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QUATRIÈME CHAMBRE
S2023-1031-1
PREMIÈRE SECTION
OBSERVATIONS DÉFINITIVES
(Article R. 143-11 du code des juridictions financières)
LA CAPACITE D’ACTION
DES
PREFETS
Exercices 2016-2022
Le présent document, qui a fait l’objet d’une contradiction avec les destinataires
concernés, a été délibéré par la Cour des
comptes, le 19 juillet 2023.
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
2
TABLE DES MATIÈRES
TABLE DES MATIÈRES
..............................................................................................
2
SYNTHÈSE
......................................................................................................................
5
RECOMMANDATIONS
..............................................................................................
11
INTRODUCTION
.........................................................................................................
13
1
UN RESEAU PREFECTORAL A LA RECHERCHE DE
L’ECHELON
PERTINENT
..........................................................................................................
16
1.1
Une stratégie changeante qui a privilégié successivement le niveau
régional et le niveau départemental
..................................................................
16
1.1.1
Les relations entre préfets de région et de département
..........................
16
1.1.2
Des SGAR dont l’attractivité doit être restaurée
.....................................
18
1.1.3
Des directions régionales souvent perçues comme lointaines par les
services départementaux,
a fortiori
dans les plus grandes régions
.........
19
1.2
Un manque de vision claire des rôles respectifs des échelons zonal, infra-
départemental et interdépartemental
................................................................
20
1.2.1
L’échelon zonal, un échelon dont il convient de clarifier les
missions et les moyens associés
..............................................................
20
1.2.2
Une réflexion qui reste à mener sur le rôle des sous-préfets en
fonction de la typologie des arrondissements
.........................................
24
1.2.3
Un développement de l’interdépartementalisation encore limité et
insuffisamment suivi par l’administration centrale
.................................
29
2
UNE DECENNIE MARQUEE PAR UNE REDUCTION DES EMPLOIS
.........
32
2.1
Les missions relatives à la représentation de l’État et à la sécurité
..................
35
2.1.1
La priorité donnée aux missions liées à la gestion de crise et la
sécurité
....................................................................................................
35
2.1.2
Une augmentation des effectifs partiellement compensée par la
contraction des moyens affectés à la représentation de l’État
.................
38
2.1.3
Des enjeux majeurs en termes de management et de gestion des
compétences
............................................................................................
39
2.1.4
La nécessité de conforter les initiatives favorisant l’agilité et la
réactivité en situation de crise exceptionnelle
.........................................
41
2.2
L’instruction et la délivrance de titres
..............................................................
43
2.2.1
Une disparition des services d’accueil pour la délivrance des titres
nationaux
.................................................................................................
44
2.2.2
Une hausse des effectifs des services des étrangers insuffisante
pour faire face à la hausse de l’activité
...................................................
47
2.3
L’organisation des é
lections et les missions de réglementation générale
........
53
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
3
2.4
Le contrôle et l’accompagnement des collectivités locales
..............................
55
2.4.1
Le contrôle de légalité et le contrôle budgétaire, une érosion des
moyens et un manque d’attractivité qui compromettent la qualité
du contrôle
...............................................................................................
56
2.4.2
L’accompagnement des collectivités, une mission de conseil et
d’expertise qui fait l’objet d’une forte demande
des élus
.......................
58
2.5
L’animation des politiques publiques
...............................................................
59
2.6
Un management stratégique aux effectifs confortés mais au risque d’une
certaine dispersion
............................................................................................
60
3
UN ROLE DE COORDINATION TERRITORIALE A ARTICULER
AVEC L’ACTION DES OPERATEURS ET DE L’ÉTA
T CENTRAL
...............
64
3.1
La capacité des préfets à coordonner l’action des services de l’État et des
opérateurs
.........................................................................................................
64
3.1.1
La coordination de l’action des services de l’État, placés ou non
sous l’autorité des préfets
........................................................................
64
3.1.2
Une capacité de coordination des opérateurs de l’État à renforcer
.........
66
3.1.2.1
L’ «
agencification » peut compliquer les efforts du préfet pour assurer la
cohérence de l’action de l’État
...............................................................................
66
3.1.2.2
D’importants progrès
ont été réalisés ces dernières années dans les relations
entre préfets et opérateurs
.......................................................................................
68
3.1.2.4
Le besoin d’un état des lieux ap
profondi des relations entre préfets et
opérateurs
...............................................................................................................
73
3.2
Le pouvoir d’agir du préfet vis
-à-vis des acteurs locaux
.................................
74
3.2.1
Des relations avec les collectivités territoriales déterminantes pour
l’efficacité de l’action du préfet
..............................................................
74
3.2.2
Un rôle important du préfet dans la contractualisation avec les
collectivités territoriales
..........................................................................
75
3.2.3
Une mission non prévue par les textes, mais essentielle : la
médiation et l’arbitrage
...........................................................................
77
3.2.4
Le pouvoir de dérogation
........................................................................
77
3.2.5
La durée des fonctions des préfets amoindrit leur capacité à agir
vis-à-vis des acteurs locaux
.....................................................................
79
3.3
Un État central qui a du mal à respecter la déconcentration
............................
80
3.3.1
Les feuilles de route et l’évaluation des préfets
......................................
80
3.3.2
Le poids persistant des circulaires
...........................................................
83
3.3.3
La prolifération des appels à projets nationaux
.......................................
84
3.3.4
Un poids excessif de l’administratio
n centrale dans la
contractualisation avec les collectivités territoriales
...............................
86
3.3.5
Une tendance à la recentralisation de la gestion de crise à réfréner
........
87
3.3.6
Un État central qui réinvestit ses services déconcentrés dans les
compétences décentralisées
.....................................................................
88
4
LA CAPACITE DES PREFETS A GERER LEURS MOYENS : DES
DISPOSITIFS ENCORE EMBRYONNAIRES
....................................................
90
4.1
La création des SGCD
......................................................................................
91
4.1.1
Les re
fus d’agents d’être affectés en SGCD ont affecté la mise en
place des secrétariats généraux
...............................................................
92
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
4
4.1.2
Des chantiers de convergence des procédures en matière de
ressources humaines faisant l’objet d’appréciations très divergentes
entre le niveau central et le niveau local
.................................................
92
4.2
Un pilotage des emplois et de la masse salariale qui doit évoluer pour
gagner en souplesse et en efficience
.................................................................
94
4.2.1
De nouvelles modalités de répartition des emplois à mettre en
œuvre
.......................................................................................................
94
4.2.2
Le dispositif « 3 % »
...............................................................................
96
4.2.3
Le transfert du titre 2 des DDI au programme 354, un sujet qui
reste ouvert
..............................................................................................
99
4.2.4
Un recours massif aux contractuels
.......................................................
100
4.3
Des modalités de répartition des responsabilités et un pilotage des
moyens budgétaires à moderniser
..................................................................
102
4.3.1
La mise en œuvre de la circulaire de mars 2021
...................................
102
4.3.2
Des modalités de répartition des dépenses de fonctionnement
(« hors titre 2 ») à moderniser
...............................................................
103
4.3.3
Des lignes hiérarchiques peu claires qui nuisent à l’optimisation
des moyens
............................................................................................
104
4.3.4
Une répartition des responsabilités à préciser dans la gestion de
l’immobilier préfectoral
........................................................................
105
4.4
Un retard à rattraper sur les dispositifs d’attractivité
.....................................
106
4.4.1
La priorité subsidiaire d’affectation
......................................................
106
4.4.2
L’indemnité temporaire de mobilité
......................................................
107
4.4.3
Les chartes d’attractivité
.......................................................................
108
4.4.4
Dans certains territoires, une attractivité mise à mal par la difficulté
d’accès des agents au logement
.............................................................
109
4.4.5
Des éléments de rémunération peu compétitifs pour le recrutement
de contractuels sur les métiers en tension
.............................................
110
ANNEXE
......................................................................................................................
112
Annexe n° 1.
Évolution de l’effectif des préfectures, en ETPT, par
mission, et pour les fonctions support
............................................................
113
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
5
SYNTHÈSE
Inscrit dans la Constitution à l’article 72,
le préfet,
représentant de l’État,
est
«
dépositaire de l’autorité de l’État
» dans le département ou la région où il est nommé selon
les termes de
l’article 1er du décret n° 2004
-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des
préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'État dans les régions et départements. Il a
la charge des intérêts nationaux et du respect des lois. Il représente le Premier ministre et chacun
des ministres. Il veille à l'exécution des règlements et des décisions gouvernementales. Il dirige,
sous l'autorité des ministres, les services déconcentrés des administrations civiles de l'État, sauf
exceptions prévues par ce même décret. À ses missions, nombreuses, s’ajoutent les fortes
attentes des citoyens et des élus locaux à l’égard de
l'État
qu’il incarne dans le territoire.
L’enquête de la Cour sur la capacité d’action des préfets vise à analys
er dans quelle
mesure les préfets ont la capacité de remplir leurs missions et de faire face à ces nombreuses
attentes exprimées à leur égard. Elle a porté
sur les années 2016 à 2022, l’année 2016
correspondant à la constitution des grandes régions et au lancement du plan « Préfectures
nouvelle génération » (PPNG).
La présente enquête a également repris les principaux constats des contrôles réalisés en
2022 par la Cour sur
les effectifs de l’administration territoriale de l’État
,
le contrôle de légalité
et le contrôle des actes budgétaires, et
l’immobilier des préfectures.
Un réseau préfectoral à la recherche de l’échelon pertinent
L’
État peine à stabiliser une vision stratégique de son réseau préfectoral.
Comme l’a
souligné la Cour dans son rapport public annuel de 2023
1
, il a successivement affirmé au cours
de la dernière décennie la prééminence du niveau régional, renforcé en 2010 par la réforme de
l’administration territoriale de l’État
(RéATE), puis engagé un retour
à l’échelon départemental
comme échelon privilégié de l’action territoriale de l’État, relégitimé par l’éloignement
consécutif à la constitution des grandes régions au 1
er
janvier 2016 et le besoin de proximité
révélé par la gestion de crises successives (gilets jaunes, crise sanitaire).
L’autorité
sur les
préfets de département, confiée aux préfets de régions depuis 2010 (
à l’exception des
domaines
du contrôle de légalité,
de l’
ordre public et de la sécurité des populations et des étrangers), est
le plus souvent exercée avec retenue et dans un esprit de collégialité. Toutefois, la constitution
des grandes régions a accru la difficulté pour les préfets de département de mobiliser à leur
profit
l’expertise de
s directions régionales, alors que, comme
l’a montré
le rapport de la Cour
sur les effectifs de l’administration territoriale de l’État
, les moyens sur lesquels ils peuvent
s’appuyer au niveau départemental ont été fortement réduits.
Cette vision stratégique comporte en outre de nombreux angles morts. Ainsi le ministère
de l’intérieur n’a toujours pas clarifié ses attentes vis
-à-vis des échelons zonal et infra-
départemental. Les préfets de zone de défense et de sécurité ne sont pas systématiquement
sollicités
pour coordonner l’action des préfets de départemen
t
en cas de crise d’ampleur
nationale. Les zones de défense et de sécurité se sont vu attribuer des missions supplémentaires
1
Cour des comptes, rapport annuel 2023, La décentralisation 40 ans après, mars 2023, publié sur
www.ccomptes.fr.
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
6
(lutte contre la radicalisation et placement en centres de rétention administrative) sans moyens
associés.
D’une manière générale, l’échelon zonal, bien que davantage utilisé que par le passé,
ne fait pas l’objet d’une définition suffisante des missions que le ministère de l’intérieur entend
lui confier. Faute d’une doctrine d’emploi claire de cet échelon, il n’est pas possible de déf
inir
quantitativement et qualitativement les moyens humains dont il a besoin. La montée des crises
de toute nature ne permet plus de laisser subsister des interrogations sur un échelon essentiel
pour leur gestion. Le ministère doit préciser et clarifier la doctrine
d’emploi de l’échelon zonal.
Il devrait également mettre à jour les dispositions du code de la sécurité intérieure régissant les
pouvoirs des préfets de zone de défense et de sécurité pour y faire figurer les nouvelles
responsabilités qui leur on
t été confiées, notamment en matière d’éloignement des étrangers en
situation irrégulière et de lutte contre la radicalisation.
Parallèlement, l
es fortes réductions d’effectifs des sous
-préfectures (-21 % entre 2016
et 2020) compromettent la viabilité de
nombre d’entre elles, alors que les attentes à leur égard
restent fortes, notamment de la part des élus locaux ; la labellisation de 35 sous-préfectures en
espaces France services permet toutefois une réouverture bienvenue au grand public. La
réflexion sur les missions des sous-
préfets sur la base d’une catégorisation des arrondissement
,
que
le ministère de l’intérieur
avait annoncée dans son document d’orientation «
Missions
prioritaires des préfectures 2022-2025 », apparaît, au vu de la réponse du ministère à la Cour,
une nouvelle fois abandonnée.
La Cour considère que le ministère de l’intérieur ne peut pas
faire l’économie de cette réflexion
, qui aurait
d’ailleurs
gagné à être menée avant que les
récentes décisions de déjumelage de cinq sous-préfectures soient prises. Dans ce domaine
comme dans d’autres, l
e fait de laisser
un pouvoir d’initiative
au préfet ne doit pas exonérer le
ministère de sa responsabilité de définir les orientations stratégiques. En outre, dans un contexte
où les sous-préfectures ont vu leurs effectifs globaux décroître fortement, la création ou la
réouverture de sous-
préfectures demeurerait symbolique si elles n’étaient pas dotées de la taille
critique nécessaire à leurs missions.
Enfin,
le
ministère
ne
recense
pas
les
expériences
de
mutualisations
interdépartementales qui ont été
mises en œuvre, ce qui ne permet pas de diffuser
et développer
les meilleures pratiques en la matière.
Des missions préfectorales fragilisées par une décennie de réduction
d’emplois
Les suppressions d’empl
ois mises en
œuvre depuis la réforme de l’administration
territoriale de
l’État
(RéATE) en 2010 (4748 ETP supprimés dans les préfectures entre 2010 et
2020) ont affecté les effectifs des préfectures, qui ne comptent plus à ce jour
qu’un peu
plus de
29 000 agents
2
.
L’instruction et la délivrance de titres représente
nt 21 % des effectifs, dont plus de deux
tiers pour la gestion des titres des ressortissants étrangers. Les autres missions des préfectures
- « Sécurité », « Animation des politiques interministérielles », « R
eprésentation de l’Etat
»,
« Management et pilotage » - représentent chacune entre 10 et 11 % des effectifs. Les relations
2
En comptant l’ensemble des agents du programme 354 qui comporte, outre les emplois des préfectures
au sens strict, ceux des secrétariats généraux communs départementaux (SGCD) et les emplois de directeurs et
directeurs adjoints des directions départementales interministérielles (DDI).
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
7
avec les collectivités territoriales ne concentrent qu’un peu plus de 7
% des agents. Un quart
des effectifs est affecté aux fonctions support.
Certaines missions confiées aux préfets sont aujourd’hui
sous tension, en raison de
moyens devenus insuffisants.
C’est particulièrement le cas des services rendus directement au
public. Ainsi, dans les domaines de la délivrance des titres et
de l’accueil et du séjour des
étrangers, les indicateurs de performance se sont fortement dégradés
, témoignant d’une baisse
de la qualité du service du fait notamment
d’
un allongement excessif des délais de délivrance
des titres. Les
services des étrangers souffrent non seulement d’effectifs insuffisants, leur
augmentation n’a
yant pas suivi celle de la demande de titres de séjour, mais aussi du recours
massif à des contractuels de courte durée, dont le recrutement, la formation et le suivi au
quotidien absorbent une grande part du temps de travail de
l’encadrement
. La dématérialisation
du dépôt des demandes de titre de séjour (Administration numérique pour les étrangers en
France, ANEF), dont le déploiement s’est achevé en avril 2023, s’est accompagnée de
nombreux problèmes techniques qui doivent être corrigés. La Cour souligne également la
situation dégradée de la préfecture des Alpes-Maritimes, particulièrement exposée à la
problématique migratoire de par sa si
tuation géographique, et qui a fait l’objet de
condamnations à astreinte pour non exécution de décisions de justice.
Parallèlement, l
’exercice
des contrôles de légalité et budgétaire confiés aux préfets est
fragilisé par
l’érosion des moyens humains
3
. Certaines préfectures ne sont plus en mesure de
respecter les délais réglementaires de réponse aux collectivités territoriales.
I
l est de la responsabilité du ministère de l’intérieur de s’assurer que la répartition des
moyens permet à ses services déconcentrés de remplir leurs missions. Il ne saurait se limiter à
l’invocation de la responsabilité des préfets dans l’affectation des moyens qui leur sont alloués.
Aussi, pour éviter la poursuite de la dégradation des indicateurs de performance des missions
pour lesquelles les tensions sur les moyens sont les plus fortes, l
e ministère de l’intérieur doit
désormais affecter à ces missions (délivrance des titres, accueil et séjour des étrangers, contrôles
de légalité et budgétaires)
des moyens humains adaptés à leur niveau d’activité. Il doit le faire
en limitant le recours à des agents contractuels de courte durée, qu
i n’ont pas vocation à exercer
ces missions permanentes. Les difficultés de recrutement, qui neutralisent une partie des
moyens attribués aux préfectures par le dialogue de gestion, justifient que des actions
vigoureuses soient menées pour remédier au manq
ue d’attractivité des postes ouverts.
Si les préfectures parviennent à répondre à leurs autres missions (sécurité et gestion de
crise, élections et réglementation, animation des politiques publiques)
, elles manquent d’outils
pour réagir efficacement,
notamment face au surcroît d’activité ou en période de crise
. Les
crises récentes ont ainsi montré la nécessité de pouvoir déployer des renforts nationaux ou
régionaux au profit des préfectures faisant face à une crise exceptionnelle. Si le besoin de
développer les compétences de gestion de crise est identifié comme une priorité au sein du
ministère, les conditions de pilotage de ce chantier managérial ne sont pas réunies, faute en
particulier de s’appuyer sur les plates
-formes RH des SGAR.
L
a mise en œuvre du plan
« Préfectures nouvelle génération » (PPNG), reposant sur la
dématérialisation des titres, avait entraîné la fermeture des guichets des préfectures, à
l’exception de ceux des services chargés des étrangers
. La restauration
d’
une fonc
tion d’accueil
3
Cour des comptes, Le contrôle de légalité et contrôle des actes budgétaires en préfecture, novembre
2022, publié sur www.ccomptes.fr
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
8
du public s’est de nouveau imposée
, en particulier au bénéfice des personnes qui peinent à
utiliser les outils numériques. L
a mise en œuvre de cette fonction par des points d’accueil
numériques reste inégale selon les préfectures. En outre, les dysfonctionnements de la
dématérialisation des procédures demeurent à corriger. Il est ainsi regrettable que les rendez-
vous aux points d’accès numériques, créés pour les personnes les plus en difficulté face à la
dématérialisation, ne puissent, dans certaines préfectures, être sollicités que par internet.
Le rôle de coordination du préfet doit intégrer
l’action des
opérateurs et les interventions directes de
l’État
central dans les
territoires
La coordination par le préfet des services de l’
État placés sous son autorité ne pose pas
de difficulté, même si l’autorité des préfets de région sur les directions régionales n’est pas
aussi forte que celle des préfets de département sur les directions départementales
interministérielles. La présence des responsables des services qui ne sont pas placés sous
l’autorité des préfets, notamment l’éducation, les finances publiques, et dans de nombreux cas
les agences régionales de santé, dans le collège des chefs de service présidé par le préfet, facilite
des relations qui sont le plus souvent de qualité.
Le rôle de coordination du préfet doit intégrer l
’intervention des opérateurs de l’
État,
dont les actions sectorielles et pilotées par leurs directions nationales
ne s’articulent pas
spontanément avec la mission confiée aux préfets d’assurer la cohérence globale de l’action de
l’État sur un territoire donné.
Des mesures ont été prises ces dernières années pour limiter ce
risque. En particulier, la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation,
la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale
(« loi 3DS »
) a fait du préfet de région le délégué territorial de l’Agence de l'environnement et
de la m
aîtrise de l'énergie (ADEME) et du préfet de département celui de l’Office français de
la biodiversité (OFB). En outre, la loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de
programmation du ministère de l'intérieur (LOPMI) permet un renforcement des prérogatives
du préfet de département en cas d'évènements d'une particulière gravité en lui donnant autorité
sur les services et établissements publics de l'État ayant un champ
d’action
territorial, qui sont
alors placés pour emploi sous son autorité. Le min
istère de l’intérieur devrait conclure avec
d’autres opérateurs des conventions sur le modèle de celle conclue avec l’OFB en janvier 2023
;
i
l doit également dresser un état des lieux des différentes solutions mises en œuvre pour
organiser les relations entre préfets et opérateurs et en faire une évaluation critique.
Le positionnement du représentant de État est trop souvent fragilisé par la tendance des
administrations centrales à ne pas respecter le principe de déconcentration des politiques
publiques, en particulier par un usage excessif des appels à projets nationaux. La Cour
recommande de réduire le nombre de ces appels à projets et de rendre obligatoire leur dépôt sur
un portail interministériel unique. De même
, les marges de manœuvre des préfets dans la
contractualisation entre
l’État et les collectivités territoriales sont réduites par un encadrement
excessif de ces exercices par les administrations centrales, se manifestant notamment par des
délais de réalisation incompatibles avec la prise en compte des spécificités territoriales. Enfin,
la Cour relève une tendance à chercher à gérer les crises au niveau central, ce qui limite
l’adaptation au contexte local
et peut compliquer leur gestion par le préfet.
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
9
Les administrations centrales ont en outre tendance à réinvestir leurs services
déconcentrés dans des compétences décentralisées, alors même que leurs moyens humains ont
été fortement réduits et qu’ils ne disposent souvent plus en leur sein des compétences
nécessaires pour ce faire. Si la mise en place de feuilles de route interministérielle peut
constituer par ailleurs un outil intéressant, le fait de fixer des objectifs aux préfets et de les
évaluer sur
la mise en œuvre de politiques relevant des compétences de
s collectivités
territoriales est emblématique de cette tendance. La répartition des compétences entre État et
collectivités territoriales devant être respectée, la Cour demande que les feuilles de route des
préfets soient recentrées sur les domaines relevant des compétences de
l’État
.
Des leviers de gestion encore embryonnaires
Afin de mettre en œuvre leurs missions, les préfets peuvent s’appuyer sur
plus de
7 000 ETPT affectés aux différentes fonctions support. Pour autant, la maîtrise par les préfets
de la gestion de leurs moyens demeure limitée. La mise en place en 2021 des secrétariats
généraux communs départementaux (SGCD), qui regroupent les fonctions support des
préfectures et des directions départementales interministérielles (DDI), devait constituer un
tournant. Or, une préparation insuffisante de la réforme et la trop grande lenteur de
l’avancement des chantiers de convergence, notamment
de ceux visant à réduire les difficultés
imputables à
l’utilisation de SIRH différents dans l’administration territoriale de l’État
, font
que les gains de productivité attendus de la réforme ne se sont, à ce stade, pas concrétisés, et la
qualité de service s’est, de l’avis des
services usagers, dégradée.
De plus, mis en œuvre sur la
base du volontariat, les transferts des agents des DDI et préfectures vers les SGCD ont donné
lieu à des refus de rejoindre leur poste, représentant au total 476 ETP.
Une mission inter-inspections
d’évaluation de l’organisation et du fonctionnement des
SGCD a rendu ses conclusions en juin 2023. Leur analyse est en cours au sein des secrétariats
généraux des ministères concernés et
le ministère indique qu’un plan d’action
serait en cours
d’élaboration. Il devra impérativement
comporter des mesures fortes notamment dans le
domaine des SIRH pour résorber les difficultés rencontrées par les agents et permettre un
fonctionnement normal des SGCD.
Plusieurs mesures récentes tendant à développer les marges de gestion des préfets
n’ont
pas encore pu démontrer leur efficacité. Ainsi, le dispositif « 3 % », qui permet au préfet de
région de redéployer entre les programmes budgétaires
jusqu’à
3 % des effectifs sur le
périmètre
de l’administration territoriale de l’
État dans la région
n’a
été que faiblement utilisé
en 2022, première année d
’application
.
Il n’a concerné que 107 postes sur 1936 redéploiements
autorisés et s’est heurté à la fois aux résistances locales et aux directives contradictoires
des
administrations centrales et des directions régionales. Il convient toutefois de prolonger ce
dispositif
afin d’en évaluer la pertinence sur une durée plus longue.
La mise en place en 2023
d’un «
observatoire des effectifs » permettra de donner aux préfets une vision fiable et complète
de la totalité du champ des effectifs de l’administration
territoriale de l’Etat et de ses évolutions
et devrait ainsi favoriser les décisions de rédéploiements.
Dans le domaine de la gestion des ressources humaines, il est impératif de limiter le
recours excessif aux contrats infra-annuels pour exercer des missions permanentes, comme
l
’avait recommandé la
Cour dans son rapport sur
Les effectifs de l’administration territoriale
de l’État
. En effet, le nombre de recrutements de contractuels de courte durée augmente chaque
année atteignant 3 500 équivalents tem
ps plein en 2022, soit le double de l’année 2019.
Ces
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
10
contrats prennent fin
pour presque les deux tiers d’entre eux avant la fin de l’année
, uniquement
pour que l
e ministère de l’intérieur
respecte son schéma
d’emploi
, puis sont relancés pour partie
dès le mois de janvier en raison des besoins pérennes qu’ils permettent de
combler.
Or, les contrats de courte durée devraient normalement couvrir des besoins
exceptionnels ou des pics d’activité
temporaires. Dans cette optique, l
e ministère de l’intérie
ur
devrait prioriser le recrutement de titulaires pour les emplois pérennes, ce qui nécessite
d’ajuster
le schéma d’emplois et le
plafond d’emploi
s du programme 354 en conséquence.
D’autre part, si
les procédures de gestion des agents contractuels ont été assouplies, elles
doivent encore être simplifiées, notamment pour faciliter le recrutement sur des métiers en
tension ou nécessitant des compétences pointues.
Le temps administratif n’est pas en
adéquation avec la dynamique du marché de l’emploi, notamment
pour les métiers en tension,
dont les éléments de rémunération ne sont pas actualisés suffisamment régulièrement, ce qui
dégrade l
’attractivité
de
l’exercice de ces métiers au sein de l’administration.
Les préfectures sont aussi confrontées au retard de déploiement par le ministère de
l’intérieur
- par comparaison avec
d’autres ministères
-
d’outils
stimulant leur attractivité, qui
a contribué à leur décrochage par rapport aux autres employeurs, publics comme privés. Ainsi,
la priorité subsidia
ire d’affectation
et
l’indemnité temporaire de mobilité n’
ont été mises en
œuvre pour la première fois qu’
en 2022.
Par ailleurs, le ministère de l’intérieur doit poursuivre ses efforts en vue de fonder
la
répartition des emplois entre préfectures sur des critères objectifs, conformément à la demande
de la Cour, et appliquer ce nouveau modèle de répartition non seulement aux créations
d’emplois mais à l’ensemble des effectifs des préfectures
.
Enfin, la mise en place des SGCD nécessite de trouver des articulations entre leurs
interventions et celles des pôles moyens des SGAR et des SGAMI, notamment en matière
d’achats et d
ans le domaine immobilier
4
.
*
En élaborant son rapport, la Cour a constaté que, sur plusieurs sujets essentiels pour
l’organisation des préfectures
(répartition des moyens entre missions, sous-préfectures
d’arrondissement, promotion de l’interdépartementalisation…), le ministère de l’intérieur
s’inter
disait, au nom de la responsabilité des préfets, de définir des orientations nationales
précises
et de les mettre en œuvre
, alors que cette définition relève de sa propre responsabilité.
L’acuité des difficultés rencontrées dans certains
domaines (délivrance des titres tant pour les
nationaux que pour les ressortissants étrangers, par exemple)
ou la difficulté de mettre en œuvre
les contrôles de légalité et des actes budgétaires, mission confiée par la Constitution aux préfets,
appelle des réponses de la pa
rt du ministère de l’
intérieur.
Cette retenue est d’autant plus paradoxale qu’elle s’accompagne d’une réduction des
marges de manœuvre des préfets dans la mise en œuvre de leur action, comme en témoignent,
par exemple, les feuilles de route prioritaires, le
fort encadrement national de l’exercice de
contractualisation avec les collectivités territoriales ou la tendance à la recentralisation de la
gestion de crise.
4
Cour des comptes, L
a gestion de l’immobilier préfectoral
, mars 2023, publié sur www.ccomptes.fr
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
11
RECOMMANDATIONS
Recommandation n° 1.
(SG du ministère de l’intérieur)
: Préciser et clarifier la doctrine
d’emploi de l’échelon zonal et les moyens humains associés.
Recommandation n° 2.
(DMATES) : Confier aux plates-formes RH des SGAR le suivi de la
montée en compétence des agents chargés de la gestion de crise.
Recommandation n° 3.
(SG du ministère de l’intérieur)
: Constituer, parmi les agents de
l’administration territoriale de l’État, une réserve opérationnelle régionale de renfort pour les
différents aspects de gestion de crise.
Recommandation n° 4.
(DGSCGC) : Créer un fonds « dépenses de gestion de crise » ou
élargir l’emploi du fonds d’
extrême urgence à la prise en charge de dépenses exceptionnelles.
Recommandation n° 5.
(SG du ministère de l’intérieur)
: Renforcer les effectifs dédiés aux
titres, aux étrangers et au contrôle de légalité et des actes budgétaires, compte tenu du niveau
d’activité de ces services.
Recommandation n° 6.
(SG du ministère de l’intérieur) Conclure, sur le modèle de celle avec
l’Office français de la biodiversité, des conventions avec d’autres opér
ateurs, comportant
notamment des dispositions relatives à la communication et à la continuité de service.
Recommandation n° 7.
(SG du ministère de l’intérieur) Faire un état des lieux et une
évaluation critique des solution
s mises en œuvre pour assurer une meilleure coordination de
l’action des préfets et des opérateurs.
Recommandation n° 8.
(DITP, SG du ministère de l’intérieur) Recentrer les feuilles de route
interministérielles des préfets
sur les réformes prioritaires dont la mise en œuvre relève des
compétences de l’État.
Recommandation n° 9.
(SG du ministère de l’intérieur et DGCL) : Proposer
au Premier
ministre une circulaire visant à réduire le nombre
d’appels à projets ou à manifestations d’intérêt
et une disposition normative rendant obligatoire le dépôt des appels sur un portail
interministériel unique.
Recommandation n° 10.
(SG du ministère de l’intérieur et DGCL)
: Donner au préfet les
moyens de jouer son rôle dans l’élaboration des contrats en lui laissant les délais nécessaires à
la prise en compte des spécificités territoriales.
Recommandation n° 11.
(SG du ministère de
l’intérieur, DGAFP)
: Accélérer les chantiers
de convergence informatique permettant de réduire les difficultés découlant de l’utilisation de
SIRH différents dans l’administration territoriale de l’État
Recommandation n° 12.
(DB, SG MIOM) : Limiter le recours aux contractuels de courte
durée aux cas de surcharge ponctuelle d’activité.
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
12
Recommandation n° 13.
(DRH-MI, DGAFP) : Revoir les éléments de rémunération pour
rendre plus attractif le re
crutement d’agents contractuels sur des métiers en tension ou
nécessitant des compétences pointues.
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
13
INTRODUCTION
Inscrit dans la Constitution
à l’
article 72, le préfet,
représentant de l’
État, est
«
dépositaire de l’autorité de l’État
» dans le département ou la région où il est nommé selon
les termes de
l’article 1er du décret n° 2004
-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des
préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'État dans les régions et départements. Il a
la charge des intérêts nationaux et du respect des lois. Il représente le Premier ministre et chacun
des ministres. Il veille à l'exécution des règlements et des décisions gouvernementales. Il dirige,
sous l'autorité des ministres, les services déconcentrés des administrations civiles de l'État, sauf
exceptions prévues par ce même décret. À
ses missions, nombreuses, s’ajoutent les fortes
attentes des citoyens et des élus locaux à l’égard de
l'État
qu’il incarne dans le territoire.
Comme l’a rappelé la Cour dans
son rapport public annuel pour 2023
5
, deux réformes
ont profondément modifié l’organisation des services déconcentrés de l’État placés sous
l’autorité des préfets dans la décennie 2010 : la réforme de l’administration territoriale de l’État
(RéATE), entrée en vigueur en 2010, a notamment placé les préfets de département sous
l’autorité des préfets de région
6
dans la conduite des politiques publiques (à l’exception de trois
domaines : contrôle de légalité ; ordre public et sécurité des populations ; entrée et séjour des
étrangers et droit d’asile). Elle a créé des directions départementales interministérielles (DDI)
tout en maintenant une logique ministérielle dans l’organisation des directions régionales. Celle
de l’organisation territoriale de l’État (OTE)
engagée par la circulaire du 24 juillet 2018 relative
à l’organisation territoriale des services publics, a renforcé la mutualisation des moyens de
l’
État
sous l’autorité des préfets au niveau départemental avec la création du programme
budgétaire 354
Admi
nistration territoriale de l’
État
et la constitution de secrétariats généraux
communs qui ont rassemblé les fonctions supports des préfectures et des DDI.
Cette organisation a en outre été affectée par la constitution des grandes régions au
1
er
janvier 20
16. En éloignant l’échelon régional du terrain, la loi NOTRe a en effet redonné sa
légitimité à l’échelon départemental. De même, les situations de crise (terrorisme ; gilets
jaunes ; pandémie ; catastrophes naturelles) ont remis au premier plan le préfet de département,
compétent en la matière et bien placé pour mener les concertations et les actions indispensables
avec les élus locaux et les différents services de l’
État
, alors même qu’il a subi, dans le cadre
de la RéATE, une réduction considérable des moyens humains à sa disposition.
En effet, comme l’a montré la Cour dans son rapport sur les effectifs de l’administration
territoriale de
l’État
7
, entre 2010 et 2020, les effectifs physiques des préfectures hors corps
préfectoral sont passés de 27 613 à 23
652 agents, soit une baisse de 14 %. Cette réduction s’est
faite à périmètre quasi constant. La seule réforme d’ampleur des missions préfectorales sur la
période, le plan préfectures nouvelle génération (PPNG) de 2016, visait principalement à
adapter les
missions aux réductions d’effectifs, mais sa mise en œuvre a été contrariée par un
accroissement non anticipé des missions d
’accueil des étrangers. Le rapport a montré également
5
Cour des comptes, rapport annuel 2023, La décentralisation 40 ans après, mars 2023, publié sur
www.ccomptes.fr.
6
Le préfet de région est le préfet du département, chef-lieu de la région.
7
Cour des comptes,
les effectifs de l’administration territoriale de l’État
, mai 2022, publié sur
www.ccomptes.fr
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
14
que les effectifs des directions départementales interministérielles sur lesqu
elles s’appuient les
préfets pour mener les politiques publiques avaient diminué de 31 % entre 2012 et 2020.
L’enquête de la Cour sur la capacité d’action des préfets vise donc à analyser dans quelle
mesure, compte tenu de ces évolutions, les préfets ont la capacité de remplir leurs missions et
de faire face aux nombreuses attentes exprimées à leur égard. Elle a porté sur les années 2016
à 2022, l’année 2016 correspondant à la constitution des grandes régions et au lancement du
plan « Préfectures nouvelle génération ».
L’équipe qui en a été chargée a mené des travaux tant au niveau des administrations
centrales que sur la base d’un échantillon de préfectures. Ainsi, des déplacements ont été
réalisés entre septembre et décembre 2022 à Bar-le-Duc (préfecture de la Meuse), Niort
(préfecture des Deux-Sèvres), Strasbourg (préfecture de région Grand Est et préfecture du Bas-
Rhin), Bordeaux (préfecture de région Nouvelle-Aquitaine, préfecture de la Gironde et zone
Sud-Ouest), Nice (préfecture des Alpes Maritimes), Marseille (préfecture de région Provence-
Alpes-
Côte d’Azur, préfecture des Bouches
-du-Rhône, zone Sud, préfecture de police des
Bouches-du-Rhône) et Metz (Zone Est), ainsi que dans les sous-préfectures de Commercy
(Meuse), de Parthenay (Deux-Sèvres) et de Blaye (Gironde).
Elle a également repris les principaux constats d
autres contrôles réalisés en 2022 par la
Cour sur
les effectifs de l’administration territoriale de l’État
, le contrôle de légalité et le
contrôle des actes budgétaire en préfecture, et
l’immobilier des préfectures.
La première partie analyse la capacité des préfectures à exercer leurs différentes
missions compte tenu de l’évolution de leurs effectifs, dans une logique d’adéquation missions
-
moyens, mais aussi en évoquant les difficultés que chacune de ces missions peut rencontrer.
La deuxième partie
examine comment l’organisation d
es différents échelons
préfectoraux et de leurs relations avec les autres acteurs, relevant de
l’État
ou des collectivités
territoriales, influe sur leur
capacité d’action
,
et analyse l’efficacité d
es outils dont disposent
les préfets pour coordonner les services de
l’État
placés ou non sous leur autorité, ainsi que les
opérateurs.
Enfin, la troisième partie se focalise sur les outils récemment mis en place afin
d’accroître la mutualisation au sein de l’administration territoriale de l’État
et une plus grande
déconcentration au profit des préfets dans la gestion des moyens (ressources humaines, budget,
immobilier et systèmes d’information), afin d
e déterminer dans quelle mesure ils permettent de
redonner effectivement
des marges de manœuvre aux préfets.
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
15
Note méthodologique relative au décompte des effectifs
Les tableaux des effectifs figurant dans le rapport sont construits à partir des données
d’
ANAPREF,
système d’information de la comptabilité analytique du programme 354 –
Administration territoriale de l’État
destiné à permettre l’allocation des ressources entre les
différentes activités. Sont comptabilisés les emplois et la masse salariale des agents affectés dans
les préfectures et sous-préfectures, les SGCD, les SGAR, ainsi que les emplois des membres du
corps préfectoral et des directeurs de l’administration territoriale de l’État.
La nomenclature ANAPREF décline en différents groupes et sous-groupes de missions (sept
missions) et de fonctions (quatre fonctions support) les activités métiers assurées par ces agents.
Les agents sous emploi sont également ventilés selon leur affectation : SGAR, SGCD, préfecture,
service spécifique (services mutualisés, plateforme, CERT, etc.), sous-préfecture, DDI, directions
régionales et interdépartementales
d’Ile
-de-France.
Sont également comptabilisés les apprentis et les agents mis à disposition entrants afin de disposer
d’une visibilité complète sur les act
ivités exercées. Les agents hors plafond (congés longue durée
notamment) qui n’apparaissent pas dans les missions/fonctions sont réintégrés au sein d’une
fonction fictive (fonction AF999)
, permettant ainsi d’obtenir l’intégralité des dépenses de
personnel.
Le décompte s’effectue en équivalent temps plein travaillé (ETPT) et non en effectifs physiques.
Un effectif à temps plein sur une année complète compte pour un ETPT. Le même effectif à temps
plein arrivant en juillet compte pour 0,5 ETPT et s’il est à mi
-temps, il compte pour 0,25 ETPT.
Les règles de décompte des ETPT annuels étant les règles de décompte officielles des emplois de
la direction du budget (RRCB), un contrat de trois mois à temps plein correspond donc à 0,25
ETPT.
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
16
1
UN RESEAU PREFECTORAL A LA RECHERCHE DE
L’ECHELON PERTINENT
L’État est toujours en quête du meilleur niveau territorial pour l’organisation de son
administration déconcentrée, notamment de son réseau préfectoral.
Comme l’
a souligné la Cour
dans son dernier rapport public annuel, la r
éforme de l’administration territoriale de l’État
(RéATE) avait privilégié le niveau régional. La constitution des grandes régions au 1
er
janvier
2016 et les crises (terrorisme
; gilets jaunes ; pandémie) ont redonné sa légitimité à l’échelon
départemental. Le rôle des échelons zonal, interdépartemental et infra-départemental, angles
morts de la réflexion stratégique du ministère de l’intérieur sur son réseau préfectoral,
reste à
clarifier.
1.1
Une stratégie changeante qui a privilégié successivement le niveau
régional et le niveau départemental
La RéATE a fait de la région le niveau de droit commun du pilotage des politiques de
l’État, en lieu et place du département.
Comme l’a Cour l’a souligné dans son dernier rapport
annuel
8
, «
cette évolution, co
hérente avec la priorité donnée initialement à la région, s’est
révélée inadaptée au rôle ensuite retrouvé des départements.
» Ce hiatus s’est avéré d’autant
plus important, que, dans l’intervalle, les moyens humains de l’administration territoriale
de
l’É
tat au niveau départemental avaient été réduits. Ainsi, si la modification des relations
juridiques entre préfets de région et de département a donné lieu à un nouvel
équilibre, l’attrition
des moyens attribués à ces derniers a pu leur causer des difficultés.
1.1.1
Les relations entre préfets de région et de département
Dans le cadre de la r
éforme de l’administration territoriale de l’État (RéATE), le décret
du 16 février 2010, qui modifie celui du 29 avril 2004, a conféré au préfet de région une autorité
sur le
s préfets de département dans la conduite des politiques publiques (à l’exception de trois
domaines : contrôle de légalité, ordre public et sécurité des populations, entrée et séjour des
étrangers et droit d’asile), avec le pouvoir de leur donner des instr
uctions. Ce nouveau rôle du
préfet de région, reposant sur une distinction entre le pilotage des politiques publiques et leur
mise en œuvre, a pu apparaître comme une forme de déclassement pour les préfets de
département, d’autant qu’
il
s’est accompagné d’
une diminution des effectifs des services
déconcentrés départementaux.
Dans les faits, cette autorité a le plus souvent été exercée avec retenue, et le souci de ne
pas empiéter sur les compétences des préfets de département. Les préfets de région rencontrés
8
Cour des comptes, rapport annuel 2023, La décentralisation 40 ans après, mars 2023, publié sur
www.ccomptes.fr.
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
17
considèrent que le comité de l’administration régionale
9
(CAR) permet d’assurer la cohérence
de l’action des préfets de département dans une logique qui relève davantage de la collégialité
que de l’exercice d’un pouvoir hiérarchique.
Ainsi le droit d’évo
cation, également institué par
le décret du 16 février 2010, est resté un pouvoir subsidiaire.
Le droit d’évocation du préfet de région
Le
droit d’évocation permet au préfet de région d’évoquer, par arrêté, et pour une durée
limitée, tout ou partie d'une compétence des préfets de département à des fins de coordination
régionale. Dans ce cas, il prend les décisions correspondantes en lieu et place des préfets de
département, et peut ainsi conduire directement les politiques de l’État qu’il estime prioritaires.
Justifié initialement par les divergences apparues en Bretagne entre la coordination de
la politique de l’eau
au niveau régional et les
autorisations d’ICPE agricoles délivrées au niveau
départemental, dans un contexte de fortes pressions des éleveurs, ce droit a été appliqué par la
plupart des préfets de région dans les années qui ont suivi sa création, notamment dans le
domaine de l’env
ironnement
10
, puis a été moins utilisé. La direction du management de
l’administration territoriale et de l’
encadrement supérieur (DMATES), interrogée par la Cour
sur son usage, a entrepris un recensement auprès des préfets de région. Parmi ceux ayant
répondu, seuls les préfets des régions Auvergne-Rhône-Alpes et Bourgogne-Franche-Comté
ont fait usage récemment de leur droit d’évocation. Les préfets des régions Corse, Centre
-Val-
de-Loire, Grand-Est, Pays-de-la-Loire, Provence-Alpes-Côte-
d’Azur et Nouvelle
-Aquitaine
n’
y ont pas recouru ces trois dernières années.
Le fait que le préfet de région soit le préfet du département où se trouve le chef-lieu de
la région contribue, de l’aveu des intéressés, à l’équilibre des relations entre préfet de région et
préfets de département, dans la mesure où ce dédoublement fonctionnel le conduit à mieux
appréhender les problématiques et les difficultés auxquelles sont confrontés ses collègues et
évite la situation d’un préfet de région déconnecté du terrain qui consacr
erait tout son temps à
superviser l’action des préfets de département. Il peut toutefois
empêcher que le préfet de région
s’investi
sse suffisamment dans chacune de ces missions, a fortiori quand il est également préfet
de zone de défense et de sécurité.
Les particularités des territoires déterminent le temps que le préfet de région peut
consacrer à ses différentes fonctions
11
: en Bretagne, où les départements sont assez homogènes,
le préfet peut consacrer environ 50 % de son temps à la région, 30 % au département chef-lieu
et 20 % à la zone. En PACA, le préfet de région doit consacrer l’essentiel de son temps au
département des Bouches-du-Rhône et à la Métropole Marseille-Provence compte tenu de leur
poids dans la région et de
l’attention
que leur portent les autorités nationales (plan Marseille en
grand), même s’il n’est pas chargé de l’ordre public dans le département, qui relève de la préfète
9
Présidé par le préfet de région, le CAR est composé des préfets de département et des chefs des services
régionaux de l’État, ainsi que du directeur général de l’Agence régionale de santé. Il peut associer les représentants
des établissements publics de l’État dans la région.
Il est le plus souvent préparé par un « pré-CAR », présidé par
le SGAR, avec les secrétaires généraux des préfectures de département et les représentants des services régionaux
de l’État.
10
Cf.
la réponse du 11 février 2014 du ministre de l’intérieur à une question écrite n° 3
2508 AN de M.
Le Ray.
11
Entretien avec M. Christophe Mirmand, préfet de région Provence-Alpes-
Côte d’Azur, et ancien préfet
de région Bretagne.
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
18
de police des Bouches-du-Rhône. Le cumul des fonctions de préfet de région et préfet du
département chef-lieu conduit à renforcer le rôle du secrétaire général de la préfecture dont le
préfet est préfet de région : il assume une partie des fonctions départementales qui ailleurs
auraient été assurées par le préfet.
Malgré la qualité, soulignée des deux côtés, des relations entre préfets de région et de
département, ces derniers peuvent parfois se sentir insuffisamment associés à certains exercices
pilotés par les préfets de région.
C’est notamment le cas
pour la préparation du CPER.
L’autorité du préfet de région a par ai
lleurs été renforcée par
son rôle d’évaluation d
es
préfets de département et de fixation du montant de leurs indemnités. Il intervient aussi dans la
procédure spécifique
d’évaluation de la mise en œuvre des feuilles de route interministérielles
adressées aux préfets (cf.
infra
). En outre, en application des décisions du comité
interministériel de la transformation publique (CITP) du 9 mai 2023, les préfets de région
fixeront désormais les priorités territoriales en lien avec les préfets de département et assureront
le déploiement des politiques prioritaires du Gouvernement dans chacun des départements de
leur région.
1.1.2
Des SGAR dont l’attractivité doit être restaurée
Le préfet de région est assisté dans l'exercice de ses fonctions par un secrétaire général
pour les affaires régionales (SGAR). Chargé traditionnellement de la coordination des
politiques de l’État dans la région, le SGAR s’est vu
confier par la RéATE des tâches de gestion
mutualisée de moyens.
Depuis lors, il dispose d’une équipe constituée de deu
x pôles, dirigés
chacun par un adjoint. Le premier pôle est chargé de l’animation des politiques publiques, de
la coordination interministérielle et du dialogue avec les collectivités territoriales. Il élabore et
exécute le contrat de plan État-région et g
ère les projets du Fonds social européen pour l’emploi
et l’inclusion (sauf ceux concernant la formation professionnelle et l’apprentissage qui sont
confiés aux régions). Le second pôle est dédié au pilotage de la déconcentration, de la
modernisation et de la mutualisation des moyens. Il comprend notamment la plateforme
régionale achats et la plateforme d'appui interministériel à la gestion des ressources humaines.
Depuis la RéATE, le rôle des SGAR a été affecté par trois évolutions : le transfert aux
régions de la gestion de la plupart des fonds européens prévu par la loi du 27 janvier 2014 de
modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles ; la constitution
des grandes régions au 1
er
janvier 2016 ; enfin, la constitution du programme 354 en 2020, les
SGAR s’étant vu confier la répartition entre les départements des moyens retracés dans les BOP
régionaux. Ces évolutions ont recentré les SGAR sur les missions de coordination des préfets
de département et des directions régionales, et de soutien, tout en les éloignant du terrain.
Comme l’a montré la Cour dans son rapport sur
Les effectifs de l’administration
territoriale de
l’
État
, il est difficile
de retranscrire l’évolution des effectifs des SGAR : en effet
jusqu’à la fusion
, en 2020, des programmes 333 et 307, ces emplois régionaux étaient éclatés
entre les deux programmes. Depuis que les programmes sont regroupés, les emplois ne sont pas
isolés mais confondus avec les emplois départementaux. Interrogée par la Cour, la DMATES a
fourni les données suivantes, sans pouvoir toutefois distinguer entre les effectifs du pôle
politiques publiques et du pôle moyens-modernisation.
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
19
Tableau n° 1 :
Effectifs des SGAR (en ETPT)
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
Evol.
2016/2022
858
831
783
778
768
770
757
-11,8 %
Source : DMATES.
Le portage, depuis 2020, des moyens du SGAR dans l’unité opérationnelle (UO) du
département chef-lieu met les intéressés
dans une posture qu’ils
jugent délicate. En effet, le
SGAR répartit les emplois du BOP 354 entre les UO des différentes préfectures de département
puis discute de ses propres agents avec le secrétaire général de la préfecture du département
chef-lieu.
Le rattachement au programme 354 a eu une autre conséquence. Avant 2020, les chargés
de mission en SGAR étaient portés budgétairement par le programme 333 relevant des services
du Premier ministre, et bénéficiaient de niveaux de primes plus élevés que ceux alloués par le
ministère de l’intérieur aux chargés de mission recrutés depuis 2020.
Selon les SGAR
rencontrés, cette baisse du niveau de rémunération, conjuguée à une difficulté à valoriser ces
postes dans un parcours professionnel classique, pèse sur le recrutement des chargés de mission
dans les SGAR. Le ministère de l’intérieur doit
veiller à préserver la capacité à recruter des
chargés de mission pour les SGAR
dans l’ensemble de la fonction publique.
1.1.3
Des directions régionales souvent perçues comme lointaines par les services
départementaux,
a fortiori
dans les plus grandes régions
L’articulation entre les n
iveaux régional et départemental dans le cadre de la RéATE est
encore perfectible. Ainsi, il a pu être constaté que
les services régionaux demeurent trop
centrés sur eux-mêmes, ce qui entraîne
une relative déconnexion avec l’échelon départemental
,
et que la répartition théorique des compétences entre un niveau régional, qui serait celui de la
stratégie et du pilotage, et un niveau départemental, qui serait celui de la mise en œuvre, ne
correspondait pas à la réalité, l’échelon départemental étant
aussi porteur de stratégies, souvent
interministérielles, et une partie de l’activité des directions régionales relevant de la mise en
œuvre directe de politiques publiques.
Selon plusieurs préfets de région, l’articulation entre
les niveaux régional et
départemental
fonctionne aujourd’hui mieux qu’au début de la RéATE. Toutefois, les préfets
de département et les services départementaux perçoivent souvent les directions régionales
comme trop lointaines, alors que l’attrition des effectifs des DDI
fait
qu’e
lles ne sont pas
toujours en mesure de répondre à leurs demandes. En outre, les départements chef-lieu
concentrant souvent une part importante des enjeux régionaux, les directions régionales sont
souvent appelées à traiter les affaires de ces département, les préfets des autres départements
ayant plus de difficulté à les mobiliser.
La constitution des grandes régions en 2016 a accru cette difficulté. Dans ces régions,
les directions régionales sont sollicitées par un plus grand nombre de préfets de département,
par exemple les DREAL lors de la crise des carburants ou des travaux sur le délestage
électrique, et ne peuvent participer à toutes les réunions que ceux-ci veulent organiser sur ces
sujets.
L’éloignement géographique et le temps nécessaire pour se re
ndre au chef-lieu de région,
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
20
souvent évoqués dans les régions Grand Est et Nouvelle-Aquitaine, renforcent ce sentiment de
certains départements d’être un peu oubliés, malgré un recours à la visioconférence fortement
accru depuis la crise du Covid.
Comme l’
a montré le rapport public thématique (RPT) de la Cour de 2017 sur
Les
services déconcentrés de l’État
, la réforme s’est souvent traduite par le maintien de sites dans
les anciens chefs-lieux de régions et a conduit à un éparpillement des directions régionales dans
les nouvelles grandes régions. Ce choix contrarie l’objectif des pouvoirs publics de constituer
un « état-major régional » autour du préfet de région. Il réduit la capacité de développer toutes
les synergies possibles entre les services de l’État
. Il a pour conséquences une taille souvent
trop modest
e des équipes dans les différents services, l’absence de regroupement des
compétences et la multiplicité des bâtiments à la charge de l’État, et entraine de nombreux
déplacements pour les responsables de ces services ainsi que des difficultés managériales.
À la multi-localisation des directions régionales, qui ont conservé des implantations
dans les chefs-
lieux des anciennes régions, s’ajoute le fait que leur siège reste encore souvent
distinct du chef-lieu de la préfecture de région
12
. Si la question du site unique des directions
régionales se heurte encore au souci des anciens chefs-lieux de région de préserver le niveau
des effectifs de fonctionnaires implantés dans leur ville, celle du siège des directions régionales
paraît plus facile à mettre en œuvre et permettrait aux préfets de région d’avoir
auprès d’eux
l’ensemble de
leur état-major régional.
1.2
Un manque de vision claire des rôles respectifs des échelons zonal,
infra-départemental et interdépartemental
1.2.1
L’échelon zonal, un échelon dont il convient de clarifier les missions et les
moyens associés
La France métropolitaine est divisée en sept zones de défense et de sécurité
13
,
comprenant chacune une à quatre régions. Le préfet du département chef-lieu de la zone de
défense et de sécurité est préfet de zone (sauf en Ile-de-
France, où c’est le préfet de police de
Paris). Il assure des missions de planification, de coordination des préfets en situation de crise
dépassant le cadre d’un départemen
t, et peut apporter à ceux-ci des moyens supplémentaires
lorsque ceux dont ils disposent sont insuffisants pour faire face à une crise
14
.
12
Ainsi dans le Grand Est, alors que la préfecture de région est à Strasbourg (ainsi que la DRAC et la
DREETS),
le siège de la DREAL est à Metz, celui de la DRAAF à Chalons et celui de l’ARS à Nancy. En
Nouvelle-Aquitaine, la préfecture de région est à Bordeaux, ainsi que les sièges de la DREETS, de la DRAC et de
l’ARS, mais le siège de la DREAL est à Poitiers et c
elui de la DRAAF à Limoges.
13
Il y a en outre cinq zones de défense et de sécurité outre-mer.
14
Les compétences des préfets de zone de défense et de sécurité sont définies par les articles R*122-4 à
R*122-12 du code de la sécurité intérieure.
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
21
Source
: Cour des comptes d’après ministère de l’intérieur
Un préfet délégué pour la défense et la sécurité, placé auprès de lui, assure la direction
de l’état
-major interministériel de zone de défense et de sécurité, du service de zone des
systèmes d’information et de coordination, et du centre régional d’informa
tion et de
coordination routière. Il assure également depuis 2014 les fonctions de secrétaire général pour
l’administration du ministère de l’intérieur (SGAMI)
. Les SGAMI, services déconcentrés du
ministère de l'intérieur, sont constitués des services, délégations ou antennes logistiques
organisés pour l'administration de la police et de la gendarmerie et l'exercice de fonctions de
soutien au bénéfice des préfectures situées dans le ressort territorial de la zone. Les SGAMI
assurent en particulier, pour le compte des services du périmètre ATE, la pré-liquidation de la
paye (à titre d’illustration, ce périmètre représente un peu moins de 20
% de l’activité paye du
SGAMI de Nouvelle-Aquitaine).
Le rôle du préfet délégué pour la défense et la sécurité varie selon les zones : il peut être
à plein temps sur les missions zonales (Est et Nord) ou très investi dans la sécurité du
département chef-lieu (comme à Lyon). Ceci peut résulter de raisons structurelles : ainsi la
localisation à Metz de la préfète déléguée de zone de défense et de sécurité ne lui permet pas
de se voir confier des missions départementales par la préfète de zone, basée à Strasbourg. Cela
peut aussi dépendre des choix des préfets de zone : ainsi, à Lille et à Bordeaux, des préfets
délégués se sont vus autrefois confier les missions de sécurité pour le département chef-lieu.
Le préfet de zone s’appuie notamment sur un état
-major interministériel de zone
(EMIZ), structure légère qui anime les trois réseaux des SIDPC (services interministériels de
défense et protection civiles) des préfectures, des délégués ministériels de zone (DRAAF,
DREAL, ARS, état-major de la défense) et des SDIS
(services départementaux d’incendie et
de secours). Les EMIZ animent un centre opérationnel de zone. Le caractère interministériel
des EMIZ est limité car leurs postes sont principalement pourvus par des agents du ministère
de l’intérieur ou mis à disposition par les SDIS.
En zone Sud existe une délégation
spécifiquement dédiée à la protection de la forêt méditerranéenne, associant les ministères
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
22
concernés. Dans toutes les zones existe également une cellule chargée de la sécurité intérieure,
placée généralement auprès du préfet délégué.
Les préfectures de zone organisent leurs propres exercices, en y associant les préfectures
de département. En revanche, la Cour a constaté que les préfectures de zone
n’
avaient pas
forcément connaissance de la tenue des exercices départementaux et que, si elles élaboraient
les plans zonaux
15
, elles n’assur
aient pas le suivi des travaux de planification réalisés au niveau
départemental, afin de respecter les compétences des préfets de département en la matière. En
réponse à la Cour, la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises
(DGSCGC) indique que la mise en ligne par les préfectures de département de leur
programmation d’exercice dans l’application SYNAPSE et la déconcentration de la gestion des
crédits « exercices » au niveau zonal
vont renforcer le rôle de l’échelon zonal
dans le
développem
ent de la culture d’exercices dans la zone.
Dans le domaine de la
gestion de crise, la sollicitation de l’échelon zonal par le niveau
central en cas
d’événements d’ampleur nationale varie selon les sujets. Lors de la crise des
gilets jaunes, le choix d’une
relation quotidienne privilégiée avec les sept préfets de zone,
assurant par la suite le lien avec les préfets de département, s’est révélé pratique. Ce
la peut
annoncer un changement de paradigme au profit de la coordination zonale, favorisé en outre
par un usage accru des moyens de visioconférence. Lors de la crise sanitaire, si les zones ont
joué un rôle, ce sont le plus souvent
davantage les préfets de région qui ont été à la manœuvre
du fait de la co-gestion de la crise avec les ARS. Toutefois, lors de
s crises d’envergure nationale
ultérieures, le niveau central tantôt s’appuie sur les préfets de zone pour assurer le relais avec
les préfets de département, tantôt privilégie un lien direct avec l’ensemble des préfets sans
confier de rôle particulier au p
réfet de zone. Ainsi, les attentes du niveau national à l’égard de
l’échelon zonal ne semblent pas s’inscrire dans une doctrine pré
-établie et
relèvent plutôt d’une
appréciation au cas par cas.
Le fait que l’échelon zonal soit propre au ministère de l’in
térieur
16
et ne corresponde
pas à l’organisation des autres administrations civiles de l’État
est une source de complexité
supplémentaire pour les zones constituées de plusieurs régions
17
. Dans ces zones, les relations
avec les acteurs relevant des régions autres que la région chef-lieu de zone (par exemple,
Bourgogne-Franche Comté pour la zone Est ou Occitanie pour la zone Sud) est moins aisée
qu’avec ceux de la région chef
-lieu.
Dans plusieurs départements, les interlocuteurs de la Cour ont regretté une animation
insuffisante par l’échelon zonal
lors de certaines crises, ou un manque de réactivité face à des
crises majeures (comme l’afflux des réfugiés ukrainiens). L’échelon zonal a pu être qualifié par
certains interlocuteurs d’
« échelon de
reporting
», engendrant un surcroît de complexité
administrative.
15
Notamment la déclinaison zonale de la planification interministérielle de sécurité nationale,
l’établissement du plan Orsec de zone
contrat de défense et de sécurité ou les contrat territorial de réponses aux
risques et aux effets de menaces (CoTRRiM).
16
S’agissant d
es forces de sécurité, les échelons zonaux de police nationale et de gendarmerie nationale,
qui n’ont pas la même nature, restent à ce stade limités. La police dispose de directions de zones de la sécurité
publique, petites structures qui ont un rôle de soutien en matière de ressources humaines et parfois de relais
d’information avec le niveau national, mais qui ne constituent pas un échelon fonctionnel dans la chaîne de
commandement entre le niveau national et le niveau départemental.
17
La zone Sud comprend trois régions et 21 départements, la zone Ouest quatre régions et 20
départements, la zone Est deux régions et 18 départements.
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
23
Pour la
gestion de crise, la DGSCGC considère que l’échelon zonal doit rester un
échelon de coordination, et ne pas se substituer à l’échelon naturel de la prise de décision qui
demeure le préfet de département. Elle souhaite néanmoins renforcer les compétences des
EMIZ en matière d’ingénierie face aux risques.
En outre, le préfet de zone peut mettre à disposition d'un préfet de département les
moyens de l'État existant dans la zone (moyens terrestres et aériens) et assure la répartition des
moyens extérieurs à la zone de défense et de sécurité qui lui ont été alloués par le ministre de
l'intérieur. Il procède en particulier à la répartition entre les préfets de département de la zone
qui lui adressent des demandes de renfort des unités mobiles de police et de gendarmerie
implantées sur le territoire de la zone. Pour les besoins des services d'ordre et du maintien de
l'ordre, lorsque toutes les unités mobiles présentes dans la zone ne suffisent pas à assurer ces
missions, le ministre de l'intérieur peut accorder des unités supplémentaires au préfet de zone
de défense et de sécurité, qui les répartit entre les préfets de département. Il assure cette même
fonction pour les renforts de sapeurs-pompiers.
Cette mutualisation zonale permet de fluidifier
l’utilisation des moyens. Elle ne résout
pas pour autant la question de la taille de certaines zones de défense
18
et de la durée des trajets
lors de la projection des unités mobile (par exemple
pour la zone Sud qui s’étend de Tarbes à
Nice). En outre, la disponibilité des unités mobile à la main du préfet de zone peut être limitée
par des emplois qui relèvent de décisions prises au niveau du ministère, comme par exemple,
en zone Sud, leur mobilisation pour le contrôle de la frontière franco-italienne.
Le préfet de zone est par ailleurs responsable de la coordination avec les autorités
militaires des mesures de défense et de sécurité nationale. Lors de la survenue de catastrophes
naturelles majeures (vallée de la Roya en 2020, incendies en Gironde en 2022), la collaboration
avec les autorités militaires s’est révélée essentielle et exemplaire.
Il dirige également l'action
des préfets de région et de département en matière de prévention, de préparation et de mise en
œuvre des mesures intéressant la défense économique.
Depuis 2021, les préfets de zone se sont vu confier des responsabilités en matière de
lutte contre la radicalisation,
ainsi qu’en matière d’éloignement des étrangers en situation
irrégulière, la décision de placement en centre de rétention administrative étant remontée au
niveau zonal, compte tenu du nombre de places limitées dans ces centres. Ces missions
nouvelles, non prévues par les textes régissant les pouvoirs des préfets de zone de défense et de
sécurité,
n’ont pas été accompagnées de moyens supplémentaires.
L’adéquation entre les missions des préfectures de zone et leurs moyens est en tout état
de cause difficile à apprécier dans la mesure où les missions sont à géométrie variable et où les
moyens étaient récemment encore mal connus du ministère. En effet, les effectifs des
préfectures de zone (hors SGAMI) sont constitués en grande partie de sapeurs-pompiers mis à
disposition par les SDIS, de policiers, de gendarmes, et ne sont donc que pour une faible part
portés par le programme 354 (administration territoriale de l’État). Il en résulte une difficulté
pour le ministère de l’intérieur d’identifier précisément les effectifs qui y sont affectés.
Interrogée par la Cour sur les effectifs des préfectures de zone (hors SGAMI), tous
statuts confondus, la DMATES a transmis les données suivantes, en précisant que celles
antérieures à 2019 étaient indisponibles.
18
La zone Sud comprend trois régions et 21 départements, la zone Ouest quatre régions et 20
départements, la zone Est deux régions et 18 départements.
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
24
Tableau n° 2 :
Effectifs en zone de défense hors SGAMI (et hors militaires) au 31 décembre
2019
2020
2021
2022
105
107
108
115
Source : DMATES
En réponse à la Cour, le secrétaire général du ministère de l’intérieur et des outre
-mers
indique qu’il est favorable à une application plus stricte des textes existants relatifs aux préfets
de zone afin de mieux appréhender les événements et situations dans lesquels il est nécessaire
de s’appuyer sur l’échelon zonal. Il considère que le recou
rs aux zones de défense et de sécurité
devrait être automatique dès lors qu’une crise est interdépartementale, qu’elle entre dans le
champ de compétences des préfets de zone et qu’elle nécessite un échelon de coordination
intermédiaire. Il juge également utile une réflexion sur les textes juridiques encadrant les
pouvoirs des préfets de zone, s’agissant notamment de leurs compétences en matière migratoire.
Il partage en outre l’appréciation de la Cour selon laquelle les moyens humains affectés
aux états-majors interministériels de zone de défense et de sécurité (EMIZ) devraient provenir
en plus grand nombre d’autres ministères
et se déclare favorable à un renforcement de ces
moyens.
La Cour constate en définitive
que l’échelon zonal, bien que davantage utilisé que par
le passé, ne fait pas l’objet d’une définition suffisante des missions que le ministère de
l’intérieur entend lui confier
, le recours à cet échelon par le niveau central étant à géométrie
variable selon les crises et son rôle variant selon les zones
. Faute d’une
doctrine d’emploi claire
de cet échelon
, il n’est pas possible de définir quantitativement et qualitativement les moyens
humains dont il a besoin. La montée des crises de toute nature ne permet plus de laisser un
échelon essentiel dans leur gestion dans
l’indétermination.
Le ministère doit préciser et clarifier
la doctrine
d’emploi de l’échelon zonal, ce qui lui permettrait de déterminer
les moyens
humains à y affecter. Il devrait également mettre à jour les dispositions du code de la sécurité
intérieure régissant les pouvoirs des préfets de zone de défense et de sécurité pour y faire figurer
les nouvelles responsabilités qui leur ont été confiées
, notamment en matière d’éloignement des
étrangers en situation irrégulière et de lutte contre la radicalisation. Un renforcement de
l’animation des préfets et préfets délégués de zone par le niveau central serait également
bienvenu.
Recommandation n° 1.
(SG du ministè
re de l’intérieur
) : Préciser et clarifier la doctrine
d’emploi de l’échelon zonal et les moyens humains associés
.
1.2.2
Une réflexion qui reste à mener sur le rôle des sous-préfets en fonction de la
typologie des arrondissements
Au 1
er
janvier 2023, la France compte 334 arrondissements et 233 sous-préfectures,
l’arrondissement chef
-lieu du département étant confié le plus souvent au secrétaire général de
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
25
la préfecture. Dans des insertions aux rapports publics annuels de 2012
19
et de 2015
20
, la Cour
a constaté que la carte des arrondissements n’avait été que peu remodelée afin de l’adapter aux
réalités contemporaines
21
et a considéré que «
ce niveau infra-
départemental de l’État devient
de plus en plus inconsistant
». Dix arrondissements ont été supprimés entre 2014 et 2017
22
et 9
jumelés, depuis 2011, par nomination d’un sous
-préfet commun à deux arrondissements
23
.
Cette relative intangibilité du réseau des sous-préfectures ne se reflète pas dans
l’évolution de leurs effectifs. Comme l’a m
ontré la Cour en 2022 dans son rapport sur
l’évolution des effectifs de l’administration territoriale de l’
État
, les postes supprimés dans le
réseau préfectoral
en application des schémas d’emplois de la dernière décennie ont
principalement été des postes
d’agents administratifs de catégorie C affectés en sous
-préfecture.
La mise en œuvre du PPNG a particulièrement affecté les effectifs des sous
-préfectures,
qui ont connu une baisse substantielle entre 2016 et 2020, passant de 4 696 ETPT à 3 726 ETPT,
soi
t une baisse d’un peu plus de 21 %. Cette baisse d’effectifs conjuguée à un maintien du
réseau conduit à
la présence d’effectifs
limités dans la plupart des sous-préfectures. En 2020,
près de 73 % des sous-préfectures comptaient entre 5 et 20 agents ; 95 sous-préfectures avaient
moins de 10 agents et 10 moins de cinq
24
.
19
Cour des comptes,
Rapport public annuel 2012
, Tome 1. Les sous-préfectures, p.714.
20
Cour des comptes,
Rapport public annuel 2015
, Tome 2. Le réseau des sous-préfectures : entre
statu
quo et expérimentation
, p.383.
21
Si 106 arrondissements ont été supprimés en 1926, 51 arrondissements avaient été recréés ou créés
avant 2022 (32 avant 1946 ; 19 après 1962, souvent en région parisienne ou outre-mer, le plus récent était celui
d’Arcachon en 2006).
22
Quatre en Moselle, deux dans le Bas-Rhin, deux dans le Haut-Rhin, un en Loire-Atlantique et un dans
la Marne. Les départements alsaciens et mosellan avaient hérité de la période wilhelmienne (1871-1918) un
maillage important de sous-préfectures.
23
Par ailleurs, à la suite de la mise
en œuvre des nouveaux schémas départemen
taux de coopération
intercommunale issus de la loi NOTRe du 7 août 2015, les limites de 70 arrondissements ont été modifiées pour
être mis en cohérence avec la carte intercommunale.
24
Ces 10 sous-préfectures ayant mo
ins de 5 agents correspondaient en fait, à l’exception de deux d’entre
elles (Saint-Girons et Louhans), soit à des sous-préfectures jumelées avec une sous-préfecture plus importante
(Clamecy, la Châtre, Montdidier, Saint-Pierre et Nérac), soit à des arrondissements fusionnés dans lesquels une
antenne avait été conservée sur le site de l’ancienne sous
-
préfecture (cas d’Ancenis, de Château
-Salins et de Sainte-
Menehould).
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
26
Graphique n° 1 :
Nombre d’agents par sous
-préfectures en 2020
Sources
: Ministère de l’intérieur DMAT
ES
La faiblesse des effectifs des petites sous-préfectures rend ces structures très fragiles en
cas de vacance de poste prolongée
ou d’
événement inhabituel (visite ministérielle, crise).
Le décalage entre le maintien du réseau et la diminution des effectifs a entrainé la mise
en place dans de nombreuses sous-
préfectures (70 en 2020) de maisons de l’État, q
ui sont des
regroupements
de services de l’État ou d’opérateurs dans un même bâtiment
, dans une logique
d’optimisation des espaces. Cette formule ne modifie pas les relations juridiques entre le sous
-
préfet et les entités hébergées, qui gardent leur autonomie hiérarchique et fonctionnelle. La
proximité peut toutefois faciliter la coopération entre services.
En dépit de cette attrition de leurs effectifs, les attentes restent fortes à
l’
égard des sous-
préfectures d’arrondissement
. Le
mouvement de l’administration territoriale de l’État vers une
concentration des compétences et des moyens humains aux niveaux régional et départemental,
parfois qualifié de « retrait de l’État du territoire », renforce le besoin de représentation de
proximité de l’État, notamment dans les zones rurales et péri
-urbaines.
C’est d’abord le cas dans les relations av
ec les collectivités territoriales, en particulier
les communes et intercommunalités. Comme l’a montré le rapport de la Cour sur
L’action du
préfet
dans
la
contractualisation
État-collectivités
territoriales
,
les
sous-préfets
d’arrondissement ont joué un
rôle essentiel dans la conclusion des contrats de relance et de
transition écologique (CRTE) et dans la mise en place des dispositifs «
Action cœur de ville
»
25
et « Petites villes de demain »
26
. En outre, ils se voient généralement confier le soin de proposer
au préfet la répartition de la
dotation d’équipement des territoires ruraux
(DETR) et de la
25
Engagé au début de l’année 2018, le programme « Action cœur de ville », consiste en une
démarche
d’accompagnement des villes dites « moyennes », par la mise en œuvre d’une opération de revitalisation territoriale
(ORT).
26
Le contrat « Petites villes de demain » a pour objectif de soutenir, sur la période 2020-2026, 1 000
territoires comprenant des communes rurales de moins de 20 000 habitants.
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
100
Moins de 5
agents
Entre 5 et 10
agents
Entre 10 et 20
agents
Entre 20 et 30
agents
Entre 30 et 50
agents
Plus de 50
agents
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
27
dotation de soutien à l'investissement local (DSIL)
, sur la base d’enveloppes par
arrondissement, ce qui renforce leur crédibilité vis-à-vis des élus locaux, les préfets avalisant
dans la plupart des cas leurs propositions. Les missions de contrôle de légalité et de contrôle
budgétaire ont en revanche été assez largement centralisées en préfecture, même si certaines
tâches (réception et tri des actes ; signature de
s lettres d’observations) sont souvent restées en
sous-préfecture
27
.
Au-delà des élus locaux, les sous-préfets sont également les interlocuteurs des acteurs
économiques et sociaux, ainsi que des associations, en soutenant leurs projets grâce à leur
capacité
de coordination des services de l’État. Ils suivent également la situation des entreprises
en difficulté. Dans leurs relations avec les services et opérateurs de l’État, les
sous-préfets
d’arrondissement
peuvent toutefois se heurter à la difficulté qu’un
grand nombre de ces
interlocuteurs ont une organisation thématique et non territoriale (comme les délégations
départementales des ARS), et disposent de moins en moins de services à des niveaux
infradépartementaux. Les sous-
préfets peuvent toutefois s’appuy
er sur les chargés de mission
territoriaux des DDT, ainsi que,
dans les services non placés sous l’autorité du préfet, sur les
conseillers aux décideurs locaux des DDFIP.
Par ailleurs, ils jouent un rôle de plus en plus important dans la gestion de crise. Ainsi,
lors des feux de forêt de l’été 2022 en Gironde, les sous
-
préfets d’Arcachon et de Langon ont
été présents quasiment en permanence dans les postes de commandement opérationnels sur le
terrain,
permettant, de l’avis du directeur du SDIS, de fluidifie
r les échanges et de prendre des
décisions importantes au niveau local. Leur rôle en matière de sécurité a également tendance à
s’accroître. Les sous
-préfets rencontrés tiennent des réunions de sécurité régulières avec la
gendarmerie, et le cas échéant la police, le renseignement territorial et le SDIS. Dans un
arrondissement très sensible en matière de sécurité, comme celui de Grasse dans les Alpes-
Maritimes
28
, la sous-
préfecture dispose même en son sein d’
un bureau des sécurités propre.
En outre, les sous-préfets peuvent se voir confier par le préfet des attributions
départementales. La sous-préfète de Parthenay a ainsi été désignée référente ruralité et chargée
du pôle aérien départemental ; la sous-préfète de Commercy du suivi de France relance et
France 2030 ; le sous-préfet de Grasse du tourisme et des gens du voyage. Ces missions
permettent de mutualiser l’exercice des attributions
concernées, mais aussi de donner aux sous-
préfets d’arrondissement des responsabilités supplémentaires e
t
d’étoffer le plan de charge des
sous-préfectures après la quasi-disparition de leurs missions de guichet.
En effet, les sous-préfectures ont vu ces missions de guichet substantiellement réduites
dans la décennie 2010, les procédures
d’instruction et
de délivrance de certains titres (CNI,
passeport, permis de conduire, SIV) ayant été confiées aux mairies ou dématérialisées. Seules
certaines grandes sous-préfectures ont conservé une activité de guichet, au bénéfice des
étrangers. Au-
delà de l’activité d
es sous-préfectures,
leur visibilité et leur perception par les
citoyens en ont pâti,
l’absence d’ouverture
au grand public faisant parfois croire à une fermeture
complète.
27
Cf. Cour des comptes, Contrôle de légalité et contrôle des actes budgétaires en préfecture, 2022.
28
L’arrondissement comporte notamment les villes de Cannes et d’Antibes, qui accueillent de nombreux
événements. Il fait l’objet de visites privées de nombreuses personnalités françaises et étrangères.
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
28
Dans ce contexte, la constitution dans certaines sous-
préfectures d’espaces Franc
e
services a permis d’y accueillir de nouveau du public, et ainsi de leur redonner de la visibilité
auprès des habitants.
Les sous-préfectures labellisées France services
Dispositif relevant de la mission « cohésion des territoires
» et porté par l’agence nationale de
cohésion des territoires (ANCT), les espaces France services (EFS) ont pour but de renforcer l’offre de
service de proximité par un accompagnement des usagers dans leurs démarches administratives,
notamment numériques, auprès d’administrations publiques, d’organismes de sécurité sociale ou de Pôle
emploi.
Ces missions s’exercent au moins pour les services relevant de
neuf partenaires nationaux : La
Poste, Pôle
emploi, Cnaf, Cnam, Cnav, MSA, ministères de l’intérieur et de la justice, direction générale
des finances publiques. Les EFS doivent répondre à un cahier des charges précis, notamment en termes
d’offre de service et d’ouverture (au moins 24 heures par sem
aine, sur cinq jours).
Les sous-
préfectures labellisées ont souvent accompagné l’évolution de leur offre de travaux de
reconfiguration de leur accueil, comme à Étampes, Fougères ou Commercy. A Parthenay, le projet
France Services s’est greffé sur un projet
antérieur de Maison de l’État conduisant à y regrouper
plusieurs services de l’État, notamment des personnels de l’Éducation nationale, un agent de la DDT et
des bureaux de passage pour la DDETSPP, ainsi que des permanences du SPIP, des permis de conduire
et, en projet, des conciliateurs de justice. La labellisation France Services ne s’est toutefois pas
accompagnée de création de postes. L’accueil France Services est souvent réalisé par deux agents de la
sous-préfecture. À Commercy, il est assuré par la secrétaire de la sous-préfète et par un volontaire
service civique.
35 sous-
préfectures sont aujourd’hui labellisées France
services (sur environ 2 500 EFS). La
démarche « missions prioritaires des préfectures 2022-2025 » encourage le développement de cette
labellisation, prévoyant la prise en charge par le programme 354 des travaux d’aménagement
nécessaires. La DMATES s’est fixée un objectif de 100 sous
-préfectures labellisées.
Par ailleurs, les sous-
préfectures non labellisées sont invitées à se doter d’un point d’accueil
numérique (PAN), formule moins ambitieuse de réouverture au public. Ainsi la sous-préfecture de Blaye
dispose d’un PAN ouvert tous les m
atins de 8 h 30 à 12 h 30.
Ce souci de rouvrir les sous-préfectures au public
participe d’une volonté de l’État de
conforter cet échelon afin, à la suite de la crise des gilets jaunes, de lutter contre le sentiment
d’abandon ressenti dans certaines parties
du territoire. Ainsi, dans la démarche « missions
prioritaires des préfectures 2022-2025 » (MPP 2022-2025)
, le ministère de l’intérieur entend
consolider l’échelon infra
-
départemental de l’État, en engageant une réflexion qui portera aussi
bien sur l’évol
ution des missions des sous-préfectures et de leur organisation que sur leur
typologie, au regard notamment des nouveaux enjeux en matière d’accueil des usagers. Le
document précise que cette démarche pourrait s’accompagner de la création ou la réouverture
de sous-préfectures.
La création d’une nouvelle sous
-préfecture en Guyane, à Saint-
Georges de l’Oyapock,
a été annoncée au début de l’année 2021 et réalisée en 2022. En plus de cette création, cinq
postes de sous-préfets ont été créés
29
par déjumelages de sous-préfectures en 2022, à Nantua
(Ain), Château-Gontier (Mayenne), Clamecy (Nièvre), Montdidier (Somme) et Rochechouart
(Haute-Vienne). Ces sous-
préfectures avaient fait l’objet antérieurement d’un jumelage, ce qui
avait conduit à la suppression du poste de sous-préfet (la fonction étant prise en charge par le
sous-
préfet d’un
arrondissement voisin) et de celui de son chauffeur, et dans certains cas à
29
Financés par une partie du redéploiement des 30 postes de sous-préfets à la relance.
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
29
l’abandon de la résidence. Les sous
-préfectures elles-mêmes avaient été maintenues, mais sans
que les agents partant en retraite ou mutation soient remplacés ; dans certains cas, les bâtiments
de la sous-préfecture avaient été rendus au conseil départemental et les agents restants accueillis
dans d’autres bâtiments de l’État (5 agents dans la maison de l’Éta
t à Château-Gontier ; deux
agents dans les locaux de la DDFIP à Clamecy)
30
.
En revanche, la réflexion annoncée par MPP 2022-
2025 n’a toujours pas eu lieu. En
septembre 2012, le ministère de l’intérieur avait créé un groupe de travail chargé d’affiner la
caractérisation
des
arrondissements.
Ce
groupe
avait
proposé
un
classement
des
arrondissements en sept catégories (urbains ; périurbains ; montagnards ; littoraux ; ruraux peu
denses ; ruraux de tradition industrielle ; ruraux périrbanisés ou rurbanisés). Il devait dans un
deuxième temps définir les missions des sous-préfectures de chaque catégorie et les
compétences nécessaires de leurs personnels. Cette démarche avait ensuite été abandonnée car
les contraintes
des schémas d’emplois ne permettai
en
t plus d’e
n tenir compte.
En réponse à la Cour, la DMATES fait état du diagnostic sur les missions et
l’organisation des sous
-préfectures établi par un groupe de travail constitué en septembre 2022,
et composé de sous-
préfets d’arrondissement
, diagnostic qui aurait conduit à renoncer à
l’établissement d’une nouvelle typologie de sous
-préfectures, au motif que «
la sous-préfecture
doit être organisée de manière à refléter les besoins de l’arrondissement
, que seul le préfet peut
évaluer
».
La réflexion sur les missions des sous-
préfets sur la base d’une catégorisation des
arrondissement a déjà été annoncée et abandonnée à plusieurs reprises par le ministère de
l’intérieur.
La Cour considère que ce ministère
ne peut pas faire l’économie d’une telle
réflexion ,
qu’
il avait annoncée dans MPP 2022-2025 et
qui aurait gagné à être menée avant
que les récentes décisions de déjumelage soient prises.
Dans ce domaine comme dans d’autres,
l’initiative
laissée aux préfets ne doit pas exonérer le ministère de sa responsabilité de définir
les grandes orientations. En outre, dans un contexte où les sous-préfectures ont vu leurs effectifs
globaux décroître fortement, la création ou la réouverture de sous-préfectures demeurerait
symbolique si elles n’étaient pas doté
es de la taille critique nécessaire à leurs missions.
1.2.3
Un développement de l’interdépartementalisation encore limité et
insuffisamment suivi par l’administration centrale
Entre un niveau départemental dont l’attrition des moyens ne permet plus d’avoir la
taille critique pour assurer de nombreuses missions et des régions devenues trop grandes pour
constituer un espace de mutualisation de proximité, l’interdépartementalisation peut apparaître
comme un moyen de concilier mutualisation et proximité. Elle permet de préserver une taille
critique suffisante et des compétences spécifiques qui ne peuvent plus être déployées dans
chaque département en raison de leur rareté ou d’un volume d’activité insuffisant pour garantir
le niveau d’expertise comme la continuité du service. Le développement de l’exercice
interdépartemental des missions constitue en outre un levier pour en améliorer l’efficience.
Dans son rapport public thématique de 2017, la Cour en avait souligné l’intérêt et avait invité
30
Le rapport de la Cour sur
La gestion de l
’immobilier
préfectoral (mars 2023)
fait le point sur les
conséquences immobilières de ces déjumelages.
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
30
le ministère de l’intérieur
en particulier à poursuivre la mise en place d’une organisation de
certaines missions des préfectures en pôles interdépartementaux.
La réussite de l’interdépartementalisation suppose toutefois que certaines conditions
soient remplies. Elle doit reposer s
ur une bonne circulation de l’information et une connaissance
par le service instructeur plus large que le seul territoire accueillant les moyens mutualisés. Elle
ne doit pas faire obstacle à l’identification de l’autorité décisionnaire par les administrés
.
Certains préfets rencontrés ont en outre souligné la difficulté de
l’interdépartementalisation à
deux départements pour le préfet du département dans lequel les moyens mutualisés ne sont pas
présents.
Il faut en outre qu’il en soit tenu compte dans la ré
partition des moyens humains, la
gestion par le préfet d’un département de moyens destinés à assurer des missions pour plusieurs
départements pouvant conduire à sous-doter les services concernés, comme le montre
l’exemple des CERT évoqué dans la
deuxième partie des présentes observations.
S’agissant des préfectures, des dispositifs de coopération interdépartementale, organisés
selon une logique de répartition décidée au niveau national et conduisant à mutualiser l’exercice
de certaines compétences des préfets, ont été mis en place, essentiellement dans le domaine des
titres (CERT pour les CNI, passeports, permis de conduire et SIV) et concernant les étrangers
(plateformes
de
naturalisation,
guichets
unique
du
droit
d’asile,
plateformes
interdépartementales p
our la main d’œuvre étrangère). S’y ajoutent des dispositifs à vocation
inter-
départementale, qui ont pour objectif de fournir un appui aux préfets dans l’exercice de
leurs compétences, comme les pôles d'appui juridiques (PAJ) de la DLPAJ, ou le pôle
interrégional d'appui au contrôle de légalité (PIACL) rattaché à la DGCL. La démarche MPP
2022-2025 envisage en outre de
créer une ou plusieurs plateformes pour l’instruction de
certaines demandes de titres de séjour résiduelles ou chronophages, de réorganiser les
plateformes de naturalisation tout en revoyant leur cartographie,
et d’
expérimenter le recours à
la coopération interdépartementale en matière de contrôle de légalité.
Au-delà des dispositifs de coopération interdépartementale organisés au niveau national,
la connaissance des initiatives locales par la DMATES reste limitée. Pour répondre aux
questions de la Cour en la matière, la DMATES a interrogé les préfectures de région. Certaines
ont transmis des listes de coopérations interdépartementales en cours ou mises en place au cours
des trois dernières années. Ce recensement est resté toutefois très lacunaire, dans la mesure où
un grand nombre de préfectures de région n’ont pas répondu, et où les réponses ne sont pas
homogènes. Ces réponses font apparaître les remontées des directions régionales qui font état
de mutualisations entre DDI ou de missions assurées par des directions régionales pour le
compte des directions départementales, mais évoquent peu de mutualisations concernant
directement les services des préfectures, les seuls exemples mentionnés, au-delà des dispositifs
nationaux, étant la mutualisation de standards téléphoniques le soir et le week-end entre
plusieurs préfectures.
La méconnaissance par le ministère de l’intérieur des expériences de m
utualisations
interdépartementales mises en œuvre dans les territoires ne permet pas d’en tirer des
enseignements généraux ni des bonnes pratiques qui pourraient être diffusées à d’autres régions
ou départements.
Le ministère devrait se doter d’un outil de
recensement de ces initiatives, tenu
régulièrement à jour, et diffuser les bonnes pratiques qui en ressortent.
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
31
________________________CONCLUSION INTERMÉDIAIRE _____________________
L’État peine à arrêter une vision stratégique stable de son réseau préfectoral.
Au cours
de la dernière décennie, il a successivement promu une forte affirmation du niveau régional,
renforcé en 2010 par la réforme de l’administration territoriale de l’État (RéATE), puis un
retour à l’échelon départemental comme échelon privilégié de l’action territoriale de l’État,
échelon
relégitimé par l’éloignement entrainé par la constitution des grandes régions au 1er
janvier 2016 et le besoin de proximité révélé par la gestion des crises qui se sont succédées
(gilets jaunes,
crise sanitaire). L’autorité sur l
es préfets de département, dont les préfets de
régions sont dotés depuis 2010 (à l’exception des domaines du contrôle de légalité, de l’ordre
public et de la sécurité des populations, et des étrangers), est le plus souvent exercée avec
retenue et dans un esprit de collégialité. Toutefois, la constitution des grandes régions a accru
la difficulté pour les préfets de département de mobiliser l’expertise des directions régionales
décentralisées à leur profit, alors que, comme l’a montré le rapport de la Cour s
ur les effectifs
de l’administration territoriale de l’État, les moyens sur lesquels ils peuvent s’appuyer au
niveau départemental ont été réduits.
Cette vision stratégique comporte en outre de nombreux angles morts. Ainsi le ministère
de l’intérieur n’a t
oujours pas clarifié ses attentes vis-à-vis des échelons zonal et infra-
départemental. Selon les crises d’ampleur nationale, les préfets de zone de défense et de
sécurité sont ou non sollicités pour coordonner l’action des préfets de département. Les zones
se sont en outre vu attribuer des missions supplémentaires (lutte contre la radicalisation et
placement en centres de rétention administrative) sans moyens associés ni modification des
textes les régissant. La montée des crises de toute nature ne permet plus de laisser un échelon
essentiel dans leur gestion dans l’indétermination. Le ministère de l’intérieur devrait préciser
et compléter la doctrine d’emploi de l’échelon zonal afin de pouvoir définir de manière plus
adéquate les moyens dont il a besoin. Parallèlement, la réflexion sur les missions des sous-
préfets en fonction des types d’arrondissement, pourtant annoncée par le ministère de
l’intérieur,
semble, au vu de la réponse du ministère à la Cour, une nouvelle fois abandonnée.
La Cour considère que l
e ministère de l’intérieur ne peut pas faire l’économie de cette réflexion.
Les réductions d’effectifs des sous
-préfectures (-21 % entre 2016 et 2020) conduisent à
menacer
celles qui n’atteignent pas
la taille critique, alors que les attentes à leur égard restent
fortes, notamment de la part des élus locaux. La labellisation de 35 sous-préfectures en espaces
France services permet une réouverture bienvenue au grand public. Par ailleurs, le ministère
ne recense pas les expériences de mutualisations interdépa
rtementales mises en œuvre dans les
territoires, ce qui ne permet pas de diffuser les meilleures pratiques en la matière.
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
32
2
UNE DECENNIE MARQUEE PAR UNE REDUCTION DES
EMPLOIS
Les effectifs totaux du programme 354, comportant les agents des préfectures, ceux des
secrétariats généraux communs départementaux (SGCD) et les emplois de direction des
directions départementales interministérielles (DDI), dépassent en 2022 le nombre de
29 000 agents.
L’évolution globale des effectifs entre 2016 et 2022 retracée dans le tableau n°
3 masque
en réalité deux mouvements en sens contraire :
-
d’une part, la baisse des effectifs des préfectures s’est poursuivie
31
de 2016 à 2020
inclus, avec des suppressions de poste importantes qui ont représenté la quasi-
totalité des réductions d’effectifs du ministère de l’intérieur,
avant une stabilisation
intervenue en 2021 et 2022 ;
-
d
’autre part,
des changements de périmètre sont intervenus, notamment avec la
constitution en 2020 du programme 354, conduisant à y intégrer les emplois de
direction des DDI (plus de 500 emplois) et certains emplois des SGAR puis, avec la
constitution des SGCD, les agents travaillant antérieurement dans les fonctions
supports des DDI. Ce sont ces changements de périmètre qui expliquent
l’augmentation à compter de 2020 tant
pour les missions (du fait de la forte
progression de la mission « management et appui au pilotage stratégique » due à
l’intégration des emplois de direction des DDI
) que des fonction supports (création
des SGCD).
Un quart des effectifs est affecté aux fonctions supports depuis la création des SGCD,
contre 17
% en 2016. Cette évolution s’explique par le fait que seules les fonctions supports (et
les emplois de direction) des DDI ont rejoint le programme 354. Elle ne doit donc pas être
interprétée comme un renforcement des moyens consacrés aux fonctions supports (cf.
infra
).
Tableau n° 3 :
Evolution des effectifs totaux des préfectures -
programme 307 jusqu’en 2019, et
354
depuis 2020 (en ETPT)
Missions/fonc
tions
ANAPREF
ETPT
2016
ETPT
2017
ETPT
2018
ETPT
2019
ETPT
2020
ETPT
2021
ETPT
2022
Evolution
2016/2022
Missions
21 299
21 473
21 021
(+394)
20 513
21 285
(+856)
21 594
21 946
3%
Fonctions
logistiques
3 826
3 853
3 949
3 823
4 807
(+1088
)
6 381
(
+1803
)
6 936
(
+89
)
81%
AF999
(divers)
593
535
565
416
417
379
345
-42%
31
Comme l’a indiqué la Cour dans le rapport sur les effectifs de l’administration territoriale de l’État,
4748 emplois ont ainsi été supprimés dans les préfectures entre 2010 et 2020.
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
33
Missions/fonc
tions
ANAPREF
ETPT
2016
ETPT
2017
ETPT
2018
ETPT
2019
ETPT
2020
ETPT
2021
ETPT
2022
Evolution
2016/2022
Total
25 718
25 861
25 534
24 752
26 509
28 354
29 227
14%
Note de lecture
: les fonctions logistiques comprennent l’immobilier, les moyens (courrier, archives,
imprimerie
et reprographie, nettoyage, gestion du parc automobile), l’informatique, les ressources humaines, le budget
et les
achats. La fonction AF999 permet de regrouper les agents qui consomment du plafond d’emplois du programme
354 mais qui ne concourent à aucune mission « habituelle
» portée par ce programme. Il s’agit notamment des
agents mis à disposition d’une autre structure qui les rémunère, en congé de longue maladie, en congé de
formation, les délégués syndicaux à temps plein ou en décharge part
ielle si l’activité syndicale représente au
moins 10
% du temps de travail, les formateurs à temps plein ou à temps partiel si l’activité de formation représente
au moins 10% du temps de travail. Certains effectifs sans consommation d’emploi mais qui conso
mment des
dépenses de personnel sont également ventilés dans AF999 (agents en congé de longue durée, délégués du préfet).
Les montants entre parenthèses retracent les changements de périmètre les plus significatifs.
Depuis 2016, les missions confiées au réseau des préfectures ont principalement été
affectées par la dématérialisation
d’une partie de la
fonction « titres ». En dépit de ce
changement majeur, l’instruction et la délivrance des titres
(y compris ceux spécifiques aux
étrangers) demeure numériquement la mission la plus importante, regroupant 21 % des agents.
Alors que ce changement avait pour corollaire la fin de l’accueil du public et des postes affectés
à cette tâche, la fonction d
’accueil est revenue s’imp
oser comme une nécessité quotidienne des
préfectures et se revoit dotée, depuis quelques années, de nouveaux moyens.
Les emplois des préfectures ont évolué entre 2016 et 2020
sous l’effet des plans de
repyramidage et de redéploiement associés à la mise en
œuvre du plan
« Préfectures nouvelle
génération » (PPNG). Le plan de redéploiement des moyens dégagés par la dématérialisation
des titres prévoyait initialement l
’affectation de 1
000 emplois à quatre missions prioritaires
(sécurité et ordre public ; contrôle de légalité et budgétaire ; lutte contre la fraude et
coordination interministérielle). Il a été revu à la baisse à 603 ETP à fin 2020. Les schémas
d’emplois rigoureux qui ont suivi les économies du
PPNG en 2019 et 2020
n’ont pas permis
d’atteindre ces objectifs de redéploiement d’effectifs, dans un contexte où
la crise migratoire a
nécessité un renforcement des missions liées aux étrangers.
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
34
Graphique n° 2 :
Évolution des effectifs des principales missions des préfectures
(ETPT au 31 décembre)
Source
: Cour des comptes, d’après données ministère de l’intérieur (
ANAPREF)
Les effectifs des préfectures ont fait l’objet d’un repyramidage. Le nombre d’agents de
catégorie C a baissé, à l’inverse de ce qui s’est passé pour les
catégories B et A. Ce
repyramidage correspond à la volonté managériale
d’une réorganisation de l’exercice des
missions et d’une montée en compétence des agents.
Les différentes réformes ont substitué au
modèle traditionnel d’équipes étoffées d’agents d’exécution celui d’
une organisation composée
d’agents moins nombreux, plus autonomes et pluridisciplinaires.
0
1000
2000
3000
4000
5000
6000
7000
8000
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
Représentation de l'Etat,
communication, standard et accueil
général
Sécurité
Instruction et délivrance de titres
Elections, expertise juridique et
lutte contre la fraude
Relations avec les collectivités
locales
Animation des politiques
interministérielles
Management et appui au pilotage
stratégiques
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
35
Graphique n° 3 :
Évolution des effectifs des préfectures par grade, en ETPT
Note de lecture : à compter de 2020, ces données intègrent également les agents des SGCD nouvellement créés et
les directeurs de DDI.
Source
: Cour des comptes d’après
ANAPREF
Alors que les attentes vis-à-vis des préfectures se sont diversifiées, les moyens affectés
à leurs différentes missions se sont ainsi trouvés sensiblement modifiés.
2.1
Les missions rela
tives à la représentation de l’État et à la sécurité
Les missions relatives à la représentation de
l’État
et à la sécurité sont principalement
exercées, dans les préfectures, au sein des directions de cabinet. S’
y ajoutent les missions
exercées au niveau des zones de défense et de sécurité. Paris et les Bouches-du-Rhône
présentent la particularité d’être dotées de préfectures de police, qui assu
rent une partie de ces
missions. Ces missions ont été identifiées comme prioritaires depuis une décennie. Elles
connaissent par ailleurs des évolutions importantes en termes de compétences.
2.1.1
La priorité donnée aux missions liées à la gestion de crise et la sécurité
Au titre de l’article 11 du décret du 29 avril 2004, «
Le préfet de département a la charge
de l'ordre public et de la sécurité des populations. Il est responsable, dans les conditions fixées
par les lois et règlements relatifs à l'organisation de la défense et de la sécurité nationale, de
la préparation et de l'exécution des mesures de sécurité intérieure, de sécurité civile et de
sécurité économique qui concourent à la sécurité nationale. »
Le plan « Préfectures nouvelle
génération
» mis en œuvre sur la période 2016
-
2020 identifiait la sécurité et l’ordre
public
0
2 000
4 000
6 000
8 000
10 000
12 000
14 000
16 000
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
A+
A
B
C
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
36
comme une des quatre missions bénéficiaires du redéploiement des
gains d’effectifs obtenus
par la dématérialisation des demandes et de l’instruction de titres. Les objectifs de
redéploiement n’ont pas été atteints
32
.
Tableau n° 4 :
Effectifs de la mission sécurité (ETPT au 31 décembre)
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
Evolution
2016/2022
Ordre public
220
234
252
263
271
277
288
31,2%
Sécurité et défense civiles
836
825
858
868
869
880
868
3,8%
Défense civile
117
119
122
136
133
135
123
5,8%
Circulation et sécurité routières, gestion
des droits à conduire
188
224
762
(+
394)
652
648
632
611
224,3%
Police administrative et sécurité
835
867
935
898
897
898
901
8,0%
Prévention de la radicalisation
90
113
112
115
113
116
128
41,8%
Total Sécurité
2 169
2 263
2 918
2 796
2 798
2 803
2 796
28,9%
Source :
ministère de l’intérieur (données ANAPREF)
. Les montants figurant entre parenthèses retracent les effets
de périmètre les plus importants.
L
’évolution des effectifs relatifs à la
circulation et à la sécurité routière est due à un effet
de périmètre, lié au
rattachement d’équipes figurant
antérieurement parmi les effectifs des
DDTM, et n’appelle pas de commentaire.
Hors circulation et sécurité routière, la progression
des effectifs de la mission sécurité est de 10,3 % entre 2016 et 2022. Les effectifs affectés au
suivi de la police administrative
sont supérieurs à ceux de 2016 (+ 8 %).
L
’organisation en place en matière de
gestion de crise apparaît fragile. Lors des
entretiens, plusieurs interlocuteurs ont confirmé que la constitution des équipes de gestion de
crise avait longtemps été considérée comme non prioritaire au sein des préfectures. Dès 2016,
la Cour
33
avait souligné le manque
d’attractivité de ces missions, compte tenu des fortes
contraintes (permanences, temps de travail effectif, horaires peu prévisibles, etc.). Elle faisait
état des inquiétudes exprimées par plusieurs directeurs de cabinet quant à la capacité de leurs
services à faire face à une vraie crise. La configuration des équipes au sein des services des
cabinets des préfets n’apparaissait
pas suffisante pour garantir la réalisation du programme
d’exercices
,
l’élaboration des plans de prévention des risques et leur mise à jour, le suivi des
plans communaux de sauvegarde ou la gestion des contrôles des établissements recevant du
32
Cour des comptes,
Les effectifs de l’administration territoriale de l’
État
, 2022, disponible sur
www.ccomptes.fr
33
Cour des comptes,
Les préfectures, vers une nouvelle génération
, 2017
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
37
public (ERP).
La Cour notait que dans plusieurs départements les plans de prévention de l’
État
et les plans communaux de sauvegarde n’étaient pas parfaitement à jour.
Les moyens affectés en préfecture au suivi des missions de sécurité civile ont progressé
de 3,8 % en six ans. Pourtant, dans les préfectures visitées, est davantage évoqué un
resserrement des moyens, et surtout l’existence de postes non pourvus faute de candidats. Quoi
qu’il en soit, aucun service n’a indiqué être en difficulté par rapport à la réalisatio
n de ses
missions, en l’absence de crise majeure. Les entretiens soulignent davantage la nécessité,
notamment pour les cadres, d’être plus performants et de dépasser, au nom d’une exigence
opérationnelle, des habitudes trop rigides de fonctionnement. Parmi les préfectures les plus
petites, cependant, certaines
n’apparaissent pas assez robustes pour faire face à l’apparition
d’une crise importante.
Ainsi, cinq préfectures métropolitaines affectent moins de 4 ETPT à
leurs missions de sécurité et défense civiles.
La couverture des risques, outre les outils de planification de crises,
fait l’objet
de
contrats capacitaires départementaux et zonaux qui donnent en théorie tous moyens aux préfets
pour animer la gestion du risque au niveau des territoires et orienter les politiques
d’attribution
de moyens et
d’investissement. Ainsi, les préfets de département valident les schémas d’analyse
et de couverture des risques (SDACR) rédigés par les SDIS. Ces SDACR doivent être révisés
tous les cinq ans (article 96 de la loi n°2015-991 dite « loi NOTRe »). Sur un périmètre plus
large qui englobe non seulement la sécurité civile mais également la sécurité intérieure, les
contrats territoriaux de réponse aux risques et aux effets potentiels des menaces (CoTRRiM)
sont rédigés sou
s l’autorité des préfets
dans chaque département et agrégés au niveau zonal.
L’analyse de ces documents montre qu’ils ont tendance à s’empiler
sans cohérence. Fin 2020,
le SDACR de 43 départements était expiré.
L’absence de mise à jour annuelle
, même partielle,
prive les préfets d’une réactivité face à l’évolution de certains risques
, par exemple face à
l’expansion du risque de feux de forêts en métropole
.
La capacité d’animation des préfets est
moins fragilisée
, en l’occurrence,
par l’absence de moyens humains que par la profusion d’une
documentation devenue trop volumineuse à défaut d’être stratégique.
En matière de sécurité intérieure
34
, le préfet a autorité sur les forces de la police nationale
et de la gendarmerie nationale et exerce sa mission en lien avec le procureur de la République
et les maires. Outre la présidence du comité départemental de sécurité
35
et du conseil
départemental de prévention de la délinquance et de la radicalisation et de lutte contre la drogue,
les dérives sectaires et les violences faites aux femmes
36
, le rôle du préfet s’est enrichi au cours
de la dernière décennie de missions nouvelles comme la lutte contre la radicalisation avec la
34
Cf. article L. 122-1 du code de la sécurité intérieure, dont le premier alinéa prévoit que : «
Sous réserve
des dispositions du code de procédure pénale relatives à l'exercice de la mission de police judiciaire et des
dispositions du code général des collectivités territoriales relatives à la prévention de la délinquance, le
représentant de l'État dans le département ou, à Paris, le préfet de police, anime et coordonne l'ensemble du
dispositif de sécurité intérieure.
»
35
Ce comité, régi par l’a
rticle D. 22-56 du CSI, a notamment pour attributions : 1° de veiller à la cohérence
de l'action des services de l'État en matière de sécurité des personnes et des biens et de proposer les conditions de
leur engagement ; 2° d'animer et de coordonner la lutte contre les trafics de toute nature, l'économie souterraine,
les violences urbaines et la délinquance routière ; 3° de tenir les tableaux de bord départementaux de l'activité des
services de l'État et d'évaluer les actions entreprises ; 4° d'établir le rapport sur l'état de la délinquance qui doit être
adressé au conseil départemental de prévention de la délinquance et de lutte contre la drogue, les dérives sectaires
et les violences faites aux femmes.
36
Les compétences de ce conseil départemental, r
égi par l’article D.132
-5 du CSI, comportent, en plus
des (nombreux) domaines figurant dans son intitulé la prévention des conduites d'addiction et la lutte contre
l'insécurité routière et, plus généralement, contre les violences et incivilités de toute nature.
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
38
mi
se en place des groupes d’évaluation départementaux (GED) en 2014 et des cellules
départementales de lutte contre l’islamisme et le repli communautaire (CLIR) en 2019.
L’augmentation des moyens des préfectures
affectés à la sécurité intérieure et à la prévention
de la radicalisation est en deçà
de l’expansion progressive de ce
domaine. Plusieurs préfectures
ont indiqué à la Cour avoir des difficultés à suivre l’ensemble de ces missions.
Les effectifs se consacrant à la sécurité
, s’ils demeurent réduits à l’
échelle de chaque
département, ont progressé de plus d’un tiers depuis 2016.
Ceux affectés au niveau zonal (1 %
des données ANAPREF) sont abondés par
plus d’une centaine
de mises à disposition de
sapeurs-pompiers,
d’agents de la gendarmerie nationale et de
la police nationale.
Le pilotage des crises et des politiques de sécurité est identifié comme une des missions
prioritaires des préfectures pour la période 2022-
2025. Cette vision stratégique porte l’ambition
de conforter les cabinets comme états-majors r
elatifs aux questions de sécurité et d’adapter leur
organisation aux spécificités locales. Le renforcement de la culture de la gestion de crise
s’appuie sur un plan de modernisation des centres opérationnels départementaux
(COD) et la
création d’un vivier permanent d’agents volontaires en gestion de crise, renforcés le cas échéant
par des « colonnes de renfort » régionales sur des compétences relatives à la communication, à
la logistique ou à l’animation du
COD. Le document annonce un effort particulier sur les
moyens, qui pourront être abondés
par la nouvelle réserve préfectorale, c’est
-à-dire par le
positionnement en renfort, sur des sujets ponctuels, d’anciens préfets
ou sous-préfets ou de
cadres bénéficiant d’une expérience confirmée en termes de gestion
de crise.
2.1.2
Une augmentation des effectifs partiellement compensée par la contraction
des moyens affectés à la représentation de l’
État
Les moyens affectés à la représentation de l’État ont diminué
de 14,4 % depuis 2016.
Cette diminution a conduit à rationaliser les moyens affectés notamment à la conduite des
véhicules de fonction ainsi qu’à la tenue des résidences du corps préfectoral. Au sein des
préfectures rencontrées, cette réorganisation n’a pas
entrainé de dysfonctionnements notables.
Pour autant, l’extension des périmètres régionaux et l’allongement des trajets qui en découle
limitent les possibilités de nouvelles réductions des équipes de chauffeurs.
Tableau n° 5 :
Effectifs de la mission représentation de l’État (ETPT au 31 déc
embre)
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
Evolution
2016/2022
Communication interministérielle
294
295
304
307
319
341
317
8,0%
Représentation de l'État
1 997
1 946
1 924
1 851
1 789
1 761
1 710
-14,4%
Standard
526
530
527
509
494
496
513
-2,6%
Accueil général et points numériques
554
485
483
577
605
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
39
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
Evolution
2016/2022
Représentation de l'État,
communication, standard et accueil
général
2 817
2 771
3 309
3 151
3 085
3 174
3 145
11,6%
Source
: ministère de l’intérieur (données A
NAPREF)
Afin d’éviter une
mobilisation trop importante des services au titre de la gestion des
visites officielles, les préfectures des grandes métropoles demandent régulièrement des
arbitrages au cabinet du Premier ministre
afin d’obtenir le report ou l’annulation de certains
déplacements ministériels. Ces arbitrages permettent aussi de garantir une couverture
médiatique de ces déplacements.
2.1.3
Des enjeux majeurs en termes de management et de gestion des compétences
Les métiers
concernés ont considérablement évolué en une vingtaine d’année, avec une
part grandissante de la gestion de la communication (gestion et surveillance des réseaux
sociaux, communication de crise)
37
.
Le rapport de l’inspection générale de l’administration
(IGA)
sur l’incendie de l’usine Lubrizol
38
a montré que cette partie de la gestion de crise est de
plus en plus complexe : la communication des autorités est désormais concurrencée par les
réseaux sociaux.
Afin d’être en mesure d’interagir sur les réseaux so
ciaux, les agents sont
souvent contraints de contourner les règles et le système de sécurité informatique du ministère
de l’intérieur, notamment par l’installation d’ordinateurs non reliés au réseau du ministère ou
par l’utilisation de
leurs téléphones personnels.
Le recrutement de profils spécialisés en matière de communication se heurte, de l’avis
unanime des interlocuteurs de la Cour, à la faible attractivité de ces emplois. La présence
d’agents titulaires sur ces missions est
devenue largement minoritaire. Les grilles spécifiques
sont par ailleurs méconnues des gestionnaires, ce qui peut générer des retards dans les
négociations avec les candidats et leur renonciation au profit d’autres propositions d’emploi.
Les conditions de travail paraissent souvent ingrates, mobilisant les agents en fin de semaine
pour des visites officielles peu anticipées par les cabinets ministériels. La taille des services de
communication des préfectures contraste fortement avec celle des collectivités territoriales les
plus importantes, qui sont par ailleurs en mesure de proposer des conditions plus attractives.
Les services chargés de la gestion de crise ont été continuellement sollicités depuis
2018, y compris dans les plus petites préfectures, enchaînant le suivi du mouvement des gilets
jaunes, la crise sanitaire, la gestion des feux de forêts et la prévention des risques de délestage.
Ils
s’apprêtent à affronter des événements d’ampleur
exceptionnelle comme la coupe du monde
37
En situation de crise, il revient au préfet d'élaborer une «
stratégie cohérente, unie et intelligible
» de
communication (c
irculaire du ministère de l’intérieur relative aux responsabilités du préfet en cas de crise du 8
juin 2015), qui doit permettre d'informer d'une manière réactive, continue et crédible, de maintenir le lien de
confiance, de rendre les citoyens acteurs, de limiter les comportements inciviques ou inadaptés et de favoriser
l'efficacité des opérations de gestion de crise.
38
IGA, mai 2020, disponible sur www.interieur.gouv.fr
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
40
de rugby en 2023 et les Jeux Olympiques en 2024. La confrontation aux crises a parfois
remplacé la mise en place d’exercices. La préparation des crises dans les départements et au
niveau zonal s’appuie sur un travail de planification et la mise en œuvre d’exercices, associant
forces de l’ordre, sécurité civile, autres services de l’
État et collectivités. La mise à jour de la
planification ORSEC ou au titre des installations soumises à des plans particuliers
d’intervention ainsi que la mise en œuvre de la programmation annuelle des exercices sont
suivis par des tableaux de bord (cf. tableau ci-dessous). Pour autant, ce suivi reflète mal la
dimension qualitative de ces actions préventives. La bonne coopération entre les différents
acteurs assure les connaissances mutuelles et les réflexes qui permettront de gérer la crise. Cette
coopération est inégale en fonction des territoires. À ce titre, la culture de la gestion de crise,
de l’exercice et de la planification peut encore êtr
e approfondie.
Sur les 763 exercices réalisés en 2022, 167 ont fait l’objet d’un retour d’expérience
(RETEX)
, 564 RETEX sont en cours de finalisation et 32 exercices n’ont pas donné lieu à un
RETEX.
Tableau n° 6 :
Nombre d’exercices réalisés en 2022, par catégorie de
risque
Catégorie de risque
Nombre d’exercice
s
Risque technologique
189 (dont 130 pour des installations soumises à
plans particuliers d’intervention
-
PPI)
Risque liés aux réseaux
198 (dont 59 pour des sauvetages aéro-terrestres - SATER -
et 79 pour l’én
ergie)
Risque naturel
102 (dont 33 pour inondations et 40 pour événements climatiques)
Menace terroriste
94 (dont 68 pour des tueries de masse)
Risque sanitaire
18 (tous les exercices pour épizooties)
Risque maritime
7 (dont 3 pour feux de navire)
Commandement et alerte
74
Vie courante
42
Protection des personnes
30
Total
763*
* 668 exercices étaient initialement programmés lors de la planification prévisionnelle transmise en début d’année
par les préfectures, 101 ont été reportés, 32 annulés.
Source
: Cour des comptes d’après DGSCGC
L’amélioration de la préparation à la gestion de crise revêt par ailleurs une importante
dimension managériale, affirmée par les circulaires, mais qui demeure orpheline de la
désignation d’un pilote.
Le rapport annexé à la
loi d’orientation et de programmation du
ministère de l’intérieur insiste sur le besoin d’un plan d
e formation
obligatoire à l’attention
des
préfets, des sous-préfets, des cha
rgés de communication et des cadres du cabinet ou d’astreinte
.
La circulaire du 28 mai 2021 insiste notamment sur la formation des agents. Au-delà de ces
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
41
aspects, cependant, les compétences développées au sein des équipes de gestion de crise ne font
pas l’objet d’une valorisation particulière, en termes de déroulement de carriè
re, en dépit des
sujétions qu’elles imposent aux agents concernés. Le besoin de professionnalisation de ces
métiers semble par ailleurs incompatible avec un roulement trop important des fonctions. Enfin,
une montée des compétences est attendue au sein des équipes en place, en particulier par une
formation aux systèmes d’information
spécifiques
synergi 2
(échanges d’informations en
situation d’urgence),
sinus
(dénombrement et recensement des victimes) et surtout
synapse
(information géographique en préparati
on et en gestion de crise), mais également s’agissant du
déploiement et de l’utilisation du nouveau système d’alerte par téléphone mobile
FR-Alert
qui
constitue une évolution majeure des moyens d’information des populations lors du
déclenchement de crises. Les plates-formes RH des SGAR sont les structures les plus adéquates
pour piloter cette montée en compétence des agents, sans préjudice d’une coordination zonale.
Recommandation n° 2.
(DMATES) : Confier aux plates-formes RH des SGAR le suivi
de la montée en compétence des agents chargés de la gestion de crise.
2.1.4
La nécessité de conforter les initiatives favorisant l’agilité et la réactivité en
situation de crise exceptionnelle
L
orsque des préfectures ont connu des crises spécifiques d’intensité exceptionnelle,
elles ont parfois pu
s’appuyer
sur le déploiement en urgence de moyens nationaux. La
SGDCGC (mission d’appui en situation de crise) et l
e service de communication ministériel
(DICOM), notamment, sont en mesure de projeter en urgence des cadres expérimentés et des
techniciens. Ce mode de fonctionnement est intéressant du fait de sa souplesse organisationnelle
et de son efficacité.
La volonté de mettre en place des « colonnes de renfort » au niveau régional en matière
de communication ou de gestion du COD participe de la même logique. Pour autant, à défaut
d’un pilotage régional affirmé de la fonction ressources humaines, cette
faculté
risque d’être
laissée à l’appréciation ponctuelle du préfet de région
en
situation d’urgence, plutôt que d’être
soigneusement anticipée et préparée, notamment par un plan de formation adapté. La mise en
œuvre de
cette ambition paraît incertaine tant que la question du pilotage régional de cette
fonction n’est pas précisée et qu’elle se heurte à la répartition des compétences entre plate
-
forme RH du SGAR, différents SGCD, secrétariats généraux des directions régionales, voire
SGAMI.
Cette imprécision est d’autant plus regrettable que l’initiative répond à une logique
vertueuse d’utilisation des moyens
, constitue un puissant levier managérial et gagnerait à
prendre davantage d’ampleur
.
L’expérience de la catastrophe de
s vallées de la Roya, de la
Vésubie et de la Tinée
a démontré que la mobilisation en urgence d’agents préfectoraux en
renfort (envoi de trinômes, sur la base du volontariat, dans douze communes sinistrées
39
) s’est
révélée particulièrement valorisante pour les agents concernés et les équipes, et conforme à la
vocation de l’
É
tat d’être le garant de la continuité du service public
. L
a constitution d’une
39
IGA, CGEDD,
Retour d’expéri
ence des intempéries des 2 et 3 octobre 2020 dans les Alpes-Maritimes
,
octobre 2021, disponible sur www.interieur.gouv.fr
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
42
réserve opérationnelle d’agents de l’
administration
territoriale de l’
État, formés et en mesure
d’être affectés ponctuellement
à
des missions d’urgence, paraît souhaitable et réalisable,
à
condition
d’
organiser une animation régionale de ce dispositif. Si la gestion de crise relève, au
niveau supra-départemental, d
e l’échelon
zonal, les missions de formation et de gestion des
compétences relèvent des plates-formes RH des SGAR. Il semble ainsi plus pertinent de leur
confier cette animation, sous
réserve d’une coordination avec l’échelon zonal.
Recommandation n° 3.
(SG du m
inistère de l’intérieur
) : Constituer, parmi les agents
de l’administration territoriale de l’
État, une réserve opérationnelle régionale de renfort
pour les différents aspects de gestion de crise.
Les préfectures affectées par des crises spécifiques peuvent par ailleurs actionner des
moyens financiers nationaux exceptionnels, indépendamment des fonds liés à la reconstruction
d’après
-crise.
Ainsi, l
e fonds d’extrême urgence, rattaché au programme 161
- Sécurité civile (encadré
par la circulaire du 12 juillet 2017, dont
l’
exécution a atteint 73 000
€ en 2020
, 41 000
€ en
2021 et 154 000
€ en 2022
) permet de déléguer des crédits spécifiquement dédiés au soutien
des victimes de catastrophes naturelles.
Les réquisitions de moyens civils par le préfet, par exemple lors des feux de forêts en
Gironde en 2022,
sont opérées dans l’urgence sans que la question de leur prise en charge
financière ne soit tranchée. Si ces dépenses peuvent être supportées par le programme 161, leur
répartition entre les ministères concernés peut nécessiter un arbitrage en réunion
interministérielle, y compris avant de solliciter un remboursement de la part d’un assureur.
Par
ailleurs, l
es crédits de la sécurité civile n’
ont pas vocation à
supporter l’intégralité des
réquisitions indépendamment de leur objet.
Ainsi, la procédure d’arbitrage concernant le
déraillement de Rumigny (juin 2021) a conduit à retarder de 16 mois le paiement de
l’entreprise
concernée. La Cour invite les ministères concernés à se doter de principes de répartition, afin
d’éviter
une sollicitation trop forte des réunions interministérielles.
Le retour d’expérience des intempéries de 2020 dans les Alpes
-Maritimes a confirmé
l’existence de dépenses d’urgence sans financement préalablement identifié, dont le traite
ment
traduit une rigidité et un coût de gestion disproportionné tant au regard des montants en jeu que
de l’urgence des situations.
Ainsi, il a fallu un arbitrage en réunion interministérielle pour
décider du financement de frais d’identification de restes
mortels (80 000
€)
par des crédits
d’expertise du ministère de la
j
ustice. Le rapport de l’IGA et du CGEDD propose la mise en
place d’un fonds spécifique à la disposition des préf
e
ts pour effectuer des opérations d’urgence
dont le financement s’avère impossible ou trop complexe avec les moyens et les procédures du
temps ordinaire. Adosser
au fonds d’extrême urgence, sur le programme 161, un fonds
que la
DGSCGC serait en mesure de déléguer rapidement au préfet concerné, serait une mesure de
simplification qui permettrait d’alléger les procédures interministérielles d’arbitrage.
Le rapport
annexé à la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur évoque la
possibili
té d’un tel fonds
40
.
Il pourrait être abondé en début d’année par des transferts de crédits
40
«
Des modalités de préfinancement par des fonds ad hoc de l’
État, plus souples en première instance,
seront proposées. La création d
’un fonds de concours permanent, doté de fonds de l’
État ou
d’opérateurs
d’assurances, pourrait être étudiée à cet effet pour assurer le paiement des prestations
aux entreprises
réquisitionnées, les premiers secours aux sinistrés ou le financement exceptionnel des
moyens de l’
État.
»
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
43
provenant des différents ministères contributeurs et
faire l’objet d’une régulation
interministérielle, qu’il s’agisse d’un besoin d’abondement ou dans l’hypothèse d’un solde en
fin d’année.
Recommandation n° 4.
(DGSCGC) : Créer un fonds « dépenses de gestion de crise » ou
élargir l’emploi du fonds d’extrême urgence à la prise en charge de dépenses
exceptionnelles.
Lorsqu’
un événement majeur a lieu dans son département (importantes manifestations,
épisode climatique ayant un impact sur la sécurité routière, accident de grande ampleur...), le
préfet peut activer le centre opérationnel départemental (COD), outil de gestion de crise localisé
en préfecture, qui rassemble l’ensemble des acteur
s de la sécurité civile, la police et la
gendarmerie nationales, les services de l’État
et les représentants des collectivités concernés.
Au COD est adossée un
e cellule d’information du public (CIP),
dispositif spécifique de
communication et d'information des populations en cas de crise.
La circulaire du 28 mai 2021 relative à l’amélioration de la préparation locale à la
gestion de crise a prévu
une enquête sur l’état des centres opérationnels départementaux et
annoncé un plan national de mise à niveau.
L’
enquête a révélé que cinq départements ne
disposaient d’aucun COD, que les COD étaient installés dans des locaux à usage mixte dans 13
départements, et que l’état des installations dans les autres départements était très hétérogène.
La Cour a pu constater cette disparité : alors que les préfectures de Strasbourg ou de Nice
possèdent des COD modernisés, le COD de la préfecture de la Meuse est exigu et peu adapté ;
celui des Deux-Sèvres est encore positionné dans des locaux peu accessibles et non isolés, ce
qui est particulièrement pénalisant en hiver comme en été. Les COD, qui peuvent mobiliser des
agents plusieurs jours et nuit consécutifs, sont parfois situés dans des locaux aveugles
(préfecture des Bouches du Rhône). Plus de la moitié des départements seraient concernés par
la nécessité d’une mise à niveau.
Un plan de mise à niveau a été lancé en 2022. 4
M€ ont été engagés et 1,4
M€ ont été
programmés en 2023. Le coût moyen de rénovation d’un COD est estimé à 0,4
M€.
Trois COD
ont d’ores et déjà été réhabilités.
La programmation des travaux privilégie les départements
accueillant des épreuves des Jeux olympiques.
Il sera nécessaire d’établir un bilan d’étape
de
ce plan fin 2024.
2.2
L’instruction et la délivrance de titre
s
Les préfectures et sous-préfectures sont chargées de la délivrance de titres liés à
l’identité des personnes de nationalité française (carte nationale d’identité, passeport), à la
circulation automobile (permis de conduire, certificat d’immatriculation de véhicule) ainsi qu’à
l’entrée et au séjour des étrangers et au droit d’asile.
Entre 2016 et 2021
, les moyens destinés à l’instruction et à la délivrance des titres par
les préfectures ont été réduits de près de 23 % dans leur ensemble. La mission représentait 29 %
des effectifs totaux en 2016, elle n
’en
représente plus que 21% en 2021 (dont plus des deux
tiers dédiés aux services étrangers). Ces chiffres globaux recouvrent toutefois des évolutions
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
44
fortement divergentes entre les titres « étrangers » et les autres. En effet, si la réduction a été
importante en termes de
pièces d’identité (
-27 %), droit à conduire (- 54 %) et véhicules
(- 57 %), le volet « étrangers » a été fortement renforcé (+33 %).
Dès 2022, la prise en compte des difficultés rencontrées par ces services a conduit à un
renforcement des effectifs : + 5
% entre 2021 et 2022 sur l’ensemble de la mission (dont une
hausse de 19
% pour les pièces d’identité, au sein des CERT)
.
Tableau n° 7 :
Effectifs de la mission instruction et délivrance de titres (ETPT au 31 décembre)
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
Evolution
2016/2022
Droit à conduire
1486
1509
743
730
724
675
689
-53,6%
Véhicules
1240
1127
576
546
548
528
518
-58,2%
Etrangers
2983
3276
3690
3764
3838
3967
4150
39,1%
Accueil et régie
934
824
Cartes nationales d'identité et
passeports
894
860
748
720
712
654
781
-12,6%
Instruction et délivrance de titres
7537
7596
5757
5762
5822
5824
6138
-17,7%
Source
: ministère de l’intérieur (données
ANAPREF)
2.2.1
Une disparition des services d’accueil pour la délivrance des titres nationaux
Cette forte réduction, notamment en ce qui concerne les accueils et les régies, est
directement issue du plan « Préfectures nouvelle génération » (PPNG)
qui, s’inscrivant dans la
politique de modernisation des administrations publiques, a conduit à la fermeture des guichets
de services dédiés aux
titres sécurisés en préfecture, au profit d’une dématérialisation des
démarches.
D’
une part, le recueil
de l’ensemble
des dossiers
de titres d’identités
, le plus souvent
préparés sur internet,
a été confié aux mairies. D’autre part, les
instruction et validations
s’effectue
nt depuis novembre 2017
au sein des centres d’expertise de ressou
rces et des titres
(CERT), plateformes interdépartementales installées au sein de préfectures et spécialisées par
titre (
cartes d’identité
et passeports, permis de conduire, certificats d’immatriculation, échanges
de permis de conduire étrangers et permis de conduire internationaux). 17 CERT intervenant
dans
le périmètre d’une région
instruisent les titres d’identité, 17 CERT nationaux instruisent
les permis de conduire, cinq CERT nationaux sont responsables du traitement des demandes de
certificats d’immat
riculation et deux CERT nationaux instruisent les échanges de permis de
conduire étrangers (Nantes) et les demandes de permis de conduire internationaux (Cherbourg).
Aujourd’hui, il n’est donc plus
possible
de se déplacer en préfecture pour l’obtention
d’un titre. Seules subsistent les délivrances de titres pour les étrangers (
cf.
infra
) ainsi que
quelques missions de proximité, qui nécessitent toutefois
la présence d’agents, souvent
polyvalents : habilitation des professionnels automobile pour les cartes grises, habilitation des
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
45
agents de mairie pour remise des titres, dossiers de passeports temporaires, déplacement en
maison d’arrêt pour les cartes d’identité et passeports.
Ces suppressions de services ont entrainé, pour certains agents, un changement
d’affectation au sein même de la préfectur
e (nécessitant
parfois l’apprentissage d’un métier plus
qualifié et complexe et la montée en compétences afférentes),
pour d’autres un départ vers le
CERT. Cette montée
en compétences s’est notamment traduite par un
e revalorisation des agents
aboutissant à un repyramidage important avec une forte baisse du nombre des agents de
catégorie C.
Pour leur part, les CERT peuvent également rencontrer des difficultés en termes
d
’effectifs.
Ceux-ci travaillent pour le compte de plusieurs départements en sus de leur
département de localisation. Dans certains cas (CERT permis de conduire), ils ne travaillent
que pour des départements autres que leur département de localisation (dont certains très
éloignés)
41
.
Lors des répartitions d’effectifs, la préfecture du département
dont relève le CERT
peut être tentée de ne pas faire du CERT sa priorité lorsque s
es missions n’
affectent pas son
territoire. Par ailleurs, la crise du Covid ayant entrainé une forte baisse de la demande de titres
en 2020, certaines préfectures ont fait porter sur cette activité les réductions d’effectifs qui leur
étaient imposées au titre de cette année.
Ces difficultés se reflètent dans les indicateurs de d
élais d’instruction par les CERT de
la délivrance des différents titres.
Les indicateurs choisis jusqu’en 2019 (tableau 6) étaient
destinés à mesurer l’efficacité de l’agence nationale des titres sécurisés (ANTS), des services
des préfectures et des CERT,
et la qualité du service rendu à l’usager sur les titres après la mise
en place de nouvelles procédures. Les indicateurs choisis depuis 2020 (tableau 7) permettent
uniquement de mesurer la performance imputable aux CERT en préfecture, c’est
-à-dire
l’instru
ction. Censés être mesurés d
u point de vue de l’usager, ces nouveaux indicateurs restent
donc particulièrement limités
, puisqu’une grande partie des délais ne sont pas pris en compte
.
Tableau n° 8 :
Évolution des délais d’instruction des titres
En pourcentage
2016
2017
2018
2019
Pourcentage de passeports biométriques mis à
disposition dans un délai de 15 jours
75,8
69,6
53,2
37,3
Pourcentage de cartes nationales d’identité mis à
disposition dans un délai de 15 jours
/
/
58,1
28
Pourcentage de permis de conduire mis à disposition
dans un délai de 19 jours
97,7
88,3
96,6
75,3
Source
: RAP de la mission Administration générale et territoriale de l’État.
Note de lecture : le délai de mise à disposition court depuis la réception de la demande du titre par les services
de
la préfecture et du CERT jusqu’à l’acheminement du titre à son titulaire.
41
Le CERT de Bordeaux est lié par une convention avec la Somme, l’Eure
-et-Loir, la Loire-Atlantique,
la Manche, la Haute-Saône, le Var et les Ardennes.
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
46
Tableau n° 9 :
Évolution des délais d’instruction des titres après modification des indicateurs
En jours
2020
2021
2022
Délai d'instruction par les CERT des passeports biométriques
(en jours)
5,7
10,4
18
Délai d'instruction par les CERT des cartes nationales
d'identité (en jours)
7,5
13,8
21,5
Délai d'instruction par les CERT des permis de conduire (en
jours)
6,5
11,2
14,3
Source
: RAP de la mission Administration générale et territoriale de l’État
La dématérialisation totale
s’est accompagnée de la création de points d’accès
numériques (PAN) destinés à accueillir les citoyens qui ne peuvent effectuer leurs démarches
seuls,
qu’il s’agisse d’une absence de matériel, de réseau ou d’un
défaut de maîtrise
d’internet
.
Le fonctionnement
et l’animation
de ces PAN sont variables selon les préfectures. Depuis la
crise sanitaire, plusieurs
préfectures ont fait le choix de l’inscriptio
n préalable. Cette prise de
rendez-vous peut
s’effectuer
par téléphone mais
également, et c’est parfois le seul moyen
proposé, par internet, ce qui conduit à douter de
l’intérêt même
du service.
L’animation
de ces
PAN est souvent confiée à des personnes qui effectuent leur service civique. Elles sont donc
présentes pour des durées limitées et la formation doit être renouvelée à chaque nouvelle prise
de fonction, ce qui est
d’une part
chronophage pour les agents titulaires des services d’accueil
et, d’autre part, ne permet
pas une identification des interlocuteurs par les usagers.
A contrario
,
certaines préfectures
42
ont choisi de professionnaliser ces services en confiant la gestion de leur
PAN unique (pour tous les titres et tous les publics, français et étrangers), à un bureau
transversal des relations aux usagers, choix assumé en dépit du développement des maisons
France services qui réduit sensiblement la fréquentation des PAN.
Tant la disparition des accueils dédiés et des régies que la création des PAN se
matérialisent dans le logiciel ANAPREF par un changement de périmètre dès 2018. Les
effectifs des accueils généraux et des PAN sont depuis lors comptabilisés dans la mission
« Représentation de l'État, communication, standard et accueil général ».
La fermeture de ces points d’accueil a aussi contribué à
la dégradation de la qualité de
l’accueil téléphonique
43
qui
s’est accentuée dans l’ensemble des services publics
pendant la
crise sanitaire et jusqu’en fin d’année 2021 (
cf. rapport sur la
mise en œuvre des engagements
du CITP, mai 2022). 44 % des personnes interrogées perçoivent ainsi le téléphone comme le
canal s’étant le plus dégradé au cours des cinq dernières années par rapport aux autres moyens
de contact des services publics.
Devant le constat que l
a fermeture des guichets d’accueil général du public
et la
dématérialisation croissante des procédures avaient
pu s’accompagner de l’émergence de
nouvelles « fractures », la mise en place de ces nouveaux réseaux ainsi que la réforme de
42
C’est le cas notamment à Niort.
43
La qualité de l’accueil téléphonique
figurait dans les engagements du comité interministériel à la
transformation publique (CITP)
dans l’action 3
- Améliorer les services publics en continu.
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
47
l’organisation territoriale de l’État (avec la mise en place des secrétariats généraux communs
en 2021, qui exercent notamment les missions relatives au courrier et à l’accueil téléphonique
pour le compte de la préfecture)
ont conduit l’administration centrale
à repenser la façon dont
les préfectures et les sous-préfectures accueillent les usagers.
Ainsi, la démarche « Missions prioritaires des préfectures 2022-2025 » entend élargir et
diversifier les conditions
d’accueil du public
, selon trois axes :
favorise
r l’élargissement de l’offre de services et l’amélioration des conditions
d’accueil des usagers
;
p
rofessionnaliser l’accueil en préfecture
;
améliorer la coordination de la préfecture avec les autres services
d’accueil du
public de proximité.
Par ailleur
s, afin d’améliorer l’accessibilité des services publics, le ministère de la
transformation publique a annoncé que l’ensemble des démarches numériques seraient
«
systématiquement doublées d’un accueil de proximité, dans les espaces France
services, et
d’un
soutien par téléphone
» et ce à
l’
horizon fin 2022. Si la carte de ces espaces
44
, propose,
pour chacun d’entre
-
eux, une fiche récapitulative des horaires d’ouverture et comporte un
numéro de téléphone, il est toutefois parfois mentionné que «
la prise de rendez-
vous s’effectue
par mail
».
Il va donc être nécessaire de réintroduire des agents de catégories C, notamment pour
ces accueils du public (y compris pour les espaces France services des sous-préfectures
labellisées). Le besoin est également flagrant pour les PAN, dont les agents doivent être
parfaitement formés et compétents alors que leur fonctionnement repose essentiellement à ce
jour sur des jeunes en service civique ou des personnels éphémères.
2.2.2
Une hausse des effectifs des services des étrangers insuffisante pour faire face
à la hausse de l’activité
Parallèlement, les préfectures ont dû
faire face à une croissance de l’activité liée à
l’entrée et au séjour des étrangers
,
pour lesquels l’accueil physique
persiste, même si le
ministère cherche à ré
duire le nombre de passages physiques pour la délivrance d’un titre.
Ainsi,
le nombre de primo-délivrances de titres de séjour a augmenté de 39,1 % entre 2016 et 2022
pour arriver à 320 330. L'effet de la crise sanitaire a été effacé dès 2021, avec 273 360 primo-
délivrances contre 277 466 en 2019. La progression est de 17,2 % en 2022. Selon la direction
générale des étrangers en France (DGEF)
45
, on retrouve ainsi «
en 2022 une dynamique
haussière de long terme prolongeant les tendances observées sur les années antérieures,
notamment sur la période 2013-2019
».
44
La
carte
des
espaces
France
Service
est
accessible
sous
ce
lien :
https://anct-
carto.github.io/france_services/?lat=45.276819&lng=2.136841&z=8
45
Communiqué de presse : Les chiffres 2022 (publication annuelle de la DGEF parue le 26 janvier 2023)
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
48
Tableau n° 10 :
Nombre de primo-délivrances de titres de séjour (2016-2022), hors ressortissants
britanniques
46
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
Evol.
2016/2022
230 353
247 431
258 924
277 466
223 093
273 360
320 330
+ 39,1 %
Source
: Cour des comptes d’après exposé des motif projet de loi immigration et communiqués DGEF
Par ailleurs, en 2022, 137 046 premières demandes ont été enregistrées en Guichets
uniques de demande d'asile (GUDA), ce qui les place quasiment au niveau d'avant la crise du
Covid (138 420 en 2019). Elles étaient de 64 811 en 2014. Enfin, depuis février 2022 et le début
de la crise en Ukraine, les ressortissants de ce pays qui désirent rester quelque temps en France
peuvent bénéficier d'une autorisation provisoire de séjour (APS)
d’une durée de six mois
en
tant que « bénéficiaires de la protection temporaire » (65 833 documents de ce type détenus par
des Ukrainiens en cours de validité fin 2022). Le Brexit a également conduit à une activité
spécifique à destination des Britanniques (154 688 titres en 2021 contre 12 929 en 2017). Ces
évolutions quantitatives s’accompagnent d’exigences supplémentaires avec notamment la
prise
en compte du risque de trouble à l’ordre public
, conduisant à des retraits de titres de séjour.
Ainsi, alors que l
’accueil
des étrangers ne constituait pas une des priorités initiales du
PPNG,
un renforcement des services concernés s’est vite imposé
. Les augmentations
importantes d'effectifs mises en
œuvre
ces dernières années restent toutefois inférieures à celle
des demandes à traiter, soumettant les services de l'État chargés des étrangers à une tension
importante. Ainsi les effectifs chargés spécifiquement du séjour ont augmenté de 32,2 % entre
2016 et 2022 alors que le nombre de délivrances
de premiers titres de séjour s’accroissait de
39,1 %.
De plus, ces renforts ont été principalement constitués de contractuels de courte durée
(dont la DGEF estime qu’ils représentent plus de 20 % des effectifs des
services des
étrangers
47
), ce qui constitue un vrai facteur de fragilité, certaines tâches ne pouvant être
assurées par ces personnels. En outre, leur recrutement, leur formation et leur suivi au quotidien
sont très chronophages pour les cadres de ces services. Ce fort pourcentage de contractuels de
courte durée est lié à la difficulté des missions des services des étrangers : poids des décisions
à prendre ; contact avec les usagers parfois difficile ; complexité des textes applicables qui sont
modifiés très fréquemment
; difficulté à mettre en œuvre le télétravail au sein de ces services.
Il en résulte une faible attractivité malgré les mesures prises au plan national (NBI, complément
indemnitaire annuel) ou localement pour renforcer celle-ci (cf.
infra
). Dans certaines
préfectures s’ajoutent à ces difficultés
un
nombre important de congés et d’absence
s pour
longue maladie.
Le constat que faisait la Cour en 2020 dans son rapport public thématique sur
L’entrée,
le séjour et le premier accueil des personnes étrangères
, selon lequel «
de nombreuses
préfectures, y compris parmi les plus importantes, ne parviennent plus à accueillir les
46
La DGEF présente les ressortissants britanniques dans une série statistique à part, compte tenu de leur
situation spécifique découlant du retrait du Royaume-
Uni de l’Union européenne
.
47
Le groupe de travail 1 « administration des étrangers » de MPP 2022-2025 mentionne les exemples
suivants : « en Gironde, 29 agents sur 122 ; dans le Nord, 25 agents sur 110 ; en Savoie, 6 agents sur 17 ». Le
service des étrangers des Alpes-Maritimes compte 31 contractuels de courte durée sur 101 agents. Celui des
Bouches-du-Rhône 15 sur 119.
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
49
personnes et à instruire les demandes liées à l’immigration dans des conditions
satisfaisantes.
», reste d’actualité aujourd’hui,
comme le montrent les indicateurs de délais de
délivrance, qui se dégradent au cours de la période 2016-2022, et tout particulièrement en 2022.
Ainsi, le délai moyen de délivrance des titres pour les premières demandes d'admission au
séjour, qui était de 102 jours en 2016 et de 100 jours en 2021, est de 123 jours en 2022, pour
une cible de 90 jours. Celui des demandes de renouvellement de titre de séjour, dont la cible est
de 30 jours, est passé de 44 jours en 2016 à 64 jours en 2021 avant d’atteindre 74 jo
urs en 2022.
Tableau n° 11 :
Délais moyens pour la délivrance d’un titre de séjour
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
Premières
demandes
102
108
112
98
114
100
123
Renouvellements
44
54
59
58
63
64
74
Source :
Cour des comptes, RPT 2020 et notes d’exécution budgétaire 2020, 2021 et 2022 mission AGTE.
Une dématérialisation dont les dysfonctionnements doivent être corrigés
Les services des étrangers ont également été concernés par la dématérialisation du dépôt
des demandes de titres avec le déploiement de l’Administration
numérique pour les étrangers
en France (ANEF). Ce programme a débouché sur la mise en place de téléprocédures à compter
de mai 2021. Pour le séjour, 10 téléprocédures sont
aujourd’hui
déployées couvrant la plupart
des motifs de demande. Le déploiement sera achevé, pour le séjour, avec le basculement dans
ANEF de la téléprocédure « vie privée vie familiale »,
à compter d’avril 2023
.
Ce déploiement
s’est accompagné
de nombreux problèmes techniques, en partie
explicables, selon la DGEF, par la
combinaison de deux systèmes d’information
(AGDREF et
ANEF) dans l’attente de la disparition d’AGDREF en 2025. Les serv
ices des étrangers des
préfectures qui attendaient beaucoup de cet outil font souvent part de leur déception. Ils relèvent
en particulier l’absence d’interlocuteur central ayant la capacité de résoudre les problèmes
techniques et la poursuite du déploiemen
t alors que ces problèmes n’étaient pas réglés.
Pour
aider les agents lors du déploiement, la DGEF avait mis en place un guide de préconisation
d’organisation et un groupe test de préfectures.
Elle s’efforce à présent de recenser les
anomalies constatées a
insi que les évolutions souhaitables en vue d’y apporter des solutions.
Au-
delà des anomalies techniques, certaines modalités du système d’information sont
regrettées par certaines préfectures, par exemple le fait que l’outil attribue les dossiers aux
agents selon une pioche aléatoire ou que la préfecture ne peut pas se substituer aux usagers qui
n’arrivent
pas à créer un compte. En outre l’outil étant organisé par procédure, un changement
de motif pour l’obtention du titre de séjour oblige à réinitier une
nouvelle procédure. Enfin,
l’outil conduit à conférer le
double
statut d’instructeur
et de valideur à un très grand nombre
des agents des services des étrangers, là où auparavant ces deux tâches étaient souvent séparées,
ce qui nécessite un renforcement des contrôles compensatoires visant à éviter des fraudes.
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
50
Les textes instituant cette dématérialisation
48
ont fait l’objet d’un recours d’associations
d’aide aux étrangers devant le Conseil d’État. Celui
-ci a jugé en juin 2022
49
que le pouvoir
réglementai
re devait prévoir les dispositions nécessaires pour que bénéficient d’un
accompagnement les personnes ne disposa
nt pas d’un accès aux outils numériques
ou
rencontrant
des difficultés soit dans leur utilisation, soit dans l’accomplissement des démarches
administratives. Il doit également garantir la possibilité de recourir à une solution de
substitution, pour le cas où certains demandeurs se heurteraient, malgré cet accompagnement,
à l’impossibilité de recourir au téléservice pour des raisons tenant à la conception de cet outil
ou à son mode de fonctionnement. Un décret répondant aux exigences du Conseil
d’État
est
depuis lors intervenu
50
.
Comme pour les titres nationaux,
la dématérialisation s’est accompagnée de la création
de points d’accueil numérique, appelés PAN Émeraude. L’accès à ces services varie selon les
préfectures, avec le plus souvent des prises de rendez-vous, par téléphone ou parfois
exclusivement par internet, cette dernière modalité limitant fortement la portée utile du
dispositif, a fortiori s’agissant d’usagers qui ne maîtrisent pas toujours le français. Les
déplacements réalisés dans les préfectures ont montré que si toutes avaient mis en place des
PAN Émeraude (ou dans un cas un dispositif commun pour les PAN et les PAN Émeraude),
ces structures n’étaient pas toujours
pourvues
en effectifs, et faisaient rarement l’objet d’une
publicité très active. L’opportunité de la mise en place de PAN spécifiques po
ur les étrangers,
distincts des PAN de droit commun, est questionnée par plusieurs interlocuteurs, soulevant leur
impact sur les effectifs déjà insuffisants des services étrangers et l’ac
croissement des risques de
fraude
qui peut résulter du fait qu’une même personne aide l’étranger à monter son dossier puis
l’instrui
t.
La situation des préfectures visitées par la Cour est très contrastée en termes de capacité
de traitement de l’activité liée à l’entrée et au séjour des étrangers. Sans surprise, ce sont l
es
grandes préfectures situées dans des métropoles à forte population d’origine étrangère qui
connaissent le plus de difficultés.
Ces tensions sur les effectifs conduisent en outre, comme l’a
souligné le Conseil d’
État dans son rapport au Premier ministre « 20 propositions pour
simplifier le contentieux des étrangers dans l’intérêt de tous »
, «
le juge à être saisi de litiges
qui ne le conduisent pas à statuer sur la légalité d’une décision relative au séjour mais à devoir
apporter une réponse à des dysfonc
tionnements de l’administration.
»
51
En particulier, l’augmentation des demandes d’admission exceptionnelle au séjour
(AES) conjuguée avec le dépôt de ces dossiers par voie postale depuis le C
ovid (alors qu’elles
étaient traitées auparavant au guichet) conduit au développement de contentieux sur la
délivrance de récépissé, la préfecture n’envoyant celui
-
ci qu’après avoir vérifié la complétude
du dossier, ce qui compte tenu de la surcharge des services peut prendre plusieurs mois. Le
contentieux sur les décisions implicites de rejet nées de la non réponse pendant quatre mois à
une demande de titre de séjour se développe également, notamment pour les demandes
d’admission exceptionnelle au séjour, par nature complexes. Le développement de ces
48
Décret n° 2021-
313 du 24 mars 2021 relatif à la mise en place d’un téléservice pour le dépôt des
demandes de titres de séjour et arrêté du ministre de l’intérieur et
du ministre des outre-mer du 27 avril 2021.
49
Décisions n
o
452798, 452806 et 454716 du 3 juin 2022.
50
Décret n° 2023-191 du 22 mars 2023 créant une solution de substitution au téléservice mentionné à
l'article R. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
51
Ce rapport faisait également état de contentieux (référé mesures utiles) sur la prise de rendez-vous
engagés par des étrangers qui ne parvenaient pas à obtenir un rendez-vous pour déposer leurs dossiers.
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
51
contentieux crée pour les services une activité supplémentaire, qui dégrade encore leur capacité
à respecter les délais. Le manque d’effectifs conduit également à ce que la présence de
l’administration aux audiences en urgence est de plus en plus rare, ce qui déséquilibre l
e débat
contradictoire devant le juge. Ces contentieux exposent enfin l’
État à se voir condamné à payer
non seulement des frais irrépétibles mais aussi, dans certaines préfectures, des astreintes dans
des proportions parfois importantes.
Le paiement d’astreintes liées à l’inexécution de décisions de justice
en matière de droit des étrangers par la préfecture des Alpes-Maritimes
Un nombre important d’astreintes ont été prononcées et liquidées par le tribunal
administratif de Nice à
l’encontre de la préfecture des Alpes
-
Maritimes du fait d’inexécution
de décisions de justice dans le domaine du droit des étrangers : 11 en 2022 (contre 7 en 2021 et
0 en 2020) pour un montant de 77 507 euros (19 661 euros en 2021), dont 49
600 € au titre
d’une seule affaire. Ce phénomène s’est poursuivi en 2023 avec, au 29 mars, trois astreintes
liquidées pour un montant de 10 950 euros.
Cette situation résulte notamment d’une difficulté à faire face à l’augmentation de deux
types de contentieux
: d’une p
art, le non traitement dans le délai de quatre mois des demandes
d’admission exceptionnelle au séjour (AES) conduit à une augmentation des contentieux sur
les décisions implicites de rejet en résultant
; d’autre part, le dépôt des dossiers d’
AES par voie
postale depuis le covid suscite également un contentieux sur la délivrance des récépissés.
La préfecture des Alpes-Maritimes est confrontée en la matière à un contexte difficile.
D
’une part, sa situation à la frontière italienne en fait une des préfectures
les plus affectées par
l’augmentation des flux migratoires
. D
’autre part, au sein d’une préfecture qui peine de manière
générale à recruter (du fait notamment des prix de l’immobilier), la direction chargée des
migrations
souffre d’
une faible attractivité en raison des contraintes spécifiques aux directions
des étrangers ; c
ela se traduit par des problèmes d’effectifs mais aussi un nombre important de
congés et d’absence
s pour longue maladie, et une proportion excessive de contractuels de courte
durée dans ses effectifs : la direction compte 101 ETP sur les missions étrangers, dont 64
titulaires, 31 contractuels de courte durée et 6 contractuels de longue durée.
Ces difficultés ne suffisent toutefois pas à expliquer l’importance des astreintes
liquidées pour inexécution de décisions de justice en matière de contentieux des étrangers. La
préfecture
n’a pas assuré un suivi suffisant des dossiers d’étrangers ayant fait l’objet
d’injonctions du juge administratif assorties d’astreintes pour éviter les liquidatio
ns de ces
astreintes. A titre de comparaison, la préfecture des Bouches-du-Rhône (dont la direction
chargée des étrangers compte il est vrai des agents plus expérimentés et un plus faible
pourcentage de contractuels de courte durée
52
) réussit à traiter en urgence et en priorité ces
dossiers afin d’éviter toute liquidation d’astreinte
.
La préfecture des Alpes-Maritimes a pris récemment des mesures en vue de résoudre
ces difficultés. Elle a ouvert à nouveau des possibilités de dépôt physique des dossiers, en vue
de de limiter les recours en référé pour la délivrance de récépissés de titres de séjour, avec un
nouvel accueil au guichet chaque jeudi depuis mars 2022. Depuis le 1
er
mai 2022, une réunion
hebdomadaire est organisée avec les deux bureaux instructeurs
afin de renforcer l’exécution
des décisions de justice. Depuis août 2022, le bureau chargé du contentieux réexamine les
52
La direction de
l’intégration et des migrations des Bouches
-du-Rhône compte 119,5 ETP dont 104
titulaires et 15,5 contractuels.
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
52
dossiers à la suite des injonctions du juge en lieu et place du pôle admission exceptionnelle au
séjour, grâce aux recrutements de deux contractuels de courte durée. Des opérations « samedi
travaillé » sont réalisées pour permettre le réexamen de dossiers.
La Cour a préconisé que la préfecture approfondisse ces initiatives en faisant de
l’exécution des injonctions du juge administratif assorties d’astreintes une tâche
réellement
prioritaire,
en désignant un cadre A responsable du suivi de l’exécution des décisions de justice
et en échangeant avec les préfectures des départements voisins sur les méthodes qu’
elles
utilisent pour éviter la liquidation des astreintes.
Dans le cadre de la contradiction, il était demandé au préfet des Alpes-Maritimes de
faire connaître ses observations sur les développements ci-dessus et de détailler la mise en
œuvre des mesures présentées aux rapporteurs lors de l’instruction.
Dans sa réponse, le préfet
a fait part de son accord sur le constat, les causes et, globalement, les préconisations. Il fait état
de projets de modernisation et d’organisation :
la numérisation du fichier des étrangers,
permettant un meil
leur suivi des dossiers et le développement d’un outil informatisé d’envoi
des courriers en recommandé ; un changement de la doctrine de traitement des admissions
exceptionnelles au séjour en privilégiant le traitement du flux entrant pour éviter la formation
de décisions implicites de rejet ; et un suivi renforcé des décisions de justice.
Ces initiatives vont dans le bon sens. Elles risquent toutefois de ne pas être suffisantes
pour
éviter
toute liquidation d’astreintes si le suivi renforcé des décisions de justice annoncé
lors
des réunions hedomadaires ne s’accompagne pas d’un traitement spécifique encore plus
réactif de celles qui sont assorties d’astreinte. A cet égard, la Cour maintient
que la préfecture
des Alpes-
Maritimes devrait s’inspirer des pratiques des préfectures voisines, par des échanges
techniques entre les cadres des directions chargées des migrations.
Il était également demandé au ministère de l’intérieur quel
a été son concours à la
résolution des problèmes constatés dans cette préfecture. Le ministère n’a pas répondu à cette
demande. La Cour le regrette et considère qu’il est de la responsabilité du ministère d’apporter
son appui à la préfecture des Alpes-
Maritimes pour l’
aider à résoudre ces difficultés.
L’enquête de la Cour a également fait apparaître une difficulté liée à l’insuffisance des
crédits du programme 216 délégués par la DLPAJ au niveau régional pour faire face au
paiement des dépenses de contentieux liées aux étrangers (frais irrépétibles, astreintes,
condamnations). Elle expose
l’État
à devoir payer des intérêts de retard sur ces sommes. Cette
difficulté a notamment été mentionnée dans la région Provence-Alpes-
Côte d’Azur. La
préfecture des Bouches-du-Rhône indique ainsi que sur les 800
000 € de frais irrépétibles dus
en 2021, 300
000 €
n’étaient pas disponibles
.
En réponse à la Cour, la DLPAJ précise qu’elle a
demandé en 2023 l’attribution de crédits complémentaires permettant de financer les dépenses
contentieuses pour lesquelles les crédits sont insuffisants.
Compte tenu de ces difficultés affectant les services des étrangers des préfectures, la
DGEF a mis en place depuis un an et demi, en lien avec la DMATES
et avec l’a
ide initiale de
la DITP, une mission d
’appui et de conseil avec
pour
objectif d’accompagn
er chaque préfecture
sur trois ans. En outre, elle est parfois
saisie, à l’initiative des préfets, de demande
s
d’effectifs
supplémentaires fléchés qu’elle instruit en lien avec la DMATES. Elle a ainsi en j
uin 2022
proposé, avec succès, au secrétaire général du ministère de l’intérieur une enveloppe
complémentaire destinée à certaines préfectures pour procéder à la délivrance des admissions
provisoires au séjour des personnes fuyant le conflit en Ukraine.
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
53
En
fin, le ministère de l’intérieur a fait des missions liées à l’entrée et au séjour des
étrangers en France
l’une des cinq missions prioritaires des préfectures pour la période 2022
-
2025. Par ailleurs, le ministre s’est engagé
en juillet 2021 à faire bénéfi
cier cette mission d’un
plan de soutien triennal de 190 ETPT supplémentaires par an en 2022, 2023 et 2024.
Il est toutefois à craindre, comme cela s’est avéré en 2022, que ce renfort triennal se
traduise principalement par la mise à disposition de crédits supplémentaires permettant de
financer des contractuels de courte durée supplémentaires, là où les services des étrangers ont
besoin de personnels expérimentés. On peut de surcroît relever que les mesures contenues dans
le
projet de loi pour contrôler l’i
mmigration et
améliorer l’intégration,
présenté au conseil des
ministres du 1er février 2023
, représentera un surcroît d’activité pour les préfectures en ce qu’il
crée de nouvelles catégories de titre de séjour
53
ainsi que des exigences renforcées pour l’octroi
des titres
54
.
Le ministère de l’intérieur doit doter les services chargés des étrangers des moyens
adaptés pour faire face à l’évolution de leurs activités, sans recourir à des contractuels de courte
durée supplémentaires.
2.3
L’organisation des élections et les missions de réglementation générale
Tableau n° 12 :
Effectifs de la mission élections, expertise juridique et lutte contre la fraude (ETPT
au 31 décembre)
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
Evolution
2016/2022
Élections
342
375
322
332
357
358
377
10,1%
Associations
251
260
258
241
228
229
227
-9,3%
Réglementation (hors sécurité et
sécurité routière)
322
283
268
255
254
248
236
-26,7%
Pôle juridique
226
253
243
221
224
229
232
2,3%
Lutte contre la fraude
98
152
260
264
260
266
258
163,1%
Élections, expertise juridique et
lutte contre la fraude
1240
1323
1351
1314
1322
1331
1330
7,3%
Source
: ministère de l’intérieur (données
ANAPREF)
53
Carte de séjour temporaire mention « travail dans des métiers en tension », carte de séjour pluriannuelle
« talent
professions médicales et de la pharmacie ».
54
Par exemple,
obligation pour l’étranger demandant un titre de séjour de s’engager à respecter les
principes de la République
ou conditionnement de la première délivrance d’une carte de séjour pluriannuelle à la
connaissance d’un nivea
u minimal de français.
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
54
Outre les missions réglementaires relatives à la sécurité et à la sécurité civile, transférées
aux cabinets des préfets dans le cadre du plan PPNG, les préfectures assurent le suivi
réglementaire de procédures nombreuses et variées : manifestations sportives, autorisations de
survol, hospitalisations d’office, déclarations d’uti
lité publique pour les expropriations, taxis,
opérations funéraires, etc. Le préfet assure en outre la présidence de commissions diverses
chargées de mettre en œuvre des réglementations (c
ommission départementale d'aménagement
commercial, commission départementale de la nature, des paysages et des sites,
etc.
). Les
effectifs affectés à ces missions ont diminué de plus d’un quart depuis 2016.
Les préfectures assurent, en lien avec les mairies, l’organisation de l’ensemble des
élections politiques dans le département (élections nationales, européennes, locales et
référendums), ce qui représente une charge de travail importante en période électorale. Elles
assurent notamment le secrétariat des commissions de propagande, la mise sous pli et l’envoi
de la propagande officielle, ainsi que la collecte et la transmission des résultats. Les maires sont
placés, pour l’exercice de leurs missions dans l’organisation des élections, sous l’autorité du
préfet. Du fait de la baisse de leurs effectifs, les préfectures ont eu recours de plus en plus
fréquemment (jusqu’à 85 % d’entre elles pour les régionales de 2021) à des prestataires privés
pour réaliser les opérations de mise sous pli de la propagande électorale. A la suite des
dysfonctionnements constatés dans l’acheminemen
t de cette propagande lors des élections
départementales et régionales de 2021, le ministère de l’intérieur a décidé de réinternaliser les
opérations de mise sous pli, réalisées désormais soit en régie préfectorale, soit en délégation par
des communes volo
ntaires dans le cadre d’une convention excluant le recours à la sous
-
traitance. Par dérogation, le ministère a toutefois autorisé les préfectures des départements de
plus de 500 000 électeurs à externaliser la mise sous pli dès lors que les opérations étaient
mécanisées et que l’entreprise de routage était située à moins d’une heure trente minutes du
chef-lieu du département. Dans les départements de moins de 500 000 électeurs,
l’externalisation pouvait être décidée si, en plus des critères précédents, les
préfectures
n’
avaient pas rencontré de dysfonctionnement avec leur routeur lors du double scrutin de 2021.
Au total, 51 préfectures ont internalisé la mise sous pli en 2022 (dont 7 le faisaient déjà en 2021
alors que 43 l’av
a
ient externalisée) et 45 l’ont
externalisée (dont 43 l
’externalis
aient déjà en
2021)
55
.
Certaines des préfectures qui ont réinternalisé la mise sous pli en 2022 ont constaté une
perte de mémoire quant aux modalités pratiques d’organisation
(notamment s’agissant de
l’encadrement des nombreux
contractuels de courte durée recrutés spécifiquement à cette fin).
En outre, elles ont fait état de délais de paiement importants des agents spécifiquement recrutés
pour les tâches de mise sous pli qui, en novembre 2022
, n’étaient pas encore rémunérés au titre
de leur prestation du mois de juin.
Les préfectures jouent également le rôle de greffe des associations, mission dont les
effectifs ont considérablement baissé. La tenue du répertoire national des associations repose
désormais sur une forte dématérialisation des procédures. Pour autant, ont pu être constatées la
disparité des modes d’organisation des greffes au niveau territorial, la transmission purement
locale de l’expertise juridique et la diversité des pratiques d’un département à l’autre ainsi que
l’insuffisance de coordination nationale.
À
cette mission s’ajoute l’exercice d
e suivi des
fondations reconnues d’utilité publique
(FRUP), d
es associations reconnues d’utilité publique
55
Cour des comptes,
Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2022 de la mission AGTE
, avril 2022. Les
10 préfectures et hauts-
commissariats d’outre
-
mer ont continué à assurer la mise sous pli en régie, en l’absence de
prestataire sur place.
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
55
et des fonds de dotation. À
l’exception de la préfecture
de
région d’Ile
-de-France (qui a la
charge de la moitié des établissements concernés)
, qui s’est dotée d’une équipe
spécifique, cette
mission de suivi ne peut être exercée, faute de moyens, que de manière lacunaire par les
préfectures de département concernées. Le niveau régional semble plus pertinent pour assurer
un support technique et financier aux préfets de département. Une expérimentation de la
mutualisation au niveau régional des compétences et des moyens perme
ttant l’exercice de la
tutelle sur les FRUP et le contrôle des fonds de dotation, en appui des préfets de département,
pourrait être intéressante.
Ce suivi est d’autant plus important qu’il fait régulièrement apparaître
des structures de financement de la radicalisation.
2.4
Le contrôle et l’accompagnement des collectivités locales
Si les relations avec les collectivités territoriales sont en jeu dans la grande majorité des
missions du préfet, certaines de ces missions sont entièrement tournées vers les collectivités. Il
s’agit des missions de contrôle de légalité et de contrôle budgétai
re, de suivi des
intercommunalités ainsi que de calcul des dotations dues à ces collectivités. S’y ajoute une
fonction de conseil. La Cour, dans ses observations définitives sur
Les préfectures, une nouvelle
génération
notait en 2016 : «
Les missions exercées par les préfectures en relation avec les
collectivités territoriales sont marquées notamment par un déclin de fait des tâches de contrôle,
une vigueur croissante de la fonction de conseil et le poids toujours plus lourd de la gestion
des travaux concernant les dotations et le FCTVA.
»
Tableau n° 13 :
Effectifs de la mission relations avec les collectivités locales (ETPT)
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
Evolution
2016/2022
Contrôle de
légalité
885
924
970
915
919
900
887
0,2%
Contrôle
budgétaire
277
272
277
263
260
263
256
-7,6%
Intercommunalité
279
266
260
248
252
244
243
-13,1%
Dotations aux
collectivités
593
640
690
672
670
664
685
15,6%
PIACL
25
21
21
1
Total
2034
2102
2197
2123
2123
2091
2072
1,8%
Source :
ministère de l’intérieur (données A
NAPREF)
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
56
2.4.1
Le contrôle de légalité et le contrôle budgétaire, une érosion des moyens et un
manque d’attractivité qui
compromettent la qualité du contrôle
Le contrôle de légalité et le contrôle budgétaire sont parfois présentés comme une
survivance un peu anachronique et peu efficace, ayant perdu de leur utilité dans un contexte
d’explosion du contentieux administratif à l’initiative des citoyens ou des associations. Mais il
s’agit d’une des missions du préfet qui résulte directement de l’article 72 de la Constitution.
En
outre, l’intervention du préfet permet d’éviter que le respect de la légalité soit trop variable
selon les territoires, en fonction des plus ou moins grandes appétence et capacité locales pour
le contentieux. Enfin, certains des actes transmis aux préf
ets (contrats d’agents non titulaires,
par exemple) ne sont pas publics.
Dans son rapport sur le contrôle de légalité et contrôle des actes budgétaires en
p
réfecture de septembre 2022, la Cour relevait l’érosion des moyens humains (notamment des
effectifs du contrôle des actes budgétaires : -13 % entre 2015 et 2021), au regard des 6,12
millions d’actes administratifs (+22
%), dont 21% sont contrôlés en 2021, et des 288 000 actes
budgétaires, dont 57 % sont contrôlés. Dans les petites préfectures, les effectifs consacrés à ces
missions sont souvent faibles (neuf agents au total pour la préfecture des Deux-Sèvres, six pour
la préfecture de la Meuse) avec des tensions importantes liées à des sollicitations en amont de
plus en plus nombreuses d’élus
ou de fonctionnaires territoriaux, qui préfèrent demander
conseil avant de prendre des actes dont ils ne sont pas certains de la légalité. Ces sollicitations
ne sont pas prises en compte dans les indicateurs d’activité des bureaux alors que ce travail de
pré-contrôle
explique en partie le faible taux d’irrégularités constatées (1,2
% des actes
administratifs et 3,3 % des actes budgétaires). En outre, l
’entrée en vigueur de la loi du 24 août
2021
56
confortant le respect des principes de la République et l’instruction du
31 décembre
2021 relative au contrôle de légalité des actes portant gravement atteinte aux principes de laïcité
et de neutralité des services auront
un impact qui reste à mesurer sur l’activité des agents.
La
direction générale des collectivités locales a indiqué travailler en collaboration avec la direction
du management, de l’administration territoriale et de l’encadrement supérieur
(DMATES) afin
d’élaborer un nouvel indicateur spécifique permettant de valoriser le temps passé sur cette
mission de conseil par les agents de préfecture.
Aujourd’hui, le niveau de qualité du contrôle est
tributaire de
l’ajustement et
de la
priorisation des missions et certaines préfectures
n’ont d’autre choix que d’aller
au-delà du délai
réglementaire de deux mois à compter de la
réception de l’acte
pour répondre à la collectivité.
Les fonctions de contrôle de légalité en préfecture sont souvent peu attractives, en raison
d’une méconnaissance du métier et
des formations spécifiques proposées par la sous-direction
du recrutement et de la formation (SDRF)
57
. Cela conduit à faire appel à des détachements de
fonctionnaires hors ministère de l’intérieur ou issus de la fonction publique territoriale.
Pour
éviter des départs, il a fallu accepter que certains personnels de sous-préfecture réaffectés en
contrôle de légalité ou contrôle budgétaire dans le cadre du PPNG restent localisés en sous-
préfecture.
Il s’agit souvent de personnels de catégorie C
provenant de services récemment
fermés (accueil du public), ne disposant ni de la motivation ni des compétences pour effectuer
56
Loi n°2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République
57
Une formation de tronc commun de 12 heures a été suivie par 44 stagiaires en 2022 et quatre formations
de spécialisation sur les priorités nationales (commande publique, fonction publique territoriale, urbanisme et
interventions économiques) sont proposées. Un module dédié à l’intercommunalité est en cours d’élaboration.
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
57
ces missions.
Les agents chargés du contrôle de légalité et des actes budgétaires sont d’autre
part plutôt âgés et de nombreux départs en retraite sont à prévoir dans les prochaines années. Il
s’agit d’une
une tendance lourde et
durable pour l’ensemble du périmètre de l’ATE comme le
souligne le contrôle de la Cour sur «
les effectifs de l’administration territoriale de l’État
».
Avec un âge moyen de presque 49 ans, la part des effectifs de 62 ans et plus a augmenté de
28 % depuis 2016 et une augmentation de 30 % du nombre de départs en retraite est attendu
entre 2021 et 2024 au moins.
Le repyramidage des effectifs qui devait professionnaliser
ces services n’a été que
partiellement réalisé. Si la part des personnels de catégorie A a très légèrement progressé,
passant de 18 à 20% des effectifs, celle des personnels de catégorie C est restée stable à 29%
mais peut être beaucoup plus élevé dans certaines préfectures. Un plan ministériel de formation
mis en œuvre à c
ompte de 2021 prévoit que chaque agent nouvellement arrivé bénéficie de 21
heures de formation pour le contrôle de légalité et 12 heures pour le contrôle des actes
budgétaires. Si cette mesure est globalement respectée et considérée comme utile, la formation
n’intervient souvent que plusieurs mois après la prise de poste, ce qui, combiné à l’absence de
tuilage entre partant et arrivant (liée à des vacances de postes de plusieurs mois) complique la
prise en charge du poste pour les nouveaux affectés.
Les fragilités de cette mission ont été mises en lumière par la Cour dans son rapport
public annuel de 2016 puis dans son rapport de novembre 2022. Malgré des progrès observés
entre ces deux contrôles
concernant l’appui au
réseau et le développement des
formations, la
Cour relève que peu d’actions
correctrices
et presqu’aucune des recommandations formulées
n’ont été mises en œuvre
, alors même que le PPNG faisait du contrôle de légalité et du contrôle
budgétaire une des quatre missions prioritaires des préfectures.
Le pôle interrégional d’appui au contrôle de légalité (PIACL)
créé en 2002 et rattaché à
la direction générale des collectivité locales (DGCL) comprend une vingtaine de juristes ayant
pour mission de répondre aux demandes des préfectures sur des points de droit précis ou sur la
légalité d’un acte dans le cadre de leurs missions de contrôle de légalité et de contrôle des actes
budgétaires. Il est très apprécié des agents qui considèrent
qu’il apporte une réelle plus
-value
en raison de son mode de saisine
via le système d’information pour l’appui au contrôle de
légalité (SIACL) et de la précision de ses réponses dans des délais courts (délai moyen de 10
jours). Une extension des attributions du PIACL au domaine de la formation spécialisée, en
coopération avec la sous-direction du recrutement et de la formation et la DGCL, et à
l’animation d’un réseau de référents pourrait
apporter une réelle plus-value
quant à l’offre
programmatique proposée aux agents de ces services. Rattachés en 2019 au programme 354,
les effectifs du PIACL
ont fait l’objet d’un transfert à hauteur de 20 ETP au programme 216
«
Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur
» en gestion 2022.
Dans son rapport public annuel de 2016, la Cour recommandait de généraliser et
formaliser les partenariats avec les directions départementales des territoires et de la mer
(DDTM) pour le contrôle de légalité des actes d’urbanisme et avec les directions
départementales ou régionales des finances publiques pour le contrôle budgétaire. Dans les
préfectures visitées par la Cour, de bonnes relations et des habitudes de travail sont appliquées
même si elles demeurent hétérogènes entre préfectures. Ainsi, dans la préfecture des Deux-
Sèvres, les actes d’urbanisme sont reçus en préfecture mais
sont transférés à la DDT, qui exerce
le contrôle des actes prioritaires. Dans les préfectures du Bas-Rhin et des Alpes-Maritimes, ce
sont des agents détachés de la DDT qui réalisent ce travail (respectivement deux et cinq agents).
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
58
Le
s taux d’utilisation
des systèmes @ctes et @ctes budgétaires
58
par les collectivités
sont de respectivement 73 % et 50 % mais ne doivent toutefois pas masquer le nombre
important de documents papiers ni le caractère perfectible de l
’interface
de l’outil
, qui rend le
télétravail compliqué (nécessité notamment de deux écrans externes). La DGCL travaille à
rendre ce logiciel métier plus dynamique en proposant des améliorations relatives aux contrôles
automatisés et à la résolution d’anomalies.
L
’État
soutient financièrement l’installation d’@ctes
et @ctes budgétaires dans les communes et
l’année 2022 marque la mise en place d’une
interface entre PLAT’AU
59
et @ctes pour faciliter la dématérial
isation de l’instruction des
demandes d’autorisation du droit des sols pour l’ensemble des communes de plus de 3
500
habitants et la télétransmission de ces actes au contrôle de légalité. Cette modernisation pose la
question de la généralisation de
l’oblig
ation de raccordement et de transmission dématérialisée
des actes par les collectivités.
2.4.2
L’accompagnement des collectivités, une mission de conseil et d’expertise qui
fait l’objet d’une forte demande des élus
Les fonctions de conseil, de support et d’appu
i aux élus demeurent un élément essentiel
de la fonction préfectorale mais elles supposent que le préfet puisse recourir aux compétences
et expertises nécessaires pour exercer efficacement ces fonctions. Dans certaines préfectures,
la direction des relations avec les collectivités territoriales est qualifiée de « direction à
géométrie variable
», c’est
-à-dire que son activité dépend des effectifs et des priorités. À
l’exception des subventions aux investissements qui font l’objet d’un processus cadré, l’app
ui
aux élus et le suivi de thématiques locales dépend parfois du nombre de chargés de mission et
des compétences détenues.
Les élus connaissent bien le dispositif DETR qui a peu évolué depuis 15 ans. En
revanche, la DSIL et les dispositifs proposés dans les différents plans et appels à projets sont
jugés trop complexes par l’association des maires de Nouvelle
-Aquitaine. Dans de nombreux
territoires ruraux, les
communes ne disposent que d’un seul agent administratif et plusieurs
communes se partagent souvent un secrétaire de mairie
qui n’
a ni le temps de lire les documents
ni de remplir les demandes.
Dans tous les départements visités, le sous-
préfet d’arrondiss
ement est le point de
contact privilégié des élus pour les demandes de subventions d’investissement (DETR, DSIL
)
et le FCTVA. Si depuis PPNG il ne dispose plus à la sous-préfecture des effectifs et des
compétences pour en faire le suivi administratif et financier, le sous-préfet conserve un rôle
d’instruction et de priorisation dont certains reconnaissent qu’il s’agit d’un des
plus efficaces
moyen
d’influ
ence dont il dispose auprès des élus, les subventions accordées étant souvent
l’élément déclencheur de l
a capacité à réaliser ou pas le projet pour la collectivité.
L’association
des maires ruraux de la Meuse a demandé à la commission DETR de revoir à la baisse le
58
@ctes et @tes budgétaires sont les systèmes d’information destinés à mettre en œuvre le c
ontrôle de
légalité et le contrôle budgétaire dématérialisés. Il s’agit à la fois d’un réseau de collecte accessible par internet et
un outil métier permettant aux agents des services déconcentrés de l’État d’opérer sur écran le contrôle des actes
transmis par voie électronique.
59
PLAT’AU est une plateforme d’échange et de partage des dossiers entre tous les acteurs de la chaine
d’instruction pour les demandes d’autorisation d’urbanisme.
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
59
plancher d’éligibilité des dossiers à 8
000
afin de pouvoir financer les dossiers des plus petites
communes.
Dans les départements les plus pauvres, cette manne financière associée à d’autres
sources de financement permet de subventionner les projets jusqu’à 80
% du montant total. Les
crédits accordés dans le cadre du plan de relance ont parfois permis de doubler les enveloppes
DETR - DSIL
60
attribuées à un territoire, conduisant par ailleurs à une chute du taux de
sélectivité des projets.
2.5
L’animation des politiques publiques
En tant que représentant de
l’État
, le préfet doit diriger et coordonner
l’action des
services de
l’État afin d’
en assurer la cohérence. Il doit plus particulièrement conduire certaines
politiques publiques spécifiques nécessitant une forte coordination interministérielle (politique
de la ville, logement et cohésion sociale, économie, emploi et aménagement du territoire,
environnement et développement durable).
La mission d’animation des politiques publiques a vu ses effectifs
très légèrement
augmenter sur la période 2016-2022 (+1,4 %), avec toutefois des disparités au regard des
missions.
Tableau n° 14 :
Effectifs de la mission d’animation des politiques publiques (ETPT)
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
Evolution
2016/2022
Politique de la ville,
cohésion sociale,
aménagement du territoire
et ruralité
420
433
582
605
625
649
659
57,1%
Dont politique de la ville
278
286
295
292
295
302
303
9,2%
Dont cohésion sociale
142
147
151
143
140
133
133
-6,1%
Dont aménagement du territoire
et ruralité
136
170
191
213
223
63,6%
Emploi et développement
économique
475
466
386
330
310
302
290
-38,8%
Environnement et
développement durable
805
795
752
712
692
666
654
-18,8%
Gestion des fonds
européen
127
65
37
26
26
23
30
-76,3%
Coordination
interministérielle
743
753
799
794
1088
1049
974
31,0%
Dont coordination infra
départementale/départementale
436
461
492
476
460
458
438
0,5%
60
La préfecture des Deux-
Sèvres a bénéficié en 2021 de 8,4 M€ de DETR,
4 M€ de DSIL et 10 M€ du
plan de relance pour les entreprises et collectivités. Pour la sous-préfecture de Parthenay, ce sont 30 dossiers sur
50 qui ont fait l’objet d’une subvention entre 3
000 et 300 000 euros.
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
60
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
Evolution
2016/2022
Dont coordination régionale
307
292
307
318
628*
591
536
74,3%
Logement et expulsions
locatives
579
592
620
611
597
596
587
1,3%
Total
3150
3105
3175
3079
3339
3285
3195
1,4%
Source :
ministère de l’intérieur (données Anapref)
*le périmètre de la coordination régionale a évolué en 2020 pour intégrer les personnels des SGAR au sein du
programme 354 (hors SGAR et SGAR adjoints) soit environ 330 ETPT.
L’emploi et
le développement économique, et la gestion des fonds européens, ont perdu
respectivement 39 % et 76 % de leurs effectifs, en cohérence avec le transfert de compétences
inscrit dans la loi NOTRe au profit des régions et collectivités du bloc communal. Cela a par
ailleurs posé des difficultés aux services de
l’État
lors du traitement des dossiers de demande
de subventions des entreprises dans le cadre du plan de relance, les services de
l’État n’ayant
plus la connaissance fine du tissu économique détenue avant la réforme par les services
économiques déconcentrés de l’
État (les pôles Entreprise-Emploi-Economie
61
). Les préfets ont
cependant
joué pleinement leur rôle de coordonnateur en s’appuyant sur
les services publics
qui ne sont pas sous leur autorité et sur les services économiques des régions.
Les effectifs de la coordination interministérielle du niveau régional
ont fait l’objet d’un
ajustement entre 2019 et 2020 suite à la création du programme 354 et à la ventilation des
effectifs des anciens programmes 307 et 333.
L’augmentation
de plus de 50 % des effectifs de la sous-mission « politique de la ville,
cohésion sociale, aménagement du territoire et ruralité »,
s’explique
essentiellement par
l’intégration dans son périmètre
en 2018 des agents
en charge des missions d’aménagement des
territoires et de la ruralité (développement des maisons France services ou des maisons de santé
pluridisciplinaires,
suivi des contrats de ruralité, des contrats de relance et CRTE).
2.6
Un management stratégique aux effectifs confortés mais au risque
d’une certaine dispersion
Les effectifs
liés au management et à l’appui au pilotage stratégique
ont connu une forte
augmentation depuis 2016. Cela tient principalement à un changement de périmètre avec le
rattachement en 2020 au programme 354 nouvellement constitué des emplois de SGAR et
SGAR adjoints et directeurs et directeurs adjoints des DDI qui relevaient auparavant des
services du Premier ministre (programme 333), soit un total de 526 emplois. D’autres transferts
sont intervenus en 2020 (commissaires à la lutte contre la pauvreté) et en 2021 avec notamment
la création des DDETS.
61
Ce sont les pôles 3E des ex directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation,
du travail et de l'emploi (DIRECCTE) remplacées le 1
er
avril 2021 par les directions régionales de l'économie, de
l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS).
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
61
Tableau n° 15 :
Effectifs liés au management et à l’appui au pilotage stratégique (ETPT au 31
décembre)
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
Evolution
2016/2022
Management stratégique
1499
1460
1962
(+526
)
2155
2274
51,7%
Appui au pilotage stratégique
(secrétariat)
814
829
835
929
933
14,6%
Total Management et appui au
pilotage stratégiques
2 352
2 314
2 313
2 289
2 797
3 084
3 207
36,3%
Source
: ministère de l’intérieur (données ANAPREF)
. Les ETPT indiqués entre parenthèse retracent les
modifications de périmètre.
À
ces transferts se sont toutefois ajoutées des créations d’emplois avec
notamment la
mise en place en 2021 de trente sous-préfets à la relance, ainsi que le déploiement de 23
directeurs de projets et experts de haut-niveau en administration territoriale, placés auprès des
préfets.
Si la volonté de renforcer l’administration territoriale en hauts
-fonctionnaires répond à
un besoin, elle fait toutefois courir le risque d’une certaine dispersion si ceux
-ci ne sont pas
pleinement intégrés dans les organisations existantes. Ainsi, les préfets de région peuvent
s’appuyer depuis 2019 sur 18
« commissaires à la lutte contre la pauvreté » (décret du 24 janvier
2020), dans un champ de compétence pourtant largement décentralisé. Les échanges avec les
préfectures de département ont montré que
l’articulation des missions de ces commissaires avec
l’action du niveau départemental, notamment des sous
-préfets chargés de la politique de la ville,
n’allait pas de soi. En outre, 15 conseillers diplomatiques du ministère des affaires étrangères
(non po
rtés par le programme 354) sont placés auprès des préfets de région, parfois dotés d’une
équipe. Pourtant, la Cour a constaté que les missions de coordination de la coopération
transfrontalière demeuraient largement assurées par les préfets de département, sans lien
évident avec le conseiller diplomatique régional. Sont également rattachés aux préfets de région
les délégués à l’accompagnement régional du ministère des armées ainsi que des délégués
régionaux de l’ANSSI.
L’accroissement du nombre de hauts
fonctionnaires dotés de missions spécifiques peut
en outre contribuer à une augmentation des commandes passées aux services des DDI ou des
préfectures, de manière plus ou moins coordonnée, alors que ces services ont connu une forte
baisse de leurs effectifs. Elle pose la question de la capacité pratique des préfets à suivre dans
la durée leurs travaux. Ces cadres ont en effet souvent été rattachés directement aux préfets et
non pas intégrés dans un organigramme structuré
comme celui des SGAR au niveau régional
permettant de garantir un management efficace.
***
Au terme de son
analyse de l’adéquation des missions et des moyens des préfectures
, la
Cour constate que les tensions sur les effectifs
découlant des suppressions d’emplois mises en
œuvre depuis le
début de la RéATE sont particulièrement marquées dans trois domaines :
délivrance des titres, accueil et séjour des étrangers, contrôle de légalité et contrôle budgétaire.
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
62
La direction du budget estime
que cette situation n’est pas tant imputable aux sché
mas
d’emplois programmés au titre des préfectures qu’à leurs conditions de mise en œuvre, et que
le caractère soutenable des schémas d’emplois aurait été conforté si leur déploiement s’était
accompagné de la mise en place d’une gestion dynamique des effectifs et d’une réforme de la
carte préfectorale. D
ans son rapport sur les effectifs de l’administration territoriale de
l’État
, la
Cour avait également appelé à une meilleure allocation des effectifs entre préfectures, tout en
estimant que les suppressions de postes dans les préfectures
n’avaient pas été réalistes.
Le secrétaire général du ministère de l’intérieur rappelle, quant à lui, que le préfet de
département est l’échelon décisionnaire en matière d’affectation des moyens qui lui sont alloués
par le préfet de région. Il mentionne également la démarche « missions prioritaires des
préfectures 2022-2025 » (MPP 2022-2025)
qu’il a engagé
e
pour définir des priorités d’action
pour les préfectures et fixer un cap au réseau préfectoral, sans remettre en cause la logique de
responsabilisation des échelons locaux dans la répartition des missions.
Toutefois, comme la Cour l’a déjà indiqué, les thématiques de MPP 2022
-2025
reprennen
t pour l’essentiel les missions classi
que
s des préfectures et bénéficient toutes d’un
même degré de priorité.
D’autre part, il est de la responsabilité du ministère de l’intérieur de
s’assurer que la répartition des moyens permet à ses services déconcentrés de remplir leurs
missions dans des conditions acceptables pour les usagers. Aussi, pour éviter la poursuite de la
dégradation des indicateurs de performance des
missions pour lesquelles les tensions sur les
moyens sont les plus fortes
, le ministère de l’intérieur doit
adapter les effectifs au niveau réel
d’activité de
s services concernés.
Recommandation n° 5.
(
SG du ministère de l’intérieur
) : Renforcer les effectifs dédiés
aux titres, aux étrangers et au contrôle de légalité et des actes budgétaires, compte tenu
du
niveau d’activité de ces
services.
______________________ CONCLUSION INTERMÉDIAIRE ______________________
L’analyse de l’adéquation des mi
ssions et des moyens des préfectures menée par la
Cour met en évidence des tensions
dans l’exercice des missions, découlant des suppressions
d’emplois mis
es
en œuvre depuis le début de la RéATE.
Dans les domaines de la délivrance des titres et de l’accueil et du séjour des étrangers
(l’augmentation des effectifs des services des étrangers n’ayant pas suivi celle de la demande
de titres), les indicateurs de performance se sont fortement dégradés, t
émoignant d’une baisse
de la qualité du service pour les usagers se manifestant notamment par un allongement excessif
des délais de délivrance des titres. En outre, l’érosion des moyens humains fragilise l’exercice
des contrôles de légalité et budgétaire confiés aux préfets. Il est de la responsabilité du
ministère de l’intérieur de s’assurer que
ces missions disposent des moyens humains adaptés
au
niveau d’activité
des services concernés. Il doit le faire en limitant le recours à des agents
contractuels de courte durée,
qui n’ont pas vocation à exercer ces missions permanentes.
Si les préfectures parviennent à répondre à leurs autres missions (sécurité et gestion de
crise, élections et réglementation, animation des politiques publiques), elles manquent d’o
utils
facilitant leur réactivité, notamment face au surcroît d’activité ou en période de crise. En
particulier, les crises récentes ont montré la nécessité de pouvoir déployer des renforts
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
63
nationaux ou régionaux au profit des préfectures faisant face à une crise exceptionnelle. En
outre, les moyens attribués aux préfectures par le dialogue de gestion sont obérés par leurs
difficultés de recrutement, traduisant ainsi un lourd problème d’attractivité des postes ouverts.
La mise en œuvre du plan
« Préfectures nouvelle génération » (PPNG), centré sur la
dématérialisation de la délivrance des titres, avait conduit à la fermeture des guichets des
préfectures, à l’exception de ceux des services chargés des étrangers. La restauration d’une
fonction d’accueil du public s’est imposée, en particulier à destination des personnes ayant des
difficultés dans l’usage des outils numériques. La
restauration de cette fonction par la création
de
points d’accueil numériques reste assez hétérogène
sur le territoire.
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
64
3
UN ROLE DE COORDINATION TERRITORIALE A
ARTICULER AVEC L’ACT
ION DES OPERATEURS ET DE
L’
ÉTAT CENTRAL
Au-
delà des moyens humains sur lesquels ils peuvent s’appuyer, les préfets
, pour
remplir leurs missions, doivent également être en mesure de coordonner
l’action de
l’État
dans
leur territoire. Ce rôle de coordination doit composer
avec l’
action
des opérateurs de l’État
, aux
actions souvent marquées par une forte verticalité
, ainsi qu’avec un
État central qui fixe des
objectifs aux préfets mais peut aussi être tenté
d’intervenir directement sur le terr
ain.
L
’efficacité de l’
action des préfets dépend également de leur capacité à établir des relations
avec de nombreux acteurs, notamment les collectivités territoriales.
3.1
La capacité des préfets à coordonner l’action des
services de
l’
État et
des opérateurs
3.1.1
La coordination de l’action des services de l’État, placés ou non sous l’autorité
des préfets
Aux termes du décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, le préfet dirige,
sous l'autorité des ministres et dans les conditions définies par ce décret, les services
déconcentrés des administrations civiles de l'État. Le décret
prévoit toutefois qu’un certain
nombre de services déconcentrés ne sont pas placés sous son autorité (cf.
infra
).
S’agissant des services placés sous leur autorité, les pouvoirs conférés par le décret du
29 avril 2004 et l’institution de réunions régulières du collège des chefs de services, souvent
doublées de réunions bilatérales, permettent
d’assurer une fluidité dans la relation
entre les
préfets et les services placés sous leur autorité. Au niveau départemental, le contenu de la
relation entre les préfets et chacune des DDI s’est sensiblement amélioré par rapport aux
constats effectués dan
s les années antérieures, grâce au déploiement d’outils de pilotage des
DDI plus ou moins formalisés (lettres de missions, projet stratégique, tableau de suivi, etc.) et
à un dialogue social de qualité. Certaines des DDI rencontrées ont toutefois relevé qu
’elles
pouvaient faire l’objet d’attentes différentes
de la part du préfet et des directions régionales, ces
dernières pilotant en fonction des priorités des administrations centrales, avec parfois une
logique prononcée de silo reproduisant les silos centraux
62
.
L
’autorité que les préfets de région ont sur les directions régionales n’est pas aussi forte
que celles des
préfets de département sur les DDI. Cela tient à l’organisation de
s directions
régionales sur la base des périmètres ministériels, aux relati
ons directes qu’elles entretiennent
avec leur ministère de rattachement et au souci de certaines administrations centrales de les
piloter assez directement. D’une manière plus générale, lorsque les ministres réunissent les
62
Ainsi une DDTM peut se trouver confrontée à des demandes du service chargée de la biodiversité d’une
DREAL qui ne tiennent pas compte de l’impact de leurs demandes sur des projets d’énergie renouvelable ou de
logement social
, soutenus par d’autres service
s de la même direction régionale.
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
65
directeurs régionaux de leur péri
mètre ministériel, il n’y a pas d’information systématique des
préfets de région sur le contenu de la réunion.
Cette différenc
e se traduit également dans la nature de l’autorité que les préfets exercent
sur les chefs de services déconcentrés. Cette autorité reste en-
deçà d’une autorité hiérarchique
pleine et entière. Le préfet est consulté par l'autorité compétente préalablement à toute
proposition de nomination, affectation ou mutation des chefs de service déconcentré placé sous
son autorité et de leurs adjoints. Il adresse annuellement à l'autorité investie du pouvoir de
nomination une évaluation sous forme d'appréciation littérale ainsi qu'une proposition de
notation pour chacun de ces chefs de service. Il est en principe informé de la note définitivement
attribuée.
L’influence des préfets sur le choix des chefs de services déconcentrés est plus forte
pour les DDI,
pour lesquels le ministère de l’intérieur, qui assure leur gestion depuis 2020, suit
assez systématiquement l’avis du préfet sur les candidats,
que pour les directeurs régionaux.
Plusieurs préfets de région ont ainsi indiqué qu’il arrivait qu’un ministère leur soumette
le nom
d’
un seul candidat pour un poste de directeur régional. Ils ne sont pas non plus convaincus de
l’impact réel des avis qu’ils produisent dans le cadre de l’évaluation des directeurs régionaux.
Cette capacité limitée du préfet à choisir ses collaborateurs
63
peut affecter sa capacité à être le
vrai patron des services de
l’État
.
Toutefois, la principale difficulté en la matière tient, comme évoqué plus haut, à la
relation entre les préfets de département et les directions régionales. S’y ajoute le fait que deux
directions régionales, la DREAL et la DRAC, conservent, sous forme d’« unités territoriales »,
des services départementau
x qui leur sont hiérarchiquement rattachés et à l’égard desquels le
préfet ne dispose que d’une autorité fonctionnelle partielle.
En matière de sécurité publique, les relations avec la police, la gendarmerie et les
services départementaux d’incendie et de
secours (SDIS) sont fluides et régulières, prenant la
forme de réunions hebdomadaires, associant police et gendarmerie mais aussi dans de
nombreux départements le directeur du SDIS, et
d’échanges continus, tant au niveau des préfets,
des directeurs de cabinet que des sous-
préfets d’arrondissement. Cette fluidité est importante
dans un contexte où les réseaux sociaux d’une part et le développement, d’autre part, des polices
municipales comme source d’information des élus locaux, rendent
indispensable le partage
rapide
d’
une information fiable au sein de
l’État
. En dépit de leur rattachement aux DDSP, les
services du renseignement territorial ont conservé, avec l’accord de leur hiérarchie, une relation
directe avec les préfets.
Toutefois, comme l’a souligné la
Cour dans son rapport public annuel 2023, l
’unité
d’action de
l’
État dans les territoires
n’
est pas complètement assurée, dans la mesure où
certaines administrations de
l’
État
échappent à l’autorité des préfets
. Certaines de ces
exceptions sont justifiées par le principe de séparation des pouvoirs (juridictions judiciaires,
administratives et financières), par la séparation entre autorité civile et militaire (armée) ou par
l’exercice d’activités qui, sans être j
uridictionnelles, nécessitent une certaine indépendance
(ainsi de l’inspection du travail ou des statistiques). D’autres
exceptions relèvent de traditions
administratives (services économiques et financiers, éducation nationale) ou de réformes
récentes (santé publique et veille sanitaire) Ainsi la création des agences régionales de santé
63
Cette limitation vaut d’ailleurs également pour la nomination des
membres du corps préfectoral. Seuls
les préfets les plus importants ont une réelle capacité de choix en la matière.
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
66
(ARS) en 2009 a retiré aux préfets une partie de leurs compétences et aussi des services sur
lesquels ils pouvaient s’appuyer, puisqu’elles ont absorbé les services chargés
de la santé dans
les DDASS et les DRASS.
Ces exceptions à l’autorité du préfet n’interdisent pas les échanges. Ainsi, le préfet de
département réunit régulièrement un collège des chefs de service qui comprend, outre les
membres du corps préfectoral et les
directeurs des services placés sous son autorité, d’autres
responsables de l’État : le directeur départemental des finances publiques, le directeur
académique des services de l’éducation nationale, les responsables des unités départementales
de la DREAL et de la DRAC, ainsi que, le plus souvent, le responsable de la délégation
départementale de l’ARS.
D’après les témoignages recueillis lors de l’enquête de la Cour
, les relations avec ces
services non placés sous l’autorité du préfet peuvent être de grande
qualité, mais restent
dépendantes de la qualité des relations qui se nouent entre les personnes, et donc susceptibles
d’être remise
s en cause à chaque changement de titulaire.
3.1.2
Une capacité de coordination des opérateurs de
l’État
à renforcer
3.1.2.1
L’
« agencification » peut compliquer les efforts du préfet pour assurer la
cohérence de l’action de l’Éta
t
La principale difficulté identifiée dans la capacité des préfets à assurer l’unité d’action
de
l’État
tient à la multiplication des opérateurs
de l’
État, dotés le plus souvent du statut
d’établissement public, à caractère industriel et commercial (ANRU, ADEME) ou administratif
(agences régionales de santé,
ANAH, agences de l’eau) et bénéficiant, à ce titre, d’une
autonomie, qui a pour conséquence qu’ils ne s’insc
rivent pas dans la chaine de commandement
classique des services de
l’État
.
Dotés de conseils
d’administration dont ils mettent en œuvre les décisions et parfois de
services implantés sur le territoire, leurs actions sectorielles et marquées par une forte verticalité
peinent à s’articuler avec la mission confiée aux préfets d’assurer la cohérence globale de
l’action de l’État sur un territoire donné. Comme l’a résumé la Cour, dans son rapport public
thématique (RPT) de 2017 sur les services déconcentrés de
l’État : «
L’État hésite encore entre
une décentralisation territoriale, reposant sur l’intervention de ses services déconcentrés, et
une déconcentration fonctionnelle, caractérisée par la création d’agences ou d’opérateurs
nationaux toujours plus nombreux
».
Le fonctionnement en silo des opérateurs,
dans une logique n’intégrant pas
spontanément le rôle du préfet, peut conduire à un affaiblissement de sa position vis-à-vis des
collectivités territoriales. Ainsi, dans la région Grand Est, un partenariat a été conclu en 2019
entre la direction régionale de l’agence de l’environnement de la maîtrise de l’énergie
(ADEME) et le Conseil régional pour mettre en commun des crédits et se répartir les tâches
dans le cadre d’un programme «
Climaxion » pour la transit
ion énergétique et l’économie
circulaire, sans que la préfète de région
n’
ait été consultée préalablement sur ce mode
d’organisation.
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
67
En effet, les agences disposent de leurs propres dispositifs de contractualisation, dont
les préfets sont souvent absents
. En outre, l’État leur a souvent confié la responsabilité
d’organiser l’ingénierie de
sa contractualisation. Ainsi, le support en ingénierie des CRTE est
réparti entre l’ADEME, le CEREMA et l’ANCT. De son côté, l’ADEME noue des contrats
avec différents acteurs, y compris les collectivités locales, représentant à ce jour près de 7 000
conventions.
Les préfectures rencontrées ont fait valoir que la non-association des préfets au
processus d’attribution de
subventions des agences pouvait les amener à financer des entités
qui ne l’auraient pas été si le préfet avait été associé à la décision, dans la mesure où celui
-ci
peut disposer sur le candidat d’informations auxquelles l’agence n’a pas accès par le seul
examen de la réponse à un appel à projets. Cela peut
être le cas par exemple d’associations
faisant l’objet d’un suivi par le renseignement territorial
ou ne respectant pas la réglementation
sur les établissements recevant du public, ou d’entreprises qui se sont mal comportées dans le
cadre de plans sociaux.
Les préfets peuvent également ne pas être consultés quand un directeur général d’ARS
décide de fermer une structure hospitalière.
Parfois ils n’en sont même pas informés. Ainsi,
dans la Meuse, le préfet a découvert dans la presse la fermeture des services maternité et
pédiatrique de Bar-le-Duc
par décision de l’ARS en juin
2019
. Même si cette situation n’est
pas la règle générale, il n’est pas normal que l’information du préfet sur ces fermetures soit
fonction de la qualité des relations ou du bon vouloi
r du directeur général de l’ARS.
De même, les prises de position publiques des opérateurs peuvent placer en porte-à-faux
les préfets ou compliquer leurs tâches, lorsqu’elles viennent en contradiction des positions
prises par ces derniers au nom de
l’Éta
t
. A par exemple été évoqué le cas d’une ARS qui
, dans
le cadre d’une consultation publique lancé par un préfet sur une charte d’engagement
départemental des utilisateurs agricoles de produits phytosanitaires (« charte de protection des
riverains »), a déposé une contribution publique comportant des recommandations plus
exigeantes que la législation, sans avoir préalablement fait part de sa position au préfet.
D’autres services de l’État
ou des collectivités territoriales ont fait part de leurs
difficultés
à faire valoir les enjeux spécifiques qu’ils portent d
ans les domaines qui échappent
à cette coordination, parce qu’ils relèvent de la compétence d’une agence. Ainsi, les SDIS
soulèvent d
es difficultés d’interface avec les ARS sur les sujets d’intérêt com
mun (comme le
temps d’attente aux urgences ou les carences ambulancières) et le besoin qu’ils ont du préfet
pour réunir les différents interlocuteurs (DG ARS, DG CHU) et trouver des solutions. Des
DDSP soulignent également que des décisions prises par l’ARS ont un impact sur l’action des
services de police mais que l’ARS ne les consulte pas avant de
les prendre.
Par ailleurs, la multiplication des agences nuit à la visibilité et à la lisibilité de
l’
action
de
l’État
dans les territoires. Les transferts de m
ission opérés vers les agences privent l’État de
l’affichage de crédits qui apparaissent attribués par elles. Dans leur appréciation de l’action de
l’État, de nombreux élus locaux n’intègrent pas les financements des agences dans les soutiens
de l’État à l
eur territoire. En outre, contrairement aux dispositions de la circulaire du Premier
ministre du 17 février 2020 relative à la nouvelle stratégie de marque de
l’
État
64
, la politique de
64
La circulaire du Premier ministre du
17 février 2020 relative à la nouvelle stratégie de marque de l’
État
rappelle que «
Partout où [l’
État] est présent, agit, finance - quelle que soit l'administration responsable - sa
présence doit être clairement indiquée
. » Elle demande aux opérateurs de l
É
tat d’intégrer le bloc Marianne avec
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
68
communication de certains opérateurs
s’affranchit parfois de la Marianne
et du drapeau
tricolore.
Ces manquements peuvent donner aux citoyens l’impression que l’État n’intervient
plus au niveau territorial.
À
ces difficultés générales, s’ajoute, pour les préfets de département, la question des
opérateurs organisés au niveau régional. Ainsi pour les ARS, le pouvoir de décision et
l’essentiel des moyens d’action sont au niveau régional. De ce fait, le dialogue qui peut se nouer
entre un préfet de département et une délégation départementale de l’ARS atteint souvent
rapidement ses limites, même si des protocoles départementaux ont été conclus entre directeur
général d’ARS et préfets de département pour préciser leurs relations et modalités de travail
,
ainsi que les missions des délégations départementales. Cette difficulté est accrue dans le cas
des opérateurs n’ayant pas de représentation au niveau départemental, comme l’ADEME,
organisée en directions régionales.
3.1.2.2
D’importants progrès ont été réalisés ces dernières années
dans les relations entre
préfets et opérateurs
Le décret du 29 avril 2004 et la charte de la déconcentration du 7 mai 2015 prévoient
des dispositions censées permettre aux préfets d’avoir une visibilité, à défaut d’un contrôle, sur
les actions des établissements publics de l’État. Faute de sanctions ré
elles, ces dispositions sont
toutefois peu effectives. Plus efficace, la participation des opérateurs au collège des chefs de
service
, ainsi que dans d’autres instances collégiales comme les comités administratifs
régionaux (CAR) et les réunions préparatoires à ces comités (pré-CAR) constitue un moyen de
les associer au processus de coordination des services de
l’État
. Ainsi, en Provence-Alpes-Côte
d’Azur, les délégués départementaux de l’ARS sont invités aux réunions de chefs de service
organisées par les
préfets de département et ont instruction de leur directeur général d’y aller.
En Nouvelle-Aquitaine, le directeur régional de Pôle Emploi participe aux CAR, mais pas aux
pré-CAR (il est toutefois destinataire de leurs comptes rendus). Il participe également à une
réunion trilatérale mensuelle avec la préfète de région et la DREETS. Le document Missions
prioritaires des préfectures 2022-
2025 propose d’adapter le collège des chefs de service selon
les enjeux afin d’y associer les opérateurs concernés.
De mê
me, l’établissement en 2021 de feuilles de route interministérielles adressées aux
préfets et fixant les réformes prioritaires pour chaque territoire, y compris dans des matières ne
relevant pas de la compétence des services placés sous leur autorité, peut conforter les préfets
dans leur rôle de pilotage global
de l’action de l’État
.
Mais si les feuilles de route donnent une
légitimité supplémentaire au préfet pour demander des comptes à un service de
l’
État non placé
sous son autorité ou à une agence, elle
s ne lui donnent pas pour autant des moyens d’action
supplémentaires (cf.
infra
).
Une solution imaginée pour éviter le contournement du préfet dans les actions des
agences sur le territoire a été de faire du préfet leur délégué territorial. Elle est apparue dans la
loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation
l’intitulé « République française » a leur logo et à leur identité visuelle et de mettre en application les principes de
la nouvelle charte.
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
69
urbaine pour
l’Agence nationale de l'habitat (ANAH)
, puis en 2004, par une modification de
cette loi, pour l’Agence
nationale pour la rénovation urbaine (ANRU).
Le Conseil de modernisation des politiques publiques du 11 juin 2008 a posé le principe
selon lequel «
le préfet de région et le préfet de département seront les délégués territoriaux
des agences nationales lorsque celles-ci exercent leurs attributions sur le territoire
». L'article
59-1 du décret du 29 avril 2004, créé par le décret n° 2010-146 du 16 février 2010, prévoit que
«
Le préfet est le délégué territorial des établissements publics de l'État comportant un échelon
territorial et figurant sur une liste établie par un décret en Conseil d'État.
» Le décret définit,
dans ses articles 59-2 et 59-
3, un socle commun d’attributions du délégué territorial
65
.
La loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la
déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale (loi
3DS)
a fait du préfet de région le délégué territorial de l’ADEME. Elle a également prévu que
le préfet de département assure, en tant que délégué territorial de l'OFB, la cohérence de
l'exercice des missions de police administrative de l'eau et de l'environnement de l'Office dans
les territoires relevant de son ressort avec les actions des autres services et établissements
publics de l'État.
66
En 2023, huit établissements publics ont pour délégué territorial le préfet de
région ou de département.
Tableau n° 16 :
Opérateurs dont le préfet est délégué territorial
Opérateur
Préfet,
délégué
territorial
Année
Agence nationale de l'habitat (ANAH)
région
et
département
2003
Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU)
département
2004
Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer)
région
2012
Office de développement de l'économie agricole d'outre-mer (ODEADOM)
département
2016
Agence nationale du sport (ANS)
région
2019
Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT)
département
2019
65
En qualité de délégué territorial, le préfet coordonne les actions de l'établissement avec celles conduites
par les administrations et les autres établissements publics de l'État. Il s'assure de la cohérence de l'action respective
des services de l'État et de l'établissement à l'égard des collectivités territoriales. Il exerce, en qualité de délégué
territorial, les attributions suivantes, dans le cadre des compétences et des décisions des organes délibérants et
exécutifs de l'établissement : 1° Il assure la représentation de l'établissement dans la région ou le département. À
ce titre, il peut recevoir délégation de pouvoir de l'organe compétent pour négocier et conclure au nom de
l'établissement toute convention avec les collectivités territoriales et leurs groupements ; en l'absence d'une telle
délégation, il contresigne ces conventions ; 2° Il peut adresser au service territorial de l'établissement des directives
d'action territoriale ; 3° Il est consulté par l'autorité compétente de l'établissement préalablement à l'évaluation du
responsable territorial de l'établissement.
66
Elle a par ailleurs
prévu que le conseil d’administration des agences de l’eau soit systématiquement
présidé par le préfet coordonnateur de bassin.
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
70
Opérateur
Préfet,
délégué
territorial
Année
Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME)
région
2022
Office français de la biodiversité (OFB)
département
2022
Source : Cour des comptes
Une note du 28 avril 2022 des secrétaires généraux des ministères de la transition
écologique et de l’intérieur est venue encadrer les conditions opérationnelles d’application à
l’ADEME des dispositions du décret
de 2004 relatives à la fonction de délégué territorial. Elle
prévoit que le préfet de région, désormais investi de la représentation de l’agence dans la région,
peut en confier la représentation quotidienne au directeur régional de l’ADEME, dans des
limit
es qu’il définit avec celui
-ci. Dans ce but, le directeur régional doit transmettre
régulièrement au préfet le calendrier prévisionnel des actions prévues (rencontres publiques,
communication, rendez-vous). Cette note prévoit la mise en place du contreseing par le préfet
de région des décisions d’aide financière de l’ADEME avec les seules collectivités territoriales
et leurs groupements, précisant expressément que «
les conventions avec les entreprises,
associations, délégataires de service public, SEM et SPL ne sont pas concernées
». Le préfet
peut déléguer ce contreseing au SGAR. Elle prévoit également une plus grande association du
préfet de région à la définition des priorités régionales de l’agence et invite préfet et directeur
régional à avoir des échanges bilatéraux réguliers. Elle demande enfin que le préfet de région
adresse un avis au président de l’ADEME en vue de l’évaluation du directeur régional.
La désignation du préfet de région comme délégué territorial de l’ADEME a permis de
s
progrès subst
antiels pour assurer la cohérence de l’action de l’agence avec l’action globale de
l’État
territorial. Ainsi, en Provence-Alpes-
Côte d’Azur,
elle a conduit à la mise en place de
réunions bilatérales régulières entre le préfet de région et le directeur régional
de l’ADEME
. Le
SGAR diffuse l’information
sur les conventions aux préfets de département. Toutefois ni le
SGAR, ni les préfectures de département ne reçoivent d’information pendant la phase
d’instruction des dossiers par l’ADEME.
3.1.2.3
Une capacité des préfets à recourir aux opérateurs renforcée en cas de crise
La nécessité de coordonner l’action des opérateurs, ainsi que l’ensemble des services de
l’État
, apparaît de manière plus aiguë encore dans le domaine de la gestion de crise. Du fait de
la multiplicité des risques en cause, cette gestion se caractérise par la diversité des acteurs,
publics et privés, qui y prennent part. Elle repose traditionnellement
sur l’unité de
commandement de ces acteurs par le préfet.
La pandémie du Covid 19 a toutefois bousculé cette conception. Les compétences des
ARS en matière de crise sanitaire ont conduit à une gestion bicéphale de la crise par le préfet et
le directeur général de l’ARS, qui n’a pas été sans difficulté, comme l’ont montré les rapports
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
71
de l
’Assemblée nationale
67
et du Sénat
68
sur cette question. L’existence de deux chaines de
gestion de crise et de remontée des informations vers l’autorité centrale a pu créer des
dysfonctionnements. Si préfets et ARS ont trouvé dans la plupart des régions et départements
des manières de collaborer, la capacité à gérer la crise doit reposer sur une organisation adaptée
et pas uniquement sur la bonne volonté des uns et des autres.
Afin de faire face à ce type de crises, l’article 27 de la loi
n° 2023-22 du 24 janvier 2023
d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (LOPMI) permet un renforcement
des prérogatives du préfet de département en cas d'évènements d'une particulière gravité en lui
donnant autorité sur les services et établissements publics de l'État ayant un champ
d’action
territorial, qui sont alors placés pour emploi sous son autorité.
L’activation de ce dispositif est
subordonnée à une décision du préfet de zone de défense et de sécurité qui autorise, sur demande
du préfet de départem
ent, ce dernier à le mettre en œuvre
, pour une durée maximale d'un mois,
avec possibilité de renouvellement, par période d'un mois au plus si les conditions qui l'ont
motivé continuent d'être réunies.
Le projet de loi prévoyait initialement d'exclure de ces pouvoirs renforcés les agences
régionales de santé lorsque la situation justifie la mise en
œuvre
de mesures de lutte contre les
menaces sanitaires graves par le ministère de la santé. Cet arbitrage paradoxal du
Gouvernement, qui consistait à exclure du dispositif la situation même qui avait conduit à en
constater la nécessité, a été remis en cause par le Parlement, et cette exception a été supprimée
lors de l’examen du texte par le Sénat.
L’article 27 de la LOPMI constitue, s’agissant de la capacité du
préfet à coordonner, en
cas de crise, les opérateurs et les services de
l’État
non placés sous son autorité, une avancée
dont il conviendra de mesurer l’efficacité dans les années à venir. Certains acteurs relèvent
toutefois ses limites potentielles
: d’un
e part, une bonne gestion de crise suppose une
connaissance mutuelle préalable et une habitude de travailler ensemble au quotidien, qui se
construisent dans la durée
; d’autre part, les prérogatives renforcées du préfet se limitent à la
gestion de la crise elle-même et ne concerne
pas l’après
-crise.
À
cette problématique de la coordination, s’ajoute celle de la contraction des
compétences techniques sur lesquelles le préfet peut compter lorsqu’il gère une crise. Le RPT
de 2017 sur
Les services déconcentrés de
l’
État
soulignait ainsi que «
les contrôles de la Cour
ont mis en exergue des interrogations sur la capacité de certains services interministériels de
défense et de protection civile (SIDPC) à faire face aux crises et sur celles des DDCS/PP à
faire face aux crises sanitaires de grande ampleur. Il en va de même dans les services chargés
de la prévention des risques naturels et technologiques.
» Il indiquait également que «
La
ressource d’ingénierie utile à la politique de prévention des inondations s’est centralisée :
gérée jusqu’en 2014 dans les huit centres d’études techniques de l’équipement (CETE),
rattachés aux préfets de région en tant que services déconcentrés, cette ressource a été
absorbée depuis lors dans un établissement public national dont les préfets de région ne sont
67
Mission d’information de l’Assemblée nationale relative à l’impact, la gestion et les conséquences dans
t
outes ses dimensions de l’épidémie de Coronavirus Covid
-19 (2020), qui recommandait notamment « pour mettre
fin à la dualité de la chaine de commandement, qui a été préjudiciable dans la gestion de la crise sanitaire », de
« rendre aux préfets de département la compétence de la gestion de la crise sanitaire ».
68
Commission d’enquête du Sénat pour l’évaluation des politiques publiques face aux grandes pandémies
à la lumière de la crise sanitaire de la covid-19 et de sa gestion (2020).
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
72
pas délégués territoriaux
69
. Les opérateurs d’ingénierie ont ainsi échappé à leur contrôle
opérationnel et l’efficacité des politiques de prévention des inondations menées localement s’en
est trouvé affectée.
»
L’enquête de la Cour a montré que ce constat restait d’actualité, l’État
ayant vu certaines de ses compétences techniques s’affaiblir, ou les ayant
regroupées à des
niveaux qui ne permettent pas aux
préfets de département d’y recourir
aisément.
L’
enquête de la Cour a fait apparaître la difficulté que représente pour les préfets le fait
que de nombreux opérateurs
70
n’organisent plus d’astreintes le soir, en fin de semaine ou les
jours fériés. Un préfet peut ainsi avoir à gérer une situation de crise (pollution, mortalité
piscicole dans les rivières, etc.) sans pouvoir faire intervenir pendant un week-end les équipes
des opérateurs qui disposent des compétences techniques permettant de procéder aux analyses
indispensables tant pour fonder ses décisions que pour répondre aux questions et inquiétudes
des citoyens, de la presse et des élus.
Sur cette question, sensible pour les préfets, on peut relever que la convention de
partenariat, conclue le 5 janvier 2023 entre le ministère de l’intérieur et des out
re-mer, le
ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires et l’OFB, afin d’organiser
la relation entre le préfet, les services déconcentrés et l’OFB,
prévoit des dispositions sur la
continuité de service demandant à ce que l’OFB s’
organise pour disposer, en semaine ainsi que
les week-ends
et jours fériés (« pendant les heures normales de service de l’établis
sement »)
d’une présence territoriale d’agents en service permettant d’exercer les missions prioritaires,
ou, quand cette présence ne peut être assurée, une organisation permettant de traiter les
sollicitations téléphoniques institutionnelles et d’organiser la réponse aux éventuelles urgences
nécessitant une intervention de l’OFB non reportable, en cas de survenance d’un événement
d’ordre environnemental ou sanitaire exceptionnel imposant une intervention sans délai.
Cette convention traite également d’un autre «
irritant » dans les relations entre préfets
et opérateurs, à savoir la communication. Elle prévoit ainsi que le service départemental de
l’OFB inscrit sa communication en matière de contrôles administratifs dans la stratégie de
communication de la MISEN, validée par le préfet de département, en cohérence avec la
stratégie de communication de l’OFB.
Une telle convention, do
nt il conviendra de mesurer l’effectivité sur le terrain, apparaît
comme une réponse potentielle à plusieurs des difficultés relevées lors de l’instruction dans les
relations entre préfets et opérateurs. Il serait intéressant de conclure ce type de conventions avec
d’autres opérateurs, que le préfet en soit ou non le délégué territorial, en y incluant
systématiquement des dispositions relatives à la communication et à la continuité de service.
Recommandation n° 6.
(SG du ministère de l’intérieur) Conclure, sur le modèle de cel
le
avec l’Office français de la biodiversité, des conventions avec d’autres opérateurs,
comportant notamment des dispositions relatives à la communication et à la continuité de
service.
69
Le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement
(Cerema).
70
Ont notamment été
évoqués lors de l’instruction l’OFB, le BRGM et le CEREMA. Le rapport de l’
IGA
sur Lubrizol indiquait
également que l’ANSES et l’INERIS (hors CASU)
n’
avaient
pas de système d’astreinte.
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
73
3.1.2.4
Le besoin d’un état des lieux
approfondi des relations entre préfets et opérateurs
Au cours de son enquête, la Cour a constaté que, malgré les progrès réalisés ces
dernières années, un certain nombre de questions restaient ouverte
s s’agissant des relations
entre préfets et opérateurs. Compte tenu de la multiplicité de ces derniers, la réponse à apporter
suppose un état des lieux préalable et précis de ces relations. La diversité des opérateurs
(s’agissant par exemple de leur statut,
de leurs missions, de leurs sources de financement, de
leurs périmètres géographiques, de
l’existence ou non de services territoriaux propres)
ne
permet sans doute pas d’envisager une solution
unique, qui encadrerait de manière uniforme
leurs relations avec les préfets.
La formule du préfet, délégué territorial, qui a pu permettre dans certains cas (cf.
supra
)
d’assurer une relation plus fluide entre préfets et agences, s’applique aujourd’hui à un nombre
non négligeable mais limité d’opérateurs
71
. La question de son extension à
d’autres
établissements publics se pose. Une telle extension ne pourrait
se faire qu’après
une analyse au
cas par cas, tenant compte des missions de ces établissements, de leur périmètre géographique,
de l’existence ou non de services propres. Cette analyse est également nécessaire pour
déterminer si le délégué territorial doit être le préfet de région ou le préfet de département. La
DMATES partage l’idée de la Cour
selon laquelle une extension de la fonction de délégué
territorial à d’autres opérateurs ne pourrait se faire qu’au cas par cas. Elle
estime que cette
extens
ion pourrait, par exemple, être étudiée pour l’
Office national des forêts (ONF),
notamment au regard des enjeux forestiers qui nécessitent une coordination avec les services
de l’
État et les collectivités territoriales, en particulier du fait du développement des feux de
forêt.
La question du contenu de la fonction de préfet délégué territorial mérite d’être
approfondie, même si la diversité des établissements publics concernés rend sans doute
malaisée
la définition d’un socle commun de la fonction plus étendu que celui
déjà
évoqué
dans le décret du 29 avril 2004.
En effet, l
e rôle du délégué territorial s’exerce de manière différente selon que l’agence
s’appuie sur les services déconcentrés de l’État
pour son action territoriale (ANRU, ANCT,
ANS) ou qu’elle dispose de services territoriaux propres (exemples de l’ADEME ou de l’OFB).
Dans le premier cas, la désignation du préfet comme délégué territorial évite que des services
placés en temps normal sous son autorité le contournent quand ils exercent des missions pour
le compte d’une agence. Dans le second cas, elle a pour effet d’introduire le préfet dans des
processus dans lesquels il n’intervenait pas précédemment.
En outre, la question des moyens dont disposent les préfets pour exercer cette mission
de délégué territorial doit être posée. La création de l’ANCT et la désignation du préfet comme
délégué territorial de cette agence a conduit les préfectures mais aussi les DDT à prendre en
charge de nouvel
les missions pour le compte de l’agence, sans qu’aucun moyen supplémentaire
n’ait été alloué à cet effet
72
.
71
La DMATES a indiqué que la
directrice de l’
Agence nationale des titres sécurisées (ANTS) avait
proposé que les préfets de département soient délégués territoriaux de l’ANTS.
La question pourrait également
être étudiée pour le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS).
72
Ce point avait été souligné par l’inspection générale de l’administration dans son rapport sur l’ANCT.
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
74
Recommandation n° 7.
(
SG du ministère de l’intérieur
) Faire un état des lieux et une
évaluation critique
des solutions mises en œuvre pour assurer une meilleure coordina
tion
de l’action des préfets et des opérateurs.
3.2
Le pouvoir d’agir
du préfet vis-à-vis des acteurs locaux
3.2.1
Des relations avec les collectivités territoriales déterminantes
pour l’efficacité
de l’action du préfet
Les relations avec les collectivités territoriales demeurent un élément déterminant de
l’action des préfets. La plupart des politiques interministérielles sont en réalité des politiques
qui nécessitent l’intervention à la fois de l’État et des collectivités territoriales (par exemple,
politique de la ville, aménagement du territoire, développement économique, etc.). Même dans
les domaines régaliens, le préfet travaille de manière étroite avec les maires, par exemple en
matière de sécurité, de délivrance des titres ou d’organisation des élections. Un
travail constant
avec les élus est donc une condition de l’efficacité de son action. Une mésentente avec les élus
les plus importants peut la rendre difficile. En outre, les élus locaux sont en demande du préfet.
La présence physique du préfet ou du sous-préfet à de nombreuses occasions reste fortement
souhaitée par les acteurs de la vie locale. Par ailleurs, l’enchevêtrement des compétences, la
complexité et l’illisibilité croissante de l’action publique territoriale, avec la multiplication des
agences, re
nd d’autant plus nécessaire le besoin d’un interlocuteur unique pouvant parler au
nom de l’État. La crise sanitaire en a fourni l’illustration.
Dans sa relation avec les collectivités territoriales et leurs élus, le préfet a la possibilité
d’user de
ses pouvoirs de contrôle de légalité et de contrôle budgétaire (cf.
supra
). De surcroît,
les préfets de département peuvent, à compter du 1er janvier 2023, déférer au Procureur général
près la Cour des comptes des irrégularités qualifiables d’infractions au dro
it public financier.
Il peut également s’appuyer sur son pouvoir d’attribution
de subventions. Le nombre et
l’importance de celles
-
ci n’ont cessé d’augmenter au fil des années. En 2022, elles représentent
plus de 2 Md€ en autorisations d’engagement (AE).
La plus importante est la dotation
d’équipement des territoires ruraux (DETR) qui, avec 1,05 Md€ en AE pour 2022, constitue la
moitié du total. La DETR, qui peut bénéficier aux communes ne dépassant pas 2 000 habitants,
ainsi qu’à celles de 2 001 à 20 000 h
abitants à faible potentiel fiscal, est attribuée par le préfet
de département assisté par une commission d’élus qui définit en particulier les catégories
d’opérations à financer. En outre,
le préfet de département propose au préfet de région
l’attribution
de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL), qui représente 873 M€
d’AE pour 2022, et dont le champ d’application est beaucoup plus vaste que celui de la DETR
puisque toutes les communes et les EPCI à fiscalité propre y sont éligibles. Pour les
départements a été créée en 2019 la dotation de soutien à l’investissement des départements
(DSID). Enfin, le préfet
peut faire appel au fonds national d’aménagement et de développement
du territoire (FNADT, 208 M€ pour 2022) pour des opérations locales contribuant au
développement économique et au soutien de territoires vulnérables.
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
75
Par ailleurs, la territorialisation
du plan de relance, dont un peu plus de 10 Md€ sont
consacrés à des actions sélectionnée
à l’échel
on
des territoires, s’est en partie appuyée sur les
préfets, qui ont eu un rôle d’animation auprès de l’ensemble des acteurs locaux (collectivités
territoriales, services déconcentrés, services locaux des opérateurs, etc.) et, pour certaines
mesures, ont disposé du pouvoir de choisir les bénéficiaires, même si globalement la mise en
œuvre
du plan est restée assez centralisée (cf.
infra
).
La relation entre le préfet et les collectivités territoriales a été affectée par les évolutions
institutionnelles de cette dernière décennie. La conception française de la décentralisation,
fondée sur une complémentarité avec le processus de déconcentration, a longtemps induit un
parallélisme institutionnel à chacun des niveaux concernés, par exemple entre le préfet et le
président du conseil départemental,
le préfet de région et le président du conseil régional. Ce
parallélisme est mis à mal par l’affaiblissement des services de l’État au niveau départemental.
Par ailleurs, la montée en puissance de certains acteurs locaux (régions, métropoles,
intercommunalités) a pu conduire à une évolution de la relation entre le préfet et ces
collectivités, des collectivités plus puissantes et dotées de cadres de haut niveau pouvant être
moins en attente d’intervention préfectorale. Toutefois, même des collectivités puissantes
ressentent le besoin d’un interlocuteur unique au niveau de l’État.
En outre, les collectivités territoriales, comm
e d’ailleurs les autres acteurs du territoire,
sont en attente d’un cadre sécurisé avec des règles stables. Les réorganisations permanentes des
services déconcentrés de l’État compliquent l’identification de l’interlocuteur pertinent et la
continuité de la
relation. La réduction des moyens des services de l’
État peut aussi être mal
perçue en ce qu’elle conduit ces services à être davantage dans un rôle de censeur de l’action
des collectivités territoriales sans pouvoir indiquer comment remédier aux difficultés soulevées.
3.2.2
Un rôle important du préfet dans la contractualisation avec les collectivités
territoriales
L
es relations entre l’État et les collectivités territoriales prennent de plus en plus la forme
de contrats, devenus «
aujourd’hui le mode de relation privilégié entre l’État et les collectivités
territoriales
73
». Le paysage contractuel entre l’État et les collectivités territoriales a été,
pendant une trentaine d’années, dominé par le contrat de plan État
-région (CPER) et par la
politique de la ville
74
. Le préfet de région
négocie le CPER sur la base d’un mandat établi par
le Premier ministre, puis le signe et l’exécute. Pour la politique de la ville, le préfet, qui est le
délégué territorial à la fois de l’agence nationale pour la cohésion des territo
ires (ANCT), de
l’ANRU et de l’agence nationale pour l’amélioration de l’habitat (ANAH), est chargé, là aussi,
de la préparation des contrats en lien avec les collectivités territoriales concernées, et de leur
mise en œuvre côté État.
Le succès rencontré
par les CPER et les contrats de ville a conduit l’État, en s’appuyant
sur les préfets, à étendre sa politique contractuelle dans presque tous les domaines,
73
Premier ministre, Circulaire relativ
e à l’élaboration des contrats de relance et de transition écologique,
20 novembre 2020.
74
Ces deux types de contrats représentent pour l’État des engagements financiers très importants : plus
de 12 Md€ entre 2015 et 2020 pour les CPER, comme pour la polit
ique de la ville entre 2014 et 2022 (financement
par l’agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) de 435 contrats de ville, soit 859 communes).
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
76
l
’aménagement du territoire en premier lieu. Les contrats de ruralité (à partir de 2014) ont ouvert
la voie aux programmes « Action cœur de ville » (lancés en 2018 au bénéfice des villes
moyennes) et « Petites villes de demain » (engagés en 2020 pour des territoires ruraux). À leurs
côtés sont apparus des engagements correspondant à des territoires particuliers : les pactes
territoriaux (au profit de cinq territoires, depuis 2018) et le plan « Marseille en grand » (2021).
La contractualisation s’est également étendue au domaine de la protection environnementale
avec les territoires à énergie positive pour la croissance verte (2014) et les contrats de transition
écologique (2018), à la politique budgétaire des collectivités (contrats de maitrise des dépenses
publiques en 2018), ou encore la sécurité et la prévention de la délinquance. Ainsi, les contrats
lo
caux de sécurité, créés en 1997, ont vu leurs ambitions et leurs moyens s’accroitre avec la
création, en 2021, des contrats de sécurité intégrée.
Les contrats sont désormais si nombreux qu’il est impossible d’en établir un inventaire
exhaustif. Une circulaire récente du Premier ministre prend acte de cette situation, en
considérant que «
cette situation rend peu lisible l’action de l’État sur le territoire
». Pour y
remédier, l’État a créé en 2020 un nouveau type de contrat : le contrat de relance et de tra
nsition
écologique (CRTE), avec pour ambition de couvrir le territoire français en devenant le « contrat
des contrats ». 820 CRTE ont été signés (au 11 juillet 2022), et une vingtaine doive
nt l’être
prochainement.
Toutefois les bases de l’action des préfet
s en matière de contractualisation sont fragiles,
compte tenu de la réduction des moyens de l’administration territoriale de l’
État. Le problème
de la crédibilité des engagements budgétaires de l’État se pose également. Les subventions
allouées aux collectivités au moyen de la DETR ou de la DSIL, jusque-
là libres d’emploi,
risquent d’être exclusivement affectées aux contrats précédemment conclus. La gestion des
CRTE a compliqué davantage la situation, de nombreux interlocuteurs dénonçant leur contenu
« fourre-tout », et leur soutenabilité budgétaire irréaliste. Une même inquiétude concerne les
CPER, tant leurs difficultés d’exécution sont récurrentes.
En outre, le préfet dispose d’une visibilité réduite tant sur la situation financière des
collectivités rele
vant de son ressort que sur les interventions de l’État et de ses opérateurs
à leur
profit. S’agissant de leur situation financière, les préfets se fondent principalement sur les
échanges mis en place avec le réseau de la DGFiP, et plus occasionnellement des échanges avec
les CRTC dans le cadre des contrôles budgétaires ou de la publication des contrôles de gestion
qu’elles réalisent.
Des informations plus substantielles concourraient utilement à leurs prises de
décision notamment dans le cadre de négociations avec ces collectivités.
Si les DRFiP transmettent aux préfets, à des périodicités variables selon les
départements, des notes de conjoncture sur la situation financière des collectivités de leur
ressort, et plus particulièrement les plus fragiles, la DGFiP oriente davantage son offre de
services vers les collectivités avec la mise en
place progressive d’un réseau de conseillers aux
décideurs locaux (CDL). Les préfets sont néanmoins en mesure de solliciter les missions
régionales de conseil aux décideurs publics (MRCDP) pour
l’examen de dossiers qui présentent
des enjeux juridiques ou économiques significatifs au niveau territorial. Cette aide à la décision
prend la forme d’analyses financières, fiscales ou budgétaires, de conseils pour des montages
contractuels ou sur des problématiques complexes.
En revanche, les services de la DGFiP ne sont pas en mesure, à ce jour, de restituer aux
préfets de manière régulière et automatisée, une information exhaustive sur les financements
contractualisés par l’État et ses agences qui
irriguent leur territoire, et
a fortiori
à destination
d’une colle
ctivité en particulier. La collecte de telles données pourrait théoriquement
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
77
s’effectuer depuis la partie versante ou la partie bénéficiaire des financements, mais se heurte à
des obstacles systémiques
75
qui
empêchent d’avoir
une vision consolidée des engagements de
l’État à l’échelle des territoires.
La DGCL fait valoir
que le système d’information qu’elle a
ouvert en juin 2023 pour le pilotage et le suivi des CPER, Contrats-Territoires, est conçu de
manière ouverte et évolutive, et pourrait servir à moyen
terme au pilotage d’autres
contractualisations nationales, comme les CCT et les CRTE.
Il conviendrait que la DGCL et la DGFiP travaillent à la mise en place d’un dispositif
permettant de mettre à la disposition du préfet un tableau de bord recensant, sur son territoire,
l’ensemble des financements de l’État, y compris ceux des agences.
3.2.3
Une mission non prévue par les textes, mais essentielle : la médiation et
l’arbitrage
De par sa position, le préfet est parfaitement à même connaître des conflits et différends
qui peuvent survenir sur le territoire de son département. Ceci peut l’amener à jouer un rôle de
médiation et d’arbitrage. Même si ce rôle n’est fondé sur aucun texte, la médiation du préfet est
recherchée du fait de s
on autorité, mais aussi de sa neutralité et de son indépendance à l’égard
des intérêts locaux. Le préfet Paul Bernard évoquait ainsi le rôle du préfet
76
: «
aider à
désamorcer les conflits en laissant s’exprimer les forces en présence et en tentant de les
apprivoiser ; aider les acteurs à travailler en commun sans chercher à tout diriger ; essayer de
tirer vers le haut, vers l’intérêt général, les solutions apportées à un conflit.
»
La population prête souvent au préfet une capacité d’imposer sa solution au
x acteurs,
alors qu’il n’a souvent pas de pouvoirs juridiques pour ce faire. L’intervention du préfet n’est
toutefois pas comparable à celle d’un médiateur classique. Au
-delà de son autorité morale et de
son rôle symbolique de représentant de l’État, les pouvoirs qu’il détient par ailleurs, en matière
d’ordre public ou au titre de diverses réglementations, lestent son intervention et la crédibilité
de cette dernière.
Il est également souvent sollicité pour arbitrer des différends entre collectivités
territoriales ou amené à intervenir pour faire en sorte que puissent travailler ensemble des
collectivités qui ne le feraient pas spontanément.
3.2.4
Le pouvoir de dérogation
La généralisation par le décret n° 2020-412 du 8 avril 2020 du droit de dérogation
reconnu au
préfet, après une phase d’expérimentation de deux ans
sur le fondement du décret
n° 2017-1845 du 29 décembre 2017, constitue une nouvelle ressource que les préfets peuvent
utiliser pour ajuster la mise en œuvre de l’action publique au plus près du terrain.
Ce droit à la
75
Depuis la partie versante : le comptable qui procède au paiement n’est pas nécessairement situé dans l
e
ressort de la préfecture (cas des agences qui versent des subventions via un flux financier qui transite par la DRFiP
du lieu de leur siège social). Depuis la partie bénéficiaire : les comptes des collectivités sont tenus par les DRFiP
depuis le logiciel Hélios
qui ne permet pas d’effectuer des requêtes, empêchant l’identification des flux financiers
provenant d’administrations centrales ou d’opérateurs de l’État.
76
Paul Bernard, Le Préfet de la République, Le chêne et l’olivier, Ed. Economica, 1992.
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
78
différenciation territoriale est limité à certaines matières et encadré.
Les projets d’arrêté
préfectoral de dérogation (APD) sont transmis
à la DMATES accompagnés d’une analyse
justifiant le recours à la dérogation. Les directions centrales concernées sont immédiatement
saisies par la DMATES et bénéficient de 15 jours pour faire part de leurs observations.
Entre le 1
er
janvier 2021 et le 31 décembre 2022, 349 saisines ont été portées à la
connaissance de la DMATES et 220 arrêtés préfectoraux de dérogation ont été pris (163 par
des préfets de département
6 départements sont
à l’origine de 50 APD et 42 préfe
ts de
département n’en ont jamais pris, ce qui montre une très forte hétérogénéité dans l’usage de ce
pouvoir).
Tableau n° 17 :
Répartition des saisines entre le 1
er
janvier 2021 et le 31 décembre 2022
Taux
Principales normes concernées
Taux
Subventions
75%
Prorogation du délai de commencement de projet
20%
Subventions de
l’État
pour
projet d’investissement
(liquidation,
versement d’avances et d’acomptes)
20%
Impossibilité de subventionner un projet commencé
5%
Modalités de versement et liquidation
9%
Prorogation au délai d’exécution d’un projet
5%
Interdiction de subvention
5%
Environnement
agriculture
et forêt
18%
Autorisation des systèmes d’endiguement pour prévenir les
inondations et submersions
9%
Construction
logement
et
urbanisme
5%
Emploi
et
activité
économique
1%
Matières hors circulaire
1%
Source : DMATES
La prévalence des arrêtés de dérogation concernant les subventions et dotations
s'explique par le fait que c'est l'un des domaines où le pouvoir réglementaire est le moins
encadré par le pouvoir législatif.
Les préfets rencontrés par la Cour indiquent que la majorité des dérogations sont
accordées aux collectivités pour prolonger les délais leur permettant de réaliser les projets pour
lesquels ils ont obtenu une subvention DETR ou DSIL, que ce soit pour commencer les travaux
ou les réceptionner. Le préfet des Alpes-Maritimes déroge également à la règle des 80 %
maximum de subventions pour les petites communes sinistrées par la tempête Alex, pour
monter à 100 %. Quelques dérogations ont été accordées à des entreprises, principalement en
matière
d’urbanisme ou
d’environnement
lorsqu
il
s’agit de points
mineurs et pour éviter
qu’
un dossier
doive reprendre toutes les étapes d’un
circuit administratif.
À
ce jour, il n’a pas été rapporté d’usage abusif du droit à déroger. 63% des saisines
donnent lieu à un arrêté préfectoral de dérogation. Les 37 % restants ne recouvrent pas
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
79
seulement des refus des administrations centrales mais aussi des cas où le préfet a pu trouver
une autre solution ou n’est pas allé au bout de la démarche. Ce dispositif répond à des situations
ponctuelles et locales qui permettent au préfet de renforcer son rôle auprès des acteurs locaux,
mais son utilisation doit évidemment rester exceptionnelle.
3.2.5
La durée des fonctions des préfets amoindrit leur capacité à agir vis-à-vis des
acteurs locaux
Un préfet occupe au cours de sa carrière un grand nombre de postes, avec un rythme de
changement important. Ce rythme tient en partie au souci
d’éviter que l
es liens favorisés par
une trop grande permanence dans un poste puissent affecter la neutralité de ses décisions. Il
résulte sur
tout d’une
gestion des emplois préfectoraux fondée sur des « chaînes » de
nominations : les vacances créées par les départs à la retraite et les autres mouvements sortants
sont pourvues par des mutations de préfets situés plus bas dans la hiérarchie des po
stes, qu’il
faut à leur tour remplacer.
Or, l’efficacité d’un préfet, ou d’un sous
-préfet, repose sur la
connaissance du territoire dans lequel il exerce ses fonctions et sur sa capacité à développer et
entretenir des relations de confiance avec les élus.
Cela suppose qu’il dispose d’une certaine
durée.
La Cour des comptes, dans son référé du 2 juillet 2014 portant sur la gestion des préfets
de 2005 à 2011, regrettait une durée d’affectation trop brève des préfets : elle était de deux ans,
soit nettement m
oins que lors de la précédente enquête qui avait établi qu’en 2005, cette durée
était de deux ans et demi.
Le tableau ci-dessous montre que les critiques de la Cour avaient été partiellement
entendues par le ministère de l’intérieur : la durée moyenne de s
éjour en poste des préfets ou
des sous-préfets
s’est globalement allongée, de trois à quatre mois, entre 2017 et 2021 pour
atteindre deux ans et demi en 2021.
Toutefois, cette tendance ne s’est pas poursuivie en 2022,
puisqu’on note une baisse de plus de
trois mois de la durée moyenne de séjour des préfets. La
baisse, plus légère, concernant les sous-
préfets peut, quant à elle s’expliquer par la fin de
mission des sous-préfets à la relance dont beaucoup ne sont restés que 18 mois en poste.
Tableau n° 18 :
Durée moyenne en poste des préfets et sous-préfets (en mois)
2017
2018
2019
2020
2021
2022
Préfets
26,4
25,5
29,3
33,5
30,4
27,1
Sous-préfets
27,4
28
29
31
31
30,4
Source : Secrétariat général du ministère de l’intérieur
Le ministère fait en outre valoir que, pour les sous-préfets, le décret du 6 avril 2022
relatif aux emplois de préfet et de sous-préfet «
prévoit une nomination pour trois ans qui doit
permettre de faire de trente-six mois la durée de référence de maintien en poste des sous-préfets
d’arrondissement et des secrétaires généraux de préfecture
».
Cette intention du ministère de l’intérieur, qui répond aussi bien aux souhaits de la Cour
qu’à la demande des élus (unanimes à critiquer le passage trop rapide des membres du corps
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
80
préfectoral), devra être évaluée sur une période significative. En effet, si le décret du 6 avril
2022 fixe des durées maximales d’exercice continu des fonctions pour les préfets et sous
-
préfets, il n’impose pas de durée minimale. La durée de trois ans, qui s’appliqu
e aux seuls sous-
préfets, correspond à « une durée initiale maximale »
(qui peut être prolongée jusqu’à cinq ans
sur un même poste), qui n’empêche donc en rien que la durée effective soit inférieure.
Il reste donc essentiel, comme le demande la Cour, que la gestion des nominations et
des déroulements de carrière des préfets et sous-préfets prenne pleinement en compte la
nécessité d’une durée suffisante pour qu’ils puissent tenir pleinement leur rôle.
3.3
Un État central qui a du mal à respecter la déconcentration
La fonction du préfet est duale. Il est le représentant de
l’État
dans son ressort territorial,
doté de pouvoirs propres dans le cadre du principe de déconcentration
77
, mais il a aussi pour
mission de représenter des autorités politiques, comme les ministres et le Gouvernement. À ce
titre, le préfet doit expliquer la politique du Gouvernement aux élus locaux, aux acteurs des
territoires et aux citoyens, en faisant preuve de pédagogie, de loyauté et d’intelligence des
situations. Il doit à ce titre faire la promotion des nouveaux dispositifs résultant de la politique
du Gouvernement (nouveaux types de contrats aidés, d’aides aux entreprises ou de contrats
avec les collectivités territoriales, etc.).
Il doit donc combiner la rigueur administrative avec une
certaine dépendance à l’égard
du politique, par sa loyauté au Gouvernement. Il a, en tant que représentant de
l’État
, des marges
d’autonomie importantes, qui peuvent être remises en cause par les initiatives du pouvoir
central, lorsque ce dernier décide d’encadrer strictement son action ou d’intervenir directement
dans l’administration des territoires.
3.3.1
Les feuilles de route et l’évaluation des préfets
Le comité interministériel de la transformation publique (CITP) du 5 février 2021 a
décidé que le Premier ministre adresserait à chaque préfet de région et de département une
feuille de route interministérielle, afin d’identifier les axes
prioritaires
de l’action de l’
État dans
ces territoires. Cette feuille de route, dont les modalités ont été définies par circulaire du Premier
ministre du 19 avril 2021, vise à donner aux préfets un mandat interministériel sur trois ans et
à renforcer leur rôle de pilotage et d’animation des services et opérateurs de l’
État, à cadre
organisationnel inchangé.
La feuille de route comprend deux parties : la première comporte une sélection de
réformes prioritaires du Gouvernement
78
, qui nécessitent un investissement particulier et un
77
Selon ce principe, les services déconcentrés doivent, dans une logique de subsidiarité, gérer toutes les
missions administratives
de l’État, en dehors de celles de conception, d’orientation, d’évaluation et de contrôle qui
relèvent des administrations cen
trales ou de services dits à compétence nationale créés par l’État.
78
L’ensemble des réformes prioritaires fait l’objet d’un suivi animé par la direction interministérielle de
la transformation publique (DITP) à travers un tableau de bord unique et territorialisé (outil « PILOTE »), alimenté
par les données saisies par les chefs de projet aux niveau national et régional.
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
81
engagement personnel du préfet, proposée par lui et approuvée par les ministères concernés. Il
est demandé aux préfets de ne pas proposer que des réformes relevant du périmètre des services
placés sous leur autorité. La seconde partie porte sur des projets structurants locaux, qui peuvent
être des projets de politiques publiques ou d’aménagement du ter
ritoire, voire de transformation
des services de
l’État
. Pour chacun de ces projets, les préfets proposent un indicateur de suivi
et une cible à atteindre. Les objectifs et indicateurs ont été arrêtés par les préfets de région sous
la supervision de la DMAT.
La proposition de feuille de route est élaborée par le préfet, qui associe
l’ensemble des
services de
l’État
et opérateurs. Elle est transmise au préfet de région, qui veille à la cohérence
des production des différents préfets, puis validée dans le cad
re d’un travail interministériel
coordonné par la DMAT et la DITP, avant d’être signée par le Premier ministre. Les préfets de
région présentent les avancées et difficultés éventuelles de la mise en œuvre des feuilles de
route lors de réunions interministérielles organisées par le directeur de cabinet du Premier
ministre.
Les résultats obtenus dans la déclinaison de ces documents sont intégrés aux critères
d’appréciation de l’action des préfets
79
. Ce dispositif conduit à une interministérialisation
partielle
de l’évaluation des préfets, la moitié de leur rémunération variable étant décidée dans
ce cadre. Elle doit conduire à une évaluation des résultats du préfet moins liée aux seules
politiques relevant du ministère de l’intérieur (ordre public, étrangers, sécurité), même si d’ores
et déjà le
conseil supérieur de l’appui territorial et de l’évaluation (CSATE)
80
, dans ses
évaluations, ne tient pas compte uniquement de ces politiques.
La circulaire de la Première ministre du 19 septembre 2022 relative aux politiques
prioritaires du Gouvernement fixe une nouvelle liste de politiques prioritaires,
mises en œuvre
à compter de janvier 2023. De nouvelles feuilles de route seront fixées sur cette base.
L
’évaluation des préfets sur les anciennes politiques prioritaires
s
’est
ainsi faite sur deux ans
au lieu de trois.
Après une première réaction de scepticisme, les préfets se sont emparés du dispositif et
en ont fait un exercice de mobilisation des services tant dans la phase d’élaboration de la feuille
de route que dans
celle du suivi, qui figure souvent à l’ordre du jour du collège des chefs de
services. Ils voient des avantages à la feuille de route. En particulier, sa signature par le Premier
ministre permet de hiérarchiser les multiples priorités assignées par les ministères. Elle peut
également faciliter la prise de poste
d’un nouveau préfet qui saisit d’emblée
quelles sont les
priorités que lui assigne le Gouvernement. Enfin, elle peut sécuriser le préfet dans ses relations
avec le Gouvernement, les orientations que lui donne celui-ci étant affichées dans la feuille de
route.
En effet, si les feuilles de route n’ont pas été elles
-mêmes publiées, il a été demandé aux
préfets de communiquer largement sur leur contenu, parfois repris de manière détaillée sur le
site de certaines préfectures. Elles ont en outre été communiquées à des associations qui en
avaient fait la demande.
79
La première évaluation sur les résultats validés dans PILOTE a eu lieu à
la fin de 2022, en vue d’une
prise en compte dans le complément indemnitaire annuel (CIA) du préfet en février-mars 2023. Les préfets de
département transmettent leur auto-évaluation au préfet de région qui la revoit et la transmet aux ministères. La
DITP fait la synthèse des retours des ministères qui sont présentés
à un comité d’évaluation interministériel.
80
Depuis 2006, le CSATE, formé de préfets, exerce une mission de conseil et de soutien aux préfets et
sous-préfets. Le président arrête l'évaluation des préfets et, sur proposition des membres du conseil, celle des sous-
préfets.
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
82
La Cour
a toutefois constaté plusieurs difficultés dans la mise en œuvre de ces feuilles
de route.
Tout d’abord, l
e choix des indicateurs et des cibles a fait
l’objet de critiques. Pour
chaque réforme sélectionnée, l’évaluation de la mise en œuvre se fait sur la base des indicateurs
définis au niveau national, accompagnés de cibles à atteindre, déclinés dans chacun des
territoires concernés.
Les préfets n’ont pas été associés à la définition de ces indicateurs, ni des
cibles retenues pour la déclinaison des politiques nationales. Définis nationalement, ils ne
tiennent pas toujours compte des spécificités locales. Ainsi, dans les Alpes-Maritimes,
l’indicateur pour
la couverture de la métropole par des zones à faible émission de mobilité est
fondé sur un pourcentage du nombre d’habitants de la
métropole alors que la métropole de Nice
couvre une grande partie de l’arrière
-pays et de la montagne. Il conviendrait de co-construire
les indicateurs et les cibles avec les préfets et leurs services. La DITP reconnaît que le choix
des indicateurs des premières réformes prioritaires n’a pas toujours été pertinent. Pour la
deuxième génération, la circulaire du 19 septembre 2022 précise que chaque politique
prioritaire ayant vocation à être déclinée localement doit être adaptée, sous la responsabilité des
préfets, aux enjeux de chaque territoire, avec des cibles différenciées définies à l’issue d’un
échange e
ntre l’administration centrale et les services déconcentrés.
La DITP a indiqué que,
dans le cadre de cette circulaire, du temps serait donné pour la concertation sur les nouveaux
indicateurs et cibles avec le niveau déconcentré.
D’autre part
, les données p
ermettant de mesurer l’atteinte des objectifs sont remplies
dans l’outil PILOTE
au niveau national ou régional, sans que les préfets soient consultés. La
DITP fait valoir qu’ils ont la possibilité de réagir aux résultats qui apparaissent dans PILOTE,
qu’ils sont invités à commenter, expliquer ou compléter. Elle précise que dans le cadre d’une
nouvelle version de PILOTE en cours de construction, seront pris en compte des résultats plus
qualitatifs. En réponse à la Cour, la DITP a indiqué que le « premier exercice des feuilles de
route a fait apparaître des besoins d’améliorations techniques que la Cour a identifiés et qui ont
reçu des réponses dans le cadre du CITP du 9 mai 2023. » Il conviendra de faire le bilan de ces
réponses.
Une autre difficulté tient à ce que les préfets doivent rendre des comptes et sont évalués
sur des politiques sur lesquelles ils n’ont pas ou peu la main. En effet, de nombreuses réformes
prioritaires relèvent de services de l’État non placés sous l’autorité du préfet, comme
l’éducat
ion (par exemple, « savoir nager et savoir rouler », « assurer le remplacement des
enseignants absents » ou « améliorer le niveau d’apprentissage en fin de CP/CE1 »),
l’enseignement supérieur (« déployer Parcours Sup »), la justice (« déployer la justice d
e la vie
quotidienne » ou « simplifier l’accès à l’aide juridictionnelle »), ou les agences régionales de
santé (« développer le numérique en santé » ou « relancer l’investissement du quotidien dans
les établissements de santé »). D’autres relèvent des com
pétences des collectivités territoriales
(« déployer le plan vélo », « proposer des petits déjeuners gratuits dans les écoles des quartiers
et à la cantine à un euro » ou « mieux accompagner les mères en périnatalité, dans le cadre des
1000 premiers jours
de l’enfant »).
La DITP fait valoir que le préfet représente l’ensemble des ministres, qu’il convient de
distinguer son rôle au service de l’État de la question de l’autorité hiérarchique, et que les préfets
peuvent faire pression sur les élus locaux pour les inciter à avancer sur les sujets concernés.
De fait, les feuilles de route donnent aux préfets une légitimité supplémentaire pour
demander des comptes aux services et opérateurs de l’État non placés sous leur autorité, mais
pas de moyens de pression supplémentaires p
our les obtenir, et encore moins de leviers d’action
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
83
pour agir directement sur l’atteinte de ces objectifs. Toutefois, le ministère de l’intérieur indique
que, l
ors de l’évaluation des préfets, l’analyse des résultats a montré qu’ils avaient réussi à faire
avancer des réformes au-delà des politiques publiques sur lesquelles ils ont autorité grâce à leur
rôle d’ensemblier, et par un accompagnement dans le pilotage, éventuellement assorti d’une
aide financière, des réformes inscrites dans leur feuille de route.
L’intervention des feuilles de route dans les domaines qui relèvent des compétences des
collectivités territoriales est plus délicate. La capacité des préfets à faire pression sur les élus
locaux s’inscrit dans le cadre de relations d’interdépendance et
de rapports de force qui peuvent
en compliquer l’exercice. Mais surtout, le principe même d’assigner aux représentants de l’État
des objectifs dans des domaines qui relèvent des compétences des collectivités territoriales est
contestable. Outre qu’il fait
peu de cas de la répartition des compétences entre État et
collectivités territoriales, il participe d’une tendance plus générale de l’
État central à réinvestir
ses services déconcentrés dans les compétences décentralisées (cf.
infra
), alors que, comme
cela a été souligné dans la deuxième partie des présentes observations
, ces services n’ont déjà
plus les moyens d’assurer leurs missions propres.
Recommandation n° 8.
(DITP, SG du ministère de l’intérieur) Recentrer les feuilles de
route interministérielles des préfets sur les réformes prioritaires
dont la mise en œuvre
relève des compétences de l’
État.
3.3.2
Le poids persistant des circulaires
Les préfets et services déconcentrés doivent être en mesure de prendre en compte, dans
la mise en œuvre des politiques publiques dont ils ont
la charge, la réalité du territoire et la
particularité des situations concrètes. Or, l'abondance des circulaires produites par les
administrations centrales et la méticulosité de leurs prescriptions vont à l'encontre de cet
objectif.
Cette difficulté n’
est pas nouvelle. La multiplication de ces circulaires
avait conduit le
Premier ministre à prendre le décret du 8 décembre 2008 relatif aux conditions de publication
des instructions et circulaires
81
, qui prévoit que les circulaires et instructions adressées par les
ministres aux services et établissements de l'État sont tenues à la disposition du public sur un
site internet relevant du Premier ministre (circulaires.legifrance.gouv.fr). Une circulaire ou une
instruction qui ne figure pas sur ce site n'est pas applicable. Les services ne peuvent en aucun
cas s'en prévaloir à l'égard des administrés.
La circulaire du 17 juillet 2013 relative à la simplification administrative et au protocole
des relations avec les services déconcentrés avait invité les ministères à passer à un autre mode
de relations que le recours aux circulaires. Ces dernières devaient être réservées à la diffusion
d'instructions pour la mise en œuvre d'une politique publique et ne pas excéder cinq pages. Plus
récemment, la circulaire du 5 juin 2019 relative à la transformation des administrations centrales
et aux nouvelles méthodes de travail demande à nouveau que le nombre de circulaires soit réduit
81
Codifié en 2015 dans le code des relations entre le public et l'administration.
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
84
significativement et que leur usage soit « recentré exclusivement sur l'accompagnement, le suivi
et l'exécution des réformes ».
Si les ministères s’efforcent de réduire le nombre et la longueur de leurs circulaires,
elles sont toutefois souvent accompagnées d’annexes comportant de nombreuses prescriptions
complémentaires : ainsi pour les seuls mois de janvier et février 2023, quatre circulaires
82
adressées aux préfets avaient une longueur, annexes comprises, supérieure à 40 pages.
3.3.3
La prolifération des appels à projets nationaux
La tentation de
l’État
central
d’intervenir directement
dans les territoires se traduit
également
par le développement des appels à projets et à manifestations d’intérêts nationaux,
ou par la création de fonds interministériels fonctionnant sur ce mode
(par exemple, fonds
d’
accompagnement interministériel des ressources humaines
83
, fonds pour la transformation de
l’action publique, fonds pour l’innovation et la transformation numériques)
.
Ce tropisme s’est encore accru avec le plan de relance
, dont la très grande majorité des
crédits ont été décidés depuis Paris. Dans son rapport de mars 2022 sur
La préparation et la
mise en œuvre du plan de relance
, la Cour relevait qu’au sein du plan, un peu plus de 10 Md€
étaient consacrés à des actions dont l’attribution est décidée à l’échelle des territoires, ce qui
représente à peine
un dixième de la totalité des sommes consacrées à ce plan (100 Md€). Seule
une partie de cette somme, qui comprend également les attributions décidées localement par les
opérateurs, relevait d’un pouvoir d’attribution par les préfets. L’influence
de ces derniers a
toutefois été accrue
au fil de la mise en œuvre du plan de relance,
avec
un rôle d’animation
auprès des acteurs locaux (collectivités territoriales, services déconcentrés, services locaux des
opérateurs, etc.) et, pour certaines mesures, avec le pouvoir de choisir les bénéficiaires. Ainsi,
la mesure relative aux réhabilitations des friches industrielles et urbaines (dite « fonds Friches »
pour 588,9 M€), incluse dans le volet écologie, a été pilotée par les préfets de région
, qui ont
organisé le processus de sélection des bénéficiaires, le calendrier et le rôle de chaque acteur.
D’autres appels à projet ont partiellement associé les
préfets mais sans leur laisser un
réel pouvoir de décision. Ainsi, s’agissant des «
opérations de rénovation thermique de l'État et
de ses opérateurs
» (enveloppe de 235 M€), l’appel à projets lancé par la direction de
l’immobilier de l’
État
(DIE) prévoit l’envoi direct à Paris des projets d’un montant supérieur à
5 M€ (8 M€ pour l’Ile
-de-France). Les projets inférieurs à ce montant sont examinés par la
conférence régionale de l’immobilier public présidée par le préfet de région mais la liste qui
résulte de cet examen doit être remontée à la DIE « pour interclassement et validation
nationale ».
Les a
ppels à projet et à manifestation d’intérêts lancés dans le cadre de France 2030
n’ont en rien tiré les leçons du plan de relance sur ce point. Ils reposent largement sur des
instructions menées par des opérateurs (BPI France, ADEME, Agence nationale de la
82
Elles portent respectivement sur la procédure de traitement des situations de surendettement des
particuliers, les priorités pour 2023 de la politique d'intégration des étrangers primo-arrivants, dont les personnes
réfugiées, la composition et les règles d'emploi des dotations et fonds de soutien à l'investissement en faveur des
territoires en 2023 ainsi que la répartition de la dotation politique de la ville pour 2023.
83
Supprimé par la loi de finances pour 2023.
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
85
recherche…) et font peu appel à la connaissance des territoires et des acteurs locaux qu’ont les
préfets.
Ces appels à projets nationaux, qui conduisent des administrations centrales ou des
opérateurs nationaux à attribuer depuis Paris des subventions pour des sommes parfois faibles,
constituent une remise en cause de la déconcentration. Ils placent les préfets et les services de
l’État
en porte-à-faux par rapport à leurs interlocuteurs locaux. Ils ne sont en effet pas toujours
informés de l’existence de l’appel à projet et de ses modalités et ne peuvent donc pas
accompagner les acteurs locaux, ce qui affecte leur crédibilité. Ils ne sont parfois pas consultés
sur les attributions des subventions, alors que parfois une meilleure connaissance des
antécédents des bénéficiaires aurait conduit à les écarter. Parfois, les bénéficiaires sont informés
qu’ils sont
retenus directement depuis Paris sans que le préfet en soit préalablement informé.
Cette situation conduit
à une déperdition d’énergie et à des dépenses
inutiles. Dans
plusieurs préfectures et collectivités territoriales visitées, des agents sont mobilisés pour tenter
de dresser des tableaux de tous les appels à projet nationaux.
Enfin, ce mode de répartition des subventions favorise les structures ayant la capacité
d’
assurer une veille de ces appels à projets et
d’
y répondre. Des acteurs locaux qui auraient
mérité d’en bénéficier peuvent
manquer ces opportunités
faute d’information.
De plus, les
petites collectivités territoriales, petites entreprises et petites associations, peu dotées en
capacités d’ingénierie
, ont du mal à y accéder avec succès.
Dans un échange avec la Cour, la DGCL estimait souhaitable de recenser les appels à
projets ou à manifestations d’intérêt résiduels
sur un portail unique. Dans le document
« missions prioritaires des préfectures 2022-2025 », le
ministère de l’intérieur estime que «
face au grand nombre d’appels à projets et à manifestation d’intérêt, le besoin pour les services
territoriaux de disposer d’outils numériques de suiv
i des différents leviers mobilisables au plan
national ou local est plus que jamais nécessaire
». De nombreux agents des préfectures
rencontrés dans le cadre de la présente enquête ont aussi fait part du besoin qu’ils ressentaient
d’un outil informatique national recensant tous les appels à projet et à manifestation d’intérêt.
Il serait opportun que le Premier ministre réduise par circulaire le nombre de ces appels
à projets nationaux
.
À cet égard, la Cour se félicite que le Gouvernement ait choisi de déléguer
les crédits du
Fonds d’accélération de la transition écologique dans les territoires («
Fonds
vert »)
84
aux préfets de région, avec une fongibilité des enveloppes entre les différentes mesures
proposées, plutôt que de les répartir dans le cadre d’appel
s à projets nationaux.
En outre, si des initiatives ont été prises
pour faciliter l’accès
aux aides disponibles sur
les territoires avec notamment la création de la plateforme Aides-territoires
85
,
l’
objectif
n’a pas
été complètement atteint
, faute d’obligation d’y faire figurer tous les appels à projet
s. Il
conviendrait qu’u
ne disposition normative stipule que seuls les appels à projets figurant sur un
portail interministériel unique peuvent donner lieu au versement de subventions.
84
Circulaire du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires du 14 décembre 2022
relative au déploiement du
Fonds d’accélération de la transition écologique dans les te
rritoires (« Fonds vert »).
85
Aides-
territoires, start up d’État du réseau Beta.gouv.fr, est un service public en libre accès, porté par
la direction générale du logement, de l’aménagement et de la nature (DGALN) et l’ANCT. Elle vise à recenser les
aides r
écurrentes, les appels à projet et les appels à manifestation d’intérêt, disponibles aux niveaux national et
local. Peu d’interlocuteurs de la Cour dans l’instruction du présent rapport en ont toutefois évoqué l’existence.
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
86
Recommandation n° 9.
(SG du ministère de l
’intérieur et DGCL) : Pr
oposer au Premier
ministre une circulaire visant à
réduire le nombre d’appels à projets ou à manifestation
s
d’intérêt et
une disposition normative rendant obligatoire le dépôt des appels sur un
portail interministériel unique.
3.3.4
Un poids excessif
de l’administration centrale dans la contractualisation avec
les collectivités territoriales
Les administrations centrales conservent un poids important dans la contractualisation
avec les collectivités territoriales
, limitant ainsi considérablement les marges de manœuvre des
préfets en la matière.
Ainsi, pour le contrat de plan État-région (CPER) 2021-2027, les régions ont jugé que
les mandats définitifs notifiés aux préfets de région le 23 octobre 2020 par le Premier ministre
étaient
multithématiques, fermés et très cadrés par l’État central, sans prise en compte des
préoccupations locales.
La Cour constate effectivement, à l’examen de ces mandats, que les
intentions initiales de prise en compte des spécificités régionales, mentionnées dans les pré-
mandats, n’ont pas été respectées.
En outre, l’action des préfets de région est parasitée par des discussions et arbitrages
parfois réalisés par les administrations centrales sans qu’ils y soient associés. La DGCL indique
que dans le cadre de sa mission de coordonnateur national des CPER, elle «
veille tout
particulièrement à la bonne information des préfets et de leurs équipes. Lorsque des points
bloquants sont identifiés, les arbitrages proposés aux cabinets ministériels sont précédés
d’échange à niveau technique, tant avec les services du préfet de région que ceux des ministères
concernés
». Pour autant, les préfets de région estiment que les cabinets ministériels ont
tendance à dialoguer directement avec les élus et les collectivités territoriales, sans que les sujets
soient toujours examinés en amont avec les préfets. Ces derniers sont parfois informés par les
conseils régionaux des discussions que ceux-ci mènent avec les cabinets des ministres.
Par ailleurs, le calend
rier de conclusion des contrats qui s’impose aux préfets est si
contraint qu’il ne peut pas être respecté. Il est à l’origine du contenu décevant de nombre d’entre
eux. Quel que soit le type de contrat, les délais fixés aux préfets pour mettre en place les
nouveaux dispositifs sont bien trop courts, ce qui nuit à leur qualité. Cela a été le cas pour les
CRTE, les opérations « Action cœur de ville » ou les contrats de sécurité intégrée, mais aussi
pour les CPER.
Des contrats créés récemment, comme les contrats de maîtrise des dépenses publiques,
dits contrats de Cahors, et les contrats de sécurité intégrée (CSI) montrent également un préfet
soumis à une forte pression des administrations centrales. Dans son rapport annuel sur les
finances publiques locales de 2020, la Cour a dressé un bilan contrasté des contrats de Cahors,
qui laissent peu de marges de manœuvre au préfet de département. S’agissant des CSI, le préfet
est chargé de leur mise en œuvre, en s’assurant qu’ils s’adressent «
prioritairement aux grandes
agglomérations ou aux bassins de délinquance les plus importants
». Toutefois sa marge
d’appréciation est très encadrée : les CSI sont, avant leur signature par le préfet, soumis
à la
validation d
u ministre de l’intérieur.
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
87
Il convient que les préfets puissent jouer pleinement
leur rôle dans l’élaboration des
contrats avec les collectivités territoriales. Cela suppose que les mandats qui leur sont donnés
par les administrations centrales leur laissent des marges de manœuvre pour prendre en compte
les spécificités territoriales et que le temps leur soit laissé pour mener des négociations
approfondies avec les collectivités. Les administrations centrales devraient également
s’interdire de négocier directement avec les collectivités sans que le préfet soit
pleinement
associé à ces consultations.
Recommandation n° 10.
(SG du ministère de l’intérieur et DGCL)
: Donner au préfet
les moyens de jouer son rôle dans l’élaboration des contrats en lui laissant
les délais
nécessaires à la prise en compte des spécificités territoriales.
3.3.5
Une tendance à la recentralisation de la gestion de crise à réfréner
Les acteurs territoriaux de la gestion de crise (préfets, mais aussi responsables des forces
de police et de gendarmerie, de SDIS, ou des collectivités territoriales) relèvent une tendance
croissante de
l’
État central à gérer les crises depuis Paris, dès lors que celles-ci suscitent
l’intérêt
des médias nationaux. Cela a pu être observé lors de la crise des gilets jaunes ou de la crise
sanitaire, mais aussi lors de crises plus ponctuelles.
Cette évolution est liée à l’accélération du temps médiatique et au développement des
chaines d’information en continu, qui tendent à imposer leur rythme et leurs centres d’intérêts
aux responsables politiques, ce qui conduit à des demandes de remontée d’i
nformation en temps
réel des échelons centraux aux services sur le terrain, laissant peu de temps à l’analyse ou à la
prise en compte de l’expertise des échelons intermédiaires. Des responsables de forces de
sécurité ou de SDIS rencontrés ont ainsi fait état de la difficulté dans laquelle ils pouvaient se
trouver placés pour éviter que l’échelon central soit informé avant le préfet, compte tenu des
sollicitations dont ils faisaient l’objet.
Cette tendance est accrue par les nouveaux moyens de communication (internet,
visioconférences, murs d’images reprenant celles captées par la vidéoprotection) qui donne
nt
parfois le sentiment, erroné, que les crises peuvent être gérées directement depuis Paris, y
compris parfois l’ordre public.
Elle peut aussi être renforcée par la centralisation de certains services de
l’État
qui
hésitent à agir avant d’avoir le feu vert ou les instructions de leurs centrales
. Des responsables
de SDIS ou de collectivités territoriales rencontrés ont ainsi fait part de leur étonnement devant
la faible autonomie des délégués territoriaux des ARS ou des DASEN pendant la crise sanitaire.
Cette recentralisation présente plusieurs
risques. Tout d’abord, l’absence
de
connaissance du contexte territorial peut conduire à des erreurs d’appréciation
, ou, tout au
moins, limiter la prise en compte des spécificités locales et la concertation avec les collectivités
territoriales
, comme l’ont montré certaines difficultés dans les relations avec les élus locaux
dans la gestion de la crise sanitaire.
L’ingé
rence des niveaux centraux dans la crise peut
compliquer sa gestion par le préfet, a fortiori s’il n’y a pas de coordination formalisée des
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
88
interventions des différents acteurs centraux
86
. Enfin, elle peut soulever des questions de
responsabilité s’agissant
de décisions prises par des autorités distinctes de celles juridiquement
compétentes pour gérer la crise.
3.3.6
Un État central qui réinvestit ses services déconcentrés dans les compétences
décentralisées
L’
État central a tendance à réinvestir ses services déconcentrés dans les compétences
décentralisées, alors même que les moyens humains de ces services ont été fortement réduits et
qu’ils ne disposent souvent plus en leur sein des compétences nécessaires pour ce faire. Cela se
traduit, comme cela
a été souligné, par des feuilles de route évaluant les préfets sur des actions
relevant des compétences des collectivités territoriales ou par une contractualisation État-
collectivités territoriales très encadrée par les choix des administrations centrales. Ce
phénomèn
e a également été observé massivement à l’occasion du plan de relance, qui a conduit
l
’État
à se réinvestir dans le développement économique des territoires
87
alors même que cette
compétence relève des conseils régionaux.
Il se constate aussi au quotidien sur des questions de moindre ampleur, le pouvoir central
ayant tendance à faire appel aux préfets pour traiter les sujets fortement médiatisés même
lorsqu’ils ne relèvent pas des compétences de l’État
. Ainsi, il a été demandé aux préfets à
l’automne 2022 d’inspecter tous les centres d’accueil des mineurs dans le cadre de la protection
de l’enfance, alors que l’aide sociale à l’enfance relève de la compétence des départements et
que les services de
l’État n’ont plus les moyens afférents
pour réaliser cette mission.
Parfois, les préfets ont conservé des responsabilités alors que les moyens n’existent plus.
Ainsi, alors que les DDT
n’ont plus de personnels dédiés aux sujets relatifs à la chasse, compte
tenu des transferts de missions aux fédérations de chasseurs, le préfet conserve des pouvoirs en
la matière (approbation du plan de chasse annuel) et doit assurer, dans de nombreux
départements, un suivi attentif de ce sujet sensible.
______________________ CONCLUSION INTERMÉDIAIRE ______________________
La coordination par le préfet des services de l’État placés sous son autorité ne pose pas
de difficulté, même si l’autorité des préfets de région sur les directions régionales n’
est pas
aussi forte que celle des préfets de département sur les directions départementales
interministérielles. La présence des responsables des services non placés sous l’autorité des
préfets, notamment l’éducation, les finances publiques, et dans de nom
breux cas les agences
régionales de santé, dans le collège des chefs de service présidé par le préfet, permet d’assurer
des relations qui sont le plus souvent de qualité.
Le rôle de coordination du préfet doit composer avec l’intervention des opérateurs d
e
l’État dont les actions sectorielles et marquées par une forte verticalité ne s’articulent pas
86
Voir le rapport IGA-IGAS-CGEDD-CGAAER-
CGEIET, Retour d’expérience après l’incendie d’un
site industriel à Rouen en septembre 2019, analyse et propositions sur la gestion de crise (mai 2020).
87
Cour des comptes, rapport public annuel 2023, Les compétences de développement économique des
collectivités territoriales : une rationalisation inachevée, un pilotage à renforcer, publié sur www.ccomptes.fr.
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
89
spontanément avec la mission confiée aux préfets d’assurer la cohérence globale de l’action
de l’État sur un territoire donné. Toutefois des avancées ont été r
éalisées ces dernières années
pour répondre au risque de contournement du préfet par les opérateurs. En particulier, la loi
du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et
portant diverses mesures de simplificat
ion de l’action publique locale (« loi 3DS ») a fait du
préfet de région le délégué territorial de l’Agence de l'environnement et de la maîtrise de
l'énergie (ADEME) et du préfet de département celui de l’Office français de la biodiversité
(OFB). En outre, la loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du
ministère de l'intérieur (LOPMI) permet un renforcement des prérogatives du préfet de
département en cas d'évènements d'une particulière gravité en lui donnant autorité sur les
services et établissements publics de l'État ayant un champ
d’action
territorial, qui sont alors
placés pour emploi sous son autorité. Le ministère de l’intérieur devrait conclure avec d’autres
opérateurs des conventions sur le modèle de celle conclue avec l’O
FB en janvier 2023. Il doit
également dresser un état des lieux des différentes solutions mises en œuvre pour organiser les
relations entre préfets et opérateurs et en faire une évaluation critique.
Par ailleurs, le positionnement du représentant de État est fragilisé par la tendance de
l’État central à ne pas respecter le principe de déconcentration des politiques publiques, en
particulier par un usage immodéré des appels à projets nationaux. La Cour recommande de
réduire le nombre de ces appels à projets et de rendre obligatoire leur dépôt sur un portail
interministériel unique. De même, les marges de manœuvre des préfets dans la
contractualisation entre l’État et les collectivités territoriales sont réduites par un encadrement
excessif de ces exercices par les administrations centrales, se manifestant notamment par des
délais irréalistes ne permettant pas la prise en compte des spécificités territoriales. Enfin, la
Cour relève une tendance à gérer les crises depuis le niveau central, ce qui ne favorise pas une
parfaite prise
en compte du contexte local.
En outre, l’État central a tendance à réinvestir ses services déconcentrés dans des
compétences décentralisées, alors même que leurs moyens humains ont été fortement réduits et
qu’ils ne disposent souvent p
lus en leur sein des compétences nécessaires pour ce faire. À cet
égard, si la mise en place de feuilles de route interministérielles constitue un
outil intéressant,
la Cour considère que les préfets ne devraient pas être évalués sur la mise en œuvre de
p
olitiques ne relevant pas des compétences
de l’État.
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
90
4
LA CAPACITE DES PREFETS A GERER LEURS MOYENS :
DES DISPOSITIFS ENCORE EMBRYONNAIRES
La capacité des préfets à gérer leurs moyens se heurte à des contraintes dont ils ne
maîtrisent pas tous les leviers malgré l
es marges de manœuvre qui leur sont
laissées pour ce qui
relève de certains aspects de leur périmètre comme les effectifs ou les organisations. Le
ministère de l’intérieur a
engagé des travaux sur les processus de répartition des ressources et
mis en œuvre de nouveaux dispositifs au profit des préfets. Les fonctions support sur lesquelles
s’appuient les préfets pour gérer leurs moyens ont également fait l’objet de profondes
réorganisations ces dernières années.
Tableau n° 19 :
Effectifs des fonctions support
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
Evolution
2016/2022
Immobilier / moyens
1453
1453
1484
1445
1387
1825
1977
36,1 %
Informatique
140
152
157
145
1218
(+1088)*
1258
1263
802,4 %
Ressources humaines
1177
1214
1245
1207
1203
1906
2151
82,7 %
Budget / achats
1056
1034
1063
1026
1000
1391
1544
46,3 %
Total fonctions support
3 826
3 853
3 949
3 823
4 808
6 380
(+1803)**
6 935
(+89)**
81,3 %
Source
: ministère de l’intérieur
* dont transfert SIDSIC du programme 333
** dont transferts au titre de la création des SGCD qui ont concerné 1892 agents des DDI (1803 en 2021 et 89 en
2022) qui ont été ventilés sur les différents domaines des fonctions support.
La création du programme 354 au 1
er
janvier 2020 a conduit au transfert des emplois
des personnels des services interministériels départementaux des systèmes d’information et de
communication (SIDSIC), portés
jusqu’alors
par le programme 333, qui rassemblaient depuis
2011 au sein de services unifiés les équipes informatiques des préfectures et des DDI. Ainsi,
près de 1 100 ETP sont venus abonder l
« appui et support informatique » en 2020.
La mise en place des secrétariats généraux communs départementaux (SGCD) a entrainé
en 2021 et 2022 des transferts entrants de près de 1900 ETP venus des DDI dans les domaines
des fonctions support (budget - achats, ressources humaines, affaires immobilières).
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
91
4.1
La création des SGCD
Le regroupement des moyens de fonctionnement des DDI, des services régionaux et des
SGAR au sein du programme 333 depuis le 1
er
janvier 2011 a permis, selon le ministère, des
gains budgétaires et une optimisation de la gestion courante. Ce succès a conduit les décideurs
publics à poursuivre la logique de rationalisation
de l’ATE en fusionnant au sein de secrétariat
s
généraux communs les fonctions support des DDI et des préfectures et en positionnant les
crédits dédiés au sein d’un nouveau programme (P354
«
Administration territoriale de l’État
»)
issu de la fusion des programmes 333
« Moyens mutualisés des administrations déconcentrés »
et 307
« Administration territoriale ».
Les objectifs de cette réorganisation sont de professionnaliser les agents affectés à des
fonctions support, de rationaliser les effectifs sur ces fonctions grâce à la mutualisation puis de
réallouer les marges d’emploi
s ainsi dégagées sur les fonctions métiers tout en garantissant la
réalisation effective de l’offre de service des fonctions support malgré
ces réductions
d’effectifs.
L’article 3 du dé
cret de création des SGCD précise leur champ de compétences :
« le
secrétariat général commun départemental assure la gestion de fonctions et moyens mutualisés
en matière budgétaire, d'achat public, d'affaires immobilières, de systèmes d'information et de
communication, de logistique, de ressources humaines, de relation avec la médecine de
prévention et de mise en œuvre des politiques d'action sociale »
.
Cette création est le fruit
d’un processus
de concertation engagé dès 2018 entre les
services du Premier ministre et les préfets de région
88
pour une mise en
œuvre
au 1
er
janvier
2020, repoussée au 1
er
janvier 2021 en raison de la crise sanitaire. Toutefois, en dépit de ce
report, les conditions de réussite de la mise en œuvre de cette réforme n’étaient
pas réunies et
les créations de SGCD se sont déroulées de manière très hétérogène sur le territoire, souvent
dans la douleur comme le relève le rapport du Sénat de juin 2022
89
. Dans un entretien avec le
journal de AEF info, le directeur de la modernisation et de l'administration territoriale et de
l’encadrement supérieur
(DMATES)
du ministère de l’intérieur reconnait
«
qu’il faudra
certainement 4 à 5 ans pour que les SGC puissent fonctionner de manière fluide
».
Le ministère de l’intérieur a indiqué qu’un
e mission inter-
inspections d’évaluation de
l’organisation et du fonctionnement des SGCD a
vait rendu ses conclusions en juin 2023, que
leur analyse était en cours au sein des secrétariats généraux des ministères concernés et
qu’elles
feraient «
l’objet d’un plan d’action
». La Cour prend acte de ces indications, à ce stade
imprécises, et rappelle que les difficultés rencontrées par les SGCD doivent être impérativement
traitées.
88
Circulaires du Premier ministre en date du 24 juillet 2018 demandant aux préfets de région leurs
propositions d’évolution de l’organi
sation territoriale des services publics puis du 12 juin 2019 sur la mise en
œuvre de la réforme de l’organisation territoriale de l’État et du 2 août 2019 sur la constitution de secrétariats
généraux communs aux préfectures et aux directions départementales interministérielles.
89
Rapport d’information n°740 du 29 juin 2022 sur les secrétariats généraux communs.
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
92
4.1.1
Les refus d
’agents d’
être affectés en SGCD ont affecté la mise en place des
secrétariats généraux
Les transferts des agents des DDI et préfectures vers les SGCD ont donné lieu à des
situations très diverses. Au niveau national, le refus de rejoindre leur poste a concerné 476 ETP
dont
78 ETP du ministère de l’agriculture et de l’a
limentation, 142 ETP du ministère de la
transition écologique et solidaire, 225 ETP des ministères sociaux et 31 ETP de la direction
générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.
La circulaire du Premier ministre du 2 août 2019
90
précise que le transfert des agents au
sein des SGCD s’effectuera sur la base du volontariat, sous la forme d’une intégration directe,
du détachement, de la position normale d’activité, de l’affectation ou de la reprise des contrats.
Le bon déroulement de la phase de préfiguration a pu permettre à certains SGCD de
fonctionner dès le départ dans des conditions relativement favorables sur le plan des ressources
humaines mais ne les a pas exemptés des mouvements naturels des agents liés à la réussite aux
concours, à des départs pour raisons personnelles ou à des projets professionnels.
La situation a été plus compliquée pour les SGCD qui ont fait l’objet d’un refus de
transfert généralisé, lié à une phase de préfiguration compliquée ou par mimétisme des agents
sur le choix de leur hiérarchie en DDI. Ainsi, dans certains SGCD, des services ne fonctionnent
qu’avec des
contractuels de courte durée et il a dû être fait appel à des apprentis, stagiaires et
jeunes en service civique pour remplacer des agents titulaires.
Le SGCD n’est pas considéré comme attractif et n’arrive pas à recruter des
fonctionnaires, en interne comme en externe. La possibilité depuis 2022 de recourir plus
facilement à des contrats pluriannuels a permis localement de recruter sur certains postes
spécifiques. Toutefois, le recours majoritaire à des contrats courts pour des postes vacants de
longue durée implique une rotation importante des contractuels, chronophage pour les agents
titulaires qui doivent former une nouvelle personne tous les 3 à 4 mois.
La conséquence a été, dès le début de la réorganisation, une perte de compétences des
SGCD, notamment en matière de gestion des ressources humaines pour les agents des DDI. Les
SGCD ont ainsi dû recourir massivement à des contractuels pour combler les emplois laissés
vacants. De plus, si certains ministères
ont fait porter l’effort des
réductions
d’effectifs des
dernières années sur l’échelon régional ou l’échelon central, d’autres ont
fait peser ce poids sur
leurs services déconcentrés du niveau départemental, conduisant à des tensions sur certaines
fonctions en local bien avant la réforme.
4.1.2
Des chantiers de convergence des procédures en matière de ressources
humaines faisant
l’objet d’appréciations très divergentes
entre le niveau
central et le niveau local
Si la constitution des SGCD
s’est effectuée de manière
très différente selon les
territoires, les chefs de ces services sont unanimes pour regretter le manque de volonté des
administrations centrales d’avancer sur la question des chantiers de convergence. Ce constat
90
Circulaire du Premier ministre n°6104 SG du 2 août 2019
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
93
n’est pas partagé par les administrations centrales
, dont le tableau de suivi des chantiers de
convergence du COPIL du 22 novembre 2022 indique que sur 36 objectifs à atteindre, 22 ont
déjà complètement ou partiellement abouti et 9 sont en cours de réalisation avec un horizon de
mise en œuvre pour 2023 et 2024.
Des chantiers présentés comme aboutis sur la feuille de suivi ne semblent pas avoir fait
l’objet d’une mise en œuvre
au plan local par certains SGCD, comme les modalités
d’alimentation des
comptes épargne temps (CET) ou le télétravail
. D’autres qui ne figurent pas
dans la liste des chantiers de convergence, comme les règlements intérieurs ou le sujet de
l’harmonisation des règles concernant les primes
, pèsent néanmoins sur le travail des agents.
Certains SGCD ont fait le choix
de commencer par mutualiser l’organisation
d’évènements simples et rassembleurs comme les journées d’accueil des nouveaux arrivants et
les carrefours d’information RH
. Un des projets reconnus comme aboutis au niveau central
comme au niveau
local est l’harmonisation des aides à la restauration collectiv
e pour les
personnels des ministères
du périmètre de l’administration territoriale de l’État. Il s’agit de
permettre à ces
agents, déjeunant dans un même restaurant administratif et relevant d’une même
entité,
de bénéficier d’aides complémentaires à la res
tauration identiques, quel que soit le
ministère d’origine. Ce projet a toutefois
été lancé dès 2017.
En revanche, les SGCD ont
vu leur
travail dans
l’organisation des élections
professionnelles compliqué par le fait que chaque ministère diffuse sa circulaire avec des
directives et une méthodologie spécifique. De plus, le manque de coordination dans la
préparation en amont des élections a conduit à constater tardivement que les listes électorales
des DDI généraient des erreurs pouvant concerner
jusqu’à 20
voire 30 % du corps électoral lors
de leur intégration dans le système d’information du vote électronique des préfectures
, ce qui a
conduit à revenir a
u vote à l’urne avec ses contraintes (isoloirs, impression de bulletins…).
La coexistence de plusieurs
systèmes d’information RH
est
à l’origine des principales
difficultés rencontrées par les agents des SGCD. La multiplicité des applications auxquelles ils
doivent recourir : «
Dialog2, Renoirh ministère de l'agriculture et de l'alimentation, Renoirh
ministère de la transition écologique et solidaire, Renoirh ministères sociaux, BO Agri, Portail
RH ministère de la transition écologique et solidaire, Renoirh poste, Renoirh mobilité, Hub
RH, Odissée, EAO, GAO, Léo, Salsa, Casper ministère de l'intérieur, Casper DDT, Casper
DDETSPP, Estève, Agrimob, MobMI, Agorha, Geci, Paco, gestion grève, etc.
»
et la nécessaire
connaissance des différents régimes RH
rend
leur travail très complexe
.
Les chantiers de
convergence sur ces thématiques auraient dû être priorisés bien en amont de la réforme afin de
faciliter le travail des agents et garantir le succès de la réforme. Or, il est constaté que la
convergence de certains processus comme la gestion des campagnes de mobilité, préalable à la
convergence des SIRH,
n’
a pas encore abouti.
La direction générale de l’administration et de la fonction publique a toutefois souligné
l’avancée de plusieurs cha
ntiers relatifs aux outils RH qui devraient permettre de faciliter le
travail des agents des SGCD. Il en va ainsi de
l’harmonisation des processus d’évaluation
, qui
va permettre le déploiement de l’outil ESTEVE au sein du ministère de l’intérieur en 2024 et
2025, du
déploiement de l’outil
«
système d’information décisionnel
» (SID), rassemblant les
effectifs des cinq mi
nistères de l’administration territoriale de l’Etat
dans quatre SGCD pilotes
en 2023
avant d’être
généralisé à tous les SGCD en fin d’année, ou encore
des progrès du
déploiement du dossier individuel agent (DIA) et du dossier comptable numérique (DCN), au
sein du système GAUDDI (
gestion de l’archivage et du stockage unifiés du dossier individuel
des agents).
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
94
D’autre part, le développement d’un outil commun pour l’
administration territoriale de
l’
État,
permettant aux gestionnaires habilités d’effectuer des requêtes RH sur l’ensemble de leur
périmètre, interfacé avec les différents SIRH, est en cours, en lien avec le centre interministériel
de services informatiques relatifs aux ressources humaines (CISIRH).
La concertation et la préfiguration préalables
à la mise en œuvre des SGCD n’ont pas
permis d’obtenir l’adhésion et les résultats attendus lors de la première année. Le décalage de
ressenti entre le niveau central et le niveau local, tant au niveau des SGCD que de leurs usagers,
perdurera tant que les
administrations centrales n’auront pas déployé les outils et les process
des chantiers de convergence. En outre, les gains de productivité attendus de la réforme ne se
sont à ce stade pas concrétisés, alors que la qualité de service s’est, de l’avis des s
ervices
usagers, dégradée.
Ces difficultés doivent impérativement faire l’objet de mesures fortes dans
le plan d’action
qui sera tiré des conclusions de la mission inter- inspections sur les SGCD,
notamment dans le domaine des SIRH, au regard de leur importance pour la réussite de cette
réforme.
Recommandation n° 11.
(
SG du ministère de l’intérieur, DGAFP)
: Accélérer les
chantiers de convergence informatique permettant de réduire les difficultés découlant de
l’utilisation de SIRH différents dans l’administration territoriale de l’
État
4.2
Un pilotage des emplois et de la masse salariale qui doit évoluer pour
gagner en souplesse et en efficience
4.2.1
De nouvelles modalités de répartition des emplois à mettre en
œuvre
Le rapport de la Cour relatif aux «
effectifs de l’administration territoriale de l’
État »
relevait d’une part que l’allocation des effectifs au sein de l’ATE n’était pas optimale et ne
résultait d’aucune analyse du besoin et d’autre part
, que les objectifs de redéploiement entre
missions n’
ont pas été atteints.
Le manque de cohérence dans la période récente entre les réductions d
’effectifs
et
l’
évolution des moyens des missions prioritaires ne permet pas d
’assigner
des priorités claires
aux préfets, les laissant, comme le permet la gestion déconcentrée du programme 354, allouer
leurs moyens en fonction des priorités locales. La DMATES indique que la recommandation
de la Cour «
Élaborer
une méthode d’évaluation des effectifs de référence par préfecture et y
recourir pour déterminer la répartition des effectifs à la hausse comme à la baisse
» sera mise
en œuvre en 2024
. Elle note que la création de 100 ETP supplémentaires en 2024 puis de 80
ETP en 2025 et 2026 devrait permettre une répartition
sur la base d’
une évaluation objective
du besoin.
L’indicateur retenu
par la DMATES comme le plus pertinent pour la répartition des
effectifs est le taux d’administration
: le nombre d’agents de préfecture
rapporté à la population
d’un département. La situation actuelle montre un taux d’administration qui
s’échelonne de
0,23
en Isère à 1,37
en Lozère. L’objectif de la DMATES est de rapprocher le taux
d’administration des 0,4
mais vise surtout une réduction des écarts extrêmes à partir de 2024.
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
95
La DMATES va utiliser cet indicateur pour la répartition
des emplois qu’elle opère entre les
régions. Elle
a indiqué à la Cour qu’elle allait inciter les préfets de région à utiliser les mêmes
indicateurs pour la répartition entre les départements, selon le barème suivant :
Taux d’administration moyen par strate
de population :
-
0,29 ‰ dans les 22 dép
artements
comptant plus d’
1 million
d’
habitants ;
-
0,31 ‰ dans les 29 dép
artements comptant entre 500 000 et 1 million
d’
habitants ;
-
0,41 ‰ dans les 23 dép
artements comptant entre 300 000 et 500 000 habitants.
-
0,66
‰ dans les 26 dép
artements comptant moins de 300 000 habitants (dont 0,78
dans les départements de moins de 200 000 habitants).
Les préfectures de la strate 300 000-500 000 habitants ayant un taux inférieur à 0,4
sont identifiées par la DMATES comme les plus en difficulté car disposant de marges de
manœuvre
limitées
pour s’organiser efficacement
au regard de leur activité. Au-delà de 500 000
habitants, un taux plus proche des 0,3
permettrait, selon la DMATES,
de s’adapter plus
facilement aux évolutio
ns d’activité et d’organisation.
Toutefois, lors de ses déplacements, la
Cour a pu observer que les préfectures de taille importante sont également en forte tension sur
certaines de leurs missions et que la taille n’est pas
le
gage d’une plus grande souple
sse dans la
répartition des effectifs.
Graphique n° 4 :
Taux d’administration
Source : DMATES
D’autres indicateurs
, comme une répartition des effectifs par mission, sont envisagés à
titre secondaire notamment pour l’instruction et la délivrance des titres
, dont la part des effectifs
varie selon les départements entre 7 % pour les plus petites préfectures à 25 % pour les plus
grandes dans les départements les plus peuplés. Pour les CERT, différentes méthodes sont
appliquées. Certains préfets de région notifient séparément les effectifs de la préfecture et du
CERT associé,
d’autres
notifient de manière globalisée. Cela a conduit certains préfets de
23 départements
300 000 et 500 000
habitants
9 départements
avec un taux
d’administration inférieur à 0,4 ‰ :
Landes, Manche, Pyrénées-Orientales,
Tarn, Savoie, Eure-et-Loir, Dordogne,
Charente et Deux-Sèvres
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
96
département à
faire porter les réductions d’
emplois sur les CERT, plutôt que sur les autres
services de la préfecture ou à réallouer des moyens initialement prévus pour les CERT vers
d’autres services,
notamment en 2020, le Covid ayant entrainé une forte baisse des demandes
de titres. Toutefois, lorsque cette demande est repartie à la hausse, certains CERT se sont
retrouvés en difficulté car
à court d’effecti
fs. Une gestion centralisée des effectifs des CERT
(ou « déterritorialisation ») est
à l’étude
;
dans l’attente
, le ministère assure un suivi des effectifs
au niveau central.
Des indicateurs de performance liés à l’act
ivité pourraient permettre de mieux quantifier
les effectifs en fonction des besoins et des spécificités des préfectures. Le choix du ministère
de l’intérieur de se baser sur des indicateurs
reflétant une meilleure évaluation du besoin va
dans le sens des recommandations de la Cour, à condition que les évolutions du schéma
d’emploi ne soient pas gagées par des décisions politiques
et des changements incessants dans
la priorisation des missions.
Ainsi, le ministère de l’intérieur n’a pu engager cette démarch
e en
2023, les 42
emplois prévus au schéma d’emploi
ayant été répartis selon les priorités
géographiques (Mayotte, Corse, Hauts-de-France) et certaines missions (sécurité, lutte contre
les séparatismes, communication, gestion de crise).
En tout état de cause, l’application de critères d’activité ne saurait porter uniquement
sur les créations d’emploi mais bien sur l’ensemble
des effectifs.
4.2.2
Le dispositif « 3 % »
Le dispositif de réallocation d’emplois au niveau régional sur le périmètre AT
E, dit
dispositif « 3 % », a été mis en place
par l’instruction du ministère de la transformation de la
fonction publique
MCP en date du 22 décembre 2021, adressée aux préfets de région, aux
préfets de département et aux chefs de services déconcentrés de
l’
État du périmètre ATE.
Ce dispositif donne aux préfets une capacité de réallocation des emplois entre BOP,
dans la limite de 3
% de l’effectif total ATE. Il succède à la réserve nationale d’emplois mise
en extinction. L’objectif sous
-jacent est de nouer un dialogue de gestion entre les préfets et les
chefs de services déconcentrés de l’ATE sur l’adéquation entre la répartition des effectifs dans
les services et les besoins au regard des priorités des politiques publiques dans les territoires.
Pour 2022, première année de fonctionnement du dispositif, sur les 1936 ETP
potentiellement concernés, seuls 266 mouvements ont été opérés,
avec des taux d’utilisation
très variables selon les régions.
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
97
Tableau n° 20 :
Redéploiements opérés par région au 30 septembre 2022
Source : direction du budget
Sur les huit programmes concernés par le dispositif, les programmes P217 « Transition
écologique et cohésion des territoires » et le P354 « Intérieur et Outre-mer » connaissent le plus
grand nombre de mouvements. Ces deux programmes sont également les mieux dotés en
effectifs du périmètre ATE. Le programme 217 concentre au niveau national 39,4
redéploiements pour 39,4 créations et 39,9 suppressions et le programme 354 concentre 38
créations pour 32,5 suppressions, soit un solde positif de 5,5 ETP.
Région
Effectif cible
Redéploiement
autorisé
Redéploiement
réalisé
ETP redéployé
Bourgogne-Franche-Comté
3 669
110
19%
20,7
Hauts-de-France
5 013
150
12%
18,0
Provence Alpes-
Côte d’Azur
4 331
130
13%
17,2
Centre-Val de Loire
2 839
85
8%
6,5
Auvergne-Rhône-Alpes
7 158
215
8%
17,4
Normandie
3 497
105
6%
6,7
Bretagne
3 503
105
5%
5,0
Grand Est
5 705
171
4%
6,0
Nouvelle-Aquitaine
6 615
199
3%
6,0
Occitanie
6 476
194
2%
3,1
Pays de la Loire
3 454
104
0%
0,5
Total
64 523
1 936
6%
107,1
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
98
Tableau n° 21 :
Mouvements par programme au 30 septembre 2022
Source : direction du budget
La région Bourgogne Franche Comté est celle qui a utilisé le plus ce dispositif avec
19 % de redéploiement, soit 20 ETP sur les 110 ETP redéployables. A contrario, les Pays de la
Loire, l’Occitanie et la Nouvelle Aquitaine sont à 3
% ou moins des effectifs redéployables.
En Nouvelle-
Aquitaine, 6 ETP ont été redéployés représentant 4 ETPT. Il s’agit de 3
postes à la DREAL correspondant à des postes de contractuels de courte durée et 1 poste à la
DDETS correspondant à un poste de responsable SIC qui a été transféré à la préfecture.
L
’objection
soulevée par les chefs de services
déconcentrés est que l’on n’est plus dans une
logique temporaire d’adaptation des effectifs aux missions mais que
ces mouvements
s’inscrivent
dans le socle et se traduisent par
une perte définitive d’ETP.
En région Grand Est, les directeurs régionaux n’on
t pas souhaité travailler sur les
emplois et les missions prioritaires sur lesquels ils pourraient avoir de la marge, conduisant le
SGAR à taxer entre 0
et 1 poste à chaque direction régionale au profit de l’échelon
départemental (DDI ou direction de préfecture), pour un total de 6 ETP (4 % des ETP
redéployables).
Un bon fonctionnement de ce dispositif nécessite de la souplesse dans les organisations
au niveau départemental mais également au niveau des ressources humaines. Les rapporteurs
de la Cour ont pu constater lors de leurs déplacements le manque de moyens humains dans de
nombreux services, particulièrement au niveau départemental, ce qui complique
la manœuvre
de redéploiement. Une des seules options à la main des préfets est de jouer la carte de la
subsidiarité entre les échelons régionaux et départementaux.
Toutefois, cette subsidiarité se heurte aux relations entre les administrations centrales et
les directions régionales. Il existe plusieurs dialogues de gestion, entre les administrations
centrales et les préfets de régions, entre les administrations centrales et leurs directions
régionales, qui sont parfois opposés. Les directeurs régionaux reçoivent des directives précises
Programme
Créations
ETP
Suppressions
ETP
Solde ETP
Agriculture et souveraineté alimentaire
P206
6
9,3
-3,3
P215
4,2
6,1
-1,9
Culture
P224
3,6
3,6
0
Économie, finances et souveraineté industrielle et
numérique
P134
0,5
1,5
-1
Intérieur et Outre-mer
P354
38
32,5
+5,5
Solidarités, autonomie et personnes handicapées
P124
4,7
6,7
-2
Transition écologique et cohésion des territoires
P217
39,4
39,9
-0,5
Travail, plein emploi et insertion
P155
3,6
7,5
-3,9
Total
100
107,1
-7,1
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
99
de leur administration centrale
sur les moyens à mettre en œuvre, sans cohé
rence avec les
priorités exprimées par les préfets de région.
Il convient de prolonger le dispositif « 3 % »,
afin d’en évaluer la pertinence sur le
moyen terme. Pour améliorer son efficacité, il est nécessaire de
renforcer l’organisation du
travail en amont, entre les préfets de région et les administrations centrales, notamment sur le
dialogue de gestion préparatoire à la notification des enveloppes régionales d’emplois.
L’annonce du lancement d’un
«
observatoire des effectifs
» par la DMATES en 2023
répond à la recommandation de la Cour de fiabiliser les données relatives aux emplois de
l’ATE
91
et une meilleure visibilité sur les méthodologies de décompte des effectifs des
différents ministères. Un agent
du ministère de l’intérieur a été affecté à cet
observatoire qui,
pour bien fonctionner, supposera
que l’ensemble des ministères de l’ATE s’implique dans ces
travaux.
4.2.3
Le transfert du titre 2 des DDI au programme 354, un sujet qui reste ouvert
Le regroupement des fonctions supports au sein des SGCD et du programme 354, la
mise en œuvre du dispositif permettant aux préfets de redéployer jusqu’à 3
% des emplois sur
le périmètre de l’ATE, les mesures de simplification et de déconcentration de la gestion
budgétaire et des ressources humaines, conduisent à se
demander s’il est
opportun de conduire
à son terme
la démarche de mutualisation de l’ensemble des moyens de l’ATE en transférant le
titre 2 des DDI vers le programme 354.
Si le programme 354 comprend les emplois et la masse salariale des agents affectés au
sein des préfectures, des SGCD, des SGAR ainsi que les emplois de direction des DDI, il
n’inclut pas ceux des autres agents des DDI ni ceux des directions régionales, qui restent portés
par les différents programmes ministériels. Si certains préfets se disent favorables au transfert
de l’ensemble des effectifs des DDI vers le programme 354, les ministères font valoir qu’ils
perdraient leur capacité à donner des directives aux agents chargés de mettre en œuvre les
politiques voulues par leurs ministres et jugent un tel procédé contraire aux principes de la
LOLF. Le ministère de l’intérieur craint, quant à lui, un désintérêt croissant des autres
ministères pour l’administration départementale.
Au regard des difficultés rencontrées par les SGCD, une telle évol
ution n’est dans
l’immédiat pas envisageable. Les réformes et mesures évoquées précédemment doivent déjà
démontrer leur utilité et produire pleinement leurs effets avant toute mise
en œuvre d’
une
nouvelle mesure qui fait l’objet d’une forte contestation de
certains ministères et qui aurait des
conséquences importantes sur les relations entre administrations centrales et services
déconcentrés.
91
Rapport S2022-
0494 sur les effectifs de l’administration territoriale de l’État (exerci
ce 2010-2021) -
Recommandation n°1
: Fiabiliser les données relatives aux emplois de l’ATE, notamment au niveau régional
(directions régionales, SGAR).
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
100
4.2.4
Un recours massif aux contractuels
Le recours aux agents contractuels pour pourvoir les postes vacants est de plus en plus
fréquent dans les préfectures et les organisations qui leur sont rattachées. La concurrence avec
le secteur privé, les collectivités territoriales
et entre services de l’État a conduit le
Gouvernement à assouplir les règles en matière de recrutement des agents contractuels.
L’arrêté interministériel du 20 avril 2021 élargit la compétence des préfets de région et
de département aux actes de recrutement des agents non titulaires de droit public dans les
SGAR, les préfectures, les sous-préfectures et
les SGCD pour les contrats d’une durée
inférieure ou égale à 3 ans lorsqu’ils ne sont pas soumis au visa préalable du contrôleur
budgétaire ou lorsqu’ils sont conforme
s au référentiel de rémunération du secrétariat général
du ministère de l’intérieur. Avan
t cet arrêté, la compétence des préfets était limitée aux contrats
d’engagement d’une durée inférieure à 12 mois cumulés sur une période de 18 mois.
L’arrêté
interministériel du 21 mai 2021 étend également cette compétence aux préfets de zone pour les
agents contractuels de droit public recrutés par les SGAMI
92
.
La souplesse apportée au recrutement des agents contractuels par ces arrêtés fait écho
aux demandes des préfets et aux difficultés rencontrées. Toutefois, la Cour a constaté
que les
nouvelles compétences prévues par ces arrêtés sont souvent partiellement maitrisées voire
méconnues des agents chargés du recrutement.
Le recrutement des agents contractuels de droit public est en outre contrarié par une
procédure longue au regard de la dynamique du marché du travail,
conduisant souvent à l’échec
du recrutement
. Ainsi, l’étude des candidatures de contractuels ne peut se faire avant le constat
du caractère infructueux du recrutement d’un fonctionnaire titulaire. Ces délais conduisent les
candidats, surtout
lorsqu’ils disposent de compétences recherchées, à privilégier des offres du
secteur privé pour lesquelles les délais sont plus courts et les employeurs plus réactifs. Cette
problématique de délais a été très souvent évoquée par les agents chargés du recrutement.
Tableau n° 22 :
Recours aux contractuels en ETPT et type de contrat
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
CDD
1 211
2 071
2 120
1 707
1 963
2 290
3 503*
CDI
119
114
121
98
91
195
91
Source : DMATES
*En 2022, 64% des ETPT sont sur des contrats infra-annuels et 36% sur des contrats supra-annuels
Le nombre de contrats « courts » augmente sensiblement depuis 2019. En 2022, il atteint
un niveau record depuis 2016
en raison notamment du plan mis en œuvre par le ministère de
l’intéri
eur pour réduire les délais de délivrance des titres en permettant des recrutements massifs
sous cette forme
. L’analyse des données est
cependant
limitée par les possibilités de l’outil
BGP2,
qui ne rend compte que du nombre d’ETPT annuels.
De plus, les données relatives aux
92
Le préfet de police, le préfet de zone de défense et de sécurité de Paris et les préfets sous l’autorit
é
desquels sont placés les secrétariats généraux pour l’administration de la police en outre
-mer ne sont pas concernés
par cet arrêté.
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
101
durées des contrats relèvent d’une compétence RH déconcentrée au niveau des préfectures et
des SGCD.
Depuis 2022, un nouveau tableau analytique permet toutefois de distinguer les contrats
de moins d’un an sur une même année civile
(appelés contrats infra-annuels par le ministère de
l’intérieur), réservés à des besoins ponctuels et non durables de l’administration, des contrats
de moins d’un an à cheval sur deux années civiles (appelés contrats
supra-annuels). Ce tableau
illustre la façon dont des contrats
représentant l’équivalent de 1
891 ETP fin 2021 - sont clos
avant la fin
décembre et rouverts en début d’année suivante, afin
de respecter le schéma
d’emploi et corrélativement
,
le plafond d’emplois
au 31 décembre. Le document prévisionnel
de gestion des emplois et des crédits de personnels (DPGECP) décrit les prévisions d’entrées
et de sorties des personnels par programme et notamment des contractuels en précisant ceux
qui font l’objet d’un contrat infra annuel. Ce document est s
oumis au visa du contrôleur
budgétaire et comptable ministériel qui vérifie si le solde des entrées et sorties correspond au
schéma d’emploi autorisé en loi de finances.
La déconnexion entre ces obligations de gestion des emplois et la réalité des besoins au
regard des missions contraint les services à mettre en œuvre ce détournement des règles de
consommation afin d’assurer la continuité du service. Cette pratique n’a par ailleurs aucune
incidence sur la maîtrise de la masse salariale. Au contraire, elle génère une complexité qui se
traduit
par un coût de gestion supplémentaire pour l’administration et un renforcement des
difficultés de recrutement.
Tableau n° 23 :
Présence des ETP contractuels
selon la période de l’année
ETP infra annuels
présents en fin de mois
ETP supra annuels
présents en fin de mois
Total ETP
contractuels présents
en fin de mois
30/11/2021
1 928
1 294
3 222
31/12/2021
0
1 331
1 331
31/01/2022
1 837
681
2 518
28/02/2022
1 932
748
2 680
31/03/2022
2 046
807
2 853
Source : DMATES. La DMATES différencie des contrats « infra-annuels » et « supra-annuels » selon
leur présence au 31
décembre. Les premiers ont la particularité d’échapper au décompte du plafond
d’emploi.
Dans son contrôle d’avril 2022 sur «
les effectifs
de l’administration territoriale de
l’État
», la Cour relevait le recours massif à des agents contractuels de courte durée pour faire
face aux pics d’activité mais également pour compenser les suppressions de postes,
principalement dans les centres de délivrance de titres et aux services des étrangers. La Cour
recommandait de « limiter le recours aux contractuels infra-annuels dans les préfectures » au
regard du coût financier et humain de cette gestion des contrats courts et de la précarité de ce
type d’em
ploi, qui ne peut être une solution durable au sous-effectif dans les préfectures.
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
102
Les constats résultant du présent contrôle ainsi que ceux exposés
dans la note d’analyse
de l’exécution budgétaire 2022 de la mission
Administration générale et territorial
e de l’
État
93
conduisent la Cour à réitérer cette recommandation.
Le ministère de l’intérieur ne peut se satisfaire de recourir
dans de telles proportions à
des contractuels de courte durée à la place de personnels titulaires sur des emplois pérennes et
doit revoir sa doctrine d’emploi en conséquence. Le recrutement de contractuels de courte durée
doit se limiter aux pics d’activité ou
répondre à des besoins exceptionnels. Une augmentation
du schéma d’emploi et du plafond d’emploi
pour les adapter aux besoins pérennes doit être
recherchée et une plus grande souplesse laissée au responsable du programme 354 afin que le
ministère de l’intérieur puisse gérer ses
dépenses de personnel (titre 2) de façon plus efficiente.
Recommandation n° 12.
(DB, SG MIOM) : Limiter le recours aux contractuels de
courte durée
aux cas de surcharge ponctuelle d’activité
.
4.3
Des modalités de répartition des responsabilités et un pilotage des
moyens budgétaires à moderniser
4.3.1
La mise en œuvre de la circulaire de mars 2021
La circulaire du Premier ministre du 10 mars 2021 relative à la déconcentration de la
gestion budgétaire et des ressources humaines pour renforcer la capacité d’action de l’État dans
les territoires a fait suite au comité interministériel de transformation publique du 5 février 2021
à Mont-de-Marsan au cours duquel a été réaffirmé le rôle des préfets comme responsables de
la mise en œuvre des politiques publiques
tout
en leur donnant davantage de moyens d’action.
Deux leviers sont privilégiés : un cadre budgétaire modernisé et simplifié donnant de réelles
latitudes en matière de pilotage des crédits et des emplois et le développement des moyens
permettant une réelle stratégie en matière de ressources humaines pour améliorer le
recrutement, favoriser la mobilité et l’attractivité en dotant l’
échelon départemental de
compétences renforcées.
Depuis la fin
d’année 2022, le responsable de programme 354 applique l’intégralité des
mesures de la circulaire,
qui sont en voie d’appropriation par les services déconcentrés selon le
secrétariat général du
ministère de l’intérieur.
Ainsi, les préfets de région se voient déléguer
l’intégralité de leur dotation dès les premiers jours de janvier avec une plus grande souplesse
quant à leur répartition.
93
Le plafond d’emplois du programme 354 a été dépassé de 130 ETPT en 2022 par rapport à celui prévu
par le DPGECP.
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
103
4.3.2
Des modalités de répartition des dépenses de fonctionnement (« hors titre 2 »)
à moderniser
Les travaux menés concernant la construction budgétaire du hors titre 2 prévoient une
inversion du modèle actuel en partant de la base pour remonter au niveau central.
Le modèle cible prévoit un coût par agent appelé « sac-à-dos » et des dépenses
obligatoires correspondant au besoin réel, à la différence du modèle actuel basé sur la dotation
de l’année précédente et un solde disponible réparti au niveau local.
Graphique n° 5 :
Modèle actuel et modèle cible de répartition du hors titre 2
Modèle actuel
Modèle cible
Source : DMATES
La répartition des crédits alloués aux investissements immobiliers, déconcentrés au
niveau des préfets de région, est également amenée à évoluer selon plusieurs critères : une
dotation de 12€ par m
2
de surfaces soutenues localement, une réduction de 2 % des crédits pour
les régions métropolitaines et une augmentation de 15
% des crédits pour les territoires d’outre
-
mer.
Cette réforme suscite des préoccupations quant à une baisse substantielle des dotations
pour certaines régions. Afin d'éviter ces impacts négatifs, il est étudié une augmentation de
l’enveloppe, préservant
ainsi le niveau des dotations pour toutes les régions concernées par une
baisse de crédits.
< = >
+
+
+
-
-
-
=
Solde n à répartir
(ajustement en cours de gestion selon les reports et
rattachements FdC)
Programme 354
600 M
HT2
Loyers (à l
euro)
Dotations de base n-1
Enveloppes centrales
PNE, EMIR & PNI, SDAT/CSATE/SAILMI, provisions
diverses
LFI
Préfets
Agents ATE
Sous-
préfets
Sac-à-dos (
/agent)
DATE
Programme 354
600 M
HT2
Loyers (à l
euro)
Dépenses du propriétaire (
/m²)
Enveloppes centrales et
déconcentrées
LFI
Si montant > à la LFI = application d
un taux de cadrage
Si montant < à la LFI = répartition du solde
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
104
4.3.3
Des lignes hiérarchiques
peu claires qui nuisent à l’optimisation des moyens
Les services chargés des ressources humaines au sein des administrations déconcentrées
comprennent les SGCD
dont certains se voient confier des compétences régionales -, les
secrétariats généraux des directions régionales, les plates-formes RH des SGAR ainsi que les
SGAMI.
Bien
qu’ils soient
dotés de missions distinctes, leur coordination est essentielle pour
relever les défis de l’administration territoriale en termes d’attractivité, de recrutement de
nouveaux profils, d’accompagnement du changement par la formation et le manag
ement. Le
fonctionnement optimal du réseau des acteurs locaux des ressources humaines se heurte
pourtant à l’existence de ligne
s
hiérarchiques distinctes, au risque d’une concurrence
et d’une
dispersion des moyens qui nuit à leur cohérence et à leur performance.
Les plates-formes RH (PFRH), en dépit de leur positionnement au sein des SGAR, sont
ainsi identifiées comme des outils à la main de la DGAFP. La Cour a constaté que les cadres
des SGCD rencontrés ne considéraient pas les plates-formes RH comme des partenaires
privilégiés. La DRH du ministère de l’intérieur s’appuie essentiellement sur les SGAMI et les
SGCD
. L’attribution de postes contractuels, cependant, relève de la DMAT
ES. Ainsi, en dépit
des moyens déployés, les conditions ne sont pas remplies p
our porter une politique de l’
État
territoriale et intégrée en matière de ressources humaines.
Cette difficulté structurelle pourrait compromettre la mise en
œuvre
de la stratégie
territoriale RH de l’
État, définie en avril 2022 par la DGAFP
94
. Il est d’ail
leurs significatif que
ce document ne cite les SGCD qu’à la marge et s’appuie sur la définition de feuilles de route
régionalisées des PFRH.
Dans le cadre de cette nouvelle stratégie, l’organisation des ressources
humaines entre le niveau central et les niveaux zonaux, régionaux et départementaux doit être
revue
afin d’
être plus efficiente et plus lisible pour les acteurs de la chaine.
Dans le domaine des achats, des réflexions sont en cours pour optimiser la répartition
des achats entre le SGAMI, la plateforme régionale des achats (PFRA au sein des SGAR) et les
SGCD. Décharger les SGCD des marchés supérieurs à 40 000
HT (seuil en-dessous duquel
un marché peut être passé sans publicité ni mise en concurrence préalables) sur le segment des
fournitures coura
ntes et services au profit des PFRA permettrait d’optimiser le vivier des
acheteurs dont la filière est particulièrement en tension.
Après les transformations importantes des dernières années, les ministères de
l’administration territoriale de l’État
(ministère de la transition écologique, ministère chargé de
l’
a
griculture et de l’
a
limentation, ministère de l’
économie, des finances et de la relance,
ministère du t
ravail, de l’
e
mploi et de l’
insertion, ministère des solidarités et de la santé) ont
lancé en 2021, des travaux visant à proposer des orientations pour bâtir une vision
interministérielle et partagée de l’ATE
. Ce «
projet stratégique de l’administration territoriale
de l’État
»
(PSATE)
couvre la période 2022-
2025 et s’adresse à l’ense
mble des agents de
l’ATE
, pour lesquels
il ambitionne une meilleure qualité de vie au travail ainsi qu’une
plus
grande
cohérence et une complémentarité renforcée entre les organisations et les expertises
94
La stratégie territoriale RH de l'État vise à « incarner de manière plus soutenue les politiques de
ressources humaines de l'État dans les territoires ». Cf. https://www.fonction-publique.gouv.fr/la-dgafp/notre-
coeur-dactivite/animer-les-politiques-rh-territoriales/la-strategie-territoriale-rh-de-letat
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
105
concourant
à l’exercice de leurs
missions dans les territoires. Le PSATE a vocation à être
décliné dans les départements par un projet stratégique territorial.
4.3.4
Une répartition des responsabilités
à préciser dans la gestion de l’immobilier
préfectoral
Dans le cadre de son contrôle sur «
la gestion de l’immo
bilier du réseau préfectoral
95
»
la Cour a relevé la très grande hétérogénéité du parc immobilier préfectoral, principalement de
bureaux, et la médiocre connaissance de son état général et de son évolution dans le temps, qui
complique le pilotage d’une réelle stratégie immobilière et les efforts de
rationalisation
nécessaires.
Pourtant, les réformes et décisions politiques successives, dont le PPNG, ont fortement
affecté
l’immobilier préfectoral
en
l’obligeant à s’adapter
, à la fois à de nouvelles missions et
à de nouvelles formes de travail, collective avec le développement des plateformes et à distance
avec le télétravail. Ces évolutions ont été parfois contradictoires,
avec d’
un côté une réduction
significative de
l’acc
ueil du public,
de l’autre
la création de points numériques. Le
rassemblement des services au sein de maisons de
l’État
et le développement depuis quelques
années de Maisons France Services dans les locaux des sous-préfectures ont conduit à
reconfigurer et dynamiser le réseau,
qui avait connu peu d’évolution
s lors des décennies
précédentes.
Ces décisions, entrainant des travaux lourds et coûteux dans des locaux parfois peu
adaptés, ont conduit à faire bénéficier l
’immobilier préfectoral de crédits important
s, en
augmentation de 17
% entre 2016 à 2021 pour atteindre 238 M€ (plan de relance inclus)
. Ces
crédits ont été répartis entre des financements historiques et des compléments exceptionnels et
bien qu’ils aient
gagné en simplification après les fusions des programmes 723 et 724 au sein
du CAS « Gestion du patrimoine immobilier de
l’État
» en 2018 et des programmes 307 et 333
au sein du programme 354 « Administration territoriale de
l’État
» en 2020,
l’efficience de leur
mise en œuvre n’est pas établie
; des
améliorations s’imposent
au niveau de la programmation
et de la gestion patrimoniale.
Les crédits consacrés aux dépenses du propriétaire ont presque doublé en CP et ont été
multipliées par 2,5 en AE entre 2016 et 2021 pour financer des grands projets emblématiques
à forte visibilité alors que les dépenses de l’occupant ont baissé de 2
% en AE et 18 % en CP.
L’entretien courant
est dès lors sensiblement en deçà du minimum théorique requis et les
travaux de « gros entretien renouvellement » et de remise aux normes se limitent aux
prescriptions des diagnostics obligatoires. Les dépenses de personnel sont en augmentation,
traduisant le transfert des ETP dans le cadre de la création des SGCD. Ainsi, les effectifs
déconcentrés concourant à la politique immobilière des préfectures, et depuis 2021 des DDI,
passent de 793 à 1 131 ETP.
Dans ce domaine, plus qu’ailleurs, une clarification des responsabilités entre les SGCD
et les SGAMI est nécessaire pour ce qui relève de la maî
trise d’ouvrage et la conduite
d’opérations d’investissement. Si la rédaction de schémas directeurs immobiliers régionaux
(SDIR) a permis aux préfets de région d’établir une stratégie immobilière cohérente à leur
95
Cour des comptes «
La gestion de l’immobilier du réseau préfectoral
» 2022
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
106
niveau, sa mise en œuvre se heurte à des moyens financiers certes en croissance m
ais
globalement insuffisants et au manque d’effectifs et de compétence
s dans les SGCD, qui pour
beaucoup d’entre eux n’ont pas réussi à attirer les agents en charge des fonctions immobilières
dans les DDT(M).
4.4
Un r
etard à rattraper sur les dispositifs d’att
ractivité
La Cour a pu observer lors de ses déplacements dans les préfectures que la question de
l’attractivité était essentielle
et dépend de plusieurs facteurs. Ainsi, des préfectures qui
pouvaient sembler attractives comme Nice ou Bordeaux rencontrent également des difficultés
à recruter en raison du coût élevé de la vie, notamment du logement.
Cela se traduit dans les indicateurs conçus par le groupe de travail « attractivité
géographique et fonctionnelle » de la DMATES. Ainsi, fin 2019, plus de 50 % des postes
ouverts au niveau national étaie
nt sans candidats (dont 80% pour l’Ariège
et 78 % pour le Loir-
et-Cher) et le taux de renouvellement des personnels atteignait 27 % dans le Val-de-Marne et
plus de 10 % dans 26 préfectures.
Le ministère de l’intérieur s’est
mobilisé
tardivement sur la question de l’attractivité
en
ne mettant
en œuvre
que depuis peu des dispositifs favorisant
l’administration territoriale de
l’État alors qu’ils existent depuis près de 10 ans dans certains ministères. Toutefois, le
sujet
semble avoir été pris en compte et de multiples chantiers sont aujourd’hui en cours.
La DRH du ministère de l’intérieur
a, par exemple, créé en mars 2020 un groupe de
travail sur l’attractivité géographique
et fonctionnelle pour les personnels administratifs
techniques et spécialisés (PATS),
avec comme objectif d’identifier les départements les moins
attractifs et de remédier à ces situations.
4.4.1
La priorité subsidiaire d’affectation
La prioritaire subsidiaire d’affectation
(PSA) est un dispositif institué par la loi n° 2019-
828 du 6 août 2019 portant transformation de la fonction publique. Son article 25 prévoit qu’un
fonctionnaire ayant exercé des fonctions pendant une durée minimale dans un territoire ou une
zone rencontrant
des difficultés particulières de recrutement puisse bénéficier d’une priorisation
en gestion.
Une annexe aux lignes directrices de gestion fixées par la loi a été présentée pour avis
au comité technique ministériel du 8 décembre 2021. Elle énumère les 11 départements
métropolitains les moins attractifs
qui sont dans l’ordre
: Seine-Saint-Denis, Paris, Hauts-de-
Seine, Val-de-Marne, Orne, Indre, Haute-Savoie, Essonne, Yvelines, Seine-et-Marne et
Rhône ;
le Val d’Oise
est en 17
ème
place (pour couvrir la totalité de la région Ile-de-France), ses
agents sont éligibles à la PSA.
Le nombre d’agents ayant bénéficié de la PSA en 2022 n’a pu
être communiqué à la Cour.
Par ailleurs, les agents qui ont effectué trois années de service dans un de ces territoires
peuvent bénéficier depuis le 1
er
janvier 2022 d’une priorisation pour une mutation dans un autre
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
107
territoire sans toutefois que l’autorité compétente de gestion renonce à son pouvoir
légal
d’appréciation.
4.4.2
L’indemnité temporaire de mobilité
Le décret n° 2008-369 du 17 avril 2008 créé une indemnité temporaire de mobilité
(ITM) qui peut bénéficier aux agents effectuant une mobilité géographique ou fonctionnelle à
la double condition qu’elle soit décidée
par
l’administration et qu’il
existe une difficulté
particulière à pourvoir un emploi.
L’objectif est de favoriser la mobilité des agents sur des
territoires ou des postes peu attractifs mais d’importance pour le fonctionnement des services.
Le montant maximal de l’ITM est de 10
000 euros, versé en plusieurs fois sur la période de
référence pendant laquelle l’agent doit rester en poste (3 à 6 ans).
Ce dispositif est
mis en œuvre
pour la première fois
par le ministère de l’intérieur
par
arrêté du 20 janvier 2022, comportant une liste de 407 emplois y ouvrant droit avec un montant
fixé pour la grande majorité des emplois à 8 000 euros pour une période de référence de 3 à 4
ans. Les postes concernés sont majoritairement des postes techniques et SIC en administrations
centrales et services déconcentrés ; il y a aussi quelques postes administratifs au sein des
préfectures de l’Indre
(11), de la Haute-Savoie (28)
, de l’Orne
(13)
, de l’Essonne
(37) et du
Val-de-Marne (22) notamment en SGCD (17 postes).
Au cours de l’année 2022, d’autres postes
ont également été rendus éligibles par arrêté.
Pour l’exercice 2022, une enveloppe globale de 500
000 euros répartie sur les quatre
périmètres bénéficiaires (P152, P176, P216 et P354) devait permettre de financer
157 indemnités temporaires de mobilité pour un montant moyen de 8 000 euros.
Le
s ministères qui ont mis en œuvre l’ITM depuis plusieurs années ont conseillé au
ministère de l’intérieur d’appliquer un ratio de 1 à 3 entre postes budgétés et postes offerts
,
c
ertains postes vacants n’étant pas connus ou ne trouvant pas preneur. De même,
les annonces
de postes génériques composant une équipe interchangeable doivent être diffusées en même
temps, même si un seul est ponctuellement vacant. Il s'agit d'éviter tout contentieux si un second
poste vient à être vacant puis pourvu (ex : une équipe de TSIC, une équipe accueil étrangers en
préfecture, une équipe de standardistes).
Pour un budget prévu pour 157 ITM, ont donc été effectivement publiés 451 postes
(arrêté du 20 janvier 2022 et arrêtés complémentaires en cours d’année)
dont 236 pour le
périmètre
du secrétariat général (SG) du ministère de l’intérieur.
Tableau n° 24 :
Bilan ITM 2022
Services SG bénéficiaires
Postes budgétés
Total postes
proposés
Postes avec ITM
pourvus
Ratio poste
pourvu / poste
budgété
Préfecture 36 (SG)
5
11
3
60 %
Préfecture 61 (SG)
5
13
1
20 %
Préfecture 74 (SG)
6
28
5
83 %
Préfecture 91 (SG)
15
81
20
133 %
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
108
Services SG bénéficiaires
Postes budgétés
Total postes
proposés
Postes avec ITM
pourvus
Ratio poste
pourvu / poste
budgété
Préfecture 94 (SG)
15
22
4
27 %
SGAMI sud (SG)
31
81
9
29 %
Total
77
236
42
55 %
Source : DMATES
Le bilan
de l’exercice 2022 pour le périmètre SG montr
e des résultats très hétérogènes
selon les préfectures. S’agissant du premier exercice relatif à ce dispositif, la Cour préconise de
maintenir et d’étendre le périmètre de l’ITM pour les exercices 2023 et 2024 afin de mieux en
mesurer la performance.
Une enquête qualitative visant à
déterminer l’importance de l’ITM dans la décision d’un
agent de candidater sur un des postes proposés pourrait utilement être menée par le ministère
de l’intérieur pour vérifier l’intérêt du dispositif.
4.4.3
Les chartes d’attractivité
Le préfet du département des Alpes-Maritimes a mis en
œuvre
une charte d’attractivité
de la direction de la réglementation, de l’intégration et des migrations pour faire face aux
difficultés d’attractivité de cette direction et combler les nombreuses vacances de postes.
Ell
e est organisée autour d’un premier axe
promouvant un accompagnement
personnalisé dont les mesures sont à la fois qualitatives (
comme l’accompagnement à la prise
de poste qui se traduit par des parcours découverte, des informations et des formations, une
meilleure prise en compte de la qualité de vie au travail) et quantitatives (comme des points de
NBI, une revalorisation du régime indemnitaire (IFSE) ou encore la possibilité de travailler un
samedi par mois pour résorber les stocks de dossiers « étrangers » avec une compensation
financière avantageuse)
. Le deuxième axe porte sur la valorisation de l’engagement et du
parcours professionnel et comporte des mesures
telles qu’
une majoration du CIA et une
meilleure prise en compte de l’emploi occupé dans l’avan
cement au choix.
La charte de la préfecture des Alpes-Maritimes
ne fait toutefois pas l’objet
de ressources
ou de modalités de gestion particulières et c’est le préfet de département qui la met en œuvre
sans moyens supplémentaires du niveau régional. Sa portée est donc limitée aux marges de
manœuvre du préfet.
Cette charte constitue une bonne pratique qui permet de valoriser et compléter les
mesures prévues au niveau national par
l’instruction de décembre 2018 de la DRH du ministère
de l’intérieur
96
rela
tive au renforcement de l’attractivité des services «
étrangers » en préfecture
à travers quatre axes
d’attractivité
: une approche indemnitaire spécifique favorisant
la
fidélisation des agents, une adaptation des modalités du temps de travail pour une meilleure
96
Instruction SG-DRH n°18-001369-
I du 27 décembre 2018 relative au renforcement de l’attractivité des
services « étrangers » en préfecture.
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
109
prise compte des contraintes personnelles des agents, une approche qualitative des missions par
la formation et une approche renouvelée des parcours professionnels visant à valoriser une
durée d’affectation par l’avancement et des mobilités profess
ionnelles.
La bonne application des mesures décrites dans cette instruction se heurte toutefois aux
difficultés de la révision de la cartographie des points de NBI,
qui n’
est
que partielle faute d’un
nombre de points suffisant et du choix fait par certaines préfectures de ne pas pénaliser les
agents perdant leur fonction d’accueil en leur retirant leur NBI
, au risque de recours contentieux
devant le tribunal administratif.
4.4.4
Dans certains territoires, une attractivité mise à mal par la difficulté
d’a
ccès
des agents au logement
Les difficultés de recrutement rencontrées dans plusieurs préfectures
en particulier
dans des métropoles -
sont exacerbées par les conditions d’accès
des agents au logement. Dans
les territoires où le marché immobilier est en
tension, ces difficultés concernent l’ensemble des
collectivités publiques. Les échanges avec les acteurs rencontrés ont révélé des situations
personnelles particulièrement critiques, se soldant parfois par des départs.
À ce titre, les prérogatives du préf
et en matière de logement social méritent d’être
rappelées. Le préfet dispose ainsi (art. R.441-
5 du code de la construction et de l’habitation)
d’un contingent d’affectation atteignant 30
% des logements des différents organismes, dont au
plus 5 % au bénéfice des agents civils et militaires de
l’État
. Le préfet peut déroger à ces limites,
à titre exceptionnel et pour une durée limitée, afin de loger des agents chargés de mission de
sécurité publique ou pour répondre à des besoins du monde économique.
Pour autant, la question principale, au sein de ces territoires en tension, est le non-respect
par certaines communes du seuil légal de logements sociaux. La Cour relève toutefois que dans
certains territoires où les préfets ont des difficultés à loger leurs agents, les actions entreprises
auprès des élus pour faire respecter les quotas de logements sociaux définis par la loi
97
(qui
impose aux communes de plus de 3 500 habitants hors Ile-de-France et plus de
1 500 habitants en Ile-de-France, sous certaines conditions, d'avoir un nombre total de
logements locatifs sociaux représentant au moins 25 % des résidences principales et rend
possible un quintuplement des pénalités) ne sont pas assez dissuasives.
La capacité du préfet à répondre aux besoins de logement des agents les plus modestes
repose ainsi sur un suivi attentif des plans de rattrapage et sur la pleine mise en œuvre de
l’instruction interministérielle du 23 juin 2020
invitant les préfets à «
mobiliser toute la palette
des mesures possibles
» à l’encontre des communes qui n’ont «
pas démontré un volontarisme
suffisant
».
Au-delà des solutions offertes par le
logement social, auquel ne peuvent accéder qu’une
partie des agents,
la Cour n’a pas eu connaissance
dans les préfectures visitées de projets de
collaboration spécifique avec des bailleurs. Ce type de collaboration, selon un modèle qui reste
à préciser, semble pourtant inévitable en raison des carences constatées sur les marchés
immobiliers locaux en forte tension. Le ministère des armées a par exemple lancé en février
97
Loi n° 2013-61 du 18 janvier 2013, relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement
et au renforcement des obligations de production de logement social.
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
110
2022 le plan « ambition logement » visant à moderniser et augmenter le parc de 8 000 à 15 000
logements domaniaux à l’horizon 2057
à travers une externalisation, pour un montant de
2,7 M
d€.
D’autres solutions mériteraient d’être étudiées comme l’extension de la bourse aux
logements sociaux réservés aux agents de
l’État
en Ile-de-France (BALAE) à des départements
particulièrement en tension. Une mission interministérielle portée par la DGAFP est
actuellement en cours pour développer la connaissance des dispositifs et des offres disponibles
au profits des agents, mais elle a également prévu de
se pencher sur les zones où l’offre est
saturée et de chercher des solutions permettant une augmentation du parc de logements.
4.4.5
Des éléments de rémunération peu compétitifs pour le recrutement de
contractuels sur les métiers en tension
La
rémunération des agents contractuels est présentée comme un frein au recrutement.
Elle répond à des principes différents de ceux applicables aux fonctionnaires titulaires, avec un
référentiel de rémunérations spécifiques validé par le contrôleur budgétaire et comptable
ministériel (CBCM) et une procédure nécessitant le visa du contrôleur budgétaire régional dès
lors qu’elle dépasse l’indice majoré 600. La
rémuné
ration est déterminée selon les fonctions
que le contractuel sera amené à occuper, l
es qualifications et diplômes obtenus et
l’expérience
professionnelle.
Si les contractuels peuvent bénéficier de l’indemnité de résidence, du supplément
familial de traitement ainsi que des compléments de rémunération variables dans la limite de
5% du traitement brut, ils ne bénéficient pas de l’indemnité de fonction, de sujétions et
d’expertise (IFSE) ni du complément indemnitaire annuel (CIA)
, qui ne sont pas remplacés par
des primes d’un niveau comparable
, ce qui rend leurs rémunérations souvent peu attractives par
rapport au secteur privé.
Le référentiel des métiers SIC en tension a été mis à jour en 2019 mais devrait être
réactualisé chaque année au regard des besoins
du ministère et du marché de l’emploi tout
comme la liste des métiers en tension bénéficiant d’un référentiel dérogatoire. À titre
d’exemple, un contractuel recruté sur un poste d’ingénieur concepteur
-développeur
d’applications informatiques de niveau bac
+5 avec une expérience de 5 à 10 ans sera rémunéré
au niveau IM 747
IM 872, soit entre 43 200 et 50 400 euros bruts par an selon le référentiel
2019. Dans le secteur privé, le salaire d’un ingénieur informatique concepteur développeur
applicatifs avec 5
à 10 ans d’expérience est plutôt compris entre 48
000 et 69 000 euros.
La direction générale de l’administration et de la fonction publique travaille avec la
direction interministérielle du numérique et la direction du budget à une actualisation du
référentiel ministériel de 2019 sur la rémunération des agents contractuels de la filière
numérique,
qui devrait être mise en œuvre pour la fin d’année 2023.
Dans le cadre de ces
travaux sont prévue
s une amélioration de l’identification des métiers en tension au
sein de la
filière numérique, une actualisation du répertoire des métiers des trois fonctions publiques et,
après un parangonnage, la fixation de montants des rémunérations en cohérence avec ceux du
secteur privé.
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
111
Cependant, la Cour observe que le temps administratif se révèle souvent nettement plus
long que la dynamique du marché de l'emploi, particulièrement sur les métiers en tension. Alors
que les besoins évoluent rapidement en fonction des avancées technologiques et des
changements économiques, les procédures administratives pour recruter sur ces métiers
s'avèrent fastidieuses et chronophages. En conséquence, la fonction publique rencontre des
difficultés
pour recruter ces profils en raison de son manque d’attractivité.
Recommandation n° 13.
(DRH-MI, DGAFP) : Revoir les éléments de rémunération
pour rendre plus attractif le recrutement d
’agents
contractuels sur des métiers en tension
ou nécessitant des compétences pointues.
______________________ CONCLUSION INTERMÉDIAIRE ______________________
Les préfets ont une maîtrise insuffisante de la gestion de leurs moyens. La mise en place
par les secrétariats généraux communs départementaux (SGCD)
d’une gestion intégrée des
moyens des préfectures et - hors dépenses de personnel - des DDI dans les départements est à
la
peine en raison de l’impréparation de la ré
forme
et de la trop grande lenteur de l’avancement
des chantiers de convergence, notamment ceux destinés à permettant de réduire les difficultés
découlant de l’utilisation de SIRH différents dans l’administration territoriale de l’État
. Cette
réforme ne pourra montrer son plein apport que dans plusieurs années.
A ce stade, les gains
de productivité attendus de la réforme ne se sont pas concrétisés, alors que la qualité de service
s’est, de l’avis des services usagers, dégradée.
Plusieurs mesures récentes créées pour développer les marges de gestion des préfets
n’ont pas encore démontr
é
leur efficacité. C’est le cas du dispositif « 3 % »
, qui permet au
préfet de région de redéployer entre programmes budgétaires 3 % des effectifs sur le périmètre
de l’administration territoriale de l’État dans sa région
:
les marges de manœuvre qu’il
offre
n’ont été que faiblement utilisées en 2022, première année de son existence. Il convient de
prolonger ce dispositif afin d’en évaluer la pertinen
ce sur une durée plus longue. Les
procédures de gestion des agents contractuels ont été assouplies mais elles méritent d’être
encore simplifiées, notamment pour faciliter la possibilité de recruter sur des métiers en tension
ou nécessitant des compétences pointues.
En revanche, le recours excessif aux contrats infra-annuels pour exercer des missions
permanentes doit, comme la Cour l’avait demandé dans son rapport
« Les effectifs de
l’administration territoriale de l’État
»
, être réduit. Cela suppose d’ajust
er le schéma
d’emplois et le plafond d’emplois du programme 354 en conséquence.
Les préfectures souffrent du retard de déploiement par le ministère d’outils
d’attractivité, qui a
contribué à leur décrochage au regard des autres employeurs publics
comme privés.
Par ailleurs, le ministère de l’intérieur doit poursuivre ses efforts en vue de fonder la
répartition des emplois entre préfectures sur des critères objectifs, conformément à la demande
de la Cour, et appliquer ce nouveau modèle de répartition non seulement aux créations
d’emplois mais à l’ensemble des effectifs des préfectures
.
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
112
ANNEXE
Annexe n° 1.
Évolution de l’effectif des préfectures, en ETPT, par mission,
et pour les fonctions support
....................................................................
113
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
113
Annexe n° 1.
Évolution de l’effectif des préfecture
s, en ETPT, par mission, et
pour les fonctions support
Sources de l’ensemble des tableaux
: mini
stère de l’intérieur (données ANAPREF)
Mission « Sécurité »
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
Evolution
2016/2022
Ordre public
220
234
252
263
271
277
288
31,2%
Sécurité et défense civiles
836
825
858
868
869
880
868
3,8%
Prévention
352
337
354
348
342
345
336
-4,6%
Planification
198
204
207
209
209
207
212
6,8%
Gestion de crise et post-crise
168
165
175
175
185
194
196
16,4%
Défense civile
117
119
122
136
133
135
123
5,8%
Circulation et sécurité routières, gestion
des droits à conduire
188
224
762
652
648
632
611
224,3%
Prévention sécurité routière
62
61
59
49
53
50
55
-10,1%
Professions et activités réglementées en lien
avec la circulation et la sécurité routière
127
162
175
172
172
167
157
23,9%
Sanctions et activités liées
242
219
227
228
225
-6,7%
Secrétariat des commissions médicales
131
107
99
95
92
-29,3%
Organisation des examens et répartition des
dossiers Auto-Ecole
155
104
97
91
81
-48,1%
Police administrative et sécurité
835
867
935
898
897
898
901
8,0%
Armes et explosifs
303
315
328
313
322
326
335
10,5%
Manifestations et rassemblements
232
250
259
246
241
236
236
1,9%
Professions et activités réglementées en lien
avec la sécurité, hospitalisations sans
consentement, travail illégal
300
302
347
338
334
336
330
10,1%
Prévention de la radicalisation
90
113
112
115
113
116
128
41,8%
Total Sécurité
2169
2263
2918
2796
2798
2803
2796
28,9%
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
114
Mission «
Représentation de l’État, communication, standard et accueil général
»
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
Evolution
2016/2022
Communication interministérielle
294
295
304
307
319
341
317
8,0%
Représentation de l'État
1 997
1 946
1 924
1 851
1 789
1 761
1 710
-14,4%
Affaires réservées et protocole (hors
distinctions honorifiques)
430
389
367
357
347
335
327
-23,9%
Conduite des véhicules de fonction
488
485
489
478
474
477
480
-1,8%
Résidences du corps préfectoral (effectifs
affectés aux résidences)
947
915
888
835
795
770
737
-22,2%
Distinctions honorifiques
132
157
181
181
173
178
166
26,0%
Standard
526
530
527
509
494
496
513
-2,6%
Accueil général et points numériques
554
485
483
577
605
9,3%
Représentation de l'État,
communication, standard et accueil
général
2 817
2 771
3 309
3 151
3 085
3 174
3 145
11,6%
Mission « Instruction et délivrance de titres »
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
Evolution
2016/2022
Droit à conduire
1486
1509
743
730
724
675
689
-53,6%
CERT : délivrance des droits à conduire
710
696
644
654
-7,8%
Missions de proximité liées aux permis de
conduire
21
29
31
35
70,1%
Véhicules
1240
1127
576
546
548
528
518
-58,2%
CERT : instruction des demandes liées à
l'immatriculation des véhicules
380
383
396
386
373
-1,8%
Missions de proximité liées aux véhicules
196
163
152
142
145
-25,9%
Etrangers
2983
3276
3690
3764
3838
3967
4150
39,1%
Naturalisations
391
419
425
432
448
461
453
15,9%
Eloignement
320
351
460
496
494
498
533
66,5%
Séjour
1700
1798
1976
2016
2106
2148
2248
32,2%
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
115
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
Evolution
2016/2022
Asile - missions hors GUDA
303
410
336
313
308
299
306
0,9%
Contentieux
269
299
336
342
338
331
338
25,7%
Asiles - missions en GUDA
158
165
144
139
153
-3,1%
Instruction des demandes d'autorisation de
travail
90
118
Accueil et régie
934
824
Cartes nationales d'identité et passeports
894
860
748
720
712
654
781
-12,6%
CERT : instruction des demandes de
CNI/passeports
571
583
579
523
652
14,1%
Missions de proximité liées aux
CNI/passeports
177
137
133
131
129
-27,0%
Instruction et délivrance de titres
7537
7596
5757
5762
5822
5824
6138
-17,7%
Mission « Élections, expertise juridique et lutte contre la fraude »
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
Evolution
2016/2022
Élections
342
375
322
332
357
358
377
10,1%
Associations
251
260
258
241
228
229
227
-9,3%
Réglementation (hors sécurité et
sécurité routière)
322
283
268
255
254
248
236
-26,7%
Pôle juridique
226
253
243
221
224
229
232
2,3%
Conseil juridique hors collectivités
locales
91
112
110
111
113
115
26,7%
Contentieux hors étrangers
100
131
112
113
117
116
16,3%
Lutte contre la fraude
98
152
260
264
260
266
258
163,1%
Lutte contre la fraude à la délivrance
de titres (y compris en CERT)
147
247
246
243
247
241
63,8%
Lutte contre la fraude / CODAF
5
13
18
17
19
17
231,1%
Élections, expertise juridique et lutte
contre la fraude
1240
1323
1351
1314
1322
1331
1330
7,3%
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
116
Mission « Relations avec les collectivités territoriales »
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
Evolution
2016/2022
Contrôle de légalité
885
924
970
915
919
900
887
0,2%
Réception et tri stratégique des actes
267
260
280
261
258
246
234
-12,3%
Domanialité, fonctionnement des
institutions locales et police
municipale
175
187
199
190
193
189
184
5,0%
Fonction publique territoriale
107
123
119
115
114
119
120
12,1%
Urbanisme
147
159
163
154
159
154
159
8,2%
Marchés publics
189
195
209
196
195
192
189
0,3%
Contrôle budgétaire
277
272
277
263
260
263
256
-7,6%
Intercommunalité
279
266
260
248
252
244
243
-13,1%
Dotations aux collectivités
593
640
690
672
670
663
685
15,6%
Dotations sans modulation locale
141
148
155
147
147
141
143
1,3%
Dotations avec modulation locale et
subventions
293
332
375
374
371
380
403
37,7%
Affaires scolaires
21
22
19
19
20
15
15
-27,1%
FCTVA
139
139
140
133
133
128
124
-10,4%
Pôle interrégional d'appui et
contrôle de légalité (PIACL)
25
21
21
1
-94,2%
Relations avec les collectivités
locales
2034
2102
2197
2123
2123
2091
2072
1,8%
Mission « Animation des politiques interministérielles »
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
Evolution
2016/2022
Politique de la ville, cohésion
sociale, aménagement du
territoire et ruralité
420
433
582
605
625
649
659
57,1%
Politique de la ville
278
286
295
292
295
302
303
9,2%
Cohésion sociale
142
147
151
143
140
134
133
-6,1%
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
117
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
Evolution
2016/2022
Aménagement du territoire et ruralité
136
170
191
213
223
63,6%
Emploi et développement
économique
475
466
386
330
310
302
290
-38,8%
Environnement et développement
durable
805
795
752
712
692
666
654
-18,8%
Gestion des fonds européens
127
65
37
26
26
23
30
-76,3%
Coordination interministérielle
743
753
799
794
1088
1049
974
31,0%
Niveau infradapartemental et
départemental
436
461
492
476
460
458
438
0,5%
Niveau régional
307
292
307
318
628
591
536
74,3%
Logement et expulsions locatives
579
592
620
611
597
596
587
1,3%
Logement
350
306
292
291
282
277
275
-21,7%
Expulsions locatives
229
287
328
321
315
319
312
36,5%
Animation des politiques
interministérielles
3150
3105
3175
3079
3339
3285
3195
1,4%
Mission « Management et appui au pilotage stratégique »
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
Evolution
2016/2022
Management stratégique
1499
1460
1962
2155
2274
51,7%
Appui au pilotage stratégique
814
829
835
929
933
14,6%
Secrétariat particulier
691
701
711
765
748
8,2%
Pilotage de la performance
122
128
124
163
185
51,0%
Total Management et appui au
pilotage stratégiques
2 352
2 314
2 313
2 289
2 797
3 084
3 207
36,3%
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
118
Fonctions support
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
Evolution
2016/2022
Immobilier / moyens
1453
1453
1484
1445
1387
1825
1977
36,1 %
Immobilier
793
819
877
878
866
1131
1233
Gestion immobilière
108
162
Maintenance bâtiments et travaux
672
684
721
705
700
843
898
33,5 %
Sécurité et sûreté des sites
121
135
156
173
166
173
167
37,3 %
Moyens
660
636
607
568
522
694
745
Courrier, SVE et archives
456
447
431
399
370
464
503
10,5 %
Imprimerie et reprographie
94
92
92
94
84
94
87
-6,7 %
Nettoyage
110
97
84
75
68
86
79
-28,4 %
Gestion du parc automobile
46
72
Informatique
140
152
157
145
1218
1258
1263
802,4 %
Appui et support informatique
80
90
90
85
1153
1079
1018
1179,2 %
Développement et maintenance
applicative
27
25
28
23
27
66
83
205,2 %
Réseaux de télécommunication
33
37
39
38
38
113
162
389,0 %
Ressources humaines
1177
1214
1245
1207
1203
1906
2151
82,7 %
Gestion RH
636
672
705
678
708
1278
1473
131,5 %
Action sociale
391
392
389
378
347
429
455
16,3 %
Formation
150
150
151
150
148
200
223
48,4 %
Budget / achats
1056
1034
1063
1026
1000
1391
1544
46,3 %
Gestion budgétaire
1056
1034
1063
1026
1000
1261
1367
29,5 %
Plateforme Chorus
399
374
350
329
323
349
379
-5,1 %
Pilotage budgétaire
656
660
693
684
667
624
604
-7,9 %
Exécution budgétaire et comptable (hors
plateforme Chorus)
20
13
11
271
369
Achats
123
175
Total fonctions support
3 826
3 853
3 949
3 823
4 808
6 380
6 935
81,3 %
LA CAPACITE D’ACTION
DES PREFETS
119