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COUR DES COMPTES
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QUATRIEME CHAMBRE
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PREMIERE SECTION
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Arrêt n° 71218
COMMUNE DE LOURESSE-ROCHEMENIER
(MAINE-ET-LOIRE)
Appel d’un jugement de la chambre régionale des
comptes des Pays-de-la-Loire
Rapport n° 2014-664-0
Audience du 16 octobre 2014
Lecture publique du 13 novembre 2014
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DES COMPTES a rendu l’arrêt suivant :
LA COUR,
Vu la requête enregistrée le 1
er
avril 2014 au greffe de la chambre régionale des
comptes des Pays-de-la-Loire, par laquelle le procureur financier près cette chambre
régionale a élevé appel du jugement n° 2014-001 du 12 février 2014 par lequel ladite
chambre a mis à la charge du comptable de la commune de Louresse-Rocheménier,
M. X, au titre de l’exercice 2010, une somme irrémissible de 223,50 € ;
Vu le réquisitoire du Procureur général près la Cour des comptes n° 2014-74
du 13 juin 2014 transmettant à la Cour la requête précitée ;
Vu les pièces de la procédure suivie en première instance, notamment le
réquisitoire du procureur financier près la chambre régionale des comptes des Pays-
de-la-Loire du 18 avril 2013 ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la
comptabilité publique, en vigueur au moment des faits ;
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Vu le code des juridictions financières ;
Vu le rapport de M. Emmanuel Belluteau, conseiller maître ;
Vu le mémoire en défense de M. X du 28 avril 2014 ;
Vu les conclusions du Procureur général n° 626 du 6 octobre 2014 ;
Entendu, lors de l’audience publique de ce jour, M. Belluteau, en son rapport,
M. Christian Michaut, avocat général, en les conclusions du ministère public ;
Après avoir entendu en délibéré M
me
Anne Froment-Meurice, présidente de
chambre maintenue, en ses observations ;
Attendu que, par le jugement entrepris, la chambre régionale des comptes des
Pays-de-la-Loire a mis à charge de M. X une somme irrémissible de 223,50 € en
raison du manquement qu’il a commis, au cours de l’exercice 2010, en payant des
indemnités pour heures supplémentaires à un agent de la commune, M. Y, adjoint
technique territorial, sans disposer de la délibération prévue à la sous-rubrique
210224 de l’annexe I mentionnée à l’article D. 1617-19 du code général des
collectivités territoriales ;
Attendu que la chambre régionale a jugé en effet que ce manquement n’avait
pas causé un préjudice financier à la collectivité car la délibération du 21 décembre
2012, dans laquelle le conseil municipal
« valide, par cette délibération, les
rémunérations versées antérieurement »
, devait être regardée, selon elle, «
comme
participant de la volonté continue du conseil municipal de la commune de
Louresse-Rocheménier de verser
[…]
à M. Y des indemnités horaires pour travaux
supplémentaires »
;
Attendu que l’existence de ce manquement n’est contesté ni par l’appelant, ni
par le comptable lui-même ;
Attendu que le procureur financier a interjeté appel du jugement aux fins de
son infirmation car, selon lui, le manquement du comptable aurait causé un préjudice
financier à la commune ; que dès lors, M. X aurait dû être déclaré débiteur de celle-ci
à hauteur des 1 498,85 € d’indemnités pour heures supplémentaires irrégulièrement
payées ;
Attendu que l’appelant fait valoir, en premier lieu, que la délibération du
conseil municipal du 21 décembre 2012, «
postérieure au jugement, ne pouvait venir
en exonération d’un préjudice financier causé par une dépense indue » ;
qu’il fait
valoir, en second lieu et, de manière incidente, que
« le jugement de la chambre
régionale des comptes est contraire
à deux jugements précédents pris par la
chambre régionale des comptes des pays de la Loire, le 17 décembre 2013
»
;
Attendu que le comptable, dans son mémoire en défense du 23 avril 2014, fait
valoir quant à lui que
« l’instruction devant la chambre régionale des comptes n’a
pas établi que l’agent bénéficiaire des indemnités horaires pour travaux
supplémentaires litigieuses ne remplissait pas les conditions réglementaires pour en
bénéficier »
; que
« l’instruction
n’a pas remis en question la réalité du service
fait
»
; que
« l’ordonnateur, partie à la procédure d’apurement des comptes du
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comptable, a écarté toute existence d’un quelconque préjudice financier lié au
paiement de ces indemnités »
; et que
« l’assemblée délibérante de la commune a
exprimé de manière non équivoque sa volonté de régulariser la situation existante et
de continuer à verser pour l’avenir les indemnités litigieuses »
;
Attendu que le juge de première instance, comme le juge d’appel, n’est pas
tenu par la solution donnée par un autre jugement, dès lors qu’il lui appartient de
fonder son jugement sur une analyse des circonstances de chaque espèce ; qu’ainsi il
y a lieu d’écarter le moyen de l’appelant tenant à la discordance qui existerait entre le
jugement entrepris et des solutions juridiques données par la chambre régionale dans
des espèces comparables ;
Attendu que lorsque l’instance est ouverte devant le juge des comptes, le
constat de l’existence ou non d’un préjudice financier relève de l’appréciation de ce
juge ; que si, au regard du caractère contradictoire de la procédure, ledit juge doit
tenir compte, pour cette appréciation, des dires et actes éventuels de la collectivité
qui figurent au dossier, il n’est pas lié par une délibération de l’organe délibérant
indiquant, explicitement ou implicitement, comme en l’espèce, que la collectivité
n’aurait pas subi de préjudice ; que dès lors, l’argument de M. X selon lequel
l’ordonnateur a affirmé que le manquement n’avait pas causé de préjudice à la
commune est inopérant ;
Attendu que la délibération précitée manifeste bien un accord explicite du
conseil municipal de la commune de Louresse-Rocheménier de verser à M. Y des
indemnités horaires pour travaux supplémentaires ; mais que cet accord a été
exprimé après les paiements litigieux ; qu’ainsi ces paiements étaient non seulement
irréguliers, mais aussi indus, ce qui a causé un préjudice financier à la commune ;
qu’il y a donc lieu d’accueillir le moyen de l’appelant tenant au caractère non
exonératoire d’une délibération postérieure au paiement ;
Attendu que si, comme le soutient le comptable, l’instruction devant la
chambre régionales des comptes n’a pas établi que l’agent bénéficiaire des
indemnités litigieuses ne remplissait pas les conditions réglementaires pour en
bénéficier, ni remis en question la réalité du service fait, ces circonstances ne retirent
pas aux paiements litigieux leur caractère indu, en l’absence de délibération les
autorisant à la date du paiement ;
Attendu dès lors qu’il y a lieu d’infirmer le jugement en tant qu’il a dit ne pas y
avoir préjudice et mis à la charge de M. X la somme non rémissible que le juge a la
faculté d’imposer en cas de manquement sans préjudice et de constituer M. X
débiteur de la somme de 1 498,85 € augmentée des intérêts de droit ;
Attendu qu’il ne ressort pas du dossier que les paiements litigieux entraient
dans une catégorie de dépenses faisant l’objet de règles de contrôle sélectif ;
Par ces motifs,
DECIDE :
Article 1 : Le jugement du 12 février 2014 de la chambre régionale des
comptes des Pays-de-la-Loire est infirmé en ce qu’il dit que le manquement de M. X,
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comptable de la commune de Louresse-Rocheménier, n’a pas causé de préjudice
financier et qu’il met à sa charge une somme irrémissible de 223,50 €.
Article 2 : M. X est déclaré débiteur de la commune de Louresse-Rocheménier
de la somme de 1 498,85 €, majorée des intérêts de débet calculés à compter du 27
avril 2013.
Article 3 : Les paiements n’entraient pas dans une catégorie de dépenses faisant
l’objet de règles de contrôle sélectif.
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Présents, M. Ganser, président de section, président de séance, M
me
Froment-
Meurice, présidente de chambre maintenue en activité, MM. Lafaure, Bertucci et
M
me
Gadriot-Renard, conseillers maîtres.
Signé : Gérard Ganser, président de section, et Marie-Hélène Paris-Varin,
greffier de séance.
Collationné, certifié conforme à la minute étant au greffe de la Cour des
comptes.
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous les huissiers
de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et
aux procureurs de la République près des tribunaux de grande instance d’y tenir la
main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte,
lorsqu’ils en sont légalement requis.
Délivré par moi, secrétaire général.
Pour le secrétaire général
et par délégation,
le chef du greffe contentieux
Daniel Férez