ENTITÉS ET POLITIQUES PUBLIQUES
LE SOUTIEN AUX
EXPORTATIONS
DE MATÉRIEL
MILITAIRE
Rapport public thématique
Janvier 2023
•
Sommaire
Procédures et méthodes
................................................................................
5
Synthèse
.........................................................................................................
9
Récapitulatif des recommandations
...........................................................
15
Introduction
..................................................................................................
17
Chapitre I Un soutien déterminé qui va de pair
avec un contrôle rigoureux
..........................................................................
23
I -
L’organisation des services de l’État
.........................................................
23
A - Un soutien efficace aux exportations de matériels militaires,
malgré
l’action de nombreux acteurs publics
........................................................
23
B - Une stratégie à davantage formuler, partager avec les entreprises
et élargir au secteur de la sécurité
.........................................................................
27
II - Des exportations fortement contrôlées
.....................................................
29
A - Le cadre juridique international du contrôle des exportations
d’armement et des matériels assimilés
..................................................................
29
B - Le cadre juridique français du contrôle des exportations de matériel
militaire et de sécurité
...........................................................................................
30
C - Une exigence éthique croissante
.....................................................................
42
Chapitre II Des exportations soumises à des aléas
et à des exigences de plus en plus fortes
.....................................................
49
I - Un environnement politique mouvant et un commerce dépendant
des relations interétatiques
................................................................................
49
A - Un commerce soumis à de forts aléas politiques
............................................
49
B - La forte demande de cadre contractuel interétatique
.......................................
50
C - Les exigences croissantes «
d’
offsets
»
...........................................................
57
II - Les contraintes liées aux réglementations internationales
........................
61
A -
L’utilisation grandissante du droit
..................................................................
61
B - Les risques de blocage des exportations du fait
des réglementations internationales
......................................................................
62
Chapitre III
La mise en œuvre active de la politique d’exportation
et l’accompagnement des
contrats par la DGA et les armées
.....................
69
I - La déclinaison du soutien aux exportations
...............................................
69
A - Une politique active de soutien à la prospection
.............................................
69
B - Un suivi actif des grands contrats
...................................................................
73
COUR DES COMPTES
4
II - Des moyens des armées de plus en plus engagés
...........................................
76
A - Un impact capacitaire certain
.........................................................................
76
B - Un bilan à tirer des effets des exportations sur les moyens des armées
..........
80
III - Facturation et redevance
.........................................................................
82
A - Les règles de facturation du soutien aux exportations
.........................................
82
B - La question des redevances
.............................................................................
88
Chapitre IV Un important soutien financier qui reste nécessaire
..........
93
I - Les aides au développement, à
l’investissement et à la p
rospection
.........
94
A -
La procédure de l’article 90
............................................................................
94
B - Garanties et aides au développement, à la
prospection et à l’investissement
portées par Bpifrance
..............................................................................................
95
II - La politique de financement des exportations
............................................
97
A - Le cadrage général de la politique de financement des exportations
..............
98
B -
Une mise en œuvre dépendant de
l’appétit des
banques à financer
les exportations
...................................................................................................
101
C - Un portefeuille très concentré et risqué
........................................................
105
D - Les financements internationaux, des instruments à mobiliser
davantage
............................................................................................................
110
Conclusion générale
...................................................................................
115
Liste des abréviations
................................................................................
117
Annexes
.......................................................................................................
123
Procédures et méthodes
Les rapports de la Cour des comptes sont réalisés par
l’une des
six chambres thématiques
1
que comprend la Cour ou
par une formation associant plusieurs chambres et/ou plusieurs
chambres régionales ou territoriales des comptes.
Trois principes fondamentaux gouvernent l’organisation
et l’activité de la Cour ainsi que des chambres régionales et
t
erritoriales des comptes, donc aussi bien l’exécution de leurs
contrôles et enquêtes que l’élaboration des rapports publics qui
en résultent :
l’indépendance, la contradiction et la collégialité.
L’
indépendance
institutionnelle
des
juridictions
financières et l’indépendance statutaire de leurs membres
garantissent que les contrôles effectués et les conclusions tirées
le sont en toute liberté d’appréciation.
La
contradiction
implique que toutes les constatations et
appréciations
faites lors d’un contrôle ou d’une enquête, de
même que toutes les observations et recommandations
formulées ensuite, sont systématiquement soumises aux
responsables des administrations ou organismes concernés ;
elles ne peuvent être rendues définitives qu
’après prise en
compte des réponses reçues et, s’il y a lieu, après audition des
responsables concernés.
La
collégialité
intervient pour conclure les principales
étapes des procédures de contrôle et de publication. Tout
contrôle ou enquête est confié à un ou plusieurs rapporteurs. Le
rapport
d’instruction,
comme
les
projets
ultérieurs
d’observations
et
de
recommandations,
provisoires
et
définitives, sont examinés et délibérés de façon collégiale, par
une formation comprenant au moins trois magistrats. L’un
des
magistrats assure le rôle de contre-rapporteur et veille à la
qualité des contrôles.
1
La Cour comprend aussi une chambre contentieuse, dont les arrêts sont rendus publics.
COUR DES COMPTES
6
Sauf pour les rapports réalisés à la demande du Parlement
ou
du
Gouvernement,
la
publication
d’un
rapport
est
nécessairement précédée par la communication du projet de texte
que la Cour se propose de publier aux ministres et aux
responsables des organismes concernés, ainsi qu’aux autres
personnes morales ou physiques directement intéressées. Leurs
réponses sont présentées en annexe du rapport publié par la Cour.
La présente enquête a été conduite sur le fondement des
articles L. 111-2 et suivants du code des juridictions financières.
Elle est rendue publique en vertu des dispositions de l’article
L. 143-1 alinéa 2
du même code. Ayant déjà fait l’objet d’un
contrôle classifié en 2020-2021, elle a consisté à actualiser et
compléter les informations collectées, à les synthétiser, tout en
veillant à la préservation de leur caractère secret lorsque c’était
nécessaire.
L’instruction a donc été menée de manière accélérée
par la
quatrième chambre en s’appuyant sur des entretiens
complémentaires avec les services du ministère des armées et du
ministère de l’économie
, des finances et de la souveraineté
industrielle et numérique.
Elle s’est appuyée sur les pièces et les
réponses aux questionnaires transmises par les directions
concernées des ministères sollicités (armées, économie et
finances, intérieur, Europe et affaires étrangères) et le secrétariat
général de la défense et la sécurité nationale.
Le projet de rapport a été préparé, puis délibéré le
20 juillet 2022,
par
la
quatrième
chambre,
présidée
par
M. Andréani, président de chambre et composée de M
mes
Faugère
et Mercereau, conseillères maîtres, MM. Bichot, Homé, Frentz,
Homé et Thornary, conseillers maîtres, M. Jourdan, conseiller
référendaire et, en tant que rapporteurs, M
me
Saliou, conseillère
maître
et
M.
Weill,
conseiller
référendaire
en
service
extraordinaire, ainsi que, en tant que contre-rapporteur,
M. Autran, conseiller maître en service extraordinaire.
PROCÉDURES ET MÉTHODES
7
Le comité du rapport public et des programmes de la
Cour des comptes, composé de M. Moscovici, Premier
président, Mme Camby, rapporteure générale du comité,
M. Andréani,
Mme Podeur,
M. Charpy,
Mme Demier,
M. Bertucci, Mme Hamayon et M. Meddah présidents de
chambre, MM. Martin, Advielle, Lejeune, Mmes Bourgogne,
Renet, présidents de chambre régionale des comptes et
M. Gautier, Procureur général, a été consulté sur le projet de
rapport le 5 octobre 2022. Le Premier président en a approuvé
la publication le 24 janvier 2023.
Les rapports publics de la Cour des comptes sont
accessibles en ligne sur le site internet de la Cour et des chambres
régionales et territoriales des comptes : www.ccomptes.fr.
Synthèse
La France exprime régulièrement
sa volonté d’indépendance stratégique
dans les documents relatifs à la politique industrielle de l’armement. C’est dans
ce contexte que s
’
est développée
une ambitieuse politique d’exportation de
matériel militaire pour favoriser
l’équilibre
des rapports de force, renforcer les
alliances et les coopérations bilatérales ou européennes, mais aussi et surtout pour
assurer l’autonomie stratégique de la
France. Une politique dynamique
d’exportation de matériel militaire est
en effet indispensable pour maintenir une
base industrielle et technologique de défense autonome. Or,
l’étroitesse du
marché français ne lui permet pas de supporter à lui seul les coûts de recherche,
de développement et de production des matériels de haute technologie équipant
les forces armées. Cette vision stratégique a conduit à mettre en place un système
très complet de soutien aux exportations de matériel militaire (Soutex).
L’
organisation du
soutien à l’exportation de matériel
militaire
est globalement satisfaisante ; ce service pourrait bénéficier davantage
à la filière « sécurité » ainsi qu
’aux
petites et moyennes entreprises.
Les
pouvoirs publics s’impliquent fortement dans le
Soutex à travers
des structures et des mécanismes nombreux, constituant un ensemble
cohérent et efficace. La direction g
énérale de l’
armement (DGA) du
ministère des armées joue un rôle pivot au sein de cet ensemble, qui
mobilise près de 900 agents
des services de l’
État (ministères des armées,
de l’économie
, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique,
de l’Europe et des affaires étrangères),
des niveaux techniques aux plus
hautes instances politiques.
Ces mécanismes ont aidé la France à se hisser au troisième rang des
pays exportateurs de matériel militaire et à dégager un excédent commercial
dans ce secteur de plus de 7
Md€
en 2021. Les effectifs de certaines
structures concourant au Soutex mériteraient toutefois
d’être renforcés,
notamment à la DGA
(mission de supervision des opérations d’exportation
et direction technique), et à la direction générale du Trésor (DG Trésor,
bureau des affaires aéronautiques, militaires et navales).
Afin de réduire la dépendance aux grands contrats, ce soutien
pourrait être davantage mis au service des petites et moyennes entreprises
(PME) en partageant
des lignes directrices d’analyse des marchés export,
en développant des programmes de formation copilotés par la DGA, la DG
Trésor et les structures dédiées en place. Il gagnerait aussi à associer
davantage les secteurs voisins des biens à double usage (civil et militaire)
et de la sécurité, portés souvent par les mêmes entreprises, aux enjeux
industriels et réglementaires proches.
COUR DES COMPTES
10
Le contrôle des exportations de matériel militaire peut être rendu
plus efficace, notamment en améliorant le contrôle a posteriori.
Réglementé et de nature politique, le commerce des armes est
soumis à un régime dérogatoire
d’autorisation
préalable, impliquant des
contrôles rigoureux, encadrés par des règles internationales et européennes
pour délivrer et vérifier
les licences d’exportation. Mis en œuvre sous
l’autorité du
secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale
(SGDSN), ce système de contrôle paraît robuste en amont, malgré les
dysfonctionnements du système d’information qui lui es
t associé et dont
les améliorations en cours pourraient permettre de réduire les délais
d’instruction
des
demandes
de
licence.
Les
trois
commissions
interministérielles en place pour le contrôle de l’exportation des matériels
de guerre et assimilés, des biens à double usage ainsi que des armes civiles
et des explosifs fonctionnent de manière satisfaisante. Toutefois, une
meilleure coordination entre la commission interministérielle pour
l’
étude
des exportations des matériels de guerre (CIEEMG) et la commission
interministérielle des biens à double usage (CIBDU) serait souhaitable
pour faciliter le classement de matériels et éviter des avis divergents ou
rendus dans des délais différents portant sur des matériels semblables.
La mise en place de licences de contrats, initiée par la DGA, devrait
aussi contribuer à simplifier ce système, de même que le transfert, souhaitable,
au SGDSN de la notification des licences, actuellement assurée par les
services des Douanes. De plus, l
es actions d’information, de formation et
d’orientation des PME mises en place par la DGA
pourraient être renforcées,
en lien avec la DG Trésor et la direction générale des entreprises (DGE). Cet
effort accru permettrait
d’aider
les PME à mettre
en œuvre
les dispositifs de
conformité et à mieux connaître les marchés, les procédures et les contacts à
mobiliser,
afin d’
accroître le volume des contrats de moins de 200
M€
. Il
aiderait ainsi à lisser, sur la durée,
des performances à l’exportation
aujourd’hui
très dépendantes des grands contrats
d’armement
.
Ces dispositifs nécessiteraient aussi
d’être mutualisés aux secteurs
connexes de la sécurité et des biens à double usage, y compris dans leur
dimension de soutien à l’exportation
. Enfin, le système de contrôle
a
posteriori
des licences pourrait être amélioré, en augmentant le nombre des
contrôles sur pièces et sur place
2
. La
mise en œuvre
, en tant que de besoin,
de sanctions dissuasives envers les exportateurs ne respectant pas la
réglementation est également indispensable pour renforcer la crédibilité du
système de contrôle.
2
Seulement 21 contrôles sur place ont été réalisés en 2021 contre une quarantaine avant 2018.
SYNTHÈSE
11
Le contrôle des exportations
d’armement prend
en considération les
préoccupations
liées aux droits de l’Homme
, ainsi que les critères européens
en la matière, dans un contexte de montée en puissance des exigences
éthiques, portées par les parlements, les organisations non gouvernementales
(ONG) et les opinions publiques. L
’État
doit anticiper ces demandes éthiques
et sociétales, afin de mieux concilier ces exigences
avec l’exercic
e de la
souveraineté de la France et les impératifs d’exportation et de compétitivité
des entreprises des secteurs de l’armement et de la sécurité
.
Le souci de répondre aux demandes des pays clients a conduit à prendre
des
risques nouveaux tant pour l’Etat
que pour les entreprises.
Essentiellement interétatique, le commerce des matériels militaires
s’inscrit dans des contextes politiques
évolutifs pouvant conduire à accélérer ou
retarder la signature de contrats, voire à les dénoncer et à choisir
d’autres
partenaires. La conclusion d’accords de partenariat stratégique visant à créer un
cadre favorable ne prémunit pas contre ces retournements, si ces accords ne sont
pas soutenus dans le temps et portés par une volonté commune. Pour répondre
à la de
mande des pays partenaires d’inscrire les contrats militaires dans un cadre
étatique et
en vue d’offrir des facilités aussi structurées que les
«
foreign military
sales
» des États-Unis, la France a tenté de mettre au point un outil global pour
structurer les ventes aux pays étrangers.
Elle n’y est pas parvenue
, faute de
profondeur de ses stocks et de capacité à imposer ses règles du jeu. Elle a donc
retenu, au cas par cas, diverses formules pour répondre à la demande de ses
partenaires, dont certaines lais
sent à la charge de l’
État des risques en cas de
conflit entre le fournisseur et le pays acheteur.
Outre un cadre interétatique, les pays acheteurs demandent de plus en
plus de compensations («
offsets »
) potentiellement risquées pour les PME
sous-traitantes. Le développement de la pratique des «
offsets »
conduit les
grands maîtres d’œuvre à rechercher des fournisseurs locaux
susceptibles de
bénéficier de transferts de technologies, au risque de concurrencer leurs sous-
traitants traditionnels. Il les amène aussi à demander à ces mêmes sous-traitants
de les accompagner et d’investir dans des pays où des partenariats locaux
majoritaires sont souvent exigés, et où les règles de droit sont parfois instables.
Les travaux du département du commerce américain ont montré que si les
«
offsets »
permettaient aux grands groupes de remporter des grands contrats,
ils avaient un effet négatif sur le tissu des PME nationales. Ce constat conduit à
préconiser à la DGA et à la DG Trésor
d’assurer une veille très attentive
sur
cette question, non seulement en assurant mieux le suivi des «
offsets »
dans le
cadre des outils existants, mais aussi en mettant en place un système de
déclaration obligatoire donnant lieu à un rapport annuel au Parlement.
COUR DES COMPTES
12
L’interdépendance industrielle, le développement de nouvelles règles
internationales et l’évolution des opinions
peuvent compromettre
la capacité exportatrice
des industries d’arm
ement et de sécurité.
L’interdépendance
industrielle
globale
conduit
l’industrie
de
l’armement
à dépendre partiellement des pays fournisseurs. Or
, l’incorporation
de composants étrangers aux matériels fabriqués ou la coopération
interétatique dans leur conception et leur production soumet les exportations
aux réglementations de ces pays, ce qui peut conduire à bloquer certaines
exportations françaises. Cela a ainsi été le cas à la suite du refus de délivrer des
licen
ces d’expor
tation des autorités allemandes ou américaines. Un accord
bilatéral susceptible de résoudre ces difficultés a été conclu
avec l’Allemagne
;
i
l conviendra de s’assurer dans le temps
long de son bon fonctionnement.
S’agissant des
États-Unis, il apparaît judicieux de s
’émanciper
le plus possible
de la dépendance aux composants américains en développant des solutions
industrielles dites «
Itar free
», dès la conception des matériels. Ces risques
doivent être également prévenus dans le cadre des programmes menés en
coopération avec des partenaires européens.
Par ailleurs, le développement des réglementations européennes en
matière de taxonomie et d
’
écolabel doit aussi susciter la vigilance, car ces
normes pourraient amener à évincer les industries d’armement et de sécurité
des financements « verts » et restreindre leurs possibilités de développement.
Enfin, l
a politique de soutien aux exportations d’armement
doit tenir
compte de l’acceptabilité par l
es opinions publiques
d’exportations de
matériels militaires et de sécurité vers des pays en situation de crise ou
susceptibles de détourner ces équipements de leurs objectifs légitimes
initiaux
, voire de les utiliser à des fins répressives internes ou d’agression
externe. Ces problèmes, pouvant donner lieu à des contentieux judiciaires,
doivent être anticipés et prévenus, faute de quoi la capacité de la France à
poursuivre sa
politique d’exportation
pourrait être entravée.
Les coûts de la politique de soutien, notamment pour les armées,
doivent être mieux pris en compte ; le ministère des armées
doit être plus rigoureux dans la gestion de ses redevances.
Le soutien aux exportations est devenu une mission à part entière du
ministère des armées avec une très forte implication de la DGA, de l’
état-
major des armées (EMA) et des forces. Ce ministère
a mis en œuvre une
politique accompagnant les entreprises exportatrices de la prospection à la
formation des armées utilisatrices. Bien que des efforts aient été accomplis
pour mieux soutenir les PME, cette politique bénéficie principalement aux
grands groupes. Aussi les efforts en faveur des PME devraient-ils être
renforcés, tant du point de vue de la formation que du suivi des plans de
portage que les grands groupes sont supposés mettre en œuvre pour les
appuyer dans leur développement international.
SYNTHÈSE
13
En amont, le ministère des armées déploie une intense activité pour
soutenir les actions de prospection et de promotion des exportations. Il met
en œuvre avec les autres départements ministériels
(le ministère de
l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en
particulier la DG Trésor, et le ministère de l’Europe et des affaires
étrangères) et au sein de ses propres services (DGA, EMA et armées) des
actions coordonnées au service des grands contrats. Au sein du ministère,
une coopération renforcée entre la
DGA et l’EMA a été mise en place
. Elle
permet de répondre à la demande des pays clients ou des industriels, afin
d’accompagner ces contrats
par des prestations en matière de qualification
des matériels ou des personnels, voire
d’accélérer
dans certains cas les
livraisons de matériels,
ce qui constitue un atout pour l’offre française.
Néanmoins, ces actions pèsent de plus en plus sur les moyens des
armées qui sont impliquées tant dans les opérations de prospection que
dans les exportations ou les actions de formation qui les accompagnent.
Alors que les armées françaises sont amenées à être déployées sur les
t
héâtres d’opération,
elles sont parfois contraintes de se priver
temporairement de capacités pour répondre aux demandes des pays clients,
parce que les industriels ne sont pas en mesure d
’accroître
rapidement leur
production ou
qu’ils
ne disposent pas de stocks suffisants. Les
conséquences (prélèvement sur les stocks, prélèvements sur les
équipements, retard des livraisons, mobilisation des moyens de formation,
etc.) ne sont évaluées ni du point de vue financier, ni du point de vue
opérationnel. Les bénéfices putatifs (baisse du prix unitaire des
équipements, amélioration du potentiel des équipements de remplacement,
etc.) qui en résulteraient ne sont pas davantage évalués mais posés comme
des prédicats. Cette constatation conduit la Cour à recommander qu’un
bilan coûts/bénéfices soit tiré des différentes opérations de soutien et que
le ministère des armées cherche à en obtenir une meilleure valorisation.
Cela concerne la facturation des prestations techniques et des actions
de formation en situation opérationnelle, dont les industriels ont parfois été
exonérés. Il en a été de même pour les redevances que les industriels doivent
acquitter dès lors que l’État a participé aux frais d’études, de recherche et de
développement des matériels.
Ces redevances restent d’autant plus modestes
que les principaux industriels contributeurs en contestent les modalités de
calcul et répugnent à les acquitter sans que le ministère des armées mette tout
en œuvre pour les établir et les recouvrer rapidement.
Par ailleurs, les différentes parties prenantes du ministère des armées
(DGA, EMA, armées) et d
u ministère de l’économie
, des finances et de la
souveraineté industrielle et numérique
(DG Trésor) n’
ont pas une vision
consolidée des actions entreprises au bénéfice des industriels,
alors qu’elles
font souvent l’objet de
demandes visant à
améliorer le soutien qu’elles
accordent à ces entreprises. Elles devraient partager ces informations, ce
qui pourrait être fait dans le cadre de la commission des garanties et du
crédit au commerce extérieur qui statue sur les garanties délivrées pour le
compte de l’État au titre de la politique de financement des exportations.
COUR DES COMPTES
14
Les
exportations de matériel militaire bénéficient d’un important soutien
financier de l’État qui devra être consolidé dans la durée et pourrait être
complété par une meilleure mobilisation des financements internationaux.
Le ministère de l’économie
, des finances et de la souveraineté industrielle
et numérique est
un des acteurs incontournables de la politique d’exportation
,
grâce à l’ensemble des procédures
de soutien
qu’il met en œuvre. Si certaines
d’entre elles sont peu ou
pas utilisées (assurance prospection, garantie des
investissements), les garanties des contrats en cours d’exécution sont au contraire
très fortement mobilisées, avec un encours de plus de 17
Md€
représentant près
de 29 %
du portefeuille de l’assurance
-crédit géré par Bpifrance assurance
exportation (AE)
pour le compte de l’
État. Bien que la France applique
volontairement
au secteur militaire l’ensemble des dispositions résultant de
l’Arrangement de l’
Organisation de coopération et de développement
économiques (OCDE)
relatif aux crédits à l’exportation, elle peut, en cas de
concurrence avérée pour des affaires majeures, y apporter des aménagements.
La distribution géographique des exportations françaises conduit à
un portefeuille d’assurance
-crédit très concentré sur quelques pays dont
certains sont considérés à risque. Cependant, les sinistres ou menaces de
sinistre intervenus au cours des dix dernières années en matière militaire
ont résulté non
pas d’une défaillance des États emprunteurs mais
d’embargos
ou de refus de licence du fait des pays exportateurs. L
’embargo
sur
les exportations d’armes destin
ées à
la Russie qui s’est appliqué aux
bâtiments de projection et de commandement, a ainsi induit un coût pour
l’
État supérieur à 400
M€
.
Au-delà de ces risques, le fina
ncement des exportations d’armement
et de matériel de sécurité par les banques pourrait être rendu plus ardu en
raison de la possible exclusion de ces secteurs de la taxonomie verte
européenne. Deux facteurs y contribuent :
d’une part
la montée en
puissance des impératifs de responsabilité sociale et environnementale et
des règles de conformité, et
, d’autre part,
l’application de mesures
extraterritoriales, notamment américaines. Aussi, à côté des actions
diplomatiques, et de celles visant à s
’
émanciper des composants étrangers,
une action spécifique est nécessaire pour parer ce risque. Une utilisation
renforcée
des outils dont dispose l’État
pour financer ces exportations
(Bpifrance, Société de financement local
–
Sfil, Caisse des dépôts et
consignations, prêts du Trésor, lignes de crédit) doit être envisagée. En
outre, les financements multilatéraux pourraient être davantage mobilisés
pour les exportations vers des pays peu solvables.
In fine
, la stratégie, constante et efficace, mise en place par les
pouvoirs publics pour soutenir les grandes entreprises du secteur de
l’armement porteuses des plus grands contrats à l’exportation pourrait
bénéficier davantage aux entreprises plus petites et au secteur des matériels
de sécurité. Elle doit être poursuivie pour assurer le développement de ces
secteurs essentiels à l’indépendance nationale.
Récapitulatif des recommandations
1.
Sur le modèle du plan stratégique export de 2014, élargi aux biens à
double usage et aux matériels de sécurité, élaborer des lignes
directrices d’analyse des marchés export et les partager avec les
entreprises
(SGDSN, ministère des armées,
ministère de l’économie
,
des finances
et de la souveraineté industrielle et numérique, ministère
de l’int
érieur,
ministère de l’Europe et des affaires étrangères
)
.
2.
Renforcer le contrôle
a posteriori
en termes de programmation et de
sanctions en cas de manquement à la réglementation, et communiquer
le rapport d’activités du comité ministériel du contrôle
a posteriori
à
l’ensemble des membres de la commission interministérielle pour
l'étude des exportations de matériels de guerre ainsi qu’aux présidents
des commissions parlementaires concernées
(ministère des armées).
3.
Réduire le délai moyen d’instruction des
demandes de licence
soumises à la CIEEMG
(SGDSN, ministère des armées).
4.
Lancer un programme conjoint de formation à l’exportation des TPE et
PME des secteurs de la défense et de la sécurité (procédures, classement
des matériels, stratégie et risque pays, soutiens financiers, contrôle interne,
enjeux juridiques, interlocuteurs)
(ministère des armées, ministère de
l’économie
,
des finances
et de la souveraineté industrielle et numérique).
5.
Créer pour les entreprises du secteur de la défense et de la sécurité une
obligation légale ou réglementaire de déclarer les
offsets
et faire
annuellement rapport au Parlement du suivi des «
offsets »
(ministère
des armées, ministère de l’économie
,
des finances
et de la souveraineté
industrielle et numérique)
.
6.
Dans les plans de portage qui accompagnent les dossiers d’assurance
-
crédit relatifs aux grands contrats et dans le cadre des conventions qui lient
le ministère des armées aux grands groupes industriels, préciser la part des
«
offsets »
et en détailler les modalités et le contenu ; en assurer localement
le suivi sur pièces et sur place
(ministère des armées, ministère de
l’économie
,
des finances
et de la souveraineté industrielle et numérique)
.
7.
Établir pour les contrats conclus à partir de 2022 un bilan financier et
capacitaire de chacune des opérations de Soutex menées : coûts, contreparties
obtenues et objectifs de contreparties à obtenir
(ministère des armées)
.
COUR DES COMPTES
16
8.
Faire preuve de davantage de dil
igence dans l’établissement et le
recouvrement des redevances dues par les industriels exportateurs
(ministère des armées)
.
9.
Relever les plafonds d’intervention de Bpifrance en matière de crédits
-
acheteurs au bénéfice des PME. À moyen terme, examiner les
modalités selon lesquelles Bpifrance (avec la Sfil) ou la Caisse des
dépôts et consignations pourraient pallier le risque de désengagement
des banques françaises du financement des grands contrats
d’armement
(m
inistère de l’économie
,
des finances et de la
souveraineté industrielle et numérique)
.
10.
Mettre en place des lignes de crédit au bénéfice des PME et des ETI pour
les pays cibles identifiés dans les lignes directrices export
(ministère de
l’économie
,
des finances et de la souveraineté industrielle et numérique)
.
11.
Mieux
partager
les
informations
concernant
les
financements
internationaux auxquels les entreprises françaises pourraient recourir pour
développer leurs exportations en Afrique
(ministère des armées, ministère
de l’économie
,
des finances et de la souveraineté industrielle et
numérique,
ministère de l’Europe et des affaires étrangères
)
.
Introduction
La volonté d’indépendance stratégique et l’étroitesse du marché
national de défense, conjuguées à la nécessité de bâtir des alliances et
coopérations militaires solides et durables, et
d’équilibrer des rapports de
force locaux ou régionaux, ont conduit la France à développer une
ambitieuse politique d’exportation de matériel
militaire. Les objectifs visés
sont résumés dans la section «
Développer une politique volontariste de
coopération européenne et internationale
» du rapport annexé à la loi de
programmation militaire (LPM) 2019-2025
3
:
« Dans le domaine
industriel, la politique d'exportation d'armement contribue à consolider la
position de la France sur la scène internationale, à garantir son autonomie
stratégique et à renforcer la crédibilité de ses forces armées. S'inscrivant
dans une logique économique, industrielle, opérationnelle et diplomatique,
elle contribue en outre à la soutenabilité financière de notre politique de
défense et au développement d'un haut niveau d'interopérabilité de nos
capacités. […] L’industrie de défense contribue positivement au solde de
la balance commerciale de la France en exportant un tiers de son chiffre
d'affaires en moyenne sur les dernières années avec des bénéfices pour la
Nation en termes fiscaux et de création d'emplois hautement qualifiés. »
Cette stratégie française s’insère dans un
contexte international
marqué par des tensions et des conflits armés accrus, la progression des
dépenses d’armement
4
et un marché mondial dominé par cinq pays (États-
Unis, Russie, France, Allemagne et Chine). Au cours de la période 2017-
2021, ces derniers ont réalisé 78,5 % du volume des échanges militaires
internationaux. Sur ce marché concurrentiel, la France est parvenue à
passer du cinquième au troisième rang mondial en faisant plus que doubler
sa part de marché (11 % en 2021).
3
Loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire 2019-2025.
4
+ 3,4
% d’augmentation
des dépenses militaires mondiales en 2021 (2113 Md$ selon
le
Stockholm International Peace Research Institute
–
SIPRI) par rapport à 2020, selon
le ministère des armées. Cf. annexe n° 1
–
Dépenses militaires et marché mondial de
l’armement. Les données du
SIPRI, parfois critiquées, ont été néanmoins utilisées car
elles sont les seules à offrir une vision globale de ce sujet.
COUR DES COMPTES
18
Cette progression résulte de la remontée en puissance des
exportations
d’armement
en 2021, après une année 2020 en repli, en raison
notamment de la crise sanitaire. Ainsi, alors que les prises de commandes
moyennes pour 2013-
2020 s’établissaient à 9,4
Md€
, elles ont encore
progressé pour atteindre 11,7
Md€
en 2021, soit la troisième meilleure
performance française à l’export
de ce secteur après celles de 2015
(16,9
Md€
) et 2016 (13,9
Md€
).
L’année 2022 devrait conf
irmer cette
tendance avec un niveau de commandes qui devrait dépasser les 20
Md€
.
Cette contribution positive à la balance commerciale de la France n’a
cependant pas empêché celle-
ci d’atteindre un déficit record de 84,7
Md€
en 2021
5
, en particulier du fait du renchérissement du coût des énergies et
des hydrocarbures importés. Cette dégradation du solde des échanges
commerciaux de la France se poursuit, pour les raisons précitées, en
août 2022 avec un déficit de 139,9
Md€
, cumulé sur 12 mois glissants
6
.
Graphique n° 1 :
prises de commandes
de l’industrie française
d’armement
2011-2021 en
M€
Source : Cour des comptes, données du rapport au Parlement de 2022 sur les exportations
d’armement de la France
5
en-2021.
6
INTRODUCTION
19
Principaux contrats
français d’armement
signés en 2021-2022
Ces deux années correspondent à des performances exceptionnelles
d
’exportation de matériel
s militaires produits par des entreprises françaises.
L’année 2021
7
a été marquée par la vente de 6 avions Rafale neufs et de 12 avions
Rafale d’occasion à la Grèce,
de 30 avions Rafale, de radar 3D de défense aérienne
et de missiles
d’interception, de combat et d’auto
-défense (MICA) équipant des
frégates allemandes
pour l’Égypte,
de 12 avions
Rafale d’occasion pour la
Croatie, de 52 systèmes d’artillerie Caesar
pour la République tchèque ainsi que
de 10 hélicoptères H145M, de radars, de systèmes de défense sol air et de stations
radio pour la Serbie. Plusieurs contrats majeurs, non pris en compte par les
statistiques du ministère des armées au titre de
l’exercice
2021, ont clos cette
année avec la fourniture, sans compensation industrielle ou transfert de
technologie, de 80 avions Rafale (portant ainsi le nombre de ces appareisl exportés
à 284), ainsi que de missiles air-air MICA MG, de missiles air-sol de longue
portée de type Scalp et de 12 hélicoptères Caracal aux Émirats arabes unis.
En 2022, des grands
contrats ont été d’ores et déjà
conclus avec la Grèce
pour la fourniture de trois avions
Rafale et six frégates de défense et d’intervention,
ainsi qu’
avec l
’Indonésie pour
la livraison de 42 avions Rafale et
l’Arabie Saoudite
pour l’entretien et la mise à niveau de sept frégates.
Cette performance
à l’exportation
repose essentiellement sur les
succès de grandes entreprises
8
dans deux secteurs. En premier lieu
, l’aviation et
ses systèmes d’armes, principalement portés par
Dassault Aviation, Thalès,
Safran, MBDA et, dans une moindre mesure, Airbus ; en second lieu, le secteur
naval,
entraîné par Naval group. Le secteur de l’armement terrestre reste encore
loin derrière, malgré les succès de Nexter au cours des deux derniers exercices.
Cette concentration traduit une dépendance forte aux grands contrats
conclus par les grands groupes. En effet, bien que les exportations françaises
reposent aussi sur un socle de contrats inférieurs à 200
M€
, oscillant selon les
années entre 3,5 et 4,5
Md€
9
, ceux-ci correspondent pour une grande part aux
activités de maintien en condition opérationnelle (MCO), de modernisation et
de formation assurés par les grands groupes précités. Ces prises de commandes
permettent au secteur de dégager un solde commercial excédentaire qui a
doublé depuis 2015 et atteint 7,39
Md€
en 2021, tandis que le déficit
commercial se creusait dans les mêmes proportions, pour atteindre 84,7
Md€
.
Les succès à
l’exportation des grandes entreprises du secteur de la
défense ne sauraient toutefois éclipser la part prise
à l’exportation
par le
secteur des biens à double usage
10
, souvent produits par les mêmes
entreprises, ainsi que par le secteur des matériels de sécurité.
7
In
Rapport au Parlement 2022 sur les exportations d’armement de la France, ministère des armées.
8
Cf. annexe n° 2
–
Exportations d’armement et base industrielle et technologique de défense.
La France compte cinq entreprises (Airbus, Thalès, Safran, Naval group, Dassault) parmi les
100 plus grands groupes mondiaux de la défense (cf. site
Defense New
).
9
Ces contrats de moins de 200
M€ représentent un montant total de 4,1
Md€ en 2021.
10
Il s’agit des biens à usage civil et militaire.
COUR DES COMPTES
20
Un poids important
à l’exportation
des biens à double usage
et des matériels de sécurité
L’intérêt stratégique de ce
s filières, connexes à celle d
e l’
armement,
est avéré et leurs
performances à l’exportation sont
notables. Le secteur des
biens à double usage réalise ainsi
un chiffre d’affaires à l’export
important,
dont une valeur approchante correspond à la valeur cumulée des licences
individuelles attribuées à ce titre, soit 9
Md€
en 2021
11
et 6,5
Md€
en 2020
12
.
C’est aussi
le cas du secteur des matériels de sécurité
13
, qui a réalisé en 2018
un chiffre d’affaires de 28,2
Md€
dont 14,1
Md€
à l’exportation
14
. Ce chiffre
d’affaires porte pour 44
% sur la sécurité électronique, 33 % sur la sécurité
physique, et 23 % sur la cybersécurité. Bien que ces secteurs très dynamiques
ne fassent pas l’objet d’un même suivi que les exportations d’armement, le
Conseil des industries de la confiance et de la sécurité estime que la France
capte environ 5 % de ce marché avec une position prépondérante dans les
domaines de l’intelligence artificielle, du
machine learning
15
et des
technologies post-quantiques, dont la cryptographie. Elle réalise également de
bonnes performances dans la
blockchain
16
et la sécurisation des données.
Pour autant, ces exportations ne bénéficient ni de la même visibilité,
ni du même soutien de l’
État. Aussi, la Cour des comptes a focalisé ce contrôle
essentiellement sur le soutien mis en œuvre en faveur des matériels militaires
ainsi que sur les procédures relatives aux exportations de ces équipements.
Elle a toutefois abordé ponctuellement les questions liées aux biens à double
usage et aux matériels de sécurité, lorsqu’elles présentaient des enjeux
communs aux matériels militaires, en termes de contrôle à l’e
xportation, de
soutien (pour les satellites par exemple) et de synergies possibles.
11
In
Rapport au Parlement 2022 sur les biens à double usage, ministère de l’économie,
des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
12
Cette donnée
approximative n’inclut pas les exportations
non soumises à un contrôle
au sein de l’Union européenne
-
UE, ni celles vers les pays bénéficiant d’autorisations
générales d’exportation. Elle
peut aussi
intégrer des projets d’exportation ne
débouchant pas forcément sur des contrats et des équipements déjà comptabilisés au
titre des exportations d’armement et de produits assimilés.
13
In Observatoire de la filière industrielle de sécurité, Conseil des industries de la
confiance et de la sécurité, juin 2020.
14
Cf. annexe n° 3
–
Exportations françaises de biens à double usage et de matériels de sécurité.
15
Cette expression désigne l’aprentissage automatique de systèmes informatiques
recourant à
des technologies d’intelligence artificielle
. Ces systèmes sont capables
d’apprendre ou d’améliorer leurs performance
s sur la base des données traitées, sans
être préalablement programmés à cette fin.
16
La
blockchain
ou chaîne de blocs est une technologie numérique sécurisée de stockage et
de transmission d'informations, sans organe central de contrôle ou tiers de confiance. Chaque
nouveau bloc ajouté à la blockchain est lié au précédent et une copie est transmise à tous les
«
nœuds
»
du réseau. L’intégration est chronologique, indélébile et infalsifiable.
INTRODUCTION
21
Ces succès des entreprises ont été accompagnés par un important
investissement des pouvoirs publics. Ce dernier a conduit la Cour à se poser
quatre questions qui structurent ce rapport et auxquelles elle a cherché à
répondre :
-
Un bon équilibre a-t-il été trouvé entre le fort engagement des
pouvoirs publics pour soutenir les exportations de matériels de guerre
et de sécurité et les exigences de leur contrôle
pour s’assurer de leur
conformité aux règles internationales ?
-
Les pouvoirs publics parviennent-ils à prendre en compte de manière
satisfaisante les aléas politiques, les contraintes et les exigences de
plus en plus fortes auxquelles sont soumises les exportations de
matériel militaire et de sécurité de ce commerce très politique ?
-
La stratégie de soutien aux exportations d’armement est
-elle intégrée
dans l’ensemble de l’action du ministère des armées et celui
-ci tire-t-il
le bénéfice attendu de tous les efforts accomplis ?
-
Les soutiens financiers mis en place sont-ils à la fois suffisamment
dynamiques pour favoriser les exportations et suffisamment encadrés
pour protéger l
es intérêts de l’État
, et limiter les risques, dans le
respect de la réglementation internationale en vigueur ?
Chapitre I
Un soutien déterminé qui va de pair
avec un contrôle rigoureux
I -
L
’organisation
des services de l’État
A -
Un soutien efficace aux exportations de matériels
militaires, malgré
l’action de nombreux
acteurs publics
1 -
Des acteurs publics multiples aux interactions complexes
Un grand nombre
d’acteurs publics
17
soutient et contrôle les
exportations de matériel militaire, ce qui conduit à centrer ce chapitre sur
l’organisation et la coordination des seuls acteurs ministériels. Il s’agit
:
-
du SGDSN, qui préside la Commission interministérielle pour
l’
étude
des exportations des matériels de Guerre (CIEEMG) et coordonne
toute activité rattachable au contrôle effectué par cette commission ;
17
4 ministères (8 entités « armées », 4 « économie et finances », 4 « affaires étrangères »,
3 « intérieur », cf. annexe n° 6
–
Intervenants et effectifs mobilisés en 2021 pour le
contrôle et le soutien aux exportations de matériel militaire et de sécurité) et leurs antennes
à l’étranger, une structure interministé
rielle (le secrétariat général de la défense et de la
sécurité nationale-SGDSN), des agences publiques (Bpifrance AE et Business France) et
une entreprise publique (Défense Conseil International).
COUR DES COMPTES
24
-
du ministère des armées, au
cœur
de ce processus piloté par le cabinet du
ministre et la direction générale
de l’
armement (DGA). En son sein, la
direction du développement international (DI) mobilise en amont la sous-
direction du contrôle export, en lien avec la direction technique, le service
de la qualité, la
mission de supervision des opérations d’exportation
, les
sous-
directions géographiques, l’
état-major des armées (EMA), la
direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS),
les services de renseignement et les attachés de défense
18
. Le contrôle
général des armées (CGA) agit en aval avec la sous-direction du contrôle
export , en pilotant le comité ministériel du contrôle
a posteriori
(CMCAP). Ces mêmes acteurs (hormis le CGA et la sous-direction du
contrôle export) et la sous-direction de la gestion et de la qualité de la
DGA participent au Soutex, en lien avec la direction des affaires
juridiques
(DAJ), la DGRIS, l’EMA et les états
-
majors d’armée
;
-
du ministère de l’économie
, des finances et de la souveraineté
industrielle et numérique
via
la direction générale des douanes et des
droits indirects (DGDDI) pour le contrôle des exportations de matériel
militaire, de munitions, d’armes à feu et de produits explosifs.
Ce
ministère mobilise la DG Trésor et ses services économiques au sein des
ambassades, avec l’appui des attachés douaniers, ainsi que la
direction
du budget pour le financement export de ces produits ;
-
du
ministère de l’Europe et des affaires étrangères
qui participe au
contrôle export
via
la direction des affaires stratégiques, de sécurité et
du désarmement. Il apporte aussi un appui technique, financier (
via
la
direction de la coopération de sécurité et de défense), juridique (
via
la
DAJ) et politique
à l’export
(
via
les ambassadeurs et la direction de la
diplomatie économique)
, en complément de l’analyse sectorielle
internationale de la DGRIS.
Par ailleurs, p
our l’
exportation des matériels de sécurité, le ministère
de l’intérieur
mobilise des moyens de contrôle (service central des armes
et des explosifs, SCAE) et de soutien (attachés de sécurité intérieure des
ambassades, délégation ministérielle aux partenariats, aux stratégies et aux
innovations de sécurité, direction de la coopération internationale de
sécurité)
trop limités au regard du poids à l’exportation et de la croissance
du secteur français de la sécurité. Ce contrôle est assuré par la commission
interministérielle du contrôle du commerce des armes civiles (CICCA)
pour l’exportation des armes de catégories A1, B et C
. Présidée par le
SCAE qui en assure le secrétariat, la CICCA associe la DGA et facilite sa
coordination avec le SCAE.
18
Ces contrôles de la DGA, de l’EMA et la DGRIS portent aus
si sur les biens à double
usage, en lien avec le SBDU du ministère de l’économie, des finances
et de
la souveraineté industrielle et numérique.
UN SOUTIEN DÉTERMINÉ QUI VA DE PAIR AVEC UN CONTRÔLE RIGOUREUX
25
L’expo
rtation des biens à double usage, relève, quant à elle, de la
Commission interministérielle des biens à double usage (CIBDU), présidée par
le
ministère de l’Europe et des affaires étrangères
. Le service des biens à
double usage (SBDU) de la direction générale des entreprises (DGE) du
ministère de l’économi
e, des finances et de la souveraineté industrielle et
numérique, lié par les décisions de la CIBDU, en
assure le secrétariat, l’Agence
nationale de la sécurité des systèmes d’information
(Anssi) se chargeant de
l’instruction des matériels de cryptologie
. Cette instruction parallèle par
l’A
nssi paraît cependant regrettable en termes de simplicité organisationnelle,
a fortiori
pour une thématique dont
l’importance s’accroît
. Le SGDSN veille
pour sa part à la cohérence des décisions de la CIEEMG et la CIBDU.
Les effectifs cumulés (850 à 1 000 équivalents temps plein - ETP
19
,
selon les années et les besoins
20
)
de ces structures d’
accompagnement des
exportations semblent adaptés, malgré des tensions à la mission de supervision
des opérations d’exportation
(20 ETP) et la direction technique (5 ETP de la
sous-direction des prestations). Les moyens humains parfois surdimensionnés
des sous-directions géographiques de la DGA (92 ETP
dont 39 pour l’Europe
occide
ntale et l’Amérique du Nord
) posent en revanche la question de leur
redéploiement vers la
mission de supervision des opérations d’exportation
ou
la direction technique. Les effectifs
ad hoc
des ministères chargés de
l’économie et des finances
(DG Trésor, 3 agents), des affaires étrangères
(direction des affaires stratégiques, de sécurité et du désarmement, 6 agents) et
de l’intérieur
(délégation ministérielle aux partenariats, aux stratégies et aux
innovations de sécurité,
moins d’un
ETP) semblent insuffisants.
Enfin, le ministère des armées et le
ministère de l’Europe et des
affaires étrangères ont mis en place des structures embryonnaires pour
faciliter les démarches des PME exportatrices de matériels militaires : un
chargé de mission PME à la sous-direction du contrôle export, deux bureaux
de la sous-direction des PME et de
l’action régionale du service des affaires
industrielles et de l’intelligence économique
de la DGA, une section liaison
entreprises (1 agent) de la sous-direction des questions multilatérales et
sectorielles, appuyée par le bureau logistique (5 agents) et le réseau de
coopérants de la direction de la coopération de sécurité et de défense (DCSD,
19 ETP sur 311). Il semble néanmoins souhaitable de renforcer les effectifs
de la section liaison entreprises et les liens de la DCSD avec Business France
et
les services économiques des ambassades sur ce sujet
21
. Il convient aussi
d’amplifier cet effort pour
développer la part de contrats de moins de 200
M€
permettant de lisser et de sécuriser le niveau des exportations de matériel
militaire, très dépendant de
l’obtention de contrats majeurs.
19
Ce total inclut des effectifs difficilement quantifiables : membres des cabinets
ministériels, ambassadeurs, agents des services économiques et des services de sécurité
intérieure (SSI) des ambassades, des bureaux de douanes, des services de
renseignement et personnes chargées de fonctions support à la DGA.
20
Cf. annexe n° 6
–
Intervenants et effectifs mobilisés en 2021 pour le contrôle et le
soutien aux exportations de matériel militaire et de sécurité.
21
Cf.
infra
, chapitre III-I-A.
COUR DES COMPTES
26
2 -
Des mécanismes de coordination efficaces mais améliorables
Cet
environnement
institutionnel
complexe
nécessite
une
coordination forte et régulière pour éviter des dysfonctionnements
préjudiciables aux exportations de matériel militaire. Cet objectif est atteint
de façon satisfaisante, principalement grâce au SGDSN (coordination du
contrôle des exportations
via
des réunions interministérielles
ad hoc
et la
CIEEMG dont il assure la présidence et le secrétariat
22
) et au cabinet du
ministre des armées. Ce dernier préside plusieurs instances informelles :
réunions hebdomadaires d’orientation des demandes d’exportation
(RHODE internes au ministère des armées), préparatoires aux CIEEMG et
réunions hebdomadaires « Brienne »
, dédiées au cœur du Soutex (revue
des projets et prospects, rencontres, visites et déplacements officiels liés).
Ces réunions « Brienne », ouvertes à la DG Trésor, à la direction de la
diplomatie économique et au cabinet du Premier ministre, gagneraient
cependant, au regard
du poids économique à l’export des biens à double
usage et des matériels de sécurité, à être élargies à la DGE et à la délégation
ministérielle aux partenariats, aux stratégies et aux innovations de sécurité
pour les exportations
de matériels liés au secteur de l’armement.
Si le
regroupement
mensuel des réunions d’arbitra
ge de la CIBDU et de la
CIEEMG
(concrétisant l’alignement de leurs processus d’arbitrage
annoncé en juin 2021 par le Premier ministre
23
) peut accroître les synergies
entre elles, l
a formalisation d’une instance de coordination
de ces deux
commissions semble préférable pour y parvenir.
Cette coordination est complétée par des instances internes au
ministère des armées : le comité conjoint de convergence export (C3E, créé
en décembre 2019
24
, regroupant la DGA et l’EMA et constituant un progrès
important de coordination), le comité de surveillance des exportations
d’armes (piloté par un membre du cabinet civil d
u ministre des armées et
examinant les demandes de licences d’exportation de matériels de guerre
faisant peser des risques de détournement, de circuit commercial illicite ou
de prolifération), la commission et les comités de pilotage et de direction
des cessions, des réunions DGA-DGRIS et des instances propres à la DGA
(comité exécutif, comité des offres, comité des offres export).
22
Cf. annexe n° 7
–
Les quatre étapes d’instruction des LEMG
.
23
In Communiqué de presse du Premier ministre, Instruction des propositions de la
mission d’information parlementaire sur les exportations d’armement
, 21 juin 2021.
24
La première réunion du C3E s’est tenue le 20 décembre 2019.
UN SOUTIEN DÉTERMINÉ QUI VA DE PAIR AVEC UN CONTRÔLE RIGOUREUX
27
B -
Une stratégie à davantage formuler, partager
avec les entreprises et élargir au secteur de la sécurité
Jusqu’en 2014, la DGA
-DI établissait, après avoir consulté les
principaux industriels, ses directions, d
’
autres acteurs du ministère ainsi que
le
ministère de l’économie, d
es finances et de la souveraineté industrielle et
numérique et le
ministère de l’Europe et des affaires étrangères
, un plan
national stratégique des exportations de d
éfense. Fondé sur l’analyse du
contexte géopolitique et industriel, ce plan
fixait les priorités d’actions en
termes de produits, de pays et d’accompagnement.
Présenté au Comité des
exportations de défense, puis entériné par la Commission interministérielle
d’
appui aux contrats internationaux, il rassemblait, sous la présidence du
directeur de cabinet du Premier ministre, des représentants des services de
l’État. Sa mise en œuvre était suivie mensuellement par le
comité précité,
présidé par le directeur du cabinet civil et militaire du ministre de la défense.
Ce plan comportait trois axes : pays, produits, actions.
Les priorités pays, fondées sur trois critères (potentiel commercial,
intensité de la relation bilatérale,
perspectives d’affaires
), étaient
complétées
par
des
priorités
d’équipements
à
soutenir
et
des
recommandations
d’
actions
à
mener
(indépendance
stratégique,
organisation, etc.) dont la plupart reste pertinente. À partir de 2014, cette
approche a été abandonnée au profit, selon le ministère des armées,
d’
« un
pilotage plus agile, afin de s’adapter à l’extrême
volatilité des
prospects. »
Ce dernier justifie ce choix par le fait que :
-
tous les prospects, dès lors qu’ils sont autorisés par la
CIEEMG,
peuvent prétendre à un soutien étatique ;
-
la comitologie existante permet d’adapter le niveau d’effort à mettre
en
œuvre pour chaque affaire
;
-
la planification a des limites car, alors que des affaires potentielles
s’étirent dans le temps
,
voire disparaissent, d’autres au contraire
émergent et se concluent dans un temps très court ;
-
une stratégie export tous azimuts doit être intégrée plus en amont, en
prenant en compte l’exportabilité des matériels dès le lancement du
programme national, ce qui a conduit à rénover le processus de
conduite des opérations d’armement
(cf. nouvelle instruction 1618).
Ces arguments pertinents, auxquels la DGA a ajouté la nécessaire
réactivité aux opportunités et aux évolutions des enjeux stratégiques
locaux, ne dispensent pas de réfléchir à une approche plus globale pour :
COUR DES COMPTES
28
-
répondre aux besoins des entreprises autres que la douzaine consultée
pour le plan stratégique, les informer des priorités géographiques et pays
suscitant des réserves pour éviter des dépenses inutiles de prospection ;
-
organiser des actions collectives de soutien pour aider les entreprises
à aborder les marchés cibles ;
-
mieux dimensionner l’outil diplomatique des attachés d’armement,
des coopérants de la DCSD et des attachés de sécurité intérieure ;
-
prendre en compte dans la programmation de certaines activités des
forces les priorités de la politique d’exportation y comp
ris à long terme
(escales, visite des chefs d’état
-
major d’armée)
;
-
cibler les stagiaires invités à suivre les formations de haut niveau du
ministère des armées ou les programmes de visiteurs étrangers du
ministère de l’Europe et des affaires étrangères
.
Cette approche pourrait porter sur les industries de défense et sur les
industries de sécurité
25
dont le marché
26
, portant souvent sur des clients
publics, devrait croître de près de 7 % par an entre 2018 et 2025, voire de
plus de 9 % pour les marchés stratégiques, comme la base industrielle et
technologique de défense (BITD), de la cybersécurité et des biens à double
usage. De plus, de nombreux grands groupes (Thalès, Dassault Systèmes)
ou PME produisent des matériels nécessitant des autorisations de la
CIEEMG et/ou de la CIBDU.
Or, le ministère des armées a renoncé à définir un plan stratégique
export, lui préférant une politique « opportuniste », sans inconvénient pour les
grands contrats dont les maîtres d’œuvre sont en relation suivie avec l
ui. En
revanche
, l’absence de lignes directrices
export et la méconnaissance de leurs
déterminants risquent d’être préjudiciables
aux PME et entreprises de taille
intermédiaire (ETI). À la différence du Royaume-
Uni, la France n’a pas
non
plus cherché à élaborer une stratégie pour soutenir les exportations du secteur
de la sécurité en forte croissance. Cette stratégie générale devrait être élaborée
par la DGA et, pour les volets sécurité et biens à double usage, la DGE et le
ministère de l’intérieur. Elle bénéficierait des
éclairages de la DG Trésor et de
la
direction générale de la mondialisation, de la culture, de l’enseignement et
du développement international (DGM). Validée au plus haut niveau, elle
devrait être présentée chaque année aux entreprises concernées, comme la DG
Trésor le fait pour la politique de financement des exportations.
25
Au Royaume-Uni, le DTI / DSO (
Department of Trade and Industry / Defense and
Security Organization
) a publié un dossier sur la stratégie export, décliné ensuite en
matière de cybersécurité (
The cyber security export strategy
, 2018 et
Security export
strategy : growing UK exports for global security
, 2019). De plus, le rapport
Industry
for Defence and a Prosperous Britain : Refreshing Defence Industrial Policy
(2017)
comporte 21 références
aux exportations et 7 à l’
« exportabilité » des équipements.
26
Global Security Market Analysis, Forecast to 2025, Frost et Sullivan.
UN SOUTIEN DÉTERMINÉ QUI VA DE PAIR AVEC UN CONTRÔLE RIGOUREUX
29
II -
Des exportations fortement contrôlées
A -
Le cadre juridique international du contrôle
des
exportations d’armement et des matériels assimilés
Sensibles par nature et par destination, les exportations de matériels
militaires et de sécurité sont régies par une réglementation internationale et
nationale. Celle-ci vise
à prohiber ce commerce et, par voie d’exception, à
le réguler pour éviter la prolifération des armes de destruction massive et
les transferts déstabilisants, lutter contre les trafics illicites et
s’assurer que
ces exportations répondent à des besoins réels et proportionnés. Parce
qu’elle souscrit à ces objectifs en tant que puissance nucléaire, exportatrice
d’armement et membre d
u Conseil de sécurité des Nations unies, la France
est partie à l’ensemble des accords internationaux pertinents en matière de
contrôle des exportations d’armement.
Ces textes sont soit
des conventions d’interdiction totale des
exportations d’armement
27
, soit des conventions de régulation, définissant
des critères de contrôle et/ou des listes de biens à contrôler
28
, auxquelles
on peut ajouter la convention de
l’
OCDE relative à la lutte contre la
corruption d’agents publics étrangers dans les transactions co
mmerciales
internationales. Ces disciplines constituent un enjeu important, notamment
pour les PME, les ETI et la DGA qui les accompagne, dans la mesure où
les grands groupes
de l’armement et de la sécurité s
ont davantage structurés
pour les prendre en compte dans leurs processus internes.
Enfin, des groupes de travail internationaux portant sur ces textes
relatifs aux matériels de guerre et assimilés (groupes de travail sur le
désarmement global et la maîtrise des armements, groupe de travail sur les
exportations d'armes conventionnelles
–
COARM,
Export Control
Informal Working Group)
comme aux biens à double usage (groupe de
travail sur l’Arrangement de Wassenaar), permettent aux
États parties de
négocier des évolutions juridiques et d’échanger sur l’inter
prétation de
dispositions et les bonnes pratiques de contrôle.
27
C
onvention d’Oslo de
2008 sur les armes à sous-
munitions, convention d’Ottawa de
1997 sur les mines antipersonnel.
28
Traité de 2013 sur le commerce des armes
–
TCA, décision 2019/1560/PESC du
Conseil modifiant la position commune 2008/944/PESC définissant les règles
communes r
égissant le contrôle des exportations de technologie et d’équipements
militaires, directive 2009/43 du 6 mai 2009 simplifiant les conditions des transferts de
produits liés à la défense dans le Communauté, règlement n° 821/2021 du 20 mai 2021
instituant un régime
de l’Union
de contrôle des exportations, du courtage, de
l’assistance technique,
du transit et des transferts de biens à double usage (cf. annexe
n° 4
–
Les textes internationaux encadrant le commerce des armes et des biens à double usage).
COUR DES COMPTES
30
B -
Le cadre juridique français du contrôle
des exportations de matériel militaire et de sécurité
1 -
Un système de contrôle profondément réformé en 2014
Le contrôle des exportations de matériels de guerre et assimilés, comme
celui sur les biens à double usage, les armes à feu, les poudres et explosifs
conduit à classer ces matériels et à délivrer des autorisations de fabrication, de
commerce et d’intermédiati
on (AFCI
29
), ainsi que des autorisations de transit
30
,
de transfert ou d’exportation. S’agissant
des matériels de guerre et assimilés, ce
contrôle vise
l’
équilibre entre les impératifs diplomatiques et de sécurité de
l’État et l
es besoins des exportateurs français. Il
nécessitait jusqu’en 2011
l’octr
oi de deux autorisations examinées par la CIEEMG
31
: une autorisation
préalable incluant la phase de prospection, puis une autorisation d’exportation.
Depuis le passage à la licence unique entre 2011 et 2014
32
, la CIEEMG
n’examine plus en réunion plénière que
5 % du volume des demandes de
licences d’exportation de matériels de guerre
(LEMG), soit environ 30 dossiers
par mois, contre 700 avant 2014. Cette licence unique, couvrant
l’ensemble
du
processus d’exportation (prospection, contractualisation,
exportation), est
déclinée en trois types de licences valables trois ans :
-
les licences individuelles pour expédier une certaine quantité de biens
et une certaine valeur à un destinataire, en une ou plusieurs fois ;
-
les licences globales (sous condition de
l’existence d’
un contrôle
interne et tacitement reconductibles)
pour l’e
xportation récurrente de
biens à un ou plusieurs destinataires, sans quantité ou montant limité ;
29
La DGA (articles R. 2332-4 à R. 2332-16 du code de la défense) les octroie pour
fabriquer et commercialiser des matériels de guerre, armes, munitions et leurs éléments
de catégorie A2. Le SCAE du ministère de l’intérieur (articles R. 313
-28 à R. 313-38-2
du code de la sécurité intérieure) les attribue pour les armes de catégories A1, B, C et D.
Cf. Autorisation de fabrication, commerce, intermédiation, exploitation et utilisation de
matériels de guerre (catégorie A2) -
Guide à l’usage des professionnels
, DGA, 2019.
30
La DGDDI délivre une Autorisation de Transit de Matériel de Guerre pour les matériels
de guerre (catégorie A2) et assimilés, les armes à feu et munitions, leurs éléments en transit
ou en transbordement. Une fois publié un décret en Conseil d’Ét
at, elle devrait se voir confier
en 2022, à la place de la DGA, la recevabilité et le traitement de ces demandes d’autorisation.
31
Cf.
supra
, encadré sur la CIEEMG.
32
Cf. articles L. 2335-1 à L. 2335-18 et R. 2335-1 à R. 2335-45 du code de la défense mettant
en œuvre la position commune du Conseil du 8 décembre 2008 définissant des règles
communes pour le contrôle des exportations de technologie et d’équipements militaires et la
directive 2009/43/CE du 6 mai 2009 relative aux transferts intracommunautaires de produits de
défense. Trois arrêtés du ministre des armées (du 30 novembre 2011 modifié pour
l’organisation du contrôle sur pièces et sur place, du 27 juin 2012 modifié pour la liste des
matériels de guerre et assimilés soumis à une procédure d’exportati
on et de transfert, du 14 avril
2014 modifié pour les modalités de demande de LEMG individuelles et globales) et 11 arrêtés
interministériels établissant des licences générales de transfert et d’exportation les précisent.
UN SOUTIEN DÉTERMINÉ QUI VA DE PAIR AVEC UN CONTRÔLE RIGOUREUX
31
-
les licences générales pour exporter ou transférer des biens, sans
demandes préalables de licences individuelles par opération. Leur
variante multi-exportateurs regroupe les demandes de licences-filles
de sous-traitants et de licence-mère d
’un
donneur
d’ordre.
La licence unique, nécessaire pour le transfert de documentation
classée matériel de guerre ou pour toute démonstration au prospect, contraint
les exportateurs à déposer leurs demandes en amont des processus
commerciaux
et à les modifier ensuite, en fonction de l’avancement des
discussions avec le client et de l’évolution de l’
organisation industrielle.
Ainsi, une majorité des licences accordées ne se concrétise pas par un
contrat
33
. Donnant rarement lieu à des dispenses
34
(3,25 % du total des
déclarations d’exportations de matériels de guerre et assimilés
en 2020), les
LEMG font
l’objet d’un contrôle
a posteriori
renforcé du ministère des
armées
, en contrepartie d’un allégement du contrôle
a priori
, transféré aux
entreprises pour simplifier la procédure et améliorer leur compétitivité
internationale. L
e nombre d’actes
administratifs et les délais de procédure
ont ainsi pu être réduits grâce à la licence unique mais aussi à une distinction
entre les transferts intra-
européens et les exportations hors de l’Union
européenne,
la
disparition
des
formalités
intracommunautaires
de
déclarations en douane et la dématérialisation,
via
le
système d’information,
de gestion et d’administration des licences d’exportation
(Sigale
35
), de la
quasi-totalité des démarches et documents liés au traitement des LEMG.
2 -
Un principe général de prohibition équilibré par la délivrance
d’autorisations administratives d’exportation par exception
La prohibition
a priori
du commerce des armes
36
a conduit la France
à mettre en place un régime d’autorisation par exception des exportations
de matériels militaires et de sécurité qui, selon leur nature (matériels de
guerre, armes à feu, explosifs civils et précurseurs d’explosifs, biens à
double usage, moyens de cryptologie, en particulier), relèvent du code de
la sécurité intérieure, du code de la défense et de règlements européens.
Elles sont dès lors gérées par la DGA, la DGDDI, le SCAE, le SBDU ou
l’Anssi, selon le type de produits exportés
37
.
33
Les commandes représentent en moyenne moins de 15 % du montant global des
licences accordées (in Rapport au Parlement 2020 sur les exportations d’armement de
la France, juin 2020, 123 p., p. 30).
34
Cf. articles R. 2335-14 et R. 2335-26 du code de la défense pour des matériels moins
sensib
les, opérateurs particuliers (services de l’État,
etc.), opérations liées à un
programme de coopération, réexportations
d’un matériel importé temporairement,
réparations
d’
un matériel préalablement importé ou exporté.
35
Cf.
infra
encadré Sigale.
36
C
f. article L. 2335-2 du code de la défense.
37
Cf. annexe n°4 - Les textes internationaux et nationaux encadrant le commerce
des armes et des biens à double usage.
COUR DES COMPTES
32
La commission
interministérielle pour l’étude des exportations
de matériels de guerre (CIEEMG)
Conformément au décret n° 55-965 du 16 juillet 1955 modifié, la
CIEEMG examine et émet un avis, préalablement aux décisions du Premier
ministre ou par délégation du SGDSN, sur les demandes de LEMG et
assimilés hors de l’UE, de transferts intracommunautaire
s et de transit sur
le territoire national de produits liés à la défense ainsi que de satellites et
fusées, de levée de clauses de non-réexportation imposées par la France,
d’approbation des certificats d’utilisation finale ou de non
-réexportation
réclamés par des autorités de contrôle étrangères. Son fonctionnement est
encadré par des directives de haut niveau classifiées.
Précédée de réunions des cabinets du ministère des armées et du ministère
de l’Europe et des affaires étrangères
ainsi que d’une pré
-CIEEMG, la CIEEMG
est présidée par le SGDSN qui en assure le secrétariat. Elle réunit trois autres
ministères avec voix délibérative (le ministère des armées, chargé de préparer la
consultation de la CIEEMG, le
ministère de l’économie, des finances et de la
souveraineté industrielle et numérique et le
ministère de l’Europe et des affaires
étrangères) ainsi que, sur invitation du SGDSN et sans voix délibérative, des
représentants de l’état
-major particulier de la présidence de la République, du
cabinet militai
re du Premier ministre, du ministère de l’intérieur, du ministère
chargé de l’espace, de la DGDDI et des services de renseignement. Elle rend ses
avis collégialement
via
Sigale ou en séance plénière. En sus de réunions
ad hoc
demandées par un MVD (questions générales, fonctionnement de la commission,
dossiers sensibles, etc.), la CIEEMG plénière se réunit 11 fois par an.
Chaque dossier fait l’objet d’une délibération à l’issue de laquelle le
SGDSN recueille les avis des MVD et formule l’avis de la CIEEMG (f
avorable,
défavorable ou ajournement), inscrit dans Sigale. Si un MVD ou un membre du
cabinet du Premier ministre le demande, la CIEEMG peut
solliciter l’arbitrage
de ce cabinet sur une LEMG. Les attributions de LEMG sont ensuite notifiées
par la DGDDI
38
(et non pas par le SGDSN ce qui serait plus cohérent, comme
c’est le cas pour les
biens à double usage) aux exportateurs, en application des
articles R. 2335-13 et 25 du code de la défense.
38
À
compter de fin juin 2022, les notifications des licences globales d’exportation de
matériels de guerre et des licences individuelles et globales de transfert (hors Islande et
Norvège) seront dématérialisées, avec une procédure de signature électronique.
UN SOUTIEN DÉTERMINÉ QUI VA DE PAIR AVEC UN CONTRÔLE RIGOUREUX
33
Ces décisions administratives, non motivées
lorsqu’
elles sont prises
après avis de la CIEEMG, sont susceptibles de recours en annulation et en
indemnisation. Grâce au dialogue informel en amont avec les exportateurs, ces
procédures contentieuses sont peu utilisées. La position du juge administratif
sur ces décisions assimilables à des actes de gouvernement reste à confirmer par
le Conseil d’État
,
saisi par des requérants d’une décision d’incompétence de la
Cour administrative d’appel de Paris du 26 septembre 2019.
A contrario
, le
tribunal administratif de Rennes s’est d
éclaré compétent le 30 juin 2020 pour
juger d’un tel contentieux, tout en rejetant
le recours de la société requérante
39
.
L’
organisation interministérielle mise en place pour gérer ce régime
d’autorisation par exception e
st spécifique
au regard d’autres pays
européens et des États-Unis
40
. Elle
s’explique par d
es enjeux politiques et
économiques forts, liés à des projets d’exportation d’
équipements
potentiellement létaux,
vers des pays souvent sensibles. Il s’agit ainsi
:
-
d’évaluer la con
formité aux engagements internationaux de la France
les risques techniques, opérationnels, politiques et les impacts pour la
BITD des exportations françaises de matériels de guerre et assimilés ;
-
de construire et maintenir,
a fortiori
lors d’un
conflit les impliquant,
une relation de confiance avec des pays et clients amis ou alliés
destinataires de biens et services vendus par des industriels français.
Ces licences (délivrées pour la plupart par la CIEEMG et la CIBDU)
et autorisations d’exportation ou de t
ransit portent sur des volumes très
différents et variables selon les années (cf. tableau ci-après).
Tableau n° 1 :
nombre de licences individuelles d'exportation
et autorisations délivrées
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Licences initiales et modificatives
CIEEMG (délivrées par le SGDSN)
6 986 6 810 5 988 7 292 6 796 7 215 6 515
Licences CIBDU (délivrées par le SBDU)
4 716 4 215 4 710 4 244 4 463 3 971 4 081
Autorisations d’exportation de produits
explosifs (délivrées par la DGDDI)
1 972 1 904 2 238 1 980 1 992 1 889 1 571
Licences d’exportation d’armes à feu
(délivrées par la DGDDI)
491
479
511
360
365
323
372
Autorisations de transit de matériels
de guerre (délivrées par la DGDDI)
133
166
102
119
94
92
86
Source : SGDSN, rapports au Parlement sur les exportations d'armement de la France, 2016-2021
39
Ce recours contre un refus de LEMG vers l’Autriche, l’Inde et Israël a conduit ce tribunal
à
considérer que les documents du SGDSN ne démontraient pas
« une appréciation de nature
intrinsèquement politique sur l’opportunité diplomatique de faire droit ou non à une telle
demande. Il n’est ainsi pas établi que ce refus serait indissociable de l’ex
ercice de la conduite
des relations extérieures de la France. »
Cette décision revêt donc pour ce tribunal
« le
caractère d’une décision administrative détachable de la conduite des relations
diplomatiques de la France, susceptible de faire l’objet d’un re
cours pour excès de pouvoir ».
40
Cf. annexe n° 5 -
Quatre exemples de systèmes étrangers de contrôle des exportations d’armement.
COUR DES COMPTES
34
L’
obligation de détermination
a priori
du classement en matériels de
guerre ou en biens à double usage ne pose pas de difficulté à la plupart des
entreprises maîtrisant par expérience ce sujet. Certains groupements
d’exportateurs regrettent toutefois que la réglementation s’attache à la notion
de matériels, sans tenir suffisamment compte de celle de système associant
des équipements et un volet numérique. De plus, cette maîtrise du classement
des biens soumis à autorisation d’exportation est moindre pour les
TPE et
PME primo-exportatrices (notamment pour la délimitation entre matériels de
guerre et biens à double usage, ou le classement de matériels d’interception
et de composants de matériel militaire) qui peuvent bénéficier :
-
des conseils de la DGA-DI
via
le chargé de mission PME, le bureau
réglementation, classement, double usage et sécurité industrielle, un
guide
41
détaillant les procédures de contrôle et de soutien à
l’exportation
, le portail Ixarm ou des séminaires tous les 18 mois ;
-
du référentiel général des armes relatif aux caractéristiques et au
classement des armes à feu de catégorie A1, B, C et D
42
. Cette
bibliothèque numérique en ligne gérée par le SCAE devrait être
interfacée
d’ici fin
2022 avec le téléservice e-APS de la DGDDI ;
-
d’
une procédure de « demande hors licence » pour les biens à double
usage (500 à 1 000 dossiers/an, en sus du flux annuel de dossiers) et d
’un
service dédié sur le site internet de la DGE pour aider à leur classement.
La DGA-DI et le SBDU sont
in fine
seuls compétents pour
déterminer le classement des matériels de guerre et des biens à double
usage, tout en coordonnant leurs approches
via
:
-
des réunions
ad hoc
ou des comités mixtes pour des opérations
d’ampleur
,
sensibles, incluant des biens à double usage et matériels de guerre ;
-
le recours aux mêmes experts pour traiter les LEMG et les licences
d’exportation de
biens à double usage, et le croisement par la direction
des affaires stratégiques, de sécurité et du désarmement et la DGRIS
des informations recueillies en CIEEMG ou en CIBDU (analyse du
caractère non défavorablement connu
d’un destinataire, etc.)
;
-
une règle interne disposant que
l’avis de la CIEEMG
prévaut lorsque
deux exportations jumelles d’un même client sont simultanément
soumises à la CIEEMG et à la CIBDU ;
-
une mise en cohérence des décisions de ces commissions par le
SGDSN (lors de réunions interministérielles ou en réunions
d’arbitrage post
-CIEEMG) et par un
processus d’arbitrage
aligné et
regroupé, annoncé par le Premier ministre en juin 2021 ;
41
Réglementation des armes à feu, munitions et leurs éléments
–
Guide à l’usage des
professionnels, 15 janvier 2019, DGA, 27 p.
42
Cf.
UN SOUTIEN DÉTERMINÉ QUI VA DE PAIR AVEC UN CONTRÔLE RIGOUREUX
35
-
un traitement des cas litigieux de classement (notamment sur la notion
de «
spécialement conçu ou modifié pour un usage militaire
») par un
comité eur
opéen, de la même façon que les refus d’exportation de
matériels de guerre peuvent être évoqués au COARM.
Ces usages ne semblent toutefois pas suffisants pour garantir une
bonne communication entre la CIEEMG et la CIBDU, faciliter le
classement de matériels et éviter des avis divergents ou rendus dans des
délais différents susceptibles de porter préjudice à des opérations jumelles.
Eu égard à la sensibilité de ces sujets, l’institution d’un
mécanisme pérenne
de coordination entre la CIEEMG et la CIBDU,
en s’inspirant
des pratiques
de la CICCA
43
, pourrait donc être opportune, y compris pour se prononcer
en amont sur les matériels dont le classement et le choix de la
réglementation de rattachement posent des difficultés.
3 -
Des licences d
’exportation d’armement traitées en quatre étapes
Les demandes de LEMG sont instruites en quatre phases
44
par
l’administration
,
via
l
’application
Sigale :
-
une première phase de vérification de la conformité réglementaire et
de la complétude des demandes de licence déposées auprès de la
DGA-DI
via
l’application
Sigale ;
-
une deuxième
phase d’instruction par les ministères avec voix
délibérative (SGDSN et ministères des armées,
de l’Europe et des
affaires étrangères,
de l’économie, des finances et de la
souveraineté
industrielle et numérique
) au sein de la CIEEMG permet d’analyser
ces
demandes
sous
des
angles
militaires,
géopolitiques,
technologiques, industriels, économiques et financiers ;
-
une troisième étape de notification des conditions et de délivrance des
licences précise les conditions suspensives à lever avant les démarches
commerciales, la signature des contrats et/ou la livraison effective ;
-
une quatrième étape de contrôle
a posteriori
renforcé, en contrepartie
du contrôle
a priori
allégé
de l’É
tat et du transfert partiel aux
exportateurs du suivi des exportations de matériels militaires.
43
La CICCA rend
des avis à la DGA sur les demandes d’AFCI relatives à des matériels
de guerre (catégorie A2) et au SCAE sur celles relatives aux armes civiles (catégories
A1 et B). Cette commission permet aussi un partage d’informations entres services sur
l’exercice des activités de commerce et d’intermédiation d’armes et de matériels de
guerre. L’ordre du jour de ces réunions mensuelles est préparé par la DGA et le SCAE.
44
Cf. annexe n° 7
–
Les quatre étapes d’instruction des LEMG
.
COUR DES COMPTES
36
Schéma n° 1 :
p
rocessus d’instruction d’une licence individuelle
ou globale
Source :
ministère des armées, rapport au Parlement 2022 sur les exportations d’armement
de la France
UN SOUTIEN DÉTERMINÉ QUI VA DE PAIR AVEC UN CONTRÔLE RIGOUREUX
37
La gestion numérique des demandes de licence : atouts et faiblesses
du système d’information (SI)
Sigale
Développé par Bull (2011) puis Atos (2015), ce SI gère le processus
de recevabilité, d’instruction, de modification, d’attribution et de suivi des
LEMG pour 44
M€
de coûts de développement et de MCO (2012-2023). Sa
maîtrise d’ouvrage
par la DGA nécessite 5,5 ETP et
l’animation de la
communauté de ses utilisateurs est assurée depuis 2020 par le SGDSN.
Depuis 2022, un nouveau marché régit ce SI qui
bénéficie d’un nouveau
portail industriel. Sigale est utilisé par les entreprises exportatrices de
matériels de guerre et des représentants du SGDSN, du ministère des armées
(DGA, DGRIS et EMA), de la DGDDI, de la DG Trésor, du ministère de
l’Europe et des affaires étrangères
, du
ministère de l’intérieur
et de
l’Anssi
. En
2020, près de 700 personnes ont fait appel à ce SI, dont 297 représentants de
l’État et 394 exportateurs, pour un flux mensuel d’environ 1
000 licences à
traiter et un stock de 600 exportateurs inscrits.
Sigale surclasse les SI
précédents (Base Unique jusqu’en 2005 puis
Siex-Enodios
jusqu’en 2014)
et recourt à des documents dématérialisés
45
. Il
permet une gestion et un suivi gratuits
46
et en temps réel des LEMG
47
, ainsi
que
l’identification et la délibération des membres de la CIEEMG.
Il
comporte un outil de recherche multicritères et des tableaux de bord (base
de données des matériels d’armement
exportés, grille «
d’exportabilité
» de
ces derniers).
La gratuité d’accès à
Sigale évite toute obligation de résultat
pour l’État
et
les contestations d’entreprises
ayant
payé un droit d’accès à
un
service
obligatoire
sans
obtenir
une
décision
favorable
de
l’administration.
Elle
constitue aussi un avantage compétitif pour les
exportateurs français, notamment les TPE et PME.
En revanche, les exportateurs ne peuvent pas demander
via
Sigale,
mais
via
un courriel
ad hoc
à la DGA, la levée des conditions rempli
es d’
une
LEMG. Toutefois, l
’interconnexion
(en cours
de finalisation d’ici fin 2022
et facilitée par la dématérialisation des notifications d’attribution de
licence),
via
l’application GUN
, de Sigale au système de dédouanement en
ligne par traitement automatisé (Delta
48
) de la DGDDI devrait permettre une
automatisation des contrôles documentaires
ainsi qu’
un suivi en quantité et
valeur d
es niveaux d’exploitation des licences globales.
45
Hors courriers (DGDDI, DGA et SGDSN) notifiant
l’attribution des licences aux
exportateurs, précisant leur
s conditions d’attribution
aux PME dépourvues de clé ou
logiciel ACID, détaillant les conditi
ons d’attribution des licences
classifiées.
46
Les exportateurs utilisant un SI comparable doivent payer des droits (variant selon
les types de licences, la taille des entreprises et, pour les entreprises moyennes, le
nombre de demandes) pour le dépôt de demandes de licence aux États-Unis ou en Italie.
47
Informations sur le descriptif
et l’historique
des licences, leurs destinataires, les
éventuels exportateurs associés, des documents liés
(décision d’attribution de licence,
projet de lettre de notification, conditions d’exportation, pays concernés, sec
teurs).
48
traditionnel-delta-g.
COUR DES COMPTES
38
De manière générale, les utilisateurs de Sigale déplorent ses
insuffisances et dysfonctionnements récurrents : interactions homme-
machine déficientes
49
, oublis de conception initiale
50
, forum de discussion
et
messagerie
internes
non-opérationnels,
erreurs
51
,
indisponibilité,
retards
52
. La persistance de tels problèmes paraît inacceptable et peu
compréhensible alors que les performances de ce SI concourent à la
crédibilité et l’efficacité du contrôle des exportations d’armement.
La dernière phase de contrôle, sur pièces et sur place, relève du seul
ministère des armées (ce qui pose question pour des enjeux interministériels,
nécessitant un regard extérieur pour renforcer l’objectivité et la crédibilité
des contrôles),
via
la sous-direction du contrôle export de la DGA-DI, sous
la coordination du CMCAP. Cette instance collégiale, présidée par le CGA
et dotée d’un comité de sanction, diffuse son rapport d’activité à ses membres
et au SGDSN mais pas aux membres de la CIEEMG, ce qui paraît
regrettable. Le CMCAP détermine le programme de contrôle, en approuve
les procédures, formule un avis sur les suites des contrôles,
propose des
évolutions réglementaires
53
. Les contrôles réalisés
a posteriori
apparaissent
cependant encore trop modestes par leur ampleur et leurs effets. En 2021, 31
procès-verbaux ont été établis par la sous-direction du contrôle export dont
10 pour des contrôles sur pièces (contre 17 en 2020, 15 en 2019 et 10 en
2018) et 21
54
pour des contrôles sur place (contre 27 en 2020, 28 en 2019,
34 en 2018 et près de 40 les années passées). Les contrôles sur pièces ont
conduit à analyser 1088 comptes-
rendus d’activité et 5219 contrats
(soit 84 % des contrats).
49
Commentaires invisibles aux phases suiv
antes d’instruction,
ordre des conditions de
recevabilité pouvant différer des décisions notifiées, non-déconnexion en cas
d’inutilisation prolongée
, etc.
50
A
bsence de connexion avec le SI de gestion et suivi des projets d’exportation de biens
à double usa
ge, impossibilité de demander une levée des conditions d’exportatio
n pour
les exportateurs, de
prioriser les demandes de licence, d’effectuer une recherche par
condition d’exportation,
de suspendre toutes les licences accordées pour un pays puis
de les réactiver,
d’établir un lien entre une licence et un contrat signé, d’associer les
volumes exportés au nombre de licences par pays, de réaliser des statistiques sur les
conditions de recevabilité, bloquantes et non-bloquantes, les livraisons.
51
Oubli d’étapes dans le traitement de licences, perte ou mauvais rattachement de
conditions de licences, confusions ponctuelles de dates, de données de licences.
52
Publication tardive (2020)
d’un manuel d’utilisation
, option prévue dès 2015 mais
toujours i
neffective d’un contrôle
a posteriori
des LEMG.
53
Il a suggéré
la possibilité de mises en demeure, concrétisée par l’article 1
er
de
l’ordonnance
n° 2016-982 du 20 juillet 2016.
54
Cette diminution des contrôles s’explique, selon la DGA, par une baisse trans
itoire
des effectifs de contrôle de cette sous-direction, liée à des difficultés de recrutement.
UN SOUTIEN DÉTERMINÉ QUI VA DE PAIR AVEC UN CONTRÔLE RIGOUREUX
39
Les effets de ces contrôles sont de plus limités avec 75 % de mises
en garde, 7 % de mises en demeure et une seule sanction, en mars 2021
55
,
du fait de la volonté du ministère des armées de privilégier une approche
pédagogique bien que la phase
d’appropriation
de la nouvelle
réglementation soit achevée. Dès lors, le nombre de ces contrôles devrait
être accru et leurs débouchés plus dissuasifs en cas de manquement à la
réglementation ; le rôle de la DAJ devrait être aussi renforcé au sein du
CMCAP pour veiller à la forme des procès-verbaux et au respect de leurs
destinataires, au contenu des mises en garde et mises en demeure, comme
au caractère incontestable des procédures du comité de sanction.
Enfin, ce contrôle de conformité de la DGA est complété par un
contrôle de régularité de la DGDDI (dédouanement des armes et explosifs
identifiés par des codes dont les anomalies sont détectables par le guichet
unique national du dédouanement, GUN
56
). Un protocole d’accord
,
partiellement appliqué, lie depuis 2015 ces directions pour éviter des
contrôles redondants, mutualiser des informations, des expertises et des
formations. Toutefois, ces échanges gagneraient à être renforcés,
notamment sur les demandes de classement de matériels ou les trafics
d’armement conventionnel.
4 -
Le délai moyen de traitement des demandes de licences :
un enjeu de rapidité pour les entreprises et de sécur
ité pour l’État
Le SGDSN veille
à l’équilibre entre l’amélioration du temps de
traitement des demandes de licence et la préservation de la qualité du
contrôle de la CIEEMG. La réforme de 2014 a permis de réduire le délai
moyen de ce traitement de 75 à 42 jours en 2021. Les écarts avec cette
moyenne restent néanmoins élevés : moins de 65 jours pour 80 % des
demandes, 27 jours pour les licences urgentes et 6 mois pour certains
dossiers. De plus, le délai de 20
jours d’instruction entre la recevabilité des
LEMG et leur passage en CIEEMG a été dépassé en 2020 (27 jours) et
2021 (24 jours). Si c
ertains délais d’instruction sont incompressibles
, ces
résultats sont perfectibles
pour répondre aux impératifs de sécurité de l’État
et de rapidité des entreprises. Cinq facteurs expliquent ces délais variables :
55
Cf. annexe n° 7
–
Les quatre étapes d’instruction des LEMG (
§ sur le CMCAP).
56
gun-generalites Cette base applicative donne accès à des
documents d’ordre public
dématérialisés et aux quantités imputées par
autorisation d’exportation
.
COUR DES COMPTES
40
-
les évolutions affectant les licences : plafonnement des nouvelles
demandes (depuis la crise sanitaire et le ralentisse
ment de l’activité
économique), accroissement des licences complexes (du fait de la
hausse
des transferts de technologie et des ventes de systèmes d’armes
complets
),
progression
des
prorogations
(dont
l’historique
d’attribution initiale, le contenu, les conditions, la valeur et le circuit
commercial demeurent inchangés ce qui facilite
l’instruction)
;
-
la qualité de la concertation interministérielle ;
-
la nécessité de traiter une partie des LEMG à la direction technique de
la DGA plutôt qu’à la
sous-direction du contrôle export ;
-
la montée des tensions internationales qui induit une hausse des
ajournements dans l’attente d’une amélioration des situations locales
;
-
les difficultés de fonctionnement de Sigale.
La durée moyenne d’instruction
(plus longue au ministère des
armées, car plus approfondie et portant sur des sujets plus nombreux) varie
selon les ministères, la nature des produits et des pays. Les dépassements
du délai moyen
s’expliquent
souvent par la situation géopolitique du pays
destinataire des matériels
ou par l’absence de réponse d’exportateurs à des
projets devenus non prioritaires pour eux.
A contrario
, le développement
de certaines
modalités d’instruction des LEMG
réduit les délais :
-
l’examen systématique en pré
-CIEEMG des dossiers dont la durée
d’instruction dépasse les objectifs de délai
;
-
les prorogations de licences d’ex
portation identiques dans leur
périmètre, moyennant un avis de la CIEEMG sur la situation régionale
du pays destinataire et l’emploi des matériels concernés
;
-
la prise en compte des antécédents de licence sur un périmètre
commun pour définir les conditions et instruire les seuls écarts
techniques, commerciaux et politiques entre des versions de licence.
Cependant, des
groupements d’exportateurs français
considèrent
trop modeste
l’objectif de délai moyen de traitement des licences
françaises. Les écarts à la moyenne observée et les délais moyens restent
élevés avec ceux des licences Itar aux États-Unis (17 à 18 jours) ou des
biens à double usage (un mois). Le ministère des armées, appelant à être
prudent sur ce sujet aux enjeux diplomatiques et de sécurité élevés,
reconnaît néanmoins que des marges de progression existent, grâce à Sigale
ou au développement des licences de contrats, pour accroître la rapidité de
réponse des exportateurs français aux besoins de leurs clients étrangers. La
Cour recommande donc que des objectifs plus ambitieux de réduction du
délai moyen de traitement des LEMG soient fixés par le SGDSN, dès que
Sigale sera interconnecté avec le système Delta.
UN SOUTIEN DÉTERMINÉ QUI VA DE PAIR AVEC UN CONTRÔLE RIGOUREUX
41
5 -
Les simplifications au système d’autor
isation par exception
Depuis 2014, un comité de concertation État-industrie sur le contrôle
des exportations d’armes
associe trimestriellement
la DGA, l’EMA, le
SGDSN, le
ministère de l’Europe et des affaires étrangères
, les fédérations
industrielles et les exportateurs concernés au sein de groupes de travail qui
préconisent des évolutions susceptibles d’
améliorer le système français de
contrôle des exportations.
En s’inspirant de ces préconisations
, la CIEEMG
a accepté en octobre 2021 le principe de licences de contrats
57
. Ces licences
individuelles peuvent couvrir, pour certains pays
58
et destinataires autorisés,
des
contrats limités aux commandes d’équipements sur étagère et aux
opérations préalables (remise d'offres technico-commerciales, échanges
associés lors de négociations) pour diminuer le nombre de licences ne
débouchant pas sur un contrat, permettre une prise de commande rapide par
les exportateurs, sans réduire la couverture du contrôle export. Une seule
licence de contrats est à ce stade en vigueur.
Cette initiative positive de la CIEEMG correspond à un
assouplissement comparable à celui mené à bien par les autorités
américaines en transférant
du département d’
État au département du
commerce, la responsabilité du contrôle de l’exportation de matériels de
guerre reclassés en biens à double usage
59
. Elle pourrait toutefois
s’accompagner d’un programme global
et semestriel de formation
60
des
TPE-
PME aux mécanismes de soutien et de contrôle à l’exportation de
matériel militaire et de sécurité (procédures, subtilités de classement des
matériels y compris pour les biens à double usage et les armes légères et de
petit calibre, soutiens financiers mobilisables, contrôle interne, enjeux
juridiques, listes d
’interlocuteurs dans les administrations concernées).
Elle pourrait être également complétée par la diffusion de guides ou
notes d’interprétation
de classement permetta
nt d’expliciter de façon
générale ou par domaine la notion de «
spécialement conçu ou modifié pour
l’usage militaire
»
; voire aussi, comme ce fut le cas aux États-Unis en
2013
61
, de la création de catégories intermédiaires permettant de reclasser
en biens
à double usage des matériels soumis à autorisation d’exportation.
57
L’autre option de licences globales (
nécessitant la mise en place de processus internes
de traitement et d’organisation des exportations auditables et certifiés)
, coûteuse pour
les PME, aurait rendu délicate l
’émission de conditions en amont de la sign
ature des
contrats pour préserver la capacité de décision de l’État et sa souveraineté.
58
UE, Otan (hors Turquie), Japon, Nouvelle-Zélande, Australie, Suisse, Arabie-Saoudite,
Brésil, Chili, Corée du Sud, Emirats Arabes Unis, Inde, Koweït, Malaisie, Maroc, Oman,
Qatar, Sénégal, Singapour, Égypte, Jordanie et Tunisie.
59
Cf. annexe n° 5
–
Quatre exemples de systèmes étrangers de contrôle des exportations
de matériel militaire et de sécurité (§ sur les États-Unis).
60
Ce programme de formation au soutien financier export ainsi qu’aux règles et risques
en matière de conformité pourrait être copiloté par la DGA-DI et la DG Trésor.
61
Cf. annexe n° 5
–
Quatre exemples de systèmes étrangers de contrôle des exportations
de matériel militaire et de sécurité (§ sur les États-Unis).
COUR DES COMPTES
42
C -
Une exigence éthique croissante
1 -
Une sensibilité grandissante des élus et des opinions publiques
européennes aux questions éthiques
La sensibilité des opinions publiques au caractère éthique des
exportations d’armement
peut gêner
la vente d’équipements militaires
conçus et produits en commun. Cette sensibilité se manifeste davantage
depuis l’intervention de l’Arabie Saoudite
et ses alliés dans le conflit
yéménite en 2015. Dans ce contexte, et depuis le Brexit, la France se trouve
plus isolée sur ces questions dans les enceintes européennes. Le Parlement
européen a ainsi adopté en 2020
62
une résolution demandant des contrôles
plus stricts et homogènes des exportations militaires des États membres et
un primat des règles européennes les régissant sur tout intérêt national
économique, social, commercial ou industriel.
Il s’est aussi alarmé
de
l’absence de mécanisme de sanction
des États membres s'engageant dans
des exportations non compatibles avec les critères des règles européennes.
Il a appelé
à la mise en place d’une évaluation par les pairs
et enjoint les
États membres de publier des données uniformes et complètes dans le
rapport annuel de l’Union
européenne sur ces exportations. La rapporteure
du document
63
s’est
, quant à elle, déclarée favorable à
un mécanisme
européen, fondé sur les
huit critères de la position commune de l’UE sur
les exportations d’armes
64
pour contrôler toute exportation future et
sanctionner les États membres ne respectant pas ces règles
65
. Il faut
souligner que ces huit critères sont déjà mis en œuvre par la France (
respect
des engagements internationaux,
des droits de l’Homme dans le pays
destinataire final, situation intérieure dans le pays destinataire final,
préservation de la paix, la sécurité et la stabilité régionales, sécurité
nationale des États membres, pays amis et alliés, comportement du pays
acheteur envers la communauté internationale, risque de détournement de
l’équipement
dans le pays acheteur ou de réexportation dans des conditions
non souhaitées, c
ompatibilité des exportations d’armement avec la capacité
technique et économique du pays destinataire).
62
63
Rapport sur les exportations d’armement
:
mise en œuvre de la position commune
2008/944/PESC, commission des affaires étrangères du Parlement européen, Hannah
2020-0137_FR.pdf).
64
Cf. position commune 2008/944/PESC du 8 décembre 2008.
65
d-armes-de-l-ue-plus-de-controle-et-de-transparence.
UN SOUTIEN DÉTERMINÉ QUI VA DE PAIR AVEC UN CONTRÔLE RIGOUREUX
43
Cette montée en puissance des enjeux éthiques s’observe aussi au plan
international avec un durcissement des instruments de régulation du
commerce des armes, sous la pression d
’
États et
d’
ONG. La convention du
10 octobre 1980, modifiée le 21 décembre 2001, sur certaines armes
classiques et ses protocoles annexés permettent ainsi d’interdire ou de limiter
l’emploi d’
armes classiques dont les effets suscitent des inquiétudes (éclats
non localisables, mines, pièges et autres dispositifs, armes incendiaires,
armes à laser aveuglantes, restes d’explosifs de guerre). L’article 8 de
cette
convention permet aux parties contractantes de
« proposer des protocoles
additionnels concernant d’autres catégories d’armes classique sur
lesquelles les protocoles existants ne portent pas ».
Certains des États parties
à cette convention s
’appuient
sur cet article pour demander l’interdic
tion des
armes explosives et un encadrement du développement, du transfert et de
l’utilisation de systèmes d’armes létaux autonomes.
Afin de prendre en compte ces préoccupations, la ministre des
armées a mis en place en
janvier 2020 un Comité d’
éthique de la défense,
composé de 18 personnalités qualifiées
66
et présidé par un conseiller
d’État,
un ancien chef d’état
-major des armées en assurant la vice-présidence. Ce
comité émet des propositions ou des recommandations en matière
d’
éthique sur
l’évolution du métier des armes
,
l’émergence de nouvelles
technologies dans le domaine de la défense, excepté sur les questions
directement liées à la conduite des engagements opérationnels ou à des
contentieux. Il est déjà mandaté sur les enjeux éthiques liés au « soldat
augmenté »
et aux systèmes d’armes létaux autonomes
67
.
Les préconisations d
’
un
rapport de l’Assemblée nationale sur le
contrôle des exportations
68
s’inscrivent aussi dans cette perspective.
Ce
dernier souligne que
« la France est bien plus souvent ciblée que ses
partenaires par les critiques des ONG, sans que sa part dans les
exportations ne le justifie. »
Constatant que ces controverses portent
surtout sur l’utilisation d’armement
très postérieure à
l’octroi de licences,
ce rapport préconise de renforcer la redevabilité des États-clients
via
la
maintenance, une clause systématique de non-réexportation des armes de
petit calibre, une identification plus fine du destinataire final, des
partenariats stratégiques et des restrictions contractuelle
s d’utilisation
.
Enfin, ce document
suggère la création d’une délégation parlementaire au
contrôle des exportations
d’armement et de biens à double usage
, dotée de
pouvoirs
d’information
(rapport annuel, accès aux documents classifiés,
auditions), de contrôle
a posteriori
,
d’avis
et de recommandation sur des
demandes de licence et sur
l’organisation du contrôle des exportations.
66
Dont le directeur de la stratégie de défense, prospective et contre-prolifération de la
DGRIS et un représentant de la DAJ qui a contribué à sa création.
67
68
Commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, rapport d’in
formation de
M. Jacques Maire et Mme Michèle Tabarot,
Le contrôle des exportations d’armement
,
18 novembre 2020.
COUR DES COMPTES
44
2 -
La pression politique et juridique des organisations
non gouvernementales
Les organisations non gouvernementales (ONG) agissant en matière de
droits de l’Homme, de lutte contre la corruption et de transparence internationale
développent depuis quelques années des actions contre les entreprises du secteur
de la défense. Les exportations d’armement vers des États impliqués dan
s le
conflit yéménite sont ainsi dénoncées par des associations qui mettent en avant
le comportement jugé plus vertueux des États-
Unis et d’autres États européens
69
.
Ces critiques peuvent également concerner les matériels de maintien de l’ordre
ou de gestion des opérations électorales.
Ces campagnes médiatiques ont récemment pris un tournant
juridique, suite aux
recours d’ONG devant les tribunaux. Le 20 juin 2019, la
Cour d’Appel d’Angleterre et du Pays de Galles a enjoint les autorités
britanniques de revoi
r la procédure d’examen des licences d’exportation. Les
14 juin 2019 et 9 mars 2020, le Conseil d’État belge a suspendu des licences
d’exportation accordées vers l’
Arabie Saoudite et les EAU
70
. Également
saisis, le tribunal administratif de Paris
71
et la cour a
dministrative d’
appel de
Paris
72
ont en revanche successivement débouté plusieurs associations. Cette
dernière
a toutefois précisé qu’en l’absence d’une appréciation politique sur
le contrôle des exportations d’armement, il
«
n’est pas radicalement
inconcevable »
, qu’un contrôle du juge sur ces actes soit envisageable,
« en
cas de violation directe et manifeste d’
une norme impérative et
inconditionnelle ».
Or, cet arrêt pourrait, s’il était confirmé par le Conseil
d’État, fragiliser la sécurité juridique du dispositif français de contrôle à
l’exportation des matériels de guerre et de sécurité. Un jugement du tribun
al
administratif de Rennes a confirmé ce risque en considérant que le refus
d’accorder une LEMG était, au cas d’espèce,
« détachable de la conduite des
relations diplomatiques de la France [et] susceptible de faire l’objet d ‘un
recours pour excès de pouvoir »
73
.
69
la-france-. Néanmoins, le président des États-Unis est passé outre le blocage par le
Congrès en avril 2019 de la vente de 8 Md$
d’armes à l’Arabie Saoudite
, en invoquant
l
’urgence.
Le Congrès a approuvé en décembre 2020 un contrat de 23 Md$ relatif à des
chasseurs F35 et 18 drones
Reaper
destinés aux EAU. La Norvège, la Finlande, le
Danemark
, l’
Allemagne
et l’Italie ont, quant à elles, suspend
u
les ventes d’armes à ces
70
Ibid.
71
Jugement du 8 juillet 2019 : rejet de
la demande d’annulation d’une décision du
Premier ministre autorisant des LEMG destinées à des États impliqués dans la guerre
au Yémen et de la déclassification des avis et délibérations liés.
72
Arrêt du 26 septembre 2019 ac
tant qu’aucun juge n’a à
connaître d’actes de
gouvernement, liés à un pouvoir d’appréciation politique et à la conduite des relations
extérieures de la France.
73
Tribunal administratif de Rennes, 30 juin 2020 (cf. encadré CIEEMG
supra
).
UN SOUTIEN DÉTERMINÉ QUI VA DE PAIR AVEC UN CONTRÔLE RIGOUREUX
45
Cette pression contentieuse pourrait aussi conduire à la mise en
cause de la responsabilité pénale individuelle de responsables d’entreprises
d’armement,
voire
à
terme
de
responsables
administratifs.
En
octobre 2011, une plainte a ainsi été déposée contre la société Amesys pour
complicité d’actes de torture en Libye. Le Parquet a estimé qu’il était
« difficile de considérer que la vente de matériel puisse être constitutive
d’actes de complicité de faits criminels commis avec lesdits matériels par
les acquéreurs. »
Amesys est
témoin assisté dans le cadre de l’enquête qui
se poursuit, conformément à une décision de la Cour d’Appel de Paris. Par
ailleurs, une plainte a été déposée le 29 juin 2016 par une famille
palestinienne contre l’entreprise français
e Exxelia Technologies pour
complicité de crime de guerre et homicide involontaire. Cette plainte, jugée
recevable sur avis conforme du Parquet de Paris, est en cours d’instruction.
COUR DES COMPTES
46
__________ CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS __________
Le foisonnement des acteurs ministériels concourant au contrôle et au
soutien des exportations françaises de matériel militaire et de sécurité ne nuit
pas à leur développement. Leurs effectifs semblent suffisants, excepté à la
délégation ministérielle aux partenariats, aux stratégies et aux innovations de
sécurité, la DG Trésor, la direction des affaires stratégiques, de sécurité et
du désarmement mais surtout à la mission de supervision des opérations
d’exportation
et la direction technique de la DGA où ils devraient être
renforcés. Les processus interministériels et internes de concertation et de
mise en cohérence des actions de Soutex fonctionnent de façon satisfaisante,
en particulier grâce à la coordination assurée par les cabinets du ministre
des armées et du Premier ministre,
via
le SGDSN. Le SBDU et la délégation
ministérielle aux partenariats, aux stratégies et aux innovations de sécurité
ne sont toutefois pas assez associés aux actions de Soutex, en particulier aux
réunions « Brienne »
, compte tenu du poids économique à l’export des
matériels de sécurité et des biens à double usage, comme de leurs liens
connexes avec les matériels d’armement. Il convient aussi d’amplifier les
efforts réalisés en faveur des PME
via
des structures dédiées aux moyens
accrus et des lignes directrices d’analyse des marchés export, notamment
pour réduire la dépendance aux grands contrats d’armement.
Par ailleurs, l’instruction des demandes de LEMG pâtit des
dysfonctionnements du système d’information
Sigale
dont l’amélioration et
la connexion,
via
GUN, avec le système Delta des Douanes prévue en 2022
devraient faciliter le travail des utilisateurs et permettre une indispensable
diminution des délais d’instruction. La mise en place de licences de contrats
consti
tue aussi une simplification utile qu’il conviendrait d’accompagner
du transfert au SGDSN des notifications de LEMG actuellement réalisées
par la DGDDI et
du lancement d’un programme conjoint
de la DGA et la
DG Trésor de formation des PME aux enjeux et risques de l’exportation de
matériel militaire et de sécurité.
De plus, l’abandon d’un système de
contrôle
a priori
des licences d’exportation rend indispensable le
développement d’un processus de
contrôle a posteriori. Ce dernier
gagnerait à être plus important en termes de dossiers vérifiés sur pièces et
sur place,
ainsi qu’à déboucher sur des décisions mieux partagées avec les
membres de la CIEEMG et, en tant que de besoin, sur des sanctions plus
dissuassives et exemplaires pour les exportateurs pris en défaut.
Enfin, le contrôle politique accru, l
’environnement juridique
international
des projets et contrats d’exportation de matériel militaire et
de sécurité, comme la jurisprudence des tribunaux appelés à se prononcer
sur les contentieux dans ce domaine, nécessitent une vigilance forte de
l’État et des acteurs économiques. Il s’agit de préserver, sur des enjeux
régaliens relevant d’actes de gouvernement, la capacité de l’industrie
française d’arme
ment et de sécurité à pouvoir exporter dans des conditions
sereines et égales à ses concurrents, au service de la BITD et du maintien
de la souveraineté de la France.
UN SOUTIEN DÉTERMINÉ QUI VA DE PAIR AVEC UN CONTRÔLE RIGOUREUX
47
En conséquence, la Cour formule les recommandations suivantes :
1.
sur le modèle du plan stratégique export de 2014, élargi aux biens à
double usage et aux matériels de sécurité, élaborer des lignes
directrices d’analyse des marchés export et les partager avec les
entreprises (SGDSN, ministère des arméesn
ministère de l’économie
,
des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, ministère
de l’intérieur
,
ministère de l’Europe et des affaires étrangères
) ;
2.
renforcer le contrôle
a posteriori
en termes de programmation et de
sanctions en cas de manquement à la réglementation, et communiquer
le rapport d’activités du comité ministériel du contrôle
a posteriori
à
l’ensemble des membres de la commission interministérielle pour
l'étude des exportations de matériels de guerre ainsi qu’aux présidents
des commissions parlementaires concernées
(
ministère des armées
)
;
3.
réduire le
délai moyen d’instruction des demandes de licence soumises
à la CIEEMG
(
SGDSN, ministère des armées) ;
4.
l
ancer un programme conjoint de formation à l’exportation des TPE et
PME des secteurs de la défense et de la sécurité (procédures, classement
des matériels, stratégie et risque pays, soutiens financiers, contrôle interne,
enjeux juridiques, interlocuteurs)
(
ministère des armées,
ministère de
l’économie
, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique)
.
Chapitre II
Des exportations soumises à des aléas
et à des exigences de plus en plus fortes
I -
Un environnement politique mouvant
et un commerce dépendant des relations interétatiques
A -
Un commerce soumis à de forts aléas politiques
Essentiellement interétatique, le commerce des matériels militaires
dépend des relations entre les
É
tats, de leur appréciation de la situation
internationale, des rapports de force et de leur évolution.
L’actualité des dernières années comporte ainsi de nombreux
exemples d’aléas politiques ayant conduit à fragiliser, geler ou rompre des
négociations commerciales, voire des contrats déjà signés, entre la France et
ses partenaires. Plusieurs
facteurs peuvent être à l’origine de ces aléas
: des
changements stratégiques, des revirements diplomatiques, des changements
de majorité politique, la volonté d’affirmer son allégeance par la signature
de contrats ou, au contraire,
la recherche d’indépendance et de fournisseurs
alternatifs. Cinq cas emblématiques et récents de ce type ont conduit à
interrompre des contrats français ou à choisir d’autres fournisseurs
:
-
l
’embargo prononcé sur les ventes d’armes à la Russie à la s
uite de
l’invasion de la Crimée en 2014 qui a conduit à annuler l
a vente de
deux porte-hélicoptères Mistral en 2015 ;
-
les choix récurrents de matériels américains par la Pologne, du fait de
ses liens particuliers avec les États-Unis
et de l’importance des
troupes
américaines sur son sol : hélicoptères
Black Hawk
plutôt que Caracal
en 2016, système anti-missiles Patriot plutôt que MBDA en 2018 et
lances-roquettes Lockheed Martin en 2019 ;
COUR DES COMPTES
50
-
la décision du Brésil en 2019 de signer, un contrat pour quatre corvettes
avec le groupe allemand
ThyssenKrupp Marine Systems
, au détriment de
l’offre de Naval Group, dans un contexte de refroidissement des relations
franco-
brésiliennes après l’élection du
président Bolsonaro ;
-
la décision
de l’Égypte en 2020 de recourir à des matériels italiens
(achat de deux Frégates Multi-Missions
–
FREMM - à Fincantieri au
détriment de Naval Group), notamment du fait de critiques françaises
sur sa prise en considération
des droits de l’Homme
;
-
la nouvelle analyse faite par les autorités australiennes et américaines
de la situation stratégique dans la zone indopacifique qui a conduit le
gouvernement australien à annuler en 2021 le contrat conclu avec la
France pour la fabrication de 12 sous-marins Barracuda
Shortfin
74
.
A contrario
, dans un contexte de montée des tensions, la solidarité
affichée avec certains partenaires peut conduire à accélérer les contrats et
le choix de fournitures nationaux,
comme on l’a vu avec la Grèc
e tant
s’agissant des commandes d’avions Rafale que de celles des frégates de
défense et d’intervention.
La signature de partenariats stratégiques peut également favoriser la
conclusion des contrats à condition qu’ils soient ent
retenus dans le temps.
Ainsi, le partenariat stratégique avec l'Inde mis en place en 1998 a permis la
conclusion de plusieurs contrats majeurs depuis le début des années 2000 :
en 2005, la direction des constructions navales systèmes et services (DCNS,
devenue Naval Group) a été retenue pour réaliser la construction de six sous-
marins Scorpène pour la marine indienne, en majeure partie réalisés
localement ; en 2016, Dassault Aviation a conclu un contrat portant sur 36
avions Rafale. Le partenariat a été renforcé par la signature en mars 2018 de
plusieurs accords dont une « vision stratégique commune » concernant la
coopération dans l’océan Indien, une
« vision commune » spatiale incluant
le renseignement maritime et un accord de coopération militaire concernant
principalement les escales autorisées et les exercices ou entraînements
conjoints, comme « Varuna », exercices de lutte anti sous-marine en 2015.
B -
La forte demande de cadre contractuel interétatique
Les contrats de vente de matériel de guerre s
’inscrivent souvent dans
le cadre de relations interétatiques car n
ombre d’États clients souhaitent
entrer dans une relation directe d’État à État ou
inscrire la relation
commerciale dans un cadre interétatique formel, pour des raisons diverses :
-
inscrire leurs achats dans le cadre d’une rela
tion politique privilégiée ou
d’un partenariat stratégique
les assurant de la pérennité de la relation;
74
Le dénouement de cette affaire est intervenu en juin 2022, après la clôture du contrôle
de la Cour des comptes.
DES EXPORTATIONS SOUMISES À DES ALÉAS ET À DES EXIGENCES
DE PLUS EN PLUS FORTES
51
-
s’affranchir des procédures d’appel d’offres et pouvoir négocier de gré à gré
;
-
disposer rapidement d’équipements éprouvés
;
-
bénéficier de prestations
d’accompagnement allant du conseil lors de
la définition du marché et de sa négociation jusqu’aux actions de
formation des utilisateurs en passant par des actions de certification
sur la qualité et la conformité des équipements, alors que les contrats
d’ar
mement sont de plus en plus complexes ;
-
rénover les relations alors que les acteurs qui remplissaient historiquement
certaines de ces missions, comme l’Office français d’exportation
d’
armement (Odas) en Arabie Saoudite, ne sont plus adaptés.
Les
foreign military sales
américaines,
et l’offre d’autres États, en
particulier des « nouveaux entrants » (Chine, Inde, Corée du Sud) qui
seraient en mesure de proposer un accompagnement étatique soutenu,
constituent une référence qui a conduit le ministère des armées et
l’ensemble des pouvoirs publics à vouloir améliorer les cadres contractuels
que la France pouvait proposer.
1 -
Le modèle des foreign military sales : une procédure rapide
Les
foreign military sales
(FMS)
75
mises
en œuvre par le gouvernement
des États-Unis pour soutenir les exportations de matériel militaire permettent
à l’État
fédéral américain de devenir
l’unique interlocuteur de l’État client
auquel il se substitue dans la relation avec les industriels fournisseurs. Elles
concernent la quasi-
totalité des exportations d’armes américaines.
Selon la
Defense Security Cooperation Agency
, les États-Unis ont ainsi conclu, une
moyenne annuelle de 51
Md$ de nouveaux contrats d’exportation
d’équipements militaires au cours des
exercices 2015-2019.
Les FMS peuvent permettre de fournir :
-
des équipements en stock dans les armées américaines ;
-
des équipements que les armées américaines sont en train d’acquérir,
le partenaire étranger se joint alors à la commande en cours ;
-
des équipements spécifiques.
Dans les deux premiers cas, l’administration américaine assure
procurer au pays demandeur les équipements à un prix identique à celui
auquel il les achète lui-même.
Pour un certain nombre de pays partenaires (Israël, Égypte en
particulier), les
FMS s’accompagnent des FMF (
foreign military
financing
), dons ou prêts à condition avantageuse.
Pour l’exercice fiscal
2021, les États-Unis avaient mobilisé plus de 5,6 Md$ à ce titre, dont plus
de 90 % au bénéfice des pays du Proche-Orient.
75
Cf. annexe n° 8
–
Les
foreign military sales.
COUR DES COMPTES
52
La
force de ce système de soutien à l’exportation repose, outre la
puissance politico-militaire et financière des États-Unis, sur la profondeur du
marché militaire national qui a la capacité d’offrir des séries longues et des stocks
importants. Il y est souve
nt fait référence et la France a cherché à s’en inspirer.
2 -
Les contrats d’État à État mis en œuvre par la France
Les accords de partenariats stratégiques
qui peuvent inclure les
problématiques de défense constituent un support au développement de la
coopération militaire. Ils peuvent fournir un cadre favorisant le
développement des échanges, s’ils sont conduits avec constance. Ils
permettent de nouer un dialogue propice à développer un partenariat de
défense mais ils doivent être accompagnés d’autres dispos
itifs interétatiques
pour répondre aux attentes des pays clients qui souhaitent être davantage
accompagnés par le ministère des armées. Celui-ci a donc cherché à mettre
en œuvre des accords de gouvernement à gouvernement qui conduisent à une
implication pl
us ou moins grande de l’État sans que, pour le moment, aucun
d’entre eux ne constitue une solution facilement reproductible et sans qu’ils
offrent de facilité pour soutenir des exportations courantes.
Quatre types d’accords ont été répertoriés. Selon leur
nature, ils
demandent une concertation interministérielle plus ou moins approfondie. Le
plus souvent, les accords sont élaborés par la DAJ à la demande de la DGA
et/ou de l’EMA et en collaboration avec ces services puis soumis, quand cela
est nécessaire, à une concertation et une validation interministérielles
impliquant le ministère de l’Europe et des affaires étrangères.et le ministère de
l’économie
, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
a)
Les accords reposant sur la mise en place de sociétés mandatées
par l’État pour gérer des contrats
Cette catégorie ne concerne plus que l’exécution des contrats en cours
avec l’Arabie Saoudite portés par
Odas
76
, société en voie d’extinction. Dans
les faits, Odas
n’était qu’un intermédiaire qui faisait courir à l’État un risque
de bonne exécution des contrats (faillite de l’exportateur, non
-respect de ses
obligations, etc.) alors qu’il n’en était pas le maître d’œuvre.
76
Société créée à la demande du gouvernement français en 2008 pour succéder à la
SOFRESA pour porter les exportations de défense dans le cadre des contrats d’État à
État. Le rôle d’Odas se limite à l’achèvement des contrats en cours avec l’Arabie
Saoudite (rénovation des frégates Sawari 1 (LEX) ; exécution du
Saudi French Military
Contract
: ex-contrat Don Arabie Saoudite (Donas), matériel initialement destiné aux
forces armées libanaises mais finalement livré à Riyad).
DES EXPORTATIONS SOUMISES À DES ALÉAS ET À DES EXIGENCES
DE PLUS EN PLUS FORTES
53
b)
Les accords intergouvernementaux
77
accompagnant
un contrat commercial
Ces instruments prévoient le plus souvent un accompagnement en
matière de formation par les forces armées françaises des armées acquéreuses,
en matière d’expertise technique (par exemple, aide à qualification et à la
certification des matériels achetés). Ils mettent dire
ctement l’État client en
relation avec les services techniques de la DGA ou les états-
majors d’armée.
Ce type d’instrument est d’usage très fréquent, il a, par exemple, concerné la
formation des pilotes égyptiens ou qataris lors de l’acquisition des avions
Rafale par ces États. Ce type de schéma doit, selon le ministère, «
rester la
norme
» car il est considéré comme très peu risqué. Néanmoins, tant les états-
majors d’armée que les services techniques de la DGA soulignent que les
relations directes avec les pays partenaires sont source de nombreuses
difficultés, notamment en matière de facturation des prestations
78
.
c)
Les accords intergouvernementaux de fourniture de matériel
stipulant la rétrocession immédiate, dès signature de l’accord,
des droits et
obligations de l’État à l’industriel
Cette formule a été mise en œuvre pour la vente d’un satellite
d’observation au Pérou
79
et des avions Rafale à l’Inde
80
. La République
française s’engage au bon déroulement du contrat avec l’industriel à travers
un accord intergouvernemental signé avec les autorités du pays acheteur. Elle
rétrocède simultanément à l’industriel choisi par ce pays les droits et
obligations auxquels elle a consenti à travers une convention, sans toutefois
que cela limite l’engagement initial
de l’État vis
-à-vis du pays acheteur. La
France se porte
de facto
garante de la bonne exécution du contrat et peut ainsi
se trouver engagée y compris financièrement. La qualité des acteurs
industriels impliquée limite toutefois ce risque qui est par ailleurs pris en
compte dans le calcul des primes d’assurance
-crédit
81
. Les risques encourus
conduisent à limiter fortement l’usage de cette formule.
77
Quand le ministère des armées interv
ient aux côtés d’un industriel mais sans lien
contractuel direct avec le pays client, on parle d’arrangement technique
; le lien
contractuel lie le ministère à l’industriel.
78
Cf. chapitre III, § sur la facturation des prestations.
79
Accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la
République du Pérou relatif à l'acquisition d'un système satellitaire optique
d'observation de la terre de résolution submétrique, signé à Lima le 24 avril 2014, a fait
l’obje
t du décret n° 2015-116 du 3 février 2015, publié au JORF du 5 février 2015.
80
Accord intergouvernemental signé le 23 septembre 2016 entre les gouvernements
français et indien.
81
Cf.
infra
, chapitre IV.
COUR DES COMPTES
54
La question de l’approbation
des accords intergouvernementaux
par
le Parlement au titre de l’article 53 de la Co
nstitution
82
A
ucun des deux accords précités n’a été soumis à l’approbation du
Parlement. À la suite
d’un
avis
du Conseil d’État en juillet 2014, le
Gouvernement
a retiré le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord
France-Pérou du 24 avril 2014
relatif à la vente d’un satellite d’observation
de la Terre
83
. Dans le rapport
qu’il a consacré à la question de l’examen
parlementaire des traités,
84
le sénateur Jean-Pierre Raffarin a souligné que
cette décision illustrait les difficultés d’interprétation
de
l’article 53 de la
Constitution. Il aurait pu, en effet, être considéré que l
’approbation
de cet
accord nécessitait une habilitation parlementaire du fait que, d’une part,
il
touchait au domaine de la loi (en l’occurrence,
les principes fondamentaux
du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et
commerciales) et que, d’autre part, il prévoyait une obligation de fourniture
pouvant être regardé comme comportant une garantie de l’État au sens de
l’article 3 de la loi organique re
lative aux lois de finances.
Cela n’a pas été
l’opinion du Conseil d’
État.
Cette question a de nouveau été abordée dans le rapport du député
Jacques Maire à propos de l’approbation du contrat de partenariat
gouvernemental avec la Belgique dit CaMo
85
.
82
L’article 53 de la Constitution précise que
« les traités de paix, les traités de
commerce, les traités ou accords relatifs à l'organisation internationale, ceux qui
engagent les finances de l'État, ceux qui modifient les dispositions de nature législative,
ceux qui sont relatifs à l'état des personnes, ceux qui comportent cession, échange ou
adjonction de territoire, ne peuvent être ratifiés ou approuvés qu'en vertu d'une loi. »
83
Décret n° 2015-
116 du 3 février 2015 portant publication de l’accord
.
84
Redonner tout son sens à l'examen parlementaire des traités
, rapport d'information
n° 204 (2014-2015) de M. Jean-Pierre Raffarin, fait au nom de la commission des affaires
étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, déposé le 18 décembre 2014.
85
Rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères sur le projet de loi
adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la
République française et le Gouvernement du Royaume de Belgique relatif à la
coopération dans le domaine de la mobilité terrestre, par M. Jacques Maire, député,
enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale le 22 mai 2019.
DES EXPORTATIONS SOUMISES À DES ALÉAS ET À DES EXIGENCES
DE PLUS EN PLUS FORTES
55
La
circulaire du 30 mai 1997 relative à l’élaboration et à la conclusion des
accords internationaux
86
laisse au
ministère de l’Europe et des affaires étrangères
et, le cas échéant au secrétariat g
énéral du Gouvernement, le soin d’apprécier si
les accords néces
sitent ou pas d’être soumis au Parlement au titre de l’article 53
de la Constitution
87
. M. Maire a noté pour sa part que les services du ministère des
affaires étrangères lui ont indiqué que «
dès lors que ces accords ne passent pas
au Parlement, ils ne devraient pas contenir de dispositions les faisant relever de
l’article 53
» et relève que «
cette affirmation est impossible à vérifier en
pratique
». On peut nénmoins constater
que depuis l’arrêt du Conseil d’
État
SARL
du Parc d’activité de Blotzheim et SCI
Haselaecker
en date du 18 décembre 1998,
celui-ci accepte
de vérifier la bonne application de l’article 53.
d)
Les accords intergouvernementaux de partenariat dénommés
contrat de partenariat gouvernemental
Le contrat de partenariat gouvernemental (CPG) représente la forme
la plus intégrée des partenariats. Il est destiné à être mis en œuvre avec des
États avec lesquels la France entretient une relation politique et stratégique
forte (Otan, UE et pays alliés de premier rang), qui souhaitent un partenariat
stratégique avec un accompagnement étatique fort, qui
s’engagent dans
un
partenariat exclusif avec la France, sans mise en concurrence «
pour des
contrats de grande ampleur portant sur des matériels utilisés par les forces
françaises, technologiquement et industriellement matures, proches de la
définition France »
et qui «
présentent un degré de solvabilité approprié et
prêts à régler de préférence au comptant »
88
.
La formule du CPG a été mise au point après une concertation
interministérielle pilotée par le SGDSN et réunissant le ministère des
armées, celui
de l’économie
, des finances et de la souveraineté industrielle
et numérique
et de celui de l’action et des comptes publics. La DGA, la DG
Trésor et la direction du budget ont élaboré un schéma commun qui a été
validé à la fin de l’année 2017. À ce jour, ce schéma n’a été mis en œuvre
qu’une seule fois au bénéfice du contrat CaMo c
onclu avec la Belgique
89
et sa négociation a demandé près de trois années.
86
Publiée au JORF n° 0125 du 31 mai 1997.
87
«
Une
fois la signature de l’accord effectuée, le ministre concerné prend l’attache du
ministre des affaires étrangères afin que celui-ci examine si cet accord relève ou non de
l’article 53 de la constitution. (…) Lorsque la réponse à la question de savoir si l’accord
relève de la procédure prévue par l’article 53 soulève une
difficulté, il appartient au ministre
des affaires étrangères de consulter le secrétaire général du Gouvernement
»
.
88
Source DGA.
89
Cf. annexe n° 9
–
Historique, suivi et caractériques du contrat CaMo
et de l’AIG support
.
COUR DES COMPTES
56
Outre cette lenteur, l
e CPG, tel qu’il a été mis en œuvre, pose des
questions de plusieurs ordres quant au rôle de la DGA et à
l’appétence des
industriels :
-
sur le plan des principes : la DGA endosse une nouvelle fonction qui
ne ressort pas des missions « naturelles » des administrations ;
-
sur la cohérence entre les objectifs :
en tant que représentant de l’
État
actionnaire au sein des entreprises d’armement
90
et que bénéficiaire
des redevances, la DGA devrait avoir pour objectif de maximiser les
marges à l’exportation des industriels. De même, en tant que client elle
peut aussi espérer bénéficier de prix nationaux maîtrisés grâce aux
marges réalisées à l’exportation. Or, dans le cas d’
un CPG, elle doit
veiller aux intérêts de l’État étranger client et donc s’attacher à
minimiser les prix facturés par les industriels ;
-
sur la volonté des industriels à entrer dans ce schéma qui conduit la
DGA à contrôler leur prix pour assurer au pays cli
ent qu’il
est
« raisonnable »
91
, ce qui peut conduire à limiter les marges des
industriels, alors que plusieurs ont rapporté que «
le taux de marge sur
les contrats export était très significativement supérieur à leur
profitabilité sur le client français
»
92
;
-
sur les moyens de la DGA : le CPG accroît considérablement la charge
de travail des unités de management de la direction des opérations et
de la direction technique de la DGA.
L’ensemble de ces observations conduit à conclure qu’il est illusoire
de penser que les CPG sont des « FMS » à la française ; leur duplication
semble devoir rester exceptionnelle.
La réflexion sur la mise en place de contrats d’État à État n’est donc pas
achevée et la DGA poursuit ses travaux afin de pouvoir
«
disposer d’un modèle
de contrat d’État à État plus facile d’emploi. Aujourd’hui, la France ne peut
proposer qu’un contrat commercial, si besoin accompagné de textes
internationaux, ou bien un CPG comportant un accord inter-gouvernemental
(AIG) passant au parlement pour des contrats de grande envergure ».
90
L’État est actionnaire de Airbus, Safran, Thalès, Naval Group, KNDS et Giat Industrie
.
91
Selon la DGA «
le caractère raisonnable du prix correspond à une cohérence de prix
évaluée notamment au regard des prix des marchés nationaux »
.
92
Intervention de M. Antoine Bouvier, PDG de MBDA, dans le cadre du colloque Le
droit et les armées : glaive, bouclier ou entrave, organisé par le SGA du ministère des
armées, 6 et 7 juin 2019.
DES EXPORTATIONS SOUMISES À DES ALÉAS ET À DES EXIGENCES
DE PLUS EN PLUS FORTES
57
C -
Les exigences croissantes «
d’
offsets
»
Les pays importateurs en sus d’être à la recherche d’une relation
interétatique exigent le plus souvent de bénéficier de compensations
industrielles («
offsets »
). Cette pratique peut être définie comme la
localisation de valeur ajoutée conditionnant l’accès à un marché
93
. Les
«
offsets »
peuvent s’avérer dommageables à terme pour le pays exportateur
qui est contraint de transférer de la technologie, développer des industries
locales et se crée ainsi à terme une nouvelle concurrence. Cette pratique est
incontournable dans une très forte proportion des marchés d’armement.
1 -
Une pratique croissante
La pratique des «
offsets »
,
en principe interdite par l’
organisaton
mondiale du commerce (OMC)
94
et par l’UE car elle fausse les conditions de
la concurrence, peut
conduire à des décisions anti économiques (achat d’un
produit moins performant ou plus cher en raison des contreparties offertes) et
être source de corruption par manque de transparence dans la valorisation des
contreparties. Cependant,
cette interdiction ne s’applique pas au secteur de la
défense dans lequel
elle est largement répandue et s’accroît.
Au niveau européen, la directive 2009/81/CE relative aux marchés
publics de défense et de sécurité ne mentionne pas explicitement la question
des «
offsets »
. La note d’orientation
«
offsets
», publiée par la Commission en
complément, indique que ceux-
ci sont contraires aux traités mais prévoit qu’un
État peut prendre les mesures qu'il estime nécessaires à la protection des
intérêts essentiels de sa sécurité. Le code de conduite volontaire sur les
compensations en matière d’achat de
biens ou de services de défense adopté
par le
comité directeur de l’Agence européenne d
e défense vise à encadrer et
réduire ces pratiques anticoncurrentielles
et contraires à l’objectif de
construction de la BITD européenne. Malgré ces orientations de nombreux
pays européens continuent à demander des compensations industrielles. Pour
autant, la DGA
n’
estime pas utile de modifier les textes car «
c’est l’utilisation
abusive par certains États qui pose problème, pas la directive en elle-même »
.
La DG Trésor estime quant à elle qu’
«
il est possible qu’elle (la France) ait
plus à gagner qu’à perdre d’une telle évolution restrictive
»
car les
«
offsets »
représentent une charge coûteuse et difficile pour les industriels et réduisent
93
OMC, accord sur les marchés publics, article 1
er
:
« toute condition ou tout
engagement qui encourage le développement local ou améliore le compte de la balance
des paiements d’une Partie, tel que l’utilisation d’éléments d’origine nationale, l’octroi
de licences pour des technologies,
l’investissement, les échanges
compensés et les
actions ou prescriptions similaires ».
94
L’accord de l’OMC relatif aux marchés publics de 1994 n’a été signé que par 41 membres
dont les 27 pays de l’Union européenne
;
il ne s’applique pas au secteur de la défense.
COUR DES COMPTES
58
les bénéfices économiques que tire la France des contrats d’exportation
».
Les
deux ministères devraient ouvrir u
ne réflexion pour examiner s’il ne serait pas
de l’intérêt de notre pays qui a, pour son compte, renoncé à demander des
«
offsets »
de rouvrir cette discussion dans les instances communautaires.
Au niveau mondial, 130 pays
95
exigent des compensations, dès lors
qu’ils passent des marchés de défense. Dans de nombreux pays les
exigences de compensation ont été accrues, comme en Inde avec la
politique dite de «
make in India
» adoptée en 2014
96
ou en Arabie Saoudite
dans le cadre de « Vision 2030 ».
2 -
Une pratique fortement surveillée aux États-Unis
Aux États-
Unis les entreprises américaines ont l’obligation de déclarer
au Département du commerce toute transaction qui est sujette à «
offsets »
;
lorsque les «
offsets »
conduisent à transférer des technologies sensibles de
défense, ils doivent faire l’objet d’une autorisation et obtenir préalablement une
licence. Par ailleurs, la réglementation interdit à toute agence publique
d’
«
encourager, de s’impliquer directement ou d’engager les firmes
américaines dans tout accord portant sur des « offsets
»
en lien avec la vente
de biens ou de services du secteur de la défense à des gouvernements
étrangers »
97
.
Depuis 1984, le Président doit faire annuellement rapport au
Congrès de l’impact des
«
offsets »
sur la base industrielle de défense. Dans
l’édition 2020 de ce rapport annuel élaboré par le bureau de l’Industrie et de la
Sécurité (BIS/DoC), le BIS rappelle les effets bénéfiques des exportations de
défense
98
mais note que les arrangements liés aux «
offsets »
qui les
accompagnent peuvent annuler certains de leurs bénéfices économiques et
industriels, notamment aux dépens des PME.
Après avoir noté que les «
offset »s
sont indispensables pour obtenir
de nombreux marchés de défense permettant ainsi de faire baisser les coûts
unitaires
des
équipements
et,
dans
certains
cas,
favorisant
l’interopérabilité
, le BIS relève que,
a
contrario,
les transferts de
production et de technologie peuvent contribuer à créer de nouveaux
concurrents, y compris sur des segments de marché des grands industriels :
95
Source :
Transparency International.
96
En mai 2020, l’initiative
«
make in India
»
a été renforcée avec l’annonce par le
Premier ministre indien, Narendra Modi, de l’initiative
«
Atmanirbhar Bhara
t » afin de
réduire la dépendance de l’Inde à l’égard d’autres pays.
97
In
Offsets in defense
trade
, BIS, XX
th
edition, 2016.
98
Abaisser les coûts pour le ministère de la défense, soutenir les capacités de
production, l’expertise de la main d’œuvre, et la base des fournisseurs pour les besoins
actuels et futurs ;
développer l’interopéra
bilité avec les alliés, contribuer à la balance
des paiements américaines.
DES EXPORTATIONS SOUMISES À DES ALÉAS ET À DES EXIGENCES
DE PLUS EN PLUS FORTES
59
-
Les «
offsets »
peuvent permettre aux grands intégrateurs d’identifier des
nouveaux sous-traitants moins chers et améliorer ainsi leur compétitivité
et leur marge mais ils augmentent les consommations intermédiaires
importées et détruisent de l’emploi au sein des sous
-traitants nationaux ;
-
Les grands intégrateurs développent des relations de longue durée avec
des sous-traitants locaux au détriment de leurs fournisseurs nationaux,
tant sur le marché national que pour l’accès aux marchés étrangers
;
-
Les compensations indire
ctes peuvent affecter négativement d’autres
secteurs industriels.
3 -
Une absence de suivi de l’impact des
«
offsets
» sur le tissu
des PME françaises
L’impact des
«
offsets »
sur le tissu industriel du secteur de la
défense et de la sécurité français n’a fait
l’objet à ce jour d’aucune étude
de cette nature et aucune obligation déclarative générale ne pèse sur les
industriels. Cette situation est regrettable car le recours aux fournisseurs
locaux et le développement des transferts de technologies vont croissant.
a)
Les informations recueillies sont insuffisantes, mal exploitées
et peu suivies
Seuls les «
offsets »
relevant des technologies soumises au contrôle
des exportations d’armement doivent faire l’ob
jet (articles L. 2335-6 et
L. 2335-14 du code de la défense) de comptes-rendus.
S’agissant du recueil des informations sur les
«
offsets »
, ceux-ci
doivent être mentionnés dans les plans de portage, exigés pour toute la
délivrance des garanties de Bpifrance AE d’un montant égal ou supérieur à
300
M€
99
mais ce recueil ne concerne par définition que les «
offsets »
déclarés dans le cadre d’un contrat bénéficiant d’une garantie, ce qui restreint
le champ couvert. De plus, ils ne font pas l’objet d’un suivi.
Par ailleurs ces
plans ne demandent pas que les sous-traitants locaux qualifiés, qui peuvent
devenir de futurs concurrents des fournisseurs français, soient mentionnés.
Quant aux informations qui pourraient résulter des dossiers de demande de
garantie contre l’appel abusif des cautions d’
«
offsets
» que délivre Bpifrance
AE
100
elles ne sont pas non plus exploitées.
S’agissant des informations que
les grandes entreprises doivent fournir au titre des conventions signées dans
le cadre du plan PME du ministère des armées, celles-ci portent
essentiellement sur l
e fait que des PME vont s’implanter dans le sillage des
contrats mais elles ne fournissent pas les listes des fournisseurs et sous-
traitants locaux qualifiés dans le cadre des contrats conclus.
99
Cf.
infra
, chapitre IV
. Cette obligation s’applique à tous les secteurs.
100
Cf.
infra,
ibid.
COUR DES COMPTES
60
S’agissant des transferts de technologie, à la suite d’une dem
ande de la
Cour, la DGA a indiqué qu’elle avait pu identifier 480 licences valides portées
par 16 opérateurs qui pouvaient indiquer que la présence
d’
«
offsets
». Selon la
DGA, les trois-quarts de ces licences porteraient sur des activités de sous-
traitance, transfert de production/fabrication. Les cinq principaux pays
bénéficiaires sont l’Inde (116
transferts), le Royaume-
Uni (37), l’Allemagne
(34), la Suisse (21), l’Italie (21). Parmi les principaux pays clients, en sus de
l’Inde on notera l’Arabie Saoudit
e (17
licences), les EAU (13), l’Australie (12).
b)
L’attitude des pouvoirs publics et des groupements professionnels
est ambigüe
La DGA entretient un dialogue avec l’industrie sur le thème des
«
offsets »
dans le cadre du Comité de coordination des contreparties
économiques (C3E). Créé en 2003, ce comité présidé par la DGA-DI
rassemble les représentants des administrations (ministère des armées,
ministère de l’économie
, des finances et de la souveraineté industrielle et
numérique) et des industriels du secteur de la défense (groupements et
« industriels de premier rang soumis à compensation »
). Il a plus pour objectif
de faciliter la mise en œuvre des
«
offsets »
que d’en mesurer les impacts.
Pour leur part, les conseillers du commerce extérieur et le
groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (Gifas) ont
publié un guide à l’usage des entreprises de taille intermédiaire (ETI) et
des PME concernant la question des compensations industrielles
101
qui
représentent pour «
les
fournisseurs (des grands groupes) de premier et de
second rang qui sont invités à investir sur place (…) un risque et
une
opportunité
(nouveaux marchés et insertion dans les “supply chains”)
»
.
Si cette situation peut en effet être bénéfique, elle est aussi risquée car elle
les oblige à investir en s’associant souvent, du fait de la réglementation
locale, avec des partenaires locaux, dans des pays parfois difficiles quant
au respect du droit des minoritaires ou de la propriété intellectuelle, sans
évoquer la question du risque commercial lié à ces investissements. Cette
obligation
est d’autant plus risquée que les entreprises concernées sont
petites et ont peu d’expérience à l’international
: ainsi parmi les sociétés
qui se sont implantées en Inde dans le cadre du contrat Rafale, on relèvera
le cas d’une PME de 32
M€
de
chiffre d’affaires, s
ans aucune expérience à
l’international
, qui a investi dans une entreprise conjointe où elle est
minoritaire. Les PME sous-traitantes des grands groupes peuvent
difficilement refuser de les accompagner quand leur implantation est jugée
essentielle pour remplir l
’emsemble des
obligations. Mais les risques pour
ces PME sont importants
en cas de rupture du contrat du maître d’œuvre
102
.
101
In
Les compensations industrielles, guide à l’usage des ETI et des PME
, CCE et
Gifas, juin 2019.
102
Il n’a pas été possible de savoir quelles avaient été les suites pour les PME de
l’annulation du contrat de Naval Group avec l’Australie.
DES EXPORTATIONS SOUMISES À DES ALÉAS ET À DES EXIGENCES
DE PLUS EN PLUS FORTES
61
En fait, l’attitude des pouvoirs publ
ics vis-à-vis des «
offsets »
est
ambigüe car, s’ils sont conscients des risques encourus notamment par les
PME, ils les perçoivent en même temps non seulement comme une nécessité,
mais encore comme un moyen de se différencier de leur concurrent le plus
puissant. Ainsi, le délégué général pour
l’armement
indiquait lors d’un
colloque
103
que, face au refus américain d’entrer dans la logique des
«
offsets »
,
la capacité à en proposer constituait un avantage.
Cette ambigüité explique
peut-être les réticences de la DGA à suivre attentivement cette problématique
tandis qu’elle estime par ailleurs disposer de suffisamment de garde
-fous,
notamment grâce aux licences d’exportation, pour protéger les PME
stratégiques de la BITD, se résignant à accepter les dommages collatéraux pour
les autres, dès lors que d’autres fournisseurs européens existent.
Lors de la contradiction, la DGA et la DG Trésor ont néanmoins
indiqué qu’elles envisageaient d’améliorer le contenu et le suivi des plans
de portage
104
. Dans le cadre de cette amélioration, il conviendrait de
prendre pleinement en compte la problématique des «
offsets »
.
Compte tenu des risques identifiés des «
offsets »
sur le tissu des PME
et au-
delà de la surveillance qui s’exerce dans le cadre de la CIEEMG sur les
transferts de technologies sensibles, il convient que les pouvoirs publics
s’investissent davantage dans le suivi et le recensement
de ces compensations,
dan
s la perspective de s’assurer de la protection de la BITD. Cette mission
devrait être conjointement confiée au niveau central à la DG Trésor et à la
DGA et, au niveau local, aux services économiques et aux missions militaires.
II -
Les contraintes liées aux réglementations
internationales
A -
L’
utilisation grandissante du droit
Certains États parties à la convention OCDE sur la lutte contre la
corruption d’agents publics étrangers dans les transactions internationales
105
utiliseraient ces règles pour les instrumentaliser à des fins concurrentielles.
Ce serait le cas, selon certains groupements d’exportateurs français, du
Foreign Pratice Corrupt Act
, en vigueur depuis 1977 aux États-Unis. La
production des normes peut être aussi fortement inspirée des législations des
États ayant présidé à leur élaboration et avantager ainsi les entreprises de ces
États. Ce serait le cas, selon le Gifas, de la norme ISO 37001 sur les systèmes
de management anti-corruption, dont le contenu serait proche de nombreuses
dispositions du
bribery act
du Royaume-Uni.
103
In Actes du colloque « Le droit et les armées : glaive, bouclier ou entrave », déjà cité.
104
Cf.
infra.
105
Cf.
supra
, chapitre 1 et annexe n° 4
–
Les textes internationaux encadrant le
commerce des armes et des biens à double usage.
COUR DES COMPTES
62
La DAJ du ministère des armées estime que le droit a pu être utilisé
pour sanctionner par le biais de l’extra
-territorialité normative des entreprises
étrangères ayant commercé avec un État sous embargo ou des firmes accusées
de corruption. Cette pratique a pu aussi permettre de
s’opposer à l’exportation
de matériel militaire comportant des composants nationaux. À la puissance
par la sanction s’ajoute une puissance par l’influence
: les États tiers sont
fortement incités à adopter des législations inspirées du droit anglo-saxon, au
risque de permettre la captation de données sensibles des entreprises, non
protégées par un corpus juridique applicable aux données personnelles. La
DAJ a notamment alerté sur ces risques lors du colloque de juin 2019 précité.
B -
Les risques de blocage des exportations
du fait des réglementations internationales
Les réglementations relatives à l’exportation de matériels militaires
et de sécurité en vigueur en particulier aux États-Unis et en Allemagne
n’ont pas été
sans conséquences sur les exportations françaises.
1 -
La réglementation américaine dite Itar
Les États-Unis, tout comme les autres États, soumettent à
autorisation les biens ou composants nationaux ou considérés comme tels
qui sont réexportés
vers d’autres destinations que la destination primaire.
Ils sont alors soumis à
l’
International traffic in arms regulations
(Itar) qui
s’inscrit dans le cadre de la législation américaine
régulant les exportations
des biens à double usage et des biens militaires.
La réglementation Itar est considérée comme très expansive car :
-
elle concerne non seulement les biens mais encore les données techniques
et les services (assistance, formation, conception, développement,
production, test, exploitation, maintenance, réparation) ;
-
un composant « itarisé » peut conduire à « itariser » tout un système,
et réciproquement ;
-
elle
peut s’appliquer à des exportations de matériels civils, dès lors
qu’ils incluraient des composants
« itarisés ».
En cas de non-conformité, le
directorate of defense trade controls
(DDTC) est habilité à mener des enquêtes et à engager des poursuites
pénales. Il peut faire évoluer la réglementation y compris de manière
rétroactive et révoquer les licences. Les États-Unis peuvent décider de ces
restrictions tant pour des raisons stratégiques que commerciales.
À
l’issue des
procédures, les entreprises reconnues coupables d’avoir enfreint les règles
Itar peuvent se voir fermer la possibilité de faire des demandes ultérieures et
être frappées de sanctions :
interdiction d’activités sur le territoire américain,
fermeture des marchés américains, amendes dont le montant peut être très
élevé, peines de prison pour les dirigeants pouvant aller jusqu’à dix ans.
DES EXPORTATIONS SOUMISES À DES ALÉAS ET À DES EXIGENCES
DE PLUS EN PLUS FORTES
63
L
’intégration de composants
américains
dans les systèmes d’armes
rend cette réglementation contraignante pour les industriels français qui, pour
obtenir une licence Itar, doivent suivre un processus long, lourd, contraignant
et risqué pour le secret des affaires (présence d’inspecteu
rs américains pour
vérifier le respect des obligations). Une fois une licence d’exportation obtenue,
d
es restrictions d’emploi s’appliquent
et peuvent être à nouveau contrôlées par
le département d’État américain
106
. On estime que les entreprises françaises de
défense les plus importantes formulent chacune chaque année environ de 800
à 1 000 demandes de licences au DDTC. La réglementation Itar conduit ainsi
à des lenteurs (dans le meilleur des cas), à un renchérissement des coûts, au
retrait de la technologie correspondante du système vendu (moyennant une
dégradation de certaines performances), à des retards (en cas de recherche
d’une solution alternative dite
«
Itar free
»), voire parfois
à l’abandon des
projets. Dans tous les cas, elle nuit à la réputation du fournisseur.
En sus de la réglementation Itar
107
, très nombreux autres biens sont
soumis à la réglementation des biens à double usage (EAR) que met en œuvre
le
department of commerce
(DOC) et qui a été renforcée par l’
export control
reform act
de 2018, notamment pour les
technologies émergentes. L’EAR
emporte aussi des conséquences extraterritoriales
via
l’octroi de licences
portant sur des composants américains parfois faiblement substituables, en
particulier dans les secteurs des semi-
conducteurs et de l’
avionique.
Pour pallier ces contraintes, la France cherche à mettre en œuvre des
programmes d’équipements dits
«
Itar free
» dès leur conception,
ce qu’a
rappelé l’
instruction 1618 de la DGA relative aux programmes
d’armement.
Cette préoccupation doit être aussi prise en compte au niveau
européen. Ainsi, afin que le fonds de défense européen qui doit soutenir la
mise au point de ces solutions européennes ne soit pas amené à financer
des produits ou composants pouvant être « itarisés », il a été inscrit dans
son règlement le principe selon lequel «
aux fins d’une action
financièrement soutenue par le fonds, les destinataires et les sous-traitants
participant à une action ne sont pas soumis au contrôle d’un pays tiers non
associé ou d’une entité de pays t
iers non associé »
108
.
106
Les contrôles par les inspecteurs américains sont très intrusifs et demandent que les
industriels soient très vigilants.
107
La réglementation mise en œuvre par l’
Ofac (
office of foreign assets control
), qui
ajoute des contraintes d’un autre type
(cf.
infra
, chapitre IV).
108
Résolution législative du Parlement européen du 18 avril 2019 sur la proposition de
règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le fonds européen de la
défense (COM 2018/0476
–
C8-0268/2018
–
2018/0254 COD).
COUR DES COMPTES
64
2 -
La conclusion d’un nouvel accord avec l’Allemagne
Les accords Debré-Schmidt signés le 7 décembre 1971 et le 7 février
1972 incluaient des clauses garantissant que chaque État puisse exporter les
systèmes d’arme développés en commun sans opposition de l’autre. Ces accords
ont connu des difficultés sérieuses en 2014, puis 2018 et plusieurs contrats
d’exportation français se sont trouvés bloqués. Il est alors apparu nécessaire de
trouver un nouvel accord juridique, alors que les coopérations en matière de
défense connaissaient un nouvel élan avec les programmes engagés en commun
sur le système de combat aérien futur (
next generation of weapon system
) et la
prochaine génération de système terrestre (
main ground combat system
).
Le traité entre la République française et la République fédérale
d’Allemagne sur la coopération et l’intégration fr
anco-allemandes signé le
22 janvier 2019
et l’échange de lettres subséquent
relatif au contrôle des
exportations en matière de défense, signé à Paris le 23 octobre 2019
109
prévoient donc que «
les deux États élaboreront une approche commune
en matière d’exportation d’armements en ce qui concerne les projets
conjoints »
et qu’un
«
conseil franco-allemand de défense et de sécurité est
institué comme organe politique de pilotage de ces engagements
réciproques »
. Au titre de ces accords une
partie ne peut s’opposer aux
exportations de l’autre pour les matériels conçus et développées en
commun ou pour des systèmes intégrant des produits liés à la défense mis
au point sur son territoire que si ce transfert ou cette exportation porte
atteinte à ses intérêts directs ou à sa sécurité nationale.
Dans les autres cas, le principe
de minimis
s’applique, c’est
-à-dire que
« dès lors que la part des produits destinés à l'intégration des industriels de
l'une des parties contractantes dans les systèmes finaux transférés ou
exportés par l'autre partie contractante demeure inférieure à un pourcentage
arrêté au préalable par accord mutuel entre les parties contractantes, la
partie contractante sollicitée délivre les autorisations d'exportation ou de
transfert correspondantes sans délai, sauf de façon exceptionnelle, lorsque
ce transfert ou cette exportation porte atteinte à ses intérêts directs ou à sa
sécurité nationale. »
Le pourcentage est fixé à 20 % hors activités de
maintenance, pièces détachées, formation, et réparations. Une liste des
armements exclus du principe
de minimis
est annexée à l’accord.
Afin de s’assurer du bon fonctionnement de l’accord, un comité
permanent est créé. Il est encore trop tôt pour vérifier son bon fonctionnement
qui dépendra notamment de l’attitude du
Bundestag
envers les contrats de plus
de 25
M€
sur lesquels il a le droit de se prononcer dans ce cadre.
109
Décret n° 2019-1168 du 13 novembre 2019 portant publication de l'accord sous
forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le
Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne relatif au contrôle des
exportations en matière de défense, signées à Paris le 23 octobre 2019.
DES EXPORTATIONS SOUMISES À DES ALÉAS ET À DES EXIGENCES
DE PLUS EN PLUS FORTES
65
3 -
Les relations avec les autres pays européens
Bien que des programmes d’armement aient pu être développés avec
d’autres pays européens et que les industriels aient fait état de difficultés
avec d’autres États membres (Pays
-
Bas), il n’existe pas d’accords
similaires conclus entre gouvernements. L’a
ccord franco-britannique
accompagnant l’intégration des industries missilières des deux pays
(OneMBDA), adoptée dans le cadre des accords de Lancaster House
comporte des dispositions beaucoup plus ciblées :
la mise en place d’un
système de licence générale de projet prévoyant des autorisations de
transfert dans chaque État pour permettre l’échange de biens entre les
centres d’excellences industriels, un accord pour convenir des opérations
d’export qui nécessiteront l’approbation d’un seul État, la mise en p
lace
d’un comité de gouvernance associé veillant à la cohérence des initiatives.
Ce système fonctionne généralement bien
et n’a connu de perturbations
qu’à la suite d’un jugement en appel britannique concernant des
exportations vers l’Arabie Saoudite qui a
amené les autorités britanniques
de contrôle à vérifier la conformité de leur processus. Ces difficultés ont
été résolues au cours de l’été 2020 s’agissant des centres d’excellence et au
premier semestre 2021 s’agissant des licences d’exportation classiqu
es.
4 -
La question de la taxonomie et de l’écolabel européens
La « taxonomie » européenne est un exercice de classification des
activités économiques en fonction de leur impact sur l'environnement afin
d'orienter les investissements vers les activités « vertes ». Elle prend la forme
d’un règlement européen et devrait s’accompagner d’une taxonomie sociale
dont les critères sont la parité, la diversité et l’éthique. Dans la version remise
par la Commission européenne le 2 février 2021, les industries de défense
sont exclues des industries porteuses d’investissements responsables. Ces
travaux sont pour le moment interrompus.
Dans le cadre des travaux sur le nouvel « écolabel » européen, il est
envisagé d’exclure d
es fonds « écolabellisés » «
les entreprises ayant plus
de 5 %
d’activité dans la production dans le domaine de la défense
». Le
nouveau contexte stratégique créé par l’attaque russe de l’Ukraine et
l’action de la France auprès de la Commission européenne ont conduit cette
dernière à
indiquer qu’elle retirerait ce critère de sa future décision relative
à l’écolabel
;
néanmoins aucune nouvelle proposition n’a été formulée.
La proposition de directive sur le devoir de vigilance en matière de
durabilité des entreprises et son annexe présentée le 23 février 2022 doit
également faire l’objet d’une grande vigilance car elle introduit pour les
entreprises une responsabilité dite « aval »
quant à l’utilisation faite par les
État
s acheteurs des matériels de défense acquis auprès d’elles.
L’ensem
ble de ces orientations est de nature à entraver le
développement du secteur industriel de la défense ainsi que sa capacité
d’exportation. La plus grande vigilance doit être de mise tant dans les instances
techniques que dans les groupes du Conseil afin d’éviter l’exclusion de
s
secteurs de la défense et de la sécurité des outils de financement « verts ».
COUR DES COMPTES
66
__________ CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS __________
Les exportations d’armement dont les
États sont les destinataires
quasi exclusifs s’inscrivent dans des contextes politique
s mouvants qui
peuvent conduire à l’accélération de la signature des contrats ou, au
contraire, à leur retard, à leur dénonciation et au choix d’autres
partenaires. La conclusion d’accords de partenariat stratégique qui vise à
créer un cadre favorable ne p
rémunit pas de ces retournements s’ils ne
sont pas entretenus dans le temps et portés par une volonté commune.
Alors que la demande des pays partenaires pour inscrire les
contrats militaires dans un cadre étatique est forte et à l’instar des
pratiques amér
icaines, la France a cherché à mettre en œuvre un tel outil.
Mais, faute de profondeur de ses propres stocks et de capacité à imposer
ses règles du jeu, elle n’a pas été en mesure de proposer un tel instrument.
Elle met donc en œuvre au cas par cas diverse
s formules pour répondre à
la demande des partenaires.
La demande croissante d’
« offsets » dans le cadre des contrats
d’armement constitue un risque pour les PME sous
-traitantes qui peuvent
devoir investir, à la suite de leurs donneurs d’ordre, dans des pays difficiles
ou être évincées de la chaîne des fournisseurs par des sous-traitants
locaux
. Aussi, même si la capacité de répondre à la demande d’
« offsets »
est une nécessité pour pouvoir obtenir de grands contrats, les « offsets »
devraient néanmoins
faire l’objet d’un suivi rigoureux pour en mesurer
l’effet sur le tissu des PME
.
L’incorporat
ion de composants étrangers aux matériels fabriqués
ou la coopération interétatique dans leur conception et leur production
soumet les exportations aux réglementations de ces pays qui peuvent les
utiliser afin de bloquer ces exportations, pour des raisons politiques ou
commerciales. Ainsi les États-
Unis et l’Allemagne ont
-
ils refusé d’octroyer
des licences ce qui a amené au blocage de certaines exportations
françaises
. Si, un nouvel accord bilatéral a été conclu avec l’Allemagne,
ce qui devrait résoudre ces
difficultés, il apparaît qu’avec les
États-Unis
la meilleure solution consiste à s’émanciper de la dépendance à leurs
composants en développant des solutions industrielles dites «
Itar free
».
Ces risques doivent être également prévenus dans le cadre du
développement
de la coopération européenne en matière d’armement. La
montée en puissance des réglementations européennes en matière de
taxonomie et
d’
écolabel doit également conduire à une grande vigilance
car ces nouvelles normes pourraient amener à évincer les industries
d’armement et de sécurité des financements dits
« verts » ce qui
restreindrait leurs possibilités de développement.
DES EXPORTATIONS SOUMISES À DES ALÉAS ET À DES EXIGENCES
DE PLUS EN PLUS FORTES
67
En conséquence, la Cour formule les recommandations suivantes :
5.
créer pour les entreprises du secteur de la défense et de la sécurité une
obligation légale ou réglementaire de déclarer les « offsets » et faire
annuellement rapport au Parlement du suivi des « offsets »
(ministère
des armées, ministère de l’économie
,
des finances et de la souveraineté
industrielle et numérique) ;
6.
d
ans les plans de portage qui accompagnent les dossiers d’assurance
-
crédit relatifs aux grands contrats et dans le cadre des conventions qui
lient le ministère des armées aux grands groupes industriels, préciser
la part des « offsets » et en détailler les modalités et le contenu ; en
assurer localement le suivi sur pièces et sur place (ministère des
armées,
ministère de l’économie
,
des finances et de la souveraineté
industrielle et numérique).
Chapitre III
L
a mise en œuvre
active de la politique
d’exportation et l’accompagnement
des contrats par la DGA et les armées
La LPM 2019-2025 a prévu que serait promue
« une stratégie
nationale portée par l'ensemble des acteurs industriels et étatiques
impliqués dans les exportations de défense au sein de l'Équipe France ».
Cette stratégie est conduite par le ministère de
s armées, avec l’appui des
autres départements ministériels. La DGA en est la cheville ouvrière. Le
soutien à l’exportation est devenu une mission à part entière des armées.
I -
La déclinaison du soutien aux exportations
A -
Une politique active de soutien à la prospection
Les PME constituent un axe majeur du soutien à la prospection. La
mobilisation du ministère des armées en leur faveur a été formalisée par
l’instruction ministérielle
« pacte défense PME » de 2013
110
qui a été
poursuivie avec la nouvelle instruction du 3 septembre 2018. Ce plan, qui
110
Instruction ministérielle « Engagement du ministère de la défense pour les petites et
moyennes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire, au service de la
croissance, de l’innovation et de la compétitivité
» (pacte défense PME), mars 2013.
COUR DES COMPTES
70
fait l’objet d’un suivi trimestriel par
le cabinet du ministre des armées,
décline 21 engagements du ministère. On relèvera parmi ces derniers le
renforcement de la mobilisation des maîtres d’œuvre industriels
pour
soutenir la croissance des PME, en particulier à l’exportation
dans le cadre
des grands contrats, qui se traduit par la signature de conventions
bilatérales entre le ministère et les grands groupes, l’accompagnement des
PME et des ETI françaises pour faciliter leur accès au fonds européen de
défense
. Le plan énumère aussi parmi les actions à mener l’organisation
d’un
« pavillon France »
dans les salons d’armement, l’organisation de
séminaires à l’étranger dédiés aux PME et l’attribution d’un label
« utilisé
par les armées françaises ». Une concertation étroite avec le ministère de
l’intérieur pourrait permettre d’en faire bénéficier les entreprises du secteur
de la sécurité en élargissant le champ des opérations de promotion
auxquelles elles sont associées. Cela a déjà été fait dans quelques cas.
1 -
Les actions d’appui menées en France
Dans le cadre du plan Action PME, la DGA conduit en région des
actions, notamment dans le cadre des clusters régionaux fortement
impliqués dans les questions de défense et de sécurité. Certains clusters du
fait du nombre significatif d’entreprises adhérentes qu’ils fédèrent,
bénéficient d’une convention avec la DGA (cluster PRIMUS défense et
sécurité à Toulouse,
cluster
Eden (
European Defense Economic Network
)
,
cluster
des PME défense, sécurité et sûreté à Lyon et 14 pôles de
compétitivité d’intérêt défense
111
) en vue de favoriser l’accès des PME aux
marchés export par des programmes d’accompagnement, des sessions
d’information et des mesures individuelles de financement de pro
spection.
Chaque année la DGA, qui dispose de 14 correspondants en région,
y organise plusieurs réunions chaque année avec le concours des chambres
de commerce et d’industrie (CCI), en y associant parfois d’autres
administrations, en particulier la DGDDI ainsi que Bpifrance AE.
111
Par exemple, dans le domaine aéronautique et spatial, les pôles
Aerospace Valley
(Midi-Pyrénées et Nouvelle-Aquitaine), AsTech (Île-de-France) et Pégase (Provence-
Alpes-
Côte d’Azur, PACA)
; dans le domaine des systèmes complexes : System@tic
(Ile-de-France) ; dans le secteur maritime, les pôles, Mer Bretagne et Mer PACA ; dans
le domaine de
l’optique et de la p
hotonique, les pôles Elopsys (Limousin), Optitec
(PACA) et Route des lasers (Nouvelle-Aquitaine).
LA MISE EN ŒUVRE ACT
IVE DE LA POLITIQUE
D’EXPORTATION
ET L’ACCOMPAGNEMENT
DES CONTRATS PAR LA DGA ET LES ARMÉES
71
2 -
Salons, séminaires et missions collectives à l’étranger
Pour les trois grands salons français
112
la DGA-DI met en place un
pavillon, invite, prépare et organise l’accueil des
délégations étrangères, et
établit en lien avec les armées les programmes de démonstration. La DGA
verse, pour
l’organisation des salons, une subvention annuelle de l’ordre
de 100 000
€
aux différents groupements organisateurs (Gifas, Gican et
Gicat). Avec les mêmes groupements professionnel et
l’EMA
, la DGA-DI
arrête la liste des 12 salons prioritaires
à l’ét
ranger pour lesquels la DGA
demande aux groupements d’organiser un pavillon/stand France et leur
verse à ce titre une subvention annuelle d’environ 600
000
€
.
Par ailleurs, pour les salons à l’étranger, tou
t comme pour les
séminaires, la DGA peut verser une aide directe de l’ordre de 1
500
€
à
quelques PME. La DGA ne vérifie pas si ces dépenses sont, par ailleurs,
financées dans le cadre d’une éventuelle assurance
-prospection prise en
charge par Bpifrance/AE
113
, ce qui est regrettable.
La DGA-DI organise aussi, avec le concours des missions de
défense des ambassades, des séminaires pour les PME à l’étranger
, parfois
avec le concours de Business France.
On citera à titre d’exemples
:
-
la mission export PME (130 entreprises) à Washington les 17-18 octobre
2019 qui a été suivi en juin 2020 d’un webinaire, suivi par 35 entreprises
sélectionnées par le
Department of Defense
(DoD) américain ;
-
la quatrième édition du séminaire bilatéral de défense dédié aux PME
qui
s’es
t tenu en 2019 en Indonésie.
Les représentants des entreprises que la Cour a interrogés ont estimé
que ces opérations, qui permettent aux PME de rencontrer les donneurs
d’ordre des pays concernés, étaient très utiles et ont exprimé le souhait
qu’elles soie
nt plus développées, en particulier en Europe.
3 -
Les labels du ministère des armées
Afin d’appuyer les entreprises, le ministère des armées a mis en
œuvre différents labels ou titres de reconnaissance afin qu’elles puissent
s’en prévaloir auprès des pays cli
ents.
Dans le cadre du plan Action PME, le ministère a créé en 2019 un label
« Utilisé par les armées françaises », associé à un logo. Les armées, et les
entreprises sur leur site internet, le traduisent parfois par
combat proven
114
,
112
Euronaval, Salon international de l'aéronautique et de l'espace, Eurosatory.
113
Cf.
infra
, chapitre IV.
114
La ministre des armées l’avait
d’ailleurs aussi utilisé au Bourget lors du lancement
du label :
«
Nous savons que cette caution “France” et “combat proven” est un critère
déterminant face à la concurrence ».
COUR DES COMPTES
72
faisant ainsi
explicitement référence à l’emploi en opération extérieure
115
.
L’octroi de ce label est gratuit et
discrétionnaire. À la fin
de l’année 2021, le
label avait
été attribué à 290 entreprises. Le ministère de l’intérieur pourrait
prendre exemple sur ce label pour les matériels de sécurité.
Par ailleurs, toutes les entreprises qui ont obtenu un contrat du
ministère peuvent se prévaloir du statut de « prestataire/fournisseur du
ministère de la défense ». Enfin, il peut être délivré un certificat de bonne
exécution de marché que la DGA attribue aux fournisseurs qui ont
démontré leur niveau de performance penda
nt l’exécution du contrat
.
4 -
Grands groupes et PME, les actions de portage
Dans le cadre du plan PME, le ministère des armées a conclu des
conventions avec les neuf premiers grands groupes de défense par
lesquelles ceux-
ci s’engagent à entretenir avec les PME des relations
équitables et à les soutenir. Ce dispositif a été rénové en 2019. Ces
conventions, qui font l’objet d’un compte
-
rendu et d’une évaluation
annuels par la DGA, comportent un volet «
appui à l’exportation
». À la
suite de ces évaluations, les entreprises reçoivent une lettre du ministre des
armées qui apprécie leurs performances, souligne leurs marges de
progression et les situe par rapport à leurs pairs. La Cour a pris
connaissance de plusieurs des conventions, des comptes rendus et des
lettres de la ministre qui témoignent de l’implication de la DGA dans le
ur
suiv
i. Néanmoins, s’agissant du volet
« appui au développement
international », les informations demandées restent parcellaires.
Par ailleurs, comme toutes les grandes entreprises maîtres d’œuvre,
les entreprises du secteur de la défense ont l’obligation de so
umettre un
plan de portage pour pouvoir obtenir une police d’assurance
-crédit pour les
contrats à l’export d’un montant supérieur à 300
M€
116
. L’objectif des
plans est d’encourager les grandes entreprises à identifier et mettre en
œuvre des actions concrètes
au bénéfice des PME et des ETI, afin que ces
dernières renforcent leurs capacités de s'implanter sur le marché concerné.
Ces plans, outre une description sommaire du contrat, comportent
trois rubriques
dans lesquelles l’industriel décrit les actions qu’il
compte
mener pour appuyer les PME :
-
analyse et priorisation de la sous-traitance de proximité dans le cadre
du contrat ;
-
portage des entreprises liées directement au contrats qui souhaiteraient
développer leurs affaires / s’implanter dans la zone du contr
at) ;
-
élargissement du portage (soutien, conseil à toute PME du secteur
de
l’industriel intéressée par la zone du contrat).
115
Voir par exemple le site de la PME Novadem, page consacrée au drone NX70.
116
Cf.
supra
.
LA MISE EN ŒUVRE ACT
IVE DE LA POLITIQUE
D’EXPORTATION
ET L’ACCOMPAGNEMENT
DES CONTRATS PAR LA DGA ET LES ARMÉES
73
Leur lecture révèle que, si la première rubrique est précisément
documentée, les deux autres restent assez génériques. La Cour a aussi
constaté que ces « plans de portage » étaient peu suivis dans leur exécution.
La DG Trésor et la DGA ont indiqué avoir entrepris une réflexion
pour améliorer le suivi et l’impact de ces plans
de portage. La DGA a
proposé que leur approbation par ses services dans un délai de douze mois
après la délivrance de la police de garantie Bpifrance AE
117
soit un
préalable à une éventuelle indemnisation en cas de si
nistre et qu’ils
fassent
l’objet d’un suivi annuel pendant toute la durée de l’exécution du contrat
.
Cette proposition transmise à la DG Trésor en juillet 2021 est encore à
l’examen. Il conviendrait qu’elle débouchât rapidement.
B -
Un suivi actif des grands contrats
1 -
La définition de la stratégie d’affaires
À côté d’actions génériques de suivi des pays et
de la concurrence et de
veille, la DGA-DI conduit la politique de soutien aux exportations selon une
double approche pays/produits. Ce soutien peut intervenir très en amont en
accompagnant, par exemple, un pays dans la définition de ses besoins et des
spécifications techniques qui y répondent au mieux, créant un cadre propice à
l’offre française. Dans la plupart des cas, la DGA
-DI définit avec chacun des
industriels concernés la stratégie que l’État mettra en œuvre afin de l’
appuyer
dans sa démarche en analysant notamment les attentes des pays clients.
Après avoir vérifié que le projet pourra être autorisé par la CIEEMG, un
des 15 directeurs d’opération à l’exportation de la DGA
-DI élabore une esquisse
de l’accompagnement
« sur mesure », en lien avec la direction technique)
118
, la
direction des opérations
119
et le service de la qualité
120
de la DGA.
117
Cf.
infra
, chapitre IV.
118
La direction technique (architectes, experts et équipes d’essais, en région parisienne
et dans les centres) réalise les prestations d’expertise et d’essais nécessaires à
l’assistance à maîtrise d’ouvrage au profit du client mais aussi à la mise en œuvre d
e
moyens lourds (champs de tir, essais en vol, moyens d’environnement), indispensables
à l’industrie pour la validation des performances.
119
La direction des opérations apporte ses compétences de management, d’achat, de soutien
logistique intégré et d’enquê
te de prix dans les différentes phases du prospect et doit assurer
une cohérence des programmes France et de leurs équivalents export, afin de maximiser le
bénéfice capacitaire pour le ministère. Dans le cas d’un contrat de partenariat
gouvernemental, c’es
t la direction des opérations qui est chargée de passer le marché public
et de piloter son bon déroulement jusqu’à la livraison des matériels au partenaire.
120
Le service de la qualité agit au profit du client pour l’assurance officielle de la qualité
attestant de la maîtrise des processus qualité appliqués par les industriels et pouvant
aller jusqu’à la réception individuelle des matériels livrés, impliquant une prise de
responsabilité parfois personnelle.
COUR DES COMPTES
74
La DGA-
DI doit aussi s’assurer du concours des armées qui sont
devenues
un
élément
indispensable
pour
accompagner
les
offres
commerciales. La définition des prestations finalement arrêtées résulte des
possibilités des différentes armées, directions et services et d’une négociation
entre l’administration, l’industrie et le pays client. Elle conduit aussi à définir
le cadre juridique dans lequ
el l’opération pourra s’inscrire
: si le pays client
souhaite formaliser une relation intergouvernementale ce peut être un accord
intergouvernemental (AIG) ou un arrangement technique ; si la relation avec
le pays client n’est pas directe, une convention est conclue avec l’industriel.
La stratégie d’affaire ainsi définie requiert souvent aussi l’intervention
d’autres départements ministériels, le ministère de l’Europe et des affaires
étrangères pour mener l’action diplomatique d’accompagnement, le ministère
de l’économie
, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique
pour accorder la garantie de l’État
121
quand celle-ci est demandée. Placée
auprès du DGA-DI, une personne assure la liaison avec le ministère de
l’économie
, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
La mise en place de cette stratégie et sa coordination sont suivies de très
près par le cabinet du ministre des armées
et s’appuient sur une comitologie
très étoffée et à plusieurs niveaux, selon la criticité des décisions :
-
au niveau de la DGA : comité des offres export, comité des offres de
la DGA et de la direction technique, comité exécutif de la DGA ;
-
au niveau du ministère des armées :
réunions d’information entre
la
DGA-DI et la division chargée de la maîtrise de
s armements de l’EMA
(EMA-MA) ou le sous-chef Plans
ainsi qu’
entre la DGA-DI et la
DGRIS, coordination dans le cadre des plateaux État-Industrie mis en
place pour l’accompagnement des prospects majeurs et l’élaboration
des offres, comité conjoint DGA-EMA de convergence Export (C3E)
de création récente, comité exécutif du ministère des armées,
éventuellement en format spécifique, réunion hebdomadaire avec le
directeur de cabinet du ministre (cf.
infra
).
2 -
La concertation ministérielle
Les « plateaux État-Industrie »
mis en place pour l’accompagnement
des prospects majeurs et l’élaboration des offres constituent déjà une
instance
de concertation. D
irigés par l’industrie ou la DGA, en fonction du type de
contrat envisagé avec l’acquéreur (contrat commer
cial direct ou accord de
gouvernement à gouvernement), elles associaient
l’EMA ou l’armée
concernée de manière imparfaite. La complexité croissante des opérations
export, leur impact potentiel sur les programmes d’armement nationaux la
préparation opérationnelle et la conduite des opérations ont donc conduit à
hausser le niveau de la concertation interarmées avec la mise en place du
Comité Conjoint DGA-Armées de Convergence Export (C3E).
121
Cf.
infra
, chapitre IV.
LA MISE EN ŒUVRE ACT
IVE DE LA POLITIQUE
D’EXPORTATION
ET L’ACCOMPAGNEMENT
DES CONTRATS PAR LA DGA ET LES ARMÉES
75
Coprésidé par le DGA-DI et le sous-
chef Plans de l’EMA, le C3
E
réunit les services de la DGA impliqués, les représentants des différentes
sous-
chefferie de l’EMA ainsi que ceux de l’armée concernée.
Au cours de la période sous revue, les travaux du C3E ont porté sur
les prospects majeurs en cours concernant les frégates destinées à la Grèce
et, surtout, les avions Rafale. Les succès à l’exportation de l’avion Rafale
au cours des années 2021 et 2022
122
ont nécessairement posé la question
de leur impact sur l’armée de l’air
. Les relevés de décision du C3E reflètent
les points de
tension que la DGA, l’EMA et l’EMAAE ont essayé de
surmonter pour répondre aux demandes de l’industriel et des pays clients,
tout en essayant de préserver le potentiel des armées
123
.
La concertation mise en place dans le cadre du C3E ne concerne que
les opér
ations majeures d’exportation et
, souvent,
lorsqu’elles sont à un stade
de maturité avancée. Pour les affaires plus petites, les armées sont souvent
averties tardivement et manquent de visibilité pour programmer les activités
« export ». Il serait donc utile que les opérations de moindre envergure, voire
les actions ponctuelles dans le cadre de la prospection, puissent aussi faire
l’objet d’une concertation entre les
différentes parties prenantes. La DGA a
indiqué qu’elle n’avait pas créé une base de don
nées recensant prospects et
actions
124
. En revanche, l’EMA dispose, avec le système d’information
Sistex
125
, d’un outil qui pourrait constituer l’embryon de cette base afin de
mieux anticiper les actions et de pouvoir recueillir les avis de l’ensemble des
part
ie prenantes concernées, avant d’autoriser ou refuser la réalisation effective
des actions. Renseignée par la DGA dès la connaissance des prospects, une
telle base de données pourrait permettre aux armées d’avoir une meilleure
visibilité sur les actions futures qui pourraient lui être demandées.
122
Contrat avec la Grèce le 25 janvier 2021 portant sur 18 avions dont 12 prélevés sur
les équipements français
; contrat avec l’Égypte le 4 mai 2021 portant sur 30 avions
;
contrat avec la Croatie le 25 novembre 2021 portant sur 12 avions prélevés sur les forces
françaises ; contrat avec les Émirats Arabes Unis le 3 décembre 2021 portant sur 80
avions ; contrat avec l'Indonésie le 10 février 2022 portant sur 42 avions.
123
Cf.
infra
.
124
Elle dispose en revanche d’une base recensant tous les contrats en cours.
125
Cf. annexe n° 10
–
Le s
ystème d’information Sistex.
COUR DES COMPTES
76
3 -
Le suivi interministériel
Le suivi interministériel est assuré par la réunion hebdomadaire
export
126
, que préside le directeur de cabinet du ministre des armées. Y
participent la DGA-DI,
l’EMA
-MA, chacun des trois états-
majors d’armée, le
SGA/DAJ, la DGRIS, ainsi que le cabinet du Premier ministre (conseiller
diplomatique adjoint), la DG Trésor et la direction de la diplomatie
économique du
ministère de l’Europe et des affaires étrangères
, ce qui permet
à l’ensemble
des parties prenantes de suivre les principales affaires en cours,
de partager les informations (visites ministérielles en France et à l’étranger)
et
de connaître les attentes des industriels pour mieux optimiser les actions.
Des réunions interministérielles spécifiques peuvent se tenir au
cabinet du Premier ministre, notamment pour valider des projets d’AIG ou
pour arbitrer des questions sensibles.
Les affaires les plus importantes sont suivies par le Conseil de défense
et le président de la République qui porte les dossiers les plus stratégiques.
II -
Des moyens des armées de plus en plus engagés
A -
Un impact capacitaire certain
Dans le cadre de la stratégie ainsi définie et afin de répondre au
mieux aux clients qui souhaitent souvent se faire livrer au plus vite ou
bénéficier d’un appui, les moyens des armées sont de plus en plus mis à
contribution. Chaque opération fait, selon l’EMA,
«
l’objet d’une étude
préalable afin de déterminer les conséquences de sa réalisation sur
l’activité planifiée de l’armée concernée (…) et que les opérations reste
nt
des missions prioritaires »,
sans toutefois que
« la sous-chefferie
opérations
[soit]
systématiquement consultée en tant que telle. ».
Néanmoins, ces contributions décrites ci-dessous viennent amputer les
capacités opérationnelles des armées
127
. Il peut s’agir de
:
-
L’immobilisation des équipements
en vue de participer à des salons, à
des démonstrations, ou
bien la mise à disposition d’
appareil au
bénéfice
d’un
exportateur, rendant éventuellement indisponibles ces
équipements pour les besoins des forces ;
-
Le prêt de capacités initiales
en prélevant temporairement sur les
moyens des armées un matériel
au bénéfice d’une armée étrangère
. Ces
opérations
restent rares du fait de la difficulté à les mettre en œuvre
126
Ces réunions sont indépendantes des RHODE qui concernent les licences d’exportation
(cf.
supra
, chapitre I).
127
Le rapport public thématique de la Cour des comptes « La loi de programmation
militaire 2019-2025 et les capacités des armées » publié en mai 2022 a souligné que le
soutien aux exportations d’armement consommait des ressources significatives.
LA MISE EN ŒUVRE ACT
IVE DE LA POLITIQUE
D’EXPORTATION
ET L’ACCOMPAGNEMENT
DES CONTRATS PAR LA DGA ET LES ARMÉES
77
car elles né
cessitent, d’une part,
de modifier la plupart du temps les
équipements avant transfert puis de les remettre au standard France à
leur retour, ce qui est coûteux et,
d’autre part, de définir les conditions
de remboursement de la consommation du potentiel de ces matériels ;
-
Le prélèvement immédiat sur les stocks des armées pour fournir aux clients
les matériels
.
Jusqu’à récemment cette action concernait le plus souvent
les munitions ou les missiles ainsi que des lots de rechanges et de pièces
détachées, en ac
compagnement d’une vente de matériel majeur (avions,
hélicoptère, navire). Elle a pris une autre dimension avec les cessions des
avions Rafale à la Grèce et à la Croatie et avec la fourniture d’équipements
à l’Ukraine. Elle s’opère dans le cadre des
« cessions remboursables en
nature » (CRN)
128
ou des cessions onéreuses. Dans ces deux cas, la cession
des biens des armées pose la question du maintien des stocks à un niveau
suffisant et du délai dans lesquels ces biens seront restitués ou remplacés
car ces prêts génèrent des pertes temporaires de capacité ;
Les cessions remboursables en nature (CRN)
Elles résultent d’une demande de l’industriel auprès de la DGA qui la
valide après que le comité de pilotage que préside l’EMA a donné son accord en
ayant notamment vérifié que « le niveau de stock peut subir une baisse passagère
sans que cela soit inacceptable pour les forces ». Le bien cédé doit être remplacé
par un matériel neuf identique, au traitement des obsolescences près, en principe
dans un délai maximum de deux années. Bien que les quatorze CRN réalisées au
cours des cinq dernières années aient été remboursées, la marine s’est inquiétée
de la capacité des industriels à remonter en puissance pour remplacer les missiles
« empruntés »
. L’EMA a souligné que
«
l’o
ption consistant à prélever dans les
armées représente une solution de facilité pour l’industrie la dispensant de toute
recherche de solution en interne. »
Cela est d’autant plus vrai qu’aucun frais (au
titre de la gestion de la procédure, au titre du coût du stockage effectué de facto
pour le compte d’autrui, au titre du
«
coût d’opportunités/ pertes temporaires de
capacité »
) n’était facturé au titre de ces opérations jusqu’à la directive du directeur
de cabinet du 28 mai 2021. La valorisation de la « prestation associée » reste
cependant limitée puisqu’elle ne porte que sur les frais de dossier d’un montant de
3 000
€
et sur quelques frais complémentaires de manutention, gestion et
conditionnements. Cinq CRN ont fait l’objet d’une telle facturation.
La DGA a fait valoir des avantages induits des cessions remboursables
en nature puisque « les forces récupèrent donc
in fine
un matériel neuf avec
plus de potentiel (pour les matériels à durée de vie limitée ») et, dans certains
cas, elles bénéficient de capacités améliorées, ce qui viendrait
in fine
équilibrer le bilan de ces CRN. Ces gains supposés ne sont pas évalués.
128
Les CRN concernent essentiellement la cession de biens déjà livrés aux forces françaises,
à l’entreprise française qui les fabrique mais qui n’est pas en mesure de livrer son client dans
les délais souhaités car elle n’a pas de stock propre et son processus de production n’est pas
adapté à une livraison rapide. L’entreprise auquel le bien est cédé le met ensuite en condition
d’être exporté et l’adapte aux spécificités du client avant de le livrer.
COUR DES COMPTES
78
Les cessions onéreuses ou gratuites
Ces cessions n’avaient jusqu’à récemment qu’une ampleur très réduite
et aucun impact sur les capacité
s des armées puisqu’elles consistaient à céder
des matériels devenus inutiles aux armées ce qui économisait des coûts de
gardiennage, procurait des ressources additionnelles, aidait des pays amis à
s’équiper et soutenait les entreprises du secteur de la ma
intenance et de la
rénovation. Elles ont pris une toute autre ampleur avec la cession de 24 avions
Rafale à la Grèce et à la Croatie qui impacte les moyens de l’armée de l’air et
de l’espace (AAE), tout comme les commandes d’avions neufs
: celle-ci ne
devrait au mieux disposer en 2025 que de 117 avions Rafale au lieu des 129 que
prévoyait la LPM et, en 2030 que de 159 au lieu des 185 prévus. Le chef
d’état
-
major de l’AAE a indiqué que les années 2023
-2024 seraient une période
particulièrement critique avec
un déficit d’avions Rafale de 16 puis de 20.
-
Le prélèvement sur les chaines de fabrication ou sur les biens qui devaient
entrer en service
dans les armées françaises retardant une commande
France prévue ou déjà notifiée, afin de libérer de la capacité de production
industrielle au bénéfice du client étranger ou de lui livrer immédiatement
un matériel. Il
a été ainsi été livré à l’
Égypte dans le cadre du contrat conclu
en 2015 et portant sur 24 avions Rafale, six Rafale biplaces prélevés en
2015 sur la production destinée à la France. Le remplacement de ces
appareils n’a commencé qu’en 2016 et s'est terminé en 2018, soit un retard
de livraison de trois ans. Pour supporter ce retard, l’armée de l’air a dû à la
fois se réorganiser et effectuer des dépenses de MCO supplémentaires tant
pour les avions Rafale en service que pour les avions Mirage. Dans le
même contexte, la marine a dû céder dès 2015 la Fremm Normandie dont
elle devait prendre possession et dont le remplacement n’a été prévu que
pour septembre 2019, conduisant également à des coûts de MCO et de
personnels supplémentaires
puisqu’il a fallu pour
« tenir le contrat
opérationnel (…)
prolonger d’un an la durée de vie de trois frégates F70
d’ancienne génération, avec leur équipage
»
129
.
Interrogé pour savoir si
ces coûts supplémentaires avaient été évalués, l’EMA a répondu qu’il ne
disposait pas de ces estimations. Le récent contrat de vente des trois
frégates de défense et d’intervention
130
à la Grèce aura également un
impact sur les forces dont dispose la marine nationale puisque les deux
premières
frégates de défense et d’intervention (
FDI) qui doivent être
livrées à la Grèce s’intercaleront entre la première et la deuxième qui
doivent être livrées à la marine française retardant ainsi la livraison de la
FDI n°
2, qui ne sera livrée qu’en juin 2026 et
de la n° 3 en 2027.
D’autres exemples pourraient être cités comme le décalage du
calendrier de la mise sur orbite de satellites pour permettre de rattraper le
retard dans l’exécution du contrat avec les EAU à la suite de l’échec du
lancement du premier des deux satellites de reconnaissance
Falcon Eyes.
129
Audition du chef d’état
-
major de la marine devant l’Assemblée nation
ale, 26 mai 2015.
130
Une quatrième est prévue en option.
LA MISE EN ŒUVRE ACT
IVE DE LA POLITIQUE
D’EXPORTATION
ET L’ACCOMPAGNEMENT
DES CONTRATS PAR LA DGA ET LES ARMÉES
79
-
Des choix dictés par la nécessité d’exporter
: les armées françaises ont
parfois
reçu des équipements qu’elles n’estimaient pas adaptés à leurs
besoins mais qu
i répondaient à la nécessité pour l’industriel de disposer
d’un produit répondant à la demande des clients potentiels
; un exemple
a notamment été cité concernant un bâtiment de surface pour la marine ;
-
Les actions de formation au bénéfice des armées étrangères
mobilisent
équipements (simulateurs, avions, etc.) et ressources humaines
(personnel navigant, mécaniciens, personnel navigant, experts de la
guerre électronique et du renseignement, équipages, etc.) et peuvent
conduire à retarder la qualification des opérateurs français en saturant la
capacité de formation. En 2018, le volume des heures de vol consacrées
à la formation des pilotes indiens, qataris et égyptiens était estimé à
3 000 heures de vol de Rafale, soit 27 % des heures de vol de cet avion
et
mobilisait 208 ETP de l’armée de l’air, ce qui conduisait à une baisse
du niveau d’entraînement et des retards dans les qualifications des
pilotes français. Ce retard n’était pas encore comblé à la fin de l’année
2021. L
’AAE a
néanmoins accueilli à Cognac, dans le cadre du prospect
Rafale pour la Croatie, six élèves pilotes pour effectuer une formation
avancée alors que ses écoles de formation étaient déjà sous tension
131
.
Au total l’état
-major des armées a estimé que les moyens importants
consacrés au Soutex «
qui sont momentanément détournés de leur mission
principale »
peuvent
générer
« des
tensions
sur
la
préparation
opérationnelle des forces, voire de réductions temporaires de capacité en
cas de prélèvement dans les stocks d’équipement
s nationaux »,
et que
« c
ette situation peut occasionner l’usure prématurée de certains matériels
qui nécessiteront éventuellement un remplacement non programmé
initialement, des perturbations et des retards dans l’entraînement des
forces ou la formation des personnels, créant ainsi des tensions dans
l’activité au quotidien.
»
L
’EMA a ajouté que les forces sont
ainsi amenées
à se priver de capacités ou à voir différé certaines livraisons pour pallier
l’absence de stocks au sein des entreprises d’armement,
« subissant une
situation dont elles essaient de minimiser les impacts ».
La DGA a, quant
à elle, rappelé que «
ces options (prélèvements sur les chaînes, cessions
contre remboursement en nature, prêts de capacité) ne sont mises en place
qu’en cas d’absolue
nécessité, lorsque le calendrier du client est
incompatible avec la capacité de production de l’industriel
», [lorsque]
« cette livraison anticipée est un facteur clé de succès, puisque sans elle
l’offre française serait disqualifiée
»
. Elle a aussi insisté sur les pratiques
des autres pays exportateurs qui offrent ces possibilités, notamment les
États-Unis auxquels
« le parc de matériel et les cadences de production,
bien plus importants que la France, donnent plus de marge de manœuvre
pour répondre
à des besoins urgents d’un client potentiel
».
131
Dans le cadre du contrat avec la Grèce, 4 pilotes et 12 techniciens grecs ont
également suivi
une formation au sein des unités de l’AAE
.
COUR DES COMPTES
80
B -
Un bilan à tirer des effets des exportations
sur les moyens des armées
La Cour relève pour sa part
qu’
aucune de ces actions, qui ont des
effets induits en termes de réduction de capacité immédiates ou futures et en
termes de coûts additionnels (notamment en matière de maintien en
conditions opérationnelle) ne fait
–
en dehors de la facturation limitée aux
seuls moyens utilisés aux fins directes du Soutex
132
–
l’objet d’une évaluation
ou d’un chiffrage, que ce soi
t
a priori
ou
a posteriori
. L’EMA a d’ailleurs
confirmé que : «
Des difficultés persistent pour évaluer en particulier les
coûts induits par la «
privation d’emploi
» des équipements (vieillissement,
immobilisations, entretien, prolongement de la vie de matériels anciens, etc.)
ou le « détournement » des effectifs concernés de leur mission première
(retard de formation notamment)
». L
’évaluation des coûts induits reste
donc
à faire, tout comme celle des contreparties qui pourraient être attendues.
Ainsi, si le Soutex génère une charge pour les armées, une politique
d’exportation dynamique, au demeurant nécessaire au regard de l’impératif
de conserver l’autonomie stratégique et de l’étroitesse du marché national,
devrait aussi en retour produire des effets positifs listés ci-dessous :
-
maintenir et développer l’activité de bureaux d’études
, afin de
conserver les compétences, ou de chaîne de production ;
-
réduire les coûts des matériels vendus aux armées françaises par effets
de série; le président du Gican a estimé que, grâce aux exportations,
la marine française ferait sur ses équipements une économie annuelle
de l’ordre de 400
M€
, sans étayer cette assertion ;
-
conduire les industriels à autofinancer une partie du développement
du matériel ;
-
moduler le prix de vente France en fonction des succès à l’exportation
du matériel ;
-
mutualiser des frais de traitement d’obsolescence sur des matériels ou
équipements (Rafale, missiles, radars, etc.) ;
-
faire profiter les armées françaises de fonctionnalités en partie
financées par les contrats export ;
-
faire profiter les armées françaises d’avancées technologiques et
d’allongement des durées de vie lors du remplacement de quand des
matériels « empruntés » dans le cas des CRN ;
-
faire
financer
par
les
contrats
de
prestations
l’acquisition
d’infrastructures
ou d’équipements ou leur modernisation
133
, voire des
opérations de maintenance et des compléments de de pièces détachées.
132
Cf.
infra
.
133
Cela a été le cas pour les bases aériennes de Mont-de-Marsan et de Saint-Dizier.
LA MISE EN ŒUVRE ACT
IVE DE LA POLITIQUE
D’EXPORTATION
ET L’ACCOMPAGNEMENT
DES CONTRATS PAR LA DGA ET LES ARMÉES
81
À ces considérations la DGA ajoute que les
«
bénéfices pour l’État
tirés de l’exportation qui comprennent également les bénéfices socia
ux
(emplois directs, indirects et induits), économiques (moindre déficit
commercial, effet d’entraînement sur les exportations civiles, innovation
technologique dans des domaines de pointe) et fiscaux (impôt sur les
sociétés, impôt sur le revenu des employ
és des entreprises, …)
»
; tandis
que l’EMA met en avant le développement de l’interopérabilité, la création
des
conditions
nécessaires
au
développement
d’un
coopération
opérationnelle et doctrinale autour de l’emploi du matériel exporté, et au
-
delà le res
serrement des liens politiques et la mise en œuvre d’une
coopération permettant de conduire des exercices avec les forces locales
dans des zones stratégiques, par exemple avec l’Égypte ou l’Inde.
La plupart de ces effets bénéfiques sur les équipements des armées
reste toutefois à la fois à :
-
quantifier, puisqu’aucune étude documentant ces affirmations de
principe n’a été communiqué
e
à la Cour, pas plus qu’il n’avait été
fourni d’études chiffrant les impacts négatifs subis par les armées
;
-
valider ; ainsi, l
e délégué général pour l’armement
134
indiquait à
propos de l’impact des exportations sur le prix des avions Rafale
:
«
les prix ne baisseront que de façon marginale (…) car seules des
quantités de production élevées peuvent générer des effets significatifs
sur ce plan, même si la courbe baisse fortement au départ. Le
4 300
ème
F-16 ne coûte ainsi que 30
millions d’euros
: la production
du Rafale est encore loin de ce chiffre…
».
La nécessité d’exporter pour maintenir une BITD performante et les
contraintes lié
es à certains grands programmes n’exonèrent pas de mener
une réflexion approfondie sur l’équilibre à trouver entre les charges
induites par le soutien aux exportations et les gains qui en découlent. Il
conviendrait donc d’avoir une vision exacte, au
-delà des considérations
générales sur la BITD, l’emploi, la stratégie d’influence, d’alliance et de
coopération, des coûts réellement supportés par le ministère des armées et
des contreparties qu’il retire de ces opérations. Ces éléments devraient être
partagés
entre la DGA, les armées et le ministère de l’économie
, des
finances et de la souveraineté industrielle et numérique
afin d’avoir une
relation plus équilibrée avec les industriels. L’EMA a d’ailleurs indiqué
«
que les armées recherchent des mécanismes leur permettant de
bénéficier d’un retour industriel sous d’autres formes (développements,
réductions des coûts d’acquisition et d’entretien, etc.
) ».
134
Audition du DGA devant la commission de la défense nationale et des forces armées
de l’Assemblée nationale, 26 mai 2015
.
COUR DES COMPTES
82
La Cour recommande donc que l’EMA et les armées évaluent
précisément et complétement les impacts financiers et opérationnels du Soutex
et qu’ils
formalisent les retours
qu’ils
peuvent en attendre et que la DGA
établisse quels sont les acquis déjà obtenus et ceux qui pourraient l’être.
III -
Facturation et redevance
A -
Les règles de facturation du soutien aux exportations
Le rapport
135
que la Cour avait consacré en 2017 à l’exécution de la
loi de programmation militaire avait formulé la recommandation suivante :
« Facturer les dépenses engagées au titre du Soutex aux industriels
bénéficiaires des concours du ministère de la défense, ainsi que le
prévoient les décrets n° 83-927 et n° 86-366. »
Depuis, un décret de
décembre 2018
136
a fixé les conditions de remboursement des services
rendus par le ministère de la défense et par les formations musicales de la
gendarmerie nationale à des tiers. Il a créé une base réglementaire unique
prévoyant la rémunération des prestations fournies en coût complet
« en
fonction de toutes les charges, directes et indirectes, supportées pour la
préparation et l'exécution de la prestation et peut tenir compte des
avantages de toute nature procurés au bénéficiaire
».
Par rapport au texte antérieur, ce décret simplifie la facturation et la rend
exhaustive en intégrant les coûts indirects ; il améliore le retour désormais
intégral pour les armées et la DGA. Il conserve néanmoins des zones de
complexité et de flou, puisqu’il permet à l’administration centrale d’accorder
une gratuité totale ou partielle selon des critères larges :
« à titre exceptionnel,
lorsqu'elles poursuivent un but d'intérêt général, notamment lorsqu'elles
contribuent à la politique gouvernementale, à la coopération internationale,
au rayonnement des armées ou au renforcement de leur lien avec la Nation,
les prestations peuvent être réalisées gratuitement ou pour un montant
inférieur à celui qui résulterait de l'application de l'article 3
»
.
Les modalités
d’application de ce décret sont décrites dans l’instruction ministérielle 06
-2020
du 16 juin 2020, déclinée par une directive de l’EMA du 7 juin 2021, précise
quelles sont les autorités qui peuvent accorder la gratuité totale ou partielle
(ministre, délégataire de la signature et subdélégataire), tout en restant très
générale sur les motifs qui peuvent la justifier.
Les facturations se traduisent budgétairement par des recettes non
fiscales prenant la forme d’attributions de produit et réaffectées dans les
programmes budgétaires 146 et 178.
135
Cour des comptes, La mise en œuvre de la loi de programmation militaire 2014
-
2019 et les perspectives financières de la mission Défense, référé, novembre 2017.
136
Décret n° 2018-1073 du 3 décembre 2018.
LA MISE EN ŒUVRE ACT
IVE DE LA POLITIQUE
D’EXPORTATION
ET L’ACCOMPAGNEMENT
DES CONTRATS PAR LA DGA ET LES ARMÉES
83
1 -
La facturation du Soutex par la DGA
La DGA estime qu’au total l’activité de
Soutex a mobilisé
231 personnes en 2019 et 270 en 2020 mais elle a précisé que cette
estimation n’était pas exhaustive car une partie de l’activité réalisée
,
estimée à une quarantai
ne d’ETP, n’était pas traçable. La DGA indique
également que le Soutex génère aussi une charge pour les personnels
affectés dans les fonctions support. Les personnels mobilisés pour
l’exécution des contrats relèvent de la DGA
-DI, des équipes de programme
de la direction des opérations, de la direction technique et du service de la
qualité de la DGA. La direction technique et la direction des opérations
estiment que les prestations à l’exportation constituent une lourde charge
notamment lorsqu
’elles
nécessitent de mettre en place des « architectes de
programme export »
qui assurent l’ensemble du suivi technique des
projets
137
et qui sont, dans la majorité des cas, insérés dans les équipes de
programme de la direction des opérations. Les équipes constituées au
bénéfice de certains projets sont particulièrement fournies, comme celles
pour les contrats Rafale qui mobilisent trois architectes de programme.
Certains des centres techniques de la direction technique supportent une
charge particulièrement lourde, en particulier celui des essais en vol pour
l’évaluation de la navigabilité au bénéfice des avions Rafale pour l’Inde,
des hélicoptères Caracal pour le Koweït et des hélicoptères NH 90 pour le
Qatar
138
. Pour faire face à la croissance des activités de soutien à
l’exportation, la DGA a bénéficié de 182 recrutements nouveaux au cours
des exercices 2016-2021, qui ont principalement bénéficié aux grands
programmes d’exportation en cours
:
Rafale (près d’un tiers des
recrutements), sous-marins (17,5 %) et CaMo (12,6 %
) ainsi qu’aux
satellites (11,6 %) et aux hélicoptères (7,7 %).
Les prestations facturées par la DGA sont essentiellement réalisées par la
direction technique (essais en vol, navigabilité, etc.) et par le service de la qualité
(contrôle des
process
qualité, des processus de qualification des standards,
niveau de qualité identique aux prestations pour les ventes en France)
139
.
137
Les architectes de projet (centre ingénierie de projets de la direction technique de la
DGA) assurent la maîtrise d'ouvrage technique (architecture et ingénierie, identification
et gestion des risques techniques responsabilité de la cohérence des prestations réalisées).
138
Dans certains cas, le manque de ressources conduit à s’appuyer sur des organismes extérieurs
(ainsi dans le domaine satellitaire, pour le contrat de vente au Pérou, il a été fait appel aux experts
du Centre National d’Études Spatiales) ou à refuser certaines demandes des industriels (par
exemple dans le domaine des techniques hydrodynamiques ou dans le domaine terrestre).
139
Qui
«
s’assure de la qualité
des prestations et des fournitures des industriels au titre
des contrats dont il est saisi ; est responsable de fournir l'assurance officielle de la
qualité au profit des forces armées étrangères au titre des accords et arrangements
techniques correspondants ».
COUR DES COMPTES
84
La direction technique de la DGA facture ses prestations en coût
complet tout comme le service de la qualité
140
. La direction technique se
fonde sur les éléments des budgets économiques des centres d’expertise et
d’essais qui servent à établir les devis des prestations des centres que ce
soit pour des prestations domestiques ou à l’exportation. Ces devis
intègrent les dépenses de titre 2, le coût des moyens employés, les frais de
mission et une quote-
part des frais généraux. Les devis à l’exportation font
l’objet de majoration
en fonction des risques (définition du périmètre,
précision de la demande :
l’assistance à maîtrise d’ouvrage
peut parfois
être difficilement calibrée, nature du demandeur, pays client et maîtrise que
la DGA a de cette prestation). La direction technique de la DGA conclut
directement les conventions avec les industriels tandis que la DGA-DI
négocie les arrangements techniques
141
avec les États clients. Dans
plusieurs cas, les ministres ont pris des décisions réduisant les montants
facturés, par exemple en n’appliquant pas les majorations
.
La DGA n’a pu fournir les montants facturés au titre du
Soutex, que
depuis 2018 car auparavant ces prestations étaient confondues avec les
autres prestations payantes réalisée
pour d’autres clients
de
l’industrie de
défense et de
l’aéronautique civile. Pour les exercices 2018
-2021, la DGA
a indiqué avoir facturé un montant total de 83,88
M€
.
Tableau n° 2 :
montants facturés annuellement (en
M€
)
Montants
2018
2019
2020
2021
Total
15,55
26,88
21,05
20,40
Dont supérieurs à 1M€
11,45
16,34
18,06
15,16
Source : DGA
Ces recettes sont principalement générées par quelques gros contrats
portés par des grands groupes. La direction technique
a indiqué qu’elle
n’avait aucun exemple de PME ayant eu recours à ce type de prestations.
Les avions Rafale destinés à l’Inde, au Qatar et à l’Égypte, ont représenté
plus de 43 % des facturations de la période, le contrat CaMo plus de 18 %.
140
Pour le service de la qualité
, la gratuité est la règle pour les pays membres de l’O
tan
en vertu d’un accord de réciprocité entre les membres de cette organisation.
141
La DGA-
DI dispose d’un guide interne pour la rédaction des arrangements
techniques qui est une aide pour le rédacteur DGA d’un texte international. Il synthétise
les règles
existantes en termes de cas d’emploi, vocabulaire à utiliser, modalités de
signature, clauses à insérer, etc.
LA MISE EN ŒUVRE ACT
IVE DE LA POLITIQUE
D’EXPORTATION
ET L’ACCOMPAGNEMENT
DES CONTRATS PAR LA DGA ET LES ARMÉES
85
2 -
La facturation du Soutex
par l’EMA et les armées
a)
Soutex ou coopération : une limite floue à mieux cerner
L’EMA a établi en 2019 une cartographie du
Soutex harmonisée
entre les armées pour identifier plus précisément son périmètre et les
différentes formes qu’il
revêt. Une action entre dans ces catégories dès lors
qu’elle remplit les caractéristiques
cumulatives suivantes :
-
une demande formelle d’un industriel ou d’un groupement d’industriels
français ou européens ( pour les équipements conçus en coopération) ;
-
l’action contribue à la promotion des matériels et des équipements
français ou européens à l’exportation
;
-
les moyens des armées sont les seuls à pouvoir effectuer la prestation
demandée faute de moyens civils adaptés et disponibles.
Cette définition ne faisait pas référence à la demande des pays clients
alors que ceux-ci sont souvent les demandeurs de ces actions et que, selon les
liens entretenus avec eux, la frontière entre Soutex (donnant lieu à facturation)
et coopération (gratuite) peut être difficile à tracer
. L’EMA a reconnu que,
dans de nombreux cas,
« les limites entre le Soutex et la coopération
internationale militaire restent souvent très ténues, soumises à interprétation
différente selon le champ des prérogatives organiques de chaque armée. »
et
que
«
la tentation est grande pour l’industrie de placer ses demandes dans ce
cadre »
, puisque le concours des armées est alors gratuit
. L’armée de terre
considère ainsi que son intervention dans le cadre de CaMo relève de la
coopération car elle
s’inscrit da
ns
« un partenariat stratégique inédit, une
opportunité stratégique de développer avec les forces terrestres belges un
partenariat fort qui pourra permettre, le cas échéant de disposer de forces
totalement interopérables »
.
Selon l’EMA, certains pays concurrents (Italie,
Royaume-
Uni) n’opéreraient aucune distinction entre
Soutex et coopération
et ne factureraient donc aucune prestation au titre du Soutex.
La directive du 7 juin 2021 précitée a donc visé à préciser la frontière
entre coopération et Soutex
. Dès que la demande émane de l’industriel, il
y a Soutex ;
lorsqu’elle s’inscrit dans le cadre d’un dialogue de coopération
bilatérale elle relève de la coopération. Cette classification est soumise à
l’appréciation de l’état
-major. En fait, cette distinction peut aboutir à
classer dans le cadre de la gratuité des actions lourdes initiées à la demande
des pays partenaires pour un contrat industriel dès lors qu’un accord de
coopération aurait été signé, il en est par exemple ainsi des actions menées
au bénéfice de l’armée de l’air
croate réduisant le champ de la facturation.
COUR DES COMPTES
86
b)
Charges et recettes liées aux activités de Soutex
Pour suivre le processus de Soutex de la demande à la facturation
suivre, l’EMA s’appuie sur le
système
d’information SISTEX
142
qui donne
une vision centralisée de l’ensemble des actions. La demande de
Soutex a
mobilisé en 201
8 et 2019 l’
équivalent de plus de 500 ETP avec une très forte
implication des personnels de l’armée de l’air en soutien des exportations
de
avions Rafale. Cette tension est retombée au cours des deux derniers exercices.
Tableau n° 3 :
estimation des effectifs employés (en ETP) au titre
du Soutex 2017-2021
Années
A.de T.
Marine
AAE
EMA
Total
2017
115
82
202
15
414
2018
115
87
305
15
522
2019
82
87
330
15
514
2020
81
48
150
15
294
2021
47
49
130
15
241
Source : EMA
Les actions de Soutex réalisées par les armées sont facturées, comme
à la DGA, dans le cadre de conventions spécifiques signées avec les
industriels ou d’arrangements techniques signés avec les forces armées des
pays concernés, quand le paiement est réalisé directement par le pays
destinataire. Tout comme la DGA, les armées ont indiqué leur nette
préférence pour les accords directs avec les industriels. Ainsi, s’agissant de
l’arrangement technique pour la formation des pilotes, l’EMA a indiqué que
la relation
« client type comm
erciale, source inépuisable d’irritants et de
difficultés, a été particulièrement énergivore et chronophage
143
»
et que
« ce
schéma très contraignant doit rester exceptionnel. (…)
».
Il a ajouté que les
schémas qui le liaient à un industriel étaient préférables car
« une convention
Soutex apparaît plus protectrice des intérêts des armées en offrant un cadre
normé et connu, une position où l’industriel est demandeur et les armées
fixent leurs conditions, des négociations (en amont ou pendant la prestation)
plus faciles, sans être directement en relation avec le client final. »
142
Cf.
infra
et annexe n° 10.
143
L’EMA a ajouté que
« ce schéma très contraignant doit rester exceptionnel car
l’armée de l’air et de l’espace n’est
pas organisée et ne dispose pas des ressources
humaines en quantité et qualité pour assurer l’organisation et le suivi d’une prestation
d’une telle ampleur, dans de bonnes conditions tout en minimisant les possibles effets
d’éviction sur nos propres activ
ités ».
LA MISE EN ŒUVRE ACT
IVE DE LA POLITIQUE
D’EXPORTATION
ET L’ACCOMPAGNEMENT
DES CONTRATS PAR LA DGA ET LES ARMÉES
87
Le prix des prestations est
évalué sur la base d’un chiffrage intégrant
l’ensemble des coûts supportés par le m
inistère des armées (RH,
consommables, entretien, amortissement, prestations de soutien, etc.)
144
. Il est
à noter que les composants de la prestation sont facturés à prix coûtant, sans
marge.
Les armées estiment que, bien qu’elles
«
veillent à facturer l’int
égralité
des coûts réellement supportés […], elles sous
-évaluent parfois les coûts et
ressources nécessaires » ;
elles ne prennent pourtant pas, à la différence de la
DGA de marge de sécurité pour faire face à ces aléas, ce qui est regrettable
.
Par ailleur
s, les armées s’efforcent, quand cela est possible, d’optimiser
leurs déploiements et les actions de soutien pour minimiser la charge financière
supportée par les industriels, par exemple en faisant effectuer les
démonstrations aéronautiques par des avions basés à proximité ou en utilisant
une escale déjà prévue pour mener une opération collective de Soutex.
La facturation fait
néanmoins l’objet
d
’
« âpres discussions »
avec les
industriels tant au niveau des principes (par exemple quand le périmètre de
la part facturée, a augmenté en 2015 avec la prise en compte de la part
relative à l’entretien
programmé des matériels) que pour chaque dossier,
l’industr
iel faisant pression pour
« obtenir une diminution du coût des
prestations au motif de la préservation de la compétitivité »
. Le secteur
aéronautique a bénéficié à plusieurs reprises de décisions ministérielles
favorables en ce sens ; il en a été ainsi en 2017, lors des salons aéronautiques,
pour
la mise à disposition d’
aéronefs
qui n’a pas été fa
cturée.
Tableau n° 4 :
facturation du Soutex
par l’EMA (
en
M€
)
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
AAE
7,05
23,2
164,5
94,1
89,3
43,2
18,2
8,6
AdeT
1,08
1,9
0,6
3,9
2,6
1,7
0,6
0,2
Mar.
0,18
1,6
1,9
0,4
0,3
0,2
0,2
0,4
Total
8,31
26,7
167
93,4
92,3
45,1
19
9,2
Source : EMA
On relèvera la forte diminution des recettes
qui s’expliquent
non par
la diminution des prestations mais par le développement de la
« coopération » (contrat CaMo, accord avec la Croatie, etc.).
144
L’instruction interarmées
n° 15370/DEF/EMA/RI/NP du 2 avril 2013 a harmonisé les
méthodologies de traitement des demandes de Soutex et de calcul des coûts associés. Ils se
fondent pour les matériels et les consommables sur les grilles de coût par milieu élaborées
avec le concours des services spécialistes et, pour les ressources humaines, sur les coûts
moyens communiqués par la direction des affaires financières du ministère des armées.
COUR DES COMPTES
88
B -
La question des redevances
Outre la facturation des prestations réalisées au bénéfice des
industriels ou des pays clients et l’hypothétique réduction du prix des
équipements dès lors que des quantités significatives sont exportées, la
DGA est « intéressée »
aux performances à l’expo
rtation des industriels de
défense par le biais des redevances que ceux-ci peuvent devoir verser au
titre des marchés conclus avec la DGA pour développer et acheter des
équipements. Celles-
ci sont décrites à l’article 83 du cahier des clauses
administratives communes « armement » (le « CAC armement »)
145
.
Exigibles par l’État auprès des industriels, en cas de vente, de
location ou de concession à un tiers (en général, un État étranger) du droit
de reproduire des matériels ou des prestations identiques à ceux produits
pour le ministère des armées et dont ce dernier a financé les frais d’études,
de recherche et de développement, les redevances remboursent une partie
des coûts de développement et de réalisation des outillages de production
supportés par l’État. L
e principe des redevances est prévu dès la signature
des contrats d’armement
. Le ministre peut exceptionnellement décider que
le marché ne donnera pas lieu à redevance. Les montants de redevances
sont calculés en fonction d’une assiette, d’un taux (
2 % pour les redevances
d’études, de recherche et d’outillage) et d’un coefficient
de dérivation dont
les modalités figurent aux articles 79 et 83 du CAC Armement
146
.
Dans les faits, la difficulté des calculs, la volonté de certains
industriels de s’exonérer du ver
sement de ces redevances et la complexité
des relations entre la DGA et les industriels conduisent fréquemment à :
-
des manquements dans le respect des procédures (absence de saisine
de la DGA
dès la remise de l’offre quand l’exportateur estime que le
coefficient de dérivation est inférieur à 1 pour obtenir un « accord
préliminaire » ; retard dans la communication du montant prévisionnel
de la redevance, etc.) ;
-
des retards dans la fixation du montant de la redevance notamment en
raison de la difficulté à fixer les coefficients de dérivation ;
-
des exonérations partielles ou totales de redevances qui peuvent être
accordée sur décision ministérielle après que la DGA a analysé la
demande de l’industriel qui la justifie la plupart du temps par
les
efforts faits
sur l’ offre commerciale
147
;
145
Le CAC armement
est un document élaboré par la DGA, composé de clauses communes
s’appliquant à tous les marchés de défense ou de sécurité. Il est disponible en ligne sur le site
Ixarm, portail en ligne de la DGA. Ces clauses ont été élaborées en concertation avec le
Conseil des Industries de Défense Françaises (CIDEF. Approuvé par une décision
n° 4664/DEF/DGA/DO/SCA/PMC du 20 décembre 2013, il a été révisé en janvier 2022.
146
Cf. annexe n° 11 - Les redevances.
147
Le CAC armement ne prévoyait pas formellement la faculté d’acc
order des
exonérations totales ou partielles de redevances avant sa révision en 2022.
LA MISE EN ŒUVRE ACT
IVE DE LA POLITIQUE
D’EXPORTATION
ET L’ACCOMPAGNEMENT
DES CONTRATS PAR LA DGA ET LES ARMÉES
89
-
des litiges qui perdurent et un manque à gagner pour la DGA : ainsi
une redevance d’un montant de 16
M€
qui aurait dû être acquittée au
titre d’un contrat signé en 2015 n’a fait l’objet d’un titre de perception
qu’en décembre 2020 et l’entreprise, après une réclamation préalable,
l’a contesté
e devant le tribunal administratif ;
l’affaire était pendante
à la date de rédaction de ce rapport ; il en est de même pour des
redevances d’un montant de 154
M€
à
la fin de l’année 2021
148
liées
à des contrats conclus en 2015 et en 2016 pour lesquelles les titres de
perception n’ont été émis qu’en avril 2022 et qui seront très
certainement également contestés devant le juge administratif ;
-
de paiements tardifs :
les paiements d’une année sont
parfois liés à des
arriérés de plusieurs années.
Tableau n° 5 :
redevances perçues par la DGA (en
M€
)
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
8,7
17,3
34,2
15,7
19,9
15,3
26,4
Source : DGA
Le montant des redevances perçues paraît peu élevé, quand bien
même y ajouterait-on les sommes dues au titre des litiges mentionnés. Bien
qu’il soit difficile de rapprocher les redevances perçues des montants des
exportations (impossibilité de connaître les exportations pour lesquelles
des redevances étaient dues, étirement dans le temps
de l’exécution des
contrats si on se rapporte aux contrats conclus, etc.), ces montants
paraissent particulièrement faibles.
La
DGA n’a pas fait preuve de toutes les diligences qui pourraient
être attendues. Elle
a expliqué que les exportations avaient d’a
utres enjeux
que les
« quelques dizaines de millions que représentent les redevances »
en mettant en avant l’intérêt général des exportations pour la BITD, pour
« la
performance
économique
de
ces
entreprises
[qui]
réduit
mécaniquement les coûts de structure que doit supporter le budget de la
défense pour [la] maintenir
» et le
ur impact sur l’
emploi, les impôts, etc.
Si ces éléments sont indubitables, ils ne justifient pas l’absence d’une
gestion rigoureuse des « retours »
que l’État est en droit d’attendre.
148
170
M€ à la fin de l’année 2022.
COUR DES COMPTES
90
Qu’il s’agisse de la facturation des prestations des armées et de la
DGA ou des redevances, il n’
existe
pas de système d’information
permettant d’avoir une vision d’ensemble des concours accordés et des
aménagements dont ils ont éventuellement fait l’ob
jet.
A fortiori
, les appuis
du ministère de l’économie
, des finances et de la souveraineté industrielle
et numérique ne sont pas non plus disponibles pour construire cette vision.
L’absence de connaissance partagée de ces données est une source de
faiblesse dans les négociations avec les industriels. Il convient donc de
pallier cette insuffisance, ce qui peut être fait en mettant en œuvre un
mécanisme d’informations dans le cadre de l’instruction des demandes
d’assurance
-crédit
. Ainsi chaque demande d’assur
ance-crédit présentée en
commission des garanties et du crédit au commerce extérieur serait
accompagnée d’une fiche récapitulant l’ensemble des concours
, aides et
aménagements accordés aux entreprises au cours des dix dernières années
quelle
qu’en soit l’origine, ministère des armées
(appui aux contrats par la
DGA et l’EMA et exonérations éventuelles, état des redevances et
exonération) et ministère de l’économie (pro
cédures gérées par Bpifrance,
article 90, prêt du Trésor)
149
. Ce « tableau de bord »
permettrait d’avoir une
vision globale par industriel, par affaire et par pays, ce qui renforcerait les
capacités de négociation avec les industriels et donnerait une vue
d’ensemble des relations bilatérales en matière de contrats militaires.
149
Cf.
infra
, chapitre IV.
LA MISE EN ŒUVRE ACT
IVE DE LA POLITIQUE
D’EXPORTATION
ET L’ACCOMPAGNEMENT
DES CONTRATS PAR LA DGA ET LES ARMÉES
91
__________ CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS __________
Une politique très active de soutien à la prospection a été mise en œuvre,
principalement au bénéfice des PME. Elle n’est
toutefois pas dépourvue
d’ambigüités s’agissant de l’engagement des grands groupes à leurs côtés dans
le cadre des plans de portage qui devraient être davantage suivis.
L’effort majeur se fait néanmoins au bénéfice des grands groupes et
des grands contrats qui mobilisent un grand nombre d’acteurs tant à la
DGA que dans les armées. Il peut conduire à affecter les capacités
opérationnelles des armées et à des surcoûts importants du fait de retard
dans la livraison d’équipements sans que ses éléments ne soient évalués.
La facturation par la DGA et par les armées des prestations directes
qu’elles accomplissent au bén
éfice des exportations ne reflète que très
partiellement leur engagement et ce d’autant plus que certaines opérations
d’accompagnement ne donnent pas lieu à facturation car elles sont jugées
relever de la coopération. Quant aux redevances versées par les
i
ndustriels, elles restent d’autant plus modestes que les principaux
industriels contributeurs répugnent à les acquitter sans que le ministère
des armées mette tout en œuvre pour les établir et les recouvrer rapidement
et qu’ils bénéficient d’exemptions.
Le
s diverses administrations ne connaissent pas l’ensemble des
concours dont les entreprises bénéficient,
ce qui les met en position de
faiblesse face à leurs demandes.
En conséquence, la Cour formule les recommandations suivantes :
7.
établir pour les contrats conclus à partir de 2022 un bilan financier et
capacitaire de chacune des opérations de Soutex menées : coûts,
contreparties obtenues et objectifs de contreparties à obtenir
(ministère des armées) ;
8.
faire preuve de davantage de diligence
dans l’établissement et le
recouvrement des redevances dues par les industriels exportateurs
(ministère des armées).
Chapitre IV
Un important soutien financier
qui reste nécessaire
Aux côtés des actions menées par le ministère des armées, les exportations
de défense bénéficient d’un important soutien mis en œuvre p
ar le
ministère de
l’économie
, des finances et de la souveraineté industrielle et
numérique et son opérateur Bpifrance AE.
Tableau n° 6 :
c
oncours financiers pouvant être mis en œuvre
au bénéfice des exportations militaires et de sécurité
Développement /
industrialisation
Prospection
Négociation des contrats /offres
Exécution des contrats
Avance remboursable
ad hoc (Airbus)
Assurance-
prospection
Garantie
des préfinancements
et des cautions
Garantie du contrat
commercial
Article 90 (spécifique
matériel de guerre)
Aides DGA aux
salons
Garantie de
l’appel
abusif des cautions
Garantie du crédit
Aides à
l’investissement
Actions de Business
France
Garantie de change
Garantie des
investissements
Stabilisation de taux
Source : CGA/IGF, Cour des comptes
COUR DES COMPTES
94
I -
Les aides au développement,
à
l’investissement
et à la prospection
A -
La procédure de l’article 90
La procédure « article 90 » est un mécanisme de soutien financier
150
spécifique au secteur de la défense ayant pour objectif de permettre aux
entreprises de droit français exportatrices de réduire les risques liés à la fabrication
ou l’adaptation du matériel en vue de son exportation. L’industrialisation ou
l’adaptation des matériels doit avoir lieu en France. Toutes les entreprises y sont
éligibles. La priorité donnée aux PME ne conduit à aucun effet d’évicti
on, car la
situation financière du compte de commerce n° 904 («
Lancement de certains
matériels aéronautiques et de certains matériels d'armement complexes
») qui
supporte la procédure, présente un solde de trésorerie largement excédentaire.
Cette procédur
e repose sur un mécanisme d’avances remboursables
octroyées par la DG
Trésor sur avis favorable d’une commission
interministérielle, présidée par le SGDSN composée de représentants du
ministère de l’économie
, des finances et de la souveraineté industrielle et
numérique (DG Trésor et direction du budget) et du ministère des armées (DGA
et CGA) après instruction de la demande par la DGA-DI. Elle est gérée par
Natixis. Elle est peu utilisée en raison de son manque de visibilité et de ses règles
d’octroi et de
remboursement des avances. Ainsi le nombre des entreprises
bénéficiaires est passé de 46 à 32 (dont 21 PME). Depuis 2015, le nombre
d’entreprises ayant bénéficié de cette procédure chaque année a été
particulièrement faible (2 à 3), malgré un rebond en 2019 et en 2020 (5 puis
7 dossiers acceptés). Cette procédure constamment excédentaire pour les finances
de l’Etat
151
est très appréciée des PME ainsi que l’ont indiqué
les membres du
comité Richelieu
152
,
qui ont participé à l’enquête faite par la Cour et qui
avaient bénéficié de ces concours Elle a généré de beaux succès à
l’exportation
avec des ventes ayant, au cours de cette période, servi
d’assiette à des remboursements s’établissant à près de 835
M€
.
150
Créée par l'article 5 de la loi de finances rectificative pour 1963 (n° 63-1293 du 21
décembre 1963), modifié par l'article 90 de la loi de finances pour 1968 (n° 67-1114 du
21 décembre 1967). Elle n’est pas exclusivement réservée à l’exportation, même si
statistiquement la plupart des dossiers répondent à cette problématique.
151
À l’exception de l’année 2013, c
f. annexe n° 12
–
Les résultats financiers de la
procédure dite de l’article 90.
152
Le comité Richelieu regroupe 200 entreprises petites et moyennes innovantes du
secteur de la défense.
UN IMPORTANT SOUTIEN FINANCIER QUI RESTE NÉCESSAIRE
95
Pour la redynamiser, la DG Trésor a mis en place en décembre 2021
une réforme qui améliore à la fois l’accès à la procédure et les conditions
de remboursement dans un contexte où les banques sont de plus en plus
réticentes à financer les activités du secte
ur de l’armement
153
.
Cette réforme devrait permettre de donner un nouvel élan à cette
procédure. Toutefois, pour atteindre cet objectif, il est nécessaire de mieux
faire connaître la procédure et son évolution. Dans cet objectif, il serait
bienvenu d
’
en confier la gestion à Bpifrance
AE, ce qui aurait l’avantage
de la faire bénéficier de l’appui de ce réseau.
B -
Garanties et aides au développement, à la prospection
et à l’investissement portées par Bpifrance
Afin de soutenir les exportations et les investissemen
ts à l’étranger,
Bpifrance
AE met en œuvre pour le compte de l’État des aides au
développement et à la prospection qui peuvent être accompagnées de
concours propres à Bpifrance
. S’il est possible d’identifier les entreprises
du secteur militaire ayant eu r
ecours à ces instruments, ce n’est pas le cas
pour celles du secteur de la sécurité.
1 -
Les garanties des préfinancements et des cautions
Ces garanties ont pour objet de faciliter la mise en place de crédits de
préfinancement permettant à l’exportateur de
disposer de la trésorerie
nécessaire à la fabrication des biens commandés et/ou la mise en place des
cautions exigées par l’acheteur en garantie des acomptes versés, ou de la bonne
exécution du contrat. Elles s’adressent principalement aux PME et ETI. Dans
le cadre du plan de relance lié à la crise sanitaire, les conditions de cette
garantie ont été améliorées : les TPE, PME et ETI bénéficient d'une quotité
garantie pouvant aller jusqu'à 90 %, es entreprises dont le chiffre d'affaires est
supérieur à 1,5 Md
€
d'une quotité garantie pouvant aller jusqu'à 70 %.
Entre 2015 et 2021, entre 1 et 6 entreprises du secteur militaire
154
ont bénéficié chaque année d’une garantie des préfinancements. S’agissant
de la garantie de cautions entre 2015 et 2019, une vingtaine d
’entreprises
du secteur militaire en a bénéficié.
153
Cf.
infra
.
154
Les données statistiques ne portent malheureusement, pour cette donnée comme
pour les autres, que sur les entreprises relevant du secteur de la défense et des matériels
de guerre car c’est la seule nomenclature discriminante.
COUR DES COMPTES
96
2 -
Une faible utilisation de l’assurance
-prospection
Cette procédure destinée à couvrir les dépenses de prospection engagées
par les entreprises à hauteur de 65 % du budget programmé, moyennant une
prime de 3 % de cette somme est réservée aux entreprises productrices de biens
et de services qui réalisent un chiffre d’affaires inférieur à 500
M€. L’avance
versée est remboursable proportionnellement au chiffre d’affaires à
l’exportation réalisé dans les pays con
cernés par la démarche de prospection
c
ouverte. En cas d’échec, seul un
remboursement forfaitaire est exigé.
Bien que l’assurance
-prospection soit ouverte aux entreprises petites
et moyennes du secteur de la défense depuis 1985, peu d’entre elles y ont
recours. À
la fin de l’exercice 2021
les entreprises de ce secteur ne
représentent que 0,2 % du nombre total des dossiers acceptés et 1,1 % de
l’encours. Il faut toutefois observer que, ramené au stock des entreprises
exportatrices, la proportion d’entreprise
s du secteur militaire ayant utilisé
cet outil au cours des cinq dernières années est à peu près identique à celle
de tous les secteurs confondus, de l’ordre de 6
%.
On notera également que les entreprises des secteurs de la défense
et de la sécurité ont peu recours aux volontaires internationaux en
entreprises, puisque ceux-
ci ne sont que 22 œuvrant dans ces domaines sur
un total de 8 836 et que seules neuf entreprises sur 1 664 entreprises
bénéficiaires relèvent de ces secteurs.
3 -
Des outils de soutien à l’
investissement mal connus
Bien que les exigences relatives aux «
offsets »
conduisent un grand
nombre d’entreprises du secteur de la défense à réaliser des investissements à
l’étranger, aucune n’a eu recours ni à la garantie des investissements à l’étrang
er
qui couvre le risque politique, les risques de non-
transfert, d’expropriation, de
violence politiques, ni à la garantie des projets à l’international. La
méconnaissance de la garantie des investissements à l’étranger est
particulièrement regrettable alors que les investissements dans le secteur de la
défense sont particulièrement vulnérables aux aléas politiques comme on a pu
le constater avec la dénonciation du contrat relatif aux sous-marins australiens.
Les entreprises des secteurs de la défense et de
la sécurité n’utilisent pas
les nouveaux outils mis en place
pour soutenir l’investissement à l’étranger
155
.
155
Ce rapport ne traite pas des concours qui peuvent être apportés en fonds propres ou quasi
fonds propres aux entreprises du secteur de la défense pour développer leurs investissements,
en particulier Définvest et le fonds Innovation Défense gérés par Bpifrance.
UN IMPORTANT SOUTIEN FINANCIER QUI RESTE NÉCESSAIRE
97
Elles semblent ainsi méconnaître la possibilité pour les PME
156
et
ETI
157
de bénéficier du prêt croissance internationale de Bpifrance qui
permet de fin
ancer les investissements à l’étranger ou les besoins en fonds
de roulement qui résultent de la croissance à l’international.
De même, elles n’ont pas recours au fonds
Build up international
158
géré
par Bpifrance. Créé dans le cadre du Programme d’Investissement d’Avenir
(PIA 3) et doté de 200
M€
, ce fonds est destiné à soutenir des opérations
internationales de croissance externe des PME. À la fin de l’année 2020, le
comité en charge de sélecti
onner les projets avait examiné plus d’une centaine
de dossiers mais aucun ne concernait le secteur de la défense ou de la sécurité
159
.
Les entreprises du secteur de la défense et de la sécurité sont peu
utilisatrices d’un grand nombre des outils que la puis
sance publique a mis en
place pour accompagner le développement à l’international et sécuriser les
investissements. Elles utilisent peu, voire pas du tout, ces dispositifs nombreux
qu’il conviendrait de mieux faire connaître aux ETI et PME de ces secteurs
.
II -
La politique de financement des exportations
Les entreprises du secteur de la défense ont accès sans restriction
aux différentes garanties au titre de l’assurance
-crédit délivrées par BPI
France-AE. Elles concernent :
-
l’appel abusif et/ ou le blocage des
cautions
160
; on notera à ce titre
que, depuis 2020, Bpifrance AE garantit les cautions d’
«
offsets
» ;
-
le risque de non-
paiement, du fait d’un sinistre commercial privé
(carence ou insolvabilité du débiteur) ou d’un sinistre politique
;
156
Entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur ou égal à 50
M€
, qui ont moins de
250 salariés et qui sont indépendantes (non détenues à plus de 25 % par une ou plusieurs
entités qui ne sont pas des PME).
157
Entreprise ou groupes d'entreprises employant moins de 5 000 personnes et réalisant
un chiffre d'affaires inférieur à 1,5
Md€
.
158
Ce fonds a été souscrit par le secrétariat général p
our l’
investissement dans le cadre
du
programme d’investissements d’avenir
et géré par Bpifrance.
159
Proparco, la filiale de l’Agence Française de Développement, peut aussi intervenir
aux côtés des entreprises qui souhaitent créer des entreprises conjointes en partenariat
local dans un grand nombre de pays (y compris de grands émergents comme l’Inde ou
le Brésil) mais, compte tenu de son champ sectoriel d’intervention, son concours ne
pourrait bén
éficier qu’à un petit nombre d’entreprises du secteur de la sécurité
(technologies duales ou à la marge du secteur de la défense et de la sécurité).
160
Y compris les cautions d’«
offset
» : Les obligations d'«
offset
» peuvent également
s'accompagner de pénalités d'«
offset
» en cas de non-respect des engagements par
l'industriel et de cautions d'«
offset
», afin de sécuriser le paiement d'une éventuelle
pénalité d'«
offset
». Bpifrance AE peut, à la demande de l'assuré, inclure dans le
périmètre de la garantie ces cautions et pénalités d'«
offset
» (l'État garantit alors l'appel
abusif par le client étranger de ces cautions et pénalités).
COUR DES COMPTES
98
-
le risque d’interru
ption du contrat ;
-
le risque de non-remboursement des crédits quand le contrat fait
l’objet d’un crédit fournisseur ou d’un crédit
-acheteur.
Les garanties laissent à la charge de l’entreprise (en cas
d’interruption de contrat
« sinistre en risque de fabrication ») ou de la
banque (crédit-acheteur) un risque résiduel de 5 % (quotité non garantie).
Après une instruction menée par la DG Trésor avec Bpifrance AE et
l’appui des services économiques des ambassades les décisions sont prises par le
directeur
général du Trésor, par délégation du ministre de l’économie
, des
finances et de la souveraineté industrielle et numérique, à la suite de la réunion
de la commission des garanties et du crédit au commerce extérieur. La formation
qui examine les contrats militaires est spécifique. Ces garanties sont délivrées par
Bpifrance AE pour le compte de l’État et ne peuvent entrer en vigueur, s’agissant
de matériel militaire, tout comme pour les
biens à double usage, qu’après que les
autorités compétentes ont délivré l
es licences d’exportation.
S’agissant des garanties des crédits
-acheteurs, les dossiers étaient,
entre le dépôt de la demande de garantie et la décision de la commission
des garanties, traités dans un délai moyen de 64 jours (47 en 2017).
A -
Le cadrage général de la politique de financement
des exportations
1 -
Une appréciation des risques encadrée
par des disciplines internationales
La possibilité de garantir des contrats dépend, outre leurs
caractéristiques propres, de la politique générale de financement des
exportations que la DG Trésor révise tous les ans. Dans ce cadre, un encours
maximum de risque est fixé. Il se double d’un plafond d’encours par grandes
régions qui se décline par pays. Les pays sont classés en quatre catégories en
fonction de leur situation économique et politique : pays dits ouverts, pays
« ouverts avec vigilance, pays ouverts sous conditions, pays fermés ». Aux
pays ouverts avec vigilance correspondent des
plafonds d’assurance
-crédit
(confidentiels)
, c’est
-à-dire des encours maxima qui peuvent être garantis,
exprimés en pourcentage de leur produit national brut. Pour les pays ouverts
sous condition, la prise en garantie n’est possible, la plupart du temps que
grâce à la neutralisation du risque pays
–
grâce notamment à la mise en place
de comptes séquestres
off-shore
–
ou à la mise en place de cofinancements
multilatéraux qui peuvent être sécurisés ;
c’est notamment le cas pour
plusieurs pays d’Afrique ou du Moyen
-Orient.
UN IMPORTANT SOUTIEN FINANCIER QUI RESTE NÉCESSAIRE
99
La politique de financement des exportations
–
dont les orientations
sont assez prévisibles puisqu’elle résulte de l’analyse de l’évolution politique
et macro-économique du pays
–
est bien intégrée par les banques et les
industriels auxquels elle est présentée chaque année dans le cadre de la journée
« Bercy France export »
. Elle s’applique indifféremment à tous les secteurs,
tout en distinguant les risques souverains et non souverains. Elle ne semble pas
avoir fait obstacle au financement des exportations dans le domaine militaire.
Pour éviter que les politiqu
es d’assurance
-crédit ne faussent la
concurrence, les pays membres de l’OCDE ont conclu en 1978 un
Arrangement (
gentlemen's agreement
) relatif aux crédits à l’exportation
bénéficiant d’un soutien public
. Il
n’est juridiquement contraignant que pour
les pay
s membres de l’UE
161
, mais il engage néanmoins les participants
(Australie, Canada, Union européenne, Corée du Sud, États-Unis, Norvège,
Japon, Nouvelle-
Zélande et Suisse). L’Arrangement concerne les délais de
remboursement, les taux de primes (déterminés en fonction de la situation
politico-économique des pays ainsi que de la notation du débiteur ou du
projet), les taux d'intérêt minimum, les conditions d’utilisation de l’aide liée,
la durée des crédits, etc. Dans le cadre de cet Arrangement, les participants
ont des échanges réguliers qui permettent de connaître les conditions de crédit
offertes par les différentes agences. Toutefois, ces disciplines ne concernent
pas le secteur militaire qui en est explicitement exclu.
2 -
La concurrence dans le secteur de la défense
La politique de crédit dans le domaine militaire ne donne donc pas lieu
à concertation à l’OCDE
; aussi, la DG Trésor ne dispose-t-
elle pas d’une
vision précise d’ensemble des conditions offertes en matière de financement et
de garanties des contrats relatifs au secteur militaire par nos principaux
concurrents. Il est certain que la limitation du nombre des participants à
l’Arrangement en circonscrit le champ d’application et que les pays non
-
membres de l’OCDE proposent des conditions beaucoup plus f
avorables :
ainsi, la concurrence des pays non membres (Chine
162
, Turquie, etc.) est déjà
avérée dans le domaine du matériel terrestre, en particulier en Afrique
163
.
S’agissant des pays membres, il semble qu’alors que la France applique
au secteur de la défens
e les règles générales de l’Arrangement de l’OCDE,
certains États de l’UE auraient plus de flexibilité. Ainsi, selon certains
industriels, l’Italie serait, avec SACE, sa filiale SIMEST et la
Cassa Depositi e
Prestiti
qui peut intervenir directement comme préteur, le pays membre de
l’Arrangement de l’OCDE qui est en mesure d’accorder des conditions
financières, notamment en matière de taux d’intérêts, très avantageuses par
161
Règlement n° 1233/2011 du Parlement européen et du Conseil.
162
La Chine proposerait notamment des conditions très dérogatoires en matière de durée des crédits.
163
La Chine a tenu en juin 2018 un forum sino-africain sur la défense et la sécurité à Pékin.
COUR DES COMPTES
100
rapport aux pratiques de l’OCDE en offrant des
taux stabilisés inférieurs aux
taux d’intérêt commerciaux de référence
(TICR)
164
. Ces conditions auraient
notamment contribué à la perte de deux affaires au Qatar.
Il faut néanmoins observer que, lorsque la probabilité que la
concurrence offre de meilleures conditions est forte, les conditions
proposées peuvent être améliorées. Dans la plupart des grands contrats,
l’approche se fait au cas par cas dans le cadre de discussions avec
l’acheteur (la DG Trésor accompagne fréquemment la DGA
-DI) ou avec
son garant (entretiens avec les ministères des finances des pays clients).
La question de la durée de remboursement des crédits, est jugée
déterminante par certains exportateurs. Or, il semble que les durées
appliquées au secteur militaire soient inférieures à celles
d’usage dans le
domaine civil où des durées de crédit allant jusqu’à dix ans peuvent être
accordées aux pays de catégorie 2
165
, voire davantage au titre des
arrangements sectoriels de l’OCDE (douze ans pour les navires civils
et
douze ans, voire quinze ans,
pour les aéronefs civils neufs). L’impact de
l’allongement de la durée de remboursement des crédits dans le domaine
militaire sur la gestion des plafonds d’assurance
-crédit ne paraît pas devoir
être différent de celui du secteur civil où les durées d’exéc
ution des contrats
sont également très longues. La durée de remboursement des crédits dans le
domaine militaire pourrait donc être allongée
en s’alignant, comme pour les
autres paramètres, sur les lignes directrices relative au secteur civil de
l’OCDE. La
DG
Trésor a d’ailleurs indiqué que
plusieurs contrats
stratégiques avaient béné
ficié d’un tel allongement
au cours de l’année 2021.
Les exportations de matériels d’armement et de sécurité peuvent
également bénéficier de prêts directs du Trésor
166
dont l’enveloppe atteint
1
Md€
en 2021. Ces prêts d’une durée de dix ans couvrant jusqu'à 8
5 % du
montant du contrat d'exportation donnent accès à des conditions
avantageuses (TICR, faible commission, absence de frais bancaires) et
confèrent à la transaction un caractère intergouvernemental. Deux affaires
dans le domaine de la sécurité ont pu en bénéficier.
164
Les TICR sont les taux fixes d’intérêt minimum, appliqués aux crédits à l'exportation
bénéficiant d'un soutien public. Les TICR sont fixés mensuellement le 15 de chaque mois.
Ils varient selon les monnaies et les durées des crédits. À
titre d’exemple le taux pour l’euro
était de 1,75 % pour une durée de crédit supérieure à 8,5 ans pour la période de 15/05 à 15/06
2022 et de 1,85 % pour le mois suivant. Pour mémoire, il était de 1,01 %
au début de l’année
2019. Les TICR doivent être majorés d’une prime de 0,2
% en cas de fixation au moment de
l’offre. Les taux d’intérêt ne peuvent être fixés pour une durée supérieure à 120
jours.
165
Concernant la durée des crédits, l’OCDE classe les pays en deux catégories. Pour la
catégorie 1 (les pays de l’OCDE à haut revenu, définis par la Banque mondiale sur une
base annuelle d’après le
revenu national brut par habitant), la durée maximale générale
est de huit ans et demi.
166
Cette enveloppe sert à la fois à financer des prêts concessionnels (comportant un
élément-don de 35 %) et des prêts non concessionnels (prêts directs du Trésor).
UN IMPORTANT SOUTIEN FINANCIER QUI RESTE NÉCESSAIRE
101
B -
Une mise en œuvre dépendant de l’appétit
des banques à financer les exportations
1 -
Des mécanismes complémentaires pour faciliter la mise
en
œuvre de la politique d’assurance
-crédit
En 2013, les difficultés de la politique d’assurance
-crédit liées au
manque de liquidités des banques ont conduit le ministère de l’économie
,
des finances et de la souveraineté industrielle et numérique à confier à
l’IGF un rapp
ort
167
sur le dispositif de financement public à l’exportation.
À la suite de ce rapport, pour contribuer à l’amélioration de la compétitivité
à l’exportation des entreprises, la France s’est dotée en mai 2015 d’un
mécanisme de refinancement des contrats de
crédits à l’exportation assurés
par Bpifrance
AE d’un montant supérieur à 70
M€
qui, du fait de leur
montant et de leur durée, étaient difficiles voire totalement impossibles à
refinancer par le bilan des banques commerciales. Cette mission a été
confiée à la Sfil. Le secteur de la défense correspond à une part importante
de ces crédits transférés
puisqu’ave
c un encours de 2
Md€
, il représentait
25 %
de l’activité à l’export de
la Sfil en 2020.
Par ailleurs, pour faire face aux carences du marché pour la mise en
place des crédits à l’exportation pour les PME,
Bpifrance a été autorisée à
mettre en place des crédits à l’exportation pour des montants relativement
modestes compris entre 5 et 25
M€
qu
and elle intervient seule et jusqu’à
75
M€
(part Bpifrance) quand elle est en cofinancement.
2 -
Face aux difficultés bancaires qui devraient croître
dans
l’avenir
, une nouvelle réflexion doit être engagée
Les groupements professionnels ont fait état des difficultés pour
obtenir des financements auprès des banques. Le financement des
exportations de matériel militaire, voire plus généralement le financement
du secteur militaire, se trouve confronté à la montée en puissance des
critiques des organisations non gouvernementales, qui contestent les
exportations de défense, et des fonds d’actionnariat revendiquant des règles
éthiques, à la prise en compte des objectifs de responsabilité sociale et
environnementale, au renforcement des législations relatives à la
corruption, et au risque général de réputation
168
.
167
Le dispositif de financement public à l’exporta
tion, IGF, Pierre Hanotaux, David
Krieff, Guillaume Vanderheyden, décembre 2013.
168
Cf.
supra,
chapitre II.
COUR DES COMPTES
102
Par ailleurs, les banques sont particulièrement attentives aux risques liés
à la mise en œuvre des procédures de l’
Office of foreign assets control
(Ofac)
du département du Trésor américain chargé de lutter contre le non-respect des
embargos, la corruption
169
, le blanchiment, le financement du terrorisme et,
plus généralement, toutes les activités nuisibles à la sécurité nationale, la
politique étrangère ou l'économie des États-
Unis. L’
Ofac peut infliger aux
contre
venants des interdictions d’accès au territoire américain, des sanctions
financières, des interdictions d’exercice sur le territoire américain, voire des
peines de prison. L’
Ofac applique ces procédures aux « ressortissants
américains » définis de manière
extensive, puisqu’est considéré comme tel
toute entreprise étrangère ayant une succursale ou toute autre présence aux
États-Unis ;
l’
Ofac use aussi de sanctions dites secondaires pour toutes les
transactions faites en dollars. Les sanctions peuvent aller j
usqu’au retrait de
leur licence bancaire aux États-Unis. Ces menaces conduisent les banques
françaises à appliquer
de facto
la réglementation américaine.
Dans ce cadre, les banques portent en outre une attention particulière
au secteur de la défense et les
règles qu’elles lui appliquent sont renforcées
en raison des risques spécifiques qu’il présente
: risque de détournement des
armes, risques de corruption et de blanchiment de capitaux «
du fait que le
commerce international des armes [y] est particulièrement sensible
»
170
,
risques liés au financement des régimes dictatoriaux ou corrompus et des
groupes terroristes
171
.
En général, ces politiques s’appliquent aux armes, aux
équipements militaires et à double usage, aux équipements de répression
inte
rne ainsi qu’aux équipements de sécurité et de police. Les banques
interrogées ont indiqué que l’examen d’un dossier relevant du secteur
militaire et de la sécurité était toujours approfondi et que les services de
conformité (
compliance
) étaient systématiquement consultés. En raison de
ces risques, certaines banques européennes (HSBC, Deutsche Bank par
exemple) se sont d’ailleurs déjà retirées du financement des opérations liées
au secteur de la défense. Selon une des banques rencontrées, il ne resterait
pl
us au niveau mondial, en dehors des acteurs publics, qu’une dizaine de
banques actives en crédit-acheteur pour le secteur militaire et le financement
des opérations
d’exportation vers certains pays serait devenu très difficile
voire quasiment impossible (l
es industriels ont cité l’Arabie Saoudite, les
EAU, l’Ouzbékistan, l’Ukraine et l’Irak
172
).
169
L’
Ofac est notamment chargé de l'application des sanctions dans le domaine
financier, dans le cadre du
Foreign Corrupt Pratices Act
de 1977.
170
Source : BNP Paribas.
171
Ils indiquent également qu’ils mettent en œuvre des mécanismes de vigilance
renforcée, afin
d’«
assurer autant que possible la traçabilité des paiements, la
transparence des intermédiaires commerciaux et bancaires, la connaissance de
l
’origine et de la destination des biens ainsi que des utilisateurs finaux et la cohérence
des prix et des montants des rétributions de médiation commerciale. » (ibid.).
172
Situation constatée avant l’invasion russe de l’Ukraine.
UN IMPORTANT SOUTIEN FINANCIER QUI RESTE NÉCESSAIRE
103
La situation devrait continuer à évoluer négativement dans les
années qui viennent car il est fort probable que, à la demande des ONG, de
nouveaux critères soient introduits, notamment en matière de respect des
droits de l’Homme, conduisant à un durcissement des règles.
Les
réglementations européennes concernant la taxonomie et l’
écolabel
européen
173
sont également des sources d’i
nquiétude.
S’agissant des grands groupes, il ne semble pas à ce stade, qu’en
dehors de certaines destinations très spécifiques, ils aient connu des
difficultés majeures. Il convient cependant de noter que le rétrécissement de
l’offre bancaire peut conduir
e à certaines tensions, car le financement de gros
contrats repose sur un nombre d’autant plus petit de banques que certains
grands groupes ne souhaitent pas, pour des raisons stratégiques, que des
banques étrangères participent aux pools bancaires et que cette participation
peut être problématique au regard des règles du « secret défense ».
En revanche, la situation paraît déjà plus difficile pour les
entreprises plus petites. Le Gicat a relevé quelques exemples de refus de
financement du développement de
start-ups
et de petites entreprises et un
refus de financement des exportations
174
. Le comité Richelieu a fait état de
difficultés pour 90 % de ses membres, liées à des destinations et/ou à des
acheteurs : les banques seraient très restrictives sur les acheteurs privés
auxquels les PME qui vendent des composants ont souvent affaire. Les
banques interrogées
ont estimé que, s’il y avait des difficultés, elles
résultaient moins de la taille des entreprises que de leur situation
financière
175
, des destinations des exportations, de leur acheteur ou de leur
actionnariat. Elles ont souligné que les PME n’offraient pas les mêmes
garanties que les grands groupes, car elles n’étaient pas en mesure de
mettre en place des politiques de conformité robustes
176
.
Certaines ont évoqué les coûts fixes
que représente l’examen
approfondi des dossiers du secteur en estimant que les marges bancaires
fixes financées dans le cadre de la stabilisation au TICR
177
ne permettaient
pas de les supporter dans le cas des petits dossiers.
L’analyse du
portefeuille de Bpifrance AE montre que les dossiers inférieurs à 20
M€
173
Cf.
supra
, chapitre II.
174
«
Une PME française développe et produit des piles et générateurs d’électricité pour
les marchés de l’aéronautique, du spatial et de la défense. Elle exporte depuis de
nombreuses années, notamment en Asie,
via
des licences d’exportations délivrées par
la C
IEEMG. Récemment, la banque de cette société a informé qu’elle allait revoir son
portefeuille de clients sur des critères de « compliance » dont le secteur « Défense »
pose un problème, notamment pour des financements à l’exportation.
» (Note du Gicat
à la
présidente de la commisison de la défense de l’Assemblée nationale, 2018).
175
La DG Trésor a aussi développé cet argumentaire dans le cadre de la contradiction.
176
La prise en compte des dépenses pour améliorer cette situation dans le cadre de
l’article 90
(cf.
supra
) pourrait permettre d’améliorer cette situation
.
177
Cf.
supra
.
COUR DES COMPTES
104
correspondant à des contrats signés par des PME depuis 2015 sont
effectivement très peu nombreux (deux contrats en vigueur, un contrat en
négociation). Bpifrance
AE a estimé qu’en
-deçà de 25 à 30
M€
, le montage
d’un dossier d’assurance
-
crédit n’était pas rentable pour les établissements
bancaires. En outre les PME ne représentent pas, à la différence des grandes
entreprises, un in
térêt de clientèle tel qu’il conduise à passer outre
ce coût.
Dans le contexte des négociations européennes sur la taxonomie, le
ministre de l’économie
, des finances et de la souveraineté industrielle et
numérique ainsi que la ministre des armées ont demandé au conseil général de
l’économie e
t
au conseil général de l’armement de réaliser une mission sur
« le financement de la base industrielle et technologique de défense au défi de la
finance durable »
qui a rendu ses conclusions le 28 mars 2022. S’agissant
de la
question spécifique du financement des exportations, la mission préconise une
harmonisation des demandes des établissements bancaires, une meilleure
connaissance des exigences de la CIEEMG lors de la délivrance des
autorisations d’exportation dans l’espoir que les banques allégeront leurs
contrôles de conformité, une meilleure concertation entre la fédération bancaire
française, les établissements bancaires et les organisations professionnelles. La
Cour relève que Bpi
france n’a pas été entendue par
les auteurs du rapport. Elle
doute que les mesures citées soient de nature à modifier substantiellement les
exigences des banques dont la responsabilité en la matière ne saurait se déléguer.
Il est donc fort à craindre que la situation perdure. Il conviendrait en
conséquence
d’envisager dès maintenant la possibilité d’aménager les outils
existants (plafond d’intervention de B
pifrance, prêts du Trésor) pour appuyer les
PME. On notera que, confronté aux difficultés de financement des PME lors de
la crise financière, le
UK export finance
avait mis en place un dispositif de prêt
direct doté de 1,5 Md£ pour les petits et moyens contrats de 5 à 50 M£
fonctionnant sur le principe du « premier servi » au bénéfice des entreprises
ayant essuyé deux refus auprès d’une banque opérant à l’exportation
178
.
Par ailleurs, les grands contrats ne peuvent masquer une certaine
érosion des flux plus modestes qui constituent le socle récurrent des
exportations. Cette situation ainsi que le souhait des pays partenaires d’inscrire
les relations dans le domaine de la sécurité extérieure et intérieure dans des
relations interétatiques pourrait être corrigé par la mise en place de ligne de
crédits interétatiques au bénéfice des PME et ETI de ces secteurs. Ces lignes
de crédit devraient, no
n pas répondre à des objectifs politiques comme l’outil
mis en place au bénéfice de l’Irak
179
qui n’a pour le moment pas été tirée en
raison de la nature des risques courus, mais avoir comme but de créer des
courants d’affaires pérennes vers les pays cibles
identifiés dans la stratégie à
l’exportation définie en amont
180
. De tels instruments ont pu exister dans le
passé. Les entreprises y auraient accès selon le principe du « premier servi ».
178
In rapport IGF déjà cité.
179
Ligne de financement pluriannuelle (2019-2022).
180
Cf.
supra
, chapitre I.
UN IMPORTANT SOUTIEN FINANCIER QUI RESTE NÉCESSAIRE
105
À plus long terme, les grandes entreprises pourraient être
confrontées aux mêmes difficultés. Dans la même logique que celle qui a
prévalu à l’extension des compétences de
la Sfil et de Bpifrance, il convient
donc d’examiner comment, en cas de défaillance
éventuelle du marché, en
particulier des opérateurs bancaires français, Bpifrance
(avec l’éventuel
soutien de la Sfil en refinancement) ou la Caisse des dépôts et
consignations, pourraient intervenir pour financer les grands contrats.
C -
Un portefeuille très concentré et risqué
1 -
Le secteur militaire, une part importante des garanties délivrées
La commission des garanties et du crédit au commerce extérieur a,
au cours des exercices 2015-2021, examiné 205 demandes relevant du
secteur militaire, et 167 ont obtenu un accord. Le flux annuel de demandes
a varié de 20 à 39 et le nombre de dossiers accepté de 19 à 27.
Les garanties délivrées peuvent couvrir soit le risque de crédit, soit
le risque d’interruption du contrat en cours de fabrication
, soit les deux.
Quand une opération bénéf
icie des deux types de garantie, elle n’est
comptabilisée qu’une fois pour le montant le plus élevé. L
es opérations à
crédit ont représenté 53,3 % des opérations garanties avec une forte
tendance à l’augmentation de leur proportion au cours de l’exercice 2
019.
La part du militaire dans le stock de crédits garantis qui était
inférieure au quart de l’encours de
Bpifrance AE au début de la décennie
2010 atteint à la fin de l’exercice 2021
près de 29 %, loin cependant du pic
de 2017 où elle frôlait les 38 %. Il faut cependant noter que plusieurs
contrats militaires importants sont entrés en vigueur ou ont été conclus à la
fin de l’année 2021 et que, s’ils ont fait l’objet de promesses de garantie,
celles-
ci n’étaient pas encore entrées en vigueur
au moment de la rédaction
de ce rapport. La tendance devrait donc être à la croissance car il est
probable que les difficultés économiques conduisent les acheteurs à avoir
davantage recours au crédit pour acheter des équipements de défense. De
même, la situation très fav
orable en matière de taux d’intérêt
qui rendait
les crédits acheteurs beaucoup plus onéreux que le financement par la dette
souveraine
181
s’est détériorée
. L
’écart entre les conditions proposées en
matière de risque de crédit et le taux de l’endettement sur
le marché
s’est
réduit, rendant les garanties des crédits acheteurs plus attractives.
181
Ce
qui a, par exemple, permis à la Grèce d’acheter les avions Rafale au comptan
t,
quand le taux des obligations assimilables du Trésor de la Grèce à dix ans était inférieur
à 1% -taux constaté entre janvier et fin octobre 2021 sur le site
Trading economics-
alors qu’un crédit acheteur lui aurait coûté beaucoup plus cher
.
COUR DES COMPTES
106
Graphique n° 2 :
volume et part du secteur militaire dans le stock
d’encours total
de Bpifrance
Source : DG Trésor
2 -
Un encours fortement concentré et relativement risqué
L’encours du portefeuille d’assurance
-crédit de Bpifrance AE est
très concentré puisque dix pays représentent 92 %
de la totalité de l’
encours
militaire.
La comparaison de la liste des principaux pays avec lesquels les
entreprises françaises ont conclu des contrats importants au cours de la décennie
2011-2020 et au cours de l
’
année 2021, avec la « classification des risques pays
des participants
à
l
’
Arrangement sur les crédits
à
l'exportation bénéficiant d'un
soutien public », est éloquente. En effet, cette classification qui range les États
en sept catégories allant de 1 (non classé ; meilleur risque) à 7 (plus mauvais
risque)
182
, montre que les cinq pays avec lesquels les commandes plus
importantes ont été conclues (47
Md€
sur un total de de 56,34
Md€
soit 78 %)
relèvent majoritairement des catégories 2 et 3 à l’exception de l’Égypte classé
en catégorie 5. Il est raisonnable de penser que le portefeuille de Bpifrance AE
reflète ces prises de commande. Les principaux contrats conclus en 2021 et au
début de l’anné
e 2022 confirment cette tendance.
182
Ce classement public est disponible sur le site de l’OCDE. Les pays dits à haut
revenu membres de l’OCDE ou de la zone euro sont dits non classés et bénéficient des
primes les plus faibles. À titre d’exemple on trouve dans la catégorie 2 les EAU et la
Chin
e, dans la 3 l’Inde et l’Indonésie, dans la 4 la Colombie et l’Azerbaïdjan, dans la 5
le Brésil et l’Égypte, dans la 6 la Bolivie et le Cameroun, dans la 7 l’Irak et l’Argentine.
UN IMPORTANT SOUTIEN FINANCIER QUI RESTE NÉCESSAIRE
107
Tableau n° 7 :
classification OCDE des pays acheteurs de matériel français
(prises de commandes 2011-2020)
Pays
Total des prises
de commande 2011-2020
Catégorie OCDE
Inde
13 003
3
Qatar
11 106
3
Arabie Saoudite
10 498
2
Égypte
7 711
5
Émirats Arabes Unis
4 682
2
Belgique
3192
Non classée
États-Unis
2 589
Non classée
Singapour
1 957
Non classée
Koweït
1750
2
Corée du sud
1 672
Non classée
Royaume-Uni
1 410
Non classée
Russie
1 380
4 puis 7 à partir de 2022
Malaisie
1 369
2
Maroc
1 363
3
Australie
1 335
Non classée
Brésil
1 237
5
Chine
1 153
2
Source : Cour des comptes
Tableau n° 8 :
classification OCDE des pays acheteurs de matériel français
(principaux contrats annoncés en 2021 et au début de
l’exercice 2022
)
Pays
Catégorie OCDE
Grèce
Non classée
Croatie
4
Émirats Arabes Unis
2
Indonésie
3
Égypte
5
Source : Cour des comptes
Le portefeuille militaire de Bpifrance AE peut donc être, au regard du
risque pays, estimé de qualité moyenne. Un rééquilibrage au profit de pays plus
solvables nécessiterait pour rendre les garanties plus attractives une révision des
taux de prime d’assurance qui leur sont appliqués car elles renchérissent de
manière très importante le coût des crédits. La direction générale du Trésor ne
compte pas s’engager dans cette voie et indique appliquer en la matière, comme
pour les autres paramètres, les règles de l’Arrangement de l’OCDE. Elle estime
COUR DES COMPTES
108
d’autre part que la vocation de l’assureur
-crédit public est de répondre à une faille
du marché et qu’il n’est donc pas pertinent qu’il propose des solutions que le
marché serait à même de garantir. Il semble toutefois que les sociétés privées
d’assurance
-
crédit n’assurent pas y compris pour les pays de l’O
CDE les risques
pour des durées aussi longues que celles qui concernent les équipements militaires
(le cumul fabrication et crédit peut conduire à des durées supérieures à 15 ans).
L’exemple récent de la dénonciation du contrat des sous
-marins montre par
a
illeurs que la conclusion des contrats avec les pays de l’OCDE n’est pas sans
risque.
L’amélioration de
la qualité du portefeuille pourrait donc être recherchée
par une politique de tarification des primes qui
n’exclut pas les meilleurs risques.
La majeure partie des affaires prises en garantie au cours de la
dernière décennie ont bénéficié à une poignée de grands groupes. Quelques
entreprises petites et moyennes parviennent néanmoins à exister à la grande
exportation, en particulier dans le domaine naval et dans celui des systèmes
d’information et de communication
(SIC). La faiblesse de ce nombre
d’affaires peut être mise en relation avec la disparition des contrats de taille
moyenne et petite, signalée dans l’analyse des flux commerciaux et souli
gnée
par les fédérations professionnelles
183
. Ce constat devrait conduire à une
analyse plus fine des enjeux industriels et commerciaux par pays permettant
d’envisager la mise en place de lignes de crédit pour certains pays cibles dont
les conditions de solvabilité sont bonnes, au bénéfice des PME.
3 -
Les sinistres et menaces de sinistre
Bpifrance AE peut être amené à indemniser les banques (ou les
entreprises en cas de crédits fournisseurs) dont les crédits ne sont pas
remboursés ou les entreprises en cas de sinistre en cours de fabrication. Le
« résultat technique »
annuel de l’assurance
-crédit est une situation de
caisse. Sont portées au crédit les primes perçues sur les nouveaux contrats
garantis et les récupérations enregistrées sur des contrats dont les échéances
ont été rééchelonnées (notamment dans le cadre du club de Paris) le plus
souvent sur de très longues périodes ; sont portées au débit les indemnités
versées aux assurés au cours de l’année.
Au cours de la période 2010-2021, cette situation a été constamment
bénéficiaire et les primes versées ont dépassé le montant des indemnités, sauf en
2015, en raison du sinistre majeur lié à l’interdiction d’exportation des
bâtiments
de projection de commandement (BPC, porte-hélicoptères) à la Russie (cf.
infra
).
Ce résultat largement positif s’explique à la fois par la bonne tenue des pays
emprunteurs et, surtout, par la bonne exécution des accords de consolidation.
Néanmoins, en raison notamment de la diminution du volume des
récupérations, le résultat a tendance à se dégrader au cours des deux
derniers exercices.
183
Cf.
supra
, chapitre I.
UN IMPORTANT SOUTIEN FINANCIER QUI RESTE NÉCESSAIRE
109
Tableau n° 9 :
é
volution du résultat net de l’assurance
-crédit
2010-2021 (en
M€
)
Années
Primes
Indemnités
Récupérations
Résultat
2010
368
10
523
881
2011
326
286
466
506
2012
301
291
548
558
2013
395
92
527
830
2014
232
57
565
740
2015
372
1 111
657
- 82
2016
225
90
1 555
1 690
2017
273
189
721
805
2018
467
204
334
597
2019
345
154
346
537
2020
314
175
183
322
2021
372
225
205
352
Total
3 990
2 884
6 630
7 736
Sources : DG Trésor et Bpifrance AE
Le principal sinistre, enregistré en 2015, résulte de l’embargo sur la
livraison des deux BPC (porte-hélicoptères) Mistral à la Russie que le
Gouvernement
a mis en place à la suite de l’invasion de la Crimée.
Il a été
limité par la revente de ces bâtiments
à l’
É
gypte. Cette opération n’a été
définitivement soldée qu’
à la suite du contrôle de la Cour et de la mise en place
par la DG Trésor
d’un comité d’actions en recouvrement des affaires militaires
afin de piloter les dossiers de sinistres. Au total, compte tenu des résultats de
la négociation avec la Russie, des abandons de redevances, des indemnités
versées à Naval group,
de l’adaptation et de la cession des bâtiments à
l’
Égypte, cette opération aura eu un coût de 409
M€
pour la France.
D’autres sinistre
s en risque de fabrication pourraient survenir du fait de
la dépendance des fabrications à des composants étrangers. En effet, les polices
d’assurance Bpifrance AE peuvent intégrer le risque d’interruption de contrat lié
au refus d’exportation d’un composa
nt par les autorités américaines ou au retrait
d’une licence préalablement accordée depuis 2010, date à laquelle une première
police a intégré ce risque (pour l’exportation de satellites civils). S’agissant de
l’autorisation des autorités allemandes, la cl
ause a été introduite pour la première
fois en 2017.
Pour que la garantie puisse être mise en œuvre, il est nécessaire
qu’une première autorisation ait été accordée dans le cadre du contrat pour un
équipement de la même famille et que l’entreprise ait bien
accompli la démarche
pour obtenir l’autorisation dans un délai donné. Des menaces de sinistres de cette
nature ont notamment accompagné la vente des systèmes d’armes des avions
Rafale à l’
Égypte et au Qatar. Elles ont conduit à rechercher en urgence une
COUR DES COMPTES
110
solution indépendante des composants américains («
Itar free
»
184
) qui a
entraîné retards et surcoûts et devrait se traduire par une indemnisation de
l’entreprise en cours d’évaluation au moment de la rédaction de ce rapport. Cette
perspective souligne l’impo
rtance de développer des solutions indépendantes de
composants étrangers soumis à autorisations d’exportation.
D -
Les financements internationaux, des instruments
à mobiliser davantage
Certains industriels, en particulier, d
u secteur de l’armement
terrestre o
nt évoqué la possibilité qu’un outil de la nature des
foreign
military financing
puisse s’ajouter aux cessions gratuites que les armées
consentent déjà au bénéfice de certains pays. Cette hypothèse paraît
difficile à envisager car le matériel militaire n’e
ntre pas dans le champ de
l’aide au développement et il convient de s’appuyer davantage sur les
financements internationaux, bilatéraux ou multilatéraux.
L’EMA a ainsi entrepris une réflexion afin d’articuler cessions
gratuites, cessions onéreuses et financements multilatéraux. Cette réflexion
pourrait s’appuyer sur
une politique plus active de mobilisation des
financements internationaux. En effet, malgré une très forte présence en
Afrique, la part de la France dans les importations de matériel militaire et
de sécurité dans ces pays tend à diminuer. Elle
n’est que de 7
,8 % pour
l
’Afrique du Nord (hors Égypte) et de 6,1
%
pour l’Afrique
subsaharienne
185
. Si la solvabilité de la plupart des pays ne permet ni des
achats au comptant, ni la délivrance de garanties sur les États acheteurs
186
,
il est en revanche
tout à fait possible d’envisager
:
-
des financements au comptant par des États tiers : ces opérations prennent
alors la forme de contrats signés entre une société française et le pays
finançant le projet, en indiquant le pays destinataire et le lieu de livraison
187
.
Un contrat de cette nature a pu être signé avec le Sénégal qui bénéficiait du
concours de l’Arabie
Saoudite. Les risques pour la France sont limités au
cas où les projets mis en œuvre seraient couverts
en risque d’interruption de
contrat et seraient effectivement interrompus en cours d’exécution
;
184
Cf.
supra
.
185
Source SIPRI ; la Russie est le principal fournisseur du continent africain, avec 49 %
du marché ; la Chine augmente ses parts de marché tout comme la Turquie.
186
Cf.
supra
.
187
Ces éléments sont examinés lors des demandes de licences.
UN IMPORTANT SOUTIEN FINANCIER QUI RESTE NÉCESSAIRE
111
-
le financement par les institutions multilatérales qui apportent une aide
financière afin d’équiper les forces militaires ou de sécurité ou peuvent
sécuriser le financement de ces équipements en délégant les
remboursements qu’elles effectuent aux États qui engagent des
contingents dans les opérations de maintien de la paix. Si quelques
exportations ont pu être menées vers des pays contributeurs de « Casques
bleus »
188
, les ministères ne se sont pas organisés pour capter au mieux
ces ressources, ce qui est regrettable car elles devraient monter en
puissance, notamment au sein de l’Union européenne. En décembre 2020,
le Conseil a, en effet, adopté la Facilité européenne pour la paix qui doit
permettre de compléter les activités des missions de politique de sécurité
et de défense commune dans les pays hôtes par des mesures d'assistance,
qui peuvent inclure la fourniture d'équipements, d'infrastructures ou
d'assistance dans le domaine militaire et de la défense, à la demande de
pays tiers ou d'organisations régionales ou internationales. Ce nouvel
instrument est doté d'un budget de 5
Md€
pour la période 2021-2027.
La DGA a indiqué qu’
«
il n’y a pas réellement d’organi
sation type car
chaque projet est souvent spécifique, à la fois sur le pays client et la nature du
financement, multilatéral ou d’un
État tiers »
et que «
lorsqu’elle est sollicitée,
[elle] adapte sa réponse à la nature du besoin et du financement. »
.
On
notera également que ni la DGA, ni le ministère de l’intérieur ne
paraissent entretenir de relations avec Expertise France qui s’est vu confier
par l’Union européenne les projets de
:
-
mise en œuvre d’une aide d’un montant de 50
M€
accordée à la force
conjointe du G5 Sahel financé au titre de la Facilité africaine de Paix
de l'Union européenne pour lutter contre le terrorisme et la criminalité
transnationale, afin de sélectionner les moyens de transport et de
communication ainsi que de capacités logistiques et de protection qui
bénéficieront de ces financements (2017) ;
-
modernisation et d'extension de la protection civile de Côte d'Ivoire
(formations, équipements de 30 centres d’urgence
- camions citernes,
ambulances, remorques de secours routiers, véhicules
d’intervention,
tenues de pompiers -
réalisation de travaux d’infrastructure).
Il conviendrait donc d’adopter une démarche plus proactive pour
que l’industrie française de défense et de sécurité bénéficie davantage des
financements internationaux disponibles.
188
Rémunérations, entraînement, équipement, transport, etc.
COUR DES COMPTES
112
__________ CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS __________
La politique de financement des exportations mise en œuvre par la
DG Trésor
n’a pas constitué au cours de la période sous revue un frein aux
exportations de matériel militaire et de sécurité. Bien que la France applique
au secteur militaire l’ensemble des dispositions résultant de l’Arrangement
de l’OCDE relatif aux crédits à l’exportation, elle peut, en cas de
concurrence établie ou pour des affaires majeures, y apporter des
aménagements. Néanmoins, les règles de l’OCDE
relatives à la lutte contre
la corruption et le blanchiment, la montée en puissance des impératifs de
responsabilité sociale et environnementale, la pression des organisations
non gouvernementales, d’un côté, l’application de mesures extraterritoriales
notamment par les États-
Unis, de l’autre font courir un risque sur le
financement des exportations d’armement par les banques. Cette situation
doit conduire à envisager le renforcement de l’utilisation des outils dont
dispose l’État (Bpifrance, S
fil, Caisse des dépôts et consignations, prêts du
Trésor, lignes de crédit) pour le financement de ces exportations.
Le portefeuille de l’assurance
-crédit est très concentré sur quelques
pays dont certains sont considérés à risque. Cependant, les sinistres ou
menaces de sinistre qui sont intervenus au cours des dix dernières années
en matière militaire résultent non pas d’une défaillance des États
emprunteurs mais d’embargos ou de refus de licence du fait des pays
exportateurs. Dans le cas de l’embargo prononcé contre l’exportation des
bâtiments de projection et de commandement à la Russie, le coût pour
l’
État a dépassé 400
M€
.
Bien que les enjeux commerciaux représentés par l’Afrique puissent
sembler modestes, la DGA devrait, en renforçant sa coopération avec la
direction de la coopération de sécurité et de défense (Section Liaison
Entreprises et coopérants sur place), les services économiques et les
attachés de sécurité,
mettre en place une veille sur l’ensemble des
initiatives internationales qui peuvent contribuer au financement des
importations de défense et de sécurité en Afrique, alors que la France est
engagée aux côtés de ses partenaires africains.
UN IMPORTANT SOUTIEN FINANCIER QUI RESTE NÉCESSAIRE
113
En conséquence, la Cour formule les recommandations suivantes :
9.
relever
les plafonds d’intervention de Bpifra
nce en matière de crédits-
acheteurs au bénéfice des PME. À moyen terme, examiner les
modalités selon lesquelles Bpifrance (avec la Sfil) ou la Caisse des
dépôts et consignations pourraient pallier le risque de désengagement
des banques françaises du financement des grands contrats
d’armement
(
ministère de l’économie
, des finances et de la
souveraineté industrielle et numérique : DG Trésor) ;
10.
mettre en place des lignes de crédit au bénéfice des PME et des ETI pour
les pays cibles identifiés dans les lignes directrices export (ministère de
l’économie
, des finances et de la souveraineté industrielle et
numérique : DG Trésor) ;
11.
mieux
partager
les
informations
concernant
les
financements
internationaux auxquels les entreprises françaises pourraient recourir pour
développer leurs exportations en Afrique (ministère des armées, ministère
de l’économie
, des finances et de la souveraineté industrielle et
numérique et
ministère de l’Europe et des affaires étrangères
).
Conclusion générale
Les pouvoirs publics ont mis en œuvre une stratégie constante et
efficace en appuyant sur le plan diplomatique, militaire, technique et
financier les grandes entrepr
ises dont les succès à l’exportation se sont
traduits par la conclusion de plusieurs grands contrats à l’exportation. Ces
derniers illustrent la vigueur d’un tissu industriel performant, appuyé sur
l’excellence technologique et sur un réseau de plusieurs m
illiers
d’entreprises petites et moyennes. Cet investissement a permis à la France
de se hisser au troisième rang mondial des pays exportateurs de ce secteur
qui dégage un excédent commercial significatif alors que notre balance
globale ne cesse de se dégrader. Elle a contribué au maintien et au
développement de capacités de production nationales ainsi que de savoir-
faire indispensables pour répondre aux besoins opérationnels des armées et
assurer l’indépendance industrielle, technologique et militaire de l
a France.
Cette performance a été obtenue en respectant les meilleures
pratiques en matière de contrôle, bien que celui-ci puisse être amélioré en
termes de délai de traitement des licences d’exportation, d’efficacité du
contrôle
a posteriori
, de pédagogie envers les PME, de coordination du
contrôle des exportations
de matériel d’armement et de biens à double
usage,
via
la CIEEMG et la CIBDU. Ces bons résultats militaires,
industriels, technologiques et commerciaux pourraient cependant encore
être améliorés ;
d’une part, en
faisant bénéficier les secteurs voisins et
stratégiques des biens à double usage et de la sécurité des grandes
orientations et d
es outils de la politique d’exportation
d’armement
et,
d’autre part, en approfondissant l’effort fait pour appuyer à l’export les
entreprises de taille plus modeste de ces secteurs. Ces objectifs pourraient
être atteints en associant d’autres ministères, notamment celui de
l’intérieur, ou d’autres directions, en particulier la direction générale des
entreprises du
ministère de l’économie
, des finances et de la souveraineté
industrielle et numérique, aux réflexions menées sous la houlette du
ministère des armées et en développant pour les entreprises de plus petite
taille des actions d’information sur les manières d
e répondre aux
obligations réglementaires ainsi que sur les perspectives et les risques des
marchés. Une attention particulière devrait être apportée aux questions
liées aux «
offsets »
et à leur impact sur le tissu des PME par un meilleur
suivi, notamment dans le cadre des plans de portage dont les obligations
pesant sur les grands groupes devraient être renforcées.
COUR DES COMPTES
116
Le soutien aux exportations est fortement appuyé par la direction générale
de l’armement
et par les armées dont les moyens sont mis à contribution tant au
bénéfice des industriels que des pays acheteurs, faisant peser sur ces structures
une lourde charge parfois aux dépens de leurs capacités opérationnelles et pour
un impact économique qui n’est pas évalué
. Il
devrait, en outre, faire l’objet d’un
plus juste retour pour les armées. Au-delà des quelques dizaines de millions
d’euros qui sont facturés aux industriels ou aux
États acquéreurs au titre des
prestations payantes fournies, le ministère des armées devrait, pour chacune des
opérations de soutien,
disposer d’une évaluation de
son impact opérationnel et
financier et mesurer les retours obtenus afin d’avoir une relation économique et
financière plus équilibrée avec les industriels. À ce titre, le ministère des armées
doit avoir une politique p
lus offensive en matière de redevances car il n’est pas
admissible que, plusieurs années après la signature des contrats, certaines
entreprises continuent à en contester les montants. Il doit également faire
connaître aux autres administrations intéressées
les soutiens qu’il accorde,
permettant ainsi à tous de mesurer l’ensemble des efforts réalisés par les pouvoirs
publics. Ceci peut être aisément fait dès lors que les entreprises demandent la
garantie de leurs contrats à l’exportation dans le cadre des demandes
d’assurance
-crédit. En effet, une grande partie des exportations de matériel
militaire bénéficie d’une garantie délivrée
par Bpifrance AE pour le compte de
l’
État, soit au titre du contrat industriel, soit au titre des crédits bancaires mis en
place. Cette garantie fait souvent partie de la compétitivité de l’offre.
L’
État
assume ainsi les risques de non-remboursement des c
rédits ou d’interruption
des
contrats, dont certains se sont réalisés, pour un coût de près d’un demi
-milliard
d’euros, du fait de l’embargo prononcé contre la Russie après l’invasion de la
Crimée. D
’autres pourraient advenir, du fait de restrictions à l’e
xportation
appliquées par des pays fournisseurs de composants.
La dépendance à l’endroit des décisions des pays fournisseurs ou de pays
partenaires constitue ainsi l’une des menaces qui pèse sur les exportations de
matériel militaire. La DGA essaie de la circonscrire en incitant les industriels à
développer des solutions alternatives et les pouvoirs publics tentent de la limiter
dans le cadre d’accords bilatéraux dont la solidité sur le long terme reste
soumise à de forts aléas politiques. Pour autant, ce ne sont pas les seules
difficultés auxquelles ces exportations risquent de se heurter dans l’avenir et
qu’il convient dès aujourd’hui d’envisager.
En effet, plusieurs évolutions font
peser une menace sur la capacité à financer les industries d’armement et
en
particulier leurs exportations. L
a possibilité d’utiliser des règles de droit de
manière extraterritoriale en est une ; les décisions récentes de tribunaux français
envisageant, sous certaines conditions,
l’éventualité d’un contrôle de licences
d’export
ation de matériels de guerre. On peut citer également le développement
des obligations de conformité, la mise en œuvre de la taxonomie
, la frilosité
accrue des banques à financer un secteur essentiel à l’exercice de la souveraineté
nationale, et la sensibilité aux risques de réputation dans un contexte de montée
de l’activisme hostile au commerce des armements. Il convient donc non
seulement que les pouvoirs publics développent une action internationale et
européenne déterminée afin que les règles édictées ne nuisent pas à ce secteur,
mais aussi qu’ils envisagent des solutions alternatives de soutien, si le marché
bancaire venait à se désengager de son financement.
Liste des abréviations
AAE :
................
Armée de l’Air et de l’Espace
AFA :
................
Agence Française Anticorruption
AFCI :
...............
Autorisation de Fabrication, de Commerce et
d’Intermédiation
des matériels de guerre, armes et munitions
AIG :
.................
Accord Inter-Gouvernemental
Anssi :
..................
Agence Nationale de la Sécurité des Systèmes d’Information
APEX :
.............
Action de Soutien aux Exportations
ASI :
.................
Attaché de Sécurité Intérieure dans les ambassades
AWG :
..............
Außenwirtschaftsgesetz
(loi allemande sur le commerce extérieur)
AWV :
..............
Außenwirtschaftsverordnung
(réglementation allemande
du commerce extérieur)
BAFA :
.............
Bundesamt für Wirtschaft und Ausfuhrkontrolle
(office fédéral
allemand de l’économie et du contrôle des exportations)
BIS :
..................
Bureau of Industry and Security
(bureau de l’industrie
et de la sécurité du ministère américain du commerce)
BITD :
..............
Base Industrielle et Technologique de Défense
BMWE :
...........
Bundesministerium für Wirtschaft und Energie
(
ministère fédéral allemand de l'économie et de l'énergie)
BPC :
................
Bâtiment de Projection et de Commandement
(classe de porte-hélicoptères)
Bpifrance AE : ...
Banque Publique d’Investissement
France Assurance Exportation
CAC :
...............
Clauses Administratives Communes
C3E :
.................
Comité Conjoint de Convergence Export
C3E :
.................
Comité de Coordination des Contreparties Économiques
COUR DES COMPTES
118
CCE :
................
Cellule de Conseil aux Entreprises, rattachée
à
l’un
des
Pôles d’Action Économique de la
DGDDI
CCI :
.................
Chambre de Commerce et d’Industrie
CCL :
................
Commerce Control List
pour les biens à double usage
aux États-Unis
CEA :
................
Commissariat à l’Énergie Atomique
et aux énergies alternatives
CEMAA :
.........
Chef d’État
-
Major de l’Armée de l’Air
CEMM :
............
Chef d’
État-Major de la Marine
CIBDU :
...........
Commission Interministérielle des Biens à Double Usage
CICCA :
............
Commission Interministérielle du Contrôle
du Commerce des Armes civiles
CIDEF :
............
Conseil des Industries de Défense Françaises
CIEEMG :
........
Commission Interministérielle pour l’Étude
des Exportations de Matériels de Guerre
CMCAP :
..........
Comité Ministériel du Contrôle A Posteriori
CNR :
................
Certificat de Non-Réexportation
COARM :
.........
groupe de travail européen sur les exportations d’armes
conventionnelles (
Working Party on Conventional
Arms Export
)
CRN :
................
Cession Remboursable en Nature
DASSD :
...........
Direction des Affaires Stratégiques, de Sécurité
et du Désarmement du
ministère de l’Europe
et des affaires étrangères
DCI :
.................
Défense Conseil International
DCIS :
...............
Direction de la Coopération Internationale de Sécurité
du
ministère de l’intérieur
DCNS :
.............
Direction des Constructions Navales Systèmes et Services
DCSD :
.............
Direction de la Coopération, de Sécurité et de Défense
du
ministère de l’Europe et des affaires étrangères
DDTC :
.............
Directorate of Defense Trade Controls
DED :
................
Direction des Enquêtes Douanières de la DNRED
Delta :
...............
Dédouanement en Ligne par Traitement Automatisé
LISTE DES ABRÉVIATIONS
119
DGA :
...............
Direction Générale de l’Armement du ministère des armées
DGA-DI :
..........
Direction du développement International de la DGA
DGA-DT : :
......
Direction Technique de la DGA
DGDDI :
...........
Direction Générale des Douanes et des Droits Indirects
du ministère de l’action
et des comptes publics
DGE :
................
Direction Générale des Entreprises du ministère
de
l’économie, des finances et de la souveraineté
industrielle et numérique
DGM :
..............
Direction Générale de la Mondialisation, de la culture,
de
l’enseignement et du développement in
ternational
du
ministère de l’Europe et des affaires étrangères
DGRIS :
............
Direction Générale des Relations Internationales
et de la Stratégie du ministère des armées
DGSE :
.............
Direction Générale de la Sécurité Extérieure
DGSI :
..............
Direction Générale de la Sécurité Intérieure
DNRED :
..........
Direction Nationale du Renseignement et des Enquêtes
Douanières (service à compétence nationale rattaché
à la DGDDI)
DOC :
...............
Department Of Commerce
(Département du Commerce
des États-Unis)
DOD :
...............
Department Of Defense
(Département de la Défense
des États-Unis)
DONAS :
...........
Don Arabie Saoudite (devenu
Saudi French Military
Contract
, SFMC)
DOS :
................
Department Of State
(Département d’État des États
-Unis)
DPSIS :
.............
Délégation ministérielle aux Partenariats, aux Stratégies
et aux Innovation de Sécurité du
ministère de l’intérieur
DRI :
.................
Délégation aux Relations Internationales de la DGDDI
DRM :
...............
Direction du Renseignement Militaire du ministère des armées
EAU :
................
Émirats Arabes Unis
EGIDE :
............
Enregistrement et Gestion Interministériels des Dossiers
à l’Export
EKR :
................
Conseil du Contrôle des Exportations en Suède
COUR DES COMPTES
120
EMA :
...............
État-Major des Armées
EMA-MA :
.......
division Maîtrise des Armements de l’État
-Major des Armées
EMAAE :
..........
État-
Major de l’Armée de l’Air et de l’Espace
EMAT :
............
État-
Major de l’Armée de Terre
EMM :
..............
État-Major de la Marine
ETI :
..................
Entreprise de Taille Intermédiaire
FDI :
.................
Frégates de Défense et d’Intervention
FREMM :
.........
Frégate Multi-Missions
G to G:
..............
Government to Government agreement
(accord entre gouvernements)
Gican :
..............
Groupement des Industries de Construction
et Activités Navales
Gicat :
...............
Groupement des Industries de Construction
et Activités Terrestres
Gifas :
...............
Groupement des Industries Françaises Aéronautiques
et Spatiales
GUN :
...............
Guichet Unique National du dédouanement
ISP :
..................
Inspectorate for Strategic Products
de la Suède
Itar :
..................
International Traffic and Arms Regulations
JORF :
..............
Journal Officiel de la République Française
LEMG :
............
Licence d’Exportation de Matériel de Guerre
LPM :
................
Loi de Programmation Militaire
MBDA :
............
Matra BAE (
British Aerospace
) Dynamics Alenia
MCO :
...............
Maintien en Condition Opérationnelle
MEAE :
...........
Ministère de l’Europe et des Affaires Etrangères
MEDEF :
..........
Mouvement des Entreprises de France
MEF :
................
Missions Économiques et Financières
MICA :
.............
Missile d'Interception, de Combat et d'Auto-défense
MSOE :
.............
Mission de Supervision des Opérations d’Exportation
de la DGA-DI
LISTE DES ABRÉVIATIONS
121
MVD :
..............
Ministères avec Voix Délibérative de la Commission
Interministérielle pour l’Étude des Exportations
de Matériels de Guerre
OCDE :
.............
Organisation de Coopération et de Développement
Économiques
Odas :
................
Office français d’exportation d’Armement
OED :
................
Observatoire Économique de la Défense
Ofac:
.................
Office of Foreign Assets Control
OMC :
...............
Organisation Mondiale du Commerce
OSCE :
..............
Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe
PACA :
.............
région Provence-Alpes-
Côte d’Azur
PAE :
................
Pôle d’Action Économique de la D
GDDI
PESC :
..............
Politique Étrangère et de Sécurité Commune
PIA :
................
Programme d’Investissements d’Avenir
RHODE :
..........
Réunions Hebdomadaires d’Orientation des Demandes
d’Exportation
SAMIA :
...........
Service des Autorisations de Mouvements
Internationaux d’Armes, rattaché à la Sous
-Direction
du Commerce International de la DGDDI
SARC :
............
Service d’Analyse de Risque et de Ciblage (rattaché à
la Sous-Direction des Affaires Juridiques, du Contentieux,
des Contrôles et de la Lutte contre la Fraude de la DGDDI)
SBDU :
............
Service des Biens à Double Usage de la DGE du
ministère de l’économie, des finances et de la
souveraineté industrielle et numérique
SCAE :
..............
Service Central des Armes et Explosifs du ministère
de
l’intérieur
SDCE :
.............
Sous-Direction du Contrôle Export de la DGA-DI
SDGQ :
............
Sous-Direction de la Gestion et de la Qualité de la DGA-DI
SER :
................
Service Économique Régional du réseau international
de la DG Trésor
SFIL :
................
Société de Financement Local (responsable du refinancement
des grands contrats de crédits à l’exportation depuis 2015)
COUR DES COMPTES
122
SFMC :
............
Saudi French Military Contract
(ex-contrat DONAS)
SGA :
................
Secrétariat Général pour l’Administration du ministère
des armées
SGDSN :
...........
Secrétariat Général de la Défense et de la Sécurité Nationale
SI :
....................
Système d’Information
SIC :
..................
Système d’Information et de Communication
Sigale :
..............
Système d’Information, de Gestion et d’Administration
des Licences d’Exportation
SMQ :
..............
Service central de la Modernisation et de la Qualité
Soutex :
.............
Soutien à l’Exportation
SQ :
...................
Service de la Qualité au sein du Service central
de la Modernisation et de la Qualité de la DGA
SRE :
................
Service Régional d’Enquête de la
DNRED
SSI :
..................
Service de Sécurité Intérieure des ambassades
STRAT :
..........
Sous-Direction des Secteurs Stratégiques de la Direction
de la Diplomatie Économique du
ministère de l’Europe
et des affaires étrangères
TCA :
................
Traité sur le Commerce des Armes
TICR :
...............
Taux d’Intérêt Commerciaux de Référence
USML :
.............
United States Munition List
pour les matériels de guerre
et assimilés aux États-Unis
Annexes
Annexe n° 1
: dépenses militaires et marché mondial de l’armement
.........
124
Annexe n° 2
: exportations d’armement et BITD
........................................
129
Annexe n° 3 : exportations françaises de biens à double usage
et de matériels de sécurité
............................................................................
134
Annexe n° 4 : les textes internationaux et nationaux encadrant
le commerce des armes et des biens à double usage
....................................
136
Annexe n° 5 : quatre exemples de systèmes étrangers de contrôle
des exportations de matériels militaires et de sécurité
.................................
150
Annexe n° 6 : intervenants et effectifs mobilisés en 2021 pour le contrôle
et le soutien aux exportations de matériel militaire et de sécurité
........................
156
Annexe n° 7
: les quatre étapes d’instruction des
licences
d’exportation de matériel de guerre
.............................................................
159
Annexe n° 8 : les
foreign military sales
(FMS)
...........................................
177
Annexe n° 9 : historique, suivi et caractéristiques du contrat CaMo
et
de l’AIG support
......................................................................................
181
Annexe n° 10 : le SI SISTEX
.......................................................................
184
Annexe n° 11 : les redevances
.....................................................................
186
Annexe n° 12 : les résultats financiers de la
procédure dite de l’article 90
........
190
COUR DES COMPTES
124
Annexe n° 1 :
dépenses militaires et marché
mondial de l’armement
Les dépenses militaires mondiales ont atteint un pic de 2 113 Md$ en
2021 (cf. graphique n° 3), soit 2,2 % du produit intérieur brut (PIB)
planétaire et une augmentation de 12 % par rapport à 2012. Cette
augmentation s’explique pour l’essentiel par une hausse des dépenses
militaires chinoises (293 Md$ et + 4,7 % par rapport à 2020), indiennes
(+ 0,9 %), japonaises (+ 7,3 %), sud-coréennes (+ 4,7 %), indiennes,
iraniennes (+ 11 %), européennes (+ 3 et russes (+ 2,9 %, soit 65,9 Md$).
Les dépenses militaires américaines restent les plus élevées du monde
(801 Md$ en 2021, soit 38 % du total mondial) mais diminuent en termes
réels de 1,4 %
189
.
Graphique n° 3 :
dépenses militaires mondiales (Md$)
Source : Cour des comptes (données SIPRI, annuaires 2009-2021)
S’agissant des exportations d’armes majeures,
celles-ci, en
progression constante depuis 2002, ont atteint en 2019 un volume
comparable au début des années 1970, tout en restant inférieures de 35 %
aux pics des années 1977-1981 et 1982-1986. En 2017-2021, Les États-
189
In Annuaire 2022 du SIPRI
–
Armements, désarmement et sécurité internationale,
résumé français, 2022.
ANNEXES
125
Unis, la Russie, la France, l’Allemagne et la Chine ont représenté
77 % du
volume de ces échanges militaires internationaux, soit une proportion en
hausse depuis 10 ans (74 % en 2009-2013).
Comme c’est le cas depuis
1992, les États-Unis dominent ce classement et la Russie y occupe la
seconde place, malgré une diminution de 26 % de ses exportations et de sa
part de marché mondiale de 24 % en 2012-2016 à 19 % en 2017-2021
190
.
Tableau n° 10 :
d
ix principaux pays exportateurs d’armement
n %
2009-2013
2011-2016
2015-2019
2016-2020
2017-2021
États-Unis
29
33
36
37
39
Russie
27
25
21
20
19
France
5*
5,6**
7,9
8,2
11
Chine
6
5,9
5,5
5,2
4,6
Allemagne
7
4,7
5,8
5,5
4,5
Italie
3
2,7
2,1
2,2
3,1
Royaume-Uni
4
4,5
3,7
3,3
2,9
Corée du Sud
-
-
2,1
2,7
2,8
Espagne
3
3,5
3,1
3,2
2,5
Israël
2
-
3,0
3
2,4
*Rang 5
** Rang 4
Source : SIPRI
Tableau n° 11 :
exportations par types d’armement des six premiers
pays fournisseurs
Avions
Système
de défens
e aérienne
Véhicules
armés
Artillerie
Motorisation
s
Missiles
Équipements
de détection
Navires
Autres
États-Unis
53,00 %
6,70 %
12,00 %
0,30 %
3,40 %
19,00 %
2,50 %
1,70 % 0,60 %
Russie
50,00 %
6,90 %
11,00 %
0,30 %
7,30 %
12,00 %
1,70 %
8,90 % 1,70 %
France
35,00 %
1,80 %
3,90 %
0,70 %
4,40 %
12,00 %
14,00 %
27,00 % 2,00 %
Allemagn
e
11,00 %
1,30 %
14,00 %
2,00 %
8,70 %
7,50 %
3,00 %
52,00 % 0,10 %
Chine
29,00 %
9,60 %
16,00 %
2,80 %
<0,05 %
16,00 %
2,90 %
24,00 % 0,50 %
Royaume-
Uni
62,00 %
0,80 %
0,30 %
1,10 %
7,20 %
7,70 %
1,70 %
17,00 % 1,80 %
Monde
43,00 %
6,00 %
11,00 %
0,90 %
4,60 %
14,00 %
4,80 %
15,00 % 1,30 %
Source : SIPRI, annuaire 2019
190
In Annuaire 2022 du SIPRI
–
Armements, désarmement et sécurité internationale,
résumé français, 2022.
COUR DES COMPTES
126
La France, troisième exportateur
mondial de matériel d’armement
La progression des exportations françaises d’armement sur longue
période est erratique mais importante avec une augmentation des ventes à
l’étranger de 59
% entre 2012-2016 et 2017-2021
191
. La France oscille ainsi
depuis 2008 entre la troisième et la cinquième place du classement mondial
des pays exportateurs d’armement
. Sa part de marché mondiale est en
hausse, en particulier en 2021, après des décennies de baisse (15 % dans les
années 80
192
puis 7,8 % en 2003-2006, 5 % en 2009-2013, 6,8 % en 2014-
2018 et 11 % en 2021)
193
. Elle fait partie, avec les États-Unis, la Russie, le
Royaume-
Uni, la Chine et l’Italie, des six États toujours classés dans les dix
premiers exportateurs d’armement depuis 1954. En
2019, la balance
commerciale de matériels militaires est positive de 5
Md€
selon les Douanes
et de 8,5
Md€
selon l’
observatoire économique de la défense (OED)
194
. Les
exportations de matériels d’armement et assimilés sont
alors les plus élevées
de la décennie avec 11,3
Md€
pour 2,7
Md€
d’importations (matières
premières, produits bruts et semi-finis), ces dernières progressant toutefois
plus rapidement que les exportations.
En 2012-
2021, les trois premiers clients de la France sont l’Egypte,
l’Inde et le Qatar, suivis de l’Arabie Saoudite, des Emirats arabes unis et de
la Belgique
195
. En 2021, l’Europe occupe la deuxième place des ventes
françaises d’armement, après le Proche et le Moyen
-Orient, et représente un
peu plus du tiers des prises de commandes françaises, contre une moyenne
de 10 % de 2012 à 2017
196
.
Selon le SIPRI, la répartition par produit de ces exportations est
caractérisée par une prédominance des avions (35 % des exportations), navires
(27 %), équipements de détection (14 %) et missiles (12 %), alors que les
exportations d’avions sont majoritaires pour les États
-Unis, la Russie et le
Royaume-Uni ;
tandis que celles de navires le sont pour l’Allemagne
(cf. tableau
n° 11)
. La capacité d’exportation d’armement de la France repose largement sur
huit grands groupes (Thalès, Naval Group, Safran, Dassault Aviation, le
C
ommissariat à l’
Énergie Atomique et aux énergies alternatives - CEA, Nexter,
MBDA
197
et Airbus) dont les ventes globalisées correspondent à 83 % des
191
Ibid.
192
In Rapport de M. Bruno Durieux au Premier ministre, mission de réflexion et de
proposition sur la politique d'exportation des équipements de défense, 31 mars 1996.
193
In Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, 2013, 160 p. et Rapport au
Parlement
–
Les exportations d’armement d
e la France en 2007, octobre 2008, 79 p.
194
In 8,5
Md€
d’excédent commercial lié aux livraisons de matériels de guerre en 2019
,
Écodéf n°
153, bulletin de l’OED, mai 2020.
195
In Rapport au Parlement 2022
sur les exportations d’armement de la France
,
ministère des armées.
196
Ibid.
197
Matra BAE (
British Aerospace
) Dynamics Alenia.
ANNEXES
127
montants exportés en 2011-2016. Les PME-ETI constituent néanmoins 85 % des
859 entreprises exportatrices en 2016
198
et 40 % des achats de ces grands
groupes. Cette dépendance aux grands groupes et aux grands contrats recherchés
par ces derniers (plus de 70 % des commandes en 2015-2016 concernent des
contrats supérieurs à 200
M€
199
) fragilise la stabilité des performances françaises
à l’export, du fait de la rareté (deux à cinq par an) de ces affaires aléatoires.
Toutefois, les exportations françaises retrouvent en 2021 leur niveau maximum
de contrats de moins de 200
M€
atteint en 2017, soit 4,1
Md€
200
.
Graphique n° 4 :
répartition sectorielle des prises de commande
françaises d’armement (2017
-2021)
Source : SIPRI
Les pays importateurs d’armement
(cf. graphique n° 5) sont, quant
à eux, localisés pour 43 % en Asie-Océanie et pour 32 % au Moyen-Orient
où l’Arabie Saoudite figure en première place des pays importa
teurs. Entre
2007-2011
et
2012-2016,
les
importations
de
ces
deux
zones
géographiques ont respectivement augmenté de 86 % et 7,7 %, alors
qu’elles o
nt baissé de 36 % en Europe, de 18 % dans les Amériques et de
6,6 % en Afrique
201
. En 2017-2021, les cinq principaux pays importateurs
d’armes
(Inde, Arabie Saoudite, Egypte, Australie et Chine) représentent
38 % du total de ces transactions.
198
In EcoDef n°
92, bulletin de l’observatoire économique de la défense, ministère des
armées, mai 2017.
199
In
Pour la pérennisation du succès des exportations françaises d’armement
, comité 6,
revue défense nationale n° 815, décembre 2018. Ce ratio est toutefois dû pour beaucoup
aux contrats d’exportation de Rafale vers l’Égypte, l’Inde et le Qatar. La DGA estime
qu’il était plutôt de 33 à 50
% les années précédentes (cf. réponse de la DGA au premier
questionnaire de la Cour relatif au présent contrôle, 19 mai 2020, p. 26).
200
In Rapports au Parlement 2018 et 2022
sur les exportations d’armement de la France
,
ministère des armées.
201
In Annuaire 2017 du SIPRI
–
Armements, désarmement et sécurité internationale,
résumé français, 2018, 28 p.
COUR DES COMPTES
128
Graphique n° 5 :
dix principaux
pays importateurs d’armement
Source : Cour des comptes (données SIPRI, annuaires 2009-2021)
ANNEXES
129
Annexe n° 2 :
e
xportations d’armement et BITD
La dépendance à l’exportation des principaux États producteurs
d’armement est d’environ 30
%
pour la France, alors qu’elle est pro
che de
15 % pour les États-Unis, de 25 % pour le Royaume-Uni, de 35 % pour
l’Allemagne et de 70
%
pour l’Italie, d’après des travaux de recherche datant
de 2014
202
.
S’agissant de la
France (cf. tableau n°12), la part du chiffre
d’affaires militaire dans le chiffre d’affaires total des entreprises exportatrices
de la BITD (qui permet de mesurer le taux de dépendance au secteur militaire)
est de 30 %
, alors qu’elle n’est que de 13
%
pour les entreprises qui n’expor
tent
pas. De plus, le taux de dépendance aux exportations militaires des entreprises
exportatrices de la BITD, mesuré par la proportion des exportations de
matériels militaires dans les exportations totales, est de 19 % pour un chiffre
d’affaires militaire
à l’export de 7,1
Md€
, soit 28 %
du chiffre d’affaires
militaire total des entreprises exportatrices de la BITD.
Cette situation s’explique par la taille réduite du marché intérieur
français qui engendre des coûts unitaires plus élevés que dans les États
disposant d’un marché domestique plus large et profond
, permettant de faire
vivre leurs industries nationales de l’armement. L’exportation de ces
équipements militaires constitue dès lors pour ces États un levier d’influence
et un moyen de mieux rémunérer les actionnaires de leurs entreprises. Dans
le cas de la France, en induisant des ventes à un nombre accru de clients, les
exportations représentent un levier économique et financier pour éviter ou
limiter les ruptures de charge des entreprises d’armement,
leur procurer des
marges souvent supérieures aux marges nationales, allonger les séries et
réduire les coûts, grâce à des économies d’échelle et un étalement dans le
temps des dépenses de recherche et développement. Elles permettent ainsi
d’employer, directement et indirectement, près d’un quart des emplois du
secteur de la défense
203
, répartis dans sept grands bassins d’emplois (cf. carte
n° 1)
204
. Elles contribuent également à créer ou entretenir des liens étroits et
durables avec les États clients, au plan politique, comme au plan opérationnel
via
la diffusion de normes techniques, comme de standards doctrinaux et
d’entraînement. L’emploi par les États importateurs de matériels communs
avec les armées françaises facilite également leur interopérabilité, en
p
articulier dans le cadre d’opérations de coalition.
202
In
The IHS balance of trade 2014
–
The changing worldwide defence market, IHS
Aerospace, defense and security
, Ben Moores, Georgios Salapasidis, Paul Burton,
2014 ; op. cit. in Enjeux stratégiques et
économiques des politiques d’exportation
d’armement –
Une comparaison franco-américaine, Lucie Béraud-Sudreau et Hugo
Meijer, Revue internationale de politique comparée, 2016/&, vol. 23, pp. 63 et 74.
203
Soit 40 000 emplois (14 000 emplois directs, 13 500 indirects et 13 000 induits) sur 165 000
en 2014, le nombre total des emplois du secteur de la défense étant évalué pour 2019 à 200 000,
sans que l’on dispose de données sur la part de ses emplois affectée à l’exportation.
204
In Les
exportations françaises d’armement
: 40 000 emplois dans nos régions, étude
d’impact social, économique et technologique, ministère de la défense, CIDEF,
Mc Kinsey, septembre 2014.
COUR DES COMPTES
130
Carte n° 1 :
poids régional des emplois engendrés
par les exportations de défense
205
Sources : ministère des armées, Conseil des Industries de Défense Françaises (CIDEF)
Les exportations permettent aussi aux entreprises de la BITD, grâce
au stimulant de la concurrence internationale qu’elles impliquent, de
produire à un coût compétitif et un niveau technologique davantage
performant, tout en renouvelant les gammes de produits vendus et en
maintenant un savoir-faire industriel. Ces entreprises exportatrices
fournissent les moyens à la France de préserver sa souveraineté en évitant
au maximum de recourir à des importations d’équipements militaires
produits à l’étranger, excepté dans trois cas de figure
: une insuffisance de
l’offre de la BITD française ou européenne, un besoin de matériels en
faibles quantités rendant économiquement déraisonnable leur production
en France, une urgence opérationnelle incompatible avec la durée de
développement d’une solution souver
aine.
205
Le poids de la région Île-de-France est sans doute surévalué du fait de la présence
des sièges sociaux d’entreprises et de l’utilisation des codes SIREN/SIRET pour allouer
les emplois par régions. 7500 emplois n’ont pu être localisés.
ANNEXES
131
Tableau n° 12 :
indicateurs de dépendance des entreprises de la BITD
Nombre
d’entreprises
Chiffre
d’affaire
du secteur
militaire
(Mos€)
Chiffre
d’affaires
total
(Mos€)
Taux de
dépendance
au secteur
militaire
Exportations
totales de
matériels
militaires
(Mos€)
Exportations
totales
(Mos€)
Taux de
dépendance
des
exportations
de matériels
militaires
Intensité
d’exportation
de matériels
militaires
Entreprises
exportatrices
de matériels
militaires
292
25,2
85,3
30 %
7,1
36,5
19 %
28 %
Entreprises
non-
exportatrices
de matériels
militaires
1 641
4,3
34,0
13 %
0,0
10,8
0 %
0 %
Ensemble
des
entreprises
industrielles
de la BITD
française
1 933
29,5
119,3
25 %
7,1
47,2
15 %
24 %
Sources : OED, DGDDI, INSEE, Enquête des Industries de Défense (EID) 2017
Pour survivre et maintenir leurs positions dans la compétition
internationale, les entreprises industrielles de la BITD française
206
doivent
donc exporter du matériel militaire et/ou compenser l’absence de
commandes militaires par la vente d‘une production civile. Une étude
de
l’observatoire économique de la défense fait ainsi apparaître que 15
% des
1 933 entreprises de la BITD étudiées exportent des matériels militaires.
76 % de ces entreprises sont des petites et moyennes entreprises (PME), dont
40 % sont exportatrices de matériels militaires. Les PME sont aussi
dynamiques à l’export que les entreprises de taille intermédiaire mais elles
le sont davantage que les grandes entreprises dont 22 % exportent des
matériels militaires (cf. graphique n°6). Les grandes entreprises représentent
cependant à elles seules 84 %
du chiffre d’affaires des entreprises
exportatrices de matériels militaires (cf. graphique n°7). Cette situation
s’explique par la forte concentration des exportations de matériels militaires
dont 90 % sont réalisés par moins de 2 % des sociétés exportatrices.
206
Ces entreprises sont au nombre de 2
137, si l’on inclut le secteur des services et de
1 944
pour le seul secteur de l’industrie. In
Les déterminants économiques des
exportations de matériels militaires des entreprises industrielles de la BITD française,
Écodef, Chloé Ramet, février 2020, n° 147, 8 p., p. 2.
COUR DES COMPTES
132
Graphique n° 6 :
répartition des sociétés* de la BITD par catégorie
Sources : EID 2017, DGDDI, OED
Graphique n° 7 :
v
entilation du chiffre d’affaires militaire 2017
par types de sociétés*
Sources : EID 2017, DGDDI, OED
* Exportation de matériel militaire ou non.
ANNEXES
133
En 2019, les matériels militaires et produits liés représentent en
moyenne 18 % des exportations des entreprises de la BITD sur un total de
56,3
Md€
et 4 % de leurs importations de biens. Après une hausse de 11 %
en 2018, les exportations de la BITD ont progressé de 12,8 % en 2019
(cf. graphique n° 8)
207
. Ces exportations portent sur des équipements
relevant des catégories douanières suivantes : « machines ou appareils
mécaniques », « navigation aérienne et spatiale », « appareils électriques
ou d’enregistrement et leurs parties
», « voitures automobiles, véhicules
terrestres et leurs parties », «
instruments d’optique, de photographie, de
mesure, de contrôle ou de précision », « armes, munitions et leurs parties »,
« navires maritimes et fluviales ».
Graphique n° 8 :
exportations et importations
de biens des sociétés industrielles de la BITD
Sources : DGDDI, OED
207
In 8,5
Md€
d’excédent commercial lié
aux livraisons de matériels de guerre en 2019,
Écodéf, n° 153, mai 2020.
COUR DES COMPTES
134
Annexe n° 3 :
exportations françaises de biens
à double usage et de matériels de sécurité
Les seules données statistiques détaillées disponibles sur les biens à
double usage datent de 2018, dans le cadre d’une étude
confidentielle du
pôle interministériel de prospective et d'anticipation des mutations
économiques, pilotée par la DGE et le Gifas. Le montant des licences
individuelles correspondant à ces biens (mais ne correspondant pas à des
contrats signés et en vigueur) est de 7
Md€
en 2016 et 6,5
Md€
en 2020,
malgré le contexte de la crise sanitaire. Avec une moyenne de 5,5 % de
croissance annuelle en 2014-2019, la filière industrielle de la sécurité se
place, quant à elle,
en tête des performances de progression d’activité de
l’industrie française. Cette croissance reste cependant inférieure à la
moyenne mondiale (+ 8,4 %), comme à celle des principaux concurrents
de la France que sont les États-Unis (+ 6,7 %) et la Chine (+ 9,1 %).
Tableau n° 13 :
c
hiffre d’affaires mondial des industries de sécurité
Pays/Région
Chiffre d'affaires (
Md€
)
Taux de croissance
annuel moyen 2016-2018
2016
2018
États-Unis
136
155
6,70 %
Chine
75
89
9,10 %
Europe
103
112
4,10 %
Dont France
nc
28,2
4,90 %
Reste du monde
161
176
4,50 %
Total mondial
475
532
8,40 %
Source : Conseil des industries de la confiance et de la sécurité
Les grands groupes français occupent des places prépondérantes
dans le classement mondial des entreprises de sécurité (cf. tableau n° 14).
On compte ainsi six entreprises françaises dans les dix premières
mondiales ;
Thalès apparaît la mieux positionnée d’
entre elles, à la
quatrième place de ce classement dominé par l’entreprise suédoise Assa
Abloy, spécialisée dans les solutions d’interdiction et de contrôle d’accès.
ANNEXES
135
Tableau n° 14 :
chiffre d'affaires des dix principales entreprises
mondiales de sécurité
Industries de sécurité
Entreprises
Chiffre d'affaires mondial 2019 (
Md€
)
Rang mondial
Assa Abloy (Suède)
9,45
1
Carrier (États-Unis)
7,18
2
Honeywell (États-Unis)
6,23
3
Thalès (France)
5,2
4
Airbus (France)
3,12
5
IBM (États-Unis)
2,35
6
IDEMIA (France)
2,12
7
Atos (France)
1,01
8
Naval Group (France)
0,57
9
Engie Solutions (France)
0,32
10
Source : Conseil des industries de la confiance et de la sécurité
COUR DES COMPTES
136
Annexe n° 4 :
les textes internationaux
et nationaux encadrant le commerce des armes
et des biens à double usage
Le traité sur le commerce des armes (TCA)
Le traité sur le commerce des armes (TCA) adopté le 2 avril 2013
par l’assemblée générale des Nations unies, entre dans cette seconde
catégorie de conventions. Signé par 130 États et ratifié par 110 d’entre
eux
208
dont la France le 2 avril 2014, il est entré en vigueur le 24 décembre
2014. Ce texte réglemente le commerce international des armes classiques
et contraint les États signataires à adopter des règles de comportement
responsables, transparentes, proportionnées et favorables à la paix, la
stabilité
, au respect du droit humanitaire et des droits de l’Homme
. Lorsque
ces échanges sont licites, le TCA les régule par des normes communes
d’exportation, d’importation
, de transit, de transbordement et de courtage.
S
’ils sont illicites, le TCA cherche à les empêcher par des mesures de
prévention, de coopération et de transmission d’informations. Ce traité ne
produit des droits et obligations que pour les États, ce qui explique qu’il
n’ait pas été publié au
journal officiel de la République française (JORF).
La France est l’un des seuls grands pays exportateurs d’armement à
avoir ratifié le TCA et à mettre en œuvre ses dispositions, en particulier
via
son
régime national de contrôle des exportations de matériels de guerre et
assimilés
209
. La publication du rapport annuel sur les exportations d’armement
de la France, rédigé par le ministère des armées (DGRIS et DGA), le ministère
de l’Europe et des affaires étrangères
et le SGDSN, correspond aussi à l’une des
obligations des 105 États parties au TCA pour favoriser la transparence du
marché de l’armement. De plus, la délégation interministérielle française
conduite par le
ministère de l’Europe et des affaires étrangères
contribue aux
travaux menés par la conférence des États parties et les groupes de travail du
TCA pour en assurer l’application et promouvoir son universalisation. Des
opérations de l’Office fédéral allemand de l’économie et du contrôle des
exportations (BAFA) et d’Expertise France dans le cadre du programme
EU ATT outreach project
visent d’ailleurs, en s’appuyant sur des experts
européens et français, notamment de la DGRIS, à aider les États à se conformer
208
In
et
26&clang=_en. Les États-
Unis ont indiqué au secrétariat général des Nations unies qu’ils ne
images/file/CSP6 %20Final%20Report%20-%2021 %20August%202020_FR/CSP6 %20
Final%20Report%20-%2021 %20August%202020_FR.pdf).
209
Cf. chapitre I-II-B.
ANNEXES
137
à leurs obligations ou à comprendre l’intérêt d’adhérer au TCA, en particulier
pour des grands pays exportateurs ou importateur
s d’armement. En France, ce
programme de travail et les partenariats qui en découlent sont pilotés par un
comité technique présidé par le SGDSN et incluant le
ministère de l’Europe et
des affaires étrangères, le ministère des armées, le
ministère de l’inté
rieur et la
DGDDI. Dans ce cadre, Expertise France a proposé un programme d’assistance
global et des ateliers spécifiques, avec le concours d’experts français et
européens du contrôle, au profit de la Côte d’Ivoire, du Burkina Faso, du Ghana,
du Togo ou des Philippines. Une délégation du Sénégal a également rencontré
des membres de la CIEEMG et visité l’école des douanes de Tourcoing en
2018. Enfin, la France, comme 27 autres États, participe depuis 2016 au fonds
d’affectation volontaire (
Voluntary Trust Fund
210
) prévu par l’article 16
-3 du
TCA pour financer les activités d’appui à sa mise en œuvre.
De plus, la France est partie au protocole des Nations unies contre
la fabrication et le trafic illicites d’armes à feu, de leurs pièces et munitions
additionnel à la Convention des Nations unies contre la criminalité
transnationale organisée. Ce texte, dont l’article 10 comporte des
dispositions relatives au contrôle des exportations, des importations et du
transit d’armes à feu, vise à prévenir le trafic illicite d’armes à feu et à lutter
contre ce dernier.
Enfin, La France ne reconnaît pas à l'organisation du traité de
l’Atlantique Nord (
Otan
, qui n’est pas partie au TCA)
de compétence
réglementaire relative au commerce des matériels militaires et des biens et
services cryptographiques. Pour autant, les programmes conduits sous
l'égide de l'Otan comprennent, au niveau des
Memorandum of
Understanding
qui les définissent, des clauses portant les principes
régissant les exportations ultérieures des résultats de la coopération entre
les États parties. Les dossiers de demande correspondants sont présentés
en CIEEMG et instruits par les ministères avec voix délibérative. En cas
de besoin, les autres États membres concernés peuvent être consultés, à
l'occasion de réunions bilatérales ou multilatérales.
210
Ce fonds est doté de 9,2 M$ dont 0,18 M$, soit 0,15
M€, versés par la France
via
l’enveloppe «
Contributions internationales et opérations de maintien de la paix » du
programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » (In
20for%20Contributions-%2009 %20November%202020/Chairs%20Communication-Call
%20for%20Contributions-%2009 %20November%202020.pdf et ATT
Voluntary Trust
Fund
: Donor’s Report for September 2019 to October 2020
, 30 October 2020, 39 p., p. 8.
COUR DES COMPTES
138
Le cadre juridique européen
Parallèlement au TCA et au protocole précité, une décision
2019/1560/PESC (politique étrangère et de sécurité commune) du Conseil
modifiant la position commune 2008/944/PESC définit les règles
communes régissant le contrôle des exportations de technologie et
d’équipements militaires
. Les transferts de matériels de guerre au sein de
l’UE sont, quant à eux, régis par la directive 2009/43 du 6 mai 2009
simplifiant les conditions des transferts de produits liés à la défense dans
le Communauté. Ces textes font suite et complètent des directives et
règlements constituant l’acquis européen en matière de transferts
d’armement et de biens sensibles et contribuant à la convergence des
pratiques des États membres dans ce domaine (cf. tableau n° 15). Trois de
ces règlements permettent en particulier de clarifier la répartition
sectorielle et administrative du contrôle opéré sur ces exportations :
-
le règlement n°
821/2021 instituant un régime de l’Union de contrôle
des exportations, du courtage, de l’assistance technique, du transit et
des transferts de biens à double usage qui relèvent, si leur finalité est
civile hors de l’UE, de licences d’exportation gérées par
le SBDU du
ministère de l’économie
, des finances et de la souveraineté industrielle
et numérique
(principe d’autorisation d’exportation sauf objection) et,
si elle est militaire, des autres classifications de matériels
d’armement
autorisés par exception à
l’export
;
-
le règlement n° 2019/125 du 16 janvier 2019 concernant le commerce
de certains biens relevant de la compétence du SBDU et susceptibles
d'être utilisés en vue d'infliger la peine capitale, la torture ou d'autres
peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (bombes
lacrymogènes, pistolets à impulsion électrique, etc.) ;
-
les annexes I (catégorie 5, partie VII « télécommunications et sécurité
de l’information
») et IV (liste de biens très sensibles) du règlement
n° 821/2021 pour les moyens de cryptologie nécessitant une
déclaration auprès de l’
agence nationale de la sécurité des systèmes
d’information, son autorisation et l’obtention d’une licence du SBDU
ou, pour les moyens cryptographiques assimilés à des matériels de
guerre, une LEMG gérée par la DGA-DI.
ANNEXES
139
Tableau n° 15 :
acquis européen en matière de contrôle des transferts
d’armement
s et de biens sensibles
Instrument
Champ d’application
Équipements militaires
Position commune 2003/468/PESC du 23 juin 2003
Règles communes pour le contrôle
du courtage des équipements militaires
Décision (PESC) 2019/1560 du 16 septembre
2019 (modifiant la Position commune
2008/944/PESC du 8 décembre 2008)
Règles communes régissant le contrôle
des exportations de technologies
et
d’équipements militaires
Directive 2009/43/CE du 6 mai 2009 modifiée
Simplification des échanges de produits liés à
la défense au sein de l’espace communautaire
Décision (PESC) 2021/38 du Conseil du 15 janvier
2021 établissant une approche commune concernant
les éléments des certificats d
’utilisateur final dans le
cadre de l’exportation d’armes légères et de petit
calibre et de leurs munitions
Armes légères et de petit calibre comprises
dans les catégories ML1, ML2, ML3 et
ML4 de la liste commune des équipements
militaires de l’Union europ
éenne
Décision (PESC) 2021/509 du Conseil du 22 mars
2021 établissant une Facilité européenne pour la paix
Équipements figurant sur la liste commune
des équipements militaires de l’Union
Règlement (UE) 2021/697 du Parlement
européen et du Conseil du 29 avril 2021
établissant le Fonds européen de la défense
Produits et technologies de défense
Biens et
technologies à
double usage
Règlement (UE) 2021/821 du Parlement
européen et du Conseil du 20 mai 2021
instituant un régime de l’Union de contrôle des
exportations, du courtage, de l’assistance
technique, du transit et des transferts en ce qui
concerne les biens à double usage (refonte)
Régime de contrôle des exportations,
des transferts, du courtage et du transit
des biens et technologies à double usage
Autres
Directive (UE) 2021/555 du Parlement
européen et du Conseil du 24 mars 2021 relative
au contrôle de l’acquisition et de la détention
d’armes (abrogeant la Directive 91/477/CEE du
18 juin 1991, modifiée par la Directive 2008/51/
CE du 21 mai 2008 et par la Directive (UE)
2017/853 du 17 mai 2017)
Réglemente la circulation des armes à feu
au sein de l’Union européenne
Directive 2014/28/UE du Parlement européen
et du Conseil du 26 février 2014 relative à
l’harmonisation des législations des États me
mbres
concernant la mise à disposition sur le marché et
le contrôle des explosifs à usage civil (refonte)
Réglemente le transfert des explosifs au
sein de l’Union européenne
Règlement (UE) n° 2019/125 du 16 janvier 2019
Réglemente l’importation et l’exportation des
biens susceptibles d’être utilisés pour infliger
la peine capitale, la torture ou d’autres peines
ou traitements inhumains et dégradants
Règlement (UE) n° 258/2012 du Parlement et
du Conseil du 14 mars 2012
Réglemente le transfert
d’armes à feu,
pièces, éléments et munitions en vue d’un
usage civil à destination d’États non
membres de l’Union européenne
Source :
ministère des armées, Rapport au Parlement 2022 sur les exportations d’armement de la France
COUR DES COMPTES
140
Ch
aque État membre met en œuvre
ces textes et examine les
demandes d’autorisation d’exportation
militaire, extra comme intra-
européennes, qui lui sont adressées à l’aune des huit critères mentionnés à
l’article 2 de la position commune 2008/944/PESC
précitée. Ces critères
sont les suivants :
-
le respect des engagements internationaux ;
-
le respect des droits de l’Homme dans le pays de destination finale
;
-
la situation intérieure dans le pays de destination finale ;
-
la préservation de la paix, de la sécurité et de la stabilité régionales ;
-
la sécurité nationale des États membres, ainsi que celle des pays amis
et alliés ;
-
l
e comportement du pays acheteur à l’égard de la communauté
internationale et notamment son attitude envers le terrorisme, la nature
de ses alliances et le respect du droit international ;
-
l’existence d’un risque de détournement de l’équipement à l’intérieur
du pays acheteur, ou de réexportation de celui-ci dans des conditions
non souhaitées ;
-
la compatibilité des exportations d’armement avec la c
apacité
technique et économique du pays destinataire.
La France prend en compte l’ensemble de ces critères au cours du
processus d’attribution des LEMG
; elle applique ainsi un corpus juridique
national transposant les règles internationales et européennes précitées et
les déclinant selon la nature des matériels exportés, en particulier
via
:
-
l’article R.
311-2 du code de la sécurité intérieure pour les matériels
de guerre (catégorie A2 gérée par la DGA), armes, munitions,
éléments d’armes (catégories A1
, B gérées par le SCAE) ;
-
l’article R. 316
-
40 du même code pour les Licences d’Exportation d’Armes
à Feu (catégories A1, B, C, D) attribuées par la DGDDI après avis
conformes du
ministère de l’Europe et des affaires étrangères
et du SCAE ;
-
l’article R. 2352
-19 du code de la défense pour les Autorisations
d’Exportation de Produits Explosifs à usage militaire, délivrées par la
DGDDI après avis du SCAE (pour les explosifs civils et les
précurseurs d’explosifs), du ministère de l’Europe et des affaires
étrangères ainsi que du ministère des armées ;
-
l’arrêté du 27 juin 2012 relatif à la liste des matériels de guerre et
matériels assimilés nécessitant des licences d’exportation relevant de
la DGA-DI et délivrées par le SGDSN, au nom du Premier ministre,
après un contrôle exercé par les membres de la CIEEMG.
ANNEXES
141
La France met également
en œuvre
les sanctions et mesures
d’embargo
(cf. carte n° 2) décidées
par les Nations unies, l’UE et
l’
organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). La loi
prévoit ainsi la possibilité pour le Premier ministre de suspendre, modifier,
abroger ou retirer les licences d’exportation délivrées, notamment sur le
fondement des engagements internationaux de la France.
Carte n° 2 :
embargos sur les armes en vigueur (ONU, UE, OSCE)
au 1
er
avril 2022
Source : ministère des armées, rapport au Parlement 2022
sur les exportations d’armement de la France
S’agissant des biens à double usage civil et militaire, la France met
en œuvre le règlement européen
n° 821/2021 du 20 mai 2021 instituant un
régime
de l’Union
de contrôle des exportations,
du courtage, de l’assistance
technique, du transit et des transferts de biens à double usage
211
.
L’annexe
1 de ce règlement regroupe la liste des neuf catégories de biens à double
usage contrôlés, issue pour quelques produits chimiques de la convention
sur
les
armes
chimiques,
et
principalement
de quatre
régimes
internationaux de contrôle des exportations institués entre 1974 et 1996 :
211
L
’article 2 de ce règlement
, succédant au règlement n° 428/2009 du 5 mai 2009,
définit ces biens comme
« les produits, y compris les logiciels et les technologies,
susceptibles d’avoir une utilisation tant civile que militaire
; ils incluent les biens
susceptibles d’être utilisés aux fins de la conception, de la mise au point, de la
fabrication ou de l’utilisation d’armes nucléaires, chimiques ou biologiques ou de leurs
vecteurs, y compris tous les biens qui peuvent à la fois être utilisés à des fins non
explosives et intervenir de quelque manière que ce soit dans la fabrication d’armes
nucléaires ou d’autres dispositifs nucléaires explosifs
».
COUR DES COMPTES
142
-
le groupe des fournisseurs nucléaires pour des biens du domaine
nucléaire ou relatifs au nucléaire ;
-
le groupe Australie pour des biens des domaines chimique et biologique ;
-
le régime de contrôle de la technologie des missiles pour des biens
susceptibles de contribuer à la prolifération des missiles et des drones ;
-
enfin et surtout, l’Arrangement de Wassenaar du 19 décembre
1995
212
sur le contrôle des exportations d’armes conventionnelles
et de biens et technologies à double usage. Cet accord
juridiquement non contraignant vise à éviter les accumulations
déstabilisantes d’armements, comme leur acquisition par des
terroristes en promouvant la transparence et une responsabilité
accrue dans les transferts d’armes conventionnelles et de biens et
technologies à double usage. À cette fin, les États participants
contrôlent l’exportation de tous les biens inclus dans la
liste de
biens et technologies à double usage et la liste militaire.
Le règlement du Parlement européen et du Conseil n° 821/2021 vise
à lutter contre l’accumulation déstabilisante d’armes dans certaines régions
du monde et contre la prolifération des moyens de destruction massive. Il
concerne l’ensemble des exportateurs de
l’Union européenne et leur impose
d’obtenir une autorisation de l’État pour les exportations et réexportations
hors de l’espace douanier communautaire, comme pour les transferts
intracommunautaires de biens à double usage. Cette autorisation, prenant la
f
orme d’une licence individuelle, globale, générale ou d’une autorisation
générale d’exportation, s’applique aux opérations temporaires ou non,
concernant des échanges matériels de biens à double usage aussi bien que la
transmission de données immatérielles
(dites intangibles) s’y rapportant.
Cette licence
peut ainsi porter sur l’envoi d'échantillons ou de marchandises
non facturées (y compris par une société située en France vers sa filiale basée
à l’étranger) ou sur des biens physiques ou immatériels expor
tés à l'occasion
d'une exposition ou d'un salon. La sécurisation des « intangibles » permet de
maîtriser la diffusion d’informations sensibles sur des systèmes d’armes ou
des technologies de conception ou de fabrication.
Les licences individuelles portent ainsi sur les biens physiques ou
intangibles (assistance technique, formation, documentation transmise par
voie dématérialisée, etc.), les technologies ou les services à double usage,
visés par un règlement de
sanctions (ceux en vigueur concernant l’Iran,
la
Russie et la Syrie), par une réglementation d’initiative nationale ou par une
mesure individuelle. Cette mesure individuelle peut être décidée dans le
212
33 États participent à cet Arrangement
dont la France, l’
Allemagne,
l’Italie,
le Royaume-Uni, la Tu
rquie, l’Inde,
les États-Unis et la Russie.
ANNEXES
143
cadre d’une clause dite
« attrape-tout ». Cette clause permet de soumettre à
autorisation d’exportatio
n des biens à double usage non classés mais pouvant
être détournés à des fins énumérées à l’article 4 du règlement
n° 821/2021
213
.
Les licences individuelles, valables deux ans à compter de leur date de
délivrance et prorogeables pour six mois, sont les plus utilisées par les
exportateurs. Elles permettent aux entreprises d’exporter un ou plusieurs
biens vers des destinataires ou utilisateurs finaux situés dans des pays tiers.
S’agissant des licences globales, celles
-
ci permettent d’exporter un ou
plusieurs types de biens à double usage vers une ou plusieurs destinations,
pour une durée illimitée et sans plafond de quantités. Leur octroi nécessite la
mise en place d’un système de contrôle interne de conformité des
exportations (avec un rapport semestriel comme pour les matériels militaires)
et l’existence préalable de licences individuelles attribuées pour des flux
connus et récurrents vers des destinataires finaux bien identifiés.
Les licences générales nationales donnent la possibilité, quant à
elles,
d’
exporter, sans limite de valeur ni de quantité et sans autorisation
spécifique pour une opération ou un destinataire, sept types de biens à
double usage définis par des arrêtés
ad hoc
214
vers des pays ciblés ou dans
le cadre de scénarii
d’exportation
particuliers. Les exportateurs bénéficiant
de telles licences s’engagent en contrepartie
à respecter les conditions
d’exportation prévues par chaque licence
ainsi qu’à adresser au
x autorités
nationales de contrôle un état récapitulatif semestriel des exportations
réalisées. Ces licences générales nationales, valables un an et renouvelables
tacitement, sont plus rapides à obtenir.
Enfin, sept
types d’autorisations générales d’exportation, récapitulés
dans les annexes II a à II g du règlement n° 821/2021 et valables sans limitation
de durée, peuvent être délivrées par le SBDU, sans lien avec des opérations
spécifiques. C’est le cas pour la plupart des biens à double usage
215
vers
l'Australie, le Canada, les États-Unis,
l’Islande,
le Japon, le Liechtenstein, la
Norvège, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni et la Suisse. Ces autorisations
peuvent aussi porter sur certains biens à double usage vers certaines
destinations (
Afrique du Sud, Argentine, Corée du Sud et Turquie) ; elles
peuvent concerner
des exportations après réparation ou remplacement
ainsi
que d
es exportations temporaires de certains biens à double usage pour des
213
C’est le cas depuis 2021 des biens de cybersurveillance susceptibles d’un
détournement d’usage en violation des droits de l’Homme.
214
Arrêtés du 18 juillet 2002 (trois arrêtés sur les biens industriels, les produits
chimiques et le graphite), du 14 mai 2007 (sur les produits biologiques), du 31 juillet
2014 (deux arrêtés sur les biens à double usage destinés aux forces armées françaises et
sur les salons et expositions) et du 14 janvier 2019 (sur les matériels aéronautiques).
215
À l’exception de
ceux visés à la section 1 de
l’annexe II du règlement
n° 821/2021
(uranium, matières fissiles, agents pathogènes, missiles, fusées, technologies de
furtivité, de cryptoanalyse, biens relevant du contrôle stratégique de
l’Union
, etc.).
COUR DES COMPTES
144
foires ou expositions vers près de 25 États. Enfin, elles peuvent
s’appliquer à
certains biens du secteur des télécommunications (vers l’A
frique du Sud,
l’Argentine, la Chine, la Corée du Sud, la Croatie, l’Inde, la Russie, la Turquie
et l’Ukraine)
,
à certaines substances chimiques (vers l’Argentine, la Corée du
Sud, la Turquie et l’Ukraine)
ainsi qu’à des exportations
intragroupes de
logiciels et de technologies vers une quinzaine de pays. En contrepartie, les
exportateurs en bénéficiant s’engagent à fournir aux autorités de contrôle
nationales un état récapitulatif semestriel des exportations réalisées.
La c
onvention de l’Organisation de
coopération et de développement
économiques (OCDE) sur la lutte contre la
corruption d’agents publics
étrangers dans les transactions commerciales internationales
Cette convention signée le 17 décembre 1997 comporte 44 États
parties, dont la France qui l’a r
atifiée le 31 juillet 2000. Sept de ces États
(dont la Russie et le Brésil) ne sont pas membres de l’OCDE. Malgré les
efforts du groupe de travail anticorruption du G20 (a
nti-
c
orruption
w
orking
g
roup
), la Chine, l’Inde, l’Indonésie et l’Arabie Saoudite n’ont pas encore
rejoint la convention, ce qui est regrettable. L’objectif de ce texte est de
combattre la corruption d’agents publics étrangers grâce à des normes
juridiquement contraignantes, renforçant le caractère pénal de cette
infraction pour des transactions commerciales internationales. À cette fin, un
mécanisme de revue par les pairs conduit à la publication régulière de
rapports d’évaluation du groupe de travail contre la corruption adossé à la
convention OCDE sur la corruption. Ces rapports publics sont analysés par
les médias et les ONG. Contrairement à d’autres mécanismes comme le
Groupe d’Action Financière, l’OCDE ne classe pas les pays en fonction de
leur niveau de conformité à la convention. Ces évaluations suscitent une
grande vigilance des États concernés, compte tenu de leur sensibilité en
termes d’image, d’éthique et de compétitivité. Elles peuvent donner lieu à
des réformes d’envergure, comme ce fut le cas en France avec le vote de la
loi dite Sapin II en 2016
216
. Cette loi vise à
« porter la législation française
aux meilleurs standards européens et internationaux en matière de lutte
contre la corruption, et contribuer ainsi à une image positive de la France à
l’international
»
217
. Elle comporte trois volets destinés à renforcer la
transparence, mieux lutter contre la corruption et moderniser la vie
économique. Ce second axe comporte plusieurs mesures importantes dont la
création en mars 2017 de l’
agence française anti-corruption (AFA, en
216
Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la
jorf/id/JORFTEXT000033558528/).
217
ANNEXES
145
substitution du service central de prévention de la corruption)
placée auprès
du ministre de la justice et du ministre en charge du budget, la mise en place
obligatoire de dispositifs anti-corruption par les entreprises de plus de 500
salariés et de plus de 100
M€
de chiffre d’affaires, la facilitation de la
poursuite des faits de corruption d’agents publics étrangers
218
, l’instauration
d’une convention judiciaire d’intérêt public
219
.
L’AFA et le parquet national
financier ont publié le 27 juin 2019 un document précisant les conditions de
mise en œuvre de cette procédure de justice transactionnelle.
La convention de l’OCDE précitée de 1997, qui ne comporte aucune
disposition spécifique au secteur de l’armement et de la sécurité, a été
complétée par la convention des Nations unies contre la corruption du 31
octobre 2003
220
et par une recommandation de l’OCDE de 2009. Cette
dernière vise à renforcer la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers
dans les transactions commerciales internationales
221
. Cette recommandation
inclut également un guide de bonnes pratiques pour les contrôles internes, la
déontologie et la conformité
222
. Ce document destiné aux entreprises a conduit
à une prise en compte accrue de ces enjeux dans les processus de travail des
entreprises exportatrices, notamment de matériel militaire et de sécurité. Ces
enjeux dits de conformité (
compliance
en anglais) ont abouti à la création de
services
ad hoc
, à l’édition de documents ainsi qu’à la mise en place de normes
(ISO 37001 en 2016) et de règles, déclinant dans les entreprises concernées ce
cadre juridique français et international.
La prise en considération de ces problématiques est intégrée depuis
une ving
taine d’années par les grands groupes français exportateurs
d’armement et d’équipements de sécurité. Certains d’entre eux ont
d’ailleurs pu présenter à l’invitation de la représentation permanente de la
France auprès de la conférence du désarmement, lors la cinquième
conférence des États parties du TCA en août 2019, les actions menées par
l’industrie en matière de conformité pour le contrôle des exportations
d’armement et la lutte contre la corruption.
218
La loi Sapin II supprime
le monopole du Parquet dans ce domaine, crée l’infraction
de trafic d’influence d’agent public étranger et confère une dimension extraterritoriale
au champ d’application de la loi pénale française sanctionnant les faits de corruption et
de trafic d’influen
ce.
219
Cette convention permet au procureur de la République de proposer à une entreprise
soupçonnée d’atteinte à la probité de payer une amende (dans la limite de 30
% de son
chiffre d’affaires annuel) avant l’engagement des poursuites.
220
Cette convention, ratifiée par la France le 4 juillet 2005, est entrée en vigueur en
septembre 2006.
221
contrelacorruptiondagentspublicsetrangersdanslestransactionscommercialesinternationales.htm.
222
COUR DES COMPTES
146
Les PME et les ETI sont, quant à elles, sensibilisées à ces enjeux par
les syndicats professionnels qui suivent de près cette réglementation et
proposent des conseils dans ce domaine. Toutefois, seulement un tiers des
entreprises françaises seraient conformes aux obligations de conformité de
la loi Sapin 2, selon une étude de l'association française des juristes
d’
e
ntreprise et d’Ethicorp
223
.
Cette situation s’expliquerait notamment par
le caractère chronophage de ces obligations consommatrices de ressources
humaines souvent contraintes ainsi que par la complexité de la cartographie
des risques à réaliser.
Enfin, la DGA a commencé à sensibiliser ses agents à la lutte anti-
corruption. Lors d’une formation annuelle
ad hoc
qu’il dispense, le
conseiller éthique de la DGA-DI expose ses enjeux et ses risques aux
nouveaux arrivants, aux futurs attachés de défense, aux officiers
accompagnateurs en amont des salons d’armement, aux futurs officiers de
programme ou directeurs de programme. En revanche, la DGA n’a pas mis
en place de système d’
e-learning
consacré à cette question.
La sous-direction du c
onseil, de l’
analyse stratégique et des affaires
internationales de l’AFA rassemble et diffuse les informations ou les bonnes
pratiques permettant d’aider les entreprises (comme les administrations ou les
collectivités territoriales) à prévenir et détecter les atteintes à la probité
224
. Elle
a publié à cette fin de nombreux documents
225
auxquels s’ajoutent des
recommandations pour prévenir et détecter de tels manquements
226
. Les
entreprises de l’ensemble des secteurs, dont celui de l’a
rmement et de la
sécurité, bénéficient de ces conseils, notamment dans le cadre d’ateliers
organisés avec l’appui de fédérations professionnelles comme l’
association
française des entreprises privées, le MEDEF ou le Gifas. Ce soutien peut
également porter
sur la méthodologie d’élaboration et la validation d’un
programme anti-
corruption. S’agissant du secteur militaire, l’AFA a ainsi
validé le programme de conformité anticorruption d’Airbus auprès du Parquet
national financier. Ce type d’audit vise à s’assurer de l’exhaustivité du
déploiement du programme de conformité aux entités et filiales du groupe. Il
permet d’approfondir les échanges entre l’AFA et l’entreprise et peut donner
lieu à des enseignements utiles pour d’autres entreprises du secteur.
223
In Le Monde du droit, 33 % des entreprises seulement seraient en conformité avec
la loi Sapin 2, Raphaël Lichten, 7 février 2020.
224
Ces atteintes regroupent les faits de corruption, de trafic d'influence, de concussion,
de prise illégale d'intérêt, de détournements de fonds publics et de favoritisme.
225
La fonction conformité anti-
corruption dans l’entreprise
, AFA, décembre 2019 ;
Politique cadeaux et invitations dans les entreprises, les associations et fondations,
AFA, juillet 2019 ;
Charte de l’accompagnement des acteurs publics
, AFA, janvier
2019 ;
Charte d’appui aux entreprises
, AFA, octobre 2018 ;
Recommandations sur la
prévention et la détection des manquements au devoir de probité, septembre 2017.
226
_0061.pdf.
ANNEXES
147
La sous-
direction du contrôle de l’AFA peut
, quant à elle, contrôler
sur pièces et sur place le respect des mesures et procédures de conformité
anticorruption par les entreprises et les établissements publics industriels
et commerciaux qui y sont soumis. Elle veil
le également à l’exécution des
décisions rendues par la commission des sanctions. Cette dernière,
rattachée à l’AFA et composée de six membres, peut
:
-
e
njoindre une société d’adapter, selon ses recommandations, les
procédures de conformité internes dans un délai de moins de trois ans ;
-
prononcer une sanction pécuniaire pouvant atteindre 200.000
€
pour
les personnes physiques et 1
M€
pour les personnes morales ;
-
o
rdonner la publication, la diffusion ou l’affichage de sa décision, aux
frais du condamné.
Tout en développant une coopération internationale avec de
nombreux pays, l’AFA a mené à bien
31 nouveaux contrôles (dont 18
portant sur des entreprises issus pour un tiers d’entre elles du secteur
manufacturier) et 3 examens préalables à d’éventuelles convent
ions
judiciaires d’intérêt public
en 2021, contre 30 contrôles en 2020, 36
contrôles et 2 examens préalables en 2019, 47 contrôles et 4 examens
préalables en 2018
227
. Quatre
conventions judicaires d’intérêt public
signées en 2018 ont débouché en 2021 sur des mises en conformité
satsisfaisantes et une extinction de l’action publique. L’AFA
a, de plus,
poursuivi la mise
en œuvre
du premier plan national de lutte contre la
corruption, adopté en 2019 pour la période 2020-2022. Malgré ces efforts
et les progrès accomplis, la perception internationale des actions de lutte
engagées contre la corruption par les autorités françaises reste stable
(22
ème
place en 2021, contre 23
ème
place en 2019), selon le dernier
classement de
Transparency International
dans ce domaine
228
.
Or, selon
Transparency international
, 83 % des exportations
mondiales seraient concernés par des pratiques de corruption
229
. Cette
situation touche aussi le secteur de l’armement et de la sécurité qui fait
l’objet d’accusations récurrentes de corruption da
ns le cadre de contrats
internationaux
230
.
Transparency international
a d’ailleurs publié en 2008
227
In Rapport annuel d’activité 2021 de l’AFA,
pp. 36-37, 2022, 68 p.
228
In Indices de perception de la corruption, Transparency international France
(transparency-france.org).
229
In https://transparency-france.org/actu/plus-des-trois-quarts-des-exportations-mondiales
-sont-touchees-par-la-corruption-exporting-corruption-un-rapport-qui-revele-les-insuffisances
-de-la-lutte-contre-la-corruption-internationale/#.X_8cDfZFzIU.
230
article/2015/06/05/le-kazakhgate-une-affaire-d-État4647797_4497186.html.
COUR DES COMPTES
148
un document proposant des objectifs anti-corruption relatifs à ce secteur
231
puis en 2012 un classement des entreprises d’armement les plus
performantes en matière de lutte contre la corruption
232
. Les enjeux
éthiques et de responsabilité sociale et environnementale tendent ainsi,
sous
l’action
des ONG et la pression des opinions publiques, à devenir de
plus en plus prégnants pour l’image, la compétitivité, voire le
financement
par les banques privées
233
des entreprises exportatrices d’armement et de
sécurité. Une veille active de ces enjeux, en particulier par la DGA et la
DG Trésor, paraît indispensable.
La négociation et l’interprétation des textes
Plusieurs groupes
de travail associant des représentants d’États
membres et, sur invitation, des représentants du secteur privé (notamment
sur les thématiques de conformité et de responsabilité sociale des
entreprises)
ont été mis en place pour faciliter et harmoniser l’int
erprétation
commune des textes européens relatifs au contrôle des exportations
d’armement, en particulier la position commune et la directive de 2008.
C’est le cas des deux groupes de travail sur le désarmement global et
la maîtrise des armements et sur les exportations d'armes conventionnelles
(COARM). Ce dernier permet aux États membres d’échanger entre eux sur
leurs politiques d'exportation d’armes et leurs décisions de rejet de demandes
de licences d'exportation vers les pays non-membres de l'UE, de dialoguer
avec ces États. Le COARM est également l’enceinte européenne où sont
évoqués les questions liées au TCA ainsi qu’à l’application et la mise à jour
de la position commune 2008/944/PESC précitée. Le
ministère de l’Europe
et des affaires étrangères représente la France au sein du COARM, en lien
avec la DGRIS et le SGDSN qui y participent aussi. La DGA peut également
se joindre à la délégation interministérielle française au COARM en fonction
des sujets à l’ordre du jour.
231
In
Combattre la corruption et promouvoir l’intégrité dans le secteur de l’armement
,
working-paper-02-2007-addressing-corruption-and-building-integrity-in-defen#).
232
et-lindustrie-de-larmement/.
233
Cf. chapitre IV-I-B.
ANNEXES
149
L’
export control informal working group
associe des États membres
de la l
etter of intent
234
pour faciliter la convergence et l’harmonisation des
pratiques de contrôle. En particulier, ces États cherchent à s’accorder sur
la compréhension et le contenu de terminologies et d’expressions
juridiques ; ils proposent ensuite des interprétations communes à la
Commission européenne et aux autres États membres. Ces travaux ont
permis la mise en place des licences globales de projet ou l’émission de
recommandations de l’UE sur les licences génér
ales de transfert. Ils portent
actuellement notamment sur les concepts de «
spécialement conçu pour un
usage militaire
» ou de «
développements pour les besoins de défense
»
dont les sens sont perçus différemment par certains États membres pour
des raisons
tenant à la culture, l’histoire et la spécialisation économique.
Enfin, s’agissant des biens à double usage, des groupes de travail sur
l’Arrangement de Wassenaar, où sont présents la DGE, la DGDDI, la DGA,
la DGRIS et le
ministère de l’Europe et des affa
ires étrangères, permettent aux
États d’échanger sur la réglementation en vigueur et de suggérer des
améliorations de celle-ci. Le SBDU participe aux travaux pilotés par le
SGDSN sur les quatre régimes internationaux de contrôle relatifs à
l’exportation de
s biens à double usage. Tout en étant en contact avec les
industriels susceptibles d’être impliqués, le SBDU représente la France au
sein du groupe « double usage » du Conseil qui prépare les travaux législatifs
européens sur le contrôle des exportations. Il prend également part aux
travaux du groupe de coordination placé auprès de la
DG Trade
de la
Commission européenne pour suivre cette législation. Il est associé en tant
que de besoin par le
letter of intent
aux réflexions sur les mesures
d’embargos mises en œuvre ou envisagées dans le cadre de la
politique
étrangère et de sécurité commune (PESC).
234
L’Allemagne, l’Espagne, la France (représentée par le SGDSN, le ministère de l’Europe
et des affaires étrangères et la DGA-
DI), l’Italie, le Royaume
-Uni et la Suède. La
letter of
intent
vise à renforcer l’industrie européenne de défense par une veille des réglementations
extra-
européennes ou une harmonisation des règlementations nationales au sein de l’UE
en
matière de commerce des armes.
COUR DES COMPTES
150
Annexe n° 5 :
quatre exemples de systèmes
étrangers de contrôle des exportations de matériels
militaires et de sécurité
Cette comparaison internationale confirme les forces et faiblesses
du système français de contrôle. Dans la plupart des pays, à la différence de
la France, aucune structure interministérielle formalisée n’est en place pour
contrôler les exportations d’armement. En revanche, des processus informels
de concertation entre ministères permettent une gestion de ce processus.
L’Allemagne
: une volonté de transparence et de contrôle
de
l’utilisation finale des armes
En Allemagne, les exportations de matériel militaire et de sécurité
sont encadrées juridiquement par la loi fondamentale, la loi sur le contrôle
des armes de guerre (
Kriegswaffen Kontrollsgesetz,
KrWaffKontrG), la loi
sur le commerce extérieur (
Außenwirtschaftsgesetz
, AWG) et la
réglementation du commerce extérieur (
Außenwirtschaftsverordnung,
AWV), pour les autres matériels militaires. Les « principes politiques » du
gouvernement fédéral applicables aux exportations d’armes de guerre et
aux autres biens d’armement du 19 janvier 2000, les
« nouveaux
principes » adoptés par le Gouvernement fédéral sur les armes de petit
calibre
(incluant notamment les mitrailleuses, les pistolets mitrailleurs et
les fusils d’assaut)
et les contrôles après expédition ainsi que la
réglementation européenne précitée
235
complètent ce corpus juridique.
Le contenu de ce dernier comporte quelques spécificités au regard de
celui de la France.
Les principaux motifs de refus d’obtention de licences
d’exportation de matériel d’armement prévus par l’AWG et l’AWV tiennent à
la mise en péril de la coexistence pacifique des peuples ou aux risques pesant
sur les intérêts essentiels de la politique étrangère et de sécurité de l’Allemagne.
Quant aux « nouveaux principes » applicables aux armes de petit calibre, ils
prévoient notamment qu’aucune autorisation d’exportation de composants et de
technologies à destination de pays tiers ne peut être délivrée si ce matériel est
susceptible de servir à la construction d’une nouvel
le chaîne de production
d’armes de petit calibre ou de leurs munitions. L’Allemagne applique ainsi le
principe dit du «
neuf remplace l’ancien
»
pour éviter la prolifération d’armes
de petit calibre en obligeant les destinataires de nouvelles armes de ce type à
mettre au rebut et détruire leurs anciennes armes. De plus, si ces destinataires
démontrent des besoins supplémentaires nécessitant l’acquisition d’armes
neuves et le maintien en service d’armes anciennes, ces bénéficiaires doivent
s’engager à détrui
re ces armes neuves dès leur mise au rebut.
235
Cf. chapitre I-II-A et annexe n° 4
–
Les textes internationaux encadrant le commerce
des armes et des biens à double usage.
ANNEXES
151
En outre, l’Allemagne a décidé depuis 2015 de développer des
contrôles sur l’utilisation finale des armes de guerre et des autres matériels
militaires autorisés par une licence et exportés. Les exportateurs doivent ainsi
consentir avant toute autorisation au principe de cette vérification ultérieure
dans les pays de destination des armes. L’objectif de cette mesure est de
prévenir tout transfert illicite de ces matériels à des bénéficiaires tiers. À ce
stade, ce projet pilote reste toutefois centré sur les seules armes de petit
calibre et les premières vérifications sont prévues pour la fin 2021
236
.
Enfin, le conseil des ministres fédéraux a adopté en juin 2014 un
amendement du règlement intérieur du Conseil fédéral de sécurité
(Bund
essicherheitsrat)
rendant automatique l'information du parlement
allemand
sur
les
décisions
définitives
d'autorisation
d'exportation
d'armement. Cette obligation de transparence peut également porter sur les
décisions intervenues entre 2002 et 2014, en réponse à des questions
parlementaires. Dans tous ces cas, le gouvernement allemand communique
au Parlement l’historique des a
utorisations octroyées et les noms des
fabricants d’équipements militaires concernés. L’exécutif allemand est
également soucieux d’améliorer son système de contrôle des exportations
d'armement en se fondant sur un processus de consultation. Celle-ci, pilotée
par le ministère fédéral de l'Économie et de l'Énergie (
Bundesministerium für
Wirtschaft und Energie,
BMWE), a porté sur l'avenir du contrôle des
exportations d'armement, en association avec des représentants des milieux
économiques et scientifiques, d’
instituts de recherche et de la société civile.
D’un point de vue administratif, le BMWE
est, en effet, compétent pour
octroyer les autorisations d’exportation de matériel d’armement et de sécurité,
en concertation avec les ministères fédéraux des affaires étrangères et de la
défense. Les forces armées fédérales (
Bundeswehr
), le service des douanes et
les autorités chargées du maintien de la sécurité publique sont exclus du champ
de cette compétence. En cas d’avis divergents de ces ministères ou dans les cas
jugés les plus sensibles, le Conseil fédéral de sécurité décide de
l’octroi ou du
refus d’une autorisation d’exportation.
L’Office fédéral allemand de
l’économie et du contrôle des exportations (
Bundesamt für Wirtschaft und
Ausfuhrkontrolle
, BAFA, 1 000 agents) assure, quant à lui, le contrôle des
«
autres biens d’armemen
t » et des biens à double usage, tout en gérant aussi
les programmes de soutien au développement économique des TPE et PME,
ainsi que la promotion des énergies renouvelables et des économies
d’énergie
237
.Rattaché au BMWE, le BAFA comporte six directions générales
dont deux sont dédiées au contrôle des exportations au plan procédural ou des
technologies. S’agissant du contrôle des armes légères et de petit calibre, le
Bonn International Center for Conversion
a développé un guide interactif
ad
hoc
238
), en partenariat avec le centre de vérification de la Bundeswehr
(
Zentrum für Verifikationsaufgaben der Bundeswehr,
ZVBw, chargé du
contrôle de l’armement)
et le ministère fédéral des affaires étrangères.
236
237
In
BAFA, our remit at a glance
/Tasks/tasks_node.html;jsessionid=5F56C7B80E5E4DF418BEA41A8322511B.2_cid390.
238
In https://salw-guide.bicc.de/fr/weapon/categories.
COUR DES COMPTES
152
La Belgique : le choix de la décentralisation partielle
des procédures de contrôle
Contrairement à l’Allemagne qui est également un
État fédéral, la
Belgique a mis en place un système décentralisé de contrôle des exportations
d’armement sur cette thématique touchant à la souveraineté nationale du
Royaume de Belgique. Ce choix, qui semble surprenant pour un sujet présentant
de forts enje
ux régaliens, s’explique en particulier par les divergences de
position entre les autorités flamandes et les autorités wallonnes, davantage
encline
s à soutenir leur base industrielle d’armement à l’exportation
alors que
cette région concentre 76 % des emplois et 58 % des entreprises de ce secteur
en Belgique
239
. Cette décentralisation est cependant tempérée par la
responsabilité conservée du Service public fédéral des affaires étrangères en
matière d’orientation générale et de coordination de la politique de
contrôle des
matériels militaires, assimilés et des biens à double usage. L’administration
fédérale belge des douanes demeure également responsable des contrôles de ces
matériels aux frontières. L’exportation de biens nucléaires fait, de plus, l’objet
d’une autorisation préalable du ministère fédéral de l’énergie après consultation
de la Commission d’avis pour la non
-prolifération des armes nucléaires
240
.
Il n’en reste pas moins que, depuis la
« loi spéciale » du 12 août 2003,
les trois régions wallonne (Dire
ction de la gestion des licences d’armes),
flamande (Service du contrôle des biens stratégiques,
Dienst controle
strategische goederen
) et de Bruxelles-Capitale (Direction des relations
extérieures) sont compétentes pour l’octroi de licences portant sur l’
importation,
l’exportation et le transit d’armes, de matériel à usage militaire et de biens à
double usage, à l’exception des licences sollicitées par l’armée belge ou la police
fédérale. Les autorisations d’exportation d’armes relatives à ces deux
administrations sont délivrées par le Service des licences du Service public
fédéral de l’économie, des PME, des classes moyennes et de l’énergie. Enfin, les
régimes d’autorisation d’exportation des matériels militaires et de sécurité
diffèrent selon les régions belges. Les régions wallonne et de Bruxelles-Capitale
ne délivrent, en effet, une licence qu’après une autorisation préalable
d’exportation et de transit du Service fédéral des armes, rattaché au Service
public fédéral de la justice
241
. Cette autorisation comporte des demandes de
renseignements sommaires en une page (coordonnées du demandeur, identité
des administrateurs, nature du matériel exporté ou en transit et licence demandée
pour une période indéterminée ou limitée
242
), tout en étant corrélée au résultat
d’une
« enquête de moralité ». La région flamande utilise, pour sa part, un
système similaire d’autorisations préalables qu’elle délivre elle
-même
243
.
239
In https://grip.org/panorama-de-lindustrie-de-larmement-en-belgique-base-de-donnees/.
240
desarmement_et_non-proliferation/controle_sur
241
_et_transit/procedure.
242
243
prohibition-et-de-restriction/sécurité/armes#q3.
ANNEXES
153
L’efficacité d’une telle organisation interroge d’autant plus que le
juge administratif belge considère que le contrôle des exportations de
matériel militaire et de sécurité ne relève pas toujours
d’actes de
gouvernement échappant au contrôle de la justice. Le 4 juillet 2011, le
Conseil d’État belge, saisi d’un recours, a ainsi annulé cinq licences
d’export
ation accordées par la région wallonne à une entreprise pour des
exportations d’armes déjà effectives vers la Libye
244
. Le Conseil d’État a,
en effet, considéré que ces décisions éminemment politiques et relevant des
« affaires
de
gouvernement »
avaient
été
prises
sans
contrôle
parlementaire
245
, alors qu’aucune urgence ne le justifiait
246
. Le Conseil
d’État belge, saisi à nouveau par la CNAPD et la Ligue des droits humains,
a ensuite étendu cette jurisprudence à des armes non encore livrées, en
évoquant d’autres
motifs. Il a ainsi décidé le 9 mars 2020 de suspendre « en
extrême urgence », eu égard à leurs conséquences potentielles pour la
préservation des droits de l’Homme, la répression et le conflit armé au
Yémen, 17 l
icences d’exportation
d’armes vers l’Arabie
Saoudite,
attribuées par la région wallonne en décembre 2019
247
.
La Suède : un contrôle confié à une autorité administrative
indépendante compétente pour les matériels d’armement
et les biens à double usage
En Suède, depuis 1992, le
military equipment act
, la
military
equipment ordinance
et des « lignes directrices nationales », approuvées
par le Parlement (
Riksdag
), pour l’attribution des licences
constituent le
socle juridique du contrôle des exportations de matériel militaire et de
sécurité. Ce contrôle est assuré par une agence publique, la
swedish
inspectorate for strategic products
(ISP, 40 agents), en collaboration avec
les Douanes suédoises. La police suédoise pilote, quant à elle, le processus
d’autorisation des transferts d’armes à feu dans l’UE. L’ISP est une autorité
administrative
indépendante,
également
chargée
du
contrôle
des
investissements directs étrangers en Suède et rattachée au département du
désarmement et de la non-prolifération du ministère suédois des affaires
étrangères. Ce ministère détermine les orientations politiques générales en
matière de contrôle des matériels militaires et des biens à double usage.
244
245
Une sous-commission de contrôle des licences d'exportation d'armes existe au sein du
controle-parlementaire-exportation-armes-france/).
246
In http://juridict.raadvst-consÉtat.be/index.php?lang=fr#ideJ:0:233:15:2797 :
17887:17889:A:40851.
247
fn-et-de-cmi-vers-larabie-suspendues et in http://juridict.raadvst-consÉtat.be/index.
php?lang=fr#ideJ:0:233:15:2797:17887:17889:A:77764.
COUR DES COMPTES
154
L’ISP est composé de sept directions, respectivement responsables de
l’équipement militaire, des biens à double usage, de la loi
et la conformité, des
sanctions, des investissements directs étrangers, des fonctions support,
d’internet, des télécommunications et de la sécurité. S’appuyant sur les conseils
de trois instances (le conseil du contrôle des exportations, le conseil scientifique
et technique, le conseil de la coopération stratégique)
248
, l’ISP décide d’attribuer
ces licences d’exportation en toute indépendance envers le gouvernement
suédois qui ne peut pas, constitutionnellement, influencer ces décisions. Chaque
année, l’ISP adresse au gouvernement suédois un rapport d’activité sur ces
autorisations et les exportations d’armement de la Suède
249
. Pour tout projet
d‘exportation d’armement susceptible de présenter des risques
avec un pays
nouvellement client, suscitant la polémique
ou en guerre, l’ISP est toutefois
contraint de consulter le Conseil du contrôle des exportations (EKR).
Ce comité, créé en 1996 en même temps que l’ISP, est composé de trois
députés de la majorité, d’un membre de chacun des partis représentés au
Riksdag
et de représentants des ministères suédois des affaires étrangères et de
la défense. L’EKR est présidé par le directeur général de l’ISP et ses membres
sont assistés de 12 agents rémunérés par le gouvernement suédois. Les
membres de l’EKR sont astreints aux
mêmes obligations de confidentialité que
les agents de l’ISP
250
. Les membres du conseil scientifique et technique sont,
quant à eux, des experts d’autorités techniques et académiques appelés à
conseiller l’ISP sur le classement des matériels militaires et
des biens à double
usage. Enfin, le conseil de la coopération stratégique rassemble des membres
de l’ISP, de l’
agence de recherche de la défense, du centre de communication
radio de la défense nationale, du renseignement militaire, du service de la
sécurit
é et des Douanes pour coordonner et affecter dans l’ISP des managers
spécialistes de la non-prolifération
251
.
Les États-Unis : une stratégie de reclassement
de certains matériels militaires
Aux États-
Unis enfin, les exportations d’armes sont gérées par le
dé
partement d’État, en lien avec le ministère de la défense. La
defense
technology security agency
est chargée du contrôle des différentes licences
et des demandes d’investissement étranger dans les entreprises américaines
de défense. Cette agence, rattachée au département de la défense (DoD), agit
en tant qu’experte auprès du
d
épartement d’État (DoS) et, dans une moindre
mesure, du département du commerce (DoC). La législation américaine
impose aux entreprises de défense de rendre compte de l’ensemble des
op
érations d’
«
offsets
»
auxquelles elles sont soumises. Ces éléments sont
analysés par le BIS, un bureau spécialisé du département du commerce qui
rend compte au Parlement chaque année, conformément au
defense act.
248
In https://isp.se/eng/about-the-isp/.
249
250
In https://isp.se/eng/about-the-isp/our-councils/ et in En Suède, un contrôle parlementaire
peu efficace, Romain Mielcarek, Le Monde diplomatique, septembre 2019.
251
In https://isp.se/eng/about-the-isp/our-councils/.
ANNEXES
155
En 2013, l’
export control reform act
a conduit le gouvernement
américain à reclasser, dans un souci de simplification et de compétitivité
des entreprises américaines, de nombreux matériels de guerre soumis à
autorisation d’exportation au titre de
l’United
State
s
military list
(USML,
relative aux matériels de guerre de la réglementation Itar) en biens à double
usage relevant de
l’
export administration
r
egulation
s (EAR) et de la
commerce control list
(CCL). Cette réforme a été menée à bien en créant
deux catégories de biens militaires jugés moins sensibles (série 600) et de
biens spatiaux jugés moins sensibles (série 515). Le contrôle des
exportations de ces biens a été transféré du département d’
État au
département du commerce, en appliquant le principe
de minimis
pour les
destinations sous sanctions américaines. Cette stratégie favorise la
compétitivité des entreprises américaines d’armement à l’exportation en
les rendant, du fait de la mise en place d’un système d’autorisation allégé
pour certains matériels d’armement, plus réactives aux so
llicitations de
leurs clients étrangers que leurs concurrents, notamment français
252
.
S’agissant de ces biens, l’
export control reform act
, révisé en 2019,
regroupe des textes règlementaires assortis d’annexes
253
relevant de la
compétence du DoC et du BIS. Les listes incluses dans ces annexes sont plus
complexes et détaillées que celles du règlement UE 821/2021 du Parlement
européen et du Conseil instituant un régime
de l’Union
de contrôle des
exportations, du courta
ge, de l’assi
stance technique, du transit et des transferts
de biens à double usage. L’
entity list
porte, par exemple, sur des types de
structures défavorablement connues, souvent dans des États jugés à risque.
252
Cf. annexe n° 5
–
Quatre exemples de systèmes étrangers de contrôle des
exportations de matériel militaire et de sécurité.
253
Ces annexes portent sur des listes de biens soumis à contrôle (CCL, issue des listes
définies par les régimes de contrôle internationaux
ad hoc
), de listes additionnelles
unilatérales (rubrique dite EAR99), de listes d’entités à statut particulier favorab
le
(
exemption list
) ou défavorable (
entity list
pour la Chine, l’Iran, la Russie, le Venezuela).
COUR DES COMPTES
156
Annexe n° 6 :
intervenants et effectifs mobilisés
en 2021 pour le contrôle et le soutien aux exportations
de matériel militaire et de sécurité
Prospection
et promotion
Autorisation
Contrôle
Offre et termes
du contrat si
intervention
publique
Signature
du contrat
Exécution si
intervention
publique
Parlement
Ratification
si AIG
Premier ministre
SGDSN
Oui, présidence et
secrétariat
CIEEMG, membre
CIBDU
12 ETP
Ministère des armées
Système
d’information
Sigale
Ministre
Oui, MVD
CIEEMG, pdence
des RHODE*
Oui, pdence des
réunions
« Brienne »
Soutex
Oui
Cabinet
1 ETP
DGA-DI (MSOE,
SDCE, SDGQ, sous-
directions
géographiques)
Oui, présence
CIEEMG, membre
RHODE, CIBDU
et CICCA,
présidence
commission des
cessions
Oui,
membre
CMCAP
Oui, membre
réunions
« Brienne »,
coprésidence du
C3E
Oui
Oui
70 ETP
DGA-DO et DP
Oui
Oui
31 ETP
DGA-DT
5 ETP (part dédiée au
contrôle et au soutien
des exportations non
connue des 174 autres
ETP)
Oui
Oui
DGA-SQ
Oui
Oui
52 ETP
EMA / Interarmées,
Inspection des
armées
Oui, EMA après
avis DRM,
présence
CIEEMG, membre
RHODE et
présidence comité
de pilotage des
cessions
Oui, membre
réunions
« Brienne »,
coprésidence
du C3E
Oui
Oui
15 ETP
Armée de terre
Oui, salons,
escales,
Oui, sur demande
EMA-MA
Oui, membre
réunions
« Brienne »
Oui
47 ETP
ANNEXES
157
Prospection
et promotion
Autorisation
Contrôle
Offre et termes
du contrat si
intervention
publique
Signature
du contrat
Exécution si
intervention
publique
Armée
de l’
air et de
l’espace
démons-
trations
Oui, sur demande
EMA-MA
Oui, membre
réunions
« Brienne »
Oui
330 ETP
Marine
Oui, sur demande
EMA-MA
Oui, membre
réunions
« Brienne »
Oui
87 ETP
DGRIS
Oui
Oui, présence
CIEEMG, membre
RHODE
Oui, membre
réunions
« Brienne »
8 ETP
DGSE
Oui, voix consulta-
tive CIEEMG,
mbre CICCA
Oui
Oui
nc
DAJ
Oui,
membre
CMCAP
Oui
5 ETP
CGA
Oui,
présidence
CMCAP,
membre
RHODE
4 ETP
Missions de défense
Oui
Oui
Oui
Oui
28 ETP
Ministère de l’économie
, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique
Système
d’information
Delta/
GUN
EGIDE
Cabinet
0,5 ETP
Oui, MVD
CIEEMG
DG Trésor (3)
/Bpifrance (18) /
Business France (1)
Oui, article
90,
assurance-
prospection
Oui, DG Trésor
membre CIEEMG
Oui ; DG Trésor
membre réunions
« Brienne »,
assurance-crédit
Oui, si
volet
financier
dans AIG
Oui, si
sinistre ou
risque de
sinistre
22 ETP
Direction du Budget
0,49 ETP
Oui
Oui, si
sinistre ou
risque de
sinistre
DGDDI
(COMINT2,
SAMIA, DRI,
DNRED, SARC,
réseau international
douanier)
97,4 ETP (hors ETP
ad hoc
des bureaux
des douanes, PAE,
Oui, voix
consultative
CIEEMG, membre
CIBDU et CICCA
Oui
COUR DES COMPTES
158
Prospection
et promotion
Autorisation
Contrôle
Offre et termes
du contrat si
intervention
publique
Signature
du contrat
Exécution si
intervention
publique
CCE, service des
grands comptes et
SRE nc)
DGE
Oui
Oui, secrétariat
CIBDU
Oui, pour
biens à
double
usage
15 ETP
Services
économiques
Oui
Oui
Oui
Oui
nc
Ministère de l’Europe et des affaires étrangères
Cabinet
Oui, MVD
CIEEMG
Ambassades
Oui
Oui
Oui
Oui si AIG
nc
DASSD
Oui, présidence
CIBDU
6 ETP
DGM-STRAT
Oui
Oui, membre
réunions
« Brienne »
Oui
Oui
3 ETP
DCSD
Oui, section
liaison
entreprise
25 ETP (dont 19
coopérants***)
DAJ
Oui
Oui
2 ETP
Ministère de l’intérieur
SCAE
Oui, présidence et
secrétariat CICCA,
voix consultative
CIEEMG (id.
DGSI)
2 ETP
DPSIS
Oui
0,01 ETP
DCIS
4 ETP
Oui
SSI des ambassades
Oui
Oui
Oui
Oui
nc
Total : 882,4 ETP
Source : Cour des comptes
*RHODE :
Réunion Hebdomadaire d’Orientation des Demandes d’Exportation
**C3E : Comité Conjoint de Convergence Export
*** Le Soutex
constitue l’une des missions des coopérants mais sa part varie selon les périodes et les pays
: 30 %
du temps de travail des 18 coopérants localisés dans les pays du Golfe, 5 % du temps des 240 coopérants affectés
en Afrique subsaharienne et des 57 autres coopérants situés dans le reste du monde.
ANNEXES
159
Annexe n° 7 :
l
es quatre étapes d’instruction
des
licences d’exportation de matériel de guerre
Une première phase administrative et technique permet d’analyser
la conformité réglementaire et la complétude des demandes de licence
déposées auprès de la DGA-DI
via
l’application
Sigale
254
. La sous-
direction du contrôle export de la DGA-DI émet un avis dans Sigale sur les
LEMG dites en recevabilité, après des échanges avec les industriels
pouvant donner lieu à plusieurs versions d’une demande de licence
255
. Cet
avis porte sur la compatibilité des matériels exportés avec le champ de
compétence de la CIEEMG, le remplissage des parties obligatoires des
formulaires, l’identification des fournitures, le caractère compréhensible et
non-
redondant des demandes, l’exactitude des informations fournies.
Cependant, selon plusieurs groupements d’exportateurs, cette
analyse de la recevabilité des licences tendrait à rétablir une préinstruction
des licences. Afin de vérifier l’impact de ce contrôle sur la lisibilité des
demandes, certains industriels souhaiteraient que des statistiques sur la
recevabilité des demandes leur soient communiquées lors du comité de
concertation État-industrie sur le contrôle des exportations.
Tableau n° 16 :
nombre de dossiers déposés dans Sigale
et réponses favorables
Types de licence
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Dossiers
déposés en
recevabilité
Demandes de licence initiale
8 475 7 483 7 959
8 932
8 305
nc
nc
Demandes de modification
de licence
2 435 3 151 2 518
2 194
3 274
nc
nc
Total des dossiers
en recevabilité
10 910 10 634 10 477
11 126
11 579 11 368 10 466
Dossiers
avec avis
favorables
Licences initiales notifiées
5 553 4 658 4 406
5 662
4 826 7 215 6 515
Modifications accordées
de licences
1 433 2 152 1 582
1 630
1 970
nc
nc
Prorogations de licences
nc
nc
nc
210
584
nc
nc
Part des licences initiales
et modifiées comportant
des conditions
57,0 % 61,0 % 63,0 %
69,0 %
74,0 %
nc
nc
Total des dossiers avec
avis favorables
6 986
(64 %)
6 810
(64 %)
5 988
(57 %)
7 292
(65,5 %)
6 796
(58,7 %)
nc
nc
Sources : SGDSN, Sigale
254
Cf.
infra
.
255
Ce processus explique en partie l’écart entre les nombres de demandes de LEMG en
recevabilité et de licences initiales notifiées (cf. tableau n° 16). Il accroît la déconnexion
entre les nombres de demandes de LEMG et de contrats signés. Les dossiers instruits ou
approuvés une année peuvent aussi avoir été déposés une année antérieure.
COUR DES COMPTES
160
Une seconde phase d’instruction des dossiers par les quatre
ministères avec voix délibérative (MVD : SGDSN et ministères des
armées,
de l’Europe et des affaires étrangères, de l’économie
, des finances
et de la souveraineté industrielle et numérique) au sein de la CIEEMG
succède à cette première étape.
Au sein du ministère des armées, la DGRIS étudie les risques
géopolitiques, de détournement, de dissémination, de prolifération
nucléaire, radiologique, biologique et chimique. Elle vérifie l’honorabilité
des intermédiaires et sociétés des projets d’exportation. Le bu
reau du
contrôle des exportations de l’EMA
-MA synthétise pour sa part les avis de
services du CEMA, d’officiers traitants des armées, de la DRM et de
groupes de travail associant le ministère des armées et des exportateurs à
l’aune de six critères
: la sécurité des forces armées ; la préservation de
leurs capacités et de leur supériorité opérationnelle ;
l’impact sur la
dissuasion nucléaire et la coopération ; le maintien des équilibres
régionaux et le respect des engagements internationaux ; la cohérence des
équipements exportés avec les standards internationaux ; les risques de
corruption et de détournement de matériels.
La DGA-DI, appuyée par la direction technique de la DGA, analyse,
quant à elle, les matériels à exporter et les conséquences industrielles de
sous-traitance ou transfert de savoir-
faire à l’étranger. Elle
synthétise les
avis du ministère des armées
et pilote, avec l’EMA et la DGRIS, des
réunions de revue des licences pour évaluer leur sensibilité, échanger sur
les avis divergents et élabore
r l’ordre du jour des
réunions hebdomadaires
d’
orientation des d
emandes d’
exportation (RHODE). Puis, les dossiers
posant des difficultés persistantes sont soumis à l’arbitrage du cabinet d
u
ministre au cours des RHODE. Celles-ci sont distinctes, organiquement et
en termes d’ordre du jour, des réunions hebdomadaires
« Brienne » dédiées
au Soutex
, ce qui limite le risque d’accorder des LEMG pour préserver le
budget de la défense, les carnets de commandes ou la charge d’usines.
Les demandes de LEMG signalées, faisant peser des risques de
détournement, de circuit commercial illicite ou de prolifération, sont
examinées par le comité de surveillance des exportations d’armes,
associant le cabinet du ministre des armées, le CGA, la DGRIS, la DGA et
la DGSE. Les autres demandes de LEMG sont présentées lors des RHODE
dont le secrétariat est assuré par la DGRIS et la présidence par le conseiller
diplomatique du
ministre des armées. A l’issue des RHODE, les avis du
ministère des armées sont adressés au SGDSN
via
Sigale, avec ou non des
conditions ou restrictions, en vue ou non d’un passage en CIEEMG.
Au sein des autres ministères, les avis de la DG Trésor et du
letter of
intent
sont envoyés parallèlement
via
Sigale au SGDSN qui émet à son tour
son avis sur les demandes de licence. La sous-direction du contrôle des
a
rmements et de l’OSCE du ministère de l’Europe et des affaires étrangères
évalue l’impact géopolitique des projets d’exportation et l’adéquation des
demandes de licence avec les orientations de la politique étrangère et les
ANNEXES
161
engagements internationaux de la France (embargos, sujets évoqués au sein
du COARM, etc.). Elle cherche à identifier les ventes de matériel militaire et
de sécurité potentiellement trop risquées, susceptibles de violer le droit
international et d’attirer l’attention des ONG. Tout en prenant en compte
dans ses analyses l’avis des autres ministères, le ministère de l’Europe et des
affaires étrangères tend ainsi généralement à appeler à une certaine prudence
dans l’attribution de licences présentant une sensibilité particulière.
Le
ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté
industrielle et numérique (bureau bureau des affaires aéronautiques, militaires
et navales de la DG Tr
ésor) analyse les projets à l’aune de critères financiers
portant sur les capacités d’achat et de remboursement du pays
-acheteur, ainsi
que sur leur intérêt industriel pour le maintien et le développement de la BITD.
La sous-
direction de l’exportation des
matériels de guerre du
SGDSN traite ensuite ces demandes au cas par cas, dans le respect des
engagements européens et internationaux de la France, de sa souveraineté,
de la protection de ses forcées armées et de celle de ses alliés ainsi que des
enjeux ind
ustriels et économiques. Elle s’appuie sur des informations et
avis émanant du réseau diplomatique, des attachés de défense, des services
de renseignement ainsi que sur des sources publiques (documents d’experts
de l’ONU, par exemple) ou privées (données f
ournies par des industriels).
Elle apporte un soutien administratif au cabinet du Premier ministre, voire
au Premier ministre auquel appartient en dernier ressort la décision
d’autorisation de ces exportations.
Ce circuit de traitement des LEMG peut cependant être raccourci en
fonction de la complexité et de la sensibilité des dossiers. Le choix d’un circuit
court ou long est déterminé lors de la décision de recevabilité des licences. Si
ce circuit est court, par exemple pour les demandes de maintenance de licence
(modification de la raison sociale du demandeur, changement d’adresse d’un
destinataire, ajustement de valeurs en douane, etc.), seule la DGA émet un avis
technique qui est transmis directement au SGDSN.
Faute d’un fonctionnement satisfaisant des f
orums de Sigale, les
quatre MVD échangent enfin entre eux des courriels
via
la messagerie ISIS
sur certaines demandes de licence posant des questions ou des difficultés
spécifiques. Ils se réunissent si nécessaire de façon informelle avant la
réunion mensuelle de la CIEEMG, notamment si des difficultés demeurent
à l’issue de la pré
-CIEEMG qui la précède une semaine auparavant. Dans
tous les cas, le SGDSN synthétise les positions des MVD en CIEEMG.
Une troisième étape de notification des conditions et de délivrance
des licences précise ensuite les conditions suspensives à lever avant les
démarches de négociations commerciales, avant la signature des contrats
et/ou avant la livraison effective. Ces conditions sont établies par la mission
de supervision des opé
rations d’exportation
et la direction technique de la
DGA sous forme de notes enregistrées dans Sigale, puis elles sont
consolidées et notifiées aux exportateurs par la sous-direction du contrôle
COUR DES COMPTES
162
export. Une LEMG peut ainsi comporter de 2 à 130 lignes et j
usqu’à 60
conditions. Celles-ci, mentionnées dans le feuillet 4 du formulaire envoyé
à l’exportateur, peuvent être non
-bloquantes ou bloquantes pour le projet
d’exportation, si elles ne sont pas remplies. Ces conditions peuvent être
globales ou porter sur
des lignes de matériels d’armement, des
fonctionnalités de matériels (retrait des fonctionnalités « spécial France »
ou Otan, en particulier), des listes et le contenu de documents techniques
transmis aux clients étrangers. Elles peuvent également imposer que des
équipements soient directement livrés au destinataire final sans passer, par
exemple, par un « paradis fiscal » ou p
our éviter qu’un pays intermédiaire
acquière certaines compétences. Les demandes de LEMG impliquant des
entreprises
françaises
en
sous-
traitance
d’entreprises
étrangères,
fournissant des composants pour des entreprises étrangères titulaires de
contrats exp
ort vers d’autres pays ou exportant un système intégrant des
composants étrangers soumis à licence dans leur pays d’origine sont
fréquentes. Elles peuvent déboucher sur l’imposition de conditions
particulières, notamment en termes de livraison, mais pas sur un refus
motivé par l’existence d’une concurrence avec une entreprise française. La
DGA vérifie la faisabilité de ces conditions avant la transmission des
LEMG au SGDSN puis, lorsqu’elles sont modifiées, après leur passage en
CIEEMG. La sous-direction du contrôle export notifie alors une seconde
fois aux exportateurs concernés ces conditions.
Les ambassades de France ou les missions diplomatiques françaises
situées dans les pays destinataires du matériel militaire ou de sécurité exporté
par des entreprise
s françaises sont quant à elles chargées d’authentifier chacun
des signataires (industriels et gouvernements clients pour des matériels
complets ou intégrés sur des plateformes) des clauses de non-réexportation le
cas échéant exigées. Dans le cas où un Éta
t n’est pas partie à une convention
internationale ou à un régime de contrôle de matériels d’armement, de sécurité
ou de biens à double usage, les autorités françaises formulent une condition
suspensive imposant l’engagement formel préalable des autorités
de ce pays
sur l’utilisation du bien exporté. La vérification du respect des conditions peut
parfois nécessiter pour les exportateurs de communiquer un exemplaire à la
DGA-
DI des projets de contrats (notamment dans le cadre d’accords
intergouvernementaux) ou de contrats signés qui sont conservés par la sous-
direction de gestion de la qualité de la DGA.
La
mission de supervision des opérations d’exportation
vérifie, quant à
elle, ce qui constitue un travail fastidieux et chronophage, que la
documentation adressée aux clients étrangers par les exportateurs est bien
conforme aux conditions fixées par la CIEEMG. Lorsqu’elles sont respectées,
les conditions suspensives sont levées dans Sigale, après une analyse du bureau
de l’analyse technique de la
sous-direction du contrôle export, confirmée par
la direction technique et les
directeurs d’opération à l’exportation
de la mission
de supervision des opérations d’exportation
. Les conditions sont alors
supprimées du feuillet 4 de la licence concernée pour intégrer son feuillet 3,
mentionnant les matériels d’armement dont l’exportation est autorisée.
ANNEXES
163
En l’absence de statistiques précises sur les conditions attachées aux
licences, la sous-direction du contrôle export
estime qu’environ 75
% des
licences sont émises sous condition et que 50 % de ces licences comportent
des conditions temporaires. Cette part des licences sous condition a
continuellement augmenté depuis 2015 (cf. tableau n° 16), en contradiction
avec l’objectif fixé par une directive de
ministère des armées de 2015
256
de
les limiter au strict minimum, en incitant notamment les opérateurs à
apporter, dans le cadre des demandes de licence, toutes les précisions
pertinentes concernant l’exportation envisagée. Cet accroissement continue
de la proportion des licences sous condition ne traduit pas la volonté de
réinstaurer un système de contrôle à deux niveaux, comme le suggèrent
certains groupements d’exportateurs. Il s’explique vraisemblablement par la
montée des tensions géopolitiques internationales (avec la Russie, la Chine
et Hong-
Kong, la Turquie, l’Arabie Saoudite, etc.), par la complexité
croissante des licences et leur possibilité d’évolution en termes de contenu et
de livrables au cours du temps, ainsi que par le développement de décisions
implicites de rejet ou d’a
journements, plus faciles à gérer politiquement avec
certaines entreprises que des refus. Les décisions de refus notifiées au
COARM par la France ont d’ailleurs été divisées par deux depuis 2017 ce
qui tend à confirmer cette explication (cf. tableau n° 17). En tout état de
cause, les avis de la CIEEMG demeurent majoritairement favorables au
regard du total des demandes de licence examinées en recevabilité, avec des
taux d’acceptation oscillant entre 57
% et 65,5 % de 2015 à 2019 (cf. tableau
n° 16). On observe enfin une certaine stabilité dans les pays destinataires des
licences accordées (cf. tableau n° 18), avec une première place occupée
constamment par l’Inde de 2015 à 2020, le
s EAU évoluant durant cette
période de la deuxième à la sixième place, le Royaume-Uni de la troisième
à la quatrième place,
l’Arabie Saoudite de la quatrième à la huitième place,
l’Allemagne de la cinquième à la deuxième place,
les États-Unis de la
sixième à la troisième place
, l’Italie de la septième à la cinquième place
.
C’est le
bureau des restrictions et de la sécurisation des échanges
(COMINT2) de la sous-direction du commerce international de la DGDDI,
et non pas le SGDSN (ce qui serait pourtant davantage cohérent), qui
notifie ensuite aux exportateurs d’armement concernés envi
ron 7.000
licences par an, soit, en 2019,
un taux d’acceptation d’un peu plus de 58
%
sur un flux d’annuel d’environ 12.000 demandes de licences (cf. tableau
n° 16). La durée de validité des licences accordées varie de quatre mois (en
cas d’attente d’une d
érogation) à trois ans. Les licences liées à des salons
d’armement sont valables un an. Les licences peuvent être prorogées, si la
DGA-DI émet un avis favorable en ce sens.
256
In directive n° 8049 DEF/CAB relative à la contribution du ministère de la défense
à la commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre,
19 août 2015, 16 p., p. 5.
COUR DES COMPTES
164
Tableau n° 17 :
refus, décisions implicites de rejet,
abandons de dossiers CIEEMG
Dossiers
examinés
en
CIEEMG
plénière
Demandes
d'ajour-
nement
Décisions
implicites
de rejet
Abandons
en cours de
procédure
(flux continu
et CIEEMG
plénière)
Refus
notifiés
au
COARM
Critères de refus issus de la position commune PESC
2008/944
Crit.
1
Crit.
2
Crit.
3
Crit.
4
Crit.
5
Crit.
6
Crit.
7
Crit.
8
2015
466
138
4
nc
35
49 %
9 %
18 %
11 %
13 %
2016
370
88
9
nc
48
33 %
5 %
6 %
30 %
5 %
5 %
15 %
1 %
2017
394
79
29
nc
50
20 %
10 %
2 %
30 %
2 %
32 %
4 %
2018
576
156
18
70
23
52 %
22 %
9 %
13 %
4 %
2019
689
190
51
110
25
24 %
32 % 24 % 12 %
4 %
4 %
2020
453
97
28
nc
19
5 %
63 %
5 %
16 %
11 %
2021
nc
nc
18
nc
31
10 %
19 %
68 %
3 %
Sources : SGDSN, rapports au Parlement sur les exportations d'armement de la France 2015-2022
Tableau n° 18 :
dix premiers pays bénéficiaires des LEMG
accordées par la France
Rang
2015-2021
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
1
Inde
1 899
Inde
307
Inde
260
Inde
260
Inde
323
Inde
286
Inde
233
Inde
230
2
Royaume-
Uni
1 512
EAU
256
Arabie
Saoudite
218
Roy-
aume-
Uni
225
Royaume
-Uni
267
États-
Unis
203 Allemagne 213
Royaume-
Uni
191
3
États-Unis 1 301
Royaume-
Uni
248
Roy-
aume-
Uni
204
États-
Unis
180
Alle-
magne
208
Roy-
aume-
Uni
200 États-Unis 188 Etats-Unis 157
4
Allemagne 1 281
Arabie
Saoudite
219
EAU
189
Arabie
Saoudite
174
États-
Unis
194
Allemag
ne
181
Royaume-
Uni
177
EAU
151
Alle-
magne
174
5
EAU
1 244 Allemagne 205
États-
Unis
186
EAU
150
Arabie
Saoudite
191
EAU
160
Italie
172 Allemagne 147
6
Arabie
Saoudite
1 152 États-Unis 193
Italie
176 Espagne
129
EAU
183
Arabie
Saoudite
137
EAU
155
Italie
123
Italie
137
Espagne 137
7
Italie
1 092
Italie
186
Alle-
magne
153
Italie
128
Italie
170 Belgique 131
Espagne
130
Espagne
120
8
Espagne
887
Corée du
Sud
168 Espagne 121
Israël
124
Qatar
136
Qatar
96
Arabie
Saoudite
121
Belgique
107
9
Corée
du Sud
780
Israël
163
Corée
du Sud
108 Belgique 115 Belgique 129
Suisse
91
Corée
du Sud
99
Arabie
Saoudite
92
10
Belgique
774
Turquie
148
Singa-
pour
106
Corée
du Sud
114
Corée
du Sud
123
Suède
88
Chine
88
Corée
du Sud
81
Sources : SGDSN et rapports au Parlement 2016-2022
sur les exportations d’armement de la France
ANNEXES
165
Enfin, une quatrième étape de contrôle
a posteriori
renforcé constitue
la contrepartie de l’allègement du contrôle
a priori
de l’État et du transfert
partiel aux exportateurs de la responsabilité du suivi des exportations de
matériels militaires. Les modalités de ce contrôle sont définies par la loi
n° 2011-702 du 22 juin 2011 relative au contrôle des importations et des
exportations de matériels de guerre et assimilés, à la simplification des
transferts des produits liés à la défense dans l'Union européenne et aux
marchés de défense et de sécurité et un arrêté de 2011
257
. Une fois la LEMG
notifiée à l’exportateur, ce contrôle vise à vérifier qu’il a bien respecté ses
obligations légales et réglementaires de suivi de l’utilisation d’une licence
(pièces justificatives des opérations réalisées à communiquer à la DGA-DI
ou à conserver en interne), comme de régularité des exportations, des
transferts réalisés (conformité avec la licence du volume exporté, du type de
matériel vendu, des conditions particulières mises en œuvre, etc.) et de
l’organisation de la fonction de contrôle dans sa société.
Ce contrôle relève de la responsabilité exclusive du ministère des
armées à la différence des autres étapes du processus de contrôle, ce qui est
étonnant. Il est exercé par la sous-direction du contrôle export de la DGA-
DI, sous la coordination du comité ministériel du contrôle
a posteriori
(CMCAP). Cette instance collégiale est composée de sept membres du
ministère des armées, représentant le Contrôle Général des Armées (CGA,
dont deux membres assurent pour l’un la présidence
258
et pour l’autre le
secrétariat du CMCAP), l’EMA, la DGRIS, la DGA (l’adjoint au directeur
de la DGA-DI ou le responsable du contrôle en son sein), la DAJ et la
DRSD. Quatre missions sont assignées au CMCAP :
-
approuver les procédures de contrôle ;
-
déterminer les priorités et le programme de contrôle, en amendant en
tan
t que de besoin puis en validant, avec l’accord du cabinet du
ministre
des armées, le plan de contrôle annuel préparé par la DGA et le CGA,
sur la base d’une analyse des risques (points financiers et intérêt pour la
défense nationale des contrats, entreprises et sous-traitants critiques,
antécédents des entreprises) relatifs aux 580 entreprises détenant une
LEMG active et aux 531 sociétés détentrices d’AFCI
;
-
formuler un avis sur les suites à donner aux procès-verbaux de
contrôle sur pièces et sur place transmis par la DGA-
DI ainsi qu’aux
réponses apportées par les entreprises ;
-
proposer les évolutions réglementaires nécessaires.
257
Arrêté du 30 novembre 2011 (modifié le 6 avril 2017, puis le 2 avril 2019, suite à
une concertation État-industrie en 2018 et aux orientations du comité de pilotage de la
réforme des exportations de matériels de guerre d’octobre 2018 piloté par le SGDSN
)
fixant l’organisation du contrôle
a posteriori
sur pièces et sur place réalisé par le
ministère de la défense en application de l'article L. 2339-1 du code de la défense.
258
Il s’agit du
chef du groupe de contrôle de l’
armement, du maintien en condition
opérationnelle et des exportations.
COUR DES COMPTES
166
Le contrôle
a posteriori
est réalisé sur pièces ou sur place, dans les
locaux des entreprises, par des agents habilités de la DGA-DI,
correspondant à 15 ETP dont 3 ETP du bureau des licences globales et
générales et du contrôle sur place (pour 6 postes ouverts, dont un chef de
bureau, et 6 ETP en 2019 et 2020, ce qui illustre les difficultés de
recrutement de ce type de profil à la DGA) ainsi que 12 ETP du bureau du
contrôle
a posteriori
sur pièces. Ces contrôles nécessitent des compétences
et des profils différents d’agents, ce qui explique leur gestion par deux
bureaux distincts de la sous-direction du contrôle export. Les contrôles sur
pièces ont pour objectif de vérifier quatre points de conformité à la
réglementation en vigueur :
-
l’obtention d’une LEMG autorisant l’exportation de matériels de
guerre et assimilés avant l’acceptation d’une commande ou la
signature d’un contrat
;
-
l’obtention de cette autorisation préalablement à tout transfert ou
exportation ;
-
la conformité à la LEMG des certificats de non-réexportation (CNR)
et des contrats et commandes (c’est
-à-dire les actes liants) ;
-
la bonne réception, la régularité des opérations et le respect de
conditions d’exportation
:
•
du registre des transferts de matériels de guerre et matériels
assimilés, mentionné au premier alinéa de l’article L. 2335
-14 et à
l’article R. 2335
-29 du code de la défense ;
•
du registre des exportations de matériels de guerre et matériels
assimilés que l’exportateur doit tenir, conformément aux articles L.
2335-6 et R. 2332-17 du code de la défense ;
•
du registre spécial des matériels de guerre mis en fabrication, en
réparation, en transformation, achetés, vendus, loués ou détruits,
prévu par l’article L 2339
-4-1 du code de la défense ;
•
des comptes-rendus semestriels des prises de commandes, des
exportations et des transferts que l’exportateur est tenu d’adresser à
la DGA-DI le 1er mars et le 1er septembre de chaque année.
De plus, conformément aux articles L. 2335-6 et L. 2335-14 du code
de la défense, les documents afférents aux opérations d’exportation
(registre des exportations, documents commerciaux, compte-rendu des
prises de commande et des exportations, compte-rendu des importations)
doivent être conservés par les entreprises durant les dix années suivant leur
clôture, sous peine de cinq ans d’emprisonnement, d’une amende de
75 000
€, voire d’amendes administratives pouvant atteindre 150.000
€
en
cas de non-respect de ces dispositions.
ANNEXES
167
En pratique
259
, l’essentiel du contrôle consiste à vérifier la conformité
des comptes-rendus semestriels, des contrats et des certificats de non-
réexportation
aux
LEMG.
Les
entreprises
sont
mieux
préparées
qu’auparavant à ces contrôles, notamment grâce à l’organisation par le G
icat
de formations certifiantes destinées aux personnes responsables du contrôle
export. Conformément à la méthodologie retenue par le CMCAP en 2016,
les agents de la sous-direction du contrôle export priorisent le contrôle des
contrats des entreprises les plus sensibles dont la liste, constituée
majoritairement de TPE et PME, est arrêtée par le CMCAP, sur proposition
de la DGA. Les 1088 comptes-rendus semestriels reçus en 2021 ont tous été
contrôlés sur la forme ; ils ont été contrôlés sur le fond, de même que 6199
contrats, en procédant à des sondages plus ou moins poussés, en particulier
sur 120 sociétés considérées comme sensibles. Ces contrôles demeurent
manuels, sans utiliser Sigale dont le module « contrôle
a posteriori
»,
spécifié dès 2015 (comparaison dématérialisée entre un compte-rendu
semestriel, des contrats, une LEMG et des flux exportés avec les licences
douanières, grâce à une interface avec le Guichet Unique National du
dédouanement - GUN)
n’est toujours pas opérationnel, ce qui
est regrettable.
En cas d’irrégularité significative, la DGA
-DI peut adresser un
procès-verbal aux exportateurs qui doivent répondre sous dix jours, avec
ou sans observations. Puis, ce procès-verbal
260
et cette réponse sont
envoyés au procureur de la République
261
et au CMCAP. Ce dernier
dispose de mesures graduées pour traiter les cas d’entreprises ne corrigeant
pas des irrégularités significatives
ou n’y remédiant pas de façon
satisfaisante : « mise en garde » (rappel à la réglementation relative au
contrôle des exportations) en cas de manquement aux comptes-rendus
semestriels ou aux conditions des LEMG, demande de mesures
correctives
262
, convocation des dirigeants pour présenter leur plan
d’actions et les mesures pris
es, mises en demeure avec possibilité de saisine
du comité de sanction par le président du CMCAP en cas d’inexécution de
ces dernières, saisine du procureur de la République
via
l’article 40 du code
de procédure pénale. Le CMCAP peut également, en complément de ces
259
In Rapports d’activités du CMCAP sur le contrôle des exportations et des
transferts
de matériels de guerre et assimilés des 2 juin 2019, 27 juin 2021 et 7 juin 2022.
260
Six procès-verbaux ont été établis par la DGA-DI après des contrôles sur pièces en
2021, contre 17 en 2021.
261
Sept envois depuis 2013 et des envois systématiques depuis 2021.
262
Ces mesures peuvent porter sur la chaîne des responsabilités dans l'entreprise, les
procédures de classement des produits commercialisés, l’amélioration des procédures
de vérification relatives à la maîtrise des conditions et restrictions mentionnées dans les
LEMG, le traitement des anomalies et non-conformités aux LEMG, la conservation des
pièces commerciales nécessaires à la traçabilité des exportations, la formation des
salariés en matière d’exportation et de transfert.
COUR DES COMPTES
168
actions, proposer au SGDSN des suspensions, modifications ou
abrogations de licences. Le comité de sanction, compétent en cas
d’in
exécution de mises en demeure prescrites par le CMCAP, peut
prononcer des amendes administratives allant jusqu’à
15.000
€
, pour les
seules mises en demeure non suivies d’effet. Depuis la désignation des
membres du comité de sanction par un arrêté du 25 juillet 2017, cette
procédure n’a été cependant utilisée
qu’une fois
sur les neuf mises en
demeure adressées à des entreprises depuis 2017
263
. Après une phase de
pédagogie juridique et d’appropriation de la réglementation par les
exportateurs initiée en 2014, une étape de responsabilisation des industriels
a enfin débuté
avec la mise en œuvre effective des outils répressi
fs de
contrôle. Le comité de sanction a ainsi été saisi pour la première fois en
novembre 2020 par le président du CMCAP afin de se prononcer sur une
mise en demeure non suivie d’effet par
une entreprise qui a été sanctionnée
pécuniairement le 15 mars 2021.
Des contrôles sur place peuvent être également décidés dans le cadre
du plan de contrôle annuel acté par le CMCAP ou à la suite de contrôles sur
pièces et réalisés par des agents du bureau des licences globales, générales et
du contrôle sur place de la DGA-DI. Ces contrôles sur place, menés à bien
par
un nombre insuffisant d’
agents de la sous-direction du contrôle export
(3 ETP), parfois en lien avec la direction nationale du renseignement et des
enquêtes douanières (DNRED), portent en particulier sur :
-
la régularité du classement des matériels exportés et des AFCI ;
-
les pièces comptables pour s’assurer de la conformité des opérations
d’exportation aux LEMG et aux CNR (références techniques des
matériels, nature des clients, lieux de livraison, quantités, montants,
transmission
des
données
classées
intangibles,
respect
des
conditions) ;
les procédures d’organisation et de contrôle interne de
l’entreprise
;
-
les modalités de stockage et d’archivage informatique des données
classées ;
-
les bases de données de l
’entreprise afin de vérifier
l’absence de
transfert ou d’exportation de matériels militaires ou assimilés sans
autorisation ;
l’absence de signature de contrat ou d’acceptation de
commande de matériels militaires et assimilés sans autorisation.
263
Ces mises en dem
eure (portant sur des mesures d’organisation, de formation et de
contrôle interne) sont prononcées sur la base de l’article R. 2339
-3 du code de la
défense, si la situation ne s’améliore pas et les vulnérabilités constatées persistent.
ANNEXES
169
Ces contrôles, de même que pour les contrôles sur pièces, ne peuvent
s’appliquer qu’aux entreprises titulaires de LEMG ou d’AFCI. Ils sont
déterminés en fonction des remontées des autres services de la DGA sur
les difficultés posées par certaines de ces sociétés ai
nsi que d’une analyse
des licences, des pays d’exportation, des flux de matériels de guerre des
entreprises au sein de l’application
Sigale, des résultats des contrôles sur
pièces, de l’historique et des enseignements tirés des précédents contrôles.
Un courrier de la DGA-
DI est adressé à l’industriel plusieurs
semaines avant tout contrôle sur place afin de lui en préciser la date et
l’heure, de lui indiquer la période sur laquelle il porte et l’identité des
contrôleurs. Ce contrôle dure généralement un ou deux jours et mobilise en
moyenne deux agents auxquels le secret des affaires n’est pas opposable.
Ces agents peuvent ainsi avoir accès à de nombreux documents
comptables, financiers et commerciaux
264
: Ces contrôles, réalisés faute de
moyens humains suffisants sur 21 sociétés au lieu des 50 prévues dans le
plan de contrôle arrêté par le CMCAP en 2021, donnent systématiquement
lieu à la rédaction d’un procès
-verbal. Ce dernier est transmis au CMCAP
avec la réponse de l’industriel, selon les mêmes modalités et a
vec les
mêmes suites potentielles que pour le contrôle sur pièces.
Trois cas de manquement au respect du code de la défense ont été
constatés dans les procès-verbaux de contrôles sur place réalisés en 2021 :
-
l’absence de respect des termes des licences
délivrées
265
(41 % des
manquements, contre 56 % en 2020 et 59 % en 2019) : absence ou
non-conformité des CNR exigés dans les LEMG, non-respect des
quantités, montants, devises et circuits commerciaux autorisés, etc. ;
-
des manquements au principe de
l’autorisation
(21 % des cas) :
exportations sans autorisation (17 % des cas, contre 9 % en 2020 et
10 % en 2019),
opérations commerciales préalables à l’exportation
sans licence ou avant notification de licence (3 % des cas, contre 9 %
en 2020, 10 % en 2019)
, exercice d’une activité d’intermédiaire sans
autorisation de l’
État (1 % des cas). Les contrôles réalisés ont mis en
lumière l’exportation de formations non
-
autorisées ou l’exportation
par voie intangible de données classées ML 22, l’absence de CNR ou
de convention de prêt pour des exportations temporaires liées à des
tests ou des démonstrations dans des pays sensibles. De nombreuses
sociétés signent des contrats en anticipant l’attribution de la licence
instruite par les services de l’
État ;
264
Livres de comptes, documents commerciaux sur des livraisons ciblées (contrats,
avenants, conventions, bons de commande, bordereaux de livraison, factures,
déclarations en douane, courriels aux clients, etc.), registres de matériels de guerre et
des transferts, documents techniques de définition et de conception, CNR, preuves de
retour des matériels expédiés temporairement, de respect des conditions non-
suspensives, de respect des conditions suspensives, documents de contrôle interne, etc.
265
La DGA souligne cependant que ce m
anquement n’est pas identifié comme une
infraction dans la codification NATINF établie par le ministère de la justice.
COUR DES COMPTES
170
-
le non-respect des obligations déclaratives des opérateurs : absence
d’envoi ou envoi tardif de pièces
, non-conservation de pièces et/ou
absence de registre, omission d’une information obligatoire du registre
(38 % des cas en 2021, contre 25 % des cas en 2020 et 19 % en 2019).
Dans près de la moitié des cas, la tenue des registres d’armes classées
A2 est lacunaire ou des AFCI sont inadaptées à l’activité des
entreprises. Le SCAE a été informé de cette difficulté par le CMCAP.
Ce dernier a également demandé à la DGA-DI de communiquer
davantage auprès des TPE et PME plus exposées à ce type de carences
et nécessitant un accompagnement
ad hoc
.
Le CMCAP instruit ensuite ces procès-verbaux de contrôle et se
prononce sur les suites à y apporter au cours de réunions plénières qui se
tiennent presque tous les mois. Ces décisions, notifiées aux exportateurs,
au cabinet du ministre des armées et suivies par le pôle AME du SGA, sont
prises en cohérence avec celles de la CIEEMG,
via
le secrétariat du
CMCAP qui en reçoit les procès-verbaux et veille au croisement des
informations entre ces deux instances. Le CMCAP transmet également,
conformément à son règlement intérieur du 15 mai 2017, son rapport
annuel d’activités au cabinet d
u ministre des armées et au SGDSN, en tant
que président de la CIEEMG.
Ce rapport d’activités illustre l’action du CMCAP et ses limites. Sa
diffusion, auprès des sept structures du ministère des armées qui le
composent et au SGDSN, mériterait d’être élargie à l’ensemble des
membres de la CIEEMG à des fins d
’information et de discussion. En 2
021,
31 procès-verbaux ont été établis par la sous-direction du contrôle export
dont 10 pour des contrôles sur pièces (contre 17 en 2020, 15 en 2019 et 10
en 2018) et 21
266
pour des contrôles sur place (contre 27 en 2020, 28 en
2019, 34 en 2018 et près de 40 les années passées). Les contrôles sur pièces
ont conduit à analyser 1 088 comptes-
rendus d’activité et
5 219 contrats
(soit 84 % des contrats).
Ces non-conformités sont surtout liées à des déficiences du contrôle
interne des exportations soumises à autorisation mais aussi à des
coopérations industrielles entre des entreprises exportatrices, y compris
dans un même groupe. Elles peuvent alors conduire à :
-
la transmission non autorisée de données classées sur un système de
défense à des interlocuteurs étrangers, mis à disposition d’une société
française mais non parties prenantes à un programme de défense ;
-
la consultation de données sensibles hébergées sur un serveur à
l’étranger par des filiales étrangères d’une soci
été domiciliée en France.
266
Cette diminution des contrôles s’explique par une baisse transitoire des effectifs de
contrôle de cette sous-direction.
ANNEXES
171
Le CMCAP invite donc le SGDSN à clarifier les obligations des
exportateurs en matière de consultation par voie intangible, d’accès à
distance et de stockage de données ML22.
Les effets de ces contrôles restent néanmoins limités puisque 75 %
des procès-verbaux de la sous-diretion du contrôle export ont débouché sur
des mises en garde (contre 47 % en 2020 et 29 % en 2019), 1 % ont été
classés sans suite (contre 47 % en 2020 et 66 % en 2019), et seulement 7 %
ont conduit à des mises en demeure (contre 6 % en 2020 et 5 % en 2019).
Une seule procédure est en cours depuis plusieurs années
à l’encontre
d’une entreprise au titre de l’article 40 du code de procédure pénale
267
pour
suspicion d’activité d’intermédiation non autorisée (absence d’
AFCI).
Enfin, le CMCAP n’a usé de son pouvoir d’injonction qu’à
quatre reprises,
dont deux en 2021.
Cette situation s’explique par la volonté du
ministère des armées de
disposer d’un recul suffisant sur les effets de la réforme de 2014, en
privilégiant la pédagogie et la bienveillance envers les entreprises durant la
phase d’appropriation de cette nouvelle réglementation. Cette phase est
cependant désormais achevée, avec une première sanction pécuniaire
décidée en mars 2021 à l’encontre d’une entreprise
. Cette décision
contribue certes à crédibiliser le système de contrôle mais elle nécessite
d’être confirmée par des décisions similaires dans les années à venir, y
compris envers des ETI ou des grands groupes.
Enfin, le CMCAP n’a utilisé qu’une seule fois so
n pouvoir de
proposition d’évolution réglementaire en suggérant la possibilité de mises
en demeure, concrétisée par l’article 1
er
de l’ordonnance
n° 2016-982 du
20 juillet 2016
268
. Le CMCAP pilote, de plus, un groupe de travail
« infractions » visant à clarifier les dispositions du code de la défense
relatives au volet pénal du contrôle
a posteriori
et à définir, le cas échéant,
des infractions plus graduées. Le CMCAP a donc devant lui des marges
notables de progression pour que son action, couplée à celle
d’un comité
de sanction jouant son rôle, ait un effet dissuasif envers les entreprises
irrespectueuses de la réglementation en vigueur, quelles que soient leurs
tailles. Ces progrès pourraient être d’autant plus importants que le CMCAP
coordonne peu son action avec la DGDDI, alors que celle-ci est chargée
d’exercer la police des marchandises en mouvement.
267
Seuls deux contrôles sur pièces en 2016 et 2017 ainsi que 5 % des contrôles sur place
de 2016 et 2 % de ceux de 2017 ont débouché sur une saisine du procureur de la
République au titre de l’article
40 du code de procédure pénale pour des faits délictueux
liés à des exportations de matériels militaire et de sécurité.
268
Cette ordonnance a été prise en application de l’article 30 de la loi n°
2015-917 du
28 juillet 2016 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et
portant diverses dispositions concernant la défense.
COUR DES COMPTES
172
Les logiques différentes de contrôle (de régularité pour la DGDDI, de
conformité pour la DGA) et les approches qui en découlent (transactionnelle
pour les douanes, préventive et de recommandation pour le ministère des
armées), ne doivent pas occulter les points de convergence entre la DGA, le
CGA et la DGDDI. Ainsi, la DGDDI, membre comme la DGA du comité de
sanction, coopère avec la DGA et le CGA sur la thématique des entreprises
d’armement en difficulté ou en croissance. De plus, conformément aux
articles L. 2339-1 du code de la défense et 59 ter du code des douanes ainsi
qu’à un protocole d’accord de 2015
269
liant la DGA et la DGDDI, le bureau
COMINT2 et la DGA-DI échangent entre eux des informations sur les
contrôles à l’exportation des matériels d’armement et de sécurité
(irrégularités constatées lors de contrôles, début d’enquête de la
direction des
enquêtes douanières (DED)
au sein d’une entreprise inclu
se dans le
programme de contrôle annuel du CMCAP, transmission à la DED de ce
programme de contrôle, etc.). Dans le même esprit, la DNRED est
destinataire du programme annuel de contrôle du SCAE.
S’agissant plus spécifiquement du protocole d’accord de 2015
, des
échanges entre la DGA et deux directions de la DNRED (la DED et la
Direction des Opérations Douanières ont été fournis en 2017-2018. Ils ont
permis d’éviter des contrôles redondants, de mutualiser des éléments
recueillis lors de contrôles passés et de partager des expertises sur des
infractions potentielles à la législation sur l’exportation de matériels de
guerre et matériels assimilés. Les services de la DGA et de la DGDDI
(DNRED, services d’enquêtes judiciaires des finances, services régionaux
d’en
quêtes, bureaux et brigades des douanes) doivent également se porter
assistance, comme prévu par le protocole de 2015. Ils doivent aussi
s’informer mutuellement des sessions de formation ou de séminaires
portant sur l’exportation de matériels de guerre.
Cependant, en particulier du fait de facteurs structurels et
organisationnels internes à la DNRED, les relations entre la DGA et la
DGDDI se sont distendues. La réunion annuelle prévue entre les deux
directeurs généraux de ces directions générales pour établir un bilan et des
perspectives d’évolution du protocole d’accord ne s’est jamais tenue
, ce
qui est regrettable
. Dès qu’elle a été dotée d’effectifs renforcés en août
2020, la division « contre-prolifération, sanctions internationales et trafics
internatio
naux d’armement conventionnel
» de la DED
270
a rencontré la
DGA pour relancer les échanges dans le domaine opérationnel (échanges
269
Cf. Protocole d’accord sur la coopération entre la DGDDI et la DGA concernant les
exportations, les importations de matériels de guerre, armes et munitions et de matériels assimilés
et les transferts intracommunautaires de produits liés à la défense, septembre 2015, 7 p.
270
Cf. annexe n° 8, § sur la DGDDI. A
l’issue de sa réorganisation, les effectifs de la
DED sont passés de 7 à 16 ETPT, ce qui devrait permettre de mobiliser davantage de
ses agents pour lutter contre les trafics de matériels de guerre, d’armes et de munitions.
ANNEXES
173
d’
informations), de la formation
271
et des bonnes pratiques. En revanche,
l’organisation des contrôles étant très différentes entr
e les douanes
(opérations principalement sur signalement) et la DGA (exécution d’un
plan annuel de contrôle), la coordination des opérations des douanes et de
la DGA dans c
e domaine n’a
guère pu progresser.
Le contrôle de la DGDDI s’exerce ainsi d’abord
lors du
dédouanement pour les armes
272
et les explosifs, identifiés par des codes
douaniers spécifiques
273
. Ceux-ci facilitent les contrôles et la détection
d’anomalies éventuelles
via
le guichet unique national du dédouanement
(GUN
274
),
une
base
applicative
de
la
DGDDI
permettant
la
dématérialisation de documents d’ordre public et de préciser les quantités
imputées pour chaque autorisation d’exportation. GUN y parvient en liant
le Système de Dédouanement en Ligne par Traitement Automatisé
(Delta
275
) aux applications des autres administrations, dont le système
EGIDE depuis 2018. Pour les matériels militaires et assimilés définis par
l’arrêté du 27 juin 2012 modifié, ce contrôle est également effectué pendant
le dédouanement, comme pour tous les produits, après une analyse de
risque des déclarations en douane, grâce à Delta.
Les bureaux des douanes peuvent certes contrôler l’existence d’une
licence globale afférente à des matériels exportés mais ils ne peuvent pas
contrôler les matériels militaires et de sécurité exportés dans le cadre de ces
licences qui ne comportent aucune quantité, ni aucun montant de référence.
Ils ne peuvent pas davantage s’assurer, sauf
a posteriori
via
la DNRED, de
la conformité des transferts dématérialisés associés à de tels flux ou (excepté
lors de contrôles ponctuels à la circulation
276
) des licences de transfert vers
des États membres de l’UE, non soumis à la production de déclarations en
douane. Dans tous les autres cas, ce contrôle, le plus souvent uniquement
271
Les formations aux nouvelles entreprises utilisatrices de Sigale,
jusqu’alors
dispensées par la DGA, sont toutefois réalisées par les groupements industriels après
une formation initiale de la DGA.
272
1062 armes saisies et 243 constatations en moyenne par an de 2015 à 2020 ;
903 constatations et 805 armes (dont 32 armes de guerre) saisies en 2021, ainsi que
249.458 munitions et 1.118 explosifs (source : DGDDI).
273
Le code R407 identifie les matériels de guerre et assimilés. Le code 2405 fait
référence à une LEMG associée à l’exportation
de ces matériels. La dispense de telles
licences est matérialisée par le code 2807.
274
generalites.
275
traditionnel-delta-g.
276
Ces contrôles réalisés dans le cadre de l’article 60 du code des douanes consistent à
procéder à la « visite » de moyens de transport, de marchandises et de personnes, de
manière aléatoire ou suite à une analyse de risque. À cette occasion, les agents des
douanes vérifient que les matériels, armes et munitions relevant des articles 215 et 215
bis du code des douanes sont régulièrement détenus ou transportés en demandant aux
personnes contrôles de présenter les justificatifs afférents.
COUR DES COMPTES
174
administratif, consiste à vérif
ier l’existence de marchandises exportables
décrites dans le feuillet n° 3 des LEMG, le respect des conditions bloquantes
ou de dispense de ces licences ainsi que la conformité des matériels exportés
aux documents présentés en douane. En pratique, peu de documents sont
non-
conformes et débouchent sur des décisions d’interdiction d’exportation
vers le premier pays destinataire des marchandises, la DGDDI ne prenant
jamais en compte le pays destinataire final. En revanche, de nombreux
dossiers doivent être complétés par les exportateurs, notamment pour fournir
des documents probants d’accompagnement (factures, notices techniques,
etc.). Les bureaux de douane et les cellules de conseil aux entreprises (CCE)
des
pôles d’action économique (
PAE) de la DGDDI peuvent conseiller à
cette occasion les TPE et ¨PME sous-traitantes de grands groupes, dans le
cadre de licences multi-exportateurs.
En cas de doute sur la soumission d’un matériel à la production
d’une licence d’exportation pour des biens à double usage, ces se
rvices
peuvent, de même que la DNRED en cas de contrôle rétrospectif, saisir le
SBDU pour avis. Ils peuvent agir de même, en activant la clause dite
« attrape tout » du règlement du Parlement européen et du Conseil
n° 821/2021 du 20 mai 2021
, pour un bien non listé susceptible d’être
soumis en opportunité au contrôle du SBDU. Ce contrôle douanier
documentaire peut également être complété par un contrôle physique
permettant de vérifier la nature des matériels militaires et assimilés,
l’ampleur
des quantités exportées, l’absence de marchandises faisant
l’objet d’un embargo vers certains pays. Toutefois, ce contrôle physique
reste marginal (cf. tableau n° 19) et ne porte pas sur le respect des clauses
de non-réexportation qui relèvent du comportement des pays destinataires
des matériels militaires et assimilés mais pas des exportateurs.
Tableau n° 19 :
contrôles douanier
ex ante
de matériels de guerre
en fret export
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Nombre de contrôles ex ante physiques
de matériels de guerre export
21
26
23
18
6
17
Nombre de contrôles ex ante documentaires
de matériels de guerre export
6 562
7 900
7 385
9 521
9 645
12 071
Source : DGDDI
Les agents chargés de procéder à ces contrôles ne bénéficient pas d’une
formation spécifique, hormis un séminaire organisé en mars 2020 sur les produits
stratégiques. Ils sont néanmoins affectés dans des espaces dédiés aux exportations
du secteur de l’armement à Roissy ainsi qu’à Toulouse
-Blagnac (25 agents sur un
total de 58), deux
des quatre centres d’expertise douanière chargé du
dédouanement des marchandises des grands groupes. En 2020, ces centres ont
ANNEXES
175
traité 72 % (contre 55 % en 2019) des flux totaux d
’exportation de matériels de
guerre et assimilés, soit 15.029 déclarations représentant 23.997 articles sur un
total de 20.907
déclarations d’exportation de ces matériels
(pour 22.256
déclarations en 2021 dont 21.341 à Roissy). Si 4,07 % de ces déclarations ont
donné lieu à des rectifications
277
et 1,86 % à des invalidations, seuls 0,25 % ont
débouché sur des procédures contentieuses. Celles-ci portent sur trois motifs : le
défaut de présentation d’autorisation d’exportation, l’utilisation de codes
additionnels nationaux excluant les matériels exportés de la réglementation
relative au matériel militaire et de sécurité, des erreurs ou omissions.
Dans les trois à six ans suivant ces opérations de dédouanement et
en cas de soupçon de fraude
278
, la DGDDI peut,
via
les agents de la DED
compétents en matière de défense et de sécurité ou les services régionaux
d’enquête (
SRE) localement concernés, procéder à un contrôle ex-post (dit
de second niveau), au cas par cas et non programmé, des opérations
d’exportation de matériels militaires et assimilés. En coopération avec
d’autres services douaniers (bureaux des douanes et
s
ervice d’
analyse de
risque et de ciblage - SARC
279
) et/ou d’au
tres services de renseignement,
ces services peuvent organiser des auditions, demander, conformément à
l’article 65 du code des douanes, la communication de documents ou les
saisir. Ils peuvent enfin utiliser leur droit de visite des locaux
professionnels ou domiciliaires. Ce droit de visite des locaux et lieux
professionnels, prévu par l’article 63 ter du code des douanes, est mis en
œuvre sur information préalable du procureur de la République qui garde
la possibilité de s’y opposer. Les visites domicilia
ires peuvent, sur la base
de l’article 64 du code des douanes, intervenir en flagrance ou sur
ordonnance du juge des libertés et de la détention. Depuis 2015, selon la
DGDDI, peu de visites de ce type ont été initiées en matière de contrôle et
de suivi des exportations de matériels de défense et de sécurité.
La DNRED surveille également certains pays utilisés de notoriété
publique pour contourner les sanctions internationales et les mesures restrictives
internationales, européennes ou nationales aux échanges de matériels
d’armement et de sécurité. Ces contrôles opérés sur des flux de marchandises,
sans distinction de pays, portent sur une demi-douzaine de thématiques :
277
Celles-ci concernent pour 46,19 % des cas des erreurs mineures ne nécessitant pas
la fourniture de documents complémentaires. 23,20 % des cas ont trait à des erreurs de
version, date et numéro de LEMG ; 14,54
% des rectifications portent sur l’ajout ou la
suppression de codes additionnels nationaux ou de dispositions tarifaires particulières
et 5,67 % sont liés à des erreurs de valeur de facture ou bien à des mauvaises
imputations de valeur ou de quantité.
278
L’origine de ces soupçons est variable
: études de trafics, constatations de bureaux
de douane français ou étrangers sur des exportations de biens, informations
communiquées par un service partenaire national ou étranger, etc.
279
Le SARC (40,5 ETP) est un service à compétence nationale, rattaché à la sous-
direction des affaires juridiques, du contentieux, des contrôles et de la lutte contre la
fraude de la DGDDI. Il comporte trois pôles dont le pôle avant dédouanement et
prohibitions (8 ETP).
COUR DES COMPTES
176
-
les armes, munitions et matériels assimilés ;
-
les matériels de guerre, en termes de licéité des biens exportés et de
respect de mesures d’embargos
;
-
les matériels « anti-torture » tels que définis au règlement européen
n° 2019/215 ;
-
les poudres et explosifs ;
-
les précurseurs chimiques susceptibles de rentrer dans la composition
de certains explosifs ou armes ;
-
les matériels concourant à la sécurité et au maintien de l’ordre qu’ils
soient matériels ou immatériels (logiciels d’écoutes généralisées, etc.).
Ils sont menés après une analyse de risque, dont la méthodologie est
confidentielle, et de la création de profils de ciblage
280
par le pôle avant
dédouanement et prohibitions (8 ETP dont 3 spécialisés dans les
exportations de matériel militaire et de sécurité) du SARC. Ce travail est
réalisé par la DNRED sur la base de la notoriété et des antécédents des
entreprises, d’une analyse des flux déclaratifs, de signalements d’un
service douanier, du SGDSN, de la DGA, du SCAE, de la DRM, de la
DRSD, de TRACFIN, d’individus ou de partenaires douaniers étrangers
dans le cadre de l’assistance administrative mu
tuelle internationale. Cette
thématique est également traitée en lien avec le bureau COMINT2 et la
première division de la DED, responsable de la lutte contre les grands
trafics Le SGDSN peut ainsi demander à la DNRED d’entraver des
opérations d’exportatio
n dans le cadre de la
Proliferation Security
Initiative
, du p
lan d’
i
nterception portant sur l’armement
conventionnel ou
si une entreprise française semble impliquée dans des manœuvres
financières et logistiques de contournement d’embargo de matériel de
défense et de sécurité vers des pays sensibles. Ces contrôles de la DNRED
visent l’atteinte de quatre objectifs
: vérifier la conformité des opérations
d’exportation aux autorisations accordées et l’absence de matériels
prohibés exportés sans licence ;
s’a
ssurer de la conformité de la destination
finale des matériels à celle déclarée et de la réalité de l’exportation, en
correspondance avec l’usage défini contractuellement. À l’issue de ces
contrôles, les agents de la DNRED peuvent constater et sanctionner
d’éventuelles infractions. Les résultats de ces enquêtes peuvent être
communiqués à la DGA, au SCAE ainsi qu’aux autres services de
renseignement. Selon le niveau de gravité des infractions, l’autorité
judiciaire peut en être informée ou une transaction peut être recherchée.
280
Ces profils de sélection concernent les entités placées sous surveillance des autorités
douanières ; ils précisent la conduite à tenir par les bureaux de douane en cas de sélection
d’une déclaration ainsi que le processus à respecter pour les opérations de contrôle et pour
l’alerte de la DNRED en vue d’éventuelles investigations co
mplémentaires.
ANNEXES
177
Annexe n° 8 :
les
foreign military sales
(FMS)
Les
foreign military
s
ales (FMS)
sont une procédure mise en œuvre par
le gouvernement des États-Unis pour soutenir les exportations de matériel
militaire. Les FMS représentent un des modèles les plus abo
utis de l’implication
de l’
État dans les transactions commerciales pour appuyer les exportations de
matériel militaire,
puisqu’il devient l’unique interlocuteur de l’
État client auquel
il se substitue dans la relation avec les industriels fournisseurs.
Selon la
defense security cooperation agency
, les États-Unis ont
conclu dans ce cadre, une moyenne annuelle de 51 Md$ de nouveaux
contrats d’exportation d’équipements militaires au cours des exercices
2015-2019 (55,4 Md$ en 2019). Depuis plusieurs décennies, la France est
à la recherche d’un outil qui pourrait s’y apparenter.
Les
FMS
sont autorisées par la section 3 de
l’
arms export
c
ontrol act
281
.
Lors de la conclusion d’une
FMS
, le gouvernement américain et le
gouvernement étranger entrent dans un accord entre gouvernements
(government to government agreement, G to G
) appelé « l
ettre d’
offre et
d’
acceptation »
(letter of offer and acceptance, LOA
) qui ne constitue pas
néanmoins un accord intergouvernemental au regard de la loi américaine et ne
prévaut pas sur elle.
La liste des pays éligibles est établie par le département d’État puis
validée par le président des États-Unis. Le bureau des affaires politico-
militaires du département d’État supervise les accords
G to G
et la
délivrance des licences d’exportation, en coordination avec l’Agence de
coopération de défense et de sécurité du département de la défense
(defense
security cooperation agency, DSCA).
La DSCA, qui compte près de 12 000
agents, coordonne la mise en œuvre des FMS.
Les premiers échanges (
pre-letter of request consultations
) entre le
pays client (représenté par une mission d’achat spécifique chargée du suivi
du processus d’acquisition et hébergée au sein de son ambassade), la DSCA
et les services techniques du ministère de la défense américain permettent
d’affiner la définition technique des équipements souhaités et d’avoir une
première estimation de leur prix et de leur disponibilité (price and
availability). Le pays demandeur émet ensuite une demande formelle
(
letter of request
) indiquant précisément les capacités militaires souhaitées,
l’estimation des moyens financiers qu’il est prêt à y affecter et les délais
dans lesquels il souhaiterait disposer des équipements. Dès lors que la LOR
est reçue, le principe de la vente doit être approuvé par le gouvernement,
tout comme ses modalités dans un délai de quatre mois. Ce délai peut être
allongé à six mois dans les cas où la vente
282
requiert l’envoi d’une
281
Qui liste les États étrangers et les organisations internationales (223 environ en 2020)
auxquels les États-Unis peuvent vendre des équipements et des services de défense.
282
À partir de 14 M$ ;
les FMS faisant l’objet d’un avis au Congrès
sont publiées sur
le site de la DSCA.
COUR DES COMPTES
178
notification au Congrès (
congressional notification
) qui est réputé avoir
donné son accord, sauf
s’il rend expressément un avis négatif. Cette double
validation donne aux FMS une grande stabilité juridique et politique.
Après l’approbation de la vente, le DSCA émet une
letter of offer
and acceptance
(LOA) qui détaille les équipements, les éléments
accessoires à la vente (entrainement, soutien, etc.) et les conditions
indicatives de la vente (prix et disponibilité,
price and availability,
). La
LOA
devient le contrat qui lie les parties une fois que le pays requérant l’a
signée et qu’il a versé l’acompte
(
deposit
) ce qu’il doit faire dans les
60 jours, sous peine de voir la LOA devenir caduque. Dans ce texte, le pays
client exonère les États-Unis et ses agents de toute responsabilité. Les
garanties sont limitées aux défauts de fabrication du matériel à la livraison.
Pour les entreprises exportatrices, en particulier celles qui ont le moins
l’habitude des exportations, les
FMS constituent un dispositif particulièrement
sécurisant, puisqu’elles n’ont affaire qu’au ministère américain de la défense
qui s’occupe de l’ensemble de la transaction
: autorisations, logistique et
paiements, ce qui réduit les coûts et les risques inhérents aux transactions
internationales. Les FMS
rendent aussi les offres américaines très compétitives,
puisqu’elles dispensent l’entreprise de se garantir du risque de non
-paiement.
Les FMS doivent être neutres sur le plan budgétaire
(« FMS activities be
conducted at no cost to the U.S. Government »
). Le gouvernement américain ne
donne donc aucune garantie ni sur le coût final des équipements, ni sur leur
conformité, ni sur le délai de livraison. Il fait rémunérer ses prestations par un
droit, à la charge du pays acquéreur, de 3,5 % (précédemment 3,8 %) pour
amortir les coûts de fonctionnement du service. Les fonds sont déposés sur un
compte spécial du trésor le «
FMS trust fund administrative account
».
Les
FMS
peuvent porter :
-
sur des équipements en stock dans les armées américaines ;
-
sur des équipe
ments que les armées américaines sont ne train d’acquérir,
le partenaire étranger se joint alors à la commande en cours ;
-
sur des équipements spécifiques.
Dans les deux premiers cas, l’administration américaine procure au
pays demandeur les équipements à un prix identique à celui auquel il les achète
lui-même. Lorsque la
FMS
porte sur un produit en stock dans les armées
américaines, le pays acquéreur doit en régler le prix dès la commande ou, si le
Président décide qu’il s’agit d’une vente d’intérêt nation
al, au plus tard à la
livraison. Lorsqu’il s’agit d’un équipement qui doit être acquis spécifiquement,
l’État acheteur s’engage à en payer la totalité, met à disposition les fonds selon
le calendrier fixé par le contrat et s’engage à supporter tous les dom
mages qui
résulteraient de l’annulation du contrat. Le calendrier des paiements, qui
comporte un dépôt initial, est fixé dans l’accord intergouvernemental
; il
s’exécute indépendamment de l’avancée des travaux. Il est calculé de sorte
qu’en cas d’interrupt
ion des versements par le client, le contrat industriel
puisse être résilié sans frais ni pour l’industriel ni pour l’État américain.
ANNEXES
179
En contractant dans le cadre des
FMS,
le pays client bénéficie d’une
procédure rapide et bien rôdée. Il a accès aux stocks
de l’armée américaine
ou, quand l’administration américaine commande pour son compte aux
industriels, il bénéficie des services de l’administration américaine qui lui
assurent les mêmes clauses contractuelles et les mêmes procédures de
contrôle que celles
qu’elle applique à ses propres achats. Le pays client
peut ainsi bénéficier d’économies d’échelle et avoir une assurance qualité
pour un coût d’intermédiation somme toute
modeste. En revanche, le pays
client n’a aucun contact direct avec le fournisseur, a
ucune maîtrise des
délais, aucune visibilité sur la structure des coûts. De plus, il est souvent
conduit à accepter des solutions complètes (
total package approach
)
incluant à la fois le soutien, les pièces de rechange, les armements et la
formation des personnels, qui favorisent es équipementiers américains.
Enfin, s’agissant des litiges éventuels, ils sont réglés à l’amiable de
gouvernement à gouvernement, après que le client a fait parvenir un
«
rapport d’écart
» au gouvernement américain.
Tableau n° 20 :
avantages et inconvénients des FMS
Avantages
Inconvénients
Pour
l’industriel
fournisseur
Aucune démarche pour obtenir les licences
d’exportation
Clients sans opération de prospection
Pas de mise en concurrence
Pas d’
«
offsets
»
Absence de risque en cas de
défaillance de l’acheteur
ou d’interruption du contrat (embargo/guerre, etc.)
Pas de possibilité de maximiser
les marges
Pour les
États-Unis
Allongement des séries
Connaissance fine des capacités militaires des
pays acheteurs
Interopérabilité
Contrôle pol
itique de l’usage
Pour le
pays client
Rapidité de la procédure
Rapidité des livraisons quand prélèvement sur stocks
Sécurité juridique et politique
Économies
d’échelle
Expertise et contrôle des matériels
par
l’administration américaine
Interopérabilité avec les États-Unis et autres
pays partenaires
Aucun contact avec le fournisseur
Pas de visibilité sur les coûts
Pas d’engagement sur les délais
Paiements sans visibilité sur
l’exécution du contrat
Echéancier de paiement
désavantageux
Source : Cour des comptes
COUR DES COMPTES
180
Pour un certain nombre de pays partenaires, les
FMS
s’accompagnent
des FMF
(foreign military financing)
283
dispositif créé en 1961 qui permet
de financer les achats d’un État
client, qu’il recoure aux FMS et/ou, pour
certains pays (Israël, Égypte en particulier), à des contrats auprès des
industriels de défense (
defense commercial sales
). Les
FMF
comportent une
forte proportion de dons. Pour l’exercice fiscal 2015, les États
-Unis avaient
mobilisé plus de 5,6 Md$
284
au titre des FMF, dont plus de 90 % au bénéfice
des pays du Proche-Orient. La demande au titre du budget 2021 est du même
montant
285
, la part du Proche Orient a progressé de 2 %
286
.
Tableau n° 21 :
budget des FMF 2015 et 2021
En MUS$
Afrique
Pacifique et
Asie de l’Est
Europe et
Eurasie
Proche
Orient
Asie du Sud
et centrale
Amérique
centrale et du Sud
2015
11
67
67
5 096
288
47
2021 (
fiscal
year request
)
5
(Djibouti)
85,9
170
5 190
30
20
Source : US department of state, foreign military financing account summary
La force de ce système de soutien à
l’exportation repose, outre la
puissance politico-militaire et financière des États-Unis, sur la profondeur du
marché militaire national
–
on rappellera que les achats annuels du
US
department of defense
sont égaux
à la totalité des achats d’armements du r
este
du monde -
qui a la capacité d’offrir des séries longues et des stocks importants.
283
«
Foreign military financing (FMF) is a critical foreign policy tool for promoting
United
States (US) interests around the world by ensuring that coalition partners and
friendly foreign governments are equipped and trained to work toward common security
goals and share burdens in joint missions. In that regard, FMF is vital to supporting US
coalition partners in the war on terrorism. FMF provides grants for the acquisition of US
defense equipment, services and training, which promotes US national security by
contributing to regional and global stability, strengthening military support for
democratically elected governments, and containing transnational threats including
terrorism and trafficking in narcotics, weapons, and persons. These grants enable key
allies and friends to improve their defense capabilities and foster closer military
relationships between the US and recipient nations. Increased military capabilities build
and strengthen multilateral coalitions with the US and enable friends and allies to be
increasingly interoperable with regional, US, and NATO forces. By increasing demand
for US systems, FMF also contributes to a strong US defense industrial base, an important
element of US national defense strategy that reduces cost for department of defense
acquisitions and secures more jobs for American workers
»
,
rapport FMF 2007.
284
6,1 Md$ en 2018.
285
In
Congressional budget justification, department of state, foreign operations and
related programs, fiscal.
286
Dont Israël (3100 M$), Égypte (1300 M$), Jordanie (300 M$), Irak (250 M$).
ANNEXES
181
Annexe n° 9 :
historique, suivi et caractéristiques
du contrat CaMo et de l’AIG support
Après que la Belgique eut fait part en 2016 de sa volonté d’acquérir auprès
de la France des
matériels en vue d’équiper ses forces terrestres (approbation par
la commission des achats militaire du Parlement belge du dossier de demande
d’entente préalable à la fin de l’année 2016), les négociations ont été ouvertes
avec la France en juillet 2016, m
arquée par l’adoption d’une déclaration
d’intention commune. Une lettre d'intention a été signée le 5 avril 2017. Le conseil
des ministres belge a approuvé le 22 juin 2017 la proposition de son ministre de
la défense de lancer, en coopération avec la France, le programme visant la
modernisation de la capacité motorisée, ou programme CaMo.
Le 29 juin 2017, les ministres en charge de la défense des deux pays
ont signé une déclaration matérialisant leur intention de créer un partenariat
stratégique, unique et durable dans le domaine terrestre, maximisant
l'interopérabilité des forces armées terrestres belges et françaises, permettant
à la composante terre belge d'acquérir par achat de gouvernement à
gouvernement cette capacité motorisée. Cette lettre d'intention a permis
d'engager des négociations (janvier à juillet 2018) qui ont abouti à la
signature de l’accord intergouvernemental du 7 novembre 2018. Au travers
de cet accord, l'État client, la Belgique (mandant), a confié à l'État français
(mandataire) la tâche de passer en son nom et pour son compte, un contrat
d'acquisition (sous forme de marché public), selon les règles nationales
françaises, dans le respect du droit de l'Union européenne, auprès d'un
fournisseur industriel désigné. Il précise les obligations de la France, de la
Belgique et du fournisseur industriel dans la mise en œuvre du mandat.
Ce contrat est entré en vigueur le 21 juin 2019
287
après que le Parlement
en eut autorisé l'approbation
288
. Le 24 juin 2019, la DGA a notifié aux industriels
le contra
t d’acquisition de la première capacité CaMo
;
d’une valeur d
e 1,6
Md€
,
ce contrat prévoit l’achat d’un système de combat calqué sur celui choisi pour le
renouvellement de l’armée de terre française (programme Scorpion) avec la
livraison de 382 véhicules blindés multi-rôles Griffon, de 60 engins blindés de
reconnaissance et de combat Jaguar entre 2025 et 2030, équipés de leur système
d'information, de leurs radios et de leurs armements ainsi qu’un ensemble de
prestations associées. Ces véhicules seront identiques à ceux du programme
Scorpion et donc totalement compatibles avec leurs équivalents français.
Au travers de cet accord, l'État client, la Belgique (mandant), a confié à
l'État français (mandataire) la tâche de passer en son nom, et pour son compte,
un contrat d'acquisition (sous forme de marché public), selon les règles
287
Décret n° 2019-829 du 5 août 2019 portant publication de l'accord entre le gouvernement de la
République française et le gouvernement du royaume de Belgique relatif à leur coopération dans le
domaine de la mobilité terrestre (ensemble trois annexes), signé à Paris le 7 novembre 2018.
288
Loi n° 2019-551 du 3 juin 2019.
COUR DES COMPTES
182
nationales françaises, dans le respect du droit de l'Union européenne, auprès
d'un fournisseur industriel désigné. Il précise les obligations de la France et de
la Belgique et du fournisseur industriel dans la mise en œuvre du mandat. La
France accepte d’assurer l’interface avec les
industriels français pour
l’acquisition d’équipements identiques à ceux commandés par l’armée
française. Elle devient la mandataire de la Belgique et se substitue à l’État
belge pour négocier, conclure et mettre en œuvre, avec le maître d’œuvre
industriel choisi par la Belgique (Nexter) un contrat global dont Thalès et
Arquus sont les sous-traitants. Dès lors que le procès-verbal de constatations
du matériel visé par la partie française et signé par la partie belge est émis, la
partie belge réceptionne le matériel. La réception vaut transfert de propriété
directement entre le fournisseur industriel et la partie belge.
L’AIG se décline en quatre volets
:
-
l’accord proprement dit conclu entre le Gouvernement de la
République française et le Gouvernement du Royaume de Belgique
relatif à leur coopération dans le domaine de la mobilité terrestre ;
-
un projet de protocole additionnel à l'accord entre les deux États, dit
« protocole de fournitures » ;
-
un marché public passé entre la partie française, agissant au nom et
pour le compte de la partie belge, et le fournisseur industriel désigné
selon les règles nationales françaises, relatif à l'acquisition par la partie
belge de la première capacité du programme CaMo ;
-
un protocole bancaire entre la Belgique représentée par la direction
générale des ressources matérielles, la France (DGA), et la Caisse des
dépôts et consignations (établissement bancaire désigné par la
Belgique établi sur le territoire français).
L’AIG est suivi dans la durée par un comité directeur franc
o-belge
qui réunit, pour la partie française le délégué général pour l’armement et le
sous-
chef plans de l’état
-major des armées, pour la partie belge le directeur
général des ressources matérielles et le chef de la composante terrestre.
Dans ce cadre, le pilotage du contrat CaMo est assuré par un comité ad hoc
de pilotage de programme, qui est localisé à la DGA à Paris, et piloté par
un directeur du programme CaMo à la DGA.
L’AIG permet de conclure un
contrat de gré à gré, tout en répondant aux impératifs suivants :
-
être conforme au droit européen
, ce que permet le contrat d’État à
État ; en effet, si les marchés publics de défense sont soumis à des
obligations de publicité et de mise en concurrence définies par la
directive 2009/81/CE du Parlement européen et du Conseil, du
13
juillet 2009 qui vise la création d’un marché européen des
équipements de défense, la directive prévoit des exceptions. Son
article 13 f exclut de ces obligations les
« marchés passés par un
gouvernement à un autre gouvernement concernant la fourniture
d’équipements militaires ou d’équipements sensibles
»
289
;
289
«
Ainsi des travaux et des services directement liés à de tels équipements, ou (…) (ii) des travaux
et des services destinés à des fins spécifiquement militaires ou des travaux et services sensibles. »
ANNEXES
183
-
ne pas entrer dans le périmètre de la dette au sens du traité de Maastricht et
être neutre pour les finances publiques :
L’État n’assume à aucun moment
la propriété des matéri
els, qu’aucun mouvement financier n’entre dans la
comptabilité publique au sens du traité de Maastricht, et qu’il ne puisse y
avoir des risques d’impayés, puisque le compte ouvert par la Belgique
auprès de la Caisse des dépôts et consignations ne peut fonc
tionner qu’en
position créditrice. Par ailleurs, la Belgique s’engage à prendre en charge
tous les coûts afférents au contrat et à ses éventuelles évolutions. Les
prestations réalisées par la DGA donnent lieu à une rémunération versée
par la Belgique, à hauteur de 40
M€
hors taxes pour la part ferme initiale du
contrat, auxquels s’ajouteront 3
% du montant de chaque commande émise
au titre de la provision pour évolutions et aléas et 3 % du montant de chaque
commande émise au titre de la part de commande additionnelle de matériel.
Ces fonds doivent être versés sur un compte dédié de l’
agence comptable
services industriels armement ouvert à la banque de France. En revanche,
les prestations de formation réalisées par les armées ne sont pas facturées et
elles entrent dans le champ de la coopération
290
;
-
ne pas engager la responsabilité de l’État
: le mandat limite la
responsabilité de la France à des clauses d’effort et limite les risques en
matière de responsabilité et de propriété du matériel ; on lit notamment
d
ans l’accord que la France
« déploie ses meilleurs efforts pour permettre
la fourniture du matériel par le fournisseur industriel dans les conditions
de prix, de délais et de performances définies dans le protocole de
fourniture »
, que
« la partie belge reconnaît que la partie française n'est
en aucun cas responsable de l'exécution du contrat par le fournisseur
industriel ;
que «
la partie française n'est tenue notamment par aucune
garantie de bonne fin ni aucun engagement de résultat ou de
responsabilité vis-à-vis de tout défaut de conformité et/ou vice caché »
et
que
« la partie belge reconnaît que la partie française n'est en aucun cas
responsable de l'exécution du contrat envers le fournisseur industriel ».
Il est également spécifié que
« la partie belge peut annuler tout ou partie
des livrables définis dans le protocole de fourniture, avant la fourniture desdits
livrables. La partie belge assume les coûts résultant de cette annulation. »
La responsabilité de la France n’est pas encourue en cas de
dénon
ciation de l’accord ou du protocole de fourniture, ou de défaillance
d’une partie ou survenance d’un événement extérieur s’opposant
durablement et irrémédiablement à l’exécution du contrat (article 14).
290
Cf.
supra
;
néanmoins, il est prévu qu’afin
« de respecter le principe de réciprocité
dans l'échange des prestations, les parties approfondissent les études en cours sur la
formation de pilotes français en Belgique, sur l'appui belge à la formation des
administrateurs SIC français et Contact à l'horizon prévisionnel 2019-2020 et sur le
renfort d'instructeurs belges à Bourges durant la période prévisionnelle 2020-2025. »
COUR DES COMPTES
184
Annexe n° 10 :
le SI SISTEX
Accessible de façon modulée le système d’information SISTEX est
utilisé et alimenté par les 4 officiers du bureau Soutex-MA (profil
administrateur), et, au sein de chacun des états-
majors d’armée, par leurs
bureaux des relations internationales, leurs bureaux juridiques et leurs
bureaux financiers. L’armée de l’air, principale contributrice aujourd’hui
aux actions de Soutex, en est la principale utilisatrice (16 utilisateurs dont
10 au bureau finances sur un total de 27).
Développé en interne et maintenu par le Centre de développement
des applications de la défense de Bourges, le SI SISTEX permet de traiter
l’ensemble du processus
« actions Soutex » (APEX) en
workflow,
chaque
intervenant étant sollicité au moment venu par l’application elle
-même, et
peut, sur cette même application, remplir ses tâches lors des différentes
étapes du processus :
-
enregistrement de la demande de Soutex des industriels (nature de la
demande, pays bénéficiaire, date, lieu, point de contact, description
précise de l’effet à obtenir, etc.)
;
-
recueil de l’avis de la DGA
-DI qui émet un cadrage, définissant les
limitations/restrictions éventuelles concernant la réalisation de la
prestation demandée ;
-
expression de l’avis de l’EMA
-MA-Soutex avec ou sans réserve,
après consultation du pôle des relations internationales militaires de
l’
EMA et du pôle
licence d’exportation
de l’EMA
-MA
291
;
-
exécution des actions de Soutex par les états-
majors d’armée
;
-
mobilisation des ressources ;
-
rédaction des devis et des conventions avec les industriels ou
préparation des devis et arrangements techniques avec les pays clients ;
-
enregistrement de ces devis et conventions une fois acceptés/signés ;
-
suivi de la réalisation de la prestation ;
-
établissement de la facturation à l’industriel une fois l’action réalisée
;
-
clôture du dossier.
291
On notera que le pôle Opérations n’est pas consulté.
ANNEXES
185
Ce SI, qui assure la vue d’ensemble des activités de
Soutex
conduites par les armées, a été amélioré au cours de l’année 2021 selon
trois axes prioritaires :
-
création de plusieurs phases dans une APEX ; en effet certaines
demandes de Soutex
nécessitent d’être découpées en plusieurs
phases entraînant de multiples devis, conventions et facturations
(par exemple : formation sur plusieurs années) ;
-
prise en compte de la gratuité suite à la parution de l’instruction
n° 1606 du 16 juin 2020 relative à la rémunération de services
rendus par le ministère de la défense au profit de tiers ;
-
fiabilisation du calcul automatique des ETP nécessaires à
l’abso
rption de la charge du Soutex.
L’EMA a indiqué que d’autres évolutions devraient permettre
également d’améliorer les fonctionnalités du système, notamment en
matière de suivi et de bilan des actions, alors que son usage comme outil
de statistique reste auj
ourd’hui très limité.
COUR DES COMPTES
186
Annexe n° 11 :
les redevances
La DGA est « intéressée »
aux performances à l’exportation des
industriels de défense par le biais des redevances que ceux-ci peuvent
devoir verser au titre des marchés conclus avec la DGA pour développer et
acheter des équipements. Celles-ci sont décrites aux articles 79 et 83 du
cahier des clauses administratives communes « armement » (le « CAC
armement ») approuvé par décision n° 4664/DEF/DGA/DO/SCA/PMC du
20 décembre 2013
292
et révisé en janvier 2022.
Exigibles par
l’État auprès des industriels titulaires de ces marchés,
en cas de vente, de location ou de concession à un tiers (en général, un État
étranger) du droit de reproduire des matériels ou des prestations identiques
à ceux produits pour le ministère des armées et dont ce dernier a financé
les frais d’études, de recherche et de développement, les redevances sont
de trois types et peuvent se cumuler :
-
les redevances d’études et de recherche (qui se rapportent aux
prestations destinées à permettre à plus ou moins long terme la
réalisation d’équipements)
auxquelles est appliqué un taux de 2 % ;
-
les redevances d’outillage (qui se rapportent aux prestations destinées
à la fabrication, aux essais et à la maintenance des équipements)
auxquelles est appliqué un taux de 2 % ;
-
et les redevances de logiciels (qui concernent les logiciels qui ne sont
pas directement intégrés dans les matériels) auxquelles est appliqué un
taux de 30 %.
Elles viennent rembourser une partie des coûts de développement et
de réalisation des
outillages de production supportés par l’État. Les
redevances sont prévues dès la signature des contrats d’armement.
Les montants de redevances sont calculés en fonction d’une assiette,
d’un taux et d’un coefficient de dérivation dont les modalités
293
.
L’ass
iette est déterminée par le prix de vente dont peuvent être
déduits certains frais.
292
Le CAC armement
est un document élaboré par la DGA. Il se compose d’un certain
nombre de clauses communes s’appliquant à tous les marchés de défense ou de sécurité.
Il est disponible en ligne sur le site Ixarm, portail en ligne de la DGA. Ces clauses ont été
élaborées en concertation avec le conseil des industries de défense françaises (CIDEF).
293
La DGA a précisé que
«
pour les programmes en coopération, si l’agence
contractante n’est pas la France, il arrive que d’autres taux ou conditions
s’appliquent
».
ANNEXES
187
Dans la version du CAC armement en vigueur au moment du
contrôle, le taux
était fixé, pour les redevances d’études, de recherche et
d’outillage, à
2 % « dans le silence du marché » ; il devait constituer un
minimum selon la DGA et cette dernière visait à inscrire cette notion de
« minimum »
dans la nouvelle édition du CAC, ce qu’elle n’a pu obtenir
du syndicat professionnel le CIDEF. Elle estime néanmoins qu’avoir réussi
à supprimer la mention « dans le silence du marché » constitue une avancée
car cette modification entérine le fait qu’un taux de
2 % est la règle.
Le coefficient de dérivation dépend à la fois de la part prise par l’État
dans le développement du produit et du degré de similitude entre le produit
développé avec son concours et le produit exporté. Si le matériel exporté est
identique au matériel acheté par l’État et que celui
-ci a financé en totalité le
développement de ce matériel, le coefficient de dérivation est de 1. Si en
revanche, l’industriel a financé une partie du développement du matériel, la
part de l’État est appréciée au regard du coût complet du développement du
produit, le coefficient de dérivation est alors inférieur à un.
La DGA a
fourni les illustrations suivantes :
« Un coefficient de dérivation
inférieur à 1 peut donc naître des situations suivantes :
-
Le matériel incorpore des sous-ensembles acquis sur étagère, sans
que la DGA n’ait donc financé le développement de ces sous
-
ensembles. C’est par exemple le cas d’un matériel aéronautique
obtenu par adaptation d’une plate
-forme civile, ou de la torpille F21
dont la partie arrière est d’origine allemande
;
-
Après sa livraison à nos armées, le matériel a été modifié à des fins
d’exportation unique
ment, sans financement étatique ;
-
L’industriel a autofinancé une partie du développement du fait
des
perspectives d’exportation
».
Le calcul du coefficient, dès lors que ce dernier est inférieur à 1, est
particulièrement complexe, puisqu’il nécessite pour
chaque contrat à
l’exportation de comparer le matériel exporté à celui qui a été développé
pour les besoins nationaux. Le coefficient est fixé par un « accord
liminaire »
établi par la personne publique à la demande de l’industriel
préalablement à la première présentation à la vente ou à la location du
matériel et des éléments concédés.
Une fois le contrat conclu, l’industriel exportateur doit le
communiquer dans les trois semaines qui suivent à la DGA-DI, accompagné
d’une fiche analytique, d’une déclarati
on de redevances (avec notamment les
références de l’accord préliminaire et le montant des redevances prévues) et
des autres remboursements éventuellement dus à la personne publique,
intéressant directement ou indirectement le ministère de la défense
294
.
294
Au titre des avances versées dans le cadre de la procédure de l’article 90 par exemple.
COUR DES COMPTES
188
Dans les faits, l’exportateur, qui souhaite l’application d’un
coefficient inférieur à 1, saisit rarement la DGA dès la remise de l’offre et
l’
« accord préliminaire »
est loin d’être la règle. La détermination du
coefficient intervient dans la plupart des cas après la signature du contrat
sur la base des déclarations de redevances, voire beaucoup plus tard quand
les situations sont conflictuelles. Ce faisant l’exportateur perd en visibilité
pour la détermination de son prix mais gagne en moyen de pression.
Pour étudier la proposition de l’industriel, la DGA
-
DI s’appuie sur
les unités de management de la direction des opérations en charge des
programmes
concernés.
Leurs
connaissances
des
matériels,
les
informations résultant des dossiers déposés à la CIEEMG, la vérification
des conditionnalités posées par celle-ci, notamment par les directeurs
d’opérations export permettent de limiter la dissymétrie d’informations qui
peut persister bien que le titulaire du marché soit
« tenu de donner aux
représentants qualifiés de la personne publique les moyens de vérifier
l'exactitude des relevés fournis. »
L’
unité de management vérifie poste par
poste les parts relatives de financement de l’État et de l’industriel, afin de
valider ou non les coefficients de dérivation proposés.
Pour mieux encadrer dans le temps ce processus de détermination du
coefficient de dérivation, la DGA a indiqué qu’à la suite des négociations avec
le CIDEF le texte du CAC armement précisait désormais que
« le coefficient
de dérivation est déterminé et fixé par la personne publique en concertation
avec le titulaire ou son sous-traitant sur la base de sa proposition »
et que
« si
la demande de coefficient de dérivation n’est pas sollicitée par le titulaire ou
son sous-
traitant au plus tard à l’entrée en vigueur de l’acte ou ne comporte
pas l’ensemble des éléments demandés (…) la personne publique fixe le
coefficient de dérivation, le cas échéant, à l’unité
. »
Il conviendra de vérifier si ces dispositions bienvenues sont mises en
œuvre. En effet, la DGA a indiqué qu’elle ne comptait pas mettre une date
butoir au processus de fixation du coefficient de dérivation car elle estime
que
« du fait de la diversité des affaires et de leur complexité très variable,
il ne paraît pas pertinent de fixer un délai maximum unique. »
La Cour ne
sous-
estime pas cet argument. Il lui semble cependant qu’au vu de la
longueur des discussions avec certains industriels, l’administration, en sus de
mettre en œuvre ces nouvelles dispositions, devrait employer avec plus de
détermination la faculté de liquider unilatéralement les droits dans certaines
circonstances comme cela est prévu aux articles 79 et 83 du CAC armement).
Une fois le contrat entré en vigueur, son titulaire doit envoyer, dans
le mois suivant la fin de chaque semestre civil, un relevé des contrats de
vente, de location ou de concession passés au cours du semestre et un relevé
des sommes à prendre en considération au cours de cette période pour le
calcul des versements. La personne publique émet alors un titre de
vers
ement que l’industriel doit régler dans les 45 jours, faute de quoi les
ANNEXES
189
sommes dues portent intérêt au taux légal. La DGA-DI a indiqué que le
bureau en charge des redevances contrôlait systématiquement les contrats
de plus de 15
M€
. Néanmoins, le poste est depuis 2021 tenu par un/une
secrétaire administratif/ve alors qu’il était précédemment pourvu par un
ingénieur sous contrat.
En cas de divergence entre l’administration et l’industriel, le
différend peut être examiné par le comité de règlement amiable des
différends à la demande d’une des parties. Le litige peut être aussi porté en
phase contentieuse devant les juridictions administratives. Aucun cas n’a
été mentionné à la Cour.
Le montant des redevances versées est plafonné au montant des frais
de développement engagés par la puissance publique, calculés à conditions
économiques constantes. Une exonération partielle ou totale de redevances
peut être accordée sur décision ministérielle après que la DGA a analysé la
demande de l’industriel.
Le CAC armement ne faisait pas référence à cette possibilité
d’exonération, si ce n’est de manière indirecte dans le paragraphe
concernant les éléments à fournir : « accord liminaire ou éventuellement
déc
ision d’exonération
» mais une circulaire n° 11650/DGA/DAI de 1981
précisait que
« l'administration peut accorder, sur justifications, une
exonération totale ou partielle, éventuellement assortie de conditions, des
redevances
à
devoir.
Cette
exonération
sera
consentie
à
titre
exceptionnel. »
La révision du CAC armement de janvier 2022 a introduit
cette faculté par des dispositions ajoutées aux articles 79 (redevances pour
logiciels) et 83
(redevances d’études, de recherches et d’utilisation
d’outillages)
du CAC armement qui précisent que :
-
« À titre exceptionnel, sur décision du ministre, le marché précise
qu’il
ne donne pas lieu à redevance »
;
-
Pour la détermination du montant des redevances :
« Par ailleurs, sur
décision du ministre, à titre exceptionnel et sur justifications
adressées par le demandeur (titulaire, sous-traitant, etc.) à la
direction du développement international (DI) de la DGA, il peut être
accordé une réduction totale ou partielle des redevances ».
En général, les industriels demandent cette exonération au motif
qu’il leur a fallu faire des efforts sur l
eur offre commerciale. La DGA a
indiqué qu’au cours des cinq dernières années, quatre demandes
d’exonération avaient été faites mais qu’elles avaient toutes été refusées
;
en revanche, au cours des années précédentes, quatre exonérations avaient
été
accordées.
L’exonération
peut
aussi
résulter
d’un
accord
intergouvernemental pour un appareil produit en coopération.
COUR DES COMPTES
190
Annexe n° 12 :
les résultats financiers
de la
procédure dite de l’article
90
Tableau n° 22 :
r
ésultats de la procédure dite de l’article 90 (en
M€
)
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Nombre
d’entreprises
bénéficiaires
46
47
41
40
33
36
Encours
98,90 97,20 98,70 101,90
98
95,20 94,40 80,67 82,10
70,25
68,48
56,36
Dépenses
5,20
2,97
5,32
9,06
2,53
3,68
1,08
6,31
6,12
1,84
6,42
2,73
Recettes
9,30
8,83
8,43
8,83
8,18
9,19
7,94
8,14
9,68
9,53
9,78
5,73
Solde annuel
4,10
5,86
3,11
-0,23
5,65
5,51
6,86
1,83
3,56
7,69
3,36
3,00
Solde de trésorerie
93,21 95,03 98,60 106,28 109,64 112,67
Sources :
Cour des comptes, note d’exécution budgétaire et
direction générale du Trésor