13, rue Cambon
75100 PARIS CEDEX 01
T +33 1 42 98 95 00
www.ccomptes.fr
PREMIÈRE CHAMBRE
DEUXIÈME SECTION
S2024-0149
OBSERVATIONS DÉFINITIVES
(Article R. 143-11 du code des juridictions financières)
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS
FINANCIERS
Exercices 2017 – 2023 (au 30 septembre)
Le présent document, qui a fait l’objet d’une contradiction avec les destinataires concernés, a été délibéré par la
Cour des comptes, le 18 janvier 2024
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
2
TABLE DES MATIÈRES
TABLE DES MATIÈRES
..........................................................................................
2
SYNTHÈSE
................................................................................................................
5
RECOMMANDATIONS
..........................................................................................
10
INTRODUCTION
.....................................................................................................
11
1
DES MISSIONS CROISSANTES QUI IMPLIQUENT DES MOYENS ET
DES CHOIX
...........................................................................................................
12
1.1
Des mutations fortes des marchés financiers et des nouveaux enjeux de
régulation mais des moyens humains de l’AMF relativement stables
.............
13
1.1.1
Une autorité des marchés financiers soumise à une évolution forte
de son cadre d’intervention et à une croissance importante de son
activité
.....................................................................................................
13
1.1.2
Une autorité européenne qui coordonne l’action des régulateurs
nationaux et ne se substitue pas à eux
.....................................................
14
1.1.3
Des moyens de l’AMF limités par rapport à certains homologues
européens
.................................................................................................
15
1.2
Une protection des épargnants faisant face aux nouveaux enjeux de la
finance durable
.................................................................................................
15
1.2.1
Un suivi des opérations financières et de l’information délivrée au
marché
.....................................................................................................
15
1.2.2
Une mission qui nécessite des compétences comptables
importantes
..............................................................................................
16
1.2.3
Une activité en légère hausse
..................................................................
17
1.2.4
Des enjeux croissants en matière de finance durable
..............................
17
1.2.5
La nécessité de finaliser le remplacement de l’outil informatique
..........
18
1.2.6
Le cas particulier de la direction des relations avec les épargnants
et de leur protection
.................................................................................
19
1.3
Une surveillance des marchés dont l’activité augmente du fait de la
croissance des données à traiter et de l’essor de nouveaux marchés
................
19
1.3.1
Le renforcement de la capacité de surveillance des marchés grâce à
un nouvel outil de traitement des données
..............................................
19
1.3.2
Des activités de supervision des infrastructures et des
intermédiaires de marché profondément modifiées par l’apparition
de nouveaux produits
..............................................................................
20
1.3.3
Une activité stable dans un contexte de croissance des données à
traiter
.......................................................................................................
21
1.3.4
Des enjeux croissants en matière de crypto-actifs qui vont imposer
des ressources supplémentaires
...............................................................
23
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
3
1.3.5
La nécessité de continuer à développer les outils de suivi des
marchés
....................................................................................................
23
1.4
Une supervision de la gestion d’actifs dont le remplacement de l’outil
informatique n’est toujours pas finalisé
...........................................................
23
1.5
Une filière répressive qui s’est globalement adaptée mais qui nécessite
des outils supplémentaires
................................................................................
25
1.5.1
Un champ des infractions très large
........................................................
25
1.5.2
Des procédures harmonisées entre enquêtes et contrôles et une
bonne articulation avec la direction juridique
.........................................
25
1.5.3
Une activité forte et une hausse des sanctions financières
prononcées
...............................................................................................
26
1.5.4
Des moyens juridiques à consolider ou à mettre en place
.......................
28
1.6
Mettre en cohérence les moyens de l’AMF avec ses missions
........................
29
2
UNE GOUVERNANCE ET UNE ORGANISATION A AMELIORER
..............
32
2.1
Un statut conférant une grande autonomie mais qui appelle une
gouvernance précise
.........................................................................................
32
2.2
Une répartition des pouvoirs entre le collège, le président et le secrétaire
général qui pourrait être plus efficace
..............................................................
33
2.2.1
L’organisation des pouvoirs entre le collège et le président
...................
33
2.2.2
La répartition des pouvoirs entre le président et le secrétaire
général
.....................................................................................................
35
2.2.3
Les délégations du président au secrétaire général et aux services
.........
35
2.3
L’organisation de l’AMF : l’importance des fonctions support
.......................
36
2.4
Des fonctions support de l’AMF qui gagneraient à monter en
structuration et en qualité
.................................................................................
38
2.4.1
Une direction des affaires juridiques dont la responsabilité
fonctionnelle pourrait être étendue
..........................................................
39
2.4.2
Une direction ressources, support et transformation qui regroupe
un périmètre hétérogène et très large
......................................................
40
2.4.3
Une direction des systèmes d’information à consolider
..........................
42
3
UNE SITUATION FINANCIÈRE CRITIQUE DU FAIT
D’INVESTISSEMENTS NON TOTALEMENT FINANCES
..............................
45
3.1
Un modèle économique basé sur des ressources plafonnées qui ont
augmenté sensiblement depuis 2017
................................................................
45
3.1.1
Un modèle de taxes plafonnées courant dans les autorités de
régulation
.................................................................................................
45
3.1.2
Un montant de ressources dédiées à l’AMF qui a augmenté de
façon significative tout au long de la période.
........................................
45
3.1.3
Un plafond qui n’a pas pris en compte le financement des
investissements
........................................................................................
46
3.2
Une situation financière qui n’a cessé de se dégrader sur l’ensemble de la
période et qui est devenue insoutenable
...........................................................
47
3.2.1
Des budgets présentés et exécutés en déficit et ne dégageant
quasiment aucune capacité d’auto-financement
......................................
47
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
4
3.2.2
Des charges d’exploitation contenues jusqu’en 2019
.............................
48
3.2.3
Des dépenses d’investissement de plus en plus importantes
...................
49
3.2.4
Une dégradation de la trésorerie amenant à une insoutenabilité
financière
.................................................................................................
51
3.2.5
La nécessité de finaliser un plan de redressement pluriannuel
réaliste
.....................................................................................................
52
3.3
Un défaut de pilotage et d’alerte
......................................................................
53
3.3.1
Des décisions d’investissement prises sans assurances sur leur
financement malgré les alertes répétées du comité d’audit
.....................
53
3.3.2
Une réaction des instances délibérantes de l’AMF qui aurait pu être
plus forte
..................................................................................................
55
3.3.3
Une direction du budget placée devant le fait accompli
.........................
56
4
DES PROJETS INSUFFISAMMENT MAITRISES
.............................................
58
4.1
Une gestion des systèmes d’information déficiente
.........................................
58
4.1.1
Un pilotage qui montre des insuffisances
...............................................
58
4.1.2
Une dérive importante d’un grand projet informatique : le projet
ROSA
......................................................................................................
61
4.2
Un projet immobilier aux principes, à la conduite et aux résultats
critiquables
.......................................................................................................
64
4.2.1
Une décision contestable
.........................................................................
65
4.2.2
Des réalités opérationnelles et humaines insuffisamment prises en
compte au départ et pendant le déroulement du projet
............................
67
4.2.3
Un montage critiquable
...........................................................................
68
4.2.4
Un dépassement du coût du projet significatif et un intérêt financier
peu avéré
.................................................................................................
71
4.2.5
Des problèmes d’exécution conduisant désormais à préparer un
contentieux
..............................................................................................
71
ANNEXES
................................................................................................................
73
Annexe n° 1.
Comparaison des périmètres d’activité et des moyens
des autorités européennes de régulation des marchés
......................................
74
Annexe n° 2.
Organigramme détaillé de l’AMF en janvier 2024
...............
75
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
5
SYNTHÈSE
L’Autorité des marchés financiers (AMF) résulte de la fusion du Conseil des marchés
financiers, de la Commission des opérations de bourse et du Conseil de discipline de la gestion
financière. Depuis sa création le 1
er
août 2003 par la loi de sécurité financière, l’AMF régule
l’ensemble des marchés financiers et des intervenants sur ces marchés : sociétés cotées et
prestataires autorisés à fournir des services d’investissement notamment. Elle n’intervient pas
sur le secteur des banques et des assurances, qui sont régulées par l’Autorité de contrôle
prudentiel et de résolution (ACPR), à l’exception des règles relatives aux services
d’investissement.
Dotée d’un statut d’autorité publique indépendante depuis la loi du 20 janvier 2017, elle
dispose pour l’exercice de ses compétences d’une large autonomie de décision, avec un
président nommé par le Président de la République pour un mandat fixe et un collège composé
de membres indépendants non révocables. L’AMF n’est pas soumise au pouvoir hiérarchique
du ministre ni à la tutelle du ministère et le directeur général du Trésor siège au collège sans
voix délibérative. Les décisions prises par le collège (approbation d’opérations, agréments de
prestataires ou de produits, …) ne sont pas validées par le ministre chargé de l’économie, qui
homologue en revanche le règlement général de l’AMF, dans lequel sont consolidées les règles
adoptées par cette dernière dans son domaine de compétence (sur les émetteurs, les offres
publiques, les conditions d’exercice de leurs métiers par les prestataires de service, …). Les
dépenses de l’AMF ne font pas l’objet d’un contrôle
a priori
du ministère et l’Autorité bénéficie
de ressources propres, même si le taux de ces ressources et leur plafond doivent être discutés
avec le ministère et approuvés par le Parlement.
L’AMF dispose de recettes s’élevant à 115,9 M
€
en 2023 et s’appuie sur
515 collaborateurs.
Des missions de plus en plus nombreuses dans un environnement en forte évolution
L’AMF est depuis quelques années confrontée à une transformation importante de son
environnement : digitalisation des marchés, enjeux de la finance durable, apparition de
nouveaux produits comme les crypto-actifs, développement de la réglementation européenne.
Parallèlement à cette transformation, l’AMF a vu son activité croître de façon significative suite
aux conséquences du Brexit, la place de Paris étant devenue la première d’Europe continentale.
Ces différents changements ont amené les principales directions opérationnelles à
adapter leurs pratiques et leur fonctionnement. S’agissant du contrôle des informations
financières données aux épargnants, l’AMF est montée en capacité pour s’assurer que
l’information publiée est complète et cohérente et s’est entourée de compétences comptables
qu’il faut désormais fidéliser : ces adaptations lui ont permis de suivre l’augmentation des
opérations en bourse et de la documentation commerciale. Pour assurer la surveillance des
marchés financiers, l’AMF s’est dotée d’un outil d’analyse automatisée des données qui lui
permet de déceler les mouvements anormaux sur des titres ; elle a également initié un processus
d’échange avec les intervenants sur les marchés de crypto-actifs. Concernant les gestionnaires
d’actifs, l’AMF a accompagné l’augmentation significative du nombre des acteurs. Les délais
d’agrément augmentent cependant depuis 2021 et la direction compétente n’a pas achevé le
programme de modernisation de son outil informatique lancé en 2017. S’agissant de la filière
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
6
répressive, celle-ci a amélioré sa coopération avec la commission des sanctions ainsi qu’avec
le parquet financier depuis la loi du 21 juin 2016 réformant le système de répression des abus
de marché. Le montant des sanctions est par ailleurs en nette hausse et des contrôles «
spot
»
1
ont été mis en place afin de développer la prévention des infractions. Il reste à compléter le
dispositif de transaction ou composition administrative « classique » en créant une procédure
de transaction simplifiée plus rapide.
Cette évolution n’est toutefois pas achevée. Le renforcement des enjeux en matière de
finance durable, avec notamment la directive 2022/2464 dite
Corporate Sustainability
Reporting Directive
et le règlement 2020/852 sur la taxonomie, va entraîner une augmentation
des obligations pour les sociétés et donc des vérifications supplémentaires pour l’AMF. De
même, l’augmentation des exigences de supervision sur les nouveaux produits et les nouveaux
acteurs, avec notamment le règlement 2023/1113 sur les marchés de crypto actifs dit MICA,
confie aux régulateurs européens, et donc à l’AMF, des responsabilités plus étendues en matière
de contrôle. Enfin, la multiplication des informations et des reportings et par voie de
conséquence des données à traiter impose d’investir sur des outils d’extraction et de traitement
automatique.
Cet élargissement des missions résulte de l’évolution de la réglementation européenne
dans un contexte où le rôle de l’autorité européenne de régulation des marchés
(European
Securities and Markets Authority
) se borne à coordonner l’action des régulateurs nationaux sans
se substituer à eux.
L’AMF doit donc finaliser la modernisation de ses outils informatiques et dégager les
moyens humains et financiers nécessaires pour faire face à ces nouvelles missions.
Une autonomie qui doit s’accompagner d’un renforcement de la gouvernance et de
l’organisation interne
Le renforcement de l’autonomie de l’AMF depuis 2017 nécessite que les règles de
gouvernance et la répartition des rôles soient claires entre le collège, le président et le secrétaire
général. Or, des marges de progrès existent de ce point de vue.
Le collège est saisi de toutes les décisions individuelles, ce qui correspond au mandat
qui lui est donné mais entraîne un nombre de réunions très conséquent. Il est aussi informé des
affaires courantes. Il serait opportun d’utiliser davantage la possibilité donnée par les textes de
déléguer l’instruction de décisions particulières à des commissions spécialisées constituées en
son sein.
Le secrétaire général a autorité sur l’ensemble des services. Ceux-ci sont également
rattachés par son intermédiaire au président. Il serait nécessaire de clarifier les rôles de chacun.
Enfin, les textes ne prévoient pas de délégation de pouvoir du président à ses services,
ce qui l’amène à engager sa responsabilité sur tous les sujets. Il serait utile de prévoir dans
certains domaines relatifs à la sécurité une délégation de pouvoir, compte tenu de la taille de
l’institution.
1
Contrôles des sociétés de gestion de portefeuille et des prestataires de service d’investissement menés sur des
thèmes annoncés en début d’année, avec une visée en partie préventive, via la publication d’une synthèse des
bonnes et mauvaises pratiques.
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
7
L’autonomie importante en matière de gestion administrative et financière implique par
ailleurs que l’AMF soit dotée d’une organisation rigoureuse.
Or, la direction des affaires juridiques n’a pas de compétence sur les sujets de marchés,
de droit social et de conformité, ce qui a provoqué des erreurs dans la gestion de certains
dossiers. La direction administrative et financière est pour sa part positionnée au sein d’une
direction « ressources, support et transformation » à un niveau insuffisant de l’organigramme.
Elle devrait dépendre directement du secrétaire général dans la mesure où elle a en charge des
dossiers très importants. Enfin, la direction des systèmes d’information n’avait pas, jusqu’à une
date récente, la maîtrise des développements des systèmes d’information des directions métiers,
ne pilotait pas l’ensemble des effectifs travaillant sur les projets, même fonctionnellement, et
se limitait souvent à un rôle de conseil et de garant des choix d’architecture. Cette situation a
pénalisé la conduite de certains projets, en sus de spécifications fonctionnelles souvent
imprécises.
Ces éléments d’organisation ne sont évidemment pas la seule cause des difficultés
financières et administratives de l’AMF mais ils en expliquent une partie. Une attention plus
rigoureuse doit être accordée aux fonctions support dont le poids est relativement important
(23,6 % des effectifs, hors direction juridique et sans compter les prestataires externes) et a
augmenté depuis 2017.
Une situation financière qui est devenue critique du fait d’investissements non
totalement financés
Si l’activité opérationnelle de l’AMF ne soulève pas de remarques fortes, il n’en va pas
de même de sa gestion administrative et financière.
L’AMF disposait au 31 décembre 2016 d’une trésorerie importante s’élevant à 54,4 M
€
.
Fin 2021, elle n’atteignait plus que 35 M
€
et fin 2022, 22 M
€
, alors que près de 20 M
€
d’investissements avaient été engagés pour 2023 sur l’informatique et l’immobilier. Compte
tenu des recettes attendues insuffisantes pour faire face à ces engagements, la situation
financière était devenue insoutenable. L’AMF se serait retrouvée potentiellement en situation
de cessation de paiement si l’État n’avait pas décidé d’augmenter de façon significative le
montant des ressources mis à sa disposition (de 2,5 M
€
en 2023 et de 6,5 M
€
en 2024, soit
+ 9 % au total).
Cette situation est la conséquence de plusieurs facteurs. Tout d’abord, le compte de
résultat de l’AMF, ou son budget, a été systématiquement présenté et exécuté en déséquilibre,
générant ainsi une capacité d’auto-financement insuffisante pour financer les investissements.
Ensuite, le montant des investissements n’a cessé de croître, passant de 2,5 M
€
en 2016 à
10,9 M
€
par an entre 2017 et 2021 et 20 M
€
en moyenne en 2022 et en 2023, en raison du
lancement d’importants projets informatiques en 2016 et aussi de la décision de mettre en
œ
uvre
un projet de réaménagement immobilier coûteux en 2021. La situation était donc
structurellement déséquilibrée. Au total, le montant des investissements décidés et exécutés,
compte tenu de certains dérapages, a dépassé sur la période 2017-2022 la somme de 75 M
€
,
excédant largement le niveau de trésorerie de 54,5 M
€
constaté fin 2016.
Les dépenses d’investissement ont été engagées sans s’assurer au préalable avec l’État
de la disponibilité des ressources suffisantes. L’AMF s’est contentée de demander des
relèvements de plafond de ressources à l’État, sans engager une revue des dépenses. Elle a enfin
sous-estimé ses besoins d’investissement.
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
8
Le comité d’audit de l’AMF a émis des alertes relatives à la situation délicate de la
trésorerie mais celles-ci n’ont pas été prises en compte. La direction générale du Trésor, qui est
membre du comité d’audit, n’a pas transmis l’information à la direction du budget avec laquelle
l’AMF n’a pas engagé de discussion.
Début 2023, la direction de l’AMF s’est engagée dans un exercice de programmation
pluriannuelle de l’ensemble de ses dépenses de fonctionnement et d’investissement, partagé
avec l’État. Cet exercice doit être mené à son terme, l’indépendance indispensable de l’Autorité
dans ses décisions de régulation ne pouvant en effet être comprise comme une autorisation à
engager des dépenses au-delà de ses ressources.
Des projets informatiques et immobiliers non maîtrisés
Les grands projets lancés par l’AMF à partir de 2017 ont rencontré des difficultés de
réalisation et se sont traduits par des résultats contrastés. Ils ont souvent été lancés sans examen
approfondi de leur contenu, sans analyse des conditions de mise en
œ
uvre opérationnelle, et
sans prise en compte de la capacité interne à les mener. Leur mise en
œ
uvre a entraîné le recours
à de nombreux prestataires, sans que le pilotage de ces derniers soit suffisamment rigoureux. Il
en est résulté des dépassements de coût et de délai et des réalisations décevantes, comme dans
le cas du projet informatique ROSA qui n’était toujours pas complètement livré fin 2023, sept
ans après son lancement, ou du projet immobilier.
S’agissant du projet ROSA, qui concerne le remplacement de l’interface avec les
gestionnaires d’actifs pour leur agrément et leur suivi, le choix d’organisation a consisté à
confier la direction du projet à un directeur de programme placé auprès de la direction métier,
avec un apport de la direction des systèmes d’information limité à l’expertise sur l’architecture
et l’intégration. La direction de programme a par ailleurs largement fait appel à des
recrutements externes et à des prestataires, avec un apport du métier insuffisant. Le choix s’est
porté sur un éditeur dont l’outil répondait à la demande des utilisateurs mais qui ne couvrait pas
les spécificités du secteur financier. Enfin, certaines fonctionnalités étaient ambitieuses et
posaient des problèmes de faisabilité. L’ensemble de ces éléments a entraîné un travail très long
de spécifications, qui a été insuffisamment anticipé et a provoqué un retard de trois ans dans la
réalisation du projet.
Dans le même temps, la direction du projet a privilégié le respect du budget annuel aux
délais, conduisant à des retards et des coûts supplémentaires liés aux développements plus
importants, au maintien des prestataires et au prolongement de l’outil actuel. Le budget total du
projet était estimé lors de son adoption à 42 M
€
de 2016 à 2028, avec un financement quasi-
intégral par les opérateurs privés. Il s’élève à 53 M
€
désormais, montant qui devrait
probablement être dépassé, sans tenir compte des coûts d’adaptation des autres applications de
l’AMF au nouvel outil. Une mise en production de l’outil en condition réelle a finalement pu
être lancée en novembre 2023, soit bien plus tard que prévu, afin de vérifier ses performances.
En fonction des résultats de ce test, une mise en service est prévue début 2024, ce qui signifie
que le programme ROSA pèsera encore lourdement sur le budget 2024 de l’AMF. Le coût élevé
de ROSA conduit ainsi l’AMF à faire des arbitrages sur d’autres projets indispensables.
Le projet ROSA ne constitue cependant qu’un exemple des dysfonctionnements qui
affectent la gestion des systèmes d’information de l’AMF de façon générale. En dépit de
plusieurs audits, internes et externes, lancés en 2016, en 2019 et en 2022, la gouvernance des
systèmes d’information est restée caractérisée par un pilotage trop lâche, une vision non
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
9
exhaustive sur les projets et un mode de conduite plus axé sur la décision de lancement que sur
le suivi opérationnel et les arbitrages à rendre. La direction des systèmes d’information (DSI)
n’a quasiment pas été associée à la conduite des grands projets et n’a pas toujours d’autorité sur
les collaborateurs exerçant des missions relatives aux systèmes d’information et placés dans les
directions métiers. Le comité stratégique de gouvernance des systèmes d’information (CSGSI)
a eu une vision limitée aux projets gérés par la DSI et s’est plus concentré sur l’approbation des
nouveaux projets que sur les difficultés de réalisation des projets lancés. Des mesures
correctives ont commencé à être mises en place dans le courant de l’année 2022.
Un portefeuille de projets trop important et non priorisé ainsi qu’une prise en compte
insuffisante de la capacité à faire entraînent un recours très important à des prestataires
externes : en dépit des engagements pris, ce nombre n’a pas diminué sur l’ensemble de la
période et est estimé par l’AMF à 95 personnes environ, à comparer aux 43 personnes exerçant
à la DSI. Cette forte dépendance aux prestataires fait peser des risques sur la maîtrise des
projets, la connaissance des systèmes d’information et aussi la sécurité.
Un autre exemple de pilotage insuffisant concerne l’immobilier. L’AMF a choisi fin
2020 d’optimiser son implantation pour éviter l’impact anticipé de la hausse des loyers et s’est
orientée sur une solution de maintien sur le site actuel combiné avec des travaux très importants
(12,7 M
€
estimés) ayant pour objectif un gain significatif de surfaces de 15 % environ et une
économie de loyers de 1 M
€
par an environ par rapport à leur hausse anticipée. Cette décision
n’a pas pris en compte son impact sur la trésorerie de l’AMF, déjà en situation délicate, alors
que les bénéfices attendus étaient étalés dans le temps. Elle écartait d’autres scenarii moins
coûteux comme le déménagement sur d’autres sites parisiens
intra-muros
ou des
réaménagements
a minima
des locaux existants permettant d’optimiser les surfaces dans le
cadre de l’accord de télétravail.
La mise en
œ
uvre de ce projet « AMF Now » n’a pas suffisamment tenu compte des
spécificités opérationnelles de l’AMF et des souhaits des personnels.
Enfin, l’exécution de ce projet a connu plusieurs difficultés. En premier lieu, le
périmètre des travaux confiés à la société chargée des travaux a été défini pour rentrer dans
l’enveloppe de 6,4 M
€
TTC imposée par la procédure de marché choisie. Parallèlement, l’AMF
a demandé au bailleur de réaliser des travaux d’aménagement nécessaires pour le projet qui lui
ont été refacturés pour un montant de 3 M
€
: ces travaux, qui contribuent à l’amélioration de la
surface capacitaire de l’immeuble et profitent dans une certaine mesure au bailleur, limitent
l’intérêt financier de la renégociation avantageuse du bail conclue en juin 2022. En second lieu,
le coût du projet est passé progressivement de 12,7 M
€
à 16,9 M
€
, du fait d’omissions dans les
lots à réaliser et de dépenses complémentaires. Pour une économie de loyers liée à
l’optimisation de surfaces estimée à 1 M
€
par rapport à la hausse de loyers qui était anticipée,
l’intérêt financier du projet n’est pas avéré, d’autant que le nouveau bail a une durée limitée à
10 ans. En troisième lieu, le manque d’articulation entre les différents prestataires, leurs
dysfonctionnements et parfois aussi les défauts dans leur pilotage ont abouti à des malfaçons et
à des surcoûts, amenant désormais l’AMF à réagir en ouvrant un dossier contentieux.
L’examen de ces différents projets montre ainsi des marges de progrès importantes dans
la conduite de projet.
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
10
RECOMMANDATIONS
Recommandation n° 1.
(AMF, DGT, DB) Etablir une trajectoire pluriannuelle d’effectifs
cohérente avec l’évolution des missions de l’AMF.
Recommandation n° 2.
(AMF) Augmenter le recours aux commissions spécialisées du
collège de l’AMF tel que prévu par le code monétaire et financier.
Recommandation n° 3.
(AMF) Préciser les rôles respectifs du président et du secrétaire
général, notamment sur les sujets relatifs aux fonctions support.
Recommandation n° 4.
(AMF, DGT) Autoriser le président de l’AMF à consentir des
délégations de pouvoir
Recommandation n° 5.
(AMF) Revoir l’organigramme des fonctions support en précisant les
missions et les responsabilités de chaque direction, particulièrement pour la direction juridique,
la direction financière et la direction informatique
Recommandation n° 6.
(AMF, DGT, DB) Fiabiliser la trajectoire financière pluriannuelle en
intégrant tous les investissements.
Recommandation n° 7.
(AMF, DGT, DB) Procéder chaque année à un examen conjoint de
la situation budgétaire de l’AMF.
Recommandation n° 8.
(AMF) Reprioriser les projets menés par l’AMF concernant les
systèmes d’information.
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
11
INTRODUCTION
Créée par la loi de sécurité financière du 1
er
août 2003, l’Autorité des marchés financiers
(AMF) est née de la fusion du Conseil des marchés financiers, de la Commission des opérations
de bourse et du Conseil de discipline de la gestion financière. Sa mission se décline autour des
trois objectifs suivants : la protection de l'épargne investie en produits financiers, l'information
des investisseurs et le bon fonctionnement des marchés.
L’AMF est une autorité publique indépendante, et dispose à ce titre de la personnalité
morale. Ce statut lui accorde une souplesse de fonctionnement et lui donne la pleine
responsabilité de ses actes.
Le précédent contrôle des comptes et de la gestion de l’AMF par la Cour des comptes
avait porté sur les exercices 2007 à 2016, les recommandations concernant principalement la
stratégie informatique, l’efficience de la filière répressive et les ressources de l’AMF.
Le présent contrôle a porté sur les exercices 2017 à 2022, avec une prise en compte des
données disponibles jusqu’au 30 septembre 2023.
Après avoir rappelé les missions de l’AMF et leur élargissement, conséquence de
l’évolution de la réglementation (en particulier sur la finance durable, les nouveaux marchés et
les crypto-actifs) et de la digitalisation de la finance (1), le rapport analyse la gouvernance et
l’organisation de l’AMF (2) et sa situation financière de l’AMF, devenue critique fin 2022 du
fait des difficultés de financement des investissements qui ont contraint le ministère du budget
à lui allouer des ressources supplémentaires (3). La dernière partie est dédiée à l’analyse des
principaux projets de l’AMF sur la période, qui n’ont pas été suffisamment maîtrisés, tant dans
le domaine des systèmes d’information qu’en matière immobilière (4).
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
12
1
DES MISSIONS CROISSANTES QUI IMPLIQUENT DES
MOYENS ET DES CHOIX
L’AMF régule les acteurs financiers, sociétés cotées, intermédiaires financiers autorisés
à fournir des services d’investissement, produits d’épargne collective investie dans des
instruments financiers. La compétence de l’AMF s’étend donc à l’ensemble des marchés
financiers et des intervenants sur ces marchés mais pas aux banques ou aux assurances. Le
modèle français se distingue, comme beaucoup de pays européens, notamment l’Italie ou
l’Espagne, du modèle allemand où supervision des marchés et supervision des banques et
assurances sont mêlées. Le choix de traiter distinctement marchés d’une part, banques et
assurances d’autre part, s’explique par plusieurs raisons tenant : au nombre des acteurs
(disséminés s’agissant des marchés, très concentrés dans le cas des banques) ; à la taille et à la
structure des intervenants (absence de bilan pour les sociétés de gestion, importance de la
structure bilantielle pour les organismes de crédit) ; et à la nature des règles qui s’appliquent
aux marchés et à leurs intervenants (règles relatives à l’information financière plus que règles
prudentielles).
Les missions de l’AMF sont constituées par les activités suivantes qui concourent à
l’objectif ultime que constitue la protection de l’épargne et qui sont exercées par les différentes
directions opérationnelles de l’institution :
-
le contrôle de l’offre au public de titres financiers et de la qualité de l’information
financière fournie par les émetteurs ;
-
la surveillance du bon fonctionnement des marchés et la détection des anomalies
éventuelles ;
-
l’agrément et le contrôle des gestionnaire d’actifs qui interviennent sur ces marchés.
À cela s’ajoutent deux activités transversales déclinant ces différentes missions sous
deux angles, répressif d’une part et réglementaire de l’autre :
-
les enquêtes et les contrôles pour déterminer des infractions éventuelles, sachant que les
sanctions sont prononcées par une commission des sanctions distincte du collège de
l’AMF ;
-
la participation à l’élaboration de la réglementation au niveau européen et international, en
lien avec le ministère des finances, qui s’effectue au sein d’une direction dédiée : cette
organisation permet un traitement harmonisé des sujets transverses, une prise en charge
spécifique des sujets européens ainsi qu’un point de contact unique pour les instances
européennes.
L’examen des missions confiées à l’AMF par la loi et, de plus en plus, par la
réglementation européenne montre une extension forte du champ des tâches qui lui sont
imparties. Dans ce contexte, les moyens humains des principales directions opérationnelles de
l’AMF ont été globalement stables, à la différence de ceux consacrés aux fonctions support.
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
13
1.1
Des mutations fortes des marchés financiers et des nouveaux enjeux de
régulation mais des moyens humains de l’AMF relativement stables
1.1.1
Une autorité des marchés financiers soumise à une évolution forte de son cadre
d’intervention et à une croissance importante de son activité
Depuis 2017, l’AMF a été soumise à une modification forte de son environnement :
-
le contexte économique est de plus en plus incertain : crises géopolitiques diverses, retour
de l’inflation, fin des politiques monétaires accommodantes. Ces différents événements
entrainent une augmentation des risques pesant sur les marchés ;
-
la finance est de plus en plus digitalisée : rapidité d’exécution des ordres, augmentation de
la vitesse de transmission, nouvelles formes d’escroqueries, émergence des marchés de
crypto-actifs. Ceci nécessite de renforcer la surveillance en temps réel des marchés et de
développer des outils de traitement des données ;
-
les enjeux liés à la finance durable sont en pleine expansion ;
-
l’activité réglementaire européenne est en forte progression : adoption récente du
règlement sur les marchés de crypto-actifs (
Markets in crypto-assets
ou MICA), textes sur
les marchés d’instruments financiers ou sur les fonds d’investissement alternatifs en cours
de discussion, initiatives sur les fournisseurs de notations ESG (environnement, social,
gouvernance). Cela impose à l’AMF une contribution aux instances de discussion sur les
pratiques de supervision, qui sont animées par l’ESMA (European Securities and Market
Authority) ainsi qu’une participation aux activités de transcription des règlements
européens.
Parallèlement à cette transformation de son environnement, l’AMF a vu son activité
croître de façon très significative suite aux conséquences du Brexit. D’une part, la place de Paris
est devenue la plus importante dans l’Union européenne après la sortie du Royaume-Uni de
l’Union et fait désormais jeu égal avec Londres : Paris occupe le premier rang en termes de
capitalisation boursière, de volumes d’échanges sur le marché obligataire et aussi de taille des
actifs gérés. La place financière de Paris figure désormais à la 10
ème
place du classement
mondial
2
après avoir chuté à la 32
ème
place en 2016. Ceci entraîne une augmentation des
activités de surveillance.
D’autre part, les services de gestion pour compte de tiers sur le marché européen sont
dominés par des établissements français dont le rayonnement dépasse le cadre national (BNP
Paribas, Société Générale, Crédit Agricole…). Ceci augmente la charge de supervision.
L’activité de régulation de l’AMF a donc subi ces dernières années une transformation
d’ordre quantitatif (taille des marchés et volume des opérations qu’elle a à surveiller) et
qualitatif (modes de fonctionnement des marchés et modalités de suivi qu’elle doit mettre en
œ
uvre) considérable. Ses tâches sont plus importantes dans un environnement plus complexe.
2
Classement du Global Financial Centres Index en 2022. Première dans l’Union européenne après le départ du
Royaume-Uni de l’Union européenne, que ce soit en termes de capitalisation boursière, de marché obligataire et
de gestion d’actifs, la place financière française reste toutefois inférieure à celle de Londres.
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
14
Or, celles-ci s’exercent dans un cadre européen qui accroît la charge de l’AMF plus
qu’elle ne l’allège, et ce avec des effectifs relativement stables.
1.1.2
Une autorité européenne qui coordonne l’action des régulateurs nationaux et
ne se substitue pas à eux
L’ESMA (European Securities and Markets Authority) a été créée en 2011 pour
superviser les marchés financiers européens. Elle constitue un des trois piliers de la régulation
européenne, les deux autres étant l’Autorité bancaire européenne (ABE) et l’autorité
européenne des assurances (AEAPP). Elle a trois missions principales : la protection des
investisseurs ; le bon fonctionnement des marchés ; la stabilité financière.
Le modèle de l’ESMA est celui d’une supervision indirecte, consistant à s’appuyer sur
les 27 autorités de régulation nationales pour élaborer la réglementation européenne et faire
converger les pratiques de supervision. En 2017, la France et l’AMF ont tenté de promouvoir
l’idée d’un transfert de compétences à l’ESMA, faisant de cette dernière le superviseur direct
des marchés financiers et uniformisant ainsi par le haut l’application de la réglementation au
niveau européen. Cette réforme a été rejetée par la plupart des États-membres, l’Allemagne
entre autres. Il en résulte le maintien d’une certaine disparité dans l’application des textes
européens par les autorités nationales de régulation, qu’il s’agisse des éléments de doctrine ou
de la pratique effective de la régulation, avec des impacts possibles sur la qualité du contrôle et
de ce fait sur la concurrence entre les différentes places financières européennes.
L’ESMA ne supervise donc directement qu’une petite partie des intervenants sur les
marchés financiers, en pratique les agences de notation sur la responsabilité environnementale,
sociale et de gouvernance (ESG). Pour le reste, elle coordonne l’action des autorités de
régulation nationales dans deux domaines essentiels :
-
la conception d’un corpus de règles européennes comprenant des textes d’application dits
de niveau 2 écrivant les standards techniques, afin d’éviter des divergences
d’interprétation. L’ESMA anime et assure le secrétariat de 9 comités permanents chargés
de décliner les réglementations dans leurs différents domaines d’application ;
-
l’harmonisation des pratiques de supervision afin de contrecarrer les risques de
« concurrence déloyale » entre les places financières européennes. À ce titre, l’ESMA met
en place des «
peer reviews
» des autorités de régulation, lance des «
Common Supervisory
Actions
» auprès des acteurs des marché en s’appuyant sur les autorités nationales, ou
organise des groupes de travail entre autorités sur certaines thématiques.
La mise en place et le renforcement de l’ESMA se sont donc davantage traduits pour
l’AMF par une charge supplémentaire que par un transfert de tâches, d’autant que l’importance
croissante de la place financière de Paris et l’étendue de ses activités amènent l’AMF à
participer naturellement à des groupes de travail très variés. Cette participation ne présente pas
de caractère juridiquement obligatoire lorsqu’il s’agit de constituer un panel de supervision de
certains acteurs de marché, mais elle est en revanche indispensable pour les activités normatives
ou quand les activités de l’AMF sont elles-mêmes passées en revue.
La contribution de l’AMF à l’ESMA n’a cessé d’augmenter depuis sa création, de
0,7 M
€
en 2011 à 1,4 M
€
en 2017 puis à 2,6 M
€
en 2022, soit un rythme bien supérieur à celui
des ressources de l’AMF (+ 85 % entre 2017 et 2022 contre + 19 % pour l’AMF pendant la
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
15
même période). Ceci s’explique par la croissance des missions de l’ESMA et plus récemment
par la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne.
1.1.3
Des moyens de l’AMF limités par rapport à certains homologues européens
Le tableau présenté en Annexe n° 1 récapitule les moyens de l’AMF en les mettant en
regard de ceux alloués aux autres autorités de régulation européennes.
Sur le plan méthodologique, il importe de signaler que ces autorités n’ont pas toujours
le même champ de compétences que l’AMF et qu’elles exercent leurs missions sur des places
financières de tailles très différentes. La BAFIN allemande comme l’AFM néerlandaise
interviennent également dans la régulation bancaire notamment. Ceci fausse la comparaison
immédiate avec ces autorités puisque les effectifs dédiés à la régulation des marchés financiers
sont parfois minoritaires au sein de ces institutions (730 agents environ pour la BAFIN, sur un
effectif total de 2786 agents).
Cette considération prise en compte, il apparaît toutefois que les effectifs de l’AMF sont
plus réduits que ceux de l’autorité italienne ou allemande, à périmètre comparable et alors que
la place de Paris a acquis une taille plus importante. Ses moyens financiers sont également plus
modestes. Ses effectifs opérationnels sont stables depuis quelques années, alors que les autres
autorités (en dehors de l’Espagne et de l’Italie) se sont engagées dans un mouvement de
renforcement de leur personnel. La projection pluriannuelle élaborée début 2023 prévoit à ce
stade une quasi-stabilité des effectifs, avec un renforcement de 5 ETPT dans le projet de loi de
finances pour 2024. Si le niveau d’effectifs était maintenu dans les années à venir, l’AMF ne
connaîtrait qu’une progression de 5 % environ de ses effectifs en 10 ans.
Au plan européen, l’ESMA affiche un budget de 350 ETP et de 70 M
€
, soit 65 % environ
des ressources de l’AMF, sans disposer de compétences de supervision directe, sauf sur un
périmètre d’acteurs limités.
1.2
Une protection des épargnants faisant face aux nouveaux enjeux de la
finance durable
La protection des épargnants au moyen de règles assurant la transparence des marchés
financiers est l’objectif principal de l’AMF. Ces règles concernent d’abord l’information
financière donnée par les différents acteurs, que ce soit à l’occasion d’opérations ponctuelles
ou dans le cadre d’une documentation périodique. La supervision de ces informations est
effectuée par la direction des émetteurs et des affaires comptables (DEAC).
1.2.1
Un suivi des opérations financières et de l’information délivrée au marché
La régulation de l’AMF s’exerce sur les sociétés cotées sur les trois plateformes que
sont Euronext (marché réglementé, environ 500 sociétés), Euronext Growth (système
multilatéral de négociation non réglementé pour les sociétés en forte croissance, organisé entre
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
16
acheteurs et vendeurs, environ 200 sociétés) et Euronext Access (système multilatéral de
négociation pour les sociétés de petite taille faisant peu appel au marché, environ 200 sociétés).
Au total, près de 900 sociétés rentrent dans le champ du suivi de l’AMF.
Ce suivi, effectué au sein de la direction des émetteurs, consiste en :
-
une autorisation préalable des opérations financières ponctuelles envisagées par ces
sociétés. Il ne s’agit pas pour l’AMF de fournir un jugement sur l’opportunité de
l’opération proposée mais de s’assurer qu’une information suffisante est donnée aux
investisseurs sollicités et aux actionnaires dont le vote est demandé, ainsi que de veiller à
la conformité de l’opération aux règles applicables (règlement européen sur les prospectus
financiers, code monétaire et financier, code du commerce...). Dans ce cadre, l’approbation
de l’AMF atteste que le document est complet et compréhensible et que les informations
qu’il contient sont cohérentes. L’examen porte plus particulièrement sur le contexte de
l’opération (performance de l’entreprise, liquidité, risques), sa structure (clarté du
calendrier, prix plancher, respect des droits des actionnaires) et ses motifs ;
-
une surveillance de l’information permanente. L’AMF vérifie que tout émetteur rend
publiques les informations susceptibles d’influencer de façon sensible le cours des
instruments financiers qui lui sont liés en application du règlement sur les abus de marché.
La diffusion de ces informations doit se faire par diffusion intégrale par voie de presse et
non par les media sociaux. Dans ce cadre, l’AMF s’assure, d’une part, que les informations
communiquées sont conformes aux exigences réglementaires, notamment à l’occasion des
publications des comptes, d’autre part qu’aucune information fausse ne circule, pouvant
éventuellement constituer un abus de marché, enfin que tous les investisseurs ont un accès
égal aux informations. Cette surveillance s’effectue en interaction avec les commissaires
aux comptes mais aussi avec la direction des marchés de l’AMF, qui effectue les alertes et
analyse les causes en cas de variation significative de cours ;
-
une surveillance de l’information périodique. L’AMF veille à ce que les documents de
référence (document d’enregistrement universel, DEU) contiennent toutes les informations
requises par le règlement européen et répondent aux standards de qualité requis. Ce
contrôle des DEU s’effectue de façon systématique les deux premières années après
l’introduction sur le marché puis sur la base d’approches statistiques compte tenu de la
masse de documents à contrôler.
1.2.2
Une mission qui nécessite des compétences comptables importantes
La revue des documents financiers est effectuée avec l’aide d’une direction des affaires
comptables. Celle-ci s’assure de la conformité aux normes IFRS des documents financiers
transmis par les entités cotées. Elle procède par échange avec l’émetteur, en lien avec ses
commissaires aux comptes. En cas de désaccord avec l’analyse des commissaires aux comptes,
l’AMF peut demander la correction des comptes et de l’information financière.
La direction des affaires comptables participe par ailleurs, au nom de l’AMF et en
collaboration avec l’ESMA et les autres régulateurs nationaux, au processus d’élaboration des
normes IFRS par l’IASB (International Accounting Standards Board). Elle est aussi habilitée à
saisir le Haut Conseil du Commissariat aux Comptes (HCCC), auprès duquel elle représente
l’AMF, de toute question d’interprétation et elle peut également demander l’ouverture
d’enquêtes sur un cabinet de commissaire aux comptes.
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
17
Cette activité très technique nécessite donc de disposer d’un volume important
d’auditeurs venus généralement de cabinets d’experts-comptables et d’être suffisamment
attractif pour les recruter en dépit d’un différentiel significatif de rémunération.
1.2.3
Une activité en légère hausse
Les indicateurs d’activité montrent une stabilité du nombre de sociétés suivies par
l’AMF et d’approbations émises, des rencontres un peu plus nombreuses avec les émetteurs et
une croissance très forte des revues de documentation commerciale et financière :
-
le nombre de sociétés cotées est stable, avec une baisse continue sur le marché réglementé,
tandis que le nombre de sociétés cotées sur Euronext Growth progresse ;
-
le nombre d’approbations a plutôt diminué dans le temps, mais avec un maintien sur les
offres publiques ou les introductions en bourse qui sont les plus complexes. Cette
diminution s’explique par les dispenses de prospectus autorisées par l’Union européenne ;
-
l’activité de revue de la documentation commerciale progresse en revanche fortement ainsi
que celle des communiqués de presse ;
- les rencontres annuelles avec les émetteurs sont en légère augmentation, avec un taux de
couverture stable dans un contexte de croissance de la population visée.
Tableau n° 1 :
Principaux indicateurs de la direction des émetteurs et des affaires comptables
2017
2018
2019
2020
2021
2022
Nombre de sociétés cotées sur
marché réglementé
513
500
481
450
433
407
Nombre de sociétés cotées sur
Euronext Growth
185
196
206
218
246
267
Nombre d’émetteurs
obligataires
134
143
147
153
148
157
Visas accordés (yc suppléments)
648
577
591
611
541
502
Dossiers d’introduction en
bourse examinés par l’AMF
24
28
9
8
46
22
Revue des communiqués presse
1660
3714
2077
3734
2487
5331
Rencontres avec les émetteurs
compartiment A (% couverture)
n.c.
22 %
14 %
40 %
35%
34%
Source : AMF
1.2.4
Des enjeux croissants en matière de finance durable
Le plan d’action de l’Union européenne pour la croissance durable prévoit un volet
important dédié au financement des entreprises, et à l’intérieur de celui-ci, à la communication
extra-financière concernant leur situation au regard des exigences environnementales, sociales
et relatives à la gouvernance. D’une part, la directive 2014/95/UE, dite NFRD, (
non financial
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
18
reporting directive
) fait obligation aux sociétés ayant plus de 500 salariés d’insérer une
déclaration de performance extra financière dans le rapport de gestion. Elle est remplacée par
une nouvelle directive, plus ambitieuse, la directive (UE) 2022/2464, dite CSRD (
Corporate
Sustainability
Reporting
Directive
),
qui
s’applique
progressivement
à
compter
du
1
er
janvier 2024 et qui va standardiser le
reporting
, étendre son champ d’application à toutes les
sociétés cotées et imposer une vérification obligatoire de l’information par un commissaire aux
comptes ou un organisme tiers indépendant, avec un niveau d’assurance « modérée » dans un
premier temps. D’autre part, le règlement européen taxonomie 2020/852 ainsi que la directive
SFDR (
Sustainable Finance Disclosure Regulation
) établissent une classification des activités
économiques permettant de déterminer celles qui peuvent être considérées comme durables sur
le plan environnemental. Ils imposent aux sociétés de publier des indicateurs pour rendre
compte de l’alignement de leurs activités avec les critères de durabilité.
Ce renforcement des exigences de la communication extra-financière entraîne une
charge de travail supplémentaire pour le régulateur national. Le nombre d’émetteurs redevables
des nouvelles obligations au titre de CSRD devrait passer de 250 à 350 pour la seule population
des émetteurs dont les actions sont cotées sur un marché réglementé. Le volume des
informations produites va également augmenter, avec la production de 1000 données à vérifier
par émetteur au titre de CSRD. L'application du règlement « Taxonomie » implique aussi des
activités de vérification additionnelles.
La mise en
œ
uvre de cette responsabilité nouvelle en matière de régulation nécessite des
moyens humains supplémentaires, mais elle intervient dans un contexte où la trajectoire en
ressources de l’AMF est extrêmement contrainte. Ces évolutions nécessitent que l’AMF soit en
mesure de mobiliser des ressources suffisantes sur ces nouvelles missions.
1.2.5
La nécessité de finaliser le remplacement de l’outil informatique
La direction des émetteurs utilise pour ses interactions avec les différents intervenants
un outil informatique ONDE, extranet recevant les informations réglementées et permettant de
suivre l’état de leur traitement par un système de
workflow
. La volumétrie de ces données est
conséquente puisque 20 000 documents sont ainsi traités annuellement. Cette volumétrie va
augmenter avec la mise en place des nouvelles réglementations sur la finance durable.
Mis en service en 2011, ONDE a été diagnostiqué obsolète technologiquement par un
audit fin 2020. Cet outil présente des défaillances opérationnelles croissantes. Un projet de
refonte de l’outil, nommé ADELE, a donc été lancé pour tenir compte de ces constats et fournir
un outil plus complet, performant et répondant aux exigences de sécurité.
La DSI a dès le départ
fait le choix d’un développement spécifique plutôt que d’envisager d’étudier la possibilité
d’acquérir un outil du marché répondant aux besoins.
Le prestataire choisi a été chargé d’effectuer les spécifications en lien avec l’équipe de
maîtrise d’ouvrage de la direction des émetteurs, mais avec une responsabilité de la
contractualisation et du pilotage du prestataire confiée à la DSI. Le mode de marché public
retenu, par bons de commande, a cependant conduit à des dérives de coût. Suite à ces
dépassements, il a été décidé par la DSI de passer à un système au forfait. Environ 1 M
€
a été
dépensé à ce jour pour les spécifications du lot 1. Le coût total est en cours de réestimation.
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
19
À ces dépassements de coûts s’ajoute un report du projet dans son ensemble, lié aux
restrictions budgétaires. Il n’existe plus de date de finalisation du lot 1, qui devait être terminé
fin 2022. Or, l’outil ADELE est indispensable pour assurer l’exécution des missions concernant
le suivi des opérations financières. C’est le seul métier dont l’outil n’a pas été renouvelé.
1.2.6
Le cas particulier de la direction des relations avec les épargnants et de leur
protection
Créée en 2010, la direction des relations avec les épargnants et de leur protection
(DREP) n’est pas rattachée à la direction des émetteurs car elle joue un rôle transversal en
matière de protection de l’épargne, en lien avec l’ensemble des directions opérationnelles de
l’AMF. Elle est le point d’entrée pour l’AMF des signalements des dysfonctionnements en
provenance des épargnants ou des professionnels non suivis par une direction, les analyse et les
transmet aux directions concernées pour traitement. Elle assure une veille des pratiques de
commercialisation et une relation permanente avec les représentants des épargnants et des
consommateurs, en lien avec l’ACPR. Elle met en
œ
uvre des actions pédagogiques pour
améliorer les réflexes des épargnants et noue à cette fin des partenariats utiles avec l’Institut
national de la consommation et les acteurs de la publicité.
Composée de 26 personnes dont 8 mises à la disposition du Médiateur de l’AMF, elle a
pour objectif de regrouper l’ensemble des actions de l’AMF à destination des épargnants et de
participer à l’animation du pôle commun AMF-ACPR. L’examen de son activité amène
cependant à se poser la question de l’intérêt d’un ciblage plus fort de cette direction sur les
activités de médiation et de veille. Il serait également possible de mutualiser l’activité de gestion
de plate-forme de la DREP avec celle de la plate-forme de la Banque de France, qui dispose de
moyens plus importants, comme cela a été le cas dans le passé.
1.3
Une surveillance des marchés dont l’activité augmente du fait de la
croissance des données à traiter et de l’essor de nouveaux marchés
La mission de surveillance des marchés consiste à veiller au bon fonctionnement des
marchés et de ses principaux acteurs. Elle s’organise logiquement autour d’une activité de suivi
et de détection des dysfonctionnements des marchés et une activité de supervision de ses
principaux intervenants.
1.3.1
Le renforcement de la capacité de surveillance des marchés grâce à un nouvel
outil de traitement des données
Les activités de collecte de données, d’analyse et de surveillance ont, depuis quelques
années, gagné en importance par rapport aux activités classiques de supervision des
intermédiaires et des infrastructures de marché. Plusieurs facteurs ont joué : la digitalisation du
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
20
fonctionnement des marchés ; l’internationalisation des opérations ; la croissance des
obligations réglementaires
3
, qui oblige à croiser les informations pour être efficace.
Ces modifications ont abouti à la création en 2020 au sein de la direction des données
et des marchés d’une direction des données et de la surveillance ayant pour objectif de :
-
surveiller en temps réel les mouvements de marché et « scanner » les opérations effectuées
sur les marchés afin de déceler les mouvements erratiques en temps réel ;
-
détecter les potentiels manquements, mener les premières investigations et proposer les
ouvertures d’enquêtes le cas échéant (sur les abus de marché mais aussi les manquements
à la transparence ou à des obligations professionnelles) ;
-
effectuer des expertises au profit des autres directions opérationnelles de l’AMF (sur les
mouvements constatés parallèlement avec une communication financière…) ;
-
être partie prenante dans l’évolution de la réglementation en examinant son application et
en participant aux groupes de travail destinés à la faire évoluer.
La création de cette direction nouvelle a été facilitée par le développement, depuis 2015,
et la mise en place, en 2017, d’un outil, ICY, qui a remplacé l’ancienne plate-forme de
surveillance SESAM, devenue obsolète, et permet d’utiliser beaucoup plus de données :
reportings
réglementaires fournis par les sociétés, informations publiques, données de
fournisseurs Bloomberg et Reuters, etc. Il ne s’agit pas seulement d’une mise à niveau
informatique mais d’un changement technologique reposant sur une analyse automatisée de
multiples données numériques («
Big Data
»). Ce traitement des données permet par exemple
de comparer l’évolution de la situation d’une société par rapport à des sociétés comparables, de
raisonner sur des cohortes significatives ou encore de construire des argumentaires sur des
modifications d’ensemble. Il a permis dans certains cas de mettre en évidence puis de
sanctionner une manipulation de cours sur de la dette souveraine.
1.3.2
Des activités de supervision des infrastructures et des intermédiaires de
marché profondément modifiées par l’apparition de nouveaux produits
L’activité de supervision des infrastructures a été profondément modifiée par la fin du
monopole confié aux bourses nationales et l’arrivée de plateformes alternatives comme les
MTF (
multilateral trading facilities)
concurrençant les marchés boursiers historiques. Les
opérations de marché sont désormais traitées selon la chaîne d’intervention suivante, avec trois
types d’acteurs :
-
les plateformes de négociation (comme Euronext) sont les lieux où s’effectue la formation
des prix : Euronext est supervisé par un collège international de régulateurs auquel
participe l’AMF ;
3
La directive MIF 1 2004/39/CE instituait un passeport européen pour les prestataires de services d’investissement
(PSI) et prévoyait un
reporting
quotidien sur 20 champs de données. La directive MIF 2 2014/65/UE renforce le
suivi de certains marchés moins réglementés (dérivés) suite à la crise de 2008 et prend en compte les nouvelles
plateformes et produits. Elle prévoit un renseignement sur 80 champs de données.
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
21
-
les chambres de compensation (comme LCH SA) garantissent la bonne fin des transactions
et procèdent aux appels de marges destinés à les sécuriser. LCH SA est supervisée par la
Banque de France, par l’ACPR, par l’AMF, par l’ESMA et un collège européen ;
-
les dépositaires centraux (comme Euroclear) gèrent le système de règlement-livraison.
Euroclear France est la filiale française, sous supervision conjointe de la Banque de France
et de l’AMF, d’Euroclear Holding SA, elle-même supervisée par un collège international
de régulateurs et de banques nationales auquel participe l’AMF.
L’activité de supervision des intermédiaires de marché a quant à elle été
considérablement transformée par la directive MIF 1 portant sur les prestataires de service
d’investissement (PSI) et l’institution du passeport européen. La division des intermédiaires
d’investissement s’occupe dans ce cadre de l’instruction des demandes d’agrément, du suivi
individuel de chaque établissement et de l’analyse des signalements effectués par les autres
régulateurs européens ou les autres directions opérationnelles de l’AMF. Elle participe aux
travaux d’adaptation de la réglementation.
La compétence de la direction des marchés porte uniquement sur les PSI, à l’exclusion
des prestataires qui se contentent de les commercialiser, comme certaines banques privées. Ces
derniers ressortent des attributions de la direction de la gestion d’actifs. Les PSI, qui peuvent
opérer sous forme de maison-mère ou de filiale d’acteurs européens ou de pays-tiers, se sont
internationalisés et, ne pouvant plus être suivis sur un périmètre uniquement national,
nécessitent pour leur supervision des interactions avec les régulateurs étrangers ou l’ESMA.
Enfin, une nouvelle activité de supervision est apparue avec les prestataires de services
sur actifs numériques (PSAN). Les services offerts par ces intervenants nouveaux s’apparentent
en effet à ceux offerts par les prestataires de services d’investissement traditionnels. Leur
régime a été introduit en droit national par la loi PACTE du 22 mai 2019, avec un souci d’attirer
les intervenants dans le domaine des crypto-actifs tout en encadrant
a minima
leur activité. La
réglementation impose à ce titre un enregistrement obligatoire par l’AMF des prestataires
(102 PSAN avaient été enregistrés en décembre 2023) mais le contenu des vérifications est
limité à des diligences portant sur l’honorabilité des dirigeants et la lutte contre le blanchiment.
Aucune obligation en matière de sécurité des systèmes d’information ni de certification des
comptes n’est imposée à ces prestataires. Il existe certes un régime d’agrément plus
contraignant, mais il est optionnel et n’a fait l’objet que d’une délivrance en juillet 2023. Le
règlement européen MICA (Marché de crypto-actifs), adopté en avril 2023 par le Parlement
européen pour une mise en application en janvier 2025, institue en revanche un régime
d’agrément, impose des contraintes aux opérateurs en termes d’information, d’audit et de règles
prudentielles notamment, et confie aux régulateurs européens, et donc à l’AMF, des
responsabilités plus étendues en matière de contrôle.
1.3.3
Une activité stable dans un contexte de croissance des données à traiter
Les indicateurs suivis par la direction des données et des marchés sur l’ensemble de son
spectre de tâches montrent une relative stabilité de sa production sur la période récente, dans
un contexte d’augmentation du nombre de données traitées :
-
un maintien du nombre de dossiers d’alertes, grâce à la mise en place du système ICY. Les
enquêtes ouvertes sur proposition de la direction sont en revanche en nette diminution
depuis 2020. Ceci s’explique par l’exigence accrue des critères d’ouverture destinée à
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
22
éviter les enquêtes infructueuses et par une forte augmentation de la volatilité des marchés
qui a
rendu la détection des comportements manipulateurs plus délicate ;
-
une production de notes de veille et de méthode globalement stable ;
-
un nombre constant de PSI suivis : la stabilité de cet indicateur
ne doit pas cacher la
complexité de certains dossiers de changements de statut ou d’extension d’activités. Le
nombre de PSI ayant fait l’objet d’au moins une visite est en revanche en diminution, avec
un chiffre qui n’est pas connu pour 2022 en raison du retard du programme informatique
ROSA qui est destiné à remplacer BIO2 et qui permettra de suivre l’activité de la direction ;
-
une diminution du nombre d’agréments traités, qui s’explique par la stabilité du nombre
de PSI : cela permet de réduire le stock de signalements à traiter. En contrepartie, la mise
en
œ
uvre du régime d’enregistrement sur les PSAN constitue une augmentation de charge ;
-
une augmentation du volume de données intégrées dans la plateforme ICY (de 20 Mds de
lignes en 2018 à 175 Mds de lignes en 2022), une augmentation forte des transactions sur
la place de Paris (le nombre de lignes à traiter est passé de 35 millions par mois en 2018 à
100 en 2021) et un nombre croissant d’utilisateurs formés au sein de l’AMF.
Tableau n° 2 :
Indicateurs de la direction des données et marchés
2017
2018
2019
2020
2021
2022
Alertes internes
n.c
20 000
4 000
8 000
6 000
6 000
Nombre
d’enquêtes
ouvertes
19
21
23
26
20
15
Nombre de
notes produites
n.c.
49
37
30
28
30
Nombre PSI
suivis
169
170
190
182
158
160
Pourcentage de
PSI ayant fait
l’objet d’une
visite au moins
31 %
40 %
36 %
36 %
32 %
n.c. en raison des
difficultés de
ROSA
Nombre
d’agréments
16
29
42
19
18
7
Stock de
signalements à
traiter
33
83
100
119
132
45
Source : AMF
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
23
1.3.4
Des enjeux croissants en matière de crypto-actifs qui vont imposer des
ressources supplémentaires
Le principal enjeu des années à venir pour l’activité de supervision va consister à mettre
en place le régime d’agrément prévu par le règlement MICA qui va rentrer en application en
janvier 2025
4
. Celui-ci suppose en effet d’aller plus loin dans les diligences effectuées en ne se
limitant pas à la vérification de l’honorabilité des prestataires mais en imposant un certain
nombre de règles dans un but de protéger les investisseurs. Il implique d’étoffer l’équipe
consacrée à ce segment d’activité.
Le règlement MICA va également avoir un impact sur l’activité de surveillance
puisqu’il va falloir mettre en place un suivi des marchés de crypto-actifs, dans un contexte
alliant trois éléments : un effet d’apprentissage inévitable ; une dimension très internationale
entraînant une difficulté à procéder à certaines investigations ; des effectifs contraints, avec une
équipe de surveillance réduite à 20 personnes pour l’ensemble des marchés (actions,
obligations,
commodities
) et une trajectoire d’effectifs de l’AMF stable à court terme.
1.3.5
La nécessité de continuer à développer les outils de suivi des marchés
Le principal enjeu à venir pour la surveillance des marchés consiste à développer l’outil
ICY en intégrant d’autres données utiles pour multiplier les capacités de surveillance et de
détection des risques pour l’ensemble de l’AMF : c’est le projet ICData. Une première étape a
été effectuée en 2021 et en 2022 en centralisant dans l’outil ICY les principales données de
l’AMF, notamment les données de la gestion d’actifs ainsi que les rapports annuels des sociétés
pour renforcer le suivi de l’information financière. Une deuxième étape était prévue en 2023
consistant à examiner de façon automatisée les risques pris par les gestionnaires d’actifs dans
leurs investissements. Ce développement d’un coût inférieur à 200 K
€
a été suspendu à la suite
des restrictions budgétaires de fin 2022 et des dépassements du programme ROSA. Enfin, la
succession de l’outil ONDE par ADELE nécessitera aussi la création d’une interface avec ICY
si on veut exploiter toutes les possibilités de l’outil. Le bon aboutissement de ces projets
permettra à l’AMF d’exercer pleinement sa mission de surveillance des marchés.
1.4
Une supervision de la gestion d’actifs dont le remplacement de l’outil
informatique n’est toujours pas finalisé
La direction de la gestion d’actifs a pour mission première l’agrément des acteurs et des
produits collectifs d’investissement : environ 700 sociétés de gestion de portefeuille (SGP), 200
autres prestataires de service d’investissement (PSI) et plusieurs milliers de fonds
d’investissement.
4
Le règlement MiCA est applicable à partir du 30 décembre 2024, à l’exception des dispositions sur les
stablecoins
(titres III et IV du règlement) qui entreront en application dès le 30 juin 2024. 2026 marque la fin de la période
transitoire pour les prestataires qui ont déjà été enregistrés selon l’ancienne procédure
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
24
Elle est également en charge du suivi des acteurs et des fonds. L’encours des SGP
soumis à la supervision est de 5 000 Md
€
en 2021. Dans le cadre de ce suivi, la direction de la
gestion d’actifs procède à des contrôles sur pièces et peut proposer à la direction des enquêtes
et des contrôles d’engager des contrôles sur place.
L’activité de la direction s’exerce désormais dans un contexte d’harmonisation
européenne mais aussi de concurrence entre les différentes places financières et leurs autorités
de régulation, ce qui soumet l’AMF à une double contrainte. D’un côté, l’introduction du
passeport européen permet à chaque prestataire de service d’investissement agréé dans un État-
membre d’exercer son activité dans l’ensemble des pays de l’Union européenne : il convient
donc pour l’AMF de veiller strictement au respect des conditions qui encadrent son exercice
puisqu’elle engage sa responsabilité dans l’agrément et le suivi. De l’autre, il existe une forme
de concurrence entre les places et les autorités puisqu’un prestataire de service ou une société
de gestion peut choisir son lieu d’implantation en fonction des délais d’agrément de l’autorité
de régulation, de sa doctrine de supervision voire des coûts du superviseur : cela oblige l’AMF
à respecter les délais d’agrément tout en maintenant un haut niveau d’exigence dans les
autorisations et le suivi.
La compétitivité de la France peut être considérée comme plutôt bonne à cet égard, avec
26 % des actifs de l’Union européenne gérés depuis la France début 2022 et 16 % en incluant
le Royaume-Uni. Le nombre de sociétés de gestion domiciliées en France a de plus crû de 35 %
entre 2001 et 2022.
Toutefois les délais d’agrément de la direction se dégradent nettement : seuls 6 % des
SGP sont agréés en moins de 72 jours, contre 30 % en 2018. De plus, les contrôles sur les
sociétés de gestion s’espacent. Le périmètre croissant des tâches a joué, avec les enjeux de
finance durable ou l’apparition de classes d’actifs qui étaient peu présents en 2017 ainsi qu’un
renforcement des exigences de supervision. Plus récemment, c’est la mobilisation des effectifs
liée au développement du programme informatique ROSA, qui explique l’allongement des
délais d’agrément.
Tableau n° 3 :
Indicateurs de la direction de la gestion d’actifs
2017
2018
2019
2020
2021
2022
Nombre de sociétés de gestion
n.c.
633
657
680
708
702
Durée moyenne de traitement
n.c.
96
91
100
119
121
Taux de SGP agréées en moins de 72 jours
n.c.
30 %
41 %
30 %
17 %
6 %
Nombre de passeport (entrants)
n.c.
1433
1584
1324
1569
1663
Lettres de suite à traiter en fin de période
n.c.
42
52
71
73
32
Source/note : AMF. L’indicateur sur le délai d’agrément des SGP agréées était de moins de 75 jours jusqu’en
2021
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
25
1.5
Une filière répressive qui s’est globalement adaptée mais qui nécessite
des outils supplémentaires
La filière répressive avait fait l’objet d’une analyse détaillée dans le précédent rapport
de la Cour. Son organisation et ses procédures ont connu depuis une adaptation importante.
1.5.1
Un champ des infractions très large
Les manquements susceptibles de faire l’objet d’enquêtes ou de contrôles de la part de
la direction des enquêtes et des contrôles en vue d’aboutir à des sanctions, à des transactions ou
à des lettres de suites de l’AMF ont été principalement définis par le règlement 596/2014 sur
les abus de marché et les directives 2009/65/CE et 2011/61/UE sur les fonds d’investissement.
Ils couvrent les infractions suivantes :
-
des manquements à la régularité des opérations de marché, constituant notamment des abus
de marché définis par le règlement UE n°596/2014 ;
-
des manquements aux obligations professionnelles auxquelles sont astreints les
prestataires de services d’investissement, les sociétés de gestion de portefeuille, les
conseillers en investissement financier et plus généralement toutes les entités visées par le
règlement général de l’AMF.
1.5.2
Des procédures harmonisées entre enquêtes et contrôles et une bonne
articulation avec la direction juridique
La direction des enquêtes et des contrôles est alimentée par les observations que les
autres directions peuvent effectuer dans le cadre de leur activité, par des plaintes ou alertes, par
des demandes d’autorités étrangères ainsi que parfois par la presse.
La décision d’ouverture d’une enquête ou d’un contrôle est prise par le secrétaire général
ou par son adjoint en charge de la direction des enquêtes. Cette particularité des textes
s’expliquait à l’origine par le souci de préserver l’indépendance des services par rapport au
collège, et de protéger la décision de lancement des enquêtes face aux pressions pouvant peser
sur ses membres. Le président de l’AMF ne dispose pas du pouvoir de lancer également cette
procédure, ce qui constitue une anomalie compte tenu de ses responsabilités.
La direction des enquêtes et des contrôles dispose de pouvoirs larges et étendus. Elle
peut se faire communiquer tous documents, accéder aux locaux à usage professionnel sans
recourir à l’autorité judiciaire (celle-ci est en revanche nécessaire pour les visites domiciliaires),
convoquer et entendre toute personne susceptible de fournir des informations, recourir à des
corps de contrôle extérieurs, à des experts inscrits sur des listes d’experts judiciaires, ou à des
commissaires aux comptes. Elle peut également proposer au collège de saisir la commission
des sanctions de toute entrave visant à interdire l’accès à des documents ou à des informations.
L’articulation avec la direction juridique a été améliorée depuis le dernier rapport de la
Cour avec la réforme organisationnelle de 2020 et le transfert d’une grande partie des juristes
de la DEC à la direction des affaires juridiques. C’est désormais la direction juridique qui rédige
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
26
le projet de notification des griefs pour tous les dossiers d’enquêtes et de contrôles et qui va
ensuite assurer auprès de la commission des sanctions la représentation du collège de l’AMF.
À l’issue de son travail, la direction des enquêtes et des contrôles remet un rapport écrit
au collège de l’AMF qui décide selon les cas :
-
d’ouvrir une procédure de sanction, en notifiant les griefs aux personnes concernées et en
transmettant cette notification à la commission des sanctions (L 621-15) ;
-
de proposer une transaction avec versement d’une somme (montant maximal de 100 M
€
) ;
-
d’envoyer une lettre de suite / d’observation ;
-
de saisir le juge pénal pour les abus de marché constatés, en cas par exemple d’intention
délictueuse probable. Dans ce cas, il n’y a pas de poursuite de la procédure de sanction
administrative en vertu de l’article L 465-3-6 du CMF.
Cette procédure d’« aiguillage » mise en place par la loi de 2016, suite à l’arrêt « Grande
Stevens » de la CEDH
5
, impose à l’AMF d’informer de son intention le procureur de la
République financier avant toute notification de griefs, celui-ci disposant d’un délai de deux
mois pour faire connaître son intention. Inversement, le procureur doit également informer
l’AMF de son intention de mise en mouvement de l’action publique. En pratique cependant,
une douzaine de dossiers ont été aiguillés vers le parquet national financier depuis 2016, ce qui
représente moins de 10 % des dossiers. L’essentiel des dossiers restant traité par l’AMF pour
plusieurs raisons : l’efficacité d’abord, l’AMF disposant de pouvoirs d’enquête aussi étendus ;
les délais pris par le parquet ensuite, puisqu’au 31/12/2022, certains dossiers transmis au
parquet en 2016 n’avaient toujours pas été clos ; les compétences spécifiques de l’AMF enfin,
le contentieux boursier ne représentant que 5 % des dossiers gérés par le parquet financier.
Cette préférence accordée au traitement interne se retrouve chez les homologues de
l’AMF. Elle pourrait être cependant légèrement infléchie en utilisant davantage la possibilité
d’exercer devant les tribunaux les droits des parties civiles. Plusieurs affaires récentes illustrent
ainsi le succès d’une constitution de partie civile de l’AMF devant le juge pénal, avec un partage
du dossier entre ce qui relève du juge pénal (sanction financière, peine de prison et dommages
et intérêts) et ce qui relève de l’AMF (sanction relative à la pratique professionnelle d’un
conseiller en investissement).
1.5.3
Une activité forte et une hausse des sanctions financières prononcées
Le tableau suivant montre l’évolution des indicateurs d’activité de la direction des
enquêtes et des contrôles depuis 2017. Malgré des effectifs en retrait (la réorganisation de la
filière juridique en expliquant une partie), l’activité est restée forte avec en moyenne
23 enquêtes et 54 contrôles finalisés chaque année, sauf en 2021 à cause de la pandémie.
S’agissant des contrôles, l’AMF a mis en place depuis 2018 en sus des contrôles
classiques des contrôles « spot » sur les SGP et les PSI avec des thèmes annoncés en début
d’année. Ceux-ci ont pour partie un caractère préventif, notamment via la publication d’une
5
Par l’arrêt « Grande Stevens vs Italie » du 4/3/2014, la Cour européenne des droits de l’homme a jugé non
conforme à la convention européenne des droits de l’homme le fait d’être condamné pour les mêmes faits d’abus
de marché par des sanctions administratives et par des sanctions pénales (principe du «
Non bis in idem
»).
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
27
synthèse soulignant les bonnes et mauvaises pratiques, et permettent d’examiner un nombre
d’acteurs plus important puisque les contrôles sont ciblés. En sus des contrôles « spot », des
contrôles de masse sont effectués sur les CIF (50 par an), qui entraînent des contrôles classiques
dans 10 % des cas environ.
Tableau n° 4 :
Indicateurs de la DEC
2017
2018
2019
2020
2021
2022
Nb enquêtes finalisées
22
23
25
21
16
23
Nb contrôles finalisés (hors cdm)
48
52
60
66
44
54
contrôles classiques
48
37
30
28
21
24
contrôles spot
/
15
30
38
23
30
Nb contrôles de masse (cdm)
70
70
70
70
50
50
Montant sanction enquêtes (K
€
)
4 306
5 201
27 430
27 725
59 260
4 930
Montant sanction contrôles (K
€
)
36 450
1 980
4 890
1 930
1 850
94 650
Total sanctions (K
€
)
40 756
7 181
32 320
29 655
61 110
99 580
Montant Transactions enquêtes
(K
€
)
400
1 160
630
260
648
310
Montant Transactions contrôles
(K
€
)
2 405
300
990
1 080
280
710
Total transactions
2 805
1 460
1 620
1 340
928
1 020
Source : AMF
Les indicateurs d’activité concernant les contrôles sont satisfaisants. Le nombre de
contrôles lancés est remonté à 54 en 2022 après une année basse liée à la pandémie. Le nombre
de contrôles classiques reste stable. Les délais sont globalement maîtrisés. L’impact financier
est réel (de 2 M
€
à 5,7 M
€
selon les années, l’année 2022 étant exceptionnelle avec plus de
95 M
€
de sanctions et transactions).
S’agissant des enquêtes, qui visent les manquements à la régularité des opérations de
marché, la question est souvent posée par les parties prenantes de l’AMF du temps qui leur
consacré et de la consommation de ressources qu’elles représentent. En effet, les délais de
réalisation sont plus importants pour les enquêtes, les infractions concernées mettant très
souvent en cause des donneurs d’ordres ou des intermédiaires étrangers (90 % des dossiers ont
une composante internationale en 2022) que pour les contrôles, ciblés sur des acteurs situés en
France et régulés par l’AMF. De ce fait, la durée moyenne des enquêtes est de 23 mois sur la
période 2016-2022 contre 11 mois pour les contrôles.
Les indicateurs d’activité concernant les enquêtes sont globalement satisfaisants, en
dehors de l’année 2022 avec un allongement des délais. Mais cette importance des délais est
compensée par un montant des sanctions de plus en plus élevé. Surtout, le choix de la procédure
est en grande partie dicté par la nature des infractions concernées.
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
28
1.5.4
Des moyens juridiques à consolider ou à mettre en place
1.5.4.1
Des enquêtes dont l’issue dépend des pouvoirs d’investigation donnés à
l’AMF
L’efficacité des enquêtes constitue un enjeu stratégique majeur pour les années à venir.
En comparaison avec l’international, les Etats-Unis sont très efficaces sur les enquêtes et la
répression ainsi que le Royaume-Uni, et dans une moindre mesure l’Allemagne et l’Italie.
Le fort investissement sur la surveillance en amont permet d’opérer une sélection forte
sur les enquêtes à lancer. En aval, se pose toutefois la question des moyens donnés à la direction
des enquêtes et des contrôles pour permettre leur issue rapide.
Au-delà des moyens humains et des moyens informatiques pour traiter efficacement les
données dans le contexte d’une finance digitalisée
6
, cette problématique renvoie
essentiellement au maintien voire au renforcement des moyens juridiques de la DEC, dans un
contexte où ceux-ci peuvent être remis en cause. Ces difficultés concernent notamment la
possibilité d’utilisation des « fadettes » (données de connexion des personnes impliquées dans
les infractions potentielles), sans lesquels la détermination de faisceau d’indices pour les abus
de marché serait extrêmement difficile : le risque de mise en cause de cette procédure a toutefois
été considérablement atténué par la récente décision de la Cour de cassation du 10 mai 2023,
qui a jugé licite leur usage par l’AMF et d’autres organismes analogues. Ces difficultés se
rapportent ensuite à la limitation actuelle des sanctions pour manquements d’entrave
7
. Elles
visent enfin les problèmes de mise en
œ
uvre des visites domiciliaires qui suscitent des
contestations contentieuses croissantes, ou la possibilité d’avoir recours à des identités
d’emprunt dans la réalisation des enquêtes. De façon générale, l’adaptation juridique des
pouvoirs du régulateur est indispensable pour lui permettre de faire face aux sujets émergents.
1.5.4.2
Une procédure de transaction qui pourrait s’enrichir d’un outil
complémentaire
La procédure de sanction est utilisée majoritairement pour les enquêtes débouchant sur la
notification d’un grief (soit 70 % des enquêtes) et de façon plus minoritaire pour les contrôles
(60 % des cas). Le recours à la sanction est également favorisé en cas de manque de
jurisprudence et aussi pour des raisons d’exemplarité sur des infractions graves.
Le recours à la transaction est quant à lui privilégié quand :
-
une jurisprudence de la commission des sanctions existe sur le sujet et permet d’asseoir
solidement la transaction proposée, qui est à la main de l’AMF ;
6
Concrètement, il s’agit du «
webscrapping
», technique permettant de récupérer des informations d'un site grâce
à un programme ou à un logiciel et de les réutiliser ensuite.
7
Décision n° 2021-965 QPC du 28/1/2022, par laquelle le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la
Constitution un alinéa de l'article L. 621-15 du CMF relatif à l’entrave aux enquêtes et contrôles de l’AMF. Un
nouveau texte est en cours de rédaction.
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
29
-
il est souhaitable d’indemniser les épargnants lésés (les sanctions prises par l’AMF ne
permettent pas en effet de les dédommager) ;
-
il n’y a qu’un seul acteur concerné, la pluralité d’intervenants rendant plus difficile la
conclusion d’un compromis.
Les montants financiers des sanctions prononcées sont de plus en plus élevés, avec
quelques affaires importantes en 2021 (Amundi pour 37 M
€
et MBWS pour 18 M
€
s’agissant
des enquêtes), en 2022 (H2O pour 93 M
€
s’agissant des contrôles) et en 2023 (Rallye pour
25 M
€
). Au regard de ces montants, les transactions réalisées sont plus faibles (1 M
€
), même
si le montant maximal autorisé a été significativement augmenté.
Les sommes recouvrées par la transaction pourraient être cependant sensiblement
augmentées par une standardisation de cette procédure. Une réflexion est ainsi en cours pour
instaurer un mécanisme de « transaction simplifiée » permettant en cas d’infraction simple et
facile à constater (l’absence d’une déclaration des dirigeants sur leurs opérations par exemple)
de conclure une transaction avec l’auteur du manquement. Il s’agirait de l’équivalent d’un
système de contravention, qui est également à l’étude. Le prononcé de la transaction
s’effectuerait ainsi par les services sur la base d’une constatation objective et après
contradiction avec l’intéressé, sans décision de la commission des sanctions.
1.5.4.3
Un recouvrement des sanctions à améliorer
Le recouvrement des sanctions est inégal et naturellement plus fort lorsqu’il s’agit des
sanctions prononcées vis-à-vis d’acteurs situés en France (95 % du montant des sanctions
prononcées entre 2019 et 2021 a été recouvré) et en Europe (93 % entre 2019 et 2021, ceci
incluant le Royaume-Uni). Pour les acteurs situés hors du territoire européen, le taux est plus
faible. Le taux de recouvrement élevé sur les pays de la zone Europe est toutefois récent et
s’explique plus par des facteurs conjoncturels liés à la bonne volonté des parties prenantes que
par le caractère contraignant des décisions prises sur le plan juridique par l’AMF vis-à-vis de
sociétés situées hors du territoire national. Tant que l’Union européenne n’aura pas publié un
texte sur la reconnaissance mutuelle des sanctions prises par les autorités de régulation,
l’application des sanctions résultera en effet surtout de la coopération des autres institutions.
Un texte en ce sens est en cours d’élaboration par l’ESMA et devra être discuté au niveau de la
commission européenne.
1.6
Mettre en cohérence les moyens de l’AMF avec ses missions
L’examen de l’activité des directions opérationnelles montre, en dehors de mesures
d’amélioration toujours possibles, une difficulté dans la période qui s’ouvre à faire face aux
missions supplémentaires qui sont assignées à l’AMF à effectifs constants.
La situation financière critique dans laquelle l’institution se trouve a nécessité un
rehaussement du plafond de ressources en urgence en 2023 puis dans le budget 2024, pour faire
face à des dépenses plus importantes liées au dérapage de certains projets. Cette situation n’a
pas permis d’augmenter sensiblement le plafond d’emplois qui devrait passer de 515 ETPT à
520 ETPT par an dans le projet de loi de finances pour 2024. Dans une lettre à la direction du
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
30
budget envoyée en juin 2023, la nouvelle présidente de l’AMF souhaite qu’au-delà de 2024 le
plafond d’emploi soit relevé progressivement à 530 ETPT en 2027 pour tenir compte des
missions nouvelles sur la finance durable et la finance numérique.
Des redéploiements sont possibles, sur les fonctions support (2.3), ou même sur
certaines fonctions opérationnelles, par exemple celles assurées par la direction des relations
avec les épargnants et de leur protection (1.2.6). La participation aux activités de l’ESMA
pourrait être également plus sélective et ciblée, comme le prévoit le plan stratégique de l’AMF
pour 2023-2027.
Mais ces redéploiements pourraient ne pas suffire à garantir l’exécution par l’AMF de
ses missions additionnelles. Consécutivement au plan stratégique, il sera donc nécessaire
d’adopter une trajectoire d’effectifs pluriannuelle combinant redéploiements et moyens
nouveaux. Celle-ci devra être conjuguée à des mesures ciblées permettant d’attirer les meilleurs
profils et de conserver l’attractivité de l’AMF.
Recommandation n° 1.
(AMF, DGT, DB) Etablir une trajectoire pluriannuelle
d’effectifs cohérente avec l’évolution des missions de l’AMF.
______________________ CONCLUSION INTERMÉDIAIRE ______________________
L’AMF est depuis quelques années soumise à une transformation importante de son
environnement : digitalisation des marchés, enjeux de la finance durable, apparition de
nouveaux produits comme les crypto-actifs, développement de la réglementation européenne.
Parallèlement à cette transformation, l’AMF a vu son activité croître de façon significative
suite aux conséquences du Brexit, puisque la place de Paris est devenue la première d’Europe
continentale.
Ces différents changements ont amené les principales directions opérationnelles à
modifier leurs pratiques et leur mode de fonctionnement. S’agissant du contrôle des
informations financières données aux épargnants, l’AMF est montée en capacité pour s’assurer
que l’information publiée est complète et cohérente et s’est entourée de compétences
comptables qu’il faut désormais fidéliser. Elle s’est en outre dotée d’un outil d’analyse
automatisée des données qui lui permet de déceler les mouvements anormaux sur des titres,
pour un mieux suivre les marchés financiers. Elle a également accompagné l’augmentation
significative du nombre des acteurs de la gestion d’actifs, mais les délais d’agrément
augmentent depuis 2021 et la direction compétente n’a pas totalement achevé le programme
de modernisation de son outil informatique lancé en 2017. S’agissant de la filière répressive,
celle-ci a amélioré sa collaboration avec la commission des sanctions ainsi qu’avec le parquet
financier suite à la loi du 21 juin 2016. Le montant des sanctions est par ailleurs en nette hausse
et des contrôles « spot » ont été mis en place afin de développer la prévention des infractions.
Cette évolution n’est pas achevée et l’AMF doit poursuivre son adaptation pour tenir
compte des modifications importantes qui vont affecter dans un proche avenir les conditions de
son intervention : renforcement des enjeux en matière de finance durable, procédure
d’agrément sur les marchés de crypto actifs, multiplication des données à traiter en constituent
des illustrations.
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
31
Dans ce cadre, il est désormais nécessaire que l’AMF finalise la modernisation de ses
outils informatiques et qu’elle dispose des moyens humains et financiers suffisants, en
complément des redéploiements internes et des efforts de gestion indispensables.
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
32
2
UNE GOUVERNANCE ET UNE ORGANISATION A
AMELIORER
2.1
Un statut conférant une grande autonomie mais qui appelle une
gouvernance précise
La concentration des opérations de régulation des marchés financiers au sein de
l’Autorité des marchés financiers (AMF) résulte de la loi n°2003-706 de sécurité financière du
1
er
août 2003, qui crée l’AMF par fusion de la Commission des opérations de bourse (COB), du
Conseil des marchés financiers (CMF) et du Conseil de discipline de la gestion financière. Dans
la pratique, l’AMF a fusionné les services mis en place par les autorités qu’elle a absorbées et
a hérité de leurs deux cultures : une culture de contrôle et d’enquête issue de la COB ; une
culture de conseil et de surveillance des marchés financiers originaire du CMF. Cette loi dote
l’AMF de la personnalité morale, à la différence des autorités antérieures ayant fusionné en son
sein.
Une dernière évolution a eu lieu avec la loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017 portant statut
général des autorités administratives indépendantes. Aux termes de cette loi (article L 621-1 du
code monétaire et financier), l’AMF a le statut d’« autorité publique indépendante » (API).
L’octroi à l’AMF de la personnalité morale la distingue des autorités administratives
qui l’ont précédée et des autres autorités administratives indépendantes (AAI) comme
l’Autorité nationale des jeux ou l’autorité de régulation des communications électroniques, des
postes et de la distribution de la presse (ARCEP). En tant qu’API, l’AMF a le même statut que
l’autorité de régulation des transports (ART) ou l’autorité de régulation de la communication
audiovisuelle et numérique (ARCOM). La loi de 2017 est complétée par d’autres dispositions
du code monétaire et financier, notamment l’article L 621-2, afin de garantir l’indépendance de
l’autorité :
-
une absence de soumission au pouvoir hiérarchique du ministre et à sa tutelle ;
-
une composition de son collège marquée par l’indépendance de ses membres - dont
certains sont membres de hautes juridictions -, le caractère irrévocable de leur mandat, la
durée fixe de celui-ci et un ensemble de règles déontologiques exigeant ;
-
un mandat fixe de cinq ans de son président, non renouvelable.
L’AMF a ainsi le pouvoir de prendre des décisions, de réguler, de mener des enquêtes
et de proposer des sanctions dans son champ de compétence, comme les autres AAI et API. Ses
dépenses ne sont pas soumises au contrôle
a priori
d’un agent du ministère de l’économie et
des finances, comme les autres autorités indépendantes.
La différence entre le statut d’API et d’AAI est surtout liée à l’existence de la
personnalité morale. D’une part, celle-ci permet à l’AMF comme aux autres API d’initier des
procès en justice et de recourir plus facilement à des contrats relevant du droit privé pour
employer du personnel, souplesse qu’elle utilise largement puisque 90 % de ses agents sont de
droit privé. D’autre part, la personnalité morale permet à l’AMF d’être plus autonome dans la
construction et l’exécution de son budget, avec une liberté dans la répartition des crédits entre
dépenses de personnel et autres dépenses de fonctionnement et entre dépenses de
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
33
fonctionnement et d’investissement, ce qui n’est pas le cas des AAI : sa comptabilité n’est pas
une comptabilité budgétaire. Enfin, comme certaines API, l’AMF est dotée de ressources
propres, et perçoit des contributions versées par les prestataires de services d’investissement,
les sociétés gérant les infrastructures de marchés et les émetteurs. L’AMF est toutefois limitée
dans le niveau de ses ressources puisque leur taux comme le plafond au-delà duquel les sommes
sont reversées au budget général font l’objet d’une décision du pouvoir exécutif et d’un vote
par le parlement.
Au total, le statut d’API confère à l’AMF une réelle autonomie de gestion dans la limite
d’un niveau de ressources donné. Cette autonomie a facilité la prise de décisions ayant des
impacts financiers importants sur l’institution, là où un statut plus classique d’AAI aurait mis
davantage de garde-fous et entraîné un contrôle plus étroit sur les décisions de gestion de
l’autorité.
2.2
Une répartition des pouvoirs entre le collège, le président et le
secrétaire général qui pourrait être plus efficace
2.2.1
L’organisation des pouvoirs entre le collège et le président
Comme les autres autorités indépendantes, l’AMF comprend un organe de décision, le
collège, composé de seize membres indépendants dont un président nommé par le président de
la République
8
. Les décisions sont prises à la majorité des voix, le président ayant voix
prépondérante en cas de partage égal (article L 621-3). En pratique, la majorité des décisions
est adoptée par consensus.
La loi organise à l’article L 621-5 du CMF les délégations de pouvoir suivantes de la
part du collège :
-
d’une part, le collège peut donner délégation au président ou, en cas d’absence ou
d’empêchement de celui-ci, à un autre de ses membres pour prendre les décisions à
caractère individuel relevant de sa compétence (délivrance d’approbations, reports de
délais, enregistrement…) : ces délégations font l’objet d’une publication au Journal
Officiel ;
-
d’autre part, le collège peut donner délégation à une commission spécialisée constituée en
son sein et présidée par le président de l’AMF pour prendre des décisions de portée
individuelle.
8
Le collège est composé de seize membres. En dehors du président nommé par décret du Président de la
République, il y a un membre du Conseil d’État désigné par le vice-président, un membre de la Cour de Cassation
désigné par son premier président, un magistrat de la Cour des comptes désigné par son premier président, un sous-
gouverneur désigné par le gouverneur de la Banque de France, le président de l’Autorité des normes comptables
(ANC), trois membres désignés par le Président du Sénat, le Président de l’Assemblée nationale et le président du
CESE, six membres désignés par le ministre chargé de l’économie et des finances et un représentant des salariés
actionnaires désigné par le ministre chargé de l’économie. Le directeur général du Trésor ou son représentant siège
auprès de toutes les formations de l’AMF, sans voix délibérative.
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
34
Les pouvoirs du président sont ainsi encadrés de façon stricte par le collège, ce qui
s’explique par le souci d’assurer une collégialité forte de l’instance de régulation. La fonction
présidentielle de l’AMF est plus conçue comme une fonction d’animation et de régulation du
collège que comme une fonction de direction. Ces dispositions n’ont pas été fondamentalement
modifiées par la loi du 20 janvier 2017.
De fait, le collège participe de façon forte à la vie de l’AMF, approuve ses principales
décisions, y compris des décisions individuelles à caractère opérationnel (agrément, visa…) et
est informé plus largement de l’ensemble des affaires courantes (réunions avec l’ESMA,
échanges avec les délégués régionaux…). Il se réunit tous les 15 jours avec un ordre du jour
conséquent. L’extension du champ d’activité de l’AMF conduit par ailleurs inévitablement à
accroître le nombre de décisions individuelles ou de sujets soumis à l’examen du collège.
L’ordre du jour passe ainsi généralement en revue l’activité de tous les services :
émetteurs, gestion d’actifs, marchés, questions européennes et internationales, gestion interne.
Compte tenu du nombre de décisions à valider, il y a peu de séances où le collège n’examine
pas l’activité de toutes les directions opérationnelles de l’AMF. L’examen des décisions
distingue certes une partie A de décisions ne posant pas de problèmes de principe et soumis au
collège pour validation rapide et une partie B de décisions sensibles, plus complexes ou
soulevant des problèmes de principe sur lesquelles s’engage le débat. Mais toutes les décisions
peuvent faire l’objet d’évocation par le collège et, en pratique, beaucoup de décisions
individuelles sont classées en partie B. Le collège regarde donc près d’une dizaine de décisions
d’agrément ou de conformité de projet d’OPA par rapport à la réglementation tous les 15 jours,
en sus des projets de communication générale, d’orientation sur certains aspects de la
supervision, de points d’information sur les discussions réglementaires ou encore de sujets de
gestion interne.
Le collège constitue donc plus un organe exécutif qu’un conseil d’administration qui se
limiterait à l’examen des options stratégiques, des sujets de doctrine ou des principaux points
de gestion interne. Les débats sur les décisions individuelles constituent plus de la moitié des
points mis à l’ordre du jour. Le projet de budget et les comptes sont ainsi abordés deux fois par
an, mais en complément d’un ordre du jour opérationnel chargé, ce qui n’a peut-être pas permis
d’y apporter toute l’attention suffisante dans les années passées.
Sans revenir sur ses pouvoirs d’examen fixés par le code monétaire et financier, le
collège pourrait s’interroger sur la répartition des décisions entre partie A et partie B et
consacrer plus de temps aux débats sur les questions de fond.
En complément, il serait envisageable de déléguer à une formation spécialisée du
collège l’examen des sujets opérationnels relatifs à un domaine précis (l’agrément des
prestataires par exemple). Cette possibilité est prévue par le code monétaire et financier (article
L 621-5 et décret en conseil d’État pris sur cette base) et détaillée par le règlement intérieur de
l’AMF en date du 15 avril 2020. Elle est mise en place pour la filière répressive.
Recommandation n° 2.
(AMF) Augmenter le recours aux commissions spécialisées
du collège de l’AMF tel que prévu par le code monétaire et financier.
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
35
2.2.2
La répartition des pouvoirs entre le président et le secrétaire général
Le code monétaire et financier prévoit, en sus du collège et de son président, l’existence
d’un secrétaire général de l’AMF. La loi du 20 janvier 2017 a modifié de façon substantielle la
répartition des compétences entre le président et le secrétaire général, pour l’AMF comme pour
les autres autorités indépendantes. Avant cette date, le secrétaire général était nommé après
agrément du ministre et du collège et il avait la responsabilité pleine et entière des services
opérationnels et administratifs de l’AMF
9
.
Depuis la loi de 2017, les services de l’AMF dépendent du président, le secrétaire
général étant
« chargé du fonctionnement et de la coordination des services sous l’autorité du
président »
(article L 621-5-1 du code monétaire et financier). Le président de l’AMF est
nommé par décret du Président de la République pour un mandat de 5 ans non renouvelable. Il
s’est agi de M. Robert Ophèle du 1
er
août 2017 au 1
er
août 2022, et de Mme Barbat-Layani
depuis le 27/10/2022, après un intérim assuré par un membre du collège, M. Jean-
Claude Hassan. Le secrétaire général est placé sous l’autorité du président de l’AMF et est
nommé par ce dernier, comme c’est le cas pour les autres AAI. Le président de l’AMF exerce
donc désormais des fonctions exécutives. Il en résulte une responsabilité forte de ce dernier sur
la gestion de l’institution.
La décision de procéder à des enquêtes relève cependant du secrétaire général et non du
président (article L 621-9-1). Cette disposition avait pour objectif de limiter les interférences
politiques éventuelles dans l’engagement des poursuites.
Le rattachement du secrétaire général
au président en limite cependant la portée.
Si la dépendance du secrétaire général à l’égard du président est juridiquement bien
établie, avec une organisation claire, l’articulation de leurs rôles respectifs mérite d’être
précisée pour permettre un bon fonctionnement des services. Ainsi, dans les organigrammes de
la période sous revue, les services sont rattachés au secrétaire général et au président, sans
précision des rôles de chacun.
Une répartition précise des tâches entre le président et le secrétaire général est nécessaire
avec une attention spécifique devant être portée par le secrétaire général aux fonctions support.
Recommandation n° 3.
(AMF) Préciser les rôles respectifs du président et du
secrétaire général, notamment sur les sujets relatifs aux fonctions support.
2.2.3
Les délégations du président au secrétaire général et aux services
La loi ne prévoit pas de possibilité pour le président de déléguer ses pouvoirs. L’article
L 621-5 ne cite que la possibilité pour le président d’opérer des délégations de signature :
« le
président de l’AMF peut déléguer sa signature dans les matières où il tient de dispositions
9
Ancien article L 621-5-1 :
« L’AMF dispose de services dirigés par un secrétaire général… Pour la désignation
de ce dernier, le président de l’AMF soumet une proposition au collège qui en délibère et formule un avis dans un
délai d’un mois. A l’issue de ce délai, le secrétaire général est nommé par le président. Cette nomination est
soumise à l’agrément du ministre chargé de l’économie »
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
36
législatives ou réglementaires une compétence propre
». Ces délégations font l’objet d’une
information au collège et sont publiées au Journal Officiel.
De fait, les délégations publiées
portent sur la représentation en justice de l’AMF par le secrétaire général ou certains services,
le pouvoir de liquider les recettes de l’AMF en tant qu’ordonnateur par le secrétaire général, le
pouvoir d’engager les dépenses par le secrétaire général, le directeur financier ou le directeur
des ressources humaines en fonction des sujets. Dans l’ensemble et pour la période sous revue,
les délégations de signature ne prévoient cependant pas de plafond, ce qui a conduit à octroyer
un pouvoir d’engagement très important aux directeurs de l’AMF. En outre, si une liste
récapitulative de ces délégations de signature existait et était conservée par le secrétariat du
collège, il n’existait pas de contrôle interne du respect de ces délégations par le secrétariat du
collège ou par la direction juridique.
Une rationalisation de ces délégations de signature a commencé après la nomination de
la nouvelle présidente. Le nombre d’agents disposant d’une délégation a été réduit et le plafond
des dépenses autorisées a été limité à 5000
€
avant d’être supprimé pour des raisons pratiques
pour le secrétaire général et le directeur des ressources, du support et de la transformation. Il
reste que l’introduction de plafonds pour ces dernières délégations est nécessaire afin de faire
remonter à la signature du président les engagements importants, de même que la mise en place
d’un contrôle interne sur le respect des délégations de façon générale. L’exemple du marché
immobilier de conception et de réalisation signé par le seul directeur des ressources, du support
et de la transformation montre l’intérêt, pour des montants importants de plusieurs millions
d’euros, d’une signature par le président de l’autorité.
Par ailleurs, une réflexion est en cours afin d’introduire un système de délégations de
pouvoir avec des plafonds afin de permettre une déconcentration des responsabilités conforme
à la taille de l’autorité, essentiellement sur les questions de sécurité. L’analyse juridique doit
être menée à son terme pour savoir s’il convient de modifier le code monétaire et financier dans
sa partie législative.
Recommandation n° 4.
(AMF, DGT) Autoriser le président de l’AMF à consentir des
délégations de pouvoir
2.3
L’organisation de l’AMF : l’importance des fonctions support
Le tableau suivant retrace le poids des différentes directions, et met notamment en
évidence l’importance des fonctions support administratives, financières et informatiques (en
excluant la direction juridique qui traite quasi-exclusivement des sujets opérationnels). Il fait
apparaître une proportion des fonctions support de 23,6 % des effectifs, qui a augmenté à
périmètre constant depuis 2017, où elles représentaient 21,1 %. En ajoutant les effectifs de la
direction juridique, les fonctions support représentent 29 %, compte non tenu des prestataires
informatiques qui représentent plusieurs dizaines de personnes.
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
37
Tableau n° 5 :
Variation des effectifs (CDI, CDD, fonctionnaires détachés)
Directions
2017
2022
Variation
des ETPT
% de
l’effectif
réel
ETPT
% de
l’effectif
reel
ETPT
Directions opérationnelles
DGA-Direction de la Gestion d'Actifs
15,6 %
71,7
16,1 %
80,7
+ 9
DEC-Direction des Enquêtes et Contrôles
16,0 %
73,8
13,4 %
68,3
- 5,5
DDM-Direction des Données et Marchés
10,8 %
50,7
12,5 %
62,4
+ 11,7
DEDAC-Direction Émetteurs /Aff. Comptables
12,6 %
59,6
11,6 %
54,6
- 5,0
DRAI-Direction Régulation / Aff. Internationales
8,8 %
42,4
8,5 %
42,7
+ 0,3
DAJ-Direction des Affaires Juridiques
5,2 %
25,1
5,3 %
25,9
+ 0,8
DREP-Direction Relations Épargnants -Médiation
5,6 %
26,3
4,9 %
25,0
- 1,3
DICS-Direction Instruction / Contentieux Sanctions
2,0 %
10,6
2,3 %
9,7
- 0,9
PRE-Présidence
0,4 %
2,0
0,2 %
1,0
- 1
SG-Secrétariat Général
0,4 %
2,0
0,4 %
2,0
0
Sous-total directions opérationnelles
77,4 %
364,2
75,2 %
372,3
+ 8,1
Fonctions support
DSI-Direction des Systèmes d'Information
6,4 %
31,3
8,3 %
42,5
+ 11,2
DAF-Division Administration et Finances
4,8 %
20,8
5,5 %
25,6
+ 4,8
DRH-Direction des Ressources Humaines
3,8 %
14,6
3,0 %
15,5
+ 0,9
DCOM-Direction de la Communication
2,2 %
10,7
2,5 %
12,7
+ 2
DGIRH / DRST
0,8 %
3,8
1,7 %
8,0
+ 4,2
SCCS-Secrétariat Collège Commission Sanctions
1,4 %
6,2
1,1 %
5,7
- 0,5
AC-Agence Comptable
1,4 %
6,9
1,1 %
5,8
- 1,1
AI-Audit Interne
0,4 %
2,0
0,4 %
1,3
- 0,7
Sous-total fonctions support
21,2 %
96,3
23.6 %
117,0
+ 20,8
MAD-Mis à disposition
1,6 %
8,0
1,1 %
6,0
- 2
Total général
100 %
468,7
100 %
495,2
+ 26,5
Source : AMF – DRH, données au 30/9. DGIRH-Direction Générale de l'Informatique et des Ressources
Humaines / DRST-Direction Ressources, Support et Transformation
L’importance des fonctions support s’explique en partie par la conjonction de
compétences étendues de l’AMF – nécessitant des services conséquents et donc des fonctions
support adaptées – et d’une absence d’adossement à des organismes disposant d’une taille
suffisante, comme les services du Premier ministre pour certaines AAI ou la Banque de France
pour l’ACPR. L’AMF est ainsi en taille la deuxième autorité de régulation derrière l’ACPR
(budget de 125 M
€
en 2022 et 507 ETP pour l’AMF contre 208 M
€
et 1080 personnes pour
l’ACPR, devant l’ARCOM et l’ARCEP – avec des budgets respectifs de 46 M
€
et de 24 M
€
).
Ses activités l’amènent inévitablement à disposer de services support aux compétences
étendues, notamment sur les ressources humaines et les achats mais aussi en matière
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
38
informatique afin d’interagir avec les acteurs et pouvoir analyser les évolutions de marchés. Le
rapprochement de l’AMF avec l’ACPR sur certaines fonctions support est difficilement
envisageable compte tenu de la différence de leurs attributions et de l’indépendance des deux
institutions. En revanche, une plus grande association des services compétents du ministère
chargé de l’économie et des finances sur les dossiers informatiques ou achats, voire une
utilisation de certaines applications développées par lui ou des marchés de matériel, pourrait
être envisagée.
Cette importance des fonctions support relève aussi de décisions propres à l’AMF, avec
une augmentation des effectifs principalement liée à la croissance de la direction informatique
et de la direction financière, justifiée par le choix de réinternaliser certaines fonctions et par
l’importance des chantiers en cours. Ces chantiers ont cependant connu des dérives qui
conduisent à s’interroger sur la pertinence de l’octroi de ces moyens supplémentaires.
L’importance des fonctions support s’explique dans une moindre mesure par le renforcement
de la direction de la communication, dotée de 13 personnes en 2022, ainsi que par la constitution
d’un service d’organisation, de conseil, de transformation et d’accompagnement au changement
(OCTA) au sein de la direction chargée des fonctions support, doté de 4 personnes sans compter
les prestataires externes. Ce service fonctionne comme un cabinet de conseil interne sur des
sujets d’adaptation et assure une cinquantaine de missions par an sur des sujets aussi divers que
l’accompagnement à la mise en
œ
uvre des recommandations de l’audit, le déploiement des
nouveaux outils informatiques ou la réorganisation des espaces de travail dans le cadre du projet
immobilier « AMF Now ».
Dans un contexte de contrainte financière, il est nécessaire de se poser la question de la
taille de ces fonctions support alors que les exigences réglementaires ne cessent d’augmenter et
que les besoins opérationnels sont croissants. Les négociations sur les budgets 2022 et 2023
n’ayant pas abouti à une augmentation des effectifs et les perspectives pluriannuelles du plan
stratégique se caractérisant par une quasi-stabilité, il est indispensable de réfléchir sur les
redéploiements possibles afin de faire face aux nouvelles missions. De ce point de vue,
l’existence d’un cabinet de conseil interne sur les sujets de transformation peut être interrogée.
Une réflexion pourrait aussi être lancée sur la taille de la direction de la communication.
Par comparaison avec les effectifs des fonctions support, les effectifs des directions
opérationnelles ont peu augmenté sur l’ensemble de la période 2017-2022. Les restrictions
mises aux recrutements mi-2023 pour tenir le budget en effectifs ETPT ont concerné beaucoup
ces directions, avec des reports d’embauche à la direction des enquêtes et contrôles ou encore
à la direction des émetteurs.
2.4
Des fonctions support de l’AMF qui gagneraient à monter en
structuration et en qualité
Les fonctions support (finance, SI, RH, immobilier) sont pour l’essentiel regroupées au
sein de la direction ressources, support et transformation, à l’exception de la direction juridique.
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
39
2.4.1
Une direction des affaires juridiques dont la responsabilité fonctionnelle
pourrait être étendue
La direction des affaires juridiques est en charge de tous les aspects juridiques liés aux
activités opérationnelles de l’AMF. Les questions juridiques relatives à la gestion interne, qu’il
s’agisse des marchés publics ou de la réglementation sociale, relèvent en revanche des services
concernés au sein de la direction des ressources.
La direction des affaires juridiques assure l’accompagnement des principales directions
opérationnelles de l’AMF du conseil en amont jusqu’à la décision (agrément pour les sociétés
de gestion, approbation des documents d’information…) et bien sûr au contentieux concernant
les décisions individuelles prises par l’AMF. Ceci concerne les trois métiers principaux de
l’AMF exercés par la direction des émetteurs, la direction des marchés et la direction de la
gestion d’actifs, ainsi que dans une moindre mesure la direction des enquêtes et des contrôles.
En matière d’enquêtes et de contrôles en effet, l’intervention de la direction des affaires
juridiques est davantage partagée avec la direction en charge, qui dispose de ses propres juristes.
En pratique, la direction juridique agit en appui des juristes de proximité quand l’enquête ou le
contrôle sont déclenchés par le secrétaire général et n’opère en propre que lors de la finalisation
de l’enquête ou du contrôle : depuis 2020, c’est elle qui rédige en effet la note d’aide à la
décision (NAD) et le projet de notification des griefs qui sont soumis au collège pour
approbation et suite à donner (sanction ou transaction). Dès lors qu’il y a décision par le collège
d’ouverture d’une procédure de sanction, le dossier est transféré à la commission des sanctions,
indépendante de l’AMF, qui va confier l’instruction à sa direction de l’instruction et du
contentieux. En application du principe d’indépendance de la commission des sanctions et de
séparation entre le pouvoir compétent en matière de poursuites et le pouvoir compétent en
matière de sanctions, la direction des affaires juridiques n’intervient plus qu’en tant que
représentant de l’AMF et de son collège auprès de la commission des sanctions dans tout le
déroulement de l’instruction ni lors de l’examen du dossier par la commission. Enfin, le
contentieux propre aux sanctions prises par la commission des sanctions est géré par la direction
de l’instruction et du contentieux des sanctions à l’exception des recours du président de l’AMF.
Si on met de côté la filière répressive, où le partage des rôles entre la direction des
affaires juridiques de l’AMF et la direction de l’instruction de la commission des sanctions
résulte du code monétaire et financier et de son article L 621-2, la compétence de la direction
juridique a été renforcée depuis 2013 et le degré d’intégration des fonctions juridiques au sein
de la direction en charge s’est considérablement accru. À cette date, il a en effet été décidé de
concentrer l’expertise juridique, auparavant très diffuse, au sein de la direction juridique et les
effectifs de juristes ont été rattachés à la directrice de l’époque.
Ce mouvement reste cependant inachevé sur deux points relativement importants.
D’une part, plusieurs directions conservent encore un service juridique plus ou moins
fourni, avec lesquels la direction juridique travaille en bonne intelligence mais sur lesquels elle
n’a pas d’autorité fonctionnelle, notamment, le service « doctrine émetteurs et
back office »
à
la direction des émetteurs, le pôle « expertise technique et juridique » à la direction données et
marchés, la division « expertise » à la direction de la gestion d’actifs, le pôle juridique au sein
de la direction des relations avec les épargnants.
D’autre part et surtout, les aspects liés au droit social, au contrôle de la conformité et de
la bonne application des délégations, et surtout aux marchés publics, lui échappent totalement,
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
40
alors même qu’une implication fonctionnelle sur ses matières constituerait une corde de rappel
utile pour veiller au respect de la réglementation. Dans les faits, on observe ainsi que le code
des marchés publics a été imparfaitement respecté, le service opérationnel compétent ayant
parfois privilégié la continuité de l’exploitation. De même, le contentieux social était jusqu’à
une période récente entièrement piloté par la direction des ressources humaines sans
intervention de la direction juridique, ce qui a entraîné une fragilité sur certains dossiers. Le
licenciement d’un directeur en septembre 2020 a ainsi été annulé par le tribunal administratif
et une injonction de réintégration a été prononcé. Le dossier a alors été repris par la direction
juridique avec le conseiller juridique de l’AMF : l’AMF a gagné en appel le 10 mai 2023 avec
une annulation de la demande de réintégration.
Au vu de ces différents éléments, il serait souhaitable de donner à la direction des
affaires juridiques une autorité fonctionnelle sur les services juridiques présents dans les
différentes directions et une compétence sur l’ensemble des sujets juridiques.
2.4.2
Une direction ressources, support et transformation qui regroupe un
périmètre hétérogène et très large
2.4.2.1
Un périmètre hétérogène et très large
La direction ressources, support et transformation (DRST) regroupe l’ensemble des
fonctions support de l’AMF, à l’exception de la direction des affaires juridiques qui travaille
surtout avec les directions opérationnelles de l’institution. Ces fonctions regroupent les
ressources humaines, les systèmes d’information, la direction finance et immobilier, soit un
ensemble de compétences extrêmement diversifié, correspondant au champ d’intervention des
secrétaires généraux de nombreuses structures.
Se trouve également rattaché à cette direction le responsable de la sécurité des systèmes
d’information (RSSI) à la tête d’un service « cybersécurité, sûreté et risques » de
3 collaborateurs. Ce responsable est en charge de définir et de développer la politique de
sécurité de l'information de l’entreprise et d’être le garant de sa mise en
œ
uvre. Son
positionnement auprès du directeur des fonctions support n’est en théorie pas contradictoire
avec sa mission, puisqu’il est indépendant de la direction des systèmes d’information dont il
contrôle l’action. Dans les faits toutefois, le rattachement du RSSI et du DSI au même directeur
a eu des effets négatifs. Il a notamment contribué au retard pris dans l’application des
recommandations du RSSI et de l’audit interne en date de mai 2019 sur l’internalisation de
certaines fonctions, sur le pilotage des prestataires informatiques et sur le contrôle de leurs
droits d’accès. Il a fallu ainsi une réunion tenue en mai 2023 entre le RSSI et la directrice de
l’audit interne d’une part, le déontologue et le conseiller juridique de l’AMF d’autre part, pour
mettre en place des règles écrites de gestion des droits d’accès des collaborateurs et prestataires.
Une réflexion était en cours en juin 2023 afin d’étudier le rattachement du RSSI au président
de l’AMF.
Au-delà du cas particulier du RSSI, la direction ressources, support et transformation
cumule les fonctions de gestion et la conduite de projets importants : renouvellement des
ressources humaines dans un contexte d’extension des missions de l’AMF ; modification des
implantations immobilières avec un volet fort d’accompagnement du changement ; mise en
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
41
œ
uvre simultanée de plusieurs programmes informatiques ; mise en
œ
uvre d’une
programmation financière pluriannuelle… Ce cumul a abouti parfois à une saturation de
certaines équipes. Cela renvoie à la multitude de projets lancés en simultané mais aussi à un
problème d’organisation et de concentration des missions sur une seule direction.
Dans ces conditions, il importe que le secrétaire général accorde une attention plus
soutenue aux fonctions support, le DRST étant placé à un niveau hiérarchique qui ne lui donne
pas autorité sur les directions métier. L’enjeu est particulièrement important pour la direction
financière compte tenu des contraintes budgétaires qui s’imposent actuellement à l’AMF.
2.4.2.2
Une direction financière à mieux positionner
Placée au sein de la direction ressources, support et transformation, la direction
administration et finance (DAF) ne peut actuellement pas totalement jouer son rôle de garant
des équilibres financiers et de pilotage de la dépense. Elle porte d’ailleurs le nom de division.
D’une part, la direction financière coexiste au sein de la DRST avec d’autres directions
largement prescriptrices de dépenses comme la direction des systèmes d’information et dans
une moindre mesure la direction des ressources humaines. L’arbitrage s’effectue au niveau du
DRST voire dans certains cas du secrétaire général, mais jamais au niveau de la présidence.
Avec l’accélération des projets, notamment informatiques et immobiliers, la direction
financière n’a pas été en situation de faire prévaloir une vision strictement budgétaire des sujets
et de proposer des économies et a dû composer avec les enjeux opérationnels (délais, options
prises sur les projets informatiques ou immobiliers) sans disposer d’un accès direct à la direction
de l’AMF.
D’autre part, la direction financière est chargée de missions complémentaires à celle de
tenue des équilibres financiers. Ces missions rentrent en contradiction avec le souci de maîtriser
la dépense et d’exercer un contrôle critique sur les projets :
-
elle est directement impliquée dans la gestion du projet immobilier « AMF Now » puisque
le service immobilier lui est rattaché (cette gestion étant de surcroît partagée avec un
acheteur directement placé sous l’autorité du DRST) : l’objectif du DRST étant de faire
aboutir le projet sur le plan opérationnel, la direction financière a parfois composé sur des
sujets de pénalités ou de respect des règles contractuelles ;
-
le rattachement à la direction financière des missions relatives à la qualité, à la sécurité et
à l’environnement de travail appelle également une observation : ces missions relèvent de
compétences spécifiques et différentes et se trouvent davantage rattachées à des directions
de ressources humaines dans des organisations équivalentes.
En revanche, la fonction achats ne lui est que partiellement rattachée, une partie des
achats étant rattachée directement au DRST.
Les compétences de cette direction mériteraient par ailleurs d’être renforcées sur les
aspects de suivi des investissements et de prévision de la trésorerie.
Cette situation a joué un rôle dans la faible qualité du pilotage financier de l’AMF, dans
la gestion de certains projets et dans les relations parfois conciliantes entretenues avec quelques
fournisseurs.
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
42
Un recentrage de la DAF sur son c
œ
ur de métier, incluant le pilotage de la fonction
achats, la concentrerait sur les fonctions de tenue des équilibres financiers et la libérerait des
injonctions contradictoires. Un positionnement plus élevé dans l’organigramme pourrait
également être étudié.
2.4.3
Une direction des systèmes d’information à consolider
À l’intérieur de la direction des fonctions support, la direction des systèmes
d’information (DSI) mérite un examen particulier.
Le nombre d’agents réalisant des activités SI, affectés dans les directions « métier »
mais non rattachés à la DSI représente cependant près de 20 personnes supplémentaires,
essentiellement pour les programmes ICData et ROSA. L’affectation de collaborateurs de la
DSI dans d’autres directions date de quelques années et correspondait au souhait d’un travail
plus collaboratif entre les directions opérationnelles et la direction des systèmes d’information,
au moment où l’AMF se lançait dans la refonte de deux de ses principaux systèmes, concernant
les marchés financiers (projet ICY) et la gestion d’actifs (projet ROSA). Les précédents projets
comme ONDE avaient été gérés par la DSI de façon jugée trop peu collaborative et il avait été
décidé d’impliquer davantage les métiers en plaçant une assistance à maîtrise d’ouvrage
directement auprès des directions métiers.
Ce changement d’organisation intervenu en 2017 a cependant induit une trop grande
dépendance de la gestion des projets informatiques par rapport aux métiers voire une
marginalisation de la DSI dans la gestion de projets cruciaux et l’animation des équipes. La DSI
a été souvent réduite à un apport essentiellement technique concernant l’intégration des projets
dans l’architecture des SI de l’AMF.
D’une part, les deux gros projets informatiques ICY et ROSA ont été lancés et gérés en
dehors de la DSI. La DSI n’a assuré ni la direction de ces projets ni même la totalité de
l’assistance à maîtrise d’ouvrage, qui a été parfois largement externalisée.
D’autre part, les personnels compétents en matière informatique au sein des équipes
projets ne dépendaient ni hiérarchiquement ni même fonctionnellement de la DSI mais
uniquement de la direction métier. Cette organisation ne permettait pas au directeur
informatique ainsi qu’à ses équipes de jouer pleinement leur rôle en matière d’expertise des
solutions techniques et de gestion d’un ensemble très vaste de projets.
Pour ICY, la DSI a ainsi détaché auprès de la direction opérationnelle et du métier un
certain nombre de collaborateurs, sans rattachement hiérarchique ni même fonctionnel dans le
développement du projet. Quelques collaborateurs aux compétences informatiques ont même
été recrutés directement à l’extérieur. L’implication de la DSI concernait la participation au
comité de pilotage et l’implication dans les questions d’architecture. En dépit de ces
dysfonctionnements organisationnels, la compétence des développeurs, la compétence métier
de l’équipe projet ainsi que le recrutement d’un bon chef de projet à l’extérieur ont abouti à une
réussite globale de ce projet, au prix de l’arrêt d’un des développements, d’une interruption du
marché associé et de quelques difficultés dans l’homologation des solutions retenues.
Pour ROSA, la DSI s’est également contentée de jouer le rôle de garant de l’architecture,
de mise à disposition de l’infrastructure et d’attribution de moyens humains pour réaliser les
déploiements. Il y a eu de plus des recrutements significatifs de collaborateurs disposant de
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
43
compétences informatiques à l’extérieur, auxquels se sont ajoutés des consultants. Conjugués à
une définition des besoins peu précise au départ, ces défauts organisationnels ont entraîné un
dépassement important des délais de ce programme, lancé en 2017 et toujours non livré.
Enfin, jusqu’en 2020, les sommes consacrées aux systèmes d’information n’étaient pas
intégralement pilotées par la DSI dans un suivi consolidé par la direction financière. Même
aujourd’hui, la DSI ne dispose encore que d’une vision partielle des coûts complets, puisque
celle-ci est limitée aux prestations et aux coûts externes de fonctionnement. Ni la DSI ni la
direction financière n’ont une vision de l’intégralité de la masse salariale des agents qui
travaillent sur les systèmes d’information, ce qui peut biaiser les arbitrages.
Les difficultés relatives à la gestion des projets informatiques et l’arrivée d’un nouveau
directeur des ressources et des fonctions support en mars 2020 ont conduit au départ du
directeur des systèmes d’information en septembre 2020 et à la nomination, après une période
de management de transition, d’un nouveau directeur en 2021.
A partir de cette date, un mouvement de rattachement de la gestion de projets
informatiques au sein de la DSI a été partiellement esquissé : transfert de la gestion d’ICY et
d’une partie des équipes techniques à la DSI ; rattachement à la DSI du chef de projet ADELE
(consistant à moderniser l’application ONDE de communication entre l’AMF et les émetteurs).
De plus, le pilotage des projets par la DSI au sein du comité stratégique de gestion des
systèmes d’information a été renforcé en 2022 avec un examen régulier de tous les projets
supérieurs à 200 K
€
pour les prestations externes.
Ce mouvement reste cependant inachevé du fait du manque de pilotage de l’ensemble
des projets et des informaticiens par la DSI, d’autres lacunes dans la gouvernance des systèmes
d’information et de l’importance des consultants dans la conduite des projets et dans la gestion.
À titre d’exemple, le budget de la DSI est encore géré avec l’aide d’un prestataire avec un coût
de 350 K
€
par an, ramené à 220 K
€
en 2023.
En conclusion, l’examen de l’organisation des fonctions support au sein de l’AMF fait
apparaître un besoin de clarification de périmètres et de responsabilités : la direction financière
gagnerait à se concentrer davantage sur les sujets financiers ; la direction juridique et la
direction informatique devraient avoir un droit de regard sur les dossiers correspondant à leur
domaine de compétence, y compris lorsqu’ils sont suivis par les directions opérationnelles.
Recommandation n° 5.
(AMF) Revoir l’organigramme des fonctions support en
précisant les missions et les responsabilités de chaque direction, particulièrement pour la
direction juridique, la direction financière et la direction informatique
______________________ CONCLUSION INTERMÉDIAIRE ______________________
Depuis sa création le 1
er
août 2003 par la loi de sécurité financière, l’AMF régule
l’ensemble des marchés financiers et des intervenants sur ces marchés. Elle dispose d’une large
autonomie de décision, avec un président nommé par le Président de la République pour un
mandat fixe et un collège composé de membres indépendants non révocables. Elle est dotée de
la personnalité morale. La loi du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités
administratives indépendantes a renforcé cette indépendance et a fait du président de l’AMF le
responsable de la gestion de cette autorité.
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
44
Le bon fonctionnement de cette autorité indépendante nécessite que les règles de
gouvernance et la répartition des rôles soient claires entre le collège, le président et le
secrétaire général. Or, des marges de progrès existent de ce point de vue. D’une part, le collège
est saisi de toutes les décisions individuelles, ce qui correspond au mandat qui lui est donné et
entraîne un nombre de réunion très conséquent. Il est aussi informé de nombreuses affaires
courantes. Il serait possible d’utiliser davantage la possibilité donnée par les textes de déléguer
l’instruction de décisions particulières à des commissions spécialisées constituées en son sein.
D’autre part, le président a autorité sur l’ensemble des services, mais la loi charge le secrétaire
général de leur fonctionnement et de leur coordination, ce qui rend nécessaire de préciser le
rôle de ce dernier pour assurer un bon fonctionnement de l’autorité : dans ce cadre, il serait
souhaitable de renforcer la supervision exercée par le secrétaire général sur les fonctions
support administratives et financières. Enfin, les textes ne prévoient pas de délégation de
pouvoir du président à ses services, ce qui serait utile dans certains domaines relatifs à la
sécurité.
En matière de gestion administrative et financière, des améliorations sont nécessaires.
La direction des affaires juridiques n’a pas de compétence sur les sujets internes de marchés
publics, de droit social et de conformité, ce qui a entraîné des erreurs dans la gestion de
certains dossiers. Pour sa part, la direction administrative et financière est positionnée au sein
d’une direction ressources, support et transformation et non directement rattachée au
secrétaire général. Cette direction financière est de surcroît en charge de dossiers très
opérationnels comme l’immobilier, ce qui ne lui permet pas d’exercer pleinement son rôle de
contrôle et d’alerte en cas de dérapage budgétaire. Enfin, la direction des systèmes
d’information n’avait pas, jusqu’à une date récente, la maîtrise des développements des
systèmes d’information qui étaient conduits par les directions métiers, ne pilotait pas
l’ensemble des effectifs travaillant sur les projets, même fonctionnellement, et se limitait
souvent à un rôle de conseil et de garant des choix d’architecture : cette situation a pénalisé la
conduite de certains projets, en sus de spécifications fonctionnelles souvent imprécises.
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
45
3
UNE SITUATION FINANCIÈRE CRITIQUE DU FAIT
D’INVESTISSEMENTS NON TOTALEMENT FINANCES
3.1
Un modèle économique basé sur des ressources plafonnées qui ont
augmenté sensiblement depuis 2017
3.1.1
Un modèle de taxes plafonnées courant dans les autorités de régulation
L’AMF dispose de contributions obligatoires et de contributions volontaires.
La nature des contributions « obligatoires » de l’AMF est fixée par l’article L 621-5-3
du code monétaire et financier et les montants sont précisés par décret pris après avis du collège,
dans la limite d’une fourchette fixée par la loi. Les principales contributions portent sur le dépôt
des informations financières, les opérations sur les marchés et les intervenants sur les marchés.
Ces contributions ne sont conservées par l’AMF que dans la limite d’un plafond fixé par la loi
de finances, les excédents étant versés au Trésor public après l’arrêté des comptes annuels. Ce
versement est calculé sur la base des contributions effectivement perçues, les contributions
acquises, comptabilisées à l’actif du bilan mais pas encore perçues, faisant l’objet d’une
dotation aux provisions pour dépréciation éventuelle.
Les contributions volontaires ont été introduites par la loi de finances du
30 décembre 2017. Elles peuvent être versées par des associations professionnelles représentant
les personnes soumises au contrôle de l’AMF, en vue du financement de projets d'intérêt
commun. L’association française de la gestion financière s’est engagée dans ce cadre à verser
de 2018 à 2022 une contribution annuelle de 6 M
€
pour financer le projet ROSA. En parallèle
le barème des contributions « obligatoires » des sociétés de gestion a été revu à la baisse en
2017. Peu à peu toutefois, le plafond de ressources de l’AMF a été augmenté de façon très
sensible et a dépassé son niveau initial, sans être compensé par une baisse de la contribution
volontaire. En 2023, la suppression de la contribution volontaire de 6 M
€
a été plus que
compensée par un relèvement de 8,5 M
€
du plafond des contributions « obligatoires ».
Le mécanisme du plafond de ressources est commun aux autorités indépendantes dotées
de ressources propres. Il a été introduit en 2012 afin de limiter les dépenses de ces autorités
(comptabilisées dans les dépenses publiques), de les contraindre à des efforts de gestion et
incidemment de les obliger à utiliser leurs réserves de trésorerie quand elles en disposaient.
3.1.2
Un montant de ressources dédiées à l’AMF qui a augmenté de façon
significative tout au long de la période.
Le plafond de ressources fixé par la loi de finances a fait l’objet d’une augmentation
constante depuis 2017, même si les reversements au budget de l’État ont été conséquents et
s’élèvent à 13,7 M
€
par an en moyenne. Pour 2023, le plafond a été fixé à 114,5 M
€
. Compte
tenu par ailleurs de la contribution volontaire, les ressources de l’AMF ont connu une
augmentation de près de 19 % entre 2017 et 2022 et de 2,3 % supplémentaires en 2023.
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
46
Par ailleurs, si l’augmentation du plafond de ressources a souvent été inférieure aux
demandes de l’AMF, l’écart a été progressivement rattrapé depuis 2020 et le montant accordé
a été identique aux demandes de l’AMF en 2022 ou en 2023, comme l’illustre le tableau ci-
après :
Tableau n°7 : Évolution des ressources de l’AMF
En M
€
2017
2018
2019
2020
2021
2022
2023
Plafond
94,0
94,0
96,5
99,0
101,5
106,0
114,5
p.m. plafond demandé
n.c.
100
100
100
103,5
106
114,5
Recettes effectivement
encaissées
110,3
109,0
106,4
112,8
117,0
118,3
-
Reversements
au
budget de l’État
16,3
15,0
9,9
13,8
15,5
12,3
-
Contribution
volontaire
0
6
6
6
6
6
0
Autres ressources
1,6
2,2
1,5
1,7
1,5
1,2
1,4
Total des ressources
de l’AMF
95,6
102,2
104,0
106,7
109,0
113,2
115,9
Sources : Article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2022 de finances pour 2012, agent comptable de
l’AMF. Le total des ressources est légèrement différent de la somme du plafond des ressources obligatoires et des
contributions volontaires en raison de produits divers
3.1.3
Un plafond qui n’a pas pris en compte le financement des investissements
Les plafonds de ressources ont augmenté de façon régulière entre 2017 et 2023,
connaissant sur la période une croissance de 21 % (de l’ordre de 11 % hors inflation). Les
présentations budgétaires comme les débats qui ont eu lieu avec le ministère de l’économie et
des finances montrent que la détermination du plafond de recettes était plus justifiée par le
niveau des dépenses d’exploitation que par celui des besoins d’investissement, temporaires ou
permanents. Ainsi, les lettres de demandes de l’AMF au ministre mentionnent les financements
nécessaires pour couvrir les charges d’exploitation et assurer l’équilibre du compte de résultat
mais pas les besoins d’investissement existant par ailleurs. L’augmentation régulière du plafond
de recettes de 2,5 M
€
par an environ suffisait à peu près pour couvrir l’évolution des charges
d’exploitation, sans forcément prendre totalement en compte l’évolution des missions. Elle ne
permettait pas de financer les budgets informatiques ou d’autres charges de développement.
Aussi, dès 2017, les projets d’investissement ont été financés par un prélèvement sur le fonds
de roulement et une diminution de la trésorerie.
Ce besoin d’investissement aurait dû être pris en compte, soit par un relèvement
temporaire du plafond, soit par d’autres dispositifs ponctuels. Cela aurait nécessité que l’AMF
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
47
présente un budget d’investissement pluriannuel avec des scenarii à négocier au niveau du
collège puis avec le ministère de l’économie et des finances, ce qu’elle n’a pas fait. Ce n’est
qu’en juin 2023 que la demande adressée au ministère de l’économie et des finances prend en
compte le montant des besoins d’investissement dans la demande de relèvement du plafond.
3.2
Une situation financière qui n’a cessé de se dégrader sur l’ensemble de
la période et qui est devenue insoutenable
Année après année, l’AMF s’est enfoncée dans une situation financière critique,
devenue insoutenable fin 2022. Une augmentation de ses ressources est devenue indispensable
pour assurer la continuité de son fonctionnement.
3.2.1
Des budgets présentés et exécutés en déficit et ne dégageant quasiment aucune
capacité d’auto-financement
L’examen des différents budgets de l’AMF montre que le compte de résultat
prévisionnel n’a jamais été présenté à l’équilibre depuis 2017, à l’exception de l’année 2022, et
que le résultat net a systématiquement affiché un déficit tout au long de la période :
-
le résultat net de 2018 a été présenté avec un déficit prévisionnel de 882 K
€
en dépit de
l’instauration de la contribution volontaire de 6 M
€
et s’est établi en exécution à - 195 K
€
;
-
le résultat net prévisionnel de 2019 a été présenté avec un déficit de 1,9 M
€
du fait d’une
hausse substantielle des charges informatiques et s’est établi à - 995 K
€
;
-
le résultat net prévisionnel de 2020 a été présenté avec un déficit de 3,4 M
€
en raison de la
croissance des charges de personnel et des prestations externes et s’est établi à - 1,1 M
€
;
-
le résultat net prévisionnel de 2021 a été présenté avec un déficit de 2,1 M
€
en raison du
relèvement des dotations aux amortissements et a été exécuté à - 215 K
€
en raison d’un
moindre niveau de dotations aux amortissements et de provisions ;
-
le résultat net prévisionnel de 2022 a été présenté pour la première fois à l’équilibre grâce
à une augmentation significative du plafond de ressources mais l’exécution a été de
- 877 K
€
du fait des charges immobilières et des charges informatiques ;
-
le résultat net de 2023 était prévu à - 1,5 M
€
et la reprévision en septembre 2023 est de
- 5,1 M
€
.
Cette chronique d’un compte de résultat systématiquement négatif appelle des
remarques critiques portant sur la forme des documents financiers mais aussi surtout sur le fond.
Sur la forme, la présentation des documents budgétaires a comporté systématiquement
sur l’ensemble de la période à côté de la ligne « résultat net après prélèvement » une ligne
« résultat net avant prélèvement » plus avantageuse. Cette présentation était certes sans
conséquence car les documents étaient complets mais le respect du plafond budgétaire ne peut
être considéré comme optionnel.
De même, le traitement comptable de ce reversement comme élément du résultat
exceptionnel est critiquable car le reversement des ressources au-delà du plafond vient en fait
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
48
en déduction des produits d’exploitation et constitue une contrainte financière pour l’AMF qui
ne peut dès lors s’autoriser des dépenses d’exploitation plus élevées. De ce fait, le résultat
d’exploitation est apparu systématiquement positif au cours de la période, ce qui n’était pas le
cas.
Du reste, le comité d’audit
10
notait en avril 2019 le caractère inapproprié de ce traitement
comptable, alors que le reversement intervient chaque année, et préconisait de le remonter dans
les autres charges
.
Nonobstant cet avis, le reversement de l’excédent de recettes par rapport au
plafond a continué à figurer au résultat exceptionnel en 2020 et 2021.
Sur le fond, l’atteinte d’un résultat net à l’équilibre ne pouvait être considérée comme
satisfaisante au vu des besoins de financement des investissements. Le prélèvement sur la
trésorerie ne pouvait se substituer durablement à la nécessité d’une capacité d’auto-financement
structurellement positive.
3.2.2
Des charges d’exploitation contenues jusqu’en 2019
3.2.2.1
Une augmentation forte sur la période récente liée aux charges immobilières
et aux charges informatiques
Après une période, de 2017 à 2019, pendant laquelle l’évolution des dépenses de
fonctionnement est restée très modérée (+ 1 % par an environ), la croissance des dépenses est
plus forte depuis 2019 (+ 4 % par an environ en moyenne).
L’augmentation est particulièrement concentrée sur les charges immobilières,
constatées ou provisionnées, et sur les charges informatiques, directes ou liées à
l’amortissement des projets.
En 2023, les charges d’exploitation devraient connaître un nouveau palier de hausse
important du fait des projets avec une augmentation de + 9 % prévue au budget.
Cette hausse de charges s’accompagne par ailleurs d’une insuffisance de pilotage
concernant l’exécution, qui atteint assez systématiquement un niveau supérieur aux prévisions.
Ceci concerne essentiellement les provisions de 2017 à 2022, mais plus récemment l’ensemble
des dépenses avec un dépassement de 3 % du budget lors de la reprévision de septembre 2023,
ce qui a entraîné pour tenir le budget un gel des recrutements et un report de nombreux projets
informatiques.
10
Le comité d’audit est composé de cinq membres du collège désignés par ce dernier (règlement intérieur de
l’AMF, chapitre 3) et élit en son sein un président. Sa mission consiste à formuler un avis au collège sur le projet
de budget annuel et sur l’arrêté des comptes de l’AMF. Il examine les conclusions des travaux de l’audit interne.
Il peut également émettre des recommandations sur tout sujet entrant dans son domaine de compétence. Chaque
réunion donne lieu à l’établissement d’un relevé de conclusions qui est transmis au collège.
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
49
3.2.2.2
Une évolution de la masse salariale plus modérée
L’évolution de la masse salariale depuis 2017 a été modérée et portée surtout par la
hausse des effectifs, celle de la rémunération moyenne étant faible :
-
l’augmentation des dépenses de personnel a été relativement modérée sur l’ensemble de la
période : + 9 % en 5 ans, soit une moyenne de 1,5 % par an entre 2017 et 2022 (un peu
moins que l’inflation annuelle moyenne). Cette augmentation est inférieure à celle des
ressources de l’AMF (+ 12,7 % entre 2017 et 2022), ce qui montre une bonne maîtrise des
dépenses de personnel ;
-
cette hausse des dépenses de personnel s’explique à hauteur des deux tiers environ par
celle des effectifs, avec une augmentation de 30 ETP liée en partie au plan de recrutement
de la DSI. Il s’agit pour la plupart de créations de postes gagées en principe par une
diminution des prestataires ;
-
la hausse des dépenses de personnel ne s’explique que pour un tiers par l’augmentation de
la rémunération moyenne. Celle-ci est très modérée sur 5 ans (+ 2,5 % en 5 ans, soit
+ 0,4 % par an), du fait notamment de la rareté des augmentations générales pendant la
période sous revue (en 2019 pour certaines catégories d’agents et en 2022 pour appliquer
à tous les salariés l’équivalent du relèvement du point d’indice dans la fonction publique)
et de la modestie des augmentations individuelles (+ 1,6 % par an en moyenne) ;
-
les autres dépenses de personnel progressent faiblement, y compris l’intéressement. La part
variable représente 4 % seulement du total des rémunérations brutes et 8 % de la
rémunération brute des individus concernés. L’intéressement représente 6 % de la masse
salariale.
Cette maîtrise de la rémunération moyenne liée aux niveaux de rémunération adoptés et
à la faiblesse de la part variable commence cependant avoir un impact négatif sur l’attractivité
de l’AMF. D’une part, la rémunération des cadres supérieurs ou des cadres sur des fonctions
« c
œ
ur de métier » fait apparaître un différentiel d’attractivité important par rapport au secteur
privé. D’autre part, le taux de départ est de plus en plus élevé, surtout pour les personnes
disposant d’une ancienneté inférieure ou égale à 3 ans que l’AMF cherche à retenir, et la
rémunération est le premier motif de départ. Le nombre de recrutements de jeunes diplômés
sans expérience augmente pour répondre à la contrainte budgétaire, ce qui rencontre ses limites.
Le pilotage de la masse salariale et des effectifs a connu cependant des difficultés très
récemment, au premier semestre 2023. Sans dépasser le plafond d’emplois fixé par la loi de
finances à 515 ETPT, le nombre d’effectifs a dépassé en juin de 13 ETPT le plafond d’emplois
fixé par le budget de l’AMF de 502 ETPT qui est compatible avec ses ressources. Cela a
contraint la présidente de l’AMF à prendre en urgence des mesures de report de recrutements
pour tenir le budget et à ne pas compenser tous les départs. Un pilotage trimestriel des effectifs
au niveau du Comex a été introduit.
3.2.3
Des dépenses d’investissement de plus en plus importantes
L’AMF a, à partir de 2016, engagé des dépenses d’investissement importantes qui, faute
d’une capacité d’auto-financement suffisante, ont pesé sur ses réserves et amputé sa trésorerie
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
50
de façon très significative jusqu’à arriver à un solde à peine positif à la fin 2023, avec un déficit
prévisionnel en 2024, imposant des mesures de redressement et des compléments de ressources.
La forte augmentation des dépenses d’investissement (de 9,6 M
€
à 20,5 M
€
, soit
+ 113 %) correspondait à un rattrapage nécessaire sur certains sujets, informatiques mais
également à une augmentation du nombre de projets, sans priorisation et sans prise en compte
de la possibilité pour l’AMF de les financer et de les mener à bien. Une partie non négligeable
de ces sommes a ainsi été consacrée à payer des dépassements de planning ou de coûts ou à
compenser des retards importants, avec un appel continu à des prestataires et une difficulté de
pilotage de ces derniers.
Ces dépenses ont eu lieu en deux vagues :
-
la première a consisté en une modernisation des systèmes d’information, lancée en 2016,
nécessaire pour améliorer l’efficience de l’institution mais qui s’est traduite par des coûts
très importants et des surcoûts significatifs : le montant des investissements est passé de
2 M
€
par an en 2016 à 10,8 M
€
en 2017 et a atteint progressivement 13,9 M
€
en 2022, soit
un total de 69 M
€
pendant la période sous revue. Il est important de noter que ces
investissements ont porté sur plusieurs projets (ICY et ROSA principalement), lancés de
façon quasi-simultanée sans examen de la capacité interne à les mener, ROSA n’étant
toujours pas totalement livré en septembre 2023 ;
-
la seconde a consisté en une refonte du schéma immobilier et un réaménagement des
espaces de travail, lancés fin 2020, qui ont fait passer le montant des investissements
immobiliers de 1 M
€
par an jusqu’en 2021 à 6,7 M
€
en 2022 et en 2023. Ce projet
immobilier a achevé de consommer la trésorerie disponible et a mis l’AMF en situation de
ne plus pouvoir faire face à ses engagements, notamment sur l’informatique.
Graphique n° 1 :
Évolution des investissements depuis 2014 (en milliers d’
€
)
Source : Projet de plan stratégique 2023-2027 - Trajectoire budgétaire de l’AMF, mars 2023
0
1
2
3
4
5
6
Catégorie 1
Catégorie 2
Catégorie 3
Catégorie 4
Série 1
Série 2
Série 3
Série 4
Série 5
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
51
3.2.4
Une dégradation de la trésorerie amenant à une insoutenabilité financière
L’AMF disposait historiquement d’un important volant de liquidités, culminant à
58,5 M
€
au 31 décembre 2017. Les décisions d’investissement prises à partir de 2017 ont eu
pour effet de réduire considérablement ce niveau. La décision d’utiliser les disponibilités de
trésorerie pour des investissements nécessaires et ponctuels était fondée, afin de ne pas
conserver des fonds dormants non employés. Cependant, le montant des engagements pris
devait rester compatible avec la soutenabilité de la trésorerie, c’est-à-dire le paiement des
dépenses courantes et des investissements antérieurs. Or, le montant des investissement, compte
tenu du dérapage de certains projets, a atteint sur la période 2017-2022 le total de 75 M
€
,
excédant largement le niveau de trésorerie fin 2016 de 54,5 M
€
.
Tableau n° 6 :
Évolution des ratios financiers
En M
€
2017
2018
2019
2020
2021
2022
Budget 2023
CAF
-1,6
4,8
5,4
8,9
0,9
11,2
6,2
Investissements
9,6
10,2
12,9
11,2
10,4
20,5
19,6
Variation du fonds
de roulement
- 11,2
-5,2
-7,6
-5,6*
-6,5*
-9,4
-13,4
Niveau de fonds de
roulement en fin
d’année
22,4
17,1
9,5
3,9
-2,5
-11,9
-33
Niveau de trésorerie
en fin d’année
58,5
53,8
39,1
36,8
35,0
22,4
3
Source : Rapports d’activité de l’AMF, pièces transmises par le comptable - Budget 2023.
N.B. : En 2020 et 2021, la variation du fonds de roulement ne correspond pas à la différence entre la CAF et les
investissements payés car le calcul du prélèvement sur le fonds de roulement prend en compte les mouvements sur
les provisions pour dépréciation de créances clients de 3 M
€
. Dès lors, la variation du fonds de roulement serait
de – 2,3 M
€
en 2020 et de – 9,5 M
€
en 2021. Par ailleurs, la variation du fonds de roulement n’est pas toujours
équivalente à la variation de la trésorerie, en raison de la différence entre droits constatés et paiement.
Au 31 décembre 2020, le fonds de roulement a atteint un niveau de 3,9 M
€
, représentant
environ 10 jours d’activité. Il est devenu négatif après cette date. Fin 2022, le niveau de
trésorerie réellement disponible aurait dû tenir compte du reversement au budget de l’État, en
mai de l’année suivante, de l’excès de contributions, soit 13 M
€
et des projets engagés, soit
19 M
€
en 2023 et 7 M
€
en 2024. Enfin, le montant récurrent des investissements nécessaires,
10 M
€
par an au-delà de 2024, excédait la capacité d’autofinancement prévisionnelle.
La situation de trésorerie anticipée en 2023 n’était pas soutenable, le niveau de 3 M
€
atteint en fin d’année ne permettant ni d’assurer le reversement en 2024 de l’excédent de
recettes perçues ni de payer les dépenses d’investissement engagées. Comme le relève un
document transmis au ministère par l’AMF en mars 2023,
« l’AMF se retrouve potentiellement
dans une situation de cessation de paiement dès le premier trimestre 2024 ».
Arrivée fin 2022, la nouvelle présidente a dû prendre des mesures d’urgence pour
améliorer la situation de trésorerie prévue en 2023, en avançant l’encaissement de certaines
contributions, en gelant certains recrutements et en reportant certaines dépenses. Un audit sur
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
52
les coûts informatiques a été lancé et une revue précise des dépenses a été effectuée, partagée
avec le ministère. Ces mesures n’étant pas suffisantes pour redresser la situation au-delà de
2023, une demande de relèvement du plafond de ressources a été adressée au ministre par une
lettre de juin 2023, en raison d’
« une situation d’insoutenabilité budgétaire ».
Graphique n° 2 :
Évolution de la trésorerie (en milliers d’
€
)
Source/note : Projet de plan stratégique 2023-2027 - Trajectoire budgétaire de l’AMF, mars 2023
3.2.5
La nécessité de finaliser un plan de redressement pluriannuel réaliste
Suite au constat d’une insoutenabilité de la situation financière, l’AMF a dû élaborer en
urgence début 2023 un plan pluriannuel de redressement portant sur la période 2024-2027,
parallèlement à l’élaboration de son nouveau projet stratégique. Compte-tenu de la situation, ce
plan financier pluriannuel, plus détaillé que précédemment, a fait l’objet d’un dialogue
approfondi avec le ministère de l’économie et des finances.
La trajectoire en cours de discussion à l’été 2023 consacre ainsi l’objectif d’un retour à
l’équilibre financier et à un niveau de trésorerie suffisant au travers des mesures suivantes :
-
augmentation du plafond de ressources et du plafond d’emplois ;
-
maîtrise des dépenses, notamment sur l’immobilier et l’informatique ;
-
dégagement d’une capacité d’autofinancement positive ;
-
diminution des investissements de 19 M
€
en 2023 à 7 M
€
en 2024.
Une augmentation importante de ses moyens a été accordée à l’AMF par la loi de
finances 2024, avec une hausse de 6,5 M
€
du plafond de ressources qui devrait être suivie de
nouvelles hausses jusqu’en 2027, soit 13 M
€
de plus qu’en 2023. Le plafond d’emplois a été
porté de 515 ETPT à 520 ETPT pour la période 2024-2027.
Cette trajectoire devra cependant être précisée. D’une part, la stabilité des effectifs d’ici
à 2027 est peu compatible avec l’évolution des missions de l’AMF, même en procédant à des
0
1
2
3
4
5
6
Catégorie 1
Catégorie 2
Catégorie 3
Catégorie 4
Série 1
Série 2
Série 3
Série 4
Série 5
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
53
redéploiements. D’autre part, il n’est pas certain que le niveau prévu des investissements, 7 M
€
,
suffise pour mettre à niveau les systèmes d’information et les adapter aux nouvelles missions.
Les premières estimations de l’AMF évaluaient le budget nécessaire à 10 M
€
, ce montant
devant cependant être encore affiné.
Recommandation n° 6.
(AMF, DGT, DB) Fiabiliser la trajectoire financière
pluriannuelle en intégrant tous les investissements.
3.3
Un défaut de pilotage et d’alerte
3.3.1
Des décisions d’investissement prises sans assurances sur leur financement
malgré les alertes répétées du comité d’audit
3.3.1.1
Des alertes réitérées du comité d’audit restées sans suite
La direction de l’AMF a pris des décisions d’investissement en deux vagues, en 2016 et
en 2021, sans s’assurer de leur financement à terme. Cela concerne les dépenses informatiques
et le projet de réorganisation de l’immobilier lancé en avril 2021 : à cette date en effet, la
situation financière était devenue précaire, le grand projet informatique ROSA connaissait déjà
des dépassements de délais importants, se traduisant par des dépassements de coûts, et les
prévisions de trésorerie montraient les difficultés à venir.
Dès décembre 2018, le comité d’audit évoquait le creusement du déficit budgétaire et le
caractère difficilement soutenable de la situation de trésorerie à terme. En avril 2019, les
prévisions transmises au comité d’audit montraient, à plafond de recettes constant, que la
trésorerie serait négative à partir de 2021/2022. En avril 2020, le comité d’audit alertait à
nouveau sur la situation de la trésorerie en constatant que, compte-tenu des investissements
informatiques,
l’AMF pourrait être en cessation de paiement début 2022. A plusieurs reprises
entre septembre 2019 et début 2021, le comité a souhaité qu’un débat ait lieu sur les ressources
de l’AMF et le recalibrage des dépenses. Ces demandes sont restées sans suite alors qu’en juin
2021, les services de l’AMF avaient présenté au comité d’audit une prévision de fonds de
roulement négative de – 27 M
€
en 2024 :
« conséquence directe de l’insuffisance
d’autofinancement pour couvrir le programme d’investissements 2022-2024 conduisant à une
trésorerie presque nulle dès fin 2023 ».
Lors des échanges sur le budget 2022, le comité d’audit a réitéré ses remarques sur
l’équilibre de moyen terme à atteindre et les sources d’économies à identifier mais, la direction
de l’AMF ayant obtenu le relèvement du plafond de recettes, le sujet n’est pas traité.
Ce n’est que fin 2022, à l’arrivée de la nouvelle présidente, qu’un exercice de revue des
dépenses de fonctionnement et d’investissement est lancé, avec l’établissement d’une
trajectoire pluriannuelle soutenable.
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
54
3.3.1.2
Un pilotage et un suivi des dépenses insuffisants
Le pilotage des dépenses - surtout des dépenses d’investissement - et des prévisions de
trésorerie en fin d’année a manqué de qualité.
D’une part, le suivi du budget s’effectue sur un arrêté des comptes au mieux semestriel,
abandonné du reste en 2022. D’autre part, les tableaux de pilotage des investissements ne
distinguent pas entre engagements et décaissements, alors que la prise en compte du décalage
temporel entre ces deux phases est essentielle pour fiabiliser la trajectoire financière. Le suivi
précis des investissements reste encore à faire aujourd’hui, avec une meilleure prise en compte
de l’impact des commandes effectuées.
Enfin, les prévisions de trésorerie sont systématiquement revues à la hausse en fin
d’année, pour des raisons tenant notamment au calendrier des dépenses d’investissement et à
celui du reversement au budget de l’excédent de recettes, alors que la fiabilisation de ces
décaissements est réalisable dès le début de l’année. L’écart entre la projection et l’exécution
s’est ainsi élevé à 12 M
€
en 2020, à 18 M
€
en 2021 et à 6 M
€
en 2022. La répétition de cet
écart et le manque de précision des projections ont contribué au sentiment de facilité financière,
jusqu’à l’apparition des premières difficultés en 2023.
Plus généralement, la notion de trésorerie n’était pas prise en compte lors de l’examen
des projets. Ainsi, pour le projet immobilier, l’impact des décaissements immédiats sur la
trésorerie de l’AMF a été ignoré, seules les économies attendues sur 10 ans étant prises en
considération.
A ce défaut de pilotage s’est ajoutée une gestion de certains grands projets qui s’est
souvent traduite par l’acceptation de dépassements importants de coûts, sans pilotage resserré
des intervenants, ni contrôle de leurs prestations, ou application de pénalités.
3.3.1.3
Des informations limitées données au collège
Le montant des investissements faisait l’objet d’une approbation globale par le collège et
son comité d’audit dans le cadre de l’examen du budget et des comptes. La présentation ne
s’accompagnait toutefois ni d’un détail suffisamment précis des investissements envisagés, ni
de la présentation des alternatives possibles, ni de l’exposé de leurs conséquences à long terme
sur la trésorerie.
Les documents financiers présentés ne contenaient pas une section détaillée consacrée
spécifiquement aux investissements et distinguant conséquences des décisions antérieures et
nouveaux investissements. Le collège et le comité d’audit se prononçaient sur un montant
global d’investissement, peu détaillé entre les différentes rubriques, et n’examinait pas
spécifiquement l’impact des nouvelles décisions ni les options en termes de montant. Comme
l’indiquait le président du comité d’audit le 15 décembre 2022,
« le comité d’audit ne discutait
jamais des investissements, qui étaient vus et présentés au coup par coup ».
Ce n’est qu’en
décembre 2022 que la nouvelle présidente a lancé en vue du nouveau projet stratégique un
exercice de modélisation de plusieurs scénarii portant sur les activités et les investissements à
engager en fonction des ressources.
Les conséquences à long terme des investissements sur les comptes, en particulier sur la
trésorerie, ne faisaient pas l’objet d’une présentation ad hoc au collège, alors que l’AMF
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
55
disposait en interne de tels éléments. Les notes budgétaires transmises au collège ne portaient
que sur la situation annuelle. Les débats du collège sur le budget et les comptes avaient lieu
deux fois par an, sans projections pluriannuelles, et sans proposition de choix entre différents
scénarios. La diminution de la trésorerie pour l’année suivante était mentionnée, accompagnée
d’une présentation mettant l’accent sur l’équilibre du résultat d’exploitation
.
3.3.1.4
Le manque d’information et de dialogue avec le ministère
L’AMF ne s’est pas contrainte à suivre la procédure budgétaire classique, du fait de son
statut mais aussi de son mode de fonctionnement. Les courriers adressés aux ministres pour
demander un relèvement du plafond de recettes portaient essentiellement sur le niveau des
charges d’exploitation, sans évoquer les investissements de modernisation des systèmes
d’information ni leurs conséquences en termes de dépenses et de trésorerie. Ils ne donnaient
pas lieu à des échanges avec les services du ministère, notamment la direction du budget.
En 2021, la lettre mentionne l’engagement de revenir à l’équilibre budgétaire mais
n’évoque que dans une annexe la situation de la trésorerie, sans fournir de projection
pluriannuelle ni en tirer les conséquences. En 2022 et en 2023, le montant du plafond
correspond strictement aux demandes effectuées, ce qui s’est cependant avéré insuffisant pour
stabiliser la situation financière.
Les courriers adressés à la directrice du budget portaient pour leur part sur le plafond
d’emploi, mais pas sur les ressources et les dépenses de l’Autorité, et la direction du budget n’a
découvert que fin 2022, à l’arrivée de la nouvelle présidente, la situation financière de l’AMF.
Il aurait été nécessaire d’évoquer avec le ministère de l’économie, dès 2017 et tout au
long de la période, les projets d’investissement et les ressources correspondantes, dans une
logique pluriannuelle, afin de s’assurer que les ressources pérennes étaient suffisantes pour leur
financement ou, à défaut, demander des ressources exceptionnelles avant de lancer les différents
projets.
L’apparition des difficultés financières et l’arrivée de la nouvelle présidente ont conduit
fin 2022 l’AMF à un exercice approfondi, et partagé avec les services du ministère de
l’économie, de revue de l’ensemble des dépenses, dans un cadre financier pluriannuel. La
sollicitation de la direction du budget par la nouvelle présidente marque en 2023 une nette
amélioration du suivi de l’AMF.
3.3.2
Une réaction des instances délibérantes de l’AMF qui aurait pu être plus forte
L’examen des procès-verbaux des réunions du collège et du comité d’audit montre que,
même si les informations financières n’étaient pas suffisamment précises sur le long terme, les
éléments transmis révélaient bien une dégradation forte de la situation financière annuelle
amenant à s’interroger sur la soutenabilité de la trajectoire. Des questions ont été adressées à la
direction de l’AMF et des points d’attention ont été formulés en comité d’audit. L’absence de
réponse précise et la poursuite de cette dégradation auraient pu entraîner une interpellation plus
forte de la direction de l’AMF par le comité d’audit ou par le collège ou une alerte directement
adressée à la direction du budget.
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
56
À cet égard, la direction générale du Trésor, présente au collège sans voix délibérative et
au comité d’audit, a certes incité la direction de l’AMF à évoquer sa situation financière devant
la direction du budget mais n’a pas alerté elle-même cette direction ni demandé une nouvelle
délibération sur le budget 2022 ainsi que sur les décisions financières qui mettaient la situation
financière de l’AMF en état critique
11
.
L’AMF étant une autorité indépendante bénéficiant de ressources propres, il apparaît que
les mécanismes budgétaires habituels qui permettent d’éviter de tels dérapages ne trouvent pas
à s’appliquer et que les directions concernées des ministères économiques et financiers hésitent
à intervenir.
3.3.3
Une direction du budget placée devant le fait accompli
L’attention du ministère de l’économie et plus particulièrement de la direction du budget
a été régulièrement appelée sur la nécessité d’augmenter le plafond de ressources pour
permettre à l’AMF d’assurer ses missions. Mais aucune information n’a été donnée sur le fait
que des investissements avaient été engagés et continuaient à l’être en préemptant de façon
significative les ressources de l’AMF et en la conduisant à terme à une impasse financière. À
partir de 2020, la situation financière a fait l’objet d’une information générale, qui n’a pas
empêché le lancement de nouveaux projets coûteux, aggravant la situation de trésorerie.
Ainsi, les services de la direction du budget, pourtant chargés de déterminer le plafond
de ressources et d’élaborer la loi de finances, n’ont pas été informés précisément de la situation
de l’AMF.
Recommandation n° 7.
(AMF, DGT, DB) Procéder chaque année à un examen
conjoint de la situation budgétaire de l’AMF.
______________________ CONCLUSION INTERMÉDIAIRE ______________________
L’AMF disposait au 31 décembre 2016 d’une trésorerie très importante s’élevant à
54,4 M
€
. Fin 2021, elle s’élevait à 35 M
€
et fin 2022 à 22 M
€
seulement, avec près de 20 M
€
d’investissements engagés pour 2023 sur l’informatique et l’immobilier et un versement
prévisionnel à l’État d’au moins 13 M
€
en avril 2023, correspondant à l’excédent de recettes
encaissées par rapport au plafond autorisé par la loi de finances. La situation financière était
devenue insoutenable et l’AMF se serait retrouvée potentiellement en situation de cessation de
paiement si l’État n’avait pas augmenté de façon significative le montant du plafond imposé à
ses ressources (de 2,5 M
€
en 2023 et de 6,5 M
€
en 2024, soit + 9 % au total).
11
« Les délibérations du collège relatives au budget et à ses modifications sont exécutoires de plein droit
à l’issue du délai dont dispose le directeur général du Trésor pour demander une seconde délibération »
(article
R 621-13)
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
57
Cette situation tient tout d’abord au fait que le budget de l’AMF a été systématiquement
présenté et exécuté en déséquilibre, générant ainsi une capacité d’auto-financement
insuffisante pour financer les investissements. De plus, le montant des investissements n’a cessé
de croître, passant de 2,5 M
€
en 2016 à 10,9 M
€
par an entre 2017 et 2021 et 20 M
€
en
moyenne en 2022 et en 2023, en raison du lancement d’importants projets informatiques en
2016 et de la décision de mettre en
œ
uvre un projet de réaménagement immobilier très coûteux
en 2021. La situation était donc structurellement déséquilibrée. Le montant des investissements
décidés et exécutés, compte tenu de certains dérapages, a dépassé sur la période 2017-2022 la
somme de 75 M
€
, excédant largement le niveau de trésorerie constaté fin 2016.
Des dépenses d’investissement importantes ont été engagées sans s’assurer au
préalable de la disponibilité des ressources correspondantes. Des relèvements du plafond de
ressources ont été demandés à l’Etat, sans qu’une revue des dépenses ait été engagée. Les
besoins ont été sous-estimés, les dépenses d’investissement n’étant pas suffisamment prises en
compte. Des faiblesses dans le pilotage des projets et de la trésorerie n’ont pas permis
d’évaluer précisément les marges de man
œ
uvre.
Début 2023, l’AMF s’est engagée dans un exercice de programmation pluriannuelle de
l’ensemble de ses dépenses de fonctionnement et d’investissement partagé avec l’État. Cet
exercice doit être mené à son terme.
L’indépendance indispensable de l’autorité dans ses décisions de régulation ne peut en
effet être comprise comme une autorisation à engager des dépenses au-delà de ses ressources.
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
58
4
DES PROJETS INSUFFISAMMENT MAITRISES
Les grands projets lancés par l’AMF à partir de 2017 ont été confrontés à des difficultés
importantes de réalisation, et se sont traduits par des résultats contrastés. Certains d’entre eux
ont été lancés après un examen insuffisant de leurs caractéristiques, une analyse peu
approfondie des conditions de mise en
œ
uvre technique et opérationnelle et une prise en compte
limitée de la capacité interne à les traiter. Leur mise en
œ
uvre a entraîné le recours à de
nombreux prestataires et un pilotage insuffisamment rigoureux de ces derniers. Il en est résulté
des dépassements de coûts et de délais et des réalisations décevantes, comme dans le cas du
projet informatique ROSA qui n’est toujours pas complètement livré fin 2023, sept ans après
son lancement, ou du projet immobilier, qui ne répond pas aux attentes des équipes en dépit des
dépenses engagées.
La conduite des projets par la direction ressources, support et transformation s’est
révélée défaillante, comme l’a été leur supervision par le secrétaire général.
4.1
Une gestion des systèmes d’information déficiente
4.1.1
Un pilotage qui montre des insuffisances
4.1.1.1
Une gouvernance imparfaite
L’organisation des projets informatiques a longtemps été lacunaire, les projets étant
gérés en silo soit par la DSI soit par les métiers.
En réponse à ces dysfonctionnements, un comité stratégique de gouvernance des
systèmes d’information (CSG SI) a été créé en 2016 afin de piloter les évolutions majeures des
systèmes d’information, de la validation des projets à leur exécution, en passant par les
arbitrages nécessaires à leur mise en
œ
uvre. Ce comité était composé des directeurs
opérationnels, du secrétaire général et du directeur des fonctions support. Le DSI en assurait le
secrétariat permanent.
Dès octobre 2017, le CSG SI a fait le constat d’un nombre important de projets lancés
et d’une faible capacité de l’AMF à les réaliser en interne compte tenu des ressources
disponibles. Il a souligné un haut niveau d’externalisation, avec 3,4 prestataires externes pour
1 interne, ce qui faisait courir des risques en matière de maîtrise du SI et de sécurité. Par la
suite, le CSG SI se consacre principalement au suivi du budget de la DSI et d’une partie des
projets en cours, à l’exception notable de ROSA. Les questions plus générales relatives à la
stratégie, à la multiplicité des projets et au pilotage des prestataires ne sont plus abordées.
En octobre 2019, un audit de la mise en
œ
uvre du plan stratégique des systèmes
d’information, réalisé par un cabinet de conseil, préconisait un renforcement du pilotage des
projets par le CSG SI. Il est désormais saisi de tous les projets d’un montant supérieur à 200 K
€
.
Son mandat a été défini dans une lettre de mission validée en avril 2020.
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
59
L’examen des réunions du CSG SI montre toutefois que cette ambition a été
insuffisamment tenue.
D’une part, la supervision du CSG SI n’a porté que sur les programmes gérés
directement par la DSI, ce qui excluait les programmes gérés par les métiers et principalement
le programme ROSA, pourtant un des plus coûteux : le programme ROSA n’a jamais été
évoqué lors des réunions du CSG SI en 2020 et en 2021.
D’autre part, une grande attention était apportée au suivi du budget de la DSI, mais cette
vision était limitée au coût des prestataires externes. Dans ce cadre, le CSG SI avait pour
principal objectif de répartir au mieux le budget entre les différents projets.
Enfin, l’attention du CSG SI portait sur le lancement des nouveaux projets plus que sur
leur exécution opérationnelle et les difficultés techniques rencontrées. Une revue du portefeuille
de projets en cours avait lieu régulièrement, mais elle portait sur un nombre considérable de
chantiers (avec une fourchette allant de 64 chantiers en 2020 à 52 en 2022) et n’était pas
focalisée sur les principaux projets.
Il s’agissait donc davantage d’une instance de discussion et de décision sur les
programmes et le budget de la seule DSI que d’un comité de pilotage de tous les projets lancés,
contrairement au mandat initial.
Un audit de suivi a été réalisé par le même prestataire externe en mars 2022 sur la
gouvernance du portefeuille de projets informatiques. Cet audit relevait des points forts dans la
gouvernance des systèmes d’information, par exemple l’existence du CSG SI et son
intervention dans le lancement des nouveaux projets, mais constatait que
«
concernant le
processus de sélection des projets, […] les informations nécessaires à la prise de décision sont
incomplètes et ne permettent donc pas d’arbitrer de manière éclairée
», et qu’«
en matière de
pilotage du portefeuille de projets, […] des faiblesses au niveau du reporting peuvent limiter
la visibilité des instances de décisions »
. Il en est ressorti que le CSG SI
devait être en mesure
d’assurer un réel pilotage stratégique. À la suite de cette mission, le périmètre du CSG SI a été
élargi aux grands programmes stratégiques. Mais la priorisation des chantiers en fonction de
leur alignement au plan stratégique n’est achevée qu’à la fin 2023.
Il importe désormais que le pilotage des systèmes d’information fasse l’objet d’une
attention soutenue du secrétaire général et de la présidente de l’AMF.
4.1.1.2
Des plans d’action qui se sont succédé avec une mise en
œ
uvre partielle des
mesures correctives proposées
En dehors des mesures relatives à la gouvernance, l’audit réalisé en octobre 2019
relevait des améliorations nécessaires dans la gestion de projet. Il constatait une absence de
prise en compte de la capacité à faire par les équipes et des dérives de délais quasi-systématiques
liées à l’absence de ressources internes pour gérer les projets. Il notait également le nombre
important de prestataires, et un pilotage peu strict s’effectuant parfois sans la DSI.
Un autre audit interne réalisé par l’AMF en mai 2019 relevait également un risque
d’incapacité de l’AMF à maîtriser son système d’information du fait du nombre élevé de
prestataires et un risque de sécurité du fait d’un manque de contrôle de leurs droits d’accès.
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
60
Des recommandations étaient formulées dans les deux audits. Quatre ans plus tard, la
réalisation de ces plans d’action est encore insuffisante sur deux aspects essentiels.
1)
Les projets sont peu priorisés et la capacité de l’AMF à les mener n’est pas prise en
compte.
Le nombre de projets ou chantiers lancés n’a pas connu de diminution forte depuis 2019.
Ce nombre était de 64 en 2020 et 52 en 2022, pour une DSI de 42 ETPT dont les activités
couvrent tant la maintenance, la sécurité et les homologations que la gestion des projets.
Lors du CSGSI de décembre 2021, un bilan a mis de nouveau en évidence la volumétrie
des chantiers en cours et le nombre important de nouveaux chantiers lancés. Le constat est à
nouveau effectué de la difficulté pour l’AMF à faire aboutir tous ces projets. «
Les membres du
CSGSI convergent dans l’idée que le nombre de projets du portefeuille et leur complexité posent
à date de sérieux problèmes de priorisation et de capacité à faire. Les projets finissent toujours
par déraper et il faudrait envisager d’être plus réalistes et parfois moins ambitieux pour être
en capacité de mieux délivrer au final
». L’audit réalisé en mars 2022 confirme de son côté que
«
les décisions relatives aux projets sont établies sans tenir compte de la capacité à faire interne
DSI et métier, ainsi que de la sécurité
». L’implication nécessaire des experts métiers est
insuffisamment prise en compte, avec des agents continuant à exercer des tâches
opérationnelles en sus de leur rôle dans les projets. Plus de cinq nouveaux chantiers ont
néanmoins été lancés en 2022.
Il est donc essentiel que l’AMF repriorise les projets qu’elle entend mener dans les
années à venir en matière de systèmes d’information, en tenant compte de leur importance pour
la réalisation de ses missions et de sa capacité interne à les traiter.
2)
La sous-traitance est très importante et pas toujours maîtrisée.
Le budget informatique est de l’ordre de 30 M
€
par an, ce qui représente 25 % des
dépenses totales de l’AMF. Son poids est en réalité un peu supérieur puisque ce pourcentage
n’intègre pas les dépenses salariales des agents de la DSI. Il peut être évalué à 30 % des
dépenses totales en tenant compte de cet élément.
Au sein de ce budget, le recours aux prestataires informatiques est très important. En
moyenne sur la période, il y a 76 consultants informatiques permanents à l’AMF, à rapporter
aux effectifs de la DSI de 45 personnes environ. À ces personnes s’ajoutent environ 20
prestataires externes assurant les missions des centres de services au forfait (hotline
notamment). Pour les projets, le ratio d’externalisation est de 4 pour 1 en 2022 contre 3,4 pour
1 en 2017.
Cette forte dépendance à l’égard des prestataires fait peser des risques sur
l’infrastructure, sur la maîtrise des applications et sur l’avancement des projets. Elle pose aussi
des problèmes en matière de sécurité.
Un plan d’action avait été défini à la suite de l’audit de 2019 afin d’internaliser les
compétences informatiques en matière de sécurité et de gestion de projet sur les trois dernières
années du plan Supervision 2022. L’objectif était de recruter 30 personnes et de porter l’effectif
de la DSI de 39 à 66 agents, le taux d’externalisation devant passer de 65 % en 2019 à 50 % à
l’issue du plan.
Ce plan n’a pas été totalement mis en
œ
uvre. En mars 2023, il n’était réalisé qu’à hauteur
de 17 recrutements, soit un état d’avancement de 55 %. Le recours à la sous-traitance reste
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
61
massif en dépit de l’ambition affichée. Fin 2023, la poursuite du plan d’internalisation des
compétences était menacée en raison de la situation financière tendue de l’AMF.
De plus, la gestion des prestataires sur le plan de la sécurité laissait toujours à désirer,
quatre ans après l’audit interne. D’une part, les habilitations étaient données de façon large par
la DSI aux prestataires, sans procédure de validation par le métier. D’autre part, les contrôles
sur les droits étaient insuffisants. Une réunion associant le service d’audit, le RSSI, le
déontologue et le conseiller juridique de l’AMF a été nécessaire pour que les règles de gestion
des droits des prestataires et des collaborateurs soient enfin précisées début 2023.
Enfin, les marchés de sous-traitance n’ont pas toujours été bien rédigés ni bien mis en
œ
uvre, comme le montre le programme ROSA, caractérisé par de nombreux dépassements.
Recommandation n° 8.
(AMF) Reprioriser les projets menés par l’AMF concernant les
systèmes d’information.
4.1.2
Une dérive importante d’un grand projet informatique : le projet ROSA
L’AMF a lancé de façon quasi-simultanée deux grands projets informatiques, ICY sur
l’utilisation des données de marchés et ROSA sur l’interface avec les gestionnaires d’actifs et
leur référencement. Le projet ICY a été globalement une réussite, en dépit d’une implication
faible de la DSI, grâce à une bonne définition de besoins, à l’implication forte du métier et à la
compétence de l’équipe projet qui a su gérer les dérapages et mettre en place les actions
correctrices, notamment vis-à-vis des sous-traitants.
Il n’en a pas été de même de ROSA, qui n’est toujours pas complètement achevé sept
ans après son lancement et dont les dépassements de coûts ont fortement contribué à détériorer
les comptes de l’AMF et pèsent encore sur ses marges de man
œ
uvre actuelles.
4.1.2.1
Le contexte du projet
L’outil BIO2 a été mis en place en 2004, pour collecter les données relatives aux acteurs
et aux produits financiers pour les besoins de la direction de la gestion d’actifs et assurer la
gestion des dossiers. BIO2 n’ayant pas suivi l’évolution de la réglementation, le droit en vigueur
n’était pas correctement pris en charge dans l’outil. De plus, avec une activité de 5000
agréments par an, il était devenu nécessaire de gérer les demandes dans un workflow. Enfin, les
coûts de maintenance et d’exploitation de cet outil étaient croissants.
L’AMF a décidé en novembre 2015, de lancer les travaux en vue du programme ROSA
(ou BIO3) pour remplacer BIO2. En octobre 2016, le collège a validé le projet et approuvé
l’engagement de la phase de consultation. Le planning global prévoyait un déploiement en
quatre lots sur l’ensemble du périmètre des fonds et des tiers jusqu’au premier semestre 2021,
puis un arrêt de l’application BIO2.
Le coût total du projet sur la période 2016-2028 s’établissait à 42,1 M
€
, ce qui
comprenait l’ensemble des coûts d’investissement et de fonctionnement des deux applications
pour l’ensemble de la période.
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
62
L’importance du coût du projet a entraîné le recours à un financement complémentaire
à celui de l’AMF pour ne pas lui faire supporter seule le coût des développements qui
bénéficieraient
in fine
à l’ensemble des acteurs de la place. Le projet a ainsi bénéficié à hauteur
de 30 M
€
des contributions volontaires de l’Association française de la gestion financière
(AFG). Une convention a été signée en mars 2018 entre l’AMF et l’AFG.
4.1.2.2
Une organisation du projet fragile
Le choix d’organisation a consisté à confier la direction du projet à un directeur de
programme placé auprès de la direction métier, avec un apport de la DSI limité à l’expertise sur
l’architecture et l’intégration. Après quelques mois de recours à un prestataire de service pour
en assurer la fonction, le directeur de programme a été recruté en 2017.
Cette organisation soulève plusieurs critiques.
Tout d’abord, la DSI a été insuffisamment associée au début du programme, et tout au
long de sa réalisation, aux spécifications, aux solutions techniques et aux caractéristiques
d’architecture. Ces choix ont été essentiellement dictés par la direction métier.
Ensuite, la direction métier a constitué son équipe projet en procédant à des recrutements
externes (cas du directeur de programme et de deux directeurs de projet sur trois), ou en ayant
recours à des prestataires. À la différence du projet ICY, porté directement par la direction
métier, les équipes métier de la direction de la gestion d’actifs ont été insuffisamment
impliquées dans le déroulement du programme et aucun salarié n’a été détaché à plein temps.
La charge des équipes métiers était par ailleurs telle pour établir les spécifications des lots 1 et
2 qu’elles ont dû reporter l’expression détaillée des spécifications du lot 3 à mai 2022, après la
livraison des premiers lots, ce qui a inévitablement engendré de nouveaux retards.
Enfin, la part des prestataires dans la mise en
œ
uvre du programme était très importante,
tant pour l’expression des besoins que pour les développements. L’implication de ceux-ci dans
le pilotage du programme (gestion du projet – PMO, gestion du changement – CMO) et la
gestion du projet est telle qu’il est très difficile d’envisager leur remplacement, en dépit des
prolongations par avenants intervenues depuis 5 ans.
4.1.2.3
Une ambition fonctionnelle forte insuffisamment discutée
L’AMF a lancé un marché en octobre 2016 auprès d’éditeurs de logiciels afin de
disposer d’un outil adapté à ses besoins. Trois éditeurs ont fourni une offre : l’un disposait d’un
produit qui couvrait les fonctionnalités du secteur financier mais sans garanties suffisantes en
termes d’adaptation ; l’autre n’avait pas encore développé de produit ; le dernier était en état de
fournir un logiciel mais celui-ci ne couvrait pas spécifiquement le secteur financier. Le ressenti
des utilisateurs a conduit à retenir le dernier éditeur, mais a entraîné une lourde écriture des
spécifications pour prendre en compte les caractéristiques de l’activité de gestion d’actifs
(sociétés de gestion, prestataires et produits). Ce travail a été sous-estimé dans son ampleur.
Ainsi, les spécifications relatives au lot 3 n’ont pu être achevées qu’après la mise en production
des deux premiers lots, respectivement en janvier 2021 et en mai 2022.
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
63
La rédaction des spécifications a nécessité l’assistance d’un prestataire en appui de
l’équipe projet, avec une implication des acteurs du métier réduite compte tenu de leur charge
opérationnelle. Ceci a conduit à des imprécisions dans l’expression des besoins qui ont ensuite
évolué.
L’ambition fonctionnelle a concerné particulièrement la fonctionnalité nommée
«
gestion des données as of
», qui consistait, dans l’interface avec les différents acteurs et dans
les référentiels, à visualiser les données disponibles, telles que l’AMF ou les tiers les
connaissaient, à différentes dates. Au moment de l’attribution du marché, aucun candidat ne
disposait d’une solution existante mais le groupement attributaire a déclaré pouvoir réaliser
cette spécification. Il est apparu assez vite que ce développement était plus difficile qu’anticipé.
Le 26 décembre 2019, le prestataire a indiqué ne pas être en mesure de livrer la fonctionnalité
«
as of
» et a considéré ne pas disposer des éléments permettant de la développer dans les
conditions initialement prévues. L’AMF a alors rappelé qu’elle était prévue au marché et qu’il
s’agissait d’un élément indispensable
.
Elle a néanmoins financé un
proof of concept
pour
vérifier la nécessité de prestations supplémentaires.
À l’issue de cette étude, l’AMF a confirmé le caractère absolument nécessaire de la
fonctionnalité pour le programme, validé les travaux supplémentaires et accepté d’en prendre
en charge la moitié du coût, pour 367 K
€
HT, par avenant signé en décembre 2020. Les termes
de cet avenant étaient défavorables à l’AMF, car si le développement de la fonctionnalité
s’avérait plus complexe qu’anticipé, il était bien décrit dans les clauses du marché, et avait été
discuté en phase de négociation. Tirant la conséquence de ce retard, l’AMF a signé en
octobre 2020 un avenant rééchelonnant les livrables et les paiements du projet et renonçant à
toute pénalité de retard.
4.1.2.4
Un pilotage du projet axé sur le respect du budget annuel
Le pilotage a eu essentiellement comme objectif de maîtriser le budget annuel quitte à
laisser le calendrier dériver. Celui-ci a progressivement évolué vers une livraison en octobre
2023, soit deux ans et demi après la date initialement fixée. Ce choix était contestable puisque
le dérapage important du calendrier s’est accompagné inévitablement d’une augmentation des
coûts internes et externes, d’une prolongation de coûts de maintenance et d’une obsolescence
de certaines spécifications initiales. La maîtrise du budget annuel s’est traduite par un
dépassement très significatif du coût cumulé du programme.
4.1.2.5
Des reports récurrents
Les reports du programme ont été incessants, avec
in fine
un impact fort sur la mise en
production du projet. Début 2019, du fait de la fonctionnalité «
as of
», la fin du projet est portée
à septembre 2021, soit un an après l’échéance fixée. En juillet 2021 un nouveau report de près
d’une année supplémentaire est annoncé. En 2022 de nouveaux décalages interviennent, suite
au retard pris dans les spécifications et dans les développements. La date de mise en production
est portée à octobre 2023, soit 3 ans de retard.
À ce jour, sont mis en production deux périmètres de l’application : les sociétés de
gestion de patrimoine depuis décembre 2020, les prestataires de services d’investissement
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
64
depuis mars 2022. Reste le périmètre relatif aux produits, pourtant capital, qui n’a été lancé en
novembre 2023 que sous forme de test. Une mise en service est prévue début 2024, ce qui
signifie que le programme ROSA pèsera encore lourdement sur le budget 2024 de l’AMF.
Pendant ce temps, l’obsolescence de BIO2 s’accroît, sa maintenance étant réalisée
a
minima
. Cette application présente désormais des vulnérabilités critiques en matière de sécurité.
4.1.2.6
Un dépassement important des coûts ayant contribué à la détérioration de la
situation financière
Le projet était estimé en coûts complets, y compris la phase de maintien en conditions
opérationnelles de BIO2, à 42,1 M
€
Il est progressivement passé à 52,1 M
€
en décembre 2022
puis à 53 M
€
mi-2023. Cette augmentation des coûts est liée d’une part, à la phase de réalisation
dont les coûts ont évolué du fait du travail d’écriture des spécifications et de développement et
d’autre part à l’allongement de la phase de maintien de BIO2.
La dernière estimation de juin 2023 actualise le coût à 53 M
€
mais n’est pas exhaustive
car elle ne comprend pas les coûts induits par le remplacement de l’outil de
business intelligence
adossé à BIO2, et par l’instauration des interfaces entre BIO2 et les autres outils (ICY, ONDE).
Ce dépassement des coûts lié à des défauts de conception et de pilotage a fortement contribué
à épuiser la trésorerie de l’AMF.
4.1.2.7
Des déficiences dans l’exécution des marchés
Le projet ROSA a fait l’objet de plusieurs marchés publics liés au pilotage et à la gestion
du projet, aux trois domaines fonctionnels concernés par le projet et au maintien en conditions
opérationnelles de BIO2. L’examen de ces marchés fait apparaître des défauts récurrents tels
que : la mauvaise estimation des montants prévus dans les marchés à bons de commande ; la
signature de bons de commande postérieure au versement d’acomptes, voire après réception
des travaux ; l’imprécision des bons de commande. Sur ce dernier point, le détail des prestations
ou des livrables attendus et les délais d’exécution n’étant pas définis, l’AMF se met dans
l’impossibilité de sanctionner les prestataires au titre de l’insuffisance du service fait ou du
retard.
4.2
Un projet immobilier aux principes, à la conduite et aux résultats
critiquables
L’AMF était traditionnellement située sur deux sites, pour une surface totale de
11 600 m² et un coût de fonctionnement de 5 M
€
par an :
-
le site historique de la rue Vivienne, pour une surface de 7 073 m² et un coût de 453
€
/m²
en 2021, avec un bail courant jusqu’à fin juin 2023 (AMF 1). Le montant du loyer annuel
était en 2021 de 3,2 M
€
;
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
65
-
le site de la place de la Bourse, pour une surface de 4 611 m² et un coût de 393
€
/m², avec
un bail courant jusque fin mars 2023 (AMF 2). Le montant du loyer annuel était en 2021
de 1,8 M
€
.
En 2020, l’AMF a commencé à réfléchir au renouvellement de son bail ainsi qu’aux
options alternatives qui se présentaient à elle. Un schéma directeur immobilier a été élaboré par
un cabinet spécialisé et présenté successivement au comex de l’AMF, au comité d’audit et au
collège en décembre 2020. Il a été adopté
in fine
en mars 2021 à la suite d’un avis favorable du
comité d’audit, et intitulé « AMF Now ». Les marchés correspondants ont été lancés à l’été.
L’objectif de sécuriser l’implantation immobilière de l’AMF au-delà de 2023 était
incontestable. En revanche, tant la solution choisie que sa mise en
œ
uvre juridique et ses
modalités d’exécution et de suivi soulèvent des critiques importantes.
4.2.1
Une décision contestable
4.2.1.1
Des hypothèses à la base du projet qui auraient dû être questionnées
Le schéma directeur a consisté à étudier les options au regard de deux projections :
-
le dimensionnement prévu des effectifs de l’AMF à l’horizon 2030, qui correspondait à la
fin anticipée d’un nouveau bail conclu pour 9 ans : la projection effectuée pariait sur une
hypothèse de 2 % de croissance annuelle sur 2020-2029, avec un total de collaborateurs et
de prestataires travaillant sur site passant de 700 à 840 environ, soit + 20 %. Cette donnée
n’était toutefois pas étayée et a été prise comme hypothèse de travail, sans qu’une
distinction fine soit effectuée entre les agents permanents ayant besoin d’un bureau
(511 personnes physiques en 2020) et les consultants (190 personnes environ par
soustraction). Un examen plus détaillé des besoins aurait permis d’apprécier les surfaces
nécessaires ;
-
dans le même temps, le développement du télétravail et du
flex office
, d’une part, de
l’open
space
, d’autre part, qui permettaient de gagner en taux d’occupation des locaux (de l’ordre
de – 35 %). Les projections ne distinguaient pas entre le gain de place permis par le
télétravail et le gain de place rendu possible par l’organisation en
open space
.
Sur cette base, il a été estimé que le besoin de l’AMF pouvait être fixé à un peu moins
de 10 000 m², soit une diminution de 1 600 m² environ correspondant à – 15 % des surfaces.
Des hypothèses moins volontaristes sur la croissance des effectifs et un aménagement
plus organisé du télétravail évitant la saturation sur certains jours de la semaine
auraient abouti
à un besoin de surface moins élevé et également à un besoin moins important de travaux.
4.2.1.2
Un choix de travaux de réaménagements immédiatement très coûteux gagés
par des économies d’espace et de loyers beaucoup plus étalées dans le
temps
Quatre options ont été étudiées :
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
66
-
une première option consistait à rester dans les deux locaux de l’AMF avec une
renégociation des baux et un réaménagement
a minima
(
stay 1
dit scenario de référence) ;
-
une deuxième option consistait à rester dans les deux locaux de l’AMF avec une
renégociation des baux et un réaménagement plus conséquent permettant une sous-location
de 1500 m² et un gain anticipé de 1 M
€
sur les loyers. Ce réaménagement était fondé sur
la quasi-suppression des bureaux individuels, la constitution
d’open space
et le recours au
télétravail (
stay 2
dit aménagé) ;
-
une troisième option consistait à réaliser les travaux d’aménagement permettant la
réduction d’espace du scénario 2 mais à déménager une partie des services logés dans
AMF 2 vers un nouveau site à la surface plus réduite nommé AMF 3, rue de Réaumur
(scénario mixte). L’économie de loyer était du même ordre de grandeur que dans le
scenario 2. C’est ce scénario qui a été finalement retenu ;
-
une quatrième option consistait à regrouper l’ensemble des services vers un site unique,
permettant un gain de place supplémentaire et un loyer plus réduit : un immeuble situé non
loin de la place de la Bourse, puis rue de Bercy dans le 12
ème
arrondissement, était envisagé
(scenario
Go
Paris Bercy).
Ces options ont donné lieu à quatre scenarii dont les chiffres ont été précisés au premier
semestre 2021, sachant que le premier scenario du maintien sans réaménagement important a
vite été abandonné.
La comparaison chiffrée des différents scenarii faisait apparaître un impact en dépenses
cumulées de travaux et de loyers sur 11 ans très légèrement favorable (1 M
€
sur un total de
101 M
€
de dépenses de loyers de 2021 à 2031) pour le scenario mixte comparé aux autres
scénarii. L’analyse effectuée en interne montrait cependant une relative équivalence entre les
différents scenarii et, avec d’autres hypothèses, un avantage financier en faveur du scénario de
référence (maintien sans travaux importants) ou du scénario de déménagement sur un nouveau
site. Surtout, les coûts de travaux à payer immédiatement étaient beaucoup plus importants dans
le scenario retenu, avec donc un impact sur la trésorerie supérieur.
4.2.1.2.1
Un intérêt économique limité
Plusieurs remarques peuvent être faites sur l’intérêt économique de la solution retenue.
Tout d’abord, l’intérêt économique était réduit compte tenu du montant des travaux et
de la durée du retour sur investissement anticipée. La présentation effectuée consistait à
comparer les différents scenarii en cumulant des dépenses de travaux immédiates avec des
loyers sur 10 ans, sans prise en compte de l’inflation et surtout sans actualisation des écarts de
loyers entre les différents scenarii évoqués. Cela revenait du coup à accorder la préférence à un
scenario entraînant des dépenses immédiates très coûteuses gagées par des économies de loyers
un peu plus fortes à moyen terme. La durée de 10 ans retenue ne correspondait par ailleurs ni à
la durée d’amortissement des travaux ni à la durée des nouveaux baux, plus courte pour l’un
d’entre-eux. La comparaison entre les investissements à réaliser immédiatement et
l’actualisation des économies réalisées sur la durée aurait fait apparaître l’intérêt d’une
renégociation des baux simple sans investissements massifs.
Même en ne retenant aucun taux d’actualisation, le délai de récupération de l’opération
(économies d’1 M
€
anticipées sur les loyers gageant des travaux immédiats de 12,7 M
€
) était
de 13 ans, ce qui était élevé et supposait d’être assuré de rester dans les locaux historiques de
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
67
la rue Vivienne. Or, le nouveau bail a été conclu en 2022 pour une durée de 10 ans ferme pour
les deux parties, sans certitude d’un renouvellement automatique et
a fortiori
d’un
renouvellement avec des prix identiques à ceux du nouveau bail signé.
L’intérêt économique de réaliser des travaux d’aménagement coûteux sur un bâtiment
dont l’AMF n’était que locataire n’a pas non plus été questionné. Les travaux étaient par ailleurs
évalués au plus juste sans prendre en compte un risque de surcoût et de dépassement des délais,
ou de location temporaire en cas de non disponibilité des locaux à la date envisagée. Ce tuilage
parfait n’ayant pas été possible, cela a entraîné des coûts supplémentaires.
Enfin, cette décision ne tenait pas compte de la situation de trésorerie difficile de l’AMF
et des autres investissements réalisés dans le même temps. La situation financière ainsi que les
perspectives que l’AMF présentait à l’été 2020 à sa tutelle auraient dû amener à réfléchir sur
l’intérêt d’engager de nouvelles dépenses significatives, fussent-elles gagées par des économies
futures, et à les différer au maximum. L’engagement de travaux pour un montant de 13 M
€
avait ainsi mécaniquement pour effet de réduire en deux ans la prévision de trésorerie à un
niveau proche de zéro, alors que l’impact des économies de loyers liées aux réductions de
surfaces ne pouvait se faire sentir qu’ultérieurement et était du reste limité à 1 M
€
par an.
L’intérêt d’un scénario entraînant moins de dépenses immédiates n’a jamais été évoqué dans
les débats qui ont eu lieu sur le schéma immobilier.
4.2.1.2.2
Des alternatives insuffisamment étudiées
Le scénario du regroupement sur un seul site moins central aurait pu être davantage
étudié. Associé à un prix du m² inférieur, il aurait permis une économie de loyer avec de
moindres travaux d’aménagement, même si les économies de surfaces avaient été moindres.
De même, l’option d’un maintien sur site avec des réaménagements moins coûteux a
insuffisamment été évoquée. Or, cette solution était possible avec une organisation du
télétravail permettant de répartir les journées de présence pour éviter les phénomènes de
concentration de la présence sur certains jours de la semaine et d’optimiser les surfaces
disponibles sans travaux conséquents.
La solution du réaménagement des espaces de travail avec
open space
massif et larges
espaces de convivialité s’est imposée rapidement sans que les avantages et les inconvénients en
soient pesés.
4.2.2
Des réalités opérationnelles et humaines insuffisamment prises en compte au
départ et pendant le déroulement du projet
Dès la remise de l’étude sur le schéma directeur en décembre 2020, le choix de la
direction de l’AMF s’est donc porté sur le scenario de maintien sur le site historique de la rue
Vivienne avec passage massif à
l’open space,
augmentation des espaces de convivialité (situés
à chaque étage) et suppression totale des bureau individuels, y compris pour les directeurs.
Il s’agissait d’un changement radical en peu de temps, difficile à mettre en place. Aussi
un comité de pilotage du projet associant la direction des fonctions support, le prestataire choisi
et une partie des directions métiers a été constitué fin 2021. Ce comité de pilotage s’est
effectivement réuni mais il a insuffisamment pris en compte les difficultés de mise en
œ
uvre.
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
68
Plusieurs dirigeants de l’AMF ont ainsi souhaité introduire des infléchissements dans
l’aménagement proposé, compte tenu de la nature des missions de l’AMF, tout en respectant
les principes
d’open space
et de
flex office
. Une note, communiquée à la direction de projet et
à la présidence en décembre 2021, rappelait ainsi la confidentialité des informations traitées par
les collaborateurs de l’AMF et la nécessité absolue de veiller au respect de celle-ci. En signalant
le risque posé par l’existence d’un
open space
généralisé et la proximité d’espaces de travail et
de convivialité, elle demandait la réduction et la mutualisation des espaces de convivialité et le
maintien d’un certain nombre de bureaux individuels.
De même, lors de la consultation du comité social et économique sur le projet
« AMF Now » en avril 2022, une expertise commandée par les représentants du personnel
soulignait certaines difficultés relatives aux spécificités de l’AMF auxquelles il était
insuffisamment répondu dans le projet : obligation de changer plusieurs fois par jour de position
de travail pour traiter les appels, besoin pour certains responsables d’avoir en permanence un
bureau individuel pour échanger sur les informations confidentielles, besoin pour certains
agents de conserver des dossiers dans des lieux sécurisés, risque d’un développement du
télétravail envisagé comme refuge pour bénéficier de la concentration suffisante.
Malgré ces remarques, le projet n’a été infléchi ni dans sa conduite ni dans ses modalités.
Au total, l’agencement des locaux d’AMF 1 à leur livraison en juin 2023 laisse sceptique
sur les gains en termes de fonctionnalité des espaces. Le télétravail n’ayant pas été encadré, les
jours de suroccupation se traduisent par l’utilisation des places disponibles dans d’autres
directions, de façon aléatoire. Les espaces de convivialité ou de
co-working
préemptent les
espaces de travail qu’ils rendent très bruyants. Aucun secrétaire général adjoint ne dispose de
bureau individuel, à l’exception de la directrice des enquêtes et des contrôles, ce qui impose à
chacun de devoir s’isoler fréquemment dans des « bulles individuelles » dès lors qu’un cas
sensible leur est soumis.
4.2.3
Un montage critiquable
Le montant des travaux était estimé en avril 2021 lors du lancement du projet à 12,7 M
€
avec plusieurs volets : conception et réalisation de travaux d’aménagement ; travaux préconisés
par l’audit technique ; renouvellement de mobilier et équipements informatiques.
Une étude de faisabilité a été lancée en mai 2021 afin de préciser la programmation du
projet. Le marché a suivi la procédure d’achat sans publicité ni mise en concurrence prévue à
l’article L.2122-1 du code de la commande publique. Dans les livrables attendus figuraient
autant les modalités d’occupation des espaces que le descriptif des travaux et le planning.
L’étude rendue en juillet 2021 proposait surtout une projection des modalités d’occupation des
locaux.
À la suite de cette étude, l’architecture du projet a été arrêtée.
Le montage du projet reposait sur un partage des travaux entre :
-
un marché de conception et de réalisation des travaux confié à un prestataire, avec un
accord-cadre mixte couvrant une partie forfaitaire relative à l’accompagnement du
changement et une partie relative à la réalisation de travaux « clé en main ». L’accord cadre
était passé selon une procédure adaptée restreinte autorisée par l’article L 2123-1 du code
de la commande publique. Cette procédure permettait d’accélérer la consultation en
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
69
limitant l’appel à la concurrence mais imposait en contrepartie un plafond de 5,35 M
€
HT
au marché en n’autorisant aucun dépassement ;
-
des marchés passés directement par l’AMF sur des lots complémentaires mais dissociables
comme le mobilier, les équipements informatiques hors câblage, la fourniture d’éclairage ;
-
des travaux exécutés par le bailleur d’AMF 1, dont une partie non négligeable était
refacturée à l’AMF.
Ce montage appelle plusieurs remarques.
4.2.3.1
Un marché de conception, de réalisation et de conduite du changement dont
le montant a été tenu au prix de limitations de périmètre
Sur la forme, alors que l’étude de faisabilité était encore en cours d’élaboration, un avis
d'appel public à la concurrence a été publié en juin 2021, avec des dates limites de remise des
candidatures et des offres fixées respectivement en juillet et septembre 2021. Ce délai était court
au regard de l’importance des travaux à évaluer et à chiffrer. Il laissait de surcroît peu de temps
aux candidats pour se positionner sur le marché, à l’exception de l’attributaire de l’étude de
faisabilité qui disposait déjà d’un projet en septembre 2021.
Le marché a été attribué en octobre 2021 par le DRST de l’AMF. Les critères
d’attribution tenaient compte de la pertinence de l’offre sur la conduite du changement mais
pas de l’expérience en matière de conduite et de réalisation de travaux d’aménagement, ce qui
était pourtant un élément essentiel du marché. S’agissant d’un projet important, il aurait été
préférable de réunir un comité d’engagement avec l’ensemble des parties prenantes et
notamment certaines directions métier.
Sur le fond, le choix d’un marché de conception-réalisation de travaux passé selon une
procédure adaptée imposait de se limiter à un montant de 5,35 M
€
HT. Cette limite avait une
vertu vis-à-vis du prestataire puisqu’elle lui imposait de se tenir à ce montant. Elle impliquait
en revanche d’avoir bien évalué les travaux correspondants.
Or, d’une part, il était clair que d’autres travaux seraient nécessaires au vu de l’étude du
cabinet de conseil de novembre 2020, de l’étude de faisabilité de juillet 2021 et des études sur
le schéma directeur ayant abouti à l’évaluation de 12,7 M
€
de coûts. Le montant de 5,35 M
€
HT
correspondait donc à une contrainte forte qui s’est révélée difficile à tenir. Dès le début du projet
en août 2021, l’AMF a été amenée à réévaluer à la hausse le montant des travaux.
D’autre part, ce montant s’entendait hors remboursement par l’AMF de certains travaux
effectués par le propriétaire qu’il importait de bien préciser au départ.
À cet égard, l’examen de l’accord cadre montre sur le contenu des travaux effectués par
l’attributaire quelques imprécisions voire quelques différences de périmètre entre les cahiers
des clauses techniques et l’exécution, qui ont facilité le respect du plafond de travaux.
Le périmètre des travaux inclus dans le budget soumis au plafond n’a été précisément
arrêté que tardivement, et en l’occurrence après la phase de remise des offres en
septembre 2021, en parallèle avec la négociation sur le renouvellement du bail. Cette incertitude
est d’ailleurs mentionnée dans une note interne au sujet de l’avenant n°2 au bail : «
compte tenu
des difficultés rencontrées par [l’attributaire] pour réaliser ces prestations et afin d’éviter tout
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
70
retard dans la réalisation du projet d’aménagement, ces prestations ont été confiées au
[bailleur]
».
Dès sa signature, le marché de conception et de réalisation des travaux ne couvrait
qu’une partie des travaux nécessaires pour la mise en
œ
uvre du projet. Les travaux exclus du
marché étaient renvoyés à d’autres marchés ou à des travaux réalisés par le propriétaire de
l’immeuble et refacturés à l’AMF. Le contenu de ce marché a de plus été aménagé pour rester
dans le plafond fixé par la procédure choisie, avec un jeu de vases communicants avec les
travaux confiés au propriétaire. Un tel montage était critiquable car cela revenait à piloter le
niveau des travaux confiés au prestataire par le montant et non par un périmètre fixe.
La procédure choisie n’était donc pas adaptée pour ce projet qui aurait dû être passé
selon une procédure formalisée d’appel à la concurrence.
Ce montage conduisait en outre à une complexité supplémentaire en matière de suivi
car il impliquait de surveiller en parallèle les travaux du propriétaire et ceux du prestataire, avec
des interférences fortes, pour s’assurer de la tenue du planning. L’AMF a assumé un rôle de
coordination des travaux qui ne relevait pas de ses compétences et aurait dû être confié à un
prestataire professionnel.
4.2.3.2
Des travaux importants réalisés par le propriétaire et en partie refacturés, ce
qui compense les gains obtenus lors de la renégociation du bail
L’étude initiale remise en novembre 2020 prévoyait une partie significative de travaux
techniques à réaliser pour remettre le bâtiment AMF 1 aux normes mais aussi pour permettre
l’augmentation des surfaces capacitaires souhaitée dans le cadre d’« AMF Now ». Ces travaux
étaient chiffrés à 2,8 M
€
TTC au total. La répartition estimée à ce moment portait sur 2 M
€
à
la charge du bailleur et 0,8 M
€
à la charge du preneur.
Le montant des travaux à entreprendre par le propriétaire a fait l’objet d’une
réévaluation importante dans le cadre des discussions sur le renouvellement du bail, puisqu’ils
sont passés de 2 M
€
à 4,3 M
€
. Il en a été de même des travaux réalisés par le propriétaire mais
refacturés à l’AMF, qui sont passés de 0,8 M
€
à 3 M
€
.
Les négociations sur le renouvellement du bail ont porté tant sur le montant du nouveau
loyer que sur le montant des travaux du propriétaire et plus particulièrement sur le montant des
travaux du propriétaire refacturés à l’AMF.
La première remarque porte sur la justification de ces refacturations. Une partie de ces
travaux concernait certains aménagements que le prestataire retenu avait des difficultés à
réaliser. Une autre concernait des travaux sur la structure de l’immeuble comme le
remplacement des réseaux horizontaux de ventilation et de climatisation ou le curage de
l’immeuble, qui relevaient principalement de la responsabilité du propriétaire et ajoutaient de
la valeur à l’immeuble dont l’AMF n’est pas propriétaire.
La seconde remarque porte sur le rôle qu’ont joué ces remboursements dans les
négociations sur le loyer lors du renouvellement du bail, ce qui pondère le jugement positif
qu’on peut porter sur leur efficacité. Alors que le schéma directeur anticipait une hausse très
importante du loyer d’AMF 1, de l’ordre de 1,1 M
€
avant franchise, le loyer obtenu aboutit à
une très légère augmentation du loyer avant franchise de 0,3 M
€
. La différence par rapport aux
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
71
prévisions est donc facialement de 0,8 M
€
par an sur 9 ans (soit 7,2 M
€
) mais elle est en fait
moindre si l’on tient compte des travaux refacturés par le propriétaire, dont le montant atteint
3 M
€
. Corrigé de ces coûts, le loyer économique
12
obtenu reste néanmoins dans la fourchette
du marché.
4.2.4
Un dépassement du coût du projet significatif et un intérêt financier peu avéré
Le dépassement des coûts s’est effectué en deux temps.
En avril 2022, le coût des travaux estimés à 12,7 M
€
a été réévalué de 1,7 M
€
compte
tenu du choix d’effectuer des travaux en site fermé et du montant des travaux confiés au bailleur
et refacturés par lui.
Dès la fin de l’année 2022 et tout au long de l’année 2023, de nouveaux dépassements
du projet ont été constatés, à hauteur de 2,5 M
€
, contribuant à augmenter le coût initial de
12,7 M
€
à 16,9 M
€
. Ces dépassements s’expliquent par des oublis dans la conception du projet
(sur les équipements informatiques), des défauts de réalisation amenant des surcoûts, des
retards nécessitant des locations temporaires, mais aussi des omissions (absence de store,
manque de salle de réunion suffisamment grandes). Les seules économies correspondent à des
renoncements à des prestations, comme la réalisation de faux-plafonds.
Il est possible que ce surcoût de 2,5 M
€
soit réduit à 1,8 M
€
par application de pénalités,
mais le prestataire pourrait activer la clause de révision de prix.
Compte tenu de ces éléments, l’intérêt financier du projet par rapport à d’autres
solutions moins coûteuses en travaux n’est pas vraiment avéré. Il convient en effet de rapporter
au montant total des travaux payé par l’AMF, défalqué des pénalités applicables, soit 16 M
€
environ, la seule économie réelle liée à la réduction de surfaces et l’installation dans un bâtiment
AMF 3 moins spacieux qu’AMF 2, qui est de 1 M
€
par an environ.
4.2.5
Des problèmes d’exécution conduisant désormais à préparer un contentieux
Dès le début 2023, des carences importantes sont apparues dans l’exécution des
marchés, renvoyant à des défauts des prestataires mais aussi au manque de coordination des
travaux menés par ceux-ci. Plusieurs points retiennent l’attention, comme une impossibilité
technique de couvrir par des faux-plafonds certains circuits de climatisation, la nécessité de
procéder à un rabotage des sols, la nécessité de prévoir des stores aux fenêtres.
Devant l’accumulation des défectuosités, la présidente de l’AMF a été conduite à signer
le 30 juin 2023 une décision de réception sous réserves de certains niveaux d’AMF 1 et une
décision de non réception des niveaux RDC, R+4 à R+8. Un dossier contentieux est en cours
de préparation avec l’envoi d’un référé constat le 8 août 2023 auprès du juge administratif et la
12
Le loyer économique correspond au loyer facial moins l'ensemble des mesures d'accompagnement qui
ont pu être négociées telles qu'une franchise de loyer, la prise en charge de travaux d'aménagement de la part du
bailleur, etc.
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
72
demande d’une expertise judiciaire pour établir avec force probante la liste des carences au
regard du marché initial.
______________________ CONCLUSION INTERMÉDIAIRE ______________________
Les grands projets lancés par l’AMF à partir de 2017 ont consommé l’intégralité de ses
marges de man
œ
uvre mais ils se sont aussi traduits par des difficultés de réalisation et par des
résultats contrastés. Ils ont souvent été lancés sans examen de leur contenu détaillé, sans
analyse des conditions de mise en
œ
uvre et sans prise en compte de la capacité interne à les
traiter. Leur réalisation a entraîné le recours à des prestataires de façon importante, sans que
leur pilotage soit suffisamment rigoureux. Il en est résulté des dépassements de coûts et de
délais et des réalisations décevantes, comme dans le cas du projet informatique ROSA qui
n’était pas livré totalement fin 2023, sept ans après son lancement, ou du projet immobilier.
S’agissant de ROSA, la direction de projet a fait appel à des recrutements externes et à
des prestataires, avec un apport du métier insuffisant. De plus, certaines fonctionnalités étaient
ambitieuses et posaient des problèmes de faisabilité. Ceci a entraîné un travail très long de
spécifications, insuffisamment anticipé. Dans le même temps, la direction du projet a privilégié
le respect du budget annuel au détriment des délais, conduisant à des coûts supplémentaires.
En dépit de nombreux audits, la gouvernance des systèmes d’information se caractérise
encore par un pilotage trop lâche, une vision non exhaustive des projets et un mode de conduite
plus axé sur la décision de lancement que sur le suivi opérationnel et les arbitrages. A cela
s’ajoute un portefeuille de projets trop important et non priorisé ainsi qu’une mauvaise prise
en compte de la capacité à les réaliser et à les suivre en interne. Ceci entraîne un recours très
important à des prestataires.
Un autre exemple de dérive concerne l’immobilier. L’AMF a cherché fin 2020 à
optimiser son implantation pour éviter l’impact anticipé de la hausse des loyers et s’est orientée
sur une solution de maintien sur le site actuel combiné avec des travaux très importants
(12,7 M
€
estimés, 16,9 M
€
aujourd’hui) ayant pour objectif un gain de surfaces de 15 %
environ et une économie de loyers de 1 M
€
par an environ. Cette décision ne prenait pas en
compte l’impact immédiat sur la trésorerie de l’AMF, déjà en situation difficile, alors que les
bénéfices attendus étaient très étalés dans le temps. L’exécution de ce projet appelle des
observations sur le montage retenu, les carences des prestataires et leur pilotage.
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
73
ANNEXES
Annexe n° 1.
Comparaison des périmètres d’activité et des moyens
des autorités européennes de régulation des marchés
Annexe n° 2.
Organigramme détaillé de l’AMF en janvier 2024
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
74
Annexe n° 1.
Comparaison des périmètres d’activité et des moyens des autorités
européennes de régulation des marchés
Ces autorités n’ont pas toujours le même champ de compétences que l’AMF. Elles exercent en
outre leurs missions sur des places financières de tailles très différentes
Source : AMF
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
75
Annexe n° 2.
Organigramme détaillé de l’AMF en janvier 2024