de données avec le graphique retraçant ci-dessus le stock de sociétés de
production audiovisuelle tient à l’utilisation de données au périmètre légèrement
différent, l’INSEE ayant modifié sa nomenclature d’activités au cours de la période
(NAF Rév1 de 2001 à 2007, NAF Rév2 ensuite), ce qui ne permet pas, notamment,
d’obtenir une série homogène concernant les sociétés de postproduction audiovisuelle.
117
Entre 2002 et 2012, le devis horaire moyen a baissé de 5 % pour les fictions et de
7 % pour les programmes d'animation et les captations de spectacle vivant, mais
augmenté de 12 % pour les documentaires et de 20 % pour les magazines.
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RAPPORT AVEC LES MONTANTS INVESTIS
113
Graphique n° 18 : évolution du volume horaire de programmes
audiovisuels aidés entre 1992 et 2012 (en heures)
Source : Cour des comptes, d'après données CNC.
Cette évolution est corroborée par celle des investissements, qui,
tout en étant importants dans la fiction, passant de 512 à 667 M€ entre
1992 et 2012, baissent sensiblement en part relative : sur la même
période, ils sont passés de 68 à 47 % des investissements totaux.
Liée, pour partie, à l'émergence des nouvelles chaînes de la TNT et
à leur participation croissante au financement de la production
audiovisuelle, la forte augmentation des volumes produits dans le
documentaire et le spectacle vivant résulte de l’arbitrage réalisé par les
chaînes
de
télévision
privées
en
vue
d'optimiser
la
contrainte
d'investissement qui pèse sur elles.
Pour autant, les programmes de documentaire et de spectacle
vivant ne représentent qu'une part mineure des grilles de programmes
118
et
sont relégués, pour la plupart d'entre eux, à des cases horaires de faible
audience
119
. La plupart des chaînes françaises partagent une stratégie
éditoriale reposant, en matière de programmes patrimoniaux, sur une
offre de fiction majoritairement américaine, dont l'acquisition correspond
118
En 2011, les documentaires représentaient 11 % de l'offre de programmes des
chaînes nationales gratuites et 5 % du temps d'écoute des téléspectateurs.
119
En 2011, moins de 15 % des documentaires produits étaient diffusés en première
partie de soirée sur les chaînes nationales. Bon nombre de documentaires, diffusés au
sein de magazines, peuvent cependant être exposés à des horaires plus favorables.
0
1 000
2 000
3 000
4 000
5 000
6 000
1992
1995
1998
2001
2004
2007
2010
documentaire
magazine
spectacle vivant
animation
fiction
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114
COUR DES COMPTES
à des investissements qui ne sont, par définition, pas éligibles aux
obligations réglementaires. Ainsi, les séries américaines représentent
94 % des fictions diffusées en première partie de soirée sur M6 en 2012,
61 % sur TF1 et 47 % sur Canal + ; cette part est de 39 % sur France 2.
2 -
Le documentaire, un genre de plus en plus soutenu en raison
d’une définition extensive
La progression des volumes de documentaires aidés au cours des
dernières années - près de 2 900 heures produites en 2012, niveau jamais
égalé - n’est pas en rapport avec leur audience (11,5 % de l’offre de
programmes des chaînes nationales gratuites en 2012 pour une audience
de 5,7 %) ni avec leurs perspectives d’exploitation sur d’autres supports
(le chiffre d’affaires du documentaire en vidéo était de 23 M€ en 2011
contre 627 M€ pour la fiction et 133 M€ pour l’animation)
120
.
L’augmentation du volume de documentaires est allée de pair avec
un élargissement de l’acception du genre qu’ont permis, en dépit des
précisions apportées pour restreindre leur périmètre, des interprétations
relativement larges de la définition des oeuvres éligibles au COSIP
121
.
Cette notion d’intérêt culturel est employée de manière très
extensive, notamment dans le cas des documentaires de société, souvent
intégrés à des magazines. En témoigne ainsi le soutien accordé à des
productions comme
Appels d’urgence : la beauté sur ordonnance
,
documentaire commandé en 2006 par TF1 (soutien automatique :
42 000 € sur un devis de 152 000 €, soit 28 %),
Tellement vrai – Les
excès de la chirurgie esthétique
en 2011 sur la chaîne NRJ12 (28 500 €
d’aide sur un budget de 72 000 €, soit 40 %),
À chacun son histoire : elles
vivent seules
diffusé en 2011 sur Direct 8 (22 000 € sur un budget de
72 000 €, soit 31 %) ou encore
Parent solo cherche l’amour
, en 2011 sur
M6 (36 000 € sur un devis de 133 000 €, soit 27 %).
Or les documentaires de société représentent 58 % du volume total
des documentaires aidés en 2012
122
et, pour certaines chaînes, une part
importante de l’offre de documentaires (184 programmes aidés pour la
chaîne NRJ 12, 472 sur France 2, France 3 et France 5, 116 sur M6).
120
Cf.
Le marché du documentaire en 2012
réalisée par le CNC et
Le marché de la
vidéo
, CNC, dossier n° 321, mars 2012.
121
Ce sont des « oeuvres présentant un intérêt particulier d’ordre culturel, social,
technique, scientifique ou économique, appartenant aux genres de la fiction, de
l’animation, du documentaire de création, de la recréation ou captation de spectacles
vivants, du magazine présentant un intérêt culturel et des vidéomusiques ».
122
En 2012, les documentaires traitant de géographie et de voyages représentaient
9 % du volume total, les programmes historiques 7 % et le spectacle vivant 5 %.
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RAPPORT AVEC LES MONTANTS INVESTIS
115
Cette évolution se trouve accentuée par l’apparition des nouvelles
chaînes privées gratuites de la TNT qui se traduit par une forte
augmentation des documentaires à bas coût : leurs investissements ont
rapidement progressé pour atteindre, en 2012, 9 % des apports de
l’ensemble des chaînes, correspondant à 19 % du volume horaire de
documentaires (0,5 % en 2007).
À la suite du rapport remis en mars 2012,
Le documentaire dans
tous ses états
, le CNC a annoncé en janvier 2014 une réforme du système
d'aide aux documentaires, qui devrait permettre de « mieux répartir les
aides en fonction de la valeur artistique », sur la base d’une majoration du
soutien versé en fonction des efforts de développement réalisés par la
société de production, du temps de fabrication de l’oeuvre, du temps de
montage ou de la recherche de financements internationaux. Une telle
réforme devra conduire à une vigilance accrue sur la définition du
documentaire de création.
3 -
Une rigueur insuffisante des commandes de l’audiovisuel
public
Lors de son dernier contrôle de France Télévisions, la Cour a
montré que « le régime juridique applicable aux achats de programmes
audiovisuels ne favorise ni la transparence, ni la concurrence, et constitue
une exception au sein du corpus réglementaire de la commande
publique ». Elle soulignait aussi que « le dialogue singulier qui s’établit
entre administrateurs et producteurs, mais aussi en amont entre
responsables artistiques et producteurs, ne favorise pas la transparence,
alors que le parcours professionnel de ces différents intervenants les
conduit souvent à évoluer d’un côté et de l’autre de ces fonctions
123
».
Depuis lors, plusieurs avancées notables sont intervenues : la
politique d’audits des comptes de programmes mise en oeuvre
124
a permis
d’obtenir des renégociations de certains prix de vente, en particulier des
programmes de flux. L’avenant au contrat d’objectifs et de moyens signé
en novembre 2013 inclut une disposition relative à la déontologie et à la
123
Cour des
comptes,
Rapport publique thématique : France télévisions et la
nouvelle télévision publique.
La Documentation française, octobre 2009, 230 p.,
disponible sur
www.ccomptes.fr
.
124
Cf. l’accord du 22 octobre 2008 relatif au financement de la production
audiovisuelle patrimoniale indépendante signé entre France Télévisions et le syndicat
des producteurs de films d’animation (SPFA), le syndicat des producteurs
indépendants (SPI) et l’union syndicale de la production audiovisuelle (USPA). Le
contrat d’objectifs et de moyens d’Arte 2012-2016 prévoit également un contrôle des
coûts des productions et des audits annuels de 15 % de la production et des achats.
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COUR DES COMPTES
transparence dans les relations avec les producteurs, afin de garantir la
rigueur et l’indépendance des choix éditoriaux.
Il reste cependant à veiller à la formalisation rigoureuse des
procédures d’achat concernant les programmes de stock, afin que soient
garanties la traçabilité des processus décisionnels et la transparence des
choix. De même, il importe que soit étendu à ces programmes l’usage de
la banque de données des coûts mise en place pour les programmes de
flux, afin que les chaînes du groupe disposent de tous les éléments de
comparaison nécessaires lorsqu’elles négocient avec un producteur.
Les commandes de France Télévisions sont adressées à un nombre
de sociétés de production bien supérieur à celui que l’on peut observer
pour les autres chaînes hertziennes historiques : en 2012, 130 sociétés ont
concouru à produire de la fiction pour France Télévisions, alors que TF1
travaille dans ce domaine avec 20 producteurs par an, dont 16 sociétés
indépendantes, et M6 avec 8 producteurs, dont 5 indépendants. Cette
politique ne figure pas parmi les objectifs du contrat d’objectifs et de
moyens ou du cahier des charges
125
.
Le morcellement de ces investissements paraît difficilement
justifiable car il ne peut qu’aller à l’encontre de la constitution
d’entreprises puissantes que la tutelle devrait inciter l’audiovisuel public à
encourager.
C - La fiction française : une baisse de la performance,
des évolutions en cours
Avec un coût de production de 667,4 M€ en 2012, la fiction, qui ne
représente que 15 % du volume de production, concentre à elle seule près
de la moitié des investissements dans la production audiovisuelle.
1 -
Un secteur peu performant
Après plusieurs décennies de succès, la deuxième partie des années
2000 a été globalement marquée par une dégradation continue des
résultats d’audience et d’exportation des fictions françaises, au détriment
des programmes étrangers, notamment américains. Depuis 2010, l’offre
de fiction étrangère, majoritairement américaine, est plus abondante que
l’offre de fiction française en première partie de soirée sur les chaînes
nationales historiques. La fiction américaine de 52 minutes, qui comptait
125
Cet objectif existait dans le précédent contrat d’objectifs et de moyens. Son cahier
des charges impose désormais seulement à France Télévisions « d’assurer la diversité
des investissements de la société dans la production audiovisuelle ».
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LE SOUTIEN À LA PRODUCTION AUDIOVISUELLE : DES PERFORMANCES SANS
RAPPORT AVEC LES MONTANTS INVESTIS
117
en 2005 pour 7 % des cent meilleures audiences de l’année sur les chaînes
françaises, en représentait 90 % en 2010. L’augmentation du nombre de
soirées
de
fiction
étrangère
est
d’ailleurs
moins
imputable
à
l’augmentation de la fiction américaine qu’à celle de la fiction
européenne non française et de la fiction d’autres nationalités,
essentiellement canadienne
126
. Cette situation distingue la France de ses
voisins européens : alors que les fictions nationales constituent les dix
meilleures audiences de l’année au Royaume-Uni, en Allemagne, en Italie
ou en Espagne, les fictions françaises sont, de manière récurrente,
minoritaires parmi les dix meilleures audiences de fiction en France
127
.
Graphique n° 19 : nombre de fictions françaises et étrangères parmi
les 50 meilleures audiences de l’année, de 1998 à 2012
Source : données CNC d’après Médiamétrie (ensemble de la journée, 4 ans et plus).
Les faibles performances de la fiction française concernent
principalement la programmation grand public de journée et de première
partie de soirée, certaines formes d’écriture et de contenus (en particulier
le modèle des héros récurrents des chaînes historiques) ayant connu des
échecs flagrants. Alors que les fictions de 52 minutes, prépondérantes
parmi les oeuvres importées, constituent 93 des cent meilleures audiences
de fiction en première partie de soirée en 2012, la production française est
restée longtemps marquée par le poids relatif important, quoiqu’en baisse,
des fictions de 90 minutes (44 % du volume horaire en 2002, 24 % en
2012).
Au-delà des effets liés à l’évolution de ces formats, le volume de
fiction française produite reste particulièrement faible : il était de
924 heures en 1990 et n’atteint que 768 heures en 2012.
126
CNC,
La diffusion de la fiction à la télévision en 2011
.
127
Lettre n° 274 du CSA, septembre 2013.
0
10
20
30
40
50
1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012
Fiction étrangère
Fiction française
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118
COUR DES COMPTES
2 -
Des évolutions en cours
La situation de la production audiovisuelle française de fiction
n’apparaît
pas
pour
autant
compromise.
Marquée
par
un
fort
renouvellement générationnel, celle-ci dispose aujourd’hui de nombreux
atouts : écoles de formation, qualité des industries techniques, chaînes de
télévision ayant engagé une démarche volontariste de soutien à la fiction
de qualité. Les bons résultats rencontrés depuis quelques années par les
séries de format court en avant-soirée
128
et la fiction de première partie de
soirée
129
illustrent d’ailleurs les perspectives de croissance que présente
un tel secteur sur le marché national et à l’exportation. Dans ce contexte,
l’amélioration récente des résultats à l’exportation de la fiction française
(ventes et coproductions) est encourageante
130
.
Accompagnant cette évolution, le CNC a modifié, en 2012, les
coefficients de soutien à la production de fiction, sans opérer de réel
revirement puisqu’il s’est agi de « favoriser le renouvellement et
l’installation des séries sans pénaliser la production des unitaires ». Cette
réforme augmente le niveau de l’aide dans la phase de démarrage pour la
production de séries et instaure une dégressivité des aides au-delà d’un
certain volume produit. Elle introduit enfin une bonification spécifique
pour les premiers épisodes de séries de 45 à 52 minutes sur au moins six
épisodes. Compte tenu des délais de mise en production de ces
programmes, il est encore difficile d’en tirer un bilan. On remarque
cependant un léger infléchissement dans les formats : en 2012, la fiction
de 52 minutes devient le premier format de fiction avec 26,7 % des
heures aidées
131
.
Largement documentée, la faiblesse de la fiction française aux
stades de l’écriture et du développement a conduit à modifier les
obligations d’investissement des chaînes pour y remédier. Les dépenses
en écriture et développement peuvent, explicitement depuis 2001, être
comptabilisées au titre de ces obligations. En outre, un système de
bonification pour les dépenses d’écriture n’ayant pas débouché sur une
production a été institué. Des objectifs chiffrés en la matière figurent
128
Scènes de ménage, Soda, Fais pas ci, fais pas ça, etc.
129
Les Revenants, Ainsi soient-ils, Engrenages, Un village français, etc.
130
L’exportation des programmes audiovisuels français à l’étranger en 2012
,
CNC/TVFI, septembre 2013.
131
Devant le 26 minutes (26,3 %), le 90 minutes (24,2 %) et le format court (22,8 %).
La production audiovisuelle aidée en 2012
, CNC.
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RAPPORT AVEC LES MONTANTS INVESTIS
119
désormais dans les contrats d’objectifs et de moyens de France
Télévisions et d’Arte
132
.
Une réforme du soutien du CNC à la production de fiction a par
ailleurs été engagée en 2012, dans le but de favoriser l’investissement sur
les étapes préliminaires à la mise en production. Elle vise à élargir les
possibilités d’emploi du soutien automatique à ce titre. Cette incitation a
eu un effet visible, mais limité : le montant total des aides au
développement d’oeuvres audiovisuelles a atteint 8 M€ en 2012, contre
6 M€ en moyenne par an entre 2003 et 2012, ce qui reste faible.
IV
-
Une réorientation nécessaire
La promotion d’une offre de contenus audiovisuels créatifs et
variés ainsi que d’un appareil productif national aux performances
accrues pourrait être plus directement visée par le soutien public. À cet
effet, le régime des obligations des chaînes devrait constituer pour ces
dernières un cadre mieux ciblé, plus incitatif, et davantage orienté vers la
meilleure exploitation des programmes dans leur diversité. Les soutiens
apportés par le CNC, pour leur part, pourraient être plus nettement
orientés vers les buts qui sont en principe déjà les leurs : la consolidation
du secteur et l’aide au renouvellement de la création.
A - Un meilleur ciblage des obligations d’investissement
1 -
Le recentrage sur la production d’oeuvres audiovisuelles
patrimoniales
Conçues pour garantir un niveau de production audiovisuelle
nationale élevé et permettre la naissance de structures productives
indépendantes et compétitives, les obligations d’investissement des
chaînes de télévision ont dupliqué, dans le secteur audiovisuel, un
dispositif d’abord imaginé pour le cinéma. Ce faisant, le régime des
obligations a permis, pendant près de trente ans, d'alimenter la
programmation télévisuelle en programmes variés d'intérêt culturel, pour
l'essentiel en langue originale française.
132
Une charte du développement a été adoptée par France Télévisions le
4 juillet 2011. Le contrat d’objectifs et de moyens prévoit que la part des dépenses de
production consacrée à l’écriture et au développement est supérieure à 2 % à partir de
2011, puis chaque année supérieure à l’année précédente. Celui d’Arte prévoit une
proportion de 3,8 % en 2013 (4 % en 2016).
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120
COUR DES COMPTES
Comme on a pu le voir, ce régime manque aujourd'hui une partie
de ses objectifs : il contribue à entretenir un tissu industriel fragmenté
limitant, dans les faits, l’indépendance des producteurs que le législateur
souhaitait promouvoir. En outre, l’ouverture du paysage audiovisuel à de
nouvelles chaînes, dont l’économie est plus fragile, a eu pour effet
d'orienter leurs investissements encadrés vers les genres les moins
coûteux.
Sous réserve d’une adaptation du niveau de contribution des
éditeurs de services, une réduction du régime des obligations aux seules
oeuvres patrimoniales, pour l’ensemble des diffuseurs, accompagnée d’un
resserrement de la définition de ces oeuvres, paraît de nature à viser plus
directement l’objectif de production et de diffusion de contenus français
et européens qui conservent, après leur première diffusion, une valeur
économique et culturelle significative.
Afin de prévenir et de limiter les dérives et d’assurer la diversité
des genres produits, la Cour recommande donc de limiter les obligations
en matière de production audiovisuelle qui sont imposées aux diffuseurs
au seul registre des oeuvres patrimoniales
133
, en adaptant en conséquence
le niveau de contribution de ceux-ci. Elle recommande aussi de parvenir,
en concertation entre le CNC et le CSA, à une définition plus sélective du
documentaire susceptible d’être défini comme une oeuvre audiovisuelle et
donc soutenu et comptabilisé au titre des obligations
134
.
2 -
L’introduction de souplesse dans les bases de calcul
Pour
autant,
la
réduction
du
régime
des
obligations
d’investissement aux seules oeuvres audiovisuelles patrimoniales ne doit
pas faire obstacle à la nécessaire conciliation de l’intérêt économique des
chaînes avec leur contribution à la création audiovisuelle. Une souplesse
accrue dans le choix de la période de référence et de la base de calcul de
ces obligations permettrait aux éditeurs d’arbitrer entre différentes
modalités de contrainte, et d’adapter leur mise en oeuvre à leurs modèles
économiques et à leurs choix éditoriaux.
La possibilité a été ouverte, lors des négociations qui ont conduit à
la révision des décrets « Tasca » en 2010, de comptabiliser les obligations
d’investissement dans la production audiovisuelle au niveau des groupes
133
Ce n’est pas le cas pour toutes les chaînes, la chaîne M6 ayant notamment la
possibilité de faire comptabiliser au titre de ses obligations d’investissement des
programmes de flux.
134
Décret n° 90-66 du 17 janvier 1990, 3° de l’article 27 de la loi du 30 septembre
1986 et décret n° 95-110 du 2 février 1995.
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RAPPORT AVEC LES MONTANTS INVESTIS
121
audiovisuels plutôt que de les calculer à l’échelle de chaque chaîne
135
. Il
est sans doute possible de comptabiliser également au niveau du groupe
les obligations en matière cinématographique, au besoin en généralisant
les clauses de diversité pour limiter les phénomènes de concentration sur
quelques oeuvres aux budgets très élevés.
Le calcul des obligations d’investissement sur le chiffre d’affaires
de l’année en cours, plutôt que sur le chiffre d’affaires de l’exercice
précédent, est jugé techniquement faisable par le CSA, et permettrait
d’adapter plus finement ces obligations aux évolutions du cycle
économique, qui se traduisent notamment dans les recettes publicitaires.
Les possibilités, déjà ouvertes aujourd’hui, de report d’une fraction des
obligations d’un exercice sur l’autre offriraient la possibilité de s’en
acquitter avec la souplesse nécessaire.
Concernant l’audiovisuel public, compte tenu de la complexité des
calculs de l’assiette, et pour sécuriser le maintien d’un investissement
élevé dans un contexte d’incertitude sur ses recettes à la suite de la
suppression de la publicité après 20 heures, le choix a été fait d’inscrire
une obligation en valeur absolue dans le contrat d’objectifs et de moyens
de France Télévisions. Cette décision a été entérinée en 2009 par une
disposition législative
136
. En vertu de l’avenant signé en novembre 2013,
le montant de ces obligations s’établira désormais à 400 M€ pour la
création audiovisuelle et à 57 M€ pour le cinéma, sans qu’il soit certain
que cette évolution corresponde à la réalité économique dans un contexte
de réduction des ressources de la télévision publique. De même, Arte
s’est vu assigner dans son contrat d’objectifs et de moyens des objectifs
chiffrés en valeur absolue pour l’ensemble de son engagement dans la
production audiovisuelle, cinématographique et multimédia européenne
(78,5 M€ en 2013, 86 M€ en 2016).
135
La lettre de mission adressée par le Président de la République à la ministre de la
culture et de la communication le 1
er
août 2007 prévoyait en effet « une remise à plat
des dispositions législatives et réglementaires qui s’appliquent au secteur de
l’audiovisuel », dont l’objectif devait être de « supprimer les incohérences croissantes
de la législation actuelle et de permettre l’émergence de groupes de communication
audiovisuelle français de premier plan, capables de structurer une industrie française
puissante des contenus et d’affronter les nouveaux défis liés à la multiplication des
canaux de distribution ».
136
Article 28 de la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009.
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122
COUR DES COMPTES
La Cour a déjà eu l’occasion de souligner
137
que « le financement
de la production est moins le reflet d’une stratégie industrielle du groupe
que d’un mode de régulation du secteur de la production audiovisuelle par
l’État à travers ses entreprises publiques. Ces exigences particulières
ajoutent aux objectifs de service public assignés à France Télévisions des
obligations de moyens, qui répondent aux enjeux économiques d’un
secteur distinct et souvent contradictoires avec les intérêts du
groupe ».
Le risque de l’application de cette obligation de moyens est en
effet la déconnexion entre ces investissements imposés et les besoins
effectifs des chaînes du service public. Sans être une solution idéale, la
règle de la proportionnalité qui vaut pour les diffuseurs privés est plus
opérante
que
la
révision
ponctuelle,
par
avenant,
du
montant
contractuellement fixé.
En tout état de cause, il n’apparaît pas souhaitable de conserver, de
façon pérenne, la définition d’obligations d’investissement en valeur
absolue. Les obligations des chaînes du service public gagneraient au
contraire à être définies seulement en proportion de leur chiffre d’affaires,
afin de garantir une évolution du montant de ces engagements qui soit
conforme à leurs besoins de programmation et indexée sur la capacité des
diffuseurs publics à les honorer.
3 -
Un cadre juridique à simplifier
Plus généralement, le cadre juridique des obligations gagnerait à
être simplifié. La révision en 2010 des décrets de 1990 modifiés en 2001
a été précédée d’une large concertation avec les professionnels du secteur
de l’audiovisuel
138
. Bien que la transposition réglementaire d’accords
professionnels permette sans doute de rendre compte au plus près de
l’évolution des attentes de chacune des parties prenantes, elle comporte
aussi l’inconvénient d’aboutir à une réglementation extrêmement
complexe, qui entérine une disparité de situations entre les différents
types d’éditeurs et l’équilibre des forces en présence lors de la
négociation des textes.
Cette complexité ne cesse de s’accroître, par l’effet de plusieurs
facteurs :
-
chaque chaîne fait valoir lors de la négociation les contraintes
liées à sa programmation spécifique et sollicite donc un
137
Cour des comptes,
Rapport public thématique : France Télévisions et la nouvelle
télévision publique
. La Documentation française, octobre 2009, 230 p., disponible sur
www.ccomptes.fr
138
Décrets n° 2010-416 du 27 avril 2010 et n° 2010-747 du 2 juillet 2010.
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123
traitement particulier – cette différenciation ayant abouti, dans
le décret du 2 juillet 2010, à faire figurer des dispositions qui ne
sont applicables qu’à un seul diffuseur
139
;
-
le paysage de la diffusion se renouvelle du fait de l’arrivée
d’autres chaînes, répondant à des typologies inédites et dont les
décrets ne peuvent anticiper les modalités d’assujettissement
aux obligations ;
-
les opérateurs nouveaux, qui n’étaient pas représentés par les
organisations professionnelles parties aux accords précédents,
ne peuvent être assujettis à ce régime sans une nouvelle
négociation
140
.
Ainsi que le regrette le CSA, la liste des dépenses prises en compte
au titre de l’obligation d’investissement, outre qu’elle diffère selon la
nature des diffuseurs (services en clair, services payants de cinéma et
autres services payants), est désormais très hétérogène à l’intérieur de
chacune de ces catégories
141
. En outre, à mesure que la réglementation se
modifie, les assiettes de calcul des obligations d’investissement
concernant
la
production
cinématographique
et
la
production
audiovisuelle ne sont plus harmonisées. Pour le seul calcul des
obligations d’investissement dans la production audiovisuelle, les décrets
permettent par exemple aux éditeurs de déduire de leur chiffre d’affaires
net ou de leurs ressources totales nettes certaines recettes de promotion
(« échanges marchandises »). À l’inverse, les recettes issues de la
télévision de rattrapage sont prises en compte dans l’assiette de la
contribution à la production audiovisuelle depuis 2010, mais pas dans
celle de la contribution à la production cinématographique, alors même
qu’une offre cinématographique, certes encore peu développée, existe sur
ce canal de diffusion. L’accumulation des strates de réglementation peut
également conduire à créer des zones de discontinuité dans leur
application
142
.
Alors que les décrets pris pour son application ont, ainsi que la loi
de 1986 le rappelle, pour seul objet de fixer « les principes généraux
139
L’article 26 du décret n° 2010-74, qui distingue les services diffusant chaque année
plus ou moins 150 heures de captation ou de recréation de spectacles vivants aux
heures de grande écoute, détermine ainsi les situations respectives de Paris Première
et de TF6.
140
À titre d’exemple, aucun régime de contribution spécifique n’est prévu dans le cas
où naîtrait une chaîne musicale en TNT payante.
141
Deux années d’application de la réglementation de 2010 relative à la contribution
des éditeurs de services de télévision au développement de la production
audiovisuelle
, janvier 2013.
142
Ainsi, aucune disposition en faveur de la production inédite n’est applicable à un
éditeur de services en clair dont le chiffre d’affaires se situerait entre 300 et 350 M€.
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124
COUR DES COMPTES
définissant
les
obligations »,
leur
niveau
de
détail
s’est
donc
considérablement accru à mesure des révisions successives. Il n’est donc
pas étonnant d’y trouver des dispositions qui ne sont pas du niveau
réglementaire mais qui mériteraient seulement de figurer dans les
conventions des chaînes avec le CSA.
Le degré de complexité atteint est tel que, lors de l’examen des
textes en 2010, le Conseil d’État a adressé une note au Gouvernement
pour faire part de sa crainte de voir cette complexité, qui soulève de
graves questions « d'effectivité et d'adaptation au monde très évolutif de
la communication audiovisuelle », nuire à l'intelligibilité du texte, rendre
plus difficile son application et son contrôle et faire obstacle à
l’évaluation précise de la performance de ses différentes prescriptions,
tout en fragilisant la sécurité juridique et en faisant peser un risque sur le
principe d'égalité devant le régime des obligations
143
.
Il y a lieu de se demander si les objectifs poursuivis justifient une
telle complexité. Dès lors, la prochaine révision de la réglementation
pourrait être saisie comme une occasion de distinguer plus nettement,
parmi les obligations des éditeurs de contenus, ce qui relève
respectivement de la loi (le principe des obligations), du décret en Conseil
d'État (leur niveau), de la convention passée avec l'autorité de régulation
(la déclinaison de ces obligations pour chaque chaîne) et de l'accord entre
professionnels (les travaux préparatoires à l’adoption des textes).
Au-delà de ces aménagements de court terme, une réflexion doit
être menée sur l’avenir des obligations assignées aux diffuseurs dans le
cadre d’une économie numérique mondialisée (cf. chapitre IV).
B - Un meilleur équilibre à trouver entre producteurs et
diffuseurs
1 -
L’explicitation de la marge des producteurs
Le modèle de financement de la production audiovisuelle pousse
aujourd’hui les producteurs à se rémunérer au stade de la production, via
la marge qu’ils en retirent, plutôt que par l’exploitation de l’oeuvre. Les
clauses d’audience, permettant une rémunération du producteur en
fonction de la popularité du programme, sont rares en matière de
programmes de stock et demeurent peu incitatives. La revente sur un
second marché, après la première phase de diffusion exclusive, est
faiblement
rémunératrice.
Les
producteurs
audiovisuels,
qui
ne
remplissent généralement pas la ligne « marge producteur » dans les
143
N° 383.906, séance du mercredi 26 mai 2010.
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RAPPORT AVEC LES MONTANTS INVESTIS
125
informations communiquées au CNC, se rémunèrent donc sur les
dépenses prévisionnelles des programmes, figurant dans les postes « frais
généraux » et « imprévus » des devis.
L’absence de normalisation des devis accentue le manque de
transparence en la matière, qui n’est pas encore résolu par les démarches
ponctuelles de définition de normes et d’audits
a posteriori
diligentés par
certaines chaînes. Alors que l’accord du 16 décembre 2010 relatif à la
transparence dans la filière cinématographique, étendu à toute entreprise
de production cinématographique par l’arrêté du 7 février 2011, a permis
de préciser les notions qui président à la définition des coûts, des recettes
et des modalités d’amortissement des oeuvres, chaque chaîne négocie en
matière audiovisuelle son propre contrat-type avec les syndicats de
producteurs. Il reste donc encore à concevoir un référentiel professionnel
commun.
2 -
L’enjeu de l’exploitation des oeuvres
L’explosion des modes de diffusion confère aux droits attachés à
l’exploitation des oeuvres le caractère d’une ressource rare dont le
contrôle et la valorisation deviennent un enjeu central pour les acteurs du
système. Les chaînes ont donc pour objectif la constitution de catalogues
et la maîtrise des droits, via l’acquisition et l’exploitation dans la durée de
programmes identifiants.
À cet effet, les diffuseurs revendiquent une évolution du droit qui
leur permettrait de disposer d’une plus grande maîtrise des oeuvres
audiovisuelles financées, que ce soit en termes de supports de diffusion,
de nombre de diffusions ou de possibilité de valorisation des oeuvres à
l’exportation, alors que le régime actuel a pour effet de concentrer les
droits dans les mains des producteurs. La chaîne Arte estime ainsi que,
« à l’heure où la rareté ne réside plus dans les moyens de diffusion, mais
dans les moyens de production, la réglementation pesant sur les chaînes
privées (relative aux liens capitalistiques avec les sociétés de production
et aux parts de coproduction qui peuvent être détenues) n’est plus
forcément adaptée
144
»
.
Les producteurs ne sont pas de cet avis. Ils soulignent que le
transfert d’une part plus importante de droits de diffusion aux groupes
audiovisuels comporte un risque en matière de circulation des oeuvres, car
elle peut amener ceux-ci à geler les droits d’oeuvres qu’ils ont contribué à
financer et qu’ils craignent de voir diffusées sur une chaîne concurrente.
144
Audition du 11 janvier 2013 devant la mission conduite par M. Pierre Lescure sur
l’exception culturelle à l’ère du numérique.
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126
COUR DES COMPTES
Le président de France Télévisions a d’ailleurs reconnu que, « dans une
situation concurrentielle exacerbée, les diffuseurs seront amenés à freiner
la circulation des oeuvres dans lesquelles des sommes considérables ont
été investies, et qui constituent pour nombre d’entre elles une marque
identitaire
145
».
Les producteurs s’inquiètent donc de voir les groupes
audiovisuels concentrer leurs investissements dans quelques oeuvres
susceptibles de rassembler un maximum de spectateurs, tout en limitant
leur circulation par une appropriation croissante des mandats de diffusion.
Le droit existant est néanmoins susceptible d'apporter des garanties
suffisantes à la circulation des oeuvres, à condition d'être pleinement
appliqué : pour accroître la fluidité de la circulation des droits sur les
oeuvres, notamment entre éditeurs historiques et éditeurs de la TNT, les
dispositions réglementaires confient aux accords professionnels la
responsabilité de déterminer l’étendue des droits cédés par les
producteurs aux diffuseurs, par genre d’oeuvres audiovisuelles.
Aujourd’hui, les limitations du délai d’exploitation des oeuvres et
du nombre de diffusions autorisées permettent en principe aux sociétés de
production de proposer leurs oeuvres sur le second marché et de maîtriser
le degré d’exposition des oeuvres et donc la préservation de leur
attractivité. Une clause de libération anticipée des droits a été introduite
dans les obligations de certains diffuseurs, afin d’équilibrer les
revendications d’exclusivité de la diffusion et de rapidité de circulation
des programmes. N’étant pas coproducteur de l’oeuvre, l’éditeur n’a de
maîtrise sur le destin ultérieur de l’oeuvre qu’à travers la clause de
premier refus
146
.
Si elle est devenue plus fluide au sein des groupes de chaînes, la
circulation des oeuvres sur le marché secondaire au-delà de la première
phase
d’exclusivité
reste
cependant
très
limitée
entre
groupes
audiovisuels, et les chaînes non adossées à un diffuseur hertzien
historique
rencontrent
des
difficultés
d'accès
aux
oeuvres
147
.
En
conformité avec les dispositions du code de la propriété intellectuelle
148
,
le décret du 1
er
avril 2011 a d’ailleurs introduit une obligation, pour les
145
Lettre à la ministre de la culture et de la communication du 13 décembre 2007.
146
En vertu de l’accord signé le 22 octobre 2008 avec les syndicats de producteurs,
France Télévisions dispose par exemple, à l'issue de sa période de droits, d'un droit de
premier et de dernier refus sur le rachat de droits de diffusion sur les fictions qu'elle a
commanditées et pour lesquelles son apport est supérieur à 50 % du budget.
147
Contribution à la réflexion sur la circulation des oeuvres audiovisuelles
, CSA,
juillet 2010.
148
Article L. 132-27 du code de la propriété intellectuelle : « Le producteur est tenu
d'assurer à l'oeuvre audiovisuelle une exploitation conforme aux usages de la
profession ».
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127
entreprises de production, « d'assurer une exploitation durable de l'oeuvre
en cohérence avec sa vocation patrimoniale ». La définition plus précise
de cette obligation reste à établir par les organisations professionnelles.
L'ouverture de la négociation, prévue par la loi
149
, devrait donc être
engagée dans les meilleurs délais.
3 -
Le choix du modèle de production
Dans ce contexte, la possibilité récemment ouverte
150
pour les
chaînes de détenir des parts de coproduction, y compris sur leurs
investissements dans la production indépendante, en contrepartie d’une
limitation de la détention de certains mandats par leurs filiales de
distribution, pourrait permettre de parvenir à un équilibre entre la volonté
des chaînes de s’approprier certaines séries constitutives de leur marque
et l’objectif de circulation des programmes sur différents supports de
diffusion.
Le rapport rendu le 17 décembre 2013 par M. Laurent Vallet à la
ministre de la culture et de la communication trace les grandes lignes de
ce nouvel équilibre. Dans le respect des principes énoncés par l’Autorité
de la concurrence
151
, et sous l’égide du ministère de la culture et de la
communication et du CSA, il appartient désormais à la négociation
professionnelle de déterminer la nature et la durée des droits de diffusion
détenus par les éditeurs en fonction de leur niveau de contribution
financière, les critères de définition de l’oeuvre indépendante ainsi que
l’éventuelle participation des chaînes, en tant que coproducteurs, au coût
de la recherche et développement qui incombe aujourd’hui entièrement
aux producteurs indépendants.
Ces évolutions devraient permettre de distinguer plus clairement
des notions trop souvent confondues, telles que l’indépendance artistique
des producteurs vis-à-vis des diffuseurs, l’indépendance capitalistique des
sociétés de producteurs par rapport aux groupes audiovisuels, et
l’indépendance des oeuvres, définie en fonction de la détention ou non de
parts de coproduction par les chaînes de télévision.
149
Loi n° 2009-669 du 12 juin 2009 : « Les organisations représentatives des
producteurs, les organisations professionnelles d'auteurs et les sociétés de perception
et de répartition des droits […] peuvent établir conjointement un recueil des usages de
la profession. » Cf. le rapport de Pierre Lescure,
Contribution aux politiques
culturelles à l’ère numérique
, 2013, p. 69.
150
Loi du 15 novembre 2013 relative à l’indépendance de l’audiovisuel public.
151
Décisions n° 99-D-85 du 22 décembre 1999 (TF1) et 12-DCC-101 du
2 juillet 2012 (Vivendi et Groupe Canal Plus).
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128
COUR DES COMPTES
Plus largement, les réflexions sur ce sujet ne peuvent être
dissociées de la problématique plus générale du modèle économique de
production audiovisuelle.
Le modèle qui prévaut aujourd’hui cumule en effet à la fois les
inconvénients de la production déléguée (incertitude du producteur sur sa
rémunération, absence d’association de la chaîne de télévision à
l’exploitation de l’oeuvre)
152
et ceux de la production exécutive
(dépendance économique du producteur vis-à-vis des chaînes, faible
incitation des diffuseurs à l’innovation). Or cette ambiguïté freine le
développement d’une production audiovisuelle qui bénéficierait d’une
marge commerciale claire en échange d’une cession de droits, tout autant
que le développement d’un modèle de production audiovisuelle
volontairement risquée, financée à son coût de revient par la chaîne mais
pour laquelle le producteur serait détenteur des droits secondaires et ferait
le choix de se rémunérer grâce aux recettes d’exploitation ultérieures. Les
discussions interprofessionnelles à engager ne devraient donc pas
s’interdire d’évoquer le choix de modèle plus large de production
audiovisuelle.
C - Un enjeu d’orientation et de niveau des aides
publiques
La politique de soutien aux oeuvres audiovisuelles s’appuie sur un
ensemble d’aides dont l’accès est très ouvert et qui favorise la création de
nouvelles entreprises. Sans remettre en cause le principe d’aides versées
sous une forme automatique ou sélective, une réorientation n’en paraît
pas moins nécessaire pour atteindre plus efficacement les objectifs de
cette politique. Celle-ci passe notamment par un resserrement des
conditions d’octroi de ces aides et par une adaptation des programmes à
la demande française et internationale.
152
La réglementation a ouvert en 2010 la possibilité d’un droit à recettes pour
l’éditeur, même en l’absence de détention de part de producteur. Compte tenu des
délais de mise en production et d’exploitation des oeuvres, l’impact de la mesure ne
peut être encore pleinement apprécié, mais celle-ci risque de rester lettre morte si les
relations entre éditeurs et producteurs concernant les comptes de gestion des
programmes financés ne gagnent pas en transparence.
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129
1 -
Une efficacité limitée des aides, simple accompagnement des
commandes des chaînes
Le CNC considère que le producteur doit pouvoir s’appuyer sur les
aides à la production audiovisuelle pour « conserver une capacité de
proposition et de lancement des projets » et garantir « une liberté
éditoriale forte dans ses discussions avec les diffuseurs, au bénéfice de la
création et de son renouvellement ».
Ce dispositif de soutien soulève néanmoins deux questions au
regard de son efficacité :
-
dans la mesure où il ne représente, en particulier dans la fiction,
qu’une faible fraction du financement des oeuvres, il emporte
un effet potentiel d’aubaine pour des oeuvres qui peuvent déjà
structurellement compter sur l’apport d’un diffuseur ;
-
dès lors qu’il s’inscrit dans une politique contrainte de
commande
des
chaînes
liée
à
leurs
obligations
d’investissement, il risque finalement de s’apparenter à une
subvention venant en atténuation de la charge qui pèse sur
celles-ci, sans emporter d’effets notables sur la structuration et
la compétitivité du secteur de la production.
Dans les faits, les aides octroyées par le CNC suivent, voire
accentuent, la structure de commande des diffuseurs, et bénéficient
indifféremment à tout producteur obtenant un nombre suffisant de
commandes. Le risque existe donc que l’effet des aides automatiques soit
neutre.
2 -
Favoriser la consolidation du secteur
Le soutien automatique à la production audiovisuelle, dans sa
version actuelle, a manqué son objectif de consolidation du secteur de la
production audiovisuelle. Une évolution de ses conditions d’éligibilité et
de versement pourrait permettre de viser plus directement cet objectif.
Afin de pouvoir inverser la tendance à l’émiettement du secteur de
la production audiovisuelle, il pourrait être recommandé de conditionner
les aides automatiques, au moment de la génération du soutien, à l’apport
d’une part plus importante par le producteur et non plus seulement à
l’apport minimal d’un diffuseur. Ce type de condition serait de nature à
faciliter la concentration des acteurs. Un apport minimal de 20 % du
devis, voire davantage selon les genres, pourrait être opportunément
envisagé (dans le secteur de l’animation, l’apport des producteurs est de
21 % en moyenne en 2012). Pour renforcer les contraintes d’accès au
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130
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soutien automatique, il pourrait également être envisagé de relever le
seuil d’ouverture d’un compte automatique
153
.
3 -
Prendre en compte les résultats obtenus et la dimension
internationale dans l’octroi des aides
À la différence des mécanismes de soutien développés en matière
cinématographique, les aides aux oeuvres audiovisuelles sont calculées
sans considération de l’audience obtenue lors de leur diffusion, le
principe d’un passage à l’écran permettant à lui seul de rendre une oeuvre
éligible dès lors qu’elle remplit les critères de contenu et de financement
évoqués plus haut.
Pour justifier cette absence de prise en compte de l’audience dans
le calcul du soutien versé, le CNC invoque plusieurs raisons, qui tiennent
à des questions de principe et de faisabilité technique. Il souligne surtout
que « l’ensemble de l’économie de la diffusion télévisuelle est
spontanément orienté vers la performance d’audience » et que « le rôle
des pouvoirs publics n’est pas d’accentuer cette tendance mais de la
rendre compatible avec une offre de qualité proposée au public ». Le CSA
partage ces objections, rappelant que « l’audience n’est pas à elle seule un
gage d’intérêt culturel du programme ».
Plusieurs pistes pourraient cependant être explorées pour influer
sur les stratégies de programmation des diffuseurs, en combinant
clairement les objectifs de qualité et de diffusion aussi large que
possible :
-
un critère lié au succès d’audience par rapport à la part
d’audience moyenne constatée au même horaire pourrait être
introduit ; il viendrait s’ajouter, sous forme de bonus, aux droits
générés en fonction des modalités de calcul actuelles. Il est vrai
qu’il n’existe pas encore de mesure d’audience universelle pour
la télévision : une vingtaine de chaînes seulement sur plus de
200 qui diffusent des oeuvres éligibles aux aides du CNC
disposent de données d’audience fiables par programme,
émises par une société privée. Les nouveaux outils développés
153
Aujourd’hui, un producteur peut obtenir l’ouverture d’un compte automatique si le
soutien auquel il peut prétendre, calculé en fonction de la nature et de la durée de ses
oeuvres déjà diffusées, atteint au moins l’un des seuils suivants : 168 000 € (fiction),
50 000 € (documentaire ou spectacle vivant), 31 000 € (animation).
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131
depuis quelques années pourraient cependant permettre, à
terme, de surmonter cet obstacle
154
;
-
les résultats obtenus dans le cadre d’un baromètre de
satisfaction des téléspectateurs, sur le modèle de l’étude
QualiTv réalisée par France Télévisions, pourraient s’intégrer
au baromètre de perception de la qualité des programmes
développé par le CSA depuis janvier 2013. La mesure de la
satisfaction des téléspectateurs à un niveau aussi fin et exhaustif
que l’ensemble des oeuvres éligibles aux aides du CNC
(5 151 heures de programmes en 2012) présente cependant le
risque d’être particulièrement lourde et coûteuse à mettre en
place ;
-
une bonification du soutien pourrait être introduite à chaque
diffusion supplémentaire d’un programme, témoignant d’une
estimation positive par la chaîne de l’audience à attendre de la
rediffusion, cette option paraissant techniquement plus facile à
mettre en oeuvre.
S’agissant de cette dernière proposition, le CSA considère qu’elle
devrait « s’accompagner d’une condition tenant à l’horaire de rediffusion
car les éditeurs, notamment les chaînes récentes de la TNT, procèdent
spontanément aux rediffusions de leurs programmes. » Le CNC estime
qu’il ne s’agirait que d’une mesure « très indirecte » du succès.
Il n’en est pas moins souhaitable que la sanction du public
intervienne dans le processus d’attribution du soutien à la production
audiovisuelle. Une bonification en fonction des rediffusions aux heures
de grande écoute et des ventes de droits en France ou à l’étranger pourrait
ainsi récompenser le succès de certaines productions.
4 -
Cibler les aides sélectives sur le renouvellement des formes de
création
La créativité, en matière culturelle, est souvent le fait de petites
structures, il n’en reste pas moins que les aides sélectives à la production
audiovisuelle ont entretenu un tissu d’entreprises particulièrement
fragmenté.
154
L’entreprise Médiamétrie produit des rapports quotidiens sur les chaînes de la
TNT. La mesure d’audience de la télévision auprès des personnes recevant une offre
de chaînes via le câble, le satellite et l’ADSL (Mediamat’Thématik), ne couvrait en
2012 que 58 % de la population française. Les chaînes locales ou diffusées sur
internet font encore l’objet de peu d’études, même si le CNC a mis en place, depuis
2010, deux nouveaux baromètres mensuels sur l’offre et l’usage de la télévision de
rattrapage.
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132
COUR DES COMPTES
Une partie des aides sélectives correspond certes à des avances
accordées sur le soutien automatique à des sociétés en croissance. De
même, une partie des soutiens sélectifs répond à des besoins identifiés, en
particulier l’émergence de nouvelles formes d’écriture et de création
(aides aux pilotes, aide à la création numérique, fonds d’aide à
l’innovation audiovisuelle). L’essentiel de ces soutiens contribue
cependant à la création de nouvelles sociétés de production, sans qu’il
soit démontré qu’elles constituent un gage de diversité supérieur à une
structure de marché plus consolidée. Il est frappant de constater à cet
égard que la phase de développement des programmes, identifiée comme
cruciale, ne soit que si faiblement soutenue comparativement à la
production
155
, laquelle intervient pourtant à un stade où un diffuseur est
déjà engagé, souvent de manière significative, dans le financement du
programme.
Plus largement, une réflexion doit être conduite sur le rôle dévolu
aux aides sélectives du CNC, compte tenu du déplacement de la demande
vers de nouveaux supports et de la nécessité d’anticiper les évolutions des
formes de création sur les nouveaux médias. Les dispositifs qui leur sont
consacrés (10,8 M€) ne représentent actuellement qu’un faible volume
financier par rapport à l’ensemble des moyens alloués par le CNC au
développement et à la production de programmes commandés par les
médias traditionnels.
Dans cette perspective le bilan de l’application du soutien
automatique « Web COSIP » (2,2 M€ en 2012) et des différents
dispositifs créés ces dernières années pour soutenir la création sur les
nouveaux médias (aide sélective aux nouveaux médias, dispositif d’aide à
la création artistique multimédia, RIAM, notamment) et dont le budget
n’est pas entièrement consommé, pourrait être élargi à l’ensemble des
aides sélectives à la production audiovisuelle.
155
Les soutiens du CNC consacrés à la phase d’écriture et de développement en
matière audiovisuelle représentent environ 8 M€, soit à peine 5 % des aides versées.
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LE SOUTIEN À LA PRODUCTION AUDIOVISUELLE : DES PERFORMANCES SANS
RAPPORT AVEC LES MONTANTS INVESTIS
133
L’objectif recherché devrait être de réduire le nombre des
mécanismes d’aide sélective, d’en redéployer une partie vers ces
nouveaux dispositifs, et d’en simplifier les critères d’éligibilité. Une
majoration du soutien automatique attribué au titre du « Web COSIP »
pourrait également contribuer à dynamiser l’offre française en la matière,
par exemple par l’intermédiaire d’une valorisation des projets destinés à
plusieurs supports de diffusion
156
, ce qui pourrait inciter à prendre en
considération, dès la production, les possibilités d’innovation des
contenus et de leurs modalités de diffusion.
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
________
Le dispositif de soutien à la production audiovisuelle, conçu en
France sur le modèle des aides attribuées en matière cinématographique,
est sans équivalent en Europe. Il donne une place centrale à la
production indépendante, confortée par les obligations d’investissement
des chaînes de télévision et les aides apportées par le CNC.
Pour autant, les résultats atteints sont loin d’être satisfaisants, tant
en matière d’audience ou d’exportation des oeuvres audiovisuelles
françaises dans toute leur diversité que de structuration du secteur de la
production. Faute d’encourager davantage l’émergence d’un modèle de
production plus favorable à la création et à la prise de risque, ce système
de soutien reste, pour l’essentiel, orienté vers l’accompagnement des
commandes des chaînes de télévision, sans considération de la réception
des oeuvres par le public ni de la dimension internationale de la
production audiovisuelle.
Malgré des signes récents de redressement, la fiction française de
la dernière décennie est un échec en termes d’audience, d’exportation et
même de volume produit (768 heures en 2012 contre 924 heures en
1990). Alors que la France dispense l’aide la plus élevée d’Europe à la
production audiovisuelle, les fictions américaines occupent sur ses
grandes chaînes nationales en clair une place plus importante qu’ailleurs
en Europe et y remportent les succès d’audience les plus marqués.
Dès lors, une révision profonde de ce cadre apparaît souhaitable,
afin d’orienter plus clairement les obligations auxquelles sont assujettis
les éditeurs de contenus sur la production d’oeuvres audiovisuelles de
156
Un tel critère pourrait s’inspirer du « programme convergent » mis en oeuvre par le
Fonds des Médias du Canada, qui soutient des oeuvres à condition qu’elles soient
produites sur au moins deux plates-formes dont la télévision, l’autre pouvant être un
jeu vidéo, une application mobile, etc. ; 160 projets ont été soutenus en 2010-2011 à
ce titre, pour un volume de production de 19,4 M€ (source : ambassade de France au
Canada).
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134
COUR DES COMPTES
qualité, tout en permettant une exploitation plus transparente de ces
oeuvres. Les commandes de France Télévisions doivent être définies à la
fois en fonction d’un objectif de consolidation du secteur et des besoins
en programmes de l’audiovisuel public. Les aides du CNC, pour leur
part, devraient être davantage ciblées sur la structuration du secteur et la
constitution de sociétés fortes à l’échelle internationale, d’une part, sur le
soutien à l’écriture et au développement et aux nouvelles formes de
création, d’autre part.
En conséquence la Cour formule les recommandations suivantes :
12.
procéder à un resserrement des critères de qualification du
documentaire susceptible d’être aidé et comptabilisé au titre
des obligations des chaînes ;
13.
définir le montant des obligations d’investissement des chaînes
du service public uniquement en proportion de leur chiffre
d’affaires ;
14.
élaborer, par la voie d'un accord interprofessionnel, un devis-
type
de
la
production
d’oeuvres
audiovisuelles,
faisant
apparaître la rémunération du producteur ;
15.
relever le seuil d’accès au soutien automatique à la production
audiovisuelle ;
16.
prendre en compte les résultats obtenus par les programmes
aidés dans l’octroi du soutien automatique du CNC, à travers
une bonification liée par exemple aux ventes en France et à
l'étranger, à la qualité des programmes et au succès de leur
audience ;
17.
consacrer une part plus importante des aides sélectives du
CNC à la phase d’écriture et de développement des
programmes et aux nouvelles formes de création.
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Chapitre IV
Les défis de la numérisation dans un
marché mondialisé
Bien qu’ancienne, la mondialisation des échanges dans le domaine
du cinéma et de l'audiovisuel s’est très fortement intensifiée au cours de
la dernière décennie. D'après l'Organisation mondiale du commerce
(OMC), les dix premières économies en matière de « services
audiovisuels
157
» ont exporté 12,8 Md€ et importé 17,3 Md€ en 2011, des
volumes en augmentation constante.
Entre 2008 et 2011, le solde de la balance commerciale de la
France dans le domaine des services audiovisuels, qui était auparavant
déficitaire (-703 M€ en 2008), s'est presque rééquilibré en 2011 (- 45 M€,
grâce à un volume d’exportation de 1,4 Md€ qui compense quasiment les
importations, qui s’élèvent à 1,5 Md€) alors qu'il est demeuré nettement
déficitaire pour la plupart des autres pays européens, à l’image de
l'Allemagne (- 1,4 Md€ en 2011). Le Royaume-Uni fait exception
(+ 1,1 Md€ en 2011)
158
. Cette situation traduit des résultats contrastés
157
Les services audiovisuels au sens de l’OMC recouvrent les services et commissions
ayant trait à la production de films cinématographiques, d’émissions de radio et de
télévision et d’enregistrements musicaux.
158
Notamment sous l’effet des exportations de programmes de la BBC et de films
tournés sur le sol britannique par des studios américains.
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136
COUR DES COMPTES
selon qu’il s’agit du cinéma ou des programmes audiovisuels, qui ne sont
pas distingués dans les données de l’OMC
159
.
Les exportations de produits audiovisuels français répondent à un
double enjeu : d’une part, elles contribuent à l’activité économique du fait
de leur impact sur la balance commerciale et sur l’emploi (notamment
dans
les
industries
techniques),
tout
en
représentant
pour
les
professionnels une source complémentaire de financement ; d’autre part,
elles participent de la capacité de rayonnement de la France et sont, pour
elle, un vecteur essentiel de son influence internationale.
Le développement récent et très rapide du numérique transforme la
donne du marché international du cinéma et de l’audiovisuel, en même
temps qu’il bouleverse, en amont, l’économie de la production. En effet,
l’importance économique croissante du secteur de l’image, devenu de
plus en plus concurrentiel, et le développement de pratiques de
consommation nouvelles sur internet, pour partie illégales, mettent à mal
le modèle de financement du secteur.
Si ces nouvelles modalités de diffusion et de consommation sont
sans doute moins aujourd’hui des substituts que des compléments aux
usages traditionnels, le système français de soutien à la production est
néanmoins contraint de s’adapter rapidement pour réussir sa transition
vers un modèle économique qui intègre ces évolutions et dont les
contours ne sont pas encore stabilisés.
I
-
Le défi de la concurrence internationale
En raison de son histoire, du volume de ses productions et de la
richesse de ses pratiques culturelles, la France est depuis longtemps
confrontée, sur le marché mondial comme sur son propre territoire, à la
puissance de l’industrie américaine de l’image. La concurrence s’est
diversifiée au cours de la dernière décennie avec l’émergence de
nouvelles puissances cinématographiques, en Asie notamment, et la
compétition à laquelle se livrent les pays européens pour attirer sur leur
territoire des activités de production d’images.
Dans ce contexte, la politique de soutien à l'image poursuit deux
objectifs : l'attractivité du territoire national et la promotion de la diversité
culturelle dans le monde.
159
Cf.
(Ressources / Statistiques / Bases de données).
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LES DEFIS DE LA NUMERISATION DANS UN MARCHE MONDIALISE
137
A - L’attractivité du territoire pour les productions
internationales et nationales : des instruments à mieux
coordonner
Les résultats obtenus ces dernières années attestent que la France
constitue un territoire recherché pour la production cinématographique
étrangère. En revanche, il est plus difficile d’apprécier l’effet des
dispositifs de soutien existants vis-à-vis des risques de délocalisation des
tournages à l’étranger des productions françaises.
1 -
Des atouts incontestables pour attirer les productions
internationales
Avec la diversité de ses paysages, la richesse de son patrimoine
historique, la qualité de ses industries techniques ainsi que le savoir-faire
des professionnels du secteur et des organes administratifs concernés, la
France dispose d’atouts significatifs pour attirer les productions
cinématographiques et audiovisuelles étrangères.
La décennie écoulée a été marquée par une forte augmentation des
coproductions associant les producteurs français et étrangers, celles-ci
ayant atteint, en 2012, un niveau encore jamais égalé : 129 films ont été
produits en partenariat avec 37 pays différents, dont beaucoup sont
européens. Durant cette période, les investissements français dans les
coproductions sont passés de 265 M€ en 2002 à 400 M€ en 2012 et les
investissements étrangers de 182 M€ en 2002 à 317 M€ en 2012.
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138
COUR DES COMPTES
Graphique n° 20 : évolution du nombre de films agréés en France
depuis 1992
Source : Cour des comptes d'après CNC.
La possibilité de bénéficier de l'ensemble des dispositifs de soutien
(fonds de soutien du CNC, dépenses des chaînes de télévision, aides des
collectivités territoriales et crédits d'impôt) au titre des dépenses réalisées
en France participe incontestablement de l'attractivité du territoire,
comme en attestent les volumes financiers concernés qui sont parmi les
plus élevés en Europe. Par ses missions statutaires, le CNC joue à la fois
le rôle de guichet unique, dans le cadre de la procédure d'agrément, et de
conseil à l'intention des producteurs étrangers à la recherche d'une
coproduction.
L'action de la commission nationale du film France (« Film
France ») mérite également d'être soulignée. Créée en 1994 afin d’animer
le réseau des 40 commissions locales du film, pour la plupart placées
auprès des conseils régionaux, cette association a pour mission de
promouvoir les tournages et la postproduction en France. Film France
conseille ainsi les sociétés de production françaises et étrangères à la
recherche de lieux de tournage, de soutiens logistiques locaux et d'aides
financières des collectivités territoriales.
0
50
100
150
200
250
300
1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012
Coproductions majoritairement étrangères
Coproductions majoritairement françaises
Films intégralement français
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LES DEFIS DE LA NUMERISATION DANS UN MARCHE MONDIALISE
139
En outre, la France est dotée d’industries techniques, secteur
économique relativement peu mobile par nature, qui contribuent à attirer
les productions internationales. L'essor des technologies numériques, en
particulier, a permis à plusieurs entreprises françaises de renforcer leurs
positions en réalisant des prestations pour le compte de producteurs
étrangers.
2 -
Un dispositif efficace : le crédit d’impôt international
160
Quatre ans après sa création, le crédit d'impôt international (CII)
s’affirme comme un dispositif pertinent et efficace. Après avoir connu un
recul régulier, l'implantation en France des activités de tournage et de
postproduction liées aux productions internationales a, en effet, augmenté
de manière rapide.
En dépit de sa création récente, le CII semble en effet avoir
rapidement trouvé sa place : entre 2009 et 2012, 51 oeuvres et 35 sociétés
de production exécutive ont bénéficié de ce dispositif, essentiellement des
films à budget élevé (la moitié des crédits d'impôt accordés entre 2009 et
2012 se concentrent sur les films dont le budget est supérieur à 15 M€).
La très grande majorité des oeuvres est issue des États-Unis (25 oeuvres au
total sur la période) et du Royaume-Uni (13 oeuvres).
Quantifiable en jours de tournage (passés de 100 en 2009 à plus de
300 en 2012) comme en dépenses de production (passées de 12,6 M€ à
43,3 M€), l’effet du CII est d'autant plus remarquable que les paramètres
du fonds de soutien, ceux des obligations d'investissement des chaînes de
télévision et des aides des collectivités territoriales n'ont pas été infléchis
depuis 2009 en vue d'attirer les productions cinématographiques
internationales.
L'effet d'aubaine représenté par ce crédit d’impôt semble par
ailleurs réduit, l'analyse des données de localisation des tournages
montrant que le territoire français tendait plutôt à perdre de l'attractivité
pour les productions internationales avant 2009
161
.
160
Cf. supra. Chapitre I/I/B-3-b
161
Au cours de la décennie 2000, plusieurs films étrangers comportant des scènes
supposées se dérouler en France se sont ainsi tournés à l’étranger :
Munich
(décors
français reproduits à Budapest),
Inglorious Bastards
(scènes parisiennes tournées en
Allemagne) et
GI Joe
(scènes françaises tournées en République tchèque). D’après
Film France, seuls quelques films auraient sans doute été tournés en France avec ou
sans crédit d’impôt international, pour des raisons exceptionnelles (
Marie-Antoinette
,
Da Vinci Code
,
A good year
).
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140
COUR DES COMPTES
Graphique n° 21 : nombre de jours de tournage et évolution
des dépenses en France des films étrangers de fiction éligibles au
crédit d'impôt international
Source : Cour des comptes, d'après données Film France. Les données diffèrent de
celles du CNC en raison d'un effet de périmètre. Pour que la comparaison soit
homogène avec la période précédant l'entrée en vigueur du CII, les dépenses
d'animation ont été écartées.
Depuis sa mise en place en 2009, le crédit d'impôt international
aurait ainsi permis, selon les estimations de Film France, de localiser en
France près de 240 M€, correspondant à 51 films. Ces dépenses ont
principalement bénéficié aux industries techniques françaises (à hauteur
de 150 M€, dont 123 M€ pour les effets visuels et l’animation).
Les effets du crédit d'impôt international ont été particulièrement
notables dans le domaine de l'animation. Les studios Universal se sont
ainsi implantés en France en 2009 pour externaliser la production de leurs
principaux films d’animation. Réalisés par des prestataires techniques
majoritairement français, sous la conduite de la société MacGuff
(producteur exécutif), les films
Moi, moche et méchant
(et
Moi, moche et
méchant, 2
),
Le Lorax
ainsi que la série d’animation
Minions
ont
rencontré un succès international de premier plan.
Sans qu’un lien de cause à effet entre l’entrée en vigueur du crédit
d’impôt international et l’implantation en France des activités d’Universal
puisse être établi avec certitude, force est néanmoins de constater que les
0
5
10
15
20
25
30
35
40
45
50
0
50
100
150
200
250
300
350
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
Dépenses totales en France (en M€, échelle de droite)
Nombre de jours de tournage (en jours, échelle de gauche)
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LES DEFIS DE LA NUMERISATION DANS UN MARCHE MONDIALISE
141
deux événements sont contemporains et qu’Universal a bénéficié jusqu’à
présent du CII pour l’ensemble des productions réalisées en France.
Bien que le CII semble avoir attiré en France des productions
internationales, les évolutions récemment décidées ne s’appuient sur
aucune
étude
d’impact.
L’extension
des
dépenses
éligibles,
la
multiplication par plus de deux du plafond accordé par film (passé de
4 M€ à 10 M€ dans la loi de finances rectificative pour 2012) et plus
encore le passage de ce plafond de 10 à 20 M€ prévu à partir du
1
er
janvier 2015 par la loi de finances pour 2014
162
sont manifestement
disproportionnés au regard de trois critères principaux : le nombre de
films potentiellement concernés (16 en 2012), l’effet escompté d’une
hausse du plafond sur l’attractivité de la France
163
et de l’existence en
parallèle d’aides territoriales à la localisation de tournages en France très
dynamiques.
En
l’absence
d’étude
démontrant
sa
nécessité,
la
Cour
recommande que le relèvement du plafond à 20 M€ à partir du
1
er
janvier 2015, soumis à autorisation de la Commission européenne,
n’entre pas en vigueur et que les modifications introduites par la loi de
finances rectificative pour 2012 ne soient pas prolongées au-delà de la
limite légale du 31 décembre 2014.
3 -
L'attractivité du territoire pour les productions nationales
a)
Les crédits d’impôt nationaux, un outil aux effets mal évalués
Si les crédits d'impôt cinéma et audiovisuel
164
ont pour objet de
« favoriser l'attractivité du territoire national », leur incidence sur les deux
indicateurs choisis par le CNC à cet effet (la part du temps de tournage et
la part des dépenses réalisées en France) n'est pas évaluée de façon
concluante.
En effet, la plupart des travaux d'évaluation récents en la matière
se fondent sur une seule étude
165
, réalisée à la demande du CNC en 2010,
dont la méthodologie est contestable. Pour estimer les recettes directes et
indirectes résultant de la localisation en France des tournages du fait des
162
Article 23 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.
163
Le rapport remis par M. René Bonnell en décembre 2013 sur
Le financement de la
production
et de la distribution cinématographiques à l’heure du numérique
estime
que la hausse du plafond est irréaliste dans la mesure où, pour l’atteindre, il faudrait
attirer 100 M€ de dépenses par film.
164
Cf. supra. Chapitre I/I/B-3-a
165
Évaluation des dispositifs de crédits d’impôt, Cinéma, audiovisuel, international,
jeu vidéo
, Greenwich Consulting, septembre 2010.
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142
COUR DES COMPTES
dispositifs de crédit d'impôt, cette étude postule que l'ensemble des
tournages auraient été délocalisés à défaut de crédits d'impôt. Il en résulte
une surestimation manifeste des recettes supplémentaires attribuées aux
crédits d'impôt et, partant, une appréciation fortement biaisée du bilan de
leur coût par rapport à leurs résultats. Sur la seule base d'analyses
recueillies auprès des professionnels, cette étude conclut en outre qu'une
« disparition du CIC se traduirait par une chute de 30 % de la production
locale » et qu'une suppression du CIA conduirait à une délocalisation de
30 % de la production audiovisuelle nationale. En l'absence d'éléments
objectifs probants, cette conclusion demeure sujette à caution, le
ministère de la culture et de la communication reconnaissant pour sa part
que « les données disponibles permettant d’évaluer la mesure ne sont pas
assez nombreuses ».
Fondamentalement, l'efficacité des crédits d’impôt nationaux se
heurte à plusieurs limites :
-
il n’est pas possible d’établir un lien systématique entre la mise
en place des crédits d’impôt et les résultats observés, car les
effets attribués aux crédits d'impôt se sont manifestés, pour
partie, avant l'entrée en vigueur de ces dispositifs fiscaux. Si
l'entrée en vigueur du CIC, au 1
er
janvier 2004, s'est
effectivement accompagnée d'une baisse de 11,7 points du taux
de délocalisation, l'impact apparaît moins net en matière
audiovisuelle, le taux de délocalisation des jours de tournage
ayant déjà chuté de 34,9 % à 14,1 % un an avant l'entrée en
vigueur du CIA (1
er
janvier 2005) ;
-
l'impact des crédits d'impôt semble s’émousser au fil du temps :
la
part
des
jours
de
tournage
des
productions
cinématographiques localisée à l’étranger, qui a connu un point
bas en 2006 (21,5 %), a augmenté progressivement pour
atteindre 30 % en 2012, soit un niveau supérieur à celui observé
en 2001 et 2002 (compris entre 22 et 25 %). Les dépenses de
tournage réalisées à l’étranger ont, elles aussi, connu une
augmentation : elles ont atteint 17,4 % en 2012, niveau en
progression sensible par rapport à celui observé avant la mise
en place du CIC en 2003 (11,7 %). La part des dépenses de
production audiovisuelle localisées à l'étranger stagne elle-
même autour de 10 % depuis l'entrée en vigueur du CIA ;
-
les crédits d'impôt provoquent incontestablement un effet
d'aubaine
en
faveur
de
sociétés
de
production
cinématographique ou audiovisuelle qui auraient de toute façon
fait le choix de localiser leur tournage en France, avec ou sans
le
bénéfice
du
crédit
d'impôt.
Dans
le
domaine
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LES DEFIS DE LA NUMERISATION DANS UN MARCHE MONDIALISE
143
cinématographique, les films qui ne bénéficient pas du crédit
d'impôt n'ont d'ailleurs pas massivement déserté le territoire
français, la part de dépenses en France de ces films demeurant
stable depuis 2006, autour de 58 % pour les films de fiction ;
-
loin de répondre à une problématique de surimposition, les
crédits d'impôt se transforment dans bien des cas en une
subvention budgétaire versée aux producteurs, dont la plupart
ne sont pas imposés au titre de leur activité. De l'étude sur
pièces réalisée dans le cadre du présent rapport
166
, il ressort que
les deux crédits d'impôt se traduisent, le plus souvent, en
créances sur le Trésor, faute de bénéfices suffisants pour rendre
les sociétés imposables. La transformation du crédit d’impôt en
subvention budgétaire n’est pas l’apanage des petites sociétés
de production contrôlées.
b)
La course au mieux-disant fiscal
Le caractère incitatif des crédits d’impôts français ne cesse d’être
remis en cause par la concurrence fiscale que se livrent les États membres
de l’Union européenne, chacun cherchant à attirer les productions sur son
territoire. Cette surenchère, qui conduit à s’aligner sur le mieux-disant
fiscal, n’est pas soutenable à long terme. De surcroît, elle ne permettra
jamais de compenser les écarts de coûts avec une localisation de
tournages dans des pays où les charges sociales sont beaucoup plus
faibles.
Cette problématique a gagné en acuité au cours de la dernière
décennie du fait de la médiatisation de délocalisations constatées dans
certains secteurs de la production. S'agissant de la production
cinématographique, la délocalisation des films d'initiative française
apparaît en augmentation au cours de la période 2001-2012, la part des
jours de tournage réalisée à l'étranger passant de 20 % en 2001 à 30 % en
2012. Les études réalisées par la commission nationale du film d'Île-de-
France révèlent ainsi qu'en 2012, la zone Belgique-Luxembourg était la
deuxième région d'implantation des tournages des longs-métrages
d'initiative française de fiction, après l'Île-de-France et avant la région
Provence-Alpes-Côte d'Azur.
166
Elle porte sur les comptes financiers de deux sociétés de production et sur un
échantillon de 23 films ayant bénéficié du CIC ou du CIA entre 2006 et 2010.
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144
COUR DES COMPTES
Cette évolution doit néanmoins être nuancée sur le temps long : les
études annuelles du CNC sur la production cinématographique révèlent
ainsi qu'en 1998 et en 2000, le taux de délocalisation des jours de
tournage dépassait déjà 27 %.
L'analyse de la localisation des dépenses de tournage, réalisée par
le CNC sur la base des coûts définitifs des films, apporte une indication
complémentaire : si la période 2003-2012 est effectivement marquée par
une augmentation de la part des dépenses de tournage réalisée à l'étranger
(+ 5,7 points), cette dynamique semble revêtir une dimension cyclique,
tout au moins pour le tournage des films de fiction, les tournages de
documentaire et de films d'animation présentant des profils plus atypiques
(cf. annexe n° 11).
Une partie des délocalisations réalisées dans le domaine
cinématographique peut relever de considérations artistiques, liées au
contenu du scénario, ou parce que les films concernés sont coproduits
avec un autre pays. Ce phénomène doit être distingué des délocalisations
à caractère purement économique, réalisées essentiellement dans le but de
faire baisser le prix du film, par l’effet d’une diminution des coûts
(notamment de main-d’oeuvre) ou de dispositifs fiscaux plus avantageux.
Le fait que 44 coproductions internationales sur les 60 comptabilisées en
2012 aient été tournées en Belgique ou au Luxembourg – pays qui
pratiquent une fiscalité très avantageuse à l’endroit des producteurs du
cinéma et de l’audiovisuel – semble le confirmer.
Le phénomène de délocalisation est moins notable pour la
production audiovisuelle : la part des jours de tournage réalisés à
l'étranger a ainsi fortement décru entre 2003 et 2008 (- 28 points) avant
de se stabiliser depuis lors autour de 8 %. Tous genres confondus, la part
des dépenses de production localisées à l'étranger a, quant à elle,
globalement baissé entre 2004 et 2009 (–5 points) avant d’augmenter à
nouveau en 2010, le taux de délocalisation atteint en 2012 restant
néanmoins inférieur au taux de 2001.
Malgré les limites avérées du CIC et du CIA et leur coût croissant
pour les finances publiques, passé de 80 M€ en 2006 à 118 M€ en 2012,
la réforme introduite en 2012 a procédé à une augmentation substantielle
du plafond du CIC et du CIA et a étendu le périmètre des dépenses
éligibles
167
.
167
Article 33 de la loi du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012.
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LES DEFIS DE LA NUMERISATION DANS UN MARCHE MONDIALISE
145
Cette révision, qui devrait se solder par une augmentation de 22 %
du coût des deux crédits d’impôts entre 2012 et 2014, est intervenue en
l’absence de toute étude probante démontrant l’efficacité du CIC et du
CIA et n’a d’autre justification que celle d’une nécessaire adaptation des
crédits d’impôts français aux dispositifs fiscaux voisins, au premier rang
desquels le
tax shelter
belge (cf. annexe n° 12), cet outil n’ayant lui-
même jamais fait l’objet d’une évaluation solide par l’administration
fiscale belge.
À moins qu’une étude ne démontre rapidement l’efficacité de ces
dispositifs, la Cour recommande de ne pas prolonger le régime actuel du
CIC et du CIA, issu en dernier lieu de la loi de finances rectificative pour
2012 (relèvement des plafonds et extension des dépenses éligibles), au-
delà du 31 décembre 2014, date à laquelle une nouvelle autorisation de la
Commission européenne sera nécessaire
168
.
Par ailleurs, la difficulté à évaluer les dispositifs de crédit d’impôt
instaurés en France comme dans d’autres États membres de l’Union
européenne, de même que le coût croissant afférent à ces mécanismes,
plaident pour une réaction à l’échelle communautaire. À défaut d’une
harmonisation fiscale hautement souhaitable mais difficile à atteindre
dans une matière régie par la règle de l’unanimité, il semblerait opportun
que les pouvoirs publics engagent avec les autorités belges une
concertation visant à mettre un terme à la concurrence fiscale
actuellement à l’oeuvre entre crédits d’impôt français et
tax shelter
belge.
Au regard de la surenchère observable au sein de l’Union
européenne, l’objectif de territorialisation des tournages en France ne
saurait reposer sur un instrument fiscal dont l’efficacité est sans cesse
remise en cause. Les aides des collectivités territoriales, relayées par
l'association Film France et dont le volume a été multiplié par sept entre
2001 et 2012, doivent jouer pleinement leur rôle dans la localisation des
dépenses de tournage en France
169
. Une complémentarité entre les aides
locales et les aides d’État doit donc être recherchée.
168
Au 1
er
janvier 2015, en l’absence de demande d’autorisation à la commission
européenne, c’est le régime antérieur à la réforme de 2012 qui s’appliquera.
169
La communication récente de la Commission européenne sur les aides d'État en
faveur des oeuvres cinématographiques et autres oeuvres audiovisuelles (2013/C
332/01) dans ce domaine ne fait pas d’ailleurs obstacle à une pondération importante
des critères de territorialisation dans l’octroi des aides.
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146
COUR DES COMPTES
B - La compétitivité à l'exportation : des atouts à
consolider
L’insertion
accrue
de
la
production
cinématographique
et
audiovisuelle sur les marchés internationaux constitue un enjeu de plus en
plus important. Outre les raisons économiques et culturelles déjà
évoquées, l’augmentation des ventes à l’international tend à devenir de
plus en plus indispensable au préfinancement et à la rentabilisation de
productions dont les coûts croissants ne sont pas toujours en mesure
d’être couverts par les ressources nationales. Elle permet également de
dégager des moyens financiers supplémentaires propices à la « montée en
gamme » des productions initiées en France.
1 -
Le cinéma français sur le marché mondial : une position
favorable qui masque de réelles faiblesses
Dans le domaine cinématographique, la France jouit d'une position
notable à l'échelle mondiale, tant sur le plan culturel qu'en termes
économiques.
La seule année 2012 a vu les productions françaises recevoir
20 prix internationaux. Le succès critique rencontré par le cinéma français
s'accompagne d'une large diffusion des films dans le monde. L'année
2012 a représenté, à cet égard, une hausse exceptionnelle de la
fréquentation des films français dans les salles étrangères : 144 millions
d'entrées, soit le record de la décennie écoulée (contre 74 millions
d'entrées en 2011), en raison du succès rencontré par les films
The Artist,
Taken 2
et
Intouchables
170
.
Bien qu’elle reste relativement modeste à l’échelle mondiale,
l’exportation du cinéma français en direction des autres pays européens
enregistre de bons résultats : les recettes des films français aux guichets
des salles (seule l'exploitation en salles est ici retracée) et les recettes des
exportateurs français placent la France au premier rang européen
171
. Les
recettes au guichet des salles sont ainsi passées de 250 M€ en 2003 à
890 M€ au cours de l’année exceptionnelle qu’a été 2012. Dans le même
temps, les recettes d’exportation des films français passaient de 120 M€ à
210 M€.
170
D’après Unifrance, en 2012, le cinéma français a pour la première fois généré
davantage de recettes en salle à l’étranger (888 M€) qu’en France (530 M€).
171
L'analyse des données financières relatives à l'exportation des films se heurte à
deux limites : l'opacité des remontées de recettes dans certains pays et la longue durée
du cycle d'exploitation, empêchant la consolidation de données par année d'agrément.
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147
Graphique n° 22 : recettes des exportateurs français et recettes
guichet des films français à l'étranger de 2003 à 2012 (en M€)
172
Source : Cour des comptes, d'après données CNC et UniFrance Films. Les films
français incluent les coproductions minoritaires et majoritaires françaises. Les
recettes de films étrangers correspondent concerne à la vente de films étrangers à
l'international par des sociétés d'exportation françaises
De façon générale, les recettes d'exportation des films et des
programmes audiovisuels français demeurent fortement concentrées sur le
marché européen (entre 50 % et 60 % des recettes) et les États-Unis (entre
15 % et 30 % des recettes). Entre 1999 et 2010, le nombre moyen de
territoires sur lesquels sont sortis les films français a oscillé entre 3,2 et
4,2, restant stable malgré une croissance marquée du nombre de films
présents dans les salles étrangères. Toutefois, pour les 10 films qui ont
fait le plus d’entrées à l’étranger en 2010, ce nombre atteint 30,4, soit une
exposition moyenne sept fois plus importante. Les cinq premiers films
français à l’international captent tous les ans entre 49 % (en 2010) et
61 % (en 2005) des entrées. Il existe donc une forte disparité d’exposition
172
Les recettes d’exportation (essentiellement des recouvrements de minima garantis
versés par les distributeurs étrangers au titre des ventes réalisées pendant l'année en
cours et les deux années précédentes) correspondent aux encaissements nets réalisés
par les exportateurs, tous droits d’exportation confondus.
0
100
200
300
400
500
600
700
800
900
1000
0
50
100
150
200
250
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
Recettes d'exportation des films français (échelle de gauche)
Recettes d'exportation des films étrangers (échelle de gauche)
Recettes guichet des films français à l'étranger (échelle de droite)
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148
COUR DES COMPTES
entre les films français exportés dans les salles étrangères, les succès à
l'exportation reposant sur un nombre limité de films.
Les résultats des films français à l'exportation sur le marché de la
salle apparaissent fortement corrélés à leur budget. Parmi les dix films
français ayant réalisé le plus d'entrées en salles à l'étranger en 2008, 2009
et 2010 (soit trente films au total), tous ont un budget supérieur à 10 M€,
à l'exception de trois films qui se distinguent par leur succès critique
173
.
Les films de plus de 20 M€ de budget représentent en moyenne 7 % des
titres français et concentrent près de la moitié des entrées. De même, les
films présentant les budgets les plus élevés captent la majeure partie des
apports étrangers : au cours de la période 2001-2011, près de deux tiers
des apports étrangers dans les films d'initiative française se sont ainsi
concentrés sur les films dont le devis était supérieur à 7 M€.
Cette situation s’explique également par la faiblesse structurelle
des circuits de distribution des films français à l’étranger, laquelle
contraste singulièrement avec la position dominante qu’exercent les
distributeurs américains que sont les
majors
et qui, au-delà de la qualité
des films, est pour une part importante dans la force du cinéma d’Outre-
Atlantique sur le marché international. Outre leur taille, celles-ci
contrôlent, à travers des filiales, une part importante du secteur de la
distribution dans de nombreux pays, notamment en Europe où elles
représentent 65 % des parts de marché de ce secteur. La prépondérance
des films américains dans la programmation des salles européennes en
découle (ils réalisent 61,4 % des entrées en salles au sein de l'Union
européenne en 2011). En outre, grâce à cette organisation, les films
américains sont distribués dans tous les pays européens en même temps,
ce qui permet des économies d'échelle pour leur promotion et leur
commercialisation.
Si la première
major
produisant et distribuant à l'échelle mondiale
fut un groupe français, Pathé, aucune société de distribution française
n’est aujourd’hui en mesure de concurrencer les majors américaines en
intervenant à l’échelle de l’ensemble des pays européens. Les tentatives
françaises d’imiter les
majors
américaines en créant des filiales de
diffusion dans les principaux marchés européens se sont en effet, jusqu'à
présent, soldées par des échecs. Ni le rachat de circuits de salles aux
États-Unis par les groupes intégrés français dans les années 1990, ni la
tentative
de
création
d'une
major
européenne
(Polygram
Film
Entertainment ou Vivendi Universal) n'ont rencontré de succès à ce jour.
173
Persepolis
, prix du jury à Cannes en 2007 et César 2008 prix du meilleur premier
film,
Entre les murs
, palme d'Or 2008 à Cannes et
Caramel
, sélectionnée à la
Quinzaine des réalisateurs à Cannes en 2007.
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149
Ces difficultés s’expliquent notamment par les mesures de protection
économique de certains marchés (allant jusqu'à une politique de quotas en
Chine) et l'incapacité du marché français, sauf exception, à produire des
contenus suffisamment fédérateurs pour dégager d'importantes recettes
sur une courte période.
Dès lors, pour les films européens, les distributeurs attendent de
constater l'éventuel succès obtenu sur le marché national avant
d'envisager une exploitation dans les autres États membres de l'Union.
Les films européens ne sont pas distribués en même temps dans tous les
pays européens et le sont avec une intensité très variable d’un pays à
l’autre.
La
stratégie
des
grands
groupes
nationaux
consiste
essentiellement à développer des accords de partenariat avec ces
majors
pour la diffusion ou l’exploitation de films européens, voire américains.
Sur les quatre films français ayant enregistré le plus grand nombre
d'entrées en salles en Europe en 2011, aucun n'a été distribué par un
distributeur français à l'échelle européenne. Alors même que, pour l'un de
ces films
174
, le distributeur français détenait les droits pour le monde
entier, il les a revendus pays par pays à des distributeurs locaux.
En 2011, les films français étaient cependant, parmi les films
européens, ceux qui enregistraient le plus grand nombre d’entrées sur les
marchés nationaux au sein de l’Union (10,5 % de part de marché), loin
devant les films italiens (4,6 %), allemands et britanniques (3,7 %).
Même si, au cours de la dernière décennie, l'augmentation des
recettes d'exportation des films français provient principalement des films
récents, la vente des films « de catalogue » produits plus de trois ans
avant leur commercialisation est à l’origine d’une part stable des recettes
des exportateurs français, comprise entre 10 % et 20 % de leur chiffre
d'affaires.
Les exportateurs français peuvent également accroître leurs
recettes en vendant sur des marchés étrangers des films étrangers dont ils
ont acquis les droits. Entre 2003 et 2011, ces recettes ont représenté près
d'un tiers des recettes des exportateurs français. Cette activité de
réexportation est essentiellement le fait de filiales des principaux groupes
audiovisuels français (TF1 International, Studio Canal), lesquels peuvent
détenir librement les mandats sur les films étrangers sans être soumis à la
limitation du nombre de mandats que la réglementation leur impose pour
les films français.
174
Les femmes du sixième étage
, distribué par SND (groupe M6).
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150
COUR DES COMPTES
Enfin, il convient de noter que la France occupe une position
favorable en termes de coproductions internationales : elle est l'un des
principaux
pays
coproducteurs
dans
le
monde,
ses
productions
cinématographiques bénéficient donc régulièrement d'investissements
étrangers au stade du préfinancement, qui tendent d'ailleurs à augmenter
au cours des dix dernières années.
2 -
Des résultats à l’exportation de programmes audiovisuels sans
rapport avec les soutiens mobilisés au plan national
Le constat est incontestablement moins favorable dans le domaine
audiovisuel, tant en termes de retombées économiques que de
rayonnement culturel, même si la création originale française est
ponctuellement reconnue
175
.
Plus restreint que sur le marché du cinéma, le volume des ventes
internationales de programmes audiovisuels accuse par ailleurs une
évolution à la baisse depuis 2000 dans l'ensemble de ses composantes (les
ventes passant de 129 M€ à 105 M€ au cours de la décennie, les préventes
de 48 M€ à 31 M€ et les coproductions de 122 M€ à 63 M€), même si la
période récente (2009-2012) semble marquer une légère reprise : en 2012,
les ventes de programmes audiovisuels français ont atteint 127 M€, les
préventes 39 M€ et les coproductions 77 M€. Les résultats restent
notamment décevants pour la fiction, qui n'occupe qu'une part
relativement
faible
des
résultats
d’exportation
de
programmes
audiovisuels, alors même qu'elle concentre les investissements les plus
importants, tandis que l'animation et le documentaire représentent chaque
année au moins la moitié du chiffre d'affaires de l'exportation.
175
Ainsi les séries
Braquo
et
Les revenants
(Canal +), qui ont reçu en 2012 en 2013 le
titre de meilleure série dramatique aux
International Emmy Awards
. Les festivals
jouent cependant un rôle prescripteur moindre en matière audiovisuelle que dans le
domaine cinématographique.
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151
Graphique n° 23 : évolution des recettes d'exportation des
programmes audiovisuels français entre 2000 et 2012 (en M€)
Source : Cour des comptes d'après données CNC et TV France International.
Pour ce qui est de la fiction, les difficultés rencontrées par les
programmes audiovisuels français à l'exportation tiennent en premier lieu
à l'inadaptation de leur format à la demande internationale, largement
explicitée par plusieurs rapports récents
176
. Ainsi, les productions
françaises ont durablement pâti de n’être pas adaptées aux formats les
plus consommés au niveau international, où prévalent les séries longues à
même de fidéliser l’audience durant plusieurs saisons.
Cette inadaptation apparaît liée aux conditions structurelles de
financement des programmes. Les commandes de fiction française inédite
restent en effet, pour l'essentiel, tributaires des besoins des principales
chaînes gratuites historiques (qui ont investi 420 M€ en 2012 dans la
production de fiction). Celles-ci privilégient l’audience française et
n’incitent guère les producteurs à prendre en considération, dès l’amont,
la perspective de vente de leurs programmes sur d'autres marchés.
Pour ce qui est du documentaire, le marché international est très
dynamique du fait de la multiplication des chaînes thématiques et des
marchés de niche, d’autant que les « grands classiques français de
l’exportation
177
» que sont les programmes sur le luxe, le cinéma, la mode
176
Notamment le rapport de M. Pierre Chevalier,
Fiction française. Le défi de
l'écriture et du développement,
mars 2011.
177
Les performances du documentaire français dans le monde
, septembre 2010, CNC.
0
50
100
150
200
250
300
350
2000
2002
2004
2006
2008
2010
2012
Ventes
Préventes
Coproductions
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152
COUR DES COMPTES
et la gastronomie restent particulièrement appréciés à l’étranger et
régulièrement préachetés.
Par ailleurs, les programmes d’animation sont, en raison de leur
nature et de leurs conditions de production, prédestinés à une plus grande
exposition internationale : ils ne pâtissent pas de la barrière de la langue,
tandis que les moindres débouchés sur le marché domestique obligent les
producteurs à rechercher des financements internationaux à travers des
coproductions ou des préachats, ce qui les place d’emblée favorablement
sur le marché à l’exportation.
Alors que la fiction et le documentaire ont vu leur financement
reposer de plus en plus sur les investissements des diffuseurs, le genre de
l’animation représente de ce point de vue un contre-exemple éclairant.
Bien que la part des financements internationaux ait baissé entre 2001
(46 %) et 2012 (23 %), ils représentent encore près du quart des
financements.
L’importance
de
cette
participation
internationale
s’explique notamment par une ouverture plus précoce des sociétés de
production au marché mondial via les coproductions, afin d’assurer la
couverture financière d’un processus de production qui s’étend
généralement sur dix-huit mois à deux ans. Un marché français des
oeuvres d’animation s’est constitué et connaît un succès renouvelé, en
France et à l’étranger. L’exportation des films d’animation a représenté
en moyenne 91 M€ par an au cours de la dernière décennie, soit une part
de 40 % des ventes, préventes et coproductions internationales de
programmes français.
Le succès des films d'animation s'explique notamment par le
savoir-faire français en matière de techniques de l’image, qui résulte pour
une part de la politique de formation développée dès les années 1970,
avec la création d’un enseignement spécifique au cinéma d’animation
178
.
Par
rapport
aux
autres
productions
audiovisuelles
(fictions,
documentaires),
l’industrialisation
du
secteur
de
l’animation
est
également la plus aboutie. Le tissu productif se caractérise en effet par un
nombre d’entreprises relativement restreint : l’annuaire de l’association
française du cinéma d’animation ne recense ainsi que 106 producteurs et
studios sur tout le territoire français. Le CNC, pour sa part, compte
53 entreprises de production actives dans ce domaine, dont neuf
produisent la moitié du volume annuel.
178
À l’école des Gobelins d’abord puis à l’école Émile Cohl à Lyon, La Poudrière à
Valence, Supinfocom à Valenciennes.
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153
3 -
Un soutien à l'exportation fragmenté et peu lisible
Avant tout conçus pour préserver l’appareil de production national
et une expression culturelle originale menacés par la puissance de
l'industrie américaine, les instruments de la politique de soutien au
cinéma et à l'audiovisuel n'ont pas été, à l’origine, configurés pour assurer
également la promotion, à l’étranger, des oeuvres et des programmes
français. Cet enjeu n’a été que très progressivement pris en compte, dans
la seconde moitié du vingtième siècle, au gré du développement des
différentes structures chargées de l'action culturelle extérieure de la
France d'une part, de la promotion et de l'exportation des biens et services
d'autre part. Il résulte de cette approche une fragmentation importante des
moyens d'action aujourd'hui déployés en faveur de la promotion à
l’étranger et de l'exportation des films et des programmes audiovisuels.
Le ministère des affaires étrangères et européennes, avec son
réseau de 50 attachés audiovisuels dans les ambassades et l’Institut
français qui prennent en charge l’organisation de manifestations et de
rencontres
179
, le ministère de la culture et de la communication et le CNC,
mais aussi France Médias Monde
180
- qui joue un rôle central par la
diffusion de contenus français sur tous les médias - mettent à disposition
chacun des moyens au service de cet objectif. Leur action est complétée
par celle d'associations conventionnées avec l'État, au premier rang
desquelles UniFrance Films (pour le cinéma), TVFI (pour l’audiovisuel)
et l'association des exportateurs de films (ADEF).
Les interventions du CNC en faveur de la promotion et de
l'exportation se répartissent en deux sous-ensembles : les soutiens aux
festivals (principalement les manifestations cannoises) et aux associations
(principalement UniFrance et TVFI), qui représentent près de 70 % de
l'enveloppe globale, et les aides financières directes aux exportateurs, qui
se partagent les 30 % restants. Au-delà du soutien au marché apporté par
UniFrance Films et TVFI (organisation de manifestations, de rencontres
entre exportateurs et acheteurs étrangers, veille économique), les sociétés
exportatrices de programmes audiovisuels et de films peuvent donc
recourir aux aides directes du CNC, mais aussi aux cautions de l'IFCIC
181
et aux dispositifs de droit commun d’accompagnement à l’étranger des
179
Cf. le rapport établi par la Cour des comptes,
Rapport public thématique : Le
réseau culturel de la France à l’étranger
. La Documentation française, octobre 2013,
160 p., à la demande du président de l’Assemblée nationale, disponible sur
www.ccomptes.fr
.
180
Nom récemment adopté par « l’Audiovisuel extérieur de la France ».
181
Les cautionnements accordés au titre de l'exportation représentaient 5,6 % des
crédits du fonds cinéma en 2011. Un fonds spécifique a été créé fin 2013.
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154
COUR DES COMPTES
PME : garanties bancaires et contrats de développement à l’international
d’Oséo/BPI France, garanties de la COFACE, labellisation et SIDEX
182
d’UbiFrance.
L’action culturelle de l’Union Européenne et du Conseil de
l’Europe via les programmes Media
183
et Eurimages, respectivement dotés
d’une enveloppe annuelle de 108 M€ et 25 M€, constitue également un
soutien à l’exportation du cinéma français, bénéficiaire plutôt bien
représenté chaque année parmi les productions sélectionnées.
Cette multiplicité d’intervenants dans le soutien à l’exportation des
films et des programmes audiovisuels est une source de complexité, voire
de redondance : par exemple, UniFrance Films et l’Institut français
peuvent mener des opérations similaires de sensibilisation au cinéma
français (master class ou hommage à un réalisateur contemporain), tandis
qu’Unifrance et le CNC proposent tous deux des aides au sous-titrage
(répartis par organisme selon l’aire linguistique concernée). L’opportunité
de maintenir dans deux structures différentes des soutiens aussi proches,
qui plus est financés à partir de la même source - la subvention du CNC
formant plus de 70 % du budget d’UniFrance Films - n'apparaît pas
clairement.
Par ailleurs, le soutien à la promotion et à l'exportation ne
représente, en France, qu'une part très faible de l'ensemble des soutiens
accordés aux industries cinématographiques et audiovisuelles. Les aides à
la promotion et à l'exportation, dont le montant global atteint 25 M€, ne
représentent ainsi qu'entre 0,5 % et 2,5 % du volume des ventes (hors
coproduction) de films et de programmes à l'international. Par
conséquent, les soutiens sélectifs spécifiquement orientés vers les
exportateurs présentent, pour la plupart, un faible montant unitaire
184
. En
2010, 82 exportateurs porteurs de 328 projets se sont ainsi partagé 3,1 M€
au titre des aides du CNC à la promotion et à l'exportation des films (soit
un montant moyen par projet de 9 500 €). Cette fragmentation est plus
accusée encore pour les aides à l'exportation des programmes
audiovisuels, 52 exportateurs portant 413 projets ayant bénéficié d'une
enveloppe de 1,1 M€ (soit un montant moyen de 2 138 € par projet).
182
Prise en charge individuelle ayant pour objectif de soutenir l’exportation par le
financement partiel des déplacements à l’étranger de prospection et de finalisation de
contrats effectués par l’entreprise. Ce dispositif, dont la faible efficacité a été
soulignée par un rapport de la Cour, a été supprimé en 2012.
183
À partir de 2014, le programme Media sera intégré dans le programme Europe
Créative, doté de 1,5 Md€ pour la période 2014-2020, dont 56 % devraient être
consacrés au secteur cinématographique et audiovisuel.
184
Cf. le détail de ces aides en annexe n° 15.
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LES DEFIS DE LA NUMERISATION DANS UN MARCHE MONDIALISE
155
Enfin, la répartition globale du volume des aides ainsi que les
modalités de mise en oeuvre du dispositif de soutien à l’exportation ne
font pas l’objet de priorités claires.
Dans le secteur audiovisuel, la conscience partagée des difficultés
de la fiction à l’exportation n’entraîne pas pour autant un soutien renforcé
à ce genre. Au contraire, la promotion à l’étranger des programmes
audiovisuels se limite à accompagner les projets au gré des demandes.
Fort logiquement, les appels les plus fréquents au soutien du CNC
concernent donc les genres les plus demandés sur les marchés
internationaux que sont l’animation et le documentaire.
L'absence de priorité est également perceptible dans les modalités
d'attribution des aides sélectives, dont certaines sont versées de manière
quasi automatique et parfois sans exiger de compte rendu sur leur
utilisation.
4 -
L’urgence d’un meilleur ciblage des dispositifs de soutien à
l'exportation
Le succès à l'exportation en matière cinématographique comme en
matière audiovisuelle repose avant tout sur la connaissance des marchés
étrangers et l'optimisation du plan de distribution au niveau local, donc
sur la capacité des exportateurs à nouer avec les distributeurs locaux des
relations commerciales pérennes et avisées.
Dans le domaine cinématographique, le marché français de
l’exportation est relativement concentré. Seule une vingtaine d'entreprises
y exercent une activité permanente, correspondant à trois profils
principaux : trois sont des sociétés affiliées à des diffuseurs, qui disposent
d'un catalogue important de titres français ou étrangers qu’elles ont
acquis,
quatre
sont
des
filiales
de
groupes
d'exploitation
cinématographique, dont le catalogue est principalement constitué des
films qu'elles produisent ou coproduisent et distribuent en salles, enfin
une quinzaine sont des sociétés indépendantes, pouvant être à la fois
productrices ou distributrices et qui bénéficient d'un nombre plus restreint
de titres ainsi que d'une solidité financière plus aléatoire. La plupart de
ces sociétés indépendantes, qui ne prennent en charge qu'un nombre
limité de films, ont une réputation de découvreur de talents. En 2012, les
trois premières sociétés d'exportation concentraient 65 % des recettes
encaissées pour la vente de films français à l'étranger. Quatre entreprises
réalisent plus de 10 M€ de recettes et captent 72 % des recettes totales des
films français à l’étranger (83 % en 2011).
Sur le marché international de l’audiovisuel, l’émiettement de la
branche s’est accentué au cours des dernières années, marquées par une
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156
COUR DES COMPTES
dispersion croissante des exportateurs actifs dans les ventes et les
préventes à l’international
185
. Si l’on s’en tient aux performances des cinq
sociétés les plus importantes en matière d’exportation, on ne peut que
relever leur difficulté à développer leur activité internationale.
Or,
si
la
commercialisation
à
l'étranger
des
programmes
audiovisuels nécessite, comme en matière cinématographique, une fine
connaissance des marchés étrangers, elle présente néanmoins une
dimension plus industrielle : les acheteurs (chaînes de télévision, plates-
formes de vidéo à la demande) y sont relativement homogènes, moins
nombreux
que
dans
le
domaine
cinématographique,
et
souvent
demandeurs d’importants volumes horaires de programmes (l’ensemble
des saisons d’une série, par exemple). Surtout, l'aléa du plan de
distribution disparaît en l'absence de diffusion en salles, et l'acte de vente
ne comporte aucune stipulation liant les revenus du vendeur aux recettes
résultant de l'exploitation du programme. Dans un tel contexte, la
pertinence économique d'un tissu fragmenté d'exportateurs - et de
producteurs - apparaît encore moins justifiée en matière audiovisuelle
qu'elle ne l'est pour la filière cinématographique, et le soutien public
devrait s’efforcer de contribuer à sa concentration.
Face à l'enchevêtrement des actions menées par les structures
chargées du soutien à la promotion et à l'exportation, les pouvoirs publics
ont récemment adopté plusieurs mesures destinées à clarifier la répartition
des compétences et à améliorer les échanges entre les différentes
structures (convention de mai 2011 entre UniFrance et l’Institut français,
limitation des redondances liées à l’aide à la distribution des films en
territoire étranger et à l’aide au doublage entre UniFrance et le CNC).
Au-delà de ces mesures nécessaires, il pourrait s'avérer pertinent
de renforcer la dynamique de rapprochement entre les nombreux acteurs
intervenant aujourd'hui dans ce secteur. À cet égard, la mutualisation de
certaines actions actuellement réalisées par UniFrance et par TVFI
pourrait
permettre
d’accroître
la
visibilité
des
productions
cinématographiques et audiovisuelles vis-à-vis de pays acheteurs dans
lesquels la distinction entre les deux secteurs n’est pas aussi marquée
qu’en France. La similitude de certaines missions (veille économique et
expertise pays, distribution sur les nouveaux médias, fonctions support),
l’adhésion de certaines entreprises aux deux associations ainsi que les
apports à attendre d’un partage d’expériences entre les secteurs de
l’audiovisuel et du cinéma font d’un regroupement progressif une option
185
Les données disponibles doivent cependant être interprétées avec précaution en
raison du nombre croissant de réponses collectées par l’association TVFI.
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LES DEFIS DE LA NUMERISATION DANS UN MARCHE MONDIALISE
157
envisageable. Le CNC indique que la réflexion mérite d’être explorée,
malgré les spécificités fortes de chaque marché.
La mise en place, à la fin de l’année 2013, d’un fonds d’avance
remboursables (le FARAP), géré par l’IFCIC et accordé par un comité
d’experts en fonction de la stratégie internationale de l’exportateur, paraît
à même de faciliter la prise de risque des exportateurs, tout en prévoyant
un remboursement des fonds en cas de succès.
Au regard des constats établis précédemment, les crédits
aujourd’hui affectés aux aides à l’exportation pourraient être redéployés,
d’une part, sur ce mécanisme assurantiel, et, d’autre part, sur un soutien
sélectif ponctuel, géré par une commission unique (sous l’égide du CNC
ou d’Unifrance et de TVFI). Cette commission serait chargée de cibler
des projets de prospection portés par des acteurs indépendants ou des
initiatives
innovantes
pour
promouvoir
l’image
des
productions
françaises.
My French
Film Festival
MyFrenchFilmFestival.com
est un festival de cinéma français
entièrement dématérialisé qui permet à chacun, quel que soit son pays,
d'avoir accès aux films sélectionnés : dix longs métrages et dix courts
métrages en compétition, ainsi que trois films hors compétition.
Après une première édition en janvier 2011 qui avait enregistré 40 000
visionnages de films, M
yFrenchFilmFestival.com
a organisé en janvier et
février 2014 sa quatrième édition, avec des films sous-titrés en 13 langues.
En 2013, 750 000 visionnages ont été enregistrés, provenant de 189 pays.
En relais du site dédié, le festival est également disponible sur une
vingtaine de plates-formes partenaires, gratuites ou payantes (en contrepartie
du versement aux ayants droit d'une rémunération dont se sont acquittés les
partenaires privés). Les internautes sont invités à noter tous les films et à
laisser leurs commentaires sur le site. Sept prix sont décernés à l’issue du
festival. La Chine, la Pologne et la Russie étaient les principaux pays
d’origine des visionnages pour l’édition 2013.
Enfin, les aides publiques devraient intégrer dès l’amont la prise en
compte de l’environnement international. Une partie significative de la
compétitivité à l’exportation se joue en effet dès le stade de la production,
la plupart des oeuvres qui recueillent un succès international ayant très tôt
intégré, au moment de leur financement, une préoccupation pour le
marché mondial, notamment au travers des préfinancements étrangers
(cf. annexe n° 14).
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158
COUR DES COMPTES
II
-
Une transition numérique source
d’opportunités plus que de menaces
L’application des technologies du numérique à des pans entiers de
l’activité cinématographie et audiovisuelle est en train de bouleverser
l’économie traditionnelle de ce secteur. Compte tenu des enjeux qui y
sont attachés, la phase de transition actuellement en cours impose de
procéder à des révisions de la réglementation et du système de soutien
public afin d’adapter la production française aux défis auxquels elle est
ainsi confrontée.
A - Une économie traditionnelle ébranlée dans ses
fondements par la transition en cours
1 -
De nouveaux modes de consommation de l’image
Le développement de la technologie numérique affecte le cinéma
et l’audiovisuel en facilitant la dématérialisation de la diffusion des
images, ce qui réduit le coût de leur duplication et de leur distribution.
L’évolution qui en résulte s’est accélérée depuis une décennie.
a)
Des usages de plus en plus variés et individualisés
Les ménages sont de plus en plus équipés pour recevoir des images
numériques : ainsi, à la fin de l’année 2012, plus de trois foyers français
sur quatre possèdent un ordinateur, 70 % une connexion haut débit, 14 %
une tablette multimédia
186
. Un peu plus d’une personne sur cinq (et 40 %
des 12-17 ans) regarde la télévision par internet sur son ordinateur
187
. En
multipliant les supports de visionnage, les technologies numériques ont
également bouleversé les usages : désormais, le consommateur de films
ou de produits audiovisuels peut accéder de manière individualisée et à
tout moment à un ensemble considérable de programmes, qui transite par
de multiples équipements.
L’offre s’est elle-même transformée. Le passage de la diffusion
analogique
hertzienne
à
la
diffusion
en
numérique
susceptible
d’emprunter une grande variété de canaux a conduit à une multiplication
continue
du
nombre
des
diffuseurs
audiovisuels,
lesquels
ne
circonscrivent plus leur activité à la seule télévision. Toujours plus
186
Dossier n° 325 du CNC, le marché de la vidéo, mars 2013.
187
Contribution aux politiques culturelles à l’ère numérique
, rapport de M. Pierre
Lescure, 2013, p. 32.
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LES DEFIS DE LA NUMERISATION DANS UN MARCHE MONDIALISE
159
nombreux, les diffuseurs hertziens, distribution par câble ou par satellite,
coexistent désormais avec des services de médias audiovisuels
188
,
consultables sur différents supports (internet, réseau téléphonique DSL ou
vers les mobiles, câble, télévision numérique terrestre, satellite) : les
services de vidéo à la demande (VàD), la télévision de rattrapage et les
sites de partage de vidéo (YouTube, Dailymotion, etc.), qui tendent à
développer de nouveaux modèles économiques en proposant des contenus
sous forme de chaînes
189
.
Au surplus, de nouveaux acteurs mondiaux ont émergé sur le
marché audiovisuel, issus pour partie de la distribution de biens culturels
(Netflix, Amazon), pour partie des industries informatiques (Apple,
Google). Ils proposent des oeuvres et des programmes sans recourir aux
circuits de distribution d’un opérateur de télécommunications, mais en
offrant directement l’accès aux internautes, sur différents supports
connectés (télévision, ordinateurs, tablettes, téléphones portables, etc.)
190
.
En proposant des contenus audiovisuels récents, en location par
abonnement ou en téléchargement définitif, ces nouveaux services sont
susceptibles de concurrencer les chaînes payantes. Certains exportateurs
audiovisuels français déclarent réaliser jusqu’à 15 % de leur chiffre
d’affaires à l’international sur les nouveaux supports numériques de
diffusion, même si la moyenne s’établit encore à 2 % de l’ensemble des
exportations
191
.
b)
Une complémentarité plus qu’une substitution
Il serait excessif de considérer que ces nouvelles pratiques de
consommation sont appelées à se substituer entièrement aux anciennes :
d’une part, parce que la consommation de films en salle de cinéma devrait
perdurer, dans la mesure où elle représente une pratique individuelle et
sociale répondant à des motivations spécifiques, et, d’autre part, parce
que la consommation sur les services linéaires reste encore importante et
188
« Service de médias audiovisuels fourni par un fournisseur de services de médias
pour le visionnage de programmes au moment choisi par l’utilisateur et sur demande
individuelle sur la base d’un catalogue de programmes sélectionnés par le fournisseur
de services de médias » (directive 2007/65/CE).
189
YouTube a ainsi lancé, au printemps 2013, un bouquet d’une cinquantaine de
chaînes thématiques sur abonnement. Studio Bagel, chaîne centrée sur l’humour,
rassemblait en novembre 2013 plus d’un million d’abonnés (« Les plates-formes
vidéo à la conquête de nouveaux horizons », Inaglobal, décembre 2013).
190
En 2011, le chiffre d’affaires d’iTunes a dépassé 1 Md€ en Europe. Plus de 45 000
films peuvent être achetés ou loués sur son site. Aux États-Unis, Netflix est fréquenté
par 43 % des Américains entre 18 à 36 ans (Source : Harris Interactive).
191
Source : TVFI.
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160
COUR DES COMPTES
devrait vraisemblablement demeurer complémentaire des nouveaux
usages
192
.
Il n’en reste pas moins que l’économie numérique conduit à
l’émergence d’une concurrence très vive qui remet en cause l’équilibre
économique jusqu’alors établi entre les différentes fenêtres d’exploitation
des films et des programmes audiovisuels :
-
la salle de cinéma est concurrencée par la possibilité de
disposer ultérieurement – voire immédiatement via le piratage –
des films sur des supports d’accès individualisés ;
-
le modèle économique des chaînes de télévision gratuites, qui
repose
sur
leur
capacité
à
attirer
des
investissements
publicitaires en fonction de leur audience, est confronté à la
concurrence du média internet et à la fragmentation des
comportements de consommation, désormais plus volatils ;
l’audience devient plus difficile à appréhender et donc à
monétiser ;
-
les télévisions payantes, qui tirent profit d’une exclusivité de
diffusion pour les contenus audiovisuels à forte valeur ajoutée,
pourraient bientôt souffrir de la concurrence des services de
vidéo à la demande par abonnement (VàDA) et de leurs
contenus exclusifs, comme c’est déjà le cas aux États-Unis
193
.
c)
La consommation illégale de contenus
La numérisation facilite également la consommation illégale des
images. Quoique ce phénomène soit difficilement mesurable, le CNC a
estimé que 40,5 % des films sortis en salles en 2006 étaient disponibles
illégalement sur internet l’année de leur sortie, en moyenne 41 jours après
leur sortie en salles
194
. Au premier semestre 2008, le nombre de
téléchargements non autorisés a été évalué à 76,5 millions, la
fréquentation des salles de cinéma atteignant, pendant la même période,
un chiffre de 100,9 millions, les ventes de DVD 53,8 millions et les
téléchargements dans le cadre de l’offre légale de vidéo à la demande
192
La durée d’écoute moyenne de la télévision reste en hausse tendancielle, malgré
une légère baisse en 2013 (3h24 en 2008, 3h50 en 2012, 3h45 en 2013).
193
Depuis octobre 2013, la société américaine de VàDA Netflix compte davantage
d’abonnés que la chaîne payante HBO. À partir de 2016, la publicité sur les supports
de diffusion
over the top
pourrait progresser plus vite que sur la télévision à péage
(
L'avenir de la télévision face aux scénarios de la migration internet,
IDATE, 2011).
194
L’offre « pirate » de films sur internet
, CNC et ALPA, octobre 2007.
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LES DEFIS DE LA NUMERISATION DANS UN MARCHE MONDIALISE
161
environ 6 millions
195
. Les films figureraient parmi les contenus les plus
piratés, devant la musique ou les livres
196
.
En réaction au piratage des oeuvres, la création de la Haute
Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur
Internet (HADOPI) par la loi du 12 juin 2009 a eu pour objectif de
promouvoir le développement de l’offre légale et de protéger les oeuvres
contre le risque d’un usage illicite, en instaurant une procédure dite de
« réponse graduée ». Une baisse des téléchargements illégaux via la
technologie de pair à pair (
peer-to-peer
ou P2P)
197
a été enregistrée au
cours des dernières années.
Encore faudrait-il savoir si ce recul s’est accompagné d’une
progression de la consommation licite ou s’il a été compensé par le
développement d’autres formes de consommation illicite. Le rapport de
M. Pierre Lescure indique ainsi qu’« il semble qu’une partie significative
des internautes se soit reportée vers d’autres pratiques illicites ne faisant
l’objet d’aucun contrôle […] (téléchargement direct, streaming)
198
». Au
début de l'année 2012, le marché total de la consommation illicite de
services et sites de contenus en streaming et téléchargement direct (hors
P2P) en France représenterait l’équivalent de 51 à 72,5 M€
199
.
De même, la question de savoir si les usages illicites se substituent
à la consommation légale payante reste controversée. On a ainsi pu
constater que les consommateurs ayant des pratiques de consommations
illicites déclaraient des dépenses d'un niveau similaire à celui des autres
consommateurs en achat de biens et services culturels
200
. Par ailleurs,
195
Vidéo à la demande et télévision de rattrapage en Europe
, Observatoire européen
de l’audiovisuel et Direction du développement des médias, septembre 2009 (p.71).
196
Biens culturels et usages d’internet : pratiques et perception des internautes
français
, étude de l’Hadopi, janvier 2013.
197
Cf.
Contribution aux politiques culturelles à l’ère numérique
, rapport de M. Pierre
Lescure, 2013, p. 32. Le
peer-to-peer
est un modèle de réseau informatique
permettant à plusieurs ordinateurs de partager des fichiers, chaque ordinateur étant à
la fois client et serveur.
198
Le
streaming
consiste dans la lecture d'un flux audio ou vidéo à mesure qu'il est
diffusé, sous forme de stockage provisoire de données sur la mémoire vive d’un
ordinateur, sans téléchargement complet de fichier sur le disque dur.
199
Rapport sur les moyens de lutte contre le streaming et le téléchargement direct
illicites
, Mireille Imbert-Quaretta, février 2013.
200
Biens culturels et usages d’internet, op. cit.
L'étude néerlandaise "Legal, Economic
and Cultural Aspects of File Sharing", Nico van Eijk, Joost Poort, Paul Rutten,
Communications & Strategies
, 77, 2010 souligne même un possible impact favorable
du partage de fichiers pour les ventes de musique, films ou jeux vidéo.
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162
COUR DES COMPTES
certains chercheurs estiment que la mise à disposition de contenus
payants fait baisser le niveau de la consommation illicite
201
.
L'idée s'impose aujourd'hui qu'une politique publique efficace pour
réduire la consommation illégale implique avant tout l'élaboration d'outils
opérationnels de lutte contre les sites responsables de manquements au
droit d'auteur et de contrefaçon commerciale. C'est le sens de la mission
confiée par la ministre de la culture et de la communication à
Mme Mireille Imbert-Quaretta, présidente de la commission de protection
des droits, dont les conclusions sont attendues en 2014.
S'il reste donc difficile de chiffrer le manque à gagner que
représente le piratage pour l’industrie du cinéma et de l’audiovisuel, la
politique de soutien à la production cinématographique et audiovisuelle
n’a de sens que si elle peut aller de pair avec une lutte efficace contre la
consommation illégale d’images.
2 -
Un gisement potentiel de recettes
Si le marché de la vidéo dématérialisée reste encore très inférieur
au marché de la vidéo physique (252 M€ en 2012, contre 1,3 Md€), ce
dernier n’en a pas moins régressé de 13 % au cours des cinq dernières
années et pourrait être supplanté par les ventes de vidéos dématérialisées
avant la fin de la décennie. Cette évolution est d’ores et déjà à l’oeuvre
dans les plans de distribution des films : le pourcentage de films sortis en
salles qui sont également disponibles en vidéo à la demande (63 %)
dépasse désormais celui des sorties en DVD (61 %).
Avec environ 11 000 films et 27 000 programmes audiovisuels, de
toutes nationalités, disponibles sur les plates-formes de vidéo à la
demande en 2012, le marché français présente d’importantes perspectives
de progression
202
. S’agissant des oeuvres de catalogue, la richesse du stock
des
productions
cinématographiques
et
audiovisuelles
françaises
représente une source de valorisation encore importante.
En tout état de cause, la production cinématographique française
peut d’ores et déjà se prévaloir de bons résultats sur la fenêtre
d’exploitation numérique. Bien que le cinéma américain pèse plus de
50 % des ventes en volume de séances de VàD en France en 2012, on
trouve néanmoins six films français dans les dix programmes les plus
201
Michael D. Smith et Rahul Telang,
Delaying content leaves money on the table
,
The Hill
, 29 novembre 2011, article cité par le rapport de Pierre Lescure p. 93.
202
D’après l’étude du CNC sur le marché de la vidéo (mars 2013), sur 54 000
références disponibles en vidéo à la demande en France en 2012, l’offre s’étant
enrichie de 30 % en un an (18 % pour les films).
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163
téléchargés, contre seulement trois films américains. Sur les dix premiers
mois de l’année 2012, la part de marché des films français en VàD, qui
atteignait 35,6 %, était proche du niveau moyen constaté en salles au
cours des dix dernières années.
S’il est vrai que l’exploitation des films en VàD en France présente
à ce jour une dimension pro-cyclique très marquée en raison de la
surreprésentation des films ayant réalisé le plus grand nombre d’entrées
en salles et bénéficiant de plusieurs sources de préfinancement, le marché
de la vidéo à la demande apparaît cependant moins discriminant que celui
de la salle : en 2012, les trente films les plus téléchargés n’ont été à
l’origine que de près d’un quart des ventes cinéma sur les plates-formes
de paiement à l’acte, alors que les trente premiers films en salle
représentaient 68,8 % des entrées.
L’essor de la vidéo dématérialisée représente donc un gisement
potentiel
de
recettes
pour
la
production
audiovisuelle
et
cinématographique, sans qu’il soit possible à ce stade de déterminer son
ampleur car la filière de distribution des contenus audiovisuels en ligne
est encore très hétérogène et ne relève pas d’un modèle économique
éprouvé. En effet, comme le souligne M. Michel Gomez dans son rapport
sur la transparence de la filière cinématographique
203
, l’organisation de
cette filière fait intervenir différents acteurs : des éditeurs, détenteurs de
droits VàD, qui peuvent être soit de simples agrégateurs de contenus
assimilables à des grossistes, soit des opérateurs offrant des sites avec une
capacité éditoriale, mais aussi des services de VàD, c’est-à-dire des
plates-formes qui facturent au client final (sites internet, FAI). En outre,
le fait que les prix comme les marges
204
soient moins favorables pour la
VàD par rapport au DVD, a pu expliquer, au cours des dernières années,
une certaine frilosité de l’industrie cinématographique et audiovisuelle à
l’égard de la VàD
205
.
Cependant si l’accès à la fenêtre numérique est encore très
concentré et faiblement rémunérateur, y compris pour les éditeurs de
203
Septembre 2011.
204
Le producteur ou son mandataire est rémunéré sur les encaissements bruts VàD ou
sur le chiffre d’affaires hors taxes effectivement encaissé par l’éditeur, directement
auprès du service de VàD concerné, diminué des sommes versées aux sociétés de
perception et de répartition des droits, de la taxe sur les services de VàD des frais
d’édition et, plus rarement, des minimas garantis versés par l’éditeur.
205
« Les détenteurs de droits, qui ont intérêt à la valorisation maximale de leurs
oeuvres, sur tous supports (…), redoutent la destruction de valeur qu’une exploitation
VàD à bas prix serait susceptible d’engendrer, certains détenteurs de droit ayant
clairement indiqué qu’ils ne souhaitaient pas alimenter le marché de la VàD, ni en
films récents, ni en films de catalogue. » (rapport de Mme Sylvie Hubac sur le
développement des services de médias à la demande, 2010)
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164
COUR DES COMPTES
service, la valorisation de ces contenus sur cette fenêtre d’exploitation
apparaît, pour l’heure, plus équitablement répartie entre les différentes
parties prenantes. Les producteurs et les ayants droit devraient donc avoir
intérêt à maximiser l’exposition de leurs programmes sur la fenêtre de la
vidéo dématérialisée, à condition toutefois de pouvoir contrebalancer la
faiblesse des prix unitaires de vente par l’ampleur des volumes d’achat.
3 -
Des opérateurs français et européens encore peu présents
Le marché de la distribution des contenus audiovisuels en ligne est
aujourd’hui dominé par les acteurs américains. Alors qu’Apple bénéficie
pleinement de la croissance très rapide du marché mondial de la vidéo en
téléchargement définitif (+ 46,6 % entre 2010 et 2011), les services de
vidéo à la demande de Netflix (qui propose un catalogue de 5 000 films,
la plupart disponibles entre 11 et 12 mois après leur sortie en salles) et de
Lovefilm, racheté par Amazon, consolident leur position sur le marché de
la location dématérialisée, secteur dont le chiffre d’affaires a augmenté de
41,7 % entre 2010 et 2011.
Au sein de l’Union européenne, sur les 920 services de vidéo à la
demande recensés par l’Observatoire européen de l’audiovisuel, plus de
45 % sont édités par des groupes américains, soit à partir des États-Unis,
soit par le biais de filiales, localisées, pour les plus importantes d’entre
elles, dans des États membres à la fiscalité plus avantageuse
(Luxembourg, Irlande, Pays-Bas).
L’avance prise par les acteurs américains sur le marché de la vidéo
dématérialisée n’est pas neutre sur le plan des contenus. En effet, en
disposant
des
principaux
distributeurs
(les
services
de
VàD
à
l’abonnement), les entreprises américaines organisent un marché des
contenus dont elles détiennent la majorité des parts et dans lequel la part
des programmes nationaux est faible. La présidente du groupe Netflix
chargée des contenus a ainsi pu déclarer que, « hors États-Unis, 15 à
20 % des programmes proposés sont des programmes locaux. »
206
Dans ce contexte, si les acteurs français sont en mesure de rivaliser
avec leurs concurrents étrangers sur le marché national, ils n’en doivent
pas moins être encouragés à développer leur offre de services. En 2012,
sur les dix premières plates-formes de vidéo à la demande à l’acte en
France, cinq étaient déployées par des groupes français, dont les quatre
premières. À cet égard, la vidéo dématérialisée illustre une convergence
des modèles économiques : sur ces quatre plates-formes, deux sont
proposées par des fournisseurs d’accès à internet (la VoD d’Orange et le
206
Correspondance de la presse
, 28 décembre 2012, entretien avec Kelly Merryman.
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165
club vidéo de SFR), une autre par une chaîne payante (Canal Play) et une
autre par une chaîne gratuite (MyTF1 VoD).
Des services de vidéo à la demande par abonnement sont
également apparus au cours des dernières années : Canal play Infinity,
sous l’impulsion du groupe Canal +, et la plate-forme Filmo TV,
développée par le distributeur Wild Bunch et distribuée par Orange.
La compétitivité des plates-formes françaises sur le marché
national et à l’international repose sur deux stratégies divergentes selon le
modèle de vente :
-
la vente à l’acte (vidéo à la demande) suppose une part
importante de contenus premium, inédits et relativement
récents ;
-
la vente par abonnement nécessite avant tout une offre large,
diversifiée et structurée pour être rendue accessible au public.
À cet égard, l’offre de la première plate-forme de vidéo à la
demande en France, Canal Play Infinity, est constituée de près
de 1 400 films au 1
er
juillet 2013, soit moins du tiers de l’offre
de Netflix.
Graphique n° 24 : nombre de films proposés sur la plate-forme Canal
play Infinity par année de sortie en salles, au 1
er
juillet 2013
Source : Cour des comptes, d’après l’offre Canal play infinity.
Si dans le domaine audiovisuel, la plupart des plates-formes
négocient auprès des ayants-droit l’exclusivité de la diffusion des
programmes les plus attractifs (essentiellement des programmes de
0
20
40
60
80
100
120
140
1913
1933
1953
1973
1993
2013
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166
COUR DES COMPTES
fiction)
207
, les droits n’ont – jusqu’à présent – pas été acquis sur la base de
l’exclusivité dans le domaine cinématographique (sauf exception).
Certains services de vidéo à la demande, comme Netflix, commencent
cependant à négocier des droits exclusifs de distribution avec des
producteurs indépendants, voire à investir directement dans la production
pour s’assurer cette exclusivité.
Tableau n° 10 : principaux catalogues américains et français en 2013
Pays
Principaux détenteurs de
catalogue
Estimation du
nombre de
références
cinématographiques
États-Unis
Warner Bros (Time Warner)
6 000
MGM
5 200
Universal
3 600
Columbia Tristar
2 400
20th Century Fox (News Corp)
2 100
Paramount (Viacom)
950
Buena Vista (Disney)
500
France
Canal +
5 500
Gaumont
1 000
Pathé
750
TF1
500
Source : KPG / IMM pour les catalogues américains, CNC et documents de
référence des sociétés pour les catalogues français.
L’étude réalisée en 2012 pour la Commission européenne sur les
nouveaux
modèles
économiques
à
l’oeuvre
dans
le
secteur
de
l’audiovisuel mentionne l’émergence de stratégies consistant à fusionner
plusieurs segments de la chaîne de valeur (salles, DVD, VàD)
208
. Leur
objectif est de répondre à la rotation de plus en plus rapide des films en
salles en profitant du coût d’accès réduit à la distribution numérique (peu
de charges fixes). Ils illustrent la transition d’un modèle d’intégration
verticale classique vers un modèle qui cumule différentes marges en
recherchant des points d’accès directs au consommateur.
En tout état de cause, la distribution numérique pourrait favoriser
une évolution d’une économie du préfinancement vers une économie de
207
À titre d’exemple, Amazon / Lovefilm a obtenu au Royaume-Uni l’exclusivité de
la diffusion de la série
Downton Abbey
, série la plus regardée en vidéo à la demande.
208
À l’image des sociétés Magnolia, IFC et Curzon.
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167
l’amortissement, rendant nécessaire un financement accru de la
production par les producteurs eux-mêmes. Les implications en sont
importantes dans la mesure où :
-
les recettes générées sur les fenêtres d’exploitation numériques
proviennent, pour la plupart d’entre elles, de l’exploitation
secondaire d’une oeuvre ou d’un programme ayant déjà connu
un premier cycle d’exploitation sur son marché national ;
-
l’exploitation en vidéo dématérialisée des films et des
programmes audiovisuels ne donne pas lieu, dans la majorité
des cas, au versement de minima garantis de la part des
distributeurs ou des éditeurs et reste marquée, en dépit
d’évolutions récentes, par l’absence d’exclusivité dans le
domaine cinématographique.
Dans ce contexte, il est manifeste que tant la chronologie des
médias, qui interdit dans sa configuration actuelle l’exploitation en VàDA
avant un délai de trente-six mois suivant l’exploitation en salle, que la
structuration de l’offre de catalogues française, très fragmentée,
représentent des freins à la constitution de services globaux, ayant une
taille critique suffisante pour affronter la concurrence internationale.
4 -
Un risque de délitement du modèle de financement
Les évolutions survenues au cours des dernières années mettent à
mal la cohérence qui avait été établie entre la contribution financière
relative que les différents préfinanceurs apportent à la production et le
profit qu’ils retirent de la circulation des oeuvres. À cet égard, le modèle
de préfinancement par des tiers apparaît de plus en plus fragile.
Ainsi, l’exposition des films sortis en salle sur les fenêtres
postérieures suit-elle un cycle de moins en moins linéaire.
D’un côté, la part des films préalablement sortis en salles entre
2007 et 2010 et disponibles ultérieurement sur une chaîne payante accuse
une régression constante depuis 2007 : au 31 août 2012, la proportion
concernée excédait à peine la moitié (53 %) des films sortis en salles en
2010. Et l’évolution semble comparable pour les chaînes en clair.
À l’inverse, la part des films sortis en salles au cours de la même
période
et
disponibles
en
VàD
au
31 octobre
2012
progresse
régulièrement et atteint 71 % des films de l’année 2010. La part des films
sortis en salles et disponibles en vidéo physique accuse, quant à elle, une
légère diminution, mais demeure nettement supérieure à la part diffusée à
la télévision.
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Alors même que les secteurs de la vidéo physique et de la vidéo
dématérialisée contribuent dans une bien moindre mesure au financement
des dispositifs de soutien à l’image (tant en ce qui concerne le niveau des
taxes dont ils s’acquittent auprès du CNC que les obligations
d’investissement qui leur sont appliquées), leur capacité à faire circuler
les oeuvres est, par construction, nettement supérieure à celle des
diffuseurs télévisuels.
Les nouvelles fenêtres de diffusion ne prennent qu’une place
limitée dans le préfinancement des films. Comme pour la vidéo physique
semble-t-il désormais sur le déclin, les mandats d’exploitation des films
en vidéo dématérialisée demeurent très en retrait dans le financement des
films d’initiative française. Sans compter le fait que, dès lors qu’elles sont
piratées et offertes au téléchargement illégal, la diffusion de ces oeuvres
s’opère sans aucun retour financier pour leurs ayants droit.
En outre, les évolutions les plus récentes semblent indiquer que,
pour prometteur qu’il puisse être, l’usage des nouveaux modes de
diffusion, non encore stabilisé, est assez sensible à la conjoncture
économique, et que leurs perspectives contributives demeurent aléatoires.
Ainsi, après une croissance de 57 % entre 2009 et 2010 et
de 44 %
entre 2010 et 2011, le chiffre d’affaires de la VàD payante n’a progressé
que de 15 % en 2012. Dans ces conditions, il paraît difficile de concevoir
que le volume des recettes issues de ces nouveaux marchés puisse devenir
avant longtemps commensurable avec ceux que dégage l’exploitation en
salle ou à la télévision : pour mémoire, le marché de la VàD représentait
un chiffre d’affaires de 252 M€ en 2012, à comparer avec celui des salles
qui atteint 1,3 Md€ et celui des chaînes de télévision qui s’élève à
9,3 Md€.
De même, si la télévision de rattrapage donne accès à 59 % des
programmes des chaînes de télévision nationales, les programmes de
stock (animation, documentaire, fiction, oeuvre cinématographique) ne
représentent qu’une part réduite (12 %) de cette offre. En 2012, le chiffre
d’affaires publicitaire de la télévision de rattrapage était estimé à 45 M€,
contre 30 M€ en 2011, ce qui est encore très faible.
Par ailleurs la place des sites de partage de vidéo reste marginale.
En effet, les oeuvres cinématographiques et audiovisuelles sont loin d’y
constituer l’essentiel de la consommation, les autres types de contenus
constituant l’essentiel des visionnages : les clips musicaux (55 %), les
vidéos amateurs (34 %) et les bandes annonces de films (28 %)
209
.
209
Dossier n° 325 du CNC, le marché de la vidéo, mars 2013 (données déclaratives).
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169
Pour autant, l’exploitation de films ou de programmes audiovisuels
sur ces sites n’échappe pas à tout versement de recettes aux ayants droit,
la diffusion d’oeuvres résultant le plus souvent d’un accord avec les
distributeurs sur le partage des recettes publicitaires associées. En outre,
l’on observe que ces sites tendent à se rapprocher des diffuseurs
professionnels (studios, chaînes de télévision, institutions, etc.) pour
mettre à leur service les capacités d’hébergement dont ils disposent et leur
ouvrir une nouvelle fenêtre de diffusion moyennant partage des revenus
publicitaires qui en résultent. Enfin, ces hébergeurs passent également des
accords avec des sociétés de gestion collective des droits pour la
rémunération des auteurs et compositeurs dont les oeuvres sont
diffusées
210
.
Face à ces évolutions propres aux nouveaux modes de diffusion,
les acteurs d’origine française demeurent trop en retrait pour ne pas être
menacés par l’arrivée de nouveaux entrants étrangers, principalement
américains. Ceux-ci échappent encore très largement à l’application du
principe selon lequel la diffusion de contenus cinématographiques ou
audiovisuels a vocation à contribuer, d’une manière ou d’une autre, au
financement de la production nationale. En effet, la taxation de ces
distributeurs à raison du chiffre d’affaires qu’ils réalisent en France
demeure
difficilement
praticable
pour
des
raisons
juridiques
(extraterritorialité).
Seule
l’asymétrie
actuelle
en
matière
fiscale
concernant
la
TVA
sera
partiellement
corrigée,
à
partir
du
1
er
janvier 2015 : les services de télécommunication, de radiodiffusion et
de télévision et ceux fournis par voie électronique par des prestataires de
l’Union européenne à des clients non assujettis établis dans l’Union
seront imposables dans l'État membre du preneur de la prestation
211
. En
outre, le fait que la plupart d’entre eux ne marquent pas un intérêt
particulier pour la production française et privilégient les productions
américaines
rend
encore
plus
difficile
la
justification
de
leur
assujettissement à ce type de taxation. En l’absence de règles
supranationales, il n’y aurait aucune rationalité économique à leur
imposer de se plier à de telles contraintes dès lors qu’ils n’en retirent pas
de bénéfice direct.
210
Dailymotion a ainsi signé, en octobre 2007, un accord avec l’USPA, syndicat de
producteurs audiovisuels, prévoyant la conclusion de contrats pour le partage des
revenus publicitaires attachés à la communication des oeuvres. En septembre 2008, il a
également signé un accord avec trois des principales sociétés de gestion collective
(SACD, Scam et ADAGP), aux termes duquel les sociétés percevront des droits pour
les oeuvres de leurs répertoires respectifs diffusées sur le site dans le monde entier.
211
En application de la directive 2008/8/CE.
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170
COUR DES COMPTES
À ce jour, il demeure donc difficile d’anticiper de façon claire la
configuration que revêtira le système de diffusion numérique des images
cinématographiques et audiovisuelles, une fois que celui-ci commencera à
se stabiliser. Il n’en est pas moins vrai que la transition en cours n’offre
aucune garantie quant au maintien en l’état, voire à l’augmentation du
volume des recettes que produira la combinaison de ces nouveaux modes
de diffusion avec les plus traditionnels (salle, télévision et vidéo
physique). À un moment où les ressources issues de la télévision
paraissent plus incertaines (cf. chapitre III) et où se profile l’arrivée des
puissantes plates-formes américaines dont la contribution au financement
de la production française demeure encore problématique, l’équilibre du
système qui a jusqu’à présent permis la perpétuation d’une activité
cinématographique importante et diversifiée, et, dans une moindre
mesure, d’une activité audiovisuelle consistante, se trouve sans aucun
doute fragilisé.
B - Des réponses encore insuffisantes
Le développement de la diffusion d’images animées par voie
numérique suppose au préalable la numérisation des oeuvres et la
généralisation des supports permettant leur exploitation sur ce nouveau
mode. Le franchissement de cette première étape, indispensable, à
laquelle les pouvoirs publics ont contribué par une politique de soutien
active
212
, n’épuise en rien la problématique plus fondamentale liée à
l’équilibre financier du système de la production cinématographique et
audiovisuelle, qui appelle des évolutions plus profondes des dispositifs
existants.
1 -
La numérisation des moyens de diffusion et des oeuvres
L’enjeu
de
la
numérisation
des
contenus
comporte
trois
dimensions : la dimension technique (numérisation des salles et des
oeuvres), la dimension juridique (l’exploitation en ligne des oeuvres de
catalogue supposant bien souvent la modification des contrats, qui ne la
prévoyaient pas) et la dimension commerciale (toutes les oeuvres de stock
ne présentant pas les mêmes perspectives de recettes commerciales, la
transition numérique devra concerner le plus grand nombre d’oeuvres
pour satisfaire à l’objectif de diversité culturelle). À ce jour, les modalités
traditionnelles d’intervention de la puissance publique ne s’articulent
qu’imparfaitement avec ces nouveaux enjeux.
212
Malgré les limitations imposées par le droit communautaire, notamment en matière
de soutien à la vidéo à la demande par abonnement ou aux industries techniques, les
aides à ces secteurs étant strictement plafonnées.
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171
Anticipant les besoins futurs d’investissement et disposant avec la
TST « distributeur » d’une ressource dynamique à partir de 2008, le CNC
a déployé un plan exceptionnel d’investissement en faveur du numérique
s’étendant sur la période 2010-2015. Constituant un effort financier
important (339 M€), ce plan vise à favoriser l’adoption des nouvelles
technologies numériques par les différents maillons de la chaîne du
cinéma et de l’audiovisuel. Il se décline en plusieurs volets :
-
un volet législatif : la loi du 30 septembre 2010 relative à
l’équipement numérique des salles encadre la redistribution des
économies réalisées par les distributeurs avec le passage au
numérique, sous forme de contribution numérique au bénéfice
des exploitants, en préservant la liberté de programmation et la
diversité de l’offre dans les salles ;
-
un plan de numérisation des salles de cinéma, pour un montant
prévu de 117,5 M€, comprenant une aide à l’équipement
numérique des salles et une dotation permettant à l’IFCIC de
garantir les crédits bancaires contractés par les exploitants pour
financer leur équipement numérique ;
-
un plan de numérisation des oeuvres
213
, d’un montant de
115 M€, comprenant une aide au master numérique des films
récents pour encourager une conversion rapide de l’offre de
films en numérique et limiter la période mixte « format 35 mm
– format numérique », une aide à la numérisation du patrimoine
cinématographique et audiovisuel pour assurer la disponibilité
en numérique d’une offre complète sur tous les nouveaux
supports de diffusion, et une aide à la numérisation des films
diffusés auprès des publics scolaires ;
-
un plan de soutien à la production audiovisuelle pour les
réseaux numériques (36,5 M€) destiné à soutenir le pic des
investissements
dans
la
création
originale
induits
par
l’apparition récente des nouveaux canaux de diffusion et par la
croissance de la production multi-supports et de la production
spécifique pour internet ;
-
un plan d’inventaire et de conservation numérique, qui
représente 69,8 M€ d’investissements incluant la mise au
standard numérique du laboratoire des Archives françaises du
film, et auxquels s’ajoutent des dépenses pérennes de 4,3 M€
par an à compter de 2011.
213
Par ailleurs, compte tenu des surcoûts liés à la double exploitation des films (en
35 mm et en numérique), des aides temporaires renforcées devraient être mises en
place dans le cadre des aides sélectives à la distribution.
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COUR DES COMPTES
Tableau n° 11 : exécution du plan exceptionnel
d’investissement en faveur du numérique au 10 septembre 2013
(en M€)
Coût total
Engagé au 10
septembre
2013
%
Engagement
Numérisation des salles
117,5
71,8
61,1 %
Numérisation des oeuvres
115,2
12,8
11,1 %
Soutien conjoncturel à la
production audiovisuelle pour les
réseaux numériques
36,5
35,5
97,3 %
Investissements liés à la diffusion et
à la conservation numériques
69,8
6,6
9,5 %
Montant total du plan
exceptionnel en faveur du
numérique
339
126,7
37,4 %
Source : CNC.
Créé en décembre 2009 et doté d’un budget de 35 Md€, le
programme
des
investissements
d’avenir
a
consacré
les
enjeux
numériques comme l’une de ses cinq priorités. Doté d’une enveloppe
globale de 4,5 Md€, le programme d’investissements numériques est
majoritairement financé par le fonds national pour la société numérique
(FSN) et sa gestion opérationnelle confiée à la Caisse des dépôts et
consignations.
Le FSN a souhaité inclure dans le périmètre des nouveaux usages,
services et contenus numériques (enveloppe globale de 1,6 Md€) la
numérisation
des
catalogues
d’oeuvres
cinématographiques.
Ses
conditions d’intervention, limitées au rôle d’investisseur minoritaire,
prévoyaient que celle-ci serait réservée aux films comportant des
débouchés commerciaux et susceptibles de présenter une perspective de
rentabilité dans un horizon temporel adapté
214
. Dans ce contexte, un
accord-cadre entre l’État et les principaux détenteurs de catalogue
215
a été
signé le 15 mai 2011, en marge du festival de Cannes. L’accord précisait
que les projets éligibles devaient offrir « un juste équilibre entre la
rentabilité attendue et le niveau de risque associé pour le détenteur de
catalogue et pour le FSN », en vertu du « principe de l’investisseur avisé
en phase avec les spécificités du secteur du cinéma ».
214
Appel à manifestations d’intérêt pour les investissements en soutien du
développement des services, contenus et usages numériques innovants, 18 mars 2011.
215
Europacorp, Gaumont, Pathé, SNC, Studio37, StudioCanal, TF1 Droits
audiovisuels en présence de la SACD et de la Cinémathèque Française.
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173
Deux ans après la signature de cet accord-cadre, le bilan de cette
opération est plutôt décevant. Le seul projet actuellement engagé, après
de longues négociations depuis l’accord de Cannes jusqu’à la décision
d’engagement du 20 mars 2012, est celui du catalogue Gaumont. Aux
termes de cet accord, près de 270 films seront numérisés sur une période
de quatre ans, l’investissement du FSN à hauteur de 9,9 M€ étant
compensé par l’attribution d’un couloir des recettes brutes distributeur.
Le taux de retour sur investissement prévu calculé par la Caisse des
dépôts et consignations se situe entre 4 et 5 %, ce qui est un taux très
élevé dans un secteur à risque
216
. Il semble que les conditions de
rentabilité exigées par le FSN, tout autant que la perception d’une part de
recettes brutes distributeur, aient découragé les détenteurs de catalogue à
conclure des accords de numérisation. Il apparaît significatif, à cet égard,
que le groupe Pathé, qui avait signé l’accord-cadre de 2011, ait
finalement choisi de numériser seul ses catalogues.
A contrario
, apparaît peu opérante la distinction établie entre les
oeuvres ouvrant des perspectives de rentabilité commerciale cofinancées
par la Caisse des dépôts et consignations en vertu du principe
d’investisseur avisé et les oeuvres marquées par un « caractère incertain
des perspectives d’exploitation commerciale au regard des coûts
exposés »
217
, éligibles quant à elles au dispositif d’aide sélective à la
numérisation des oeuvres du CNC.
L’Atalante
, de Jean Vigo, aidée au titre
du FSN, aurait eu tout à fait sa place dans la liste des projets soutenus par
le CNC, tandis que certaines des oeuvres dont ce dernier a aidé la
numérisation (longs-métrages de Philippe de Broca ou de Robert
Guédiguian, à titre d’exemple) émanent de détenteurs de catalogues
signataires de l’accord-cadre de Cannes (Studio 37, TF1 droits
audiovisuels) et semblent moins confidentielles, donc en mesure de
dégager de nouvelles recettes.
Compte tenu de la difficulté à évaluer sur le long terme les recettes
commerciales à attendre des films numérisés, le CNC verse ses aides sous
forme de subvention ou d’avance remboursable selon un échéancier
contractuel, voire un mélange des deux. L’établissement public indique
que le « relatif échec du dispositif des « investissements d’avenir » dans
le domaine du patrimoine cinématographique » a fait du CNC le seul
216
La liste des premiers travaux de numérisation témoigne du profil varié des oeuvres
cinématographiques par rapport à leur date, leur popularité ou leur genre (
Sous le
soleil de Satan
de Maurice Pialat,
L’Atalante
de Jean Vigo,
Clara et les chics types
de
Jacques Monnet, etc.), une part significative, quoique minoritaire, de ces films étant
antérieure à 1950.
217
Descriptif de l’aide à la numérisation des oeuvres du patrimoine (site du CNC).
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174
COUR DES COMPTES
interlocuteur pour les ayants droit, et admet avoir préféré accepter les
projets, même « considérés comme trop commerciaux ».
2 -
La multiplication des aides du CNC
La multiplication des dispositifs visant à accompagner la transition
numérique, potentiellement porteuse de redondances, reflète une
économie générale des aides dans laquelle la création de nouveaux
mécanismes ne s’accompagne pas de la nécessaire évaluation de la
cohérence globale des soutiens.
Les aides à la production cinématographique et audiovisuelle
déployées par le CNC dans le cadre d’une économie matérielle,
comprenant les salles de cinéma, la télévision, la vidéo physique et
l’exportation, trouvent naturellement à s’appliquer dans une économie
dématérialisée. Les nouveaux réseaux numériques constituent en effet un
nouveau mode de diffusion des oeuvres traditionnelles, dès lors que
celles-ci sont numérisées, et jouent en retour un rôle prescripteur sur les
autres médias. La popularité croissante de la diffusion de programmes en
télévision de rattrapage illustre, de ce point de vue, la place centrale que
ces réseaux numériques continuent d’accorder aux contenus traditionnels.
Par ailleurs, outre l’extension déjà évoquée du compte de soutien
automatique aux nouveaux médias en 2011 (« Web COSIP »), de
nouveaux dispositifs d’aide ont été déployés par le CNC, permettant de
soutenir, plus ou moins directement, l’innovation et les nouveaux
supports de diffusion d’images : ils visent en particulier à accompagner
les investissements liés au numérique, à encourager le développement de
technologies innovantes et à favoriser les projets conçus pour plusieurs
supports de diffusion.
S’ajoutant au dispositif préexistant (RIAM), les décrets des
17 janvier 2012 et 24 février 2012 sont notamment venus confirmer
l’existence du dispositif d’aide à la création artistique multimédia
(DiCRéAM) et d’une aide sélective à la création pour les nouveaux
médias (principalement internet et les écrans mobiles), auparavant mis en
oeuvre par voie de convention avec le ministère de la culture et de la
communication ou sous forme expérimentale. Ces dispositifs s’adressent
aux oeuvres novatrices ou expérimentales dans le domaine de la création
artistique multimédia et numérique, aux oeuvres spécifiquement destinées
aux nouveaux médias et aux oeuvres dites « transmédia », c’est-à-dire
exploitables sur les supports traditionnels (télévision, salles de cinéma) et
sur les nouveaux médias. Le RIAM, pour sa part, devrait être
prochainement élargi grâce à un dispositif similaire de soutien à la
recherche et développement, ouvert aux grands comptes.
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175
Comme le montre le tableau ci-dessous, les montants attribués à
ces dispositifs sont encore très modestes.
Tableau n° 12 : dispositifs de soutien aux nouveaux médias
audiovisuels, de 2008 à 2012 (en millions d’euros)
2008
2009
2010
2011
2012
« Web COSIP »
-
-
-
1,2
2,2
Fonds d’aide à l’innovation
audiovisuelle
1,0
0,9
0,9
2,7
3,0
Aides à la création numérique
(nouveaux médias)
1,1
1,5
1,8
2,3
2,4
Promotion des nouveaux médias
(associations)
-
0,1
0,3
0,2
0,2
Aide à la création artistique
multimédia (DiCréAM)
0,7
0,7
0,7
1,0
1,0
Aide à la recherche et à
l’innovation
en audiovisuel et multimédia
(RIAM)
1,6
0,4
0,5
0,3
1,5
Aide sélective à la vidéo à la
demande
0,5
0,7
1,0
0,7
0,7
Total
4,9
4,3
5,2
8,4
11,0
Source : Cour des comptes d’après données CNC.
Incontestablement,
ces
créations
ont
été
motivées
par
la
préoccupation de répondre aux enjeux posés par la numérisation des
contenus et de leur mode de consommation. Cette adaptation traduit
néanmoins une approche incrémentale du soutien public, qui se construit,
année après année, par l’adjonction de nouveaux dispositifs et qui conduit
à une rigidification du régime des aides, dès lors que celles-ci
correspondent à des guichets sectoriels fortement spécialisés, disposant de
surcroît, pour la plupart, d’une enveloppe budgétaire très limitée.
Par ailleurs, l’approche retenue par le CNC repose sur une
segmentation des activités qui pourrait, dans certains cas, s’avérer contre-
productive, eu égard aux évolutions des secteurs aidés et des autres
dispositifs de soutien. L’exposition des oeuvres, en particulier, souffre
aujourd’hui d’une dichotomie très prononcée entre la production
cinématographique et la production audiovisuelle. Si la sortie en salles
constitue toujours un événement de nature à différencier les films des
programmes audiovisuels, plusieurs éléments plaident néanmoins pour
une atténuation de cette frontière s’agissant des aides versées par le CNC,
notamment la saturation de la fenêtre d’exploitation que constitue la
salle et les perspectives de recettes que peuvent représenter à terme, pour
les oeuvres au plan de distribution plus modeste, l’exploitation en ligne.
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176
COUR DES COMPTES
Une réflexion semble donc nécessaire sur un élargissement du fait
générateur du soutien public, aujourd’hui limité à l’agrément du film dans
la perspective de sa sortie en salle. À l’avenir, la diffusion d’une oeuvre à
la télévision, sa mise à disposition du public par un service de média
audiovisuel ou en vidéo, préalablement ou simultanément à sa diffusion
en salles, pourraient être des faits générateurs des aides du CNC, ce qui
assurerait à la fois une plus grande fongibilité des différents types
d’aides
218
et une simplification de leur architecture. La multiplication de
ces
passerelles,
via
des
possibilités
de
requalification
d’oeuvre
cinématographique en oeuvre audiovisuelle et inversement, et la
mobilisation de l’un ou l’autre des soutiens automatiques pour financer de
nouvelles oeuvres pourraient faciliter encore ce type de mouvements.
3 -
Une adaptation encore partielle des relais de financement
Les enjeux de financement qui sont associés à l’émergence du
numérique ont conduit le ministère de la culture et de la communication à
étendre aux acteurs numériques susceptibles d’être assujettis au cadre
réglementaire national les obligations des diffuseurs.
Par le décret du 12 novembre 2010 sur les services de médias à la
demande (SMAD)
219
, le périmètre des obligations d'investissement qui
pèsent sur les diffuseurs a été étendu aux services de médias audiovisuels
à la demande (télévision de rattrapage et services payants à l’abonnement
ou à l’acte) qui mettent à la disposition du public au moins dix oeuvres
cinématographiques ou dix programmes audiovisuels au cours d’une
année. Ce décret prévoit un relèvement progressif du niveau des
obligations, pouvant aller de 15 à 26 % du chiffre d’affaires en fonction
du nombre d’oeuvres diffusées et de la fenêtre de diffusion. De plus, ces
services doivent respecter les mêmes quotas d’oeuvres que les services
linéaires, s’agissant à la fois de la composition de leur catalogue et de leur
page
d’accueil
(60 %
d’oeuvres
européennes
et
40 %
d’oeuvres
d’expression originale française).
218
Le CNC a récemment rendu possible la mobilisation du soutien automatique à la
production cinématographique en faveur d’une oeuvre initialement conçue pour une
exploitation audiovisuelle, à condition de renoncer au bénéfice du soutien
automatique à la production audiovisuelle. De même, une oeuvre initialement
soutenue au titre des aides à la production cinématographique peut solliciter une aide
à la production audiovisuelle, sous réserve d’en respecter les conditions d’octroi et de
renoncer aux soutiens initialement perçus. Une autre passerelle a été mise en place par
le décret du 26 septembre 2012 pour permettre l’utilisation du compte de soutien
audiovisuel afin de financer la production d’oeuvres cinématographiques d’animation.
219
Décret n° 2010-1379 du 12 novembre 2010.
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177
Reprenant le principe qui sous-tend l’ensemble du dispositif
français à la production cinématographique et audiovisuelle pour les
acteurs français entrant sur le marché de la distribution numérique des
contenus, cette réglementation n’en emporte pas moins un effet
discriminant vis-à-vis de leurs homologues étrangers qui y demeurent
soustraits pour avoir développé leur activité en Europe sur le modèle du
commissionnement de filiales
220
.
Dès lors qu’il a été conçu pour être alimenté par une économie
territorialement circonscrite, le mécanisme de soutien à la production
cadre mal avec le développement des services proposés sur internet, dans
un cadre économique déterritorialisé
221
.
Plusieurs solutions ont été avancées pour adapter le cadre fiscal en
vigueur : adopter un régime de TVA compétitif pour la vente de médias
audiovisuels
en
ligne
222
,
introduire
en
droit
fiscal
la
notion
d’établissement stable virtuel, encadrer les prix de transfert abusifs,
prendre en compte le « travail gratuit » fourni par la collaboration des
internautes ou la monétisation des données personnelles
223
, taxer la
publicité en ligne et les services de commerce électronique, élargir aux
acteurs du Net la contribution à l’audiovisuel public
224
ou, plus largement,
instaurer de nouvelles modalités de contribution à la création de
l’ensemble des médias audiovisuels et une nouvelle régulation des acteurs
privés
225
. Aujourd’hui, aucune solution juridique n’a pris forme pour
garantir la contribution de ces acteurs au mécanisme de soutien public.
S’agissant par ailleurs des sites de partage de vidéos, leur
assujettissement à des obligations d’investissement dans la production
nécessiterait que leur qualification évolue en droit communautaire. À ce
220
Les revenus dégagés sur le territoire français sont perçus par des structures
installées hors de France, ce qui permet aux filiales françaises de ne devoir qu’un
impôt calculé à partir de leurs propres coûts de fonctionnement et de ne pas être
redevable de la réglementation nationale orientant les investissements des diffuseurs -
de tels services ne pouvant en effet se voir imposer des règles particulières au seul
motif que leurs offres sont accessibles ou commercialisées sur le marché français.
221
L’arrivée de diffuseurs non soumis à une réglementation culturelle a pu ainsi être
comparée au franchissement de la « ligne Maginot » des fréquences hertziennes.
Rapport du sénateur Jean-Pierre Plancade,
Production audiovisuelle : pour une
politique industrielle au service de l'exception culturelle
, p. 45, fait au nom de la
commission de la culture, de l'éducation et de la communication.
222
La télévision connectée
, mission conduite par M. Marc Tessier, novembre 2011.
223
Rapport sur la fiscalité de l’économie numérique
, Nicolas Colin et Pierre Collin,
janvier 2013.
224
Rapport du président de la commission des finances du Sénat, M. Philippe Marini,
sur la fiscalité numérique, juin 2012.
225
Contribution aux politiques culturelle à l’ère numérique
, rapport de Pierre
Lescure, 2013.
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jour, en effet, l’activité d’hébergeur ne relève pas de la directive sur les
services de médias audiovisuels mais de la directive sur le commerce
électronique
226
.
D’ores et déjà, et sans préjuger d’une solution plus générale, il
pourrait
s’avérer
pertinent
d’étendre
le
champ
des
obligations
d’investissement
des
diffuseurs
aux
dépenses
que
ceux-ci
sont
susceptibles d’engager pour acquérir des contenus inédits, les numériser
et les mettre à disposition sur une plate-forme de vidéo à la demande ou
un service de vidéo à la demande par abonnement. Une telle mesure
pourrait concourir à réduire l’asymétrie entre les diffuseurs traditionnels
et les nouveaux entrants sur le marché de la diffusion numérique des
contenus audiovisuels et cinématographiques, et semble de nature à
inciter les chaînes à utiliser les droits dont elles disposent pour constituer
des alternatives françaises plus puissantes aux plates-formes étrangères.
Outre que des infrastructures de cette nature commencent à
apparaître au sein des groupes audiovisuels (TF1, France Télévisions,
notamment), une telle évolution ne ferait que prendre acte, en matière
d’obligations réglementaires, de l’évolution d’ores et déjà consacrée dans
les aides déployées par le CNC. L’inclusion de ce type de dépenses dans
les obligations d’investissement devrait, le cas échéant, prendre en
compte la nature des oeuvres concernées (production inédite, production
indépendante, etc.).
De même, une réflexion pourrait être conduite sur la nécessité de
maintenir, à terme, des obligations d’investissement dans la production
distinctes pour l’audiovisuel et le cinéma.
Au-delà, il importe d’envisager une rénovation plus profonde de ce
régime. Initialement, les obligations imposées aux chaînes ont été
conçues comme des contreparties à la mise à disposition gratuite à leur
profit de fréquences hertziennes, qui constituaient alors une ressource rare
et partagée, aujourd’hui utilisée par la TNT et la télévision satellitaire
(mais non par la télévision délivrée par câble ou ADSL). Les chaînes
bénéficient d’une autorisation d’usage de fréquences pour une zone
donnée, en vertu de la convention qui les lie au CSA. À l’heure où la
plupart des éditeurs de services de télévision disposent de la capacité de
distribuer leurs services par voie numérique (TNT, distribution de
télévision par internet, télévision connectée), une évolution de ce régime
qui aurait pour but d’y inclure à terme les nouveaux entrants du secteur de
226
Dont l’article 14 définit l’activité d’hébergement. La question de la responsabilité
éditoriale des hébergeurs a fait l’objet d’une jurisprudence constante au cours des
dernières années, tendant à distinguer la catégorie des hébergeurs de celle des services
de médias audiovisuels.
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179
l’image nécessiterait de mettre en regard les avantages consentis par la
puissance publique et les contreparties susceptibles d’être demandées en
échange :
-
la mise à disposition, gratuite ou payante, de fréquences
hertziennes ;
-
les incitations fiscales ;
-
le versement d’une taxe affectée destinée spécifiquement au
soutien du secteur ;
-
les obligations de diffusion ou d’exposition des oeuvres
européennes et d’expression originale française ;
-
les
obligations
d’investissement
dans
la
production
audiovisuelle et cinématographique européenne et d’expression
originale française.
Les réflexions à ce sujet pourraient ainsi conduire à terme à
remplacer le régime actuel de concessions, fondé sur la rareté, par un
régime de droits, sous la forme d’une labellisation des comportements les
plus volontaristes, qui donnerait accès à un statut privilégié et aux
avantages associés.
Un régime analogue à celui des délégations de service public
pourrait ainsi accorder aux diffuseurs qui le souhaitent une utilisation des
licences hertziennes, en contrepartie d’une tarification modulable selon le
degré de participation au financement et à la diffusion de la création
française et européenne.
4 -
La nécessité de ménager des voies d’entrée dans le système de
financement
D’autres évolutions s’imposent. Elles concernent la chronologie
des médias et l’émergence de services de vidéo à la demande (VàD).
a)
Autoriser des assouplissements de la chronologie des médias
Clef de voûte du dispositif de préfinancement, la chronologie des
médias actuellement en vigueur
227
repose sur un texte adopté en dernier
lieu en 2009.
Les perspectives de recettes nouvelles qu’ouvrent les systèmes de
diffusion propres à l’économie numérique invitent à s’interroger sur les
conditions qui permettraient d’en maximiser le volume. Dans cette
optique, il y a lieu de réfléchir à un desserrement de la contrainte qui pèse
227
Le 5 avril 2012, les professionnels du cinéma ont renouvelé sans modification
l’accord du 6 juillet 2009 concernant la chronologie des médias, reprenant lui-même
les stipulations de l’accord de 2006.
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sur le séquençage des fenêtres d’exploitation. La majorité des films sortis
en salles (près de 70 % des films pour les années 2007 et 2008) n’étant
pas concernée, à ce jour, par l’ensemble de ces fenêtres, plusieurs
gisements d’exploitation peuvent en effet être identifiés :
-
près de 10 % des films sortis en salles au cours de ces deux
années, soit entre 50 et 60 films, n’ont connu aucune
exploitation alternative à la salle (VàD, vidéo physique,
télévision) ;
-
la pratique de gels de droits à laquelle recourent certaines
chaînes de télévision (en particulier l’achat des droits
d’exploitation en VàD, à des fins non d’exploitation mais
d’exclusivité pendant la fenêtre de diffusion télévisuelle) pose
problème tant du point de vue de la circulation des films
228
que
de leur rentabilité. Rien ne permet en effet d’affirmer que les
sommes versées par les chaînes en contrepartie de ce gel
rémunèrent le producteur de manière plus satisfaisante qu’une
exploitation en vidéo à la demande ;
-
la possibilité, ouverte par l’accord de juillet 2009, d’exploiter
un film en vidéo à la demande quatre mois après sa sortie en
salles a été pleinement utilisée par les distributeurs : 100 % des
films en VàD sortis entre juillet 2011 et juin 2012 étaient
disponibles moins de six mois après leur sortie en salles. Une
évolution comparable peut être constatée s’agissant du
raccourcissement
de
la
fenêtre
d’exploitation
« vidéo
physique ».
Ainsi que le rappelle le rapport de M. Pierre Lescure, « maintenir
une réglementation à une échelle nationale sans considération de
l’environnement international semble de plus en plus délicat
229
». Les
règles actuelles de la chronologie des médias sont des freins importants
au développement des services de médias audiovisuels à la demande, et
les craintes d’une destruction de la valeur sur ce support risquent
d’entretenir un discours tautologique conduisant à maintenir ces services
au dernier plan de la chronologie des médias, et à faire passer toute la
production française à côté de cette révolution technologique.
Le rapport remis par M. René Bonnell
230
propose plusieurs
mesures visant à un assouplissement de la chronologie des médias. Dans
un premier temps, il prévoit de :
228
Ces pratiques peuvent conduire à ce qu’un film ne soit pas disponible en VàD
avant 48 mois.
229
Op. cit
., p. 95.
230
Le financement de la production...
, décembre 2013, p. 172.
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181
-
« mettre en place la commission de dérogation statuant sur la
commercialisation plus précoce
en aval de la salle des films
ayant disposé de moins de 20 copies
;
-
rendre leur liberté contractuelle en aval de la salle (après quatre
mois) aux films français agréés sortis sans préfinancement
d’une chaîne ou de la vidéo ;
-
mettre en oeuvre des fenêtres glissantes pour les films tirés sur
moins de 100 copies (60 % des sorties) qui n’ont bénéficié que
d’un préfinancement partiel ».
Dans un second temps, sous conditions
231
et avec une date butoir
d’application, il propose « la
fenêtre SVOD fixée à 18 mois sous
condition d’engagements de production
et le dégel des droits à l’intérieur
des fenêtres des chaînes, en remontant leur fenêtre de diffusion selon un
délai à négocier avec les organisations professionnelles ».
Dans cet esprit, une réforme progressive pourrait reposer sur cinq
piliers, globalement consensuels aujourd’hui :
-
la souplesse du cadre juridique (négociation professionnelle, au
besoin consolidée par la voie réglementaire) ;
-
la pratique d’expérimentations, sous l’égide du CNC ;
-
le principe des contreparties, les droits de diffusion devant être
accordés aux services de vidéo à la demande qui contribuent au
financement de la création (production ou distribution) ;
-
le ciblage des mesures sur les films les moins bien financés,
c’est-à-dire dont le devis est inférieur à 4 M€ ou non financés
par les chaînes en clair (une centaine par an), et l’adaptation des
fenêtres en fonction des préfinancements apportés à une oeuvre,
plutôt que le maintien d’un cadre identique pour tous les films,
quels qu’en soient les sources de financement ;
-
l’anticipation
de
l’évolution
des
usages
et
l’adaptation
pragmatique de la chronologie, qui pourraient justifier en
particulier la suppression des jours interdits de diffusion à la
télévision.
231
Ces conditions sont les suivantes : 1/ laisser les professionnels se concerter sur le
montant des obligations des services qui opèreraient dans ce délai et en obtenir la
traduction
réglementaire
;
2/
permettre
aux
pré-acheteurs
d’adapter
leur
programmation à la nouvelle donne en prévoyant un calendrier d’application
respectant les droits déjà acquis ; 3/ commencer à mettre en place le système de la
TVA du pays consommateur (1
er
janvier 2015) afin de protéger les services nationaux
contre l’intrusion des opérateurs étrangers dans des conditions anti-concurrentielles.
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182
COUR DES COMPTES
b)
Accompagner l’émergence de nouveaux services
Pour accompagner le développement de services de vidéo à la
demande, le CNC a mis en place en 2008 un dispositif de soutien sélectif
à l’exploitation d’oeuvres en VàD dans le cadre du règlement dit
de
minimis
232
. Ainsi, il peut accorder des aides aux détenteurs de droits, pour
l’édition vidéo (DVD ou VàD) d’un titre ou d’un catalogue de titres, et
aux éditeurs de services de VàD, pour l’acquisition et la mise en ligne de
nouvelles oeuvres. L’aide peut atteindre 50 % des dépenses éligibles. Le
critère principal qui détermine l’attribution de l’aide sélective est l’intérêt
culturel des oeuvres acquises, apprécié par une commission d’experts
auprès du CNC.
Limité à 200 000 € par entreprise sur une période de trois ans, ce
dispositif a désormais atteint ses limites. Le plafonnement des aides
empêche de dépenser l’intégralité du budget alloué à ce programme
(0,7 M€ dépensés sur un budget de 2 M€ en 2012).
Parallèlement, le CNC a souhaité développer un dispositif de
soutien automatique à la VàD. Ce régime, doté d’un budget annuel de
5 M€, viserait les services de VàD établis en Europe, qui s’acquittent de
la taxe VàD et dont le chiffre d’affaires est inférieur ou égal à 200 M€. Le
chiffre d’affaires lié à la vente ou à la location des oeuvres agréées serait à
l’origine d’un droit de tirage au profit de chaque service de VàD, qui
pourrait être mobilisé pour acquérir de nouvelles oeuvres ou pour
améliorer l’ergonomie ou la valeur ajoutée éditoriale du service.
Ce dispositif, fondé économiquement et susceptible de répondre au
besoin de structuration des services de vidéo à la demande qui est
clairement identifié dans ce secteur, n’a pas encore été autorisé par la
Commission européenne. Soulignant que les aides à la distribution ne
sont pas visées par la communication « cinéma », celle-ci a rejeté la
notification de l’aide sur la base de l’article 107.3 d) du traité sur le
fonctionnement de l’Union européenne et examine actuellement une
nouvelle notification déposée par les autorités françaises, sur le même
fondement.
En sus de ce nouveau dispositif qui s’adresserait spécifiquement
aux services de VàD, le soutien automatique à la distribution en salles,
aujourd’hui
principalement
destiné
à
compenser
le
caractère
structurellement déficitaire de ce mode d’exploitation, gagnerait à être
réformé pour accompagner la mutation de la distribution vers d’autres
fenêtres d’exploitation. En effet, l’objectif de structuration économique
du secteur de la distribution devrait aller de pair avec une prise en compte
232
Règlement CE n° 1998/2005 du 15 décembre 2006.
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183
des évolutions récentes : les risques qui pèsent sur le modèle du
préfinancement conduisent aujourd’hui la plupart des distributeurs en
salles à exiger en contrepartie de leur investissement des recettes sur
toutes les fenêtres d’exploitation.
Dans un contexte marqué par un cadre juridique défavorable aux
aides publiques directes, une autre piste pourrait être explorée pour
répondre aux besoins de financement identifiés dans le domaine de la
distribution en ligne des contenus audiovisuels : les investissements des
SOFICA, qui présentent en effet la capacité d’attirer des capitaux privés
sur un investissement d’intérêt général, tout en demeurant parfaitement
compatible avec le droit communautaire en vigueur.
Il pourrait être envisagé d’y avoir recours pour orienter une part de
leurs investissements vers la distribution de contenus audiovisuels en
vidéo dématérialisée, en encourageant les SOFICA à investir dans la
production de films en contrepartie d’une participation aux seules recettes
de VàD
233
. Une telle proposition remettant en cause la participation
actuelle des SOFICA dans le financement de la production (celles-ci
ayant tendance, pour la plupart, à solliciter une récupération de recettes
sur l’ensemble des fenêtres d’exploitation), il apparaîtrait sans doute
préférable de la réserver, dans un premier temps et à titre expérimental, à
quelques SOFICA, avant de juger de l’opportunité d’étendre ce modèle.
Au-delà, pour faciliter la participation des éditeurs de services de
VàD à la production des oeuvres, il pourrait être envisagé d’accorder une
bonification du soutien automatique lorsque l’oeuvre en projet est
soutenue financièrement par ce type de services. En fixant un seuil de
participation financière suffisamment bas, une telle mesure serait de
nature à pallier le manque de contribution à la création de ces nouveaux
acteurs, pendant une période transitoire, jusqu’à ce que leur taille
économique leur permette d’investir directement dans la production.
Enfin, l’État a un rôle à jouer, au travers des acteurs publics
(France Télévisions et Arte), d’Orange (dont il reste actionnaire à 27 %)
et des autres principaux détenteurs de catalogues, bénéficiaires pour une
part d’avantages fiscaux (à l’instar du groupe Canal +), pour inciter à la
constitution d’une offre de grande envergure dans le domaine de la vidéo
à la demande par abonnement. Faute d’intérêt économique direct des
parties prenantes à une initiative privée débouchant sur la mise en
233
Le rapport de Pierre Lescure propose ainsi que, en contrepartie de ce risque,
l’avantage fiscal soit majoré (« les SOFICA qui acceptent de consacrer au moins 5 %
de leurs investissements à ce mode d’intervention pourraient bénéficier d’un taux
majoré de 43 %. Le coût budgétaire d’une telle mesure est évalué à 4 M€ pour une
utilisation par l’ensemble des SOFICA »).
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184
COUR DES COMPTES
commun des catalogues, une telle démarche de coordination relève en
effet d’une politique à conduire à l’échelle nationale, voire européenne.
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
________
Alors que la mondialisation et la numérisation constituent deux
mouvements structurants du secteur de la production cinématographique
et audiovisuelle, les soutiens publics sont encore insuffisamment orientés
vers l’accompagnement de ces évolutions.
Compte tenu de la concentration des aides publiques sur la phase
de production, les soutiens à l'exportation n'occupent en France qu'une
place de second rang dans le paysage des interventions en faveur des
industries cinématographiques et audiovisuelles (25 M€). Ces aides, d’un
faible montant, sont attribuées de façon très dispersée, par une multitude
d’intervenants, à un tissu d’acteurs économiques lui-même fragmenté
(dans le secteur audiovisuel) ou potentiellement bénéficiaire d’un effet
d’aubaine (en matière cinématographique). L'écart entre les ressources
disponibles et la taille du marché mondial justifie une conception plus
ciblée et plus dynamique de l'aide publique, favorisant la concentration
des acteurs et l’encouragement des démarches innovantes.
Les nouveaux usages permis par la technologie numérique peuvent
être
source
de
recettes
supplémentaires
pour
la
production
cinématographique et audiovisuelle, à condition d’aménager une voie
d’accès des nouveaux supports de diffusion au système de financement
français : plutôt que d’en rester à une posture de défense de son marché,
la France doit oeuvrer pour une insertion offensive de ses opérateurs dans
la nouvelle donne de l’économie électronique et mondialisée de l’image
animée.
Afin de mieux anticiper les évolutions liées à la délinéarisation
-c’est-à-dire la possibilité pour le consommateur de choisir le
programme de télévision qu’il veut regarder- et à la dématérialisation de
la consommation d’image, l’intervention publique devrait utiliser tous les
leviers à sa disposition pour faciliter les passerelles entre dispositifs
d’aide et en réduire le nombre. Une telle évolution suppose aussi
d’introduire davantage de souplesse dans le cadre réglementaire en
vigueur, en particulier concernant les obligations d’investissement des
diffuseurs dans la production et la chronologie des médias.
Ces aménagements sont en effet nécessaires pour favoriser
l’émergence de services en ligne proposant des contenus français et
européens mis en valeur au plan éditorial, et pour espérer inciter à terme
des acteurs économiques établis hors du territoire français à s’insérer
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LES DEFIS DE LA NUMERISATION DANS UN MARCHE MONDIALISE
185
dans un régime contraignant de contribution à la production et à la
diffusion de ces images.
En conséquence la Cour formule les recommandations suivantes :
18.
ne pas prolonger, au-delà de l’année 2014, le relèvement des
plafonds et l’extension des dépenses éligibles introduits depuis
2012
pour
les
crédits
d’impôts
à
la
production
cinématographique et audiovisuelle et le crédit d’impôt
international ;
19.
redéployer les aides à l’exportation vers le fonds d’avance
remboursable géré par l’IFCIC et vers un soutien sélectif plus
concentré, dédié à l’innovation et à la prospection ;
20.
inclure les dépenses de numérisation et de mise en ligne de
contenus parmi les obligations d’investissement des diffuseurs ;
21.
mobiliser les soutiens publics pour favoriser l’émergence
d’éditeurs de services de vidéo à la demande par abonnement
(aménagements de la chronologie des médias, incitations aux
producteurs, distributeurs et détenteurs de catalogue).
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Conclusion générale
La dépense publique en faveur du secteur, en forte croissance
depuis dix ans, est insuffisamment maîtrisée.
La France a créé un système de soutien à la production
cinématographique et audiovisuelle unique en Europe par l’ampleur des
aides, la diversité des soutiens indirects, l’étendue et la précision du cadre
réglementaire. Il s’agit d’un système ancien et cohérent, mais dont
l’examen révèle une multiplication des dispositifs et une augmentation
très dynamique de leur volume au cours de ces dix dernières années. Les
aides directes au secteur (601 M€ en 2012) ont crû de 88 %, soit quatre
fois plus vite que le budget de l’État. Or une telle augmentation des aides
directes s’est produite sans découler d’une priorité explicite en faveur de
ce secteur, assortie d’objectifs précis et d’évaluation des résultats.
Afin que cette évolution soit mieux maîtrisée à l’avenir et la
dépense publique contenue, la Cour recommande de définir davantage les
dépenses en fonction des besoins du secteur et de l’efficacité avérée des
dispositifs de soutien. Au vu des redondances, il est également
recommandé d’exclure les sociétés de production cinématographique et
audiovisuelle du bénéfice de certains dispositifs fiscaux de droit commun,
et de concentrer l’accompagnement du CNC aux aides des collectivités
territoriales sur les facteurs susceptibles de favoriser la localisation des
tournages.
De même, les dispositifs fiscaux spécifiquement conçus pour
attirer et maintenir des productions sur le territoire national constituent un
poste très dynamique (la dépense fiscale en faveur du secteur a été
multipliée par huit en dix ans), pris dans une surenchère vaine et coûteuse
à l’échelle européenne, à laquelle il est souhaitable de mettre un terme. Le
relèvement du plafond et l’élargissement des dépenses éligibles au titre de
ces dispositifs, sans justification économique avérée, ne s’expliquent que
par un alignement sur les avantages fiscaux accordés à l’étranger. Il y a
donc urgence à réguler ces pratiques fiscales au niveau communautaire, et
à en freiner l’extension au niveau national et à en mesurer soigneusement
l’efficacité.
Le soutien à la production cinématographique gagnerait à
intégrer davantage la préoccupation de l’exposition des oeuvres au
public.
La politique de soutien à la production cinématographique se
caractérise par un modèle de préfinancement des oeuvres étroitement
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régulé par la puissance publique. Ce modèle a permis au cinéma français
de maintenir un volume de production et une part de marché inégalés
ailleurs en Europe. Les financements publics, minoritaires, sont pourtant
essentiels pour les segments les plus vulnérables de la production. Ce
système présente néanmoins des risques d’essoufflement, liés à une
hausse des coûts pour une partie de la production et à une saturation des
fenêtres de diffusion des films.
Or, comme l’a rappelé la Commission européenne dans sa
communication du 15 novembre 2013, « l’objectif consistant à protéger et
à promouvoir la diversité culturelle européenne à travers les oeuvres
audiovisuelles ne saurait être atteint que si ces oeuvres sont vues par un
public. L’aide apportée à la seule production risque d’encourager la
fourniture de contenu audiovisuel sans garantir la distribution et la
promotion correctes de l’oeuvre audiovisuelle financée
». Par ailleurs la
hausse des coûts de production, si elle est une tendance globale,
s’explique, pour partie, par des pratiques contestables tolérées, voire
encouragées, par le système d’aide français.
Ces facteurs conduisent à un déséquilibre croissant entre les
décisions
d’investissement
dans
la
production
et
les
capacités
d’exposition des films produits.
La production cinématographique est
confrontée à un risque croissant de saturation des possibilités d’exposition
des films, alors que, pour garantir la pérennité de ce modèle de
financement, le soutien à la production cinématographique doit freiner
l’augmentation des coûts les plus dynamiques, circonscrire les effets
d’aubaine et mieux identifier et valoriser la responsabilité économique du
producteur. Il devrait mieux répondre aux besoins de chaque budget de
production, en veillant à ce que le soutien à la production aille de pair
avec une exposition adéquate des films en salle. La réglementation qui
encadre l’exposition des films français à la télévision devrait également
être revue, afin de s’adapter aux pratiques de consommation actuelles.
Le système de soutien à la production audiovisuelle peine à faire
émerger
des entreprises d’envergure internationale et des oeuvres
exportables.
La production audiovisuelle, pour sa part, bénéficie d’un système
de soutien sans équivalent en Europe, pour des performances décevantes.
Les
aides,
conçues
en
référence
au
soutien
à
la
production
cinématographique, ne prennent pas suffisamment en considération la
nature du tissu des entreprises de production, qu’elles n’ont pas aidé à se
structurer pour y faire apparaître des acteurs de poids international. Un
nouvel équilibre reste à trouver pour rendre plus fluides les modalités de
production et d’exploitation des oeuvres.
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CONCLUSION GÉNÉRALE
189
Le dispositif de soutien à la production audiovisuelle donne une
place centrale à la production indépendante, sans lui permettre de
bénéficier d’un statut économique clairement indépendant par rapport aux
diffuseurs. Les leviers à disposition des pouvoirs publics (aides directes et
commandes des chaînes de l’audiovisuel public) ont été orientés vers un
soutien quantitatif à la production davantage que vers l’aide à la création
et la satisfaction des attentes du public. Dès lors, les résultats atteints sont
loin d’être satisfaisants, tant en matière de structuration du secteur de la
production que d’audience et d’exportation des oeuvres de fiction, malgré
des signes récents de redressement.
En conséquence, une réforme profonde de ce cadre apparaît
nécessaire, afin de recentrer les obligations qui s’imposent aux éditeurs de
contenus sur la production d’oeuvres audiovisuelles de qualité, tout en
permettant une exploitation plus transparente de ces oeuvres. Les
investissements de France Télévisions devraient, en particulier, être
principalement définis en fonction de l’objectif de consolidation du
secteur et des besoins propres de l’audiovisuel public, ce qui implique
une révision profonde du mode de sélection des projets. Les aides du
CNC, pour leur part, pourraient être davantage ciblées sur la structuration
du secteur et la constitution de sociétés fortes à l’échelle internationale,
d’une part, et le soutien à l’écriture et au développement et aux nouvelles
formes de création, d’autre part.
Le contexte, désormais numérique et mondialisé, appelle une
rénovation de la politique de soutien.
Les modes de diffusion des images connaissent une révolution,
tandis que la numérisation et la mondialisation accrue des contenus
fragilisent un modèle avant tout conçu pour une consommation linéaire
dans un cadre national. Cette révolution se traduit par l’apparition
d’opérateurs internationaux, non assujettis à la taxation ou aux contraintes
réglementaires qui pèsent sur les acteurs français, et par le développement
de modes de consommation illégaux, qui non seulement ne contribuent
pas au financement de la création, mais risquent d’en saper le fondement.
Dans le même temps, l’insuffisante prise en compte par le système de
financement de l’internationalisation des marchés paraît de moins en
moins compatible avec la nécessité de renforcer la présence culturelle et
le poids économique des productions françaises dans le monde, tandis que
se développe, entre États membres de l’Union européenne, une
concurrence fiscale coûteuse et inefficiente pour attirer les tournages sur
leur territoire.
La numérisation des contenus et leur diffusion toujours plus aisée à
l’échelle mondiale obligent à aller au-delà d’une politique de soutien qui
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se limiterait à défendre le marché national et à préserver l’attraction du
territoire français. L’importance économique croissante du secteur de
l’image animée, de plus en plus concurrentiel, et le bouleversement des
modes de consommation sur internet mettent à mal les modes de
financement traditionnels de la production.
Dans ce contexte, seule une anticipation des évolutions liées à la
délinéarisation et à la dématérialisation de la consommation des images
animées permettront d’affecter une partie des recettes supplémentaires à
en attendre vers la production cinématographique et audiovisuelle. Au
lieu d’entretenir un soutien à l’attractivité territoriale de plus en plus
coûteux, mal coordonné et sans impact démontrable, et une politique de
promotion à l’exportation émiettée et peu dynamique, la France peut
s’efforcer de favoriser une insertion offensive de ses opérateurs dans la
nouvelle donne économique. Dans cette optique, la Cour recommande de
moderniser les politiques de soutien à l’exportation, de faciliter les
passerelles entre dispositifs d’aide, d’introduire davantage de souplesse
dans le cadre réglementaire et d’inciter les détenteurs de droits et les
diffuseurs à formuler des offres de vidéo à la demande sur abonnement,
en améliorant leurs fenêtres d’exposition en contrepartie de leur
contribution au préfinancement des oeuvres.
Des modes d’intervention publics plus transparents et plus
souples seraient un gage supplémentaire d’efficacité.
L’ensemble de ces analyses converge sur le constat d’une dilution
des choix de politique publique. L’objectif de diversité culturelle, visée
première de l’action publique, finit par servir de caution à une dispersion
et à une insuffisante efficacité des soutiens, au moment même où les
bouleversements actuels du paysage de l’image animée exigent une
intervention publique à la fois mieux ciblée économiquement et plus
soutenable budgétairement. À cet égard, les observations du présent
rapport permettent de suggérer les conditions minimales qui devraient
présider aux évolutions souhaitables. La politique de soutien à la filière
cinématographique ne saurait se bâtir que sur des coûts et des remontées
de recettes transparents. Le partage des recettes d’exploitation des oeuvres
cinématographiques entre les différentes parties prenantes est, elle aussi,
une condition de l’acceptabilité du système par l’ensemble des
professionnels. En matière audiovisuelle, la clarification des modalités de
rémunération des producteurs est un préalable nécessaire à l’amélioration
des relations entre les diffuseurs et les sociétés de production.
La fonction d’expertise économique du CNC pourrait être
davantage
développée
en
fonction
de
ces
objectifs,
afin
que
l’établissement public soit en mesure de conduire une évaluation
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CONCLUSION GÉNÉRALE
191
permanente de la politique publique mise en oeuvre en s’appuyant sur des
instruments de mesure des résultats obtenus.
La politique de soutien à la
production cinématographique et audiovisuelle s’est construite autour
d’un consensus entre les pouvoirs publics et les professionnels. Ce
consensus, pour être perpétué dans des conditions acceptables, ne peut
s’affranchir d’un souci de mesure de l’efficacité des actions menées et
d’une information pleine et entière du Parlement sur les résultats de ces
évaluations.
La clarification de ces enjeux économiques offrirait une base
solide pour décloisonner les soutiens publics, quitte à remettre en cause
certains dispositifs. Une approche plus pragmatique de la création
pourrait ainsi conduire le CNC à ajuster, à la hausse comme à la baisse,
les dispositifs dont il a la charge, en fonction de priorités pluriannuelles
déterminées sur la base d’une concertation réunissant les professionnels et
les pouvoirs publics. Dans le domaine du cinéma, une telle démarche
suppose d’accroître la différenciation des aides, en reconnaissant la
diversité des situations économiques des bénéficiaires, en prenant mieux
en compte dans l’octroi des aide sélectives la viabilité des projets
soutenus et en augmentant leurs chances de trouver un public.
Par
ailleurs,
la
forte
séparation
entre
la
production
cinématographique et la production audiovisuelle, qui se reflète dans
l’architecture du dispositif de soutien, devrait être assouplie alors que la
fenêtre d’exploitation en salle présente des signes de saturation et que
l’exploitation des oeuvres en ligne est susceptible d’offrir des perspectives
de recettes croissantes. La multiplication des passerelles entre les
mécanismes de soutien serait de nature à fluidifier les mouvements entre
types d’oeuvres et à faciliter leur exposition. Enfin, l’équilibre actuel entre
dispositifs réglementaires et accords interprofessionnels devrait être revu
en faveur de ceux-ci.
Au-delà des réformes préconisées par la Cour, le système de
soutien à la production a besoin d’une souplesse et d’une capacité de
réaction accrue pour s’adapter au nouveau contexte économique,
mondialisé et numérisé. Tout en maintenant les principes les mieux
éprouvés de la politique de soutien, cet effort d’adaptation ouvrirait la
voie à des choix stratégiques, effectués sur la base de diagnostics
transparents et clairs. C’est à ce prix que le secteur de la production
cinématographique et audiovisuelle pourra répondre, de façon renouvelée,
aux exigences de diversité et de créativité, lui permettant de proposer des
oeuvres de qualité susceptibles de rencontrer une audience toujours plus
importante en France et dans le monde.
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Récapitulatif des recommandations
- relatives à l’ensemble du système de soutien
1.
établir, dans le document de performance, sur la base d’une
évaluation rigoureuse des besoins du secteur et de l’efficacité
des dispositifs de soutien, une trajectoire pluriannuelle de
dépenses du CNC et adapter en conséquence le niveau de ses
recettes ;
2.
exclure les sociétés de production cinématographique et
audiovisuelle du bénéfice des dispositifs fiscaux de droit
commun
visant
à
encourager
les
investissements
des
particuliers dans le capital des PME ;
3.
ajouter les subventions publiques remboursables à la liste des
subventions exclues du montant des dépenses éligibles aux
crédits d’impôt cinéma et audiovisuel ;
4.
mettre
fin
à
l’abondement
automatique
des
aides
des
collectivités
territoriales
par
le
CNC
au
profit
d’un
conventionnement au cas par cas des dispositifs les plus
innovants.
- relatives au soutien à la production cinématographique
5.
procéder à des regroupements des aides sélectives à la
production et à la distribution cinématographique et réduire le
nombre de projets éligibles afin d’augmenter le montant
unitaire pour chacun des projets retenus ;
6.
faire bénéficier des activités plus innovantes et plus risquées de
la situation de suréquilibre du fonds cinéma de l’IFCIC ;
7.
lier le calcul du montant de soutien automatique accordé au
niveau des apports en fonds propres du producteur ;
8.
plafonner la prise en charge par le soutien public des
rémunérations les plus élevées ;
9.
neutraliser les rémunérations en participation dans le calcul des
soutiens publics à la production cinématographique ;
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COUR DES COMPTES
10.
rendre inéligibles aux soutiens publics les films qui recourent
au versement anticipé de compléments de rémunération sous
forme de droit à l’image ;
11.
assouplir le régime des jours pendant lesquels la diffusion
d’oeuvres cinématographiques est interdite sur les chaînes de
télévision.
- relatives au soutien à la production audiovisuelle
12.
procéder à un resserrement des critères de qualification du
documentaire susceptible d’être aidé et comptabilisé au titre des
obligations des chaînes ;
13.
définir le montant des obligations d’investissement des chaînes
du service public uniquement en proportion de leur chiffre
d’affaires ;
14.
élaborer, par la voie d'un accord interprofessionnel, un devis-
type
de
la
production
d’oeuvres
audiovisuelles,
faisant
apparaître la rémunération du producteur ;
15.
relever le seuil d’accès au soutien automatique à la production
audiovisuelle ;
16.
prendre en compte les résultats obtenus par les programmes
aidés dans l’octroi du soutien automatique du CNC, à travers
une bonification liée par exemple aux ventes en France et à
l'étranger, à la qualité des programmes et au succès de leur
audience ;
17.
consacrer une part plus importante des aides sélectives du CNC
à la phase d’écriture et de développement des programmes et
aux nouvelles formes de création.
- relatives à la mondialisation et à la numérisation de la
production
18.
ne pas prolonger, au-delà de l’année 2014, le relèvement des
plafonds et l’extension des dépenses éligibles introduits depuis
2012
pour
les
crédits
d’impôts
à
la
production
cinématographique et audiovisuelle et le crédit d’impôt
international ;
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195
19.
redéployer les aides à l’exportation vers le fonds d’avance
remboursable géré par l’IFCIC et vers un soutien sélectif plus
concentré, dédié à l’innovation et à la prospection ;
20.
inclure les dépenses de numérisation et de mise en ligne de
contenus parmi les obligations d’investissement des diffuseurs ;
21.
mobiliser les soutiens publics pour favoriser l’émergence
d’éditeurs de services de vidéo à la demande par abonnement
(aménagements de la chronologie des médias, incitations aux
producteurs, distributeurs et détenteurs de catalogue).
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ANNEXES
199
Annexe n° 1 - Liste des sigles utilisés
CIA : crédit d'impôt audiovisuel
CIC : crédit d'impôt cinéma
CII : crédit d'impôt international
CNC : centre national du cinéma et de l'image animée
COSIP : compte de soutien des industries de programmes audiovisuels
CPI : code de la propriété intellectuelle
CSA : conseil supérieur de l'audiovisuel
DGMIC : direction générale des médias et des industries culturelles
DICRéAM : dispositif d’aide à la création artistique multimédia
DRAC : directions régionales des affaires culturelles
EOF : expression originale française
MCC : ministère de la culture et de la communication
MG : minimum garanti
IFCIC : institut de financement du cinéma et des industries culturelles
RBD : recettes brutes distributeurs
RIAM : recherche et innovation en audiovisuel et multimédia
RNPP : recettes nettes part producteur
SOFICA : société de financement du cinéma
TNT : télévision numérique terrestre
TSA : taxe spéciale additionnelle
TSTe : taxe sur les éditeurs de services de télévision
TSTd : taxe sur les distributeurs de services de télévision
TVA : taxe sur la valeur ajoutée
VàD : vidéo à la demande reposant sur un paiement à l'acte (VOD)
VàDA : vidéo à la demande par abonnement (SVOD)
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200
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Annexe n° 2 - Glossaire
Éditeur de services de télévision
: société qui programme des émissions de
télévision, quel que soit leur mode de diffusion (hertzien terrestre, numérique
terrestre, satellite, câble, ADSL, internet, mobile, etc.).
Distributeur de services de télévision
: toute personne qui établit avec des
éditeurs de services (ou avec d'autres distributeurs) des relations contractuelles
en vue de constituer une offre de services de communication audiovisuelle
mise à disposition du public par un réseau de communications électroniques
(câbloopérateurs, distributeurs satellitaires, distributeurs de la télévision
numérique terrestre, fournisseurs d’accès internet, opérateurs de téléphonie
mobile, etc.).
Distribution cinématographique
: activité intermédiaire entre la production
et l'exploitation consistant à promouvoir et diffuser dans l'ensemble du parc de
salles les films proposés au public.
Film d'initiative française
: film intégralement produit par des capitaux
français ou sur la base d’une coproduction comportant majoritairement des
financements français.
Film français
: les films considérés comme français à l’export désignent
l’ensemble des films agréés (y compris les films minoritaires).
Film agréé
: correspond à l'ensemble regroupant les films d'initiative française
et les films à financement français minoritaire.
Film inédit
: film nouvellement sorti en salles.
Industries techniques
: industries regroupant les fabricants de matériel
(équipement nécessaire aux besoins de production) ; les fabricants ou
distributeurs de support de pellicule ; les prestataires du tournage (loueurs de
matériels, régies mobiles et studios de prise de vue) ; les postproducteurs
image et son ; les entreprises spécialisées dans la restauration des oeuvres,
l’archivage ou le stockage; les laboratoires de production, de postproduction et
de série (tirage des copies).
Mandat
: contrat conclu entre le producteur d'une oeuvre et un distributeur,
français ou étranger, qui prévoit fréquemment le versement par le distributeur
d’un minimum garanti, voire la prise en charge de frais d'édition et de
publicité, et définit les modalités d'exploitation de l’oeuvre (territoire, durée,
modes d'exploitation, propriété intellectuelle).
OEuvre
d'expression
originale
française
(EOF)
:
oeuvre
réalisée
intégralement ou principalement en version originale en français ou dans une
langue régionale en usage en France (art. 5 du décret n° 90-66).
OEuvre européenne
: oeuvre réalisée ou produite dans un État membre de
l'Union européenne ou, sous certaines conditions, dans un État tiers partie à la
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ANNEXES
201
convention européenne sur la télévision transfrontière du Conseil de l'Europe
(article 6 du décret n° 90-66 du 17 janvier 1990).
OEuvre audiovisuelle patrimoniale
: oeuvre de fiction, d'animation, de
documentaires de création, de vidéo-musiques et de captation ou de recréation
de spectacles vivants (la loi n° 2007-309 du 5 mars 2007).
OEuvre audiovisuelle
: émission ne relevant pas d’un des genres suivants :
oeuvres
cinématographiques
de
longue
durée,
journaux
et
émissions
d’information, variétés, jeux, émissions autres que de fiction majoritairement
réalisées en plateau, retransmissions sportives, messages publicitaires, télé-
achat, autopromotion, services de télétexte (art. 4 du décret n° 90-66 du 17
janvier 1990).
Programme de flux
: programme ne présentant plus qu’un intérêt réduit après
son premier passage à l’antenne (émissions de plateau, informations, jeux,
météo, sport, la plupart des magazines).
Programme de stock
: programme qui conserve, après sa première diffusion,
une valeur patrimoniale (fiction, documentaire, animation).
Production
: phase (après la préparation et avant la postproduction) de
fabrication d'une oeuvre cinématographique ou audiovisuelle au cours de
laquelle sont réalisées les prises de vues et de son directes.
Postproduction
: phase regroupant l'ensemble des activités de finalisation d'un
film ou d'un programme audiovisuel : montage du son et de l'image,
postsynchronisation, bruitage, doublage, mixage, effets spéciaux, étalonnage
de l'image.
Producteur délégué
: entreprise de production qui prend l’initiative et la
responsabilité financière, technique et artistique de la réalisation de l’oeuvre et
en garantit la bonne fin (5° de l’article 6 du décret n° 99-130 du 24 février
1999). Le producteur délégué se distingue du coproducteur, dont l'intervention
se limite à un apport financier dans le projet.
Producteur exécutif
: entreprise liée par un contrat avec une société de
production étrangère et chargée, d’une part de réunir les moyens techniques et
artistiques en vue de la réalisation d'une oeuvre sur son territoire, d’autre part
d’assurer la gestion des opérations matérielles de fabrication de cette oeuvre et
de veiller à leur bonne exécution. Le producteur exécutif effectue ces
opérations en contrepartie d’une rémunération versée par le producteur
étranger qui a pris l’initiative de la réalisation de l’oeuvre, en conserve la
maîtrise et en assume la responsabilité.
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202
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Annexe n° 3 - Méthode de comptabilisation des soutiens
à la production
Pour l’élaboration du graphique n° 2, la Cour a retenu les dépenses
visant directement la production cinématographique et audiovisuelle.
Les soutiens du CNC pris en compte sont les suivants : soutien
automatique à la production (cinéma et audiovisuel), avance sur recettes, aide
au développement de projets de long métrage, avances audiovisuelles, soutiens
sélectifs à la production cinématographique et à la production audiovisuelle et
sommes versées par le CNC dans le cadre des conventions liant
l’établissement avec les collectivités territoriales.
Le montant pour l’année 2012 de la dépense fiscale afférente au crédit
d’impôt cinéma, au crédit d’impôt audiovisuel et au crédit d’impôt
international reprend l’estimation établie dans le fascicule voies et moyens
(tome 2) annexé à la loi de finances pour 2013.
Le coût des SOFICA ne retrace que la dépense fiscale correspondant
aux souscriptions des particuliers, la dépense fiscale correspondant aux
souscriptions des entreprises présentant un coût considéré comme non
significatif par la direction de la législation fiscale.
Le soutien apporté à la production par l’IFCIC est comptabilisé en
retenant le montant net au 31 décembre 2012 des sous-fonds production
cinéma et production audiovisuelle. La source utilisée est le rapport annuel de
l’IFCIC.
Seule l’intervention des collectivités territoriales en faveur de la
production
cinématographique
(court-métrage
et
long-métrage)
et
audiovisuelle est comptabilisée. L’enveloppe de 47 M€ correspond aux
sommes versées par les collectivités sur le titre I des conventions conclues
avec le CNC, à l’exception des dépenses de formation professionnelle et des
métiers de la création. La source retenue est le guide 2013 des soutiens à la
production cinématographique et audiovisuelle de l’agence CICLIC.
S’agissant des investissements des chaînes de télévision, les sources
statistiques retenues sont les études du CNC sur la production audiovisuelle
aidée et la production cinématographique.
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ANNEXES
203
Annexe n° 4 - Les taxes affectées au CNC
1 -
La taxe sur les entrées dans les salles de cinéma
Créée par la loi du 23 septembre 1948
234
, la taxe spéciale additionnelle
(TSA) est la plus ancienne des taxes affectées au CNC. Acquittée par les
exploitants d’établissements de spectacle cinématographique situés en France
métropolitaine, la taxe est assise sur les recettes mensuelles générées par les
entrées en salles. Ces « recettes guichet » correspondent au produit du nombre
d’entrées :
-
par le prix acquitté par le spectateur, dans le cas d’une tarification au
film ;
-
par le prix de référence par place, dans le cas d’une tarification
reposant sur les cartes d’accès illimité.
Un taux forfaitaire unique (10,72 % depuis le 1
er
janvier 2007
235
), est
ensuite appliqué à cette assiette taxable
236
. Le CNC recouvre directement la
TSA depuis le 1
er
janvier 2007.
2 -
La taxe sur les services de télévision
Créée en 1986, la taxe sur les services de télévision (TST) est due par
les éditeurs de services de télévision établis en France et ayant programmé, au
cours de l’année civile, une ou plusieurs oeuvres audiovisuelles ou
cinématographiques éligibles aux aides financières du CNC, et, depuis le 1
er
janvier 2008, par les distributeurs de services de télévision établis en France.
Telle qu’initialement conçue, cette taxe n’a longtemps frappé que les
éditeurs de services de télévision, c’est-à-dire les chaînes achetant des
contenus auprès des producteurs ou de leurs représentants, et agrégeant ces
contenus au sein de programmes. Cette part « éditeurs » de la TST demeure
assise sur le montant hors taxes :
-
des sommes versées par les annonceurs et les parrains, pour la
diffusion de leurs messages publicitaires et de parrainage. Ces
sommes font l’objet d’un abattement forfaitaire de 4% ;
234
Loi n° 48-1474 du 23 septembre 1948 instituant une aide temporaire à l’industrie
cinématographique.
235
Un taux spécifique de 16,08 % est appliqué pour les représentations en salles de films à
caractère pornographique ou d’incitation à la violence
236
L’article 104 de la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour
2006 a simplifié le barème de la TSA en remplaçant par un taux unique le barème progressif
qui précédait, composé de vingt tranches d’imposition (dont seize étaient effectivement
appliquées), fixées en fonction du tarif du billet.
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204
COUR DES COMPTES
-
du produit de la contribution à l’audiovisuel public encaissé par les
chaînes de télévision
237
;
-
des sommes versées directement ou indirectement par les opérateurs
de communications électroniques aux chaînes de télévision à raison
des appels téléphoniques à revenus partagés, des connexions à des
services télématiques et des envois de minimessages qui sont liés à
la diffusion de leurs programmes, à l’exception des programmes
servant une grande cause nationale ou d’intérêt général ;
-
des recettes provenant de l’exploitation des services de télévision de
rattrapage.
La taxe est calculée en appliquant un taux de 5,5 % à la fraction du
montant des versements et encaissements annuels excédant 11 M€, pour
chaque chaîne de télévision. Le CNC recouvre directement la TST depuis le 1
er
janvier 2010.
Depuis le 1
er
janvier 2008, la TST a été étendue aux distributeurs, qui
acheminent le contenu audiovisuel vers le téléspectateur : chaînes auto-
distribuées (Canal +, auparavant assujettie à la seule TST « éditeurs »),
services de diffusion par câble (Numéricable), par satellite, télévision
numérique terrestre, fournisseurs d’accès à internet (FAI) et opérateurs de
téléphonie mobile. La part « distributeurs » de la TST repose sur le chiffre
d’affaires des abonnements auprès des distributeurs de services de télévision
(chaînes de télévision autodistribuées comme Canal +, câblo-opérateurs
comme Numéricable, fournisseurs d’accès à internet et opérateurs de
téléphonie mobile comme SFR). Elle est calculée en appliquant un taux
progressif, compris entre 0,5 % et 4,5 % de l’assiette taxable.
3 -
La taxe sur la vidéo et les services de vidéo à la demande
Dans sa forme actuelle, la taxe « sur les ventes et locations de
vidéogrammes destinés à l’usage privé du public et sur les opérations
assimilées » est issue de la loi n° 2003-517 du 18 juin 2003. Son produit,
recouvré par la DGFiP selon les mêmes procédures que la TVA, est affecté au
CNC, après prélèvement de frais de gestion à hauteur de 2,5 %.
Cette taxe est due par tout vendeur ou loueur de vidéo à raison de son
chiffre d’affaires hors TVA issu de la vente et de la location de vidéos et,
depuis juillet 2004, des opérations assimilées à ces ventes, comme la vidéo à la
demande (VàD). Le taux en est fixé à 2 %
238
.
237
À l’exception de la société France Télévisions au titre des services de télévision
spécifiques à l’outre-mer.
238
Article 1609
sexdecies
B du code général des impôts.
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ANNEXES
205
4 -
Les autres recettes à caractère fiscal
Aux termes des articles L. 116-2 à L. 116-4 du code du cinéma et de
l’image animée, le CNC est affectataire de la taxe perçue sur les producteurs,
distributeurs, exploitants et diffuseurs de contenus pornographiques ou
d’incitation à la violence. Instaurée par la loi de finances pour 1976
239
sous la
forme d’un prélèvement spécial de 20 % sur la fraction des bénéfices
industriels et commerciaux imposables à l’impôt sur les sociétés ou à l’impôt
sur le revenu, cette taxe a été étendue à la location et à la vente de supports
vidéo à contenu pornographique ou incitant à la violence et son taux a
progressivement été porté à 33 %
240
.
Par ailleurs, aux termes de l’article L. 116-5 du code du cinéma et de
l’image animée, le CNC reçoit le produit des sanctions pécuniaires prononcées
par le CSA à l’encontre des éditeurs de services de télévision.
Les recettes ainsi recouvrées demeurent au total marginales, leur
montant atteignant 206 000 € en 2011 (228 000 € en 2010).
239
Loi n° 75-1278 du 30 décembre 1975 de finances pour 1976.
240
Loi de finances pour 1993.
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206
COUR DES COMPTES
Annexe n° 5 - Les soutiens du CNC de 2007 à 2012 (en M€)
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2012/2007
SOUTIEN
AUTOMATIQUE
294
303
323
318
313
312
6 %
production cinéma
65
71
67
70
65
56
- 14 %
distribution
24
22
27
18
22
18
- 24 %
exploitation
(subventions)
19
17
18
17
23
21
10 %
exploitation
(avances)
47
40
48
46
44
46
- 1 %
vidéo
4
8
5
4
5
1
- 87 %
production
audiovisuelle
136
145
158
162
154
170
26 %
SOUTIEN
SELECTIF
174
205
211
225
261
300
72 %
subventions et fonctionnement
production cinéma
28
19
18
19
18
23
- 19 %
production
audiovisuelle
45
50
49
47
53
58
29 %
distribution,
diffusion et
promotion
58
63
65
72
86
86
49 %
divers cinéma et
audiovisuel
17
32
33
29
38
43
147 %
plan numérique
2
2
1
4
9
14
653 %
industries
techniques,
innovation
6
7
7
8
12
14
144 %
avances
avance sur recettes
6
12
17
21
17
19
194 %
développement de
projets de long
métrage
1
2
2
3
2
3
140 %
avances
audiovisuelles
11
17
18
21
22
27
154 %
numérisation des
salles
0
0
0
0
4
12
-
Inv
est
.
plan numérique
0
0
0
0
1
2
693 %
TOTAL
468
508
534
543
575
612
31 %
Soutien
automatique
63 %
60 %
60 %
59 %
55 %
5 1%
- 19 %
Soutien sélectif
37 %
40 %
40 %
41 %
45 %
49 %
32 %
Source : Cour des comptes
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ANNEXES
207
Annexe n° 6 - La prise de participation des collectivités
territoriales dans la production
Détenue par la région Rhône-Alpes, la caisse d'épargne de Rhône-Alpes et
CDC entreprises, la société Rhône-Alpes Cinéma investit financièrement dans la
production de 10 à 15 films par an en qualité de coproducteur. En contrepartie de
ces investissements, Rhône-Alpes cinéma bénéficie d'un pourcentage sur les
recettes d'exploitation et jouit d'une partie des droits patrimoniaux afférents au
film.
L'association Pictanovo, liée à la région du Nord-Pas-de-Calais, conclut
pour sa part une convention avec le producteur soutenu qui prévoit que lui revient
un pourcentage à valoir sur les recettes nettes de commercialisation du film, avant
tout autre cofinanceur et au premier euro de tous les mandats de commercialisation
(salle, droits de diffusion à la télévision, vidéo). Les recettes perçues à ce titre par
Pictanovo sont ensuite réinvesties dans de nouvelles aides, préférentiellement pour
des projets d’écriture et de développement.
Compte tenu du succès très variable des oeuvres financées et des difficultés
rencontrées pour obtenir le versement de la part de rémunération nette, les sommes
perçues par Pictanovo sont très fluctuantes. Entre 2001 et 2010, elles ont atteint
235 000 € en moyenne annuelle, soit 15 % du volume moyen des aides accordées à
la production au cours de la période.
Lorsqu'un film aidé rencontre un important succès commercial, à l’instar de
Bienvenue chez les Ch'tis
, les recettes reversées à la collectivité sont loin d'être
négligeables : Pictanovo a versé au producteur de
Bienvenue chez les Ch'tis
la
somme de 300 000 € (soit 2,4 % du coût définitif du film : 12,6 M€), sous la
condition d’un engagement de dépenses en région Nord-Pas-de-Calais d’un
montant minimum de 754 251 €. 10 % des recettes nettes reviennent à
l’association jusqu’à récupération de son apport, au premier euro de recettes nettes
après récupération des minima garantis versés par la société Pathé Distribution.
Après récupération de son apport, 4 % des recettes nettes reviennent à
l’association, sans limitation de somme ni de durée.
Sorti en salles en février 2008, le film a dégagé, dès le mois de juin, plus de
33,2 M€ de recettes nettes part producteur, ce qui a permis à l’association
d’obtenir le remboursement de son investissement initial. L’exploitation sur
différents supports (salles, vidéo, diffusion télévisée) en France et à l’étranger a
dégagé à fin 2012 un montant cumulé de recettes de près de 2,3 M€ pour
l’association régionale, qui sont venus financer un fonds de réserve inscrit au
passif de son bilan.
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208
COUR DES COMPTES
Annexe n° 7 - Les obligations d'investissement des
diffuseurs dans la production
Chaînes hertziennes en clair
(TF1, M6, France Télévisions,
chaînes de la TNT)
Chaînes payantes
non cinéma
(TF6, Paris
Première)
Production audiovisuelle
Taux de
contribution
Trois régimes de contribution
possibles :
au moins 15 % du chiffre d’affaires
(20 % pour France Télévisions), dont
au moins 10,5 % du chiffre d'affaires
à des dépenses contribuant au
développement de la production
d'oeuvres patrimoniales,
au moins 12,5 % lorsque ces
dépenses sont entièrement consacrées
à des oeuvres patrimoniales.
chaînes musicales : au moins 8 %
(dont 7,5 % du CA pour des oeuvres
patrimoniales)
15 % des ressources
(8,5 % pour des
oeuvres
patrimoniales)
Modulation des taux
selon le nombre
d’abonnés et le
volume annuel de
diffusion de
spectacles vivants
Production
indépendante
Si CA > 350 M€ : 9 % du CA si
contribution en partie patrimoniale,
9,25 % si contribution entièrement
patrimoniale.
Si CA < 350M : 70 % de l’obligation
globale, 75 % de l’obligation
patrimoniale.
95 % de la contribution pour France
Télévisions.
75 % de
l’obligation.
Production
cinématographique
Taux de
contribution
3,2 % du chiffre d’affaires (3,5 %
pour France Télévisions).
OEuvres EOF
2,5 % du chiffre d’affaires.
Production
indépendante
75 % de l’obligation.
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ANNEXES
209
Chaînes payantes
cinéma
(Canal+)
Câble et satellite
Services de médias
audiovisuels à la demande
Deux régimes :
éditeurs-distributeurs : au
moins 3,6 % des
ressources pour des
oeuvres patrimoniales
éditeurs non
distributeurs : au moins
4,8 % des ressources pour
des oeuvres patrimoniales.
14 % des ressources
(8,5 % pour des oeuvres
patrimoniales)
Services par abonnement :
part du chiffre d’affaires à
investir dans la production
audiovisuelle et
cinématographique modulable
de 15 à 26 % selon le nombre
de longs métrages proposés
annuellement et le nombre de
mois passés après leur sortie
en salle (12 à 12 % dans les
oeuvres EOF).
Services payants à l’acte :
part du chiffre d’affaires
progressivement élevée
jusqu’à 26 et 21 % dans la
production
cinématographique et
audiovisuelle (22 et 17 %
en EOF)
3,155 % du chiffre
d’affaires des éditeurs-
distributeurs.
4,2 % pour les éditeurs
non distributeurs.
75 % de l’obligation.
12,5 % des ressources.
3,2 % du CA (21 à
26 % si service de
cinéma)
9,5 % des ressources
(dont au moins 80 % de
préachats et 17 %
consacrés à des oeuvres
au devis inférieur à
4 M€).
2,5 % du chiffre
d’affaires (17 à 22 % si
service de cinéma).
75 % de l’obligation.
Source : décrets n° 2010-416 du 27 avril 2010, n° 2010-747 du 2 juillet 2010 et
2010-1379 du 1
er
novembre 2010. EOF : expression originale française.
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210
COUR DES COMPTES
Annexe n° 8 – La remontée de recettes
SALLE
VIDEO
- Frais
d’édition
- MG
(éventuels)
- Commission
distributeur
(
entre 20% et
30 % de la
RBD-
variables
après
récupération
du MG
)
- Taxes
(TVA 7%,
TSA 10,72%)
- Droits
SACEM (1%)
- Frais de
location
- Taxes
(TVA + Taxe
vidéo : 21,6%)
- Droits
SACEM/SRD
M
(2,4 %)
- Remises
négociées
- Frais
techniques et
de marketing
(
opposables si
modèle
distributeur
)
- MG
(éventuels)
- Commission
(
si modèle
distributeur
)
- Commission
distributeur
Clauses
contractuelles
Clauses
contractuelles
Source : Cour des comptes
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ANNEXES
211
VàD
EXPORTATION
Source : Cour des comptes
- Taxes
applicables au
service de
VàD (taxe
vidéo + TVA)
- Droits
SACEM/SDR
M/SACD
- Frais
d’exploitation
Clauses
contractuelles
- Frais
techniques
-
Commission
éditeur
- MG
(rares)
-
Commission
- Taxes (en
fonction du
pays)
- Commission
distributeur
- MG
(éventuels)
Clauses
contractuelles
- Frais
techniques et
de promotion
- MG
(éventuels)
- Commission
exportateur
(
entre 20% et
30% des
encaissements
bruts sur les
ventes
)
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2%
11%
12%
76%
1%
15%
17%
67%
0%
20%
40%
60%
80%
Inférieur à
1 M€
Entre 1 M€
et 4 M€
Entre 4 M€
et 7 M€
Supérieur à
7 M€
2008
2%
5%
50%
43%
2%
15%
34%
49%
0%
20%
40%
60%
80%
Inférieur à 1
M€
Entre 1 M €
et 4 M€
Entre 4 M€
et 7 M€
Supérieur à
7 M€
2003
1%
10%
22%
68%
2%
19%
19%
60%
0%
20%
40%
60%
80%
Inférieur à
1 M€
Entre 1 M€
et 4 M€
Entre 4 M€
et 7 M€
Supérieur à
7 M€
2006
2%
6%
24%
67%
4%
21%
25%
51%
0%
20%
40%
60%
80%
Inférieur à 1
M€
Entre 1 M€
et 4 M€
Entre 4 M€
et 7 M€
Supérieur à
7 M€
2011
Annexe n° 9 - Part des films dans les coûts définitifs et dans la fréquentation totale en
2003, 2006, 2008 et 2011
Source des données : CNC.
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ANNEXES
213
Méthode de ventilation des films par catégorie de coût et par
nombre d’entrées en salles
Pour déterminer la part relative de chaque catégorie de film dans
les coûts de production et dans la fréquentation en salles, la Cour s’est
appuyée sur deux documents communiqués par le CNC, indiquant, pour
le premier, les coûts définitifs de chaque film d’initiative française entre
2003 et 2011, pour le second, la fréquentation, arrêtée au 31 décembre
2012, de chaque film d’initiative française inédit sorti en salles entre le 1
er
janvier 2001 et le 31 décembre 2012.
Ces deux documents ont été rapprochés et les films ne figurant que
sur l’un ou l’autre de ces fichiers ont été supprimés de l’analyse. Au total,
entre 2003 et 2012, 4 034 films figuraient dans ces deux documents, dont
1 266 en valeur unique. Ont donc été conservé pour l’analyse un
échantillon de 2 768 films figurant dans les deux séries de données.
Quatre années ont été utilisées, réparties de manière homogène au
cours de la période sous revue.
Le graphique ci-dessous retrace la répartition des entrées pour
l’ensemble des films français inédits sortis entre 2001 et 2010.
Graphique : répartition des films français inédits entre 2001 et 2010,
en fonction du nombre d’entrées en salles
Source : Cour des comptes, d’après données CNC.
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Annexe n° 10 – La chronologie des médias au 1
er
juillet 2013
4
10
12
22
24
36
48
30mois
lorsque le service applique des
engagements de coproduction de 3,2 % de
son chiffre d’affaires
dans les autres cas
en présence d’accord avec les organisations
en présence d’accord avec les organisations
Sortie en
salles
Vidéo à la demande payante à
l’acte
Vidéo à la demande
par abonnement
Vidéo à la demande à titre
gratuit
Chaîne de télévision payante
de cinéma – 1
re
fenêtre de
Chaîne de télévision payante de
cinéma – 2
e
fenêtre de
diffusion
Chaîne de télévision en clair et chaînes de
télévision payantes autres que les chaînes de
cinéma
en l’absence d’accord avec les organisations
en l’absence d’accord avec les organisations
sauf dérogation délivrée par le CNC
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215
COUR DES COMPTES
Annexe n° 11 – Localisation des tournages des films
et programmes audiovisuels
•
Films d’initiative française (tous genres confondus)
Localisation des jours de tournage, en nombre de jours (échelle
de gauche) et en pourcentage (échelle de droite)
Source : Cour des comptes d'après données CNC (devis prévisionnels).
Localisation des dépenses de tournage en millions d'euros (échelle de
gauche) et en pourcentage (échelle de droite)
Source : Cour des comptes d'après données CNC (coûts définitifs).
22%
35%
22%
30%
0%
10%
20%
30%
40%
0
1 000
2 000
3 000
4 000
5 000
6 000
2001
2003
2005
2007
2009
2011
Jours de tournage réalisés en France
Jours de tournage réalisés à l'étranger
Taux de délocalisation des jours de tournage
12%
11%
18%
17%
0%
5%
10%
15%
20%
0
200
400
600
800
1 000
1 200
2003
2005
2007
2009
2011
Dépenses en France
Dépenses à l'étranger
Taux de délocalisation
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216
COUR DES COMPTES
•
Programmes audiovisuels français (tous genres confondus)
Localisation des jours de tournage en millions d'euros (échelle de
gauche) et en pourcentage (échelle de droite)
Source : Cour des comptes d'après données CNC.
Localisation des dépenses de tournage, en millions d'euros
(échelle de gauche) et en pourcentage (échelle de droite)
Source : Cour des comptes d'après données CNC.
22%
35%
14%
7%
9%
0%
10%
20%
30%
40%
0
2 000
4 000
6 000
8 000
10 000
2001
2003
2005
2007
2009
2011
Jours de tournage réalisés en France
Jours de tournage réalisés à l'étranger
Taux de délocalisation des jours de tournage
13%
14%
9%
11%
0%
5%
10%
15%
0
500
1 000
1 500
2003
2005
2007
2009
2011
Dépenses en France
Dépenses à l'étranger
Taux de délocalisation
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ANNEXES
217
Annexe n° 12 - Les aides à la production
audiovisuelle en Europe
On estime à 388 M€ les dépenses publiques totales consacrées aux
oeuvres audiovisuelles en 2009 en Europe (auxquelles s’ajoutent 40 M€
consacrés à des documentaires et 15 M€ à des oeuvres d’animation pouvant
inclure aussi bien des oeuvres cinématographiques qu’audiovisuelles)
241
. Les
soutiens directs apportés par la France au secteur de la production
audiovisuelle, estimés à 242 M€ selon le même rapport, représentent donc
près de 63 % de l’ensemble des aides versées en Europe.
Le deuxième pays est l’Allemagne, dont le soutien à la production
audiovisuelle est d’environ 33 M€ par an, principalement apportés par les
Länder. Les instances au niveau du Bund ne soutiennent la production
audiovisuelle que par le biais d’un dispositif très marginal : la seule aide de
l’agence nationale (
Filmförderungsanstalt
) dans ce domaine est une aide
sélective, uniquement versée sous forme d’avances remboursables d’un
montant maximal de 375 000 €, pour des « projets cinématographiques
susceptibles d’être diffusés à la télévision ». Les autres États dont les fictions
ont connu des succès d’audience et d’exportation notables au cours des
dernières années présentent des niveaux d’aide publique au secteur de
l’audiovisuel nettement plus faibles qu’en France : 19 M€ au Royaume-Uni,
4 M€ au Danemark, 3 M€ en Suède.
Ces comparaisons doivent bien sûr être ramenées à la taille des
marchés correspondants : le chiffre d’affaires publicitaire des chaînes, leurs
recettes d’abonnement et, concernant l’audiovisuel public, le montant de la
redevance, sont variables d’un État à l’autre (le montant annuel de la
redevance par foyer est ainsi de 179 € au Royaume-Uni, de 216 € en
Allemagne, alors qu’il s’élève à 131 € en France).
Taille des marchés audiovisuels en Europe (2011, en millions d’euros)
Chiffre
d'affaires
publicitaire de la
télévision
Dotation publique à
l'audiovisuel
(redevance et autres)
Chiffre d'affaires
de
la
télévision
payante
France
3 898
3 697,9
4 526,1
Royaume-
Uni
4 384
3 938,1
7 988,6
Allemagne
4 379
7 605,4
4 555
Danemark
2 517
3 516
967,2
Italie
4 627
1 772
3 711
Source : Observatoire européen de l’audiovisuel, 2012 Yearbook
..
241
Observatoire européenne de l’audiovisuel, 2011.
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218
COUR DES COMPTES
Annexe n° 13 - Le dispositif d'incitation fiscale
belge du
tax shelter
1 -
Les caractéristiques du
tax shelter
Instauré par la loi programme du 31 décembre 2003 (article 194 ter
du code des impôts sur les revenus), le
tax shelter
est un dispositif fiscal
qui vise à encourager l’investissement privé dans la production
cinématographique et audiovisuelle sur le territoire belge.
Il a pour double objectif de soutenir la production et la création
d’oeuvres cinématographiques et audiovisuelles belges et d’attirer les
investissements étrangers en Belgique.
Le
tax shelter
est donc un dispositif hybride, à mi-chemin entre :
-
les SOFICA dans la mesure où il draine l’investissement privé dans
le financement des oeuvres audiovisuelles et cinématographiques ;
-
les trois crédits d’impôt français, pour sa dimension territorialisante,
dans la mesure où le
tax shelter
vise à encourager les tournages en
Belgique, de productions cinématographiques et audiovisuelles
belges et étrangères.
a)
Une exonération fiscale encourageant l’investissement dans la
production cinématographique et audiovisuelle
Les sociétés belges ou filiales étrangères implantées en Belgique
qui souhaitent bénéficier du
tax shelter
belge doivent conclure une
convention-cadre avec une société de production résidente, en vue de
financer une oeuvre cinématographique ou audiovisuelle. Le
tax shelter
permet une exonération fiscale de 150 % du montant investi en Belgique,
au titre de l’impôt sur les sociétés.
À la différence du système de crédit d’impôt français, les sociétés
de production ne peuvent prétendre directement au dispositif de
tax
shelter
. En effet, ne peuvent bénéficier de l’exonération fiscale les
entreprises dont l’objet principal est le développement et la production
d’oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles ainsi que les entreprises
de télédiffusion.
Le dispositif de
tax shelter
ne bénéficie donc qu’indirectement aux
sociétés de production en encourageant l’investissement de capitaux
privés dans leur activité. En outre, toutes les sociétés de production ne
sont pas éligibles au financement issu du
tax shelter
puisque les
entreprises de télédiffusion ainsi que les entreprises liées à des entreprises
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ANNEXES
219
belges ou étrangères de télédiffusion ne sont pas éligibles à ce dispositif.
Une telle restriction n’existe pas en France.
b)
Un investissement sous forme d’
equity
ou de prêt
L’investisseur peut contribuer directement au financement de
l’oeuvre par la signature de la convention-cadre (c’est-à-dire du contrat
d’investissement) avec le producteur de l’oeuvre ou via un intermédiaire
financier chargé de lever des fonds.
Qu’elle fasse ou non intervenir un intermédiaire financier, la
participation de la société peut prendre deux formes distinctes :
-
un investissement en
equity
, c’est-à-dire par l’acquisition de droits
liés à la production et à l’exploitation de l’oeuvre audiovisuelle ou
cinématographique. Cet investissement est doublement plafonné, en
valeur relative (il ne doit pas dépasser 50 % des bénéfices imposables
de l’investisseur) et en valeur absolue (il ne doit pas dépasser
300 000 € au cours d’un même exercice) ;
-
un prêt, également doublement plafonné en valeur relative (pas plus
de 2/3 des sommes investies en
equity
) et en valeur absolue (pas plus
de 200 000 € par exercice).
Le montant de l’investissement sous forme de prêt ou d’
equity
est
donc plafonné à 500 000 € par an.
Les oeuvres éligibles au dispositif de
tax shelter
sont :
-
les films de fiction (long, moyen et court métrage), documentaires ou
films d’animation destinés au cinéma ;
-
les collections télévisuelles d’animation ;
-
les programmes télévisuels documentaires ;
-
les téléfilms de fiction longue ;
-
les séries destinées aux enfants et aux jeunes.
L’oeuvre audiovisuelle doit être agréée par les services compétents
de la Communauté française, flamande ou germanophone comme oeuvre
européenne telle que définie par la réglementation européenne.
À la différence du dispositif français, les oeuvres de court métrage
sont éligibles au
tax shelter
.
2 -
Objectifs et limites
a)
Un dispositif territorialisant
Pour pouvoir bénéficier de fonds issus du
tax shelter
, les oeuvres
cinématographiques ou audiovisuelles doivent respecter une condition de
territorialité.
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220
COUR DES COMPTES
Les dépenses de production et d’exploitation effectuées en
Belgique doivent s’élever à au moins 90 %
242
des sommes affectées à
l’exécution de la convention-cadre.
70 % au minimum de ces dépenses doivent être des dépenses
directement liées à la production. Ces dépenses sont listées dans la loi de
même que les dépenses considérées comme non directement liées à la
production
243
.
b)
Une exonération fiscale plafonnée par entreprise
L’exonération fiscale (égale à 150 % des sommes investies en
Belgique) est soumise à un double plafond de :
-
50 % du bénéficie réservé imposable à l’impôt sur les sociétés
(ISoc) ;
-
750 000 € par période imposable (correspondant aux 150 % du
plafond de 500 000 € pouvant être investis).
L’exonération est transférable sur les exercices ultérieurs en cas
d’absence de bénéfice ou de bénéfice insuffisant, dans la limite de trois
exercices.
À la différence du crédit d’impôt français, le montant des sommes
investies qui n’a pu être exonéré en cas d’absence ou de bénéfice
insuffisant ne fait pas l’objet d’un remboursement par l’administration
fiscale mais seulement d’un report, limité dans le temps, sur les exercices
suivants.
242
L’article 194 ter du code des impôts a été modifié par la loi du 17 juin 2013 portant
des dispositions fiscales et financières et des dispositions relatives au développement
durable. Jusqu’alors les dépenses effectuées en Belgique devaient s’élever à au moins
150 % des sommes affectées à l’exécution de la convention-cadre, autrement que sous
la forme de prêts.
243
Les dépenses directement liées à la production sont limitativement énumérées par
la loi du 17 juin 2013 : les frais couvrant les droits artistiques à l’exception des frais
de développement du scenario qui datent de la période précédant la convention-cadre ;
les salaires et autres indemnités du personnel, les indemnités des prestataires de
services indépendants ; les frais affectés au paiement des acteurs, musiciens et
fonctions artistiques dans la mesure où ils contribuent à l’interprétation et à la
réalisation de l’oeuvre éligible ; les charges sociales liées aux salaires et frais visés
précédemment ; les frais de décors, accessoires, costumes et attributs qui sont portés à
l’image ; les frais de transport et de logement dans la limite fixée par la loi; les frais
affectés au matériel et autres moyens techniques ; les frais de laboratoire et de
création du master ; les frais d’assurance directement liés à la production ; les frais
d’édition et de promotion propres au travail du producteur.
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ANNEXES
221
c)
Un plafonnement par oeuvre
Le total des sommes effectivement versées en exécution de la
convention- cadre ne doit pas excéder 50 % du budget global des
dépenses de l’oeuvre audiovisuelle ou cinématographique.
Lorsque plusieurs conventions-cadres ont été conclues en vue du
financement de la même oeuvre, le plafond de 50 % doit être vérifié en
tenant compte du total des sommes effectivement versées en exécution de
l’ensemble des conventions-cadres.
Le budget à partir duquel est calculé le plafond de 50 % est le
budget global des dépenses de la production stricto sensu. Les dépenses
d’exploitation qui sont prises en considération dans le calcul des dépenses
effectuées en Belgique sont exclues du budget de production pour le
calcul de ce plafond de 50 %.
d)
Le contrôle du dispositif par les autorités belges
Le contrôle du dispositif par les autorités belges se fait, comme en
France, en deux temps. Les Communautés (française ou flamande) sont
chargées d’intervenir à deux reprises, en amont et en aval de la
production.
En premier lieu doit intervenir l’agrément de l’oeuvre audiovisuelle
belge en tant qu’oeuvre européenne. L’article 194 ter § 1
er
alinéa 3 du
code des impôts sur les revenus prévoit que l’oeuvre audiovisuelle belge
doit être agréée par les services compétents de la Communauté concernée
comme oeuvre européenne telle que définie par la directive Service de
médias audiovisuels (SMA). Pour bénéficier du
tax shelter
, l’oeuvre doit
nécessairement être agréée.
En second lieu, une attestation relative au respect des conditions et
plafond de financement doit être délivrée. Au travers de cette attestation,
la Communauté confirme que la réalisation de l’oeuvre a bien été achevée,
que le total des sommes effectivement versées en exécution de la
convention-cadre n’excède pas 50 % du budget total des dépenses de
l’oeuvre audiovisuelle belge agréée et que le total des sommes a été
effectivement affecté à l’exécution de ce budget.
L’article 194 ter § 4, 7 bis dispose que l’exonération fiscale n’est
accordée et maintenue que si la société bénéficiaire remet un document
par lequel la Communauté concernée atteste, au plus tard dans les quatre
ans de la conclusion de la convention-cadre, que la réalisation de cette
oeuvre est achevée et que le financement global de l’oeuvre respecte les
conditions et les plafonds prévus par la loi.
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222
COUR DES COMPTES
Cette procédure, tout comme les documents requis aux sociétés de
production sont assez similaires à ceux utilisés en France et n’appelle
donc pas de remarque particulière.
3 -
L’efficacité du
tax shelter
a)
Données chiffrées relatives à l’utilisation du
tax shelter
244
Sur la base des informations dont dispose le Centre du cinéma et
de l’audiovisuel (CCA), sur les 1 038 oeuvres agréées depuis 2003 :
-
558 (tous genres confondus) ont bénéficié du
tax shelter
;
-
195 oeuvres ont été réalisées sans
tax shelter
ou ont été
abandonnées ;
-
285 oeuvres sont toujours en recherche de
tax shelter
.
Au total, depuis 2003, 53,7 % des oeuvres agréées ont bénéficié du
dispositif de
tax shelter
.
Montant investi dans le
tax shelter
entre 2003 et 2012, en millions
d'euros
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
1,07
8,93
14,62
32,44
55,25
62,06
81,41
91,38
91,36
93,71
Source : CCA - communauté française.
Depuis 2003, on assiste à une importante montée en puissance du
dispositif du
tax shelter
. Si on exclut l’année 2003 qui correspond à la
mise en place du dispositif, le montant investi annuellement au travers du
tax shelter
a été multiplié par plus de 10 entre 2004 et 2012, passant de
8,9 M€ à 93,7 M€.
Aucun dispositif français pris isolément (CIC, CIA, C2I ou
SOFICA) n’est en mesure d’atteindre les montants levés par le dispositif
de
tax shelter
. Cette constatation est d’autant plus vraie que les chiffres
communiqués ne correspondent qu’au dispositif de
tax shelter
de la
Communauté française. Si l’on ajoutait les fonds du
tax shelter
de la
Communauté flamande, le différentiel serait encore plus marqué en
faveur du dispositif belge.
En 2012, le montant total effectif du crédit d’impôt cinéma
(42,36 M€, inférieure à la prévision inscrite dans le Tome II de
l’évaluation des voies et moyens) représente moins de la moitié du
tax
shelter
(45 %). Quant à l’enveloppe globale des SOFICA (plafonnée à
244
Les chiffres présentés sont ceux de la Communauté française, publiés par le Centre
du cinéma et de l’audiovisuel, équivalent du CNC pour la communauté francophone.
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ANNEXES
223
63,07 M€), elle représente 67 % du montant investi au travers du
tax
shelter
en 2012.
En 2012, le montant du
tax shelter
représente à lui seul 80 % de la
somme cumulée des trois crédits d’impôt (telle que prévue dans le PLF).
Cette part devrait être en réalité supérieure en raison de la surévaluation
des montants des crédits d’impôt dans l’Evaluation des voies et moyens
par rapport aux montants effectivement constatés.
Répartition du
tax shelter
investi selon le type d’oeuvre, entre 2003 et
2012
Type d’oeuvre
Nombre
d’oeuvres
Montant de
tax shelter
investi (M€)
Films de long métrage
383
451,95
Téléfilms de fiction longue
50
46,66
Séries d’animation
37
25,65
Documentaires
65
7,12
Courts métrages de cinéma
23
0,88
Source : CCA.
Depuis la mise en oeuvre du dispositif, ce sont essentiellement les
films de long métrage qui ont bénéficié du dispositif. Ils représentent 69%
du total des oeuvres ayant bénéficié du
tax shelter
et 85 % des montants
investis via le
tax shelter
. Les téléfilms de fiction longue ne représentent
que 9 % des oeuvres aidées et des montants de
tax shelter
investis.
Si
théoriquement
le
dispositif
de
tax
shelter
s’adresse
indifféremment au cinéma et à l’audiovisuel, dans les faits il bénéficie en
grande majorité aux oeuvres cinématographiques. En France, la
constitution de deux crédits d’impôt distincts a permis d’aider dans des
proportions beaucoup plus équilibrées les oeuvres cinématographiques et
audiovisuelles. À titre d’exemple, en 2011, les crédits d’impôt se sont
élevés à 49,9 M€ pour les oeuvres audiovisuelles et à 36,46 M€ pour les
oeuvres cinématographiques.
S’agissant du nombre total d’oeuvres ayant bénéficié du
tax shelter
(558), il est sans commune mesure avec celui des oeuvres bénéficiant des
crédits d’impôt français. En effet, sur la seule année 2011, le nombre
d’oeuvres ayant bénéficié du CIC (131) et du CIA (307) s’élève à 438,
soit 78 % du nombre total des oeuvres ayant bénéficié du
tax shelter
sur
10 ans.
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224
COUR DES COMPTES
b)
L’évaluation du dispositif de
tax shelter
Aucune étude conduite par l’administration fiscale belge ne permet
de connaître le coût exact du dispositif pour les finances publiques, de
même
que
ses
retombées
économiques
au-delà
de
la
filière
cinématographique et audiovisuelle.
Au cours de l’instruction, l’administration fiscale belge a renvoyé
les rapporteurs à la seule étude existante, un mémoire de fin d’études de
master réalisé par un étudiant de l’Université catholique de Louvain
245
. A
travers cette étude qui s’apparente davantage à une monographie puisque
ne sont analysés que huit cas de longs métrages, l’auteur conclut à un
impact fiscal positif du
tax shelter
pour l’État belge, les recettes fiscales
cumulées des huit films étudiés atteignant 18,08 M€ pour une dépense
fiscale de 17,7 M€. Il va sans dire qu’aucune conclusion générale ne
saurait être tirée de cette étude s’agissant de l’impact fiscal et des
retombées économiques pour l’État belge des 558 oeuvres ayant bénéficié
du
tax shelter
depuis sa création.
L’efficacité du dispositif belge, souvent mise en avant en France
pour justifier les récentes réformes des crédits d’impôt français, n’est
donc fondée sur aucune étude objective mesurant l’impact du dispositif.
c)
Un système perfectible en termes de financement net apporté aux
oeuvres cinématographiques et audiovisuelles
Le dispositif de
tax shelter
se caractérise par une forte déperdition
entre le montant investi sous forme d’
equity
ou de prêt et celui parvenant
finalement à la société de production.
Comme le montre l’étude Mazars-Hamac Conseil déjà citée
246
, le
financement dont peut effectivement bénéficier le producteur est moins
aisément calculable que dans le cas des crédits d’impôt français. En effet,
il convient de déduire des sommes investies par les sociétés bénéficiant
de l’exonération fiscale plusieurs charges financières :
-
le montant des intérêts sur la part investie en prêt ;
-
le remboursement du capital du prêt ;
-
le cas échéant, le montant de la commission prélevée par
l’intermédiaire financier (entre 9 % et 15 % des sommes
investies) ;
245
Cf. Pierre-Antoine SIMON,
A qui profite le tax shelter ?
, Université catholique de
Louvain, Master en sciences de gestion, année 2009-2010.
246
Cf.
Etude comparative des systèmes d’incitation fiscale à la localisation de la
production audiovisuelle et cinématographique
, Cabinets Hamac Conseils et
Mazars/CNC, septembre 2011.
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ANNEXES
225
-
le montant de l’« option put » à provisionner dans l’éventualité
où l’investisseur ne souhaiterait pas conserver ses droits sur
l’oeuvre, ce qui est très souvent le cas.
Selon l’étude précitée, l’apport financier revenant finalement à la
production est compris entre 26 % et 35 % du montant total investi (prêt
+ « equity »).
Dans le cas des SOFICA, sur l’enveloppe de 63,07 M€ investie,
50,5 M€
ont
directement
bénéficié
à
la
production
d’oeuvres
cinématographiques en 2010 et 6,3 M€ à la production d’oeuvres
audiovisuelles, soit 90 % des sommes initialement levées. Les sommes
investies dans le cadre des SOFICA profitent donc davantage à la
production cinématographique et audiovisuelle que celles investies dans
le cadre du
tax shelter
.
Ce différentiel s’explique par la réglementation stricte des sommes
investies dans les SOFICA en France : 90 % des fonds collectés doivent
être obligatoirement investis dans un délai d’un an dans les films, seuls
10 % des fonds peuvent être placés en « comptes productifs d’intérêts »
(placements monétaires non risqués) et/ou être utilisés en frais de
fonctionnement. L’activité des intermédiaires financiers en Belgique
demeure, quant à elle, peu réglementée.
d)
Le
tax shelter
, objet de critiques en Belgique
S’il est loué en France pour son efficacité, il existe actuellement en
Belgique un débat autour des dérives produites par le système de
tax
shelter
.
Le dispositif est critiqué par certains parlementaires et producteurs
comme étant devenus un simple outil de placement financier, voire un
outil d’optimisation fiscale ne bénéficiant plus en priorité à la production
cinématographique et audiovisuelle belge. La surenchère dans les
rendements offerts aux investisseurs, déconnectés du succès des oeuvres
financées, se ferait au détriment de l’apport réel des fonds dans la
production des films.
Afin d’endiguer ce phénomène, le conseil des ministres du 14
février a décidé d’une réforme de ce dispositif, prévoyant le renforcement
des contrôles et la mise en place d’une attestation obligatoire pour toutes
les sociétés de levées de fonds. Ce système rapproche davantage le
mécanisme de
tax shelter
de celui des SOFICA.
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226
COUR DES COMPTES
Annexe n° 14 - Les différents leviers de
l’exportation : de la coproduction à la vente sur
catalogue
L'exportation des films et des programmes audiovisuels peut prendre
plusieurs formes, qui diffèrent selon leur intégration dans le plan de
financement des oeuvres.
Dans le domaine cinématographique comme en matière audiovisuelle,
la forme la plus intégrée est la coproduction. Elle consiste en un partage des
droits sur le film ou le programme considéré, contrepartie d'un partage du
risque financier. Cette opération garantit que le projet sera
a minima
présenté
et exposé dans des conditions satisfaisantes dans le pays coproducteur. Une
part importante des films agréés a recours à la coproduction, les apports
financiers étrangers représentant la quatrième source de financement des
films d'initiative française (9,3 % des financements en 2012). Les apports
étrangers se concentrent néanmoins sur les films aux budgets les plus élevés.
L'intégration des recettes d'exportation dans le financement des films
peut également prendre la forme d'un mandat de vente à l'étranger.
L’exportateur français s’engage alors à réaliser un chiffre d’affaires minimum
pour l’oeuvre sur le support choisi contractuellement (mandat uniquement
pour les salles, ou plus fréquemment mandat regroupant tous les supports de
diffusion) et verse un minimum garanti au producteur. Les frais engagés par
l’exportateur pour assurer la sortie du film à l’étranger ainsi que son
minimum garanti lui sont reversés au fur et à mesure de la perception des
recettes en provenance du territoire concerné. L’exportateur a la charge de la
négociation avec les distributeurs locaux. Les grands groupes intégrés
cumulent parfois ces rôles. Les mandats étrangers représentent environ 6,2 %
du financement des films d’initiative française en 2012. Au titre des
préfinancements étrangers, il faut également prendre en compte la pratique
des mandats groupés (10,8 % du financement des films d'initiative française
en 2012), qui intègrent parfois l’exportation.
Les préventes à l'étranger peuvent également contribuer à financer les
oeuvres, essentiellement les programmes audiovisuels. De la même manière
qu’une prévente en France, cette opération consiste pour le diffuseur étranger
à s’assurer une exclusivité pour la première et/ou la seconde diffusion d’un
programme sur sa chaîne sans cession de droits.
Enfin, les films et les programmes audiovisuels peuvent être vendus
« sur catalogue », une fois leur production achevée, voire après une première
exploitation en France. La vente est alors sans impact sur le financement du
programme mais apporte des recettes complémentaires au producteur et aux
créateurs.
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Annexe n° 15 - Évolution des aides accordées par le CNC pour la promotion et
l'exportation des films et des programmes audiovisuels entre 2001 et 2010 (en M€)
Source : Cour des comptes, d'après données CNC.
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228
COUR DES COMPTES
Annexe n° 16 - Principaux rapports publiés au
cours des années récentes sur l’économie de la
filière
•
Secteur cinématographique
-
Le
financement
de
la
production
et
de
la
distribution
cinématographiques à l’heure du numérique
, René Bonnell, décembre
2013
-
Rapport de Michel Gomez sur la transparence de la filière
cinématographique, septembre 2011
-
Livre blanc de la distribution indépendante
par le syndicat DIRE
(printemps 2011)
-
Livre blanc des salles obscures
, rapport de la Fédération nationale des
cinémas français, septembre 2010
-
Cinéma et concurrence
, rapport d’Anne Perrot et Jean-Pierre Leclerc,
mars 2008
-
Rentabilité des investissements dans les films français
, Olivier Bomsel,
Mines ParisTech, 2008
- Rapport de René Bonnell sur
Le droit des auteurs dans le domaine
cinématographique
: coûts, recettes et transparence, 2008
- Rapport du « Club des 13 » (à l’initiative de Pascale Ferran),
Le milieu
n’est plus un pont mais une faille
, 2008
- Jean-Pierre Leclerc,
Réflexions sur le dispositif français de soutien à la
production cinématographique
, rapport établi à la demande du ministre
de la culture et de la communication, janvier 2003
•
Secteur audiovisuel
- Rapport au Gouvernement sur l’application du décret n° 2010 – 1379 du
12 novembre 2010, CSA, novembre 2013
- Rapport du sénateur Jean-Pierre Plancade sur les relations entre les
producteurs audiovisuels et les éditeurs de services de télévision, mai
2013
- Étude du CSA
Contribution sur l'adaptation de la régulation
audiovisuelle
, janvier 2013
- Étude du CSA
Deux années d’application de la réglementation de 2010
relative à la contribution des éditeurs de services de
télévision au
développement de la production audiovisuelle
, janvier 2013
- Rapport de Jacques Peskine sur le COSIP et la diffusion numérique,
novembre 2012
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ANNEXES
229
-
Le documentaire dans tous ses états. Pour une nouvelle vie du
documentaire de création
, Serge Gordey, Catherine Lamour, Jacques
Perrin et Carlos Pinsky, mars 2012
- Rapport de la mission Chevalier sur l’écriture et le développement dans
la fiction audiovisuelle, mars 2011
- Rapport de Dominique Richard sur les perspectives pour le secteur
audiovisuel à l’horizon 2015, avril 2011
- Rapport
du
sénateur
Legendre
sur
l’avenir
de
la
production
audiovisuelle, juillet 2011
- Rapport de Michel Boyon sur l'avenir de la TNT, août 2011
- Étude du CSA
Contribution à la réflexion sur la circulation des oeuvres
audiovisuelles
, septembre 2010
- Rapport de David Kessler sur les rapports entre les producteurs et les
diffuseurs audiovisuels, décembre 2007
- Rapport d’Antoine Schwartz sur la production audiovisuelle française et
son financement, 2003
•
Enjeux transversaux
-
L’apport de la culture à l’économie en France
, IGF-IGAC, décembre
2013
-
Contribution aux politiques culturelles à l’ère numérique
, Pierre
Lescure, mai 2013
-
Avenir à 10 ans des industries techniques du cinéma et de l’audiovisuel
en France
, Jean-Frédérick Lepers et Jean-Noël Portugal, janvier 2013
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230
COUR DES COMPTES
Annexe n° 17 – Personnes rencontrées
Administration
•
DGMIC : Laurence Franceschini, directrice générale ; Roland Husson,
sous-directeur de l’audiovisuel ;
•
CNC : Frédérique Bredin, présidente ; Audrey Azoulay, directrice
générale déléguée ; Aude Accary-Bonnery, directeur financier et
juridique ; Olivier Wotling, directeur du cinéma ; Guillaume Blanchot,
directeur de l’audiovisuel ; Anne Cochard, directrice de la création, des
territoires et des publics ; Frédéric Béreyziat, directeur des affaires
européennes et internationales ; Benoît Danard, directeur des études.
•
CSA : Olivier Schrameck, président ; Jean-Baptiste Gourdin, directeur
de cabinet du président ; Corinne Samyn, direction des programmes ;
•
IFCIC : Laurent Vallet, directeur général ;
•
Pictanovo (Nord-Pas de Calais) : Vincent Leclerc, directeur général.
Diffuseurs
•
Canal+ : Rodolphe Belmer, directeur général ; Manuel Alduy, directeur
du cinéma ; Pascaline Gineste, directrice des affaires réglementaires et
européennes ;
•
France Télévisions : Martin Ajdari, secrétaire général ; Christian Vion,
directeur général adjoint ;
•
Arte : Anne Durupty, directrice générale ; Pierrette Ominetti, directrice
déléguée à la coordination des programmes et de la production ;
Clémence Weber, responsable affaires publiques ;
•
TF1 : Jean-Michel Counillon, secrétaire général ; Benoît Louvet,
directeur général adjoint ; Nathalie Lasnon, directrice adjointe
réglementation et concurrence ;
•
M6 : Karine Blouët, secrétaire général ; Marie Grau-Chevallereau,
directeur des études réglementaires ; Laurence Souveton, directrice des
productions ; Philippe Bony, directeur général adjoint des programmes ;
•
Orange : Maxime Trabant, directrice des relations institutionnelles ;
David Grosz, directeur juridique ; Bernard Tani, directeur TV et VOD ;
Véronique Gilquin, directrice des études ;
•
Dailymotion : Martin Rogard, directeur général ; Giuseppe de Martino,
secrétaire général.
Exportation
•
UniFrance : Jean-Paul Salomé, président ; Isabelle Giordano, directrice
générale ;
•
TVFI : Xavier Gouyou-Beauchamps, président ; Mathieu Béjot, délégué
général.
Représentations professionnelles
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ANNEXES
231
•
DIRE : Éric Lagesse, Carole Scotta, Sylvie Corréard ;
•
SDI : Christian Oddos, Etienne Ollagnier ;
•
APC : Marc Missonier, Frederic Goldsmith ;
•
FNDF : Victor Hadida, Julie Lorimy, Amel Lacombe ;
•
USPA : Stéphane Le Bars ; Matthieu Viala, Paul Rozenberg ;
•
SATEV : Christian Gérin, Florence Braka, Arnaud Hamelin ;
•
SPI : Marie Masmonteil, Juliette Prissard ;
•
SACD : Pascal Rogard, Guillaume Prieur ;
•
ARP : Florence Gastaud, Vincent Le Treis ;
•
FNCF : Richard Patry, Marc-Olivier Sebbag, Jean-Pierre Decrette ;
Personnalités qualifiées
•
Nicolas Seydoux (Gaumont) ;
•
Alain Sussfeld (UGC) ;
•
Christophe Nobileau (Telfrance) ;
•
René Bonnell ;
•
Pierre Lescure ;
•
Pascale Ferran ;
•
Françoise Benhamou ;
•
Olivier Bomsel ;
•
André Lange (Observatoire européen de l'audiovisuel).
Royaume-Uni
•
Ofcom : Peter Bourton,
Head of TV Content Policy
;
•
BBC : Najma Rajah,
Chief Economic and Policy Adviser
; Dave
Gregory,
Policy and Strategy
;
•
Channel 4 : Khalid Hadadi,
European Affairs Manager
.
Allemagne
•
FFA (
Filmförderungsanstalt
) : Peter Dinges, président ;
•
Bundestag : Angelika Krüger-Leißner, députée SPD en charge des
médias ;
•
Délégué du gouvernement pour la culture et les médias : Ulrike Schauz,
directrice du service cinéma ;
•
Représentants des professionnels : Michael Schmetz (
Mediaconsult
) ;
Mathias Schwarz (
Allianz Deutscher Produzenten
) ; Christian Bräuer
(
AG Kino
) ;
•
Medienboard Berlin-Brandenburg : Teresa Hoefert de Turégano,
International Co-Productions
; Christian Berg,
Cooordinator Film
Funding
.
- - -
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RÉPONSES DES
ADMINISTRATIONS ET DES
ORGANISMES CONCERNÉS
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Sommaire
Réponse commune du ministre de l’économie et des
finances et du ministre délégué auprès du ministre de
l’économie et des finances, chargé du budget
237
Ministre de la culture et de la communication
238
Présidente du centre national du cinéma et de l’image
animée
243
Président du conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA)
252
Président de France télévisions
263
Président de Canal plus
273
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RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS
237
RÉPONSE COMMUNE DU MINISTRE DE L’ÉCONOMIE
ET DES FINANCES ET DU MINISTRE DÉLÉGUÉ AUPRÈS DU
MINISTRE DE L’ÉCONOMIE ET DES FINANCES, CHARGÉ DU
BUDGET
Nous avons pris connaissance avec intérêt de votre
rapport relatif à
la politique de soutien à la production cinématographique et audiovisuelle.
Nous souscrivons à l'essentiel des recommandations
de la Cour.
Ainsi que vous le décrivez, le dynamisme des dépenses du CNC durant
la dernière décennie a été principalement l'effet, largement exogène au
secteur, de l'accroissement du produit de certaines taxes affectées au CNC.
Une évaluation globale des soutiens publics permettrait de rationaliser
l'architecture d'ensemble afin d'améliorer leur efficacité et garantir une
maîtrise des dépenses dans le cadre contraint de nos finances publiques.
Il est en particulier nécessaire de programmer une évolution pluriannuelle
des dépenses du CNC sur la base d'une évaluation des besoins du secteur, de
l'efficacité des dispositifs de soutien et du contexte général de nos finances
publiques qui impose de réaliser des économies.
S'agissant plus spécifiquement du secteur du cinéma, l'accroissement
des coûts de production, la saturation des fenêtres de diffusion des films et la
structuration insuffisante du secteur invitent à engager une réflexion sur les
dispositifs de soutien afin de les rendre plus incitatifs. La possibilité d'une
réorientation
des aides en fonction du niveau d'exposition des différents
acteurs au risque économique mérite d'être étudiée dans le cadre d'une
éventuelle réforme des soutiens automatiques à la distribution.
S'agissant du secteur de l'audiovisuel, le niveau d'aide est sans
équivalent en Europe du fait des soutiens du CNC mais également des
obligations d'investissement dans la création qui s'imposent aux chaînes de
télévision. La Cour suggère de réformer les dispositifs de soutien à ce secteur
pour lequel elle constate des effets d'aubaine et des inefficacités qu'il
conviendrait de corriger. Le niveau important des aides conjugué au constat
d'inefficacité relative de certaines d'entre elles peuvent justifier d'envisager
un meilleur ciblage des interventions dans ce domaine.
De façon générale, l'élaboration d'un contrat d'objectifs et de
performance permettrait de renforcer le pilotage du CNC sur la base
d'objectifs de performance clairement définis. Nous sommes donc favorables
à ce que le CNC soit doté d'un tel document de programmation et de pilotage
conformément à ce qui est appliqué à la quasi-totalité des opérateurs de
l'État.
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238
COUR DES COMPTES
RÉPONSE DE LA MINISTRE DE LA CULTURE ET
DE LA COMMUNICATION
Le rapport public thématique de la Cour des comptes, relatif à la
politique de soutien à la production cinématographique et audiovisuelle, met
en lumière les« résultats indéniables » d'une politique conduite en France
avec vigueur et constance depuis plus de 65 ans. Cette politique repose avant
tout sur un mode de financement dont la Cour souligne avec raison
l’originalité : c'est un
financement mutualiste et solidaire, qui ne pèse pas
sur le budget général de l’État, et dans lequel une partie des revenus générés
par les succès de l'exploitation des contenus audiovisuels est prélevée et
« épargnée » pour être réinvestie dans la création originale française et
européenne.
C'est donc le principe même du fonds de soutien que d'évoluer non
pas suivant la trajectoire du budget général de l'État, mais suivant la
trajectoire économique des secteurs de la diffusion audiovisuelle.
La Cour souligne à juste titre la révolution sans précédent que
connaît le secteur de l'image animée sur la dernière décennie : le
développement de l'internet haut débit, la multiplication du nombre de
chaînes de télévision, l'apparition de nouveaux modes de réception des
contenus audiovisuels. Toutes ces évolutions ont considérablement accru la
demande de programmes, tout en facilitant l'accès à des oeuvres venues du
monde entier.
Seule une politique publique dynamique peut permettre aux
entreprises françaises, et aux oeuvres qu'elles produisent, de prendre toute
leur place dans ce nouvel environnement. C'est tout le sens de la position
française sur l'exception culturelle qui vise à exclure du droit commun des
accords commerciaux internationaux l'audiovisuel et le cinéma. À défaut,
seuls les opérateurs étrangers seront en situation de créer et de diffuser des
contenus en quantité et en qualité suffisantes pour répondre à une demande
en croissance très rapide. La Cour souligne d'ailleurs les risques qui
apparaissent déjà aujourd’hui à ce sujet.
Je suis donc très attachée à ce mode de financement et à sa nécessaire
modernisation pour l'adapter à la nouvelle donne numérique, en particulier
la réforme de la Taxe sur les services de télévision (distributeurs et éditeurs)
et la réforme de la taxe sur la vidéo à la demande pour y assujettir les
opérateurs étrangers déployant une activité en France.
Il ne me semble donc pas pertinent de mettre en place de façon
artificielle des plafonnements pluriannuels de dépenses, qui sont contraires à
la logique même du fonds de soutien et des taxes affectées. Je suis en
revanche attentive à ce que le niveau du fonds de soutien corresponde à une
part raisonnée d'intervention publique dans ce secteur. Les travaux conduits
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RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS
239
par l’Inspection générale des finances (IGF) et l'Inspection générale des
affaires culturelles (IGAC) en 2011 sur les besoins de financement du Centre
national du cinéma et de l'image animée (CNC) sont de ce point de vue très
éclairants, qui estiment à 720 M€ les besoins de financement du secteur.
Je note par ailleurs les recommandations de la Cour sur les autres
dispositifs fiscaux qui concourent à la politique de soutien à la production
cinéma et audiovisuelle, en particulier l'importance de revitaliser le dispositif
des SOFICA, préconisation qui reprend celles exprimée s par les rapports de
Messieurs Lescure et Bonnell.
S'agissant des crédits d'impôt, je constate pour ma part qu'ils ont eu
un effet réel de diminution sur le taux de délocalisation des tournages. C'est
précisément pour les adapter à la nouvelle donne internationale - la Cour
relève à juste titre la concurrence fiscale existant en la matière- qu'ils ont été
modifiés en 2012 et 2013, à l'issue d'études précises et détaillées qui ont
montré leur perte de compétitivité par rapport aux autres dispositifs
concurrents mis en place dans les autres pays européens ou extra-européens
(Canada notamment). Si je ne peux que déplorer, comme la Cour, la
surenchère à laquelle se livrent les États membres, j'observe que celle-ci
repose précisément sur le constat partagé par l'ensemble des États des
bénéfices économiques induits par la localisation de tournages, bénéfices mis
en lumière, en France, par l'étude indépendante Greenwich, et au Royaume-
Uni, par l'étude Oxford Economics. Compte tenu de cet impact économique
direct, pour l'emploi, la croissance, et pour les recettes fiscales et sociales de
l'État, il ne me semble pas pertinent de revenir sur les réformes adoptées en
2012 et 2013, qui viennent à peine d'entrer en vigueur, sous peine
d'incohérence de la politique publique, et avec un effet dévastateur sur les
choix d'investissement des entreprises.
S'agissant des dispositifs de soutien, je partage l'avis de la Cour sur la
nécessité de les réformer en profondeur pour les adapter au nouvel
environnement numérique. Ce travail est d'ores et déjà largement engagé. Il
a permis d'accompagner avec succès la numérisation des salles de cinéma, la
création audiovisuelle pour les nouveaux médias, ou bien encore, de façon
plus modeste, la numérisation du patrimoine cinématographique. Cette
modernisation se poursuit, dans le prolongement des rapports de
Messieurs Lescure et Bonnell, qui ont permis d'établir un diagnostic précis et
partagé des défis des secteurs de l'image animée. Il ne me semble donc pas
qu'on puisse parler de « risque d'essoufflement ».
Les préoccupations de la Cour des comptes relatives au soutien au
cinéma sont également celles identifiées dans la lettre de mission de
Monsieur René Bonnell en 2013. Les recommandations de la Cour sont
cohérentes avec les thèmes qui structurent aujourd'hui le travail engagé par
les professionnels, sous l'égide du CNC : la réforme du financement, pour un
meilleur équilibre entre un préfinancement qui reste essentiel à la diversité
de la création et un financement selon une logique d'investissement ; la
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240
COUR DES COMPTES
transparence et le partage des risques ; la diffusion et la distribution, enjeu
majeur mis en avant par la Cour.
Par ailleurs, si le régime de diffusion des films à la télévision devait,
comme le préconise la Cour, être modifié, il conviendrait d'envisager cet
examen dans le cadre d'une réflexion globale tenant compte notamment
d'éventuelles évolutions du régime de contribution des chaînes à la
production cinématographique. La concertation menée en 2011 par le
ministère sur les jours interdits avait en effet mis en avant la forte disparité
des attentes des diffuseurs à l'égard d'une évolution du régime ainsi que les
enjeux liés à l'équilibre global du financement et de l'exposition du cinéma
qui en découlent.
S'agissant du soutien à la production audiovisuelle, la réforme des
décrets « production » qui interviendra , suite au rapport de Monsieur Vallet,
en 2014, ainsi que les réformes conduites par le CNC, notamment celle du
documentaire que j'ai annoncée en janvier dernier, me semblent de nature à
répondre aux enjeux mis en lumière par la Cour, qu'il s'agisse d'un meilleur
équilibre entre les producteurs et les diffuseurs, d'une plus grande
structuration du secteur de la production ou d'une plus grande transparence.
Il faut, me semble-t-il, souligner que les résultats de cette politique
sont depuis 2012 en nette amélioration, qu'il s'agisse des succès d'audience,
des succès critiques (en témoigne notamment le récent palmarès du Festival
international des programmes audiovisuels à Biarritz, qui a consacré des
oeuvres françaises en fiction comme en documentaire) ou de l'exportation. Le
renforcement des aides à l'écriture et au développement de programmes, que
j'ai annoncé en janvier 2014, doit conforter ce renouveau et contribuer à le
pérenniser.
En revanche, je ne suis pas favorable à la prise en compte d'un critère
d'audience dans le calcul du soutien automatique à la production
audiovisuelle : je note que la Cour elle-même rappelle les effets pervers
qu'engendrerait une telle démarche, qui ont été soulignés par le CNC et le
conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA). Cependant, la prise en compte de
l'exportation, également suggérée, est une piste intéressante et déjà mise en
oeuvre dans le cadre de la réforme du soutien au documentaire. Je souhaite
par ailleurs que, de façon générale, la qualité des programmes soient
davantage valorisée, au lieu d'une focalisation exclusive sur la mesure
quantitative de l'audience, et c'est la raison pour laquelle j'ai demandé à
l'Institut national de l'audiovisuel de travailler à un instrument de mesure de
cette nature.
S'agissant des commandes de programmes de l'audiovisuel public, la
Cour prend acte des engagements pris par France Télévisions dans son
avenant 2013-2015 au contrat d'objectifs et de moyens (COM) 2011 -2015 en
matière de déontologie et de transparence dans les relations avec les
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RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS
241
producteurs. Elle fait néanmoins observer que le groupe public doit veiller à
la formalisation rigoureuse des procédures d'achats de programmes de stock.
Je partage pleinement cette préoccupation et je suis très attachée à ce
que France Télévisions, en cohérence avec les objectifs de son avenant au
COM, mette en oeuvre des mécanismes visant à éviter les conflits d'intérêt et
à favoriser une mise en concurrence transparente des producteurs de
programmes. En conséquence, un groupe de travail composé de France
Télévisions, de la direction générale des médias et des industries culturelles
(DGMIC) et du CNC sera prochainement réuni pour proposer des mesures
précises.
S'agissant des obligations d'investissement des sociétés audiovisuelles
publiques, je précise que l'article 9 du cahier des charges de France
Télévisions dispose qu'elles sont déterminées en proportion du chiffre
d'affaires annuel net de référence de l'exercice précédent. L'article 53 de la
loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication
prévoit par ailleurs que, dans le COM, ces obligations d'investissement
soient exprimées en valeur absolue. Ces montants en valeur absolue sont
donc déterminés en fonction de la trajectoire de ressources que l'État et
l'entreprise conviennent d'inscrire dans le plan d'affaires du COM.
La Cour souligne enfin la nécessité de davantage structurer une offre
française délinéarisée qui soit capable de rivaliser avec les grands
opérateurs étrangers, notamment américains. Cette ambition est aussi la
mienne. Les prélèvements successifs opérés sur le fonds de roulement du
CNC ont affecté les financements prévus pour accompagner la transition
numérique des industries de l'image, notamment la numérisation des oeuvres
du patrimoine, alors même qu'i] s'agit d'un enjeu déterminant pour la mise
en ligne d'offres compétitives et attractives.
La mise en place d'un soutien automatique à la vidéo à la demande, à
l'instar de ce qui existe pour la vidéo physique, dont je note que la Cour
estime qu'il « répond au besoin de structuration du secteur », est
malheureusement depuis plusieurs années à l'examen de la Commission
européenne, alors qu'il s'agit là encore d'un dispositif nécessaire et urgent
pour renforcer les industries européennes de la diffusion, au bénéfice non
seulement de la croissance et de l'emploi en Europe, mais aussi de la
diversité culturelle et des publics européens, qui auront ainsi davantage de
choix au sein d'une offre variée, plutôt que dominée par quelques acteurs
extra-communautaires.
Si l'évolution du cadre de régulation français est en effet nécessaire, il
faut souligner, peut-être davantage que ne le fait la Cour, l'importance d 'une
évolution
concomitante des
règles
communautaires, pour
réaffirmer
l'appartenance pleine et entière des services culturels numériques au champ
de l'exception culturelle.
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242
COUR DES COMPTES
C'est tout le sens du combat mené par la France, sous l'impulsion du
Président de la République et du Premier ministre, avec le soutien des
professionnels du cinéma et de l'audiovisuel et celui des CNC européens, lors
de l'adoption du mandat de négociation de la Commission européenne pour
le traité de libre-échange transatlantique.
La question de l'application de la règle du pays de consommation en
matière de régulation des services de télévision et de services de médias à la
demande, et la question de la concurrence fiscale, doivent également être
abordées, pour éviter les distorsions de concurrence qui affaiblissent avant
tout les opérateurs européens, au détriment de la création et de la culture
française et européenne .
La modernisation que la Cour appelle avec justesse de ses voeux passe
nécessairement par ces évolutions.
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243
RÉPONSE DE LA PRÉSIDENTE DU CENTRE NATIONAL DU
CINÉMA ET DE L’IMAGE ANIMÉE
Je vous prie de bien vouloir trouver ci-joint les observations qu’il
appelle de ma part, et dont je note qu’elles seront publiées par la Cour des
comptes en même temps que le rapport thématique.
La Cour souligne les « résultats indéniables obtenus par la politique
de soutien à l’image », tout en appelant à la définition d’un « nouveau
consensus » pour adapter cette politique à la nouvelle économie numérique.
Je partage ce constat général, de même que la plupart des recommandations
formulées par la Cour, qui viennent conforter les évolutions en cours depuis
plusieurs mois.
La politique de soutien à l’image animée est en effet une politique
efficace, étroitement corrélée aux besoins des secteurs du cinéma, de
l’audiovisuel et du multimédia.
La Cour souligne les « résultats remarquables » de la politique de
soutien à la production, en indiquant que « la France apparaît, sans
conteste, comme le pays européen qui résiste le mieux à la concurrence du
cinéma américain », le cinéma et l’audiovisuel constituant « un vecteur
essentiel de [l’] influence internationale » de la France. De nombreux
indicateurs viennent étayer ce constat, qu’il s’agisse du niveau de
fréquentation des salles (proche de 200 millions d’entrées en moyenne, soit
un écart de l’ordre de 30 % avec par exemple l’Allemagne), du volume de
production (de l’ordre de 200 films d’initiative française - et non 279 comme
l’indique la Cour, donnée qui intègre les coproductions minoritaires) ou
encore de la reconnaissance internationale.
La diversité et la richesse de la production nationale permettent de
sécuriser, en termes d’entrées, une part de marché sensiblement plus élevée
que dans les autres pays comparables : sur 2006-2012, la part de marché
moyenne des films nationaux s’élève à 40 % en France, contre 28,8 % en
Italie et 22,2 % en Allemagne. Il faut également souligner qu’alors que le
nombre de films qui sortent en France dans les salles de cinéma est très
proche de la moyenne constatée dans les autres grands marchés
européens - soit de l’ordre de 600 films par an - la France est le seul pays où
une part significative de ces sorties (un tiers environ) reste assurée par la
production nationale.
Outil majeur du rayonnement de la France, la production cinéma et
audiovisuelle constitue également
un secteur fort et dynamique de
l’économie française, la filière aidée par le CNC contribuant à près de 1 %
du PIB - soit l’équivalent de l’industrie automobile - et à plus de 340 000
emplois.
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244
COUR DES COMPTES
Ces résultats sont le fruit d’un financement public original,
étroitement corrélé aux besoins du secteur
: des taxes spécifiques sont
prélevées sur le secteur du cinéma et de l’audiovisuel lui-même, affectées au
CNC et ainsi mutualisées pour être réinvesties dans la création française et
européenne, via notamment des soutiens automatiques.
Je ne partage donc pas l’avis de la Cour quand elle estime que les
aides du CNC « ne sont pas maîtrisées » : ces aides sont en effet directement
liées à l’économie du secteur, et ont donc varié avec celle-ci, en parfaite
transparence.
C’est le principe même du financement du fonds de soutien depuis sa
mise en place en 1948. Ce principe repose sur un constat simple : lorsque le
secteur de la diffusion de contenus croît, le besoin en programmes croît
également. L’essence de la politique publique de soutien au cinéma et à
l’audiovisuel est d’assurer que ce besoin est couvert dans des proportions
significatives par des oeuvres originales françaises et européennes, afin de
soutenir le tissu industriel français de production et de distribution d’oeuvres,
et de favoriser la diversité culturelle en incitant les diffuseurs à proposer au
public des contenus de qualité.
Dans un secteur économique très tôt ouvert à la concurrence
internationale (dès les accords Blum-Byrnes de 1946), un décrochage
significatif de l’évolution des soutiens publics par rapport à l’évolution
économique des secteurs de l’image animée ne permettrait pas aux oeuvres
originales françaises et européennes de rester compétitives par rapport aux
contenus américains, lesquels sont déjà testés et amortis sur leur marché
intérieur - et offrent donc un plan de diffusion moins risqué.
C’est donc l’un des fondements même de la politique de soutien au
cinéma et à l’audiovisuel que de reposer sur un financement par des taxes
prélevées sur les diffuseurs de cinéma et d’audiovisuel, et non sur le budget
général de l’État - précisément pour ne pas suivre la trajectoire de ce dernier
mais celle des secteurs de la diffusion.
Le dynamisme de la politique de soutien constaté au cours de la
dernière décennie reflète donc les mutations sans précédent qu’a connues le
secteur de l’image animée sur cette période, la révolution numérique ayant
démultiplié les écrans et les canaux de diffusion.
Je rappelle en effet que la période analysée par la Cour a vu la
multiplication par cinq du nombre de chaînes hertziennes, le déploiement de
l’internet haut débit et le succès croissant d’écrans connectés (tablettes,
smartphones, ordinateurs, téléviseurs connectés).
Ces évolutions ont entraîné un développement sans précédent de la
diffusion de programmes, en direct, en télévision de rattrapage, en vidéo à la
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245
demande, directement sur des écrans connectés ou via des applications. Et
dans le même temps, le lieu « historique » de visionnage des oeuvres, la salle
de cinéma, a connu des records de fréquentation.
L’évolution des aides publiques à la production française et
européenne reflète cette révolution technologique. Elle a par ailleurs eu lieu
en parfaite transparence : à titre d’exemple, le document stratégique de
performance du CNC rend ainsi annuellement compte au Parlement des
orientations et des résultats de la politique de soutien. L’ensemble des
données d’exécution des recettes et des dépenses est également soumis aux
ministères représentés au conseil d’administration de l’établissement.
Ce mode de financement spécifique de la politique de soutien au
cinéma et à l’audiovisuel, qui ne fait pas appel au budget général de l’État,
n’est donc pas compatible avec la détermination ex ante et pluriannuelle
d’un plafond de dépenses, d’autant qu’il s’agit de marchés en mutation très
rapide. Cette pratique ne serait pas cohérente avec les mécanismes de
soutiens automatiques du CNC et leur équilibre avec les aides sélectives. Elle
se traduirait très rapidement par un décrochage de la production française
par rapport aux besoins du marché.
Pour autant, il est possible de faire une estimation à un instant donné
des besoins de dépenses publiques dans le secteur, et d’ajuster en
conséquence le barème des taxes affectées – c’est bien ce qu’a fait la mission
IGF-IGAC en mai 2011, qui a estimé le besoin de financement à 720 M€ en
2015. Je prends par ailleurs note du fait que, selon la Cour, la logique
d’écrêtement des taxes n’est pas une modalité satisfaisante de régulation
budgétaire pour le CNC.
La politique de soutien repose également sur d’autres mécanismes
financés par l’État, en particulier les SOFICA, dont la Cour souligne à juste
titre le caractère « crucial » pour le financement de la production.
L’efficacité des SOFICA, maintes fois reconnue (y compris dans un
rapport de l’IGF et de l’IGAC en 2011), est désormais fortement amoindrie
par les rabots successifs de l’avantage fiscal associé : ces derniers ont
affecté les SOFICA davantage que d’autres dispositifs compte tenu du niveau
de risque des investissements, beaucoup plus fort que dans d’autres secteurs
bénéficiant d’avantages fiscaux. L’attractivité du dispositif est donc
aujourd’hui fragile, comme en atteste la sous-collecte constatée en 2013,
pour la deuxième année consécutive. Je note à cet égard avec beaucoup
d’intérêt la proposition de la Cour d’encourager les SOFICA à contribuer à
la structuration de l’offre légale en vidéo à la demande en prenant des
couloirs de recettes sur ce secteur innovant et risqué de l’exploitation des
oeuvres, pour autant que le régime fiscal en tienne compte.
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COUR DES COMPTES
Les crédits d’impôt jouent également un rôle déterminant pour
l’attractivité du territoire et la localisation en France de l’activité de
production. Je prends note des remarques de la Cour, qui salue la pertinence
et l’efficacité du crédit d’impôt international, mais s’interroge sur l’impact
des crédits d’impôt nationaux sur la localisation des tournages. Sur ce point,
j’observe que la Cour relève elle-même que la part des dépenses de
production délocalisées à l’étranger a « globalement baissé entre 2004 et
2009 » - soit au moment de la mise en place de ces dispositifs - pour
augmenter à nouveau à compter de 2009-2010, avec la création ou le
renforcement de mécanismes très compétitifs pour attirer des investissements
dans d’autres pays.
C’est précisément pour répondre à cette situation que la France a
modernisé les crédits d’impôt dans le cadre du pacte national pour la
croissance, la compétitivité et l’emploi. Je partage l’avis de la Cour sur
l’importance d’une régulation au niveau communautaire de la concurrence
fiscale à laquelle se livrent notamment les États membres de l’Union
européenne pour attirer les tournages ; c’est d’ailleurs ce qu’avaient
proposé les autorités françaises à la Commission européenne. Mais en
l’absence
d’encadrement,
il
n’est
pas
souhaitable de
dégrader
la
compétitivité de la filière française, au détriment de la croissance et de
l’emploi.
Je partage par conséquent entièrement l’avis de la Cour sur la
nécessité de procéder très régulièrement à des études d’impact et à des
comparaisons internationales, pour vérifier la compétitivité et l’efficacité des
dispositifs français, d’autant que les autres États membres consolident pour
leur part leurs dispositifs (extension du crédit d’impôt britannique en 2013,
renouvellement sans plafonnement du crédit d’impôt hongrois jusqu’en
2019).
Je souhaite à cet égard souligner que les modifications des crédits
d’impôt adoptées en 2012 et 2013 répondaient à des études précises : une
étude Mazars/Hamac de fin 2011 montrait ainsi que l’assiette des dépenses
éligibles française était la plus petite d’Europe, de sorte que, pour le cinéma,
le crédit d’impôt correspondait à environ 8 % du budget de production
contre 13 % en Allemagne. L’étude du cabinet Greenwich en 2010 avait
quant à elle quantifié les retombées économiques des crédits d’impôt : ainsi,
1 € de crédit d’impôt cinéma crée 11,3 € d’investissement dans la filière et
engendre près de 4 € de recettes fiscales et sociales pour les pouvoirs
publics.
Par ailleurs, des réformes sont d’ores et déjà en cours pour assurer
la mutation de cette politique à l’ère numérique, dans le sens des
préconisations de la Cour des comptes.
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247
La réforme des outils de financement et de régulation est ainsi bien
avancée.
En matière fiscale, de nombreuses réformes ont d’ores et déjà été
conduites pour s’adapter à cette nouvelle donne numérique. Il en est ainsi de
la réforme, désormais autorisée par la Commission européenne, de la TST
distributeurs, qui tient compte de la croissance de l’internet comme mode
d’accès direct aux oeuvres, tout en reconnaissant la mixité des usages. À cet
égard, il peut sembler paradoxal que la Cour estime que le lien entre
l’internet et le cinéma et l’audiovisuel est « de plus en plus distendu » tout en
invitant le CNC à s’adapter aux évolutions liées à la place de l’internet dans
la diffusion des oeuvres.
Il en est de même de la modernisation de la TST éditeurs (pour tenir
compte des recettes de télévision de rattrapage), et de celle de la taxe vidéo
et VàD (pour y inclure les opérateurs installés à l’étranger au titre de leur
activité en France). Cette dernière réforme, qui doit encore être autorisée
par la Commission européenne, est tout particulièrement importante : elle
permettra en effet de rétablir l’équité fiscale entre l’ensemble des opérateurs
opérant sur une même activité. Il s’agit d’un sujet majeur que relève la Cour,
et les propositions de celle-ci pour continuer d’adapter le système fiscal, en
particulier s’agissant des recettes de publicité des plateformes vidéo, seront
également des pistes éclairantes pour l’avenir.
Quant au régime des obligations, la réforme engagée par le
législateur et qui sera poursuivie par le pouvoir réglementaire permettra de
moderniser un régime qui reste fondamental pour le financement de la
production.
En outre, les préconisations de la Cour des comptes pour adapter les
dispositifs de soutien confortent les réformes d’ores et déjà engagées par le
CNC.
La politique de soutien reste articulée autour de grands objectifs :
encourager la diversité de la création française et européenne, favoriser sa
diffusion en France et dans le reste du monde, soutenir l’innovation et le
renouvellement des talents, contribuer à la structuration d’un secteur
industriel vivant et dynamique, favoriser le développement culturel et
économique sur l’ensemble du territoire.
Ces objectifs restent valides à l’ère numérique, mais les modalités
d’intervention doivent en effet s’adapter à un univers dans lequel de
nouveaux usages, de nouvelles oeuvres, de nouveaux acteurs sont apparus,
parfois au prix de transferts de valeur importants.
La Cour souligne que le CNC a su très tôt développer des dispositifs
de soutien spécifiques permettant d’accompagner la création française
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numérique : on peut citer le plan de numérisation des salles et des oeuvres, le
plan de soutien exceptionnel à la production audiovisuelle numérique, l’aide
aux nouvelles technologies en production, le RIAM, le web-cosip, le
DICREAM (aide à la création artistique multimédia), l’aide aux nouveaux
médias, ou le soutien à la vidéo à la demande, dont le volet automatique doit
encore être autorisé par la Commission européenne.
Encore faut-il souligner que la capacité d’intervention du CNC a été
affectée par les prélèvements opérés sur son fonds de roulement, notamment
le prélèvement de 150 M€ qui a ponctionné la réserve constituée pour
financer le plan d’investissement dans le numérique, alors même que les
autres plans d’investissements publics, notamment ceux du FSN, ne
parvenaient pas à accompagner les investissements de la filière cinéma et
audiovisuel pour les raisons que rappelle la Cour. Ce plan de numérisation
des oeuvres reste pourtant un enjeu déterminant non seulement pour la
diffusion de ces oeuvres et la valorisation du patrimoine culturel européen,
mais aussi pour la structuration des opérateurs français et européens, qui
doivent pouvoir compter sur l’exploitation de catalogues numérisés
attractifs.
Au-delà, le CNC a engagé un mouvement de réforme structurelle de la
politique de soutien.
Sur la politique de soutien au cinéma, je prends note des remarques
de la Cour, mais il me semble que son appréciation du préfinancement doit
être quelque peu nuancée. Celui-ci permet en effet, en s’appuyant sur le
marché, de le corriger en redistribuant le risque entre différents partenaires ;
il constitue ainsi un levier essentiel de la diversité des oeuvres produites.
L’inflation des coûts de production, d’ailleurs relative, n’est pas propre au
système français et ne peut donc être imputée à ce mode de financement.
Pour autant, les préconisations de la Cour rejoignent largement celles
de René Bonnell dans le rapport que lui a demandé le CNC en 2013. Ce
rapport fait des propositions majeures, notamment sur la transparence et la
lutte contre l’inflation des coûts, en incluant pour sa part également des
propositions relatives aux obligations des chaînes de télévision. Dans la suite
de ce rapport, le CNC a engagé avec les professionnels un travail sur trois
problématiques
principales
qui
correspondent
à
certaines
des
préoccupations de la Cour : le financement de la production ; les moyens
d’une transparence économique accrue et d’un partage des risques redéfini ;
la diffusion et la distribution des films.
La détermination des pouvoirs publics en la matière est totale et
répond à l’importance des enjeux de fond pour la modernisation du système
de soutien.
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Sur la politique de soutien à la production audiovisuelle, il convient
de noter que si la fiction française a pu connaître des difficultés, la qualité de
la création audiovisuelle française, dans un périmètre plus large, est
désormais reconnue tant en France qu’à l’étranger.
A titre d’illustration, quatre des cinq meilleures audiences de
documentaires et de programmes d’animation ont été réalisées en 2013 par
des oeuvres françaises. Si le CNC s’inquiète comme la Cour de la
surreprésentation de la fiction américaine dans les grilles de diffusion des
chaînes et le palmarès des meilleures audiences du genre, je note cependant
la place significative tenue par les formats courts et de 26 minutes sur les
chaînes historiques privées et les unitaires sur les chaînes publiques.
Outre ces performances quantitatives, les nombreux prix ou sélections
obtenus par des oeuvres françaises témoignent de la reconnaissance de leur
qualité. A titre d’exemple, deux séries de fiction françaises (Braquo et Les
Revenants) ont remporté respectivement en 2012 et 2013 un International
Emmy Awards et deux séries d'animation étaient en lice pour un Emmy Kids
Awards en 2014.
Je souhaite également souligner que la bonne santé du secteur de
l’animation, saluée à juste titre par la Cour dans la partie consacrée à
l’exportation des programmes, s'est construite dans un cadre de régulation
identique à celui de la fiction. Il semble donc difficile d’imputer au seul
système de financement de la création les difficultés rencontrées par ce
dernier genre.
Pour autant, le CNC a engagé des réformes qui répondent en large
partie aux préconisations formulées par la Cour.
Il en est ainsi du renforcement du soutien à l’écriture et au
développement, sur lequel la Ministre de la culture et de la communication a
fixé des orientations précises en janvier 2014, ou de la réforme du
documentaire, qui intègre certaines des recommandations de la Cour sur la
prise en compte de l’exportation, l’accès au soutien automatique, ou la
notion même de documentaire. Un travail est également engagé sur
l’amélioration de la transparence, sujet sur lequel je partage entièrement les
préconisations de la Cour s’agissant de la normalisation d’un devis type en
audiovisuel, et sur les aides à l’exportation, pour mieux structurer les
soutiens à l’exportation et en simplifier l’architecture. Je note à cet égard
l’appréciation positive de la Cour sur le fonds d’avances remboursables créé
par le CNC en 2013 et géré par l’Ifcic.
S’agissant de la prise en compte directe du succès des programmes
dans le calcul du soutien audiovisuel, je note que la Cour relève les
difficultés techniques et de principe que cela soulèverait, notamment en ce
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COUR DES COMPTES
qui concerne l’introduction d’un critère d’audience ou de nombre de
diffusion.
Enfin, et de façon plus générale, je souscris pleinement à la
recommandation de la Cour d’éviter que l’adaptation des dispositifs de
soutien ne se traduise par une stratification de mécanismes. Je m’attacherai
à procéder régulièrement à une évaluation des dispositifs de soutien, pour
favoriser leur meilleur ciblage et s’assurer de leur efficacité.
Toutefois, l’adaptation de la politique de soutien à la mondialisation
et à la numérisation se heurte à un cadre communautaire contraint.
Je souhaite tout d’abord préciser que la politique de soutien au
cinéma et à l’audiovisuel n’a pas « été conçu(e) pour être alimenté(e) par
une
économie
territorialement
circonscrite »
qui
s’inscrirait
mal,
aujourd’hui, « dans un cadre économique déterritorialisé » : cette politique
a, bien au contraire, été mise en place dès la Libération précisément pour
répondre à l’ouverture du marché français aux films américains. La Cour
relève d’ailleurs à plusieurs reprises le degré d’ouverture des secteurs
cinéma et audiovisuel à la mondialisation, qu’il s’agisse des échanges
commerciaux comme du nombre de coproductions.
Aujourd’hui, la détermination et le volontarisme de l’ensemble des
acteurs français, y compris les autorités publiques, dont la Cour souligne la
nécessité, s’inscrit néanmoins dans un cadre communautaire contraint.
Ainsi, le droit communautaire des aides d’Etat peine à reconnaître
que les services audiovisuels numériques doivent s’inscrire, au nom de la
neutralité technologique, dans le même cadre juridique particulier que les
services audiovisuels du monde linéaire : les raisons politiques et
économiques qui justifient l’exception dont bénéficient les services
audiovisuels (insuffisance des seuls mécanismes de marché pour assurer,
dans un environnement ouvert, la production et la diffusion en quantité et
qualité suffisantes d’oeuvres européennes) sont pourtant plus valides encore
dans l’univers numérique, où les grands opérateurs américains ont pris des
positions très fortes, y compris en optimisant les règles fiscales.
Le soutien automatique à la vidéo à la demande, dont la Cour
souligne la pertinence par rapport aux besoins de structuration du secteur,
est ainsi toujours à l’examen de la Commission européenne.
C’est tout l’enjeu du combat qui a mobilisé l’ensemble des
professionnels européens et les pouvoirs publics, notamment français, lors de
l’adoption du mandat de négociation de la Commission européenne pour le
traité de libre-échange transatlantique : le champ de l’exception culturelle
doit inclure les services audiovisuels y compris numériques, qui sont l’avenir
- en réalité, déjà largement le présent - du secteur de l’image animée.
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De même, la vitalité et la diversité de la production européenne
d’image animée est indissociable d’une meilleure structuration industrielle
des filières de la production et de la diffusion, comme le souligne la Cour.
Cela implique notamment de pouvoir territorialiser les aides, afin de
consolider durablement la localisation sur un même territoire d’entreprises
dynamiques
et
complémentaires
(« clusters »),
capables
de
stimuler
l’innovation, l’investissement et d’attirer les nouveaux talents.
De façon plus générale, la mobilisation à laquelle la Cour appelle, et
à laquelle je souscris entièrement, implique une plus grande reconnaissance
de la règle du pays de consommation, alors que le droit communautaire de
l’audiovisuel reste largement fondé sur l’application de la règle du pays
d’origine. Cette dernière engendre des distorsions de concurrence entre
opérateurs exerçant sur un même marché, la même règle ne s’appliquant pas
à tous (y compris la règle fiscale), et privilégie de fait les opérateurs extra-
européens du numérique, très mobiles.
La transition numérique offre de nouvelles opportunités, et toute la
filière de l’image animée est mobilisée, sous l’impulsion de la Ministre et
avec l’appui du CNC, pour s’en emparer. L’adaptation du cadre
communautaire est dans cette perspective essentielle. C’est aujourd’hui un
enjeu majeur pour la diversité culturelle et pour l’économie européenne.
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COUR DES COMPTES
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL SUPÉRIEUR
DE L’AUDIOVISUEL (CSA)
Le Conseil supérieur de l’audiovisuel partage globalement les
constats de la Cour des comptes concernant la politique de soutien à la
production cinématographique et audiovisuelle, qui est au coeur de ses
préoccupations.
Le Conseil ne se prononce dans le présent document que sur les
constats et recommandations relatifs au financement et à l’exposition des
oeuvres
cinématographiques
et
audiovisuelles
par
les
services
de
communication audiovisuelle linéaires et non linéaires ; il ne s’exprime pas
sur les constats et recommandations relatifs aux diverses modalités de
soutien financier apporté par l’État de manière directe ou indirecte. En
conséquence, sur les vingt et une recommandations formulées par la Cour
des compte dans son rapport, les recommandations n° 11, 12, 13, 20 et 21
ont particulièrement attiré l’attention du Conseil.
I. Questions relatives au soutien à la production cinématographique
Le Conseil considère, à l’instar de la Cour, qu’il est nécessaire de
renforcer l’incitation des chaînes de télévision, notamment en clair, à
maintenir
un
niveau
élevé
d’investissement
dans
la
production
cinématographique. Pour ce faire, le Conseil estime utile de leur donner plus
de
liberté
et
de
souplesse
dans
la
programmation
des
oeuvres
cinématographiques.
Assouplir les règles de diffusion des oeuvres cinématographiques
Comme la Cour des comptes dans sa recommandation n° 11, le
Conseil estime que les règles actuelles qui restreignent la diffusion, certains
jours, d’oeuvres cinématographiques, doivent être assouplies pour les adapter
aux nouveaux usages et habitudes de consommation de programmes,
notamment en mode délinéarisé, et aux conditions nouvelles de concurrence
qui en découlent. Cet assouplissement donnerait aux responsables des
chaînes une plus grande latitude dans leur programmation de films, en
évitant, comme actuellement, la programmation le même soir, au même
horaire, du même type de films sur les chaînes en clair, qui a pour seul effet,
in fine, d’exacerber la concurrence au détriment des résultats d’audience des
films programmés, et donc de leurs performances économiques.
Le Conseil estime que des assouplissements qui ne toucheraient pas le
samedi soir ne fragiliseraient pas l’exploitation en salles.
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253
Une concertation interprofessionnelle préalable devrait précéder une
modification, à l’initiative du ministre de la culture et de la communication,
du décret n° 90-66 du 17 janvier 1990 relatif à la diffusion des oeuvres
cinématographiques et audiovisuelles à la télévision.
En revanche, le Conseil estime, à l’instar de la Cour, que ne devrait
pas être modifié le nombre de diffusions actuellement autorisées (quantum)
afin que soit préservé caractère événementiel de la diffusion du cinéma sur
les chaînes.
Le Conseil considère qu’une modernisation des règles de diffusion des
oeuvres cinématographiques doit être complétée par les trois mesures
suivantes, qui sont également de nature à assurer une meilleure exposition
des oeuvres cinématographiques préfinancées par les chaînes en clair, et à
rationaliser les investissements de celles-ci.
Permettre la diffusion de films plus récents sur les chaînes en clair
lorsqu’elles sont seuls préfinanceurs
Afin de rendre plus attrayante la programmation cinématographique
des chaînes en clair en leur permettant de diffuser des films plus récents que
ceux qu'elles diffusent actuellement, le Conseil propose que toutes les chaînes
hertziennes en clair soient autorisées à diffuser certains films européens ou
d’expression originale française douze mois après leur sortie en salles au
lieu des 22 mois autorisés actuellement, à la double condition que ces films
aient été préfinancés par la chaîne et qu’ils n’aient pas été préfinancés par
une chaîne de cinéma.
Cette proposition a également comme effet positif de pouvoir mieux
exposer et rentabiliser les films qui n’ont pas bénéficié de financement des
services de cinéma (44 % des films produits en France en 2012
247
).
Cette proposition obéit au principe de fenêtre glissante préconisé par
les rapports de MM. Pierre Lescure et René Bonnell. Cependant le Conseil
envisage l’ouverture de cette fenêtre douze mois après la sortie en salles
(contre dix mois pour le rapport Lescure) afin de permettre aux services
payants de cinéma, qui investissent fortement dans le préfinancement, de
bénéficier de manière générale de la fenêtre de dix mois après la sortie en
salles. Ceci leur laisse un avantage concurrentiel de deux mois sur toutes les
autres chaînes et garantit une chronologie des médias qui reste lisible et
proportionnée aux apports de chacune des catégories de chaînes au
financement de la création.
247
Source : CNC, bilan 2012, mai 2013.
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COUR DES COMPTES
Expérimenter la mise à disposition d’oeuvres cinématographiques
sur les services de télévision de rattrapage
Actuellement, aucune chaîne en clair
248
ne propose d’oeuvres
cinématographiques sur son service de télévision de rattrapage (TVR), faute
d’accords professionnels. Or, la consommation de programmes en différé sur
les services de TVR des chaînes de télévision a fortement augmenté au cours
des dernières années, signe de l’appétence du public pour ce nouveau mode
d’accès aux programmes. Par ailleurs, les études menées sur les pratiques de
consommation des utilisateurs de services de télévision de rattrapage
montrent que ces services permettent globalement de fidéliser le public des
chaînes qui les proposent.
L’enrichissement des services de télévision de rattrapage avec des
oeuvres cinématographiques permettrait sans doute de lutter contre la
piraterie et d’oeuvrer à l’élargissement de l’offre légale, tout en améliorant,
pour le téléspectateur, les conditions d’offre des films à la télévision, mais
risquerait de concurrencer la VAD payante dont le développement constitue
une priorité pour le Conseil.
Il conviendrait donc certainement d’encadrer cette possibilité
nouvelle. Il pourrait par exemple être envisagé de subordonner cette faculté
à des conditions de financement de la production et de limiter la durée de
mise à disposition. Il convient en outre de garantir la rémunération des
ayants-droit au titre de cette exploitation nouvelle. Le Conseil jugerait utile
que des négociations professionnelles se développent sur cette question. En
tout état de cause, une période d’expérimentation préalable pourrait
présenter un intérêt dans un premier temps.
Permettre la mise en commun des obligations de contribution à la
production cinématographique
Le Conseil note que la Cour envisage que les obligations de
contribution au développement de la production cinématographique puissent
être calculées au niveau des groupes audiovisuels, comme cela peut être fait
en matière de contribution au développement de la production audiovisuelle,
et non à l’échelle de chaque chaîne.
Il est favorable à une telle mesure qui donnerait aux groupes
audiovisuels plus de liberté et de souplesse dans la gestion de leurs
investissements dans les oeuvres cinématographiques. Elle devrait être
assortie de dispositifs favorisant l’accès aux droits de diffusion d’oeuvres
cinématographiques pour les chaînes ou groupes de petite taille.
248
À l’exception d’Arte qui en propose ponctuellement.
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255
II. Questions relatives au soutien à la production audiovisuelle
Le Conseil tient à saluer en préambule le dynamisme de la création
audiovisuelle, qui a fait la preuve de sa diversité et de sa capacité à
renouveler ses formats et ses thèmes. Les quelque 5 000 heures de fiction, de
documentaire ou d’animation produites en 2012 témoignent de cette capacité
des producteurs à répondre aux besoins des antennes des services de
télévision.
Le Conseil partage néanmoins le constat dressé par la Cour que la
réglementation n’a pas permis une structuration économique suffisante du
secteur de la production audiovisuelle.
Comme il l’a déjà relevé dans sa « Contribution à l’adaptation de la
régulation audiovisuelle » publiée en janvier 2013, le Conseil considère lui
aussi que certains aspects de la réglementation ne facilitent pas
l’organisation et l’amélioration des performances de la filière de la
production, qui est morcelée avec peu d’entreprises de taille significative et
une faible présence des entreprises françaises dans le palmarès des quarante
premières sociétés de production européennes sur la période 2006-2010.
La complexité de la réglementation
Le Conseil, tout en affirmant son attachement à la concertation
interprofessionnelle entre éditeurs de services, auteurs et producteurs, fait,
comme la Cour, le constat de la complexité de la réglementation de 2010
résultant de la volonté de toutes les parties en présence à l’époque de
retranscrire dans les décrets le détail des accords professionnels, qui ont
marqué une importante avancée dans leurs relations.
La traduction réglementaire de particularités négociées au sein de
chaque accord a ainsi significativement complexifié l’ensemble du dispositif,
alors que ces spécificités auraient pu utilement être retranscrites dans les
conventions qui lient les éditeurs de services au Conseil. Elle a également
cristallisé des situations existantes au moment de la signature des accords
professionnels, limitant la capacité d’adaptation des acteurs en présence à
l’évolution de leur environnement.
Dans la suite de ce qu’il avait suggéré dans son rapport « Deux
années d’application de la réglementation de 2010 relative à la contribution
des éditeurs de services de télévision au développement de la production
audiovisuelle » (janvier 2013), ainsi que des préconisations du rapport de
M. Laurent Vallet « Adapter les obligations de financement de la production
audiovisuelle pour garantir leur avenir »( décembre 2013), le Conseil
approuve l’idée de la Cour que la prochaine révision de la réglementation
soit l’occasion de distinguer plus nettement, parmi les obligations des
éditeurs, ce qui relève respectivement de la loi (le principe des obligations),
du décret en Conseil d’État (leur niveau), de la convention passée avec le
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256
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CSA (la déclinaison de ces obligations pour chaque chaîne) et de l’accord
entre professionnels.
Le recours aux conventions a l’avantage de constituer un cadre plus
souple et plus adaptable que des obligations fixées précisément au sein du
décret par transposition d’accords professionnels préalables.
Le
Conseil
appelle
de
ses
voeux
une
simplification
de
la
réglementation, sans remettre en cause le principe d’un cadre réglementaire
établi par type d’acteurs. Il paraît important de maintenir dans les décrets
l’encadrement général des obligations, notamment quelques taux minimaux.
Il devrait être possible, à très brève échéance, d’introduire des modifications
dans les décrets pour assouplir les points sur lesquels le bilan de la
réglementation actuelle appelle une évolution, sans que soit exclue une
évolution de la loi.
L’allègement des obligations des éditeurs de services non hertziens
Compte tenu de l’évolution des modes de consommation des contenus
audiovisuels et des bouleversements économiques liés à l’arrivée de la
télévision connectée, le Conseil considère que la réglementation applicable
aux éditeurs de services linéaires non hertziens devrait être rapidement
révisée, afin qu’ils soient mis en situation d’adapter leur fragile économie à
la montée en puissance des services de médias audiovisuels à la demande et
à la télévision connectée.
Comme le rappelle la Cour, les obligations d’investissement et les
quotas de diffusion s’imposant aux chaînes de télévision ont été initialement
conçues comme des contreparties de l’octroi à titre gratuit des licences
d’exploitation des fréquences hertziennes appartenant à l’Etat. Il n’est donc
pas injustifié que s’appliquent aux éditeurs de services non hertziens des
obligations moins strictes, même si le principe du financement de la création
par les diffuseurs, fondement de l’exception culturelle, justifie à lui seul
l’existence d’obligations.
Il apparaît au Conseil que des allègements de certaines des
obligations des services non hertziens pourraient être décidés : baisse du
taux de la contribution, montée en charge de cette obligation en fonction du
chiffre d’affaires de l’éditeur (dispositif existant pour les chaînes
hertziennes), baisse du taux de contribution à la production indépendante,
possibilité d’augmenter le couloir des oeuvres européennes qui ne sont pas
nécessairement d’expression originale française.
Cette évolution serait équilibrée par rapport aux autres types
d’éditeurs (hertziens et services de médias audiovisuels à la demande) et
demeurerait d’assez faible portée en termes de montant investi par les
chaînes considérées.
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257
La Cour envisage également la possibilité de modifier la base de
calcul des obligations financières qui incombent aux diffuseurs (hertziens et
non hertziens) en vertu des décrets, en prenant comme référence le chiffre
d’affaires de l’année en cours plutôt que celui de l’année précédente comme
actuellement. Le Conseil partage cette proposition qui vise à mieux prendre
en compte la conjoncture économique dans laquelle évoluent les chaînes,
comme l’explique M. Laurent Vallet dans son rapport de décembre 2013.
La question du recentrage des obligations sur les oeuvres
audiovisuelles dites « patrimoniales »
La Cour évoque au sein de son rapport l’idée de réduire le régime des
obligations de contribution au développement de la production audiovisuelle
aux seules oeuvres patrimoniales, sous réserve d’une adaptation du niveau de
contribution des éditeurs de services. Il ne paraît ainsi pas nécessaire à la
Cour d’inciter les chaînes de télévision à réaliser des dépenses en faveur des
oeuvres non patrimoniales.
Le Conseil n’est pas hostile à l’idée d’une obligation de production
centrée sur les seules oeuvres dites « patrimoniales » (oeuvres relevant des
genres énumérés à l’article 27 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986
relative à la liberté de communication), qui présenterait l’avantage de
constituer une mesure de simplification de la réglementation.
Il souligne toutefois qu’à ce jour, la possibilité, sous certaines
conditions, de valoriser au sein de l’obligation des dépenses pour des
émissions de plateau (programmes qui ne sont pas reconnus comme des
oeuvres audiovisuelles) permet de garantir le recours à des sociétés de
production de programmes de flux indépendantes. Outre le fait que la
production des émissions de flux participe à l’économie du secteur dans son
ensemble, certaines d’entre elles peuvent également revêtir un intérêt
culturel particulier (émissions musicales réalisées dans les conditions du
direct ou magazines littéraires, scientifiques ou d’information politique
notamment).
Le Conseil rappelle en outre que le financement des oeuvres
audiovisuelles au sens du décret n° 90-66, y compris non patrimoniales,
constitue un facteur de diversité des antennes et de vivacité de l’industrie
audiovisuelle française dans son ensemble qu’il convient de ne pas négliger.
Les critères de qualification du documentaire de création
La Cour recommande de procéder à « un resserrement des critères de
qualification du documentaire susceptible d’être aidé et comptabilisé au titre
des obligations des chaînes ». Ce resserrement, en ce qui concerne les
conditions d’attribution des aides du CNC, présente certainement un intérêt
pour lutter contre tout dévoiement alors que l’objectif de ces aides est
d’enrichir l’offre de programmes en valorisant la production patrimoniale
présentant un intérêt culturel.
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258
COUR DES COMPTES
En revanche, le Conseil rappelle l’importance de la possibilité de
prendre en compte une dépense au titre des obligations d’investissement
déclarées au CSA sans dépendre d’une décision préalable du CNC, sauf à
revoir les objectifs assignés aux législations appliquées par ces deux
institutions, qui à ce jour répondent à des enjeux différents. En outre, lier les
deux qualifications aurait un effet inflationniste sur la quantité d’oeuvres
présentées au CNC.
Le mode de calcul de l’obligation de France Télévisions
Le décret n° 2009-796 du 23 juin 2009, fixant le cahier des charges de
la société nationale de programme France Télévisions, inscrit ses obligations
financières en pourcentage ; cependant, en application de l’article 53 de la
loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, le contrat d’objectifs et de moyens de
France Télévisions fixe en valeur absolue les investissements des chaînes du
service public dans le financement de la création cinématographique et
audiovisuelle française et européenne.
Comme la Cour, le Conseil constate que l’inscription dans le contrat
d’objectifs et de moyens de cet engagement en valeur absolue déconnecte le
niveau des dépenses obligatoires de la situation économique du groupe
public. Il est donc favorable à ce que la contribution des chaînes publiques
au développement de la production cinématographique et audiovisuelle soit
définie, comme pour les chaînes privées, en proportion du chiffre d’affaires
de l’entreprise publique, sans mention d’un volume d’investissement en
valeur absolue.
III. Les questions relatives à la numérisation de la production
Le Conseil partage le constat de la Cour selon lequel « la phase de
transition actuellement en cours emporte la nécessité de procéder à des
révisions de la réglementation et du système de soutiens publics afin
d’adapter la production française aux défis auxquels elle est ainsi
confrontée ».
En l’espèce, le Conseil considère que, tant les règles auxquelles sont
soumis les services de médias audiovisuels à la demande établis en France,
qu’un ensemble de pratiques professionnelles actuelles (comme la suspension
des droits non linéaires pendant la diffusion en linéaire et le nombre encore
relativement limité d’oeuvres cinématographiques disponibles en non
linéaire) sont des freins importants au développement économique des
services de médias audiovisuels à la demande français et européens, mais
aussi au développement de l’offre légale qui concourt à la lutte contre la
piraterie.
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Le Conseil estime donc nécessaire, comme le préconise la Cour, que
soient modifiées certaines règles régissant la chronologie des médias, et que
soient créées des incitations visant à favoriser l’émergence d’éditeurs locaux
de vidéo à la demande ainsi que les investissements dans la numérisation et
la mise en ligne de contenus.
Aménager la chronologie des médias
Concernant la chronologie des médias, le Conseil reste très attaché à
son principe, essentiel à l’équilibre du secteur du cinéma et de la télévision.
Cependant, le Conseil souhaiterait en voir évoluer certaines règles. Il rejoint
la Cour quand celle-ci recense les cinq piliers devant présider à une réforme
progressive de cette chronologie : souplesse du cadre juridique, pratique
d’expérimentations (sous l’égide du CNC), principe de contreparties (droits
de diffusions accordés aux services de vidéo à la demande qui contribuent au
financement de la création), ciblage des mesures sur les films les moins bien
financés ou non financés par les chaînes en clair, anticipation des usages et
adaptation pragmatique de la chronologie justifiant une suppression des
jours interdits de diffusion à la télévision.
Pour les services de vidéo à la demande par abonnement, le Conseil
propose de raccourcir le délai devant séparer la date de sortie en salles de
l’oeuvre et son exploitation en ligne.
Les services de vidéo à la demande par abonnement ne peuvent
aujourd’hui proposer des films qu’à partir du 36ème mois après leur sortie
en salles. Ce délai, particulièrement long, est selon certains, une des
principales raisons de la faible percée de la vidéo à la demande par
abonnement en France.
Ces difficultés de développement des services de vidéo à la demande
par abonnement et la concurrence aux offres françaises que pourraient
exercer certains acteurs américains diffusant sur le territoire européen ont
amené le Conseil à proposer que le délai de mise à disposition des films sur
les services de vidéo à la demande par abonnement soit raccourci à 24 mois
pour tous les films (contre 36 mois actuellement) à l’exception :
- des films européens ou d’expression originale française préfinancés
par un service de vidéo à la demande par abonnement, qui
pourraient être proposés sur ce service 14 mois après leur sortie en
salles ; cette fenêtre apparaît de nature à favoriser les préachats des
services de vidéo à la demande par abonnement ;
- des films ayant fait l’objet d’un préachat ou d’un achat d’un service
linéaire en clair, ou d’un service linéaire de cinéma pour une
seconde fenêtre payante, qui ne pourraient être proposés en vidéo à
la demande par abonnement que 30 mois après leur sortie en salles.
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Le Conseil considère qu’une telle proposition satisfait au principe de
proportionnalité entre les investissements consentis dans la production
d’oeuvres cinématographiques et la fenêtre de diffusion autorisée.
La proposition de ramener à 18 mois le délai applicable aux services
de vidéo à la demande par abonnement, figurant dans le rapport Lescure
comme dans le rapport Bonnell, n’apparaît pas souhaitable au Conseil,
même pour ceux qui prendraient des engagements généraux importants en
termes de contribution à la production. Elle avantagerait en effet ces services
par
rapport
à
deux
catégories
de
chaînes
aujourd’hui
fortement
contributrices au financement du cinéma, les chaînes
de cinéma et les
chaînes en clair ayant acquis une première fenêtre à 22 mois.
Le Conseil préconise la mise en oeuvre des mesures dérogatoires et
expérimentales proposées par la mission Lescure visant à faciliter les sorties
en vidéo à la demande des films à très faible durée d’exploitation en salles.
Prenant acte des positions divergentes exprimées par les différents
acteurs,
le
Conseil
rappelle
également
l’utilité
d’expérimenter
une
autorisation de la mise en ligne des oeuvres cinématographiques sur les
services de vidéo à la demande à l’acte trois mois après leur sortie en salles
contre quatre mois actuellement, délai qui, comme l’indiquait la mission
Lescure, demeure sans doute suffisamment long pour ne pas dissuader le
public de se rendre d’abord en salles de cinéma.
Favoriser le développement des éditeurs français et européens de
vidéo à la demande
Outre ces aménagements souhaitables de la chronologie des médias,
le Conseil estime nécessaire, comme le recommande la Cour, de créer des
incitations en direction des producteurs, des distributeurs et des détenteurs
de catalogue afin de favoriser l’apparition de grands éditeurs locaux de
services de vidéo à la demande, et notamment de vidéo à la demande par
abonnement.
Le Conseil considère également qu’une des conditions de l’émergence
de ces éditeurs est qu’ils aient largement accès aux oeuvres, qu’elles soient
récentes ou de catalogue. La promesse implicite faite au grand public par ces
services, « tous les films disponibles à tout moment », est loin d’être une
réalité
249
. Elle engendre une grande déception de la part du public, qui peut
le conduire à se porter vers des offres non légales.
249
L’ « Observatoire de la chronologie des médias » du CNC a mis en évidence que
seuls 63 % des films distribués en salles en France ont été ensuite exploités sur un
service non linéaire moins de six mois après leurs sorties en salles.
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Le Conseil considère donc, comme la Cour, qu’il est indispensable de
favoriser les dépenses de numérisation et de mise en ligne de contenus et
qu’un des moyens pour inciter les chaînes à investir dans ce sens est
d’inclure ces dépenses dans leurs obligations d’investissement.
Cette mesure encouragera
les éditeurs qui préfinancent des oeuvres à
les exploiter en non linéaire et élargira l’offre légale. Cependant, compte
tenu de l’objectif principal de l’obligation d’investissement dans la
production, qui est d’inciter les diffuseurs à contribuer au développement de
productions nouvelles, ces dépenses pourraient être plafonnées, afin qu’elles
ne puissent pas dépasser une certaine part de l’obligation.
Le Conseil, dans son « Rapport au gouvernement sur l’application du
décret n° 2010-1379 du 12 novembre 2010 », (décembre 2013), préconise
également que soit élargi le périmètre des dépenses prises en compte au titre
de la contribution au développement de la production des services de vidéo à
la demande, afin d’y inclure les dépenses de numérisation d’oeuvres
d’expression originale française ou européennes, ainsi que dans une certaine
proportion, certaines dépenses liées à la lutte contre le piratage d’oeuvres
d’expression originale française ou européennes.
Les services de vidéo à la demande doivent également offrir leurs
programmes de manière pérenne et stable. Or, certaines pratiques
contractuelles actuelles entre ayants-droit et chaînes de télévision, autorisées
par l’accord sur la chronologie, ont pour effet de soustraire aux offres de
vidéo à la demande, pour des durées qui peuvent être longues, des films
d’expression originale française porteurs qui étaient précédemment proposés
sur le service. En effet, certaines chaînes, payantes comme en clair,
demandent
à
pouvoir
disposer,
lors
de
la
diffusion
d’oeuvres
cinématographiques qu’elles ont préachetées, d’une exclusivité totale,
incluant les services de vidéo à la demande. Cela a pour effet de faire
« disparaître », dans les catalogues des services de vidéo à la demande, les
films préachetés par les chaînes françaises. L’interruption dans l’offre de
vidéo à la demande peut prendre effet à partir du dixième mois après la
sortie du film en salles et peut durer jusqu’au 48ème mois après celle-ci. La
phase de gel peut être encore plus longue si le film fait l’objet d’une
deuxième, voire d’une troisième diffusion en clair. De plus en plus
fréquemment, cette pratique touche également les diffusions d’oeuvres
cinématographiques effectuées par des chaînes en clair qui ne sont pas
coproductrices de l’oeuvre.
Le Conseil considère que de tels usages, qui s’apparentent bien
souvent à des gels de droits, sont excessifs. La présence concomitante d’une
même oeuvre cinématographique sur un service de vidéo à la demande et sur
une chaîne de télévision, qu’elle soit payante ou gratuite, ne constitue pas
pour le service linéaire une concurrence telle qu’il faille mettre fin, sur une
période longue, à toute location délinéarisée. Elles sont un frein au
développement économique des services de vidéo à la demande, et une
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incitation à recourir à des services non linéaires proposant illégalement des
oeuvres, ou à des services localisés hors du territoire français.
Le Conseil a proposé à plusieurs reprises de ne plus les autoriser, ou
pour le moins de les encadrer ; la période de gel pourrait être limitée à
quatre semaines (deux semaines avant et deux semaines après la diffusion
télévisuelle à l’instar de ce que propose le rapport Lescure).
Le Conseil préconise pour la vidéo à la demande à l’acte d’appliquer,
pour l’achat définitif, les règles de la vidéo physique (commercialisation sans
interruption des oeuvres cinématographiques, même pendant les fenêtres de
diffusion exclusives des chaînes en clair et des chaînes payantes).
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RÉPONSE DU PRÉSIDENT DE FRANCE TÉLÉVISIONS
France Télévisions partage, globalement, la conviction que le système
de soutien direct et indirect à la production audiovisuelle doit aujourd’hui
évoluer pour s’adapter aux mutations concurrentielles, technologiques,
industrielles et économiques intervenues depuis la mise en place de deux de
ses principaux instruments, les décrets dits « Tasca » et le compte de soutien.
Cette nécessaire évolution répond à deux enjeux solidaires : la capacité de la
création nationale à se renouveler, à atteindre ses objectifs et à rencontrer
son public ; la légitimité du soutien public important qui est alloué à son
développement, en particulier à travers le CNC et les obligations des
diffuseurs, à commencer par France Télévisions.
S’agissant tout d’abord du soutien apporté par France Télévisions au
développement de la production audiovisuelle et des relations qu’entretient
l’entreprise, dans ce cadre, avec les producteurs indépendants, et ainsi
qu’elle l’a régulièrement fait valoir au cours des derniers mois - travaux du
sénateur Jean-Pierre Plancade, préparation du rapport commandé à Laurent
Vallet par la ministre de la culture et de la communication, avenant au
Contrat d’objectifs et de moyens signé avec l’Etat en novembre 2013 -,
France Télévisions considère qu’un nouvel équilibre doit être trouvé pour
assurer la pérennité d’un système qui n’est plus aujourd’hui adapté aux défis
de son environnement.
France Télévisions est le premier financeur de la création
audiovisuelle, ceci à la fois par le volume financier de son engagement
(420 M€ en 2012), par le taux réglementaire de sa contribution (20 % de son
chiffre d’affaires) et par le poids que celle-ci représente dans le volume total
de financement de la production audiovisuelle nationale aidée (près de
60 %).
Les investissements de France Télévisions ont connu au cours des dix
dernières années une augmentation constante, sous le double effet de la
croissance de son chiffre d’affaires (dynamique publicitaire favorable et
croissance du financement public) et d’une obligation d’investissement plus
importante (passage de 18,5 % en 2009 à 20 % à compter de 2012).
Dans un contexte économique devenu plus contraint pour France
Télévisions, confrontée à la montée en puissance de nouvelles chaînes
privées peu contributives à la production audiovisuelle (2 % du total des
apports) mais captant désormais près d’un quart de l’audience globale de la
télévision et un tiers des investissements publicitaires, le maintien d’une
obligation d’investissement sensiblement plus élevée pour le service public,
comme la prise de risque importante que représente le préfinancement des
oeuvres, justifient que les modalités de sa contribution soient plus équitables,
mieux adaptées à sa situation économique, et favorisent plus résolument
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COUR DES COMPTES
l’exposition des oeuvres et le renouvellement de la création, au profit du
public qui les finance à travers la contribution à l’audiovisuel public.
Les objectifs poursuivis par France Télévisions sont à ces fins les
suivants :
-
mieux exposer les programmes de création sur l’ensemble de ses chaînes
et plates-formes numériques ;
-
protéger les marques de programmes emblématiques que l’entreprise a
contribué à financer contre une exploitation concurrente par un autre
diffuseur ;
-
favoriser la création d’oeuvres spécialement conçues pour les supports
numériques en intégrant, dans les objectifs de financement de la création,
les sommes consacrées à ces contenus ;
-
être mieux associée aux recettes d'exploitation des oeuvres et contribuer à
leur développement ;
-
s’assurer du bon emploi des ressources publiques investies dans la
création.
France Télévisions partage par conséquent une large part des
constats et propositions de la Cour, certains d’entre eux rejoignant au
demeurant les recommandations du rapport de Laurent Vallet. Certains
points appellent toutefois des compléments ou nuances de la part de France
Télévisions.
S’agissant de la rationalisation et de la transparence des processus
d’achat de programmes, France Télévisions rappelle qu’à la suite des
recommandations formulées par la Cour dans son rapport public thématique
de 2009, « France Télévisions et la nouvelle télévision publique »,
l’entreprise a mis en oeuvre un certain nombre d’entre elles, et a, plus
généralement, apporté des améliorations substantielles à l’organisation de
ses procédures d’achat de programmes, tant a priori qu’a posteriori.
De manière générale, l’engagement des dépenses de programmes fait
l’objet à France Télévisions d’une procédure extrêmement formalisée, qui
fait intervenir plusieurs interlocuteurs, de compétences et d’expertises
différentes et complémentaires (unités de programmes, direction des
antennes et de la programmation, direction de la production , direction
générale chargée des finances, direction générale des programmes), dans un
processus de décision élaboré et complet, loin du « dialogue singulier entre
administrateur et producteur » décrit par la Cour en 2009. Ce processus
repose sur des autorisations d’engagement et des délégations de signature
qui varient selon les montants concernés, les plus importants étant soumis à
la validation personnelle du président-directeur général.
La mission du Contrôle général économique et financier est en outre
informée, avant leur signature, de tous les engagements d’un montant
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supérieur à 2 millions d’euros. Sur l’année 2013, cette procédure a concerné
plus de quarante contrats correspondant à un montant total de 190 M€, à
rapporter à un budget d’approvisionnement total de 1,1 milliard d’euros.
Enfin, le sous-comité des engagements (émanation du comité
stratégique du Conseil d’administration), où siège en particulier un
représentant de l’État, émet un avis sur tous les engagements de programmes
d’un montant supérieur à 10 M€. Depuis la mise en place de cette procédure
en 2010, 44 réunions du sous-comité des engagements ont ainsi donné lieu à
17 avis sur des engagements atteignant ce seuil.
Depuis 2010, la politique d’audits de production a été étendue voire
généralisée, s’agissant des émissions de flux et désormais également des
oeuvres patrimoniales (séries de fiction, notamment), comme le prévoient le
contrat d’objectifs et de moyens 2011-2015 de France Télévisions et son
avenant pour la période 2013-2015. Ainsi, à l’horizon 2015, 90 % des
émissions de flux renouvelables ou susceptibles de l’être auront été auditées,
de même que les trois quarts des séries de fiction ayant fait l’objet de deux
saisons au moins et susceptibles d’être poursuivies. Confiés indifféremment à
des cabinets extérieurs ou à la direction de l’audit interne du groupe, ces
travaux sont menés sur la base d’une méthodologie et d’une nomenclature
harmonisées ; ils ont notamment contribué de réaliser une économie nette de
– 7 % sur le montant total des contrats de flux renégociés à leur issue au
cours de l’année 2012.
Plus largement, France Télévisions a nettement amélioré, au cours
des dernières années, sa connaissance des coûts réels des productions, à
travers les audits, mais également via la formalisation et l’analyse
systématique des remises des comptes.
L’obtention des comptes, qui alimente la banque de données mise en
oeuvre à la suite des préconisations de la Cour en 2009, a été rendue possible
par la systématisation d’un échéancier conditionné à la remise des comptes
(la dernière échéance étant de 10 %).
L’analyse des comptes permet d’alimenter trois démarches concrètes
et efficaces :
-
le renforcement des informations et des expertises, en vue de la
négociation des programmes faisant l’objet d’une suite (émissions de flux,
mais aussi séries de fiction et collections documentaires) ;
-
le partage d’expertise sur les coûts et les dispositifs de production
qui les fondent, qui permet de comparer des émissions diffusées sur les
différentes chaînes du groupe ;
-
l’analyse macro-économique de l’économie de la production, par
genre et par catégorie de programmes, qui nourrit le dialogue avec les
organisations professionnelles, le CNC et l’État, et permet de définir les
plans d’actions en matière de production.
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S’agissant de la mise en oeuvre d’un devis type de la production
d’oeuvres audiovisuelles, telle qu’elle est préconisée par la Cour, France
Télévisions l’a déjà réalisée, pour les oeuvres patrimoniales, à l’issue d’une
négociation conduite avec les organisations professionnelles représentatives
des producteurs à la suite de ses accords interprofessionnels de 2008. Les
devis types font effectivement apparaître la rémunération du producteur en
tant que producteur délégué, qui a d’ailleurs été définie précisément en
fonction du genre et du format de l’oeuvre concernée. Pour autant, s’agissant
de l’identification de la marge éventuelle du producteur au-delà de sa
rémunération en tant que producteur délégué, France Télévisions considère
que seule la remise des comptes réels de production, complétée en tant que
de besoin d’un audit de production, est à même de faire apparaître
clairement l’apport réel des producteurs, en contrepartie des droits de
propriété et d’exploitation qui lui sont acquis, voire dans certains cas la
marge nette qu’il aura réalisée dès la finalisation de la production.
En matière de déontologie et de transparence des procédures d’achats
de programmes et des relations avec les producteurs indépendants, l’avenant
au contrat d’objectifs et de moyens pour 2013-2015 a par ailleurs défini de
nouveaux engagements, qui empruntent deux directions complémentaires :
-
des règles d’éthique, visant à prévenir les conflits d’intérêt et à
garantir l’indépendance des choix éditoriaux du groupe, notamment dans les
situations de passages de collaborateurs de l’entreprise vers le monde de la
production. Des échanges approfondis avec la direction générale des médias
et des industries culturelles ont déjà eu lieu afin d’établir les modalités de
déclinaison concrète de ces engagements, et doivent désormais trouver leur
prolongement dans la constitution, sous l’égide du ministère de la culture,
d’un groupe de travail associant France Télévisions et le CNC. France
Télévisions est favorable dans ce cadre à l’édiction de règles claires, mais
appelle l’attention sur la nécessité de ne pas rigidifier à l’excès les
possibilités de circulation des compétences créatives entre deux univers qui,
en tout état de cause, resteront proches par les expertises qu’ils sollicitent.
-
des règles de transparence, aussi bien en amont, à travers une
formalisation et une publicité accrues des besoins éditoriaux des antennes,
qu’en aval, en rendant compte régulièrement des choix effectués.
Compte tenu des enjeux économiques, éditoriaux et industriels
particulièrement importants qui lui sont associés, France Télévisions fait en
particulier pleinement siens les objectifs de plus grande transparence de sa
politique de développement et d’achats de programmes en matière de fiction.
L’entreprise a ainsi conduit au cours des deux dernières années un travail
spécifique sur ce genre, qui vise à encourager l’émergence de projets de
qualité, à accompagner plus efficacement les travaux de développement, à
donner plus de visibilité aux professionnels et à rationaliser l’accueil et la
sélection des projets.
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Signés en 2011 et 2012 avec les producteurs et les auteurs, la charte
de développement de la fiction et son avenant encadrent désormais
formellement la démarche de développement et d’écriture, à chacune de ses
étapes : modalités de conclusion et de suivi des conventions de
développement, conditions d’arrêt et d’indemnisation à chacune des étapes
(écriture,
pilote...),
indemnisation
des
auteurs
et
rémunération
des
producteurs font ainsi désormais l’objet d’une procédure partagée, précise et
transparente.
En 2013, un travail de formalisation des orientations stratégiques de
France Télévisions en matière de fiction a par ailleurs été réalisé, puis
présenté aux professionnels aux cours des derniers mois. Quatre périodes
seront désormais fixées dans l’année pour l’accueil des projets. Les attentes
des différentes chaînes du groupe, les projets en cours, la répartition entre
unitaires, séries et mini-séries et les niveaux d’apports moyens par projet
seront clairement exprimés à ces occasions. La politique d’investissement de
France Télévisions en matière de fiction s’attachera à soutenir le
développement de séries et de formats plus diversifiés. Chaque projet sera
étudié par au moins deux chargés de programmes et les décisions de mise en
développement seront prises de manière collégiale. Une plate-forme en ligne,
réservée aux producteurs, fournira un panorama actualisé des engagements
de France Télévisions en fiction, sur le modèle du dispositif déjà mis en
oeuvre pour le documentaire depuis 2010.
Si elle est principalement mue par une ambition d’évolution de son
offre et d’optimisation d’un investissement très important (la fiction
représente plus de 60 % de l’investissement total de France Télévisions dans
la création audiovisuelle), cette orientation se traduira mécaniquement par
une moindre dispersion de ces investissements et donc par une diminution du
nombre de producteurs avec lesquels France Télévisions travaillera, comme
le suggère la Cour.
Sur ce point, la Cour relève que le nombre de producteurs auxquels
France Télévisions adresse des commandes est en 2012 très sensiblement
supérieur à ce que l’on peut observer pour les chaînes privées historiques,
alors même que cette démarche ne découle ni d’une obligation du cahier des
charges ni d’un objectif du contrat d’objectifs et de moyens. La Cour regrette
que ce morcèlement aille à l’encontre de la constitution d’entreprises
puissantes.
France
Télévisions
souhaite
à
ces
égards
rappeler
que
la
structuration industrielle du secteur de la production indépendante au
travers de sa politique d’achats de programmes ne lui a jamais été assignée
comme un objectif, explicite ou implicite, de la part de la puissance publique.
Au contraire, une certaine volonté de renouvellement créatif dans les
programmes du service public a pu emprunter, au moins jusqu’à une date
récente, la forme d’un encouragement plus ou moins explicite à diversifier
quantitativement le nombre des producteurs auxquels l’entreprise recourt,
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cet élément étant perçu à la fois comme le gage d’une diversité de l’offre et
un outil de prévention d’une concentration perçue comme contraire au
pluralisme. A titre d’illustration, l’avenant au contrat d’objectifs et de
moyens de France Télévisions pour 2009-2012 comprenait, sur la suggestion
de la commission de la culture du Sénat, un indicateur de suivi du « nombre
annuel de producteurs de fiction auxquels France Télévisions a recours »,
doublé d’un sous-indicateur portant sur ceux, parmi eux, avec lesquels
l’entreprise n’avait pas travaillé l’année précédente. Cet indicateur n’a pas
été reconduit dans le COM signé en 2011.
L’enjeu de structuration du secteur de la production audiovisuelle, s’il
est appelé à devenir un objectif prioritaire des pouvoirs publics, paraît en
réalité bien davantage conditionné par l’évolution des dispositifs d’aide à la
production, en particulier à travers le compte automatique de soutien du
CNC. L’éventuel rehaussement des seuils d’accès devrait s’accompagner,
comme le suggère la Cour, d’un renforcement des aides allouées au
développement des nouvelles formes de création dédiées aux nouveaux
médias, sous réserve qu’elle s’accompagne, en conséquence, d’une capacité
aujourd’hui inexistante à comptabiliser dans les obligations de production
audiovisuelle les dépenses consacrées à ces nouvelles formes d’oeuvres, pour
le développement desquelles France Télévisions joue un rôle pionnier
(cf. infra).
S’agissant du resserrement des critères de qualification des oeuvres
susceptibles d’être aidées et comptabilisées au titre des obligations
réglementaires, il convient qu’il soit guidé avant tout par le souci de
promouvoir la création de programmes porteurs d’ambition culturelle et
répondant aux attentes et aux usages du public.
Si cette ambition passe naturellement par l’investissement dans les
genres dits patrimoniaux - fiction, documentaire, animation, spectacle
vivant - dont il convient d’encourager de façon prioritaire le développement,
France
Télévisions
appelle
l’attention
de
la
Cour
sur
le
risque
qu’emporterait, pour l’attractivité et le dynamisme de l’offre des chaînes de
télévision et en particulier pour France Télévisions, un strict recentrage des
aides et des obligations sur une production patrimoniale dont les critères
seraient par ailleurs substantiellement resserrés.
Les magazines culturels, les documentaires de découverte ou les
émissions d’actualité et de sociétés
majoritairement constituées de
reportages, constituent des éléments essentiels d’une télévision vivante,
singulièrement pour la télévision publique dont l’information, l’éducation et
le divertissement forment le triptyque fondateur. Certains de ces genres sont
aujourd’hui aidés par le CNC, certains également éligibles aux obligations
de production. S’ils devaient ne plus l’être demain, il est vraisemblable que
le surcoût induit pour l’économie des chaînes se traduirait par une forte
dissuasion à investir dans ces programmes, au détriment de la diversité des
genres et de la dimension vivante de l’offre télévisuelle. Il n’apparaît pas
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pour autant certain que les petites chaînes se trouveraient davantage en
mesure d’investir dans des productions patrimoniales ambitieuses, peu
compatibles avec leur économie, autrement que par le biais d’acquisition de
droits sur le second marché.
Ainsi, s’il est de toute évidence nécessaire de créer des garde-fous
pour que les chaînes ne soient pas incitées à investir dans des programmes
peu coûteux dont la valeur culturelle est contestable, la complexité d’une
objectivation et d’une pérennisation des critères de définition de l’oeuvre
patrimoniale, en particulier pour la fiction et le documentaire, conduisent
France Télévisions à privilégier la piste d’un référentiel convergent pour le
CNC et le CSA, mais préservant la complémentarité de leurs missions
(l’intervention a priori sur un projet pour le CNC ; l’intervention a posteriori
sur une dépense effective pour le CSA) et leur capacité à se prononcer de
façon circonstanciée en tenant compte de la spécificité des offres et de
l’économie des chaînes, ou de leur ligne éditoriale.
En outre, et de façon générale, France Télévisions est favorable à ce
que les projets de réforme des dispositifs d’aide du CNC soient précédés
d’une large consultation des acteurs et d’une évaluation préalable précise de
leur impact économique, éditorial et industriel.
S’agissant de la continuité et des modalités d’exploitation des oeuvres,
France Télévisions considère que la nécessaire protection des pré-
financeurs, sans lesquels les oeuvres ne verraient pas le jour, est parfaitement
compatible avec l’objectif de circulation et d’exploitation, sinon continue, du
moins optimisée des oeuvres. La vocation première des oeuvres patrimoniales,
a fortiori lorsqu’elles bénéficient d’un soutien public, est en effet d’être
exposées au public. À cet égard, dans la perspective de restauration de la
faculté réglementaire pour les chaînes d’entrer en coproduction sur des
oeuvres dont elles financent une part substantielle, France Télévisions est
disposée à offrir des garanties de libération des droits à l’issue de sa période
d’exclusivité lorsqu’elle n’entend pas en poursuivre l’exploitation.
À contrario, l’interdiction a priori pour les chaînes de détenir les
mandats d’exploitation, ou de les cumuler, telle qu’elle est parfois sollicitée
par certaines organisations de producteurs, paraîtrait contraire à la
rationalité économique, le choix des distributeurs devant prioritairement
s’effectuer à l’aune de leur capacité à offrir aux oeuvres les meilleures
conditions d’efficacité commerciale. Il convient également de rappeler que
France Télévisions est encouragée par son contrat d’objectifs et de moyens à
développer ses recettes de diversification, à travers sa filiale chargée des
activités de distribution. Il y aurait à cet égard un paradoxe à priver a priori
l’entreprise de toute possibilité de valoriser un actif qu’elle s’est risquée à
préfinancer, et parallèlement à en encourager l’exploitation à vil prix par les
acteurs du second marché, désormais nettement majoritaires en nombre.
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Qu’il s’agisse de coproductions ou de préachats, il conviendra de
façon générale de veiller à ce que les conditions d’un retour sur
investissement pour les pré-financeurs soient mieux assurées à l’avenir, le
dispositif du droit à recettes tel qu’il a été défini en 2008-2009 s’étant révélé
très insatisfaisant au regard du souhait légitime du service public de ne pas
voir « privatisés » les fruits d’un investissement financé par la collectivité.
Sur la période 2009-2012, et sur un montant total cumulé d’obligations de
soutien à la production audiovisuelle de plus d’un milliard d’euros, le
dispositif actuel n’a en effet permis de dégager que 16 000 euros au titre du
droit à recettes. En tout état de cause, ses nouvelles modalités devraient en
particulier poser le principe d’un partage des recettes d’exploitation au
premier euro.
France Télévisions partage par ailleurs l’appréciation de la Cour,
également formulée par le rapport de Laurent Vallet, sur la nécessité de
rendre plus lisible l’architecture réglementaire d’ensemble qui sous-tend
l’organisation des relations entre producteurs et diffuseurs.
Le système actuel, qui repose sur des articulations particulièrement
complexes entre la loi, le décret, les conventions et cahiers des charges et la
concertation, a en effet favorisé au fil du temps de très importantes disparités
de régimes entre les différents diffuseurs. Au-delà du taux de l’obligation, qui
a vocation à rester plus élevé pour le service public compte tenu de la place
que la création occupe dans son offre, un meilleur équilibre supposerait
notamment que la nature des dépenses éligibles et les mécanismes de
pondération de certaines d’entre elles soient à la fois simplifiés et
harmonisés.
Pour France Télévisions, la complexité et la rigidité qui découle de la
hiérarchie des normes qui prévaut aujourd’hui se trouvent encore
renforcées : l’un des effets de la réforme de 2008-2009 est en effet que le
cahier des charges se contente aujourd’hui en large part de transcrire
littéralement les termes de ses accords interprofessionnels, leur conférant
une portée réglementaire, par construction plus figée, là où les chaînes
privées, régies par une convention, peuvent plus aisément obtenir du CSA
l’adaptation du cadre de leurs obligations. Si la concertation doit conserver
une place décisive, il est pour autant souhaitable qu’elle ne se substitue pas
au pouvoir réglementaire et à la régulation, en tant qu’ils portent la
responsabilité de la formalisation et du contrôle d’exécution des missions
confiées par l’État à une entreprise financée par la collectivité.
À des fins d’illustration de ce qui précède, il est par exemple
aujourd’hui impossible pour France Télévisions de valoriser, au titre de ses
obligations de production, les dépenses qu’elle consacre aux oeuvres conçues
pour une diffusion non linéaire, les accords de 2008 n’ayant pas anticipé
l’émergence de ce type de production et d’exposition au public.
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De la même façon, les dépenses dédiées à des oeuvres de spectacle
vivant pour lesquelles France Télévisions aurait acquis en 2013 des droits de
diffusion non linéaire excédant les 7 jours de rattrapage prévus par les
annexes de son cahier des charges - transposition littérale de ses accords de
2008 - ne sont pas non plus, en théorie, éligibles aux quotas de production,
alors même que ce point a fait l’objet fin 2012 d’un accord avec la
profession.
Il conviendra donc que la réforme à venir soit guidée par le souci
d’instaurer un système plus simple et plus facilement adaptable aux
évolutions extrêmement rapides des usages et des modes de consommation,
qui supposera vraisemblablement que dans le cadre de ses nouvelles
compétences, le CSA dispose, lors de l’examen des déclarations de
production des éditeurs, d’une latitude d’appréciation plus large, que
rendrait notamment possible un allègement de l’appareil réglementaire.
Cet objectif d’assouplissement et d’adaptabilité pourrait également
être atteint en permettant à France Télévisions, au sein d’obligations de
soutien à la production audiovisuelle très majoritairement consacrés à la
production indépendante, de disposer d’une « part dépendante » élargie, au
sein de laquelle elle valoriserait notamment ses investissements dans des
oeuvres produites avec des sociétés de production indépendantes, mais
atypiques au regard des « normes » générales de la production indépendante
(co-financement, financement international, durée des droits, droits non
linéaires…).
Une telle évolution s’inscrirait aussi pleinement dans le sens d’une
plus grande équité entre éditeurs, la « part dépendante » de France
Télévisions étant aujourd’hui plafonnée à 5 %, et uniquement dédiée aux
engagements portés par sa filiale de production, contre respectivement 26 %
et 40 % pour TF1 et M6. Contrepartie du maintien d’un taux global
d’obligation nettement supérieur pour le service public, l’espace de
souplesse voire d’expérimentation de gré à gré qui serait ainsi créé
simplifierait l’instauration parallèle, par la concertation, de règles générales
protectrices pour le secteur de la production indépendante.
France Télévisions est par ailleurs très favorable, comme le préconise
la Cour, à l’introduction d’une souplesse accrue dans les bases de calcul des
obligations des chaînes de télévision. Il serait ainsi pertinent, pour la
définition de l’assiette des obligations de contribution, que soit pris en
compte le chiffre d’affaires de l’année en cours, moyennant une
régularisation l’année suivante, plutôt que le chiffre d’affaires de l’année
précédente. Une telle modification devrait logiquement s’accompagner,
comme le propose également la Cour, de la suppression de la disposition
légale, spécifique à France Télévisions, qui veut que ses contrats d’objectifs
et de moyens, outre un taux réglementaire, prévoient également un niveau
minimal d’investissement exprimé en valeur absolue.
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France Télévisions appelle également l’attention sur la nécessité
d’expliciter et d’harmoniser, pour l’ensemble des éditeurs, la définition des
éléments entrant dans l’assiette de la contribution, afin d’assurer l’équité
entre les contributeurs. L’absence de définition univoque de la notion de
chiffre d’affaires de référence conduit en effet aujourd’hui certaines chaînes
à réduire substantiellement le montant de leur contribution par de simples
mécanismes d’optimisation comptable liés à leur organisation interne,
notamment en confiant à leurs filiales commerciales l’encaissement de
certaines recettes, soustrayant ainsi ces dernières à l’assiette de la
contribution.
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RÉPONSE DU PRÉSIDENT DE CANAL PLUS
Je vous informe que ce
rapport n’appelle pas d’observations de ma
part.
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