13, rue Cambon
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2ème CHAMBRE
S2021-2052
3ème SECTION
OBSERVATIONS DÉFINITIVES
(Article R. 143-11 du code des juridictions financières)
L’ANALYSE DES COUTS DU
SYSTEME DE PRODUCTION
ELECTRIQUE EN FRANCE
Le présent document, qui a fait l’objet d’une contradiction avec les destinataires concernés,
a été délibéré par la Cour des comptes, le 15 septembre 2021.
En application de l’article L. 143-1 du code des juridictions financières, la communication de
ces observations est une prérogative de la Cour des comptes, qui a seule compétence pour
arrêter la liste des destinataires.
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
2
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
3
TABLE DES MATIÈRES
SYNTHÈSE
....................................................................................................................
5
RECOMMANDATIONS
..............................................................................................
9
INTRODUCTION
.......................................................................................................
11
1
LES DIVERSES APPROCHES DES COUTS DES MOYENS DE
PRODUCTION DE L’ELECTRICITE
................................................................
15
1.1
Des dépenses prises en compte et une méthode de calcul, variables selon
l’objectif poursuivi
.........................................................................................
15
1.1.1 La diversité des notions de coût de production selon le périmètre des
dépenses
..........................................................................................................
15
1.1.2 Des coûts de production variables selon la méthode de calcul retenue
...........
17
1.1.2.1
Les méthodes comptables
.....................................................................................
17
1.1.2.2
Les méthodes économiques
..................................................................................
18
1.1.2.3
Des méthodes hybrides
.........................................................................................
20
1.1.3 Une méthodologie à choisir en fonction de l’objectif du calcul
......................
20
1.2
Les enjeux méthodologiques autour des coûts de l’électricité produite par le
parc nucléaire dit historique
...........................................................................
21
1.2.1 Des coûts de production de l’électricité très différents selon la méthode de
calcul retenue
..................................................................................................
22
1.2.2 Les enjeux spécifiques à une nouvelle régulation
...........................................
26
1.2.2.1
La prise en compte des coûts passés dans l’articulation de périodes successives de
régulation
..............................................................................................................
26
1.2.2.2
La prise en compte de l’EPR de Flamanville
.......................................................
28
1.2.2.3
La transparence des coûts nécessaire à la mise en œuvre de la régulation
...........
28
1.3
Les coûts disponibles pour les filières autres que le nucléaire
.......................
30
1.3.1 Les coûts des énergies renouvelables
..............................................................
30
1.3.1.1
L’éolien
................................................................................................................
31
1.3.1.2
Le photovoltaïque
.................................................................................................
33
1.3.1.3
L’hydroélectricité
.................................................................................................
34
1.3.2 Les centrales à gaz
...........................................................................................
36
1.4
Comparaisons internationales
........................................................................
38
1.4.1 Un récent exercice à la demande de la Commission européenne
....................
38
1.4.2 Un exercice périodique conjoint de l’AIE et l’AEN faisant référence
............
39
1.4.2.1
Principaux constats
...............................................................................................
39
1.4.2.2
Nouvelles problématiques de l’estimation des coûts
............................................
41
2
L’INTERET D’UN COUT COMPLET DE PRODUCTION DES DIVERS MIX
ELECTRIQUES POUR ECLAIRER LES CHOIX POLITIQUES A VENIR
....
44
2.1
Les éléments à prendre en compte pour chiffrer le coût d’un système
électrique
........................................................................................................
45
2.1.1 Le coût moyen de chaque filière de production dépend de sa durée annuelle de
fonctionnement
................................................................................................
45
2.1.2 L’influence des niveaux de la demande sur le coûts
.......................................
47
2.1.3 Les coûts liés aux besoins de flexibilité.
.........................................................
48
2.1.4 Le traitement particulier du
power-to-X
..........................................................
49
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
4
2.1.5 La prise en compte des coûts de réseau
...........................................................
50
2.1.6 Les échanges transfrontaliers
..........................................................................
52
2.2
Les éléments déterminants pour la caractérisation ou l’optimisation du coût
d’un mix futur
.................................................................................................
52
2.2.1 La distinction entre coûts des décisions à venir et coûts liés aux décisions
passées
.............................................................................................................
53
2.2.1.1
Les coûts relatifs aux décisions à venir
................................................................
53
2.2.1.2
Le passage au coût complet du mix électrique par la prise en compte des coûts
liés aux décisions passées
.....................................................................................
54
2.2.2 Les paramètres déterminants pour les comparaisons de coûts de mix à long
terme
................................................................................................................
56
2.2.2.1
Taux de financement et coût du risque
.................................................................
56
2.2.2.2
Les projections d’évolution des coûts des différentes filières de production
.......
58
2.2.3 La place de l’optimisation économique et la discrimination des mix par leurs
coûts
................................................................................................................
63
2.3
Les enjeux pour les travaux de programmation en cours et la planification à
long terme
.......................................................................................................
65
2.3.1 Une planification ne s’appuyant pas encore sur la comparaison des coûts
complets des différents scénarios
....................................................................
65
2.3.1.1
La planification énergétique à moyen et long terme : SNBC et PPE
...................
65
2.3.1.2
La prise en compte des coûts des énergies dans la PPE et la SNBC
....................
66
2.3.1.3
Les limites et faiblesses de la préparation de la deuxième PPE à corriger
...........
71
2.3.2 Les incertitudes à lever pour éclairer la décision sur le mix 2050
..................
72
ANNEXES
....................................................................................................................
76
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
5
SYNTHÈSE
Le choix de la composition du parc de production électrique, appelée « mix électrique »,
est un choix public qui ne découle pas de la seule comparaison des coûts de production mais
peut traduire la volonté de limiter les émissions « carbone » de la production d’électricité et de
maximiser la valeur ajoutée produite en France ; il peut également être influencé par le degré
d’acceptation sociétale de certaines technologies ou par une aversion spécifique à certains
risques (d’accidents, d’approvisionnement, etc.) ou bien encore manifester le soutien public à
une filière industrielle nationale, ou la recherche de l’indépendance d’approvisionnement en
énergie, etc.
Toutefois, la connaissance des coûts de production de l’électricité est indispensable au
décideur public dès qu’il s’agit d’éclairer les choix futurs, par exemple pour déterminer la part
que les filières nucléaires ou d’énergies renouvelables devraient prendre dans la production
électrique française dans les 30 prochaines années. Elle est aussi indispensable à la mise en
œuvre d’une réglementation ou d’une régulation de certains prix de l’électricité (par exemple
l’accès régulé au nucléaire historique – Arenh ou les tarifs réglementés), ou à la conception
d’un système de soutien budgétaire à certaines filières (comme actuellement au bénéfice des
filières renouvelables).
Les coûts de production peuvent être calculés pour une technologie de production
particulière (nucléaire, hydraulique, thermique, etc.) ou pour le système électrique considéré
dans son ensemble (incluant les moyens de production, les réseaux d’acheminement, les
moyens de stockage ou de flexibilité de la demande, etc.).
La Cour s’est attachée, dans ce rapport, à établir un état des lieux le plus récent possible
des coûts de production liés à chaque mode de production d’électricité, en actualisant ses
travaux antérieurs sur le coût de la production du parc nucléaire et en rassemblant les données
disponibles sur les filières utilisant des énergies renouvelables. Elle
rend compte
sous une
forme condensée, des différentes méthodologies de calcul
des coûts de chaque filière de
production et de la pertinence de recourir à l’une ou l’autre.
Elle a ensuite examiné la manière dont les informations sur les coûts de production de
chaque technologie sont exploitées dans le cadre des travaux de prospective sur le système de
production électrique français : en effet, l’estimation du coût d’un mix de production ne
correspond pas à la simple addition des coûts de production de chaque filière. La Cour a
également analysé la façon dont ces exercices prospectifs ont été conduits ainsi que les
précautions à prendre pour exploiter les coûts projetés qui en découlent. Enfin, elle a identifié
les critères pris en compte par les pouvoirs publics pour préparer les décisions structurantes de
planification du mix électrique à l’occasion des Programmations pluriannuelles de l’énergie
(PPE).
1.
L’estimation
des coûts de production par filière fournit des indications sur leur
seuil de rentabilité
La Cour s’est intéressée au coût moyen annuel de l’électricité produite par les différentes
filières existantes (nucléaire, hydraulique, éolien, solaire, etc.). Ce coût dépend des
caractéristiques de la filière, et notamment du partage entre coûts d’investissement et
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
6
d’exploitation, du prix du combustible utilisé ainsi que de la durée annuelle de fonctionnement
considérée pour ce moyen de production (certains moyens de production peuvent fonctionner
quasi en permanence alors que d’autres dépendent des conditions météorologiques).
Ce coût moyen de production peut être estimé selon des approches dites d’inspiration
« comptable » ou « économique », qui diffèrent essentiellement par le mode de prise en compte
des coûts d’investissement. L’approche comptable tient compte, sur une année donnée, des
dotations aux amortissements et d’une rémunération de la valeur nette comptable (VNC) des
immobilisations. L’approche économique calcule un coût annuel moyen des investissements
sur la durée de vie de l’actif de production. Ces deux approches peuvent donner des résultats
très différents selon le rythme effectif des amortissements comptables. Cette question est
particulièrement importante pour le nucléaire existant, en raison de la durée de vie des centrales.
Des approches hybrides sont aussi possibles, mêlant des éléments comptables et des calculs
économiques. La méthode proposée en 2011 par la commission Champsaur, pour la fixation du
tarif de l’Arenh en était un exemple : elle prévoyait notamment le calcul d’un loyer économique
à partir de la valeur nette comptable du parc nucléaire fin 2010.
La Cour a appliqué ces différentes méthodes au coût complet de production du parc
nucléaire existant, pour les années 2011 à 2020. Il en ressort un coût oscillant autour de
42 €/MWh sur la période en retenant la méthode « comptable » ou une approche du type
« commission Champsaur », soit le niveau de prix fixé pour l’Arenh depuis 2012. En revanche,
l’approche économique, analogue à celle utilisée par la Cour en 2014, conduit à des coûts de
l’ordre de 60 €/MWh sur la période. Pour l’année 2019 en particulier, les calculs de la Cour
aboutissent à des coûts de 43,8 et 64,8 €/MWh respectivement pour les approches comptables
et économiques.
Le choix de la méthode à utiliser dépend directement de la nature de la question posée.
L’approche économique est généralement utilisée pour prendre une décision d’investissement.
L’approche comptable, ou l’approche hybride, permettent quant à elles de tenir compte du passé
pour fixer le niveau d’un tarif réglementé ou régulé de l’électricité. Cependant, il n’a pas été
possible d’obtenir un consensus pour fixer le tarif de l’Arenh et des désaccords persistants ont
empêché la mise en œuvre de la régulation telle qu’elle avait été prévue initialement, c’est-à-
dire comportant une révision annuelle de son prix. C’est pourquoi, si une nouvelle régulation
des tarifs de l’électricité d’origine nucléaire prenait la suite de l’Arenh, il conviendrait d’adopter
de façon transparente et officielle une méthodologie partagée de calcul de coûts fondant le tarif
de cette régulation.
Les coûts des autres filières de production font l’objet de travaux réguliers de l’ADEME
et de la CRE, selon une approche de coûts économiques actualisés. Les résultats obtenus par
les deux organismes ne sont pas facilement comparables mais ils sont convergents et décrivent
des coûts de production des filières renouvelables en constante diminution.
2.
C’est le coût du système électrique dans son ensemble qui rend compte du coût de
production associé à un mix électrique.
La simple comparaison des coûts moyens de chaque filière de production n’est pas
suffisante pour éclairer la décision publique sur les choix de mix électrique à long terme. En
effet, le coût complet d’un mix électrique ne découle pas de la seule répartition des capacités
de production entre filières mais de la façon dont ces capacités sont appelées à produire pour
que fonctionne le système électrique.
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
7
Le coût économique d’un mix électrique doit prendre en compte, en sus des moyens de
production, le coût des moyens de stockage, de flexibilité de la demande, ceux du réseau de
transport et de distribution, des interconnexions et enfin le bilan des échanges extérieurs
d’électricité (imports et exports) qui dépend des mix électriques de nos voisins européens. Les
coûts du fonctionnement du système électrique dépendent enfin de la contrainte qui lui est
imposée en terme de sécurité d’approvisionnement.
Les moyens de production qui existent déjà, mais dont la durée de vie peut être
prolongée, appellent un traitement particulier. C’est le cas du parc nucléaire existant dont
le
coût de prolongation de la durée de vie peut être estimé au minimum à 35 €
2015
/MWh à partir
des données d’EDF. Il faut y ajouter les investissements passés qui n’ont pas encore été
complètement amortis et doivent encore être rémunérés pour obtenir le coût complet futur de
production du nucléaire existant. Une meilleure identification des dépenses liées à la cette
prolongation permettrait de rendre compte de la pertinence d’une telle prolongation par rapport
au développement de nouveaux moyens de production.
Les difficultés qui s’attachent à des travaux de prospective à aussi long terme sont
importantes. Les incertitudes pesant sur les coûts futurs de technologies encore peu ou pas
matures restent grandes. C’est notamment le cas des filières de stockage ou de production
d’hydrogène par électrolyse. On peut également considérer que le développement de nouvelles
capacités nucléaires en France est à nouveau en phase d’apprentissage. Une prospective à 30
ans mettant en jeu des technologies non-matures doit donc comporter des scénarios intégrant la
sensibilité du coût du système électrique aux marges d’incertitude entourant les coûts de chaque
mode de production électrique.
La prise en compte de niveaux de risques différenciés selon les technologies peut se
traduire par des taux d’actualisation différents pour le calcul de coûts économiques annualisés,
qui pèsent sur la compétitivité des filières les plus capitalistiques et les plus risquées. Des
calculs de coûts complets du système électrique fondés sur un taux d’actualisation unique font
alors implicitement l’hypothèse que des différences intrinsèques de niveaux de risques entre
technologies seront neutralisées par des interventions publiques. Afin de mesurer l’impact de
cette hypothèse, des variantes discriminant les technologies selon leur niveau de risques
devraient aussi être établies dans le cadre des estimations de coût de scénarios de mix électrique.
3.
La comparaison des coûts du système électrique associés à différents scénarios doit
éclairer les choix politiques à venir
La prise en compte des coûts du mix dans les décisions de planification énergétique,
(programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) et stratégie nationale bas carbone (SNBC)),
n’a pas été suffisante jusqu’à présent. Dans son rapport de mars 2018 sur le soutien aux énergies
renouvelables, destiné à la commission économique du Sénat, la Cour regrettait que la PPE ne
repose pas « sur une analyse des coûts des différentes filières de production d’énergie, pour
pouvoir mieux objectiver les choix de politique de soutien mis en œuvre ».
La deuxième PPE a été largement dominée par la question du rythme de réduction de la
part d’énergie nucléaire dans la production électrique et la préparation de la décision éventuelle
de lancer un programme de construction de nouveaux réacteurs nucléaires, sans que la
comparaison des coûts associés aux décisison occupe une place importante dans la réflexion.
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
8
Pourtant les exercices de comparaison de scénarios de mix réalisés par RTE dans le
cadre de son bilan prévisionnel 2017 permettaient déjà de retenir quelques conclusions
saillantes : la pertinence économique de la prolongation du nucléaire existant, l’importance des
hypothèses de développement des énergies renouvelables (et la part relative des différentes
filières), l’impact du niveau des échanges d’électricité sur les scénarios, etc.
Plus récemment, des exercices de chiffrage de coûts complets du système électrique à
long terme (2060) ont été présentés par différents acteurs. Ces exercices conduisent à des
résultats très différents selon leurs hypothèses. Dans le cadre de la préparation de la future
programmation pluriannuelle de l’énergie, les pouvoirs publics devront faire connaître leur
propre analyse sur ces perspectives. Ils devront également rendre compte de toutes les
conséquences des choix de développement de nouvelles capacités de production électrique :
une décision de renouvellement du parc nucléaire emporterait par exemple des besoins
d’investissements supplémentaires en termes de gestion des combustibles nucléaires usés et des
déchets radioactifs.
À la demande du gouvernement, RTE préside à des travaux importants de prospective,
qui ont été rendus publics le 25 octobre 2021. Les administrations concernées et les entreprises
y ont été associées. L’exercice conduit par RTE présente des garanties méthodologiques et les
scénarios produits dans ce cadre devraient permettre d’éclairer le gouvernement sur les forces
et faiblesses des différentes options. Il pourrait utilement servir de base à la conduite des débats
qui doivent se tenir à l’occasion de l’adoption de la première loi de programmation sur l’énergie
et le climat prévue par l’article L.100-1 A du code de l’énergie.
Enfin, l’approche des coûts « pour la collectivité », et non pas pour tel ou tel agent
économique, retenue dans les exercices de RTE, qui permet d’intégrer de nombreux facteurs
économiques, sociaux, financiers, stratégiques et internationaux susceptibles d’influer sur les
coûts du système électrique, ne doit pas occulter les questions de répartition de la charge de
financement de ces coûts entre investisseurs privés, contribuables et consommateurs. Les
décisions relatives au mix de production électrique peuvent en effet emporter, selon les options
retenues, des conséquences importantes en termes de besoin de soutien public ou de régulation
du secteur, et induire des transferts significatifs entre acteurs économiques. Autant de questions
qui doivent également avoir leur place dans les débats futurs au-delà du seul coût du système
électrique.
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
9
RECOMMANDATIONS
Recommandation n°1 :
(DGEC, CRE 2022) Définir et publier une méthodologie
d’établissement des coûts dans la perspective d’une nouvelle régulation du nucléaire.
Recommandation n° 2
:
(DGEC, RTE, 2022) Calculer le coût complet de chaque scénario de
mix électrique, en ayant recours à des variantes de coûts et de taux d’actualisation, en fonction
des risques associés au développement de chaque filière de production.
Recommandation n° 3 :
(DGEC, RTE, 2022) Prévoir et expliciter, pour les scénarios de mix
électrique comprenant une hypothèse de renouvellement du parc nucléaire, la prise en compte
des investissements associés à l’aval du cycle du combustible.
Recommandation n° 4 :
(DGEC, au plus tard en 2023) Prendre en compte les analyses
présentées par RTE dans son rapport « Futurs énergétiques 2050 » dans l’étude d’impact de la
loi de programmation sur l’énergie et le climat prévue à l’article L.100-1 A du code de
l’énergie.
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
10
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
11
INTRODUCTION
L’électricité ne représente que moins du quart de la consommation finale d’énergie en
volume en France (24,3 % en 2019
1
) mais occupe, depuis vingt ans, une place centrale dans les
débats nationaux sur la politique énergétique, s’agissant en particulier du développement de
l’électricité produite à partir d’énergies renouvelables et de la part du nucléaire dans la
production d’électricité.
L’électricité est en effet une énergie secondaire obtenue en transformant diverses
énergies primaires. Chaque processus de transformation entraîne des coûts de production de
l’électricité différents. Dès lors, toute réflexion sur la composition du parc que constituent les
unités de production électrique, en d’autres termes du « mix électrique », conduit à s’interroger
sur les coûts de production des différentes filières technologiques qui composent ce parc.
L’expression « mix électrique »
2
peut désigner soit la composition du parc, soit la composition
de la production électrique au cours d’une période de temps, selon les différents modes de
production employés. Les deux notions bien que voisines aboutissent à des répartitions
différentes car les unités de production de chaque filière ne sont pas sollicitées avec la même
intensité.
La composition de la production électrique en France – ou du mix de la production
électrique – était la suivante en 2019 :
Schéma n° 1 :
Composition du mix de la production électrique en 2019 (en part de l’énergie
produite)
Source : RTE
Le code de l’énergie Livre I, Titre IV - le rôle de l’État, et ses articles L.142-1 à
L.142-12, définissent les conditions dans lesquelles les pouvoirs publics peuvent disposer des
informations nécessaires à la définition de la politique énergétique du pays.
Ils imposent un grand nombre d’obligations déclaratives à la charge des entreprises du
secteur de l’énergie et définissent un cadre de sanctions, de contrôle, et d’accès aux
informations des entreprises permettant au ministère chargé de l’énergie et à la commission de
régulation de l’énergie d’accéder à des informations précises. Ainsi, l’article L.142-5 précise-
1
Le pétrole et le gaz représentent près de 62 % de la consommation finale d’énergie en France. 10 % de
cette consommation est produite à partir d’énergies renouvelables ou de récupération (biocarburants notamment).
2
Les guillemets sont supprimés dans la suite du rapport.
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
12
t-il que
« pour l’application des dispositions du présent code… les ministres chargés de
l’énergie et de l’économie ont […] le droit d’accès quel qu’en soit le support à la comptabilité
des entreprises exerçant une activité dans le secteur de l’électricité et du gaz naturel, ainsi
qu’aux informations économiques, financières et sociales nécessaires à leur mission de
contrôle ».
Les dispositions de l’article 7 de la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 sur l’obligation, la
coordination et le secret en matière de statistiques donnent également au service des données et
études statistiques (SDES) du Ministère de la Transition Écologique un large pouvoir de
collecte et de traitement de toutes les données relatives au champ de compétences du ministère
chargé de la transition écologique, en particulier en ce qui concerne l’activité des opérateurs du
secteur de l’énergie.
De même, la Commission de Régulation de l’Énergie (CRE) peut disposer de toutes les
informations pertinentes lui permettant de calculer les tarifs régulés. Même si la CRE est
indépendante, elle est une institution de l’État et contribue à la préparation de ces décisions,
notamment par les informations qu’elle transmet au gouvernement.
L’ADEME ne dispose pas de pouvoirs d’investigation aussi étendus que ceux de la
commission de régulation de l’énergie, mais a néanmoins accumulé une masse d’informations
régionales et nationales considérable (cf. premier chapitre). C’est ce qui lui a permis de
présenter en 2016, puis en 2020, des perspectives d’évolution du mix énergétique français
s’appuyant sur une comparaison des coûts de production des différentes sources d’énergie.
Le gestionnaire du réseau de transport d’électricité, RTE, établit pour les pouvoirs
publics des prévisions à court et moyen terme de l’équilibre entre la production d’électricité et
la consommation. Il réalise également le « schéma décennal de développement du réseau »,
appuyé sur ses prévisions d’équilibre entre la consommation et la production. C’est en raison
de cette responsabilité que le gouvernement a chargé RTE d’animer neuf groupes de travail sur
les différents scénarios possibles d’évolution du mix électrique à l’horizon 2050, certains
reposant sur un approvisionnement réalisé à 100 % par des sources de production renouvelables,
d’autres intégrant le maintien d’une part significative d’énergie nucléaire. Les conclusions de
ces groupes de travail doivevraient être présentées d’ici la fin de l’année 2021.
Les instances de production d’informations sur l’énergie sont nombreuses, au plan
national, européen ou international, comme l’agence de coopération des régulateurs de
l’énergie, le réseau européen des gestionnaires de réseau de transport d’électricité, l’agence
internationale de l’énergie, qui conjointement avec l’OCDE, a publié en 2015 et 2020 une étude
sur l’évolution des coûts de l’énergie, ou encore l’agence internationale des énergies
renouvelables (IRENA), qui suit régulièrement l’évolution des coûts de production des EnR.
De très nombreux rapports parlementaires sur l’énergie ont été réalisés, tant par
l’Assemblée nationale que par le Sénat. Des rapports particuliers ont été établis par des experts,
à la demande du gouvernement, par exemple un rapport intitulé : « étude économique
prospective de la filière électrique nucléaire » à la demande du Premier ministre, par Jean-
Michel Charpin commissaire au plan, Benjamin Dessus, directeur de programme au CNRS, et
René Pellat, Haut-commissaire à l’énergie atomique, en juillet 2000.
La Cour des comptes a également publié de nombreux rapports sur le secteur de
l’énergie, notamment ceux
consacrés à l’estimation du coût de l’électricité d’origine nucléaire,
en 2012 et 2014.
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
13
Il faut y ajouter de nombreux Think « think tanks », des économistes, des instituts de
recherche qui produisent des nombreuses simulations s’appuyant chacune sur des modèles
différents. C’est ainsi que le CIRED a présenté en décembre 2020 une étude sur un mix
électrique utilisant exclusivement des modes de production 100 % renouvelables.
Peuvent être enfin mentionnées les nombreuses organisations non-gouvernementales
œuvrant dans le secteur de l’énergie et contribuant au débat public par la production
d’informations qui leur sont propres et par l’analyse des informations présentées par les
pouvoirs publics.
On peut noter cependant que les moyens propres de l’administration de l’État sont assez
réduits. Le ministère chargé de l’énergie ne produit plus comme le faisait la direction générale
de l’énergie et des matières premières, des études sur les coûts de référence de la production
électrique. La direction générale de l’énergie et du climat s’appuie aujourd’hui sur l’expertise
extérieure que lui procurent RTE ou l’ADEME, et parfois sur le recours à des cabinets de
consultants, comme Roland Berger, par exemple, chargé d’évaluer la robustesse des premières
estimations produites par EDF du coût des futurs réacteurs nucléaires de type EPR 2. Dans ce
contexte la Cour a choisi d’analyser, dans le cadre de ce rapport, les coûts de production du
système électrique en France.
Ce rapport ne prétend pas répondre à la question du choix des moyens de production
d’électricité, le coût des différents mix électriques possibles ne constituant qu’un des éléments
de la décision publique. Celle-ci prendra en effet en compte de nombreux facteurs tels que
l’impact des choix sur l’activité économique, l’emploi, l’aménagement du territoire, le
développement des filières industrielles concernées ou sur l’environnement, etc. Mais la Cour
appelle l’attention sur le poids considérable des investissements à consentir et sur le fait que le
coût de production constitue un facteur essentiel des décisions à prendre qui ne saurait être ni
ignoré, ni estimé de façon hasardeuse.
Le rapport n’aborde pas non plus les questions relatives au fonctionnement du marché
de l’électricité, au prix payé par les consommateurs ou au coût pour le contribuable des
dispositifs publics de soutien au développement de certains modes de production. En effet, ces
éléments influent sur la rentabilité comparée des différents modes de production,
mais ils ne
modifient ni les coûts de production ni le montant des investissements à réaliser.
Ce rapport présente dans son premier chapitre, une synthèse des informations
disponibles sur les coûts de production de l’électricité, par filière, en France, actualisant certains
travaux antérieurs de la Cour
3
. Cette synthèse est complétée par une estimation de certains coûts
lorsqu’aucune donnée publique n’était disponible. Partant du constat qu’il n’existe pas une
définition unique du coût de production de l’électricité, ni une seule méthode de calcul, cette
partie de ce rapport présente les différentes méthodes utilisées pour calculer les coûts de
production de l’électricité par filière et leur justification.
Dans ce premier chapitre, la Cour a choisi de ne pas examiner les coûts d’un certain
nombre de technologies de production d’électricité. Il s’agit notamment de la production par
cogénération industrielle – qui constitue un produit collatéral de la production de chaleur , ou
de la cogénération à partir de biogaz. La production d’électricité à partir de cogénération
3
Cour des comptes,
Les coûts de la filière électro-nucléaire
, rapport public thématique, 2012 ; Cour des
comptes,
Le coût de production de l’électricité nucléaire
, communication à l’Assemblée Nationale, 2014.
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
14
industrielle représente 2,3%
4
de la production d’électricité. Même si ce volume n’est pas
négligeable, il n’a pas vocation à augmenter, d’autant que les subventions à la cogénération
diminuent
5
. De même, les coûts de production des centrales à charbon ne sont pas étudiés. En
effet, ces dernières ne figurent plus parmi les investissements autorisés en France pour répondre
à la demande d’électricité et la loi énergie-climat du 8 novembre 2019 comporte d’ailleurs des
dispositions devant conduire à l’arrêt définitif des dernières centrales à charbon fonctionnant
encore en France. Enfin la Cour n’a pas examiné les coûts relatifs à la production d’électricité
à partir de biomasse.
Le second chapitre de ce rapport élargit l’analyse des coûts de chaque mode production
de l’électricité à l’estimation des coûts du système électrique dans son ensemble. En effet, le
coût du système électrique ne résulte pas de la simple addition des coûts de chaque unité de
production d’électricité, mais doit intégrer les coûts des moyens permettant de satisfaire
l’équilibre production-consommation (stockage de l’électricité, réserves mobilisables et
pilotage de la flexibilité de la demande) ainsi que les coûts du réseau de transport et de
distribution d’électricité.
Enfin, le rapport examine les conditions dans lesquelles les pouvoirs publics ont pris les
décisions de programmation de la politique énergétique au cours des dernières années, et
l’utilisation qu’ils ont faite des informations dont ils disposaient pour arrêter leurs choix.
4
Bilan électrique de la production, RTE, 2019
5
La PPE adoptée en 2020 indique que «
un soutien public fort aux nouvelles installations de cogénération
fonctionnant au gaz naturel n’apparaît pas justifiée au regard des ambitions climatiques de la France. Aucun
objectif quantitatif de développement des nouvelles capacités n’est donc fixé pour cette filière
».
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
15
1
LES DIVERSES APPROCHES DES COUTS DES MOYENS DE
PRODUCTION DE L’ELECTRICITE
Le calcul des coûts de production de l’électricité, filière par filière, ne résulte pas d’une
méthodologie ou d’une formule de calcul unique. La première partie de ce rapport revient sur
ces enjeux méthodologiques (sous-partie 1.1), puis présente le chiffrage des coûts de production
des différentes filières participant au mix de production électrique actuel (sauf exceptions
mentionnées
supra
). Les sous-parties 1.2 et 1.3 s’attachent à rendre compte des meilleures
estimations disponibles des coûts de ces moyens de production, pour les unités en
fonctionnement (parc nucléaire) ou faisant l’objet de mise en service.
Indépendamment de la méthodologie de calcul, les estimations de coûts de production
sont également très sensibles aux hypothèses utilisées (cf.
infra
). Les données présentées ci-
dessous reprennent celles retenues par leurs producteurs respectifs. Pour un même producteur
de données (l’ADEME par exemple), les hypothèses peuvent varier selon les filières pour des
raisons techniques (durée de vie des installations), ou pour des raisons d’appréciation des
conditions de financement et/ou de rentabilité espérée des différents investissements. Le rapport
met en exergue les difficultés de comparaison des coûts que ces choix méthodologiques ou ces
hypothèses retenues pourraient poser.
1.1
Des dépenses prises en compte et une méthode de calcul, variables
selon l’objectif poursuivi
1.1.1
La diversité des notions de coût de production selon le périmètre des dépenses
Le coût de production résulte de l’ensemble des dépenses engagées pour la construction,
l’exploitation et le démantèlement d’une installation de production, comme rappelé dans
l’encadré ci-dessous.
Les différentes dépenses prises en compte dans l’estimation du coût de production
Le coût de production d’un moyen de production d’électricité résulte de l’ensemble des dépenses engagées pour
la construction de l’installation, son exploitation et son démantèlement ; elles incluent :
-
Les dépenses d’investissement (CAPEX)
6
consenties pour la construction, puis pour la maintenance,
le développement ou la prolongation de la durée de fonctionnement. Ces dépenses déterminent la capacité
de production de l’installation, c’est-à-dire sa puissance électrique maximale ainsi que sa durée de vie. Leur
montant, rapporté à la capacité (exprimé par exemple en €/MW) et à la durée de vie (exprimé alors en
€/MW/an) peut caractériser une technologie de production donnée, et sa maturité technique
7
.
-
Les dépenses fixes d’exploitation supportées chaque année (OPEX_Fn). Elles regroupent notamment
les dépenses de personnels, les achats, les impôts et taxes qui sont nécessairement supportés par le
6
Celles-ci apparaissent d’abord comptablement dans les « immobilisations en cours », puis dans les
« immobilisations », lorsque l’installation est mise en service.
7
Elles peuvent aussi, s’agissant des dépenses de maintenance, avoir une influence sur le taux de
disponibilité maximum du moyen de production dans l’année.
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
16
producteur afin de maintenir un moyen de production disponible, indépendamment du volume effectif de
production et du facteur de charge annuel
8
. Leur montant annuel, rapporté à la capacité de production
(exprimé par exemple en €/MW/an) peut aussi caractériser une technologie de production donnée, en termes
de filière et de progrès technique, et notamment son intensité en besoin de main d’œuvre.
-
Les dépenses variables d’exploitation de l’année n (OPEX_Vn). Ces dépenses sont pour l’essentiel
proportionnelles au volume de production effectif
9
et constituées d’achat ou de consommation de
combustible. Leur montant annuel, rapporté à la production réalisée (exprimé par exemple en €/MWh) peut
aussi caractériser une technologie de production donnée, dans une conjoncture donnée (s’agissant du prix
du combustible).
-
Les charges de long terme (CLT) qui sont des dépenses intervenant à l’issue de la durée de vie du
moyen de production. Elles résultent de dépenses inéluctablement supportées au-delà de la période de
production en vertu principalement d’obligations de démantèlement, de gestion des déchets (cas de l’aval du
cycle du combustible nucléaire) ou d’obligations sociales. Leur niveau est notamment déterminé par la nature
des obligations, le dimensionnement de l’actif de production et le volume cumulé de production durant la
période de fonctionnement.
Ces différentes dépenses interviennent à des moments différents du cycle de vie d’un moyen de production,
comme illustré ci-après sur un exemple fictif, qui fait également figurer les recettes d’exploitation dans ce cycle de vie.
Graphique n° 1 :
Illustration de la répartition temporelle des coûts et recettes d’un projet
Source : Cour des comptes
Note de lecture : pour un moyen de production entrant en service à T0, grâce à des investissements consentis entre T-3 et T-1, en
produisant jusqu’en T12 grâce à des investissements de maintenance et moyennant des charges annuelles d’exploitation fixes et
variables, et induisant des charges de post-exploitation entre T13 et T17.
Le producteur supporte également des coûts financiers et d’opportunité (cf. annexe n°3).
Selon l’objectif poursuivi, sont utilisées différentes notions de coûts de production, qui
prennent en compte tout ou partie des dépenses mentionnées précédemment pour les rapporter
à différents volumes de production :
1.
Le coût marginal de court terme quantifie le coût supplémentaire engendré par
le production d’un volume supplémentaire d’énergie, sans accroissement de la
capacité existante.
2.
Le coût marginal de développement, ou coût marginal de long terme, quantifie
le coût supplémentaire engendré par la mise à disposition d’un volume
supplémentaire de capacité.
8
Le facteur de charge annuel est calculé comme le rapport entre la production annuelle effective et la
production théorique qui résulterait d’un fonctionnement à la puissance maximale tout au long de l’année.
9
La production effective peut également engendrer des coûts de démarrage ou d’arrêt de production qui
ne sont alors pas strictement proportionnels aux volumes produits.
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
17
3.
Le coût complet de production quantifie le coût de production sur l’ensemble du
cycle de vie du moyen de production.
La présentation détaillée de ces différentes notions de coûts de production figure à
l’annexe n°3.
En sus du périmètre variable des dépenses retenues pour déterminer le coût de
production, plusieurs méthodologies de calcul sont utilisées pour calculer ces différents coûts.
Le débat sur les méthodologies de calcul des coûts de production électrique n’est pas
nouveau : les rapports de la Cour des comptes de 2012 et 2014 sur les coûts de la production
électronucléaire ont déjà présenté plusieurs méthodologies de calcul possibles. Les différences
de résultats produits par ces approches différentes expliquent notamment que le décret devant
fixer la méthode de calcul du coût de production de l’électricité nucléaire pour actualiser le prix
de l’accès régulé au nucléaire historique (ARENH) n’ait jamais été pris
.
Le désaccord entre les
différentes parties prenantes (État, CRE, Autorité de la concurrence, Commission Européenne)
sur les modalités de calcul du coût de production que le prix de l’ARENH devait refléter, afin
de garantir une rémunération raisonnable à EDF, n’a pas pu être surmonté.
C’est pourquoi la Cour a estimé nécessaire de faire figurer dans son rapport certaines
considérations méthodologiques.
1.1.2
Des coûts de production variables selon la méthode de calcul retenue
Le premier choix méthodologique à opérer consiste à rattacher des dépenses réalisées
avant le début de la production, à certains moments du cycle de production, ou après l’arrêt de
l’installation, à des volumes pluriannuels de production d’électricité. Pour chiffrer les coûts de
production par unité de volume produite, il convient alors d’annualiser ces coûts pluriannuels
afin de les attribuer à une production identifiée dans le temps.
Pour traiter cette question, on distingue principalement les méthodes d’inspiration
ditecomptable et les méthodes d’inspiration dite économique qui se déclinent sous de multiples
variantes.
1.1.2.1
Les méthodes comptables
Celles-ci reposent sur l’annualisation des coûts opérée par les règles comptables
relatives aux investissements et aux provisions. Dans ce cadre, les coûts de production
marginaux ou complets sont rapportés au volume de production de l’exercice comptable et
calculables pour chaque année.
La prise en compte des investissements passés s’opère à travers l’amortissement
comptable de l’actif productif et les charges financières des emprunts associés.
Néanmoins, les charges financières ne peuvent pas rendre correctement compte des
coûts financiers et d’opportunités si l’investissement a été financé en partie sur fonds propres
et/ou si aucun adossement ne peut être identifié entre emprunts et investissement. Par
convention, il est alors possible de prendre en compte les coûts financiers et d’opportunité par
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
18
application d’un coût moyen pondéré du capital (CMPC)
10
à la valeur nette comptable (VNC)
de l’actif de production et aux immobilisations en cours (IEC)
11
constatées au bilan d’ouverture
de l’exercice
12
, ce qui revient à introduire un
élément économique dans une méthode
d’inspiration comptable.
Par convention, il est également possible de prendre en compte le coût de portage
financier des stocks, en appliquant à la valeur de ceux-ci (ou au besoin de fonds de roulement)
un taux d’intérêt dont la valeur peut différer ou non du CPMC.
Les charges futures postérieures à l’exploitation donnant lieu à provisionnement dans
les comptes peuvent alors être prises en compte à travers les divers enregistrements comptables
dont elles font l’objet (cf. annexe 4).
C’est une méthode d’inspiration comptable que la CRE a utilisée dans le cadre de
l’établissement des tarifs réglementés de vente, entre 2007 et 2014.
1.1.2.2
Les méthodes économiques
Celles-ci reposent sur la sommation actualisée des coûts, selon le principe de calcul du
coût moyen actualisé de l’énergie, le LCOE (
levelized costs of energy
) ou coût actualisé de
l’énergie.
Dans sa version la plus systématique, le LCOE consiste, sur le cycle de vie du mode de
production, à diviser la somme actualisée de toutes les dépenses (investissements, charges fixes
et variables d’exploitation, charges de long terme) par la somme actualisée des productions
annuelles. Le résultat par MWh, correspond à la rémunération unitaire, qui permettra aux
recettes de production de couvrir la totalité des coûts à décaisser, charges postérieures à
l’exploitation comprises. Cette méthode suppose donc de formuler des hypothèses sur les
niveaux futurs de production.
Le taux d’actualisation retenu est en général le CMPC. Néanmoins, ce taux peut être
réservé au calcul du LCOE hors charges de long terme : ce LCOE partiel représente la recette
unitaire nécessaire à couvrir notamment les investissements préalables à la production, qui
engendrent des coûts d’emprunt ou d’opportunité ; il augmente avec le niveau du taux
d’actualisation utilisé.
S’agissant des charges de long terme, un LCOE complémentaire peut être calculé en
utilisant un taux d’actualisation différent du CMPC, traduisant des espérances de rendement
d’actifs suffisamment liquides et moins risqués : ce LCOE représente le surcroît de recette
unitaire augmenté des produits financiers de son placement, nécessaire à couvrir, le moment
venu les charges futures ; il diminue avec le niveau du taux d’actualisation utilisé. Dans le cas
spécifique du nucléaire, les charges futures peuvent être prises en compte de façon alternative
10
Le CMPC est la moyenne pondérée des taux de rendement attendu des capitaux propres et des taux des
emprunts qui constituent les capitaux employés.
11
L’intégration des IEC permet de prendre en compte les coûts financiers et d’opportunité supportés avant
la mise en service.
12
Dans ce cas, il convient de corriger la VNC et les montants d’IEC des coûts d’emprunts qui y auraient
été incorporés, pour éviter un double compte.
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
19
à travers la chronique des abondements conduisant à la constitution d’actifs dédiés ; incorporés
au calcul général du LCOE utilisant le CMPC, ces abondements tiennent cependant
compte du
taux plus faible utilisé pour établir les provisions pour charges futures
13
.
Dans cette version systématique, le LCOE représente un coût moyen valable sur
l’ensemble de la période de production. Il correspond à un scénario de cycle de vie complet de
l’actif de production.
Cependant et fréquemment en pratique, seules les dépenses d’investissements font
l’objet d’un tel calcul, alors dénommé coût courant économique (CCE) de l’investissement. En
outre, il est généralement procédé au calcul d’un loyer économique pour ces dépenses, qui
représente pour chaque investissement l’annuité constante d’un remboursement en intérêt et
capital sur la durée de vie de l’actif de production
14
. Ce loyer économique peut être exprimé en
€/MW/an s’il est rapporté à la seule puissance installée, ou en €/MWh s’il est rapporté à la
production de l’année considérée
15
.
Dans le cas où seul l’investissement initial fait l’objet d’un calcul de coût courant
économique, les charges d’exploitation fixes et variables, voire les investissements annuels
nouveaux (de maintenance, de renouvellement d’équipements, etc.), peuvent être ajoutés à ce
CCE, pour reconstituer un coût complet, ce qui revient à introduire un élément comptable dans
une méthode d’inspiration économique. C’est une méthode de ce type qui a été adoptée par la
Cour dans ses publications précédentes relatives au coût de l’électricité d’origine nucléaire
(2012 puis 2014). Dans ces rapports, les charges (et certains investissements) ont été
comptabilisés à leur montant de l’année et rapportés à la production annuelle correspondante.
Les charges futures de long terme ont été traitées sur la base des enregistrements comptables
afférents (dotations aux provisions / amortissement de l’actif de contrepartie cf. partie 1.2), ce
qui laisse place à plusieurs options. Selon cette méthodologie, le coût courant économique
atteindra une valeur différente chaque année
16
, en fonction du niveau de production annuel.
La notion de coût actualisé de l’énergie (LCOE) est largement utilisée dans le monde
de l’énergie pour calculer le coût de production d’un moyen ou d’une filière donnés. La plupart
des comparaisons de coûts entre les différentes filières de production d’électricité sont réalisées
à partir des LCOE. Moyennant certaines précautions
17
, c’est l’outil qui doit être retenu lorsque
des projets différents sont comparés et qu’une décision d’investissement est proposée.
L’Agence internationale de l’énergie ou encore l’Agence internationale des énergies
renouvelables utilisent ainsi fréquemment la notion de LCOE
18
.
13
Le montant des actifs dédiés au financement de ces charges futures doit en effet être ajusté chaque
année pour correspondre au montant des provisions.
14
Cette méthode du loyer économique n’est formellement équivalente à la méthode du LCOE que sous
l’hypothèse que la production annuelle est elle-même constante tout au long de la durée de vie de l’actif de
production.
15
Ce qui introduit alors un biais par rapport à l’hypothèse de production annuelle constante : un faible
niveau ponctuel de production surestimera le coût associé aux investissements passés.
16
Indépendamment du choix de calcul du loyer économique, en monnaie courante ou constante.
17
S’agissant par exemple des facteurs de charge (cf.
infra
)
18
International Energy Agency and Nuclear Energy Agency, Projected costs of generating electricity,
2015 et 2020; International renewable energy agency, Renewable Power generation costs in 2020, 2021
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
20
1.1.2.3
Des méthodes hybrides
Des méthodes mêlant logiques comptables et économiques, y compris pour la prise en
compte des investissements passés, peuvent être utilisées afin de tenir compte de la réalité des
amortissements opérés ou du désendettement net obtenu. Ainsi la méthode préconisée par le
rapport Champsaur « 2 »
19
ou détaillée dans le projet de décret relatif à l’accès régulé au
nucléaire historique (ARENH)
20
, rapportant la production à venir sur la durée de vie résiduelle
d’un moyen de production, applique la méthode du loyer économique non pas à la chronique
des investissements passés, mais à la dernière valeur nette comptable constatée (cf. 1.3
infra
).
Cette méthode rend compte, à une date donnée, du besoin de rémunération des
investissements non encore amortis, sans revenir sur la rémunération passée des
investissements déjà amortis (que l’ensemble des coûts ait été effectivement couvert par les
recettes passées ou non). Les résultats divergent alors d’un coût courant économique dès lors
que les amortissements comptables, ou le désendettement, ont été pratiqués par le passé à un
rythme différent de celui sous-jacent à l’annuité constante du loyer économique. Des
amortissements et un désendettement plus importants et précoces conduisent ainsi, par exemple,
à un coût, pour le futur, inférieur au loyer économique du CCE.
1.1.3
Une méthodologie à choisir en fonction de l’objectif du calcul
Les liens entre le choix d’une méthode de calcul de coûts de production et l’objectif
opérationnel poursuivi, tels qu’ils ont été principalement envisagés en France dans le secteur
de l’électricité, sont résumés dans le schéma ci-dessous.
Schéma n° 2 :
Représentation des principaux usages des différentes notions de coûts et de leur
méthodologie de calcul
Source : Cour des comptes
19
Rapport Champsaur 2, publié par Enerpresse le 30 juin 2011 (n°10 356)
20
Le dispositif de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH) a été instauré par la loi
n°2010-1488 du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité (dite loi « NOME »).
Ce dispositif permet aux fournisseurs alternatifs, depuis le 1er juillet 2011 et jusqu’au 31 décembre 2025,
d’acquérir, à un tarif réglementé, de l’électricité produite par les centrales nucléaires historiques d’EDF situées sur
le territoire national et mises en service avant le 8 décembre 2010.
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
21
Le choix d’une méthodologie ou d’une autre n’est pas anodin, en particulier parce que
le profil temporel de répartition des coûts s’en trouve modifié. Les amortissements comptables,
pour l’essentiel linéaires, voire dégressifs, conduisent ainsi à un amortissement cumulé plus
précoce que celui sous-jacent au calcul du coût économique. Ce point est illustré par les
graphiques ci-dessous, représentant le remboursement d’un emprunt avec amortissement
constant
équivalent d’une méthode comptable auquel on ajouterait les amortissements et les
frais financiers
et avec remboursement constant équivalent d’une méthode économique
reposant sur le calcul d’un loyer économique. La somme actualisée des flux calculés selon les
deux méthodes est en revanche identique.
Graphique n° 2 :
Comparaison des profils de remboursement d’un emprunt avec amortissement ou
remboursement constant
Source : Cour des comptes
Dans le cadre de régulations successives, il convient de s’assurer que les choix
méthodologiques opérés pour le calcul des coûts permettent la couverture des coûts complets
de l’opérateur sur l’ensemble de la période sous régulation.
1.2
Les enjeux méthodologiques autour des coûts de l’électricité produite
par le parc nucléaire dit historique
Les coûts du « nucléaire historique », c’est-à-dire les coûts du parc nucléaire
actuellement en fonctionnement (58 réacteurs jusqu’en 2019, 56 depuis 2020, non compris
l’EPR de Flamanville), ont déjà fait l’objet de rapports publics de la Cour (cf. rapports
21
de
2012 et 2014). La SFEN, qui a produit une étude sur le sujet
22
a considéré que «
les coûts du
nucléaire apparaissent parfois mal connus. Pourtant, depuis de nombreuses années, un effort
considérable a été déployé pour les expliciter. Les sources sont nombreuses, fournies par des
rapports publics […] et par les entreprises comme EDF […]
».
21
Cour des comptes,
Les coûts de la filière électronucléaire
, 2012 ;
Le coût de production de l’électricité
nucléaire
, actualisation 2014, précités.
22
Société Française d’Énergie Nucléaire,
Les coûts de production du parc nucléaire français
, septembre
2017
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
22
Cependant, la méthodologie d’établissement de ces coûts n’est toujours pas
consensuelle et aucun organisme ne publie régulièrement de données à ce sujet.
La prise en compte des charges de long terme dans le coût de production ne faisait pas
partie des éléments les plus discutés jusqu’à présent. Pourtant, elle conduit à d’importants écarts
selon que l’on considère que leur impact sur le coût de production doit être net du rendement
théorique des sommes provisionnées
23
, ou non. De plus, les traitements à appliquer varient selon
le provisionnement effectif ou non de ces charges. Or, le périmètre des charges à provisionner
n’apparaît pas totalement stabilisé, comme la Cour l’avait signalé dans son rapport sur l’arrêt
et démantèlement des installations nucléaires
24
. Enfin, ces questions ne font pas l’objet d’une
documentation publique : il n’existe pas de rapport public sur ce sujet et son impact sur les
coûts de production.
1.2.1
Des coûts de production de l’électricité très différents selon la méthode de
calcul retenue
L’annexe n°4 présente le détail, pour l’année 2019, des calculs de coûts de production
du nucléaire historique selon quatre méthodologies : la méthodologie économique, la
méthodologie dite « Cour » (celle qui fut utilisée par la Cour dans ses rapports de 2012 et 2014),
la méthode comptable et enfin la méthode dite « hybride » (qui se rapproche de celle utilisée
par la commission Champsaur, hormis pour la prise en compte des charges de long terme).
Le tableau suivant présente les résultats de ces calculs pour l’année 2019. Il rapporte
également ces coûts au volume de production de 2019 pour en restituer les valeurs en
€
2019
/MWh.
23
Ce que sous-tend le calcul d’un LCOE sur le cycle de vie d’un réacteur, pour lequel les recettes de
production n’ont pas d’autre destination que de couvrir les coûts complets de production.
24
Cour des comptes,
L’arrêt et le démantèlement des installations nucléaires
, rapport remis au Sénat,
février
2020 ;
installations-nucleaires-2_0.pdf
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
23
Tableau n° 1 :
Estimation des coûts complets de production nucléaire 2019 selon différentes
méthodes
2019
Méthode
comptable
Méthode Cour
2012-2014
Méthode
économique
Méthode
hybride
Investissements passés
5 739 *
8 131 **
8 131 **
3 853 **
Investissements de l’année
-
4 318 *
4 318 *
4 318 *
Charges futures provisionnées
1 503 *
2 327 *
1 079 *
755 *
Dépenses d’exploitation
(1)
9 367 *
9 821
*
9 367
*
9 367 *
Total
(M€2019)
hors
post-
exploitation
16 609
24 597
22 895
18 293
Coût rapporté à la production 2019
(€2019/MWh)
43,8
64,8
60,3
48,2
Total
(M€2019)
y.c.
post-
exploitation
Non pris en
compte compte-
tenu de
l’absence de
provision
comptable
correspondante
***
25 973
23 085
19 246
Coût rapporté à la production 2019
(€2019/MWh)
68,4
60,8
50,7
*
Montants à établir chaque année
**
Montants à indexer chaque année sur l’inflation
*** Si une provision comptable était constituée en 2019 sur ce post de charges, le coût selon la méthode
comptable serait de 17 985 M€.
(1)
Rattrapage de la réforme des retraites de 2004 (y.c. reprises de provisions pour la seule méthode « Cour »)
et rémunération du BFR inclues
Source : Cour des comptes
Pour calculer le coût de production par MWh, les coûts doivent être rapportés à des
volumes de production annuelle. Or, si les coûts issus des méthodes comptables, ou s’y référant,
peuvent être rapportés à la production de l’année, les éléments de coûts tirés de méthodes dites
économiques devraient plutôt être rapportés à des volumes reflétant l’historique de production.
Le coût associé aux investissements passés selon la méthode économique relève d’un
calcul qui prend pour hypothèse une production constante sur la durée de vie des réacteurs alors
que celle-ci varie significativement d’une année sur l’autre, même à puissance constante du
parc installé (ce qui fut le cas de 2003 à 2019). Il serait donc plus cohérent de rapporter le coût
de production calculé selon la méthode « économique » à une production annuelle calculée
correspondant à la puissance installée en 2019 et à la moyenne historique et prévisionnelle des
taux d’utilisation du parc sur toute sa durée de vie, plutôt qu’à la production effective de
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
24
l’année
25
. Cette correction réduirait de 1,1 €/MWh le coût de production unitaire calculé dans
les méthodes économique et dans la « métode Cour » pour l’année 2019.
Le graphique suivant présente les coûts établis selon les différentes méthodes pour les
années 2011 à 2020
26
, hors charges de post-exploitation. Chaque année fait l’objet d’un calcul
distinct. Dans les calculs reposant sur les méthodologies « approche économique », « approche
Cour 2012 », « approche hybride » et « approche comptable », les durées de vie des centrales
prises en compte reflètent les décisions de prolongation existantes à l’année de calcul. Ainsi les
calculs de coûts antérieurs à 2016 reposent sur l’hypothèse que la durée de vie de toutes les
centrales est fixée à 40 ans, les calculs pour les années 2016 et suivantes intègrent la décision
de prolongation des réacteurs de 900 MW à 50 ans. Pour mémoire, le scenario industriel d’EDF
repose aujourd’hui sur un fonctionnement de toutes les centrales
a minima
jusqu’à 50 ans (hors
décision d’arrêt anticipé pour des motifs réglementaires)
27
.
Dans l’approche dite comptable, cette donnée est indissociable de la méthodologie de
calcul. Dans les autres approches, le calcul implique une forme de rupture de série puisque les
durées d’amortissement économique des investissements ne sont pas les mêmes. Plus
particulièrement, le calcul réalisé dans le cas de l’approche hybride est sensible à l’écart entre
l’année de calcul et le barycentre des dates d’arrêt des différentes centrales. C’est pour résoudre
cette difficulté que « l’approche hybride 2012 » a été proposée : le loyer économique reflétant
le coût des investissements passés est déterminé pour l’année 2011 ; il est fixe en euros
constants pour toute la période (jusqu’à la date moyenne de fin de vie des centrales). Ce mode
de calcul permet de refléter l’esprit de la méthodologie d’établissement des coûts proposée par
la commission Champsaur
28
. Du fait de la continuité de calcul qu’elle suppose, cette méthode
est utilisable dans une optique de régulation.
Les taux nominaux de CMPC utilisés ont été mis en cohérence avec les informations
utilisées par la Cour dans ses précédents rapports.
25
La production 2019 s’établit à 379,5 TWh, contre une moyenne calculée d’environ 400 TWh sur la
base des taux d’utilisation passé et prévisionnels.
26
L’année 2020 n’a pas été retenue comme référence pour les différentes méthodes de calcul, car elle
présente des singularités du fait de la crise sanitaire (moindre production notamment).
27
Cf. Cour des comptes,
L’arrêt et le démantèlement des installations nucléaires
, communication à la
commission des finances du Sénat, 2020.
28
Cette méthodologie diffère néanmoins de celle retenue par la commission Champsaur dans le traitement
des charges de long terme retenu.
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
25
Graphique n° 3 :
Coût du nucléaire établi selon différentes méthodologies pour les années 2011 à
2020, en € de l’année considérée
Source : Cour des comptes à partir des données sources fournies par EDF
29
La comparaison des résultats entre les différentes méthodes fait apparaître que les coûts
obtenus avec la méthode comptable ou avec la méthode hybride oscillent depuis 2013 autour
du niveau de fixé pour l’ARENH qui est égal à 42 €/MWh. En revanche, les méthodes
économiques (« pure » ou « Cour 2012 »), aboutissent à des résultats substantiellement plus
élevés, principalement imputables à la méthode de prise en compte des investissements passés.
L’Autorité de la concurrence, dans son avis
30
de 2014 sur le tarif de l’ARENH, indiquait que :
«
Il n’est donc pas souhaitable que la méthode de calcul du prix de l’ARENH s’écarte de
manière excessive ou injustifiée des principes comptables, rendant plus difficile le contrôle du
niveau tarifaire
». La Cour a par ailleurs indiqué, dans son rapport de 2012
31
, que la méthode
économique «
se place dans une situation « théorique », c’est-à-dire en faisant abstraction du
fait que le parc a déjà 25 ans en moyenne, et qu’il a donc fait l’objet de financements divers,
notamment à travers le tarif de l’électricité
».
Ni la CRE ni l’administration n’ont considéré que la méthode de calcul des coûts de
production dite « économique » était adaptée à la détermination d’un mécanisme de régulation
des prix de l’électricité. Cette approche n’a pas davantage été envisagée pour définir les règles
29
Sur certaines années, le calcul en méthode comptable n’intègre pas de déduction des coûts d’emprunt
incorporés à la VNC ou aux IEC, en l’absence de données. Ce biais surestime des coûts comptables pour des
montants n’excédant pas 0,2 €/MWh.
30
Autorité de la concurrence, avis n°14-A-16 du 20 octobre 2014.
31
Cour des comptes, Les coûts de la filière électronucléaire, Rapport public thématique, 2012, p.337.
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
26
de la nouvelle régulation du nucléaire (cf.
infra
). Seules les méthodes comptables et hybrides
font partie des méthodologies aujourd’hui envisagées par la CRE et la Commission européenne
pour l’établissement d’une telle régulation.
1.2.2
Les enjeux spécifiques à une nouvelle régulation
Le calcul des coûts de production en vue d’établir un tarif régulé pose des questions
méthodologiques importantes. Celles-ci devraient faire l’objet d’une vigilance particulière dans
le cadre d’une réflexion sur une nouvelle régulation du nucléaire
32
.
La première de ces questions porte sur l’appréciation du niveau du CMPC à prendre en
compte, les résultats étant sensibles à ce paramètre (à titre d’exemple, une augmentation de
10% du taux nominal retenu engendre une augmentation
de l’ordre de 2 à 3% du coût par MWh
calculé selon la méthode comptable).
D’autres questions méthodologiques particulièrement sensibles sont mentionnées ci-
dessous.
1.2.2.1
La prise en compte des coûts passés dans l’articulation de périodes successives de
régulation
1.2.2.1.1
La valeur nette comptable des immobilisations
Afin de fixer le niveau du tarif de l’ARENH pour la période 2011-2025, le principe
retenu consistait à établir la rémunération de la production future d’électricité couvrant un
certain périmètre de coûts de production. L’article L. 337-14 de code de l’environnement
dispose que le tarif de l’ARENH «
est représentatif des conditions économiques équivalentes à
celles résultant pour EDF de l’utilisation de ses centrales nucléaires
».
Pour la Commission Champsaur, comme pour les rédacteurs du projet de décret
ARENH en 2014
33
, les coûts passés devaient être soldés par la prise en compte de la valeur
nette comptable du parc de production constatée en entrée de période de régulation : une
méthode hybride a été retenue
34
.
La pertinence de cette méthode hybride repose sur l’hypothèse que les amortissements
comptables opérés par le passé reflètent la réalité du désendettement et du désengagement des
capitaux propres permis par les recettes de production des années passées. Ainsi, la commission
32
Le gouvernement a fait connaître son intention d’étudier une « nouvelle régulation du nucléaire »
existant (incluant l’EPR de Flamanville), lors de la publication d’une consultation sur le sujet, en janvier 2020 :
190801_consultation régulation éco nucléaire.pdf (ecologie.gouv.fr)
33
Ce projet de décret devait définir la méthodologie d’établissement des coûts du nucléaire, afin de
pouvoir actualiser le niveau de l’ARENH régulièrement. Comme indiqué
supra
, il n’a jamais été adopté
34
Cette méthode peut conduire à considérer un coût de production moyen éventuellement différent sur la
période de production déjà écoulée et sur la période de production actuelle et à venir. Dans la mesure où la méthode
comptable conduit à un amortissement plus précoce que celui sous-jacent au calcul du coût économique (cf. supra),
la méthode hybride conduit dès lors à calculer, pour le présent et l’avenir, un coût de production plus faible,
contrepartie d’un coût plus élevé affecté à la production passée.
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
27
Champsaur a considéré que «
compte tenu du mode de construction des tarifs réglementés
appliqué par EDF par le passé, la valeur nette comptable, i.e. l’investissement non encore
amorti, du parc nucléaire […] correspond au capital qui n’a pas encore été remboursé
».
Ce point a été contesté par EDF lors de la préparation du projet de décret ARENH. EDF
considérait que les niveaux de rémunération du capital observés par le passé ne permettaient
pas que la valeur nette comptable (VNC) reflète une « juste valeur » des actifs concernés. Mais
en l’absence d’un bilan des périodes de régulation passées, il n’est toutefois pas possible
d’émettre une opinion sur cette position.
La position initiale d’EDF, préférant l’application d’un loyer économique recalculé sur
l’ensemble du cycle de vie du parc, visait à intégrer au tarif de l’ARENH une composante
nettement plus élevée au titre des investissements passés (soit au moins 21 €/MWh, dont 1 € au
titre des charges futures de démantèlement) que celle qui résultait de la méthode proposée par
la Commission Champsaur.
Dans la méthodologie retenue par cette dernière et par le projet de décret ARENH, les
coûts à couvrir à ce titre correspondaient à l’amortissement complet de la VNC du parc à
l’horizon 2025 et à sa rémunération au taux du CMPC, soit une composante de 6 €/MWh au
sein de l’ARENH (y compris 2 € au titre des provisions pour charges de long terme). Ce rythme
d’amortissement fictif, plus rapide que l’amortissement comptable attendu, a été critiqué par
l’Autorité de la concurrence
35
, qui y voyait le risque d’un « double paiement » par les
consommateurs, si une tarification fixée à nouveau sur la base de la valeur comptable succédait
l’ARENH. L’amortissement accéléré était justifié, pour la Commission Champsaur, par
l’objectif de restauration, au terme de la régulation, des capacités de financement d’EDF en vue
d’un renouvellement du parc nucléaire.
La mise en place d’une nouvelle régulation, si elle intervenait par exemple à compter de
2022, poserait à nouveau la question du traitement du passé jusqu’en 2021. La prise en compte
automatique de la VNC constatée fin 2021 reviendrait à ignorer les objectifs de la régulation
précédente, en particulier celui d’une restauration de la situation nette de l’entreprise plus rapide
que l’amortissement comptable. Dans ce cadre, il serait préférable de déterminer un nouveau
tarif qui soit fondé sur une analyse des effets réels de la régulation actuelle sur la situation
financière de l’entreprise.
1.2.2.1.2
La question des « rattrapages retraites »
L’établissement des coûts du parc nucléaire historique soulève également la question de
la prise en compte d’opérations passées telles que le « rattrapage retraites ». Les traitements
possibles de ces opérations sont détaillés dans l’annexe n°4.
EDF considère que la prise en compte de soultes et provisions des « rattrapages
retraite », dans le cadre d’une nouvelle régulation du nucléaire, est justifiée par le fait que le
versement de soultes au fonds de réserve pour les retraites au moment de la réforme de 2004,
ainsi que la constitution de provisions pour couvrir ses engagements de retraite et d’autres
avantages – rendue obligatoire par les normes IFRS - ont été financés par prélèvement sur ses
35
Avis n° 14-A-16 du 20 octobre 2014 concernant un projet de décret portant modification du décret
n°2011-466 du 28 avril 2011 fixant les modalités d’accès régulé à l’électricité nucléaire historique ;
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
28
fonds propres, sans être accompagnés par un mécanisme suffisant de remboursement et de
rémunération des fonds ainsi mobilisés. La pertinence de cette prise en compte pourrait être
appréciée au regard des opérations de recapitalisation d’EDF intervenues depuis.
1.2.2.2
La prise en compte de l’EPR de Flamanville
La proposition de « nouvelle régulation du nucléaire », qui a fait l’objet d’une
consultation publique et d’échanges entre les autorités françaises et la Commission européenne,
repose sur l’intégration de l’EPR de Flamanville 3 dans la base des actifs de production d’EDF
devant être rémunérée. Elle porte par ailleurs sur toute la durée de fonctionnement à venir de
ce parc (et non plus sur une période déterminée, comme c’est le cas pour l’ARENH).
La Cour, dans son récent rapport sur la filière EPR, a présenté une estimation du coût
de production prévisionnel de l’électricité fournie par Flamanville 3
36
. Elle le situait dans une
fourchette comprise entre 110 et 120 €
2015
/MWh selon le facteur de charge retenu, mais en
prenant en compte un taux d’actualisation plus faible que celui retenu pour les calculs
susmentionnés concernant le nucléaire dit historique.
Toutefois, dans une optique de régulation, les coûts de Flamanville 3 pourraient être
retraités pour tenir compte des surcoûts spécifiques à ce projet et n’ayant pas forcément
vocation à être rémunérés.
1.2.2.3
La transparence des coûts nécessaire à la mise en œuvre de la régulation
Au
vu des articles L.336-10, 337-14 et 337-15 du code de l’énergie, les conditions dans
lesquelles la CRE propose les conditions d’achat de l’électricité cédée par EDF dans le cadre
de l’ARENH doivent être définies par un décret en Conseil d’État ; ces conditions comprennent
les méthodes d’identification et de comptabilisation des coûts dont le tarif de l’ARENH doit
tenir compte. L’absence d’une méthodologie consensuelle de calcul des coûts de production de
l’électricité nucléaire à des fins de régulation a été à l’origine des difficultés rencontrées dans
la mise en œuvre de l’ARENH (cf.
supra
). Sans accord avec la Commission européenne sur
cette méthodologie, le prix de l’ARENH ne peut évoluer
37
.
Le projet de nouvelle régulation du nucléaire, tel qu’il est envisagé par la DGEC
38
,
repose sur l’établissement d’un « juste » prix du nucléaire existant, qui permettrait à la fois de
faire bénéficier les consommateurs du caractère compétitif de la production nucléaire, tout en
assurant la couverture des coûts complets du parc, indispensable à la sécurisation de son
36
37
L’article 2 de la décision C 17/2007 du 12 juin 2012 de la Commission européenne stipule en effet que
«
le prix de l’accès régulé au nucléaire historique est réexamnié chaque année et reflète les conditions
économiques de production d’électricité sur la durée du dispositif. Le niveau de prix de l’accès régulé à l’énergie
nucléaire historique ne peut excéder 42 €/MWh et n’évolue pas tant qu’une mesure fixant la métode de calcul pour
l’établir n’est pas entrée en vigueur. Cette mesure sera soumise à la Commission à l’état de projet en vue de son
approbation préalable
. »
38
Nouvelle régulation économique du nucléaire existant, document de consultation,
190801_consultation
régulation éco nucléaire.pdf (ecologie.gouv.fr)
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
29
exploitation. Si elle était mise en œuvre selon les modalités envisagées par le Gouvernement,
la nouvelle régulation du nucléaire se distinguerait de l’ARENH sur plusieurs points : d’une
part elle couvrirait la production du parc existant jusqu’à la mise à l’arrêt de l’ensemble des
centrales qui le composent, et non uniquement une période déterminée ; d’autre part, la centrale
de Flamanville 3 constitue un cas différent de celui des centrales du parc historique, puisqu’elle
n’est toujours pas en production.
Dans tous les cas, le calcul du coût nécessaire à l’établissement de la régulation ne
pourra se faire sans qu’une méthodologie explicite, robuste et partagée entre tous les acteurs
concernés (EDF, CRE, DGEC, Commission européenne) ait été établie. Le Gouvernement a
confié à la CRE la mission
39
de développer une méthodologie pour définir les coûts du parc
électronucléaire régulé qui auraient vocation à être couverts par le projet de « nouvelle
régulation du parc nucléaire » que les autorités françaises ont défendu vis-à-vis de la
Commission européenne. Le rapport produit à cette fin par la CRE
n’a pas fait l’objet d’une
analyse approfondie par le ministère de la transition écologique et ce dernier n’a pas fait
connaître sa position sur les conclusions retenues par la CRE.
Aujourd’hui, l’absence de définition d’une méthodologie d’établissement des coûts
permettant la mise en œuvre de l’ARENH telle qu’il avait été prévue à l’origine, c’est-à-dire
avec des révisions annuelles du tarif, nuit à la qualité de la régulation qu’emportait ce
mécanisme. S’ajoute à cette difficulté l’issue incertaine des négociations sur la « nouvelle
régulation du nucléaire » qui est couplée à la mise en œuvre d’une réforme d’ampleur de
l’organisation du groupe EDF. Cette situation a pour conséquence une absence de prévisibilité
pour les acteurs concernés qui limite leur capacité à établir des projections économiques sur
leur activité.
Ainsi, afin de ne pas reproduire les difficultés rencontrées sur la mise en œuvre de
l’ARENH, il importera le moment venu de définir et de publier la méthodologie de calcul des
coûts de production et les règles à appliquer à une éventuelle nouvelle régulation de la cession
de l’électricité produite par le parc nucléaire.
Recommandation n°1 : (DGEC, CRE, 2022) Définir et publier une méthodologie
d’établissement des coûts dans la perspective d’une nouvelle régulation du
nucléaire.
39
Le Gouvernement a demandé à la CRE de proposer une méthodologie de calcul des coûts «
au regard
des possibles attentes de la Comission européenne s’agissant d’une méthodologie comptable standardisée et
interenationalement reconnue
».
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
30
1.3
Les coûts disponibles pour les filières autres que le nucléaire
1.3.1
Les coûts des énergies renouvelables
Le rapport de la Cour des comptes sur le développement des énergies renouvelables
publié en 2013
40
avait recommandé de «
mettre en place un dispositif centralisé du suivi
statistique permettant de donner toute la visibilité requise pour éclairer les décisions,
notamment en matière de connaissance des coûts de production par filière, des emplois et des
marchés
».
Afin de répondre à cette recommandation, l’ADEME a publié, en 2016, une étude
relative aux « coûts des énergies renouvelables en France ». Une nouvelle édition de cette étude
a été publiée en 2019, sous le titre « coût des énergies renouvelables et de récupération »
41
.
Cette édition contient une estimation du LCOE des filières suivantes : photovoltaïque, éolien,
hydroélectricité
42
. Afin de les comparer avec les filières thermiques, l’étude contient également
une estimation des coûts de production de la filière des centrales à gaz à cycle combiné
(CCGT)
43
. En revanche, les filières de cogénération biomasse, solaire thermodynamique, ainsi
que les filières hydrolienne ou de géothermie volcanique et sur roche, n’ont pas fait l’objet
d’une estimation de coûts, faute de données disponibles et d’objectifs de déploiement à grande
échelle dans le cadre de la PPE. Les zones non interconnectées (ZNI), ne sont pas concernées
par ces études, hormis pour les filières solaires, dans certaines ZNI.
Parallèlement, la CRE a publié, en avril 2014, un rapport sur les « coûts et rentabilité
des EnR en France métropolitaine », concernant les filières de l’éolien terrestre, le
photovoltaïque et la biomasse
44
. Depuis, elle a également publié, en février 2019 et janvier
2020, deux rapports sur « les coûts et rentabilité du grand photovoltaïque (PV) en métropole
continentale », ainsi que sur les « coûts et rentabilité de la petite hydroélectricité en métropole
continentale ». Ces rapports s’inscrivent dans des démarches d’audit conduites afin d’éclairer
les révisions possibles des conditions de rémunération prévues par les différents mécanismes
dit à « guichet ouvert » en vigueur pour les filières de production d’électricité bénéficiant d’un
régime de soutien (cf. article R.314-12-1) du code de l’énergie).
Ces différents rapports constituent les sources publiques principales d’estimation des
coûts des filières renouvelables en France métropolitaine. L’annexe n°5 précise les
méthdologies utilisées par les deux institutions et leurs différences, qui proviennent
principalement du recours à un taux d’actualisation réel ou nominal.
40
Cour des comptes, la politique de renouvellement des énergies renouvelables, RPT 2013 ;
41
42
L’étude fournit également une évaluation des coûts de la production de chaleur domestique et
collective, qui ne sont pas utiles dans le cadre de ce rapport.
43
Ainsi que des filières du chauffage domestique au gaz et au fioul et chaufferies gaz, qui ne nous
intéressent pas dans ce rapport.
44
CRE, Coûts et rentabilités des énergies renouvelables en France métropolitaine, Avril 2014 ;
metropolitaine
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
31
1.3.1.1
L’éolien
L’ADEME distingue deux types d’installations éoliennes : l’éolien terrestre, l’éolien en
mer posé. Les coûts estimés pour l’éolien terrestre sont recensés dans le tableau ci-dessous.
Tableau n° 2 :
Estimation des LCOE de la filière éolienne terrestre, en €2019
Éolien terrestre
Puissance (MW)
1 – 3,6
Facteur de charge (%)
25-30
Durée de fonctionnement (années)
25
Investissement initial (€
2019
/kW)
1400 – 1620
Exploitation (€
2019
/kW/an)
45-50
LCOE avec taux d’actualisation réel de 4% ( €
2019
/MWh)
50-70
Note
: Les données présentées sont issues des plans d’affaires de projets dont les dates de mise en service
s’étalent entre 2018 et 2020.
Source
: ADEME
L’ADEME ne dispose pas des données détaillées des appels d’offres concernant l’éolien
en mer. Elle s’est donc appuyée pour ses estimations sur l’évolution des tarifs d’achat constatés
pour ces appels d’offres
45
. Ceux-ci ne sont pas directement comparables aux LCOE de l’année
dans la mesure où :
-
les tarifs incluent la marge visée par les producteurs ;
-
les durées de vie des installations (prise en compte dans le cacul des LCOE) et les
durées des contrats de tarifs d’achat ou de complément de rémunération ne sont pas
identiques
46
;
-
l’appel d’offres peut dispenser le lauréat de la prise en charge des coûts de
raccordement, qu’il convient néanmoins de refléter dans le LCOE ;
45
En France, l’utilisation des tarifs d’achat des deux premiers appels d’offres pour des installations de
production d’électricité en mer d’origine éolienne est rendue difficile par le contexte particulier de ces appels
d’offres, les difficultés de mise en œuvre et les changement de doctrine des pouvoirs publics (renégociation des
contrats fondée sur l’article 58 de la loi n°2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de
confiance) qu’ont rencontrés les lauréats des appels d’offre de 2011 et 2013. Les tarifs moyens pondérés de l’appel
d’offre de 2011 et de 2013, post-renégociation, sont respectivement de 148 €/MWh et 134 €/MWh.
46
Ainsi un tarif d’achat obtenu sur une durée plus courte que la durée de vie de l’installation peut par
exemple révéler une stratégie de rentabilisation de l’investissement sur la durée du contrat (et non sur la durée de
vie de l’installation) et donc donner une image surestimée des coûts.
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
32
-
la durée de construction d’un parc est longue et les coûts reflétés dans l’offre
sélectionnée correspondent à des coûts projetés sur les prochaines années.
Ils constituent toutefois dans un certain nombre de pays
47
une bonne approximation du
coût de cette technologie. L’ADEME a ainsi relevé qu’en Allemagne, au Royaume-Uni et au
Danemark, les tarifs d’achat obtenus par les porteurs de projets se situaient autour de
170 €/MWh en 2014, 140 €/MWh en 2015 et étaient proches de 60 €/MWh en 2016-2017. Elle
souligne également que depuis 2017, dans plusieurs pays, certains lauréats d’appels d’offres
n’ont pas demandé de soutien public.
La Cour a établi les LCOE des parcs éoliens off-shore posés en cours de construction
en France (hors parc de Dunkerque).
Tableau n° 3 :
Estimation des LCOE de la filière éolienne off-shore posée, en €2020
Éolien off-shore
Puissance (MW)
450-496
Facteur de charge (%)
39 – 45 %
Durée de fonctionnement (années)
25
Investissement initial (M€
2020
/MW)
2,9 – 3,7
Raccordement (M€
2020
)
80 - 110
Exploitation (M€
2020
/MW/an) incluant les impôts et taxes
0,16 – 0,19
LCOE avec taux d’actualisation réel de 4% ( €
2020
/MWh)
98-117
Note
: Ces LCOE
48
sont calculés en supposant que tous les investissements sont réalisés en 2020 (bien que les
parcs seront mis en service entre 2022 et 2026.
Source
: Cour des comptes
Ces LCOE sont représentatifs des premiers appels d’offres, associés à la création de la
filière éolienne en mer en France, ce qui explique en partie des niveaux de coûts élevés.
L’appel d’offres de Dunkerque, attribué en 2019, a pour sa part conduit à l’octroi d’un
tarif d’achat significativement inférieur aux autres parcs, de 44 €/MWh sur 20 ans, au
groupement EDF renouvelables – Innogy – Blauracke GmbH. Toutefois les conditions
spécifiques de cet appel d’offres doivent être prises en considération : études de levée des
risques déjà fournies, mise en œuvre d’une procédure de dialogue concurrentiel (ayant abouti à
un cahier des charges offrant aux lauréats une couverture contre le risque d’évolution des coûts
47
Cf. European Commission, Study on energy prices, costs and their impact on industry and households,
2020, p.243 ;
industry-and-households_en
48
Ces LCOE ne sont pas directement comparables aux conditions de rachat de l’électricité produite car
elles comportent un tarifs d’achat, sur une période de 17 ou 18 ans, puis une vente libre sur les marchés ou un tarif
d’achat à 40€/MWh. au 1
er
janvier 2018, indexée à 1,6%/an.
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
33
de construction, une couverture relative au niveau du taux sans risque, etc.), portage du coût et
du risque de retard de raccordement par le gestionnaire du réseau de transport (cf. articles
L.342-3 et L.342-7 du code de l’énergie), obtention de « permis-enveloppe » (article L.181-28-
1 du code de l’environnement). Un projet qui ne comporterait pas les mêmes conditions de
partage des risques n’aboutirait pas au même tarif.
1.3.1.2
Le photovoltaïque
L’ADEME distingue cinq types d’installations photovoltaïques : le photovoltaïque
résidentiel raccordé (en distinguant 3 zones : Nord, Sud, Centre, ainsi que les installations
intégrées au bâti –IAB – ou en surimposé, de taille inférieure à 3 kWc et inférieure à 9 kWc),
les installations sur moyenne toiture (en distinguant les installations sur bâtiments neufs ou
anciens, ainsi que deux zones : Nord et Sud), les grandes toitures (en distinguant les installations
de moins de 500 kWc et celles de moins de 2,5 MWc, les zones Sud et Nord), les ombrières (en
distinguant les installations de moins de 500 kWc et celles de moins de 2,5 MWc, les zones Sud
et Nord), les centrales au sol (en distinguant les installations de moins de 2,5MWc, de moins
de 10 MWc, de moins de 30 MWc, ainsi que les zones Sud et Nord). Les coûts estimés pour
ces différentes catégories d’installations sont recensés dans les tableaux ci-dessous.
Les coûts, ou plages de coûts, estimés par l’ADEME pour les différents types
d’installations photovoltaïques, sont résumés sur le graphique ci-dessous. Celui-ci permet de
mettre en exergue l’influence de la taille de l’installation dans le niveau de coût.
Graphique n° 4 :
LCOE du photovoltaïque (durée de vie 25 ans, taux d’actualisation réel 1% pour le
PV résidentiel, 3% sinon)
Note de lecture
: IAB = intégré au bâti, SI = surimposé, les valeurs figurant sur l’axe des abscisses correspondent
aux puissances maximales des installations en kWc
Source : Cour des comptes, d’après données ADEME ;
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
34
La CRE a également évalué les coûts et la rentabilité du grand photovoltaïque dans
l’hexagone, dans un rapport publié en 2019
49
. Elle a toutefois adopté une méthodologie de
calcul qui ne permet pas une comparaison directe de ses résultats avec ceux produits par
l’ADEME.
De plus, la CRE et l’ADEME n’ont pas retenu des facteurs de charge identiques, ni les
mêmes durée de vie et taux d’actualisation, alors que le LCOE est très sensible à une variation
de ces paramètres : la CRE rappelle ainsi qu’un écart d’un demi-point sur le taux d’actualisation
entraîne une variation de l’ordre de 2 à 3 €/MWh sur le LCOE pour une durée de vie de 20 ans.
Toutefois les différentes composantes de coûts sous-jacentes au calcul d’un LCOE (niveau des
CAPEX et niveau des OPEX), retenues par les deux institutions sont très proches (cf. annexe
n°5), ce qui confirme la robustesse de ces estimations (les niveaux de LCOE estimés dépendent
ensuite des hypothèses retenues).
1.3.1.3
L’hydroélectricité
La CRE a établi un rapport sur les coûts de la petite hydroélectricité en métropole
continentale
50
. Ce rapport est établi grâce aux informations collectées au titre du décret n°2016-
682 du 27 mai 2016. Le terme de « petite hydroélectricité » désigne les installations de moins
de 4,5 MW, seuil au-delà duquel le régime des concessions est applicable. Le rapport rend
compte des LCOE des installations retenues dans le panel.
Graphique n° 5 :
Coûts complets de production observés pour 39 installations neuves et rénovées
Source : CRE
49
CRE, Coûts et rentabilités du grand photovoltaïque en métropole continentale, 2019 ,
photovoltaique-en-metropole-continentale
50
CRE, Coûts et rentabilité de la petite hydroélectricité en métropole continentale, 2020 ;
hydroelectricite-en-metropole-continentale
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
35
L’ADEME a également évalué les coûts de la petite hydraulique, en fixant un seuil de
puissance des installations étudiées de 10MW. Les résultats, présentés dans le graphique ci-
dessous, sont cohérents avec ceux de la CRE.
Graphique n° 6 :
Estimation des LCOE de la petite hydroélectricité (durée de vie 50 ans
pour les installations neuves et 25 ans pour les rénovations, taux actualisation réel de 4,5%)
Source : ADEME
Concernant les installations hydroélectriques d’une puissance supérieure, différentes
sources de données existent, permettant de réaliser une estimation de leurs coûts. En particulier,
toutes les installations en concession doivent fournir un rapport annuel d’exploitation de la
concession
(RAEC)
à l’autorité concédante, c’est-à-dire l’État. Toutefois l’État (la DGEC) ne
publie pas de données consolidées à partir de ces éléments.
La PPE fournit néanmoins l’appréciation suivante
51
des coûts des installations
hydrauliques existantes (en termes de LCOE) :
Entre 30 et 50 €/MWh pour les grandes installations au fil de l’eau ;
Entre 70 et 90 €/MWh pour les installations de forte puissance et exploitant de
hautes chutes ;
Entre 70 et 160 €/MWh pour les installations de plus faible puissance.
Toutefois la méthodologie sous-jacente à ces calculs n’est pas disponible et il n’est dès
lors pas possible
d’apprécier ce qu’ils recouvrent. En particulier, n’est pas précisé si ces
évaluations concernent des installations neuves ou existantes et si elles rendent compte
d’éventuels coûts associés aux actifs historiques non amortis.
Sur la base des données issues de son système d’information de comptabilité, EDF
estime que, au sein du périmètre d’EDF Hydro, les coûts de production des centrales dont la
construction est antérieure à 2000, sont les suivants :
51
À partir de données disponibles chez les exploitants, ainsi qu’à la DGEC et la CRE.
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
36
Tableau n° 4 :
Estimation des coûts des installations hydrauliques existantes par EDF (moyenne
2015-2019 des OPEX et des CAPEX divisés par leur production annuelle moyenne sur la période)
Source : EDF
Ces estimations peuvent être assimilées à un calcul de LCOE de prolongation (puisque
les investissements de construction n’apparaissent pas) pour lequel une hypothèse de coûts de
CAPEX et d’OPEX annuels constants en euros courants aurait été retenue.
Elles font apparaître des niveaux de coûts plus élevés que le point haut des fourchettes
retenues par l’ADEME sur des segments comparables (avec un calcul retenant un taux réel).
En particulier, elles font apparaître des coûts très élevés pour les centrales de moins de 4,5
MW : ceux-ci sont en effet systématiquement supérieurs à 150 €/MWh.
Les centrales de forte puissance peuvent en revanche présenter des coûts de production
faibles : 22% des 40 TWh concernés sont produits à 34 €/MWh et 62% à moins de 43 €/MWh.
D’une manière générale, les premiers résultats estimés relatifs au parc hydraulique
mériteraient d’être précisés, en analysant plus en détail les différents segments de production,
en identifiant les paramètres différentiateurs et en homogénéisant les méthodes de calcul.
1.3.2
Les centrales à gaz
La construction des centrales au gaz naturel n’est plus autorisée au France,
conformément aux orientations de la PPE 2019-2028 (application de l’article 8 du décret du 21
avril 2020 relatif à la programmation pluriannuelle de l’énergie). La fin du fonctionnement des
centrales existantes ne fait toutefois pas l’objet de dispositions particulières, contrairement au
fonctionnement des centrales à charbon (cf.
supra
).
Les données de coûts disponibles concernant la production d’électricité en France à
partir d’énergies fossiles sont rares.
À l’occasion de son recensement des coûts de production des énergies renouvelables,
l’ADEME a produit une estimation du coût de production des centrales à gaz à cycle combiné,
Puissance min
(MW)
Puissance max
(MW)
Filière
F = fil de l'eau
E= éclusée
L = lac
P = pompage
Hauteur chute
min (m)
Hauteur chute
max (m)
Charges
d'exploitation
(norme RAEC)
(k€/an)
CAPEX (k€/an)
dont CAPEX de
développpeme
nt
(k€/an)
Production
réalisée (MWh)
Coût du
soutirage lié au
pompage
(k€/an)
Coût de
production
(€/MWh)
sur production
réalisée
1
4,5
F
0
30
19 624
4 178
432
132 708
-
179
1
4,5
F
30
30 211
9 061
760
246 910
-
159
4,5
12
F
0
30
29 836
6 512
3
340 353
-
107
4,5
12
F
30
61 746
9 859
132
945 162
-
76
12
F
0
30
248 777
53 161
4 571
8 818 322
-
34
12
F
30
117 466
27 042
3
3 328 187
-
43
1
4,5
E
0
30
12 813
5 190
-
60 575
-
297
1
4,5
E
30
6 684
451
-
36 627
-
195
4,5
12
E
0
30
17 555
1 770
16
155 605
-
124
4,5
12
E
30
28 753
4 433
25
364 765
-
91
12
E
0
30
35 807
3 919
-
684 224
-
58
12
E
30
222 386
42 347
3 108
5 674 536
-
47
1
4,5
L
30
7 722
1 798
291
39 293
-
242
4,5
12
L
0
30
1 938
229
-
18 238
-
119
4,5
12
L
30
11 485
824
-
132 511
-
93
12
L
0
30
18 229
1 780
-
385 637
-
52
12
L
30
457 297
90 143
6 840
12 742 816
-
43
12
P
30
171 581
72 770
29 625
5 804 965
202 329
77
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
37
afin de permettre la comparaison avec les filières renouvelables. Dans la dernière édition de son
rapport, elle estime ainsi que la plage de variation de LCOE pour cette filière s’étend de 50 à
69 €/MWh, pour un taux d’actualisation réel de 3%. Compte-tenu du poids élevé des charges
variables d’exploitation dans la production d’électricité à partir de combustibles fossiles, ce
niveau doit être mis en perspective avec le niveau de prix du combustible retenu pour
l’estimation. Le niveau du LCOE est en effet très sensible à l’évolution du prix du combustible :
une variation de 10% du prix du gaz entraîne une variation du LCOE de l’ordre de 7%. Le prix
du carbone représente également une composante importante du coût de production (de l’ordre
de grandeur du niveau des OPEX hors combustible). Pour l’édition 2019 de son rapport
52
,
l’ADEME a retenu
53
un prix du gaz de 23 €/MWh, ainsi qu’un prix du carbone de 16,5 €/tCO
2
54
.
Afin de réaliser le bilan prévisionnel 2017
55
, RTE a également dû retenir des hypothèses
de coûts de production d’électricité à partir des énergies fossiles. Avec une hypothèse de coût
du gaz de 22,65 €/MWh et de prix du carbone de 16,5 €/tCO
2,
le calcul des LCOE peut être
évalué. Le tableau suivant présente à la fois les hypothèses retenues par RTE (notamment un
taux nominal de 7%), ainsi qu’une variante avec des hypothèses plus proches de celles de
l’ADEME (plus spécifiquement un taux nominal de 4%, à rapprocher du taux d’intérêt réel de
3% retenu par l’ADEME).
Tableau n° 5 :
Estimation des LCOE pour les centrales à cycle combiné gaz (CCGT) et turbines à
gaz (TAG)
Hypothèses
CCGT
TAG
CCGT
TAG
taux actualisation
7%
4%
durée (années)
30
30
facteur de charge
45%
80%
10%
25%
45%
80%
10%
25%
rendement (pourcentage)
58%
42%
58%
42%
puissance en MW
1
1
investissement initial /kW
830
450
830
450
OPEX fixes en €/kW/an
36
26
36
26
OPEX variables hors combustible
€/MWh
1,6
1,6
1,6
1,6
coût de démarrage (combustible)
GJ/MW
7,6
0,2
7,6
0,2
coût de démarrage (coûts fixes)
€/MW
25
20
25
20
LCOE en €/MWh
73
60,3
141,7
94,9
68,6
57,8
131
90,5
Source : Cour des comptes à partir des données RTE
52
La décomposition du LCOE présentée dans le tableau n°22 du rapport de l’ADEME est erronée et
l’ADEME a indiqué que cette erreur serait corrigée dans une version ultérieure du document.
53
Issu du rapport sur « le fonctionnement des marchés de gros de l’électricité et du gaz naturel en 2018 »
de la CRE
54
Pour un ratio d’émission de 0,352 tCO
2eq
/MWh, retenu par RTE
55
RTE, bilan prévisionnel de l’équilibre prévisionnel offre-demande d’électricité en France, Edition 2017,
page 83 ;
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
38
Pour les centrales à gaz à cycle combiné, la plage des coûts retenus par l’ADEME est
ainsi comparable à celle retenue par RTE. Il faut toutefois noter que ces prix dépendent très
fortement des prix du gaz et du CO
2
qui ont connu une forte augmentation depuis lors. Des
réformes engagées pour augmenter le prix du carbone européen ont permis une remontée de ce
prix à partir de 2017, jusqu’au niveau d’environ 25 €/t CO
2
éq récemment, bien que la crise
sanitaire l’ait fait chuter temporairement à 16 €/t CO
2
éq
56
. Ce prix a depuis augmenté à
nouveau pour atteindre, voire dépasser 60 €/t CO
2
éq dans le sillage de l’adoption par la
Commission europénne en juillet dernier de sa nouvelle feuille de route pour réduire les
émissions de GES.
Pour des facteurs de charge inférieurs à 20%, le coût des CCGT devient supérieur à celui
des TAG
57
, ce qui confirme la pertinence du recours aux turbines à gaz comme moyen de
production réservé aux périodes de pointe.
1.4
Comparaisons internationales
1.4.1
Un récent exercice à la demande de la Commission européenne
Une récente étude
58
de la Commission européenne a permis de comparer le niveau et
l’évolution des estimations des LCOE par pays pour les différentes technologies, en utilisant
des sources aussi variées que l’IRENA (agence internationale pour les énergies renouvelables),
l’AIE (agence internationale pour l’énergie), les hypothèses retenues dans le modèle PRIMES
de la Commission, Enerdata, des sources nationales (Fraunhofer Institue pour l’Allemagne par
exemple), etc.
Ces estimations mettent en exergue que :
-
Les coûts (LCOE) du solaire photovoltaïque en France étaient parmi les plus élevés
des pays retenus, avant d’amorcer une baisse à partir de 2012 permettant de les situer
depuis 2015 dans le bas de la fourchette de coûts.
-
Les coûts de l’éolien on-shore en France se sont toujours situés dans la moyenne des
coûts des pays développés retenus pour l’étude .
-
Les coûts de l’éolien off-shore en France ne figurent pas dans le parangonnage. Ceux
qui sont renseignés ont connu des évolutions assez erratiques.
-
Les coûts des centrales à gaz à cycle combiné (CCGT), qui dépendent fortement des
prix du gaz et du carbone ainsi que des facteurs de charge retenus, sont très élevés
en Europe en général.
-
Les coûts du nucléaire mentionnés dans l’étude sont parcellaires. Pour la France, ils
font figurer les estimations de la Cour des comptes pour 2010 et 2013 comme des
56
Source :
Le système européen d’échange de quotas d’émission | Chiffres clés du climat
(developpement-durable.gouv.fr)
57
Pour un facteur de charge à 10% le coût par kWh de la production issue de la CCGT est de 155 €/kWh
alors qu’il n’est que de 131 €/kWh pour la production issue d’un TAG.
58
Commission européenne,
Study on energy prices, costs and their impact on industry and households
,
octobre 2020. On peut noter que cette étude se prononce également sur la rentabilité des différentes installations.
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
39
LCOE, alors qu’il s’agit d’estimations en coût courant économique reflétant des
hypothèses fortes sur la prise en compte des investissements passés (cf.
supra
), et
non pas de coûts évalués pour les nouveaux projets, comme ça peut être le cas de
certains des LCOE présentés dans l’étude. Cette restitution illustre à nouveau
l’intérêt d’accroitre la transparence sur les coûts du nucléaire.
1.4.2
Un exercice périodique conjoint de l’AIE et l’AEN faisant référence
L’agence internationale pour l’énergie (AIE) et l’agence pour l’énergie nucléaire (AEN)
de l’OCDE publient par ailleurs, tous les cinq ans un exercice de comparaison des coûts des
différentes technologies de production de l’électricité. La version la plus récente de cet exercice
est parue en 2020
59
.
1.4.2.1
Principaux constats
Les principaux constats de cette nouvelle édition sont les suivants :
Les coûts des technologies bas carbone sont en constante baisse et celles-ci sont
de plus en plus compétitives par rapport aux modes de production fossiles. La
technologie renouvelable pour laquelle les LCOE attendus en 2025 sont les plus
faibles est l’éolien terrestre.
Les coûts des nouvelles centrales nucléaires ont baissé en 5 ans, le nucléaire est
le mode de production décarboné et pilotable avec les coûts prévisionnels les
plus faibles à l’horizon 2025 et l’électricité produite à partir de la prolongation
des centrales nucléaires existantes constitue le mode de production de
l’électricité le plus compétitif.
Les centrales thermiques équipées de technologies de capture et de stockage du
carbone (CCS) ne pourraient être compétitives qu’à des prix du carbone
durablement élevés de l’ordre de 50-60 US$/tCO
2
pour les centrales à charbon
et au-dessus de 100 US$/tCO
2
pour les centrales à gaz.
La comparaison des LCOE des différentes technologies, calculés sans tenir compte des
coûts de réseaux ou des externalités, est résumée dans le graphique ci-dessous.
59
IEA, NEA, Projected costs of generating electricity, 2020 Edition.
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
40
Graphique n° 7 :
LCOE par technologie (pour des mises en service en 2025)
Note :
LCOE avec un taux d’actualisation de 7%. Les bornes des segments noirs indiquent les valeurs minimum
et maximum. Les boîtes bleues et vertes représentent respectivement les plages de valeurs des 2
ème
et 3
ème
quartiles
(50% des valeurs se trouvent au sein de cet intervalle), la limite entre la boîte bleue et la boîte verte indique la
valeur médiane.
Source
: AIA / AEN, 2020
Toutefois, dans une publication plus récente
60
, l’AIE a précisé les coûts par technologie
selon les régions du monde, à différents horizons temporels. Ces données font apparaître des
niveaux de coûts significativement plus élevés pour le nucléaire en Europe (compte-tenu
d’hypothèses actualisées par rapport à la dernière publication).
60
AIE,
« Net Zero by 2050: a Roadmap for the Global Energy Sector », mai 2021
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
41
Tableau n° 6 :
Extrait des données de coûts de production d’électricité de l’AIE, selon les différentes
technologies et régions du monde
Source : AIE, 2021
1.4.2.2
Nouvelles problématiques de l’estimation des coûts
Pour tenir compte des nouvelles caractéristiques des systèmes électriques et plus
particulièrement de la part croissante des énergies renouvelables dans le mix électrique, le
rapport évalue pour la première fois les coûts de solutions de stockage de l’électricité.
En termes d’évolution méthodologique plus structurelle, cette nouvelle édition souligne
néanmoins le caractère limité de la notion de LCOE : celui-ci a le mérite d’être transparent et
simple, ce qui permet de comparer les coûts des différentes technologies ; toutefois cette notion
ne permet pas d’appréhender les caractéristiques spécifiques des différentes technologies dans
le fonctionnement d’ensemble d’un système électrique (cf. chapitre 2).
Afin de pallier cette difficulté, l’AIE a proposé un nouvel indicateur de coût, intitulé
VALCOE, pour « value adjusted » LCOE. À partir d’une modélisation du fonctionnement du
système électrique, cet indicateur compare les revenus moyens captés par une filière donnée,
au titre de la production d’électricité ou de la fourniture des services de garantie de capacités et
de flexibilité de la production, aux revenus moyens des modes de production du système
concerné. Il permet ainsi de corriger à la hausse ou à la baisse le LCOE de la filière, pour rendre
compte des bénéfices intrinsèques de celle-ci, tels que le moment où elle produit de l’électricité,
son caractère pilotable, etc. Le graphique ci-dessous illustre l’ampleur des corrections qui sont
ainsi apportées aux coûts des différentes technologies.
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
42
Graphique n° 8 :
Simulation de l’ajustement de valeur apporté aux différentes technologies, pour le
scenario World Energy Outlook 2019, « Stated policies », à l’horizon 2025
Source : AIA / AEN, 2020
Les résultats obtenus dépendent des hypothèses retenues pour la modélisation des
systèmes électriques (incluant la part relative des différentes technologies dans le mix de
production électrique). Il ne s’agit donc pas d’un résultat qui puisse être attribué à une
technologie de manière intrinsèque, indépendamment du système électrique dans lequel elle est
insérée. Par ailleurs, le VALCOE mêle coûts et revenus, ce qui rend son interprétation difficile
en dehors de la modélisation d’ensemble du système électrique dont elle est issue.
Ce nouveau mode de calcul apparait donc présenter des limites quant aux enseignements
à en tirer pour faire évoluer les mix électriques. En ce sens, il n’apporte pas autant de valeur
ajoutée
61
que les exercices réalisés en France pour dépasser, dans un objectif de planification
du mix électrique, la simple comparaison des LCOE des différentes filières. Ceux-ci consistent,
comme cela est présenté au chapitre 2, à estimer directement les coûts complets d’un système
électrique, en simulant ses contraintes de fonctionnement de manière très détaillée.
______________________ CONCLUSION INTERMÉDIAIRE ______________________
Il existe différentes manières de calculer le coût de production de l’électricité selon
l’objectif du calcul.
L’ADEME et la CRE ont réalisé des analyses de coûts de production des différentes
filières. Ces travaux analysent principalement leur coût moyen actualisé (LCOE) et rendent
compte des coûts de production pour un investissement à la date considérée. Si les données sur
61
Ce constat figure également dans le rapport de l’AIE et de l’AEN, “Projected costs of generating
electricity”, de 2020, qui indique p. 184 du document « […] taking into account first the implication of each policy
options regarding electricity generation, (hence the need to adopt robust assessment methods, such as going from
LCOE to VALCOE, and from VALCOE to complete system cost comparison) […] ».
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
43
les filières éolienne terrestre et solaire sont abondantes, celles sur l’éolien en mer sont
aujourd’hui limitées aux premiers projets en cours de développement.
Toutefois, dans le cas de la France, ce ne sont pas les investissements « greenfield » qui
représentent une part prépondérante de la production d’électricité, mais le nucléaire historique
et l’hydraulique. Or, les coûts de production de ces deux filières sont beaucoup bien moins
documentés que ceux des filières en développement.
Pour permettre la comparaison entre les filières de production, la Cour s’est attachée
à produire des estimations des coûts complets du nucléaire historique selon une approche
économique comparable. Néanmoins, pour calculer aujourd’hui des coûts associés à des
investissements passés, des méthodologies alternatives à l’approche économique peuvent être
employées, selon l’usage visé. La Cour a ainsi calculé les coûts de production en appliquant
ces différentes méthodologies pour en comparer les résultats. Elle s’est également efforcée de
décrire les différents traitements méthodologiques qui doivent être appliqués aux charges de
long terme, pour pouvoir rendre compte de leur coût.
La Cour constate ainsi que les coûts de production calculés en utilisant les méthodes
comptable ou hybride (méthodologie utilisée par la commission Champsaur), ressortent à un
niveau oscillant autour de celui de l’ARENH (42€/MWh). Les méthodes de calcul dites
« économiques » font au contraire apparaitre des coûts substantiellement supérieurs sur
l’ensemble de la période étudiée.
Les débats sur la méthodologie de calcul des coûts du nucléaire historique ont jusqu’à
présent empêché la mise en oeuvre de la « régulation » de l’ARENH telle qu’elle avait été
prévue à l’origine. Dans
la perspective de l’adoption d’une « nouvelle régulation du
nucléaire »,
il est nécessaire, pour une application efficace de celle-ci, qu’une méthode
partagée de calcul des coûts de production soit adoptée et rendue publique.
Les exercices de comparaisons internationales soulignent les importantes baisses de
coûts des énergies renouvelables ces dernières années. Ils font également état de la
compétitivité de la production nucléaire issue de la prolongation des centrales existantes. Les
données relatives aux nouvelles centrales nucléaires font encore l’objet d’estimations
évolutives.
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
44
2
L’INTERET D’UN COUT COMPLET DE PRODUCTION DES
DIVERS MIX ELECTRIQUES POUR ECLAIRER LES CHOIX
POLITIQUES A VENIR
Les coûts présentés au chapitre premier concernent chacun des moyens de production
mobilisables pour répondre à la demande de consommation électrique. Les études de coût
réalisées par RTE, l’ADEME ou divers organismes internationaux (AIE, AEN, IRENA),
concernent quant à elles un périmètre plus large assimilable au système électrique, qui regroupe
non seulement les moyens de production et de stockage, mais aussi les moyens de flexibilisation
ou de maîtrise de la demande, les moyens d’échanges transfrontaliers (interconnexions) et le
réseau de transport et de distribution. Ces études reflètent le coût des moyens mis en œuvre
pour satisfaire un certain niveau de demande d’électricité
62
.
Dès la publication des travaux prospectifs du bilan prévisionnel 2017 (cf. partie 2.3),
RTE avait souligné les questions de méthode soulevées par tout exercice de chiffrage des coûts
d’un mix électrique. Elles concernaient en particulier le périmètre des coûts à considérer.
Le récent rapport conjoint AIE-RTE sur la faisabilité technique d’un mix à forte
proportion d’EnR
63
insiste sur l’importance de considérer un périmètre de coûts englobant les
moyens de stockage, de flexibilité de la demande et de développement des réseaux pour pouvoir
comparer les chiffrages économiques de scénarios comportant une forte proportion d’EnR.
Les scénarios d’évolution du système électrique étudiés dans les travaux de prospective
récents, dont le rapport de RTE publié le 25 octobre 2021, se fondent sur des hypothèses de
coûts, combinées aux variables de choix du mix (capacités par filière notamment), et non pas
sur l’observation directe et la computation des coûts associés à la production effective. Ils ne
procèdent pas non plus d’une sommation pondérée des LCOE de chaque filière, tels qu’ils ont
été présentés dans la première partie de ce rapport, mais utilisent les paramètres de calcul des
LCOE (CAPEX, OPEX, durée de vie…) pour déterminer, les capacités et les facteurs de charge
des différents moyens.
Cette deuxième partie se concentre d’abord sur les enjeux méthodologiques attachés aux
exercices de chiffrage et d’optimisation du coût du mix ou du système électrique, en les
illustrant à partir d’études de RTE
64
, de l’ADEME
65
et d’EDF
66
réalisées ces dernières années.
Ces développements concernent avant tout des démarches prospectives portant sur les
évolutions du parc électrique à plus ou moins long terme. L’estimation du coût actuel du
système électrique correspond, dans ces exercices, à l’application des modèles de calcul aux
paramètres et variables caractérisant le mix actuel et son environnement.
62
On peut y ajouter le coût de la demande non satisfaite (coût de l’énergie non délivrée).
63
« Conditions et prérequis en matière de faisabilité technique pour un système électrique avec une forte
proportion d’énergies renouvelables à l’horizon 2050 »
AIE_rapport%20complet%20ENR%20horizon%202050_EN.pdf
64
Bilan prévisionnel 2017 et travaux préparatoires du bilan prévisionnel long terme « futurs énergétiques
2050 ».
65
« Trajectoires d’évolution du mix électrique 2020-2060 » de décembre 2018 complété en mars 2019.
66
Etude interne d’EDF de septembre 2020 sur des scénarios de décarbonation du mix électrique français
à l’horizon 2050.
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
45
Elle examine ensuite les conditions dans lesquelles les pouvoirs publics ont préparé et
pris les décisions de programmation de la politique énergétique au cours des dernières années,
et plus particulièrement la manière dont ils ont exploité les données disponibles de coûts de
différents scénarios de mix électriques.
2.1
Les éléments à prendre en compte pour chiffrer le coût d’un système
électrique
2.1.1
Le coût moyen de chaque filière de production dépend de sa durée annuelle de
fonctionnement
Au sein d’un parc électrique, la coexistence de plusieurs technologies de production se
justifie par le fait que la demande d’électricité, en puissance, n’est constante ni au fil de journée,
ni tout au long de l’année et que la hiérarchie des coûts de production évolue selon le nombre
d’heures de production à assurer.
La variabilité de la puissance électrique soutirée à pas horaire au long d’une année
conduit à ce que, parmi l’ensemble des moyens de production pilotables nécessaires pour
couvrir les pointes de demande, certains devront aussi produire pendant l’essentiel de l’année
(moyens dits « de base » fonctionnant plus de 6 000 heures par an) tandis que d’autres ne
produiront que durant une partie de l’année (moyens de semi-base entre 2 000 et 6 000 heures
par an), voire surtout pendant les heures de plus forte demande (moyens de pointe fonctionnant
moins de 2 000 heures par an).
Graphique n° 9 :
Principe de couverture de la «
monotone de demande »
67
par les moyens de
production
Source
: Cour des comptes d’après consommations à pas horaire 2019 fournie par RTE
Note de lecture
: la puissance à couvrir par les moyens de base, soit environ 45 GW sur le graphique,
correspond à la puissance minimale utilisée pendant 6000 heures dans l’année.
67
Il s’agit de la courbe figurant la consommation française d’électricité (en MW), à pas horaire, et classée
par niveaux de consommation horaire décroissants. L’heure n°1 correspond à l’heure au cours de laquelle la
consommation d’électricité à été la plus forte de l’année.
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
46
Or, les différentes technologies de production existantes sont caractérisées par des
rapports différents entre coûts fixes et coûts variables. Ainsi, selon la durée de fonctionnement
à assurer dans l’année, et donc le facteur de charge annuel, la hiérarchie des différentes
technologies selon leur coût moyen de production est variable. Sur la base des paramètres de
coûts (CAPEX et OPEX) retenus initialement par le groupe de travail mis en place par RTE
pour la préparation du bilan prévisionnel sur les scénarios 2050, il apparaît ainsi que le parc
nucléaire prolongé à 50 ans est plus compétitif que la technologie à cycle combiné au gaz
(CCGT) pour des durées annuelles de fonctionnement supérieures à 4 200 heures (facteur de
charge annuel supérieur à 50% si les moyens produisent à la puissance nominale
68
).
Graphique n° 10 :
Coût moyen de production de différentes technologies (en €/MWh)
en fonction du facteur de charge annuel
Source : Cour des comptes d’après données présentées en groupe de travail « coûts » de RTE
Sur la base des paramètres utilisés, le photovoltaïque et l’éolien terrestre sont
potentiellement plus compétitifs que les centrales à gaz à cycle combiné (CCGT) ou le parc
nucléaire, quelle que soit la durée de fonctionnement considérée, mais leur facteur de charge
est de fait limité
69
et, sans adjonction de stockage, ils ne produisent pas nécessairement lors des
périodes les plus tendues en terme d’équilibre offre-demande.
Dès lors, un mix électrique optimisé, du point de vue de son coût de production, inclut
nécessairement
plusieurs
technologies
de
production,
voire
de
stockage,
ainsi
qu’éventuellement des dispositifs de pilotage de la demande. En ce qui concerne les
technologies de production pilotables, un mix optimisé détermine ainsi non seulement la
capacité à installer mais aussi le facteur de charge annuel correspondant à leur durée annuelle
de fonctionnement.
68
La puissance nominale correspond à la puissance maximale obenue dans des conditions normales
d’utilisation de la centrale.
69
L’alternance jour-nuit et l’aléa sur le niveau d’ensoleillement limite les heures de production et le
facteur de charge du photovoltaïque sur un fuseau horaire donné. Le foisonnement géographique peut permettre
globalement à un parc éolien d’étendre ses heures annuelles de production, sans améliorer toutefois le facteur de
charge annuel, limité par la météorologie moyenne constatée.
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
47
2.1.2
L’influence des niveaux de la demande sur le coûts
Chiffrer ou optimiser le coût du mix électrique ne peut se faire qu’en tenant compte de
la demande d’électricité à laquelle il doit répondre, sous la contrainte que l’équilibre, en
puissance électrique, entre production, consommation et échanges aux frontières soit assuré à
tout moment sur le réseau.
Le niveau global de la demande annuelle peut jouer en théorie de façon proportionnelle
sur les capacités et le coût d’un mix entièrement optimisé, avec dès lors un effet limité sur ce
coût rapporté au MWh consommé ou produit. Toutefois, dans la mesure où les différentes
filières de production peuvent rencontrer des contraintes de développement différenciées,
notamment physiques ou industrielles, le niveau de la demande pourra influencer le coût
complet du système. En tout état de cause, le profil horaire de la demande (cf.
supra
) et ses
évolutions sont déterminants pour le coût d’un mix. Une réflexion amont sur le niveau de
demande à laquelle la production électrique doit répondre est donc indispensable : la stratégie
nationale bas carbone (cf.
infra
) fixe ainsi les orientations à long terme de maîtrise de la
demande.
Pour répondre à la demande, les moyens de production thermiques (à base d’énergie
fossile, nucléaire ou encore de biomasse) et certains moyens hydro-électriques, plus
particulièrement ceux utilisant des retenues d’eau (lacs et STEP
70
), sont pilotables dans la
mesure où il est possible de choisir le moment où ils produisent et où leur puissance de
fonctionnement est modulable avec un certain temps de réaction. Comme indiqué
supra
, leur
mobilisation en réponse à la demande, et donc leur durée annuelle de fonctionnement, fait varier
leur coût unitaire moyen de production.
Le coût unitaire de production des moyens EnR variables, dont les coûts sont
essentiellement des coûts fixes, sont quant à eux grandement dépendant des conditions
météorologiques.
Le coût de production d’un parc électrique donné, une année donnée et pour un volume
de consommation annuelle donné, dépendra ainsi de la chronique des niveaux de consommation
à pas horaire (courbe de charge) ainsi que de la disponibilité effective des moyens de production
pilotables, notamment nucléaires. En effet, ces paramètres déterminent le
dispatching
horaire
entre les différents moyens de production, et donc la production effective annuelle des
différentes filières en place et leur facteur de charge sur l’année. C’est pourquoi les modèles
utilisent volontiers une approche stochastique (probabiliste) du
dispatching
, combinant aléas
météorologiques (la demande étant thermosensible et la production EnR météo-dépendante) et
aléas sur la disponibilité des moyens de production fossiles ou
nucléaires.
Par ailleurs, l’hypothèse de périodes de défaillance, c’est-à-dire de coupures
d’alimentation des clients finals pour des motifs d’équilibre offre-demande, est aussi à prendre
en compte dans le coût du système électrique
71
. Dans les exercices d’optimisation, il intervient
comme une contrainte relative au respect du critère national de défaillance
72
. La détermination
de la durée de la période de défaillance considérée comme acceptable et son évolution
70
Station de transfert d’énergie par pompage
71
Il renvoie alors à l’estimation du coût de l’énergie non distribuée.
72
Cf : article D. 141-12-6 du code de l’énergie
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
48
éventuelle, dans le cadre d’une méthodologie désormais encadrée au niveau européen, peut
alors avoir des conséquences sur le coût complet du système électrique.
Enfin, le niveau de la demande électrique, et surtout son évolution à long terme,
dépendent d’hypothèses plus larges concernant les différentes énergies, et notamment les
équilibres relatifs entre les vecteurs gaz et électricité. Par exemple, on peut supposer qu’un
développement du chauffage à partir de biogaz ou de biomasse diminuerait le niveau ou la
variabilité de la demande hivernale associée au chauffage électrique et contribuerait ainsi à
réduire la thermo-sensibilité du parc électrique français, qui complique sa gestion (pointe
hivernale). L’ADEME souligne également que le niveau de la demande d’électricité doit
s’envisager en tenant compte des autres leviers de décarbonation que ceux relatifs au mix de
production électrique. Ainsi, les coûts du système électrique devraient-ils être évalués pour
différents niveaux de demande, de façon à pouvoir arbitrer entre l’électrification des usages (à
des fins de décarbonation, à l’instar du basculement vers un parc de véhicules électriques) et
les autres leviers de décarbonation.
En tout état de cause, la mise en œuvre de mesures de maîtrise de la demande se
traduisant par une baisse relative de celle-ci dans des scénarios de mix, devrait conduire à
prendre en compte les coûts associés à ces mesures dès lors que l’exercice de chiffrage viserait
à comparer différents scénarios ou à projeter une évolution dans le temps.
2.1.3
Les coûts liés aux besoins de flexibilité.
Les moyens de production éoliens et photovoltaïques, ou encore les moyens hydro-
électriques au fil de l’eau, tels qu’ils sont exploités aujourd’hui, ne présentent pas ou peu de
marges de manœuvre en termes de ciblage des moments de production et de modulation de la
puissance. À capacité nominale équivalente, par rapport aux moyens de production pilotables,
ils représentent un coût propre indépendant des niveaux de demande et impliquent la mise en
place de capacités pilotables de stockage, de modulation de la demande, voire de production
pilotable supplémentaires, dont les coûts doivent dès lors être pris en compte.
Le stockage temporaire d’électricité, puis sa réinjection dans le réseau, peuvent être
assurés par plusieurs techniques, depuis le stockage infra-journalier assurable notamment par
batteries jusqu’au stockage saisonnier que permettrait le
power-to-gas-to-power
73
. Les coûts
associés en termes de CAPEX et d’OPEX sont alors à intégrer au coût du mix électrique.
La modulation de la demande peut être obtenue par des dispositifs d’effacement soit
diffus (chez les particuliers), à la main d’opérateurs d’effacement, soit ciblés, pour l’industrie.
Il peut s’agir de dispositifs simples, déjà existants, comme le pilotage de la demande d’eau
chaude sanitaire à travers la tarification en heures creuses conditionnant le fonctionnement des
chauffe-eau électriques à accumulation en France. Il peut également s’agir de dispositifs à
concevoir, comme le développement de la flexibilité associée à une flotte de véhicules
électriques. Selon un récent rapport du conseil général de l’économie (CGE)
74
, le potentiel
associé à ces dispositifs de flexibilité est important : «
Une action résolue et convenablement
73
Production d’hydrogène, stockable, par électrolyse, en vue d’une production ultérieure d’électricité,
après méthanisation, dans une centrale électrique à gaz.
74
Cf. CGE, Flexibilité du système électrique : contribution du pilotage de la demande des bâtiments et
des véhicules électriques, mai 2020.
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
49
rythmée, dès maintenant, permettra ainsi au pilotage de la demande dans les secteurs du
bâtiment et du véhicule électrique d’offrir progressivement, et pour un coût d’investissement
faible, un potentiel de déplacement – essentiellement infra-journalier
des consommations
d’électricité de l’ordre de 65 TWh/an (soit de l’ordre de 15 % des consommations anticipées
pour 2050) et d’évitement de puissance, lors des plus fortes pointes de consommation en hiver,
allant jusqu’à 47 GW (soit près de la moitié du niveau de la pointe maximale envisagée). »
La prise en compte des coûts associés à la modulation de la demande peut être
déterminante dans un exercice d’optimisation et de chiffrage du coût du mix incluant de fortes
proportions d’EnR variables.
Dans l’étude de l’ADEME « trajectoire 2020-2060 » (cf.
infra
), les dispositifs de
pilotage de la demande, dont les coûts variables sont réputés nuls et dont le développement (et
les coûts d’investissement associés) est exogène, compensent l’essentiel de la variabilité de la
production EnR pour l’équilibrage offre-demande à pas horaire. Il s’ensuit de très faibles écarts
de coûts entre mix selon les proportions de capacités EnR installées. En revanche, dans l’étude
de 2019 de l’AEN
75
, les dispositifs de pilotage de demande ne présentent aucun coût fixe mais
des coûts variables très élevés (500 US$/MWh). L’essentiel de la variabilité de la production
EnR est alors compensée par des moyens de production pilotables supplémentaires (et non plus
de l’effacement de la demande), conduisant à des coûts du système électrique significativement
croissants avec la proportion de capacités EnR installées.
2.1.4
Le traitement particulier du
power-to-X
Les mix simulés à un horizon postérieur à 2035 pour la France prévoient en général la
possibilité de recourir à l’électrolyse de l’eau, comme consommation flexible d’électricité, pour
produire de l’hydrogène à usage industriel, en substitution d’autres modes de production de ce
gaz, ou en vue de nouveaux usages extérieurs au système électrique (mobilité, injection dans
les réseaux gaziers). Ces usages extérieurs sont notamment modélisés dans l’étude
« trajectoires » de l’ADEME. Dans cette étude, le recours effectif à ces usages dépend de la
compétitivité comparée des différents modes de production d’hydrogène, ce qui rend la
demande élastique au prix de l’électricité.
L’hydrogène produit par électrolyse peut aussi être intégré à une boucle
power-to-gas-
to-power
et participer à un stockage temporaire d’électricité, soit par réutilisation directe de
l’hydrogène dans des piles à combustibles raccordées au réseau, soit par utilisation de
l’hydrogène directement dans des turbines à gaz, soit par méthanation
76
puis combustion dans
les centrales thermiques au gaz. Cette dernière option est par exemple modélisée par EDF dans
ses travaux prospectifs internes et contribue, dans les simulations associées, à apporter
l’essentiel de la flexibilité saisonnière nécessaire à un système « 100% EnR » en
« décarbonant » totalement la production électrique des centrales à gaz.
Les modalités de prise en compte de ces usages dans les modélisations peuvent être
source d’importants écarts dans les résultats des différentes études. Ainsi, l’étude de l’ADEME,
qui chiffre le coût de la satisfaction de la demande finale d’électricité, considère les
consommations des électrolyseurs comme des consommations intermédiaires, y compris quand
elles ne rentrent pas dans un bouclage
power-to-gas-to-power
, et déduit alors la valeur des
75
The Costs of Decarbonisation : System Costs with High Shares of Nuclear and Renewables
76
À distinguer de la méthanisation qui concerne la production de biogaz.
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
50
consommations correspondantes (au prix de vente de l’électricité) du coût complet du mix.
Cette opération revient à intégrer au coût du mix électrique les économies induites sur les modes
de production traditionnels d’hydrogène, auxquels l’électrolyse se substitue.
Par ailleurs, cette étude ne modélise pas spécifiquement de boucle
power-to-gas-to-
power
mais peut inclure implicitement cette possibilité dès lors que la production d’hydrogène
par électrolyse, puis sa méthanation, sont compétitives par rapport aux autres modes
d’approvisionnement en gaz naturel
77
. Parallèlement, le coût du combustible des centrales à gaz
est pris en compte par ailleurs, quelle que soit son origine.
En revanche, les simulations d’EDF imposent l’alimentation de centrales à gaz à partir
de méthane de synthèse, issu d’hydrogène produit en France par électrolyse, quel que soit son
coût relatif par rapport au gaz naturel et aux prix du CO
2
78
, afin de respecter une contrainte de
décarbonation du mix dans un scénario « 100% EnR ».
2.1.5
La prise en compte des coûts de réseau
Au-delà des coûts de raccordement des moyens de production, la composition du mix
de production, ainsi que sa localisation, peuvent avoir des répercussions sur le
dimensionnement du réseau de transport et de distribution, et donc sur les coûts de
développement et de maintenance de ce réseau, ainsi que sur les coûts de congestion. Une
production centralisée, caractéristique du parc nucléaire, et une production diffuse, telle que la
permettent les EnR, n’appellent en effet pas les mêmes besoins en termes de réseau. Selon RTE,
«
les besoins d’adaptation du réseau dépendent principalement du rythme projeté de
développement des EnR
»
79
, et ces besoins se manifesteraient particulièrement à partir d’une
capacité EnR installée de 50 GW, afin notamment d’éviter les phénomènes de saturation des
lignes évacuant la production EnR.
Une approche complète des coûts associés au choix de différents mix devrait donc
intégrer une modélisation du réseau et de son adaptation à la composition du parc de production
afin d’en chiffrer les coûts spécifiques. Les études de l’ADEME et de RTE réalisées ces
dernières années sur les mix à long terme n’en avaient tenu compte qu’en partie, à travers les
coûts de raccordement des nouvelles capacités et dans certains cas de renforcement (éolien en
mer pour l’ADEME), intégrés aux coûts de construction, et ceux
des interconnexions. RTE a
cependant formulé, dans le cadre de la préparation du dernier Schéma décennal de
développement du réseau (SDDR) en 2019 un ensemble d’hypothèses relatif aux coûts unitaires
des différents éléments de renforcement du réseau de transport et a pu estimer, pour chacun des
scénarios du Bilan prévisionnel 2017 (cf. partie 3.1), le montant des investissements
nécessaires.
77
L’étude comptabilise bien le coût de production de l’électricité consommé par les électrolyseurs puis
déduit du coût total le montant d’achat de cette électricité par les opérateurs d’électrolyseurs.
78
L’étude d’EDF aboutit à un coût de 190 €/MWh de gaz, contre des coûts d’approvisionnement en gaz
naturel de l’ordre de 30 €/MWh aux conditions actuelles (coût du carbone compris – soit 5€/MWh pour un prix de
25 €/tCO
2
)
79
Schéma décennal de développement du réseau, édition 2019.
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
51
Graphique n° 11 :
Évolution des investissements sur l’ensemble du réseau en fonction des scénarios
de transition énergétique et de la mise en œuvre des leviers de flexibilités
Note de lecture : les scénarios présentés sont ceux du bilan prévisionnel de 2017 de RTE. Le scénario "Volt"
propoes de développer les énergies renouvelables au rythme des débouchés économiques ; le scénario
"Ampère" prévoit de réduire la part du nucléaire au rythme du développement effectif de la production
d’électricité d’origine renouvelable ; le scénario « Watt », repose sur le déclassement automatique du parc
nucléaire après 40 ans de fonctionnement (cf. partie 2.3.1).
Source: SDDR 2019, RTE
Dans ce même rapport, RTE synthétisait de premières indications sur les coûts
d’adaptation du réseau de transport au développement des capacités EnR sur la période 2020-
2035, qu’elle évaluait au plus à 4 €/MWh (hors quote-part acquittée par les producteurs
80
et
raccordement
81
) pour l’éolien terrestre et la filière photovoltaïque, et entre 15 et 20 €/MWh
pour l’éolien en mer (y compris raccordement)
82
.
De son côté, Enedis a récemment publié une étude prospective sur le réseau à l’horizon
2050
83
, incluant des projections de coûts d’investissements dans le réseau de distribution
associés à différents scénarios de mix selon la proportion d’EnR, confirmant la sensibilité de
ces coûts à la capacité d’EnR envisagée
84
.
L’adaptation et le renforcement du réseau sont des moyens de répondre aux problèmes
de congestion en alternative à des solutions capacitaires de stockage ou d’écrêtement de
80
Entre 30 et 80 000 €/MW selon les régions, selon le SER
81
Autour de 70 000 €/MW.
82
Cf.
07/Sch%C3%A9ma%20d%C3%A9cennal%20de%20d%C3%A9veloppement%20de%20r%C3%A9seau%2020
19%20-%20Synth%C3%A8se.pdf
83
Enedis, « Eléments de prospective du réseau public de distribution d’électricité à l’horizon 2050 », avril
2021.
84
Les investissements nécessaires à l’intégration des installations nouvellement raccordées
représenteraient ainsi de 2 à 4 Md€ par an selon que la capacité EnR raccordée au réseau de distribution à l’horizon
2050 serait de 80 ou 170 GW.
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
52
production. Leur coût doit être pris en compte dans le cadre d’un exercice de chiffrage ou
d’optimisation du coût du mix, qui devient ainsi plutôt un coût du système électrique.
Par ailleurs, comme l’indique le rapport conjoint AIE-RTE sur la faisabilité technique
de mix à forte proportion d’EnR, des dispositifs spécifiques devraient être mis en place pour
garantir la stabilité du réseau
85
et leur coût pris en compte.
Enfin, dans la mesure où les capacités d’interconnexion participent à la satisfaction de
la consommation finale, via les importations, et en tout cas à l’équilibre français offre-demande,
le coût de ces capacités et de leur développement doit faire partie des coûts de réseau à prendre
en compte pour chiffrer le coût du système électrique. Il était déjà intégré dans les chiffrages
du bilan prévisionnel de 2017. Il convient toutefois de bien préciser quels sont les coûts retenus
pour un chiffrage à la maille « France » puisque les coûts de construction d’une interconnexion
sont
a priori
partagés entre les deux États frontaliers concernés (et peuvent en outre bénéficier
de subventions en provenance du budget de l’Union européenne).
2.1.6
Les échanges transfrontaliers
Si une partie de la demande est couverte par des importations, leur coût peut aussi être
intégré dans une optique de coût de la satisfaction de la demande. Dans ce cas, de façon
symétrique, les recettes d’exportation sont à déduire des coûts bruts de production. Le coût du
système électrique est alors présenté net de la balance commerciale électrique. Cette approche
a été retenue par l’ADEME dans son étude « Trajectoires 2020-2060 ». C’est aussi une des
métriques utilisées par RTE dans le BP 2017, dans lequel les échanges transfrontaliers sont à
l’origine d’importants écarts de coûts entre scénarios
86
.
Enfin, dès lors que les échanges transfrontaliers sont pris en compte, les hypothèses
retenues pour caractériser les mix électriques de nos voisins européens ont un impact sur le
niveau de recours aux interconnexions relativement à la mobilisation du parc de production
national. Elles jouent donc aussi sur le coût complet du système électrique français.
2.2
Les éléments déterminants pour la caractérisation ou l’optimisation du
coût d’un mix futur
Les exercices de chiffrage ou d’optimisation existants, notamment réalisés par
l’ADEME et RTE, visent à éclairer les décisions relatives aux évolutions futures du parc et du
système électrique. Ils peuvent de façon accessoire donner une indication du coût actuel du mix
électrique, à l’instar de l’étude ADEME 2020-2060, pour laquelle la modélisation appliquée
85
Aujourd'hui, la stabilité des grands systèmes électriques interconnectés repose sur les rotors des
alternateurs des centrales électriques conventionnelles qui tournent de manière synchronisée à la même fréquence.
86
La prise en compte des échanges transfrontaliers explique plus de la moitié des écarts de coûts entre les
scénarios Volt et Watt. Avec un recours limité aux moyens de flexibilité de la demande et stockage, le scénario
Watt impose d’importantes capacités thermiques de pointe et un recours plus important aux imports, pour assurer
l’équilibrage offre-demande en présence d’une plus importante proportion de production intermittente.
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
53
aux paramètres de coûts figurant la situation actuelle (en l’espèce 2020) conduit à un coût
complet annualisé
87
de 45,8 Md€
2020
, ou encore 36,8 Md€
2020
pour les coûts de production
stricto sensu
(hors coûts de réseau et non « nettés » de la balance commerciale)
88
.
Toutefois, les enjeux de ces exercices portent bien sur la caractérisation de différents
mix futurs, selon leurs coûts, ou sur la recherche du mix au plus faible coût, sous certaines
contraintes.
2.2.1
La distinction entre coûts des décisions à venir et coûts liés aux décisions
passées
Les écarts de coûts entre mix à horizon lointain portent sur les coûts relatifs aux
décisions à venir, qui sont par ailleurs les seuls à intervenir dans un exercice d’optimisation.
Ces décisions concernent soit le développement de nouvelles capacités de production,
de stockage, de flexibilité ou de réseau et d’interconnexions (avec pour paramètres déterminants
les coûts d’investissement et d’exploitation de ces futures capacités), soit la prolongation de
capacités existantes (avec pour paramètres déterminants les coûts de ces prolongations).
2.2.1.1
Les coûts relatifs aux décisions à venir
Pour un actif de production déjà existant, l’optimisation des capacités porte sur la
décision d’engager ou non les investissements permettant de prolonger l’exploitation au-delà
de la durée de vie initiale. Les modélisations utilisent alors un coût de prolongation fondé sur
des montants d’investissements à consentir pour une durée déterminée de prolongation,
complétés des coûts d’exploitation fixes et variables prévus sur cette durée, ainsi que des
éventuelles charges de long terme supplémentaires liées à la production à venir (gestion des
combustibles usés) ou aux nouveaux actifs immobilisés (démantèlement et assainissement)
89
.
C’est essentiellement le cas pour la prolongation de la durée de vie des réacteurs nucléaires au-
delà de leur quatrième visite décennale.
87
Le coût annualisé correspond au montant total d’investissement transformé en un équivalent de CAPEX
annuel sur la durée de vie résiduelle du moyen de production, principalement via le calcul d’un loyer économique
sur toute la période.
88
On retrouve l’ordre de grandeur auquel la production électrique française a été valorisée en 2019, soit
35,8 Md€ HT selon le dernier bilan énergétique de la France.
89
Il importe également de tenir compte de l’effet de décisions à venir sur le coût associé aux charges
futures liées aux investissements passés : la prolongation de la durée de vie d’une centrale repousse par exemple
l’échéance de son démantèlement et donc réduit, toutes choses égales par ailleurs, la valeur actualisée de ces
charges. Inversement, une fermeture anticipée accroît la valeur actualisée de ces charges.
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
54
Schéma n° 3 :
Illustration des coûts relatifs aux décisions à venir dans le cas du nucléaire
Note de lecture : Le coût de prolongation ne reflète que les CAPEX futurs et non les coûts associés aux
investissements passés.
Source : Cour des comptes
Calculés depuis une date donnée, ces coûts de prolongation peuvent différer des coûts
« restant à engager ». Les « restes à engager » incluent en effet les coûts associés à la poursuite
de la production des moyens existants sur leur durée de vie résiduelle
90
. Dès lors, le coût des
« restes à engager » d’un scénario de prolongation donné peut conduire à rapporter les coûts
d’investissement de prolongation à une période de production plus étendue que la période de
prolongation proprement dite (la durée de vie résiduelle).
En tout état de cause, pour un nouvel actif de production, les coûts « restant à engager »
correspondent par définition aux coûts à prendre en compte dans le processus d’optimisation
puisqu’ils représentent alors la totalité des coûts associés à la décision de construire et
d’exploiter ce nouvel actif.
2.2.1.2
Le passage au coût complet du mix électrique par la prise en compte des coûts
liés aux décisions passées
Pour apprécier l’évolution des coûts d’un futur mix électrique dans le temps, et par
rapport à la situation actuelle, il est nécessaire de considérer un coût complet incluant les coûts
associés aux décisions d’investissement et de production passées pour les actifs de production
déjà existants et en exploitation. Il s’agit des coûts représentatifs de l’amortissement des
investissements passés et des coûts de financement associés, ainsi qu’éventuellement les coûts
associés aux charges de long terme induites par les actifs en place (démantèlement) ou par la
production passées (combustibles usés).
90
Ceux-ci ne rentrent en ligne de compte pour l’optimisation des capacités que si la modélisation intègre
l’option d’une fermeture anticipée des moyens de production.
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
55
Schéma n° 4 :
Illustration des coûts complets à prendre en compte dans le cas du nucléaire
Note de lecture
: le coût complet de l’énergie produite par une centrale prolongée inclut également les coûts
relatifs aux investissements passés
Source
: Cour des comptes
La prise en compte des investissements passés implique l’ajout du coût associé aux
capacités existantes et à leur exploitation sur leur durée de vie résiduelle, hors prolongation. Ce
mode opératoire est adapté aux cas d’actifs non prolongeables. Pour les actifs prolongeables,
cette prise en compte peut consister à considérer deux phases successives dans la vie de l’actif,
avant et après prolongation, et leurs coûts respectifs. C’est par exemple la méthode employée
par l’étude « trajectoires » de l’ADEME pour le parc nucléaire historique. Elle suppose que les
investissements passés sont complètement amortis à la date de « mise en service » de la
prolongation.
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
56
Schéma n° 5 :
Représentation des coûts selon le principe retenu par l’ADEME pour le chiffrage des
coûts du mix (selon que le réacteur a dépassé ou non sa VD4)
Note de lecture
: dans la méthodologie ADEME, les coûts associés aux investissements passés sont entièrement
imputés à la période avant prolongation.
N.B. :
dans le calcul ADEME il n’est pas fait mention de l’évolution des provisions pour charges de long terme,
qu’il faudrait intégrer au coût du « nucléaire prolongé »
Source
: Cour des comptes
Toutefois, s’agissant d’actifs dont la durée d’exploitation peut être prolongée, il est
également possible de recalculer, pour chaque scénario de prolongation sous-jacent au mix
retenu, le coût complet économique associé aux investissements et à la production passée
rapporté à la nouvelle durée de vie de l’actif. Dans ce cas, le coût du nucléaire historique est
recalculé pour une durée de vie des réacteurs de 40 ou 50 ans, selon les scénarios retenus. C’est
l’option retenue par EDF.
2.2.2
Les paramètres déterminants pour les comparaisons de coûts de mix à long
terme
2.2.2.1
Taux de financement et coût du risque
Les taux de financement, sur la base desquels sont opérées les actualisations pour le
calcul des coûts, sont censés refléter les risques perçus par les investisseurs. Cette perception
des risques peut être différente selon les technologies, et notamment leur degré de maîtrise et
de maturité.
Par ailleurs, plus la part de CAPEX initiaux est importante dans le coût d’une filière,
plus ce coût est sensible au taux de financement retenu. Le dernier rapport conjoint AIE-AEN
illustre les différentes sensibilités aux taux d’actualisation selon les technologies, et le poids
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
57
des CAPEX associés (cf. graphique ci-après) : le coût de production nucléaire apparaît
logiquement comme le plus sensible aux hypothèses de taux de financement retenues.
Graphique n° 12 :
Variation du LCOE des différentes filières selon le taux de financement utilisé
Sources:
rapport AIE-AEN Projected costs of generating electricity – édition 2020
Note de lecture
: pour la filière nucléaire, le LCOE varie de moins de 40 USD/MWh à plus de 180 USD/MWh
lorsque le taux de financement utilisé passe de moins de 1% à près de 20%. En revanche, pour cette même
fourchette de taux de financement, la filière CCGT ne voit son LCOE varier qu’entre 65 et 80 USD/MWh.
L’ADEME, dans son étude « 2020-2060 » a choisi de prendre en compte le caractère
plus ou moins risqué des technologies en retenant
des taux de financement différents : les EnR
et les interconnexions ont été considérées comme faiblement risquées, contrairement au
nouveau nucléaire, aux CCGTs ou aux filières de stockage et de
power-to-X
.
EDF, de son côté, a utilisé un taux de financement unique pour ses simulations à long
terme, ce qui avantage relativement le nucléaire, par rapport aux hypothèses prises par
l’ADEME. EDF justifie ce choix par la sensibilité de la perception du risque aux statuts des
opérateurs et aux régulations mises en place pour les différentes filières et par l’incertitude qui
pèse sur ces statuts et ces régulations à long terme. Par ailleurs, EDF estime que les écarts de
maturité qui peuvent aujourd’hui exister entre certaines technologies seront résorbés aux
échéances considérées. On peut toutefois souligner que la question des modalités de
financement d’éventuels projets de « nouveau nucléaire » ne sont pas tranchées aujourd’hui.
Les investissements dans la production d’électricité d’origine nucléaire se caractérisent par une
forte présence des acteurs publics dans la réalisation des projets et
un consensus se fait jour sur
le fait que les investisseurs privés seuls ne s’engageront pas sur de tels projets
91
. Ainsi,
l’hypothèse sous-jacente faite par EDF consiste à supposer que les risques des futurs projets
nucléaires seront en grande partie portés par l’État, soit sous la forme de prix ou d’enlèvement
garantis, soit par un partage de la charge de financement des projets, soit par la combinaison
des deux.
91
Cour des comptes
, La filière EPR
, rapport public thématique, 2020, p.103 et suivantes.
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
58
RTE a utilisé, dans le scénario de référence de son rapport « Futurs énergétiques 2050 »,
un unique taux de financement, tout en prévoyant des variantes pour tester différents taux,
éventuellement différenciés par filières.
2.2.2.2
Les projections d’évolution des coûts des différentes filières de production
Les scénarios de mix électrique sont très dépendants des hypothèses de coûts futurs
retenues pour chacun des moyens de production.
2.2.2.2.1
L’évolution future des coûts des EnR
Les paramètres de coût des moyens de production photovoltaïques et éoliens sont sur
une trajectoire de réduction significative. Les hypothèses relatives à la poursuite de cette
trajectoire sont déterminantes sur les coûts du mix à un horizon de long terme.
Dans le cadre de la préparation de son bilan prévisionnel de long terme « Futurs
énergétiques 2050 », RTE a soumis à la consultation publique en janvier 2021 un jeu
d’hypothèses composé d’un scénario médian « de référence », dans lequel les paramètres de
coût du photovoltaïque et de l’éolien terrestre baisseraient encore de près d’un tiers entre 2020
et 2050, et de pratiquement 50% pour l’éolien en mer, et de variantes hautes et basses autour
de cette trajectoire
92
. Ces variantes sont censées capter les risques et incertitudes liés au taux
d’apprentissage, aux économies d’échelle, ou encore à l’acceptabilité des installations ou au
coûts des matières premières.
L’étude ADEME « trajectoires 2020-2050 » prenait quant à elle pour hypothèse une
division par 2, en moyenne, des coûts des EnR solaires et éoliennes, mais en partant d’une base
2020 plus élevée
93
.
Tableau n° 7 :
Hypothèses d’évolution des paramètres de coûts des EnR par l’ADEME et par RTE
Sources
: Cahier d’hypothèses de l’étude ADEME « 2020-2060 » et document de consultation publique de RTE
92
En pratique, RTE applique des « taux d’apprentissage » aux différents éléments de coût, taux estimés
sur le passé en rapportant les baisses de coûts au taux de croissance des capacités installées.
93
Au sujet près de la prise en compte ou non, dans chacun des cas, de coûts de raccordement et/ou de
renforcement du réseau.
2020
2050
2050/2020
2020
2050
2050/2020
PV grandes toitures
CAPEX (€/kW)
1 326
657
-50%
1 070
680
-36%
OPEX (€/kW/an)
33
16
-52%
20
15
-25%
PV au sol
CAPEX (€/kW)
1 214
483
-60%
750
480
-36%
OPEX (€/kW/an)
28
11
-61%
11
8
-27%
éolien terrestre
CAPEX (€/kW)
2 215
1 277
-42%
1 300
900
-31%
OPEX (€/kW/an)
66
38
-42%
40
25
-38%
éolien en mer posé
CAPEX (€/kW)
7 344
2 390
-67%
2 600
1 300
-50%
OPEX (€/kW/an)
190
91
-52%
80
36
-55%
éolien en mer flottant
CAPEX (€/kW)
10 139
3 660
-64%
3 100
1 900
-39%
OPEX (€/kW/an)
246
117
-52%
110
50
-55%
* trajectoire médiane de référence
ADEME étude "trajectoires 2020-2060"
GT RTE consultation publique 2021*
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
59
Le coût annualisé
94
des différentes filières dépend aussi des hypothèses de durées de
vie, proposées par exemple par RTE à 40 ans pour l’éolien et mer et 30 ans pour les autres
filières (et respectivement 30 et 25 ans dans l’étude ADEME).
2.2.2.2.2
Les coûts de prolongation du nucléaire historique
En 2017, EDF avait chiffré les coûts « restant à engager » sur le parc existant, dit
« historique », dans un scénario de durée de vie de 50 ans pour tous les paliers, à environ
30 €
2015
/MWh en moyenne non actualisée
95
. Ces calculs reposaient sur des prévisions de
CAPEX cumulés de 84,2 Md€ sur 2014-2035 au titre du Grand carénage et de la maintenance
courante
96
. Les prévisions les plus récentes d’EDF tablent désormais sur un montant cumulé de
90,5 Md€ au cours de la préiode 2014-2035, ce qui accroîtrait au maximum de moins de
1 €/MWh, toutes choses égales par ailleurs, cette estimation des restes à engager.
Les « restes à engager » ne correspondent toutefois pas à un coût de prolongation du
parc. Ils sont en effet calculés sur une période incluant plusieurs années de production
97
précédant la prolongation proprement dite, tout en n’incluant pas nécessairement tous les
investissements précoces participant à la prolongation
98
.
Pour sa part, l’ADEME, pour son étude « trajectoire 2020-2060 », a considéré dans le
meilleur des cas un coût de prolongation correspondant à un LCOE de 42 €/MWh, en compilant
diverses données tirées notamment des publications de la Cour de 2014 sur le coût de
production nucléaire et de 2016 sur la maintenance des centrales nucléaires, sans garantie ni de
leur cohérence ni de leur adhérence à la question de la prolongation des centrales au-delà de
leurs 40 ans.
Dans le cadre de son groupe de travail « coûts » préparant le bilan prévisionnel à 2050,
RTE a envisagé de calculer un coût de prolongation du parc REP par tranche de 10 années au-
delà de la VD4 en se fondant notamment sur des paramètres de coût d’investissement de
650 €/kW pour une première prolongation de 10 ans, extrait des prévisions de CAPEX du Grand
carénage. Sur ces bases
99
, la Cour a calculé qu’un LCOE de prolongation annualisé sur 10 ans
et pour un taux d’actualisation réel pris par convention à 7,5 % s’établirait alors à 45 €/MWh
jusqu’en 2025, puis 40 €/MWh, sur la base d’un facteur de charge de 80%.
Toutefois, comme le soulignait RTE dans le bilan prévisionnel 2017, il est important de
pouvoir déterminer correctement quels coûts sont effectivement imputables à la prolongation
des réacteurs (en particulier au-delà de leur 4
ème
visite décennale). En effet, si l’on s’en tient à
la part des VD 4 du parc 900 (respectivement 1300) dans les coûts prévisionnels du Grand
carénage (hors maintenance, figurant dans les coûts fixes d’exploitation) pour 2014-2035 (avant
94
Le coût annualisé correspond au montant total d’investissement transformé en un équivalent de CAPEX
annuel sur la durée de vie résiduelle du moyen de production, principalement via le calcul d’un loyer économique
sur toute la période.
95
Et hors coût financier de portage des stocks.
96
qui incluait des coûts de prolongation de certains réacteurs au-delà de 50 ans, pour 3,5 Md€.
97
Par exemple en moyenne 5 années de production avant prolongation pour le calcul actualisé sur le parc
900.
98
Par exemple, les « restes à engager » vu depuis 2017 ne tiennent pas compte des premiers CAPEX
engagés les années précédentes au titre des VD 4 du parc 900.
99
Et en positionnant par hypothèse les coûts de prolongation par kW l’année des 40 ans.
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
60
réévaluation de fin 2020 mais intégrant les surcoûts post-Fukushima phase 3), les CAPEX de
prolongation de 10 années au-delà des 40 ans de fonctionnement ressortiraient à seulement
285 €/kW (respectivement 130 €/kW). En substituant ces montants à ceux retenus initialement
par RTE, toutes choses égales par ailleurs, les LCOE de prolongation de 45 et 40 €/MWh
calculés
supra
(respectivement avant et après 2025) seraient abaissés à des montants de 37 et
32 €/MWh, pour le parc 900, et à 34 et 29 €/MWh pour le parc 1300.
De façon alternative, et sans doute plus précise, il est possible de calculer un coût de
prolongation du parc en comparant les coûts et les productions respectifs de deux scénarios
d’arrêts en VD 4 ou en VD 5. Dans leurs temporalités, il apparaît notamment que le pic
d’investissement pour prolongation intervient près de 5 ans avant le pic de production
supplémentaire permise.
Graphique n° 13 :
Temporalité du différentiel de CAPEX et de production entre les scénarios VD5
et VD4
Source : Cour des comptes à partir des données d’EDF
La somme actualisée (à un taux de financement identique à celui utilisé
supra
pour le
coût de production complet actuel du nucléaire) des écarts de CAPEX et d’OPEX (hors post-
exploitation) entre les deux scénarios, rapportée à la somme actualisée des volumes
supplémentaires de production annuels associés au scénario VD 5, conduit à un coût de
prolongation de 39 €
2015
/MWh pour le parc 900, et de 36 €
2015
/MWh pour l’ensemble du parc
100
.
Ces résultats sont fondés sur des chroniques futures de CAPEX, pour les années 2017
et suivantes, modélisées par EDF en 2016
101
. Or,comme mentionné
supra
, EDF a, depuis 2016,
revu à la hausse le coût du Grand carénage (+7% sur le coût cumulé prévisionnel 2014-2035),
sans que soit explicité dans quelle mesure les prescriptions de l’ASN, formulées dans sa
décision n° 2021-DC-0706 relative aux conditions de la poursuite de fonctionnement des
réacteurs de 900 MW au-delà de 40 ans, auront un impact sur ces coûts. Compte tenu de cette
100
Pour un facteur de charge moyen de 75%.
101
Globalement sur 2017-2050, les CAPEX associés à la prolongation de 10 ans représentaient, ramené
à la puissance des réacteurs, en moyenne 575 €
2015
/kW sur l’ensemble du parc.
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
61
hausse, le coût de prolongation passerait à 37 €
2015
/MWh pour l’ensemble du parc. Enfin, ce
calcul sous-estime le coût de prolongation puisqu’il n’intègre pas les surcoûts d’investissement
engagés avant 2017, et qui ne l’auraient pas été sans prolongation au-delà des 40 ans (il s’agit
des dépenses déjà engagées au titre des VD4 du parc 900, mais aussi potentiellement d’une
partie des dépenses de renouvellement de gros composants et de renforcement de la sûreté post-
Fukushima, relatives aux réacteurs les plus proches de leurs 40 ans).
En tout état de cause, la prise en compte des coûts de prolongation du parc nucélaire
existant, dans un exercice de chiffrage de coût complet d’un mix électrique, appelle une
identification précise des coûts d’investissement nécessaires à la prolongation des différents
paliers de réacteurs, selon les scénarios de prolongations ou d’arrêts retenus. Si ces éléments,
connus d’EDF, ont été transmis à RTE en vue de la finalisation de ses travaux sur les scénarios
à horizon 2050, ce type de transmission gagnerait à devenir une habitude de travail pour ce type
d’exercice réalisé par RTE.
Enfin, la prolongation de 10 ans conduit à repousser les décaissements relatifs aux
dépenses de post-exploitation et de démantèlement, ce qui se traduit par un moindre coût
actualisé de production. Cette économie, rapportée à la production supplémentaire permise par
la prolongation, en atténuation de son coût brut, a un effet sur le coût net de prolongation que
la Cour estime à - 1 €
2015
/MWh au titre de la post-exploitation et - 1 €
2015
/MWh au titre du
démantèlement
102
.
Inversement, si les prolongations de durée de vie du parc actuel rendaient en elles-
mêmes nécessaires des investissements de rénovation ou de développement des capacités de
l’aval du cycle du combustible nucléaire et de stockage de déchets radioactifs, ceux-ci devraient
trouver leur traduction dans les coûts de prolongation du parc (cf.
infra
).
Tableau n° 8 :
Récapitulatif des coûts de prolongation du nucléaire retenus selon les différentes
sources (pour l’ensemble du parc existant)
Source
« Restes à engager »
LCOE de prolongation de 40 à 50 ans
EDF (2017)
~30 €
2015
/MWh
ADEME
42 €/MWh
Calcul Cour selon hypothèses intiales du
groupe de travail de RTE
45 / 40
€/MWh *
Calcul Cour selon données d’EDF
>
35 €
2015
/MWh **
* selon la période (Voir hypothèses précises supra)
** compte tenu de la réévaluation du coût du Grand carénage et net de l’effet sur les charges de post-explotiation
et de démantèlement
Source : Cour des comptes
Compte tenu des prévisions actuelles par EDF des coûts d’investissement associés au
Grand carénage, le coût de prolongation du parc existant atteindrait ainsi plus de 35 €
2015
/MWh
102
En utilisant le taux d’actualisation réel des provisions pour charges de long terme.
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
62
pour l’ensemble du parc, au moins 38 €
2015
/MWh pour le seul palier 900 et 30,5 €
2015
/MWh
pour le palier 1300.
Ces niveaux de coûts sont supérieurs à ceux recensés à l’international par l’AIE et
l’AEN. Dans leur dernier rapport conjoint
103
, ces agences placent les coûts de prolongation de
10 ans des réacteurs dans différents pays au sein d’une fourchette allant de 31,3 à
36,0 US$/MWh (soit 26,3 à 30,2 €/MWh
104
) pour un taux d’actualisation réel de 7% et pour un
facteur de charge de 85%. Pour la France, l’AIE et l’AEN retiennent notamment un coût de
35,1 US$/MWh, soit 29,5 €/MWh, sur la base d’un coût d’investissement de 629 US$/MWh
(528 €/MWh) consenti seulement un an avant la prolongation. L’écart par rapport à l’estimation
faite sur la base des données d’EDF provient, pour l’essentiel, à la fois du facteur de charge
plus élevé retenu par l’AIE-AEN et d’une temporalité différente des investissements.
2.2.2.2.3
Les coûts du « nouveau nucléaire »
Le coût très élevé de la construction de FLA 3 est en partie imputable à un certain
nombre de facteurs spécifiques que la Cour a analysé dans son rapport particulier sur
La filière
EPR
. La construction d’un nouveau modèle d’EPR, l’EPR 2, dont le dossier de sûreté est en
cours d’instruction par l’ASN, devrait permettre d’abaisser notablement le coût de construction
des réacteurs de troisième génération, dans l’hypothèse où le Gouvernement déciderait de
lancer un nouveau programme de construction.
Pour l’heure, les éléments de coûts qui ont été transmis par les services de l’Etat à RTE
dans le cadre de la préparation du bilan prévisionnel de long terme 2050, et rendus publics par
RTE
105
, se fondent sur un coût moyen de construction, pour 3 paires de réacteurs, compris entre
4 165 et 5 100 €/kW. Sur la base des hypothèses également fournies pour les coûts de
développement du programme et pour les charges prévisionnelles d’exploitation, la Cour a
calculé le LCOE du programme, pour une durée de vie des réacteurs de 60 ans, un facteur de
charge de 85% et à un taux de financement identique à celui utilisé
supra
dans les calculs du
coût de production du nucléaire existant
106
. Elle aboutit à une fourchette de coût comprise entre
85 et 100 €/MWh.
Comme l’indique RTE dans son document soumis à consultation publique, ces éléments
de coûts sont des données provisoires. Les travaux se poursuivent pour conforter l’analyse des
coûts d’un éventuel programme EPR2, afin de préparer les éléments d’une future décision sur
l’évolution du parc post-2035.
Les données internationales recensées par l’AIE et l’AEN dans leur récent rapport (cf.
supra
) font quant à elles état, pour le nouveau nucléaire, d’un éventail de coûts compris entre
53 et 102 US$/MWh pour un taux d’actualisation de 7% et un facteur de charge de 85% et
placent l’EPR français à 71,1 US$/MWh (60,4 €/MWh) sous les mêmes hypothèses. Pour
obtenir ce résultat, l’AIE et l’AEN se fondent sur un coût
overnight
de seulement
4 013 US$/kW (3 410 €/kW), significativement inférieur aux hypothèses transmises à RTE. En
103
AIE-AEN Projected cos
ts of
generating electricity
– édition 2020, p.149.
104
Au taux de change du 8 avril 2021 : 1 US$=0,8406 €
105
RTE, Bilan prévisionnel long terme « Futurs énergétiques 2050 » - Consultation publique sur le
cadrage et les hypothèses des scénarios (janvier 2021)
106
En prenant par ailleurs pour hypothèse un barycentre des chroniques de coûts de construction placé 3
ans avant la mise en service.
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
63
revanche, les données pour l’Europe du dernier rapport de l’AIE « Net zero by 2050 » (cf.
supra
) se rapprochent de ces hypothèses, avec un coût overnight de 5 100 US$/kW en 2030
(4 333 €/kW).
2.2.3
La place de l’optimisation économique et la discrimination des mix par leurs
coûts
Pour éclairer les choix de mix électrique à long terme, le critère économique de
minimisation des coûts complets peut être utilisé de façon plus ou moins prépondérante dans la
modélisation des scénarios à long terme. On peut en effet distinguer les scénarios selon que les
capacités des différentes filières de production sont déterminées par le jeu de l’optimisation
économique ou au contraire qu’elles sont fixées de façon exogène.
Dans ce dernier cas, ce choix reflète un scénario de décisions publiques déterminant
l’évolution du mix
107
. L’étude « trajectoires 2020-2060 » de l’ADEME, fixe par exemple un
développement minimum de capacités EnR jusqu’en 2030, ainsi qu’un rythme d’investissement
dans les technologies de flexibilisation de la demande. Les scénarios du bilan prévisionnel 2017
de RTE imposaient différents calendriers de fermetures des centrales du parc nucléaire actuel.
Les simulations d’EDF testent quant à elles différents volumes de capacités nucléaires installées
en 2050.
Quelle que soit la part de capacités fixées de façon exogène, les exercices de chiffrage
du coût du mix à long terme ont recours à des algorithmes de minimisation de coût pour
déterminer celle des autres capacités dont la présence est modélisée
108
. Par ailleurs, le chiffrage
du coût d’un mix procède aussi par optimisation du recours effectif à toutes les capacités en
place, par simulation du
dispatching
horaire (mobilisation des moyens pour assurer à tout
instant l’équilibre offre-demande) assurant la minimisation des coûts variables de production.
En outre, au-delà de la fixation exogène de certaines capacités, l’optimisation
économique opérée par les différents exercices se fait sous un certain nombre de contraintes,
qui peuvent porter sur le respect d’un critère de sécurité d’approvisionnement, des rythmes
maximums de déploiement de certaines capacités (pour des raisons industrielles notamment),
ou encore sur un niveau d’émissions de CO
2
.
Selon le degré de « scénarisation » des mix à long terme, les exercices d’optimisation
économique sont plus ou moins susceptibles d’éclairer des choix publics sur le fondement des
coûts complets de ces mix. Plus les scénarios sont fondés sur un modèle d’optimisation
économique dans lequel les sources de production les plus compétitives prennent la place de
celles qui le sont moins, et moins les écarts de coûts complet du mix à long terme sont
importants. C’est ce qui ressort du travail de l’ADEME
109
.
107
Indépendamment des moyens mis en place pour le réaliser (soutien public à certaines filières,
autorisations ou interdictions légales d’exploitation, etc.)
108
Certaines technologies peuvent être exclues de l’ensemble des possibles étudiés.
109
Ceci sera d’autant plus vrai que les coûts des différentes technologies forment un continuum en
fonction des différents facteurs de charge et que des moyens de pointe à coût suffisamment maîtrisé sont
disponibles
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
64
En revanche, plus la part des différentes filières de production dans le mix est fixée a
priori, de manière exogène, et non en raison d’hypothèse de compétitivité comparée, et plus les
scénarios sont susceptibles de présenter des coûts complets significativement différents.
110
.
L’écart de coût entre le scénario Watt et les autres scénarios du bilan prévisionnel 2017 de RTE
(cf. 2.3.1 infra) en est une illustration. Le classement des scénarios selon leur coût dépendra
alors fortement des hypothèses prises sur les coûts des différentes technologies de production,
de flexibilité ou de stockage, ainsi que des contraintes posées à certaines filières (gisements
maximum de flexibilité notamment) ou au système dans son ensemble (critère de sécurité
d’approvisionnement, objectif de décarbonation en volume, etc.). Il est alors possible d’illustrer
la sensibilité de ce classement à divers jeux d’hypothèses sur les paramètres de coût des
différentes filières (coûts d’investissements, d’exploitation, durée de vie, etc.).
A ces divers jeux d’hypothèses peuvent également être associées différentes variantes
relatives aux taux de financement utilisé. Dans un exercice d’estimation des coûts adossé au
rendement attendu par les financeurs des différentes filières (représentation des conditions de
réalisation réelle des moyens de production), ces variantes en termes de taux sont traduites dans
les taux d’actualisation retenus, et peuvent alors refléter d’une part les incertitudes relatives aux
coûts futurs de chacune des filières, et d’autre part les risques associés à leur déploiement,
indépendamment d’une éventuelle régulation.
Par ailleurs, la prise en compte de plusieurs scénarios d’évolution de la demande
d’électricité à long terme ainsi que d’évolution des mix électriques de nos voisins européens
devrait permettre de savoir dans quelle mesure les écarts relatifs de coûts entre différents mix
sont sensibles à cette évolution.
Enfin, la sensibilité des résultats au niveau de fixation du critère de sécurité
d’approvisionnement, pour lequel RTE a prévu des analyses portant sur la définition de la cible
de sécurité d’approvisionnement à viser à long terme, mérite d’être étudiée.
Recommandation n°2 : (DGEC, RTE, 2022) Calculer le coût complet de chaque
scénario de mix électrique, en ayant recours à des variantes de coûts et de taux
d’actualisation, en fonction des risques associés au développement de chaque filière
de production.
110
La fixation exogène de certaines capacités conduit à s’éloigner d’un optimum en termes de coût total.
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
65
2.3
Les enjeux pour les travaux de programmation en cours et la
planification à long terme
2.3.1
Une planification ne s’appuyant pas encore sur la comparaison des coûts
complets des différents scénarios
2.3.1.1
La planification énergétique à moyen et long terme : SNBC et PPE
L’énergie est un sujet stratégique d’un point de vue économique aussi bien que politique
qui justifie l’intervention ancienne de l’État, appuyée sur un effort de planification de l’offre et
de la demande, hier dans un cadre national, aujourd’hui dans un cadre européen.
Le règlement 2018/1999 adopté par le Parlement européen et le Conseil de l’Union
européenne le 11 décembre 2018 prévoyait que les États Membres établissent pour le
31 décembre 2019 des plans nationaux intégrés en matière d’énergie et de climat (PNIEC)
couvrant des périodes de 10 ans.
Le plan national intégré énergie-climat de la France, transmis à la Commission
européenne, est fondé sur deux documents nationaux de programmation et de gouvernance sur
l’énergie et le climat : la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) et la programmation
pluriannuelle de l’énergie (PPE) .
La stratégie nationale bas-carbone (SNBC) fixe les orientations à mettre en œuvre dans
tous les secteurs d’activités pour atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet
de serre à court/moyen terme et la neutralité carbone à l’horizon 2050.
La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) fixe les priorités d’actions des
pouvoirs publics dans le domaine de l’énergie pour les 10 années à venir, partagées en deux
périodes de 5 ans. Elle traite de l’ensemble des énergies et de l’ensemble des piliers de la
politique énergétique : maîtrise de la demande en énergie, promotion des énergies
renouvelables, garantie de sécurité d'approvisionnement, maîtrise des coûts de l’énergie,
développement équilibré des réseaux.
Le contenu et les modalités d’élaboration des PPE sont encadrés par les articles
L.141-1 à L.141-6 du code de l’énergie, modifiées par la loi du 17 août 2015 relative à la
transition énergétique pour la croissance verte, puis par la loi du 8 novembre 2019 relative à
l’énergie et au climat. Il est ainsi prévu que les PPE fixent les orientations de politique
énergétique par pas de cinq ans. Doivent être compatibles avec la PPE : les objectifs quantitatifs
des appels d’offres pour des installations de production d’électricité (EnR en particulier), pour
des capacités d’effacement de consommation électrique, ou pour des investissements
permettant l’injection de biométhane dans les réseaux de gaz ; les autorisations d’exploiter des
nouvelles installations de production électrique ; le plan stratégique d’EDF prévu dans l’article
L311-5-7 du code de l'énergie.
La première PPE faisait exception à la règle des 5 ans puisqu’elle portait sur une
première période de trois ans puis de cinq ans. Elle a été approuvée en 2016 et sa révision a été
engagée dès 2018. Ce processus de révision a abouti en avril 2020 avec la signature du décret
n° 2020-456 du 21 avril 2020 relatif à la nouvelle programmation pluriannuelle de l'énergie.
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
66
Celle-ci couvre deux périodes successives de cinq ans couvrant 2019-2023 et 2024-
2028. Les dispositions relatives à la première période sont prescriptives, celles qui portent sur
la seconde sont indicatives dans la mesure où la révision de la PPE en 2023 précisera les
objectifs pour les cinq années suivantes.
Enfin, le code de l’énergie, dans son article L.100-1 A prévoit désormais qu’ «
avant le
1er juillet 2023, puis tous les cinq ans, une loi détermine les objectifs et fixe les priorités
d'action de la politique énergétique nationale pour répondre à l'urgence écologique et
climatique
. […]
».
2.3.1.2
La prise en compte des coûts des énergies dans la PPE et la SNBC
2.3.1.2.1
Le contexte d’élaboration de la deuxième PPE
La Cour des comptes notait dans le rapport qu’elle a réalisé en mars 2018, à la demande
de la commission des finances du Sénat sur « le soutien aux énergies renouvelables » que
l’objectif fixé par la LTECV de baisser à 50% la part du nucléaire dans la production
d’électricité «
n’était pas compatible avec la trajectoire d’augmentation des capacités
d’énergies renouvelables électriques déterminées en 2016 par la PPE
». Elle avait déjà fait le
constat dans son RPT de juillet 2013 sur « la politique de développement des énergies
renouvelables » du décalage entre le rythme de déploiement des moyens de production
d’électricité renouvelable et les objectifs affichés.
Le rapport de mars 2018 soulignait également l’absence «
de connaissance claire des
coûts constatés de production
» des pouvoirs publics ; la Cour regrettait que la PPE ne repose
pas «
sur une analyse des coûts des différentes filières de production d’énergie, pour pouvoir
mieux objectiver les choix de politique de soutien mis en œuvre
».
C’est dans ce contexte qu’a été engagée la concertation en vue d’élaborer une nouvelle
PPE couvrant les années 2019 à 2023, puis 2023-2028.
Le dossier du maître d’ouvrage présenté par la DGEC au débat public
111
sur la
programmation pluriannuelle de l’énergie, pourtant très axé sur les aspects relatifs à la
production d’énergie (la réduction de la consommation n’occupant qu’une place secondaire et
l’accent était mis sur les seules consommations d’énergie fossile
112
), ne retient cependant pas
la comparaison des coûts de production comme axe d’analyse et critère de choix des
orientations proposées.
Néanmoins, la DGEC s’est attachée à quantifier l’impact macroéconomique des
scénarios retenus, ainsi que l’impact budgétaire des objectifs de développement des EnR
111
Dossier du maître d’ouvrage pour le débat public pour la programmation pluriannuelle de l’énergie
(PPE 2018) ;
Débat public programmation pluriannuelle de l’énergie (debatpublic.fr)
112
Les objectifs de réduction de la consommation d’énergie sont traités en 35 pages, de la page 24 à la
page 59 du dossier, tandis que la partie consacrée à l’offre d’énergie couvre 100 pages, de la page 60 à la page
160, et que le reste du dossier était largement consacré aux questions de sécurité énergétique et d’évaluation des
perspectives énergétiques dans leur impact sur la croissance et le pouvoir d’achat des ménages qui sont autant
d’occasions de revenir à la production d’énergie
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
67
proposés (quantification des montants relatifs aux charges de service public de l’énergie
engendrées par la mise en œuvre des obejctifs de la programmation).
2.3.1.2.2
La prise en compte des travaux du bilan prévisionnel 2017 de RTE
La DGEC indique, dans les réponses apportées à la Cour, que pour la préparation de la
deuxième PPE, elle s’est principalement appuyée sur le bilan prévisionnel de RTE de 2017
113
.
Dans le cadre de ses missions relatives aux bilans prévisionnels et aux schémas
décennaux de développement du réseau, RTE est en effet amené à réaliser des études sur
l’évolution du parc électrique à long terme et de ses coûts. Le bilan de 2017 porte sur l’horizon
2035 ; il a été actualisé et complété sur certains aspects (réseau, nouveaux usages de
l’électricité, scénario PPE) en 2019 et 2020. Le bilan prévisionnel de 2018 ne se projetait quant
à lui que sur un horizon de 5 ans. Le bilan prévisionnel publié en 2021 a renouvelé les
perspectives de long terme, à l’horizon 2030.
Pour la préparation de la deuxième PPE, le Gouvernement s’est ainsi appuyé sur les cinq
scénarios présentés par RTE en 2017 dans son bilan prévisionnel pour la période 2018-2035.
Le gouvernement n’en a retenu que deux, considérant que les autres n’étaient pas compatibles
avec les objectifs climatiques du gouvernement.
Le scénario « Ohm » concluait à la difficulté de réduire la part du nucléaire à 50 % de
la production d’électricité en 2025 sans augmenter les émissions de CO
2
. Il fallait pour cela
fermer entre 23 et 27 réacteurs, et sans doute maintenir des centrales au charbon tout en
construisant des centrales à gaz pour compenser la perte de production d’électricité fournie par
les réacteurs nucléaires. Ces conclusions ont conduit le Gouvernement à proposer un report de
l’atteinte de l’objectif de 50% de nucléaire dans le mix électrique. Les 4 autres scénarios
s’inscrivaient ainsi à l’horizon 2035, sans obligation de respect de cet objectif en 2025.
Parmi ceux-ci, le gouvernement a écarté le scénario « Watt », qui reposait sur le
déclassement automatique du parc nucléaire après 40 ans de fonctionnement. Sa mise en œuvre
supposait la construction de centrales au gaz, notamment, qui faisait de ce scénario le plus
émetteur en CO
2
en 2035 (32 millions de tonnes contre 26 Mt d’émissions du parc électrique
en 2016). Le scénario « Hertz », également écarté, proposait une diminution de la part du
nucléaire accompagnée du développement de centrales à gaz (dans un contexte de
développement moins rapide des énergies renouvelables) sans augmentation des émissions de
CO
2
. Le parc électrique en 2035 aurait produit, selon ce scénario, 19 millions de tonnes de CO
2
.
Ces trois scénarios écartés, le Gouvernement en a soumis deux au débat public. Le
scénario "Ampère" prévoyait de réduire la part du nucléaire au rythme du développement
effectif de la production d’électricité d’origine renouvelable. Dix-huit réacteurs nucléaires
auraient été fermés (en comptant les deux de Fessenheim) en 2035 et les capacités de production
d’énergie renouvelable auraient triplé pour atteindre 149 GW (dont 67 GW d'éolien et 48 GW
de photovoltaïque). La part du nucléaire aurait alors été de 46% du mix électrique à cet horizon.
Le scénario "Volt" proposait de développer les énergies renouvelables au rythme des débouchés
économiques. En 2035, 11 réacteurs nucléaires auraient été fermés (en comptant Fessenheim),
113
RTE, Bilan prévisionnel de l’équilibre offre-demande d’électricité en France, 2017.
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
68
date à laquelle l'éolien aurait atteint 50 GW et le photovoltaïque 36 GW. Le nucléaire aurait
encore représenté 56% du mix électrique en 2035. Ces scénarios respectent l’objectif de
neutralité carbone appliqué au niveau du secteur électrique seul, tel qu’il a été formulé dans la
stratégie nationale bas carbone
114
.
Le choix de ces deux scénarios repose sur des hypothèses fortes concernant les
exportations. En effet, les capacités de production dépasseraient largement la consommation
intérieure car les énergies renouvelables viendraient s’ajouter à un socle de production d’origine
nucléaire encore important jusqu’en 2035. Le bouclage de ces scénarios n’est assuré que par
l’hypothèse d’un niveau d’exportations de l’électricité élevé, porté en 2035 à plus de 135 TWh,
ce qui représenterait un niveau très nettement supérieur au niveau des exportations le plus élevé
que la France ait enregistré dans son histoire
115
.
Enfin, le choix de ces scénarios soulève certaines questions quant à la manière dont les
analyses économiques associées à ces scénarios ont été prises en compte.
2.3.1.2.3
Les éclairages économiques apportés par les précédents travaux de RTE
En effet, le bilan prévisionnel de 2017 de RTE apporte des éclairages intéressants sur la
comparaison économique des scénarios. Il souligne que dans certaines conditions
116
:
-
Tous les scénarios prévoient un accroissement des investissements nécessaires pour la
prochaine décennie par rapport à la précédente ;
-
L’impact de la balance commerciale (bilan des imports-exports) est très structurant sur
le classement des scénarios : la capacité d’export importante mentionnée
supra
pour les
scénarios Ampère et Volt permet de diminuer significativement les coûts de ceux-ci
retenus au périmètre « France »
117
;
-
L’analyse sur la base des coûts annualisés complets conclut à une certaine équivalence
entre les scénarios Ampère, Hertz ou Volt. Seul le scénario Watt (déclassement
automatique des centrales à 40 ans) se distingue par des coûts plus élevés à l’horizon
2035. Cela signifie qu’il y a un intérêt économique à l’allongement de la durée de vie
des réacteurs nucléaires au-delà de 40 ans ;
114
2020-03-25_MTES_SNBC2.pdf (ecologie.gouv.fr)
: «
La stratégie vise : […] Une décarbonation
quasi-complète de la production d’énergie à l’horizon 2050 (la partie résiduelle étant constituée de carburants
fossiles destinés à l’aviation et aux transports maritimes, et des fuites résiduelles, notamment des fuites de
méthane). »
115
Le quart de la production d’électricité serait dirigé vers l’exportation, alors qu’elle ne représente que
moins du 10 % aujourd’hui. Un tel volume d’exportation ne pourrait sans doute être atteint que si les prix français
sont très inférieurs à ceux des autres marchés de l’union
européenne. L’hypothèse de prix de marché déprimés
jusqu’en 2035 pose alors un autre problème, celui des conditions de rémunération de la production d’électricité
nucléaire d’une part, renouvelables d’autre part. Des prix de marché durablement faible pénaliseront les
possibilités de développement de l’électricité renouvelable et rendront plus coûteux les dispositifs de soutien
nécessaire à leur croissance si celle-ci reste désirée.
116
Prix du CO
2
à l’échelle européenne n’atteignant pas sa valeur tutélaire, stabilité de la consommation
électrique à l’horizon 2035, interconnexions développées à un rythme médian.
117
Solde des échanges commerciaux d’environ 7 Md€/an pour le scenario Ampère et 9 Md€/an pour le
scenario Volt, à comparer à 1,2 Md€ pour 2016 et environ 3 Md€ pour 2017.
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
69
-
Le coût associé au développement des EnR n’est pas proportionnel au développement
de leur volume (baisse des coûts unitaires dans le temps) et la part relative des
différentes filières EnR a un impact significatif sur les coûts ;
-
Les hypothèses sur le développement des énergies renouvelables en France et dans le
reste de l’Europe sont susceptibles d’être plus structurantes sur l’avenir de la filière
nucléaire que celles sur le coût du grand carénage.
Ces résultats ont été résumés dans le dossier du maître d’ouvrage de la PPE, qui a
notamment relevé, p.151, que «
les coûts de production d’électricité apparaissent maîtrisés
dans les deux scénarios, avec une variation moyenne de 5 €/MWh sur la période de treize ans
entre 2017 et 2030 (soit 9%) pour le scénario Ampère, et 2€/MWh pour Volt (soit 4%)
».
La PPE, dans sa version finale, ne permet toutefois pas d’identifier dans quelle mesure
ces enseignements ont influencé les arbitrages réalisés, notamment concernant le niveau des
exports considéré comme réaliste ou le panachage optimal des filières d’énergies renouvelables.
La DGEC considère que les décisions à court terme résultent d’un certain nombre de
choix dits sans regret : le développement des énergies renouvelables est en effet, selon elle,
indispensable au regard de la trajectoire de baisse du nucléaire, qui sera, quoi qu’il arrive,
nécessaire au vu de l’âge du parc et des dispositions législatives.
En tout état de cause, l’horizon 2035 retenu à l’époque ne permettait pas de traiter la
question d’un renouvellement du parc nucléaire et ses effets éventuels sur les caractéristiques
du mix électrique (coûts, sécurité d’approvisionnement, balance commerciale, émissions de
CO
2
, etc.) ; en effet, les nouveaux réacteurs n’apparaîtraient dans le mix qu’au mieux à partir
de cette date, alors même que les décisions d’engager les investissements correspondant doivent
être prises bien en amont.
Le document final de la deuxième PPE reflétait du reste une absence d’informations sur
les coûts du nouveau nucléaire : aucune information n’a été donnée sur le coût du réacteur de
Flamanville 3 dont la construction a commencé en 2007, et dont les dérives de coûts étaient
alors déjà connues. Il est toutefois expliqué, concernant le nouveau nucléaire, que «
de nouvelles
capacités nucléaires n’apparaissent en tout état de cause pas nécessaires pour assurer
l’équilibre offre-demande d’électricité avant l’horizon 2035. En l’état actuel des technologies,
il n’est pas possible de déterminer avec certitude les technologies les plus compétitives pour
assurer notre mix électrique à cet horizon, entre le nucléaire et les énergies renouvelables
associées à du stockage et à d’autres solutions de flexibilité. Plusieurs scénarios seront
expertisés, allant d’un scénario 100 % renouvelable à un scénario où le nucléaire reste
durablement une source de production d’électricité intégrée dans le mix électrique pour des
raisons de pilotage de la production et de compétitivité ».
2.3.1.2.4
L’analyse interne de la DGEC sur les trajectoires possibles
La DGEC a également réalisé ses propres comparaisons de scénarios, sur la base d’un
modèle de calcul élaboré avec la DG Trésor et l’APE. Ces «
travaux ont été menés en lien avec
le Ministère de l’économie et des finances afin de définir un mix électrique compatible à la fois
avec les objectifs européens et avec le maintien d’un niveau de sécurité d’approvisionnement
suffisant
».
Cet outil, qui a été utilisé ponctuellement pour préparer les arbitrages interministériels
de la PPE, permettait d’identifier les impacts de différents scénarios, en fonction du rythme de
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
70
fermeture des centrales nucléaires, et du développement des énergies renouvelables sur : le
cycle du combustible et le recyclage, le rythme des dépenses de soutien aux EnR, le coût du
mix électrique. Il ne modélisait en revanche pas les coûts de réseau ou les coûts liés aux besoins
de flexibilité, ce qui limite de façon importante l’exploitation qui peut être faite de ces résultats.
Les notes de la DGEC élaborées à l’appui de ces arbitrages, apportent en revanche des
éléments d’analyse des enjeux associés à un choix de trajectoire de mix électrique qui ne
figurent pas dans les exercices de scénarisation de mix réalisés par l’ADEME, RTE, EDF, etc.
Elles permettent notamment de mettre en exergue des conditions et/ou conséquences des choix,
qui n’ont pourtant pas fait l’objet de débat dans le cadre de la PPE, et qui ne sont pas abordées
dans les exercices de simulation de scénarios de mix électrique.
En particulier, les analyses de la DGEC montrent que :
-
L’impact sur les finances publiques des différents scénarios ne dépend pas uniquement
du soutien aux énergies renouvelables ; il peut également dépendre du rythme de
fermeture des centrales nucléaires, puisque des indemnisations peuvent être dues à EDF
dans le cadre de ces fermetures. Ce fut le cas pour la fermeture de la centrale de
Fessenheim. Le risque que des indemnisations soient dues dans les différents scénarios
n’est pas à écarter : la Cour a attiré l’attention des pouvoirs publics sur le sujet dans son
rapport relatif à l’arrêt et au démantèlement des installations nucléaires
118
. La mise en
œuvre de telles indemnisations ne modifierait pas le coût du mix électrique en tant que
tel, puisqu’elles constitueraient de simples transferts entre le contribuable, via l’État, et
EDF. Néanmoins, elles modifieraient la façon dont ce coût serait
in fine
supporté par les
différents acteurs et pèserait en particulier sur les finances publiques.
-
Les scénarios de mix qui comportent une hypothèse de renouvellement du parc nucléaire
emportent des conséquences sur la gestion du cycle nucléaire.
Ces
conséquences
impliquent
des
investissements
complémentaires,
même
incrémentaux, et donc un coût supplémentaire du scénario en sus du seul chiffrage des
investissements dans les installations de production d’électricité, de stockage et de réseaux
électriques. En effet, les scénarios qui reposent sur le développement de nouvelles capacités de
production nucléaires pourraient nécessiter à terme des investissements supplémentaires dans
l’aval du cycle du combustible, que ce soit pour le renouvellement au moins partiel des
installations de La Hague à partir de 2035-2040, l’accroissement des capacités opérationnelles
de Cigeo ou pour le développement d’un nouveau site de stockage de déchets radioactifs (en
plus du projet Cigeo qui permettra d’accueillir les déchets radioactifs du parc nucléaire
existant)
119
. Ces sujets ont été abordés dans le rapport de la Cour relatif à l’aval du cycle du
combustible nucléaire
120
. Ce coût devrait être reflété dans le coût du combustible des EPR2 et
dans les charges de long terme associées à ces mêmes réacteurs. Toutefois, les hypothèses
d’investissement associées au renouvellement de La Hague ou le chiffrage d’un « deuxième
Cigeo » ne sont explicitées dans aucun document à l’appui d’hypothèses de coûts de production
de futurs EPR. Si les coûts relatifs à l’aval du cycle resteront faibles en proportion des LCOE
118
Cour des comptes, L’arrêt et le démantèlement des installations nucléaires, communication à la
commission des finances du Sénat, février 2020.
119
La PPE (page 145) précise ainsi que «
selon la décision qui sera prise utlérieurement en matière de
construction de nouveaux réacteurs nucléaires, la question d’une extension ou de nouvelles capacités de stockage
géologique pour accueillir les déchets générés par le nouveau parc se posera
».
120
Cour des comptes, L’aval du cycle du combustible nucléaire, Rapport public thématique, juillet 2019.
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
71
du nucléaire, du fait de l’actualisation (compte-tenu des durées sur lesquelles ces coûts
s’étalent), ce n’est pas le cas des coûts liés à d’éventuelles opérations de renouvellement au
moins partiel des installations de l’usine de La Hague, qui mériteraient d’être précisés
rapidement.
La Cour note ainsi que les coûts associés aux éventuels besoins de renouvellement
d’installations situées dans l’usine de La Hague ou au besoin d’investissement associé à un
nouveau projet d’enfouissement des déchets radioactifs, sont indissociables des hypothèses de
renouvellement du parc nucléaire. Quelle que soit la forme ou les effets de leur prise en compte
dans le chiffrage du coût des différents scénarios, elle recommande donc de veiller à leur
inclusion dans les prochains exercices réalisés, sur la base d’hypothèses explicites.
Recommandation n° 3 : (DGEC, RTE, 2022) Prévoir et expliciter, pour les scénarios
de mix électrique comprenant une hypothèse de renouvellement du parc nucléaire,
la prise en compte des investissements associés à l’aval du cycle du combustible.
2.3.1.3
Les limites et faiblesses de la préparation de la deuxième PPE à corriger
2.3.1.3.1
Les limites identifiées des exercices de planification existants
Le bilan prévisionnel de 2017 de RTE mentionnait les approfondissements ou
compléments nécessaires à ses premières évaluations. Il indiquait que devraient être
amélioré(e)s :
-
La traduction, dans les évaluations économiques, des mesures de maîtrise de la
demande ;
-
L’analyse économique « multi-énergie » des scénarios de transition ;
-
L’optimisation de la pondération entre filières d’énergie renouvelable ;
-
La connaissance sur les coûts futurs du nucléaire (y compris les coûts imputables aux
prolongation de tranches existantes).
Ce dernier point fait écho à l’absence de publications régulières sur les coûts du
nucléaire, mentionnée au premier chapitre. Ainsi le dossier du maître d’ouvrage de la PPE, qui
donnait des ordres de grandeur assez précis des coûts de production des filières d’énergie
renouvelable (p.134), se bornait à indiquer que «
selon les méthodes de calcul et les périmètres
retenus, le coût de production des centrales nucléaires existantes, en tenant compte des
provisions pour le démantèlement, est évalué entre 32 €/MWh et 60 €/MWh
. ». Le BP 2017 de
RTE, sur ce sujet avait également dû s’appuyer sur «
les références de coûts [..] de la Cour des
comptes
et [l]es dernières communications financières d’EDF
», puisque «
RTE ne dispose pas
d’informations sur les coûts de prolongation réacteur par réacteur
». Comme indiqué au 2.2,
si des progrès ont été récemment constatés sur ce sujet,
ce type de transmission gagnerait à
devinir une habitude régulière pour ce type de travaux qu’ils soient réalisés par RTE ou une
administration publique.
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
72
2.3.1.3.2
Le programme de travail annoncé pour la prochaine PPE
Le programme de travail sur le mix électrique de long terme prévu par la PPE adoptée
en avril 2020 comporte 7 volets.
Un volet concerne les perspectives sur les modes de production bas-carbone. Les
travaux de ce volet s’articulent avec les travaux menés par ailleurs par RTE sur le mix électrique
à horizon 2050. Ils comprennent une étude confiée à RTE et l’AIE sur la faisabilité technique
d’un mix 100 % EnR, déjà rendue publique (cf.
infra
).
Les six autres volets concernent la possibilité de construire et incorporer au parc de
nouvelles capacités de production nucléaires. Ils portent notamment sur les coûts des nouveaux
réacteurs envisagés, sur les modalités de consultation du public en identifiant les implications
juridiques et réglementaires du lancement d’un programme nouveau nucléaire
121
, sur le
dispositif de financement et de régulation associé
122
, sur les enjeux de localisation des nouveaux
réacteurs, sur les options de gestion des déchets radioactifs d’un nouveau parc et sur les
capacités industrielles de la filière nucléaire.
2.3.2
Les incertitudes à lever pour éclairer la décision sur le mix 2050
Comme sus-mentionné, à la demande de la ministre de la transition écologique, RTE a
mené une étude sur la construction et l’analyse de scénarios à l’horizon 2050 (« Futurs
énergétiques 2050 »), en concertation avec l’ensemble des parties prenantes du secteur. Des
précisions sur la méthodologie adoptée sont données en annexe n°8.
Comportant des améliorations méthodologiques par rapport au BP 2017, ces analyses
doivent permettre de :
-
éclairer la faisabilité et la pertinence technique et économique de certains mix,
notamment ceux à forte augmentation de la part des renouvelables, alors que les
principaux travaux récents sur ce sujet, ceux de l’ADEME et ceux d’EDF, ont adopté
des approches très contrastés et aboutissent à des conclusions sensiblement différentes
(les grandes lignes de ces deux études sont présentées en annexes n° 6 et 7).
-
déterminer si l’écart des coûts complets entre les différents mix électriques dépasse la
marge d’incertitude associée aux hypothèses de coûts sur les différentes technologies ;
-
illustrer, par les analyses de sensibilité produites, quels peuvent être les risques les plus
importants associés à chaque scénario afin d’écarter des scénarios qui seraient identifiés
a priori
comme moins pertinents que d’autres sur différents critères dont celui du coût,
ou moins résilients, et d’éclairer la décision politique.
121
Dans ce contexte, EDF a récemment saisi la CNDP afin de bénéficier d’un appui méthodologique pour
la préparation « d’un dispositif participatif sur le nouveau programme nucléaire » et la « préparation de la
concertation réglementaire du projet de la construction de la première paire d’EPR » (décision publique de la
CNDP du 2 septembre 2020)
122
Sur ce volet, la DGEC travaille avec l’appui de juristes et en lien avec ceux d’EDF. Ce sujet est traité
avec celui de la régulation du nucléaire existant, dont les discussions sont en cours et jugées prioritaires par le
gouvernement.
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
73
Ces améliorations méthodologiques incluent une meilleure prise en compte des coûts
du nucléaire (cf.
supra
) ainsi que de ceux de l’hydraulique. En effet, dans le BP 2017, seule
l’installation de nouvelles STEP était prise en compte dans l’optimisation économique.
D’après les informations dont la Cour a eu communication, le travail d’élaboration du
rapport de RTE offre des garanties en termes de processus de concertation ainsi qu’en termes
de précautions méthodologiques par rapport au traitement des coûts des technologies retenus et
utilisés dans l’exercice. Le rapport « Futurs énergétiques 2050 » constitue ainsi un apport sur
lequel les pouvoirs publics peuvent s’appuyer pour évaluer les mérites respectifs de différentes
options, au regard essentiellement des parts respectives des EnR et du nucléaire dans le mix
post-2035.
Cet exercice permettra de répondre aux nombreuses recommandations de la Cour
relatives à l’anticipation du mix à l’horizon de 2050. Celle-ci avait notamment proposé, dans
son rapport sur la filière EPR,
123
de «
prolonger jusqu’en 2050 la planification du mix électrique
préalablement à la décision de lancement d’un éventuel chantier de nouveaux réacteurs
électronucléaires
».
La question de la faisabilité technique des différentes options a récemment été éclairée
par les résultats de l’étude AIE-RTE
124
, qui conclut qu’un mix à forte proportion d’énergie
renouvelable est possible, sous certaines conditions. Ainsi, la comparaison des coûts complets
des différents scénarios de mix a pris d’autant plus d’importance que la faisabilité technique
n’est pas discriminante entre les options.
Dans les scénarios à très forte proportion d’EnR, les hypothèses relatives à la couverture
des besoins de flexibilité aux différents horizons de temps, couplées au degré de contrainte
imposé à la décarbonation sont structurantes : si l’étude de l’ADEME repose sur des hypothèses
de développement et de recours très importants à la modulation de la demande et tient compte
de la décarbonation induite dans d’autres secteurs (industrie, mobilité, chaleur…) pour
conserver une part de production flexible thermique émettrice de CO2, construire un scénario
à 2050 visant une décarbonation stricte du mix électrique, conduit, selon EDF, à développer
massivement le stockage inter-saisonnier d’électricité via l’hydrogène et le méthane de synthèse
quel qu’en soit le coût par rapport au recours à des moyens alternatifs de flexibilité
125
.
Comme cela a été souligné en introduction de ce rapport, le choix d’un mix de
production électrique ne repose naturellement pas
sur la seule comparaison des coûts complets
comparés des différentes options. Il s’agit d’un choix plus global, qui peut refléter la volonté
de limiter les émissions « carbone » de son mix, l’acceptation ou non de certaines technologies
par la population, une aversion spécifique à certains risques (d’accidents, d’approvisionnement,
etc.), la volonté de soutenir une filière industrielle nationale ou de rechercher une indépendance
d’approvisionnement en énergie, etc. Les décisions prises doivent également tenir compte des
incertitudes pesant sur les hypothèses retenues, en laissant ouvertes autant que possible
différentes options dans une logique de « moindre regret ».
123
Cour des comptes, La filière EPR, Rapport public thématique
124
IEA, RTE, Conditions and requirements for the technical feasibility for a power system with a high
share of renewables in France towards 2050, 2021.
125
L’ADEME, dans son étude de 2015 sur un mix 100% renouvelable, n’obtenait pas un surcoût aussi
élevé pour le scenario complètement décarboné: «
Mix électrique 100% renouvelable ? Analyses et optimisations »
- La librairie ADEME
. Une comparaison des deux exercices de prospective serait ainsi intéressante, pour
comprendre les écarts de coûts importants constatés.
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
74
La Cour recommande cependant que les coûts pour la collectivité des différentes options
en termes de mix électrique à long terme soient pris en compte parmi les facteurs ayant vocation
à éclairer les décisions structurantes de la prochaine PPE. La loi du 8 novembre 2019 relative à
l’énergie et au climat a introduit (par la création de l’article L. 100-1 A du code de l’énergie)
une loi de programmation sur l’énergie et le climat à adopter pour la première fois avant le 1
er
juillet 2023, puis tous les cinq ans. Les nouvelles PPE et SNBC devront être enterinées dans un
délai d’un an après son adoption. L’introduction de cette loi de programmation, qui fera donc
l’objet d’un débat parlementaire, a conduit le législateur à sortir la PPE du champ du débat
public et à prévoir à la place une concertation préalable adaptée. Les analyses de RTE pourront
contribuer utilement à l’étude d’impact de cette future loi de programmation.
Recommandation n°4 : (DGEC, au plus tard en 2023) Prendre en compte les
analyses présentées par RTE dans son rapport « Futurs énergétiques 2050 »
dans
l’étude d’impact de la loi de programmation sur l’énergie et le climat prévue à
l’article L.100-1 A du code de l’énergie.
CONCLUSION INTERMÉDIAIRE _______
La simple comparaison des coûts moyens de chaque filière de production n’est pas
suffisante pour éclairer la décision publique quant aux choix de mix à long terme. En effet, le
coût complet d’un mix électrique ne découle pas de la seule répartition des capacités de
production entre filières mais de la façon dont ces capacités sont appelées à produire en
fonction de leurs coûts marginaux et des profils infra-annuels de la demande.
Les études disponibles soulignent par ailleurs l’importance d’aborder le coût
économique d’un mix électrique en élargissant le chiffrage au système électrique dans son
ensemble, qui comprend, en sus des moyens de production, tous les moyens de stockage, de
flexibilité de la demande, mais aussi le réseau de transport et de distribution et les
interconnexions.
Dans ce périmètre élargi, les hypothèses retenues pour les coûts des différents moyens
de production et pour leur évolution à long terme sont alors déterminantes pour la comparaison
des coûts complets de différents mix électriques.
A des horizons de plus de 30 ans, les incertitudes pesant sur les coûts futurs de
technologies encore peu ou pas matures (stockage et power-to-X), comme sur la poursuite de
trajectoires de réduction de coûts (EnR), ou encore sur les gisements de flexibilité de la
demande, appellent à systématiquement explorer la sensibilité des résultats à des variations de
ces hypothèses. S’agissant des coûts de production nucléaire à prendre en compte, deux
éléments méritent une attention particulière. Tout d’abord, s’agissant du coût de prolongation
du parc existant, une identification précise et actualisée des coûts d’investissement est
nécessaire afin de quantifier de façon plus robuste la compétitivité relative d’une telle
prolongation . Ensuite s’agissant du coût de futurs EPR 2, des fourchettes d’incertitude sur les
coûts de construction devraient être systématiquement testées compte-tenu de l’absence de
maturité de ce nouveau réacteur.
En outre, le choix d’un taux d’actualisation et de son éventuelle distinction selon les
filières ayant une influence notable sur les coûts comparés des mix, diverses variantes relatives
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
75
à ce paramètre, traduisant différentes perceptions de risques par filières, gagneraient à être
testées. Dans un ordre d’idée différent, la sensibilité des chiffrages de coûts de mix au niveau
de contrainte induit par le critère de sécurité d’approvisionnement mériterait aussi d’être
étudiée.
La prise en compte des coûts du mix dans les décisions de planification énergétique,
incarnée par la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) et la stratégie nationale bas
carbone (SNBC), s’est avérée jusqu’à présent insuffisante.
Pourtant les exercices de comparaison de scénarios de mix réalisés par RTE dans le
cadre de son bilan prévisionnel 2017 permettaient déjà de retenir quelques conclusions
saillantes : la pertinence de la prolongation du nucléaire existant, l’importance des hypothèses
de développement des EnR (et la part relative des différentes filières), l’impact de la balance
commerciale sur les scénarios, etc.
Le programme de travail fixé par la PPE sur le mix accorde encore peu de place à la
comparaison de scénarios et privilégie le travail sur les conditions de développement du
nouveau nucléaire. Pourtant certains sujets ne font pas l’objet d’examens explicites, alors
qu’ils sont déterminants pour certains choix : ainsi , l’estimation du coût des installations de
l’aval du cycle du combustible nucléaire serait nécessaire au développement d’une nouvelle
génération de réacteurs électronucléaires.
L’ADEME ou EDF ont produit des comparaisons économiques de scénarios possibles,
qui aboutissent à des conclusions sensiblement différentes. Dans ce contexte, l’exercice conduit
par RTE dans le cadre de son rapport « Futurs énergétiques 2050 » permet d’apporter un
éclairage sur ces questions, et pourrait utilement servir pour l’étude d’impact de la future loi
de programmation sur l’énergie et le climat prévue par l’article L.100-1-A du code de l’énergie,
et alimenter ainsi le débat parlementaire qui s’ouvrira à cette occasion.
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
76
ANNEXES
Annexe n° 1. Glossaire
..........................................................................................................
77
Annexe n° 2. Suivi des recommandations formulées dans les rapports précédents de la Cour
des comptes sur les coûts de la filière électronucléaire
...................................
78
Annexe n° 3. Les différents éléments et notions de coûts
.....................................................
81
Annexe n° 4. La variation des coûts de production nucléaire selon la méthode de calcul
retenus
.............................................................................................................
84
Annexe n° 5. Comparaison des méthodologies et données entre l’ADEME et la CRE
........
94
Annexe n° 6. L’étude « trajectoires » de l’ADEME
.............................................................
98
Annexe n° 7. : Etude par EDF de différents mix à l’horizon 2050
.....................................
100
Annexe n° 8. : La méthode et les outils du rapport « Futurs énergétiques 2050 » de RTE. 102
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
77
Annexe n° 1.
Glossaire
ARENH :
Accés régulé au nucléaire historique
CAPEX :
« Capital expenditure », ou coûts d’investissement
CMPC :
Coût moyen pondéré du capital
EnR :
Energies renouvelables
EPR :
Evolutionary Pressurized Reactor
Facteur de charge :
rapport entre la production annuelle effective et la production théorique
qui résulterait d’un fonctionnement à la puissance maximale tout au long
de l’année
FLA 3 :
Flamanville 3, se réfère à l’EPR en cours de construction en France
LCOE :
Levelized cost of energy, coût actualisé de l’énergie
MW :
Megawatt, unité de mesure de la puissance d’une installation de
production
MWh :
Megawattheure, unité de mesure de l’énergie produite
OPEX :
« Operation expenditure », coûts d’exploitation
PPE :
Programmation pluriannuelle de l’énergie
SNBC :
Stratégie nationale bas carbone
VNC :
Valeur nette comptable
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
78
Annexe n° 2.
Suivi des recommandations formulées dans les rapports précédents
de la Cour des comptes sur les coûts de la filière électronucléaire
Tableau n° 9 :
Recommandations issues des 2 rapports de la Cour des comptes suivants : les coûts de
la filière électronucléaire, rapport public thématique, 2012 ; le coût de production de l’électricité
nucléaire, actualisation 2014
N°
Date du rapport
contenant
la
recommandation
Recommandation
Mise
en
œuvre
(date
d’appréciation)
Commentaire
1
2012 ;
2014 (reprise)
Utiliser dans les comptes d’EDF la
méthode
Dampierre
2009
comme
support de l’évaluation des provisions
de démantèlement et non la méthode
historique qui ne permet pas un suivi
suffisamment précis des évolutions de
cette provision
Totalement mis en œuvre
(2015)
De nouvelles recommandations
concernant les provisions pour
démantèlement figurent dans le
rapport relatif à l’arrêt et au
démantèlement des installations
nucléaires de 2020
126
.
2
2012 ;
2014 (reprise)
Réaliser
rapidement,
comme
l’envisage la direction générale de
l’énergie et du climat, des audits
techniques par des cabinets et des
experts extérieurs, afin de valider les
paramètres techniques de la méthode
Dampierre 2009
Totalement mis en œuvre
(2015)
De nouvelles recommandations
concernant les provisions pour
démantèlement figurent dans le
rapport relatif à l’arrêt et au
démantèlement des installations
nucléaires de 2020
127
.
3
2012 ;
2014 (reprise)
Fixer dans les meilleurs délais le
nouveau devis sur le coût du stockage
géologique profond, de la manière la
plus réaliste possible et dans le respect
des décisions de l’ASN, seule autorité
compétente pour se prononcer sur le
niveau de sureté de ce centre de
stockage
Mise en œuvre en cours
(2015)
Une nouvelle recommandation
a été formulée en 2019
128
sur le
sujet : «
mettre à jour les coûts
du scénario de référence de
Cigéo en prenant en compte de
manière plus réaliste les risques
et opportunités du projet
».
4
2012 ;
2014 (reprise)
Chiffrer, dans le cadre de ce nouveau
devis, le coût d’un éventuel stockage
direct du MOX et de l’URE produits
chaque année et prendre en compte
cette hypothèse dans les travaux futurs
de dimensionnement du centre de
stockage géologique profond
Mise en œuvre en cours
(2015)
Une nouvelle recommandation
a été formulée en 2019
129
sur le
sujet : «
définir les jalons, dans
la réalisation du prjet Cigéo,
qui devront donner lieu à une
actualisation de l’inventaire de
référence, notamment dans le
cas d’un stockage des MOX et
URE usés
».
126
Cour des comptes, l’arrêt et le démantèlement des installations nucléaires, rapport à la commission des
finances du Sénat, 2020
127
ibid
128
Cour des comptes, l’aval du cycle du combustible nucléaire, rapport public thématique, 2019.
129
ibid
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
79
N°
Date du rapport
contenant
la
recommandation
Recommandation
Mise
en
œuvre
(date
d’appréciation)
Commentaire
5
2012 ;
2014 (reprise)
Réexaminer, de manière globale, le
sujet des actifs dédiés, car il n’est pas
sain que la structure et la logique
initiale
du
dispositif
soient
profondément
modifiées
par
des
dérogations successives chaque fois
que se présente une nouvelle difficulté
Mise en œuvre en cours
(2015)
6
2012 ;
2014 (reprise)
Mener les actions nécessaires, tant au
plan international que national, pour
que les conventions de Paris et de
Bruxelles, signées en 2004, entrent
rapidement
en
vigueur,
car
elles
augmentent sensiblement le plafond de
responsabilité des opérateurs, même
s’il reste limité
Mise en œuvre en cours
(2015)
7
2012 ;
2014 (reprise)
Appliquer avec rigueur les dispositions
du droit positif français actuel, en
particulier en matière d’agrément de la
garantie
financière
imposée
aux
exploitants,
en
appliquant
complètement
le
dispositif
réglementaire
Obsolète (2015)
8
2012 ;
2014 (reprise)
Encourager et soutenir les travaux et
études consacrés aux externalités,
positives
ou
négatives,
tant
sur
l’énergie nucléaire que sur les autres
énergies, de nombreux impacts ne
pouvant pas être monétarisés, en tout
cas actuellement alors qu’ils sont utiles
pour
les
comparaisons
entre
les
différentes formes d’énergie
Mise en œuvre en cours
(2015)
9
2012 ;
2014 (reprise)
Actualiser
régulièrement,
cette
enquête, en toute transparence et
objectivité
Non mis en œuvre (2015)
10
2012 ;
2014
(recommandation
renforcée)
Prendre position rapidement, dans le
cadre de la fixation des orientations de
la politique énergétique à moyen
terme, sur le prolongement de la durée
d’exploitation des réacteurs au-delà de
40 ans, afin de permettre aux acteurs,
notamment à EDF, de planifier les
actions et les investissements qui en
résulteront.
Une nouvelle recommandation
a été formulée en 2019
130
sur le
sujet : «
Afin de mieux anticiper
les évolutions du mix électrique,
porter
à
15
ans
la
programmation
pluriannuelle
de l’énergie (PPE) et renforcer
le volet correspondant de la
stratégie nationale bas carbone
à l’horizon 2050
»
130
Cour des comptes, l’arrêt et le démantèlement des installations nucléaires, rapport à la commission des
finances du Sénat, 2020
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
80
N°
Date du rapport
contenant
la
recommandation
Recommandation
Mise
en
œuvre
(date
d’appréciation)
Commentaire
11
2014
En matière de taux d’actualisation,
conclure rapidement les débats sur les
méthodes de calcul du taux plafond,
afin de mettre fin au plus vite à la
situation actuelle dans laquelle les
exploitants dérogent depuis un an,
avec l’accord de l’administration, à
une disposition réglementaire
Totalement mise en œuvre
(2021) : nouveaux calculs de
taux plafond
Une nouvelle recommandation
a été formulée en 2019
131
sur le
sujet :
«
Faire
porter
l’encadrement
réglementaire
du taux d’actualisation utilisé
pour le calcul des provisions
des
exploitants
nucléaires
sur
le
taux
réel
plutôt
que
sur
le
taux
nominal
»
12
2014
S’agissant de la créance actuelle
d’AREVA sur le CEA, en renégocier
ses modalités de financement, afin
d’en réduire le coût pour le CEA et
donc pour les finances publiques
Totalement mise en œuvre
(2020) : dette apurée en 2019
Source : Cour des comptes
131
Ibid
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
81
Annexe n° 3.
Les différents éléments et notions de coûts
Les coûts financiers et d’opportunité
Associés au financement de ces dépenses d’investissement, d’exploitation et de charges
de long terme, le producteur supporte enfin des coûts financiers et des coûts d’opportunité.
-
Les coûts financiers résultent principalement d’un financement total ou partiel des
investissements par emprunt : ils représentent la charge d’intérêt de cet emprunt et
peuvent alors inclure des intérêts intercalaires
132
.
-
Les
coûts
d’opportunité
résultent
principalement
d’un
financement
des
investissements par fonds propres. Ils correspondent au bénéfice qui aurait été tiré
du meilleur usage possible de ces fonds propres. Ces coûts n’engendrent pas de
décaissement effectif de la part du porteur de projet : ils représentent une perte
d’opportunité par rapport à un projet alternatif.
-
Des coûts financiers ou d’opportunité peuvent aussi résulter de l’existence d’un
besoin de fonds de roulement associé à l’exploitation (coût de portage de stock
notamment), ainsi que d’obligations de constitution d’actifs en couverture de
provisions
pour
charges
futures
(charges
postérieures
à
la
période
de
fonctionnement).
Contrairement aux dépenses mentionnées
supra
, les coûts financiers et d’opportunité
dépendent toutefois aussi du niveau et du rythme des recettes générées par la production
133
, ce
qui rend délicat leur prise en compte telle quelle au sein des coûts de production.
Enfin, le coût supporté au titre de l’impôt sur les sociétés (IS) dépendra lui aussi des
recettes de production. Mais, en outre, il dépend des impacts comptables associés aux
calendriers d’amortissement des investissements et aux calendriers des charges de post-
exploitation faisant l’objet de dotations aux provisions.
Les différentes notions de coûts utilisables
Selon le contexte et l’utilisation qui doit en être faite, il existe différentes notions de
coûts de production, qui prennent en compte tout ou partie des éléments de dépenses décrits ci-
dessus et les rapportent à différents volumes de production.
Le coût marginal de court terme
134
quantifie le coût supplémentaire engendré par le
production d’un volume supplémentaire d’énergie, sans accroissement de la capacité existante.
Il ne prend en compte que les dépenses proportionnelles au volume de production, et
d’éventuels coûts de démarrages/arrêt. Les dépenses proportionnelles incluent les charges
132
Les intérêts intercalaires correspondent aux intérêts payés pendant la construction de l’actif de
production, alors que le remboursement de l’emprunt n’a pas débuté. Ces intérêts sont capitalisés et selon les
normes comptables (IAS 23), ils peuvent figurer dans le montant de l’immobilisation (cf. Cour des comptes,
La
filière EPR
, rapport public thématique, Juillet 2020).
133
Des recettes plus élevées et plus précoces, en fonction des prix de vente, permettent de réduire plus
rapidement l’endettement net et de restaurer les fonds propres.
134
°
±²³´µ¶²· ¸¹
=
º»¼½_¾
¿
»ÀÁÂ
¿
, en €/MWh
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
82
variables d’exploitation et certains charges futures (dans le cas du nucléaire, les charges de
gestion du combustible usé et de gestion à long terme des déchets radioactifs induits).
Il est utilisé avant tout pour le
dispatching
de la production à pas horaire ou demi-
horaire : la décision de produire sera prise si les moyens à plus faible coût marginal sont
insuffisants pour répondre à la demande, c’est-à-dire si le prix d’équilibre du marché
spot
est
au moins égal au coût marginal du moyen en question.
Le coût marginal de développement, ou coût marginal de long terme
135
, quantifie le coût
supplémentaire engendré par la mise à disposition d’un volume supplémentaire de capacité. Il
prend en compte les investissements « annualisés » (c’est-à-dire que le montant total
d’investissement est transformé en un équivalent de CAPEX annuel sur la durée de vie
résiduelle du moyen de production) et les charges fixes annuelles nécessaires au développement
et à l’exploitation d’une capacité supplémentaire de production, ainsi que les charges variables
associées à la production supplémentaire tirée de cette capacité, et enfin les éventuelles charges
futures associées. L’ensemble de ces coûts (incluant le cas échéant les coûts financiers et
d’opportunité associés aux CAPEX et aux charges de long terme, cf. 1.1.3
infra
) est rapporté à
la production supplémentaire. Il s’exprime en €/MWh et mérite d’être accompagné de la
mention du facteur de charge correspondant à son calcul. En effet, toutes choses égales par
ailleurs, ce coût est décroissant avec le facteur de charge.
Graphique n° 14 :
Illustration de la baisse des coûts marginaux de développement avec
l’augmentation du facteur de charge
Source : Cour des comptes
Comme traduction du coût de la satisfaction immédiate d’une hausse structurelle de la
demande, il peut être utilisé comme un moyen de tarification pour un planificateur public. Cette
135
°
±²³´µ¶²· ù
=
ÄÅÆ»¼½ÇÅÈÉÊ
Ë¿¿ Ë!"#é#
Ǻ»¼½_%
&
Ǻ»¼½_¾
¿
Å’(’)*+,-)._/0’À12
¿
Soit
°
±²³´µ¶²· ù
=
3
._/0’À12
¿
4
ÄÅÆ»¼½ÇÅÈÉÊ
Ë¿¿ Ë!"#é#
Å’(’)*+,-
5
º»¼½_%
&
Å’(’)*+,-
6 5 °
±²³´µ¶²· ¸¹
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
83
notion de coût marginal de long terme a ainsi été utilisée par EDF avant la libéralisation du
marché de l’électricité
136
. Comme traduction du coût de développement de nouvelles capacités,
il correspond aussi au coût à prendre en compte pour opérer les choix d’investissement entre
différentes filières et différents moyens de production
137
afin de répondre au moindre coût à
l’évolution de la demande d’électricité, par exemple dans le cadre d’un exercice d’optimisation
économique d’un mix électrique (cf. partie 2). Selon la nature de la demande à couvrir (base
138
,
semi-base ou pointe), le choix se portera sur la filière dont le coût marginal de développement,
pour un facteur de charge correspondant à cette nature de demande, est le plus faible.
Le coût complet de production quantifie le coût de production sur l’ensemble du cycle
de vie du moyen de production. Il prend en compte toutes les dépenses et coûts associés décrits
au 1.1.1
supra
et les rapporte aux volumes produits. Le coût marginal de long terme, quand il
correspond à création d’un nouveau moyen de production, et non pas à la prolongation d’un
moyen déjà existant, est équivalent à un coût complet de production.
Le calcul d’un coût complet de production représente un coût moyen valable sur
l’ensemble de la période de production, y compris quand celle-ci intègre une période de
prolongation permise par des investissements spécifiques de prolongation
139
.
136
Sur l’histoire de la tarification d’EDF et sa rationalité économique : « L'économicité d’EDF : La
politique tarifaire d'Électricité de France et la reconstruction de l'économie nationale, de la nationalisation au
milieu des années 1960 », Guillaume Yon, revue
Politix, 2014/1 N° 105 | pages 91 à 115.
137
Il peut être distingué d’un coût de prolongation, qui permet de répondre à une demande à un horizon
postérieur à la durée de vie initiale d’un moyen de production. Sur ce type d’horizon, prolongation et
développement sont en concurrence en termes de choix d’investissement.
138
La demande en base se manifeste sur au moins 6000 heures par an, ce qui correspond à un facteur de
charge d’au moins 68% (si les périodes de production se font en permanence à puissance maximale) pour un moyen
de production qui devrait y répondre. La demande en pointe se manifeste sur moins de 2000 heures par an, ce qui
correspond à un facteur de charge de moins de 23%,
139
Le coût associé aux investissements de prolongation est alors rapporté de fait à l’ensemble de la période
de production, et non pas à la seule période de prolongation. De même, le coût associé aux investissements initiaux
est rapporté de fait à l’ensemble de la période de production, y compris la période de prolongation permise par les
investissements ultérieurs.
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
84
Annexe n° 4.
La variation des coûts de production nucléaire selon la méthode de
calcul retenus
Le taux d’actualisation retenu pour les calculs correspond au CMPC nominal avant
impôt sur les sociétés, fourni par EDF pour le parc de production nucléaire en 2019. Ce taux
n’est pas précisé car il est couvert par le secret des affaires. Une durée de vie de 40 ans pour les
paliers 1300 MW et N4 et de 50 ans pour les réacteurs de 900 MW a été retenue, conformément
aux règles d’amortissement pratiquées par EDF en 2019.
1 – Le coût associé aux investissements passés
Pour l’année 2019, selon l’approche comptable, le coût associé aux investissements
passés est calculé en additionnant les dotations aux amortissements, soit 2 833 M€
140
, et une
rémunération de la valeur nette comptable du parc
141
et des immobilisations en cours (IEC) fin
2018 de 2 907 M€
142
au taux nominal
retenu. Cette approche conduit à un coût de
5 739 M€
.
Selon une méthode économique, vue de l’année 2019, le calcul du loyer économique
associé aux seuls investissements initiaux dans le parc de production en fonctionnement, soit
96 Md€
2010
143
ou encore 103,8 Md€
2019
, serait de
8 231 M€
2019
, sur une durée de vie de
45,5 ans
144
, pour le taux d’actualisation réel retenu
145
. Dans l’approche utilisée par la Cour en
2012 et 2014, les investissements de maintenance intervenus depuis les mises en service ne sont
pas pris en compte
146
.
L’approche hybride repose
a priori
sur le calcul du loyer économique sur une durée de
vie résiduelle moyenne de 13,5 ans
147
associé à la valeur nette comptable fin 2018 du parc
148
,
soit 22,4 Md€
149
. Cette méthode est hybride en ce qu’elle combine des données comptables
pour le passé et des données non comptables pour le présent (les dépenses d’investissement de
l’année sont intégrées en
pass-through,
c’est-à-dire qu’elles sont comptabilisées comme une
140
Ce montant inclut l’amortissement des actifs de contrepartie (cf.
infra
)
141
hors dépréciation liée aux actifs de contrepartie
142
hors déductions du montant des coûts d’emprunts incorporés à la VNC fin 2018, non disponibles. En
revanche, les coûts d’emprunts incorporés aux IEC, soit 374 M€, ont été déduits.
143
Dont 83,24 Md€
2010
de coût dit
overnight
et 12,78 Md€
2010
d’intérêts intercalaires (sur la base d’un
TMO réel des émissions publiques de 4,5%) d’après les données utilisées par la Cour en 2012.
144
Durée moyenne d’amortissement comptable du parc (non pondérée des puissances nominales)
145
Le calcul recourt à un taux d’intérêt réel, ce qui permet de conserver la prise en compte de la chronique
exacte des taux d’inflation passés (en fait ceux des prix du PIB) dans le calcul de la valeur 2019 du loyer
économique.
146
En contrepartie, les investissements de l’année sont pris en compte pour leur montant intégral sur
l’année correspondante (cf. 1.2.2.2
infra
).
147
Correspondant aux durées d’amortissement comptable actuelles, soit 50 ans d’exploitation pour le parc
900 er 40 ans pour les autres paliers.
148
Hors actifs de contrepartie et dépréciation associée des actifs sous-jacents (cf.
infra
)
149
Cette valeur nette ne concerne par ailleurs pas seulement les investissements initiaux mais également
tous les investissements de maintenance intervenus depuis la mise en service des différentes tranches. En revanche,
elle n’intègre pas les intérêts intercalaires supportés lors de la construction du parc. L’intégration des intérêts
intercalaires à la valeur comptable des immobilisations, lors de l’incorporation des actifs immobilisés, n’a été
autorisée par les normes comptables que récemment, reste optionnelle et soumise à certaines conditions.
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
85
charge d’exploitation, l’année de leur décaissement). Il faut donc ajouter à ce loyer économique
celui des immobilisations en cours à cette date (non encore incorporées à la valeur nette
comptable (VNC), afin que la valeur de toutes les dépenses d’investissement passées soit prise
en compte
150
. Le loyer économique total à considérer s’élèverait ainsi à
3 853 M€
2019
, pour un
taux d’actualisation réel de 7,65%.
2 – Le coût associé aux investissements de l’année
L’approche comptable ne retient aucun coût au titre des investissements de l’année. En
effet les investissements sont pris en compte
via
l’appréciation des IEC et de la VNC, et
l’amortissement de cette dernière. Lorsque que de nouveaux investissements sont réalisés, ces
différentes grandeurs augmentent, permettant ainsi le remboursement et la rémunération de
ceux-ci.
La méthode économique « pure » impliquerait de traiter les investissements annuels,
passé, présents et à venir, sous forme de loyer économique. Faute de disposer de la chronique
des investissements passés depuis la mise en service du parc, l’approche du coût courant
économique utilisé par la Cour en 2012 et 2014 repose sur la prise en compte des
investissements de l’année dans le coût de production de cette même année pour leur montant
intégral (méthode du
pass-through
), soit
4 318 M€
en 2019 (cf. partie 1.2.3)
151
.
Dans une approche hybride, la prise en compte peut se faire de la même façon, pour
estimer le coût de production de l’année suivant immédiatement l’exercice pris comme
référence pour la VNC. En vue d’estimer le coût de production moyen sur une période
prospective plus longue, il est aussi possible de recourir au calcul du loyer économique
correspondant à la chronique prévisionnelle des investissements annuels. En tout état de cause,
des applications successives de cette méthode hybride, en partant de différentes années de
référence pour la VNC, imposent une vigilance particulière pour ne pas opérer de double
compte au titre des investissements annuels
152
.
3 – Le coût associé aux charges futures
La plupart des charges nucléaires futures, postérieures à l’exploitation, font chaque
année l’objet d’écritures comptables spécifiques sur lesquelles les différentes méthodes de
calcul peuvent s’appuyer.
150
Le fait d’inclure les immobilisations en cours impose d’être très vigilant pour l’application de cette
méthode dans le temps (dans le cas d’une régulation par exemple), en particulier sur la prise en compte des intérêts
intercalaires. En effet, ceux-ci seront incorporés à la VNC en même temps que la valeur de l’actif ; or ils auront
été déjà pris en compte intégralement dans les coûts au titre de la rémunération des immobilisations en cours.
151
Cette méthode ne nécessite par ailleurs pas de faire d’hypothèses sur la chronique future des CAPEX.
152
Dans une optique de régulation, il importe ainsi de retraiter la valeur nette comptable des
investissements qui auraient été déjà incorporés au coût de production l’année de leur décaissement et donc
couverts par une régulation antérieure.
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
86
Charges nucléaires de long terme
Les inscriptions comptables relatives aux charges nucléaires de long terme sont les suivantes :
-
Les charges donnant lieu à provisionnement non adossé à des actifs de contrepartie font l’objet
de dotations annuelles aux provisions liées à l’évolution du montant des charges futures et de
leur calendrier de décaissement ; elles donnent également lieu à inscriptions de charges
financières correspondant à l’effet des changements du taux d’actualisation utilisé pour le calcul
des provisions ;
-
Les charges faisant l’objet d’un provisionnement adossé à des actifs de contrepartie
153
donnent
lieu à des ajustements de la valeur nette comptable de ces actifs de contrepartie liés à l’évolution
du montant des charges futures et de leur calendrier de décaissement ou liés à des changements
du taux d’actualisation utilisé pour le calcul des provisions ;
-
Des dotations aux amortissements des actifs de contrepartie sont par ailleurs enregistrées chaque
année au compte de résultat.
Pour les deux catégories de charges (avec et sans actif de contrepartie), des charges financières
sont enregistrées chaque année au titre de la dés-actualisation des provisions
154
et viennent augmenter le
niveau de ces provisions. Elles ne donnent pas lieu à décaissement mais impactent le résultat comptable.
La logique des enregistrements comptables permet une « mise en réserve »
155
du cumul des
dotations aux provisions, dotations aux amortissements des actifs de contrepartie et charges financières de
dés-actualisation.
Pour les charges donnant lieu à l’inscription d’un actif de contrepartie, cette « mise en réserve »
entraîne une dé-corrélation progressive entre le niveau de la provision et la somme de la valeur nette
comptable de l’actif de contrepartie et des amortissements cumulés de cet actif. Ce phénomène est illustré
par le graphique ci-dessous.
Schéma n° 6 :
Évolutions relatives du niveau des provisions et de l’actif
de contrepartie
Source : Cour des comptes
153
Dans ce cas, le provisionnement de ces charges ne donne pour l’essentiel pas lieu à une charge
immédiate au compte de résultat mais à l’inscription d’un actif de contrepartie, qui sera amorti progressivement
sur la durée d’exploitation. Ces actifs de contrepartie peuvent être intégrés à la valeur nette comptable de l’actif
de production.
154
C’est-à-dire au titre de l’augmentation de la provision liée au rapprochement de la date d’utilisation
de celle-ci (mise en œuvre du démantèlement par exemple).
155
Il s’agit d’une charge comptable sans décaissement
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
87
Les charges rattachables à une année de production donnée
Les coûts rattachables à une année de production (coûts de gestion du combustible usé
GCU et de gestion à long terme des déchets
GLTD, correspondant au combustible consommé
dans l’année) peuvent être pris en compte à hauteur de la dotation brute annuelle aux provisions
correspondantes, soit 449 M€ en 2019.
La méthodologie retenue par la Cour en 2012 et 2014 y a adjoint, pour leur part relative
à ces provisions, les charges financières de dés-actualisation et celles correspondant aux effets
d’un éventuel changement de taux d’actualisation
156
. L’ensemble de ces charges représenterait
1 546 M€
en 2019.
Dans une approche économique, la provision constituée par le cumul des dotations
annuelles engendre un rendement financier équivalent à la charge de dés-actualisation
enregistrée dans les comptes
157
. Sous cet angle, la prise en compte des charges de dés-
actualisation en sus des dotations annuelles aux provisions pour le calcul du coût de production
n’apparaît pas justifié
158
. En revanche, on peut y adjoindre les charges financières
correspondant aux effets d’un éventuel changement de taux d’actualisation (349 M€ en 2019).
L’ensemble de ces charges représenterait ainsi 798 M€ en 2019.
La méthode hybride peut retenir le même traitement des charges que la méthode
économique.
Dans une approche comptable, il est possible respectivement d’exclure les charges de
dés-actualisation ou bien d’en tenir compte selon que l’on considère ou pas que le cumul des
dotations annuelles permis par les recettes des exercices passés est censé engendrer un
rendement financier. Les calculs réalisés pour ce rapport reposent à titre illustratif sur l’option
d’une prise en compte de ces charges de dés-actualisation. En l’absence de prise en compte des
charges de désactualisation, le coût comptable s’établirait, en 2019, à 41,8 €/MWh.
Les charges non rattachables à une année de production donnée
Les coûts relatifs aux charges futures non rattachables à une année de production donnée
(mais associés au parc actuellement en exploitation) concernent pour l’essentiel des provisions
adossées à des actifs de contrepartie (GCU et GLTD associés aux combustibles engagés non
encore irradiés, démantèlement du parc REP et gestion à long terme des déchets associés,
charges associées aux derniers cœurs).
Selon une approche comptable, ils peuvent être pris en compte à travers :
-
la dotation aux amortissements des actifs de contrepartie ;
156
Bien que celles-ci affectent la totalité des provisions déjà constituées, et non pas seulement celles au
titre du combustible consommé de l’année.
157
C’est ce que traduit l’actualisation opérée dans un calcul de LCOE intégrant les charges de long terme
(cf.
supra
).
158
Ces dotations correspondent en effet au montant qui, augmenté d’intérêts équivalents au taux
d’actualisation du provisionnement, permettra de financer les charges futures liées au combustible consommé dans
l’année.
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
88
-
les charges financières de dés-actualisation correspondant au montant
159
de la VNC
de l’actif de contrepartie. Comme la VNC est théoriquement négative (cf. encadré
ci-dessous), cette charge l’est également et représente un montant de -19 M€ ;
-
Le surcoût financier de la constitution éventuelle d’actifs dédiés, pour sa part
représentative de la VNC de l’actif de contrepartie
160
; il peut être évalué à partir de
l’écart entre le CMPC et le rendement attendu de ces actifs dédiés, soit un montant
(négatif car la VNC est négative) de -24 M€
161
.
La méthode comptable aboutirait ainsi à un coût total de -
43 M€
pour ces charges de
long terme (hors dotations aux amortissements déjà intégrés dans le montant total des
amortissements comptés au 1.2.2.1).
Une VNC négative de l’actif de contrepartie depuis 2016
Pour le parc nucléaire en exploitation, les baisses de provisions engendrées par l’allongement de
la durée de vie des réacteurs 900 MW intégrées dans les comptes d’EDF en 2016 ont pu représenter,
réacteur par réacteur, des montants supérieurs à la VNC résiduelle de l’actif de contrepartie correspondant.
La différence a été enregistrée alors en dépréciation de l’actif sous-jacent, ce qui correspond à une VNC
« théorique » de l’actif de contrepartie négative, tandis que la VNC de l’actif de contrepartie a été mise à
zéro. Comptablement, la VNC de l’actif de contrepartie de chaque réacteur est ainsi positive ou nulle et la
VNC de l’ensemble des actifs de contrepartie reste positive.
En revanche, la VNC « théorique » de
l’ensemble des actifs de contrepartie, tenant compte des dépréciations d’actifs sous-jacent, est négative
depuis 2016. Cette situation est illustrée par le schéma ci-dessous.
159
L’amortissement des actifs de contrepartie permet de fait de sécuriser les montants nécessaires à la
couverture des charges futures. La somme des amortissements des actifs de contrepartie correspond à la partie de
la provision initiale dont la rémunération est supposée être sécurisée : l’augmentation de cette partie de la provision
du fait de la dés-actualisation est supposée pouvoir être couverte par le rendement des sommes mises de côté au
titre de cette provision. En revanche la part de la provision initiale qui n’a pas fait l’objet d’un amortissement (la
VNC) augmente chaque année d’un montant équivalent à la charge de dés-actualisation, qui doit être reflété dans
le coût.
160
La prise en compte des charges de dés-actualisation pour la partie des provisions correspondant à la
VNC des actifs de contrepartie permet de tenir compte du coût de la constitution d’actifs dédiés, au taux
d’actualisation des provisions pour charges de long terme. Or la rémunération de l’investissement consenti pour
cette constitution, à l’instar de tout autre investissement, doit être prise en compte au niveau du CMPC.
161
Et compte tenu du fait que l’obligation de constitution d’actifs dédiés est remplie en partie par
l’affectation de la participation indirecte d’EDF dans RTE pour 2,7 Md€, et par la dette résiduelle de CSPE, pour
2 Md€ fin 2018, soit au total 17,8% du portefeuille d’actifs dédiés.
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
89
Schéma n° 7 :
Évolutions relatives du niveau des provisions et des actifs de contrepartie en cas de
dépréciation de l’actif sous-jacent
Source : Cour des comptes
Selon la méthode économique, une répartition sur l’ensemble de la durée d’exploitation
des coûts relatifs aux charges futures non rattachables à une année de production donnée
consiste à calculer, sur la durée totale prévue d’exploitation, le loyer économique associé au
montant des provisions correspondantes, préalablement actualisé en fonction de l’âge moyen
du parc en exploitation à date et du taux d’actualisation utilisé pour le provisionnement. Pour
un montant total de provisions de 16,7 Md€ fin 2018, et un taux d’actualisation nominal de
3,7%, un taux d’actualisation réel de 2,27%
162
, le coût associé serait ainsi de
281 M€
2019
pour
une durée de vie moyenne de 45,5 ans (coût en €
2019
qui devrait être ajusté à l’inflation).
Un calcul alternatif sur la base des actifs dédiés, mais qui dépend du calendrier effectif de
constitution de ces actifs
En cas d’obligation de constitution d’actifs dédiés plus précoce que les dotations aux amortissements des
actifs de contrepartie, c’est le coût de cette obligation qui peut être considéré, au lieu du coût des charges
de long terme, que ces actifs visent en tout état de cause à couvrir. Ces coûts ne sont pas nécessairement
équivalents dès lors que la charge de constitution d’actifs dédiés est actualisée, comme tout autre
investissement, en fonction du CMPC et non pas du taux d’actualisation des charges de long terme. Si les
actifs dédiés couvrant les charges non rattachables à une année donnée avaient été constitués dès la mise
en service du parc, le coût de leur constitution représenterait 443 M€
2019
pour 2019. Pour une constitution
intégrale en 2010
163
, leur coût représenterait 216 M€
2019
en 2019.
La méthodologie retenue par la Cour en 2012 et 2014 tient compte des charges futures
non rattachables à une année donnée selon une approche comptable. Son application à l’année
2019 aurait pu conduire à prendre en compte, d’une part, les dotations pour amortissement des
162
Soit les taux utilisés pour l’établissement des provisions pour charges de long terme dans les comptes
2019 d’EDF.
163
En pratique, les actifs dédiés ont été constitués progressivement à partir de l’entrée en vigueur de
l’obligation en 2006 ; la constitution complète n’a été atteinte qu’en 2013. En outre, comme indiqué
supra
, ils sont
encore pour partie composés de titres antérieurement détenus par EDF, qui n’ont donc pas engendré de coûts
supplémentaires jusqu’à présent.
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
90
actifs de contrepartie (soit 151 M€ en 2019 hors dépréciation des actifs sous-jacents, soit un
montant négatif, mais n’apparaissant pas directement dans les écritures comptables, en tenant
compte des dépréciations des actifs sous-jacents) et d’autre part, les charges de dés-actualisation
des provisions adossées à ces actifs (soit 630 M€ en 2019), soit un montant de
781 M€.
La méthode hybride peut également s’appuyer sur la méthode comptable, qui prend en
compte l’état d’amortissement des actifs de contrepartie pour le calcul des charges de dés-
actualisation et de la rémunération des actifs dédiés.
Les charges de post-exploitation
Par ailleurs, certaines dépenses postérieures à l’exploitation ne donnent aujourd’hui pas
lieu à provisions comptables (charges dites de post-exploitation, impôts et taxes dues pendant
les démantèlements). Dans un récent rapport remis au Sénat, la Cour s’est déjà prononcée en
faveur de l’intégration d’une grande part de ces dépenses au périmètre de provisionnement des
charges nucléaires de long terme
164
. En tout état de cause, ces dépenses doivent être intégrées
aux coûts de production du parc existant. Elles correspondraient à une somme actualisée de
10,9 Md€ vue depuis fin 2018, calculée selon la même méthode que les provisions pour
démantèlement.
En l’état actuel, ces dépenses ne sont pas provisionnées par EDF et ne donnent donc lieu
aujourd’hui à aucune inscription dans ses comptes. Dès lors, elles n’auraient aucune traduction
dans le coût de production pour 2019 évalué selon la méthode comptable.
En revanche, leur prise en compte par une méthode économique
165
, en considérant le
taux d’actualisation réel, aboutiraient à un coût annuel de 190 M€
2019
166
. Cette méthode répartit
le coût de la constitution des provisions nécessaires à la couverture de ces charges sur toute la
durée de vie du parc (45,5 ans en moyenne), sur la base d’un montant annuel en euros constant.
Une approche hybride pourrait consister, de façon alternative, à rattacher ce coût à la seule
période séparant la date de calcul de la fin de vie des installations, c’est-à-dire sur 13,5 années.
Elle aboutirait ainsi à un coût annuel de 953 M€
2019
.
Enfin, à titre d’illustration, si ces dépenses avaient été provisionnées pour la première
fois dans les comptes 2019, avec inscription d’un actif de contrepartie, la méthode comptable
aurait abouti à un coût de 1 376 M€
167
pour 2019. Ce montant comprend l’amortissement
linéaire de cette provision
168
ainsi que les charges de dés-actualisation de celle-ci, tels que les
auraient alors aussi intégrées la méthode suivie par la Cour en 2012.
164
Cour des comptes, L’arrêt et le démantèlement des installations nucléaires, rapport remis au Sénat,
février
2020 ;
installations-nucleaires-2_0.pdf
165
Soit le provisionnement annuel en euros constants sur la durée de vie considérée permettant, augmenté
des intérêts de son placement au taux d’actualisation des charges de long terme, de disposer des fonds couvrant le
moment venu les dépenses de post-exploitation.
166
Ces résultats doivent être indexés de l’inflation chaque année.
167
En supposant une inscription des provisions correspondantes dès les comptes 2019, avec inscription
d’un actif de contrepartie et son amortissement sur la durée de vie résiduelle fondant les comptes actuels d’EDF.
168
Le calcul étant effectué réacteur par réacteur, sur la durée de vie comptable prévisionnelle de chacun
d’entre eux.
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
91
Résumé de la prise en compte des charges de long terme selon les différentes
méthodologies
La comparaison entre les différentes méthodologies illustrées par la Cour peut être
résumée dans le tableau ci-dessous.
Tableau n° 10 :
Comparatif des différentes méthodologies utilisées
Méthodologie
Comptable
Économique
Cour 2012
Hybride
Charges
rattachables à un
année
de
production donnée
-Dotations
aux
provisions
-Charges
de
désactualisation
-Charges
financières
correspondant
à
un
changement de taux
d’actualisation
-Dotations
aux
provisions-
-Charges
financières
correspondant
à
un changement de
taux
d’actualisation
-Dotations
aux
provisions
-Charges
de
désactualisation
-Charges
financières
correspondant à
un changement
de taux
d’actualisation ?
-Dotations
aux
provisions
-Charges
financières
correspondant
à
un changement de
taux
d’actualisation
Charges
non
rattachables à une
année
de
production donnée
-Dotations
aux
amortissements
des
actifs de contrepartie
-Charges
de
désactualisation
correspondant
à
la
VNC des actifs de
contrepartie
-Compensation
écart
de rémunération actifs
dédiés
entre
CMPC/taux
actualisation
sur
la
base de la VNC des
actifs de contrepartie
-Loyer
économique
calculé
pour
la
valeur actuelle de
la
provision
ou
pour
la
constitution
des
actifs dédiés, sur
la durée de vie
complète
-Dotations
aux
amortissements
des
actifs
de
contrepartie
-Charges
annuelles
de
désactualisation
-Dotations
aux
amortissements
des
actifs
de
contrepartie
-Charges
de
désactualisation
correspondant à la
VNC des actifs de
contrepartie
-Compensation
écart
de
rémunération
actifs dédiés entre
CMPC/taux
actualisation
sur
la base de la VNC
des
actifs
de
contrepartie
Charges de post
exploitation
-En
l’absence
de
provision
effective :
pas de prise en compte
-Si constitution d’une
provision
l’année
considérée :
amortissement
et
charge
de
désactualisation
de
celle-ci
-Loyer
économique de la
provision
correspondante,
sur la durée de vie
complète
Pas de pris en
compte
-Loyer
économique de la
provision
correspondante
sur la durée de vie
restante
Source : Cour des comptes ; note de lecture : * les évolutions concernées sont celles relatives aux
devis, calendriers, taux d’actualisation.
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
92
4 – Le coût associé aux dépenses d’exploitation
En 2019, les charges d’exploitation du nucléaire dit
historique
(hors Flamanville 3
EPR), hors dotations aux amortissements, se sont élevées à 8 864 M€. Elles comprennent les
charges d’énergie et de combustible, les consommations externes, la production stockée
immobilisée
169
, les charges de personnel, les impôts et taxes, les charges transversales
imputables au nucléaire (fonctions supports et appuis), les autres produits et charges
d’exploitation.
Elles incluent également les charges relatives à la gestion des combustibles usés des
années antérieures, les reprises de provisions associées ainsi que les dotations aux provisions
(dotations brutes) pour les combustibles usés de l’année. Les charges d’exploitation hors
charges de long terme
170
s’obtiennent en soustrayant des montants d’OPEX ces dotations aux
provisions brutes, ce qui représente un montant de
8 415 M€
pour 2019.
Ces dépenses d’exploitation incluent les charges comptables relatives à la retraite et aux
autres avantages postérieurs à l’emploi des salariés d’EDF, et les reprises de provisions
associées. EDF inclut également dans les dépenses d’exploitation le « tarif agent » dont
bénéficient ses salariés sur leur consommation personnelle d’électricité, et qui se traduit
comptablement par de moindres produits des ventes d’électricité.
Le rattrapage de la réforme des retraites de 2004
Par ailleurs, EDF calcule de façon extracomptable un coût de « rattrapage » de la
réforme des retraites des salariés des industries électriques et gazières (IEG)
171
de 2004 et de
l’entrée en vigueur des normes IFRS relatives aux avantages postérieurs à l’emploi, en
application du règlement européen n°1606/2002 du 19 juillet 2002. Il a abouti à des réductions
de fonds propres opérées en 2005 à l’occasion du versement de soultes et de la constitution de
provisions
172
. Ces coûts de rattrapage ont été intégrés aux dépenses d’exploitation retenues par
la Cour en 2012 et 2014.
EDF considère en effet qu’un loyer économique correspondant au montant des soultes
versées suite à la réforme de 2004 et calculé conventionnellement sur 20 ans (2005-2025), ainsi
que la neutralisation, dans les charges comptables, de la reprise progressive des provisions
constituées en 2005 au titre des normes IFRS, doivent être pris en compte non seulement dans
169
Ce poste mérite une attention particulière dans une optique de régulation, dans le cas où les CAPEX
et les OPEX feraient l’objet d’une prise en compte différenciée par le régulateur.
170
Les charges de gestion des combustibles de l’année doivent en effet être soustraites aux OPEX, sous
peine de comptabiliser deux fois ces charges de gestion : au moment de leur provisionnement et au moment de
leur décaissement quelques années plus tard.
171
Le régime de retraite des IEG a été profondément modifié par la loi du 9 août 2004 relative
au service
public de l’électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières
. Celle-ci a maintenu le régime spécial
pour tous les agents IEG, créé une caisse autonome de sécurité sociale chargée de gérer l’équilibre financier du
régime spécial (la CNIEG, caisse nationale des industries électriques et gazières), créé la contribution tarifaire
d’acheminement (CTA)
payée par les consommateurs d’électricité et de gaz, et alimentant une partie des droits à
la retraite des salariés des IEG .
172
Soit 9,9 Md€ après prise en compte des effets d’IS pour le périmètre nucléaire selon les données d’EDF
reprises dans le rapport CRE de mai 2020, dont 2,4 Md€ au titre des soultes « retraite ».
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
93
l’estimation des coûts de production annuels mais également dans le cadre de la fixation d’un
prix de régulation. Le surcoût engendré par ces retraitements s’élève à 573 M€ pour 2019.
Au titre des coûts de production annuels, un retraitement au titre des reprises de
provisions reviendrait, en 2019, à compter en sus des coûts associés à la production actuelle
(dotations aux provisions pour les droits acquis en 2019 par les salariés en poste) des coûts
associés à la production antérieure à 2005. Un tel décompte ne serait cependant représentatif,
ni des coûts actuels, ni d’un coût historique annualisé
173
. Ce retraitement pourrait en revanche
se justifier dans le cadre d’un rattrapage de rémunération
174
, dans la mesure où la constitution
des provisions correspondantes s’est faite directement à partir des capitaux propres de
l’entreprise, ne permettant donc pas la rémunération des capitaux mobilisés.
En revanche, la prise en compte du versement initial des soultes
175
n’apparaît pas
redondante avec d’autres éléments intégrés dans le coût annuel de production
176
, même si ses
modalités (notamment la période de calcul d’un loyer économique) sont nécessairement
conventionnelles. Aussi, la Cour estime-t-elle qu’il serait justifié de ne retenir, dans les OPEX,
le « rattrapage retraites » qu’au seul titre des soultes versées
177
.
La rémunération du BFR
EDF compte également au titre de ses coûts d’exploitation, de façon extracomptable, un
coût d’immobilisation de la valeur des stocks de combustibles et de pièces de rechange (soit
l’essentiel de son besoin en fonds de roulement). Correspondant à un coût d’opportunité, il est
obtenu en appliquant le taux nominal du CMPC à cette valeur de stock : il s’élève à 834 M€
pour 2019 (calcul au 21/12/2018). La Cour, en 2012 et 2014, a pris en compte un tel coût
d’opportunité du BFR.
Toutefois, le taux d’intérêt utilisé peut être discuté. En effet, les stocks peuvent être
financés par emprunt à des conditions de court terme, plus avantageuses que le CMPC
178
.
EDF
indique toutefois que «
les stocks de combustible et pièces de rechange non immobilisées ont
un caractère structurel et permanent […] et constituent une sollicitation de la ressource
financière de l’entreprise sur le long terme »,
ce qui justifie, selon elle, une rémunération au
CMPC
.
173
Celui-ci répartirait la charge correspondante sur toute la période de production concernée, alors que la
méthode proposée consiste à refléter les décaissements de l’année, en sus de la dotation aux provisions pour les
nouvelles obligations constatées.
174
Depuis 2005 et jusqu’en 2014, la CRE a pris en compte ces coûts dans l’élaboration des tarifs
réglementés de vente. Depuis la méthode par empilement, ce « rattrapage retraites » est maintenu dans le calcul
des coûts de production auxquels la CRE compare le TRV.
175
Les comptes d’EDF en 2004 et 2005 permettent de justifier la comptabilisation de 3 008 M€ au titre
des soultes.
176
Le versement de soultes est une alternative au versement de cotisations supplémentaires aux régimes
d’adossement.
177
Pour toutes les méthodes, sauf la méthode « Cour » (puisqu’en 2012 et 2014 la Cour n’avait pas
procédé à ce retraitement)
178
À titre d’illustration, au T4 2020, le taux moyen des crédits aux entreprises pour la trésorerie échéancée
était de 1,36 %, selon la Banque de France. Il est continûment inférieur à 2 % depuis 2015. Dans ce cas, appliquer
aux stocks le CMPC n’est justifié que si des conditions de financement plus avantageuses du BFR sont déjà prises
en compte dans le calcul du CMPC lui-même, ce qui ne ressort pas des éléments fournis par EDF. Dès lors, en
retenant par défaut le CMPC pour rémunérer le BFR, les calculs majorent les coûts de production.
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
94
Annexe n° 5.
Comparaison des méthodologies et données entre l’ADEME et la
CRE
1 – Différences de méthodologies utilisées par l’ADEME et la CRE
ADEME
L’édition 2019 du rapport de l’ADEME contient un calcul des LCOE des différentes
filières. Les données utilisées proviennent de représentants de la profession (syndicats
professionnels), de données internes à l’ADEME, ou de questionnaires adressés aux
professionnels de la filière. Il s’agit principalement de données prévisionnelles, pour des projets
dont la date de mise en service s’étale entre 2018 et 2020.
Les données de coûts de l’ADEME distinguent les dépenses d’investissement, les
dépenses d’exploitation fixes et les dépenses de combustible (dépenses variables). Les LCOE
sont calculés en supposant que l’intégralité des dépenses d’investissement est réalisée en
année 0, les années 1 à n (n désigne la durée de vie de l’installation) se caractérisant par le
décaissement des dépenses d’exploitation.
Les coûts d’investissements retenus incluent les coûts de raccordement, les études
préalables, les intérêts intercalaires, les coûts de remplacement des composantes dont la durée
de vie est inférieure à celle de l’équipement principal, les coûts de démantèlement et de remise
en état initial (nets des valeurs résiduelles et de récupération). Les coûts d’exploitation incluent
les taxes assises sur la puissance (IFER). L’ADEME ne peut toutefois pas garantir la prise en
compte de l’exhaustivité de ces composantes de coûts du fait de l’hétérogénéité des sources de
données.
La méthode utilisée analyse la distribution des dépenses d’investissement sur les
différents projets étudiés, pour retenir une valeur haute et une valeur basse du niveau de
CAPEX, garantissant que 80% des projets se situent dans l’intervalle.
Les LCOE sont calculés en €2019, à partir d’un taux d’actualisation réel. Le taux
d’actualisation reflète le CPMC réel de chaque filière. Ce calcul en termes réels signifie que si
le LCOE devait être converti en tarif garantissant la perception des recettes nécessaires à
l’équilibre financier de l’exploitant, celui-ci devrait être indexé à l’inflation tout au long de la
vie du projet.
Cependant, il peut être relevé que les calculs, réalisés par l’ADEME dans l’édition 2019
de son ouvrage, ayant pour objectif de répercuter l’hypothèse de baisse de productible des
panneaux photovoltaïques au cours du temps, présentent un défaut : le choix de simplification
opéré par l’ADEME, consistant à traiter cette baisse en première approximation à travers une
augmentation du taux d’actualisation, s’accompagne en effet d’une absence de prise en compte
de cette évolution du productible sur le terme relatif aux charges d’exploitation.
L’ADEME a indiqué que l’absence de répercussion de la baisse du productible sur les
charges d’exploitation est une erreur, dont la correction aurait un impact limité, puisqu’elle
conduirait à une augmentation de 2 à 3% des LCOE concernés. La Cour prend acte du fait que
l’ADEME a également indiqué que cette erreur sera corrigée dans les prochaines éditions de
l’étude de l’ADEME.
Cette correction doit également être apportée aux calculs relatifs à la petite
hydroélectricité, puisqu’une réduction du productible est également prise en compte
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
95
CRE
Le rapport de 2019 de la CRE sur le grand PV s’appuie sur les plans d’affaires des
candidats aux appels d’offres lancés à partir de 2014. Le rapport 2020 sur l’hydroélectricité
repose quant à lui sur les informations collectées au titre de décret n°2016-682 du 27 mai
2016
179
, c’est-à-dire les informations annuelles de coûts et de recettes fournies à la CRE par les
producteurs.
La CRE calcule ensuite un LCOE sur les mêmes bases méthodologiques que l’ADEME.
La CRE prend toutefois en compte les impôts, taxes et versements assimilés de façon plus
exhaustive : elle distingue l’IFER, la CFE, la CVAE, le C3S, la taxe foncière et les autres taxes
(hors TVA).
La CRE fait des hypothèses d’inflation et utilise un taux d’actualisation nominal. Elle
calcule donc un LCOE constant en euros courants sur la période considérée : le montant du coût
ainsi calculé représente l’équivalent du tarif, fixe en euros courants, que devrait percevoir le
porteur de projet pour rentabiliser son investissement.
Comparaison entre les deux approches
Les calculs de l’ADEME et de la CRE ne sont donc pas équivalents pour une même
année considérée. Toutefois la somme actualisée, au taux nominal, d’un tarif calculé selon l’une
ou l’autre méthodologie, est équivalente. C’est-à-dire que la somme actualisée des revenus que
percevrait un porteur de projet, au tarif du LCOE calculé selon l’une ou l’autre méthodologie,
est la même. L’impact des choix de convention de calcul peut être illustré sur le graphique
suivant.
179
« Pour les installations de puissance installée supérieure à 100 kW, le producteur transmet chaque
année à la Commission de régulation de l'énergie et tient à disposition du ministre chargé de l'énergie le détail
des coûts et des recettes, relatifs à son installation, dans les conditions et dans un format proposés par la
Commission de régulation de l'énergie et approuvés par le ministre chargé de l'énergie. Il tient à disposition de
la Commission de régulation de l'énergie les documents contractuels et comptables justifiant ces données, qu'il
lui transmet sur demande dans un délai d'un mois.
« Pour les installations de puissance installée inférieure ou égale à 100 kW, le producteur tient à
disposition du ministre chargé de l'énergie et de la Commission de régulation de l'énergie le détail des coûts et
des recettes, relatifs à son installation ainsi que les documents contractuels et comptables justifiant ces données,
qu'il lui transmet sur demande dans un délai d'un mois. »
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
96
Graphique n° 15 :
Illustration des LCOE calculés en termes réels ou nominaux, pour un même projet
Source : Cour des comptes
2 – Comparaison des données relatives au calcul des coûts du photovoltaïque, selon
l’ADEME ou la CRE
Graphique n° 16 :
Comparaison des coûts du PV selon l’ADEME et la CRE
Source : Cour des comptes, d’après données ADEME 2019 et CRE 2019 ; Note de lecture : les données d’OPEX
de l’ADEME sont en euros constants alors que celles de la CRE sont en euros courants ; les valeurs figurant sur
l’axe des abscisses correspondent aux puissances maximales des installations en kWc
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
97
3 – Considération sur les coûts obtenus par la CRE pour la petite hydroélectricité
Le rapport de la CRE sur les coûts de la petite hydroélectricité en métropole
a permis
d’établir des coûts moyens dépendant de la puissance des installations concernées et de leur
état : les calculs distinguent les nouveaux projets (« neuf ») et les investissements consistant à
accroitre la durée de vie d’une installation (« rénovation »). Dans ce second cas, seuls les
nouveaux investissements sont pris en compte, c’est-à-dire que le calcul ne reflète pas les coûts
associés à de potentiels actifs historiques non amortis.
Un calcul indicatif des niveaux de LCOE équivalent a été réalisé sur ces bases, comme
présenté dans le tableau ci-dessous.
Tableau n° 11 :
Calculs des LCOE à partir des données CRE pour la petite hydroélectricité (durée
de vie 20 ans, taux inflation 1%, taux actualisation nominal 6%)
Haute chute
Basse chute
Hypothèses
0-500 kW
500-1 MW
0-500 kW
500-1
MW
investissement neuf (€/kW)
3570
3300
3820
3830
Investissement de rénovation moyen estimé*
(€/kW)
1570
1570
1570
1570
coûts de fonctionnement (€/kW), fiscalité inclue
80
80
100
100
GER** (neuf)
4% de l'inv. Initial en année 8 et 2% en année 13
GER (rénovation)
200€/kW en année 8 et 120€/kW en année 13
Facteur de charge - bas (heures par an)
3100
3100
3400
3400
facteur de charge - haut (heures par an)
3900
3900
4200
4200
LCOE facteur de charge moyen pour puissance max
concernée « neuf » en €/MWh
117,2
110,2
119,7
119,9
LCOE facteur de charge moyen pour puissance max
concernée « rénovation » en €/MWh
69,0
69,0
69,3
69,3
*Estimation moyenne qui ne peut pas refléter la diversité des situations rencontrées
**GER = gros entretien et réparation
Note : les données CRE prennent en compte la réfaction tarifaire sur les coûts de raccordement applicable
depuis fin 2017. Cela explique notamment le surcoût d’investissement des installations « basse chute » de forte
puissance par rapport à celles de moindre puissance (le taux de réfaction étant moins important pour les
premières).
Source : Cour des comptes d’après données CRE
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
98
Annexe n° 6.
L’étude « trajectoires » de l’ADEME
Cette étude de l’ADEME, menée en 2017-2018, procède à un exercice d’optimisation
économique du mix sur la période 2020-2060, moyennant un développement imposé du mix
jusqu’en 2030, selon les éléments contenus dans la PPE alors en cours d’élaboration, et selon
différents scénarios relatifs notamment aux paramètres de coûts des filières EnR et nucléaires.
Elle se fonde sur des trajectoires de demande où la part de consommation « flexible »
s’accroît significativement à l’horizon 2050, notamment en raison du développement de la flotte
de véhicules électriques dont la recharge est réputée flexible (
i.e.
déplaçable dans le temps) à
80%
180
. Ces flexibilités, à coûts d’investissements égaux dans tous les scénarios et à coût
marginal nul, évitent un renchérissement relatif du coût des mix à plus fortes proportions d’EnR
variables. La fixation des capacités des autres filières est issue d’une optimisation sur la base
des coûts, y compris du CO
2
, sans contrainte de décarbonation stricte du secteur électrique. Ces
choix de modélisation contribuent à atténuer les écarts de coûts complets de production entre
scénarios.
Elle conclut ainsi à de très faibles écarts de coûts entre mix de production selon les
proportions respectives de capacités EnR et nucléaires installées à l’horizon 2050,
éventuellement imposées dans le modèle d’optimisation selon les scénarios. Ces faibles écarts
relatifs résultent également du poids encore significatif des décisions déjà prises dans le coût
complet des mix électriques à l’horizon 2050.
Graphique n° 17 :
Comparaison des coûts des trajectoires étudiées par l’ADEME
Sources : ADEME – synthèse de l’étude « Trajectoires d’évolution du mix électrique 2020-2060 »
Sur la base des paramètres de coûts retenus pour les différentes filières, elle conclut
également à l’absence d’espace économique viable pour certaines (nouveau nucléaire, éolien
en mer ou photovoltaïque sur petite toiture).
RTE de son côté a constaté que «
dans certaines publications, des analyses économiques
fondées sur une pure optimisation du parc sont utilisées pour communiquer sur la compétitivité
180
Ces hypothèses sont assez proches de celles proposées dans le cadre du groupe de travail n°7
« Flexibilité » constitué à l’amont de la publication du Bilan prévisionnel 2050 de RTE :
2020-10-15_GT7-Flex-
Gisements-flexibilite-demande-electrique-vlight.pdf (concerte.fr)
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
99
de tel ou tel un mix électrique, alors même que le différentiel de coût avec d’autres scénarios
assez différents est faible (en relatif) et qu’il existe des incertitudes importantes – parfois d’un
ordre de grandeur supérieur – sur le coût des différentes technologies considérées. C’est
notamment le cas sur les études existantes comparant nouveaux réacteurs nucléaires et
énergies renouvelables, qui selon RTE ne sont pas suffisantes pour conclure dans un sens ou
dans l’autre
».
La DGEC a également souligné les insuffisances de cette étude « trajectoires » de
l’ADEME, et notamment le fait qu’ « elle n’a pas suffisamment approfondi les éléments de
« faisabilité technique » des différents scénarios. Ceci a conduit la DGEC à demander, en
septembre 2018, à RTE et à l’AIE de travailler sur la faisabilité technique d’un scénario 100%
EnR.
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
100
Annexe n° 7.
: Etude par EDF de différents mix à l’horizon 2050
EDF a de son côté mené en 2020 un exercice de chiffrage comparé de différents mix à
l’horizon 2050, pour l’information interne de son conseil d’administration
181
. Contrairement à
l’étude de l’ADEME, il s’est agi de chiffrer le coût de scénarios fortement déterminés s’agissant
des capacités installées pour les différentes filières EnR et nucléaires, et sous contrainte ex-ante
de neutralité carbone du mix électrique en 2050 (conformémeent à l’objectif de la SNBC).
L’optimisation porte alors essentiellement sur la mobilisation effective des différentes capacités
ou technologies disponibles.
Cet exercice conclut à des écarts de coûts significatifs entre mix selon la présence plus
ou moins importante d’un parc nucléaire à l’horizon 2050. Il s’agirait alors de nouveau
nucléaire.
Selon EDF, l’écart de coûts justifie de maintenir a minima 30 GW de capacité nucléaire
en 2050. EDF conclut sur cette base que l’option de développer six d’EPR2 est une option
« sans regret » : en effet, reporter la décision compromettrait la possibilité de disposer d’un parc
de 30 MW en 2050. Les EPR 2 permettraient en effet d’apporter environ 15 GW de nouvelles
capacités nucléaires, qui s’ajouteraient aux 15 GW de nucléaire historique encore en
fonctionnement à l’horizon 2050 selon le scénario industriel d’EDF
182
.
Cette étude appelle plusieurs observations :
1.
Elle insiste sur le fait que sans nucléaire, la décarbonation complète du mix repose sur
de nombreux paris technologiques (surestimation des gisements photovoltaïques et pari
technologique du Power to X to power). Elle ne fait toutefois pas état d’incertitudes sur
la capacité à construire et à faire fonctionner des EPR, ni sur celles liées au stockage des
déchets radioactifs (il n’existe pas de projet équivalent à Cigeo qui ait été réalisé dans
le monde
183
). Comme évoqué
supra
, les hypothèses relatives aux besoins de stockage et
de rénovation de l’usine de La Hague ne sont ni explicitées ni justifiées.
2.
Comme indiqué
supra
, les hypothèses de cette étude reposent sur l’application d’un taux
d’actualisation unique pour toutes les filières, ce qui gomme de fait l’appréciation
différente du risque qui peut être portée sur les différentes filières, selon leur maturité.
Or la sensibilité à cette hypothèse est très importanteSelon EDF, cette hypothèse se
justifie car «
À cet horizon, les technologies mises en œuvre auront atteint la maturité, et il est
difficile aujourd’hui d’évaluer des différences en matière de risques industriels qui soient
susceptibles d’avoir une influence matérielle sur la rentabilité attendue par un investisseur
».
Considérer que le nouveau nucléaire est sur la même trajectoire de maturité que les
filières EnR, alors qu’il n’existe pas d’EPR en fonctionnement actuellement en Europe,
peut toutefois apparaître comme une hypothèse à nuancer.
3.
Enfin, comme indiqué au paragraphe 2.1.4, l’étude d’EDF repose sur l’hypothèse qu’un
mix 100% EnR et dé-carboné doit recourir à un volume important de stockage inter-
saisonnier d’électricité, fourni par une technologie de power to X to power, passant par
181
Ces éléments d’analyse ont toutefois été repris dans la presse : cf. article dans « Contexte » du 19 mars
182
Cf. Cour des comptes, Arrêt et démantèlement des installations nucléaires, communication à la
commission des finances du Sénat, 2020.
183
Cour des comptes, L’aval du cycle du combustible nucléaire, rapport public thématique, 2019, p.67.
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
101
le méthane de synthèse produit à partir d’EnR, qui peut être très onéreuse
184
. Ainsi
l’économie réalisée par l’absence de recours à cette technologie justifie le principal écart
de coûts entre un scénario 100% renouvelable et un scenario maintenant un minimum
de capacités nucléaires en 2050.
Dans tous les cas, ces résultats ne reposent pas sur une étude publique et détaillée dont
les hypothèses et la méthodologie auraient été soumises à critiques scientifiques, ce qui rend
délicat leur prise en compte dans le cadre de prises de décisions des pouvoirs publics.
184
La
stratégie nationale bas carbone
adoptée en mars 2020 prévoit que l’électricité produite à l’horizon
2050 dans le scenario de référence est décarbonée. En revanche elle n’exclut pas le recours à la production
d’électricité à partir de biomasse comportant des technologies de capture et de stockage du carbone (p.29).
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
102
Annexe n° 8.
: La méthode et les outils du rapport « Futurs énergétiques 2050 »
de RTE
L’étude de RTE repose sur une concertation avec l’ensemble des parties prenantes du
secteur .
Schéma n° 8 :
Calendrier des travaux sur les scénarios 2050
Source : RTE
Elle repose également sur l’utilisation d’une modélisation du système électrique à
travers l’outil
Antarès
, qui simule le
dispatching
horaire des moyens de production de sorte à
minimiser le coût d’exploitation du système (à capacités installées données), et le module
complémentaire
Xpansion
qui intègre les coûts d’investissement en vue d’une optimisation
économique du parc à un horizon ou sur une trajectoire donnée.
Le coût d’exploitation issu du
dispatching
horaire est le résultat d’une approche
stochastique sur 1000 chroniques annuelles d’aléas quant aux paramètres climatiques et aux
disponibilités des centrales thermiques.
L’optimisation sous
Xpansion
procède par itérations en fonction de l’équilibre
économique des différents moyens (production, stockage, effacement, interconnexions) et
intègre des contraintes d’ordre politique (sur les capacités de certaines filières) et industriel (sur
le rythme d’installation de nouveaux moyens selon les filières).
Dans le BP 2017, RTE avait considéré, au-delà des coûts des moyens de production, le
coût des réseaux (à travers les seuls coûts de raccordement des nouveaux moyens de production
et les coûts des interconnexions), la balance commerciale (à travers la facture de l’électricité
importé et les recettes d’exportation). En revanche, ni les coûts des mesures de maîtrise de la
demande, ni l’impact des transferts d’usages, ni les coûts de commercialisation n’avaient été
pris en compte.
Dans son nouvel exercice, RTE a mené une large concertation sur les hypothèses
retenues en termes de coûts, mais également de modalités de recours aux flexibilités,
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
103
d’interfaces entre l’électricité et les autres vecteurs, de trajectoire de demande, etc. Il comparera
plusieurs scénarios, reposant sur le développement des énergies renouvelables, en incluant ou
pas l’hypothèse d’un développement concomitant du nouveau nucléaire. De nombreuses
variantes seront simulées, comme représenté dans le graphique ci-dessous.
Graphique n° 18 :
Principales variantes envisagées dans l’élaboration du Bilan Prévisionnel à
l’horizon 2050
Source : RTE
L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE
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