RAPPORT PUBLIC THÉMATIQUE
SUR
« LES GRANDS CHANTIERS
CULTURELS »
TABLE DES MATIÈRES
I
Pages
Introduction générale
……….……………………………..
1
Chapitre I - Les grands chantiers culturels, éléments
de bilan……………………………………………...
5
I - Six exemples d’opérations……………………………….
6
A - La construction du musée du quai Branly
..............
6
B - La rénovation du grand foyer de l’Opéra Garnier...
14
C - La rénovation des espaces d’accueil du musée
d’Orsay……………………………………………
16
D - Le théâtre national de l’Odéon……………………
21
E - La Cinémathèque française……………………….
27
F - Le Grand Palais…………………………………...
32
II
- Les résultats : un bilan contrasté……………………….
38
A - Qualité technique et obligation de résultat……….
39
B - Les écarts de coût…………………………………
41
C - Le dépassement des délais impartis………………
43
III
- Les conséquences : un budget d’investissement
culturel sous tension…………………………………..
45
A - Les dépenses immobilières du ministère
de la culture…………………………………………...
46
B - Opérations de restauration du patrimoine et grands
chantiers : un pilotage différent………………………
49
C - Les enjeux financiers des chantiers à venir……………
53
Chapitre II - L’organisation des grands chantiers :
un paysage institutionnel à redessiner………….
57
I - L’organisation de la maîtrise d’ouvrage des chantiers
culturels……………………………………………………..
57
A - Le partage de la fonction immobilière au ministère de
la culture……………………………………………………
58
B - Les services spécialisés dans la conduite des grands
chantiers : l’EMOC et le SNT……………………………..
64
C – L’absence de programmation immobilière d’ensemble.
68
II
COUR DES COMPTES
Pages
II - Un nouveau contexte : la montée en puissance des
établissements publics culturels…………………………….
71
A - Le développement de la maîtrise d’ouvrage des
établissements culturels……………………………………
72
B - L’avènement de l’ingénierie de projet culturel………..
77
C - Le plan de charge incertain de l’EMOC et du SNT
pour les années à venir…………………………………….
80
Chapitre III - Des programmes aux travaux, l’exigence
d’une conduite plus performante des chantiers……
87
I - La nécessaire rationalisation des programmes………………..
88
A - Initiative politique et traduction budgétaire…..……….
88
B - Les aléas de la programmation………………………..
94
II - Des outils de pilotage à renforcer…………………………….
105
A - L’absence de coût prévisionnel de référence………….
105
B - Le suivi des délais : un pilotage insuffisant………...…
108
C - L’absence de bilan économique des opérations……….
110
D - Une inconnue : le coût de la maîtrise d’ouvrage……...
114
III - Des pratiques professionnelles à améliorer………………….
123
A - Des relations ambivalentes avec les maîtres d’oeuvre...
123
B - La complexité des opérations………………………….
132
C - Coordination et présence sur le terrain………………..
136
Conclusion générale……………………………………….
145
Annexe 1 – les grands chantiers culturels programmés depuis
1998…...………………………………………….……..
149
Annexe 2 – les dépenses immobilières du ministère
de la culture…..……………………….……………….
152
Annexe 3 – répartition des projets entre EMOC et SNT…………..
155
TABLE DES MATIÈRES
III
Pages
Réponse du président de l’établissement public de
maîtrise d’ouvrage des travaux culturels (EMOC)………………………
160
Réponse du président de l’établissement public du
Musée du quai Branly………………………………………………………
164
Réponse du directeur du théâtre de l’Odéon……………………………
166
Réponse du Président du conseil d’administration
de l’Opéra national de Paris………………………………………………
166
Réponse du Président Directeur du musée du Louvre…………………
167
Réponse du Président de la Cité de l’architecture et du patrimoine…
173
Réponse du Président du Centre des monuments nationaux (CMN)…
175
Réponse de l’Architecte en chef des monuments historiques,
chargé des résidences présidentielles……………………………………
178
La Cour, réunie en chambre du conseil le mercredi 12 décembre
2007 pour arrêter définitivement son rapport sur les « grands chantiers
culturels », a décidé de ne pas insérer dans ce document les observations
adressées au Premier président le mardi 11 décembre 2007 par les services
du
ministère de la culture et de la communication
: la Cour a en effet
considéré que seules les réponses signées par les ministres destinataires
d’un projet de rapport public répondent aux dispositions de l’article L.136-5
du code des juridictions financières, qui prévoit :
« Art. L. 136-5. - Les rapports publics de la Cour des comptes,
auxquels sont jointes les réponses des ministres et des représentants des
collectivités territoriales, des établissements, sociétés, groupements et
organismes intéressés, sont publiés au Journal officiel de la République
française. Ces réponses engagent la seule responsabilité de leurs auteurs.
Le délai de leur transmission à la Cour des comptes et les conditions de
leur insertion dans le rapport sont fixés par décret en Conseil d'Etat.
»
Les contrôles dont ce rapport constitue la synthèse ont été effectués
par :
M. Emmanuel Giannesini, conseiller référendaire, Mme Fleur
Pellerin, conseillère référendaire et Mme Maïa Wirgin, auditrice ;
Mme Rose-Marie Bourniquel, assistante.
Le contre-rapporteur en a été Mme Anne Froment-Meurice, conseiller
maître.
L’équipe de synthèse était constituée de M. Emmanuel Giannesini,
conseiller référendaire et Mme Maïa Wirgin, auditrice.
Le projet de rapport avait été délibéré par la 3
ème
chambre de la Cour
le 27 septembre 2007 sous la présidence de M. Jean Picq, président de
chambre, en présence de M. Guy Mayaud, Mme Anne Froment-Meurice,
MM. Pascal Duchadeuil, Jacques Tourier, Mmes Maud Colomé, Jeanne
Seyvet, MM. Edouard Couty, Christian Sabbe et Robert Korb, conseillers
maîtres, et M. Louis Zeller, conseiller maître en service extraordinaire.
Ce projet a ensuite été arrêté par le Comité du rapport public et des
programmes du 11 octobre 2007 présidé par M. Philippe Séguin, premier
président, avant d’être communiqué aux administrations et organismes
concernés.
DÉLIBÉRÉ
V
Délibéré
La Cour des comptes publie un rapport thématique intitulé « Les
grands chantiers culturels
»
.
Conformément aux dispositions législatives et réglementaires du
code des juridictions financières, la Cour des comptes, délibérant en
chambre du conseil, a adopté le présent rapport public.
Ce texte a été arrêté au vu du projet qui avait été communiqué au
préalable, en totalité ou par extraits, aux administrations et organismes
concernés, et après avoir tenu compte, quand il y avait lieu, des réponses
fournies par ceux-ci. En application des dispositions précitées, ces
réponses sont publiées ; elles engagent la seule responsabilité de leurs
auteurs.
Étaient présents : M. Séguin, premier président, MM. Pichon, Picq,
Babusiaux, Mmes Cornette, Ruellan, MM. Hernandez, Descheemaeker,
présidents de chambre, Mme Bazy
Malaurie, président de chambre,
rapporteur général, MM.
Delafosse, Cieutat, Cretin, Sallois, présidents de
chambre maintenus en activité, MM. Chartier, Capdeboscq, de Mourgues,
Mayaud, Hespel, Devaux, Arnaud, Bayle, Bouquet, Adhémar, Rémond,
Gillette, Ganser, Martin (Xavier-Henri), Bertrand, Mmes Froment-
Meurice, Bellon, MM. Gasse, Ritz, Mme Lévy-Rosenwald, MM. Moulin,
Lebuy,
Lesouhaitier,
Lefas,
Durrleman,
Lafaure,
Braunstein,
Mme Dayries,
MM. Deconfin,
Phéline,
Mmes Darragon,
Colomé,
MM. Vachia, Vivet, Mme Moati, M. Mollard, Mme Aubin-Saulière,
MM. Sabbe, Pétel, Maistre, Valdiguié, Lair, Mme Trupin, MM. Corbin,
Rabaté, de Gaulle, Mme
Saliou (Monique), M. Korb, Mme Carrère-Gée,
MM. Guibert, Uguen, Zérah, Guédon, Mme Gadriot-Renard, M. Martin
(Claude), conseillers maîtres, MM. Pascal, Gleizes, Lemasson, Bille,
Zeller,
Limodin,
André,
Cadet,
conseillers
maîtres
en
service
extraordinaire.
Etait présent et a participé aux débats : M. Bénard, Procureur
général, assisté de M. Filippini, avocat général.
Etaient présents en qualité de rapporteur et n’ont donc pas pris part
aux délibérations : M. Emmanuel Giannesini, conseiller référendaire et
Mme Maïa Wirgin, auditrice.
Madame Mayenobe, secrétaire général, assurait le secrétariat de la
chambre du conseil.
Introduction générale
La politique des grands chantiers culturels bénéficie en France
d’une ancienneté et d’un éclat remarquables grâce à la réussite des gestes
architecturaux ou au succès public de lieux de culture inédits. Comme
toute politique publique, elle connaît pourtant ses zones d’ombres et se
trouve régulièrement confrontée à de nouveaux enjeux.
Aujourd’hui, au vu des résultats constatés sur la soixantaine de
grands chantiers programmés depuis une dizaine d’années
1
, c’est la
possibilité même de poursuivre cette politique dans ses cadres actuels qui
se trouve mise en cause. Celle-ci souffre en effet d’un défaut d’efficience
qui fragilise la capacité du ministère de la culture à mener de front ses
autres missions, et notamment, en matière d’investissement, l’entretien et
la restauration du patrimoine historique du territoire.
Encore convient-il de préciser ce que recouvrent aujourd’hui les
grands chantiers culturels.
L’histoire politique et administrative associe volontiers ces
derniers aux « grands travaux » présidentiels menés entre 1977 et 1995,
depuis l’inauguration du Centre national d’art et de culture Georges
Pompidou en amont jusqu’à celle de la très grande bibliothèque François
Mitterrand en aval. Chacun des projets ayant scandé ces deux décennies a
suscité son lot de polémiques architecturales, de difficultés techniques, de
blocages administratifs et de controverses publiques
2
. Depuis 1995, cette
catégorie ne semblait compter qu’un unique exemple avec le musée du
quai Branly et se voyait déjà prédire une extinction prochaine.
De fait, depuis plusieurs années, l’attention des observateurs et
l’accent médiatique se sont déplacés sur l’état des monuments historiques
et sur les difficultés rencontrées par le ministère de la culture pour en
1) La liste des 61 grands chantiers de la décennie figure en annexe 1.
2) Les rapports publics annuels de la Cour des comptes s’y sont intéressés à plusieurs
reprises. Cf. « L’Opéra de Paris » (RPA 1992) ou « La Bibliothèque nationale de
France » (RPA 1998).
2
COUR DES COMPTES
garantir la restauration et le bon entretien
3
. Plus récemment, dans le
sillage de plusieurs rapports de la Cour des comptes ou d’origine
parlementaire, la question immobilière a également connu un regain
d’intérêt à travers les thèmes de la valorisation et de la gestion du
patrimoine de l’Etat, une place privilégiée étant réservée, en son sein, au
ministère de la culture
4
, affectataire et gestionnaire en titre de ses plus
remarquables joyaux.
Or, à côté du musée du quai Branly, de nombreux chantiers de
moindre envergure ont été programmés depuis le milieu des années 1990
sous l’égide du ministère de la culture, tantôt en vue de créer de nouveaux
équipements culturels comme dans le cas de la Cinémathèque française,
tantôt pour corriger ou compléter de grandes opérations antérieures
comme dans le cas de la rénovation des espaces d’accueil du musée
d’Orsay, tantôt pour restaurer des monuments parisiens de premier plan
comme le théâtre de l’Odéon et le Grand Palais.
Si les travaux présidentiels
stricto sensu
ont ainsi été ramenés
depuis dix ans à une proportion plus modeste de la production
monumentale de l’Etat, les grands chantiers culturels existent toujours et
constituent une part essentielle de l’activité et des investissements du
ministère de la culture.
Chacun de ces projets présente des spécificités, leurs promoteurs
allant jusqu’à parler de « prototypes ». La Cour constate cependant qu’ils
partagent plusieurs caractéristiques, et ce indépendamment de leurs
montants : la localisation francilienne, une forte détermination politique,
un étalement dans le temps synonyme de projets au long cours, et, dans
presque tous les cas (mais c’est déjà un élément de bilan), des difficultés de
mise en oeuvre nécessitant arbitrages politiques et rallonges budgétaires.
Dans leur quasi-totalité, ces grands chantiers se traduisent
in fine
par des
réalisations architecturales dont la réussite technique et culturelle oblitère,
après tant d’efforts, un bilan plus discutable en termes d’efficience de la
conduite des chantiers.
Les enjeux d’un tel bilan sont pourtant décisifs pour le ministère de
la culture.
3) Cf. rapport de M. Yann GAILLARD (sénateur) sur l’action en matière de
patrimoine (juillet 2002) et de M. Philippe NACHBAR (sénateur) sur l’entretien et la
sauvegarde du patrimoine immobilier architectural (octobre 2006).
4) Cf. Rapport public de la Cour 2001,
Le ministère de la culture et le parc
immobilier de l’Etat
et rapports de M. Georges TRON (député) sur la gestion et la
cession du patrimoine immobilier de l’Etat (juillet 2005 et mars 2006).
INTRODUCTION GÉNÉRALE
3
Le premier est d’ordre financier. La soixantaine d’opérations
évoquée ci-dessus représente un investissement total de 2,27 Md€. Sur ce
montant, 1,21 Md€ étaient déjà engagés au 31 décembre 2006, soit le quart
des dépenses d’investissement effectuées par le ministère pendant la même
période, toutes destinations confondues. Or, si l’on rapporte les évaluations
initiales au coût final des trente chantiers considérés comme achevés parmi
ceux-ci,
l’écart
global
représente
246
M€,
soit
plus
de
30 %
supplémentaire par rapport aux enveloppes budgétaires annoncées lors du
lancement de ces opérations. La nécessité de financer de tels écarts sans
augmenter significativement les moyens alloués au ministère de la culture
s’est déjà traduite, au cours des dernières années, par un phénomène de
vases communicants au détriment des autres types d’investissements, et
notamment des opérations de restauration du patrimoine historique en
région.
De surcroît, certains chantiers menés à bien ces dernières années
ayant porté sur de nouveaux équipements culturels comme le musée du
quai
Branly
ou
la
Cité
de
l'architecture
et
du
patrimoine, ces
derniers bénéficient aujourd'hui pour leur exploitation de subventions de
fonctionnement qui pèsent également sur le budget du ministère de la
culture.
Il est donc indispensable que les mêmes causes ne produisent pas les
mêmes effets sur les chantiers qui restent à achever, sauf à déséquilibrer
durablement le budget du ministère au profit des seuls grands chantiers de
la capitale.
Le second enjeu est d’ordre institutionnel, avec en son coeur la
question de la responsabilité. Au cours des dernières années, ces grands
chantiers, une fois entrés dans leur phase opérationnelle, ont été l’apanage
d’un nombre limité d’opérateurs maîtres d’ouvrage : le service national des
travaux (SNT), l’établissement public de maîtrise d’ouvrage des travaux
culturels (EMOC) et, pour le plus important en volume, l’établissement
public du musée du quai Branly (EPMQB). Alors que les deux premiers,
créés respectivement en 1990 et 1998, sont des opérateurs spécialisés dans
la conduite des projets pour le compte d’autres services ou organismes, le
troisième reflète une tendance forte dans l’orbite du ministère de la
culture : la montée en puissance des grands établissements publics culturels
que leur autonomie scientifique et administrative conduit à vouloir piloter
eux-mêmes leurs projets. Le musée du Louvre, qui n’emploie plus les
services de l’EMOC, en est aujourd’hui un bon exemple.
D’ores et déjà, il apparaît que le paysage institutionnel mis en place
dans les années 1990 devra donc évoluer dans un contexte de réduction du
plan de charge des opérateurs spécialisés et d’autonomie croissante des
grandes institutions culturelles.
4
COUR DES COMPTES
Le troisième enjeu est d’ordre professionnel en ce sens qu’il pose
directement la question de la qualité des projets et de la performance des
acteurs qui y concourent. De cette qualité dépend l’efficience du ministère
de la culture dans la poursuite de ses grands chantiers, et donc, à plus long
terme, le caractère soutenable ou non de cette politique. Or, si
l’inefficience globale de cette dernière peut se lire à travers ses résultats et
ses conséquences, il est plus difficile d’en désigner les causes, tant celles-ci
sont multiples et intriquées. Si les opérateurs évoqués ci-dessus
interviennent dans des conditions de responsabilité variables, ils ne
peuvent presque jamais prétendre avoir pris en charge un projet dans sa
totalité. Chaque fois, il faut en réalité parler de responsabilité
« systémique » partagée par les ministres, leurs cabinets, les missions de
préfiguration, les administrations centrales, les futurs utilisateurs des
équipements, et seulement en bout de chaîne, les opérateurs chargés des
travaux.
C’est la raison pour laquelle la Cour ne relie pas directement le bilan
global qu’elle dresse de ces opérations – bilan au demeurant contrasté – à
la performance de leurs maîtres d’ouvrage. Au contraire, il est nécessaire
d’analyser le rôle et les responsabilités réelles de chacun des acteurs
prenant part au système qui préside à la conception et au pilotage des
grands chantiers culturels pour y déceler les voies d’une amélioration.
*
La première partie du présent rapport s’attache à présenter ces objets
politico-administratifs que constituent les grands chantiers culturels,
d’abord à travers six exemples d’opérations importantes puis de façon plus
transversale, à travers le bilan global, notamment financier, des projets
menés à bien ces dix dernières années et des conséquences de leurs
surcoûts sur le budget du ministère de la culture.
La deuxième partie s’intéresse à l’organisation du ministère pour
porter et piloter ses grands chantiers, et aboutit au constat que le dispositif
mis en place en 1998 autour du SNT et de l’EMOC est aujourd’hui
contrarié par plusieurs éléments qui rendent nécessaire son évolution. Cette
partie s’achève sur une série de recommandations à l’intention du ministère
de la culture.
La troisième partie procède quant à elle à l’analyse des facteurs
d’inefficience dont souffrent les grands chantiers culturels, depuis la phase
de programmation jusqu’à l’exécution des travaux. Là encore, la Cour
formule plusieurs recommandations à destination de l’ensemble des acteurs
de la politique des grands chantiers afin d’en améliorer la performance
d’ensemble.
Chapitre I
Les grands chantiers culturels,
éléments de bilan
Afin d’illustrer les observations dressées dans la suite de ce
rapport, la Cour a procédé à l’examen détaillé de six exemples de grands
chantiers. Ceux-ci ont été choisis en raison de la diversité des opérations
qu’ils reflètent, et non pas du fait de dysfonctionnements particuliers.
Ces six exemples, et les résultats des trente opérations achevées au
cours de la dernière décennie, mettent en évidence des réalisations
architecturales considérées comme étant de premier ordre, mais qui
s’accompagnent d’écarts de coût et de délais systématiques et de grande
ampleur entre les prévisions initiales et les bilans finaux.
Or, l’écart entre l’évaluation initiale et le coût final des grands
projets se traduit par une contrainte de financement très lourde pour le
ministère de la culture depuis plusieurs années, et contribue à
déséquilibrer ses investissements au détriment du patrimoine territorial
qui ne fait plus l’objet de lois de programme destinées à « sanctuariser »
son financement comme cela avait été le cas en 1988 et 1993.
6
COUR DES COMPTES
I
-
Six exemples d’opérations
La construction du musée du quai Branly, premier chantier en
volume de ces dernières années, figure en tête de ces exemples. Il est vrai
qu’il constitue en soi un cas particulier du fait de sa taille
et du poids des
réalisations de « contenu » (médiathèque, collections…) en regard de son
seul programme immobilier.
Cette dimension de « contenu » n’est pas absente des autres
opérations présentées ici, mais elle n’y revêt pas la même importance. Si
la construction de la Cinémathèque française correspondait, comme le
musée du quai Branly, à un nouvel équipement culturel, elle s’est
appuyée sur un bâtiment existant qu’il a fallu restructurer et non pas
construire
ex nihilo
. Enfin, la rénovation des espaces d’accueil du musée
d’Orsay et les restaurations du théâtre de l’Odéon, du Grand Palais et du
grand foyer de l’Opéra Garnier correspondaient à des opérations lourdes
sur des bâtiments existants.
A - La construction du musée du quai Branly
L’idée d’une grande institution dédiée aux arts premiers et dotée,
autour de ses collections, d’un projet à la fois scientifique et culturel,
procède du travail d’une commission de réflexion constituée en 1995 à
l’initiative du Président de la République. Après une période d’hésitation
autour des quatre localisations possibles que constituaient le Palais de
Tokyo, l’Arche de la Défense, le palais de la Portée Dorée agrandi ou le
terrain du quai Branly laissé inoccupé depuis l’échec du projet de centre
de conférences internationales, le Président de la République opta
finalement pour cette dernière hypothèse.
C’est après cet arbitrage qu’a été constituée, sous la forme
associative, une mission de préfiguration. A l’occasion d’un conseil
restreint tenu à la présidence de la République le 29 juillet 1998, le
Gouvernement a validé les grands axes du programme défini par la
mission de préfiguration, et a arrêté le principe consistant à en confier la
réalisation au futur établissement public utilisateur. C’est aussi à cette
occasion qu’une enveloppe de 167,7 M€ a été allouée au projet, et la date
d’inauguration prévue pour le début de l’année 2004.
L’équipe dirigeante du futur musée a fait le choix d’intégrer la
fonction de maîtrise d’ouvrage au sein même de l’établissement. La
maîtrise d’oeuvre du projet a quant à elle été confiée fin 1999, à l’issue
ÉLÉMENTS DE BILAN
7
d’un concours international, à la société Architecture Jean Nouvel, à la
fois pour la construction des bâtiments et pour la muséographie.
Au terme du contrôle approfondi qu’elle a mené sur la réalisation
de ce projet, la Cour a pris acte du fait que le musée aujourd’hui achevé
correspond aux attentes de ses concepteurs, et qu’au terme des travaux,
aucun dysfonctionnement majeur ni aucun contentieux n’obscurcissent
ses premiers mois d’exploitation, marqués par un succès public
indéniable. En revanche, les ambiguïtés qui entouraient les contours
exacts du projet arrêté en 1999 rendent délicat le bilan financier de
l’opération.
1 -
L’évolution du programme
a)
Le caractère incomplet du programme initial
Le programme initial du futur musée, qui a servi de base au
concours de maîtrise d’oeuvre, a été décidé lors du conseil restreint du
29 juillet 1998, avant d’être adopté par le conseil d’administration du
nouvel établissement public en mai 1999. C’est au cours de ce même
conseil restreint qu’a été arrêtée à 1,1 MdF (167,7 M€) l’enveloppe
financière prévisionnelle de l’opération. Elle représentait un coût
d’objectif de 204,7 M€
5
si l’on tient compte de l’actualisation jusqu’à la
date initialement prévue pour l’inauguration du bâtiment.
Ce pré-programme consistait en une description du projet
scientifique et culturel du musée, ainsi qu’en une énumération des
différents espaces et de leurs destinations. Le coût du projet, en revanche,
avait été évalué sommairement en appliquant aux surfaces des ratios de
coût issus de projets comparables menés à bien dans les années 1990. De
ce fait, alors que l’accès aux collections, la médiathèque et la dimension
multimédia du projet muséal structuraient le projet initial, ils n’étaient pas
explicitement pris en compte dans le budget prévisionnel qui ne chiffrait
que la construction de 35 700 m² de bâtiment, la muséographie des
espaces d’exposition et le transfert des oeuvres (mais pas leur
restauration).
5) Ce coût théorique est obtenu en appliquant les valeurs de l’indice BT01
effectivement constatées de 1999 à 2004. Si, à la même époque, l’Etat s’était fixé un
coût d’objectif actualisé à juin 2004, il aurait probablement été inférieur puisque
l’évolution de l’indice a été supérieure à toutes les prévisions faites à cette époque.
C’est aussi ce qui explique qu’en 2001, l’enveloppe d’actualisation ait été fixée à
25,95 M€, alors qu’en réalité, jusqu’à 2004, 37 M€ auraient été nécessaires.
8
COUR DES COMPTES
Ainsi, alors même que le travail de la mission de préfiguration
avait débouché sur des partis pris explicites et que des orientations étaient
formulées dès le départ sur le contenu de l’ouvrage, certaines dimensions
du projet n’ont pas été prises en compte dans l’estimation budgétaire
initiale, même à titre prévisionnel. Ce faisant, l’opération n’a pas été
lancée sur la base d’une enveloppe prévisionnelle rigoureuse
6
. La Cour ne
saurait en effet retenir l’argument selon lequel le chiffrage des chantiers
afférents aux collections, à la médiathèque et au multimédia était
impossible.
b)
Les compléments et l’actualisation du
programme
Compte tenu de cette insuffisance,
le programme initial a connu
deux compléments importants au cours des deux premières années de
mise en oeuvre du projet.
Le premier portait sur le déménagement et l’accueil de la
bibliothèque d’ethnologie du musée de l’Homme, destiné à constituer la
médiathèque du nouveau musée. Il s’agissait d’arbitrer une décision
délicate laissée en suspens en 1998 (le musée de l’Homme perdant
l’essentiel de son centre de ressources après avoir perdu ses collections),
et, du point de vue du projet, de fournir le support d’une fonction et le
contenu d’un espace, la médiathèque, qui était prévue dans son principe
dès le programme initial.
Le deuxième, décidé au même moment et en lien avec le
précédent, avait trait à la réalisation des chantiers informatique et
multimédia, à la fois pour les espaces d’exposition et la médiathèque.
Ces compléments au programme ont donné lieu à un arbitrage
budgétaire de 22,9 M€, rendu en réunion interministérielle en juin 2001.
A la même date, le montant de l’actualisation nécessaire pour porter le
projet jusqu’à la date de son achèvement a été arbitré à 25,92 M€, portant
l’enveloppe prévisionnelle totale à 216,5 M€.
L’établissement considère que c’est à cette date et à ce montant
que le programme s’est trouvé stabilisé, et qu’il convient donc de
rapporter son exécution
7
. De fait, l’imprécision de la première évaluation
réalisée en 1998, qui ne peut être imputée à l’EPMQB, a conduit celui-ci
à compléter le programme initial, cette fois en situation de responsabilité.
6) Moins qu’à un chiffrage des différents postes de dépense de l’opération, cette
enveloppe a été avant tout fixée en référence au coût d’une année de fonctionnement
de la Bibliothèque nationale François Mitterrand qu’elle devait ne pas dépasser…
7) Procès-verbal du conseil d’administration du 3 avril 2006, page 6.
ÉLÉMENTS DE BILAN
9
Pour autant, la Cour estime que l’enveloppe initiale allouée au
projet en 1998 actualisée, soit 204,7 M€, correspondait, dans l’esprit des
arbitrages politiques, à l’opération dans sa totalité. En ce sens, les
compléments de programme se sont bien ajoutés à l’enveloppe initiale, et
reflètent une difficulté, commune à la quasi-totalité des chantiers
culturels : le caractère trop succinct, ou trop imprécis du programme
initial, qui s’expose à des extensions ultérieures.
c)
Les aléas de chantier et les ajustements en phase de travaux
Comme tous les chantiers de quelque ampleur, la construction du
musée a aussi connu son lot d’aléas et d’ajustements qui, sans remettre en
cause le programme initial, ont dû néanmoins être financés.
Pour ce qui concerne les espaces, la principale modification au
projet architectural du maître d’oeuvre, décidée à l’initiative du maître
d’ouvrage, a consisté à déplacer d’une cinquantaine de mètres la
billetterie située sous le corps du bâtiment principal. Les autres
modifications d’ordre programmatique ont concerné l’aménagement d’un
second bassin du côté de la rue de l’Université, le renforcement de
l’éclairage du hall, ou le calfeutrement de certains volumes plâtrés.
La deuxième catégorie de modifications arrêtées à l’initiative du
maître d’ouvrage relève des dépenses dites imprévisibles et des aléas de
chantier. Les trois principales ont été la découverte de restes de
fondations des bâtiments de l’exposition universelle de 1937, qui ont
notamment alourdi le coût du marché de génie civil ; la découverte de
vestiges archéologiques insoupçonnés ayant nécessité l’organisation
d’une campagne de fouilles ; et les dégâts causés par un orage
«
tropical
» en juin 2005 sur les locaux en sous-sol.
La troisième catégorie procède des exigences supplémentaires de
la commission de sécurité en matière d’équipement par rapport à ce qui
pouvait être estimé en 1999. La plus importante concerne le flocage de la
charpente métallique, qui a dû être renforcé pour assurer une résistance à
l’incendie suivant les normes nationales maximales théoriques alors que
le maître d’ouvrage et le maître d’oeuvre avaient cru pouvoir se contenter
d’une résistance au feu dit réel, suivant la norme communautaire.
La dernière catégorie ne concerne que des compléments : éclairage
des expositions temporaires, éclairage scénique de l’auditorium, petit
mobilier des réserves et de la médiathèque… L’établissement considère
que ceux-ci n’étaient pas compris dans le programme et l’enveloppe
initiaux, ce qui est discutable puisque le chiffrage de juin 1998 était fondé
sur des ratios de surfaces
équipées,
y compris pour les espaces
d’exposition ou la médiathèque.
10
COUR DES COMPTES
Une part de ces modifications a fait l’objet d’un arbitrage politique
au cours de réunions interministérielles tenues les 12 juillet et 9
septembre 2004, qui ont débouché sur un abondement de l’enveloppe de
19,1 M€, dont 8,9 M€ d’actualisation. Le reste des modifications, estimé
à 32 M€, et le dernier complément d’actualisation de 8 M€, ont fait
l’objet d’une simple présentation par le président de l’établissement au
conseil d’administration en avril 2006. L’ensemble de ces éléments porte
le budget prévisionnel de l’opération à 272,5 M€, dont 232,5M€ financés
par l’enveloppe d’investissement allouée par l’Etat et le reste financé par
ressources propres (prélèvement sur fonds de roulement) et recettes de
mécénat.
Ce montant constitue le budget prévisionnel communiqué par
l’établissement peu avant l’inauguration du musée. Dix-huit mois plus
tard, l’établissement a établi le bilan de l’opération à 266M€ – portés à
269,1M€ si l’on tient compte des derniers décomptes généraux définitifs.
Ce montant est assumé par l’établissement comme le coût final du projet.
Outre son caractère encore provisoire, ce chiffre ne comprend pas
plusieurs catégories de dépenses pourtant rattachables à l’opération. Par
suite, il ne peut être retenu comme coût complet de l’opération.
2 -
Le bilan financier de l’opération
Le calcul du coût complet de l’opération se heurte en pratique à
une double difficulté, l’une technique, l’autre conceptuelle.
La difficulté technique tient à l’insuffisance des outils de suivi
financier mis en place pour mesurer l’évolution du coût des différents
chantiers.
Selon
la
nomenclature
budgétaire
et
comptable
de
l’établissement, le coût total du projet au 31 décembre 2006 s’élevait à
272 M€. Cependant, ce montant ne comprend pas certaines dépenses
rattachables
à
l’opération
mais
imputées
hors
de
l’enveloppe
d’investissement, et est donc en deçà du coût complet de l’opération.
La difficulté conceptuelle, quant à elle, tient au double statut de
l’établissement à la fois constructeur et utilisateur. Ceci implique que
l’addition des dépenses de fonctionnement et d’investissement de
l’établissement depuis sa création jusqu’à l’ouverture des bâtiments au
public le 20 juin 2006 correspond à des activités de construction d’une
part, et d’exploitation d’autre part qui vont au-delà de la seule création du
musée.
ÉLÉMENTS DE BILAN
11
Pour pallier ces difficultés, la Cour a procédé à une reconstitution
du coût complet de manière analytique, en sommant les différents types
de dépenses considérées comme rattachables aux cinq chantiers du
musée.
L’ensemble de ces éléments porte le coût complet à 290,1 M€.
Reconstitution du coût complet du musée du quai Branly par
chantiers
Bilan initial
Marchés à
rattacher
Dépenses de
personnel des
chantiers en régie
Coût total
construction
240 629 374
10 245 660
0
250 875 034
collections
5 791 302
3 379 286
5 176 532
14 347 120
médiathèque
6 526 853
581 734
605 815
7 714 402
multimédia
3 617 772
0
989 079
4 606 851
informatique
12 545 797
0
0
12 545 797
Total
269 111 098
14 206 680
6 771 427
290 089 205
Source : Cour des comptes, à partir des états de marchés EPMQB
12
COUR DES COMPTES
Le calcul du coût complet de la constitution du musée du quai Branly
Afin de retracer les dépenses financées par les subventions
d’investissement des deux ministères de tutelle, l’établissement a choisi
d’imputer les dépenses liées à l’opération sur un chapitre unique (0695.23A)
correspondant à « l’enveloppe » financée par l’Etat. Ce principe initial a été
complété par la création d’une seconde enveloppe (0695.23B) regroupant les
dépenses financées par mécénat. Au départ, ces règles ont donc formé un
système de comptabilisation précis, destiné à suivre la consommation des
enveloppes d’investissement et l’évolution du coût complet de l’opération.
Dès 2002 toutefois, certaines imputations ont obéi à une autre logique :
-
plusieurs marchés liés à la construction du musée ont été partiellement ou
totalement imputés sur le budget de fonctionnement ;
-
au cours de l’exercice 2004, six des 33 lots de travaux imputés sur
l’enveloppe d’investissement Etat ont été réimputés sur le chapitre 218.11
rassemblant les dépenses d’investissement propres du musée ;
-
en 2005 et 2006, plusieurs dépenses liées à la muséographie permanente et
au soclage des oeuvres ont été imputées sur les chapitres 0693 et 0694 créés
pour retracer les dépenses de développement culturel.
Ces imputations, réalisées par nature de dépense ou par service
responsable de la dépense, font exception à la logique d’imputation par
destination. Une part de ces exceptions a été régularisée par la création
d’une
troisième enveloppe (0695.23F) lors de la décision modificative n°2 de 2005,
destinée à regrouper les dépenses d’investissement auto-financées par
l’établissement par prélèvement sur le fonds de roulement. Néanmoins, la
régularisation n’a été effective que pour l’avenir. Par suite, le total des trois
enveloppes – qui s’élève à 271,1M€ au 31 décembre 2006 – ne comprend pas
la totalité des dépenses rattachables à la construction du musée.
L’évaluation
du
coût
complet
de
l’opération
suppose
donc
l’identification des dépenses ayant contribué à la constitution du musée,
qu’elles soient ou non comptabilisées sur les enveloppes d’investissement. La
reconstitution porte le coût complet à 290,1M€, répartis comme suit :
- le point de départ retenu est le bilan financier établi par le musée à 266 M€,
portés à 269,1M€ compte tenu des derniers décomptes généraux définitifs ;
- à ce premier bilan s’ajoute une liste de marchés non pris en compte par
l’établissement mais considérés comme rattachables à la constitution du
musée : il s’agit notamment de dépenses de finition et de muséographie du
chantier de construction, de dépenses de restauration du chantier des
collections, et de dépenses d’assistance à maîtrise d’ouvrage concernant
l’ensemble des chantiers. Ils représentent au total 14,6 M€ ;
- enfin, sont intégrées les dépenses relatives aux chantiers réalisés en régie
par l’établissement. Pour les chantiers des collections, de la médiathèque et
du multimédia, ces dépenses sont estimées à 6,8 M€.
ÉLÉMENTS DE BILAN
13
3 -
Le respect du calendrier
S’agissant des délais, le calendrier initial de l’opération, tel qu’il
ressortait du programme approuvé par la mission de préfiguration,
prévoyait une remise de l’ouvrage en septembre 2003 pour une ouverture
au public début 2004. Ce calendrier a connu deux sauts importants.
Le premier, qui a repoussé la date d’achèvement prévisionnelle de
début 2004 à la fin 2004, est imputable aux délais d’études du maître
d’oeuvre. Afin d’intégrer les observations des riverains relatives à la paroi
moulée (décalage de 2 mètres par rapport aux façades), la phase PRO/DCE
a connu un retard de quatre mois sur le calendrier initial et le lancement de
l’appel d’offre des marchés de gros oeuvre, prévu en juin 2001, n’a eu lieu
qu’en décembre 2001 avec six mois de retard.
Le deuxième saut, constaté en 2002, est lié aux difficultés de mise
au point du marché de génie civil et à la nécessité d’organiser un chantier
de fouilles archéologiques dès le début des opérations. D’après le président
de l’établissement, ces éléments se sont traduits par un nouveau décalage
de huit mois
8
.
En revanche, il peut être observé que la phase de second oeuvre et de
finitions, correspondant à toute l’année 2005, a été menée sans retards
significatifs, même si les ultimes finitions, menées à un rythme très
soutenu, ont nécessité une assistance complémentaire du maître d’oeuvre de
plus de 800 000 € (cf. ci-dessous).
Au total, les bâtiments ont été réceptionnés entre la fin de l’année
2005 et le début de l’année 2006, tandis que le musée était inauguré le 20
juin 2006. L’opération s’est donc achevée avec un retard de deux ans et
demi sur son calendrier initial, ce qui le situe dans la moyenne des
chantiers de la période, étant toutefois précisé que depuis cette date, le
musée est resté continûment ouvert et n’a pas eu besoin de fermer ses
portes pour que soient achevés des travaux différés pour l’inauguration.
Au total, l’enveloppe d’investissement allouée par l’Etat et ayant
fait l’objet d’un arbitrage interministériel a été portée à 232,5 M€. En
incluant les dépenses d’investissement et, plus largement, les dépenses
rattachables à la réalisation du musée financées par mécénat et par
l’excédent de fonctionnement de l’établissement, ainsi que les dépenses
des chantiers réalisés directement par le musée, le coût total du projet
s’élève quant à lui à
290,1 M€, soit un écart de 42 % avec l’enveloppe
initiale actualisée dont le caractère incomplet a été souligné, et de 34 %
avec l’enveloppe ajustée en 2001.
8) Procès-verbal du conseil d’administration, 3 novembre 2003.
14
COUR DES COMPTES
***
Par son statut d’établissement public à la fois constructeur et
utilisateur du bâtiment, le musée du quai Branly constitue un mode
original d’organisation de la maîtrise d’ouvrage. Ainsi, une fois le
programme général arrêté au plus haut niveau de l’Etat, l’établissement a
bénéficié d’une grande autonomie dans les évolutions et le pilotage de la
programmation ainsi que dans la conduite des travaux.
B - La rénovation du grand foyer de l’Opéra Garnier
Construit entre 1861 et 1875 par Charles Garnier après une
commande de l’empereur Napoléon III, l’Opéra Garnier est classé
monument historique depuis 1923. Pendant les années 1980, la
construction de l’opéra Bastille avait quelque peu monopolisé l’attention
et les crédits, si bien que la salle historique de l’Opéra de Paris
commençait à accuser des signes de dégradation. Un « schéma directeur »
de restauration est alors mis au point au début des années 1990, qui
prévoit, comme première opération, la restauration de la façade sud et de
la loggia.
Peu avant l’achèvement de cette première étape, l’architecte en
chef des monuments historiques chargé de la salle établit, en avril 1999,
une proposition d’étude pour la deuxième opération, qui doit porter sur la
restauration du grand foyer et des salons de la Lune et du Soleil, allant de
la restitution des ornements manquants à la remise en place du décor
mobilier, en passant par la remise en état du parquet, de l’éclairage et des
peintures.
Celle-ci est formellement lancée le 28 juin 1999 avec la commande
par le SNT de l’étude préalable proposée par l’architecte, pour un
montant de 34 632 €. Remise dans les délais, cette étude donne lieu, après
quelques mois de battement, à une décision de programmation de principe
en novembre 2000, pour un volume de travaux estimé à 6,38 M€.
Conformément à la réglementation sur les monuments historiques,
l’Architecte en chef des monuments historiques (ACMH) se voit confier
la maîtrise d’oeuvre de l’opération, qui est scindée en une phase de
conception et une phase de réalisation, cette dernière n’étant pas
confirmée à ce stade. Le forfait de maîtrise d’oeuvre représente alors 262
599 € pour la seule première phase d’études.
Le lancement de la phase de réalisation est autorisé par la ministre
de la culture en février 2002 en même temps qu’est préparé un plan
pluriannuel d’investissement pour la période 2002-2007. Ce dernier
prévoyait, après la restauration du grand foyer, celle des façades latérales
ÉLÉMENTS DE BILAN
15
et du parvis. Dans l’immédiat, 7,6 M€ sont affectés à l’opération. Le
marché de maîtrise d’oeuvre est alors complété à hauteur de 323 020 € au
titre de la deuxième phase, prévue pour s’étaler sur 15 mois.
La consultation des entreprises est organisée sur la base de 19 lots
auxquels s’ajoutent trois commandes directes pour la miroiterie,
l’horlogerie et le nettoyage des bronzes. A la surprise générale, les
propositions des entreprises aboutissent en août 2002 à la signature des
marchés pour un montant inférieur de 22 % à l’estimation du maître
d’oeuvre, soit 4,98 M€ TTC, essentiellement du fait d’offres très
compétitives sur les dorures, inférieures de moitié (soit 748 762 €) à ce
qui était prévu. Malgré cela, le forfait de rémunération de l’architecte n’a
pas été revu à la baisse comme l’exigeait la réglementation, le SNT ayant
estimé, avec l’appui de l’inspection générale des monuments historiques,
que l’ACMH ne pouvait être pénalisé en raison de la stratégie
commerciale d’entreprises qui tenaient absolument à être désignées sur un
chantier de prestige.
Au cours de l’exécution, tous les lots de travaux (1 à 10), à
l’exception d’un seul, ont subi une augmentation, soit par ordre de
service, soit par avenant. D’après les indications fournies par le SNT en
réponse aux observations provisoires de la Cour, «
les avenants et OS
correspondaient à des travaux supplémentaires dont la nécessité est
apparue en cours de chantier. En effet, compte tenu de la spécificité du
lieu, régulièrement loué, aucun sondage n’avait pu être effectué lors des
études, la description des travaux à réaliser n’était basée que sur un
examen à la jumelle
»
9
.
Sans méconnaître les contraintes inhérentes aux études sur des
espaces ouverts au public, il est surprenant que le programme ait été
établi sans que la substance des restaurations à entreprendre ait fait l’objet
d’un examen approfondi.
Le lot n° 6 relatif aux dorures a quant à lui donné lieu à la
résiliation du contrat, une controverse ayant par ailleurs opposé
l’entreprise au SNT sur le point de savoir si le dossier de consultation
permettait ou non de cerner le volume des prestations, notamment pour
les dorures situées en hauteur. Finalement, la résiliation à l’amiable, le
transfert d’une partie des prestations sur l’autre lot de dorure et la
conclusion d’un nouveau marché se sont traduits par un renchérissement
de ce lot de 448 000 €, soit un quasi-triplement. En revanche, les marchés
de restauration ont pu être exécutés sans augmentation de prix.
9) Lettre du directeur du SNT en date du 4 septembre 2007.
16
COUR DES COMPTES
In fine
, l’opération aura été menée en respectant son enveloppe
financière, mais à la faveur d’une compensation entre la surestimation
initiale du coût des prestations par rapport aux offres des entreprises,
d’une part, et les augmentations consenties en cours d’exécution. A cet
égard, elle illustre la grande dépendance dans laquelle se trouvent les
opérations sur les monuments historiques vis-à-vis des ACMH, dont
dépend beaucoup, à tous les stades, la qualité de la programmation
technique mais aussi financière et calendaire. A ce titre, il peut être noté
que le SNT est parvenu à aplanir en cours de chantier les difficultés
auxquelles l’exposait l’insuffisance de ces études et à mener à bien
l’opération dans les délais prévus.
C - La rénovation des espaces d’accueil du musée
d’Orsay
Moins de six ans après son inauguration, qui avait eu lieu le 1
er
décembre 1986, le musée d’Orsay s’est engagé dans une réorganisation
complète de ses espaces d’accueil et des surfaces réservées aux
expositions temporaires. Ces travaux étaient rendus nécessaires par une
série de maladresses, voire d’erreurs lors de la conception du musée.
Les premières études liées à ce projet, effectuées sous la
responsabilité du SNT, remontent à 1992. Mais ce n’est qu’en mars 1997
qu’une décision de principe lançant l’opération a été arrêtée par la
direction
des
musées
de
France.
C’est
d’abord
la
mission
interministérielle pour les grands travaux (MIGT) qui s’est vue confier,
en août 1997, la maîtrise d’ouvrage de l’opération en lieu et place du
SNT. Mais très vite, la perspective d’une dissolution de la MIGT a ralenti
le rythme d’avancement, si bien qu’un an plus tard, seules quelques
études de programmation et de flux ainsi que les relevés de géomètre
avaient été menés à bien. La MIGT ayant été finalement dissoute le 1
er
septembre 1998, c’est l’EMOC, créé quelques mois plus tôt, qui a repris
l’opération.
Ce transfert a été opéré par une nouvelle convention de mandat,
signée le 24 mars 1999, qui reprenait le programme arrêté en 1997 dans le
cadre d’une opération de 24 mois à compter de la signature de la
convention, inscrite dans une enveloppe de 8,84 M€ en valeur juin 1998
(correspondant à un montant de 9,33 M€ à la date d’achèvement
prévisionnelle). L’opération s’est finalement achevée par l’inauguration
des nouveaux espaces le 31 mars 2004, soit avec exactement trois années
de retard et plus de douze ans après que les premières études eurent été
effectuées. Le coût total de l’opération atteint quant à lui 17,29 M€, soit
un écart de 83 % par rapport aux objectifs.
ÉLÉMENTS DE BILAN
17
1 -
Les vicissitudes du projet
Le large dépassement des délais et du coût nécessaires à
l’achèvement de l’opération résulte d’une combinaison d’événements et
non pas d’un unique accident de parcours.
a)
La marquise corrodée
La programmation de l’opération reposait, depuis 1992, sur un
projet de réaménagement intérieur qui n’impliquait pas de toucher aux
structures du bâtiment, et notamment pas aux parties classées. Or, la
vérification structurelle des auvents de la marquise métallique située sur
le parvis Bellechasse menée au début de l’année 1999 révéla que «
par
défaut d’entretien depuis des dizaines d’années, certains risques de chute
d’éléments n’étaient pas à écarter.
»
10
. Le syndrome de la verrière du
Grand Palais (cf page 32) contribua alors à une mise en mouvement
rapide des services concernés.
A la date de signature de la convention de mandat entre l’Etat et
l’EMOC, c’est-à-dire au 24 mars 1999, il était donc connu que la
marquise était corrodée, et que des travaux seraient nécessaires même si
leur consistance n’était pas évaluée à ce stade. Si l’on peut comprendre
que le choix ait été fait de ne pas empêcher le lancement d’une partie de
la procédure liée aux réaménagements intérieurs dans l’attente des
éléments d’évaluation liés à la marquise, il apparaît toutefois que dès sa
signature, la convention était notoirement inexacte, tant pour le contenu
du programme que pour le montant de l’enveloppe et les délais
d’achèvement.
Mais à peine les études de diagnostic avaient-elles débuté sur la
marquise que d’autres symptômes d’une détérioration avancée furent
constatés sur les structures porteuses du parvis Bellechasse. Il était
impossible de poursuivre le chantier sans régler ce problème, et très
rapidement, la rénovation des structures du parvis fut incluse dans le
projet par l’avenant n° 2 à la convention de mandat, signé le 15 juin 2000
pour un supplément de 3,99 M€. La réfection du tympan Est, dont les
désordres ont été constatés à cette occasion, a quant à elle été repoussée et
10) Compte-rendu du comité de pilotage, première réunion, 7 avril 1999.
18
COUR DES COMPTES
n’a fait l’objet d’une nouvelle convention avec l’EMOC qu’au printemps
2006 pour un coût prévisionnel de 7,15 M€
11
.
A ce stade, l’opération est donc devenue extrêmement complexe
puisqu’elle comprenait en réalité deux types de travaux, les uns de
« simple » réaménagement intérieur pouvant être confiés à un maître
d’oeuvre du secteur concurrentiel, les autres touchant à des parties
classées et devant donc être pris en charge par l’architecte en chef des
monuments historiques compétent.
Cette séquence de découvertes amène à s’interroger sur le fait que
l’établissement public du musée d’Orsay chargé de la maîtrise d’ouvrage
de la transformation de la gare au milieu des années 1980 n’ait pas
constaté qu’en plusieurs endroits, les entreprises prestataires n’avaient pas
renforcé les structures métalliques qui constituent la charpente même du
bâtiment, et s’étaient contentées de les repeindre pour masquer les traces
de corrosion. Quelles que soient les raisons de ce manque de vigilance à
l’époque, ce n’est qu’en 1999 que les études liées à la marquise et aux
autres structures métalliques, relevant d’un diagnostic indispensable pour
une programmation éclairée des travaux, ont été menées. Au cours de la
phase contradictoire, il a été confirmé que ni la recherche d’éventuelles
responsabilités fautives lors de la construction du musée, ni celle d’une
hypothétique mise en oeuvre des garanties attachées aux travaux passés
n’ont été engagées par l’EMOC ou le musée d’Orsay, sans que les raisons
de cette abstention soient indiquées.
Ces éléments expliquent l’essentiel de l’augmentation du budget de
l’opération.
b)
Les défaillances d’entreprises
Le second élément qui explique l’importance des retards et des
surcoûts enregistrés par le projet tient aux défaillances de plusieurs
prestataires dans la conduite des travaux, défaillances qui faisaient déjà
suite à l’infructuosité de la plupart des marchés lors de la consultation
initiale des entreprises.
11) L’avenant n° 3 à la convention de mandat évoquait une extension des études
engagées sur les structures métalliques du parvis à l’ensemble du tympan Est «
en vue
de préparer une intervention globale sur le clos et le couvert du musée
». Cette
mention préparait l’hypothèse, non réalisée, selon laquelle les travaux sur ledit
tympan seraient ajoutés à l’opération en cours. Tel n’ayant finalement pas été le cas,
le mandat de l’opération de réaménagement intérieur du musée a couvert les études
préalables de l’opération de réfection du tympan. C’est donc en fait le bilan financier
de ce dernier qui ne sera pas exhaustif.
ÉLÉMENTS DE BILAN
19
La première a été celle de l’entreprise chargée du gros oeuvre en
début de chantier. Ensuite, une véritable séquence de défaillances a
affecté en l’espace d’un an toutes les dimensions du réaménagement :
l’entreprise chargée de la réalisation des mobiliers s’est vue retirer le
marché après sa mise en redressement judiciaire en mai 2002 ; la société
chargée des plâtreries et des faux plafonds, elle aussi placée en
redressement judiciaire, a quasiment cessé toute activité pendant six
mois ; la société chargée de l’agencement de la librairie a déposé son
bilan le 4 mai 2003.
Mais surtout, l’entreprise chargée des cloisons vitrées et de la
reconstitution de la façade de la marquise a vu ses deux marchés conclus
le 1
er
avril 2002 pour respectivement 1 262 676 € et 259 072 € résiliés à
ses frais et risques le 18 avril 2003. Il s’agissait là de l’épisode final d’une
défaillance continue de l’entreprise. Le retard occasionné par cette seule
défaillance peut être estimé entre 6 et 8 mois. Sans même prendre en
compte les surcoûts mécaniques liés à ces délais supplémentaires sur les
autres prestataires, la résiliation et la réattribution des marchés initiaux,
même aux risques et périls de l’entreprise, a été à l’origine d’un surcoût
de près de 400 000 €.
2 -
La maîtrise d’oeuvre
Au total, les dépenses liées à la maîtrise d’oeuvre ont représenté
3,42 M€ en engagements (dont 3,35 M€ déjà mandatés), soit 20,33 % du
coût total du projet, ce qui constitue un taux de rémunération
exceptionnel, très supérieur à celui constaté sur un chantier comme
l’Odéon (6,8 %) ou l’immeuble des Bons Enfants (9,7 %).
Ce niveau exceptionnel s’explique notamment par le dédoublement
de la maîtrise d’oeuvre entre d’une part les travaux liés aux aménagements
intérieurs, pilotés par un groupement choisi après un appel d’offres sur
performance, et d’autre part les travaux sur les structures effectués sous
l’empire de la réglementation sur les monuments historiques par
l’architecte en chef des monuments historiques (ACMH) territorialement
compétent.
S’agissant de la première maîtrise d’oeuvre, son prix de base
apparaissait élevé dès sa conclusion (1,115 M€), pour un projet dont le
coût total était alors estimé à 8,84 M€. En proportion, ce taux n’a cessé de
croître , puisque le montant final de 2,61 M€ représente 19,7 % du coût
du projet si l’on s’en tient aux opérations de réaménagement intérieur
(donc hors intervention sur les parties classées). Même pour des travaux
intérieurs, il s’agit là d’un taux hors norme.
20
COUR DES COMPTES
Interrogée sur ce niveau de prix, la mandataire du groupement a
confirmé que l’évolution à la hausse du marché était bien due aux effets
itératifs des extensions et modifications de programme, qui avaient
fréquemment nécessité des reprises d’études :
« Le taux d’honoraires constaté en fin d’opération a perdu toute
signification car il consolide des aléas, des études abandonnées et des
délais supplémentaires (…).
La hausse des honoraires n’a été en aucune
manière indue et a correspondu à la rémunération partielle des services
supplémentaires imprévus d’un processus de construction qui s’est
déroulé de manière anormale sans que la responsabilité de la maîtrise
d’oeuvre soit mise en cause. »
12
L’absence de diagnostic global et fiable sur les structures a eu un
effet sur les coûts : les reprises d’études liées à la seule marquise prévues
par l’avenant n° 1 (+ 190 310 €) ont elles-mêmes été reprises du fait de
l’état des structures du parvis (+ 367 430 €). Par ailleurs, le coût des
études
complémentaires
et
des
quelques
trois
mois
de
délais
supplémentaires liés aux préférences changeantes du président du musée
en matière de bois (+ 226 503 €) pour le mobilier apparaît élevé pour un
ensemble constitué, concrètement, d’une banque d’accueil, d’un kiosque,
de cinq postes pour la billetterie et de deux tables situées à l’entrée de la
nef. Mais surtout, c’est l’allongement considérable
des délais de travaux
qui a renchéri le coût de la maîtrise d’oeuvre privée sur ce chantier : prévu
pour s’achever en avril 2001, son contrat s’est en effet prolongé jusqu’en
mars 2004, les conditions de sa rémunération évoluant alors du forfait
initialement négocié à une estimation des prestations supplémentaires au
temps passé.
La
maîtrise d’oeuvre sur les parties classées été effectuée quant à
elle pour un montant initial de 258 228 € représentant un taux de
rémunération de 9,64 % à ce stade. Mais à l’inverse des travaux
d’aménagement
intérieur,
celui-ci
a
légèrement
décru
en
cours
d’exécution puisque soldé sur un montant de 298 243 €, il ne représente
plus in fine qu’un taux de rémunération de 9,48 %.
***
La rénovation des espaces publics et des structures métalliques du
musée d’Orsay illustre les effets de la complexité d’un chantier sur les
coûts et les délais et pose la question de la qualité de la phase préparatoire
au lancement des travaux. Comme d’autres exemples tendent à le
12) Lettre du 9 février 2007 en réponse aux observations provisoires formulées par la
Cour au terme du contrôle de l’EMOC.
ÉLÉMENTS DE BILAN
21
confirmer, il est regrettable que l’EMOC n’ait pas été mis en mesure
d’évaluer les implications du programme initial de l’opération, auquel il
n’a pas pris part, et de fournir un diagnostic précis sur l’état général des
ouvrages qui lui étaient confiés avant d’engager les travaux. Une phase de
préparation plus approfondie aurait évité de s’engager dans des travaux
émaillés par de nombreuses reprises d’études qui, conjuguées aux
défaillances répétées d’entreprises, ont considérablement rallongé la
durée du chantier et généré des effets sensibles sur les coûts et les délais.
D - Le théâtre national de l’Odéon
Depuis sa construction en 1782, le théâtre de l’Odéon avait fait
l’objet d’une dizaine de restaurations ou de modifications de son décor
intérieur, mais aucune restauration d’ensemble n’avait été réalisée depuis
l’après-guerre. De 1983 à 1990, la transformation progressive du théâtre
en « Théâtre de l’Europe », accueillant et co-produisant des spectacles à
l’échelle européenne, a révélé l’obsolescence de l’appareil scénique et la
vétusté des bâtiments. Aussi la décision de réhabiliter le bâtiment a-t-elle
été arrêtée en 1992. La première étude a été lancée en 1995 et confiée au
SNT, doté d’un budget de 9,3 M€ (61MF) ensuite porté à 23,5M€
(154MF). Le projet, qui prévoyait l’aménagement d’une seconde salle
sous le parvis (propriété de la Ville de Paris) et la création de surfaces
supplémentaires incompatibles avec le plan d’occupation des sols,
excédait l’enveloppe prévisionnelle et connut un blocage prolongé.
L’opération a finalement été relancée en 1999 avec un programme
moins ambitieux autour de trois volets : l’adaptation de l’outil scénique
(scène et appareillages) aux besoins de la mise en scène contemporaine et
à l’acheminement des décors ; l’amélioration du confort des spectateurs
(visibilité, rafraîchissement de la salle, accueil) et la restauration des
parties visibles du bâtiment ; l’amélioration des conditions de sécurité par
une consolidation des corbeilles et une mise aux normes en matière
d’amiante et de sécurité incendie.
Pour respecter l’enveloppe, trois éléments du projet initial ont été
abandonnés : l’aménagement d’une seconde salle, la création de surfaces
supplémentaires (devenue optionnelle) et la restauration du Petit Odéon.
Le
programme
a
en
revanche
retenu
une
solution
technique
ambitieuse pour adapter la salle à l’italienne aux exigences scéniques et
de confort contemporaines : abaisser la scène au niveau de la rue pour
faciliter la circulation des décors et incliner le parterre des spectateurs
afin de ménager une bonne visibilité.
22
COUR DES COMPTES
La maîtrise d’ouvrage du projet a été confiée à l’EMOC par
convention de mandat le 11 juin 1999 pour une durée de 44 mois (soit
jusqu’en février 2003) et un montant de 24,24 M€ (valeur mars 1999). En
fait, le théâtre rénové a été inauguré le 3 avril 2006 avec 36 mois de
retard, pour un montant total de 37,89 M€, soit un dépassement de 40 %
par rapport à l’enveloppe initiale actualisée par l’indice du coût de la
construction à février 2003 (26,95 M€).
1 -
La complexité du montage juridique
Sur les trois années de retard prises par le projet, deux sont
imputables à la longueur des procédures de choix de la maîtrise d’oeuvre
et d’autorisation des travaux. La troisième année est liée quant à elle à la
combinaison d’un nombre de marchés infructueux de travaux et d’aléas
techniques en cours de chantier.
a)
Le recours à une maîtrise d’oeuvre « mixte »
Comme le théâtre est classé dans sa totalité au titre des monuments
historiques depuis un arrêté du 7 octobre 1947, la maîtrise d’oeuvre pour
l’ensemble des interventions sur le théâtre national de l’Odéon relevait,
non du régime de la loi MOP, mais des droits exclusifs de l’architecte en
chef des monuments historiques territorialement compétent.
En raison de la complexité technique du projet, toutefois, le maître
d’ouvrage a choisi d’adjoindre à l’ACMH une équipe spécialisée,
constituée de quatre bureaux d’études en scénographie, structures,
électricité et génie climatique au terme d’un appel d’offres tel que défini
par l’article 108 bis du code des marchés publics, alors applicable.
Ces modalités de maîtrise d’oeuvre combinaient la réglementation
des monuments historiques et le régime de droit commun de la maîtrise
d’ouvrage publique autant qu’elles y dérogeaient. Ainsi, le titulaire des
études préalables avait la garantie de remporter la maîtrise d’oeuvre du
projet, conformément à la réglementation des études sur les monuments
classés mais contrairement au code des marchés publics. Après de longs
débats, ce dispositif a néanmoins été « toléré » par la commission
supérieure des marchés de bâtiment et génie civil
13
.
Outre les problèmes de régularité qu’elle a soulevés, cette question
juridique a retardé le lancement de l’opération. Le contrat d’études
préalables a été notifié pour un montant de 0,37 M€ le 28 février 2000 au
lieu du mois de juillet 1999 prévu initialement. A l’issue des études, le
13) Avis du 6 janvier 2000 de la CSM.
ÉLÉMENTS DE BILAN
23
marché de maîtrise d’oeuvre de 2,06 M€ a été notifié le 25 janvier 2001,
soit un an après la date prévue dans la convention de mandat.
b)
La question du permis de construire concernant la charpente
La complexité du projet a également été à l’origine d’un
allongement de la procédure d’autorisation. Selon la jurisprudence du
Conseil d’Etat (liée en l’espèce au théâtre des Champs-Élysées), une
restructuration lourde sur un monument historique ne peut être soumise à
une simple déclaration de travaux et doit faire l’objet d’un permis de
construire. Or, dans le cas de l’Odéon, l’escamotage nécessitait de
remonter la charpente au-delà du plafond des hauteurs (fixé à 25 mètres)
et du gabarit existant. Bien qu’il emportât les faveurs de l’ACMH et des
riverains en rapprochant l’édifice de sa configuration d’origine, le projet
n’entrait pas dans les dérogations prévues au POS et a suscité un refus de
la préfecture.
La difficulté a finalement été contournée en 2002 par la décision
du ministre de soumettre le projet à une simple déclaration de travaux,
jointe à l’instruction donnée au préfet de ne pas s’y opposer.
L’autorisation a été accordée en février 2003, soit deux ans après la date
initialement prévue pour le démarrage des travaux.
Au cours de la phase contradictoire, l’EMOC a confirmé l’impact
de ces procédures sur le calendrier de l’opération, tout en en réfutant la
responsabilité :
« En ne s’en tenant qu’aux études et aux travaux dont
l’EMOC avait la charge, on peut considérer que l’opération s’est
déroulée normalement, sans aléas ni retards particuliers. Ce sont les
différentes
procédures,
tenant
au
caractère
très
spécifique
de
l’intervention au regard de la réglementation, qui expliquent l’essentiel
du retard constaté ».
Aux termes de la convention de mandat pourtant, l’EMOC avait
pour mission
« la définition des conditions administratives et techniques
selon lesquels sera étudié et réalisé le projet»
(article 3, 1°). En
corollaire, il était en charge de la phase préalable et peut être tenu
responsable des dépassements y afférant, du fait d’une sous-estimation
des délais de validation par les tutelles et des risques juridiques du projet.
24
COUR DES COMPTES
2 -
L’insuffisance des outils de suivi
D’un montant initial de 24,24 M€ (valeur mars 1999), la
convention de mandat a finalement atteint 37,89 M€, soit un dépassement
de 40 % par rapport à l’enveloppe initiale actualisée à la date initiale
d’achèvement en février 2003 (26,95 M€). Outre l’actualisation de
l’enveloppe initiale, on distingue parmi les facteurs de surcoût :
-
l’allongement du calendrier : le décalage dans le temps de
l’opération est à l’origine de révisions de prix supplémentaires et
constitue un surcoût en soi ;
-
les aléas techniques : le creusement du parterre a révélé la
faiblesse des fondations, nécessitant des fouilles archéologiques
de juin 2003 à février 2004 puis un terrassement en sous-sol. Cet
aléa, intégré dans la négociation des marchés infructueux, n’a pas
eu d’impact sur les délais mais a entraîné une hausse du montant
des marchés (échafaudage et gros oeuvre notamment) ;
-
les modifications de programme : initialement écartée du
programme, la restauration du Petit Odéon a finalement été
réintégrée en 2001. Ont également été ajoutés l’aménagement de
locaux sociaux, la constitution de réserves, le rafraîchissement
des bureaux, le mobilier des loges, la rénovation du foyer, les
luminaires extérieurs et les grilles le long des arcades.
L’évolution de l’enveloppe a été entérinée par six avenants à la
convention de mandat initiale. Comme les marchés, ces documents ne
distinguent que les révisions de prix et les aléas, et ne permettent donc ni
de pondérer précisément la part des différents facteurs dans le coût final
de l’opération, ni d’en dresser le bilan économique.
a)
La neutralisation des allongements de délais par les actualisations
Dans la convention de mandat et ses avenants, l’enveloppe initiale
et les enveloppes complémentaires étaient exprimées en valeur brute, hors
révisions de prix. La date de valeur retenue était généralement proche de
la date de signature de la convention (mars 1999 ici). Ainsi, aux termes de
l’article 5.1 de la convention,
« la régularisation pour révision de prix
sera effectuée lors du dernier exercice »
. Les révisions de prix devaient
donc en principe être calculées sur la base des indices de prix constatés et
intégrées dans l’enveloppe par un avenant final.
Cette méthode de révision globale en fin de convention était
destinée à faciliter le suivi des coûts au cours du temps, indépendamment
des variations des prix. Toutefois, elle a eu pour effet de majorer la part
ÉLÉMENTS DE BILAN
25
des révisions de prix dans le montant total de l’opération, de minimiser
les extensions de programme et de neutraliser le coût des dépassements
de calendrier. En effet, les révisions de prix ont été calculées
indifféremment selon qu’elles portaient sur le programme initial ou ses
extensions, et selon qu’elles relevaient du calendrier initial de l’opération
ou de dépassement de délais.
Ainsi, selon la typologie des avenants, sur les 56 % de
dépassement brut (13,75 M€) de l’enveloppe initiale, les révisions de prix
représentent 7,49 M€, soit 30,9 % du montant final de l’opération. La part
des aléas de chantiers représente 3,85 M€ et 15,7 % du montant final,
tandis que les extensions de programme ne représentent pour leur part que
2,34 M€, soit 10 % du montant final.
Si l’on applique au contraire l’évolution de l’indice BT01 sur
l’enveloppe et le calendrier initiaux de la convention de mandat (soit
entre mars 1999 et février 2003), la part des révisions de prix dans le
dépassement diminue pour ne représenter que 24 %. La prise en compte
de l’évolution de l’indice entre la date initialement prévue et la date réelle
de fin des travaux permet de calculer le coût lié à l’allongement du
calendrier, qui représente 19 % du dépassement. Le reste, soit 57 %,
correspond à la part cumulée des aléas et extensions de programme.
Afin d’améliorer la sincérité du coût final de l’opération, et de faire
de la convention de mandat un véritable outil de pilotage, il conviendrait
de comptabiliser ce surcoût lié à des allongements de calendrier
aujourd’hui masqué dans l’enveloppe globale de révision des prix.
b)
La neutralisation des changements de programme par les aléas
La méthode par laquelle les aléas de chantier et les extensions de
programme sont retracés souffre également d’un défaut de lisibilité. Pas
plus les documents de suivi des marchés que la convention de mandat ne
permettent de retracer avec exactitude la part des aléas et des
modifications de programme dans le coût final du projet.
Dans les marchés, les provisions pour aléas formées initialement
s’élèvent à 0,97 M€, soit 3,5 % du montant des marchés initiaux en
moyenne. En cas d’avenant, la provision pour aléas est le plus souvent
annulée et intégrée dans le montant de l’avenant avec les extensions de
programme. Au total, 53 marchés ont été passés, modifiés par 30
avenants ou marchés complémentaires. Le total des marchés passés au 1
er
juin 2006 s’élève à 34,51 M€ soit un dépassement de 21,1 % par rapport
au montant des marchés initiaux. Le montant final des aléas est obtenu
par la somme de la provision pour aléas restante (0,4 M€) et du montant
26
COUR DES COMPTES
des avenants hors révision de prix (3,3 M€). L’ensemble (3,7 M€)
représente 13,1 % du montant initial des marchés.
Dans la convention de mandat et ses avenants, le montant cumulé
des modifications de programme s’élève à 2,36 M€, soit 17% du
dépassement ; le montant des aléas (objet de l’avenant n°4) s’élève quant
à lui à 3,8 M€, soit 28% du dépassement. Ce dernier chiffre, qui entérine
les dépassements constatés sur les marchés, est présenté de manière
globale, sans distinguer selon qu’il s’agit d’aléas techniques ou
d’extensions de programme.
En raison de l’imprécision des documents de suivi des marchés qui
confondent dans deux catégories (révisions et aléas) l’ensemble des
sources de dépassement de l’enveloppe (révision selon calendrier initial,
allongement de calendrier, aléas et changement de programme), la part
des aléas dans le coût final de l’opération ne peut être affinée davantage.
La part des modifications de programme dans le dépassement s’obtient
quant à elle par soustraction (du montant des révisions, de l’allongement
de calendrier et des aléas) et s’établit à 3,9 M€, soit 29 % du dépassement
et 10 % du montant final.
La part des quatre facteurs dans le surcoût du projet est illustrée
par le graphique ci-dessous :
Ainsi, les documents de suivi de l’EMOC présentent, pour
l’ensemble des marchés d’une opération (maîtrise d’oeuvre, assistance à
maîtrise d’ouvrage, travaux et autres), le montant initial et les montants
finaux des engagements et mandatements. A ce titre, ils constituent un
outil de gestion budgétaire et comptable efficace des marchés. En
24%
19%
28%
Révisions de prix
Allongement de calendrier
Extension de programme
Aléas
Selon BT01 constaté,
enveloppe et
calendrier initiaux
17%
28%
55%
Selon typologie de la
convention de mandat et
ses avenants
Composantes du dépassement de l’enveloppe initiale
de l’opération Odéon
ÉLÉMENTS DE BILAN
27
revanche, ils ne permettent ni de piloter les délais et les coûts en cours
d’exécution, ni d’apprécier la qualité et d’évaluer la performance de la
maîtrise d’ouvrage déléguée à l’issue des opérations. Au plan strictement
technique, l’opération est considérée par l’EMOC et le théâtre comme
une réussite, les services du ministère de la culture étant d’un avis
différent. En effet, d’un point de vue plus général, les dépassements
d’enveloppe et de calendrier révèlent la nécessité de disposer de bilans
économiques plus complets.
E - La Cinémathèque française
L’idée d’un équipement culturel entièrement dédié au cinéma est
ancienne. Lorsque le projet de « Maison du cinéma » a vu le jour, il
s’agissait de fédérer dans un même lieu trois acteurs de la politique du
cinéma : les Archives françaises du film (AFM), département du centre
national de la cinématographie (CNC) accueillant le dépôt légal du
cinéma, la bibliothèque du film (BIFI) et la Cinémathèque française. Il
comprenait, outre des salles de projection, une médiathèque, des espaces
pédagogiques et d’exposition temporaire ainsi que le musée Henri
Langlois.
Initialement pressenti pour accueillir le bâtiment, le site du Palais
de Tokyo a finalement été abandonné en raison du coût d’aménagement
qu’il supposait, estimé à 76 M€. A sa place,
l’American Center
conçu par
l’architecte Frank Gehry à Bercy a été choisi en 1998 et acquis par l’Etat
en février 1999 pour un montant de 23,5 M€ (154,13 MF) et le coût
d’aménagement estimé à 24,24 M€ (160 MF), soit un coût total de
l’opération de 47,7 M€. Sa proximité avec la BNF et l’Inathèque situées
sur l’autre rive de la Seine (et reliées depuis par la passerelle Simone de
Beauvoir) permettait en outre de rassembler la totalité du dépôt légal
consacré à l’image dans l’est parisien.
La direction de l’administration générale du ministère de la culture
était maître d’ouvrage du projet. Prenant la suite de la Mission
interministérielle des grands travaux (MIGT), l’EMOC a été chargé de
solder l’opération au Palais de Tokyo et a participé au choix du nouveau
site dès 1998. La réalisation des études préalables lui a été confiée par
convention du 11 mai 1999 pour un montant de 150 000 € (1 MF).
Logiquement, il a ensuite été chargé de la maîtrise d’ouvrage par
convention de mandat signée le 1
er
octobre 1999 pour un montant de
24,24 M€
14
(valeur janvier 1999) et une durée de 26 mois, soit un
achèvement prévu pour décembre 2001.
14) Le fait que ce montant soit identique à celui du théâtre de l’Odéon est un hasard.
28
COUR DES COMPTES
Le bâtiment a été remis en mai 2005 avec trois ans et demi de
retard, pour un montant total de 33,9 M€, soit 39,8 % de hausse apparente
et 33,4 % de dépassement par rapport à l’enveloppe initiale actualisée à
décembre 2001 suivant l’indice des prix à la construction (25,42 M€). Le
coût lié à l’allongement du calendrier (obtenu par différence entre le
montant final et le montant des révisions appliquées à l’enveloppe et au
calendrier initiaux et les extensions de programme) représente 49 % du
dépassement et les modifications de programme 31 %, les 20 % restants
étant imputables aux révisions de prix.
1 -
L’instabilité du programme
Sur les trois années et demi de retard, trois sont imputables à la
phase préparatoire, du choix de la maîtrise d’oeuvre au démarrage des
travaux. En dépit d’études préalables qui avaient déjà duré six mois, cette
étape qui devait occuper huit des 26 mois du calendrier initial a duré trois
ans et demi et décalé le démarrage des travaux en juin 2003 pour la partie
immobilière et septembre 2004 pour la muséographie.
a)
La difficile validation du programme immobilier
Le programme arrêté à l’issue des études préalables s’articulait
autour de trois éléments : l’extension des espaces d’accueil et de
billetterie ; la création d’un niveau supplémentaire par construction d’un
plancher à mi-hauteur dans la salle de théâtre et la césure de la cage de
scène ; la reconversion des studios et des ateliers d’artistes en salles de
projection, d’exposition et en médiathèque. La création d’un accès
commun aux trois salles de projection a été ajoutée ensuite, sur
proposition du maître d’oeuvre.
Pour la partie immobilière – le musée faisant l’objet d’un projet
dans le projet – le choix du maître d’oeuvre a été lancé en mars 1999 par
appel public à la concurrence et a été notifié par l’EMOC le 12 janvier
2000 pour un montant de 1,61 M€. La validation de l’APD (avant-projet
détaillé) par le maître d’ouvrage n’est intervenue qu’en février 2001,
treize mois après la notification au lieu des six prévus, après plusieurs
modifications. Ce délai a encore été allongé de quatorze mois par la
procédure d’autorisation rendue nécessaire par le changement de
destination des ateliers d’artistes et l’extension des surfaces. Le permis,
demandé en juin 2001, a été accordé en avril 2002.
Alors que le projet était prêt à passer en chantier en février 2002
après les travaux de démolition, l’arrivée du nouveau ministre de la
culture en mai 2002 a donné lieu à une nouvelle hésitation et à la
ÉLÉMENTS DE BILAN
29
suspension de l’opération. Il a fallu attendre février 2003 pour que celle-
ci soit relancée et juin 2003 pour que démarrent les travaux.
Enfin, le projet a connu un ultime changement d’orientation avec
la nomination d’un nouveau président de la Cinémathèque, qui a réussi à
convaincre le ministre de la culture de la nécessité de modifications qui
touchaient la distribution des espaces d’expositions temporaires et ceux
du musée. Ces modifications n’ont été entérinées dans un second avenant
à la convention de mandat qu’en mars 2004, ce qui a conduit à repousser
les délais de livraison de huit mois supplémentaires.
Force est de noter que les changements de programmes adoptés
(interversion des espaces d’expositions permanente et temporaires)
relèvent d’une réorientation du projet
qui a bouleversé l’économie du
programme initial, sans que le maître d’ouvrage mandataire dispose de
quelque moyen que ce soit pour en limiter les effets sur les coûts comme
sur les délais.
b)
Les atermoiements du projet muséographique
La forme du futur musée du cinéma et la part que devait prendre la
collection de l’ancien musée Henri Langlois disparu dans l’incendie du
Palais de Chaillot ont fait l’objet de vifs débats, opposant la direction de
la Cinémathèque, ses conservateurs et les deux directeurs successifs du
musée. Cette absence de consensus a été à l’origine de la scission précoce
du programme entre immobilier et musée pour éviter que les difficultés
du second ne freinent l’ensemble de l’opération.
En pratique, l’instabilité de la programmation muséographique
s’est traduite par une succession des maîtres d’oeuvre du projet qui a
repoussé la livraison à fin 2005. Un premier marché a été notifié en
septembre 2000 pour un montant de 0,40 M€, après trois études de
définition d’un montant de 0,11 M€. L’APD n’a toutefois été validé qu’en
mai 2002 et le marché complété par avenant en mai 2003 pour un
montant de 0,92 M€.
A l’arrivée du nouveau président de la Cinémathèque, celui-ci a
envisagé plusieurs modifications du projet muséographique. Le premier
marché de maîtrise d’oeuvre s’avérant incompatible avec le nouveau
projet, celui-ci a été résilié en juin 2003, pour un coût de 0,23 M€. Un
deuxième maître d’oeuvre a alors été désigné en janvier 2004. Dans
l’attente de la nouvelle programmation, la procédure a été déclarée sans
suite et le candidat indemnisé à hauteur de 17 940 €. La désignation du
maître d’oeuvre définitif, est finalement intervenue en juin 2004 à l’issue
d’un troisième concours et le marché a été notifié le 1
er
septembre 2004
pour un montant de 0,23 M€.
30
COUR DES COMPTES
Ces décalages révèlent une sous-estimation des délais nécessaires à
l’élaboration du projet. La durée de 26 mois inscrite dans la convention
de mandat a négligé les délais de validation et d’autorisation de
l’opération. Si l’EMOC ne peut être tenu responsable des délais de
délivrance des permis, il a néanmoins explicitement la charge de la phase
préparatoire de l’opération aux termes de la convention de mandat.
A
fortiori
, comme il a été mandaté pour réaliser les études préalables au
projet, l’EMOC est responsable de l’estimation des délais d’autorisation
nécessaires et des coûts afférents.
Cette sous-estimation des délais de validation et l’instabilité du
programme ont été lourdes de conséquences sur le calendrier de
réalisation et les coûts, comme l’a confirmé le ministère dans sa réponse :
« Les principales causes de dépassement sur le chantier de la
Cinémathèque ont été les décisions de modification du programme global
ainsi que le déplacement des espaces dédiés aux expositions temporaires
(demande formulée par le président de la Cinémathèque).
»
Au total, le montant des modifications de programme a été entériné
par deux avenants à la convention de mandat et porté à 2,96 M€, soit 31%
du dépassement. Le coût induit par l’allongement du calendrier s’élève
quant à lui à 4,52 M€. Sachant que sur 41 mois de retard, 35 sont liés à la
phase préalable (soit 85 %), l’allongement de calendrier lié à l’instabilité
du programme peut être évalué à 3,85 M€, et l’impact global des
modifications de programme à 6,81 M€.
2 -
Le changement de porteur du projet
Le projet de Maison du cinéma réunissait au départ quatre
partenaires
:
l’Etat,
propriétaire
du
bâtiment
et
du
fonds
cinématographique et muséographique ; les Archives françaises du film
(AFF), rattachées au centre national de la cinématographie (CNC) ; la
Cinémathèque française, association loi 1901 ; et la bibliothèque du film
(BIFI), association loi 1901 née de la scission avec la Cinémathèque.
En
l’absence
de
structure
commune,
la
direction
de
l’administration générale (DAG) du ministère de la culture a été maître
d’ouvrage de l’opération, le CNC co-signant les conventions de mandat
d’études et de maîtrise d’ouvrage. Les autres partenaires ont quant à eux
été associés au suivi de l’opération mais sans prendre de responsabilité
juridique.
ÉLÉMENTS DE BILAN
31
Une « Mission de réalisation du 51, rue de Bercy » a été mise en
place pour coordonner l’opération. En pratique, la mission a assuré la
circulation de l’information et le secrétariat des réunions rassemblant les
partenaires, l’EMOC et les maîtres d’oeuvre, mais elle n’avait pas de
pouvoir de décision. En outre, aucune décision n’a été arrêtée sur la
structure en charge de la gestion future du bâtiment. En particulier, la
Cinémathèque s’opposait à toute création d’un groupement d’intérêt
public (GIP), susceptible de menacer son existence.
L’absence d’interlocuteur unique ou, à défaut, de pilote capable
d’arbitrer les conflits entre les partenaires, a contribué à la multiplication
des modifications de programmes et à l’allongement considérable de la
phase préparatoire. La présence de l’EMOC comme intermédiaire entre le
maître d’ouvrage, les partenaires du projet et le maître d’oeuvre n’a pas
permis d’améliorer le processus de décision.
A l’inverse, la décision prise en 2003 d’abandonner les scénarios
GIP et mission de réalisation et de transférer la gestion future du bâtiment
à la Cinémathèque française a permis la relance des travaux. Cette
décision s’est accompagnée d’une modification des statuts de la
Cinémathèque, d’un changement de son président et d’une fusion avec la
BIFI programmée pour le 1
er
janvier 2007.
Au total, le président de la Cinémathèque émet un jugement positif
sur l’opération :
« Les travaux menés par l’EMOC ont été livrés dans les
délais convenus suite à la redéfinition du projet, avec des équipements en
ordre de marche »
15
.
De fait, sortie de son contexte et prise indépendamment de ses
objectifs de départ, une même opération considérée comme mitigée par
ses financeurs peut être vue comme une réussite par ses bénéficiaires.
Cette appréciation – qui ne peut être partagée si on se place du point de
vue des délais et des coûts prévus à l’origine – milite pour un
renforcement du suivi des coûts et du calendrier dans le temps, afin de
mettre en évidence les conséquences de changements de programme à
l’échelle de l’opération, et non dans l’horizon temporel des dirigeants les
plus récents.
15) Lettre du 8 février 2007 en réponse aux observations provisoires de la Cour.
32
COUR DES COMPTES
F - Le Grand Palais
Edifié entre 1897 et 1900, le Grand Palais a présenté dès les années
cinquante des fissurations révélant la fragilité de ses fondations. En raison
du vieillissement des pilotis sur lesquels reposait le bâtiment côté Seine,
le palais s’est enfoncé et l’ensemble des structures, façades et ornements
compris, ont été déstabilisés. En outre, l’armature de fer de la nef a connu
des phénomènes de déformation et de corrosion menaçant la sécurité des
visiteurs. En 1993, la chute d’un rivet a conduit à décider la fermeture de
la nef et à engager un vaste projet de restauration du bâtiment. Lancée en
1995 pour un montant prévisionnel alors évalué à 34,2 M€, l’opération
n’est que partiellement achevée et atteint aujourd’hui un coût estimé à
113,9 M€.
Par sa complexité administrative et juridique
16
(comparable à celle
de la rénovation du théâtre de l’Odéon), son calendrier de réalisation
(plus d’une décennie) et son budget, la restauration du Grand Palais est
une opération hors normes. Elle n’en questionne pas moins trois aspects
de la maîtrise d’ouvrage confiée à un mandataire : l’évaluation de
l’enveloppe initiale, les modifications de programme en cours de chantier
et la gestion des marchés de travaux.
1 -
La sous-évaluation de l’enveloppe initiale
Le SNT a été initialement chargé des études préalables et de la
conduite de l’opération. En 1995, il a conclu un contrat de maîtrise
d’oeuvre de 2,93 M€ correspondant à une première estimation des travaux
de 31,25 M€ HT. Au cours de l’année 1997 cependant, la fixation du coût
définitif des travaux à 62,75 M€ HT a été source d’un blocage entre les
ministères de la culture et des finances
17
.
Ce n’est qu’en mars 1999 que le projet a pu être relancé, après
remise au secrétaire général du Gouvernement du rapport du conseiller
d’Etat désigné comme arbitre. Le montant des travaux a été ramené à
53,36 M€ HT répartis en deux phases. Le montant respectif de chacune
des phases est toutefois incertain, tant il varie selon les documents :
40,55 M€ pour la seule phase 1 dans la convention de mandat de juin
1999, 41,65 M€ et 11,73 M€ dans l’avenant n°2 au contrat de maîtrise
d’oeuvre de décembre 1999, et 38,57 M€ et 14,79 M€ dans l’avenant n°1
16) Les incertitudes sur les droits réels détenus respectivement par l’Etat et la ville de
Paris sur le terrain en sont un exemple parmi d’autres.
17) Après un avis défavorable de la CSM-BGC le 24 juin 1997 sur laquelle le
directeur du SNT passe outre en décembre 1997, l’avenant au marché de maîtrise
d’oeuvre fait l’objet d’un refus de visa du contrôleur financier.
ÉLÉMENTS DE BILAN
33
à la convention de mandat de février 2001 (auxquels sont ajoutés
3,05 M€F « d’imprévus »). Par suite, il est impossible de rapporter le coût
final de chacune des phases à une quelconque estimation initiale.
Le débat qui a opposé les ministères de la culture et des finances
sur le coût prévisionnel des travaux et les modifications du projet
décidées par la suite illustre les ambiguïtés de la programmation d’une
opération de restauration d’une telle envergure, qui prive l’enveloppe
financière initiale de toute portée limitative.
L’opération Grand Palais a présenté dès l’origine une complexité
et une ampleur telles que le maître d’ouvrage était dans l’incapacité de
déterminer ex ante l’étendue des travaux et l’estimation prévisionnelle de
leur coût. Le maître d’oeuvre a ainsi été chargé de préciser le coût des
travaux dans le cadre des études d’avant projet. Malgré le risque de dérive
du coût lié à la fixation de l’enveloppe financière par le maître d’oeuvre
lui-même, aucune formule incitative à la maîtrise des coûts n’était prévue
dans le contrat de ce dernier pour le calcul du forfait définitif de
rémunération.
Une première réévaluation du coût prévisionnel des travaux est
apparue dans l’avant-projet sommaire (APS) portant le montant de
31,25 M€ à 55,38 M€ HT en avril 1996. L’avant-projet définitif (APD)
validé en février 1997 – et le projet d’avenant qui a suscité alors
l’opposition du ministère des finances – a fixé ce coût à 62,75 M€.
L’écart est expliqué par la sous-estimation du coût initial en l’absence de
références et de projets comparables, le choix de la technique des parois
moulées pour rendre possibles des aménagements en sous-sol et la
décision de réaliser les travaux en site occupé. Après négociation, ce
montant a été ramené à 53,36 M€ HT dans l’avenant n° 2 notifié en
décembre 1999.
Evolution du coût prévisionnel des travaux Grand Palais
Marché
initial
(22/12/95)
APS
(19/04/96)
APD
(06/02/97)
Avenant
n° 2
(13/12/99)
Fondations
100 MF
192 MF
221,9 MF
178,5 MF
Charpentes
70 MF
105,5 MF
111,3 MF
105,7 MF
Verrières - toiture
35 MF
65,8 MF
78,4 MF
65,8 MF
Total HT
205 MF
(31,25 M€)
363,3 MF
(55,38 M€)
411,6 MF
(62,75 M€)
350 MF
(53,36 M€)
Source : Cour des comptes à partir des marchés EMOC
34
COUR DES COMPTES
Sur le plan juridique, le débat a été tranché par le rapport de
l’arbitre désigné à cet effet, qui a fait valoir le caractère provisoire du prix
initial, tel que prévu par l’article 2 alinéa 5 de la loi MOP :
« Lorsque le
maître d’ouvrage décide de réutiliser ou de réhabiliter un ouvrage
existant, l’élaboration du programme et la détermination de l’enveloppe
financière prévisionnelle peuvent se poursuivre pendant les études
d’avant-projet ».
En ce sens, l’avenant n° 2 n’a pas constitué un
bouleversement de l’économie du marché de maîtrise d’oeuvre mais a fixé
la rémunération définitive sur la base d’études complémentaires.
Sur le plan opérationnel en revanche, ce raisonnement ne résout
pas les effets de l’absence de prix définitivement arrêtés dès le départ.
Pour les opérations classiques, le maître d’ouvrage dispose de moyens
pour contraindre le maître d’oeuvre à respecter l’enveloppe initiale (en
l’obligeant à reprendre gratuitement ses études ou en plafonnant la
variation de coût par exemple). Dans le cas du Grand Palais, comme
l’indiquait le rapport de l’arbitre :
« le mécanisme de régulation dont la
présence est habituelle dans les marchés de maîtrise d’oeuvre constituait
en l’espèce une garantie illusoire (…). La notion même d’enveloppe
financière initiale, sur laquelle repose en définitive la régulation du
marché, n’y a pas grand sens. Techniquement d’abord, le problème était
trop complexe pour que l’on puisse, à la signature du marché, déterminer
la nature même des travaux nécessaires (…). Financièrement ensuite,
était-il pensable que, à l’issue d’études déterminant la nécessité
d’effectuer les travaux, on en revienne à l’enveloppe financière initiale
avec l’assurance que les travaux qu’elle permettrait de financer étaient
(…)
insuffisants à assurer sa consolidation définitive ? ».
Si l’évolution du coût des travaux au vu d’études complémentaires
se comprend aisément dans le cas d’espèce, elle n’en a pas moins privé le
maître d’ouvrage d’outil pour contenir le budget du projet dans des
limites fixées au départ.
En outre, le maître d’ouvrage n’a eu aucun
moyen d’évaluer la performance de la maîtrise d’oeuvre sur le plan
financier, l’enveloppe étant fixée ex post par le maître d’oeuvre lui-même.
2 -
Les compléments de programme ultérieurs
La maîtrise d’ouvrage de la première phase a été confiée à
l’EMOC par convention de mandat du 28 juin 1999. D’un montant de
60,98 M€, la convention initiale comprenait les dépenses déjà engagées
par le SNT (5,03 M€), de nouvelles études préalables confiées à l’EMOC
par convention du 14 juin 1999 (0,076 M€) et les travaux de restauration
de la nef et des galeries Sud (55,87 M€). Sa durée a été fixée à 27 mois,
soit jusqu’au mois de juillet 2002. La première phase des travaux a été
ÉLÉMENTS DE BILAN
35
achevée en septembre 2004, soit avec deux ans et deux mois de retard,
pour un montant final de 60,9M€, soit un écart de 9% par rapport au
montant initial de la convention de mandat de 1999 et de 68% par rapport
à l’estimation de 1995.
La seconde phase de travaux – comprenant la confortation des
galeries Nord et la restauration des façades et statuaires – a été ajoutée au
programme confié à l’EMOC par avenant à la convention de mandat en
février 2001 pour un montant de 58,54 M€. Compte tenu de son
périmètre, ce montant n’a plus grand-chose à voir avec le coût envisagé
dans le contrat de maîtrise d’oeuvre en 1999 qui ne comprenait que les
travaux de confortation, sans même parler de 1995. Il fait d’ailleurs
l’objet d’un avenant spécifique au marché de maîtrise d’oeuvre, qui a
abouti à un doublement de son montant. La deuxième phase a été lancée
en mars 2005 et diminuée de 23,56 M€ quelques mois plus tard : il s’agit
de la seule réduction de programme observée sur la soixantaine de grands
chantiers examinée par la Cour.
Enfin, l’arrivée du nouveau ministre de la culture le 31 mars 2004
s’est accompagnée d’un changement de contenu et d’organisation du
projet, autour du nouvel objectif d’ouverture de la nef pour les journées
du patrimoine en septembre 2005. Pour l’atteindre, une étude sur les
conditions d’une réouverture partielle au public a été menée par l’EMOC
au dernier trimestre 2004 et un programme de travaux défini début 2005
sous la maîtrise d’oeuvre de l’ACMH pour un montant de 4,7 M€. Des
travaux de sécurité ont par ailleurs été entrepris à hauteur de 2,5M€.
L’ensemble de ces éléments porte le montant des mandats confiés
à l’EMOC à 108,9 M€ et le coût total prévisionnel de l’opération à
113,9 M€ (en incluant les études réalisées par le SNT). Les modifications
de programme et de calendrier ont été entérinées par trois avenants à la
convention
de
mandat
initiale
et
une
convention
de
mandat
complémentaire. En l’absence de conventions séparées pour chacune des
phases toutefois, il est impossible d’établir le bilan final de l’opération
tant que la seconde phase ne sera pas achevée.
Au demeurant, on peut craindre en particulier que de nouveaux
travaux soient à engager dans un futur proche pour aménager ou
réaménager les espaces en vue de leur exploitation.
36
COUR DES COMPTES
Evolution du mandat de l’EMOC sur le Grand Palais
Convention
Date
Objet
Total
Convention
d’études n°1
14/06/99
Etudes
76 225 €
Convention de
mandat n°1
28/0699
Phase 1 : fondations, charpentes et
couverture de la nef et des galeries sud
(hors 5M€ d’études SNT)
55 872 565 €
Avenant n°1
02/02/01
Phase 2 : galeries nord + façades et
statuaire
58 540 423 €
Actualisation des coûts 1
ère
phase
5 001 273 €
Avenant n°2
01/10/02
Actualisation des coûts 2
e
phase
5 498 142 €
Réduction programme 2
e
phase
-23 565 000 €
Avenant n°3
26/04/05
Travaux pour réouverture au public
4 700 000 €
Convention de
mandat n°2
03/07/02
Installations électriques
2 500 000 €
Convention
d’études n°2
17/10/02
Scénarios de réaménagement,
préparation consultation pour DSP
300 000 €
Total général (hors études SNT)
108 923 628
Dont phase 1
60 873 838
Source : convention de mandat et avenants EMOC
3 -
La gestion des deux principaux marchés
Malgré la longueur de la phase d’études préalables, qui s’est étendue
sous des formes diverses de 1993 jusqu’au mois de mai 2000, la sélection
des principales entreprises prestataires a encore occasionné délais et
ajustements qui témoignent de la complexité du chantier.
Deux lots représentaient, dans l’appel d’offres restreint lancé le 26
mai 2000, l’essentiel du coût du projet : le lot n° 1 - Fondations, gros oeuvre
(conclu pour 25,37 M€) et le lot n° 2 - Charpente métallique, verrière
(conclu pour 23,88 M€).
Pour le lot n° 1, trois procédures successives ont dû être reprises.
Après un premier appel d’offres restreint lancé le 26 mai 2000, auquel n’a
répondu qu’un seul groupement pour un montant supérieur de 30 % à
l’estimation du maître d’oeuvre, la procédure a été relancée le 10 novembre
2000 sous la forme d’un appel d’offres ouvert fondé sur une solution
technique différente. Face à deux offres encore supérieures à l’estimation
du maître d’oeuvre de respectivement 18 et 42 %, la consultation a été à
nouveau déclarée infructueuse et une troisième procédure a été relancée le
13 mars 2001, cette fois négociée dans le cadre de l’article 104 du code des
ÉLÉMENTS DE BILAN
37
marchés publics alors en vigueur. Celle-ci a abouti à la conclusion d’un
marché le 22 octobre 2001 – soit avec un retard d’un an sur le calendrier
initialement prévu – pour un montant de 25,37 M€ (y compris les tranches
conditionnelles non affermies). In fine, il semble que la raison d’être de ce
retard ait tenu à l’insuffisance des études préalables, qui se sont trouvées
« démodées » par les propositions des entreprises
18
. Il convient toutefois de
reconnaître qu’une fois connus les résultats de la première consultation,
l’EMOC et son maître d’oeuvre ont su réagir pour rétablir une procédure qui
paraissait compromise et obtenir une diminution importante (9,2 M€) du
prix du marché.
Le lot n° 2, quant à lui, a d’abord fait l’objet du même appel d’offres
restreint lancé le 16 mai 2000, mais comme pour le lot n° 1, les offres
reçues en juillet 2000 excédaient de plus de 33 % pour la plus basse
l’estimation du maître d’oeuvre. Là aussi, la procédure a donc été déclarée
infructueuse et reprise sous la forme d’un appel d’offres ouvert lancé en
novembre 2000, après que le maître d’oeuvre eut «
tout en restant dans le
coût d’objectif qui lui était imparti et compte tenu de son taux de tolérance,
(...) réévalué son projet ayant sous-estimé, dans le 1
er
appel d’offres, le
niveau général des prix suite à la conjoncture économique, et en tenant
compte également de certaines difficultés spécifiques exposées par les
entreprises lors du 1
er
appel d’offres.
»
19
. De fait, le maître d’oeuvre a
réévalué son estimation de 23 % entre les deux consultations, ce qui
revenait à se mettre au niveau des premières offres.
Ce second appel d’offres n’a débouché que sur deux candidatures et
deux offres reçues le 1
er
février suivant. La première étant jugée
techniquement supérieure et étant par ailleurs inférieure de 1,6 M€ à la
seconde, c’est elle qui a été choisie le 6 juillet 2001. Mais en réalité, celle-ci
n’avait quasiment pas changé entre les deux consultations, et n’était
inférieure, lors de l’appel d’offres ouvert, que de 1 % à son montant lors de
l’appel d’offres restreint. La succession des deux consultations a donc
clairement eu pour objet de « recaler » l’estimation du maître d’oeuvre, et
non les offres.
Par la suite, l’évolution de ces deux marchés a épousé celle du
chantier du Grand Palais. Le lot n° 1 Gros oeuvre, d’un montant initial de
25,37 M€ (comprenant deux tranches conditionnelles affermies par la suite)
a finalement été porté à 27,1 M€ (soit + 6,8 %) au terme de deux avenants.
18) Il est significatif que le rapport de présentation du marché, reprenant les termes du
rapport d’analyse des offres, indique avec honnêteté à propos d’une des offres :
«
L’offre du groupement est très complète, très fouillée techniquement. Les seules
objections que nous puissions émettre procèdent, justement, de ces entendus
techniques fouillés qui ont mis en relief certaines imprécisions du projet.
»
19) Rapport de présentation du marché n° 01-01729, page 10.
38
COUR DES COMPTES
Le lot n° 2 Charpente et verrière, d’un montant initial de 23,89 M€
(comprenant une tranche conditionnelle affermie ensuite) a été porté à
28,07 M€, soit +17,5 %.
***
En acceptant de prendre en charge l’opération de rénovation du
Grand Palais, l’EMOC a dû faire face à une situation qu’il n’avait pu
apprécier et à un programme à la définition duquel il n’avait pas pris part.
Ce programme, sous-évalué et techniquement difficile à appréhender,
résultait pour l’essentiel des études des architectes détenteurs de droits
exclusifs vis-à-vis du bâtiment, c’est-à-dire en dernier lieu de l’architecte en
chef des monuments historiques.
Si cette considération tend à relativiser la responsabilité de l’EMOC
dans les difficultés constatées lors des phases préparatoires, elle pose
néanmoins la question de l’expertise préalable des opérations assignées au
mandataire.
II
-
Les résultats : un bilan contrasté
Par delà leurs différences, les six exemples développés ci-dessus
présentent plusieurs caractéristiques communes qui se retrouvent dans la
majorité des autres grands chantiers du ministère de la culture.
En premier lieu, les opérations s’inscrivent dans un environnement
juridique et économique contraint, résumé en ces termes par le président du
musée du quai Branly :
« L’instabilité chronique du code des marchés, les
contradictions entre les différents niveaux de textes qui le composent, le
vivier si particulier des entreprises, peu nombreuses, qui répondent aux
appels d’offre par les institutions publiques et qui préfèrent risquer des
pénalités de retard plutôt que d’augmenter leurs effectifs et recourent
massivement à la sous-traitance, enfin, plus généralement, les contraintes
de l’économie des travaux publics ».
Au delà, les grands chantiers culturels se caractérisent par un prestige
et une portée symbolique particuliers, à laquelle est associée une exigence
de résultat qui prime le plus souvent sur l’obligation de moyens. De fait,
leur réalisation témoigne souvent d’un haut niveau de qualité de réalisation
récompensé par le succès public, mais elle présente des écarts de coût et de
délais non moins significatifs entre les prévisions initiales et les bilans
finaux.
ÉLÉMENTS DE BILAN
39
A - Qualité technique et obligation de résultat
S’agissant de chantier de prestige, les malfaçons patentes et les
ratés architecturaux sont rares et, quant ils surviennent, le maître
d’ouvrage se donne toujours les moyens en temps et en argent d’y
remédier.
Certes, l’appréciation des réalisations techniques ne peut être
abordée
qu’avec
prudence
car
les
véritables
dysfonctionnements
n’apparaissent qu’avec le temps. L’exemple récent et médiatisé du
bâtiment du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de
Paris en témoigne : c’est après quatre d’années d’exploitation que les
premiers désordres sont apparus, et près d’une dizaine d’années après
qu’ils ont été jugés suffisamment graves pour que le ministère de la
culture engage la responsabilité de l’architecte qui en avait assuré la
maîtrise d’oeuvre. L’exemple du musée d’Orsay est tout aussi éloquent :
le bâtiment n’avait qu’une dizaine d’années lorsqu’il a été constaté que
les espaces publics ne fonctionnaient pas en cas d’affluence, et ce sont les
travaux récents qui ont révélé que les prestataires recrutés au début des
années 1980, n’avaient pas réalisés les opérations nécessaires au
renforcement des structures métalliques.
Le temps écoulé depuis l’achèvement d’une moitié environ des
quelque soixante chantiers considérés ici est trop bref pour qu’un
jugement définitif puisse être porté sur la qualité des
réalisations. Les
ajustements opérés après l’ouverture du musée du quai Branly en
témoignent.
Les ajustements opérés au musée du quai Branly après son ouverture
Les premiers sondages réalisés auprès des visiteurs du musée du quai
Branly, après un an de fonctionnement, tendent à montrer que le bâtiment et
la signature architecturale de Jean Nouvel participent à part entière de la
visite. D’un point de vue plus technique, le fait que le musée soit demeuré
ouvert depuis son inauguration et qu’aucun contentieux significatif ne soit
engagé vis-à-vis des prestataires plaide dans le sens d’une réalisation
probante.
Cinq éléments semblent toutefois ne donner que partiellement
satisfaction aux visiteurs du musée, et partant aux responsables de
l’établissement qui ont déjà effectué ou programmé des travaux destinés à
pallier ces insuffisances. Celles-ci demeurent toutefois modestes en regard de
l’ensemble du projet.
40
COUR DES COMPTES
Le premier a trait à l’éclairage des expositions permanentes et des
mezzanines. Dès la réception de l’ouvrage, au printemps 2006, le directeur
des collections avait exprimé ses réserves en constatant que près de la moitié
des cartels et panneaux d’information étaient illisibles car plongés dans la
pénombre. Dans les trois mois qui ont suivi l’inauguration du musée, ce sont
donc plusieurs centaines de lampes qui ont été ajoutées autour de la tour de
verre accueillant les collections d’instruments de musique et dans le parcours
de la rivière.
En deuxième lieu, les conservateurs ont estimé, en juin 2006, que les
boîtes conçues par le maître d’oeuvre sur la façade nord du musée, qui
accueillent des séries ou pièces spécifiques avec une muséographie renforcée,
étaient inachevées. Celles-ci ne semblent toujours pas avoir trouvé leur
configuration durable, et dans plusieurs d’entre elles, les sols ont été changés
après quelques semaines d’ouverture.
La présentation des informations ethnologiques autour des oeuvres et
la signalétique constituent le troisième point de la muséographie sur lequel
s’interrogent les responsables de l’établissement. Pour l’heure, seuls quelques
ajustements ont été opérés, mais une réflexion est ouverte sur le sujet.
Le quatrième élément de programme remis en chantier concerne les
blocs sanitaires (trop petits, notamment lorsque des groupes scolaires visitent
le musée). Il est déjà prévu d’installer de nouveaux blocs, tandis que
l’équipement et le dispositif de nettoyage de ceux actuellement en service ont
déjà été revus.
Enfin, même s’il s’agit là d’une révision plus prospective, il semble
que l’installation vidéo de l’artiste américaine Trinh T. Minh-Ha
le long de la
rampe d’accès suscite le scepticisme. Cette installation conçue dans le cadre
du 1 % a été choisie un peu « par défaut », de l’aveu même de l’ancien
directeur du projet muséologique, parmi seulement trois propositions – les
deux autres s’étant avérées inacceptables. L’idée de procéder à une nouvelle
installation d’ici deux ans fait donc son chemin.
Pour autant, l’exécution architecturale, technique et artistique de
ces chantiers paraît donner satisfaction à leurs utilisateurs.
Ce constat s’explique par le fait qu’eu égard à la nature des
bâtiments et des projets en cause, la contrainte qui pèse sur les maîtres
d’ouvrage est davantage une obligation de résultat qu’une obligation de
moyens. Les dépassements des enveloppes budgétaires et des délais de
réalisation qui en résultent ne sont que les corollaires de l’exigence
d’achever les programmes initiaux dans des conditions d’apparence et de
qualité qui ne sont pour ainsi dire jamais revues à la baisse.
ÉLÉMENTS DE BILAN
41
B - Les écarts de coût
Par delà les six exemples présentés ci-dessus, le respect des coûts
prévisionnels peut être évalué sur la base des opérations considérées
comme achevées parmi celles qui ont été programmées depuis 1998. Or,
ce bilan est critique.
Ecart entre enveloppe initiale et coût final des 30 opérations achevées
Opérations
Montant
initial
actualisé (1)
Coût
final
Ecart
1
Restauration du conservatoire national des arts et
métiers
17,75
17,06
-4%
2
Restauration du grand foyer de l’Opéra Garnier
22,10
22,21
0%
3
Travaux sur le fort de Saint-Cyr
4,43
4,54
2%
4
Réaménagement du musée des arts décoratifs
21,70
23,31
7%
5
Bâtiment de l’école nationale supérieure des arts
décoratifs
32,29
35,29
9%
6
Restauration du fort et du donjon de Vincennes
28,30
31,63
12%
7
Bâtiment de l’école d’architecture de Paris Val de
Seine
38,10
43,00
13%
8
Opérations diverses sur le château de Versailles - (2)
14,82
17,10
15%
9
Bâtiment de l’école d’architecture de Versailles
(Maréchalerie)
10,48
12,30
17%
10
Immeuble des Bons Enfants (ministère de la culture)
60,18
71,34
19%
11
Travaux de restauration des Invalides
27,10
32,35
19%
12
Rénovation du musée de l'Orangerie
15,22
18,41
21%
13
Restauration du clos et couvert du Palais de Chaillot
19,40
24,02
24%
14
Bâtiment de l’école d’architecture de Paris
Belleville
32,25
41,15
28%
15
Aménagement des salles du Palais de Tokyo (3)
6,55
8,36
28%
16
Poutre de la Cité de la musique
5,40
6,94
28%
17
Bâtiment du département des recherches
subaquatiques et sous-marines (Marseille)
3,78
4,90
29%
18
Bâtiment de la Cinémathèque française
25,91
34,04
31%
19
Installation de l’Institut national d’histoire de l’art
dans la galerie Vivienne
16,65
22,10
33%
20
Travaux sur le Panthéon
11,54
15,81
37%
42
COUR DES COMPTES
Opérations
Montant
initial
actualisé (1)
Coût
final
Ecart
21
Rénovation du théâtre national de l'Odéon
26,95
37,89
41%
22
Musée du Quai Branly (4)
204,70
290,09
42%
23
Cité de l'architecture et du patrimoine
49,63
75,40
52%
24
Amphithéâtre Verniquet au Museum national
d’histoire naturel
5,55
8,57
54%
25
Rénovation de la Salle des Etats au Louvre
4,03
6,29
56%
26
Pavillon Gabriel du Château de Versailles
3,22
5,27
64%
27
Restauration du Grand Palais phase 1 (5)
35,56
60,95
71%
28
Restauration de la Galerie d'Apollon au Louvre
3,01
5,41
80%
29
Espaces d’accueil du musée d'Orsay
9,33
17,08
83%
30
Bâtiment du Centre national de la Danse de Pantin (6)
7,22
15,98
121%
Total
763,2
1 008,8
32%
Total hors EPMQB
558,5
718,7
29%
Source : Cour des comptes, à partir des tableaux de bord EMOC et SNT et états des
marchés EPMQB. Le coût des opérations rapporté ci-dessus correspond à celui qui peut
être chiffré au vu des bilans remis par les maîtres d’ouvrage pour la part des travaux
achevée. Il peut donc exister des différences avec les chiffres portés en annexe 1 qui
représentent le coût total des opérations tous opérateurs et toutes phases confondus tel
qu’il figure dans les documents de synthèse du ministère de la culture.
(1) Montant de l’enveloppe initiale allouée à l’opération actualisée à la valeur de l’indice
BT01 à la date de livraison initialement prévue.
(2) Il s’agit ici des opérations qui ont précédé l’élaboration et la mise en place du schéma
directeur, notamment la restauration de toitures et des menuiseries.
(3) A été considérée ici comme une seule opération la « contraction » de deux projets :
des travaux conservatoires après l’abandon de l’idée consistant à installer la
Cinémathèque au Palais de Tokyo, puis l’aménagement a minima d’un espace dédié
à la jeune création.
(4) Est pris en compte ici comme montant initial l’enveloppe financière prévisionnelle
fixée en 1998, lors du lancement politique de l’opération.
(5) L’estimation initiale qui figure ici est celle de 1995, qui a présidé au lancement de
l’opération. Celle-ci a été largement réévaluée dans la convention de mandat confiée
à l’EMOC en 1999 pour le même périmètre de travaux : si l’on s’en tenait à une
comparaison entre le montant prévu en 1999 et le coût final de la phase 1, l’écart ne
serait plus que de 14 %. Cette différence montre à quel point l’estimation de 1995
reposait sur des bases fragiles.
(6) La convention initiale confiée à l’EMOC ne comprenait pas les aménagements
scéniques, qui ont fait l’objet d’un avenant ultérieur. Cette extension de programme
explique une large part de l’écart de coût.
ÉLÉMENTS DE BILAN
43
Ainsi, alors que les 30 opérations ont fait l’objet d’un coût global
estimé après actualisation de 763 M€, elles représentent d’ores et déjà
1,09 Md€ d’engagements, soit un dépassement de 246 M€ en volume et
un taux moyen de 30 %.
Si on applique ces taux au montant des 31 autres opérations encore
en cours (1,22 Md€), c’est-à-dire si les causes à l’oeuvre au cours des
dernières années continuent de produire les mêmes effets, les grands
chantiers qui restent à achever représentent un risque financier élevé
20
.
C - Le dépassement des délais impartis
Les dépassements des délais de réalisation des opérations
apparaissent eux aussi substantiels et systématiques. Si l’on considère les
quinze opérations achevées par l’EMOC depuis sa création, le retard
minimum s’est élevé à 9 mois (pour l’extension de la Cité de la musique),
et le retard maximum à 45 mois (pour la Cinémathèque).
Le constat est comparable pour le musée du quai Branly, dont la
date d’inauguration avait été fixée au mois de janvier 2004 lors de
l’adoption du programme initial au printemps 1999, et qui a finalement
ouvert ses portes en juin 2006, avec un retard de deux ans et demi.
S’agissant du SNT, et comme il sera indiqué plus loin dans
l’analyse des outils de pilotage des projets, les indicateurs disponibles ne
paraissent pas suffisamment fiables pour permettre la comparaison. Ceux-
ci, en effet, n’intègrent pas les phases préparatoires et tendent à
considérer que les projets ne démarrent qu’avec le premier coup de
pioche, ce qui ne traduit pas l’étendue de la mission de maîtrise
d’ouvrage, qui débute très en amont.
20) L’opération Grand Palais phase 2 devrait toutefois être mieux maîtrisée que la
phase 1, une économie de 13,4 M€ ayant été réalisée pour financer les surcoût liés à
l’ouverture au public de la nef pendant l’achèvement des travaux.
44
COUR DES COMPTES
Le dépassement des délais prévisionnels
Date prévue
d’achèvement
Date effective
d’achèvement
Retard
Cité de la musique
Octobre 2004
Juillet 2005
9 mois
Palais de Tokyo Jeune création
Septembre 1999
Décembre 2001
13 mois
Amphithéâtre Verniquet
Septembre 2002
Octobre 2003
14 mois
Immeuble des Bons Enfants
Février 2003
Novembre 2004
20 mois
Grand Palais (1
ère
phase)
Juillet 2002
Septembre 2004
26 mois
Ecole d’architecture Versailles
Février 2003
Juillet 2005
28 mois
INHA – bâtiment Vivienne
Octobre 2001
Mars 2004
29 mois
Musée du quai Branly
Janvier 2004
Juin 2006
30 mois
Galerie d’Apollon (Louvre)
Mars 2002
Novembre 2004
31 mois
Versailles - Pavillon Gabriel
Décembre 2000
Juillet 2003
31 mois
Centre national de la danse
Juillet 2001
Avril 2004
33 mois
Musée d’Orsay
Mars 2001
Mars 2004
36 mois
Théâtre de l’Odéon
Février 2003
Février 2006
36 mois
Salle des Etats (Louvre)
Janvier 2002
Mars 2005
38 mois
Musée de l’Orangerie
Février 2003
Mai 2006
39 mois
Cinémathèque
Décembre 2001
Septembre 2005
45 mois
Source : Cour des comptes
Ces retards s’expliquent souvent par les mêmes raisons que les
dépassements des enveloppes budgétaires : reprises d’études liées à des
changements
de programme,
suspensions politiques des
chantiers,
imprévus et aléas techniques… Ils procèdent également de deux
phénomènes
spécifiques :
la
sous-évaluation
fréquente
du
temps
nécessaire à la réalisation des opérations, et notamment les phases
préparatoires (du choix du maître d’oeuvre au lancement de la
consultation des entreprises) ; la fragilité intrinsèque, en termes de délais,
d’opérations reposant sur un enchevêtrement de réglementations, au
premier rang desquelles figurent l’obtention des permis de construire et la
passation des marchés publics.
ÉLÉMENTS DE BILAN
45
III
-
Les conséquences : un budget
d’investissement culturel sous tension
Quelle que soit la réussite architecturale, technique et culturelle de
la plupart des grands projets engagés à la fin des années 1990, leurs
résultats en termes de coût et de délais sont problématiques pour le
ministère de la culture.
La politique d’investissement de ce dernier poursuit deux grandes
orientations : la sauvegarde du patrimoine monumental historique, dont
les cathédrales et les châteaux sont emblématiques, et la constitution de
nouveaux équipements culturels. Même si plusieurs grands chantiers
suscitent des constructions neuves, qu’il s’agisse du musée du quai
Branly et demain de la Philharmonie de Paris, nombre d’entre eux
conjuguent la restauration d’un monument historique avec la conception
d’un équipement culturel. Tel est le cas, par exemple,
de la rénovation du
théâtre de l’Odéon, de l’installation de la Cité de l’architecture et du
patrimoine (CAPA) au Palais de Chaillot ou du sauvetage du Grand
Palais, qui débouche aujourd’hui sur une exploitation renouvelée de sa
grande nef.
Cette ligne de partage en recoupe une autre : celle qui sépare les
grands projets franciliens des opérations menées en région. Au cours de la
dernière décennie, la très grande majorité des nouveaux équipements
culturels de l’Etat ont été installés en Ile-de-France, cette dernière ayant
de surcroît accueilli les plus importantes opérations de restauration de
monuments historiques. En regard, les opérations programmées en
province
par
l’Etat
21
apparaissent
de
moindre
importance,
et
correspondent essentiellement à la reconstruction de plusieurs écoles
d’architecture. Le seul projet d’équipement neuf et de grande ampleur, le
musée des civilisations et de la Méditerranée à Marseille, est aujourd’hui
suspendu.
En pratique, la nécessité de financer les écarts de coût des grands
chantiers s’est faite au détriment des autres types d’investissements, et
notamment des opérations de restauration du patrimoine historique en
région. Pour l’avenir, le budget du ministère de la culture ne pourra
soutenir à la fois un renforcement de la politique d’entretien et de
restauration du patrimoine et la poursuite, aux mêmes conditions, d’une
politiques de grands chantiers.
21) Il n’est pas question ici des grands équipements culturels conçus par les
collectivités locales, rarement et peu aidés par l’Etat.
46
COUR DES COMPTES
A - Les dépenses immobilières du ministère de la culture
Considérées globalement, les dépenses immobilières du ministère
de la culture ont oscillé, ces dernières années, entre 486 et 640 M€ par an.
Ces chiffres ne correspondent pas, loin s’en faut, à une programmation
régulière se traduisant par une certaine stabilité des financements. Au
contraire, ces dépenses ont connu de 1999 à aujourd’hui des à-coups
importants, non seulement d’une année sur l’autre mais aussi dans le
cadre de la gestion annuelle en raison du poids des reports et des autres
mouvements de crédits.
Les dépenses immobilières du ministère de la culture (crédits
de paiement en M€)
Loi de finances
initiale (LFI)
Crédits ouverts
Dépenses nettes
1999
429,78
743,15
547,19
2000
496,56
858,11
486,76
2001
514,34
932,01
511,80
2002
489,84
960,27
530,92
2003
273,50
765,59
548,35
2004
374,49
704,59
639,53
2005
481,71
578,36
553,70
2006
196,44
22
327,30
232,41
2007
194,49
Source : Cour des comptes à partir des états d’exécution des lois de finances
(somme des chapitres 56-20, 56-91, 66-20, 66-91 et 59-04 en 2005).
22) A partir de 2006, la nomenclature LOLF ne permet plus d’établir le même type de
total compte tenu de la répartition des crédits entre les titres d’investissement (titre 5),
qui recouvre les seules opérations prises en charge par l’Etat, et d’interventions
(titre 6), qui comprennent les crédits destinés aux opérateurs, en fonctionnement
comme en investissement. En 2006, les montants de 327,30 M€ de crédits ouverts et
de 232,41 M€ de dépenses correspondent donc à l’ensemble des dépenses
d’investissement, et non plus seulement aux dépenses immobilières, mais ne
comprennent pas les subventions attribuées aux établissements publics pour leurs
opérations de travaux. Néanmoins, l’écart entre ces deux chiffres montre que le
problème récurrent de sous-consommation des crédits d’investissement du ministère
n’a pas été résolu en 2006.
ÉLÉMENTS DE BILAN
47
L’origine de cette séquence budgétaire chaotique doit être trouvée
dans la tempête du 26 décembre 1999. De nombreux monuments ont subi,
en quelques heures, des dommages importants qui sont venus s’ajouter à
un état de conservation général déjà faible.
Dans ce contexte, les lois de finances pour 2000 et 2001 ont
procédé à des ouvertures de crédits en nette augmentation, mais sans que
s’accroisse parallèlement la capacité des services à engager effectivement
les sommes mises à leur disposition, ni celle des entreprises spécialisées à
démarrer les chantiers correspondants. La « thrombose » budgétaire qui
en est résulté a été qualifiée de crise au tournant des années 2001 et 2002,
caractérisée par un niveau exceptionnel de reports d’année en année et
une dégradation catastrophique du taux de consommation des crédits
d’investissement du ministère.
Ce phénomène, évoqué à plusieurs reprises par la Cour des
comptes dans ses travaux sur la loi de finances, s’est traduit au cours des
années 1999-2002 par un écart auto-entretenu
23
entre le montant des
crédits ouverts et celui des dépenses effectivement réalisées. Il a fallu
attendre les années 2003 et 2004 pour que la situation soit purgée.
Ces dépenses relèvent, soit de la restauration et du réaménagement
des monuments historiques, soit de la construction ou de la restructuration
de bâtiments non classés
24
:
23) Les services étant dans l’incapacité de consommer les crédits reportés d’année en
année, ceux-ci ont eu pour seul effet d’accroître encore davantage le niveau de sous-
consommation.
24) En termes de classification budgétaire, la catégorie « monument historique »
comprend à la fois des travaux de restauration et des aménagements nouveaux.
48
COUR DES COMPTES
Dépenses d’investissement du ministère de la culture entre
monuments historiques et autres bâtiments (M€)
Opérations sur les
monuments historiques (M€)
Opérations sur les autres
bâtiments (M€)
2001
268,05
161,13
2002
293,31
177,04
2003
290,82
185,28
2004
249,96
234,56
2005
282,54
191,84
2006
25
245,16
nd
2007
242,24 + 70
nd
Source : Cour des comptes
Ces chiffres montrent que le montant des dépenses allouées aux
monuments historiques depuis plusieurs années, en dépit de la tempête de
1999, n’est en réalité guère supérieur à ce qui avait été prévu par la loi de
programme du 31 décembre 1993 relative au patrimoine monumental, qui
était fondée sur une enveloppe allant de 229 à 249 M€ en euros courants
de 1994 à 1998, soit en fait de 255 à 275 M€ en valeur 2001.
A
ces
dépenses
d’investissement
s’ajoutent
les
dépenses
d’entretien du patrimoine historique, comptabilisées comme des dépenses
de fonctionnement. Mais celles-ci, au cours des dernières années, n’ont
représenté en moyenne qu’un peu plus de 3 % des dépenses
d’investissement immobilier.
25) Pour les raisons qui ont été indiquées ci-dessus, il n’est pas possible de retracer
avec la même précision le montant des dépenses effectuées en 2006 au titre des autres
bâtiments. En revanche, le chiffre des opérations sur les monuments historiques est
connu : le montant de l’agrégat «Entretien et restauration des monuments
historiques » représente 263 M€, dont il convient de retirer ici 18,11 M€ de crédits de
simple entretien, comptabilisés en fonctionnement et qui n’avaient pas été pris en
compte de 2001 à 2005, soit un peu moins que le montant ouvert en loi de finances
pour 2007 (242,24 M€). Cette année, un montant de 70 M€ affecté au Centre des
monuments nationaux doit aussi être compté en plus de ce total.
ÉLÉMENTS DE BILAN
49
B - Opérations de restauration du patrimoine et grands
chantiers : un pilotage différent
Au-delà du critère juridique du classement qui sépare les dépenses
liées aux monuments historiques des autres dépenses d’investissement, il
est possible de délimiter les opérations de restauration du patrimoine
d’une part et les « grands travaux » d’autre part en utilisant comme
double critère de distinction l’origine des crédits et le caractère national
ou déconcentré des travaux. Cette distinction recoupe pour l’essentiel les
deux régimes de maîtrise d’ouvrage qui coexistent au sein du ministère
pour la réalisation de ses chantiers : un régime « de droit commun », qui
relève des services déconcentrés, et un régime national, qui relève des
services constructeurs (SNT et EMOC) ou des grands établissements
publics comme l’EPMQB.
Cette décomposition, dont le détail figure en annexe 2, montre que
l’équilibre global entre ces deux types de chantiers tend à se déplacer
depuis quelques années au profit des seconds :
Dépenses du ministère de la culture par catégorie d’opérations (M€)
Opérations déconcentrées
Opérations d'intérêt
national
26
et grands travaux
2001
227,27
201,92
2002
243,90
226,45
2003
225,30
250,80
2004
220,85
263,67
2005
214,09
260,29
Total
1 131,40
1 203,12
Source : Cour des comptes
26) Le terme d’opérations d’ « intérêt national » ne traduit aucunement l’intérêt
culturel ou patrimonial des opérations, mais constitue une simple ligne de partage
budgétaire.
50
COUR DES COMPTES
Il s’agit là d’une conséquence rémanente de l’ajustement
budgétaire subi en 2003 par le ministère de la culture, qui a pris des
formes différentes suivant la destination des crédits. Mais il faut y lire
aussi la nécessité dans laquelle s’est trouvé le ministère de financer l’écart
entre les enveloppes allouées à la fin des années 1990 et les enveloppes
réévaluées en phase de travaux au cours des années 2002-2005.
Ce phénomène n’apparaît guère au niveau des dotations en lois de
finances, car il est surtout le résultat des mouvements opérés en gestion et
des effets cumulés des ajustements pratiqués d’année en année.
Un premier exemple en est donné par les évolutions respectives, en
2005
27
, des dotations destinées aux deux catégories d’opérations. Alors
que la loi de finances initiale faisait apparaître une répartition
correspondant à environ 2/3 de financements déconcentrés pour 1/3 de
financements dédiés aux grands travaux, un mouvement en gestion de
23 M€ des premiers à destination des seconds, ajouté à des reports plus
favorables à ceux-ci, s’est traduit
in fine
par l’octroi du
même montant de
crédits (80 M€) aux deux catégories d’opérations.
Dotations 2005 du chapitre 56-20 « patrimoine monumental » (en M€)
67,43
39,81
84,05
82,62
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
Opérations déconcentrées
Opérations d'intérêt national
LFI
Crédits ouverts
Source: Cour des comptes
27) Les données 2006 et 2007 ne peuvent être utilisées ici compte tenu du
changement de nomenclature évoqué précédemment
ÉLÉMENTS DE BILAN
51
Dans le même ordre d’idées, en 2004 comme en 2005, les
quelques annulations de crédits pratiquées en cours d’exercice ont
toujours porté sur opérations déconcentrées et jamais sur les opérations
menées au niveau central. Leur montant est resté toutefois limité puisqu’il
a représenté sur ces deux années 12,98 M€.
Mais l’illustration la plus nette de ce phénomène se lit dans
l’utilisation
de la « dotation en capital » exceptionnelle de 100 M€
dégagée en faveur du patrimoine monumental à partir des recettes de
privatisation des autoroutes pour l’année 2006.
En effet, alors que la communication ministérielle avait fait de
cette dotation une réponse aux critiques formulées par plusieurs
parlementaires
28
et même à un article de presse
29
évoquant l’arrêt des
chantiers en province, celle-ci a été affectée en totalité aux grands
chantiers conduits par l’EMOC et est venue compléter les enveloppes
allouées à la Cinémathèque (12,55 M€), à l’école d’architecture de Paris-
Val-de-Seine (13,93 M€), à l’Union centrale des arts décoratifs
(10,47 M€), à la Cité de l’architecture et du patrimoine (16,85 M€) voire
à l’immeuble des Bons Enfants (3,28 M€). Cette dotation a favorisé les
grands chantiers franciliens de restructuration des équipements culturels
et n’a qu’indirectement contribué à la restauration de monuments
historiques.
28) Cf. par exemple la question écrite n° 73100 du 14 mai 2005 de M. Pierre
FORGUES, sénateur : «
M. Pierre Forgues attire l'attention de M. le ministre de la
culture et de la communication sur la situation préoccupante des crédits inscrits dans
la loi de finances pour 2005 au titre de la restauration des monuments historiques. En
effet, les directions régionales de l'action culturelle (DRAC) n'ayant reçu qu'une très
faible part des crédits alloués - le reste étant gelé -, des chantiers de restauration des
monuments historiques sont ou vont être prochainement suspendus.
» et la réponse du
ministre du 8 novembre 2005 : «
Le ministre de la culture et de la communication est
déterminé à poursuivre l'effort entrepris et des mesures sont inscrites au titre de la
programmation du PLF 2006 pour 25 M€ supplémentaires. Au-delà des crédits
budgétaires, le patrimoine monumental bénéficiera d'une dotation en capital issue des
recettes de privatisation pour 100 M€.
». Dans le même sens, question n° 24993 du 26
octobre 2006 de Mme Claire-Lise CAMPIO, sénatrice et réponse du 23 novembre.
29) Cf. communiqué du 16 septembre 2005.
52
COUR DES COMPTES
Les conséquences de l’ajustement budgétaire de 2003 d’après la
commission des affaires culturelles du Sénat
Le recadrage budgétaire de 2003 et ses conséquences ont été
évoquées par le rapport d’information établi en fin d’année 2006 pour la
commission des affaires culturelles par M. Philippe NACHBAR, sénateur,
sur l’entretien et la sauvegarde du patrimoine architectural. Celui-ci estime
que la résorption des reports de crédits opérée en 2003, synonyme
d’abattement par rapport aux dotations accordées en lois de finances (pour
165 M€), n’a pas été compensée par les restitutions arbitrées en 2004 et
2005 (48,8 M€) : au total, sur l’ensemble de la période 2002-2005, ce
seraient donc 116,5 M€ de crédits qui auraient été supprimés au titre de
l’entretien du patrimoine historique.
D’après le même rapport, cette contraction des crédits destinés à
l’entretien
du
patrimoine
historique
a
eu
pour
conséquence
la
multiplication des interruptions de chantiers : après une année 2004
tendue, ce seraient ainsi pas moins de 80 chantiers – dont 17 sur des
monuments appartenant à l’Etat, c’est-à-dire des cathédrales ou des
châteaux de premier plan – qui auraient été suspendus, tandis que 170
autres auraient été différés. D’après le réseau des entreprises de
restauration, ce chiffre atteindrait même 240 interruptions en 2005. Enfin,
en 2006, le rapport du sénateur NACHBAR estime que ce sont 300
chantiers qui ont subi une interruption, avec parmi eux plusieurs
opérations d’envergure comme celles touchant les cathédrales de
Strasbourg, de Rouen, de Moulins ou de Bayonne ainsi que l’abbaye de
Fontevraud ou la Cité de Carcassonne.
La conclusion tirée par la mission d’information sénatoriale de
cette situation tient dans le titre qui lui est donné « Des crédits
déconcentrés sinistrés » et dans la scansion de ses trois sous-titres : « Le
service national des travaux : des dépenses régulières », « L’EMOC : un
établissement privilégié » et « Les crédits déconcentrés dans les DRAC :
une dégradation prononcée de la couverture des besoins ».
Les critiques formulées par plusieurs parlementaires expliquent
sans doute que le ministère de la culture ait souhaité afficher, dans son
projet annuel de performance pour 2007, une décomposition des crédits
consacrés aux monuments historiques entre « Grands projets » et « Autres
opérations » :
ÉLÉMENTS DE BILAN
53
Projet de loi de finances pour 2007, crédits d’investissement
(titre 5) au titre des monuments historiques
Autorisations
d’engagement (M€)
Crédits de
paiement (M€)
Grands projets
- Grand Palais (façades)
- Cité de l’architecture et du patrimoine
- Quadrilatère Richelieu
- MUCEM Marseille
- Autres grands projets
26,28
8,00
0
3,94
6,34
8,00
40,96
8,00
13,25
4,16
6,00
9,55
Autres opérations
55,17
44,34
Source : Cour des comptes
Bien qu’elle n’ait pas été étendue aux bâtiments qui ne sont pas des
monuments historiques, et notamment pas aux projets neufs, cette
décomposition n’en est pas moins précieuse puisqu’elle montre à quel
point les tensions entre opérations territoriales et opérations nationales
traversent la politique des monuments historiques.
Sans accuser des proportions considérables, le mouvement des
unes vers les autres n’en est pas moins significatif. Il faut y voir la
conséquence logique des surcoûts constatés sur la quasi-totalité des
grands projets conduits ces dernières années. L’effet de cliquet
qu’entraîne leur programmation, et plus encore le lancement des travaux,
ne laisse en effet pas d’autre choix au ministère que de les financer
jusqu’à leur terme.
Inversement, cela signifie que si le ministère de la culture entend
maîtriser l’évolution du montant total de ses crédits d’investissement, il
doit trouver dans l’amélioration des conditions de programmation et de
pilotage de ses grands chantiers un volant de ressources à (re)mettre au
service de l’entretien d’un patrimoine aujourd’hui décrit comme étant en
péril.
C - Les enjeux financiers des chantiers à venir
Sur la soixantaine de grands projets programmés entre 1998 et
2006, cinq sont en phase de travaux et 25 sont aujourd’hui à peine
commencés. Ces opérations représentent un investissement d’environ
1,17 Md€ d’ici 2012, dont un peu plus de 12 % a déjà été engagé
(142 M€), soit en études préalables, soit au titre des premières opérations
de travaux. Ce volume de travaux est appelé à s’accroître au fur et à
mesure que seront programmées de nouvelles opérations.
54
COUR DES COMPTES
Parmi les plus importants de ces projets, plusieurs sont
programmés dans leur principe depuis trois ou quatre ans déjà. Tel est le
cas de la construction du centre des archives nationales de Pierrefitte
(190 M€ au terme de la dernière évaluation), de la poursuite du schéma
directeur de rénovation du château de Versailles (131,70 M€), de la
rénovation du site Richelieu de la Bibliothèque nationale de France
(120,8 M€) et de la construction du musée des civilisations et de la
Méditerranée à Marseille (107,5 M€)
30
.
Dans le même temps, plusieurs opérations lourdes de restauration
du patrimoine historique se poursuivent ou viennent d’être engagées :
c’est le cas de la seconde phase de travaux sur le Grand Palais (66,6 M€),
déjà bien avancée, mais aussi de la restauration de l’Opéra Comique
(34,5 M€) et des façades de l’Opéra Garnier (40,22 M€).
D’autres projets, plus récents dans leur formulation actuelle,
s’ajoutent à cette liste, avec au premier rang la construction de la
Philharmonie de Paris sur le site de la Villette, estimée à 244 M€ dont la
moitié à la charge de l’Etat.
Enfin, les grands établissements publics du ministère de la culture,
forts de l’autonomie scientifique et opérationnelle qu’ils ont conquise
depuis une dizaine d’années, portent eux-mêmes un certain nombre de
grands projets mais, à l’exception de quelques uns (notamment
l’aménagement de l’aile Ouest du Palais de Tokyo en espace dédié à l’art
contemporain, estimé de façon très provisoire à 23 M€), ils ne font pas
l’objet à l’heure actuelle de décisions de programmation.
En outre, les charges liées à l’exploitation des nouveaux
équipements sont autant de dépenses vis-à-vis desquelles le ministère de
la culture est engagé pour plusieurs années. A titre d’exemple, pour sa
première année d’exploitation en année pleine en 2007, le musée du quai
Branly a bénéficié de 54 M€ de subventions de l’Etat pour son
fonctionnement,
ses
ressources
propres
(billetterie,
recettes
commerciales…) ne représentant que 18 % de son budget. Considérés
dans leur ensemble, les musées nationaux ne s’autofinançaient qu’à
hauteur de 42,55 % en 2006, et le ministère de la culture, à en juger par
son projet annuel de performance pour 2007, estime qu’il n’est pas
possible de porter ce taux au-delà de 43 % à horizon de deux ans. Cela
signifie qu’en l’état actuel, toute décision de création ou d’extension
significative d’un équipement culturel, quelle que soit par ailleurs son
opportunité ou même son succès public, engage le ministère de la culture
bien au-delà du coût des travaux.
30) Cette dernière opération a néanmoins été suspendue sine die en septembre 2007.
ÉLÉMENTS DE BILAN
55
L’ensemble de ces éléments explique que la poursuite d’une
politique ambitieuse de grands chantiers culturels soit conditionnée à une
réévaluation de sa « soutenabilité » budgétaire. Sauf à considérer que le
budget du ministère de la culture peut être tenu à l’écart des efforts de
maîtrise de la dépense publique, il est impossible que celui-ci absorbe à la
fois, dans les années à venir, le coût en fonctionnement des nouveaux
équipements créés depuis la fin des années 1990, le coût de nouveaux
projets et le coût d’éventuels dépassements sur les chantiers déjà engagés.
Au cours des dernières années, cette contrainte a été partiellement
desserrée par l’attribution au ministère de la culture de recettes nouvelles,
comme les 100 M€ issus de la privatisation des autoroutes fin 2005, ou,
en 2007, de 70 M€ liés aux droits de mutation à titre onéreux. L’appel au
mécénat a également été encouragé via le régime fiscal favorable institué
par la loi du 1
er
août 2003. Mais dans tous les cas, ces mouvements
illustrent un phénomène de vases communicants à l’échelle de l’Etat, qui
prend en quelque sorte le relais de celui qui a été décrit précédemment à
l’échelle du ministère de la culture entre opérations territoriales et grands
chantiers franciliens. Aussi le ministère de la culture doit-il d’abord
rechercher au sein même de la politique des grands chantiers les marges
de manoeuvre liées à une amélioration de son efficience.
Si les voies et moyens d’une amélioration du pilotage des grands
chantiers
culturels
sont
à
trouver
prioritairement
dans
la
professionnalisation de toutes les phases qui en rythment la vie, depuis la
mise au point des programmes jusqu’à l’exécution des travaux, il est
néanmoins nécessaire qu’au préalable, le ministère de la culture
réfléchisse à l’adaptation de son organisation, qui se trouve aujourd’hui
en porte-à-faux vis-à-vis des grands établissements publics culturels et ne
parvient plus à dégager clairement les responsabilités.
Chapitre II
L’organisation des grands chantiers :
un paysage institutionnel à redessiner
L’organisation actuelle du ministère de la culture pour porter et
piloter ses grands chantiers procède de la juxtaposition de plusieurs
dispositifs conçus à différentes époques pour différentes missions, depuis
les architectes en chef des monuments historiques – héritiers de l’office
de premier architecte du roi institué sous Louis XIII – jusqu’aux services
constructeurs spécialisés issus des grands travaux présidentiels des années
1980. Aussi est-elle traversée par de multiples lignes de partage, et
repose, au sommet, sur un pilotage attentif des autorités politiques
commanditaires des projets.
Cette organisation se situe aujourd’hui à la croisée des chemins. En
effet, le remplacement des grands travaux présidentiels par une multitude
de chantiers de taille moyenne, dans un contexte d’autonomie croissante
des grandes institutions culturelles, renouvelle les enjeux qui avaient
présidé à la recomposition de cette organisation en 1998. C’est en ce sens
qu’elle apparaît aujourd’hui datée et en attente d’une réforme.
I
-
L’organisation de la maîtrise d’ouvrage des
chantiers culturels
Le paysage institutionnel qui gouverne la politique immobilière du
ministère de la culture juxtapose deux sous-ensembles relativement
étanches l’un vis-à-vis de l’autre. Le premier, constitué par le réseau des
services déconcentrés, est surtout mobilisé autour de l’entretien et de la
restauration du patrimoine monumental présent sur le territoire national.
58
COUR DES COMPTES
Le second, héritier des grands travaux présidentiels successifs depuis les
années 1970, est issu, pour sa part, de la recomposition opérée par le
ministère en 1998.
Selon une logique de mutualisation des compétences et des
moyens au sein d’organismes constructeurs professionnels, les grandes
opérations sont réparties depuis cette date entre le SNT et l’EMOC. La
répartition des chantiers entre les deux établissements – qui avait été
critiquée la Cour dans son rapport public de 2001
31
– a été
progressivement clarifiée. Mais dès sa mise en place, ce schéma s’est
heurté à la logique concurrente de responsabilisation des établissements
publics et à la montée en puissance des « utilisateurs » dans la conduite
des projets. Si le musée du quai Branly en constitue l’exemple
emblématique, les manifestations de ce phénomène sont en fait
nombreuses et constituent un défi pour l’organisation actuelle.
A - Le partage de la fonction immobilière au ministère
de la culture
L’organisation des travaux immobiliers du ministère de la culture
est fondée sur une série de partitions qui ne se recoupent pas, entre
services déconcentrés et services centraux ou à compétence nationale,
mais aussi entre monuments historiques et bâtiments ordinaires ou encore
entre entretien et restauration. Chacune de ces partitions a des
conséquences à la fois réglementaires, budgétaires et institutionnelles.
1 -
L’organisation de l’administration centrale, entre directions
sectorielles et directions de moyens
Au niveau de son administration centrale, le ministère de la culture
ne possède pas de direction immobilière identifiée. Cette fonction est
partagée entre les directions sectorielles et, en leur sein, entre plusieurs
bureaux.
La fonction immobilière est historiquement répartie entre la
direction de l’administration générale (DAG) et la direction de
l’architecture et du patrimoine (DAPA). Aux termes du décret relatif à
l’organisation de l’administration centrale du ministère, la DAG
« définit
et met en oeuvre la politique immobilière du ministère »
tandis que la
DAPA
« veille au respect de la qualité architecturale par les services
centraux et déconcentrés de l’Etat et par ses établissements publics ».
31) « Le ministère de la culture et le parc immobilier de l’Etat », in Rapport public
annuel 2001 (février 2002).
L’ORGANISATION DES GRANDS CHANTIERS
59
Cette organisation bicéphale se double d’une répartition de la fonction
immobilière entre plusieurs bureaux au sein de chacune des deux
directions
32
.
Les autres directions du ministère conservent cependant une
compétence pour les bâtiments qui les concernent. Ainsi, et pour ne
prendre que deux exemples, la direction des musées de France (DMF) et
la direction de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles
vivants (DMDTS) comportent chacune un département ou une mission
dédiée à la fonction immobilière
33
: ce sont ces services qui ont suivi, par
exemple, les chantiers du musée d’Orsay ou du théâtre de l’Odéon.
Depuis
la
mise
en
place
d’un
suivi
global
des
crédits
d’investissement, la DAG dispose, il est vrai, d’une information
financière plus fiable en matière immobilière. En revanche, le ministère –
et
a fortiori
les établissements – ne disposent d’aucun indicateur de
résultats ou de moyens communs, permettant de suivre et d’évaluer les
projets dans le temps.
Cette organisation en « tuyaux d’orgue » n’est pas critiquable en
soi : la participation des directions sectorielles apparaît le plus souvent
comme garante de la prise en compte des spécificités et des besoins
propres à chaque projet. Néanmoins, elle se traduit par l’absence d’outils
de pilotage harmonisés permettant un suivi global des opérations, et d’une
vision d’ensemble de la politique immobilière du ministère pouvant
éclairer les arbitrages nécessaires entre opérations. En l’absence d’une
telle vision d’ensemble suffisamment informée par des méthodes et des
outils communs, ces arbitrages (extensions de programme, rallonges
budgétaires…) sont presque toujours rendus par le cabinet du ministre sur
la base de décisions d’espèce. La mise en place d’un secrétariat général
du ministère en novembre 2006
34
n’a pas encore mis fin à ce mode de
fonctionnement. A ce jour, elle n’a engendré qu’un niveau d’intervention
supplémentaire, le secrétariat général ayant mis en place une « cellule »
d’expertise immobilière.
32) Ainsi, à la DAG, outre le bureau de la politique immobilière, le bureau du budget
et des affaires financières assure la consolidation des crédits immobiliers et
notamment des crédits des grands travaux et le suivi de l’EMOC, tandis que le bureau
des opérateurs suit le budget des opérations prises isolément. A la DAPA,
interviennent le bureau de la maîtrise d’ouvrage et le bureau de la conservation du
patrimoine immobilier, des jardins et des espaces protégés ainsi que deux architectes-
conseils rattachés au directeur.
33) Département de l’architecture, de la muséographie et des équipements à la DMF
et mission d’architecte conseil à la DMDTS.
34) Décret n°2006-1453 du 24 novembre 2006 modifiant le décret n°2004-822 du 18
août 2004 relatif à l’organisation et aux missions de l’administration centrale du
ministère de la culture.
60
COUR DES COMPTES
Toutefois, le rôle du secrétariat général pourrait s’accroître si,
comme l’intention en a été annoncée, une nouvelle instance de
coordination et de suivi des chantiers voit le jour sous la forme d’une
« commission ministérielle des projets immobiliers » (CMPI). La Cour a
pris acte de cette idée dont l’efficacité devra être évaluée le moment venu.
2 -
Une deuxième ligne de partage : le régime des monuments
historiques
La mise en place d’une organisation spécifique dédiée aux
monuments classés est antérieure à la création du ministère de la culture,
et obéit à d’autres lignes de partage véritablement « historiques ».
L’entretien
des
monuments,
c’est-à-dire
l’ensemble
des
interventions ponctuelles ne nécessitant pas de toucher aux structures ou
aux éléments constitutifs du classement, est de la responsabilité des
services départementaux de l’architecture et du patrimoine (SDAP)
dirigés par des architectes des bâtiments de France (ABF), héritiers des
architectes ordinaires des bâtiments du roi. Ces derniers sont également
maîtres d’oeuvre des travaux correspondants.
En revanche, la maîtrise d’ouvrage des opérations de restauration
ou de grosse réparation des bâtiments classés appartenant à l’Etat fait
l’objet d’une répartition entre opérations déconcentrées et opérations
franciliennes ou nationales.
Les premières incombent aux conservateurs régionaux des
monuments historiques (CRMH) abrités par les directions régionales des
affaires culturelles en tant qu’ils sont responsables du suivi de l’état
sanitaire des monuments, de leur recensement permanent et de la
préparation technique et financière des programmes de travaux.
Abstraction
faite
des
éventuelles
difficultés
de
relations
entre
conservateurs régionaux et directeurs régionaux d’une part, et entre
services déconcentrés et administration centrale d’autre part (qui ne sont
pas propres au ministère de la culture), ces compétences dessinent les
contours d’une maîtrise d’ouvrage de plein exercice confiée aux CRMH,
responsables du contenu scientifique de leur programmation ainsi que de
leur traduction budgétaire.
Les opérations d’intérêt national, qui sont quasiment toutes
concentrées sur l’Ile-de-France, échappent au réseau des CRMH et font
l’objet d’un système d’attribution aux maîtres d’ouvrage spécifiques que
constituent le SNT, l’EMOC, ou plus récemment, le Centre des
monuments nationaux (CMN), qui s’est vu confier en 2006 la maîtrise
d’ouvrage des travaux sur quelque 210 monuments nationaux.
L’ORGANISATION DES GRANDS CHANTIERS
61
A ce schéma institutionnel se superpose un dispositif réglementaire
et statutaire lié à l’existence et au rôle des architectes en chef des
monuments historiques (ACMH). En effet, le décret du 20 novembre
1980 (qui reprend sur le fond les dispositions du décret du 12 avril 1907),
leur attribue deux éléments de mission qui interagissent l’un sur l’autre et
les désignent comme des « décideurs » au côté des maîtres d’ouvrage en
titre dans les opérations liées aux monuments historiques :
-
une force de proposition et la consultation préalable pour avis sur
tous les travaux liés aux monuments de leur circonscription. Bien
qu’ils n’aient pas de portée impérative dans le processus de
programmation des travaux, l’autorité des ACMH et l’habitude
ont longtemps fait de ces propositions et avis des passages
obligés, généralement suivis par les autorités auxquelles ils
étaient adressés.
-
La maîtrise d’oeuvre de droit des travaux correspondant en vertu
d’un monopole légal lorsque la maîtrise d’ouvrage en appartient
au ministère de la culture.
Ce double rôle de maître d’oeuvre obligatoire en vertu d’un droit
exclusif et de quasi-maître d’ouvrage en vertu de l’autorité et de l’usage,
a suscité craintes et critiques, notamment parce que l’intéressement du
premier au volume des travaux fixés par le second peut avoir un effet
inflationniste et être à l’origine de conflits d’intérêts.
En 2001, la Cour des comptes écrivait ainsi que «
En dépit des
arguments invoqués par le ministère de la culture en faveur du monopole,
la Cour estime qu’en l’état actuel du droit de la concurrence dans
l’Union européenne, la question reste posée. Le contrôle effectué par la
Cour a par ailleurs révélé que le ministère de la culture n’avait pas de
connaissance précise, non seulement des conditions dans lesquelles
fonctionnent leurs agences, mais même des honoraires qu’il verse lui-
même aux ACMH.
»
Le rapport sur l’action en matière de patrimoine établi en juillet
2002 au nom de la commission des finances du Sénat par M. Yann
Gaillard, sénateur, appelait lui aussi à une réforme du statut des ACMH
au nom «
d’une nécessaire remise en ordre des rapports entre maîtrise
d’ouvrage et maîtrise d’oeuvre (c’est-à-dire pour l’essentiel entre ACMH
et CRMH), et [et de la nécessité de] simplifier la maîtrise d’oeuvre elle-
même (ce qui suppose de revoir les relations entre ACMH et ABF)
».
Enfin, la Commission européenne, sous la forme d’un avis motivé,
a demandé à la France des ajustements à sa réglementation, qu’elle estime
contraire à l’article 49 du traité CE, sur deux points : la condition de
nationalité des ACMH et la «
nécessité de passation d’un concours pour
62
COUR DES COMPTES
pouvoir prester un service architectural temporaire de restauration des
monuments historiques classés en France
», c’est-à-dire le caractère
général du monopole légal de la maîtrise d’oeuvre.
Un décret du 28 septembre 2007 est venu modifier ce régime.
Désormais, le recours aux ACMH est facultatif pour les propriétaires
privés, tandis qu’en « contrepartie », il a été étendu aux ministères autres
que celui de la culture pour les bâtiments classés dont ils sont
affectataires (tel était déjà le cas pour les plus remarquables de ces
bâtiments, notamment affectés au ministère de la Défense). Il pourrait
être modifié à nouveau, la direction du budget ayant indiqué à la Cour
que
« cette réponse ne va pas assez loin et qu’il ne s’agit là que d’une
première étape »
.
Toutefois, depuis quelques années, le rôle des ACMH aux côtés
des maîtres d’ouvrage, c’est-à-dire en amont des travaux au stade de la
programmation, avait déjà commencé à décroître, ou du moins à faire
l’objet d’un encadrement plus strict. Ainsi, le SNT, depuis le début des
années 2000, n’invite plus les architectes en chef dans ses instances de
programmation, et s’attache à scinder les commandes qu’il leur passe
(diagnostic sanitaire, proposition d’intervention, puis projet architectural
et technique) afin de conserver son pouvoir d’orientation et de décision.
L’ORGANISATION DES GRANDS CHANTIERS
63
Le corps des architectes en chef des monuments historiques
Le statut particulier du corps des architectes en chef des
monuments historiques procède, dans ses grandes lignes, des dispositions
fixées dès sa naissance en avril 1907. Aujourd’hui, il est fixé par les
décrets du 20 novembre 1980 et du 5 mai 1987. Jusqu’à 1991, les ACMH
coexistaient avec les architectes des bâtiments civils et des palais
nationaux (BCPN) qui exerçaient les mêmes missions sur un nombre
limité de sites (Grand Palais, Palais royal, résidences présidentielles…),
dont il ont récupéré les compétences au fur et à mesure que prenaient leur
retraite les derniers ABCPN.
Les ACMH, qui sont aujourd’hui au nombre d’une cinquantaine,
recrutés par concours, sont à la fois des fonctionnaires d’Etat par
assimilation du fait des prérogatives de puissance publique liées à leurs
missions statutaires, et des professionnels libéraux inscrits à l’ordre des
architectes et travaillant dans les mêmes conditions que leurs collègues du
secteur privé. Lorsqu’il agissent en qualité de fonctionnaires de l’Etat, la
mission principale des ACMH est «
d’apporter leur concours au ministre
chargé de la culture pour la mise en oeuvre
des actions qui tendent à
protéger, à conserver et à faire connaître le patrimoine architectural de la
France.
» Ce concours passe par trois missions principales, auxquelles
correspondent trois statuts et types de rémunération.
Tout d’abord, l’ACMH agit en tant que conseil : il fait des
propositions en vue de la protection des immeubles classés, participe à leur
surveillance et propose toute mesure pour leur bonne conservation. Il
donne un avis préalable sur tous les projets de travaux, avis qui, en
pratique, correspond le plus souvent à l’étude préalable sur laquelle sera
fondé le programme du maître d’ouvrage en titre. Cette mission de conseil
est rémunérée par des vacations.
Ensuite, les ACMH bénéficient du monopole de la maîtrise
d’oeuvre des travaux réalisés sur les monuments historiques appartenant à
l’Etat ou subventionnés par ce dernier. Ce monopole est simplement limité
par les prérogatives des architectes des bâtiments de France (ABF) en
matière d’entretien. Ces travaux sont engagés sous la responsabilité
professionnelle de l’architecte telle qu’elle est définie par le code civil.
Lorsqu’ils agissent en cette qualité, les ACMH sont rémunérés par des
honoraires négociés avec le maître d’ouvrage, commanditaire des travaux,
dans le cadre étroit des dispositions du décret du 9 mai 1988.
Enfin, les ACMH peuvent être nommés inspecteurs généraux
chargés des monuments historiques (IGMH) en mission extraordinaire
pour une durée de quatre ans renouvelable. A ce titre, ils donnent
notamment leur avis sur les projets de travaux établis par les ACMH et
assurent le contrôle scientifique et technique de leur exécution. Ils peuvent
siéger à la commission supérieure des monuments historiques.
L’affectation des ACMH aux monuments dont ils ont la charge se
fait principalement par ressort géographique ou par attribution individuelle
(notamment pour les monuments parisiens), chaque ACMH pouvant se
voir affecté à de grands comme de « petits » chantiers.
64
COUR DES COMPTES
B - Les services spécialisés dans la conduite des grands
chantiers : l’EMOC et le SNT
La prise en charge des grands projets présidentiels des années 1980
et du début des années 1990 avait été le fait, le plus souvent,
d’établissements publics constructeurs spécifiquement dédiés à un projet.
Tel était le cas, par exemple, de l’établissement public de l’Opéra Bastille
(EPOB), de l’établissement public du Grand Louvre (EPGL) ou de
l’établissement public du parc et de la grande halle de la Villette
(EPPGHV). Plus rarement, cet établissement constructeur constituait ou
préfigurait le futur utilisateur de l’équipement : tel était le modèle qui avait
prévalu en confiant à un nouvel établissement public, la Bibliothèque
nationale de France, la construction du site de Tolbiac.
Avec l’achèvement de ces grands projets, le souci de ne pas
disperser les équipes constituées au sein des établissements publics
constructeurs et de capitaliser leur expérience professionnelle dans la
perspective d’une série de chantiers de taille moyenne déjà programmés
(musée Guimet, Odéon, musée d’Orsay…) a conduit le ministère de la
culture à réorganiser en 1998 le paysage institutionnel de sa maîtrise
d’ouvrage.
1 -
Du SNT à l’EMOC, l’avènement de la logique d’établissement
constructeur professionnel
La création du SNT en 1990
35
avait pour principal objectif de doter
le ministère d’un service de maîtrise d’ouvrage plus réactif et plus efficace
que ne pouvait l’être la DRAC d’Ile-de-France. Parmi les chantiers confiés
au SNT, les travaux sur les palais nationaux ou les résidences
présidentielles étaient en effet soumis à des exigences particulières liées à
leur destination ou à leurs occupants.
Lorsque, au milieu des années 1990, ont été programmés les
premiers chantiers de taille moyenne succédant aux grands travaux
présidentiels, ceux-ci ont donc été naturellement confiés au SNT. C’est
ainsi que ce dernier a pris en charge la rénovation du musée des arts
asiatiques Guimet, conduite de 1993 à 2004 pour un total de 50,2 M€, puis
la restauration du grand foyer de l’Opéra Garnier, menée de 1999 à 2003
pour un coût final de 7,6 M€. C’est aussi au SNT qu’avaient été
initialement confiées la rénovation du théâtre de l’Odéon (estimée à
l’époque à 9,3 M€), la restructuration de l’immeuble des Bons Enfants,
35) Décret n°90-13 du 3 janvier 1990 abrogé par le décret n°2004-822 du 18 août
2004
L’ORGANISATION DES GRANDS CHANTIERS
65
siège du ministère de la culture, et la restauration des verrières du Grand
Palais, évaluée alors à 31,25 M€ HT. Ces trois derniers chantiers devaient
cependant connaître des blocages prolongés et se retrouver suspendus au
tournant des années 1997-1998.
C’est dans ce contexte que s’est posée, en 1997, la question du
devenir des anciens établissements publics constructeurs du Grand Louvre
et de la Grande Halle de la Villette, ainsi que de la mission
interministérielle des grands travaux (MIGT)
36
qui constituait l’instance de
pilotage des chantiers présidentiels depuis une dizaine d’années.
Plusieurs facteurs ont favorisé une « déprésidentialisation » du
paysage institutionnel et une forme de reprise en main par le ministère de
la culture du pilotage de ces chantiers de prestige. Pour autant, il a été
décidé de ne pas réunir au sein du SNT l’ensemble des compétences de
maîtrise d’ouvrage disponibles dans l’orbite ministérielle. La mission
interministérielle des grands travaux (MIGT) a été chargée en 1997 de la
liquidation de l’Etablissement public du parc de la Villette (EPPV) ; la
MIGT a ensuite fusionné avec l’Etablissement public du Grand Louvre
(EPGL) en 1998
37
pour constituer l’EMOC.
Dans l’esprit de ses concepteurs, celui-ci devait permettre la
rationalisation de la maîtrise d’ouvrage du ministère de la culture en
conservant les personnels hautement qualifiés qui avaient conduit les
grandes opérations des années 1980, en mettant fin aux établissements
publics constructeurs spécifiques et en instituant auprès du ministère un
opérateur généraliste capable de prendre en charge toutes sortes
d’opérations.
Ce paysage laissait donc coexister deux structures aux statuts
différents. Le SNT, en tant que service à compétence nationale de l’Etat,
devait exercer ses missions en qualité de maître d’ouvrage de plein
exercice, en se voyant attribuer une compétence de principe (de l’entretien
aux travaux lourds) sur un nombre déterminé de sites fixés par arrêté
ministériel. L’EMOC, en revanche, devait achever en tant que maître
d’ouvrage de plein exercice le programme du Grand Louvre hérité de
l’EPGL mais, pour l’essentiel, devait conduire ses nouveaux chantiers en
tant que maître d’ouvrage délégué sous le régime de la convention de
mandat pour le compte des directions d’administration centrale ou des
établissements publics du ministère suivant une logique de projets.
Dans les deux cas, toutefois, il s’agissait bien de « rapatrier » la
programmation et le pilotage de ces chantiers sous l’autorité du ministre de
36) Créée par le décret n° 86-82 du 16 janvier 1986.
37) Décret n°98-387 du 19 mai 1998.
66
COUR DES COMPTES
culture et de mettre fin au traitement particulier qui avait marqué les
années antérieures. Rétrospectivement, cette volonté apparaît d’autant plus
nette que le SNT était alors placé sous l’autorité directe du cabinet du
ministre
(avant
d’être
formellement
rattaché
aux
directions
de
l’architecture et du patrimoine et de l’administration générale en 2002),
lequel a exercé de surcroît la véritable tutelle de l’EMOC jusqu’à
aujourd’hui.
2 -
Une clarification progressive des missions de chacun
Dès 1998 se posait donc la question du partage des opérations déjà
programmées et des études préalables entre le SNT et l’EMOC. A cet
égard, la lettre des textes statutaires des deux organismes est demeurée
vague. Tandis que le décret de 1990 créant le SNT ne comportait aucune
mention du champ d’intervention du nouveau service (si ce n’est son
caractère national), le décret de 1998 créant l’EMOC lui attribuait les
« opérations de construction, d’aménagement, de réhabilitation, de
restauration,
de
gros
entretien
ou
de
réutilisation
d’immeubles
appartenant à l’Etat, y compris d’immeubles remis en dotation à des
établissements publics, et présentant un intérêt culturel »
.
Dans un premier temps, ce dernier a récupéré les opérations
initialement prises en charge par la MIGT (parmi lesquelles la CAPA, le
Palais de Tokyo, le Collège de France et le CNAM) ainsi que les
opérations sur lesquelles le SNT rencontrait des difficultés (notamment le
Grand Palais, le théâtre national de l’Odéon et l’immeuble des Bons
Enfants). Ce partage, opéré de façon pragmatique par le cabinet du ministre
de la culture en fonction des équipes disponibles de part et d’autre, ne
répondait pas à des critères précis, même si quelques lignes de force
tendaient à se dégager.
Il a fallu en fait attendre 2002 et l’intervention du premier arrêté
38
attribuant limitativement au SNT une série d’opérations pour que le
partage esquissé depuis quatre ans soit formalisé et parvienne à une
certaine cohérence : à l’EMOC, les opérations supérieures à 10 M€
impliquant des constructions neuves (écoles d’architecture, centre national
de la danse de Pantin…) ou des restructurations lourdes (immeuble des
Bons Enfants, Cinémathèque…) ; au SNT
39
, les opérations relevant
38) Arrêté du 24 octobre 2002 en application de l’arrêté du 3 mai 2002 relatif au SNT.
39) Le principal chantier achevé par le SNT ces dernières années est en fait la
rénovation du musée Guimet, qui a représenté environ 50 M€. Mais même si les
travaux se sont achevés au début des années 2000, l’opération a été formellement
programmée en 1993. Il a donc été considéré qu’elle n’entrait pas dans les 60
chantiers programmés entre 1998 et 2006 examinés ici. Compte tenu du temps
nécessaire à l’achèvement des chantiers culturels, ces situations de « débordement »
d’une période à l’autre sont inévitables.
L’ORGANISATION DES GRANDS CHANTIERS
67
davantage de la restauration sur des palais nationaux ou des monuments
historiques
40
.
Cette répartition des opérations a fini par aboutir, jusqu’aux années
2005-2006, à un partage des rôles relativement clair entre les deux
structures dont les empiètements ont été progressivement éliminés.
Certes, les deux organismes ont été plusieurs fois amenés à intervenir sur
le même site (Versailles, Palais de Chaillot et de Tokyo, Fontainebleau),
mais si l’on considère la soixantaine d’opérations constituant les « grands
chantiers » du ministère de la culture depuis 1998, la répartition suivante
montre qu’une certaine cohérence a fini par s’imposer
41
:
Répartition des opérations 1998-2006
Opérations
programmées sur
1998-2006
Montant total des
opérations
programmées
Montant moyen par
opération
EMOC
33
1 382 M€
41,87 M€
SNT
22*
380 M€
17,25 M€
Etablissements
6
512 M€
85,43 M€
Source : Cour des comptes à partir des tableaux de bord EMOC et SNT
* Ce chiffre de 22 opérations pour 17,25 M€ de montant moyen correspond au
regroupement de multiples petites opérations sur un même site. Le SNT identifie ainsi
pas moins de 253 opérations vivantes, représentant un montant moyen de 1,4 M€.
40) En réponse aux observations provisoires de la Cour sur la gestion du SNT, la
directrice de l’administration générale du ministère de la culture, dans une lettre du 20
avril 2007, a ainsi estimé que l’EMOC «
a pour vocation les travaux de construction
neuve ou les aménagements contemporains dans les monuments plutôt que la
restauration qui est plutôt confiée au SNT
».
Le directeur du SNT, à l’inverse, a
indiqué à la Cour dans une lettre du 4 septembre 2007 «
La mission du SNT,
contrairement à un sentiment général, ne consiste pas à faire des travaux de clos et de
couvert sur les monuments historiques mais également à conduire des opérations
d’aménagement parfois très importantes
».
41) On trouvera en annexe 3 la liste des chantiers menés par les deux organismes
68
COUR DES COMPTES
Répartition des opérations par catégories 1998-2006
Construction de
bâtiments neufs ou
grosses restructurations
Rénovation de
bâtiments classés
Agrandissements
ou aménagements
EMOC
18
6
9
SNT
2
19
1
Etablissements
2
2
2
Source : Cour des comptes à partir des tableaux de bord EMOC et SNT
Il convient toutefois de noter que récemment, l’attribution au SNT
d’opérations lourdes comme la rénovation de l’Opéra comique pour
34,5 M€ ou du Palais Royal pour 60,2 M€ est revenue sur l’équilibre
institué au début des années 2000. En effet, le service avait certes conduit
des opérations d’aménagement importantes dans le passé comme celle du
musée Guimet ou de l’Ecole nationale supérieure des arts décoratifs
(ENSAD), mais ne l’avait plus fait depuis plusieurs années, laissant ce
type de responsabilité à l’EMOC.
Mais au-delà du partage des opérations entre SNT et EMOC, deux
autres éléments expliquent que le schéma dessiné en 1998 ait rapidement
révélé des faiblesses : l’absence d’une programmation pluriannuelle des
grands chantiers, qui aurait dessiné le cadre stable du partage des tâches
entre les services constructeurs, et la montée en puissance des
établissements publics du secteur culturel qui s’est accélérée au début des
années 2000.
C - L’absence de programmation immobilière d’ensemble
L’organisation du ministère explique l’absence de programmation
immobilière d’ensemble qui caractérise les grands chantiers culturels. En
effet, la soixantaine d’opérations programmées entre 1998 et 2006 et
susceptibles
d’être
qualifiées
de grands
projets
se
répartit
schématiquement en trois catégories :
-
des projets de restauration ou de restructuration de bâtiments faisant
partie du patrimoine national (domaine de Versailles, Grand Palais,
Odéon, Opéra comique, Opéra Garnier…) ;
-
des projets de construction ou de restructuration destinés à accueillir
des structures existantes en raison du développement de leur activité
ou de l’état de leur ancien bâtiment (immeuble des Bons Enfants,
centre des archives de Pierrefitte, écoles d’architecture…).
-
quelques projets réellement neufs, correspondant à des besoins
nouveaux.
L’ORGANISATION DES GRANDS CHANTIERS
69
Ces derniers comptent souvent parmi les plus importants en volume
avec le musée du quai Branly, la Cinémathèque, la Cité nationale
d’histoire de l’immigration ou le pavillon des arts d’Islam au musée du
Louvre. Certains projets se situent à l’interface des deux dernières
catégories, en formant une sorte de « nouveau départ » pour une
institution ancienne (le musée des civilisations et de la Méditerranée à
Marseille sur les cendres de l’ancien musée des arts et traditions
populaires) ou un bâtiment du patrimoine national (la Cité de
l’architecture et du patrimoine dans le palais de Chaillot).
Source : Cour des comptes à partir des tableaux de bord EMOC et SNT
Bien que les projets totalement neufs ne soient pas les plus
nombreux, quasiment tous les grands chantiers culturels font figure d’
« objets singuliers » en termes de programmation, en ce sens qu’ils ont
été le plus souvent étudiés, conçus et soumis à l’arbitrage politique
isolément les uns des autres, chacun constituant une sorte de fin en soi.
21%
16%
48%
15%
Autres
Ecoles et instituts
Musées et lieux d’exposition
Salles de spectacle
Bâtiments administratifs et
autres
: Immeuble des Bons
Enfants, centres des archives
nationales de Pierrefitte et
Fontainebleau, résidences
présidentielles, Invalides,
Panthéon, Fort de Vincennes,
Val
de Grâce
Ecoles et instituts
: CNAM,
INHA et Institut national du
patrimoine, écoles
d’architecture, école
nationale supérieure des
Beaux-Arts, ENSAD.
Lieux de spectacles
: Centre
national de la danse de
Pantin, Théâtre national de
l’Odéon, Cinémathèque,
Cité de la musique, Grande
Halle de la Villette, Centre
européen de musique de
chambre de Fontainebleau,
Centre de musique baroque
de Versailles,
Opéra
Garnier, Opéra comique,
Comédie française
Musées et lieux d’exposition
: Palais de Tokyo, Orsay,
Orangerie, Grand Palais, Louvre, Château de Versailles,
Musée des arts décoratifs,
MNHN, Mucem de Marseille,
Cité de l’architecture et du patrimoine, Cité d’histoire de
l’immigration, Palais de Chaillot, Manufactures des Gobelins
et de Sèvres, Musée de Fontainebleau, Musée du Quai Branly
Répartition des 61 grands chantiers culturels par type d’édifice
(en % du montant engagé au 31/12/2006)
70
COUR DES COMPTES
En effet, il n’existe ni schéma directeur immobilier pluriannuel à
l’échelle du ministère, ni même de document d’orientation susceptible de
poser les principes généraux d’une stratégie de moyen terme
42
. Seuls
existent, en petit nombre, des schémas ou des documents limités à un site
ou à un établissement public donné.
L’établissement public du domaine et du château de Versailles
s’est par exemple doté d’un tel schéma, qui constitue à la fois le cadre
général et la planification sur une quinzaine d’années des opérations de
restauration et d’aménagement devant intervenir sur le domaine. De façon
quelque peu différente, au cours des dernières années, les opérations
conduites au sein du musée du Louvre avaient généralement été signalées
dans des documents d’intention, et ont ensuite été programmées suivant
une logique d’opportunité, souvent à la faveur d’un mécénat comme dans
le cas de la rénovation de la galerie d’Apollon ou de la salle des Etats, ou
en réponse à une commande politique dans le cas du pavillon des arts
d’Islam. Mais ce n’est que récemment que le Louvre a décidé de se doter
d’un schéma directeur sur le modèle de celui du château de Versailles.
Par ailleurs, le ministère a déjà fait part à la Cour, en réponse à ses
observations provisoires, de son intention de faire de même pour le site
du quadrilatère Richelieu.
A l’heure actuelle, ces deux exemples épuisent les schémas
directeurs proprement dits dans l’orbite du ministère de la culture
43
.
En l’absence de tels documents, certaines dimensions de la
programmation et du pilotage des grands chantiers sont gérés au fil de
l’eau, ou donnent lieu à des décisions d’espèce sans qu’une vision globale
y préside.
Par exemple, la programmation des projets abrités par les palais de
Chaillot et de Tokyo a été décidée au coup par coup depuis l’été 1998,
lorsqu’il fut décidé que le futur musée des arts premiers irait s’installer
sur le quai Branly. Ont ainsi été décidés, successivement, l’aménagement
d’un espace dédié à la jeune création au palais de Tokyo en 1998, la
transformation du musée des monuments français en cité du patrimoine
42) Le schéma pluriannuel de stratégie immobilière (SPSI) à moyen et long terme
présenté par le ministère de la culture à la commission des finances de l’Assemblée
nationale en mai 2006 n’a jamais été publié, et ne concernait pas, de toutes façons, les
établissements publics. Il ne peut donc en aucune façon prétendre incarner, pour
l’avenir, l’équivalent d’un document d’orientation.
43) Certes, le SNT s’efforce d’inscrire ses opérations dans le cadre de documents
qu’il désigne comme des « schémas directeurs », mais l’intitulé de ceux-ci peut
induire en erreur quant à leur portée, puisqu’ils ne concernent qu’un seul site (le palais
Garnier par exemple), et correspondent davantage à un étalement pluriannuel des
interventions qu’à une planification hiérarchisée de plusieurs chantiers.
L’ORGANISATION DES GRANDS CHANTIERS
71
en 1999, le dédoublement du projet en cité de l’architecture et du
patrimoine un peu plus tard, et aujourd’hui, de façon plus prospective, la
rénovation du musée de l’Homme et la transformation de l’espace « jeune
création » au profit de l’art contemporain avec le centre Georges
Pompidou comme opérateur.
Cet exemple illustre aussi la question du devenir des bâtiments
laissés par leurs anciens occupants, qui est rarement tranchée au moment
où une opération de relocalisation est décidée. Le palais de la porte dorée,
qui accueillait le musée national des arts d’Afrique et d’Océanie
(MNAO), aura connu cinq années d’inoccupation jusqu’à l’ouverture de
portes de la Cité nationale d’histoire de l’immigration (CNHI) en octobre
2007 : ce laps de temps n’est peut-être pas excessif, mais il aurait sans
doute pu être réduit si les arbitrages relatifs au départ du MNAO, rendu
en juillet 1998, et le projet d’une CNHI installée dans le palais, rendu en
juillet 2004, avaient été plus rapprochés.
Selon le même mécanisme, le devenir des bâtiments laissés par
l’école d’architecture de Paris-Val-de-Seine à Nanterre et à Charenton-le-
Pont n’est pas tranché à ce jour, au risque d’une dégradation accélérée des
locaux qui rendra plus coûteuse leur éventuelle restructuration pour de
nouveaux projets.
Il est regrettable que nombre de ces projets aient été engagés sans
que le cadre en ait été suffisamment précisé par des documents
d’orientation, ce qui n’a pas manqué de retentir ultérieurement sur la
programmation. En s’imposant cette discipline, l’Etat ne ferait que se
plier à une règle à laquelle il contraint les collectivités auxquelles il
apporte son concours dans la mise en oeuvre de leurs chantiers culturels. Il
se donnerait de surcroît les moyens d’une programmation plus équilibrée
entre les différentes catégories de grands chantiers, et d’un rééquilibrage
géographie et budgétaire dont la nécessité se fait sentir.
II
-
Un nouveau contexte : la montée en puissance
des établissements publics culturels
Deux évolutions intervenues depuis 1998 devraient orienter une
recomposition du paysage institutionnel de la maîtrise d’ouvrage du
ministère : la montée en puissance des établissements publics du secteur
et l’intégration de plus en plus forte du « contenant » et du « contenu »
qui caractérise les projets culturels. Même s’ils ne l’invalident pas, ces
deux mouvements mettent en cause le modèle du recours à un opérateur
spécialisé. Cette évolution, corollaire de l’autonomie scientifique des
72
COUR DES COMPTES
établissements et de leur capacité à développer leurs projets, est
bienvenue si elle contribue à clarifier les responsabilités. Elle montre
surtout que le paysage dessiné en 1998 n’aura vécu qu’une dizaine
d’années. On peut même regretter qu’il ait été mis sur pied à un moment
où l’autonomie croissante des grands établissements publics du secteur
culturel en matière de travaux commençait à s’affirmer.
A - Le développement de la maîtrise d’ouvrage des
établissements culturels
Les années 1990 ont vu s’accélérer la transformation des anciens
services
à
compétence
nationale
–
dirigés
par
des
directions
d’administration centrale fortes – en établissements publics, qui
maîtrisent de plus en plus les leviers d’une programmation culturelle,
scientifique et parfois budgétaire autonome.
Dans un premier temps, ce mouvement n’a eu que des
répercussions limitées sur l’organisation de la maîtrise d’ouvrage, les
« grands » établissements autonomes depuis plusieurs années continuant
de piloter eux-mêmes leurs projets (typiquement le Centre Georges
Pompidou), tandis que les établissements « moyens » ou plus récents
continuaient de recourir aux services constructeurs spécialisés. Mais
depuis le début des années 2000, ce schéma est en plein bouleversement,
notamment sous l’influence du musée du quai Branly qui, en jouissant
d’une grande autonomie en matière de programmation et de pilotage, a
relancé la formule de l’établissement constructeur-utilisateur.
1 -
Des services administratifs aux établissements publics
Le mouvement de transformation des institutions culturelles en
établissements publics était déjà relativement avancé dans le monde du
spectacle vivant
44
, et plusieurs des grands projets présidentiels du passé,
disposaient déjà du statut d’établissement public en droit et d’une large
autonomie en fait (notamment le Centre Georges Pompidou et la Cité des
sciences et de l’industrie). Mais c’est avec le musée du Louvre, doté d’un
nouveau statut fin 1992, que cette tendance allait prendre un virage
symbolique en gagnant le monde des musées et du patrimoine. Sont ainsi
devenus des établissements publics autonomes, en quelques années, le
domaine et le château de Versailles (1995), le Centre des monuments
44) Le théâtre national de Strasbourg disposait du statut d’établissement public depuis
1972, le théâtre national de la Colline depuis 1987, l’Opéra de Paris depuis 1990… La
Comédie Française devra elle attendre 1995 pour recevoir ce statut.
L’ORGANISATION DES GRANDS CHANTIERS
73
nationaux (2000)
45
les musées d’Orsay et Guimet (2003), la Cité de
l’architecture et du patrimoine (2003)…
En théorie, ce mouvement ne devait pas remettre pas en cause le
rôle des services constructeurs spécialisés en matière de maîtrise
d’ouvrage. Mais en pratique, la volonté de maîtriser l’ensemble de leur
politique scientifique et culturelle, ajoutée au développement de leurs
ressources propres et du recours au mécénat, allait conduire les nouveaux
établissements publics sur les voies d’une autonomie sans cesse croissante.
Dans un premier temps, celle-ci s’est surtout exercée vis-à-vis des
directions d’administration centrale. Ainsi, les établissements du château
de Versailles et du Louvre, désormais maîtres d’ouvrage des opérations
menées entre leurs murs, ont ils confié directement à l’EMOC, à la fin des
années 1990, le soin de mener à bien leurs projets sans grande interférence
de la direction de l’architecture et du patrimoine et de la direction des
musées de France, qui avaient pourtant, depuis des décennies, suivi de près
les programmes architecturaux et muséographiques des fleurons du
ministère.
De façon un peu différente, les établissements de taille moyenne
érigés en établissements publics ont eux aussi progressivement acquis une
certaine indépendance en matière de programmation vis-à-vis de leurs
tutelles, mais leurs moyens limités les conduisent encore à déléguer très
largement à l’EMOC ou au SNT les compétences qu’ils pourraient
formellement exercer en phase de travaux. C’est par exemple le cas du
musée Guimet, constitué en établissement public administratif en
décembre 2003 après l’achèvement par le SNT de sa rénovation complète,
ou de l’Opéra Comique transformé en établissement public industriel et
commercial par décret du 20 novembre 2004, qui s’est vu confier la
responsabilité de la programmation des travaux d’aménagement de ses
bâtiments et équipements, leur réalisation incombant au SNT.
Dans un premier temps, la montée en puissance des établissements
publics culturels n’a donc eu que des conséquences limitées sur les lignes
de partage traditionnelles du ministère en matière de travaux, et notamment
sur le rôle des services constructeurs.
Mais depuis quelques années, l’évolution est rapide. Le transfert de
la maîtrise d’ouvrage des travaux sur les monuments historiques aux
établissements publics est en passe de devenir le droit commun depuis que
l’article L. 621-29-2 du code du patrimoine, issu de l’ordonnance du 8
septembre 2005, prévoit que la responsabilité des travaux sur les
45) Qui succédait à l’ancienne Caisse nationale des monuments historiques et des
sites.
74
COUR DES COMPTES
immeubles classés ou inscrits incombe «
au propriétaire ou à l’affectataire
domanial
».
Ainsi, le musée du Louvre a clairement affiché son intention
d’exercer lui-même sa maîtrise d’ouvrage à compter de l’opération de
construction d’un pavillon des arts d’Islam, et s’en est donné les moyens
en structurant son administration et en recrutant des personnels qualifiés à
cet effet. Parallèlement, par décret du 8 février 2007, la Réunion des
musées nationaux s’est vue confier la maîtrise d’ouvrage des travaux sur
l’ensemble de ses bâtiments, tandis que la construction de la
Philharmonie de Paris sur le site de la Villette, pour lequel a été choisi le
projet architectural de Jean Nouvel, devrait être confiée à une structure
ad
hoc
sans recours à l’EMOC, alors qu’il y a encore quelques mois, celui-ci
comptait se la voir attribuer.
Enfin, il semble que la restructuration de l’aile Ouest du Palais de
Tokyo en espace dédié à l’art contemporain doive être confiée au Centre
national d’art et de culture George Pompidou (CNAC-GP) en tant que
maître d'ouvrage, même si l'EMOC pourrait jouer auprès de lui le rôle
d'assistant. Mais aucune décision en ce sens n'a encore été formellement
arrêtée.
D’autres établissements continuent de faire appel aux services
constructeurs, mais sous des formes variables qui rapprochent davantage
ces derniers de l’assistance à maîtrise d’ouvrage que d’une position de
responsabilité.
Le château de Versailles, par exemple, exerce pleinement ses
compétences de maître d’ouvrage en matière de programmation, mais
continue pour l’heure de recourir à l’EMOC pour conduire ses opérations,
et notamment la mise en oeuvre de son schéma directeur de sécurité. Le
schéma est le même pour l’établissement public du Grand Palais, créé par
décret du 25 janvier 2007, qui a repris les responsabilités de gestion
qu’exerçait par défaut l’EMOC depuis 2005, mais délègue encore à celui-ci
la conduite opérationnelle des travaux par convention de mandat.
Il en est de même, mais à la faveur d’un régime transitoire, pour ce
qui concerne le Centre des monuments nationaux (CMN) vis-à-vis du
SNT.
L’ORGANISATION DES GRANDS CHANTIERS
75
Le Centre des monuments nationaux : un nouveau maître d’ouvrage
spécialisé
En vertu du nouvel article L. 621-29-2 du code du patrimoine, le
Centre des monuments nationaux (CMN) s’est vu confier, en 2006, la
maîtrise d’ouvrage sur les 95 monuments dont il assure l’exploitation.
Mais ce transfert est allé plus loin, et aboutit aujourd’hui à un double
paradoxe.
En effet, l’institution en 2006 d’un prélèvement de 70 M€ sur les
droits de mutation à titre onéreux destinés « au patrimoine » a été affecté
en totalité au CMN, indépendamment de l’identité de l’affectataire des
monuments destinés à bénéficier de cette ressource nouvelle. C’est ce qui
explique que le CMN se soit vu confier la maîtrise d’ouvrage des
interventions sur 115 monuments supplémentaires, alors même qu’il ne les
exploite pas, et ne les « connaît » pas.
Dans un premier temps, le ministère de la culture, se fondant sur les
recommandations d’un audit de modernisation de l’Etat, avait envisagé de
transférer au CMN les personnels issus des DRAC (en fait des CRMH) qui
assuraient jusqu’à présent ces missions. Mais ce transfert se heurtait à
plusieurs obstacles, et paraît avoir été reporté
sine die
. C’est ainsi qu’en
2007, un dispositif « transitoire » a été mis en place, selon lequel le CMN
délègue la maîtrise d’ouvrage sur lesdits monuments à chacune des DRAC
concernées par le biais de conventions de mandat. Il en est de même vis-à-
vis du SNT pour les monuments parisiens qui lui étaient jusqu’à présent
confiés (Panthéon, arc de Triomphe, château de Vincennes) : la convention
conclue entre le CMN et le SNT assure à ce dernier encore deux ans de
présence sur ces sites.
Ce dispositif, qui voit un établissement public déléguer l’une de ses
missions à des services de l’Etat et faire de ceux-ci des mandataires, ne
laisse pas de surprendre. Le ministère de la culture assure cependant qu’il
s’agit d’un régime transitoire. De fait, dans le contexte d’autonomie
croissante des grands établissements publics, il peut être admis que le
CMN se dote des moyens utiles pour exercer une mission générale de
programmation des travaux, à condition que les conséquences en soient
tirées sur l’organisation et les moyens de la maîtrise d’ouvrage l’échelle
du ministère.
La montée en puissance des établissements publics s’est donc
accélérée en matière de maîtrise d’ouvrage. Elle doit beaucoup à
l’exemple fourni par le projet de musée du quai Branly. Conçu dès
l’origine comme constructeur et utilisateur, l’établissement a bénéficié
d’une autonomie dans la programmation et le pilotage de son projet dont
bien d’autres établissements culturels auraient souhaité bénéficier.
76
COUR DES COMPTES
2 -
L’établissement public du musée du quai Branly, constructeur
et utilisateur
Constitué
en
établissement
public
national
à
caractère
administratif, l’établissement du musée du quai Branly s’est vu dès
l’origine attribuer la double mission de maîtrise d’ouvrage de l’opération
de construction du musée, et d’exploitation du musée
46
.
Si le principe d’un établissement public utilisateur-constructeur a
été arrêté dès le départ, le mode d’exercice de la maîtrise d’ouvrage en
revanche – par l’établissement lui-même ou par un maître d’ouvrage
mandataire tel que l’EMOC, créé à la même époque – ne ressortait pas
clairement des dispositions du décret de 1998. Celles-ci l’encourageaient
plutôt – sans que ce fût une obligation, puisqu’elles lui confiaient par
ailleurs explicitement la réalisation de l’ouvrage – à faire appel à
l’EMOC. C’est finalement sous l’impulsion de l’établissement lui-même
que le choix d’une maîtrise d’ouvrage interne a été retenu, et le recours à
l’EMOC limité à l’aménagement du Pavillon des Sessions au Louvre.
Ce mode d’organisation n’était certes pas inédit. La combinaison
des fonctions de maîtrise d’ouvrage du bâtiment et de préparation de son
exploitation future avait déjà présidé à la construction de la Bibliothèque
Nationale de France (BNF), et était inspirée du mode d’organisation
adopté pour la création du Centre national d’art et de culture Georges
Pompidou (CNAC)
47
dont l’équipe du musée est largement issue
48
.
Néanmoins, ces orientations constituaient un infléchissement par
rapport aux choix d’organisation de la maîtrise d’ouvrage du ministère de
la culture et de la communication à la même époque, et n’allaient pas de
soi. En ce sens, les statuts de l’EPMQB ont préfiguré la réorganisation
des musées nationaux intervenue au début des années 2000 plus qu’ils
n’ont ressuscité une pratique ancienne, et ont anticipé la réforme de la loi
MOP réalisée par l’ordonnance du 17 juin 2004
49
, qui a introduit la
possibilité pour l’Etat de transférer en totalité la maîtrise d’ouvrage
d’opération à ses établissements publics.
46) Décrets n°98-1191 du 26 décembre 1998 et n°2004-1350 du 9 décembre 2004
47) Voir notamment le décret n°92-1351 portant statut et organisation du Centre
national d’art et de culture Georges Pompidou
48) Outre le président de l’établissement, le directeur du projet muséologique, le
directeur de la maîtrise d’ouvrage et le directeur adjoint ont occupé des fonctions
exécutives au CNAC.
49) Ordonnance n°2004-566 du 17 juin 2004 (art.1) modifiant la loi n°85-704 du 12
juillet 2005.
L’ORGANISATION DES GRANDS CHANTIERS
77
B - L’avènement de l’ingénierie de projet culturel
Les institutions culturelles ont vu dans la période récente consacrée
la dimension scientifique, éducative et de loisir de leur mission, aux côtés
de leurs missions patrimoniales traditionnelles. Ce phénomène s’étend
aujourd’hui à l’ensemble des opérations de construction du secteur
culturel, conçues comme des ensembles indissociables mêlant intimement
les travaux sur le « contenant » et le projet culturel visé pour le
« contenu ». Il serait exagéré d’énoncer qu’il s’agit là d’un élément tout à
fait nouveau : la construction de la grande bibliothèque François
Mitterrand sur le site de Tolbiac, par exemple, comprenait tout un pan de
programme consacré à l’offre documentaire et numérique. Mais
précisément, à l’époque, il était considéré que c’étaient là deux projets
distincts qui devaient ainsi être menés de front, donnant lieu à deux
maîtrises d’ouvrage séparées
50
.
On conçoit, dans un tel contexte, qu’il soit de plus en plus difficile
pour les grands établissements culturels de confier à un autre qu’eux-
mêmes la conduite de leurs projets. Sans remettre totalement en cause le
principe de mutualisation des moyens au sein d’un service constructeur
professionnel, cette tendance pose cependant la question des relations
avec l’utilisateur sous un jour nouveau.
Parfois, ces difficultés ont pu être traitées en « réunifiant » en
cours de chantier la maîtrise d’ouvrage. C’est ainsi que dans plusieurs
cas, l’EMOC a vu sa mission étendue à des éléments connexes aux
travaux tant ils paraissait indispensable de les aborder de front : dans le
cas du Centre national de la danse de Pantin, ce sont les équipements et
les mobiliers scéniques qui ont été ajoutés moins de six mois après la
convention de mandat initiale, limitée au bâtiment
51
; dans le cas de la
Cité de l’architecture et du patrimoine, une convention séparée a confié à
l’EMOC la muséographie et la restauration des peintures murales
destinées à être présentées dans le cadre du projet culturel
52
.
Dans d’autres cas, la mission confiée au mandataire incluait dès
l’origine des éléments explicites de contenu traités comme un élément de
programme devant être pris en charge par une maîtrise d’oeuvre
spécialisée : il en allait ainsi des muséographies de la Cinémathèque et de
la Cité de l’architecture et du patrimoine, ou des équipements scéniques
du théâtre national de l’Odéon (qui ont justifié l’adjonction d’un bureau
50)
Cf. « La Bibliothèque nationale de France », rapport public annuel 1998.
51
) Cf. avenant n° 1, en date du 1er septembre 1999, à la convention de mandat du 25
mars 1999.
52
) Cf. convention de mandat du 11 juillet 2005.
78
COUR DES COMPTES
d’études spécialisé à l’architecte en chef des monuments historiques
maître d’oeuvre).
Enfin, certaines des opérations prises en charge par l’EMOC ou le
SNT étaient en soi des projets muséographiques dans lesquels le « dur »
ne constituait pas le coeur de l’ouvrage : la rénovation de la salle des Etats
du musée du Louvre, par exemple, n’était pas conçue comme une
opération techniquement urgente et reposait en fait sur l’enjeu consistant
à exposer, dans un même espace,
Les Noces de Cana
de Paolo Véronèse
et
La Joconde
de Léonard de Vinci
53
. De façon symétrique, la perspective
d’un rassemblement des deux services à compétence nationale de la
manufacture de Sèvres et du musée de la céramique dans un seul
établissement public a conduit les dirigeants pressentis de ce dernier à
préparer, avec le SNT, une inflexion sensible au programme de
restauration du clos et du couvert dont celui-ci était chargé pour y
intercaler dès 2009 la restauration du musée et l’installation d’espaces
pour les activités et services d’accueil du public. Tout en précisant que les
hypothèses institutionnelles n’étaient pas tracées, le SNT a d’ailleurs
confirmé à la Cour que cette dernière opération relevait de sa logique
d’intervention consistant à «
avoir une vision globale sur un site, tout en
prenant en compte les besoins des utilisateurs.
»
Mais c’est l’opération du musée du quai Branly, par son objet
même consistant à créer un nouvel édifice culturel, qui illustre le mieux
cette intrication profonde du contenant et du contenu.
En effet, le projet de musée ayant été conçu dans toutes ses
dimensions comme centré sur ses collections, le choix a été fait, non
seulement d’une maîtrise d’ouvrage intégrée exercée par le futur
exploitant des lieux, mais aussi d’une maîtrise d’oeuvre chargée à la fois
des bâtiments et de la muséographie. De surcroît, les méthodes de
maîtrise d’ouvrage de projet ont été appliquées à l’ensemble des
chantiers, y compris par exemple au chantier de confection des contenus
multimédia ou de récolement et de traitement des collections.
53
) Cf. convention de mandat du 26 juillet 1999.
L’ORGANISATION DES GRANDS CHANTIERS
79
Ce faisant, ce sont les caractéristiques de la maîtrise d’ouvrage
elle-même qui tendent à évoluer, celle-ci se confondant de plus en plus
avec le pilotage des projets dans leur ensemble
54
. Les difficultés
rencontrées pour en cerner le périmètre au musée du quai Branly en
témoignent.
Là aussi, cette évolution est bienvenue tant les canons actuels de la
muséographie ou des lieux de spectacle exigent la prise en compte des
projets culturels et des contraintes d’exploitation très en amont des
travaux. L’exemple du positionnement de la
Joconde
dans la salle des
Etats du musée du Louvre, exposé précédemment, en est un bon exemple.
De même, il semble que seuls les responsables du musée du quai Branly
déclarent aujourd’hui être parvenus à créer le musée qu’ils avaient
imaginé au moment de la formation de leur projet culturel. Les autres
responsables d’établissements ayant fait appel à l’EMOC ou au SNT se
projettent vers cette solution et se montrent plus circonspects vis-à-vis du
recours à un maître d’ouvrage spécialisé dans les seuls travaux. Ce
jugement peut sembler injuste, d’autant qu’il émane souvent de
responsables qui n’avaient pas participé à l’élaboration des programmes
confiés à l’EMOC ou au SNT. Mais il montre qu’en l’état, le dialogue
entre les établissements utilisateurs et les maîtres d’ouvrage délégués ne
crée, ni responsabilité (puisque les modifications de programme
demeurent nombreuses), ni solidarité (puisque des conflits fréquents
condamnent ceux qui conduisent les travaux à l’impopularité).
Quel que soit l’intérêt d’une maîtrise d’ouvrage intégrant très en
amont les dimensions scientifiques et culturelles, voire l’exploitation des
futurs sites, il n’en reste pas moins que pour la majorité des projets,
l’utilisateur des équipements, soit n’existe pas encore, soit n’est pas
organisé pour concevoir et mener à bien des opérations lourdes et
exigeantes. Bien des établissements publics culturels, en effet, n’ont pas
une taille suffisante pour disposer en permanence des moyens de conduire
de grands projets. Et pour l’heure, la plupart n’ont pas pu ou voulu
obtenir les moyens de se doter d’équipes flexibles, limitées à la durée de
ces derniers.
54)
A certains égards, cette confusion du contenant et du contenu existait déjà, avec
des conséquences similaires, dans les opérations très fortement marquées par la
réglementation sur les monuments historiques. La responsabilité laissée de droit aux
architectes en chef des monuments historiques de chiffrer les éléments de programme
et de déterminer les grands choix techniques de restauration conduit alors à un
affaiblissement de la maîtrise d’ouvrage stricto sensu, mais à une certaine unité
technique, scientifique et culturelle des opérations.
80
COUR DES COMPTES
Le problème se pose, par exemple, pour le musée d’Orsay, qui
constitue pourtant en termes d’effectifs le troisième musée français
derrière le Louvre et Versailles
55
: malgré les difficultés éprouvées par
ses responsables dans leur relation avec l’EMOC tout au long des années
1999-2004 à l’occasion de la rénovation des espaces d’accueil et
d’expositions temporaires, c’est à ce dernier qu’a été de nouveau confiée
la restauration du tympan Est en 2006. Tel est aussi le cas de la Cité de
l’architecture et du patrimoine, qui n’a été créée qu’en juillet 2004, et ne
disposait pas en interne des moyens de récupérer les compétences
exercées par l’EMOC en tant que mandataire pendant les quatre années
de travaux qui ont couru jusqu’à l’automne 2007. Dans un autre ordre
d’idée, les écoles d’architecture, l’école nationale supérieure des beaux
arts (ENSBA) ou même le musée des arts et traditions populaires
susceptible d’être transformé en musée des civilisations et de la
Méditerranée (MUCEM) à Marseille sont et demeureront des structures
trop légères pour mener à bien des opérations comprises entre 20 et
120 M€.
Cela signifie que l’idée générale consistant à doter le ministère de
services constructeurs, qui avait présidé à la création du SNT puis de
l’EMOC, était pertinente et le demeure aujourd’hui. Ou plus exactement,
que l’existence dans l’orbite du ministère de la culture de professionnels
chevronnés de la maîtrise d’ouvrage culturelle demeure nécessaire.
C’est,
en
revanche,
la
configuration
institutionnelle
et
professionnelle retenue en 1998 qui se révèle « datée » et pourrait être
ajustée dans le sens d’une liaison plus constante entre les besoins des
utilisateurs et les responsabilités de la maîtrise d’ouvrage, d’autant que le
plan de charge des services constructeurs est incertain pour les années à
venir.
C - Le plan de charge incertain de l’EMOC et du SNT
pour les années à venir
La mise en oeuvre et l’achèvement d’une série d’opérations lourdes
dont la programmation remontait aux années 1990 ont garanti au SNT et
à l’EMOC un niveau d’activité satisfaisant jusqu’à aujourd’hui, même si
dès les années 2003-2004, quelques nuances pouvaient être apportées à ce
constat (que reflètent la diminution des effectifs du côté du SNT et
l’esquisse, très modeste, d’une stratégie de diversification des métiers du
côté de l’EMOC). Mais depuis le partage entre les deux services des
55
) En ne comptant pas les établissements multifonctionnels que sont la Cité de
sciences et de l’industrie et le Centre Georges Pompidou.
L’ORGANISATION DES GRANDS CHANTIERS
81
derniers grands chantiers programmés à ce jour, la question de leur plan
de charge pour les années à venir est clairement posée.
Au 31 décembre 2006, l’EMOC disposait d’un volant de mandats
représentant 1 307 M€. Sur ce total, 945 M€ de crédits lui avaient déjà été
délégués et 797 M€ avaient été engagés par ses soins. A raison d’une
moyenne oscillant entre 120 et 140 M€ d’engagements par an, ces
chiffres tendraient à montrer que l’EMOC dispose d’un plan de charge
assuré d’environ trois ans, voire cinq ans si la totalité des mandats est
confirmée. La signature de la convention de mandat relative aux travaux
du musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MUCEM)
de Marseille au printemps 2007 pour 105 M€ a pu donner quelque
espérance en ce sens dans un premier temps, avant qu’une suspension de
l’opération intervienne à l’automne suivant.
Mais cette présentation en volume doit être nuancée en raison du
poids des opérations. En effet, pour la première fois dans la courte
histoire de l’EMOC, ce plan de charge repose majoritairement sur trois
grosses opérations, et non pas sur un équilibre d’opérations de toutes
tailles : la construction du nouveau centre des archives de Pierrefitte et la
rénovation du quadrilatère Richelieu attribuées à l’EMOC en 2006 pour
respectivement 117,8 M€ et 120,8 M€, et donc, depuis quelques mois, le
projet du MUCEM avec de très fortes incertitudes. S’y ajoutent
l’achèvement de deux écoles d’architectures ainsi que l’achèvement de la
restauration du Grand Palais et la poursuite de la mise en oeuvre du
schéma directeur du château de Versailles, pour l’heure confiés à
l’EMOC mais étroitement suivis par les deux établissements publics.
Or, la structuration des équipes projet et la nature de leur activité
font qu’il existe de véritables économies d’échelle administratives en
fonction du volume des opérations. Dès lors, en dépit d’un plan de charge
qui peut encore sembler satisfaisant pour trois ans en volume, le maintien
de la productivité de l’établissement exige d’engager dès à présent une
réflexion sur ses perspectives d’activité.
La question du plan de charge apparaît plus aiguë encore pour le
SNT, d’autant qu’à l’inverse de l’EMOC, celui-ci, faute de mandats, ne
dispose pas d’une visibilité budgétaire au-delà d’une année. Ainsi, au 31
décembre 2006, le cumul de ses affectations de crédits représentait
460,39 M€, pour 375,19 M€ déjà engagés, soit un volume de travaux
acquis représentant seulement 85 M€.
82
COUR DES COMPTES
Mais surtout, c’est le transfert au Centre des monuments nationaux
(CMN) de la maîtrise d’ouvrage des travaux sur plusieurs sites
importants, jusqu’à présent sous la responsabilité du SNT
56
, qui aura
nécessairement des conséquences majeures sur son niveau d’activité : en
effet, avec 12,8 M€ d’affectations, les opération conduites sur ces sites
représentaient en 2007 un peu plus du quart de la programmation du SNT,
et près de la moitié des travaux stricto sensu. Certes, le dispositif
transitoire conclu entre le SNT et le CMN permettra de lisser les effets de
ce transfert pendant un ou deux ans, mais comme pour l’EMOC, le
portefeuille d’activité du service est rien moins qu’assuré à l’horizon
2009.
Ce contexte pourrait expliquer ce qui ressemble déjà à une forme
de partage de la rareté
57
entre l’EMOC et le SNT, voire un climat de mise
en concurrence encouragé par le ministère lui-même. Celui-ci se
manifeste par la réapparition des opérations conjointes impliquant les
deux services, alors que ce type de configuration avait été délibérément
évité au début des années 2000. Ainsi, dans le cadre de la rénovation du
quadrilatère Richelieu, c’est certes l’EMOC qui s’est vu confier
l’opération de restructuration des bâtiments pour 120,8 M€, mais le SNT
demeure le maître d’ouvrage des travaux sur le clos et le couvert, avec
près de 2,8 M€ de travaux conservatoires programmés dès 2008 et un
vaste programme de rénovation envisagé pour 2013, après l’achèvement
par l’EMOC de sa partie. De même, les opérations conduites sur le musée
Picasso semblent devoir être partagées, l’EMOC se voyant confier la
construction d’un bâtiment neuf dans la cour tandis que le SNT resterait
chargé de la réfection des façades.
Certes, dans ces deux cas, les deux services continuent d’obéir à la
– relative – spécialisation qui s’est dessinée depuis 1998. Dans le cas du
quadrilatère Richelieu, le ministère de la culture a indiqué à la Cour que
la phase de travaux prise en charge par le SNT était dissociable du reste
du chantier. Cette solution est en tous cas différente de celle qui avait été
retenue dans le cas de l’Orangerie, où l’EMOC avait récupéré la
responsabilité du clos et du couvert en sus des aménagements intérieurs
précisément pour éviter tout risque de chevauchement des services et
gagner en efficience.
56
) Panthéon, Arc de triomphe, Vincennes, Hôtel de Béthune-Sully, Domaine national
de Saint-Cloud, Château de Saint-Germain-en-Laye.
57) Le secrétariat général du ministère de la culture a émis des réserves quant à cette
idée de «
partage de la pénurie
», mais les éléments qui en témoignent paraissent
suffisamment convergents pour qu’elle soit avancée, fût-ce au conditionnel.
L’ORGANISATION DES GRANDS CHANTIERS
83
Ce partage prend même aujourd’hui des formes inattendues si l’on
en juge par les développements les plus récents du dossier complexe de la
médiathèque du patrimoine. En effet, après qu’une décision de principe
ait été prise consistant à l’abriter provisoirement dans les anciens locaux
de l’école d’architecture de Paris-Val-de-Seine à Charenton-le-Pont, le
cabinet du ministre a décidé de mettre l’EMOC et le SNT en concurrence,
afin que chacun propose son propre projet.
Les anciens locaux de l’école d’architecture de Paris-Val-de-Seine à
Charenton-le-Pont : un enjeu entre directions du ministère de la culture
L’installation de l’école d’architecture de Paris-Val-de-Seine dans ses
nouveaux locaux situés sur la ZAC Paris rive gauche, qui est devenue
effective au printemps 2007, a libéré ses anciens bâtiments de Charenton-le-
Pont, qui représentent une surface utile d’environ 8 000 m2. Deux projets
concurrents ont vu le jour en vue d’une réutilisation de ces bâtiments.
Le premier, émanant de la direction de l’administration générale
(DAG), visait à y installer une partie des équipes de l’Institut national
d’histoire de l’art (INHA) qui ne peuvent actuellement être abritées dans la
galerie Vivienne (rénovée par l’EMOC et inaugurée en février 2005), site
principal de l’Institut, et qui ne peuvent pas attendre l’achèvement de la
restructuration du quadrilatère Richelieu (elle aussi confiée à l’EMOC en
juillet 2006), dont une partie sera mise à disposition de ce dernier.
Le second projet, émanant de la direction de l’architecture et du
patrimoine (DAPA), vise à installer dans ces locaux la médiathèque du
patrimoine aujourd’hui abritée par les hôtels de Croisilles et de Vigny, qui
doivent impérativement être libérés avant le 31 décembre 2008. En effet, ces
hôtels ont été vendus par l’Etat en novembre 2006 sur l’insistance de la
commission des finances de l’Assemblée nationale, après que celle-ci eut
constaté que le « marché » conclu entre les ministères de la culture et des
finances consistant à réaliser l’immeuble des Bons Enfants en échange de la
cession des sept immeubles de petite taille occupés par des services centraux
du ministère n’avait pas été appliqué.
Ces deux projets montrent, à eux seuls, que la programmation des
opérations (ici l’immeuble des Bons Enfants, la galerie Vivienne, l’école de
Paris-Val-de-Seine) prend rarement la forme d’un tout cohérent et
autosuffisant.
Au printemps 2007, le cabinet du ministre a finalement arbitré en
faveur du second projet, tout retard dans la libération des hôtels de Vigny et
Croisilles étant susceptible d’exposer l’Etat au paiement à l’acquéreur
d’indemnités élevées (4,8 M€). Sur ces bases, le SNT, a priori choisi pour
mener à bien l’opération, a remis une esquisse de programme et de calendrier
le 4 mai 2007 fondé sur deux phases, la première visant simplement à assurer
84
COUR DES COMPTES
l’hébergement provisoire de la médiathèque dans les délais, évaluée
sommairement à 3,5 M€, et la seconde, correspondant à une installation
définitive, évaluée encore plus sommairement sur la base d’un ratio au mètre
carré à une vingtaine de millions d’euros.
Fort des assurances du cabinet, explicitement formulées par une note
de son directeur en date du 14 mai 2007, le SNT a alors lancé la procédure de
sélection des premiers prestataires, notamment d’un programmiste et d’un
bureau d’études spécialisé dans les structures. Mais pour ce faire, il est au
préalable nécessaire que l’arrêté du 3 mai 2002, qui fixe de manière
limitative la liste des bâtiments sur lesquels le SNT est autorisé à intervenir,
soit modifié, ce qui relève de la DAG. Aussi, à l’arrivée de la nouvelle
ministre de la culture, le dossier est-il revenu devant le cabinet en juin 2007.
C’est à cette occasion qu’un nouveau schéma a été esquissé. Le
directeur adjoint du cabinet a en effet décidé de mettre l’EMOC et le SNT en
concurrence afin que chacun propose « sa » solution dans un budget limité à
10 M€. Aussi les deux services sont-ils actuellement en train de préparer un
programme sommaire supposé tenir dans cette esquisse budgétaire, le cabinet
se réservant le choix de la meilleure des deux propositions.
L’ORGANISATION DES GRANDS CHANTIERS
85
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
____________
L’organisation mise en place par le ministère de la culture en
1998 pour prendre le relais des anciennes structures dédiées aux grands
travaux présidentiels se trouve aujourd’hui mise en cause pour trois
raisons.
La première est l’exigence d’une programmation pluriannuelle des
grands chantiers s’inscrivant dans un contexte budgétaire tendu qui
justifierait à lui seul une réforme. L’absence d’un cadre global qui
faciliterait, par exemple, l’équilibre géographique des opérations est
regrettable.
La deuxième procède de la montée en puissance des grands
établissements publics culturels, qui tendent de plus en plus à concevoir,
programmer et piloter par leurs propres moyens leurs projets. Ceux-ci,
de surcroît, intègrent de plus en plus les différentes dimensions des
chantiers culturels, qui sont loin de se résumer à des opérations
immobilières.
La troisième vient de l’évolution du plan de charge des opérateurs
spécialisés. Les perspectives d’activité de l’EMOC et du SNT se sont
sensiblement réduites ces dernières années et l’émergence du CMN en
tant que maître d’ouvrage spécialisé sur l’ensemble des monuments
historiques de l’Etat rend difficilement tenable la situation actuelle.
A l’occasion des contrôles dont est issu le présent rapport, les
services du ministère de la culture ont indiqué partager le constat général
de la Cour, en expliquant notamment que le mouvement d’autonomisation
des
établissements
publics
culturels
allait
de
pair
avec
leur
responsabilisation croissante. En effet, en application de l’ordonnance du
17 juin 2004 et de la loi MOP, ils deviennent les maîtres d’ouvrage de
droit commun des travaux portant sur leurs bâtiments et leurs
équipements. Les services du ministère ont également convenu qu’il y
existait
une
contradiction
importante
entre
ce
mouvement
et
l’organisation globale de la maîtrise d’ouvrage, telle qu’elle avait été
conçue dans les années 1990.
Mais en dépit de ce constat très clair, la Cour n’a pas été informée
d’évolutions institutionnelles susceptibles de modifier cette organisation,
notamment pour ce qui concerne le sort de l’EMOC et du SNT. L’idée
que certaines missions connexes comme l’organisation des pavoisements
et cérémonies nationales pour le SNT ou l’expertise et le conseil pour
l’EMOC puissent se substituer aux opérations de travaux pour maintenir
leur niveau d’activité ne peut que laisser profondément sceptique.
86
COUR DES COMPTES
Aussi la Cour estime-t-elle que la réflexion sur le dispositif
institutionnel de maîtrise d’ouvrage du ministère ne peut pas attendre.
Compte tenu des faiblesses du dispositif actuel, cette réflexion devrait
s’articuler
autour
de
cinq
points qui
constituent
autant
de
recommandations :
-
Mettre en place un document d’orientation pluriannuel à
l’échelle du ministère et de ses établissements publics afin
d’asseoir la programmation des différents chantiers dans un
cadre cohérent. Cette démarche constitue de surcroît le
préalable à la mise en place de la pluriannualité budgétaire ;
-
Généraliser les schémas directeurs de site sur le modèle de celui
de l’établissement public du domaine national de Versailles ;
-
Clarifier les conditions – notamment budgétaires – dans
lesquelles les grands établissements publics culturels sont
appelés à exercer leur propre maîtrise d’ouvrage ou doivent être
incités à utiliser les moyens du ministère suivant une logique de
mutualisation des moyens et des compétences ;
-
Statuer sur l’avenir, la configuration et le positionnement
respectifs de l’EMOC, du SNT et du CMN ;
-
Achever la réforme du statut des architectes en chef des
monuments historiques afin de clarifier durablement les
positions respectives des maîtres d’ouvrage, des maîtres d’oeuvre
et des experts.
Ces cinq recommandations contribueront à une rationalisation de
l’organisation ministérielle. Si elle constitue une adaptation aujourd’hui
nécessaire, elle ne suffira pas, à elle seule, à rendre la conduite des
grands chantiers plus performante. C’est en effet dans les pratiques, de la
programmation aux travaux, que résident les principaux leviers de
progrès.
Chapitre III
Des programmes aux travaux,
l’exigence d’une conduite plus
performante des chantiers
La singularité de chacun des grands chantiers évoqués ici rend
délicate la tâche de l’évaluateur. Il existe des raisons à chaque
dépassement du coût, à chaque dérapage dans le temps, à chaque
modification de programme. Il n’en reste pas moins que le ministère de la
culture et ses opérateurs ne peuvent se dispenser d’une réflexion sur
l’amélioration de la conduite des grands chantiers.
Parmi les principaux facteurs de dépassement des coûts et des
délais, l’instabilité des programmes, la faiblesse des outils de pilotage et
la conduite opérationnelle des travaux occupent une place prépondérante.
Dans ce domaine, les opérateurs ne peuvent en être tenus pour seuls
responsables. Du lancement des opérations à la conduite des travaux,
c’est l’efficience de tout le « système des grands chantiers » qui est en
cause. C’est à chacune de ces étapes que résident les leviers d’une
politique soutenable dans la durée.
La Cour formule à cet égard plusieurs recommandations qui ont
pour objectif commun d’introduire plus de rationalité dans les décisions
qui scandent la vie des grands chantiers culturels, depuis les décisions en
opportunité – qui doivent être prises au vu de programmes complets et
correctement chiffrés – jusqu’aux conditions de mise en oeuvre – qui
doivent s’appuyer sur des professionnels placés en situation de
responsabilité et évalués par des outils incontestables.
88
COUR DES COMPTES
I
-
La nécessaire rationalisation des programmes
Les conditions de programmation des grands projets peuvent être
entendues au sens large comme regroupant l’émergence d’une idée ou
d’un besoin, les études préalables, la décision de principe, la fixation d’un
programme fonctionnel et l’attribution de l’opération à un maître
d’ouvrage de plein exercice ou mandataire. Cette phase d’amont, qui peut
s’étendre sur plusieurs années, détermine très largement le succès
technique de l’opération. Mais force est de constater qu’au cours des
dernières années, la longueur de cette phase préparatoire n’a été
synonyme, ni de stabilité des objectifs, ni de qualité des évaluations
financières.
A - Initiative politique et traduction budgétaire
La dimension symbolique, autant dire la « visibilité » des grands
projets, bien davantage que leur poids budgétaire, explique que leur
lancement corresponde presque toujours à un arbitrage de nature
politique. C’est aussi ce qui explique que les grands projets fassent figure
d’objets singuliers et n’aient que rarement trouvé leur place dans
l’équivalent d’une programmation pluriannuelle et hiérarchisée.
De surcroît, à en juger par la quasi-totalité des projets ayant été
lancés ces dernières années, on peut parler de stratégie politico-
administrative visant à minimiser les estimations initiales des projets afin
d’obtenir un accord budgétaire, les financements complémentaires étant
ensuite obtenus en cours de travaux devant l’impossibilité de revenir en
arrière.
1 -
Objets politiques, objets singuliers
Jusqu’au milieu des années 90, l’implication des décideurs
politiques dans le lancement et le déroulement des grands chantiers a reçu
une forme de consécration institutionnelle par l’intermédiaire d’une
mission interministérielle des grands travaux (MIGT), active de 1983 à
1998, et même d’un secrétariat d’Etat de 1988 à 1993. Le fait que ces
structures ouvertement politiques aient disparu
58
ne signifie pas que la
surdétermination politique des grands chantiers ait, elle, cessé.
58) Seul le ministère chargé des finances en conserve une trace à travers une mission
du contrôle général économique et financier spécifique «
chargé des grandes
DES PROGRAMMES AUX TRAVAUX
89
Plusieurs des soixante grands projets évoqués ici résultent
d’initiatives politiques personnelles, qu’il s’agisse au premier rang du
musée du quai Branly, de la Cité nationale d’histoire de l’immigration, de
la Cinémathèque ou, plus récemment, du pavillon des arts d’Islam du
musée du Louvre.
Plus généralement, le fait que les décisions de principe voire
l’attribution des chantiers aux opérateurs relèvent du niveau politique, ne
présente en soi aucune anomalie. Mais une fois lancée, cette intervention
peut concerner d’autres aspects, plus inattendus.
Ainsi, le ministre de la culture auquel avait été soumis le
programme de rénovation du Palais Royal élaboré par le SNT n’avait
donné son accord qu’à trois des opérations proposées correspondant à un
schéma minimal, mais avait demandé que s’y ajoute la création d’une
salle de repos pour les vigiles du ministère. L’opération ayant été
suspendue le 1
er
février 2007, le SNT est aujourd’hui dans l’attente d’une
confirmation de cette commande de la part du nouveau ministre de la
culture, ainsi que d’une validation du programme de désamiantage des
sous-sols du ministère et de construction de bureaux provisoires tampons
au rez-de-chaussée. Cet exemple est significatif : les éléments de
programme évoqués ci-dessus relèvent à l’évidence d’une responsabilité
administrative de maîtrise d’ouvrage et il apparaît inefficient de les rendre
tributaires d’un agenda politique.
Autre signe de l’investissement politique que concentrent les
grands chantiers, leurs dates d’inauguration et la préparation de ces
dernières donnent fréquemment lieu à une accélération des travaux,
quitte, parfois, à consentir à cette fin de nouveaux moyens. Le meilleur
exemple en est donné par le musée du quai Branly : la semaine
d’inauguration, fixée au mois de juin 2006, ayant été arrêtée dans son
principe dès le mois de septembre 2005, les derniers mois de chantiers ont
été conduits à marché forcée, et ont nécessité, notamment, le doublement
des effectifs de l’équipe du maître d’oeuvre pour un coût hors forfait de
245 000 €. Les opérateurs soulignent cependant avec raison que la
fixation
d’une
date
d’inauguration
constitue
un
instrument
de
mobilisation.
Si elle n’est pas critiquable en soi, cette surdétermination politique
des
grands
chantiers
est
souvent
le
prétexte
à
des
pratiques
administratives d’exception et à une instabilité dans le temps au gré des
changements
de
personnes,
toutes
deux
sources
d’un
risque
d’inefficience.
opérations d’urbanisme
», à laquelle a été confiée très naturellement le contrôle
exercé sur le musée du quai Branly.
90
COUR DES COMPTES
2 -
Une sous-évaluation du volume des travaux
Les études préalables qui sous-tendent la programmation des
projets devraient permettre de cerner avec une relative précision le
volume et le coût des travaux. Si l’on peut comprendre qu’avec le temps
s’installe une sorte de distance entre les estimations financières formées
au stade du programme et la phase de travaux sur tel ou tel élément, il
serait normal que les ajustements nécessaires sur les différents postes du
chantier se compensent mutuellement et que le respect de l’enveloppe
allouée à l’ensemble de l’opération constitue un impératif.
Tel est loin d’être le cas. Tous les grands chantiers conduits ces
dernières années se sont achevés avec un surcoût important, et pour aucun
d’entre eux, le respect de l’enveloppe budgétaire ne l’a emporté sur
d’autres contraintes. Dans la plupart des cas, ces dépassements
correspondent, au moins pour partie, à une sous-évaluation du volume des
travaux
dont
on
peut
suspecter
le
caractère
délibéré
entre
la
programmation du maître d’ouvrage et les études du maître d’oeuvre
(donc avant même la phase de travaux).
L’un des exemples les plus significatifs concerne le Centre
national de la danse : alors que la convention de mandat signée en mars
1999 avec l’EMOC prévoyait un volume de 7,17 M€ de travaux pour la
partie immobilière du projet, les maîtres d’oeuvre ont estimé, dans leurs
études d’avant projet, que cette somme était insuffisante et ont obtenu,
après un examen contradictoire de leurs propositions, un abondement de
1,72 M€, soit + 24 %, entériné par un avenant à la convention de mandat
signé en février 2001. A ce niveau d’augmentation, on peut sérieusement
s’interroger sur la qualité des études préalables qui justifiaient la première
évaluation du coût des aménagements immobiliers. Dans le même ordre
d’idée, le coût du chantier de rénovation du musée de l’Orangerie, estimé
à 11,89 M€ au stade de la sélection du maître d’oeuvre, a été porté à
14,36 M€, soit une progression de 21 %, dès que celui-ci eut rendu ses
études d’avant-projet, sur la base desquelles le programme a été
substantiellement revu.
Il peut arriver, certes, que le volume des travaux à engager soit
réellement
impossible
à
cerner,
mais
il
s’agit
de
situations
exceptionnelles.
La
rénovation
du
Grand
Palais
en
constitue
probablement le seul véritable exemple au cours des dernières années.
DES PROGRAMMES AUX TRAVAUX
91
Au cours de la phase contradictoire liée au contrôle de l’EMOC,
l’un des interlocuteurs de la Cour, architecte en chef des monuments
historiques, a livré les clés de ce mécanisme :
« Lors de l’élaboration d’un tel programme, il est conçu, prévu et
estimé ce que l’on pourrait appeler le projet idéal, qui répond à toutes les
demandes et tous les besoins (…). A un certain moment, le maître
d’ouvrage
détermine
le
financement
qui
peut
être
prévu.
Et,
malheureusement, ce financement ne correspond pas au montant de
l’estimation du projet idéal. Il faut alors abandonner des postes, couper
dans le projet initial pour qu’il soit moins coûteux, le rendre réalisable
(…). Puis, au fil de la réalisation et lorsque cela est autorisé, devant les
besoins qui continuent à s’exprimer, un certain nombre de prestations qui
avaient été mises de côté sont réintégrées dans le programme grâce à une
extension budgétaire (…). Ces avenants et travaux supplémentaires sont
donc liés aux cadres budgétaires limités initialement et dans lesquels il a
fallu se glisser pour réaliser l’opération et aux besoins auxquels il a été
possible de répondre grâce aux compléments de financement qui ont pu
être dégagés ultérieurement pour mieux finaliser la réalisation ».
Cette « technique » du projet idéal, revu à la baisse pour entrer
dans le cadre budgétaire durant la phase de programmation et
immanquablement rattrapé durant la phase d’études du maître d’oeuvre,
illustre un phénomène de sous-évaluation quasi-délibéré.
Dans d’autres cas encore, le programme initial fait l’objet d’une
contre-expertise ultérieure qui conduit à le remettre en cause entièrement.
Ce phénomène est bien illustré par la question de l’emplacement de la
Joconde
au musée du Louvre. En effet, le programme initial de
rénovation de la salle des Etats, fixé par la convention de mandat signée
avec l’EMOC le 26 juillet 1999, prévoyait que celle-ci serait consacrée à
la peinture vénitienne du XVI
ème
siècle d’une part, avec pour point
d’orgue la présentation des
Noces de Cana
sur une cimaise centrale, et à
Léonard de Vinci d’autre part avec le positionnement de la
Joconde
de
l’autre côté de la même cimaise. Mais à son arrivée en mars 2001, le
nouveau président du musée sollicita de nouvelles études de flux, qui
jetèrent un doute sur le « fonctionnement » du dispositif en cas
d’affluence. Il fut donc décidé de replacer les
Noces de Cana
sur le mur
mitoyen de la grande galerie, tandis que la
Joconde
prendrait sa place sur
le côté ouvert de la cimaise. Cette modification de programme a été
entérinée en février 2002, pour un complément estimé alors à 771 000 €
auxquels il conviendrait d’ajouter en toute rigueur le coût induit par les
quelque
dix
mois
de délais
supplémentaires provoqués par
ce
92
COUR DES COMPTES
changement
59
. A titre incident, cette remise en cause de l’option majeure
du maître d’oeuvre amène à s’interroger sur le bien fondé du coefficient
de complexité majoré de l’opération et du taux de rémunération qui lui
avait été consenti, puisque celui-ci reposait précisément sur l’enjeu que
constituaient les places respectives de la
Joconde
et des
Noces de Cana
60
.
3 -
Une présentation trompeuse des enveloppes budgétaires
Indépendamment de la sous-évaluation fréquente du volume des
travaux à engager, la présentation de l’enveloppe budgétaire allouée aux
grands projets est elle-même trompeuse en ce qu’elle masque les effets de
l’étalement des opérations sur plusieurs années.
Seul le SNT, en effet, chiffre systématiquement le coût des
opérations dont il a la charge en euros courants, c’est-à-dire en appliquant
à la valeur initiale des prestations et des travaux une majoration de 3 %
par année représentative de l’évolution des prix. En revanche, au cours
des dernières années, l’enveloppe des opérations confiées à l’EMOC et à
l’EPQMB a toujours été exprimée en retenant une date de valeur très
antérieure au lancement des procédures de consultation des entreprises, ce
qui impliquait nécessairement que des actualisations auraient lieu dès la
conclusion des premiers marchés, et non pas seulement en cours
d’exécution de ceux-ci.
Par exemple, le coût d’objectif de 167,7 M€ attaché au programme
initial du musée du quai Branly correspondait à une date de valeur de juin
1998. Avec une date d’inauguration fixée à juin 2004, cela signifie que
même en s’en tenant à un taux d’actualisation des coûts de 2 % par an,
l’enveloppe arrêtée en 1998 nécessitait en réalité la programmation en
euros courants de 185 M€, soit 11 % de plus. Finalement, l’indice des
prix du bâtiment ayant fortement augmenté au cours des années 1999-
2003, l’enveloppe de 167,7 M€ correspondait, si elle avait été
59) Ce surcoût n’a pesé qu’indirectement sur les finances publiques puisqu’il a été
pris en charge par le mécène japonais de l’opération.
60) Cf. compte-rendu de la CAO du 10 février 2000 : «
S’agissant du projet de
marché de maîtrise d’oeuvre concernant l’aménagement de la salle des Etats du
musée du Louvre, M. D. (contrôleur financier) considère comme particulièrement
élevé le coefficient de complexité retenu (1,4) et le taux de rémunération qui en est la
conséquence (14 %) (…) Pour M. S. (chef de projet) le réaménagement de la salle des
Etats destinée à présenter la Joconde et parmi plusieurs oeuvres, l’un des tableaux les
plus importants du musée (Les Noces de Cana) se révèle particulièrement ardu,
notamment en termes de circulation des visiteurs et d’éclairage des oeuvres, et justifie
pleinement une rémunération plus élevée que la moyenne de celles qui ont été
attribuées aux différents maîtres d’oeuvres du Grand Louvre. Un avis favorable est
émis à l’unanimité.
»
DES PROGRAMMES AUX TRAVAUX
93
parfaitement respectée, à 204,7 M€ en valeur juin 2004, c’est-à-dire
exprimée à la date d’achèvement prévue.
Ce phénomène s’est également révélé systématique dans les
opérations conduites par l’EMOC, puisque la date de valeur des montants
prévus par les conventions de mandat a toujours été significativement
antérieure à leur date de signature : valeur juin 1998 pour une convention
signée en mars 1999 dans le cas du musée d’Orsay, valeur novembre
1998 pour une convention signée en août 1999 dans le cas de l’immeuble
des Bons Enfants…
Au cours de la phase contradictoire, les ministères concernés se
sont prononcés en faveur d’un affichage sincère et transparent du coût
actualisé des projets, c’est-à-dire de leur coût final après prise en compte
de l’évolution des prix pendant la durée des travaux et application d’une
provision pour aléas. La Cour prend acte de ces intentions. Toutefois,
force est de constater à ce jour que certaines habitudes héritées des années
antérieures perdurent : ainsi, la convention de mandat par laquelle
l’EMOC s’est vu confier la construction du centre des archives de
Pierrefitte, signée en juillet 2005, chiffre les travaux en «
valeur août
2002
» tandis que la convention relative à la rénovation du quadrilatère
Richelieu est exprimée en «
valeur décembre 2002
» alors qu’elle a été
signée en juillet 2006. Cela signifie que dans les deux cas, l’enveloppe a
été
déterminée
sur
la
base
d’estimations
de
prix
qui
auront
nécessairement connu une augmentation lorsque la consultation publique
des entreprises sera effectivement lancée deux ans plus tard. Dans le cas
extrême de la rénovation du quadrilatère Richelieu, cela signifie qu’avant
même le premier coup de pioche, l’enveloppe mentionnée par la
convention, soit 120,8 M€, étant exprimée en valeur décembre 2002, est
déjà sous-estimée à hauteur de six actualisations annuelles, soit au moins
15,2 M€, ce qui représente 13% de l’enveloppe initiale. Le même
raisonnement peut être appliqué au centre des archives de Pierrefitte, pour
lequel le montant de l’opération porté dans la convention de mandat, soit
117,8 M€, était
ab initio
sous-estimé d’au moins 14,8 M€
61
. Du reste, ce
montant a été réactualisé suite aux observations de la Cour à l’été 2007 et
porté à 171,52 M€, actualisation et provision comprises.
61) Six révisions successives de 2 % équivalent
in fine
à une augmentation de 12,6 %.
94
COUR DES COMPTES
B - Les aléas de la programmation
Qu’elle ait fait l’objet d’études approfondies conduites sur
plusieurs années, comme dans le cas du musée du quai Branly, ou d’une
définition plus sommaire, comme dans le cas de la Cinémathèque
française, la programmation initiale qui préside au lancement des grands
projets est presque systématiquement remise en cause au cours de leur
mise en oeuvre.
Dans le cadre des chantiers étudiés par la Cour, cette instabilité de
la programmation a pu prendre diverses formes et avoir de multiples
causes, depuis les bouleversements radicaux liés à une réorientation
politique jusqu’aux ajustements mineurs décidés en toute fin de chantier
sur la base de considérations esthétiques. En revanche, les conséquences
en sont toujours identiques : l’équilibre juridique et opérationnel
complexe sur lequel repose chacune des grandes opérations de travaux
fait que toute modification du programme initial, même décidée avant le
début des travaux, se traduit par des délais et des coûts supplémentaires
souvent importants.
La typologie de ces modifications de programme montre qu’elles
résultent rarement de véritables aléas imprévisibles et peuvent presque
toujours être rapportées à des insuffisances des projets et des études
initiaux ou à des modifications ultérieures.
1 -
Les modifications ou suspensions politiques
Le caractère très politique des grands chantiers culturels fait que
les remises en cause ou les suspensions décidées à la suite des
changements de ministre ne sont pas rares. Elles sont même presque
systématiques dans le cas des projets qui ne sont pas encore entrés dans
leur phase de travaux, les ministres entrants se réservant toujours la
possibilité de confirmer ou d’infirmer les projets engagés par leurs
prédécesseurs.
Si un chantier comme celui du musée du quai Branly a bénéficié
d’un soutien continu, il n’en a pas été de même, par exemple, du plan
pluriannuel de rénovation de l’Opéra Garnier, décidé en février 2002 et
suspendu quelques mois plus tard par le nouveau ministre
62
, avant d’être
repris de nouveau quelques mois plus tard sous les auspices d’une
nouvelle équipe.
62) Cf. note du directeur de l’Opéra national de Paris au directeur de cabinet du
ministre en date du 26 septembre 2003.
DES PROGRAMMES AUX TRAVAUX
95
C’est aussi ce qui s’est passé dans le cas de la Cinémathèque.
Après que le maître d’oeuvre chargé de mener à bien la transformation de
l’ancien American Center conçu par Franck Gehry eut été recruté en
janvier 2000 à l’issue d’un concours lancé en mars 1999, l’avant projet
définitif a été validé par l’EMOC et la direction de l’administration
générale du ministère de la culture, en février 2001. Un an plus tard, au
terme des travaux de démolition, le projet était prêt à entrer en phase de
chantier. Mais l’arrivée d’un nouveau ministre de la culture en mai 2002
devait se traduire par la suspension de l’opération pendant une année, si
bien que les travaux n’ont en réalité démarré qu’en juin 2003.
Le chantier de restauration du Grand Palais a lui aussi été marqué
par des bouleversements liés au calendrier politique. Alors que son
prédécesseur avait lancé en parallèle la première phase du programme de
restauration confié à l’EMOC en 1999 et une consultation en vue de
confier l’aménagement intérieur puis l’exploitation du site à une
entreprise concessionnaire du secteur privé, le ministre nommé en juin
2004 a décidé de suspendre cette dernière procédure et de revoir
profondément la deuxième phase de travaux afin de pouvoir rouvrir la
grande nef dès septembre 2005. Finalement, la deuxième phase prévue au
programme a été revue à la baisse et étalée dans le temps, tandis qu’après
deux ans d’atermoiements, l’exploitation commerciale du bâtiment,
confiée « par défaut » à l’EMOC dans l’intervalle, a été attribuée à un
nouvel établissement public industriel et commercial du Grand Palais créé
en janvier 2007.
Un troisième exemple illustre le rôle déterminant des arbitrages
politiques dans les décisions de programmation lié au fait que les
responsables des opérations estiment souvent nécessaire de s’en remettre
aux ministres face à des situations banales qu’un certain contexte peut
transformer en chausse-trappes. Ainsi en est-il de la découverte en août
2003, dans le cadre du chantier du musée de l’Orangerie, de vestiges du
mur d’enceinte des Fossés Jaunes, édifié entre le milieu du XVIème et la
fin du XVIIème siècle. Après que les études archéologiques eurent été
menées à bien entre les mois de septembre et de décembre 2003, le
ministre décidait, en janvier 2004, que les blocs de pierre ainsi dégagés
seraient présentés au public dans le cadre d’un projet muséographique
remanié. Cette décision, qui nécessitait la reprise de tout le schéma de
présentation des salles du sous-sol, a été entérinée en juin 2004 pour un
coût de 3 M€
63
. Sans contester l’intérêt archéologique de ce mur, l’option
de la présentation sur place dans le cadre d’un musée dédié à l’art du
63) Au conseil d’administration, c’est la représentante de la DAG qui a indiqué elle-
même que «
l’arrêt du chantier et la reprise du projet ont entraîné un surcoût de
3 M€
», cf. compte-rendu de la séance du 10 juin 2004, page 12.
96
COUR DES COMPTES
XXème siècle surprend. Elle accrédite l’idée, rapportée par plusieurs
témoignages, que ce schéma reposait moins sur un choix scientifique ou
sur un aménagement réfléchi du musée de l’Orangerie lui-même que sur
le souci de ne pas heurter la communauté archéologique au moment où
l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP)
perdait certains de ses droits exclusifs, suscitant un mouvement de
protestation de la communauté des archéologues relayé par les médias.
Enfin, de façon plus anecdotique mais significative, le chantier de
restauration du Palais Royal confié au SNT, qui devait commencer par les
façades du ministère de la culture côté rue de Valois, a été interrompu sur
instruction du directeur de cabinet du ministre le 1
er
février 2007 à la
veille de la notification du premier ordre de service prescrivant aux
entreprises sélectionnées de commencer les travaux
64
. Il semble que cette
décision relevait simplement du choix consistant à laisser aux successeurs
des responsables alors en place le soin de confirmer ou non les
orientations du projet. Ce type de décision rend nécessaire, par
« parallélisme des formes », un arbitrage de même niveau avant de
redémarrer l’opération : et de fait, au 1
er
juillet 2007, le SNT attendait
toujours une décision de la nouvelle ministre de la culture pour
déterminer sa conduite.
Il existe à l’inverse des exceptions à cette instabilité. La plus
remarquable est celle du musée du quai Branly, qui n’a été remis en cause
par aucun des ministres de la culture qui se sont succédé de 1997 à 2006.
2 -
Les extensions de programme
Les extensions de programme consistant à compléter les projets
avant ou pendant les travaux ne correspondent pas
stricto sensu
à des
modifications. Mais dans la plupart des cas, elles impliquent au minimum
une reprise des études initiales et un « calage » opérationnel avec les
éléments du programme originel. Par ailleurs, d’un strict point de vue
budgétaire, elles reviennent à financer immédiatement des équipements ou
des fonctions, qui soit avaient été différés au moment du lancement des
projets, soit devaient trouver d’autres sources de financement.
Ces extensions sont de toutes natures et peuvent aller du simple
détail au quasi-doublement du programme.
Dans certains cas, le périmètre de l’opération a pu demeurer
inchangé mais faire l’objet d’une « réunification » entre les mains du
même opérateur. C’est notamment ce qui s’est passé sur les opérations
dont une partie était assurée par le SNT et a été postérieurement transférée
64) Cf. Dossier du comité de pilotage du SNT, 11 juin 2007.
DES PROGRAMMES AUX TRAVAUX
97
à l’EMOC pour éviter les chantiers conjoints. Dans le cas du Centre
national de la danse, par exemple, il est vite apparu que l’aménagement des
équipements mobiliers scéniques ne devait pas être dissocié de
l’aménagement immobilier, qui seul avait été confié à l’EMOC dans son
mandat initial et qui lui a donc été attribué à la faveur d’une extension de
programme. Ces deux exemples n’ont pas bouleversé les projets considérés
dans leur globalité.
Beaucoup
plus
significatives
apparaissent
les
extensions
correspondant à des équipements ou des prestations supplémentaires dont
les commanditaires estiment toujours qu’ils étaient consubstantiels au
projet, même s’ils n’avaient pas été formellement programmés.
Ainsi, le programme adopté au printemps 1999 par le conseil
d’administration de l’établissement public du musée du quai Branly
n’évoquait ni l’aménagement de la médiathèque, ni l’équipement en postes
multimédia des surfaces d’exposition, alors que ces deux éléments allaient
de soi dans le cadre d’un musée et d’un centre de ressources modernes.
C’est à la faveur d’un arbitrage interministériel rendu par le cabinet du
Premier ministre en juin 2001 que ces deux éléments, couplés au
déménagement de la bibliothèque du musée de l’Homme, ont été ajoutés
au programme pour un total de 22,9 M€, soit une hausse de 13,6 %. Il est
anormal que ces éléments n’aient pas fait l’objet d’un programme et d’un
chiffrage en même temps que les autres composantes du projet, dont ils
étaient indissociables.
Entrent
également
dans
cette
catégorie
des
extensions
de
programme les dépenses engagées dans la restauration d’oeuvres destinées
à être exposées ou conservées : si le principe peut difficilement en être
contesté, le fait de devoir programmer ce type de chantier en cours de
travaux,
moyennant
des
financements
supplémentaires,
traduit
au
minimum une insuffisance du côté des programmes initiaux. C’est ce qui
s’est passé sur le chantier de la Cité de l’architecture et du patrimoine,
puisque l’établissement public éponyme a confié en 2005 à l’EMOC, par
une convention distincte de celle relative aux travaux immobiliers, la
restauration des peintures murales dont le maintien sur place dans le circuit
d’exposition avait été décidé un an plus tôt. Cette restauration a représenté
un coût supplémentaire de 1,97 M€.
C’est aussi ce qui s’est produit sur le chantier des collections du
musée du quai Branly, avec un résultat scientifique probant. Alors que le
programme initial ne comprenait au titre des collections qu’une enveloppe
de 7,6 M€ destinée à permettre leur déménagement, l’état sanitaire des
pièces a nécessité la mise en place d’un véritable chantier de restauration
dont le coût final peut être estimé à 12,66 M€, qui aurait pu faire l’objet
d’une estimation plus précoce au sein d’un programme plus complet.
98
COUR DES COMPTES
Le chantier des collections du musée du quai Branly
Le pré-programme conçu sous l’égide de la mission de préfiguration
et qui avait servi de base à la fixation de la première enveloppe de
1,1 milliard de francs ne comportait que des indications minimales en matière
de rassemblement des collections du musée de l’Homme et du Musée
national des arts d’Afrique et d’Océanie (MNAAO). Seul le transport des
oeuvres faisait l’objet d’une évaluation sommaire. En revanche, ce
programme était déjà ambitieux en termes d’inventaire, de photographie et de
numérisation de la quasi-totalité des oeuvres puisque l’objectif générique
d’une accessibilité de toutes les pièces faisait partie des principes fondateurs
du projet affiché dès la mission de préfiguration.
Si les collections du MNAAO ne posaient pas de difficultés
particulières, il n’en allait pas de même de celles du musée de l’Homme.
L’état de conservation de celles-ci, souvent précaire, et les réticences
fortement exprimées par une partie des scientifiques du Muséum à l’idée de
laisser partir les pièces ont incité l’établissement à mettre rapidement sur
pied, parallèlement au chantier des bâtiments, un chantier des collections
d’une toute autre ampleur qu’il n’avait été envisagé.
Quoique placé sous la responsabilité du directeur du projet
muséologique, le chantier des collections a été conçu et organisé de manière
autonome suivant les mêmes principes et méthodes que l’ensemble du projet,
et s’est donc vu appliquer un véritable régime de maîtrise d’ouvrage.
L’évaluation de l’ampleur du chantier a débuté dès l’année 1999 à
travers des analyses sur place et sur pièces au musée de l’Homme et au
MNAOO. Puis, en 2000, la conception précise de la chaîne de traitement a
été mise au point – avec l’assistance notamment de SETEC Organisation,
assistant à la maîtrise d’ouvrage pour ce chantier comme il l’était sur le
chantier de construction – et un budget a été défini pour un démarrage en
2001. Le pré-programme conçu dans le cadre de l’enveloppe de 1,1 milliard
de francs ne comportait que 50 MF au titre du chantier des collections,
destinés au seul déménagement des pièces.
Le choix de l’établissement s’est rapidement porté sur une solution
« en régie ». En effet, une fois le meilleur procédé de désinfestation choisi (le
traitement par anoxie, consistant à enfermer pendant plusieurs jours les objets
dans une enceinte privée d’oxygène), il est apparu qu’il n’existait pas de
prestataire capable de traiter 270 000 objets en trois ans. Cet objectif était
aussi hors d’atteinte du laboratoire du Centre de recherche et de restauration
des musées de France (C2RMF), spécialisé dans l’analyse et la restauration
approfondies davantage que dans le traitement à la chaîne qui était nécessaire
en l’espèce. Cette solution en régie reposait sur le recrutement de deux
catégories de personnels contractuels : 11 CDD de trois ans destinés à
constituer l’encadrement intermédiaire du chantier, et 39 CDD de dix mois
pour les techniciens, reconduits en permanence par roulement pendant les
trois années d’exécution.
DES PROGRAMMES AUX TRAVAUX
99
Au cours du conseil d’administration du 15 décembre 2000,
l’établissement a été en mesure de proposer un budget supplémentaire de
8,99 M€ comprenant les frais de personnel du chantier sur la période 2001-
2004 (6,78 M€), le gardiennage du chantier (0,99 M€) et la location de l’hôtel
industriel Berlier destiné à accueillir les ateliers (1,20 M€). Sur ces bases, les
ministères de tutelle ont accordé 3,51 M€ de mesures nouvelles en
fonctionnement dès l’exercice 2001 pour lancer le chantier.
La première campagne du chantier s’est déroulée du 1
er
octobre 2001
au 31 juillet 2002, les dix mois correspondant à la durée du contrat des
techniciens. Consacré prioritairement aux objets destinés à prendre place
dans la muséographie et aux collections de l’ex-MNAOO, il a permis le
traitement d’environ 200 objets par jour, contre 360 espérés dans la
programmation de juin 2001.
Sur la base de ce constat, les responsables du
chantier ont arrêté un certain nombre de mesures destinées à optimiser la
chaîne de traitement (micro-chantier sur place au musée de l’Homme,
créations de postes supplémentaires dans l’unité de récolement…) et à
réduire le champ des objets traités (sortie des 7000 objets du fonds historique,
simplement conditionnés et placés en réserves…) qui a permis à la seconde
campagne, menée du 1
er
octobre 2002 au 30 septembre 2004, de passer à un
rythme de 200 à 450 objets par jour.
Au total, sur les 270 000 objets prélevés, récolés et photographiés, 134
000 ont fait l’objet d’un traitement par anoxie. Tous ont vu leur carte
d’identité corrigée, validée, numérisée et versée dans la base TMS (The
Museum System) diffusée sur le portail Internet de l’établissement.
En termes financiers, le budget présenté en décembre 2000 ne
correspondait pas à un coût complet du chantier, puisque n’y figuraient pas le
coût des prestataires extérieurs. Il ne comprenait pas non plus le coût des
personnels du MNAAO et du musée de l’Homme mis à disposition.
Si l’on s’en tient aux dépenses effectivement engagées au titre du
chantier des collections par l’EPQMB, et en faisant donc abstraction des
mises à disposition, le bilan se présente ainsi : (i) prestataires extérieurs :
3,09 M€ ; (ii) personnels CDD : 4,55 M€ ; (iii) fonctionnement courant : 1,74
M€ ; (iv) maîtrise d’ouvrage et pilotage général : 2,10 M€. Au total, ce
chantier a donc représenté 12,66 M€.
Ce montant, qui n’était pas prévu dans l’enveloppe d’investissement, a
pu être financé par l’établissement grâce au supplément de dotation de
fonctionnement de 3,51 M€ accordé en 2001 et implicitement reconduit
pendant toute la durée du chantier.
100
COUR DES COMPTES
3 -
Les revirements de programme résultant
de la maîtrise d’ouvrage
Alors qu’ils ont en principe fait l’objet de phases préparatoires
attentives – et souvent très longues – les programmes subissent
fréquemment des modifications à l’initiative des maîtres d’ouvrage eux-
mêmes. Ces modifications sont toujours coûteuses. En effet, quelle que soit
leur ampleur, elles se traduisent au minimum par la reprise des études du
maître d’oeuvre et par un allongement des délais, et dans la plupart des cas,
par le remplacement ou l’appel à de nouveaux prestataires.
Les exemples de telles modifications sont innombrables. Les quatre
qui suivent en illustrent la gamme, qui couvre toutes les situations, depuis
les revirements argumentés correspondant à une réorientation des projets
jusqu’aux simples préférences exprimées à l’occasion de changements de
personnes.
Il en est ainsi par exemple des modifications apportées au
programme de la Cité de l’architecture et du patrimoine à l’initiative de son
président, nommé en juillet 2004, qui comportaient notamment la
suppression de la mezzanine destinée à la galerie d’architecture
contemporaine, marquant ainsi une sorte de rééquilibrage entre les pôles
« architecture » et « patrimoine ». Elles visaient aussi à amender le
programme de base au regard des fonctionnalités minimales attendues
aujourd’hui de tous les établissements culturels en créant une entrée
spécifique rue Albert de Mun, en aménageant des espaces de réception
destinés à être loués ou mis à disposition de mécènes et en étendant les
surfaces destinées aux expositions temporaires. Le président de la CAPA
ayant convaincu le ministre de la pertinence de ces modifications, l’EMOC
en a évalué l’incidence financière dans une note du 2 décembre 2004, et
tout en reconnaissant qu’elles contribuaient à améliorer la lisibilité du
projet, a alerté les commanditaires sur les délais supplémentaires que leur
mise en oeuvre entraînerait. Finalement, ces modifications ont été actées en
juin 2005 pour un coût estimé à 6,65 M€ sur un projet que la précédente
convention de mandat évaluait à 62,03 M€.
Plus subjectifs apparaissent les choix exprimés en matière
muséographique par le nouveau président de la Cinémathèque en
septembre 2003.
La forme du musée du cinéma et la part que devait y prendre la
collection de l’ancien musée Henri Langlois disparu dans l’incendie du
Palais de Chaillot avaient déjà fait l’objet de vifs débats, qui étaient à
l’origine de la scission précoce de l’opération entre un programme
immobilier d’une part et un programme muséographique d’autre part pour
éviter que les difficultés du second ne freinent l’ensemble de l’opération.
DES PROGRAMMES AUX TRAVAUX
101
Mais à l’arrivée du nouveau président de la Cinémathèque, celui-ci
envisagea plusieurs modifications du projet muséographique
65
. Ce choix
s’avérant incompatible avec le marché de maîtrise d’oeuvre alors en cours,
celui-ci fut résilié en juin 2003 pour un coût de 0,23 M€. Le président de la
Cinémathèque ayant, là aussi, convaincu le ministre de l’intérêt de ces
modifications, qu’il avait présentées par ailleurs à la présidence de la
République, l’EMOC en a chiffré l’incidence globale sur le coût de
l’opération et a préparé l’avenant correspondant à sa convention de mandat,
signé en mars 2004 pour 5,65 M€, ce qui représentait alors 19 % de
supplément au budget alloué au projet.
Enfin, il n’est pas rare que les modifications de programme
apportées en cours de chantier relèvent simplement de préférences
esthétiques changeantes, au gré notamment des mouvements de personnes.
Un exemple en est donné par l’essence du bois des mobiliers présent
dans les espaces d’accueil du musée d’Orsay. Cette question, apparemment
mineure était en réalité posée depuis le démarrage des opérations de
rénovation de ces espaces en 1999, et n’avait fait l’objet d’aucune
coordination entre les différents acteurs du chantier. Le choix d’un bois
foncé et dur, le wengé, avait été fait en cours de consultation, puisque telle
était la proposition du candidat retenu. Mais presque aussitôt, le président
nouvellement nommé du musée, qui ne souhaitait pas faire référence à
l’architecture d’origine du musée, a remis en cause cette solution en lui
préférant un bois clair. La recherche d’une essence présentant des garanties
de dureté équivalente avec une teinte plus claire a ainsi entraîné un retard
supplémentaire de trois mois et demi. Le maître d’oeuvre a indiqué à la
Cour qu’après avoir en vain prévenu le président du musée du caractère
inapproprié de ce choix, il avait demandé à être déchargé de ses éventuelles
responsabilités devant un vieillissement prématuré du bois clair, par nature
plus fragile que le bois foncé.
4 -
Les aléas techniques et les sujétions imprévues
Dans des conditions de programmation et de pilotage idéales, les
aléas techniques qui affectent les chantiers devraient constituer les
seules modifications de programme légitimes. De fait, ces incidents et
accidents existent. Mais ils sont en réalité relativement rares et relèvent
parfois moins de véritables « aléas » que d’une insuffisance des études
préalables.
65) Celles-ci reposaient pour l’essentiel sur la réservation du 5
ème
étage du bâtiment
de Franck Gehry, doté d’un éclairage zénithal, aux expositions temporaires alors que
celles-ci devaient prendre place au 7
ème
étage pour préserver la continuité du musée du
Cinéma entre les niveaux 3 et 5.
102
COUR DES COMPTES
L’exemple d’aléa technique le plus fréquemment invoqué parmi
les grands chantiers conduits ces dernières années est la découverte de
l’état de corrosion de la marquise du musée d’Orsay et des structures
porteuses du parvis Bellechasse. Rétrospectivement, cet épisode amène à
s’interroger sur le fait que l’établissement public du musée d’Orsay
chargé de la maîtrise d’ouvrage de la transformation de la gare au milieu
des années 1980 n’ait pas constaté qu’en plusieurs endroits, les
entreprises prestataires n’avaient pas renforcé les structures métalliques
qui constituent la charpente même du bâtiment, et s’étaient contentées de
les repeindre pour masquer les traces de corrosion. Le problème s’est en
effet posé pour la marquise, pour les verrières de la façade du quai
Anatole France, pour le parvis et pour le tympan Est. Par ailleurs, la
marquise étant classée au titre de la réglementation sur les monuments
historiques, elle devait en principe faire l’objet d’un suivi et au besoin
d’un entretien réguliers sous les auspices de l’architecte en chef des
monuments historiques territorialement compétent. Manifestement, ce
suivi n’avait pas permis, avant 1999, de déceler l’état de corrosion qui
minait le monument.
Cet épisode illustre en réalité la relativité de la notion d’aléa. En
effet, au moment où était signée la convention de mandat confiant à
l’EMOC la rénovation des espaces d’accueil, le fait que la marquise
souffrait de désordres était déjà connu, même si l’ampleur des travaux
nécessaires n’était pas encore évaluée. Le fait d’avoir lancé la première
opération sans disposer d’une programmation pour la seconde n’a peut-
être pas affecté le
volume
des travaux de chacune d’elles, mais il s’est
concrètement traduit par la nécessité de reprendre plusieurs fois les
études, représentant un coût net dans le bilan final. Si l’opération avait été
retardée de quelques mois pour mettre au point une programmation
unique associant espaces d’accueil
et
marquise, peut-être sa mise en
oeuvre aurait-elle été plus aisée.
La survenance d’aléas réellement imprévisibles est plus nette dans
le cas du musée du quai Branly. En effet, à peine les travaux de
terrassement étaient-ils lancés que la découverte de restes des bâtiments
de l’exposition universelle de 1937 devaient alourdir le marché de génie
civil, tandis qu’un peu plus tard, la découverte de vestiges archéologiques
insoupçonnés nécessitaient l’organisation d’une campagne de fouilles et
la suspension des travaux. Enfin, en juin 2005, ce sont les dégâts causés
par un orage «
tropical
» sur les locaux en sous-sol qui allaient nécessiter
une reprise des planchers. Au total, le musée évalue à 5 M€ les surcoûts
liés à ces aléas, chiffre qui ne prend pas en compte les effets de ces
incidents sur la calendrier de l’opération.
DES PROGRAMMES AUX TRAVAUX
103
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
____________
Le panorama dressé ci-dessus montre que la sous-estimation des
programmes initiaux et les modifications apportées aux programmes
ayant présidé au lancement des projets sont aussi diverses que
fréquentes. Sans doute y a-t-il quelque fatalité à ce phénomène s’agissant
d’opérations complexes étalées sur plusieurs années puisque même les
projets caractérisés par la stabilité de leurs grandes options et de leurs
équipes – tel le musée du quai Branly – y ont été exposés.
Pour autant, les effets de l’imprécision des enveloppes initiales et
de l’instabilité des programmes sur les dépassements de coûts et de délais
des opérations sont tels qu’il est impossible de s’en tenir à l’acceptation
résignée d’une programmation non maîtrisée. De même, si ces éléments
tempèrent la mise en cause de la compétence générale des services et
établissements maîtres d’ouvrage, ils renforcent plus qu’ils n’épuisent la
question de leur rôle en amont et des outils mis à leur disposition pour
respecter les délais et les coûts.
Outre la mise en place d’une programmation pluriannuelle à
l’échelle du ministère et la généralisation des schémas directeurs de site
évoqués précédemment, trois éléments peuvent contribuer à stabiliser le
programme des opérations.
-
Veiller, avant tout engagement de programme, à ce que le projet
scientifique et culturel ait été élaboré, concerté et validé, en
prenant en compte à la fois l’état sanitaire du bâtiment et les
contraintes tenant à la sécurité des équipements et, le cas
échéant des collections, aussi bien que des usagers ;
-
Fiabiliser les estimations initiales des projets
La Cour, à l’occasion des contrôles dont est issu le présent
rapport, a déjà recommandé que les enveloppes allouées aux projets
comprennent par avance l’actualisation du coût des travaux jusqu’à la
date prévue pour leur livraison ainsi qu’une provision pour aléas d’un
montant suffisant. Au-delà de la présentation plus sincère des enveloppes,
il apparaît indispensable de fiabiliser l’estimation initiale des projets.
Dans cette perspective, les opérateurs – relayés par leurs administrations
de tutelle – ont signalé leur volonté de renforcer l’expertise préalable des
maîtres d’ouvrage au stade du programme.
104
COUR DES COMPTES
-
Limiter les modifications de programme
En premier lieu, s’agissant de l’EMOC et du SNT qui oeuvrent
pour le compte de tiers, une clarification de leur responsabilité et une
affirmation de leur autorité apparaît indispensable pour « résister » aux
demandes de modifications en cours d’exécution. Dans cet esprit, les
opérateurs spécialisés devraient voir renforcée leur capacité d’expertise
des projets avant qu’ils en prennent la responsabilité.
En second lieu, la qualité et la stabilité des programmes résident
d’abord dans la précision de l’expression de leurs besoins par les
utilisateurs, puis dans les études préalables et le niveau de détail du
programme soumis au maître d’oeuvre.
Enfin, au regard des surcoûts et des retards entraînés par toute
modification en cours de travaux, il est indispensable que les maîtres
d’ouvrage politiques ou administratifs s’engagent à garantir la stabilité
des programmes face aux préférences changeantes susceptibles de se
manifester. Dans cette perspective, le chiffrage systématique du coût des
ajustements demandés est le seul moyen d’identifier les conséquences des
changements de programme à l’échelle de l’opération, et non pas
seulement selon l’horizon temporel des dirigeants les plus récents.
La commission ministérielle des projets immobiliers (CMPI)
évoquée précédemment pourra y contribuer. Néanmoins, l’enjeu, pour les
administrations et les maîtres d’ouvrage consiste à faire en sorte que les
décisions de programmation soient pleinement justifiées. C’est en ce sens
que la rationalisation de la programmation des grands chantiers est
indissociable d’une amélioration des outils de suivi et de pilotage pour
convaincre chacun que le respect des coûts et des délais sont des
impératifs de l’action et constituent le coeur de la responsabilité des
maîtres d’ouvrage.
DES PROGRAMMES AUX TRAVAUX
105
II
-
Des outils de pilotage à renforcer
L’instabilité de la programmation est encouragée par les
insuffisances des outils de suivi des coûts et des délais. Celles-ci
contribuent à déresponsabiliser les différents acteurs des projets puisque
les conséquences des décisions prises en cours d’exécution ne sont jamais
chiffrées avec précision et la responsabilité des dépassements n’est jamais
clairement attribuée.
Ces insuffisances se manifestent dès le lancement des projets, par
l’absence de chiffrage reconnu par tous comme un coût d’objectif de
référence. Elle se poursuit en cours d’exécution à travers un suivi
imprécis des évolutions de coûts et de délais, et l’absence de bilan
économique des opérations permettant d’identifier les différentes
composantes des dépassements et, par suite, leurs responsables.
A - L’absence de coût prévisionnel de référence
Le coût prévisionnel constitue, avec le calendrier du projet, le
fondement même du cahier des charges remis aux services constructeurs.
C’est à l’aune du respect de ce coût que devrait être appréciée et évaluée
la performance de ces derniers.
Pourtant, les budgets alloués au moment du lancement du projet
sont le plus souvent estimés de manière globale, voire approximative.
Mais surtout, ils ne sont que rarement utilisés comme référence dans
l’évaluation finale des chantiers, celle-ci prenant pour base de départ, non
le coût estimé au moment du lancement de l’opération, mais très souvent,
les derniers coûts d’objectif validés, qui peuvent être à peine antérieurs au
terme des travaux. De ce fait, le suivi rétrospectif de la mise en oeuvre du
programme initial et
l’appréciation du dépassement de l’enveloppe
financière allouée au projet sont rendus difficiles et sujets à caution.
1 -
Le caractère global des enveloppes initiales
Chaque opération donne lieu, au moment de son lancement, à la
fixation d’une enveloppe prévisionnelle. Mais celle-ci fait l’objet d’une
formalisation variable selon les opérateurs. Dans le cas de l’EMOC, le
recours à une convention de mandat présente l’intérêt, par rapport aux
formules de maîtrise d’ouvrage directe, d’en fixer le montant pour
l’ensemble de l’opération, même si celui-ci est loin de jouer le rôle d’un
coût d’objectif vis-à-vis duquel le mandataire serait engagé.
106
COUR DES COMPTES
Jusqu’à une date récente, le SNT ne disposait en revanche d’aucun
coût d’objectif avant l’estimation réalisée par les ACMH au terme de
leurs études préalables. Depuis 2005, le service a intégré dans son
système d’information une estimation initiale des projets, à laquelle
s’ajoute une estimation « recadrée » qui ne s’y substitue pas.
Le musée du quai Branly, quant à lui, a reçu dès l’origine une
enveloppe de 1,1 MdF (167,7M€) consignée dans le pré-programme
adopté par sa mission de préfiguration en décembre 1998, et reprise dans
le programme adopté par son conseil d’administration en mai 1999.
Au-delà de la qualité même des estimations initiales évoquée
précédemment, les enveloppes initiales présentent deux limites. En
premier lieu, elles sont systématiquement calculées au moyen de ratio de
coût par m². Cette méthode ne permet pas de distinguer, au sein du
budget, les moyens alloués au contenant de ceux alloués au contenu.
Ainsi, dans le cas du musée du quai Branly, le pré-programme adopté en
juin 1998 était présenté en termes de surfaces à construire et
d’aménagements. La deuxième version de ce programme comportait
davantage de détail, mais demeurait fondée sur les surfaces, sans
distinguer la part des dépenses liées au projet muséologique.
En second lieu, les enveloppes sont le plus souvent présentées de
manière globale, sans préciser la répartition du budget entre les différents
éléments de programme. Quand une répartition est fournie, celle-ci a une
portée indicative et n’est pas toujours suivie dans le temps. Ainsi, la
convention de mandat relative au théâtre national de l’Odéon distinguait
bien les travaux de gros oeuvre, les lots techniques, les aménagements
intérieurs et la rénovation de l’appareil scénique. Mais dès le premier
avenant, il n’était plus fait référence qu’à deux sous-ensembles du
programme – les travaux et « le reste ». De même, le programme du
musée du quai Branly adopté en 1999 comportait une répartition par sous-
chantiers qui n’a pas été reprise dans la décomposition retenue à partir de
2001, distinguant la construction du bâtiment, les collections, la
médiathèque, l’informatique et le multimédia.
Cette absence d’estimation détaillée des différents postes de
dépenses empêche toute évaluation fiable de la mise en oeuvre du
programme et
du respect de l’enveloppe financière initiale du projet.
DES PROGRAMMES AUX TRAVAUX
107
2 -
Le coût prévisionnel : enveloppe initiale ou dernière enveloppe
validée ?
Lorsqu’elle existe, l’enveloppe initiale attribuée à un projet sert
rarement de référence aux évaluations en fin de parcours. Une fois
arbitrées, les modifications de programme sont en effet le plus souvent
considérées comme faisant pleinement partie du programme, dont la
version amendée constitue le nouveau point de départ
à l’aune duquel les
résultats des chantiers et la qualité de la maîtrise d’ouvrage seront
mesurés. De ce fait, l’existence de multiples modifications arbitrées à un
niveau politique tend à délier les maîtres d’ouvrage de leurs engagements
initiaux.
Cette pratique, largement répandue, revient à considérer que la
comparaison entre l’enveloppe initiale allouée aux projets et leur coût
final n’aurait pas de sens. Ce faisant, les responsables des chantiers tirent
souvent argument des insuffisances de leurs propres programmes ou de
ceux qu’ils ont accepté de prendre en charge pour justifier leurs
dépassements de coûts.
Ainsi, pour construire ses indicateurs de performance relatifs à
chaque chantier, l’EMOC fait référence au montant du dernier avenant à
la convention de mandat correspondante, en arguant que celui-ci a été
validé par son mandant. De même, le SNT retient comme coût de
référence dans la construction de ses indicateurs le montant de
l’autorisation d’engagement affectée à chaque opération après les
éventuels ajustements. Est ainsi neutralisé l’ensemble des modifications
de programme qui ont pu intervenir entre le lancement de l’opération et la
mise en place des crédits.
Dans le cas du musée du quai Branly, l’établissement retient
couramment dans les bilans présentés à ses tutelles comme coût d’objectif
le dernier montant acté en réunion interministérielle en 2001, voire en
2004, au motif que ces modifications ont été validées par ses
commanditaires politiques. Selon cette logique, le coût d’objectif initial
de 167,7 M€ (correspondant à un montant actualisé à la date
d’achèvement initialement prévue de 204,7 M€) est rendu caduc par les
arbitrages rendus ultérieurement, qui ont entériné un nouveau budget
prévisionnel à 216,5 M€ puis 235,6 M€. Symétriquement, pour un coût
final de 290,1M€, l’écart entre l’enveloppe initiale et le coût final du
projet est ramené de 42 % (par rapport à 204,7 M€) à 34 % puis 23 %.
108
COUR DES COMPTES
Cette divergence de méthode explique comment, sortie de son
contexte et prise indépendamment de ses objectifs de départ, une même
opération peut être considérée comme mitigée par ses financeurs et
réussie par ses responsables ou ses bénéficiaires. Ainsi, en dépit du coût
et du calendrier de l’opération, le président de l’EMOC indique-t-il à
propos de l’Odéon :
« En ne s’en tenant qu’aux études et aux travaux
dont l’EMOC avait la charge, on peut considérer que l’opération s’est
déroulée normalement, sans aléas ni retards particuliers »
66
.
De même,
le président de la Cinémathèque a-t-il salué le résultat obtenu :
« Les
travaux menés par l’EMOC ont été livrés dans les délais convenus suite à
la redéfinition du projet, avec des équipements en ordre de marche »
67
.
Plus largement, cette question illustre le conflit entre la notion
d’enveloppe initiale, qui renvoie au principe d’autorisation budgétaire et
aux termes financiers d’un arbitrage politique, et la logique du secteur du
bâtiment et des travaux publics, qui fait évoluer les projets au gré des
moyens disponibles. Or, si la logique d’enveloppe apparaît parfois
inadaptée à ce monde fait d’aléas et de propositions d’améliorations
in
situ
, elle est indispensable à la programmation rigoureuse des chantiers de
quelque importance. Dans cette perspective, la formalisation d’un coût
prévisionnel initial et son maintien dans le temps comme coût de
référence apparaît non seulement conforme au droit mais également
indispensable en fait, tant pour garantir le respect des enveloppes et délais
impartis que pour apprécier la qualité de la maîtrise d’ouvrage dans son
ensemble.
B - Le suivi des délais : un pilotage insuffisant
Le suivi des délais fait l’objet d’un traitement très différencié d’un
établissement à l’autre : fin pour l’EPMQB, il est imprécis pour l’EMOC.
Le SNT s’est quant à lui doté depuis 2005 d’un outil précis qui permet de
suivre l’évolution du calendrier des opérations dans le temps, mais celui-
ci est davantage utilisé pour la programmation que pour l’évaluation des
résultats.
Mais, par delà la qualité des tableaux de bord, les trois organismes
ont en commun l’absence de chiffrage des conséquences financières des
décalages de calendrier.
66) Lettre du 13 février 2007 en réponse aux observations provisoires de la Cour.
67) Lettre du 8 février 2007 en réponse aux observations provisoires de la Cour.
DES PROGRAMMES AUX TRAVAUX
109
1 -
Des tableaux de bord de qualité variable
Pour le suivi des délais et de l’avancement du chantier, l’EPMQB
s’est doté d’une série d’outils permettant d’assurer un niveau élevé
d’information, notamment vis-à-vis de ses tutelles. Celles-ci ont pu suivre
le déroulement du chantier au conseil d’administration, qui comportait
systématiquement à son ordre du jour un point sur l’avancement de
l’opération et l’évolution de la date prévisionnelle d’achèvement du
chantier. L’établissement a également réalisé, en liaison avec le pilote des
cinq sous-chantiers, des tableaux de bord détaillés régulièrement diffusés,
notamment dans les rapports d’activité annuels.
Tel n’est pas le cas des opérations menées par l’EMOC, marquées
par une faible information sur l’évolution du calendrier. Ainsi, pour la
rénovation du théâtre de l’Odéon, le décalage des travaux de janvier 2001 à
septembre 2002 n’a été entériné que le 16 décembre 2002 dans le
3
eme
avenant à la convention de mandat. Le second décalage de septembre
2004 à septembre 2005 a quant à lui été évoqué sans plus de détails dans le
4
eme
avenant signé le 23 avril 2004. Certes, l’absence de suivi régulier du
calendrier dans les avenants n’a pas empêché la bonne information du
mandataire et de l’utilisateur sur les délais. Néanmoins, cette pratique
traduit la faiblesse du pilotage des délais dans les opérations tant par le
mandant que par l’établissement mandataire, de la fixation du calendrier
initial (le plus souvent sous-estimé) à la date finale de remise de l’ouvrage.
Le SNT, pour sa part, a mis en place depuis 2005 un outil de pilotage
des coûts et des délais qui permet de générer des calendriers de réalisation
et d’en suivre l’évolution en fonction des retards constatés aux différents
stades des projets. Cet outil se révèle particulièrement utile en cours
d’exécution pour informer les différents partenaires de l’évolution du
calendrier et chiffrer l’impact des modifications de programmes envisagées.
En revanche, il n’est pas utilisé – à ce stade – pour réaliser le bilan des
opérations. En effet, comme pour le calcul des enveloppes initiales, le SNT
retient dans le calcul de ses indicateurs de délais le dernier calendrier validé
et non le calendrier de réalisation initialement prévu au lancement du projet.
Ce mode de calcul, qui absorbe les dépassements de délais dès lors qu’ils
ont fait l’objet d’une validation, a donc un caractère auto-réalisateur qui
explique les résultats particulièrement satisfaisants affichés par le service en
terme de délais. Ceux-ci ne correspondent pourtant pas à la réalité des
chantiers.
110
COUR DES COMPTES
2 -
L’absence de chiffrage du coût des allongements de calendrier
Le caractère imprécis du pilotage des calendriers a pour corollaire
l’absence de chiffrage des dépassements de délais dans le coût final des
opérations. En effet, quelle que soit la méthode de calcul employée
68
, les
révisions de prix sont toujours appliquées sur l’ensemble de la durée du
projet, sans distinction selon qu’elles s’appliquent au programme initial ou
à ses modifications, et au calendrier initial ou aux délais supplémentaires.
Cette approche tend à majorer la part des révisions de prix dans le
montant total des opérations, à minimiser les extensions de programme et à
neutraliser le coût des dépassements de calendrier.
Dans ce contexte, les outils mis en place par l’EMOC pour le
pilotage de la Cinémathèque font figure d’exception. Ainsi, l’avenant n° 2 à
la convention de mandat introduit la notion de « dépassement de
calendrier » et permet de distinguer les révisions selon qu’elles relèvent du
calendrier initial ou de l’allongement des délais. La part significative de ce
dernier (28% à 47% du surcoût selon le mode de calcul) montre à quel point
il exigerait d’être systématiquement calculé dans les autres opérations.
C - L’absence de bilan économique des opérations
A l’autre extrémité de la chaîne, au cours de l’exécution du projet et
jusqu’à son achèvement, les outils de bilan présentent également plusieurs
faiblesses. Même si les cas demeurent rares, les outils budgétaires et
comptables ne permettent pas toujours d’établir le coût final d’une
opération avec certitude. Encore ne s’agit-il le plus souvent que d’un coût
final en termes d’enveloppe d’investissement, puisque des composantes
comme le coût de la maîtrise d’ouvrage interne, par exemple, ne sont jamais
comprises dans ces bilans. C’est ce qui explique qu’aucune opération ne
donne lieu à un véritable « coût complet » pour la collectivité publique.
Plus généralement, les outils de suivi des coûts et des délais ne
permettent pas de détailler les composantes du coût final selon qu’elles
relèvent de modifications de programme, des aléas de chantier ou de
l’allongement de calendrier. En corollaire, les tutelles et établissements ne
disposent d’aucune information suffisamment précise pour attribuer la
responsabilité des dépassements et évaluer la qualité de la maîtrise
d’ouvrage.
68) Révisions calculées au fur et à mesure de l’avancée du projet comme dans le cas
du musée du quai Branly ou révision globale à l’achèvement des travaux comme dans
le cas de l’EMOC.
DES PROGRAMMES AUX TRAVAUX
111
1 -
L’incertitude qui entoure le coût final de certaines opérations
S’agissant d’opérations d’investissement, le coût final des grands
chantiers est établi à partir des décomptes généraux définitifs des travaux
(DGD) qui soldent les différents marchés. Pour l’EMOC et le SNT,
l’établissement du coût final ne pose pas de difficulté, les deux
établissements disposant d’une application de gestion des marchés
permettant d’agréger le montant des marchés relatifs à une opération.
Il ne s’agit cependant pas ici d’un coût « complet » qui intègrerait,
par exemple, le coût de la maîtrise d’ouvrage et les dépenses constatées
du côté des mandants ou des directions de tutelle ainsi que du côté des
futurs utilisateurs. Mais ces bilans de marchés correspondent du moins à
un bilan du coût des missions travaux commandés aux prestataires
extérieurs à l’administration.
La reconstitution de ce coût pour le musée du quai Branly n’est pas
aussi aisée. Au moment de la création de l’établissement, les méthodes
retenues pour l’élaboration du budget et des comptes ont été précisément
conçues pour suivre et maîtriser l’enveloppe d’investissement allouée au
projet. Néanmoins, celles-ci ont connu des exceptions croissantes, qui ont
troublé le suivi coût complet de l’opération, comme en l’a confirmé le
ministère de la culture au cours de la phase contradictoire :
« Le ministère
de la culture et de la communication rejoint la Cour lorsque celle-ci
pointe la difficulté à mesurer un coût complet des travaux du musée.
Cette difficulté s’explique de deux façons : les changements apportés au
système de comptabilisation des coûts de construction d’une part et,
d’autre part, l’impossibilité de dissocier précisément les coûts de
fonctionnement proprement dits des coûts d’aménagement du musée au
cours des années 1999 à 2006 ».
Pour le reconstituer, il convient d’ajouter au bilan établi par le
musée les dépenses rattachables à la construction comptabilisées sur le
budget de fonctionnement, et les dépenses de personnel et de
fonctionnement des chantiers réalisés en régie (notamment le chantier des
collections). Selon cette méthode, le coût complet de l’opération
aujourd’hui avancé par l’établissement à hauteur de 266 M€
69
s’élève en
réalité à 290,1 M€.
Par la spécificité du cadre budgétaire et comptable mis en place par
l’établissement, le cas du musée du quai Branly constitue une exception.
Néanmoins, l’incertitude qui entoure aujourd’hui encore le coût final de
69) Le chiffre avancé par l’établissement de 266,1M€ est porté à 269,1 M€ en tenant
compte des derniers décomptes définitifs de travaux disponibles.
112
COUR DES COMPTES
cette opération illustre la faiblesse des outils de pilotage disponibles, tant
dans les établissements qu’au ministère.
2 -
La méconnaissance des composantes du coût final
Même lorsque le montant final d’une opération est connu, celui-ci
demeure présenté de manière globale. Les outils de suivi financiers
actuels ne permettent en effet pas de détailler la part des différentes
facteurs de dépassement de coût – allongement du calendrier,
modifications de programme, aléas. Certes, dans la majorité des cas, une
décomposition sommaire vient appuyer les demandes budgétaires
supplémentaires présentées aux tutelles. Ainsi, dans le cas du musée du
quai Branly, il est possible de reconstituer
a posteriori
les demandes
formulées en cours de projet :
Evolution du budget d’investissement du musée du quai Branly
CA juin 1999
Programme initial
167,7 M€
Compléments de programme (Médiathèque,
multimédia, informatique)
22,9 M€
Réunion
interministérielle
du 7 juin 2001
Actualisation jusqu’en 2005
25,9 M€
Dépenses imprévues
3,4 M€
Dépenses imprévisibles
3,7 M€
Aléas techniques
3,1 M€
Réunions
interministérielles
des 12 juillet et 9
septembre 2004
Complément d’actualisation (taux constaté)
8,9 M€*
Modifications de programme
15 M€
Dépenses imprévisibles et aléas
5 M€
Dépenses de sécurité
7 M€
Compléments de premier équipement
5 M€
CA 3 avril 2006
Complément d’actualisation
8 M€
Total
272,5 M€
70
Source : procès-verbaux des réunions interministérielles et des conseils
d’administration de l’EPMQB
* dont 3 M€ autofinancés, non repris dans le total général.
70)
Ce
montant
constitue
le
bilan
prévisionnel
communiqué
au
conseil
d’administration peu avant l’inauguration. Dix-huit mois plus tard, l’établissement a
établi le bilan de l’opération à 266 M€. Comme il a été indiqué, la Cour ne s’en tient
pas à ce chiffre qui recouvre les seules dépenses d’investissement et exclut certaines
dépenses rattachables à l’opération imputées sur le budget de fonctionnement.
DES PROGRAMMES AUX TRAVAUX
113
Néanmoins,
outre
qu’il
est
sujet
à
caution
du
fait
de
l’impermanence des méthodes, ce chiffrage présente une faiblesse
puisqu’il n’est jamais repris sous une forme symétrique en exécution dans
les documents de suivi des dépenses. De même, dans les avenants et
documents de suivi des marchés, la part des aléas et des modifications de
programme sont confondues dans le coût final du projet.
Ainsi, les établissements ne disposent pas d’outils capables de
rendre compte au fur et à mesure du chantier des évolutions du coût en les
rapportant à des objectifs initiaux précis et en les classant par grandes
catégories d’ajustements (révision selon calendrier initial, allongement de
calendrier, aléas et changement de programme).
En recalculant les actualisations et le coût des allongements de
calendrier sur la base des indices des prix à la construction effectivement
constatés, il est possible de reconstituer le coût global des modifications
de programme. Dans le cas de la Cinémathèque française, du Théâtre
national de l’Odéon et du musée du quai Branly, la part de l’enveloppe
initiale actualisée dans le coût final des opérations s’élève ainsi
respectivement à 78 %, 73 % et 68 % et la part des allongements de
calendrier à 13 % pour la Cinémathèque et 7 % et 6 % pour les deux
autres. La part des modifications de programme est ainsi portée à 9 %,
10 % et 18 % pour chacune des opérations.
Composantes du coût final des opérations Cinémathèque, Odéon et Quai Branly
0%
20%
40%
60%
80%
100%
Cinémathèque
Odéon
Branly
Autres
Modifications de programme
Allongement de calendrier
Révisions de prix
Enveloppe initiale
114
COUR DES COMPTES
Au total, les documents de suivi présentent, pour l’ensemble des
marchés d’une opération (maîtrise d’oeuvre, assistance à maîtrise
d’ouvrage, travaux et autres), le montant initial et les montants finaux des
engagements et mandatements. A ce titre, ils constituent un outil de
gestion budgétaire et comptable efficace des marchés. En revanche, ils ne
permettent ni de piloter les délais et les coûts en cours d’exécution, ni de
dresser un bilan économique en fin d’opération. Par suite, il est
impossible d’établir clairement les responsabilités de chacun dans le
dépassement du coût initial des projets, (alors même que celui-ci peut
représenter plus de 40 % du coût final), ni d’évaluer la performance de la
maîtrise d’ouvrage avec exactitude.
Sur ces deux sujets, les administrations tutélaires ont manifesté
leur intention de disposer, à l’avenir, d’outils de suivi à la fois plus précis,
et plus homogènes entre les opérateurs. Alors que le ministère a fait part à
la Cour de son souci de mettre en place des outils de suivi et de bilan
« partagés » avec les opérateurs, la direction du budget a manifesté son
souhait qu’à l’avenir, les révisions d’enveloppes puissent clairement
identifier les facteurs d’évolution du coût du projet, en distinguant ce qui
relève de l’allongement de calendrier, du changement de programme, des
aléas, de l’indice de l’évolution du coût dans le secteur du bâtiment
.
Cette nécessité est d’autant plus forte s’agissant d’opérateurs
comme l’EMOC ou le SNT, mais aussi dans un registre différent
l’EPQMB, qui doivent précisément contribuer à une professionnalisation
du métier de maîtrise d’ouvrage.
D - Une inconnue : le coût de la maîtrise d’ouvrage
Au cours des dernières années, aucun des grands chantiers du
ministère de la culture n’a donné lieu, au préalable, à une évaluation du
coût de sa maîtrise d’ouvrage, que ce soit sous forme d’un budget
spécifique ou d’une allocation de moyens. Symétriquement, au terme des
chantiers, aucun coût rétrospectif n’a jamais été calculé. Le dispositif
institutionnel, il est vrai, ne créé aucune obligation en ce sens, et incite
même à considérer que la maîtrise d’ouvrage est toujours gratuite.
Cette situation présente deux inconvénients importants : elle
oblitère un élément du coût complet des grand chantiers ; et elle empêche
toute évaluation rigoureuse de la performance des maîtres d’ouvrage en
titre (SNT, établissements comme l’EPMQB) ou mandataires (EMOC)
puisque les résultats constatés des opérations ne sont jamais rapportés aux
moyens mobilisés.
DES PROGRAMMES AUX TRAVAUX
115
1 -
Trois modalités d’exercice de la maîtrise d’ouvrage
Par delà les structures, les modalités d’exercice de la maîtrise
d’ouvrage varient selon les opérateurs. Celles-ci dépendent en effet du
régime juridique applicable selon que les bâtiments sont classés
monuments historiques ou relèvent du régime de droit commun défini par
la loi du 12 juillet 1985 dite loi MOP
71
. Mais c’est surtout l’étendue des
attributions reconnues au maître d’ouvrage, en droit ou en fait, qui fait le
partage entre les trois maîtrises d’ouvrage expérimentées en matière de
grands projets.
a)
Le SNT, maître d’ouvrage direct du ministère
Créé pour « soulager » la DRAC d’Ile-de-France d’un certain
nombre d’opérations, le SNT constitue le bras armé du ministère.
Initialement conçu comme un conducteur d’opération, c’est-à-dire
comme prêtant une «
assistance générale à caractère administratif,
financier et technique
» selon les termes de la loi du 12 juillet 1985, celui-
ci s’est peu à peu imposé comme maître d’ouvrage de plein exercice.
Cette évolution a été consacrée par une rédaction sans ambiguïté dans
l’arrêté du 3 mai 2002 qui énumère les missions du service.
Depuis cette date, le SNT exerce en principe l’ensemble des
attributions du maître d’ouvrage énoncées par la loi MOP
72
, à l’exception
du financement des opérations vis-à-vis duquel il est tributaire des
affectations budgétaires décidées par les directions d’administration
centrale. Sur le plan opérationnel, cette position se traduit par un dialogue
à trois au moment de la programmation, entre les directions de
rattachement, le SNT et la direction ou l’établissement utilisateur. En
phase d’exécution en revanche, le SNT est maître d’ouvrage en titre. Mais
même en situation de responsabilité, le service se conçoit comme un
« prestataire de service », dans un rapport bilatéral avec l’utilisateur du
bâtiment concerné.
71) Loi n°85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses
rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée
72) Aux termes de l’
article 2 de la loi MOP,
« Il appartient [au maître
d’ouvrage], après s'être assuré de la faisabilité et de l'opportunité de
l'opération envisagée, d'en déterminer la localisation, d'en définir le
programme, d'en arrêter l'enveloppe financière prévisionnelle, d'en assurer
le financement, de choisir le processus selon lequel l'ouvrage sera réalisé et
de conclure, avec les maîtres d'oeuvre et entrepreneurs qu'il choisit, les
contrats ayant pour objet les études et l'exécution des travaux.
»
116
COUR DES COMPTES
Le SNT jouit ainsi de larges prérogatives pour la maîtrise
d’ouvrage des bâtiments dont il a la charge, nuancées par le rôle des
architectes en chef des monuments historiques dans la mise au point des
programmes et par la dépendance du service vis-à-vis du ministère pour
la mise en place de ses crédits.
Mais compte tenu du rôle prépondérant des directions du ministère,
voire du cabinet du ministre en termes de programmation des opérations,
cette situation n’est pas très différente en pratique de celle que connaît
l’EMOC en tant que maître d’ouvrage mandataire.
b)
L’EMOC, maître d’ouvrage mandataire
A l’exception des ultimes opérations du programme Grand Louvre,
aujourd’hui marginales, que l’établissement mène en maîtrise d’ouvrage
directe, l’EMOC a été conçu comme un maître d’ouvrage mandataire du
ministère de la culture et de ses établissements publics, qui exerce ses
missions à titre gratuit.
L’étendue des attributions confiées à l’établissement est ainsi
renvoyée aux dispositions de la loi MOP relatives au mandat de maîtrise
d’ouvrage et à la conclusion, pour chaque opération, d’une convention
avec l’administration ou l’établissement concernés. Aux termes de ces
textes, la programmation en amont, la fixation de l’enveloppe financière,
le pouvoir de validation des titulaires des marchés et des avant-projets et
le pouvoir de contrôle et de sanction sur le mandataire sont en droit les
prérogatives
du
maître
d’ouvrage
mandant,
c’est-à-dire
de
l’administration centrale. Le maître d’ouvrage mandataire, quant à lui, est
responsable de l’exécution du projet et du respect du programme, de
l’enveloppe et du calendrier fixés dans les conventions de mandat.
En pratique toutefois, le mandat confié à l’établissement peut
s’écarter de la lettre de la loi MOP.
En premier lieu, lorsqu’il se voit confier les études préalables,
l’EMOC est amené à contribuer largement – sur la base d’un pré-
programme et d’un budget souvent à peine ébauchés – au programme, à
la fixation de son coût et à l’étude des conditions administratives et
techniques selon lesquelles l’ouvrage sera réalisé. Par suite, le mandant
confie à l’établissement des responsabilités qui excèdent les limites
habituelles du mandat. C’est par exemple ce qui s’est passé dans le cas du
centre des archives de Pierrefitte, en cours de réalisation, pour lequel
l’EMOC a été saisi très en amont et a pris en charge les études dès le
stade de la recherche d’un terrain.
DES PROGRAMMES AUX TRAVAUX
117
En deuxième lieu, dans le cas d’opérations réalisées pour le compte
d’établissements publics ou de ministères distincts du ministère de la
culture
73
, la relation entre mandant et mandataire est étendue à l’utilisateur
futur du bâtiment. De mandataire, l’établissement devient alors également
médiateur et n’est plus seulement jugé sur sa capacité à réaliser ses objectifs
initiaux mais aussi sur son aptitude à concilier les intérêts en présence.
Enfin, la gratuité qui caractérise les mandats exercés par l’EMOC
prive le maître d’ouvrage d’un mécanisme de pénalisation et de tout moyen
de mettre en jeu la responsabilité de son mandataire. L’introduction de
pénalités se heurterait, il est vrai, à une difficulté puisque pour être
effective, elle supposerait
de facto
ou
de jure
l’abandon de la gratuité du
mandat et, par suite, sa soumission au droit de la commande publique. En
effet, c’est parce que l’EMOC exerce ses missions à titre gracieux qu’il est
soustrait aux règles de mise en concurrence.
c)
Le musée du quai Branly, maître d’ouvrage autonome
Parmi les différents maîtres d’ouvrage du ministère de la culture,
seul l’EPMQB peut être considéré comme ayant été placé en situation de
pleine responsabilité, une fois les arbitrages politiques de principe rendus.
Au terme de son décret statutaire de 1998, l’EPMQB avait pour
mission de
« concevoir et de réaliser ou faire réaliser un ensemble culturel
original à caractère muséologique et scientifique »
. Si l’établissement n’a
pas eu compétence sur la décision « d’opportunité » du projet et ne
maîtrisait que partiellement son financement, ses statuts lui reconnaissaient
donc une compétence de plein exercice sur la maîtrise d’ouvrage de
l’opération, et notamment la programmation, la validation des projets et le
choix de prestataires.
Au-delà de ce dispositif réglementaire, c’est l’organisation et
l’exercice de la maîtrise d’ouvrage par l’équipe de l’établissement qui ont
façonné les contours de sa mission. En pratique, la direction de la maîtrise
d’ouvrage de l’EPMQB a opté pour une prise en charge systématique des
missions « frontières » entre maîtrise d’ouvrage et maîtrise d’oeuvre, au
stade du projet jusqu’au pilotage du chantier. En prenant en charge tout à la
fois la conception du programme détaillé et l’expertise du projet du maître
d’oeuvre, la coordination des chantiers en interne, et la coordination des
acteurs extérieurs du projet, l’établissement a exercé une maîtrise d’ouvrage
large et volontariste, conforme à la lettre du cadre juridique issu de la loi du
73) Par exemple l’université Paris VII Denis Diderot.
118
COUR DES COMPTES
12 juillet 1985 mais rarement concrétisée dans les grands chantiers
publics
74
.
Sur le plan opérationnel, le régime de l’établissement constructeur-
utilisateur concentre la compétence de maîtrise d’ouvrage en un seul point,
l’utilisateur. Cette configuration
apparaît plus
responsabilisante.
A
l’inverse, elle ne permet aucune mutualisation des moyens et ne laisse aux
tutelles qu’une
fonction de surveillance et de suivi des chantiers
plus ou
moins active selon le degré de protection politique dont bénéficie le projet.
Dans le cas du musée du quai Branly, il est peu contestable que
l’établissement a bénéficié d’une très large autonomie programmatique,
financière et opérationnelle, dont rendent compte, par exemple, les
arbitrages systématiquement favorables rendus sur ses demandes dans les
réunions interministérielles
75
.
2 -
Les moyens des maîtres d’ouvrage
Si l’étendue des missions de maîtrise d’ouvrage varie d’un
organisme à l’autre, le SNT, l’EMOC et l’EPMQB ont en commun un
même type d’organisation. Celle-ci est caractérisée par la constitution
d’équipes par projets sous la responsabilité de « chefs de projets » à
l’EMOC et à l’EPQMB ou de « chargés d’affaires » au SNT, auxquels
s’ajoutent des services généraux chargés des fonctions d’appui.
Le SNT est organisé en six départements : un département des
affaires juridiques et contentieuses, un département chargé de coordonner
les études et la programmation et quatre départements de conduite
d’opération. Ses effectifs sont en baisse régulière depuis 2002, de même
que son coût de fonctionnement :
Effectifs et budget du SNT 2002-2005
2002
2003
2004
2005
Effectifs
57
56
53
53
Budget (personnel + fonctionnement)
2 376 980
2 343 979 2 309 084
2 211 218
* Conservateurs du patrimoine, architectes et urbanistes, documentalistes
Source : SNT
74) Selon ses concepteurs, cette pratique de la maîtrise d’ouvrage est précisément
issue de l’expérience accumulée sur plusieurs chantiers antérieurs, notamment l’Opéra
Bastille, la BNF et le réaménagement du Centre Pompidou dont une grande partie de
l’équipe de maîtrise d’ouvrage est issue, notamment le directeur et son adjoint.
75) Notamment sur les modalités de financement des chantiers supplémentaires qui
ont été budgétés à hauteur des demandes de l’établissement alors que la direction du
budget mais aussi la direction de l’administration générale du ministère de la culture
parvenaient à un chiffrage inférieur.
DES PROGRAMMES AUX TRAVAUX
119
De 1999 à 2005, les effectifs de l’EMOC quant à eux sont
demeurés stables. L’ensemble de la direction « Opérations », à laquelle il
convient d’ajouter le service des études et celui des marchés, a presque
continûment représenté 62 personnes (60 en 2002), sur les 86 à 88 agents
permanents de l’établissement :
Effectifs et budget de l’EMOC 2002-2005
2002
2003
2004
2005
Effectifs
85
87
88
88
Budget (personnel + fonctionnement)
6 814 584
6 977 492
6 976 012
6 959 806
Source : EMOC
Il est plus difficile d’évaluer avec précision les moyens dont s’est
doté l’EPMQB pour assurer la maîtrise d’ouvrage du futur musée puisque
dès sa création, l’établissement a développé d’autres activités qui
anticipaient sur son exploitation (acquisition d’oeuvres, mise au point
d’une politique de recherche, préparation des premières expositions…).
De surcroît, l’intégration des dimensions de « contenant » (bâtiments) et
de « contenu » (muséographie, traitement des collections, multimédia…)
a conduit le musée à mettre en place une direction de la maîtrise
d’ouvrage très présente auprès des autres directions. A l’inverse, l’équipe
chargée de conduire la réalisation des travaux a commencé à se dissoudre
à l’approche de leur achèvement, et a été intégrée dans la nouvelle
direction des moyens techniques et de la sécurité créée en 2005 en lieu et
place de l’ancienne direction de la maîtrise d’ouvrage.
Malgré ces difficultés, la Cour, en cherchant à évaluer le coût des
différentes maîtrises d’ouvrage (cf. ci-dessous), a estimé que sur les
quelque 51,36 M€ de dépenses de personnel et de fonctionnement courant
cumulées de janvier 1999 à juin 2006 par l’EPMQB, les moyens dédiés à
la maîtrise d’ouvrage pouvaient être estimés à environ 13,78 M€.
3 -
Le coût de la maîtrise d’ouvrage
A l’occasion de ses contrôles, la Cour s’est efforcée de calculer
deux indicateurs d’efficience susceptibles d’être appliqués aux trois
maîtres d’ouvrage qu’elle avait contrôlés (EMOC, SNT, EPMQB) : le
montant des engagements par agent et le coût complet du million engagé.
En dépit de l’intérêt de la démarche, ces chiffres ne rendent pas
suffisamment compte de la diversité des modalités d’intervention qui
caractérisent les trois opérateurs. Par exemple, le montant des
engagements par agent oblitère les effets du nombre d’opérations gérées
par les services, qui se répercute lui-même sur le nombre de marchés et le
120
COUR DES COMPTES
nombre d’actes pris pour leur gestion. Or, les différences sont ici
considérables
76
. De même, le coût du million engagé ne rend pas compte
des différences de complexité entre opérations.
Toutefois, ce type d’indicateur recouvrant l’ensemble des chantiers
conduits par les maîtres d’ouvrage, peut, s’il est employé avec prudence,
avoir son utilité.
Mais plus encore que des instruments de mesure analytiques, ce
sont de véritables budgets de maîtrise d’ouvrage qui devraient être alloués
aux opérations. Afin d’en cerner les enjeux et les contours, la Cour s’est
employée à reconstituer
a posteriori
, pour certains chantiers, le coût de la
maîtrise d’ouvrage.
Au niveau le plus global, tout d’abord, le montant cumulé des
dépenses de maîtrise d’ouvrage du SNT, de l’EMOC et du musée du quai
Branly entre 1999 et 2006 s’élève à 90 M€
77
pour 1,21 Md€
d’engagements et 2,27 Md€ d’opérations programmées sur la même
période, soit respectivement 7,4 % et 3,9 %. Ce chiffre moyen ne donne
qu’une indication très grossière du coût de la maîtrise d’ouvrage sur un
ensemble disparate d’opérations, mais il suffit à convaincre que la part de
la maîtrise d’ouvrage dans le coût complet des projets est suffisamment
significative pour qu’elle doive être budgétée et décomptée.
A l’issue du contrôle qu’elle a conduit sur l’activité de l’EPMQB
depuis sa création, la Cour a estimé que la maîtrise d’ouvrage avait
représenté un peu plus du quart du temps d’occupation des agents de
1999 à 2006
78
et que le coût total de la maîtrise d’ouvrage pouvait être
estimé à environ 17,76 M€ pour l’ensemble du projet, de son lancement
jusqu’au solde des principaux marchés. Ce chiffre se répartit comme suit :
76) Par exemple, si l’EPMQB ne gérait par définition qu’une seule opération, celle-ci
comprenait environ 600 marchés pour l’ensemble de la période, dont une centaine
conclue au terme d’une procédure formalisée. Dans le même laps de temps, l’EMOC
a assuré le pilotage d’une quarantaine d’opérations, représentant environ 870 marchés.
Enfin, le SNT a compté pas moins de 530 opérations pendant le même lapse de temps,
correspondant à un nombre de marchés compris entre 500 et 600
par an
, dont 150 à
200 conclus au terme d’une procédure formalisée.
77) Crédits de fonctionnement et de personnel 1999-2006 du SNT et de l’EMOC et
coût de la maîtrise d’ouvrage interne du musée du quai Branly.
78) Ce taux étant décroissant avec le temps, puisqu’à l’approche de l’inauguration,
l’essentiel des agents était déjà affecté à des tâches relevant de l’exploitation.
DES PROGRAMMES AUX TRAVAUX
121
Le coût total de la maîtrise d’ouvrage de l’EPMQB
Total
Dépenses de personnel et fonctionnement courant
13 781 382 €
Marchés d'assistance
3 981 150 €
Total
17 762 532 €
Source : Cour des comptes
Ces moyens sont à mettre en regard du coût complet du projet, dont
la Cour estime qu’il doit être chiffré à 290,09 M€
79
. Dès lors, le coût de la
maîtrise d’ouvrage du musée représente 6,12 % du coût du projet
80
.
Un tel calcul est en l’état plus difficile pour le SNT et l’EMOC
faute d’un suivi analytique précis du temps consacré par leurs agents et
ceux de leurs tutelles ou mandants à leurs différentes opérations (alors que
l’autonomie dont a joui l’EPMQB rend ce dernier aspect négligeable dans
son cas). Il peut toutefois être mentionné que les évaluations auxquelles
s’est efforcée de parvenir la Cour débouchaient sur des taux allant de 2 à 8
% environ selon les chantiers, ces écarts s’expliquant à chaque fois par les
difficultés
rencontrées
(défaillances
d’entreprises,
changements
de
programme…).
En regard du taux de 5 % qui est couramment avancé par les
opérateurs du secteur privé, ces estimations, qu’il convient de prendre avec
précaution, tendent à montrer que le coût de la maîtrise d’ouvrage publique
des
grands
chantiers,
malgré
la
complexité
de
l’environnement
institutionnel et juridique, demeure relativement maîtrisé.
Il convient d’autant plus de mettre en place les outils rigoureux qui
permettront de budgéter et de suivre ce coût. Il s’agit d’un préalable
indispensable à l’évaluation du coût complet des projets et, partant, de la
performance de ceux qui les mettent en oeuvre.
79) Ce montant regroupe l’ensemble des dépenses d’investissement afférentes au
projet, les dépenses de personnel liée à la part des travaux réalisés en régie, et les
dépenses imputées en fonctionnement mais cependant rattachable à la construction du
musée.
80) Le coût des prestataires extérieurs rattachables à la maîtrise d’ouvrage, qui
représente 3,98
M€, a été retiré du coût total pour éviter un double compte.
122
COUR DES COMPTES
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
________
La nécessité de disposer d’informations financières et d’outils de
pilotage fiables constitue un préalable indispensable, tant pour éclairer
les décisions prises tout au long des projets, que pour établir les
responsabilités et évaluer la performance des services ou établissements
chargés de leur mise en oeuvre. Or, dans ce domaine, tant le ministère
que ses opérateurs présentent des faiblesses importantes.
Plusieurs
pistes,
qui
sont
autant
de
recommandations,
gagneraient à être développées afin d’améliorer le dispositif actuel :
-
Présenter les enveloppes initiales de manière détaillée, en
précisant les moyens alloués au contenant et au contenu et en
chiffrant les principaux postes du programme de manière
distincte et en conserver la mémoire tout au long du projet, afin
de disposer d’une référence à l’aune de laquelle apprécier les
évolutions des coûts et évaluer la performance des opérateurs
maîtres d’ouvrage ;
-
Systématiser les calendriers prévisionnels détaillés et chiffrer les
dépassements
de
calendrier
de
manière
distincte
des
modifications de programme ;
-
Etablir
une
méthode
budgétaire
et
comptable
de
suivi
« partagée » entre les opérateurs et les administrations tutélaires
dès le lancement des projets afin de garantir l’exhaustivité des
bilans financiers présentés. En cas de changement de périmètre
des
programmes,
en
cours
d’exécution,
établir
des
correspondances avec le programme initial pour garantir la
continuité du suivi ;
-
Introduire les dépenses de maîtrise d’ouvrage interne et externe
dans les budgets et les bilans financiers des opérations ;
-
A la réception des travaux, établir un bilan économique des
projets en distinguant les composantes d’un éventuel écart avec
le coût prévisionnel initial
et en distinguant, en cas de
changement de programme, l’origine des modifications.
DES PROGRAMMES AUX TRAVAUX
123
III
-
Des pratiques professionnelles à améliorer
L’organisation mise en place par le ministère de la culture pour
piloter ses grands projets ne désigne que rarement des opérateurs
pleinement responsables. Pour autant, si l’instabilité des programmes
exonère partiellement les organismes chargés de la maîtrise d’ouvrage des
dépassements de coûts et de délais constatés, ceux-ci n’en sont pas moins
parties prenantes de l’inefficience du système.
En effet, la conduite opérationnelle des chantiers prend sa part aux
dérives de coûts et de délais des opérations, autant que les conditions de
programmation et les outils de pilotage. Longtemps, le caractère inédit et
la spécificité technique de certaines situations ont pu expliquer certaines
erreurs. Néanmoins, l’expérience accumulée ne permet plus aujourd’hui
de s’en tenir là.
L’analyse des pratiques professionnelles des différents organismes
chargés de la conduite des opérations met en évidence trois dimensions,
dont la maîtrise détermine la réussite de la phase d’exécution : les
relations avec la maîtrise d’oeuvre ; la complexité des montages juridiques
et des procédures réglementaires employées ; la coordination des
intervenants sur le terrain.
A - Des relations ambivalentes avec les maîtres d’oeuvre
Dans le cadre des grands projets culturels, les relations des maîtres
d’ouvrage avec leurs maîtres d’oeuvre apparaissent ambivalentes à plus
d’un titre. Alors que la réglementation définit avec un haut degré de
précision la nature de ces relations ainsi que les composantes de la
rémunération des maîtres d’oeuvre, conçue pour être responsabilisante via
le régime du forfait, tous les chantiers examinés par la Cour montrent
qu’à l’application de la réglementation, se surimpose une négociation
permanente et parfois tendue.
Que ce soit sous l’empire de la loi MOP ou de la réglementation sur
les monuments historiques, les missions de maîtrise d’oeuvre se
décomposent en plusieurs éléments qui peuvent être rangés en deux
catégories : les études d’une part, qui comprennent le projet architectural et
la préparation de la consultation des entreprises, et la direction de
l’exécution des travaux complétée par l’assistance à la réception des
ouvrages d’autre part. Au vu des chantiers achevés ces dernières années,
c’est surtout la première phase qui a dans bien des cas un effet inflationniste
sur les coûts et les délais, même si l’exécution des travaux recèle aussi son
lot de difficultés. Mais dans les deux cas, au gré des avenants successifs qui
124
COUR DES COMPTES
viennent corriger les marchés initiaux, la rémunération versée
in fine
aux
maîtres d’oeuvre ne correspond plus à un forfait et perd son caractère
responsabilisant.
1 -
La sélection des maîtres d’oeuvre
Dans la plupart des cas, la première mission des maîtres d’ouvrage,
une fois leur programme arrêté, consiste à recruter leur futur maître
d’oeuvre, soit en vertu des droits exclusifs que détient ce dernier sur
l’ouvrage (c’est le cas des architectes en chef des monuments historiques
ou des rénovations sur des bâtiments « signés » lorsque l’architecte
d’origine décide de faire usage de son droit moral
81
), soit par la voie du
concours.
Dans les deux cas, toutefois, les maîtres d’ouvrage estiment qu’ils
n’ont pas réellement choisi leur prestataire.
Le SNT, de façon très éclairante, a ainsi indiqué à la Cour, à
propos du rôle des ACMH : «
Un des effets pervers de leur situation de
monopole fait que les ACMH deviennent les principaux interlocuteurs des
utilisateurs, enlevant ainsi au service de maîtrise d’ouvrage une marge de
contrôle des opérations. Le maître d’ouvrage risque alors de se retrouver
pris entre le marteau et l’enclume et de se voir imposer par les
utilisateurs des travaux supplémentaires sur une opération en cours ou la
programmation d’une nouvelle opération qu’ils jugeront prioritaire sur
la foi du rapport de l’architecte en chef.
»
L’enjeu, pour les services, consiste alors à se doter des instruments
adéquats pour conserver leur rôle de prescripteur du maître d’oeuvre.
De ce point de vue, il a été constaté que dans quelques cas, l’EMOC
avait pris un risque réglementaire, par exemple sur le chantier du théâtre de
l’Odéon en adjoignant aux architectes en chef des monuments historiques
détenteurs de droits exclusifs des bureaux d’études sélectionnés dès le
stade des études préalables, qui ont ainsi bénéficié d’une sorte
d’ « extension » du monopole des ACMH au stade de la maîtrise d’oeuvre.
81) Les exemples sont rares, mais intéressants. Ainsi, l’EMOC a d’abord sollicité
Frank Gerhy, auteur du bâtiment de l’American Center, qui, ne tenant pas à oeuvrer à
sa restructuration, a néanmoins accepté de faire partie du jury de sélection. Dans le
même esprit, l’EMOC s’est assuré auprès de Mme Gae Aulenti, architecte des espaces
intérieurs du musée d’Orsay, que les aménagements projetés ne heurtaient son droit à
l’intégrité de son oeuvre. Les mêmes précautions s’imposeront peut-être un jour au
musée du quai Branly s’il entend faire évoluer la muséographie de Jean Nouvel.
DES PROGRAMMES AUX TRAVAUX
125
Lorsque les projets ne relevaient pas de la réglementation sur les
monuments historiques, les concours d’architecture organisés ces dernières
années par les services constructeurs n’ont pas donné lieu à l’engagement
de contentieux, alors qu’il s’agit d’une étape sensible des projets, placée
sous les feux des médias pour les plus importants d’entre eux.
Malgré cela, plusieurs des interlocuteurs de la Cour ont pointé les
limites de l’organisation actuelle des concours. Dans cette perspective, le
président de l’EMOC – rejoint par la direction du budget – propose
l’instauration d’une expertise économique dans les jurys, afin de mieux
faire valoir le réalisme financier des projets présentés parmi les critères de
choix des lauréats :
«
Le concours d’architecture est ensuite lancé sur la base du
programme et de l’évaluation précitée. Compte tenu du caractère anonyme
de la procédure, le jury, dans sa composition traditionnelle, n’est pas à
même de juger de la sincérité de la réponse économique des candidats.
(…) Au niveau du concours, la phase de négociation, située entre la
désignation des lauréats par le jury et le choix du maître d’oeuvre par le
maître d’ouvrage, pourrait comporter systématiquement une analyse
contradictoire, entre économistes de la construction, du coût prévisionnel
des projets. Cette analyse annoncée dans le règlement du concours devrait
améliorer la qualité des évaluations fournies par les candidats. Elle
permettrait au maître d’ouvrage de mieux cerner les conséquences
budgétaires de son choix.
»
En l’état actuel des textes, cette négociation appuyée sur une
expertise est déjà possible, comme l’a montré la sélection du projet de Jean
Nouvel pour la construction du musée du quai Branly. Mais elle n’est pas
systématique, et gagnerait sans doute à faire l’objet d’ajustements
réglementaires comme l’a suggéré le ministère de la culture au cours de la
procédure contradictoire.
126
COUR DES COMPTES
Le concours de maîtrise d’oeuvre du musée du quai Branly : le choix du
projet de Jean Nouvel
Le concours sur esquisse du marché de maîtrise d’oeuvre comprenait
dans son programme la réalisation «
d’un ensemble culturel original à
caractère muséologique et scientifique (…) en vue de présenter au public des
collections appartenant à l’Etat, représentatives des arts et des civilisations
d’Afrique, des Amériques et de l’Asie
» et la
«
construction d’un parc de
stationnement et des aménagements paysagers
». D’après le règlement du
concours, seuls 15 candidats seraient admis à présenter une offre, ce qui
constitue un chiffre dans la moyenne haute des concours de cette ampleur.
Sur 105 candidatures examinées par la commission technique, le jury
réuni le 5 juillet 1999 et après plusieurs votes successifs a sélectionné quinze
équipes. Ce
choix a été formalisé par une décision du président de
l’établissement en date du 8 juillet 1999. Un cabinet hollandais s’étant désisté
ce sont finalement 14 projets qui ont été présentés le 3 novembre 1999 et
anonymisés sous le contrôle d’un huissier de justice.
La commission technique a effectué un rapport pour chaque projet.
Ceux-ci ont ensuite été examinés par le jury qui s’est réuni les 4 et 5
décembre 1999. Sur les 14 projets, quatre ont été éliminés à l’unanimité pour
non conformité au plan d’occupation des sols, puis quatre autres pour
mauvaise insertion du bâtiment dans le tissu
urbain ou en raison de
déficiences fonctionnelles. Les six projets restants ont été notés par chaque
membre du jury, cette procédure aboutissant à l’élimination de trois d’entre
eux. Enfin un nouveau vote a déterminé le classement des trois derniers
projets.
Le travail du jury s’est arrêté là. Une fois levé l’anonymat, c’est le
président de l’établissement qui a engagé la discussion avec les trois équipes.
Au terme de cette phase de négociation, les trois candidats se sont
engagés, s’ils étaient retenus, à développer leurs études afin de respecter
l’enveloppe financière de 79 550 000 € HT. Ensuite le maître d’oeuvre a
obtenu un taux de rémunération de 11,10 % appliqué à l’enveloppe
précédente pour la mission de base et le principe d’une forfaitisation de la
mission d’exécution et des missions complémentaires.
Après avoir reçu une dernière fois les candidats, le président de
l’établissement a retenu l’équipe emmenée par Jean Nouvel, et après avoir
fait valider ce choix par le Président de la République, il l’a officialisé par
décision en date du 8 décembre 1999.
DES PROGRAMMES AUX TRAVAUX
127
2 -
Les études des maîtres d’oeuvre
Au vu des dépassements de budget et de délais qui constituent le lot
commun de la plupart des grands chantiers, il semble que les études des
maîtres d’oeuvre puissent être dans bien des cas qualifiées d’insuffisantes,
notamment pour ce qui concerne les estimations financières.
Ce constat a déjà été évoqué, sous l’angle de la programmation,
pour noter qu’entre le programme arrêté par le maître d’ouvrage et sur la
base duquel a été recruté le maître d’oeuvre, et le projet architectural de ce
dernier, un effet de rattrapage du « projet idéal » avait pu se traduire par
une augmentation sensible des coûts du projet.
Mais au-delà de ce problème qui perpétue en quelque sorte
l’insuffisance de la programmation, les chantiers des dernières années se
sont fréquemment caractérisés par la médiocrité des estimations financières
des maîtres d’oeuvre au moment de la consultation des entreprises,
aboutissant, soit à des procédures infructueuses coûteuses en délais, soit à
des surcoûts directs non anticipés.
Presque tous les chantiers conduits entre 2000 et 2004 ont donné
lieu à des appels d’offre infructueux : six lots sur 26 dans le cas du musée
d’Orsay (mais représentant 90 % du volume des travaux), 15 lots sur 23
dans le cas de la Cinémathèque…
Cette difficulté s’explique en partie, il est vrai, par le plan de charge
des entreprises du bâtiment et des travaux publics pendant ces années, qui
les a incité à afficher des prix en forte augmentation. Faute d’avoir anticipé
ce phénomène, les maîtres d’ouvrage ont du reste été obligés d’en tenir
compte
a posteriori
: ainsi, l’EMOC a obtenu de ses tutelles une
réactualisation « conjoncturelle » de tous ses mandats à hauteur de 10 %
pendant l’année 2002. L’EPMQB a procédé de même, en réactualisant
d’office tous les coûts estimés par son architecte d’un montant de 12,5 %
au stade de la consultation des entreprises. C’est grâce à cette décision
volontariste qu’à la différence de l’EMOC et du SNT, il n’a pas trop
souffert des infructuosités. Il convient de noter que d’une façon plus
générale, la direction de la maîtrise d’ouvrage de l’EPQMB s’était
largement substituée au maître d’oeuvre en matière de fixation des coûts.
Au-delà du problème de l’estimation financière, il arrive aussi que
ce soit le volume des travaux tel qu’il a été estimé par le maître d’oeuvre
qui se révèle inadapté. Sans être général, ce phénomène n’est pas
exceptionnel, notamment pour les prestations de gros oeuvre exigeant la
mise en oeuvre de procédés spécifiques comme dans le cas des opérations
de rénovation des monuments historiques les plus complexes.
128
COUR DES COMPTES
Dans certains cas, en effet, le résultat de l’appel d’offre conduit le
maître d’oeuvre dont l’estimation a été prise en défaut à estimer que ce
sont les entreprises qui n’ont pas bien compris les exigences du cahier des
charges, tout en se rangeant finalement aux propositions de ces dernières.
C’est ce qui s’est produit, par exemple, avec le marché de gros oeuvre
passé pour la rénovation du théâtre de l’Odéon : estimé d’abord à
4,56 M€, celui-ci a finalement été conclu pour un montant de 6,42 M€ et
clos sur un total de 7,026 M€. Il en a été de même pour le marché de gros
oeuvre passé dans le cadre de la construction de la Cinémathèque, qui a
été conclu pour un montant de 5,47 M€ au terme d’une procédure
négociée qui faisait suite à une déclaration d’infructuosité liée au fait que
l’estimation était encore inférieure de 1 M€ à l’offre moins-disante. La
passation des deux principaux marchés de l’opération de rénovation du
Grand Palais, évoquée précédemment, illustre bien, elle aussi, ce
phénomène.
3 -
La rémunération des maîtres d’oeuvre
Le régime du forfait de rémunération assorti de pénalités en cas de
dépassement des coûts et des délais est commun à tous les marchés de
maîtrise d’oeuvre. Au vu des résultats constatés sur les chantiers, on
pourrait donc s’attendre à ce que ces dispositions soient largement
mobilisées par les maîtres d’ouvrage. Or, il n’en est rien dans la plupart
des cas : au cours des huit dernières années, l’EMOC n’a pas été en
situation de faire usage de cette faculté, tandis que le SNT n’y recourait
qu’en une seule occasion. Seul le musée du quai Branly fait exception, à
la faveur d’un pilotage volontariste de son maître d’oeuvre.
L’EMOC justifie son attitude par le fait que rien ne fragiliserait
davantage un chantier, selon lui, que la «
mise sous tutelle du maître
d’oeuvre
». Cela signifie que sans forcément faire droit à toutes les
demandes des maîtres d’oeuvre, les négociations nouées autour des
avenants aux marchés de maîtrise d’oeuvre finissent toujours par
déboucher sur deux résultats : l’application du taux de rémunération au
volume réel des travaux (sans que soient pleinement recherchées les
causes d’augmentation) ; et une rémunération de la direction d’exécution
des travaux proche d’une facturation au temps passé (indépendamment du
calendrier prévu par le marché). Le nombre d’avenants nécessaires pour
procéder à ces corrections constitue en soi un indicateur d’intensité de
cette
négociation
permanente : sept
avenants
représentant
un
accroissement de 34 % sur l’opération de restructuration de l’immeuble
des Bons Enfants (dont la phase de travaux a pourtant connu moins de
difficultés que la plupart des autres chantiers), quatre avenants et un
DES PROGRAMMES AUX TRAVAUX
129
marché complémentaire représentant une augmentation de 95 % pour les
aménagements intérieurs du musée d’Orsay.
Cette dernière opération illustre à elle seule le fait que les surcoûts
de la maîtrise d’oeuvre sont parfois une cause d’augmentation du coût
global des travaux, mais qu’ils sont aussi le symptôme de la cause plus
fondamentale que constituent les modifications de programme. En
l’espèce, les études du maître d’oeuvre relatives aux aménagements
intérieurs du musée ont dû être reprises une première fois avec l’ajout au
programme de la rénovation de la marquise d’entrée, puis une seconde
fois lorsque l’opération s’est étendue aux structures du parvis
Bellechasse. Alors que le volume des travaux intérieurs demeurait stable,
ce sont ces reprises d’études qui expliquent que le taux de rémunération
de la maîtrise d’oeuvre, initialement fixé à 14,4 %, ait finalement atteint le
taux véritablement exceptionnel de 19,7 %.
La situation se présente sous un jour quelque peu différent dans les
opérations prises en charge par le SNT dans la mesure où la grande
majorité d’entre elles relèvent du régime des monuments historiques, et
voient donc les ACMH mettre en oeuvre le programme dont ils ont
effectué les études préalables. Or, il semble que la « contrepartie » de
cette situation réside dans un encadrement plus strict de l’évolution de
leur rémunération. Et de fait, celle-ci est toujours restée relativement
constante avec l’augmentation en volume des travaux.
La réglementation ne prévoit pas de pénalités financières lorsque
les coûts prévisionnels des opérations prises en charge par les ACMH
sont dépassés et ce, quelle que soit l’importance des écarts constatés,
puisqu’à la différence des maîtres d’oeuvre privés intervenant dans le
cadre de la maîtrise d’ouvrage publique, les ACMH ne sont pas réputés
s’engager sur leurs estimations de coûts.
En revanche, il existe bien un régime de pénalité au titre des délais,
que l’article 7 de l’arrêté du 30 juin 1987 fixe à hauteur de 1/1000
ème
du
montant de la rémunération prévue par jour de retard, ainsi qu’un
dispositif de réfaction lorsque les propositions des entreprises à l’issue de
la consultation aboutissent à un coût des travaux inférieur à celui qui avait
été prévu et qui avait servi de base au forfait des architectes.
Or force est de constater que, malgré le caractère favorable aux
ACMH de cette réglementation, le SNT n’a pas non plus fait usage des
rares dispositifs de pénalisation prévus par la réglementation lorsque
ceux-ci auraient trouvé à s’appliquer.
130
COUR DES COMPTES
Au cours de la phase contradictoire, la direction de l’administration
générale du ministère de la culture en a convenu implicitement, en notant
à cet égard que «
(…) lorsque les études à conduire sur les monuments
historiques nécessitent de réunir des éléments d'information complexes et
imposant des recherches historiques ou techniques spécifiques, il n'a pas
été fait une application stricte de ces dispositions. L'ordonnance du 8
septembre 2005 qui affirme le principe du renforcement du rôle du
propriétaire maître d'ouvrage est l'occasion de mieux définir le rôle de
chacun des intervenants et de préciser les modalités de maîtrise d'oeuvre
sur les monuments historiques. Un décret est en cours d'élaboration
[celui-ci a été publié le 28 septembre 2007]
sur ce dernier point, et
l'arrêté d'application du décret de 1987 relatif aux honoraires et
vacations des architectes en chef va être modernisé.
»
La stabilité de la rémunération des maîtres d’oeuvre ne peut donc
pas être considérée sous son seul jour favorable, d’autant qu’elle procède
parfois, plus en aval, d’une fixation elle aussi accommodante des
éléments de rémunération. Dans certains cas, comme l’illustre le sort
réservé à l’ACMH en charge des résidences présidentielles, cette fixation
des honoraires n’est pas seulement accommodante, mais franchement
irrégulière par défaut de justification.
DES PROGRAMMES AUX TRAVAUX
131
La rémunération de l’architecte en chef chargé des résidences
présidentielles
L’architecte en chef chargé des résidences présidentielles, bénéficie
d’un dispositif de rémunération totalement dérogatoire. Depuis 2001, le
coefficient de sujétion et le niveau de complexité maximaux (1,20 et 3) sont
systématiquement appliqués pour le calcul de sa rémunération. Cette pratique
est justifiée, selon le SNT, par «
les contraintes singulières de l’activité
demandée à l’ACMH en charge des résidences présidentielles
».
Or, l’arrêté du 5 juin 1987 (article 1
er
), qui fixe les niveaux de
complexité, définit les opérations du niveau 3 de manière précise et
limitative. De la même façon, cet article prévoit la possibilité de prendre en
compte un critère spécial de sujétions «
tout à fait particulières et
exceptionnelles
» sous la forme d’un coefficient devant faire l’objet d’une
approbation par l’administration centrale.
S’il est incontestable que la réalisation de certaines opérations sur les
résidences présidentielles impose à l’ACMH des contraintes particulières,
l’application systématique d’un régime financier dérogatoire ne paraît pas se
justifier par ces seules circonstances qui appelleraient au contraire, une
appréciation au cas par cas.
Par ailleurs, pour ses autres missions (essentiellement de conseil),
l’architecte
est
rémunéré
par
des
contrats
d’assistance
à
maîtrise
d’ouvrage (AMO), en raison de l’insuffisance des crédits de vacations
normalement prévus à cet effet, pour couvrir ses prestations. Or l’article 1
er
du décret n°87-312 du 5 mai 1987 relatif aux honoraires et vacations alloués
aux ACMH et aux vérificateurs précise que «
les missions énumérées à
l’alinéa 2 de l’art. 2 du décret n° 80-911 (…) sont rémunérées par des
vacations dans la limite des crédits ouverts à cet effet
». Les textes ne
prévoient ainsi pas la rémunération des ACMH par des contrats d’AMO.
Le musée du quai Branly constitue donc plutôt une exception dans
ce paysage, puisque le marché de maîtrise d’oeuvre, conclu pour 9,55 M€
hors taxes, n’a pas connu de dérive comme le dépassement du budget
initial et des délais sur l’ensemble du chantier pouvait le laisser craindre.
De fait, le marché a certes connu une augmentation sensible
82
, mais celle-
ci correspond à des prestations complémentaires identifiées, et n’a pas eu
pour effet d’accroître le taux de rémunération du maître d’oeuvre passé de
11,98 % à 11,66 % au terme du chantier.
82) Au moment où était rédigé le présent rapport, le marché amendé par avenants
représentait 14,45 M€ TTC.
Mais le décompte général et définitif n’étant pas encore
connu, il convient de prendre ce chiffre avec précaution.
132
COUR DES COMPTES
L’établissement
s’est
doté,
en
effet,
d’un
dispositif
de
pilotage serré vis-à-vis de son architecte, en utilisant pleinement la
classification des catégories de travaux modificatifs selon leur origine
(maître d’ouvrage et maître d’oeuvre) et leur impact sur la rémunération,
et en cosignant la totalité des ordres de service afin de ne pas ouvrir la
voie à de futures contestations sur la nature ou l’origine des demandes. Ce
dispositif a ensuite permis à l’établissement d’appliquer strictement les
pénalités prévues au titre de l’augmentation du volume des travaux
imputable au maître d’oeuvre, qui se sont élevées à 612 106 € hors taxes,
soit 5,3 % du montant total de la rémunération versée hors prolongation
de délais. Cette pénalisation a pu être absorbée sans trop de heurts par le
maître d’oeuvre puisqu’à la date où elle était appliquée, le maître
d’ouvrage indemnisait la prolongation du délai d’exécution à hauteur de
808 221 € hors taxes.
*
Alors que l’augmentation de la rémunération des maîtres d’oeuvre
n’est contractuellement prévue qu’en cas de modification de programme
prise à l’initiative du maître d’ouvrage, en pratique, les conditions de
réalisation des chantiers aboutissent à des indemnisations qui couvrent la
plupart des causes de surcoût, notamment le dépassement des délais de
réalisations, suivant un système proche d’une facturation du temps passé.
Cette situation n’est pas irrégulière si le maître d’ouvrage en
décide ainsi, c’est-à-dire s’il accepte de considérer que les circonstances
qui expliquent les dérapages de coûts et de délais lui sont toujours
imputables. Mais ce faisant, le caractère incitatif du forfait de
rémunération ne joue plus son rôle, et risque d’entraîner une
déresponsabilisation en cascade vis-à-vis des autres prestataires.
C’est à ce titre que les relations entre les maîtres d’ouvrage et les
maîtres d’oeuvre jouent un rôle déterminant : certes, l’augmentation de la
rémunération de ces derniers constitue en soi un facteur de dépassement
des coûts, mais l’impact le plus important est sans doute celui, plus diffus,
de la « mise sous tension » des chantiers, qui perdure ou non selon que le
maître d’oeuvre, chargé de la direction de l’exécution des travaux, est lui-
même incité à y mobiliser toute son énergie.
B - La complexité des opérations
Parmi les causes d’inefficience de la maîtrise d’ouvrage des
opérations, la complexité du régime juridique retenu pour réaliser
l’opération et la faible anticipation des délais nécessaires aux procédures
d’autorisation apparaissent de manière récurrente. La complexité
DES PROGRAMMES AUX TRAVAUX
133
technique des grands chantiers n’est certes pas étrangère à ces difficultés,
notamment pour les opérations lourdes de réhabilitation. Néanmoins, les
organismes chargés de la conduite des opérations y prennent aussi leur
part, au titre de leur mission de définition des conditions techniques et
juridiques de réalisation des opérations.
1 -
Le choix de maîtrises d’oeuvre
mixtes
En matière de maîtrise d’oeuvre, les opérations de réhabilitation sur
des bâtiments classés posent la question de l’articulation entre le régime
des monuments historiques et le droit commun de la commande publique.
Selon les projets, cette articulation a abouti tantôt à une double maîtrise
d’oeuvre comme dans le cas du musée d’Orsay, tantôt à un groupement
mixte multidisciplinaire. Tel fut notamment le cas du Grand Palais
conduit initialement par le SNT et du théâtre national de l’Odéon conduit
par l’EMOC, pour lesquels a été fait le choix d’un groupement de
maîtrise d’oeuvre soumis à un statut mixte, combinant jusqu’à trois
régimes juridiques distincts.
Cette situation s’impose parfois aux opérateurs plus qu’elle ne
résulte de leurs choix. Il n’en reste pas moins qu’elle génère une grande
complexité, à la fois pendant la phase d’études et pendant la phase de
travaux.
La restauration du Grand Palais relevait par exemple de trois
réglementations : classé parmi les bâtiments civils et palais nationaux
(BCPN) jusqu’en février 1995
83
, l’édifice était également protégé au titre
des monuments historiques (MH), la grande nef étant classée
84
et le reste
du bâtiment inscrit à l’inventaire supplémentaire. Le recours à
d’éventuels bureaux d’études était quant à lui soumis au droit commun de
la loi MOP. Face à cette situation, la maîtrise d’ouvrage a opéré un choix.
Conformément à la réglementation BCPN, la maîtrise d’oeuvre a été
attribuée en 1995 à l’architecte en chef BCPN et conservateur du Grand
Palais (remplacé à partir de 2000 par l’ACMH affectataire avec
l’extinction du régime BCPN). Pour la partie des travaux nécessitant un
bureau d’études (fondations, charpentes et verrières), le régime de la loi
MOP a été appliqué et le régime des monuments historiques écarté, afin
d’éviter la scission de la maîtrise d’oeuvre entre les parties classées et non
classées. La restauration des façades et de la statuaire a quant à elle été
entièrement soumise au régime BCPN puis au régime MH.
83) Régime défini par les décrets du 22 mars 1908 et du 5 avril 1917, mis en
extinction par décret du 19 juin 1991. Le Grand Palais est par ailleurs déclassé par
arrêté du 27 février 1995.
84) Arrêté du 12 juin 1975
134
COUR DES COMPTES
Ce choix s’explique par la volonté objective de concilier le
caractère classé du bâtiment et les droits exclusifs de l’ACMH qui en
découlent d’une part, avec la haute technicité de l’opération et le recours
nécessaire à des bureaux d’études spécialisés d’autre part. Néanmoins, il
a ajouté à la complexité technique du projet une complexité juridique qui
n’a pas été sans conséquences sur la conduite de l’opération.
Du point de vue de la régularité, le régime mixte a suscité plusieurs
réserves. En effet, il est apparu contraire à la théorie jurisprudentielle
selon laquelle, en cas de coïncidence de deux régimes réglementaires, le
régime le plus protecteur des intérêts architecturaux doit l’emporter sur
l’autre. L’intérêt pragmatique de la solution lui a finalement valu d’être
« tolérée » par la commission supérieure des marchés
85
, au prix d’un
retard d’une année pour le théâtre de l’Odéon comme pour le Grand
Palais.
Mais surtout, la coexistence d’un maître d’oeuvre doté d’un droit
exclusif et de bureaux techniques sélectionnés selon la procédure de droit
commun a des effets déresponsabilisants, le premier pouvant se sentir
déchargé de la responsabilité technique du projet au profit des seconds.
Telle est le sens de la réponse d’un des maîtres d’oeuvre de la rénovation
du Grand Palais, quand il a indiqué à la Cour qu’il n’était pas responsable
du pilotage des prestations de ses co-titulaires (les bureaux d’études),
alors que son contrat le désignait clairement comme mandataire et
responsable du groupement.
2 -
La sous-estimation des délais d’autorisation
Le second élément source de délais tient aux permis de construire
qui, s’agissant de grands projets, ne sont jamais « standards ». En effet, la
plupart
des
opérations
présentent
des
partis
pris
architecturaux
incompatibles avec le plan d’occupation des sols (extension des surfaces
comme dans le cas des Bons Enfants, élévation d’un élément en hauteur
comme dans le cas de l’Odéon…). Par suite, elle nécessite une instruction
approfondie au stade du permis de construire, dont la longueur est
systématiquement sous-évaluée.
85
) Cf. Avis de la CSM-BGC du 26 octobre 1995 et du 24 juin 1997 sur le contrat de
maîtrise d’oeuvre du Grand Palais et rapport de M. Chabanol du 19 mars 1999, pages
2 et 3.
DES PROGRAMMES AUX TRAVAUX
135
Ainsi, dans le cas de la Cinémathèque, la délivrance du permis de
construire rendue nécessaire par le changement de destination des ateliers
d’artistes et l’extension des surfaces par le plancher, comptabilisé en
« temps masqué »
86
dans le projet initial, a en pratique allongé la phase
préalable de 14 mois. Dans le cas de l’Odéon, le programme technique
retenu a rendu nécessaire une élévation du bâtiment au-dessus du plafond
des hauteurs et nécessité, par suite, une procédure d’autorisation qui a
allongé la phase préalable de l’opération de près de 12 mois. Dans le cas
de l’immeuble de la rue des Bons Enfants, le temps nécessaire à
l’obtention du permis de construire a été encore allongé, s’y étant ajouté
le délai nécessaire pour purger les recours contentieux engagés à son
encontre.
Dans ce domaine, la responsabilité des maîtres d’ouvrage ne va pas
de soi. En effet, la longueur des procédures d’instruction ne saurait leur
être imputée puisqu’elle dépend de services extérieurs. Néanmoins, la
longueur des procédures constitue un risque qui pèse sur le calendrier du
projet, que le maître d’ouvrage a la responsabilité d’estimer et de limiter
au maximum. Or, les délais d’autorisation dans les calendriers initiaux
apparaissent le plus souvent sous-estimés voire négligés, la procédure
d’autorisation étant systématiquement décomptée en temps masqué.
En second lieu, ce risque n’est pas systématiquement intégré par
les maîtres d’ouvrage dans le choix des maîtres d’oeuvre. Ainsi, dans le
cas du quai Branly, le respect des dispositions du POS en matière
d’espaces verts figurait dans le cahier des charges du concours.
L’établissement a également eu recours à une mission d’assistance à
maîtrise d’ouvrage pour s’assurer de la conformité du projet du maître
d’oeuvre aux règles d’urbanismes.
Ces précautions n’ont toutefois pas
empêché
le
dépôt
d’un
permis
modificatif
source
de
délais
supplémentaires. En réponse à la Cour lors de la phase contradictoire,
l’EMOC a quant à lui assuré que les commissions techniques chargées
d’examiner les projets avant leur passage devant les jurys portaient
systématiquement leur attention sur les règles d’urbanisme. Ce fait
n’engage toutefois pas les jurys et n’a, en pratique, jamais conduit à
écarter un projet.
Au total, les montages juridiques retenus ont le plus souvent ajouté
à la complexité technique des opérations, qui est déjà grande s’agissant de
bâtiments classés, célèbres et signés, entraînant dans presque tous les cas
des effets en termes de calendrier et de coût.
86) Dans le calendrier prévisionnel des opérations, certaines phases du projet peuvent
être menées simultanément. On parle alors de « temps masqué » dans la mesure où
ces étapes, si elles se déroulent dans le temps qui leur a été imparti, n’entraînent pas
en soi de délai supplémentaire.
136
COUR DES COMPTES
C - Coordination et présence sur le terrain
Même si la direction de l’exécution des travaux constitue toujours
l’une des missions contractuelles du maître d’oeuvre, qui représente entre
30 et 50 % de sa rémunération, et si la coordination au quotidien des
prestataires relève d’un pilote employé à cet effet, plusieurs des
interlocuteurs de la Cour ont fait valoir que le maître d’ouvrage devait
être impliqué dans les opérations de chantier, ne serait-ce que pour en
garantir la « mise sous tension ». En pratique, cette mise sous tension
dépend de deux principaux facteurs : le découpage initial des marchés qui
traduit une certaine configuration de chantier mais implique aussi un coût
de coordination variable selon le nombre de prestataires retenu, et la
présence des équipes sur le terrain.
1 -
Le nombre d’intervenants sur les chantiers
La définition des conditions techniques et juridiques de conception
et de réalisation des projets qui échoit au maître d’ouvrage a pour premier
corollaire l’élaboration des marchés. Dans ce domaine, deux éléments
sont notamment laissés à l’appréciation des maîtres d’ouvrage, qui
conditionnent fortement le déroulement ultérieur de l’opération : le
périmètre de la maîtrise d’oeuvre et la répartition des marchés de travaux
entre les différents corps de métiers.
Le choix des frontières du marché de maîtrise d’oeuvre et, en son
sein, l’articulation entre contenant et contenu, constitue une prérogative
essentielle des organismes chargés de la maîtrise d’ouvrage. S’agissant de
projets où le bâtiment est étroitement lié au projet culturel et scientifique
qu’il doit abriter, celle-ci revêt une portée à la fois opérationnelle et
stratégique. Dans ce domaine, deux « modèles » coexistent. Le premier,
dont la Cinémathèque fournit un exemple extrême, consiste en un partage
de la maîtrise d’oeuvre entre le bâtiment et la muséographie. Le second
s’appuie sur une maîtrise d’oeuvre unique, chargée tout à la fois de la
construction du bâtiment et de la mise au point des contenus,
scénographie et acoustique pour les salles de spectacle, muséographie
pour les lieux d’exposition, agencement voire mobilier des bureaux pour
les bâtiments administratifs. Le musée du Quai Branly et le théâtre de
l’Odéon fournissent deux exemples de cette maîtrise d’oeuvre intégrée.
Le choix d’une maîtrise d’oeuvre unique présente deux intérêts
principaux : il garantit une plus grande cohérence entre contenant et
contenu, celui-ci faisant partie intégrante du projet architectural, et il
transfère le coût de coordination entre ces deux dimensions du maître
d’ouvrage vers le maître d’oeuvre, permettant au premier de concentrer
DES PROGRAMMES AUX TRAVAUX
137
son effort de pilotage sur un intervenant unique. Si le choix d’une
maîtrise d’oeuvre séparée a, dans le cas de la Cinémathèque, connu de
nombreuses infortunes, cette solution n’en est pas pour autant
disqualifiée. Elle présente en effet, par rapport à la maîtrise d’oeuvre
unique, une plus grande souplesse pour l’avenir. Conçue et réalisée par
l’architecte du bâtiment, la muséographie ou la scénographie donne lieu
au même droit moral que les bâtiments. Par suite, sa modification est
soumise à des contraintes bien supérieures aux aménagements réalisés
séparément, alors même que la durée de vie des aménagements est
souvent inférieure à celle des bâtiments. En revanche, elle suppose un
coût de coordination supérieur à la maîtrise d’oeuvre unique.
Maîtrise d’oeuvre unique ou séparée : le musée du Quai Branly et la
Cinémathèque Française
Pour l’organisation du concours de maîtrise d’oeuvre, l’établissement
public du musée du quai Branly a fait le choix d’une maîtrise d’oeuvre unique
pour l’essentiel du projet. Au terme d’un concours international, c’est le
groupement emmené par l’agence Architectures Jean Nouvel (AJN)
87
et
complété par deux bureaux d’études techniques.
Le marché, notifié au groupement le 6 mars 2000, a été conclu pour
un montant initial de 11,65 M€ TTC, correspondant à un taux de
rémunération de 11,39 % pour la seule mission de base. Après quatre
avenants, le marché devrait se conclure sur le montant de 14,45 M€ TTC, soit
une hausse de 24 % en valeur.
La forme du futur musée du cinéma et la part que doit prendre la
collection de l’ancien musée Henri Langlois disparu dans l’incendie du Palais
de Chaillot font l’objet de vifs débats, qui opposent la direction de la
Cinémathèque, ses conservateurs et les deux directeurs successifs du musée.
Cette absence de consensus est à l’origine de la scission du programme entre
immobilier et musée pour éviter que les difficultés du second ne freinent
l’ensemble de l’opération. Ce choix initial, ajouté à l’instabilité de la
programmation, s’est traduit par un nombre de contrats de maîtrise d’oeuvre
et d’avenants particulièrement élevé.
Pour la partie immobilière, le choix du maître d’oeuvre a été lancé en
mars 1999 par appel public à la concurrence, aboutissant à la désignation, en
mai 1999, du groupement conjoint Atelier de l’Ile, composée d’un architecte,
d’un scénographe, d’un bureau d’études et d’un économiste. Le marché de
maîtrise d’oeuvre a été notifié le 12 janvier 2000 pour un montant de 1,61 M€
(10,64 MF). Pendant la phase d’élaboration du projet dont la durée a été
portée de 6 à 13 mois, le contrat a fait l’objet de trois premiers avenants.
87) Qui s’appelle aujourd’hui Ateliers Jean Nouvel.
138
COUR DES COMPTES
Après la suspension de l’opération et l’arrivée du nouveau président de la
Cinémathèque, deux nouveaux avenants ont entériné les modifications de
programme, pour un montant final de 3,12 M€, soit le double du montant
initial.
S’agissant de la muséographie, l’instabilité de la programmation s’est
traduite par une succession des maîtres d’oeuvre du projet qui a repoussé la
livraison à début 2006. Un premier marché a été notifié en septembre 2000 au
cabinet Architecture et Design pour un montant de 0,40 M€, après trois
études de définition d’un montant de 0,11 M€, complété par avenant en mai
2003 pour un montant de 0,92 M€. A l’arrivée du nouveau président de la
Cinémathèque, le marché de maîtrise d’oeuvre de l’entreprise A&D s’est
avéré incompatible avec le nouveau projet et a été résilié en juin 2003, pour
un coût de 0,23 M€. Un second maître d’oeuvre a
alors désigné en janvier
2004. Dans l’attente de la nouvelle programmation toutefois, la procédure a
été déclarée sans suite et le candidat indemnisé à hauteur de 17 940 €. La
désignation du maître d’oeuvre définitif est finalement intervenu en juin 2004
à l’issue d’un troisième concours et le marché a été notifié le 1
er
septembre
2004 pour un montant de 0,23 M€.
S’agissant du découpage des marchés de travaux, les maîtres
d’ouvrage ont là aussi le choix entre deux grands types d’organisation,
l’entreprise générale de travaux et l’allotissement.
En la matière, et à l’exception notable du chantier de l’université
Paris 7 – Denis Diderot réalisé par l’EMOC sous le régime de l’entreprise
générale de travaux (pour le compte du ministère en charge de
l’enseignement supérieur et non de la culture, et pour un bâtiment neuf à
construire), les consultations procèdent souvent à un allotissement très
large conformément au code des marchés publics, et comme l’habitude en
a été prise sur les chantiers de restauration des monuments historiques
fondés sur une spécialisation pointue de chaque prestation : 26 lots dès
l’origine pour l’Odéon, 32 pour la Cinémathèque et le Centre national de
la danse, 38 pour la Cité de l’architecture et du patrimoine… Encore ces
lots n’épuisent-ils pas la totalité des prestataires puisque s’y ajoutent tous
les titulaires de commandes ou de marchés conclus séparément : in fine,
la construction de la Cinémathèque aura nécessité 83 marchés modifiés
par 73 avenants. Au regard de ces chiffres, l’allotissement en 33 lots
retenu par le musée du quai Branly pour un montant de travaux près de
dix fois supérieur, apparaît réduit. Ce chiffre ne couvre néanmoins qu’une
partie de la galaxie de prestataires qui sont intervenus sur le chantier,
l’établissement ayant passé plus de 350 marchés rattachables à la
constitution du musée.
DES PROGRAMMES AUX TRAVAUX
139
2 -
La présence sur le terrain
La spécialisation a pour conséquence de devoir renforcer les
équipes du côté de la maîtrise d’ouvrage et de la maîtrise d’oeuvre : il est
l’une des raisons pour lesquels l’EMOC recourt systématiquement à un
marché d’OPC (ordonnancement, pilotage et coordination du chantier),
dont le coût est substantiel : 604 180 € pour les Bons Enfants, 256 713 €
pour la Cinémathèque.
Le musée du quai Branly a quant à lui passé un
marché d’OPC d’un montant de 3,34 M€.
Dans ce domaine, on observe des disparités importantes entre
maîtres d’ouvrage.
Au SNT, le nombre moyen d’opérations par agent s’élève à 16.
Si
la taille des opérations n’est pas comparable aux projets menés par
l’EMOC ni,
a fortiori
, aux chantiers du quai Branly même pris isolément
et si la proximité des sites permet à tous le moins des visites régulières, ce
nombre élevé empêche
de facto
la présence constante d’un représentant
du maître d’ouvrage sur le terrain. Sans préjuger de la qualité du suivi des
projets par les équipes du service, celui-ci n’est en tout cas pas en mesure
d’offrir la même réactivité et la même mise sous tension des prestataires
qu’une équipe présente en permanence.
Le système de gestion des opérations de l’EMOC, qui repose sur
un chef de projet assisté d’une ou deux personnes, fait qu’aucun des
cadres de l’établissement ne se consacre à temps plein à un projet, quel
qu’en soit le stade d’avancement, alors qu’on pourrait s’attendre à ce
qu’au moins en phase de travaux et pour les plus importantes des
opérations, les chefs de projets soient pleinement mobilisés. Par exemple,
dans le cas du théâtre de l’Odéon, les données communiquées par
l’EMOC tendent à montrer que le chef de projet y a consacré 40 % de son
temps de 1999 à 2005, sans évolution à la baisse ou à la hausse. Dans le
cas de la cinémathèque, la part de temps consacrée à l’opération par le
chef de projet a certes progressé pour passer de 30 % de 1999 à 2003 à 60
% en 2005, c’est-à-dire en phase d’achèvement, mais elle n’a jamais
représenté un temps plein en dépit des difficultés du chantier. Dans le cas
des opérations conduites en province, sa présence y est même
occasionnelle.
140
COUR DES COMPTES
En réponse à cette observation, l’établissement a toutefois fait
valoir plusieurs remarques qui dessinent une certaine stratégie de maîtrise
d’ouvrage :
« 1. Si on cumule le temps consacré par les cadres et techniciens
de l’Emoc, on aboutit sur l’Odéon à 1,7 agent en permanence sur les
années 2003, 2004, 2005 et pour la Cinémathèque 1,4 agent en 2002, 1.6
en 2003, 1.8 en 2004, 2 en 2005.
2. Certains chefs de projet et c’est les cas pour les chefs de projet
en charge de l’Odéon et de la Cinémathèque, gèrent avec leur service 2 à
3 projets. Leur expérience leur permet d’analyser les situations
respectives de leurs divers chantiers et de s’investir totalement avec leurs
assistants sur les secteurs en crise.
3. Certaines opérations compte tenu de leurs caractéristiques
particulières nécessitent l’implication à plein temps du chef de projet ;
c’est le cas, par exemple, de la Cité de l’architecture et du patrimoine du
fait de l’étendue du bâtiment, de la multiplicité des interventions sur les
oeuvres, de la complexité du phasage de mise en service et des nombreux
changements de programme.
4. Une présence permanente et systématique des chefs de projets
pendant le chantier entraînerait une augmentation importante du coût de
la maîtrise d’ouvrage. »
Ces éléments de réponse témoignent d’une évolution récente des
méthodes de l’EMOC, dont il convient de prendre acte. Ainsi, les
difficultés rencontrées sur le chantier de la Cité de l’architecture et du
patrimoine ont abouti à ce que son chef de projet s’y consacre à plein
temps. Tel devrait être aussi le cas dès le début du chantier de
restructuration du quadrilatère Richelieu.
L’établissement du musée du quai Branly, au contraire, a
développé dès son origine une pratique de la maîtrise d’ouvrage intégrant
largement la mission de coordination des acteurs – maître d’oeuvre,
assistants à maîtrise d’ouvrage et entreprises. D’abord réalisée en
complément des missions du pilote, cette mission a confiné dans les
derniers mois au pilotage du chantier lui-même. Sur le plan opérationnel,
cette ambition s’est traduite par la présence permanente de membres de la
direction sur le terrain, au moyen de deux conducteurs de chantiers tout
d’abord (l’un sur le chantier des collections, l’autre sur le chantier
Branly), puis par l’installation de la direction dans son ensemble sur le
site du musée, aux côtés des équipes du pilote et du maître d’oeuvre.
DES PROGRAMMES AUX TRAVAUX
141
De l’avis général, les fonctions de coordination et de mise sous
tension du chantier constituent des prérogatives déterminantes du maître
d’ouvrage sur le terrain. En phase d’exécution, la présence physique sur
le chantier constitue le seul gage d’un suivi et d’une réactivité suffisants
pour conduire le chantier à son terme conformément aux coûts, délais et
programmes prévus initialement.
3 -
Le respect des procédures réglementaires
Au-delà des règles générales applicables à tous les acteurs de
grandes opérations de travaux – par exemple la législation du travail sur
les
chantiers
–
trois
corpus
réglementaires
s’imposent
plus
spécifiquement
aux
maîtres
d’ouvrage
publics
et
participent
de l’environnement qu’ils doivent maîtriser : le régime de la maîtrise
d’ouvrage lui-même, qu’il procède du droit commun de la loi du 12 juillet
1985 ou du régime des monuments historiques ; les règles d’urbanisme
auxquelles doivent se conformer les projets architecturaux ; et la
réglementation de la commande publique.
S’agissant du régime de la maîtrise d’ouvrage, l’attribution des
opérations décidées au niveau politique entre les différents maîtres
d’ouvrage disponibles s’est effectuée conformément aux textes, même si,
comme il a déjà été indiqué, les différents « modèles » de maîtrise
d’ouvrage correspondent en réalité à des lectures différentes de la lettre
de la loi MOP, parfois extensive, parfois au contraire assez formelle.
Le corpus des règles d’urbanisme, quant à lui, s’apparente
davantage à un paramètre qu’il convient de prendre en compte dès
l’amont du projet, la délivrance des permis de construire ou l’acceptation
tacite des déclarations de travaux constituant, sauf erreur majeure au stade
des travaux, un gage de conformité aux prescriptions applicables. De ce
point de vue, il a été constaté que les services constructeurs sous-
estimaient systématiquement la durée nécessaire à l’obtention des
autorisations.
Les véritables risques réglementaires sont plutôt à rechercher dans
l’application des règles de la commande publique, d’autant que les projets
menés à bien ces dernières années ont été conduits sous l’empire de
quatre versions successives du code des marchés publics, ce qui n’a guère
facilité la tâche des services constructeurs.
La soixantaine d’opérations évoquée ici représente, au total,
plusieurs centaines de marchés. Les trois contrôles menés par la Cour sur
le SNT, l’EMOC et l’EPMQB ont débouché sur un nombre limité
d’observations critiques en matière de régularité. Ce constat général
s’explique en grande partie par le fait que la maîtrise des mécanismes de
142
COUR DES COMPTES
la commande publique constitue précisément le coeur de métier de
structures comme l’EMOC et le SNT.
Les principales critiques susceptibles d’être formulées à l’encontre
de procédures portent sur les conditions de recours aux marchés négociés
après des appels d’offres infructueux, ou sur les instruments utilisés pour
augmenter, en cours d’exécution, le volume des prestations prévues par
tel ou tel marché. Dans la plupart des cas, ces procédures sont moins la
conséquence d’une méconnaissance des règles applicables que le « risque
assumé » face aux aléas de chantiers ou aux modifications de programme
qui viennent bouleverser l’équilibre initial des opérations.
D’une façon plus générale, si l’on considère globalement les
milliers d’actes qui ont scandé la réalisation des grands chantiers culturels
depuis une dizaine d’année, l’absence de contentieux majeurs constitue
en définitive l’indice d’une application raisonnée de la réglementation.
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
____________
Le thème général de la « professionnalisation » de la conduite des
projets présidait déjà à la création du SNT en 1990 et de l’EMOC en
1998. Il semble pourtant que les pratiques mises en oeuvre, qui renvoient
directement aux compétences attendues des maîtres d’ouvrage, puissent
encore être sensiblement améliorées.
Or, par delà la stabilité du programme, l’examen des conditions
concrètes de réalisation des projets révèle à quel point ils sont redevables
des choix des montages juridiques, de la bonne coordination entre les
différents intervenants et de l’implication professionnelle de chacun des
acteurs. Plusieurs points, développés plus en amont du rapport, peuvent
être rangés sous ce registre.
-
Optimiser
les
montages
juridiques
qui
déterminent
la
configuration générale des projets.
Trop souvent, les services ne parviennent pas à simplifier autant
que possible des éléments initialement complexes, et conservent tout au
long des chantiers des systèmes difficiles à piloter (maîtrise d’oeuvre
multiple, allotissements très larges…) qui, en cas de modifications
apparemment ponctuelles, ont des effets en cascade sur les coûts et les
délais.
Prometteuse à cet égard est l’idée consistant à renforcer l’analyse
des propositions architecturales et techniques lors de la sélection des
maîtres d’oeuvre. Une évolution de la composition des jurys pourrait y
aider, mais l’essentiel tient surtout à la capacité de la commission
technique ou à celle du maître d’ouvrage de mobiliser une expertise
adéquate.
DES PROGRAMMES AUX TRAVAUX
143
De surcroît, les opérateurs devraient tirer pleinement parti des
simplifications apportées aux procédures réglementaires qui s’imposent
aux maîtres d’ouvrage. La stabilisation du code des marchés publics
après les modifications fréquentes intervenues depuis 2001, devrait offrir
un cadre plus favorable à l’engagement des chantiers qui entrent en
phase de travaux.
-
Mobiliser effectivement les dispositifs de responsabilisation des
maîtres d’oeuvre
Il existe en la matière un écart entre la réglementation, riche de
dispositifs incitatifs, et la pratique, qui tend trop souvent à faire de ces
derniers des prestataires comme les autres, dont la rémunération est
simplement assise sur le volume de ses travaux, sans responsabilisation
particulière. De ce point de vue, il apparaît indispensable que les services
constructeurs parviennent à rétablir des conditions normales de
déroulement des chantiers, et réussissent à mieux piloter leurs maîtres
d’oeuvre en rétablissant une « chaîne de responsabilité » plus claire entre
les différents intervenants.
-
Généraliser les techniques de la « gestion de projet ».
La complexité des opérations, leur longueur, la liaison permanente
qu’elles exigent entre constructeur et utilisateurs nécessitent des outils et
des méthodes plus performants que ceux qui ont été utilisés jusqu’à
présent.
-
Renforcer l’implication du maître d’ouvrage sur le terrain
Des dispositions simples, qui ont pu être mises en oeuvre sur
certains chantiers, pourraient utilement être généralisées : par exemple,
la présence permanente des chefs de projets sur les chantiers, au moins
en phase de travaux.
A cet égard, la Cour a noté qu’il existait un débat entre maîtres
d’ouvrage, qui oppose ceux qui souhaitent responsabiliser le maître
d’oeuvre vis-à-vis de sa mission d’exécution des travaux (SNT) et ceux qui
entendent piloter au plus près chacune de ses décisions (EPMQB). Il est
probable que le dispositif optimal est variable suivant les chantiers, mais
dans les deux cas, le pilotage du maître d’oeuvre suppose que le maître
d’ouvrage dispose sur lui d’une autorité reconnue. Or, il a suffisamment
été indiqué que tel n’était pas toujours le cas lorsque les maîtres d’oeuvre,
ACMH ou architectes du secteur concurrentiel, disposaient d’un droit
d’appel auprès des directions centrales ou même des instances politiques.
Conclusion générale
Au terme de ce bilan de presque dix années de programmation et
de mise en oeuvre de grands chantiers culturels, le sentiment qui s’impose
est celui d’un système complexe, très marqué par les orientations
politiques et les préférences personnelles, et qui ne peut pas être
considéré comme efficient au vu de ses résultats.
Certes, à en juger par les réalisations techniques probantes que
constituent par exemple la restauration de la nef du Grand Palais, la
rénovation du théâtre de l’Odéon ou le geste architectural de Jean Nouvel
au pied de la Tour Eiffel, le ministère de la culture n’a pas failli à sa
mission de conservation, de mise en valeur et de développement du
patrimoine national.
Mais il est impossible de s’en tenir à ce satisfecit, qui constitue le
coeur de la communication officielle entourant les grandes réalisations
culturelles. La sous-évaluation, parfois délibérée, du coût des projets au
moment de leur programmation aboutit à des écarts substantiels une fois
les travaux achevés, qui font peser sur le ministère de la culture une
contrainte de financement de plus en plus serrée et qui menacent
l’équilibre de sa politique d’investissement. Vis-à-vis des joyaux les plus
remarquables du patrimoine national, la substitution d’une obligation de
résultat technique à un juste équilibre entre moyens et objectifs peut être
comprise mais elle ne peut être érigée en méthode de pilotage comme
cela semble avoir été largement le cas sur la soixantaine d’opérations
programmées depuis dix ans.
Parallèlement, depuis la tempête du 26 décembre 1999, tous les
ministres de la culture successifs se sont rejoints sur la nécessité d’une
politique active de restauration d’un patrimoine historique dont l’état
sanitaire est jugé préoccupant. Plusieurs moyens de financement
innovants ont été mis en place à destination des propriétaires privés au
moyen de mesures fiscales, et les réformes successives du mécénat ont
permis aux collectivités publiques d’appeler en renfort de nouvelles
ressources. Il n’en reste pas moins qu’au niveau du budget général de
l’Etat, les moyens alloués à l’entretien et à la restauration du patrimoine
ont connu des vicissitudes.
146
COUR DES COMPTES
Les grands projets franciliens n’ont pas souffert des mêmes
contraintes. Il n’est pas question ici d’ « opposer » ces deux catégories
d’opérations, qui relèvent de priorités complémentaires. Mais en raison
des masses financières qu’ils représentent, et une fois admis que les
moyens d’investissement du ministère de la culture ne sont pas
extensibles, l’amélioration de la gestion des unes est la condition d’un
financement moins heurté des autres.
Il est donc indispensable que le ministère de la culture, et au-delà
la représentation politique du pays, se saisissent de cette question.
Les recommandations formulées par la Cour sont inspirées par le
souci de faire en sorte que les responsabilités de chacun des acteurs de la
chaîne politico-administrative soient clairement fixées. Car tel est bien le
mal dont semblent avoir souffert plusieurs chantiers : un enchevêtrement
d’interventions, parfois contradictoires, souvent concurrentes, qui se
traduisent
in fine
par des coûts et des délais non maîtrisés.
Elles peuvent être reformulées autour de trois observations
majeures.
La première, connue dans son principe mais moins dans ses effets,
c’est que la programmation des grands chantiers du ministère connaît des
à-coups fréquents dictés par les mouvements de personnes et leurs
préférences changeantes, au lieu de s’inscrire dans les cadres d’une
politique constante. Ce faisant, les grands chantiers se présentent comme
autant d’objets singuliers, sources d’une inefficience qui ne caractérise
pas seulement chacun d’eux pris isolément mais l’ensemble de la
politique d’investissement du ministère. La Cour s’est attachée à éclairer
les raisons et les manifestations de ce phénomène. Une politique
immobilière plus équilibrée implique une amélioration de la performance
de la maîtrise d’ouvrage du ministère.
La deuxième observation s’appuie sur le constat des résultats
observés sur les chantiers conduits par le SNT, l’EMOC et l’EPMQB. La
qualité de la maîtrise d’ouvrage et la performance globale de la conduite
des grands chantiers dépendent moins des dispositifs juridiques et
institutionnels que de la qualité de la programmation en amont et des
pratiques professionnelles en aval.
Cela ne signifie pas qu’une évolution institutionnelle ne finira pas
par s’imposer, au contraire. Tel est le sens de la troisième observation : le
schéma mis en place en 1998 autour du SNT et de l’EMOC est appelé
aujourd’hui à évoluer, en regard notamment de la montée en puissance
des grands opérateurs du ministère, et notamment du CMN. Ceux-ci, sur
le modèle de l’EPMQB, tendent à exercer eux-mêmes la maîtrise
d’ouvrage de leurs travaux et revoient profondément les conditions de
CONCLUSION GÉNÉRALE
147
leur recours aux maîtres d’ouvrage spécialisés. Pour autant, en dépit de
leur autonomie croissante, tous les opérateurs du ministère ne disposent
pas des moyens d’être leur propre maître d’ouvrage. Ce qui vaut pour le
Louvre s’applique plus difficilement au musée Picasso ou à la Comédie
Française.
Dans ce paysage mouvant, la situation des services constructeurs
spécialisés n’apparaît pas tenable en particulier compte tenu de leur
nombre et de leur plan de charge très incertain dès 2009. Un choix devra
donc être fait par le ministère dans un proche avenir pour concilier
l’intérêt d’une programmation et d’un pilotage au plus près des
utilisateurs tout en réussissant la mutualisation des compétences à
l’échelle du ministère.
Les outils esquissés ici ne visent qu’à donner les moyens à chacun
de jouer son rôle en situation de pleine responsabilité. Mais il faut
souligner avec force que seule une volonté politique réaffirmée et
constante dans le temps parviendra à réinscrire les grands chantiers
culturels dans le cadre d’une politique d’ensemble soutenable à moyen
terme, qui réserverait une place équilibrée aux grands équipements
culturels parisiens et au patrimoine historique de la Nation.
ANNEXES
149
ANNEXE 1 : LES GRANDS CHANTIERS
CULTURELS PROGRAMMES DEPUIS 1998
(en millions d’euros)
Coût total des
opérations (dernière
évaluation)
Crédits engagés
au 31 décembre
2006
1
Musée du Quai Branly (part ministère
de la culture, soit 50 %)
290,09
290,09
2
Centre des archives de Pierrefitte
190,46
6,59
3
Domaine de Versailles - schéma
directeur
131,70
34,30
4
Carré Richelieu (INHA / BNF)
120,80
0,60
5
MUCEM Marseille
107,54
11,24
6
Philarmonie de Paris (part Etat)
102,01
0,60
7
Cité de l'architecture et du patrimoine
(CAPA)
79,63
75,40
8
Immeuble des Bons Enfants
72,39
71,34
9
Grand Palais (phase 2)
66,61
27,63
10
Palais Royal
60,18
0,54
11
Grand Palais (phase 1)
55,95
63,75
12
Louvre (opérations de l'établissement)
55,00
6,33
13
Grand Palais (phase 3)
48,37
0,00
14
Musée des arts décoratifs (UCAD)
46,66
46,66
15
Ecole d'archtecture de Paris-Val-de-
Seine
43,00
42,79
16
Ecole d'architecture de Paris-Belleville
41,15
19,35
17
Résidences présidentielles
40,27
40,27
18
Opéra Garnier (Façades)
40,23
0,12
19
Théâtre de l'Odéon
37,89
37,89
20
ENSAD
36,42
35,29
21
Conservatoire des arts et métiers
36,28
36,28
150
COUR DES COMPTES
Coût total des
opérations (dernière
évaluation)
Crédits engagés
au 31 décembre
2006
22
Grande Halle de la Villette
36,00
24,46
23
Opéra comique
34,50
0,60
24
Cinémathèque
34,04
34,04
25
Musée de l'Orangerie
30,90
27,66
26
Ecole d'architecture de Nantes
26,79
22,92
27
Fort de Vincennes
23,46
23,46
28
Palais
de
Tokyo
-
projet
art
contemporain
23,00
0,00
29
Centre
européen
de
musique
de
chambre de Fontainebleau
22,21
5,50
30
Institut national d'histoire de l'art
21,80
21,60
31
Cité
nationale
d'histoire
de
l'immigration (Porte Dorée)
20,00
20,00
32
Ecole
d'architecture
de
Clemont-
Ferrand
19,18
0,32
33
Ecole nationale des Beaux Arts
18,25
4,45
34
Ecole d'architecture de Versailles
18,14
13,50
35
Musée d'Orsay - espaces d'accueil
17,29
17,29
36
Versailles
-
toitures,
menuseries,
divers EMOC
17,25
17,10
37
Saint-Cyr
16,70
4,54
38
Centre national de la danse de Pantin
15,98
15,87
39
Ecole d'architecture de Strasbourg
15,61
0,00
40
Batterie de Bois d'Arcy
13,31
13,31
41
Palais de Chaillot
12,49
7,46
42
Centre des archives contemporaines
de Fontainebleau
12,29
6,08
43
Parc de Saint-Cloud
10,01
5,93
44
Invalides
9,91
6,60
45
Musée d'Orsay - tympan Est
8,95
0,88
ANNEXES
151
Coût total des
opérations (dernière
évaluation)
Crédits engagés
au 31 décembre
2006
46
Opéra Garnier (grand foyer)
7,60
7,60
47
Val de Grâce
6,99
3,61
48
Poutre de la Cité de la musique
6,94
8,36
49
Manufacture de Sèvres
6,91
2,05
50
Centre d'accueil et de recherche des
archives nationales
6,57
6,57
51
Comédie Française 2ème phase
6,50
0,20
52
Palais de Tokyo - Jeune Création
6,29
5,23
53
Louvre - Salle des Etats
6,29
6,29
54
Musée de Fontainebleau
6,00
1,68
55
Louvre - Galerie d'Apollon
5,41
5,41
56
Versailles Pavillon Gabriel
5,27
5,27
57
Ecole militaire
5,07
2,18
58
Panthéon
5,07
5,07
59
DRASSM Marseille
4,90
4,90
60
Manufacture des Gobelins
4,42
4,31
61
Comédie Française 1ère phase
2,98
2,68
Total
2 273,87
1 212,03
152
COUR DES COMPTES
ANNEXE 2 : LES DÉPENSES IMMOBILIÈRES
DU MINISTÈRE DE LA CULTURE
1°) Opérations déconcentrées / opérations d’intérêt nationale :
articles budgétaires concernés (jusqu’à 2005)
Opérations déconcentrées d’entretien
du patrimoine
Opérations d’intérêt national et
grands travaux
56-20-20
Patrimoine
monumental :
opérations déconcentrées
56-20-50
Monuments
historiques
appartenant
à
l’Etat :
opérations d’intérêt national
66-20-60
Patrimoine
monumental :
opérations déconcentrées
56-91
Bâtiments
et
autres
investissements
66-91-90
Autre
équipements
–
opérations déconcentrées
66-20-90
Patrimoine
monumental :
autres opérations d’intérêt
national
59-04-10
(en 2005)
Programme « Patrimoines »
- patrimoine monumental et
archéologique – DRAC de
Basse-Normandie,
Rhône-
Alpes,
Picardie,
Midi-
Pyrénées
et
Poitou-
Charentes
66-91-32
Patrimoine muséographique
et arts plastiques : autres
opérations (UCAD)
66-91-40
Théâtres nationaux (Odéon)
66-91-51
Opéra national de Paris
66-91-62
Musée du quai Branly
66-91-68
Domaine
national
de
Versailles
66-91-69
EMOC (Orangerie)
66-91-73
Musée du Louvre
66-91-74
Parc et grande halle de la
Villette
66-91-84
Musée d’Orsay
ANNEXES
153
2°) Evolution des dotations en loi de finances
Opérations déconcentrées d'entretien du patrimoine
56-20-20
66-20-60
66-91-90
59-04-10
Total
2001
91 507 523
33 877 221
3 747 197
129 131 040
2002
56 259 000
45 932 000
58 010 000
160 201 000
2003
17 933 000
49 866 000
52 061 000
119 860 000
2004
40 335 000
45 437 000
10 425 000
96 197 000
2005
67 427 000
35 203 000
25 229 000
40 278 480
168 137 480
Total
2001-2005
273 461 523
210 315 221
149 472 197
40 278 480
673 527 420
Opérations nationales et grands travaux
56-91
56-20-50
66-20-90
66-91,
articles 32, 40,
51, 54, 62, 68,
69, 73, 74, 84
Total
2001
106 509 573
74 219 804
19 042 254
62 48 9614
262 261 246
2002
102 213 000
82 256 000
28 838 000
58 898 000
272 205 000
2003
19 265 000
7 623 000
28 079 000
47 300 000
102 267 000
2004
80 217 000
64 634 000
23 095 000
49 614 000
217 560 000
2005
100 259 000
39 813 000
20 762 000
64 940 000
225 774 000
Total
2001-2005
408 463 573
268 545 804
119 816 254
283 241 614
1 080 067 246
154
COUR DES COMPTES
3°) Evolution des dépenses
Opérations déconcentrées d'entretien du patrimoine
56-20-20
66-20-60
66-91-90
59-04-10
Total
2001
134 909 257
34 883 109
57 473 890
227 266 256
2002
145 020 687
45 063 411
53 814 444
243 898 542
2003
130 156 455
43 704 741
51 437 029
225 298 225
2004
100 866 293
58 757 157
61 226 450
220 849 900
2005
90 701 181
38 197 139
30 129 663
55 062 265
214 090 248
Total
2001-2005
601 653 873
220 605 558
254 081 475
55 062 265
1 131 403 171
Opérations nationales et grands travaux
56-91
56-20-50
66-20-90
66-91,
articles 32,
40, 51, 54,
62, 68, 69,
73, 74, 84
Total
2001
62 427 755
77 464 229
20 796 483
41 232 794
201 921 261
2002
69 835 449
68 401 874
34 824 067
53 386 315
226 447 705
2003
86 436 875
93 153 538
23 803 613
47 402 337
250 796 363
2004
111 897 709
67 227 294
23 104 976
61 435 287
263 665 266
2005
97 039 603
68 445 978
30 129 663
64 675 037
260 290 281
Total
2001-2005
427 637 391
374 692 913
132 658 802
268 131 770
1 203 120 876
ANNEXES
155
ANNEXE 3 : REPARTITION DES PROJETS ENTRE EMOC ET SNT
SNT
EMOC
Palais nationaux
: Palais-Royal, Saint-Germain-en-Laye, Rambouillet
(hors château), Marly-le-Roi, Malmaison et Bois-Préau, Meudon,
Compiègne
Louvre (hors dotation de l’EPML dt UCAD)
Tuileries (y compris Jeu de Paume et Orangerie)
Versailles (hors parties remises en dotation à l’EPCV) Fontainebleau
(MCC + Min Def hors CEMC)
Rq. Arc de Triomphe, Panthéon, Château de Vincennes, Saint-Cloud (y
compris Jardies et Sèvres) et Hôtel de Sully passé sous maîtrise
d’ouvrage CMN par ordonnance du n°2005-1128 du 8 septembre 2005
Louvre – Galerie d’Apollon
Louvre – Salle des Etats
Louvre – Restaurant du personnel
UCAD
Musée de l’Orangerie (rénov, clos & couvert)
Versailles – Pavillon Gabriel
Versailles – menuiseries, toitures, gd commun
Versailles – château
Versailles – Centre de musique baroque
Fontainebleau – Centre musique de chambre
Sèvres (convention avec le CMN)
Résidences présidentielles
:
Elysée, Marigny, Palais de l’Alma, Pavillon
de chasse de Marly-le-Roi, Château de Rambouillet, Souzy-la-Briche.
156
COUR DES COMPTES
Administration centrale du MCC
:
rue des Pyramides, rue de Rivoli,
rue d’Aboukir, rue de Richelieu, rue du Renard, rue Vacquerie, Fort de
Saint-Cyr, Hôtels de Fontenay, Jaucourt, Croisilles, Vighy, Kunsky
Bons Enfants
Bons Enfants
Institutions et établissements du MCC
:
- DAG (CNC) : Batterie Bois d’Arcy, Fort de Saint-Cyr
Cinémathèque française
- DAF : Quadrilatère des archives (hors partie BNF)
Centre des archives contemporaines de Fontainebleau
Centre national des archives de Pierrefitte
- DLL : Quadrilatère Richelieu (hors partie BNF), Bibliothèque de
l’Arsenal, Hôtel d’Avejan (CNL)
Quadrilatère Richelieu
INHA
INP Vivienne
- DAPA : Hôtels des Invalides (musée plans reliefs), Couvent Cordeliers
de Provins
Ancienne école d’architecture de Nanterre
Ecoles d’architecture (Versailles, Nantes, Val-de-Seine,
Belleville, Clermont-Ferrand, Strasbourg)
Palais de Chaillot
Cité de l’architecture et du patrimoine
ANNEXES
157
- DMF : Hôtel Nissim de Camondo (UCAD), Thermes de Cluny (musée
du Moyen Age), Musées Eugène Delacroix, Ennery, Guimet, MNAAO,
château d’Ecouen (musée de la Renaissance), Hôtel Salé (musée Picasso),
Musée des arts et traditions populaires
Musée d’Orsay (marquise, Tympan Est)
Museum (amphithéâtre Verniquet)
Cité nationale d’histoire de l’immigration
Etudes musée Picasso
MUCEM Marseille
Etudes musée Hebert
Grand Palais (partie galeries nationales)
Grand Palais (hors galeries nationales)
Palais de la découverte
- DMDTS : Comédie Française, théâtre du Vieux Colombier, TNChaillot,
TEP, TNColline,
Opéra-Comique, Opéra Garnier
CNSAD
Théâtre national de l’Odéon
Centre national de la Danse de Pantin
Cité de la musique
Etudes CNSAD
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Source : arrêté du 24 octobre 2002 modifié relatif au SNT
et liste des conventions de mandats EMOC
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES
159
La Cour, réunie en chambre du conseil le mercredi 12 décembre
2007 pour arrêter définitivement son rapport sur les « grands chantiers
culturels », a décidé de ne pas insérer dans ce document les observations
adressées au Premier président le mardi 11 décembre 2007 par les services
du
ministère de la culture et de la communication
: la Cour a en effet
considéré que seules les réponses signées par les ministres destinataires
d’un projet de rapport public répondent aux dispositions de l’article L.136-5
du code des juridictions financières, qui prévoit :
« Art. L. 136-5. - Les rapports publics de la Cour des comptes,
auxquels sont jointes les réponses des ministres et des représentants des
collectivités territoriales, des établissements, sociétés, groupements et
organismes intéressés, sont publiés au Journal officiel de la République
française. Ces réponses engagent la seule responsabilité de leurs auteurs.
Le délai de leur transmission à la Cour des comptes et les conditions de
leur insertion dans le rapport sont fixés par décret en Conseil d'Etat.
»
160
COUR DES COMPTES
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DE L’ETABLISSEMENT PUBLIC DE
MAÎTRISE D’OUVRAGE DES TRAVAUX CULTURELS (EMOC)
Sur la maîtrise d’ouvrage
La Cour mentionne à plusieurs reprises la volonté des
établissements publics d’être maîtres d’ouvrages de plein exercice
conformément à l’évolution de la réglementation ( ordonnance du
8 décembre 2005) et donc d’assumer directement ce qui relève
aujourd’hui d’une part de l’Emoc pour les opérations de transformation
fonctionnelle, d’extension ou de constructions neuves et d’autre part du
SNT pour les travaux courants et les travaux de restauration du clos et de
couvert. La Cour conclut de cette évolution une inéluctable diminution du
plan de charge des deux services.
Le plan de charge de l’Emoc est certes appelé à évoluer du fait
de l’arrivée à maturité du programme de modernisation des équipements
culturels financé par le ministère de la culture. Mais il nécessaire, en
revanche, de s’interroger sur le bon dimensionnement des moyens
propres que chaque établissement consacrera à cette mission.
L’analyse de la Cour doit en effet être nuancée au regard de la
nature des tâches de maîtrise d’ouvrage dans le domaine du bâtiment, qui
relèvent en fait de plusieurs niveaux d’intervention :
Niveau 1
.
La maîtrise d’ouvrage ordinaire dont l’objet est d’assurer la
permanence du fonctionnement de l’équipement
Niveau 2.
La maîtrise d’ouvrage événementielle dont l’objet est de
réaliser les aménagements provisoires qui permettent la tenue
des manifestations
Niveau 3
.
La maîtrise d’ouvrage exceptionnelle
La maîtrise d’ouvrage ordinaire (Niveau 1) regroupe les
opérations suivantes :
entretien, grosses réparations, organisation de la sous-traitance,
renouvellement des équipements, restauration, modifications du
fait des évolutions réglementaires (matériaux prohibés, sûreté,
sécurité du public, ascenseurs, accueil des personnes handicapées,
économies d’énergie…), améliorations fonctionnelles…
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES
161
La maîtrise d’ouvrage événementielle (Niveau 2) regroupe les opérations
suivantes :
conception et réalisation d’exposition temporaires, conception et
réalisation d’ouvrages temporaires ou adaptation des ouvrages et
accès pour l’organisation de manifestations ou d’évènements…
La maîtrise d’ouvrage exceptionnelle (Niveau 3) correspond à la
construction de l’équipement (musée du quai Branly, école d’architecture
de Paris Val-de-Seine ou Nantes, Philharmonie), à un réaménagement
intérieur global (théâtre de l’Odéon), à la construction d’une extension
(musée de l’Orangerie) ou à la mise en oeuvre par phase d’un schéma
directeur de réaménagement (château de Versailles, Port-Royal des
Champs). La réalisation de ces opérations nécessite le plus souvent la
fermeture totale ou partielle de l’établissement.
Les
deux
premiers
niveaux
de
maîtrise
d’ouvrage
sont
étroitement imbriqués dans la vie quotidienne de l’établissement. Un
établissement doit être organisé pour faire face avec ses propres moyens
aux commandes des travaux qui participent de la qualité du service
public dont il a la charge et permettent la mise en oeuvre des expositions,
manifestations et évènements nécessaires à son rayonnement et à la
création
de
recettes.
Il
apparaît
donc
nécessaire
que
chaque
établissement ou service gestionnaire soit doté de tels moyens. Mais il
n’en va pas de même pour les opérations exceptionnelles dont
l’occurrence est rare, qui doivent être traitées en dehors de la pression
du quotidien et de l’urgence et peuvent faire appel à des compétences
différentes.
Cette différenciation des niveaux de maîtrise d’ouvrage apparaît
clairement dans l’organisation choisie par un très grand établissement, le
musée du Louvre, où l’on constate que la maîtrise d’ouvrage est conduite
dans le cadre de deux directions, la direction architecture-muséographie-
technique en charge de la maîtrise d’ouvrage ordinaire et événementielle
(niveaux 1 et 2), et la direction de la maîtrise d’ouvrage en charge des
opérations exceptionnelles (niveau 3). La séparation retenue, a priori
génératrice de surcoût, apparaît toutefois judicieuse quand on examine
les rythmes d’action des différents niveaux : temps court pour les actions
des niveaux 1 et 2, temps long pour la conduite des projets exceptionnels.
Pour les autres établissements, qui ne disposent pas des moyens
du musée du Louvre, ou qui ne sont pas amenés à conduire de nombreux
projets exceptionnels, il est donc primordial d’assurer de façon
permanente le fonctionnement de l’équipement, l’accueil du public ainsi
que la tenue des expositions, manifestations et événements. Pour ces
établissements,
leur
capacité
en
maîtrise
d’ouvrage
est
donc
162
COUR DES COMPTES
dimensionnée et mobilisée en priorité sur ces objectifs, dont le respect
conditionne le service rendu au public et par-là la performance sur
laquelle ils sont engagés.
Quant à leurs projets exceptionnels, ils sont conduits, le moment
venu, de façon adaptée :
o
soit par la constitution d’une équipe qualifiée spécialement
dédiée au projet avec l’inconvénient du coût et de la
reconversion de l’équipe en fin de projet,
o
soit par le recours à un établissement transversal prestataire de
services comme l’Emoc, dont le coût demeure, comme le relève
la Cour, maîtrisé,
o
soit par le recours à un prestataire privé avec la difficulté de
gérer le contrat du prestataire si les conditions de réalisation du
projet évoluent.
Nous considérons que la réflexion qui a présidé à la création de
l’Emoc : constituer une agence de moyens, permettant de mutualiser les
expériences et les compétences, de rationaliser l’utilisation des
expertises et de gérer les inévitables conflits entre les logiques de court
terme et les logiques de moyen et long terme, garde toute sa pertinence.
C’est d’ailleurs sur la base de cette analyse que l’Etablissement
public de Versailles a décidé de confier à l’Emoc, dans le cadre d’un
mandat de maîtrise d’ouvrage, la mise en oeuvre du schéma directeur de
modernisation du château ainsi que la restauration et l’aménagement de
l’ancien hôpital Larrey, que l’Etablissement public du musée d’Orsay lui
a confié la conduite de la restauration de tympan Est et l’aménagement
du pavillon amont du musée et que le Centre Georges-Pompidou souhaite
aujourd’hui son assistance pour l’aménagement, dans le palais de Tokyo,
du Centre Georges-Pompidou-Alma.
Sur les écarts de coût
Au-delà du débat sur le quantum du dépassement lié à prise en
compte des extensions de programme dans le coût final retenu par la
Cour, les causes des écarts de coût peuvent être classées sous les
rubriques suivantes :
o
Insuffisance de l’évaluation initiale (avec la difficulté d’évaluer des
opérations uniques, complexes, souvent dans des bâtiments
existants)
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES
163
o
Modifications de programme
o
Problèmes de conduite de l’opération
o
Evènements imprévisibles (découverte archéologique, découvertes
lors de démolition ou d’excavation, défaillance d’entreprise…)
o
Evolution du cadre réglementaire en cours d’opération
Sur ce dernier point, nous considérons que l’évolution du cadre
réglementaire a eu un effet important sur l’évolution des coûts des
chantiers analysés par la Cour.
Durant la période considérée, les évaluations de coût des
travaux
établies
par
les
maîtres
d’oeuvre
se
sont
trouvées
systématiquement et notablement inférieures aux prix proposés par les
entrepreneurs dans leurs soumissions. Et les appels d’offres ont été
systématiquement infructueux.
Rappelons que les estimations du maître d’oeuvre sont établies
durant la phase des études par des économistes de la construction qui
travaillent à partir de base de données calées sur des coûts unitaires
d’opérations antérieurement réalisées.
Compte tenu du caractère généralisé de ces sous-évaluations qui
n’étaient pas compensées par l’évolution de l’indice BT01, nous avons
été amenés à plaider un décrochage des prix de vente des entreprises non
pris en compte dans l’évolution de l’indice. Ce phénomène se situant en
2000-2001, au moment du passage aux 35 heures une corrélation a été
avancée entre ce « décrochage de prix » et l’accroissement des coûts de
production provoqué, dans le domaine du bâtiment, par la hausse de la
composante main d'oeuvre résultant des " 35 heures payées 39".
Pour faire face à ce décrochage nous avons demandé et obtenu,
avec l’accord du ministère du budget, par avenant aux conventions de
mandat une compensation conjoncturelle de 10% de la part travaux.
L’Etablissement public du musée du quai Branly a, quant à lui, obtenu
une compensation de 12,5%.
Au-delà de ce phénomène conjoncturel qui explique toutefois une
part importante des écarts de coût relevés, il va de soi que la maîtrise
d’ouvrage dans son ensemble doit améliorer sa performance sur thèmes
dont elle est seule responsable, l’évaluation initiale et la conduite des
projets et maîtriser les évolutions de programme.
164
COUR DES COMPTES
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DE L’ETABLISSEMENT PUBLIC
DU MUSÉE DU QUAI BRANLY
L’Etablissement public du musée du quai Branly se félicite que la
Cour, au terme de son contrôle, se soit montrée satisfaite de la maîtrise
des coûts de maîtrise d’oeuvre et de maîtrise d’ouvrage puis ait « pris acte
que le musée aujourd’hui achevé corresponde aux attentes de ses
concepteurs et qu’au terme des travaux, aucun dysfonctionnement majeur
ni contentieux n’obscurcissent ses premiers mois d’exploitation, marqués
par un succès public indéniable ».
La Cour a pu contrôler en 2007 un projet dont l’ensemble des
procédures administratives et juridiques étaient clôturées, sans qu’aucun
risque contentieux n’entrave le bouclage du bilan financier définitif. La
Cour a d’ailleurs validé l’ensemble des exercices contrôlés depuis 1999
sans aucune réserve et en soulignant l’efficacité des outils de pilotage mis
en place par l’Etablissement pour assurer sa responsabilité de maître
d’ouvrage et informer ses tutelles.
Le coût complet de l’opération tel que l’arrête la Cour est
supérieur de 8 % au montant calculé par l’Etablissement public et
présenté à son Conseil d’administration du 3 avril 2006. Cet écart est du à
la prise en compte par la Cour de dépenses qui ne relèvent pas de la
construction du musée à proprement parlé mais de la conservation
préventive des collections, de la restauration d’oeuvres, ou de leur mise en
état de présentation des collections, tâches qui s’imposent à tout musée
national en dehors même de la construction d’un nouveau lieu de
présentation.
La Cour regrette un retard de deux ans de l’inauguration du musée.
La Haute Juridiction relève cependant elle-même que ce
« retard » qui se mesure par rapport à une ouverture annoncée en 1998,
avant même la réalisation du concours d’architecture, est dû à « deux
sauts importants » survenus avant le démarrage effectif des travaux : le
premier était dû à la complexité de la mise au point des études suite aux
difficultés rencontrées lors de la passation des appels d’offres pour la
désignation des entreprises de travaux en 2001 alors que le second est le
fruit de l’imbrication des travaux de terrassement et des opérations
préventives de fouilles archéologiques en 2002 et 2003. A la suite de ces
deux événements, et comme le relève la Cour, l’opération s’est déroulée
selon le calendrier prévu grâce notamment à la détermination de
l’Etablissement public dans le pilotage des travaux et à son intransigeance
pour le respect du programme initial. Aucun de ces délais ne peut être
imputé à un nouveau fonctionnement de l’Etablissement, ce que reconnaît
la Cour.
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES
165
La Cour des comptes estime d’autre part que la réalisation du Quai
Branly a coûté 42 % de plus que l’enveloppe financière initiale.
La Cour prend en effet pour base, pour arriver à ce constat
spectaculaire non le budget fixé en 2001 mais le coût estimé avancé en
1998 avant la création de l’Etablissement public, avant le début de la
réflexion muséologique et alors que la petite équipe qui venait d’être
réunie n’avait même pas encore accès aux collections du futur musée.
La Haute Juridiction reconnaît d’ailleurs elle-même le caractère
incomplet
de cette estimation qui ne comprenait même pas d’indice
d’actualisation.
Considérer, comme le fait la Cour, que des abondements de
l’enveloppe décidés par le Gouvernement, sur la base du développement
du programme architectural et du contenu scientifique, comme ceux qui
sont intervenus en 1998 et 2001 sont des « augmentations » par rapport à
une prévision de mauvaise qualité revient à conseiller à la puissance
publique de ne pas démarrer la construction d’un projet tant qu’il n’a
pas été développé dans tous ses détails : suivant cette logique, le Quai
Branly n’aurait pas ouvert en 2006 et son coût, compte tenu de
l’évolution des indices de la construction, aurait été supérieur.
L’Etablissement estime donc que seul le programme complet,
proposé
par
l’Etablissement
public
en
2000 et
validé
par
le
Gouvernement en 2001 avant le début des travaux peut servir de base de
calcul pertinent. Par rapport à cette base, le coût pour le budget du
projet n’a augmenté que 14 % en 6 ans.
En outre la Cour compare le coût complet et final de l’opération
de réalisation du musée que l’Etablissement arrête à 267 M€ si l’on ne
tient pas compte de dépenses muséologiques de nature récurrentes qui
n’ont, jusqu’à présent, jamais été prises en compte dans l’évaluation du
coût des grands projets muséologiques, à la ressource budgétaire initiale.
Elle ne tient donc compte ni des compléments de programme
décidés par le Gouvernement, qui devraient logiquement être distingués
des « augmentations de coût » car ce ne sont pas des dérapages mais des
enrichissements, ni de la part de dépenses financées par les ressources
propres à l’Etablissement (mécénat, recettes publicitaires de la palissade
du chantier, produits financiers) qui s’élève à 21 M€.
166
COUR DES COMPTES
RÉPONSE DU DIRECTEUR DU THÉÂTRE DE L’ODÉON
Les extraits du rapport de la Cour des comptes concernant le
théâtre de l’Odéon n’appellent de ma part aucune remarque particulière
à l’exception des considérations suivantes :
o
La qualité du bâtiment rénové qui nous a été livré est
globalement très satisfaisante ;
o
Les
délais
d’achèvement
des
travaux
n’ont
eu
aucune
conséquence sur l’activité de programmation du théâtre, le
travail avec les équipes de l’EMOC s’étant déroulé dans un
climat remarquable de professionnalisme, d’anticipation et de
cordialité.
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL D’ADMINISTRATION DE
L’OPÉRA NATIONAL DE PARIS
J’ai pris connaissance avec le plus grand intérêt des observations
du rapport public de la Cour des comptes concernant l’Opéra national de
Paris, qui seront particulièrement précieuses pour l’établissement.
Je prends acte des conclusions de la Cour des comptes sur la
conduite des travaux du chantier de la rénovation du grand foyer de
l’Opéra Garnier, dont l’Opéra national de Paris n’assurait pas la
maîtrise d’ouvrage.
Je suis particulièrement sensible aux remarques de la Cour des
comptes relatives aux modifications et suspensions de la programmation
pluriannuelle de rénovation de l’Opéra Garnier intervenues en 2002. A
plusieurs reprises, le conseil d’administration a souhaité que cette
programmation soit établie. Mais il n’a pour l’instant pas été possible
d’obtenir l’accord des tutelles sur ce point, malgré les efforts du
directeur qui appelle régulièrement leur attention sur ce dossier. Un
point y sera consacré lors du comité financier qui se tient ce jour même
(21 novembre 2007). Il y a maintenant une véritable urgence par
l’accumulation des retards dans le lancement des opérations de
rénovation des façades et des abords fait peser un risque en matière de
sécurité sur la voie
publique.
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES
167
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DIRECTEUR DU MUSÉE DU LOUVRE
Je vous prie de bien vouloir trouver ci-dessous les remarques
que les observations formulées dans les extraits du rapport public de la
Cour des comptes concernant l’établissement public du musée du Louvre
appellent de ma part.
***
Le musée du Louvre partage l’essentiel des préoccupations
soulevées par la juridiction dans ces extraits. J’observe que certaines
critiques qu’elle formule ont été considérées de manière similaire par
notre établissement, conduisant à des mesures destinées à apporter les
corrections nécessaires.
1.- Eléments introductifs
La Cour évoque les caractéristiques communes à de nombreux
projets culturels, dont leur caractère francilien. Le Louvre joue depuis sa
création un rôle moteur en régions, par le dépôt d’oeuvres, l’organisation
d’expositions, de partenariats culturels et éducatifs, ou, plus récemment
et à titre d’exemple, par la recherche de mécénats visant à permettre
l’acquisition d’une peinture de Nicolas Poussin, qui sera présentée au
musée des beaux arts de Lyon. En matière de chantiers culturels, dans le
cadre de la politique du ministère de la culture et de la communication,
j’ai très vivement souhaité que le Louvre, musée national, puisse
participer à l'effort de décentralisation et de démocratisation culturelle,
notamment par la création d'un Louvre hors les murs.
C’est ainsi que se conçoit aujourd’hui, en partenariat avec de
nombreuses collectivités locales et – en premier lieu – le conseil régional
du Nord-Pas de Calais, le projet très remarquable du Louvre Lens. Le
partage des responsabilités entre les acteurs veille, de surcroît, à un
équilibre entre ce qui relève du domaine scientifique et culturel
(expertise, mise à disposition des oeuvres), à la charge du Louvre, et ce
qui relève des éléments logistiques (charges liées à l’investissement et au
fonctionnement), dont la responsabilité est du ressort des collectivités
locales. Ce projet exemplaire à bien des égards est de nature à créer une
dynamique non seulement culturelle, mais également touristique,
économique
et
sociale
dans
une
région
ayant
souffert
de
la
désindustrialisation.
168
COUR DES COMPTES
2.- La Cour insiste sur le fait que certains opérateurs, dont le Louvre,
préfèrent constituer leurs propres capacités de maîtrise d'ouvrage.
Cette observation est exacte mais à nuancer. Il convient en effet
de relever que c'est le ministre de la culture qui, en 2003, a souhaité
conférer la responsabilité de maître d'ouvrage au musée du Louvre,
notamment pour conduire le projet des nouvelles salles des Arts de
l’Islam qui venait d'être décidé par le Président de la République. C'est
vraisemblablement son expérience à la tête du Centre Pompidou qui
l'avait conduit à préconiser cette solution par opposition au recours à
une maîtrise d'ouvrage de l'EMOC.
Il importe en effet d’insister sur le caractère particulièrement
inadéquat de la scission entre les responsabilités de constructeur et
d’exploitant. En effet, l’efficience de chacun d’entre eux, fondée
respectivement sur le souhait de ‘construire moins cher’ et d’ ‘exploiter
moins cher’, ne garantit pas l’efficacité du système, bien au contraire.
En réalité, c’est la préoccupation d’un coût global d’acquisition
calculé sur la longue période qui doit être au coeur de la conduite des
grandes opérations. Un choix plus onéreux d’un matériau ou d’un
équipement lors d’un chantier peut mener à des économies considérables
durant les vingt ou trente ans d’exploitation du lieu ainsi construit ou
réhabilité. La responsabilisation d’un opérateur unique, et en tout état de
cause, celui qui aura à répondre de la qualité de sa performance durant
la période pendant laquelle l’équipement sera ouvert à ses usagers, milite
en faveur d’un pilotage unifié.
En ce sens, ce souci d’efficacité dépasse le constat d’une maîtrise
d’ouvrage dépendante des opérateurs comme simple ‘corollaire de
l’autonomie scientifique des établissements’. Il s’agit, en réalité, de
réunifier le rôle de maître d’ouvrage afin d’éviter – en le scindant
artificiellement – d’aboutir au conflit d’intérêt évoqué ci-dessus et qui
relève d’une certaine forme de schizophrénie organisationnelle. Cette
démarche accompagne la volonté de responsabilisation des équipes
dirigeantes des établissements publics que traduit la tendance, évoquée
par la Cour dans son rapport, de conférer aux grandes institutions
muséales de l’Etat une personnalité juridique. Il est à relever que le
précédent rapport de la Cour sur le Louvre avait critiqué une ‘autonomie
tronquée’.
Fort de ce constat, le Louvre a pu mettre en oeuvre une solution
adaptée à sa situation et à la programmation de chantiers qui devraient
intervenir dans les prochaines années, c'est-à-dire la création d’une
direction de la maîtrise d’ouvrage en charge de la conduite des grands
projets. Cette solution, par ailleurs, permet d’obvier aux critiques qui
constituent le sous-jacent d’une grande part des remarques formulées par
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES
169
la Cour, c'est-à-dire les fluctuations programmatiques des usagers et la
répartition
hasardeuse
des
responsabilités
entre
constructeur
et
exploitant.
De surcroît, la réalité du Louvre est très particulière : plus grand
musée du monde (par la fréquentation, la surface ou le nombre
d’oeuvres), il s’agit également d’un palais royal et impérial, construit au
cours des siècles et, partant, très spécifique, notamment lorsqu’il s’agit
de respecter des normes de sécurité ou de conservation des oeuvres qui
nécessitent des équipements techniques mal adaptés à l’environnement
d’un monument historique. Ce contexte signifie que la conduite de projets
importants, au sein d’un établissement fréquenté par plus de 30 000
visiteurs par jour en moyenne, nécessite une connaissance fine des lieux
et de leurs contraintes.
C’est donc la conjonction d’un principe général d’efficacité et de
la réalité particulière d’un bâtiment éminemment complexe qui justifie
pleinement la création d’une direction interne en charge de la maîtrise
d’ouvrage.
3.- La haute juridiction mentionne l’insuffisance de la programmation
immobilière du ministère de la culture et de la communication et de ses
établissements.
Pour ce qui relève du Louvre, les grands projets immobiliers sont
intégrés dans les documents qui encadrent, sur une base pluriannuelle, la
vie de l’établissement et qui font l’objet d’une négociation avec ses
autorités de tutelle.
Cette
politique
conventionnelle,
particulièrement
novatrice
lorsqu’elle a été mise en oeuvre, s’est traduite par un contrat d’objectifs et
de moyens couvrant la période 2003-2005 puis, changement d’intitulé,
par un contrat de performance portant sur la période 2006-2008. Dans
ces documents, les grands projets du Louvre comme ceux de la galerie
d’Apollon, des nouvelles salles dédiées au département des arts de
l’Islam, d’amélioration des conditions d’accueil et d’accès du public
(intitulé projet Pyramide), de schéma directeur de sécurité incendie sont
expressément mentionnés. La décision de les lancer, leur budget et leur
calendrier ont été arrêtés en commun avec le ministère de tutelle.
Ces perspectives triennales peuvent paraître insuffisantes
relativement à un ensemble de chantiers complexes qui doivent
s’articuler sur une plus longue période. C’est pourquoi, comme l’évoque
le rapport de la Cour, le musée du Louvre a établi au second semestre
2007 un schéma directeur des grands travaux sur une période de dix ans,
de 2008 à 2018. Il en avait également établi un en 2001 qui a servi de
base aux discussions du premier contrat de performance 2003-2005.
170
COUR DES COMPTES
4.- La Cour insiste très justement sur la nécessité de prendre en compte
très en amont, dans la gestion des chantiers, les projets culturels et les
contraintes d’exploitation.
A
cet
égard,
l’exemple,
cité
à
plusieurs
reprises,
du
positionnement de la Joconde dans la salle des Etats du musée du Louvre
est très éclairant même si, en une occurrence, elle peut conduire, de
manière erronée, à laisser entendre que des évolutions de dernière heure,
voulues par l’établissement ont conduit à des surcoûts.
En effet, c’est tout au contraire parce que la maîtrise d’ouvrage
de ce chantier avait été déléguée à l’EMOC qu’une erreur d’appréciation
a pu être commise telle que le choix fait de positionner sur une seule et
même cimaise deux chefs d’oeuvres majeurs que sont les Noces de Cana
et la Joconde quant aux flux de visiteurs qu’ils attirent quotidiennement.
L’EMOC n’a pas joué entièrement à l’égard du musée le rôle de
maître d’ouvrage en ne prenant pas en compte les contraintes de
différente nature que comportait cette opération, notamment en terme de
flux et de sécurité du public.
Effectivement, la gestion des flux à proximité des oeuvres qui sont
considérées comme incontournables par les visiteurs du musée constitue
une problématique à laquelle les départements et directions compétents
de l’établissement réfléchissent constamment. Elle implique le souhait de
préserver la cohérence scientifique et culturelle de la présentation d’une
collection tout en veillant à intégrer le phénomène particulier lié à la
surfréquentation des espaces, à proximité de ces oeuvres. En d’autres
termes, il est crucial de prévoir des espaces en amont, qui vont permettre
d’organiser le flux des visiteurs et de créer des files d’attente dans des
conditions les plus confortables pour le public, mais également la fluidité
nécessaire pour que les visiteurs, en aval, puissent continuer leur visite
sans avoir à faire demi tour.
Cette gestion des flux constitue un élément clef dans la conduite
des travaux culturels, tout particulièrement dans un musée comme le
Louvre, le plus fréquenté au monde.
Au total, alors que l’exemple cité laisserait accroire que le
Louvre a souhaité un changement dans la présentation des oeuvres
presque par arbitraire, ou tout le moins en se fiant au résultat tardif
d’analyses des flux, c’est plutôt l’absence de cette étude précise des flux
qui aurait du être conduite bien avant, dans la phase d’élaboration du
programme, qui peut être critiquée. C’est bien l’insuffisance de prise en
compte de la spécificité de la conduite de travaux en milieu muséal par
un établissement constructeur comme l’EMOC qui est mise en exergue
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES
171
par cet exemple et constitue l’un des facteurs qui justifie la mise en place
d’une direction de la maîtrise d’ouvrage au sein de l’établissement.
Le bien fondé de cette position est conforté par la hausse de la
fréquentation depuis la date à laquelle la modification est intervenue,
croissance de 60%. Ainsi, le maintien du choix initial de placement de la
Joconde aurait été particulièrement inopportun.
5.- Le rapport évoque le fait que les choix de lancer des chantiers repose
sur des préoccupations contingentes,
notamment une ‘surdétermination
politique’.
De la même manière, le Louvre n’entend pas remettre en cause
l’analyse développée dans le rapport de la Cour mais souhaite apporter
des précisions pour ce qui concerne l’exemple cité, portant sur les
nouvelles salles du département des arts de l’Islam.
Pour ce qui concerne le caractère politique de certains choix, il
importe, en premier lieu, de rappeler qu’en tant qu’établissement public
de l’Etat, le musée du Louvre inscrit son action dans la stratégie globale
que l’Etat entend mettre en oeuvre en matière de politique muséale,
scientifique et culturelle. Dans cette acception, il est, dès lors, exact et
justifié que l’activité du Louvre ne soit pas réalisée hors de ce contexte
général.
Dès lors qu’elle laisse penser que les choix retenus en la matière
s’effectuent
sans
cohérence
scientifique
et
culturelle
-
puisque
surdéterminés par une décision politique- l’observation de la Cour ne
semble pas juste. Les organes dirigeants de l’établissement veillent au
respect de cette cohérence définie par le décret constitutif du musée et de
ses modalités de pilotage scientifique. En ce qui concerne les Arts de
l’Islam, le projet de création d’un département scientifique nouveau au
sein du Louvre et celui de la réalisation de nouvelles salles ont été
formulés par les équipes du musée dès 2001. La décision politique prise
répondait donc à un réel besoin scientifique.
Pour reprendre l’exemple des salles du nouveau département des
arts
de
l’Islam,
il
convient
de
rappeler
que
les
collections
correspondantes sont présentes au Louvre depuis 1893 et que, fortes de
10 000 objets, elles sont parmi les plus belles du monde, équivalente à
celles du Metropolitan museum de New-York ou à celle du Victoria and
Albert museum de Londres. La création d’un département spécifique
correspond donc à la convergence, d’une part, de la prise en compte de
la richesse des collections du Louvre en la matière, d’autre part, de
l’aspect scientifiquement peu satisfaisant de les intégrer au département
des antiquités orientales (comme c’était le cas jusqu’alors) puisque les
périodes (à partir du VIIème siècle après J.-C.) et les zones
172
COUR DES COMPTES
géographiques
couvertes
ne
présentent
que
peu
de
similitudes.
Malheureusement, les espaces disponibles pour présenter les collections
de ce nouveau département étaient très réduits, mille mètres carrés, sans
lumière naturelle, ce qui s’explique par l’absence de prise en compte de
cette collection dans le projet du Grand Louvre. Par exemple, ils ne
permettent pas de présenter les oeuvres de grandes dimensions,
notamment les tapis.
C’est donc dans ce contexte particulièrement porteur que le
Président de la République a entendu solenniser la décision de la
création de nouveaux espaces permettant d’accueillir les collections du
département des arts de l’Islam, sachant, de surcroît, que cette création
pouvait utilement contribuer au dialogue des cultures. Il semble, en
conséquence, peu pertinent d’évoquer une ‘surdétermination’ politique
qui aurait présidé à ce choix. La réalité serait plutôt l’aboutissement
d’une démarche à un moment particulièrement propice.
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES
173
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DE LA CITÉ DE L’ARCHITECTURE
ET DU PATRIMOINE
J’ai l’honneur de vous faire part de mes observations en retour des
extraits que vous m’avez communiqués du rapport public thématique de
la Cour des comptes « sur les grands chantiers.
S’agissant des changements de programme, la Cour indique que
des modifications ont été apportées au programme.
Il convient de souligner que ces modifications ne correspondent
pas, comme il est écrit, à « un sorte de rééquilibrage entre les pôles
architecture et patrimoine », mais uniquement à un souci d’économie
budgétaire, au niveau du chantier et pour le fonctionnement futur de
l’établissement. La suppression de la mezzanine s’est en effet traduite par
une économie de 730 000 €. Selon toutes vraisemblances, le coût de cette
construction aurait dû être révisé à la hausse compte tenu de la fragilité
structurelle du bâtiment, découverte au fur et à mesure du chantier,
notamment à l’étage de la Galerie moderne et contemporaine.
A cette économie sur la construction de la mezzanine s’ajoute
l’économie réalisée sur la muséographie qu’il aurait fallu prévoir sur ces
600 mètres carrés supplémentaires (soit au minimum 1,5 M€). Au
moment de ma nomination, aucun crédit n’était prévu en effet pour
l’équipement des cette surface supplémentaire, ni pour les supports de
présentation ni pour les oeuvres exposées.
174
COUR DES COMPTES
D’une manière générale, la liste des modifications que j’ai été
amené à proposer à notre tutelle du ministère de la culture a été motivée
par la nécessité de sortir de l’état de crise d’un chantier bloqué depuis
plus de neuf mois. Il s’agissait de :
-
préserver les grandes galeries historiques (le premier atout pour
la venue du public) en revenant sur le projet de création d’un
noyau de circulation verticale dans les galeries côté Seine ;
-
libérer des espaces pour la location et le mécénat, sources de
recettes indispensables au fonctionnement de la Cité de
l'architecture et du patrimoine, comme le prouve le budget 2007
et le prévisionnel pour 2008 ;
-
créer dans le socle du bâtiment un passage entre les deux
pavillons de tête et d’about afin de permettre la circulation du
public comme des personnels entre les expositions temporaires,
l’auditorium et les collections permanentes.
Ces modifications se sont révélées des choix très pertinents
économiquement, permettant dès la première année de fonctionnement
plus de deux millions et demi de locations d’espaces et de mécénat.
Nous aurions souhaité que cette approche économique qui a guidé
les modifications apportées au mandat de l’EMOC soit reprise par la
Cour.
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES
175
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU CENTRE DES
MONUMENTS NATIONAUX (CMN)
Les extraits du rapport public de la Cour des comptes
concernant le Centre des monuments nationaux (CMN) reflètent, dans ses
conclusions générales concernant l’établissement, les orientations que
celui-ci souhaite mettre en oeuvre. Il appelle de ma part quelques
précisions et quelques actualisations, liées aux évolutions des tout
derniers mois, que je souhaitais porter à la connaissance de la Cour.
En premier lieu, il convient de préciser que, si le CMN est resté,
jusqu’en 2000, présidé, ès qualité, par le directeur du patrimoine du
ministère chargé de la culture, et n’a donc acquis sa pleine autonomie
qu’à cette date, le Centre des monuments nationaux est un établissement
public administratif depuis sa création, en 1914, sous le nom de Caisse
nationale des monuments historiques et préhistoriques. De ce point de
vue, son cas est probablement différent des autres institutions
mentionnées au bas de la page 7 du projet de rapport, qui, quant à elles,
ont vu leur statut évoluer, à la date indiquée, de celui de services à
compétence nationale à celui d’établissements publics.
La véritable réforme du Centre des monuments nationaux, a
davantage été introduite par le décret du 26 avril 1995. Alors que la
Caisse assumait essentiellement un rôle de collecte financière en matière
patrimoniale, le décret précité a recentré les missions de l’établissement
sur la gestion, l’ouverture au public et le développement de la
fréquentation dans les monuments nationaux. C’est cette réforme
fondamentale qui a été complétée, en 2000, par l’institution d’une
présidence autonome de l’établissement.
Une nouvelle réforme d’ampleur est intervenue lors de la loi de
finances pour 2007 suivie du décret statutaire du 6 avril 2007, qui confie
au CMN la mission de maîtrise d’ouvrage sur les monuments nationaux.
Le CMN se voit ainsi transférer la responsabilité des travaux de
conservation, de restauration et d’entretien des monuments dont il assure
la gestion et qui lui seront, désormais, remis en dotation (38 arrêtés
conjoints des ministres en charge de la culture et en charge des finances,
de remise en dotation publié en date du 8 octobre 2007).
S’agissant de ce transfert, la Cour indique fort justement, que le
CMN, jusqu’à ce qu’il puisse disposer au sein de ses propres équipes des
moyens humains lui permettant d’assumer directement ses nouvelles
responsabilités en matière de maîtrise d’ouvrage, bénéficie d’une
assistance gratuite des services de l’Etat. Cette dernière s’exerce
toutefois, non seulement par l’intermédiaire du service national des
176
COUR DES COMPTES
travaux, mais également par celui des directions régionales des affaires
culturelles, tel qu’il est précisé dans l’encadré de la page 9. Il convient de
souligner néanmoins que les conventions de mandat dont il est question
sont signées, non pas directement entre le C.M.N. et le S.N.T. ou les
D.R.A.C., mais entre le C.M.N. et l’Etat (ministère de la culture et de la
communication), représenté par le directeur de l’architecture et du
patrimoine.
L’établissement partage pleinement l’analyse développée au
dernier paragraphe de cet encadré : « il est probable, et il serait logique,
que le CMN se dote des moyens d’exercer lui-même cette mission, au
moins sur les sites qu’il exploite, tant la continuité entre exploitation et
travaux est facilitée par l’identité des intervenants. »,
C’est en effet sur le principe de responsabilisation des acteurs
qu’a été établi le transfert de maîtrise d’ouvrage sur les monuments
nationaux, décidé en réalité dès 2003 par le ministre de la culture et de la
communication,
Jean-Jacques
Aillagon,
dans
son
Plan
pour
le
Patrimoine. Cette réforme offre au C.M.N., au même titre qu’aux autres
grands établissements publics patrimoniaux (musée et domaine national
de Versailles, musée du Louvre, musée du quai Branly…), la possibilité
d’assurer, sous le contrôle de l’Etat, une meilleure cohérence entre la
conservation des monuments qui lui sont confiés, d’une part, et leur mise
en valeur et leur ouverture au public, d’autre part. Ainsi, le transfert des
personnels en provenance des services de l’Etat viendra finir de clarifier
la chaine des responsabilités et limiter les lourdeurs liées au système
transitoire des conventions de mandat.
L’article 48 de la loi de finances pour 2007, comme le souligne
la Cour, allait néanmoins plus loin que cette seule logique de
responsabilisation puisqu’elle intégrait, à l’article L.621-29-2 du code du
patrimoine, la possibilité pour le ministère chargé de la culture de
confier au C.M.N. la maîtrise d’ouvrage de travaux de restauration
portant sur d’autres monuments historiques appartenant à l’Etat
(principalement les cathédrales) mais non gérés par le CMN.
Cette situation pouvait apparaître paradoxale. Si la logique de
cet article de loi était, d’une part, incontestablement budgétaire, dans le
cadre du versement au C.M.N. d’une fraction du produit de la taxe sur les
droits de mutation à titre onéreux, elle était également liée à un projet en
matière de missions : faire du C.M.N. l’un des « principaux opérateurs »
en matière de maîtrise d’ouvrage sur les monuments historiques. Le
C.M.N. assurant déjà, pour le compte de l’Etat, la gestion domaniale des
cathédrales, et y organisant des circuits de visite (tours de Notre-Dame
de Paris ou des cathédrales d’Amiens et de Bordeaux, cloître des
cathédrales de Fréjus, du Puy-en-Velay, de Tours, nécropole royale de la
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES
177
basilique de Saint-Denis…), lui confier la maîtrise d’ouvrage de leur
restauration et de leur entretien présentait également une certaine
logique.
Le nouveau gouvernement a néanmoins souhaité réinterroger
cette approche pour définir les scénarii susceptibles de répondre aux
mieux aux impératifs renouvelés, relevés justement par la Cour, de
restauration et de bon entretien des monuments historiques appartenant à
l’Etat. Ainsi, la ministre a demandé, par lettre de mission en date du 6
novembre 2007, à Madame de Salins, maitre des requêtes au Conseil
d’Etat et à Monsieur Godderidge, directeur régional des affaires
culturelles, ancien directeur du SNT, d’établir, pour le début de l’année
2008, des propositions sur l’exercice de la maîtrise d’ouvrage en matière
de monuments historiques.
Cette mission, ne remet pas en cause l’exercice par le C.M.N. de
la maîtrise d’ouvrage sur les monuments nationaux qui lui sont ou seront
remis en dotation. Elle préserve également la faculté dont dispose la
ministre de lui confier la maîtrise d’ouvrage de travaux conduits sur les
cathédrales. Elle prend cependant acte du manque d’intérêt de cette
faculté, tant que le C.M.N. ne se sera pas doté, le cas échéant, des
moyens humains lui permettant d’assumer directement cette mission.
En parallèle, il devrait être proposé au Parlement, dans le cadre
du vote de la loi de finances initiale pour 2008, de mettre fin au principe
de l’affectation au C.M.N. d’une fraction du produit des droits de
mutation à titre onéreux. L’établissement sera financé en 2008, au titre
de ses nouvelles compétences en matière de maîtrise d’ouvrage, plus
classiquement, par voie de subvention du Ministère de la Culture. Cette
subvention sera consacrée aux seuls monuments nationaux.
Le C.M.N. souhaite, à l’issue du rapport commandé par la
ministre, une décision rapide sur le périmètre définitif de sa compétence
en matière de maîtrise d’ouvrage.
178
COUR DES COMPTES
RÉPONSE DE L’ARCHITECTE EN CHEF DES MONUMENTS
HISTORIQUES,
CHARGÉ DES RÉSIDENCES PRÉSIDENTIELLES
La rémunération de l’Architecte en chef des monuments historiques,
chargé des résidences présidentielles
Après cinq années de déficits chroniques reconnus par le Service
National des Travaux au vu des justificatifs comptables, le ministère de la
Culture – direction de l’architecture et du patrimoine - a décidé, à partir
de 2001, l’application du niveau de complexité 3 augmenté de 20 % par
le coefficient de sujétion de 1,20, prévus par l’article 1
er
de l’arrêté du
5 juin 1987, pour la rémunération de l’Architecte en Chef des Monuments
Historiques chargé des Résidences Présidentielles.
Il convient, toutefois, de préciser :
o
que ces dispositions étaient strictement réservées aux travaux du
Palais
de
l’Elysée,
et
non
aux
résidences
présidentielles
extérieures,
o
que dans la quasi-totalité des opérations, à la fois le niveau de
complexité 3 et le coefficient de sujétion de 20% étaient justifiés et
conformes à la stricte définition de l’arrêté,
o
que, dans la plupart des opérations, était appliqué, au même
moment, un abattement de -15% pris sur la phase des études,
o
que, contrairement aux dispositions réglementaires, et, à la
demande du S.N.T., l’Architecte en Chef a accepté de prendre à sa
charge, en sous-traitance et sans rémunération correspondante, les
Bureaux d’Etudes Techniques nécessaires aux opérations, le S.N.T.
n’étant pas en mesure, dans les délais imposés, de procéder à
l’engagement de ces intervenants extérieurs,
o
et que, malgré les exigences et les délais imposés pour chacune de
ces opérations, l’Architecte en Chef a « pré-financé » ses missions,
dont le règlement n’a été effectif qu’à posteriori, l’obligeant à
d’importantes avances de trésorerie.
Ces dispositions, qui ne sont pas « dérogatoires » puisque
prévues par l’arrêté, dès lors que le S.N.T., Maître de l’Ouvrage
s’assurait, auprès de la D.A.P.A., de l’acceptation du coefficient de
sujétion,
n’ont
cependant,
jamais
constitué
une
« rémunération
exceptionnelle », puisque, le taux des honoraires pour l’agence de
l’Architecte en Chef, même pour les opérations les plus complexes
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES
179
d’aménagement intérieur du Palais avec des équipements de haute
technologie et une multitude de corps d’état, n’a pas dépassé 12,2% et
cela, malgré des montants de travaux de faible importance.
Des missions d’assistance au Maître de l’Ouvrage (AMO), ont,
par ailleurs, été commandées à l’Architecte en Chef lorsque, pour des
raisons de délai ne permettant pas au S.N.T. de mener les procédures de
consultation,
ou
pour
des
raisons
de
confidentialité,
voire
de
classification des opérations, des missions normalisées complémentaires
étaient demandées à l’Architecte en Chef, telles que la programmation,
l’ordonnancement, le pilotage, la coordination ou la synthèse entre
plusieurs maîtrises d’oeuvre sur la même opération.
Il ne s’agit pas là de vacations ponctuelles, mais bien de
missions normalisées, complètes et continues sur des opérations, missions
qui sont de l’Assistance au Maître de l’Ouvrage et non de la Maîtrise
d’oeuvre, confiées par le S.N.T. à l’Architecte en Chef des Résidences
Présidentielles et non à des prestataires extérieurs, pour les motifs
rappelés ci-dessus.
Toutes ces missions ont fait l’objet de justificatifs détaillés
validés par le S.N.T. avant leur commande administrative.
A la suite du Rapport définitif du contrôle de gestion du Service
National des Travaux, le Ministère de la Culture – Direction de
l’Architecture et du Patrimoine, étudie une solution autre que ces
mesures qualifiées de « dérogatoires », afin d’assurer à l’Architecte en
Chef chargé des Résidences Présidentielles et à son agence, une
rémunération qui ne lui fasse pas subir, à nouveau, un déficit chronique,
tant son exercice professionnel revêt un caractère unique et particulier,
au Palais de l’Elysée.
Enfin, le terme de « grands chantiers culturels » ne saurait
s’appliquer aux Résidences Présidentielles, pour lesquelles, depuis 1995,
soit treize années, le plus important chantier réalisé n’a pas dépassé un
montant de travaux de H.T. 2,6 M euros (et une moyenne pour les 82
opérations réalisées de seulement H.T. 0,2 M euros), difficilement
comparable avec les projets de restauration et de réutilisation des grands
monuments
du
Ministère
de
la
Culture,
ou
avec
la
création
d’établissements culturels nouveaux, tels que le Musée du Quai Branly.
Liste des rapports publiés par la Cour des
comptes depuis le 1
er
janvier 2005
* Rapport public annuel (février 2005)
* Rapport public annuel (février 2006)
* Rapport public annuel (février 2007)
* Rapports sur l’exécution des lois de finances pour l’année 2004 :
Rapport sur les résultats et la gestion budgétaire (juin 2005)
Rapport sur les comptes de l’Etat (juin 2005)
Rapport préliminaire au débat d’orientation budgétaire (juin 2005)
* Rapports sur l’exécution des lois de finances pour l’année 2005 :
Résultats et gestion budgétaire de l’Etat – Exercice 2005 (mai 2006)
Les comptes de l’Etat – Exercice 2005 (mai 2006)
Rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques –
préliminaire au débat d’orientation budgétaire (juin 2006)
* Rapports sur l’exécution des lois de finances pour l’année 2006 :
Résultats et gestion budgétaire de l’Etat – Exercice 2006 (mai 2007)
La certification des comptes de l’Etat – Exercice 2006 (mai 2007)
Rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques
(juin 2007)
* Rapport sur l’application de la loi de financement de la sécurité
sociale (septembre 2005)
* Rapport sur l’application de la loi de financement de la sécurité
sociale (septembre 2006)
* Rapport de certification des comptes du régime général de
sécurité sociale
- exercice 2006 (juin 2007)
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES
181
Rapports publics thématiques :
Le démantèlement des installations nucléaires et la gestion des déchets
radioactifs (janvier 2005)
La Banque de France (mars 2005)
Les transports publics urbains (avril 2005)
La gestion de la recherche dans les universités (octobre 2005)
Les personnes âgées dépendantes (novembre 2005)
L’intercommunalité en France (novembre 2005)
Garde et réinsertion - la gestion des prisons (janvier 2006)
L'évolution de l'assurance chômage : de l'indemnisation à l'aide au
retour à l'emploi (mars 2006)
Les personnels des établissements publics de santé (avril 2006)
Les ports français face aux mutations du transport maritime : l’urgence
de l’action (juillet 2006)
La carte universitaire d’Île-de-France : une recomposition nécessaire
(décembre 2006)
L’aide française aux victimes du tsunami du 26 décembre 2004
(décembre 2006)
Les personnes sans domicile (mars 2007)
La gestion de la recherche publique en sciences du vivant (mars 2007)
Les institutions sociales du personnel des industries électriques et
gazières (avril 2007)
Les aides des collectivités territoriales au développement économique
(novembre 2007)
* Contrôle des organismes faisant appel à la générosité publique
Association pour la Recherche sur le Cancer - ARC (février 2005)
Fondation « Abbé Pierre pour le logement des défavorisés » (juin 2006)
Association « France Alzheimer et maladies apparentées » (juin 2006)
Association « Le Secours Catholique » (mars 2007)
Fondation « Aide à Toute détresse » - ATD Quart Monde (mars 2007)
La qualité de l’information financière communiquée aux donateurs par
les organismes faisant appel à la générosité publique (octobre 2007)
La ligue nationale contre le cancer (octobre 2007)