ENTITÉS ET POLITIQUES PUBLIQUES
LA POLITIQUE
DE PÉRINATALITÉ
Des résultats sanitaires médiocres,
une mobilisation à amplifier
Rapport public thématique
Mai 2024
•
Sommaire
Procédures et méthodes
................................................................................
5
Synthèse
.........................................................................................................
9
Récapitulatif des recommandations en réponse aux questions
évaluatives
.....................................................................................................
15
Introduction
..................................................................................................
17
Chapitre I Des indicateurs de santé périnatale en aggravation,
marqués par de fortes inégalités
.................................................................
21
I - Des facteurs de risques périnatals dont la prévalence augmente
...............
22
A - Une progression globale des risques périnatals
..............................................
22
B - Des risques périnatals plus élevés pour les mères de catégories sociales
défavorisées, nées à l’étranger ou
vivant outre-mer
....................................................
29
II - Des résultats nettement en-dessous de la moyenne européenne
...............
34
A -
Une convergence d’indicateurs défavorables
.................................................
34
B - Des résultats contrastés selon les territoires et situations sociales
..................
40
III -
Des instruments d’analyse épidémiologique à amé
liorer pour
orienter l’action publique
...............................................................................
41
A - Une organisation et un contenu des données de santé périnatale
imparfaits
..............................................................................................................
42
B - Constituer un registre des naissances fondé sur le système national des
données de santé (SNDS)
.....................................................................................
46
Chapitre II Une offre de soins inadaptée et peu efficiente
......................
49
I - Une organisation coûteuse, qui ne garantit ni la disponibilité ni la
qualité des soins
.............................................................................................
50
A - Un réseau de maternités présentant encore des faiblesses
....................................
51
B - Des tensions démographiques persistantes et une mauvaise répartition
des moyens
...........................................................................................................
57
C - Une offre de soins périnatals à planifier de façon globale
....................................
63
II - Une contribution insuffisante de la protection maternelle et infantile
à la politique de périnatalité
...............................................................................
69
A - Des fragilités connues aux conséquences défavorables pour la
périnatalité
............................................................................................................
70
B - Des progrès récents mais encore insuffisants
..................................................
71
III - Des moyens de coordination des soins périnatals à optimiser
................
73
A - Une adaptation nécessaire des structures de coordination
......................................
73
B -
Des dispositifs perfectibles d’accompagnement individuel des patients
.........
76
COUR DES COMPTES
4
Chapitre III Une politique publique portant sur un domaine trop
étroit
..............................................................................................................
81
I - Un volontarisme renouvelé mais des écueils dans les stratégies
récentes
..........................................................................................................
82
A - Une moindre efficience de la dépense publique consacrée à la politique
de périnatalité
.......................................................................................................
82
B - De nouvelles ambitions au champ trop limité
.................................................
84
C - Une politique de périnatalité moins structurée
................................................
87
II - Une portée insuffisante de la prévention périnatale
........................................
89
A - Un dépistage des risques psychiques encore fragile
.......................................
90
B -
Des mesures de prévention à l’efficacité encore réduite
.................................
92
III - Adapter la prévention et
l’accompagnement parental
.............................
97
A - Concentrer la prévention sur les facteurs de risques les plus importants
........
97
B -
Des dispositifs d’accompagnement parental à rendre plus
compréhensibles et accessibles
.............................................................................
99
Conclusion générale
...................................................................................
105
Liste des abréviations
................................................................................
109
Annexes
.......................................................................................................
113
•
Procédures et méthodes
En app
lication de l’article L. 143
-6 du code des juridictions
financières, la Cour des comptes publie chaque année un rapport public
annuel et des rapports publics thématiques.
C
es travaux et leurs suites sont réalisés par l’une des six chambres
que comprend la Cour ou par une formation associant plusieurs chambres
et/ou plusieurs chambres régionales ou territoriales des comptes.
Trois principes fondamentaux gouvernent l’organisation et l’activité
de la Cour ainsi que des chambres régionales et territoriales des comptes,
donc aussi bien l’exécution de leurs contrôles et enquêtes que l’élaboration
des rapports publics :
l’indépendance, la contradiction et la collégialité.
L’
indépendance
institutionnelle des juridictions financières et
l’indépendance statutaire d
e leurs membres garantissent que les contrôles
effectués et les conclusions tirées le sont en toute liberté d’appréciation.
La
contradiction
implique que toutes les constatations et appréciations
faites lors d’un contrôle ou d’une enquête, de même que tout
es les observations
et recommandations formulées ensuite, sont systématiquement soumises aux
responsables des administrations ou organismes concernés ; elles ne peuvent
être rendues définitives qu’après prise en compte des réponses reçues et, s’il y
a lieu, après audition des responsables concernés.
Sauf pour les rapports réalisés à la demande du Parlement ou du
Gouvernement, l
a publication d’un rapport est nécessairement précédée par
la communication du projet de texte, que la Cour se propose de publier, aux
ministres et aux responsables des organismes concernés, ainsi qu’aux autres
personnes morales ou physiques directement intéressées. Dans le rapport
publié, leurs réponses sont présentées en annexe du texte de la Cour.
La
collégialité
intervient pour conclure les principales étapes des
procédures de contrôle et de publication. Tout contrôle ou enquête est confié
à un ou plusieurs rapporteurs. Le rapport d’instruction, comme les projets
ultérieurs d’observations et de recommandations, provisoires et déf
initives,
sont examinés et délibérés de façon collégiale, par une formation
comprenant au moins trois magistrats. L’un des magistrats assure le rôle de
contre-rapporteur et veille à la qualité des contrôles.
COUR DES COMPTES
6
Le présent rapport d’évaluation est issu d’une enquête condu
ite sur
le fondement de l’article L.
143-6 du code des juridictions financières qui
permet à la Cour des comptes de mener des enquêtes thématiques et de
l’article L.
111-13 du même code, selon lequel la Cour des comptes
contribue à l’évaluation des politiq
ues publiques.
Dans ses évaluations, la Cour s’attache notamment à apprécier les
résultats de la politique publique examinée au regard à la fois des objectifs
poursuivis (efficacité) et des moyens mis en œuvre (efficience). Ce rapport
a été préparé par la deuxième section « Politiques et dépenses de santé » de
la Sixième chambre.
Le lancement des travaux de la Cour a été notifié aux administrations
et organismes publics concernés par lettres en date du 8 septembre 2022, du
26 octobre 2022, du 21 novembre 2022 et du 10 février 2023.
Les rapporteurs ont conduit une centaine d’entretiens auprès des
administrations concernées, au premier rang desquelles le ministère chargé
de la santé, l’assurance maladie, les agences et autorités sanitaires. Ont
également été sollicités les représentants ordinaux, professionnels et
syndicaux des professions de santé impliquées dans la santé périnatale, les
représentants des principales sociétés savantes et associations œuvrant en la
matière, de même que les principales fédér
ations d’établissements de santé.
Des analyses plus approfondies ont été menées dans quatre régions
et sept départements ou collectivités : Île-de-France (Seine-Saint-Denis et
Val-
d’Oise), Auvergne
-Rhône-Alpes (Cantal, Drôme et Isère), Guadeloupe
et Guyane. Les rapporteurs se sont déplacés dans ces deux derniers
territoires en avril 2023. Ont été rencontrés des représentants des ARS, des
caisses primaires d’assurance maladie (ou des caisses générales de sécurité
sociale), des caisses d’allocations familia
les, des représentants des conseils
départementaux pour les services spécialisés de la protection maternelle et
infantile, des réseaux de santé en périnatalité, et ponctuellement, des
associations de prévention ou de promotion de la santé et des structures de
soins primaires (communautés professionnelles territoriales de santé,
maisons de santé pluriprofessionnelles ou centres de santé).
Les comparaisons internationales ont été menées à partir d’une revue
de la littérature scientifique. Les rapporteurs ont aussi bénéficié des
informations consolidées, à leur demande, par la délégation aux affaires
européennes et internationales au sein du secrétariat général des ministères
chargés des affaires sociales, à partir des réponses transmises par le réseau
des conseillers pour les affaires sociales des ambassades.
PROCÉDURES ET MÉTHODES
7
La Cour s’est dotée d’un comité d’accompagnement composé des
personnalités suivantes (par ordre alphabétique) : Pierre-Yves Ancel
(médecin et professeur de santé publique), Emmanuelle Bauchet (médecin de
santé publique), Alexandra Benachi (gynécologue-obstétricien), Charlotte
Bouvard (présidente de l’association SOS PREMA), Nicolas Brun (Union
nationale des associations familiales), Isabelle Claudet, (pédiatre), Michel
Dreyfus (gynécologue-obstétricien, président de la Société française de
médecine périnatale), Michel Dugnat (pédopsychiatre), Charles Eury
(infirmier puériculteur, président du Collège des infirmières puéricultrices),
Anne Evrard (sage-femme, co-présidente du Collectif inter-associatif autour
de la naissance), Adrien Gantois (sage-femme), Sophie Guillaume (sage-
femme), Mayalen Iron (directrice de projet « 1 000 premiers jours »,
Secrétariat général des ministère sociaux), Michel Laforcade (ancien directeur
général de l’ARS Nouve
lle-Aquitaine), Israël Nisand (gynécologue-
obstétricien), Sylvie Rey (médecin de santé publique), Sébastien Riquet
(sage-femme), Jean-Christophe Rozé (pédiatre, président de la Société
française de néonatologie) et Jean louis Simenel (gynécologue-obstétricien).
Le comité d’accompagnement a été consulté à trois reprises
: au
lancement de l’enquête, à la suite des entretiens nationaux et à l’achèvement
du rapport.
Afin
d’enrichir
les indicateurs relatifs à la périnatalité, la Cour a
conclu un partenariat av
ec l’équipe
« Épidémiologie obstétricale périnatale
et pédiatrique, UMR 1153 CRESS, Inserm, Université Paris Cité » (EPOPé
Inserm UPC), équipe de référence en matière de santé périnatale en France.
Ce partenariat fructueux a permis de disposer de données originales,
reprises dans toutes les parties du rapport. Pour
bénéficier d’un regard
scientifique robuste sur les résultats ainsi produits, les rapporteurs ont
sollicité
l’appui du Dr Mathieu Levaillant, médecin de santé publique ayant
récemment conduit des travaux de recherche sur la santé périnatale.
Le projet de rapport a été délibéré le 2 février 2024 par la sixième
chambre présidée par M. de la Guéronnière, président de section et
conseiller maître, et composée de Mmes Soussia et Charolles, conseillères
maître et MM. Machard, Burckel, Bizeul et Rabaté, conseillers maîtres,
ainsi que, en tant que rapporteurs, M. Dorlhiac, conseiller référendaire,
M. Gonalons, conseiller référendaire en service extraordinaire, et en tant
que contre-rapporteur M. Fourrier, conseiller maître.
COUR DES COMPTES
8
Il a été examiné le 12 mars 2024 par le comité du rapport public et
des programmes de la Cour des comptes, composé M. Moscovici, Premier
président, M. Rolland, rapporteur général, M. Charpy, Mme Camby, Mme
Hamayon, M. Bertucci, M. Meddah et Mme Mercereau, présidentes et
présidents de chambre de la Cour, M. Oseredczuk, président de section,
représentant la présidente de la cinquième chambre, M. Strassel,
M. Lejeune, M. Serre, Mme Daussin-Charpantier, Mme Renet, présidentes
et présidents de chambre régionale des comptes, M. Gautier, procureur
général, entendu en ses avis
.
Les rapports publics de la Cour des comptes sont accessibles en ligne
sur le site internet de la Cour et des chambres régionales et territoriales des
comptes : www.ccomptes.fr.
Ils sont diffusés par La Documentation Française.
Synthèse
La notion de périnatalité se rapporte aux circonstances entourant la
naissance et recouvre des acceptions plus ou moins larges selon la
définition retenue. Dans ce rapport, elle est définie par la période allant de
la fin du
premier trimestre de la grossesse jusqu’à l’âge d’un an de l’enfant.
La fin de la grossesse et les premiers mois après l’accouchement
représentent une période sensible pour le développement de l’enfant. De
nombreux facteurs déterminent son bien-être physique, psychique, et son
développement émotionnel ou cognitif. Ils peuvent avoir des effets
immédiats, mais aussi s’exprimer tout au long de la vie de l’individu
, et
avoir des conséquences considérables sur le niveau des dépenses de santé.
Cette période présente également des défis spécifiques pour la santé des
femmes en particulier et d’accompagnement parental en général, emportant
des enjeux en matière de prévention, de prise en charge et de suivi.
Alors que les moyens consacrés à la politique de périnatalité sont
toujours plus importants (9,3
Md€
en 2021, + 9 % par rapport à 2016) et que
la natalité recule (- 5,3 % sur même la période), les résultats observés au plan
sanitaire posent
la question de l’efficience des moyens alloués.
Les principaux indicateurs de la santé périnatale
–
mortinatalité,
mortalité néonatale et mortalité maternelle
–
mettent en évidence une
performance médiocre de la France par rapport aux autres pays européens.
Elle a, en outre, baissé dans la période récente.
Le taux de mortinatalité en France, correspondant au rapport entre
le nombre d’enfants nés sans vie et le nombre de naissances totales, est,
depuis vingt ans, parmi les plus élevés d’Europe
(3,8
‰
pour la période
allant de
2015 à 2020). En outre, la France est l’un des seuls pays dans
lesquels il n
e s’est pas amélioré depuis 2000.
Pour la mortalité néonatale, correspondant aux décès d’enfants
intervenus au cours du premier mois de vie, la France se situe au 22
e
rang
sur 34 pays européens, avec un taux de 2,7
‰
. La trajectoire est
défavorable depuis 2012, après une amélioration constatée entre 2001 et
2011. Si le taux de mortalité néonatale français avait été identique à celui
des meilleurs pays européens, près de 40 % des décès enregistrés en France
entre 2015 et 2017 auraient pu être évités, soit 2 079 enfants.
COUR DES COMPTES
10
Les décès maternels, enfin, sont des événements rares, 90 étant recensés
en moyenne chaque année. Le taux de décès pendant la grossesse
jusqu’au
42
e
jour après
la naissance, indicateur de référence international, s’élève
en France
à 8,5 pour 100 000 naissances vivantes. Il est comparable à la moyenne des
pays européens. 60 % des décès maternels sont néanmoins considérés comme
potentiellement évitables. Dans les deux tiers des cas, ils sont intervenus après
des soins non-optimaux, en raison notamment de dysfonctionnements dans le
système de prise en charge et dans les parcours de soins périnatals.
Au soutien des constats formulés par le présent rapport, la Cour a
répondu à quatre questions évaluatives, déterminées préalablement à
l’enquête.
Les facteurs explicatifs des résultats médiocres de la France
en matière de santé périnatale sont-ils clairement identifiés
et orientent-il suffisamment les dispositifs de prévention
et de
prise en charge sanitaire de la grossesse, de l’acc
ouchement
et de la première année post-partum ?
Des risques importants et dont la prévalence progresse pour certains
L’obésité ou le surpoids des femmes avant la grossesse constituent
des facteurs de risques, de même que les prises de poids inadaptées pendant
la grossesse, qu’elles soient trop importantes ou, au contraire, insuffisantes.
Les pratiques addictives et les consommations à risque de drogues, d’alcool
ou de tabac, malgré des évolutions positives, demeurent à des niveaux
élevés, en dépit de leur
toxicité pour la mère et pour l’enfant.
La fréquence de la prématurité et du petit poids à la naissance
(inférieur à 2 500 grammes) est stable depuis 2016, après une augmentation
continue pendant la décennie précédente. Les taux de prématurité et de petit
poids à la naissance atteignent, chacun, 7 %, ce qui situe la France à un
niveau médian en Europe.
La part des grossesses tardives, intervenant après 35 ans, progresse
et représente désormais près du quart des naissances en France. Elles sont
associées à des risques majorés pour les mères comme pour les enfants,
ainsi qu’à des complications obstétricales plus importantes.
Des inégalités sociales et territoriales de santé périnatale
L’état de santé périnatal est caractérisé par de fortes inégalités
sociales et territoriales. La précarité des familles et des mères, évaluée par
le niveau de revenu, de diplôme ou de l’accès à une couverture sociale, est
associée à une morbidité maternelle et infantile plus importante et à des
complications et issues négatives de la grossesse. Ces inégalités sont plus
fortes pour les mères nées à l’étranger, dont les situations sociales sont
SYNTHÈSE DE L’ÉVALUA
TION
11
corrélées à des morbidités et à des risques plus importants, alors même que
près du quart des naissances sont issues de mères étrangères. Enfin, les
territoires outre-mer concentrent des difficultés particulières.
Un système de suivi épidémiologique lacunaire
Faute d’un système d’information périnatal unifié et malgré l’apport
précieux des enquêtes périodiques existantes, le dispositif de surveillance
et d’analyse épidémiologique ne permet pas d’identifier
et de hiérarchiser
les facteurs explicatifs des indicateurs de santé périnatale et, par
conséquent, d’orienter utilement l’action publique.
La qualité du suivi de la santé périnatale pourrait être facilitée par la
mise en place d’un système d’information plus performant, véritable registre
des naissances à même de produire des données enrichies. Le système
national des données de santé (SNDS) est susceptible, à condition d’être
progressiv
ement élargi, de constituer l’outil adéquat pour atteindre l’objectif,
requis par les standards européens, de centralisation de la production des
données. Les informations relatives à la naissance de l’enfant, issues de l’état
civil, pourraient être ainsi appariées de façon pérenne au SNDS afin de
produire des indicateurs de santé périnatale plus robustes.
Dans quelle mesure l’évolution de l’organisation des soins a
-t-elle
permis d’améliorer la sécurité et la qualité des prises en charge
et donc de réduire la mortalité périnatale, la mortalité maternelle
et la morbidité maternelle sévère de manière pérenne ?
Une offre de soins inadaptée aux enjeux actuels de la périnatalité
L’organisation des soins et la qualité des prises en charge jouent
un rôle décisif dans la prévention des risques et des dommages en matière
de santé périnatale, notamment lors de l’accouchement et des suites de la
naissance. Or, la situation présente ne répond pas aux exigences de sécurité
optimale ni d’efficience dans l’organisation de l’offre de soins.
La réglementation relative à l’organisation et aux conditions
techniques de fonctionnement des maternités, inchangée depuis vingt-cinq
ans, n’apparaît adaptée ni à l’évolution des prises en charge ni à la
restructuration de l’offre de so
ins des dernières décennies.
L’évolution de l’offre de soins en matière de périnatalité est, par
ailleurs, insuffisamment pilotée par les autorités sanitaires, dans un contexte de
forte tension sur les ressources humaines. Une vingtaine de maternités déroge
toujours au seuil minimal de 300 accouchements annuels, fixé en 1998 au
regard d’exigences de qualité et de sécurité des soins. Le constat des difficultés
croissantes des maternités assurant moins de 1 000 accouchements annuels
COUR DES COMPTES
12
pour attirer et conserver des personnels qualifiés plaide par ailleurs pour une
analyse au cas par cas des conditions d’exercice de leurs missions. Concernant
les soins critiques néonatals, de fortes disparités sont constatées entre les
régions et une réévaluation à la hausse d
e l’offre dans certains territoires
apparaît souhaitable. Enfin, les femmes aux grossesses à risque devraient
toujours être suivies dans des établissements en mesure de prendre en charge
leurs possibles complications et celles pouvant affecter leurs nouveau-nés.
Ces constats plaident pour une révision de l’organisation de l’offre
de soins périnatale, dans le but d’améliorer la sécurité des prises en charge,
et de garantir une plus grande efficience des moyens alloués.
Afin de conforter l’équilibre démograp
hique des métiers
de la
périnatalité, un effort dans l’offre de formation des professionnels
de la naissance apparaît nécessaire, en tenant compte du lieu effectif et
de la
nature de l’exercice des professionnels en activité. Une amélioration
de l’attractivité de ces professions à l’hôpital, dans les services de
la protection maternelle et infantile (PMI) et en ville, notamment dans
les territoires les moins bien dotés, devrait également être recherchée.
La stratégie des « 1 000 premiers jours », une ambition renouvelée
mais
un champ d’action trop limité
La France s’est dotée de plans périnatalité structurés et mobilisateurs
entre 1970 et 2007. La politique publique repose aujourd’hui sur une
conception plus diffuse. Ainsi, les objectifs portés par la stratégie nationale de
santé (SNS) 2018-2022 au titre de la périnatalité ont été repris, parfois de
manière redondante, dans une dizaine de plans thématiques distincts.
Une ambition
nouvelle s’est affirmée depuis 2021 à travers
la
stratégie des « 1 000 premiers jours », entendu comme la période allant du
début de la grossesse aux deux ans de l’enfant. Ce plan porte des dispositifs
structurants, comme le soutien à la généralisation des entretiens prénatal et
postnatal précoces, le renforcement des équipes médico-psycho-sociales
dans les maternités, ou encore l’expérimentation du référent parcours
périnatalité (Répap), mais aussi des actions plus accessoires. Une place
importante est laissée aux expérimentations, dont le caractère parfois
éphémère peut
entraîner l’essoufflement des acteurs qui s’y impliquent,
avec le risque de perte de visibilité des objectifs à atteindre à long terme.
Cette nouvelle approche, davantage orientée vers la dimension
préventive,
témoigne
d’un
volontarisme
b
ienvenu
en
faveur
de
l’appréhension des risques psychiques et développementaux liés à la
périnatalité, et en faveur de la lutte contre les inégalités sociales et de santé.
Néanmoins, elle est affaiblie par sa dimension trop partielle, avec une
insuffisante prise en compte de la qualité et de la sécurité des soins périnatals,
SYNTHÈSE DE L’ÉVALUA
TION
13
qui participent des faibles performances de notre pays en la matière.
Outre-
mer, malgré une mobilisation importante, l’application du plan ne
s’adapte pas aux vulnérabilités économique
s particulières dont souffrent ces
territoires, ni à leurs spécificités géographiques ou socio-culturelles.
Une gouvernance plus efficace pourrait découler d’un plan stratégique
pluriannuel explicitement consacré à la périnatalité, couvrant à la fois les
enjeux identifiés dans le cadre de la stratégie des « 1 000 premiers jours » et
ceux liés à la qualité et à la sécurité des soins, insuffisamment pris en compte
aujourd’hui. Dans ce cadre, des leviers d’actions spécifiques à l’outre
-mer,
voire à cha
cun de ses territoires, devraient être identifiés, de même qu’un
soutien financier proportionné aux enjeux sanitaires et sociaux locaux. Pour
assurer la gouvernance de ce plan et en renforcer la visibilité, il serait opportun
de restaurer la commission nat
ionale de la naissance et de la santé de l’enfant,
de revoir sa composition et d’élargir son champ d’action à la santé des mères.
Des moyens de coordination des soins périnatals à optimiser
Compte tenu de la diversité et de la complexité des parcours que
peuvent emprunter les femmes enceintes, les mères et leurs nouveau-nés
selon le risque médical qu’ils encourent ou leur vulnérabilité, la coordination
des professionnels de santé qui interviennent en ville, à l’hôpital ou en
protection maternelle et infantile (PMI) constitue un enjeu central.
Il serait pertinent de clarifier les rôles, périmètres et responsabilités
respectifs des structures contribuant à cette coordination (dispositifs
d’appui à la coordination, communautés professionnelles territoriales d
e
santé, etc.) et des acteurs proposant un accompagnement personnalisé aux
patients (référent parcours périnatalité, sage-femme référente).
En quoi les mesures de prévention primaire et secondaire
des risques pouvant affecter la santé des mères et des enfants
et le développement des enfants ont-elles effectivement permis
de réduire les cas de morbidité grave et de mortalité à la naissance
et au cours de la première année de vie ?
La prévention doit être renforcée afin de réduire durablement les facteurs
de risques de la période périnatale et d’améliorer la santé de la femme et de
l’enfant. Des évolutions positives ont été constatées, comme l’élargissement du
nombre de maladies rares faisant l’objet d’un dépistage néonatal.
Des insuffisances perdurent toutefois. Des actions de dépistage ou
de vaccination promues par les autorités sanitaires, malgré leur pertinence,
ont une portée limitée. De surcroît, elles ne touchent pas efficacement les
publics les plus à risque, notamment les femmes en situation précaire ou
celles cumulant certaines pathologies
, dans l’hexagone comme outre
-mer.
COUR DES COMPTES
14
Pour être plus efficace, l’action des pouvoirs publics
devrait être
ciblée sur les facteurs de risques de la mère, en s’efforçant de mieux diffuser
les recommandations sanitaires auprès des professionnels de santé et des
familles. Le renforcement de la prise en compte des situations individuelles
des mères est nécessaire, en fonction de leurs parcours et des facteurs de
risques connus. Le recours plus important aux entretiens prénatal et postnatal
précoces, encore trop peu utilisés, pourrait y contribuer.
En quoi l’accompagnement des parents, avant ou après
l’
accouchement, permet-il une meilleure prévention de la souffrance
psychique, en particulier de la dépression du post-partum,
et des troubles de la relation entre les parents et les enfants,
ainsi que des violences et maltraitances sur les enfants ?
La récente stratégie des « 1 000 premiers jours » est orientée vers la
prévention des risques psychiques et développementaux liés à la période
périnatale. Cependant, l’insuffisante portée de certaines mesures au cœur
de cette stratégie, les care
nces de l’offre de soins en psychiatrie périnatale,
tout comme au plan social, le foisonnement des mesures et structures
d’accompagnement parental, limitent la prévention et la prise en charge des
phénomènes de souffrance psychique et des troubles de la relation entre les
parents et les enfants.
Dans ce cadre, il parait préférable de surseoir au démantèlement en
cours
du service d’accompagnement du retour à domicile
« Prado
maternité »
par l’assurance maladie
. Celui-ci a démontré son efficacité et
devrait être maintenu
jusqu’à ce que d’autres leviers de coordination des
parcours de soins périnatals aient démontré une égale pertinence.
Enfin, une mise en cohérence et une plus grande lisibilité des
dispositifs de soutien à la parentalité (réseaux d’écoute, d’appui et
d’accompagnement des parents –
Reaap
–
et lieux d’accueil enfants
-
parents
–
Laep) serait opportune afin de concentrer l’effort sur les
dispositifs les plus efficaces et de mieux coordonner les acteurs sociaux et
les professionnels de santé intervenant dans ce domaine.
Les sept recommandations formulées par la Cour visent à dessiner
des voies de progrès au titre des enjeux soulevés par chacune des quatre
questions évaluatives.
Récapitulatif des recommandations
en
réponse aux questions évaluatives
Au titre de la première question
1.
Enrichir le système national des données de santé (SNDS) avec les
bases de données manquantes (bulletins de l’état civil, certificats de
santé de l’enfant), de façon à aboutir à un registre unique des
naissances
(ministère du travail, de la santé et des solidarités, Cnam)
*.
Au titre de la deuxième question
2.
Pour
chacune
des
maternités
pratiquant
moins
de
1 000
accouchements par an, conduire au niveau régional une revue
périodique de l’activité, prenant en compte la qualité et la sécurité des
s
oins et en tirer des conséquences sur l’opportunité
et les conditions de
la poursuite de leur activité
(ministère du travail, de la santé et des
solidarités)**
.
3.
Revoir les décrets fixant les normes de fonctionnement des unités
d’obstétrique et de néonatolo
gie afin de mieux prendre en compte la
concentration de l’activité dans les plus importantes d’entre elles
dans
un cadre de gradation des soins, ainsi que les conséquences d’une prise
en charge plus précoce des prématurés (
ministère du travail, de la
santé et des solidarités
)**.
5.
Intégrer dans la stratégie périnatale, dite des « 1 000 premiers jours »,
les enjeux liés à la qualité et à la sécurité des soins
(ministère du
travail, de la santé et des solidarités)**
.
6.
Identifier et mettre en place des actions spécifiques pour améliorer la
périnatalité outre-mer (
ministère du travail, de la santé et des
solidarités, ministère de l'intérieur et des outre-mer, Cnam
)**.
COUR DES COMPTES
16
Au titre de la troisième question
7.
Renforcer l’effectivité de la prévention périnatale,
en particulier
s’agissant de l’entretien prénatal précoce et des suites qui y sont
données. À cette fin, développer la formation aux enjeux et à la
conduite de cet entretien et préciser le protocole de communication des
résultats aux professionnels de santé intervenant dans la suite du
parcours de soins
(ministère du travail, de la santé et des solidarités,
Cnam, Santé publique France)**
.
Au titre de la quatrième question :
4.
Conforter le programme d’accompagnement du retour à domicile
consacré à l’obst
étrique (Prado « maternité ») tant que des dispositifs
alternatifs plus efficaces n’auront pas été déployés, notamment en
faveur des femmes les plus vulnérables (
Cnam
)**.
* Recommandation de gestion.
** Recommandation de politique publique.
Introduction
La notion de périnatalité se rapporte aux circonstances entourant la
naissance et recouvre des acceptions plus ou moins larges selon la
définition retenue. Dans ce rapport, elle est définie par la période allant de
la fin du premier trimestre de la gr
ossesse jusqu’à l’âge d’un an de l’enfant.
L’évaluation de la politique publique relative à la périnatalité poursuit
et approfondit les précédents travaux des de la Cour des comptes en matière
de santé de la femme et de l’enfant et de l’organisation de
s soins afférente.
La politique de périnatalité a déjà été examinée en tant que telle par la Cour
en 2012
1
faisant suite à une première analyse en 2006
2
. La Cour a de plus
traité de certains aspects de la périnatalité à travers des enquêtes sur les
acteurs de santé impliqués dans la prise en charge de la grossesse
–
sages-
femmes en 2011 et maternités en 2014 et 2015 -, ou celles concernant les
principaux facteurs de risque (tabac
3
, alcool
4
, obésité
5
, et prévention des
grandes pathologies
6
). Plus récemment, une communication à la commission
des affaires sociales de l’Assemblée nationale étudiait la santé des enfants
7
.
La mère entre dans un parcours de suivi avec la déclaration
obligatoire de grossesse, signée par un médecin ou une sage-femme, le plus
souvent après une première échographie.
Le délai d’un an après la naissance
permet d’analyser la mortalité survenant dans les premiers mois de vie de
l’enfant, la mortalité et la morbidité maternelles dans l’année suivant
l’accouchement, ainsi que les instruments d’accompagnement à la
parentalité. Les questions de contraception, d’interruption volontaire de
grossesse, d’accompagnement pré
-
conceptionnel et d’assistance médicale à
la procréation constituent des enjeux spécifiques et n’ont pas été abordées.
1
Cour des comptes,
La politique de périnatalité :
l’urgence d’une remobilisation
,
rapport public annuel 2012.
2
Cour des comptes,
La politique de périnatalité,
rapport public annuel 2006.
3
Cour des comptes,
Les politiques de lutte contre le tabagisme
, , décembre 2012.
4
Cour des comptes,
Les politiques de lutte contre les consommations nocives d’alcool
, juin 2016.
5
Cour des comptes,
La prévention et la prise en charge de l’obésité
, , novembre 2019.
6
Cour des comptes,
La politique de prévention en santé : les enseignements tirés de
l’analyse de trois grandes
pathologies »
, novembre 2021.
7
Cour des comptes,
La santé des enfants
:
une politique à refonder pour réduire
les inégalités sociales et territoriales de santé
, décembre 2021.
COUR DES COMPTES
18
La fin
de la grossesse et les premiers mois après l’accouchement
représentent une période sensible pour le développement de l’enfant.
De
nombreux facteurs déterminent son bien-être physique, psychique, et son
développement émotionnel ou cognitif. Ils peuvent avoir des effets
immédiats,
mais aussi s’exprimer tout au long de la vie de l’individu
, et
avoir des conséquences considérables sur le niveau des dépenses de santé.
Alors que le France consacre toujours plus de moyens à sa politique
de périnatalité (9,3
Md€
en 2021 contre 8,5
Md€
en 2016 malgré une
réduction des naissances de 5,3 % entre ces deux années), les pouvoirs
publics ne parviennent pas à
faire reculer la part d’enfants nés sans vie et
la mortalité infantile. Les causes d’un tel constat res
tent toutefois difficiles
à caractériser. Plusieurs professions médicales (médecins généralistes,
gynécologues médicaux ou obstétriciens, pédiatres, chirurgiens pédiatres,
anesthésistes-réanimateurs, psychiatres, sages-femmes, dentistes) et
paramédicales (infirmiers généraux et spécialisés, essentiellement)
interviennent pour prendre en charge le suivi de la grossesse,
l’accouchement et le suivi postnatal.
Ces professionnels peuvent exercer
en ville, dans des services de protection maternelle et infantile (PMI) ou
dans des établissements de santé, publics ou privés. Les données dont ils
disposent, nécessaires à l’analyse de la situation, ne sont pas consolidées
.
Compte tenu de ces enjeux, la démarche évaluative adoptée par la
Cour a été fondée sur une anal
yse préalable des logiques d’action mises en
œuvre par les pouvoirs publics en matière de périnatalité. Elle a conduit à
l’identification des quatre questions suivantes
:
1.
Les facteurs explicatifs des résultats médiocres de la France en matière
de santé périnatale sont-ils clairement identifiés et orientent-il
suffisamment les dispositifs de prévention et de prise en charge sanitaire
de la grossesse, de l’accouchement et de la première année
post-partum
?
2.
Dans quelle mesure l’évolution de l’organisation d
es soins a-t-elle
permis d’améliorer la sécurité et la qualité des prises en charge et donc
de réduire la mortalité périnatale, la mortalité maternelle et la
morbidité maternelle sévère de manière pérenne ?
3.
En quoi les mesures de prévention primaire et secondaire des risques
pouvant affecter la santé des mères et des enfants et le développement
des enfants ont-elles effectivement permis de réduire les cas de
morbidité grave et de mortalité à la naissance et au cours de la première
année de vie ?
4.
En quoi l
’accompagnement des parents, avant ou après l’accouchement,
permet-il une meilleure prévention de la souffrance psychique, en
particulier de la dépression du
post-partum
, et des troubles de la relation
entre les parents et les enfants, ainsi que des violences et maltraitances
sur les enfants ?
INTRODUCTION
19
La première question est évaluée principalement dans le chapitre I,
la deuxième aux chapitres II et III, et les deux dernières au chapitre III.
Comme décrit dans l’encadré
« procédures et méthodes »
supra,
un comité
composé de personnalités qualifiées a
guidé l’instruction du rapport au
lancement de l’enquête, à la
suite des entretiens nationaux et à son
achèvement. Le rapport a été adopté selon les procédures de collégialité et
de contradiction propres à la Cour des comptes.
Les investigations conduites ont permis de constater que l’état de
santé périnatale en France, durablement médiocre, s’inscrit dans un contexte
de facteurs de risques élevés, marqué par de fortes inégalités sociales et
territoriales (chapitre
I). Le caractère inadapté de l’offre de soins aux enjeux
actuels de la périnatalité, notamment en termes de sécurité des prises en
charge et d’efficience de l’organisation, constitue un aspect essentiel de
cette situation (chapitre II). Pour autant, les récents développements des
politiques publiques conduites se concentrent moins sur ces aspects que sur
la prévention, avec des résultats variables (chapitre III).
Définitions de la période périnatale
La définition la plus restrictive est celle adoptée p
ar l’Organisation
mondiale de la santé (OMS), qui va de 22
semaines d’aménorrhée
8
(au
moment où le poids de naissance est normalement de 500 g) à sept jours
révolus après la naissance.
Le ministère chargé de la santé retient une acception plus large,
fondée sur «
l’ensemble des processus liés à la naissance, depuis la
contraception jusqu’aux premiers mois de la vie du nourrisson, en passant
par le désir d’enfant, le diagnostic anténatal, la grossesse, l’interruption
volontaire de grossesse, l’accouchement ou l’allaitement
».
La période périnatale suivant l’accouchement peut être aussi
envisagée au-delà de la première année de vie du nourrisson. La commission
dite des «
1 000 premiers jours »
a retenu une durée pouvant aller jusqu’aux
trois ans
de l’enfant
.
8
Le terme, ou âge gestationnel, qui enseig
ne sur l’avancée d’une grossesse
, est calculé
à partir de la date des dernières règles
, l’aménorrhée correspondant à l’absence de règles
(ou menstruations). En pratique clinique, le terme est toujours exprimé en semaines
d’aménorrhées (SA) et jours
(ex. : 37 SA + 4 j).
À partir de 37 SA, le fœtus est
considéré comme mature, la grande majorité des naissances intervenant après ce terme.
La prématurité est définie par une naissance intervenant avant ce terme, la grande
prématurité et la prématurité extrême correspondant à des naissances intervenant
respectivement avant 32 et 28 SA.
Chapitre I
Des indicateurs de santé
périnatale en aggravation, marqués
par de fortes inégalités
Depuis plusieurs décennies, la situation de la France en matière de
santé périnatale est parmi les plus préoccupantes d’Europe, tout en
r
ecouvrant d’importantes disparités sociales et territoriales. Ces mauvais
résultats se sont à nouveau dégradés depuis 2019, en particulier pour les
enfants. L
’accroissement de certains facteurs de risques explique en partie
cette situation. Toutefois, les insuffisances du dispositif de surveillance
épidémiologique
empêchent d’en suivre régulièrement l’évolution et
d’orienter l’action des pouvoirs publics.
Ce chapitre répond principalement à la première question évaluative
présentée en introduction du rapport :
« Les facteurs explicatifs des
résultats médiocres de la France en matière de santé périnatale sont-ils
clairement identifiés et orientent-il suffisamment les dispositifs de
prévention et de prise en charge sanitaire de la grossesse, de
l’accouchement et de la première année post
-partum ? ».
Ce chapitre souligne la prévalence importante des facteurs de
risques périnatals, dont certains sont en progression (I). Les résultats de la
santé périnatale se situent, au regard des indicateurs retenus, en dessous de
la moyenne européenne, et ce de façon durable (II). Les données manquent
cependant pour expliciter précisément la situation de la santé périnatale et
ses causes en France, les outils de suivi épidémiologiques actuels
apparaissant insuffisants (III).
COUR DES COMPTES
22
I -
Des facteurs de risques périnatals
dont la prévalence augmente
Les facteurs de risques peuvent être définis comme toute «
situation
sociale ou économique, état biologique, comportement ou environnement
qui est lié, éventuellement par une relation de cause à effet, à une
vulnérabilité accrue à une maladie, à des problèmes de santé ou à des
traumatismes déterminés
»
9
. Ils peuvent être de différentes natures -
sanitaires, sociaux ou environnementaux -,
et sont susceptibles d’av
oir une
action cumulative ou indépendante les uns des autres dans la survenance
d’un dommage de santé au cours de la période périnatale.
Selon l’Inserm
10
, leur augmentation en France relève de raisons
objectives, telles que
l’évolution des caractéristiqu
es des femmes
enceintes, l’importance d
es inégalités sociales de santé ou les difficultés
dans l’accès aux soins périnata
ls.
Ils n’expliquent toutefois pas
complètement les mauvais indicateurs de santé périnatale en France. Ceux-
ci
sont
également
dus à
des
changements
dans
les
pratiques
d
’
enregistrement et la prise en charge médicale pour les situations
d’extrême prématurité
,
aux limites de la viabilité de l’enfant
, mais aussi
aux conditions de prise en charge des patients et d’organisation de l’offre
de soins, traitées dans le chapitre II.
A -
Une progression globale des risques périnatals
1 -
Des facteurs de risques liés à des pathologies ou à des pratiques addictives
a)
Obésité et surpoids
L’obésité ou le surpoids se définissent
, se
lon l’OMS, comme
une
accumulation anormale ou excessive de graisse corporelle, qui peut nuire
à la santé. L’indice de masse corporelle (IMC)
, qui rapporte le poids
d’un
individu à sa taille, est couramment utilisé pour identifier les situations de
surpoids et d
’obésité chez l’adulte.
Ces dernières sont caractérisées lorsque
l’IMC est égal ou supérieur à 25
ou 30, respectivement.
9
Glossaire de la promotion de la santé, OMS, Genève, 1999, p. 20.
10
Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). J. Zeitlin, B. Blondel
et J. Fresson,
Le système d’information périnatal en France,
Équipe EPOPé Inserm
UPC, étude réalisée pour la Cour des comptes, 2023.
DES INDICATEURS DE SANTÉ PÉRINATALE EN AGGRAVATION, MARQUÉS
PAR DE FORTES INÉGALITÉS
23
L’obésité et le surpoids maternels constituent des facteurs de risque
s
pour la femme comme pour l’enfant. Au cours de la grossesse, l’obésité
maternelle augmente le risque de complications maternelles (hypertension,
diabète gestationnel) et fœtales (malformations,
poids à la naissance du
nouveau-né supérieur à 4 kg
). Les conditions de l’accouchement sont
également rendues plus difficiles, avec davantage de césariennes ainsi que
des échecs
d’anesthésie
11
.
L
’obésité et
le surpoids des femmes enceintes ont augmenté
continûment au cours des dernières décennies. En 2021, ils concernaient
37,2 %
d’entre elles
(31,8 % en 2016, 27,3 % en 2010), avec un IMC
maternel moyen de 24,6
12
. Cette augmentation est corrélée à celle du
diabète gestationnel sur la même période (7,2 % en 2012, 10,8 % en 2016,
16,4 % en 2021), lui-même facteur de risques de complications pour la
parturiente.
L
’augmentation de la prévalence de l’obésité maternelle
et du
surpoids
concerne l’ensemble du territoire national
mais certaines régions
se distinguent par une situation plus aiguë.
C’est le cas dans les
Hauts-de-
France, le Grand-Est et la Normandie, où la prévalence de ces facteurs de
risques reste la plus élevée en 2021, comme dix ans auparavant. C’est aussi
le cas des Pays de la Loire et de la Bretagne, alors que leur situation était
plus favorable en 2010.
Les inégalités sociales ont un rôle important dans la prévalence des
situations d’obésité ou de surpoids maternels
. Ainsi, un gradient social très
marqué de l’obésité maternelle est observé en fonction du niveau d’étude
ou des revenus, avec un effet cumulatif lorsqu’ils s’additionnent
.
Cependant, l
’accroissement de
ces situations au cours de la dernière
décennie
concerne toutes les catégories de niveau d’étude et de revenus
.
Les taux de surpoids et d’obésité des femmes en âge de procréer
observés en France s’inscrivent cependant, selon Eurostat, parmi les plus
faibles d’Europe
13
.
11
P.
Deruelle
,
Complications liées à l’obésité au cours de la grossesse
, Revue de
médecine périnatale, 8, 176-179, 2016.
12
C. Deneux, E. Azria, M. Viaud,
Inégalités sociales d’IMC maternel, actualisation
avec données de l’enquête nationale périnatale 2021
, Équipe EPOPé Inserm UPC,
étude réalisée pour la Cour des comptes, 2023.
13
Commission Européenne, Eurostat. Femmes en âge de procréer entendues comme les
femmes comprises entre 15 ans et 44 ans.
Données pour l’ann
ée 2019.
COUR DES COMPTES
24
b)
Prise de poids inadéquate pendant la grossesse
L’
accroissement de la masse corporelle pendant la grossesse est
souhaitable pour assurer le bon développement du fœtus et pour prévenir
d’éventuelles complications lors de l’accouchement. Lorsqu’il est excessif ou
insuffisant, il constitue un facteur de risque pouvant conduire à des anomalies
de poids fœtal de l’enfant ou favoriser des complications obstétricales,
nécessitant le recours à une césarienne. C’est pourquoi les autorités sanitaires
recommandent une évolution dite « adéquate », celle-ci étant déterminée à
l’aune des IMC mesurés avant la grossesse, puis au terme de l’accouchement.
En 2021, les femmes ont vu croître leur masse corporelle de 12,4 kg
en moyenne pendant leur grossesse. Ce résultat est stable sur la période
récente
14
. Cette prise de p
oids n’est cependant jugée adéquate que pour
34,9 %
d’entre elles, son caractère insuffisant ou excessif étant observé dans
28,6 % et 36,5 % des cas, respectivement. Depuis 2010, la part élevée des
prises de poids jugées excessives est restée stable et celle relative aux prises
de poids insuffisantes n’a cessé de s’accroître (elle était de 25,9
% en 2010).
c)
Pratiques addictives et consommations à risque
Les pratiques addictives et les consommations à risques des femmes
pendant leur grossesse sont identifiées de longue date comme des facteurs
de risques pour leur propre santé mais aussi pour celle
de l’enfant
à naître.
S’agissant du tabac, 12,2
% des femmes ont déclaré en consommer au
troisième trimestre de leur grossesse (16,3 % en 2016). Au-delà des risques
pour la mère, le tabagisme pendant la grossesse peut entraîner un retard de
croissance intra-utérin et augmente le risque de prématurité. Le tabagisme
maternel pendant et après la grossesse, ainsi que l'exposition passive du
nourrisson à la fumée, sont aussi associés au risque, pour ce dernier, de
développer des troubles respiratoires ou d’être frappé par le syndrome de
mort inattendue du nourrisson
15
. De surcroît, ces risques s'intensifient en
fonction de la fréquence et de la durée de consommation de tabac par la mère
durant la grossesse. Sur la base des données de comparaison disponibles, la
consommation de tabac en France pendant la grossesse est l’une des plus
élevées d’Europe, alors même que cette dernière est la région du monde où
cette consommation est la plus fréquente pendant la grossesse
16
.
14
M. Viaud, C. Le Ray, N. Lelong, C. Deneux, J. Zeitlin,
Évolution de la prise de poids
pendant la grossesse et déterminants :
données de l’ENP 2021
, Inserm, étude réalisée
pour la Cour des comptes, 2023.
15
Ministère de la santé et de la prévention,
Grossesse et tabac
, publié en ligne le 27
février 2015, mise à jour le 1
er
juin 2022.
16
S. Lang et al.,
National, regional, and global prevalence of smoking during
pregnancy in the general population : a systematic review and meta-analysis
, The
Lancet Global Health, juillet 2018.
DES INDICATEURS DE SANTÉ PÉRINATALE EN AGGRAVATION, MARQUÉS
PAR DE FORTES INÉGALITÉS
25
Concernant l’alcool,
3 % des femmes déclarent en avoir consommé
au moins une fois durant leur grossesse
selon l’enquête nationale périnatale
2021, chiffre sans doute sous-déclaré. Cette situation concernerait entre
10 % et 30 % des femmes enceintes
17
. La consommation d’alcool est
toxique pour l’enfant à naître, et peut
entraîner des effets irréversibles sur
son développement cérébral. Pendant toute la période de la gestation, et
spécialement au cours du premier trimestre, l'embryon est, en effet,
particulièrement vulnérable aux effets nocifs de la consommation d'alcool,
qui est susceptible de causer des troubles, voire
d’entraîner
l’apparition
d’un syndrome d'alcoolisation fœtale (SAF),
avec des anomalies faciales,
des troubles cognitifs et comportementaux, et un retard de croissance intra-
utérin. Selon une étude de Santé publique France, portant sur la période
2006-
2013, le taux de troubles causés par la consommation d’alcool
(TCAF) en France est de 0,48 pour 1 000 naissances, dont 0,07
‰
de
syndrome d'alcoolisation fœtale
. Les auteurs de cette étude estiment
néanmoins que la prévalence de ces troubles est probablement sous-
estimée, du fait de la difficulté de repérage des enfants qui en sont
atteints
18
. Une étude de 2017, réalisant une revue de littérature
internationale sur des données de 1973 à 2015, suggère une prévalence de
TCAF de
l’ordre de
10,4
‰
19
en France. La
consommation d’alcool
pendant la grossesse en France est supérieure à celle observée dans de
nombreux
pays d’Europe de l’Ouest
et du Nord
20
.
17
En France, selon le Baromètre santé 2017 concernant les consommations d’alcool et
de tabac de la grossesse réalisé par Santé publique France, parmi les mères d’enfants
de cinq ans ou moins, 11,7 % déclaraient avoir con
sommé de l’alcool au cours de leur
dernière grossesse. En 2011, dans l’étude Elfe, la proportion de femmes déclarant avoir
bu de l’alcool pendant la grossesse était de 27,6
% avant de se savoir enceinte et de
21,2 % une fois la grossesse connue.
18
S. Laporal, V. Demiguel, C. Cogordan, Y. Barry, I. Guseva Canu, V. Goulet, N.
Regnault,
Surveillance des troubles causés par l’alcoolisation fœtale
: analyse des
données du programme de médicalisation des systèmes d’information en France entre
2006 et 2013,
Synthèse, Santé publique France, 2018.
19
S. Lange, C. Probst, G. Gmel, J. Rehm, L. Burd, S. Popova,
Global Prevalence of
Fetal Alcohol Spectrum Disorder Among Children and Youth: A Systematic Review and
Meta-analysis
, JAMA Pediatr. 2017 Oct 1 ; 171(10):948-956.
20
Une étude publiée en 2017, sur la base d’une revue de la littérature disponible entre
1984 et 2014, estime que la consommation d’alcool en France s’élève à 27
%, supérieure
à des pays d’Europe de l’Ouest tels que le Luxembourg (2,1
%), la Belgique (14,9 %),
l’Espagne (15
%), les Pays Bas (18 %
), l’Allemagne (25,8
%
) ainsi que d’Europe du Nord
comme la Suède (9,4 %), la Finlande (15,7 %) ou la Norvège (22,6 %). Voir S. Popova,
S. Lange, C. Probst, G. Gmel, J. Rehm J,.
Estimation of national, regional, and global
prevalence of alcohol use during pregnancy and fetal alcohol syndrome: a systematic
review and meta-analysis,
, Lancet Global Health,, 2017.
COUR DES COMPTES
26
L’usage de drogues pendant la grossesse peut
également avoir des
effets néfastes sur le développement de
l’enfant,
risques majorés du fait de
l’a
ssociation fréquente de cette pratique
à d’aut
res types de consommations
(alcool, tabac). Les effets varient selon la nature du stupéfiant consommé.
S’agissant du cannabis, drogue la plus consommée en France, son principe
actif, le tétrahydrocannabinol (THC), traverse aisément la barrière
placentaire
et pénètre le système sanguin du fœtus.
Une consommation
régulière et significative de cannabis peut entraîner, selon la dose ingérée,
une naissance prématurée, un retard de croissance intra-utérin, des
tremblements néonatals ou, à plus long terme, des troubles du
comportement chez l'enfant.
Selon l’enquête nationale périnatale (ENP)
2021, 6 % des femmes déclarent avoir fumé du
cannabis un an avant d’être
tombées enceintes ; elles ne sont plus que 1,1 % à déclarer le faire au cours
de la grossesse, ces estimations pouvant être sous-évaluées. La France
figure parmi les pays d’Europe où la prévalence des femmes ayant une
consommation quotidienne ou quasi quotidienne de cannabis est la plus
importante. Concernant les segments de population de femmes de 15-34
ans et 15-64 ans, respectivement, la prévalence de consommation de
cannabis parmi l’ensemble des femmes est estimée à 3,1
% (3
e
rang
européen) et 1,8 % (4
e
rang européen)
21
.
2 -
Des facteurs de risques liés aux évolutions de la société
et des pratiques médicales
a)
L’importance croissante des grossesses tardives
Les grossesses tardives sont relatives aux accouchements intervenus
après 35 ans. Leur
part s’est sensiblement accrue au cours des dernières
décennies. En 2021, selon l’Inserm, elles co
ncernaient 24,6 % des
parturientes, contre 19,2 % en 2010 et 12,4 % en 1995. Or, le dépassement
de ce seuil favorise l’apparition de certaines pathologies maternelles lors
de la grossesse (hypertension, diabète gestationnel, notamment) et accroît
la
fréquence
des
complications
à
l’accouchement
(césariennes,
complications obstétricales ou fausses couches). Les phénomènes de
naissance prématurée, de petit poids à la naissance de l’enfant ou de
transfert du nouveau-né
d’un établissement à un autre, génér
alement plus
spécialisé, sont également plus fréquents en cas de grossesse tardive.
21
Observatoire européen des drogues et toxicomanies,
Prévalence des consommations
de drogue
, Bulletin statistique, 2023.
DES INDICATEURS DE SANTÉ PÉRINATALE EN AGGRAVATION, MARQUÉS
PAR DE FORTES INÉGALITÉS
27
Graphique n° 1 :
complications durant la grossesse et caractéristiques
de
l’accouchement selon l'âge des femmes
à la délivrance (en %)
Source : Inserm, pour Cour des comptes
Même s’il a tendance à augmenter progressivement, l’âge maternel
moyen des mères en France se situe toutefois dans la moyenne européenne.
Ce taux reste très inférieur à celui des pays du sud de l’Europe (Italie,
Espagne et Grèce),
où près d’une mère s
ur trois a plus de 35 ans au terme
de la grossesse
22
.
b)
Des prématurités et des petits poids à la naissance plus fréquents
La prématurité, ainsi que le petit poids à la naissance de l’enfant,
constituent des facteurs de risques importants pour la santé de l’e
nfant. Le
terme normal de la grossesse intervenant entre 37 et 41 semaines
d’aménorrhée
, la prématurité est entendue comme une naissance de
l’enfant avant 37 semaines d’aménorrhée (soit avant le début du neuvième
mois de la grossesse). La prématurité présente des risques de décès ou de
handicap pour l’enfant du fait de l’immaturité et de la sensibilité de ses
organes
23
. Ainsi, environ deux-tiers des décès recensés chez les enfants
concernent ceux nés prématurément ou avec un faible poids de naissance.
Ce taux de décès est très variable selon le niveau de la prématurité : allant
de 60 % à 70 % pour les très grands prématurés (naissance avant
28
semaines d’aménorrhée
), il est inférieur à 1 % pour les prématurités
modérées et tardives (nais
sance entre 32 et 36 semaines d’aménorrhée).
22
Rapport Euro-Peristat 2018.
23
Voir V. Pierrat, J. Zeitlin et P. Gressens,
Prématurité : des bébés qui arrivent trop
tôt
, dossier publié sur le s
ite internet de l’Inserm
, 13 février 2023.
COUR DES COMPTES
28
Au cours des trente dernières années, la France a connu un
accroissement sensible de la fréquence de la prématurité et des petits poids de
naissance. Cette situation peut résulter, en premier lieu, de l’inciden
ce accrue
des facteurs de risques maternels sur la grossesse conduisant à un
accouchement précoce. Doivent également être pris en compte les progrès de
la médecine, qui rendent possible une prise en charge de plus en plus précoce
des nouveau-nés, dont cert
ains n’auraient autrefois pas bénéficié de
manœuvres réanimatoires.
Tandis que certains grands prématurés survivent
désormais grâce à la progression de la connaissance et des pratiques médicales,
d’autres décèdent quelques heures ou jours après la naissa
nce. Dans ces cas,
ils sont enregistrés comme des naissances vivantes prématurées, alors qu’ils
auraient par le passé été comptabilisés comme des enfants nés sans vie
24
.
Selon l’Inserm, le taux de prématurité des naissances est resté stable
entre 2016 et 2021 (7 %), à hauteur de la médiane européenne (6,9 % en
2019)
25
, après s’être significativement et continûment accru entre 1995 (5,4
%)
et 2016
26
. La part de nouveau-nés présentant un poids inférieur à
2 500 grammes, elle aussi stable depuis 2016 (7,1 %) et comparable à la plupart
des pays européens (Royaume-Uni, Benelux, Allemagne et Italie, notamment)
hors pays scandinaves, a connu la même évolution (5,7 % en 1995).
Graphique n° 2 :
évolution du poids à la naissance des enfants
en France entre 1995 et 2021 (en %)
Source : Inserm, pour Cour des comptes
24
Sylvain Papon,
Depuis 2015, la mortalité infantile en France est supérieure à la
moyenne européenne
, Insee Focus, n°301, 14 juin 2023.
25
Rapport Euro-Peristat 2015-2019.
26
Voir C. Le Ray et al.,
Results of the 2021 French National Perinatal Survey and
trends in perinatal health in metropolitan France since 1995
, Journal of Gynecology
Obstetrics and Human Reproduction, volume 51, Issue 10,2022.
DES INDICATEURS DE SANTÉ PÉRINATALE EN AGGRAVATION, MARQUÉS
PAR DE FORTES INÉGALITÉS
29
B -
Des risques périnatals plus élevés pour les mères de catégories
sociales défavorisées, nées à l’étranger
ou vivant outre-mer
1 -
Une incidence importante des inégalités sociales
Les caractéristiques individuelles et familiales -
niveau d’études de
la mère, revenu du ménage, situation familiale -, sont souvent
appréhendées au travers de la notion de « gradient social » qui met en
évidence des disparités de santé entre individus liées à différents facteurs
socio-économiques. Ces facteurs socio-économiques jouent un rôle
important dans la santé périnatale, en étant liés à l’intensité des facteurs de
risques précédemment décrits et aux conditions de prise en charge.
La mortalité et les principales pathologies de la période périnatale
ont notamment été associées, dans le cadre d’études à l’étranger, aux
caractéristiques sociales des quartiers de résidence des femmes enceintes
27
.
Une plus grande précarité des parents en général, et de la mère en
particulier,
peut augmenter les phénomènes de mortalité fœto
-infantile, de
retard de croissance
in utero
et certaines anomalies congénitales.
Une relation entre précarité, d’une part, et risques majorés de
complications périnatales
ou obstétricales, d’autre part, peut
être mise en
évidence en France. Selon l’Inserm, l’existence d’inégalités sociales maternelles
est associée à des risques majorés de prématurité et de petit poids à la naissance
de l’enfant. Ainsi, le taux de prématurité des naissances varie de 4,9
% pour les
mères les plus favorisées à 7,4 % pour les mères les plus précaires. De même, le
taux d’enfants de petit poids à la naissance s’élève à 13,9
% pour les femmes
dont le niveau de précarité est le plus élevé, contre 9,5 % pour les femmes les
plus
favorisées. Enfin, s’agissant du pronostic obstétrical, les femmes dont le
niveau de précarité est supérieur accouchent plus fréquemment par césarienne.
2 -
Des inégalités plus marquées pour les mères nées à
l’étranger
En 2022, sept millions d'immigrés, entendus comme les personnes
nées étrangères à l’étranger
28
, principalement en Afrique (48,2 %) et en
Europe (32,3 %), vivent en France, soit 10,3 % de la population totale
29
.
La même année,
selon l’Insee,
les naissances vivantes
d’enfants de mères
nées à l
’étranger ont représenté 2
4,4 % du total, en nette progression au
cours des dernières décennies.
27
J. Jardine, K. Walker, I. Gurol-Urganci et al.,
Adverse pregnancy outcomes
attributable to socioeconomic and ethnic inequalities in England : a national cohort
study
, Lancet, 20 novembre 2021, 398(10314) : 1905-1912.
28
Selon la définition adoptée par le Haut c
onseil à l’
intégration, citée par Insee,
L’essentiel sur les immigrés et les étrangers
, 10 juillet 2023.
29
Insee,
L’essentiel sur
les immigrés et les étrangers
, 10 juillet 2023.
COUR DES COMPTES
30
Selon Eurostat, en 2021, la part de mères nées à l’étranger s’étage,
dans les 27 pays de l’Union Européenne, de 65
% du total des naissances
(Luxembourg) à 2 % (Bulgarie, Slovaquie et Lituanie). La France se situe
au 10
e
rang
30
, avec près du quart des naissances provenant d’une mère née
à l’étranger, proportion en augmentation tendancielle comme l’indique le
graphique n° 3.
Graphique n° 3 :
évolution de la part des naissances vivantes
en France selon le pays de naissance de la mère (en %)
Source : Insee « Les naissances en 2022 et en séries longues », Tableau T38bis, Insee
résultats, 28 septembre 2023. Retraitement Cour des comptes.
Des travaux scientifiques
31
soulignent l’importance de la mortalité
maternelle et de la morbidité sévère chez les femmes migrantes. Les
femmes nées hors de France représentent 36 %
de l’ensemble des décès
maternels, cette morbidité étant notamment marquée chez les femmes
origi
naires d’Afrique sub
-saharienne.
30
Eurostat,
Fertility statistics
31
Inserm, Santé publique France,
Les morts maternelles en France : mieux comprendre pour
mieux prévenir
. 7e rapport de l
’Enquête nationale confidentielle sur les morts maternelles
(ENCMM) 2016-2018. ; Eslier M, Deneux-Tharaux C, Sauvegrain P, Schmitz T, Luton D,
Mandelbrot L, Estellat C, Azria E.
Severe maternal morbidity among undocumented migrant
women in the PreCARE prospective cohort study
. BJOG. 2022;129(10):1762-1771.
DES INDICATEURS DE SANTÉ PÉRINATALE EN AGGRAVATION, MARQUÉS
PAR DE FORTES INÉGALITÉS
31
Le constat d’une augmentation de la prématurité chez les femmes
migrantes en France a pu être mis en évidence
32
, en particulier pour les
femmes d’origine sub
-
saharienne ou d’un pays présentant un indice de
développement humain (IDH)
33
faible ou moyen. Il est plus fréquent qu’elles
vivent seules, aient eu plusieurs enfants, présentent un niveau d’éducation
moins élevé ainsi qu’un faible taux d’activité professionnelle. Leur état de
santé initial, les difficultés d’accès aux
soins du fait de barrières linguistiques
ou de discrimination constituent également des éléments relevés par la
recherche épidémiologique pour expliquer ces situations de santé dégradées.
Le suivi de la grossesse de ces femmes peut par conséquent s’avérer
inadéquat, partiel ou inexistant, malgré son importance dans la prévention
des risques périnatals pour la mère et pour
l’enfant. De surcro
ît, ce risque
est susceptible d’être majoré dans un contexte de précarité, d’absence de
couverture sociale ou
d’absenc
e de statut légal régulier
34
.
3 -
Des risques plus importants dans les départements et régions d’outre
-mer
a)
Une prévalence plus importante de certaines pathologies
Dans les départements et régions d’outre
-mer (Drom), la santé des
femmes est généralement moins bonne que
dans l’hexagone
. Les parturientes
sont davantage susceptibles de souffrir de pathologies aux effets
préjudiciables au pronostic obstétrical ainsi qu’à la santé de l’enfant
(antécédents familiaux de diabète, hypertension artérielle chronique, obésité
avant grossesse). Les territoires ultramarins témoignent également d’une
prévalence plus importante de certaines maladies génétiques, associées à des
taux de mortalité infantile élevée, à l’instar de la drépanocytose. Ainsi, en
2021, la fréquence de la drépanocytose
dans l’hexagone est en moyenne d’un
sur 613 nouveau-
nés, tandis qu’elle est de 1 sur 424 en outre
-mer
35
.
32
M. Kestenare,
Migration et issues périnatales en France :
Analyse de l’association
entre le lieu de naissance maternelle et les issues périnatales en 2021
, Mémoire de
Master 2 Santé publique, sous la direction du Pr E.Azria et du Dr N. Regnault, 2023. Et
Saurel-Cubizolles et al.,
Ibid
. . Cité par M. Kestenare,
op.cit
.
33
L’IDH est un indice visant à évaluer le niveau de développement d’un pays en se
fondant sur des critères socio-économiques tels que le revenu national brut par habitant,
l’espérance de vie et le niveau d’éducation.
34
M. Eslier, C. Deneux-Tharaux, P. Sauvegrain, T. Schmitz, D. Luton, L. Mandelbrot, C.
Estellat, E. Azria,
Association between migrant women’s legal status and prenatal care
utilization in the PreCARE cohort
, Int. J. Environ. Res. Public. Health, 2020, 17 (19), 7174.
35
Centre national de coordination du dépistage néonatal, Rapport d’activité
,
Programme National du dépistage néonatal, Année 2021
COUR DES COMPTES
32
S’agissant de l
a santé mentale des mères, des difficultés se
présentent également plus fréquemment outre-mer : 33,1 % des femmes à
La Réunion, 33,9 % en Guadeloupe et 39,4 % en Martinique déclarent se
sentir davantage tristes ou déprimées pendant leur grossesse, contre 25,6 %
dans l’hexagone
36
. En Guadeloupe, 30,6 % des mères déclarent une
dépression deux mois après la naissance, tandis que la prévalence en
Martinique et à La Réunion est comparable à celle de
l’hexagone
(16,7 %).
Certains
indicateurs
relatifs
aux
enfants
sont
également
défavorables dans les Drom. La part de ceux qui présentent un petit poids
à la naissance y est plus élevée que
dans l’hexagone
(plus de 10 %, contre
7,1 %). Des enjeux spécifiques semblent également
s’attacher à la période
postnatale, notamment la façon dont les enfants dorment. Les
recommandations sanitaires
37
préconisent un couchage des nourrissons
dans la chambre des parents durant les six premiers mois de vie, dans un lit
séparé et sur le dos, comme une mesure de prévention de la mort inattendue
du nourrisson. Outre-
mer, selon l’enquête nationale périnatale (ENP)
-
Drom 2021, deux mois après la
naissance, plus d’un enfant sur trois
dort
dans le lit de ses parents, contre environ un sur dix
dans l’hexagone
.
b)
Des parcours de soin parfois erratiques
La santé périnatale outre-mer présente des difficultés spécifiques,
dont un aspect
est l’éloignement
des femmes des parcours de soin et de
prévention, notamment pour celles présentant les facteurs de risques les
plus importants. Sans être spécifique à ces territoires, la situation y est plus
préoccupante, en dépit des initiatives des professionnels de santé, autorités
sanitaires et organismes locaux de sécurité sociale.
En premier lieu, de nombreuses femmes ne bénéficient pas d’un
suivi régulier, adapté et souhaitable au regard de leur grossesse. Pour celles
bénéficiant d’un suivi, les professionnels de sa
nté soulignent des ruptures
régulières, avec des consultations ou des échographies réalisées de façon
erratique ou en nombre insuffisant par rapport aux recommandations. Ce
phénomène concerne souvent des femmes qui auraient besoin d’un suivi
médical resserré au regard des facteurs de risques associés à leur grossesse,
car précaires, polypathologiques, étrangères en situation irrégulière, ou
présentant des dépendances.
36
Résultats de l’enquête nationale périnatale 2021 dans
les Drom (ENP
–
Drom 2021),
Santé périnatale à La Réunion, 2023.
37
HAS,
Prévention des déformations crâniennes positionnelles et mort inattendue du
nourrisson
, 2020.
DES INDICATEURS DE SANTÉ PÉRINATALE EN AGGRAVATION, MARQUÉS
PAR DE FORTES INÉGALITÉS
33
En l’absence de suivi régulier, des situations critiques
peuvent
intervenir dans la prise en charge. Ainsi, des présentations inopinées aux
urgences gynéco-obstétricales de femmes arrivées au terme de leur
grossesse sans avoir bénéficié au préalable d’
aucun suivi ne sont pas
inhabituelles. Ces situations conduisent parfois à des décès maternels qui
auraient pu être évités, comme cela a été relevé à trois reprises par le centre
h
ospitalier de l’Ouest
guyanais.
Des accouchements interviennent
parfois dans l’urgence
au sein de
centres ambulatoires non équipés en matériel ou personnels adéquats,
comme au sein du centre délocalisé de prévention et de soins
d’
Apatou, en
Guyane, ou du centre périnatal de proximité (CPP) de Marie-Galante, en
Guadeloupe. Dans ce dernier cas, le transfert des femmes concernées à la
maternité du CHU a été rendu impossible pour des raisons liées aux
transports et à la situation météorologique. Bien que ce phénomène
apparaisse marginal et corresponde à des situations critiques, il souligne la
nécessité du suivi des femmes et de la prévention dans les Drom.
c)
Des facteurs économiques, sociaux et culturels pouvant entraver
le suivi de grossesse
Sur le plan socio-économique, différents facteurs peuvent dégrader
la qualité des parcours de suivi et de soin des mères en outre-mer. Les
femmes enceintes peuvent éprouver des difficultés à se rendre à la
maternité, au centre de PMI ou chez les professionnels de ville, en raison
de contraintes de transport, d’obligations parentales ou de leur isolement
social. Un cas fréquemment cité est celui de la femme multipare, assumant
la responsab
ilité d’une fratrie de plusieurs enfants dans un contexte de
conjoint absent et parfois isolée sur le plan familial ou géographique, sans
solution de garde des enfants, qui renonce à se rendre au centre de
consultations ou à l’hôpital
. Il existe enfin une proportion plus importante
de ménages précaires outre-
mer, avec un nombre de bénéficiaires de l’
aide
médicale d’État (
AME) et de la complémentaire santé solidaire (C2S) plus
élevé que
dans l’hexagone
, la précarité accentuant les difficultés de suivi.
D
’au
tres facteurs peuvent également jouer un rôle dans la régularité
du suivi de grossesse. En premier lieu, les proportions des naissances issues
de mères nées à l’étranger
, variables selon les territoires, sont très élevées
à Mayotte (72,4 % du total des naissances en 2021), Saint-Martin (56,5 %)
et en Guyane (43 %), contre 21 % pour
l’hexagone selon l’ENP
-Drom
2021.
Par ailleurs, l’observation des recommandations sanitaires par
certaines femmes et leurs familles,
tout comme l’accès à une couverture
sociale,
peuvent parfois être rendus plus difficiles du fait d’une plus grande
réserve quant aux messages institutionnels et de santé publique ainsi
qu’une moindre démarche d’inscription dans les parcours administratifs
permettant
l’accès aux soins et leur
prise en charge.
COUR DES COMPTES
34
II -
Des résultats nettement en-dessous
de la moyenne européenne
Dans un contexte de facteurs de risques élevés, l’état de santé
périnatale en France apparait durablement médiocre, avec des disparités
territoriales et sociales importante
s, en particulier au détriment de l’outre
-mer.
A -
Une convergence d’indicateurs défavorables
Les indicateurs de santé périnatale
La santé périnatale est mesurée au moyen de plusieurs indicateurs
principaux
38
.
La
mortinatalité
se rapporte à la
part d’enfants nés sans vie, la mort
fœtale pouvant être spontanée ou liée à une interruption médicale de
grossesse. La définition de l'enfant né sans vie permet de différencier une
naissance d'une fausse couche. En France, un enfant est comptabilisé
comme mort-né s'il est né sans signe de vie après un terme de 22 semaines
d'aménorrhée ou lorsque son poids dépasse 500 grammes, seuils de viabilité
identiques à ceux utilisés pour l'enregistrement à l'état civil des naissances
vivantes et viables. En-deçà de ces seuils, l'enfant peut néanmoins être
enregistré comme mort-né à l'état-civil par les parents qui le souhaitent,
mais n'est pas comptabilisé comme tel dans les statistiques périnatales. Par
ailleurs, la notion de
mortalité périnatale
mesure la part tota
le d’enfants nés
sans vie et d’enfants décédés au cours de la première semaine.
La
mortalité infantile
concerne les enfants nés vivants et viables mais
décédés au cours de la première année de vie. Elle inclut la
mortalité
néonatale
, qui se rapporte aux enfants décédés au cours des 28 premiers
jours de vie.
La
mortalité maternelle
mesure la part de femmes décédées du fait
de leur grossesse, pendant celle-ci et
jusqu’à 42 jours après l'accouchement
,
ce qui correspondant à l’indicateur de référence intern
ational. La
mortalité
maternelle tardive
renvoie aux décès intervenus de 43 jours à 1 an après la
fin de la grossesse.
38
Annexe n° 2.
DES INDICATEURS DE SANTÉ PÉRINATALE EN AGGRAVATION, MARQUÉS
PAR DE FORTES INÉGALITÉS
35
Schéma n° 1 :
les principaux indicateurs sanitaires relatifs à la périnatalité
Source : Cour des comptes
1 -
Une part durablement important
e d’enfants nés sans vie
Principale composante de la mortalité périnatale (83 %), la
mortinatalité
affiche
des
résultats
durablement
préoccupants.
La
mortinatalité totale s’est en effet stabilisée à un niveau élevé depuis
plusieurs années, (8,8 mort-nés pour 1 000 naissances en 2022, 8,9
‰
en
2021, 2020 et 2016). Ce chiffre recouvre une part importante de morts
fœtales spontanées (5
,4
‰
en 2022, 5,5
‰
en 2021).
Les résultats de la France comptent parmi les plus défavorables en
Europe : la part
d’enfants nés sans vie après 24 semaines d’aménorrhée,
terme permettant la comparabilité des résultats à l’échelle européenne,
s’établit en moyenne à 3,8
‰
pour la période 2015 à 2020, ce qui place la
France au 21
ème
rang sur les 28 pays participant au projet Euro-Peristat
39
,
loin derrière l’Islande
le Danemark et la Finlande (<
2,5‰)
et nettement
au-dessus du résultat moyen (3,3
‰
).
39
Euro-Peristat,
European
Perinatal Health Report : Core indicators of the health and
care of pregnant women and babies in Europe from 2015 to 2019
, 2022.
COUR DES COMPTES
36
Carte n° 1 :
taux moyen de mortinatalité pour 1 000 naissances
en Europe entre 2015 et 2019
Note : mortinatalité hors int
erruptions médicales de grossesse, après 24 semaines d’aménorrhée.
Source : Cour des comptes à partir des données Euro-Peristat 2015-2020
Euro-
Peristat et la définition d’
un enfant né sans vie
Le réseau Euro-Peristat a pour objectifs de suivre et
d’
évaluer la
santé des mères et des enfants pendant la période périnatale en utilisant des
indicateurs valides et fiables en Europe. Les 27 États membres de l'Union
européenne, l'Islande, la Norvège, la Suisse et le Royaume-Uni sont
représentés. Les participants sont des cliniciens, des statisticiens et des
épidémiologistes, qui travaillent avec des données de routine provenant des
registres médicaux des naissances, des données hospitalières, des registres
d'état-civil et des bases de données sur les causes de décès.
DES INDICATEURS DE SANTÉ PÉRINATALE EN AGGRAVATION, MARQUÉS
PAR DE FORTES INÉGALITÉS
37
La variabilité des critères retenus d’un pays à l’autre pour définir un
enfant né sans vie et pour autoriser le recours à l’interruption médicale de
grossesse rend délicat l’établissement de comparaisons internat
ionales au titre
de la mortinatalité. Ainsi, plusieurs pays européens ne comptabilisent pas ou
que partiellement les enfants nés sans vie avant 24 semaines d’aménorrhée.
En outre, certains pays n’autorisent pas les interruptions médicales de
grossesse aprè
s 22 ou 24 semaines d’aménorrhée alors que d’autres, comme
la France, la Belgique ou le Royaume-
Uni, n’imposent aucune limite de ce
type. C’est pourquoi les comparaisons européennes sont limitées aux morts
fœtales spontanées intervenant à partir de 24 semaines d’aménorrhée.
2 -
Une mortalité infantile qui s’aggrave, principalement
sous
l’influence de la mortalité néonatale
En 2021, selon l’Insee, 2
726 enfants sont décédés en France dans
leur première année de vie. Rapportée au nombre de naissances vivantes,
la mortalité infantile s’établit ainsi à 3,7
‰
. Après avoir nettement baissé
au cours des années 1990 et 2000, puis avoir atteint en 2011 son niveau le
plus faible enregistré (3,45
‰
), elle augmente depuis une décennie.
Pour les trois-quarts, ces décès interviennent durant le premier mois
de vie, la moitié durant la première semaine de vie et près du quart entre 7
et 27 jours
40
. La mortalité néonatale et, en son sein, la mortalité néonatale
précoce,
s’étaient toutes les deux réduites
entre 2001 et 2011. La tendance
s’est inversée à partir de cette date, un nouveau pic étant atteint en 2018,
suivi d’une stabilisation à ce niveau depuis lors.
Sur la même période, la
mortalité post‑néonatale (du 28
e
jour
à moins d’un an) a diminué jusqu’en
2011, avant de se stabiliser autour de 1,0
‰
(contre 1,7
‰
en 2001).
40
Insee Focus n° 301, Insee, 14 juin 2023.
COUR DES COMPTES
38
Graphique n° 4 :
évolution de la mortalité néonatale en France
entre 2001 et 2021
Champ : naissances vivantes en France hors Mayotte jusqu'en 2013, France entière à partir de 2014.
Source : Insee, statistiques de l'état civil, juin 2023
Pour comparer ces résultats avec ceux des autres pays européens
participant au programme Euro-Peristat, la Cour a dû demander à
l’Inserm
(équipe EPOPé, Université Paris Cité)
d’
apparier les données issues des
certificats de décès avec celles produites par les établissements
hospitaliers. Le nouveau protocole exige en effet désormais des États
l’emploi d’une méthodologie comparable à partir d’une source unique de
données, ce qui impose de
s’appu
yer sur des données hospitalières. Il en
ressort que, pour la période 2015-2017, avec un taux de 2,5
‰
, supérieur à
la moyenne européenne (2,2
‰
), la France est au 19
e
rang sur 23 pays ayant
fourni les données selon le nouveau protocole.
Par comparaison avec les meilleurs pays européens, principalement
les pays nordiques (Finlande, Suède et Norvège), le taux de mortalité
néonatale en France est plus élevé quel que soit le terme de la grossesse,
avec un écart important s’agissant
des extrêmes prématurés. Si le taux de
mortalité néonatale français avait été identique à celui des meilleurs pays
analysés (1,6
‰
en moyenne), près de 40 % des décès enregistrés en
France entre 2015 et 2017 auraient pu être évités, soit 2 079 enfants.
DES INDICATEURS DE SANTÉ PÉRINATALE EN AGGRAVATION, MARQUÉS
PAR DE FORTES INÉGALITÉS
39
Pour la mortalité post-néonatale, la mort inattendue du nourrisson
(MIN) constitue la première circonstance de décès
41
. Défini comme le
«
décès subit d’un enfant âgé de 1 mois à 1 an jusqu’alors bien portant, alors
que rien dans ses antécédents connus
ni dans l’histoire des faits ne pouvait
le laisser prévoir »
42
, ce phénomène concerne entre 250 et 350 décès
d’enfants chaque année, les trois quarts des MIN intervenant avant l’âge de
six mois
43
. Malgré une baisse au cours des années 1990, la France apparaît,
dans le cadre d’une étude portant sur des données issues de la période
2005-
2015, comme l’un des pays à fort taux de MIN en Europe de l’Ouest
44
.
3 -
La mortalité maternelle, un évènement rare mais évitable
dans la majorité des cas
Les décès maternel
s font l’objet d’une étude spécifique, l’enquête
nationale confidentielle sur les morts maternelles (ENCMM), dont les
résultats sont publiés
tous les trois à cinq ans depuis 1996 par l’Inserm et
Santé publique France.
Selon les conclusions de l’étude publi
ée en avril
2024
45
à partir des données portant sur la période 2016-2018, 90 décès
surviennent annuellement en moyenne jusqu’à un an après la fin de la
grossesse. Les trois quarts interviennent après l’accouchement. Cela
représente un taux de 11,8 décès pour 100 000 naissances vivantes, en
augmentation
46
.
En resserrant l’étude à la mortalité maternelle limitée à 42
jours après la fin de la grossesse, indicateur de référence pour les
comparaisons internationales, le résultat s’établit à 8,5 décès pour 100
000
naissances vivantes, comparable à la moyenne des autres pays européens.
41
Santé publique France,
Mort inattendue du nourrisson
, dossier thématique, site
internet de SPF, mis à jour le 19 août 2022.
42
PS. Blair, RW. Byard, PJ. Fleming,
Sudden unexpected death in infancy (SUDI) :
suggested classification and applications to facilitate research activity
, Forensic Sci.
Med Pathol, septembre 2012 ; 8(3) : 312-5.
43
Observatoire national des morts inattendues du nourrisson.
44
S. de Visme, M. Chalumeau, K. Levieux, H. Patural, I. Harrewijn, E. Briand-Huchet,
G. Rey, C. Morgand, Blondel B, Gras-Le Guen C, Hanf M.,
National variations in
recent trends of sudden unexpected infant death rate in Western Europe
, J. Pediatr.,
novembre 2020, 226 : 179-185.e4.
45
Inserm, Santé publique France,
Les morts maternelles en France : mieux comprendre
pour mieux prévenir
. 7e rapport de l’Enquête nationale confidentielle sur les morts
maternelles (ENCMM) 2016-2018.
46
L
’ENCMM
fait
état d’une mortalité maternelle à un an plus faible
sur les périodes
d’analyses précédentes (10,3
en 2007-2009 et 2010-2012 ; 10,8 sur la période 2013-
2015).
L’enquête
estime cependant
l’
augmentation récente des décès maternels est
« statistiquement non significative ».
COUR DES COMPTES
40
Les décès maternels, malgré leur rareté, témoignent d’une marge
d’amélioration significative. L’ENCMM relève en effet que les deux
-tiers
des décès sont survenus après des soins qui n’ont pas été jugés optimaux par
le comité national d’experts présidan
t à ces travaux, au regard des
recommandations de pratique et des éléments de connaissance disponibles
au moment du décès. Un autre critère, souvent lié au précédent, bien qu’il ne
lui soit pas toujours superposable
47
, correspond au caractère potentiellement
évitable des décès analysés, reconnu pour 60 %
d’entre eux.
L’enquête
confirme aussi une évolution notable des principales
causes de décès. Le suicide constitue désormais la première cause de décès
maternel (17% des cas), suivi des maladies cardiovasculaires (14%). Après
une forte réduction depuis les années 2000, le taux de décès lié aux
hémorragies obstétricales reste désormais stable mais les décès qui y sont
liés restent évitables dans 95% des cas, ce qui souligne les marges
d’amélioration possibles.
B -
Des résultats contrastés selon les territoires
et situations sociales
1 -
Une surmortalité dans
les départements et régions d’outre
-mer
Même si les résultats enregistrés par les département et régions
d’outre
-
mer (Drom) n’ont que peu d’impact sur ceux de la France entière en
raison du faible effectif concerné (en 2021, selon l’Insee, la proportion de
naissances vivantes intervenues dans ces territoires était un peu supérieure à
5 %), tous les indicateurs les concernant montrent que la situation sanitaire
périnatale y est beaucoup plus dégradée que
dans l’hexagone
.
Concernant les enfants nés sans vie, les contrastes importants
constatés
dans l’hexagone
, principalement au détriment des régions du
nord et de l’est,
sont sans commune mesure avec ceux observés dans les
Drom, à l’exception de la Réunion. Ainsi, la mortinatalité spontanée
moyenne observée
dans l’hexagone
entre 2
019 et 2021 s’établit à 5
‰
et
atteint plus du double en outre-mer (11,2
‰
), avec des situations
particulièrement dégradées en Guadeloupe (14,4
‰
), à Mayotte (14,3
‰
)
et en Guyane (13,8
‰
), sans amélioration depuis dix ans.
47
Par exemple, les soins peuvent avoir été adéquats mais le décès être néanmoins considéré
comme potentiellement évitable si la patiente n’avait pas refusé une hospitalisation. À
l’inverse, les soins peuvent être considérés comme
« non optimaux » mais le décès
néanmoins « inévitable » car le pronostic a été peu influencé par cette inadéquation.
DES INDICATEURS DE SANTÉ PÉRINATALE EN AGGRAVATION, MARQUÉS
PAR DE FORTES INÉGALITÉS
41
Ces inégalités territoriales affectent également la mortalité
néonatale.
Dans l’hexagone
, avec un taux moyen de 2,5
‰
dans la période
2019-2021, les résultats moyens du Jura, du Gers et du Lot (entre 3,9
‰
et
4,8
‰
) sont trois à quatre fois supérieurs à ceux des Alpes-de-Haute-
Provence, des Hautes-
Alpes, de l’Indre et de l’Aude
(entre 1,0
‰
et
1,2
‰
)
, des taux élevés étant aussi constatés dans le nord de l’Île
-de-
France, en particulier en Seine-Saint-Denis (3,8
‰
). Dans les Drom, les
résultats s’établissent à plus d
u double de la moyenne hexagonale (de
5,1
‰
pour La Réunion à 6,0
‰
pour la Guadeloupe).
Enfin, les femmes résidant en outre-mer présentent un risque de
mortalité maternelle plus de trois fois supérieur à celui constaté dans
l’hexagone
(32,1 pour 100 000 naissances vivantes, contre 9,5 pour la
période 2013-2015).
2 -
Des publics fragiles, davantage touchés par la mortalité périnatale
Selon l’étude de l’Inserm pour la Cour portant sur la période
2015-2017 déjà citée, les naissances dans les communes les plus défavorisées
présentent un risque de mortalité néonatale près de deux fois supérieur à celui
auquel font face les enfants nés de mères résidant dans les communes les plus
favorisées. Ces disparités se traduisent par une surmortalité correspondant à
plus du quart du nombre total de décès néonatals.
De surcroît, ces inégalités se sont accentuées par rapport à la période
2001-2008 : le taux de mortalité néonatale a diminué dans les communes
les plus favorisées et
s’est accru substantiellement
pour les 40 % les plus
défavorisées (+ 18 %).
III -
Des instruments
d’analyse épidémiologique
à améliorer pour orienter l’action publique
La connaissance de la santé périnatale et le suivi de son évolution
souffrent de difficultés dans le recueil, la qualité et
l’
accessibilité des
données, du fait de la dispersion de leurs origines. L
a connaissance de l’état
de santé périnatale repose donc sur des enquêtes épidémiologiques
ad hoc
ou sur des registres non institutionnels, dont les délais de mise en place et
de valorisation des données empêchent de suivre en temps réel, ou même
COUR DES COMPTES
42
annuellement
, l’évolution de la santé des mères et des enfants
48
. De ce fait,
il n’est pas possible d’identifier clairement l
es facteurs explicatifs des
résultats dégradés de la santé périnatale en France, ni de mesurer
précisément leur poids relatif. Cette situation limite la recherche
épidémiologique dans sa mission d’orientation des
dispositifs de
prévention et de prise en charge sanitaire de la grossesse, de
l’accouchement et de la première an
née
post-partum
.
A -
Une organisation et un contenu des données de santé
périnatale imparfaits
1 -
Des sources de données dispersées
À l’inverse de pays comme le Danemark ou la Suède, la France ne
dispose pas d’une source unique comprenant toutes les données médic
ales et
socio-
démographiques utiles à l’analyse, en continu, de la situation
périnatale. Notre système d’information et de surveillance épidémiologique
repose en effet sur des informations issues de multiples bases de données qui
ne sont pas toutes interconnectées :
données d’état civil, informations
relatives aux séjours hospitaliers, actes de soins réalisés en secteur libéral,
certificats de santé de l’enfant, certificats médicaux de cause de décès,
données recueillies dans le cadre du programme national de dépistage
néonatal ou encore données de suivi des anomalies congénitales. Cette
dispersion constitue un facteur de complexité pour la réalisation des travaux
de recherche épidémiologique. Des appariements entre des bases de données
de sources et structurations variables sont donc nécessaires.
2 -
Une fiabilité et une exhaustivité perfectibles
a)
Des données d’état civil posant problème
Bien que fondant les résultats de la France en matière de mortalité
néonatale et infantile, les statistiques de l’état civil établies par l’Insee ne
contiennent
pas
certaines
informations
médicales
essentielles
à
l’établissement de ces analyses. En particulier,
les bulletins de naissance
48
Des données en matière de santé périnatale sont publiées annuellement par la Drees
concernant la mortalité périnatale, l’âge des mères, le taux de grossesse
multiple, la
prématurité et faible poids à la naissance. Le ministère chargé de la santé reconnaît
cependant que
« ces exploitations restent limitées et doivent être améliorée ».
DES INDICATEURS DE SANTÉ PÉRINATALE EN AGGRAVATION, MARQUÉS
PAR DE FORTES INÉGALITÉS
43
comportent des informations utiles sur les caractéristiques socio-
démographiques de la mère (âge, profession des parents, nombre
d’accouchements, nombre d’enfants, pays de naissance)
. Mais
l’âge
gestationnel auquel est intervenu l’accouchement et le poids de naissance du
nouveau-
né n’y figurent pas, ce qui nécessite le recours à d’autres sour
ces.
Par ailleurs, dans un contexte où les données
de l’état civil
ne font
pas l’objet d’un rapprochement périodique avec celles enregistrées par les
hôpitaux, des incohérences sont observées entre les deux sources.
S’agissant en particulier du nombre
de décès néonatals précoces, une étude
réalisée par la direction
de la recherche, des études, de l’évaluation et des
statistiques (Drees) en 2021 révèle ainsi un écart de plus de 10 %,
essentiellement au titre des nourrissons décédés le jour de la naissance
49
.
Différentes hypothèses sont envisagées pour expliquer cette situation :
double comptage, enfant pouvant être signalé comme un décès néonatal à
l’état civil et comme né sans vie dans le système hospitalier
, ou encore
défaut d’enregistr
ement du décès dans ce dernier.
b)
Des données hospitalières précieuses mais à améliorer
En France, 99,6 % des accouchements interviennent dans un
établissement de santé et sont enregistrés
dans le système d’information
hospitalier, lequel s’est donc
imposé comme une source indispensable pour
la surveillance épidémiologique périnatale, notamment au titre des
statistiques nationales et européennes relatives aux enfants nés sans vie.
Toutefois, l
’exploitation de
ces données se heurte à certaines
difficultés t
echniques. Il n’est par exemple pas possible de rapprocher
facilement le séjour de la mère avec celui de son enfant avant la sortie de
la maternité. Le raccordement du séjour initial du nouveau-né avec ceux
pouvant intervenir après le retour au domicile est également difficile.
Plus généralement, le système d’information hospitalier est confronté
aux limites de la fiabilité des saisies effectuées par les professionnels de
santé. Sur ce point, les efforts entrepris par l’agence technique de
l’information sur
l’hospitalisation (ATIH) et la Fédération française des
réseaux de santé en périnatalité (FFRSP) pour harmoniser le codage des
séjours et renforcer la qualité des enregistrements doivent être poursuivis
50
.
49
Drees,
Stabilité de la mortalité périnatale entre 2014 et 2019
, Études et résultats
n° 1199, juillet 2021.
50
L’i
nstruction ministérielle du 21 juin 2021 relative à la mise à jour des modalités
d’enregistrement des mort
-
nés dans le PMSI, et une note d’information transmise aux
ARS en juillet 2023, s’inscrivent dans cette démar
che.
COUR DES COMPTES
44
La constitution d’une base de données régional
e en santé
périnatale issue des données du programme de médicalisation
des
systèmes d’information
(PMSI) :
l’exemple du système porté
par l’ARS
Île-de-France
En Île-de-
France, l’
agence régionale de santé (ARS) a soutenu la mise
en place d’une base
de données régionale visant à permettre des analyses
quantitatives et qualitatives de santé périnatale sur la base des informations
hospitalières. Le projet vise aussi à renforcer la qualité et l’exhaustivité des
données, en proposant notamment aux établissements une aide au codage à
partir de revues de dossiers ainsi que des vérifications de cohérence des saisies
effectuées. Le rapport annuel publié dans ce cadre contient des données
épidémiologiques périnatales plus précises que celles du niveau national.
c)
Des certificats de santé
de l’enfant et de décès néonatals
difficilement exploitables
Le législateur a prévu l’établissement systématique de certificats de
santé de l’enfant
dans ses huit premiers jours de vie (CS8), ainsi que dans
ses neuvième (CS9) et vingt-quatrième mois (CS24), les documents
rédigés par les professionnels de santé des maternités ou les médecins
libéraux devant être adressés aux services de PMI de chaque département
51
.
En particulier, le CS8 permet de connaitre avec précision le lieu
d’
accouchement lorsque celui-
ci ne se fait pas à l’hôpital (
maison de
naissance ou bien domicile), information
qu’aucune autre source ne permet
à ce jour de connaître.
Contribuant utilement au suivi de la santé périnatale, ces données
sont toutefois diffici
les d’exploitation.
En dépit du caractère obligatoire de
l’établissement de
ces certificats de santé, seulement 76 % des enfants
concernés
disposaient d’un CS8 en 2017,
et 33 %
d’un
CS9
52
. Par ailleurs,
la consolidation des données
à l’échelon régional
ou national se heurte au
défaut fréquent de transmission par les départements ou bien à des retards
importants, que les solutions numériques déployées depuis 2022 n’ont pas
permis de résoudre. En effet, la plateforme numérique nationale de routage
des certificats
, mise en œuvre
depuis 2022,
n’assure que la transmission
des données entre les rédacteurs (maternités et médecins) et la PMI sans
les conserver, ce qui ne permet pas de les consolider à l’échelon national.
51
Articles L. 2132-2 et L. 2132-3 du code de la santé publique.
52
Drees,
Le premier certificat de santé de l’enfant
- Certificat au 8e jour (CS8)
–
2017
,
Les dossiers de la DREES n° 52, mai 2020 ; Drees,
Le deuxième certificat de santé de
l’enfant
–
Certificat au 9
e
mois (CS9)
–
2017
, Les dossiers de la DREES n° 53, mai 2020.
DES INDICATEURS DE SANTÉ PÉRINATALE EN AGGRAVATION, MARQUÉS
PAR DE FORTES INÉGALITÉS
45
Même en cas de résolution de ce problème, il faudrait encore que les
informations renseignées soient complètes. Des données médicales ainsi que
des informations relatives au contexte socio-économique font souvent défaut,
alors que ce sont précisément ces dernières qui distinguent les certificats de
santé de l’enfant des autres sources de données de santé
53
. Comme le haut
conseil de la santé publique l’appelle de ses vœux, la diffusion d’un guide de
de codage, ou, s’agissant des certificats électroniques, d’une aide à la saisie
des dossiers, permettr
aient d’harmoniser les pratiques.
Des constats de même nature peuvent être formulés pour les
certificats de décès néonatals, dont le volet médical est systématiquement
transmis au c
entre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès
(CépiDC)
de l’Ins
erm. Bien que constituant une source importante de
données pour la recherche épidémiologique, puisqu’il comporte la
description des causes du décès, son exploitation est compromise par ses
délais de
consolidation à l’échelon national, de l’ordre de
près de deux ans,
et l’inégale qualité des données qu’il comporte.
3 -
Des enquêtes approfondies mais trop espacées et non exhaustives
Le caractère fragmenté et lacunaire des données médico-
administratives relatives aux enjeux de santé périnatale rend toute analyse
longue et complexe, chaque étude nécessitant de réaliser un appariement
spécifique entre des informations de natures diverses, voire de collecter
l’information manquante.
Les enquêtes nationales périnatales (ENP), pilotées par l’équipe EPOPé
(ou les précéd
entes dénominations de l’équipe) depuis 1995, actuellement sous
la triple responsabilité de l’Inserm, Santé publique France et la Drees, constituent
une source de données très riche, et à ce jour irremplaçable. À l’occasion de
l’ENP 2021, des analyses spéc
ifiques concernant plusieurs départements et
régions d’outre
-mer ont même été publiées pour la première fois
54
. Ces travaux
constituent une mesure fiable de l’état de santé périnatale
. Mais leur fréquence,
généralement quinquennale, ne permet toutefois pas le suivi rapproché
qu’appelle le caractère préoccupant des résultats de la France. Par ailleurs, bien
que la méthodologie employée
–
l’analyse de l’intégralité des naissances
intervenues durant une semaine
–
permette d’obtenir des résultats repré
sentatifs
à l’échelle nationale, cette mesure est plus fragile lorsqu’il s’agit d’analyser les
situations infrarégionales, notamment dans les départements d’outre
-mer.
53
HCSP,
Exploitation des données de santé des nourrissons et du jeune enfant à partir des
certificats de santé des 8 premiers jours, du 9
e
et du 24
e
mois
, Avis et Rapports, avril 2023.
54
L’e
nquête nationale périnatale -
Drom 2021, réalisée sous l’égide de Santé publique
France et des ARS concernées, analyse dans des rapports spécifiques les situations
respectives de la Guyane, de la Martinique, de la Guadeloupe et de Saint-martin, de
La Réunion et de Mayotte.
COUR DES COMPTES
46
Parallèlement,
l’équipe EPOPé
conduit depuis
1996 l’Enquête
nationale confidentielle sur les morts maternelles (ENCMM), sous la
double tutelle de l’Inserm et de Santé publique
France, dans le but de
statuer sur les causes de décès et sur
l’adéquation des soins prodigués
, puis
d’identifier
l
es axes d’amélioration de
la
prise en charge de l’ac
couchement
et de ses suites. Contrairement aux ENP, ces travaux portent sur
l’exhaustivité des cas recensés
. Mais leur complexité et la nature des
données exploitées ne permettent la publication de l’analyse globale des
décès que plusieurs années après leur recensement.
Enfin, depuis
2015, l’Observatoire national des morts inattendues
du nourrisson contribue à améliorer le suivi épidémiologique de ce
phénomène en consolidant les cas déclarés. Ce
registre, d’origine
associative, constitue à ce jour la seule
source d’information
sur ces décès.
Ses promoteurs eux-mêmes en soulignent néanmoins les limites, le recueil
des données ne couvrant pas exhaustivement le territoire national.
B -
Constituer un registre des naissances fondé
sur le système national des données de santé (SNDS)
1 -
Des modèles étrangers efficients
En Suède et au Danemark, des registres médicaux nationaux des
naissances ont été créés en 1973 et contiennent des données presque
exhaustives sur les accouchements intervenus dans ces pays. À partir des
dossiers médicaux de suivi des soins prénatals, de l'accouchement et des
prises en charge néonatales, le registre suédois comporte ainsi non
seulement le poids du nourrisson à la naissance,
le mode d’accouchement
et le diagnostic maternel lors de celui-ci, mais aussi la consommation de
tabac et de médicaments de la mère, ainsi que les diagnostics précédant la
grossesse. Le registre danois est, quant à lui, principalement fondé sur les
données du registre national des patients, complétées par celles relatives
aux accouchements à domicile et aux enfants nés sans vie.
Au Royaume-Uni, un programme scientifique collecte et analyse les
données sur tous les enfants nés sans vie, les décès néonatals et les morts
maternelles aux fins de surveillance épidémiologique
55
. Cette démarche est
fondée sur un système de collecte obligatoire de données en ligne
permettant d’a
nalyser précisément les causes de chaque décès. Le
55
Mother and Babies: Reducing Risk through Audits in Confidential Enquiries across
the UK
(MMBRACE-UK).
DES INDICATEURS DE SANTÉ PÉRINATALE EN AGGRAVATION, MARQUÉS
PAR DE FORTES INÉGALITÉS
47
dispositif prévoit la mise à jour, en temps quasi réel, d
’
indicateurs de
qualité permettant des comparaisons entre établissements. Une plateforme
internet offre au grand public des données détaillées relatives à la prise en
charge de l’enfant et de la mère dans
chacun des établissements du pays.
2 -
Des bases de données médico-administratives à enrichir
Afin de décloisonner les données nécessaires à la constitution d’un
système d’information périnatale se rapprochant des modèles étrangers de
registres des naissances, le système national des données de santé (SNDS)
pourrait être mobilisé. En effet, ce dispositif regroupe les données de soins
de ville
collectées par l’assurance maladie,
les séjours hospitaliers et les
certificats de décès
exploités par le CépiDc. En cela, il couvre d’ores
et
déjà presque exhaustivement la population et permet le chaînage des
différentes sources
de données qu’il enregistre, de même que leur
appariement avec des sources externes telles que des enquêtes
épidémiologiques.
C’est d’ailleurs le cas des résultats de l’ENP 2021.
Il conviendrait toutefois de compléter et de fiabiliser le contenu du
SNDS, en élargissant le cadre défini par l’article L.
1461-1 du code de la
santé publique. En premier lieu, l’exhaustivité de l’enregistrement des
naissances, vivantes ou non, doit être assurée, notamment en veillant à ce
que les accouchements intervenant en maison de naissance ou à domicile y
figurent. L’intégration d
es bulletins de naissance
collectés par l’Insee
pourrait y contribuer, tout en offrant des informations précieuses quant aux
caractéristiques socio-démographiques des parents. Sur ce dernier point,
les données contenues dans les premiers certificats de santé des enfants
pourraient constituer un complément utile, sous réserve de tirer pleinement
profit de leur dématérialisation en cours, en automatisant la consolidation
nationale de ces informations.
Par ailleurs, la qualité du chaînage des données du SNDS doit être
garantie par l’utilisation d’un identifiant unique pour chaque individu. À
ce stade, celui utilisé ne permet pas de singulariser les jumeaux de même
sexe.
Il conviendrait donc d’a
ccélérer le déploiement
de l’identifiant
national de santé pour les enfants nés vivants, sur lequel travaille
actuellement l’assurance maladie, tout en assurant l’identification des
enfants nés sans vie.
Afin de faire du SNDS la source privilégiée des statistiques relatives
aux décès néonatals, les modalités d’enregistrement de ces événements
devraient être harmonisées, tant à l’état civil que dans le système
d’information hospitalier, et les deux bases de données devraient être
rapprochées pour redresser, le cas échéant, les résultats produits.
COUR DES COMPTES
48
___________ CONCLUSION ET RECOMMANDATION __________
Les principaux indicateurs de la santé périnatale mettent en
évidence les résultats durablement médiocres de notre pays, avec des
disparités territoriales et sociales importantes, en particulier au détriment
des territoires ultramarins.
Sans qu’il soit possible de déterminer dans quelle mesure ils
contribuent chacun à cette situation, les facteurs de risques généralement
admis comme ayant une incidence sur la santé périnatale de la mère et de
l’enfant se situent à des niveaux élevés,
supérieurs parfois à ceux de nos
voisins et en forte progression. Sont notamment concernées les pratiques
addictives et consommations à risque,
la prévalence de l’obésité et du
surpoids chez les femmes enceintes, ainsi que les prises de poids inadaptées
pendant la grossesse. La prématurité et le petit poids à la naissance de
l’enfant constituent
aussi des facteurs de risques importants, en
progression au cours des dernières décennies.
Dans ce contexte, et en réponse à la première question évaluative,
le dispositif de surveillance et d’analyse épidémiologique
est insuffisant
pour identifier avec précision et fiabilité les facteurs explicatifs de la
situation française en matière de périnatalité et pour orienter utilement
l’action publique. Le système d’information périnatal appara
ît notamment
fragmenté, ce qui
rend toute analyse particulièrement longue et complexe.
La fréquence des enquêtes épidémiologiques existantes, qui constituent un
instrument d’analyse précieux,
ne permet pas une analyse régulière de la
situation de santé périnatale.
En conséquence, la Cour formule la recommandation suivante :
1.
Enrichir le système national des données de santé (SNDS) avec les
bases de données manquantes (bulletins de l’état civil, certificats de
santé de l’enfant), de façon à aboutir à un registre unique des
naissances (ministère du travail, de la santé et des solidarités, Cnam).
Chapitre II
Une offre de soins inadaptée
et peu efficiente
Au-delà des facteurs de risques évoqués dans le chapitre précédent,
l’insuffisante adéquation
de l’offre de soins aux enjeux actuels de la
périnatalité constitue un motif essentiel des résultats médiocres de la
France en matière de périnatalité.
Ce chapitre répond principalement à la deuxième question
évaluative présentée en introduction du rapport
: « Dans quelle mesure
l’évolution de l’organisation des soins a
-t-
elle permis d’améliorer la
sécurité et la qualité des prises en charge et donc de réduire la mortalité
périnatale, la mortalité maternelle et la morbidité maternelle sévère de
manière pérenne ? ».
Cette question recouvre trois facteurs principaux : les conditions
d’organisation des soins et de respect des exigences de qualité et de sécurité
dans les prises en charge (I), la qualité du suivi des femmes enceintes, des
mères et de leurs nouveau-nés par les services de protection maternelle et
infantile (II), et enfin la coordination des soins périnata
ls et l’efficience des
moyens qui y sont affectés (III).
COUR DES COMPTES
50
I -
Une organisation coûteuse, qui ne garantit
ni la disponibilité ni la qualité des soins
La naissance constitue un moment à risques pour les femmes et pour
les nouveau-nés : la Haute autorité de santé (HAS) montre ainsi que les
événements indésirables graves en obstétrique, qui surviennent surtout la nuit
et le week-end, conduisent pour 55 %
au décès de la mère ou de l’enfant, et
que 40 %
d’entre eux auraient pu être évités si la qualité et l’organisation des
soins avaient été meilleures
56
. Selon l’Inserm, les risque sont significativement
plus élevés pour
les maternités ne proposant qu’une unité d’obstétrique ou ne
disposant pas d’un anesthésiste présent en permanence sur site.
Ces résultats illustrent
l’importance, non seulement d’une
réglementation à jour garantissant la sécurité des soins, mais aussi de la
qualité des établissements et des pratiques professionnelles des équipes.
Une réglementation inchangée depuis 25 ans
Les décrets de 1998
57
ont organisé et structurent encore la prise en
charge de l’accouchement pour en améliorer la sécurité. Ils prévoie
nt des
seuils d’activité minimale et des conditions techniques de fonctionnement
en termes de personnels et d’équipements. Ils instaurent une gradation des
prises en charge assortie de règles d’orientation et de transfert, supposées
garantir à la femme enc
einte d’accoucher dans la maternité disposant de
l’équipement correspondant aux risques dépistés durant la grossesse
58
.
Ces textes distinguent quatre types de maternités selon les unités
disponibles sur un même site : type 1, avec seulement une unité
d'obstétrique ; type 2, incluant une unité de néonatologie, sans service de
soins intensifs (type 2a) ou avec un tel service (type 2b) ; type 3, ajoutant
aux précédentes une unité de réanimation néonatale. Cette classification est
liée aux risques de santé
potentiels pour l’enfant et non pour la mère. Les
décrets prévoient cependant que, lorsqu’une maternité est située dans un
établissement dépourvu d’unité de réanimation d'adultes, il doit passer
convention avec un établissement en comportant une.
56
Rapport annuel sur les évènements indésirables graves associés aux soins (EIGS) de
2021, novembre 2022.
57
Décrets du 9 octobre 1998 relatifs, pour le premier, aux établissements de santé
publics et privés pratiquant l'obstétrique, la néonatologie ou la réanimation néonatale
et, pour le second, aux conditions techniques de fonctionnement auxquelles doivent
satisfaire les établissements de santé pour être autorisés à pratiquer les activités
d'obstétrique, de néonatologie ou de réanimation néonatale. Annexe n° 3.
58
HAS, Grossesses à risque : orientation des femmes enceintes entre les maternités en
vue de l'accouchement, Recommandation de bonne pratique, décembre 2012.
UNE OFFRE DE SOINS INADAPTÉE ET PEU EFFICIENTE
51
A -
Un réseau de maternités présentant encore des faiblesses
Le renforcement des normes de fonctionnement et de sécurité des
maternités a conduit à une réduction de leur nombre, passé de 721 en 2000
à 557 en 2010, puis 471 en 2021. Entre 2010 et 2021, le nombre de lits
d’obstétrique a parallèlement diminué de 18
%, passant de 17 827 à 14 603.
Cette contraction s’est accompagnée d’une recomposition profonde
de la structure de l’offre de maternités, au profit des mieux équipées. Celles
ne comprenant qu’une unité d’obst
étrique ont ainsi vu leur nombre
diminuer de 450 à 175 entre 2000 et 2021. Dans le même temps, le nombre
de maternités de type 2 est passé de 210 à 229 et celui des maternités de
type 3 de 61 à 67. Huit accouchements sur dix interviennent dans des
maternités de types 2 et 3. Plus de la moitié des maternités de type 3
réalisent au moins 3 000
accouchements par an, alors qu’elles n’étaient
qu’un quart dans cette situation il y a 20 ans.
Bien que
ces restructurations continues ont permis d’améliorer
la sécurité des prises en charge et des accouchements, certains problèmes
persistent.
1 -
Une amélioration des pratiques et des équipements,
mais des insuffisances persistantes
Les progrès réalisés en matière de prise en charge des hémorragies
du
post-partum
, complication maternelle pouvant entrainer le décès de la
patiente et emblématique de la qualité des soins obstétricaux, témoignent
d’une amélioration sensible de la qualité des prises en charge. Selon
l’Inserm
59
, alors que la part de femmes conc
ernées s’est accrue entre 2014
(4,3 %) et 2021 (5,8 %), les formes les plus sévères ont reculé de 15 % à
30 %. Ces évolutions croisées confirment les progrès dans la détection et
l’efficacité de la prise en charge
et sont cohérentes avec le net recul constaté
des hémorragies obstétricales parmi les causes de décès maternel.
Dans ce contexte,
la restructuration de l’offre de maternités est allée
de pair avec une amélioration de certains facteurs matériels conditionnant
la sécurité de l’accouchement.
Comme le montre la dernière enquête
nationale périnatale, toutes les maternités de type 3 disposaient dès 2016,
59
C. Deneux, L. Gaulard, M. Saucedo,
Analyse du taux d’HPP sévère en France,
globalement et par région, et selon les caractéristiques des maternités
, Équipe EPOPé
Inserm UPC, étude réalisée pour la Cour des comptes, 2023. Champ : France
hexagonale. Étude portant sur les données hospitalières relatives aux femmes ayant
accouché à partir de 22 semaines d’aménorrhée entre 2014 et 2021
.
COUR DES COMPTES
52
au sein du secteur de naissance ou de manière contiguë
, d’un bloc
obstétrical pour réaliser les césariennes. C
’est désormais aussi le cas
pour
la plupart des maternités de type 2b (97,6 %), 2a (90,6 %) et même 1
(80,6 %, contre 61,2 % en 2016). Une dynamique similaire est constatée
pour la disponibilité 24 heures sur 24 d’une salle de réveil
sur le site de la
maternité, l’amélioratio
n générale (90,5 %, contre 84,9 % en 2016) étant
particulièrement nette dans les structures de type 1 (82,9 %, contre
73,2 %). Enfin, une unité de surveillance continue, niveau intermédiaire de
prise en charge entre les services de réanimation et de soins classiques, est
présente dans 84 % des maternités, comme en 2016. Celles réalisant moins
de 500 accouchements par an ont significativement amélioré leur situation
(80,4 %, contre 71,9 %).
Cette évolution positive se traduit dans l’équip
ement des maternités
en moyens de soins critiques maternels
60
. Selon l’Inserm
61
, la part des
établissements moins bien dotés est passée de 20,8 % à 12,6 % entre 2010
et 2021. L’évolution a été identique pour l’insuffisance des ressources
médicales disponibles sur place pour prendre en charge les urgences
maternelles malgré la présence d’un service de réanimation pour adulte
dans l’établissement (9
% des maternités en 2021, contre 15,9 % en 2010).
Au total, 48,7 % des naissances sont intervenues en 2021 dans une
maternité présentant le meilleur niveau en matière de soins critiques
maternels, alors que cette proportion était seulement d’un tiers dix ans
auparavant. Malgré ces progrès importants pour la sécurité de
l’accouchement des femmes, les efforts
restent toutefois à poursuivre
puisque les maternités les moins bien équipées réalisent encore près de 6 %
des accouchements en 2021, avec de fortes disparités régionales (un
accouchement sur sept en Nouvelle-Aquitaine, un sur six outre-mer).
La situat
ion est plus préoccupante s’agissant des soins critiques en
néonatologie, dans un contexte où le nombre des nouveau-nés devant être
pris en charge en soins intensifs ou en réanimation
–
de même que la
sévérité de leurs cas
–
s’est accru ces vingt dernières
années. Une récente
enquête de la société française de néonatologie montre une forte
hétérogénéité de la densité de lits de réanimation néonatale selon les
60
Unités de soins critiques adultes, salle de surveillance post interventionnelle
accessible 24 heures sur 24 et, au sein de la maternité, ressources humaines médicales
nécessaires à la prise en charge des urgences maternelles.
61
C. Deneux, M-P. Bonnet, M. Viaud,
Niveau de soins critiques maternels des
maternités françaises : proposition de classification, état des lieux globalement et par
région, et évolution au cours du temps
, Équipe EPOPé Inserm UPC, étude réalisée à la
demande de la Cour des comptes, 2023. Champ : France entière, naissances vivantes
suivies dans le cadre des enquêtes nationales périnatales 2010, 2016 et 2021.
UNE OFFRE DE SOINS INADAPTÉE ET PEU EFFICIENTE
53
régions, celle-ci variant du simple au double entre Provence-Alpes-Côte
d’Azur et Centre
-Val de Loire
62
. De surcroît, ces lits sont saturés, avec un
taux d’occupation moyen de 94
% et des pics au-delà de 100 % une
semaine sur cinq, situation associée à une augmentation du risque de
morbidité sévère et de mortalité chez les grands prématurés
63
.
2 -
De nombreux accouchements dans une maternité inadaptée
Une part significative des accouchements à risque continue d’être
réalisée dans des maternités présentant un niveau d’équipement non
-adapté
à leur prise en charge. En 2021, selon la Drees
64
, 6 % des naissances
multiples, 8 % des naissances prématurées et 9 %
des naissances d’enfants
de faible poids intervenaient dans des maternités de type 1, dépourvues
d’unité
s de néonatologie.
L’analyse détaillée du
lieu de naissance des prématurés illustre ce
constat, même si la tendance observée depuis 2014 semble montrer une
meilleure orientation des femmes ou une politique de transferts plus
efficace. S’agissant des prématurités les plus sévères, 17
% des enfants nés
avant 32
semaines d’aménorrhée ou pesant moins d
e 1,5
kg n’avaient pas
été pris en charge dans une maternité de type 3 en 2020 (contre 21 % en
2014)
65
, en dépit des recommandations de la Haute autorité de santé
66
.
Dans une moindre mesure, compte tenu de l’effectif concerné, il en allait
de même pour les prématurités plus modérées (naissances entre 32 et
33
semaines d’aménorrhée), l’Inserm constatant que 15,3
% de ces
naissances en 2020
67
étaient intervenues dans une maternité de type 1 ou
2a (contre 20 % en 2014).
62
Société française de néonatologie,
Capacitaire en soins critiques néonatal dans les
centres périnatals de type 3
, avril 2022.
63
M. Beltempo, S. Patel, RW. Platt on behalf of the Quebec investigators of the
Canadian Neonatal Network, et al.,
Association of nurse staffing and unit occupancy
with mortality and morbidity among very preterm infants: a multicentre study,
Archives
of Disease in Childhood - Fetal and Neonatal Edition, 2023 ; 108:387-393.
64
Drees,
Les établissements de santé en 2021
, juillet 2023.
65
ScanSanté, Indicateurs de santé périnatale, FFRSP
–
ATIH. Champ : France entière.
66
HAS,
Femmes enceintes ayant une complication au cours de leur grossesse :
transferts en urgence entre les établissements de santé
, Recommandation de bonne
pratique, novembre 2012.
67
T. Desplanches, L. Gaulard, J. Zeitlin,
Analyse du lieu de naissance des enfants nés
entre 32 et 36 semaines d’aménorrhée
, Équipe EPOPé Inserm UPC, étude réalisée pour
la Cour des comptes, 2023. Champ : naissances vivantes
dans l’
hexagone.
COUR DES COMPTES
54
La prise en charge des grossesses à risque
68
Selon les recommandations de la Haute autorité de santé, si la prise
en charge de l’accouchement pour les grossesses multiples peut être
envisagée dans tous les types de maternité, il doit en aller différemment selon
le type de grossesse gémellai
re, le terme ou l’estimation pondérale des fœtus.
Pour certains types de grossesses gémellaires et pour les grossesses triples
ou au-delà, la prise en charge doit être faite dans une maternité de type 2
ou
3. Lorsque la parturiente présente des risques d’a
ccouchement prématuré,
la Haute autorité de santé recommande aussi d’adapter le lieu de naissance
au terme et à l’estimation pondérale du fœtus. En particulier, l’orientation en
maternité de type 3 est recommandée avant 32
semaines d’aménorrhée ou
devant une estimation pondérale de moins de 1 500 grammes.
3 -
Des dérogations persistantes au seuil de 300 accouchements annuels
La réglementation prévoit depuis 1998 un seuil minimum de 300
accouchements annuels pour garantir le maintien de l’autorisation d’activité
obstétrique d’un établissement de santé. Ce niveau avait été fixé au regard,
notamment, d’exigences de qualité et de sécurité des soins, d’habitudes de
pratiques professionnelles et de niveau de formation des équipes.
En 2021, selon la Drees, 18 maternités avaient enregistré une
activité d’obstétrique inférieure à 300 accouchements. Sur l’ensemble des
maternités toujours en activité en 2021, 22 étaient passées en-dessous du
seuil au moins une fois depuis 2016
69
.
La persistance de ces structures pose question, dans un contexte où
l’importance des facteurs de risques périnata
ls exige un cadre plus
sécurisant de prise en charge. Des travaux récents confirment la moindre
morbidité des prises en charge maternelles et infantiles dans les maternités
à plus fort volume d’accouchements
70
. De surcroît, a été mise en évidence
la plus importante morbidité maternelle dans les maternités de niveau 1,
sans anesthésiste ou obstétricien sur place 24 heures sur 24, ou sans
réanimation adulte sur site
71
. Les maternités dérogatoires au seuil des
300 accouchements présentent pour la plupart ces caractéristiques.
68
HAS,
Grossesses à risque : orientation des femmes enceintes entre les maternités en
vue de l'accouchement,
Recommandation de bonne pratique, décembre 2009.
69
Annexe n° 4.
70
M. Levaillant
, Planification territoriale des soins en France pour assurer la qualité
et la sécurité des soins : apport des études sur les bases de données médico-
administratives françaises
, Thèse de doctorat réalisée sous la direction du Pr B. Vallet,
Université de Lille, décembre 2022
.
71
A. Seco, C. Deneux,
Risque de « near-miss » maternel selon les caractéristiques de
la maternité d’accouchement
, Équipe EPOPé Inserm UPC, étude réalisée pour la Cour
des comptes, 2023.
UNE OFFRE DE SOINS INADAPTÉE ET PEU EFFICIENTE
55
L’activité de certaines de ces structures s’est en outre
dégradée en
raison de tensions importantes sur leur effectif et de difficultés à maintenir
un personnel permanent. En 2023, plusieurs ont dû suspendre leur activité
d’obstétrique sur des péri
odes allant de plusieurs jours à plusieurs mois, à
l’instar des établissements Jean Leclaire de Sarlat
-la-Canéda ou du Centre
hospitalier de Péronne. Ces éléments témoignent de la fragilité de ces
structures, dont les conditions d’activité apparaissent peu
sécurisantes pour
la qualité des parcours de soins, l’accueil des familles comme l’exercice
des professionnels.
Des établissements réalisant moins de 300 accouchements peuvent
continuer,
à
titre
dérogatoire,
à
pratiquer
l’obsté
trique
lorsque
l'éloignement des maternités «
impose des temps de trajet excessifs à une
partie significative de la population
»
72
. Cette dérogation prévue en 1998
est
aujourd’hui
moins justifiée.
L’Académie de méd
ecine qualifie
«
d’illusoire
»
le maintien de petites structures, au regard des contraintes
de ressources humaines, des évolutions des prises en charge et des enjeux
liés à la sécurité des soins dispensés aux femmes et aux enfants
73
. Un
rapport récent d
e l’Assemblée nationale évoque à ce
t égard la
«
désorganisation des services dans de nombreuses petites maternités,
devenues peu attractives pour les professionnels de santé
» et indique que
«
le maintien à tout prix des très petites maternités pose évidemment la
question de la sécurité de la mère et de l’enfant
»
74
.
En ce sens, doivent notamment être soulignées les expériences
réussies de transformation en centre périnatal de proximité (CPP) de
maternités qui ne parvenaient pas à atteindre le seuil réglementaire ou
rencontraient des difficultés de fonctionnement significatives. Ces centres
assurent l’ensemble du suivi de grossesse pré et post
-partum des femmes,
à l’exception de l’accouchement qui est réalisé dans une maternité
partenaire. Plusieurs transformations de maternités en CPP, dans
l’hexagone
comme en outre-mer, ont permis la création de parcours de
soins davantage sécurisés, et moins sujets aux fragilités auxquelles sont
soumises les plus petites structures.
72
Article R. 6123-50 du code de la santé publique.
73
Académie de médecine,
Planification d’une politique en matière de périnatalité e
n
France : Organiser la continuité des soins est une nécessité et une urgence
, février 2023.
74
Phillipe Juvin et Anne Bergantz, Mission flash sur la mortalité infantile, commission
des affaires sociales, Assemblée nationale, XVIe législature, 20 décembre 2023.
COUR DES COMPTES
56
4 -
Une prise en charge encore peu effective
des vulnérabilités psychosociales
a)
Un dispositif de psychiatrie périnatale encore peu développé
La psychiatrie périnatale permet
l’évaluation
et la prise en charge
conjointe des parents et des jeunes enfants lorsque des troubles psychiques
parentaux préexistent ou se déclenchent à la naissance, mais aussi lorsque
apparaissent chez l’enfant des
troubles précoces de l
’interaction ou d
u
développement.
En 2021, un renforcement de l’offre
de soin en la matière a été
décidé dans le cadre de la stratégie des « 1 000 premiers jours » (voir
infra
).
10
M€
ont été consacrés, pour moitié au
développement d’équipes mobiles
,
et
pour l’autre, à
la mise en place d’unités de soins conjoints parents
-bébés.
Depuis lors, la réforme des autorisations de psychiatrie a consacré la
psychiatrie périnatale en tant q
u’activité
de soin à part entière
75
. Cependant,
les directives nationales annuelles qui
continuent de l’identifier comme une
priorité,
ne précisent plus d’objectifs quantitatifs à atteindre.
En définitive, seule une mobilisation sur la durée serait de nature à
entraîner un développement significatif de l’offre de soins en psychiatrie
périnatale. En 2022, la France comptait seulement 20 unités mère-bébé
(UMB)
76
à temps plein (dont 6 en Île-de-France), 27 unités d'hospitalisation
de jour et 3 centres de consultation psychiatrique spécialisée en périnatalité,
certaines régions comme le Centre-Val de
Loire, l’Occitanie et la Normandie
étant toujours dépourvues de ce type de structures malgré des projets en cours
dans les deux dernières régions. En l’abse
nce de places disponibles en UMB,
le maintien en hospitalisation peut donc se prolonger, les troubles
psychiatriques des mères, souvent associés à une précarité et un isolement
social, rendant impossible le retour à domicile avec l’enfant.
b)
Des investissements dans la concertation pluridisciplinaire
médico-psycho-sociale
dont l’efficacité reste
à évaluer
Organisées au sein de certaines maternités ou centres périnatals de
proximité, les réunions de concertation pluridisciplinaire médico-psycho-
sociales en périnatalité, ou « staffs médico-psycho-sociaux », rassemblent
des compétences diverses, hospitalières, de PMI et de ville (gynécologues,
75
Décrets du 28 septembre 2022 relatif
s, d’une part,
aux conditions d'implantation de
l'activité de psychiatrie et
, d’autre part,
aux conditions techniques de fonctionnement
de l'activité de psychiatrie.
76
Annexe n° 5.
UNE OFFRE DE SOINS INADAPTÉE ET PEU EFFICIENTE
57
pédiatres,
psychiatres,
sages-femmes,
infirmières,
psychologues,
travailleurs sociaux…), nécessaires au repérage et à l’organisation de la
prise en charge des familles en situation de vulnérabilité. Il s’agit
concrètement d’assurer une coordination des soins et de l’accompagnement,
en discutant chaque dossier de manière collégiale et à intervalles réguliers.
Depuis 2021, le renforcement de cette pratique pluridisciplinaire fait
partie des priorités portées par la stratégie des « 1 000 premiers jours », avec
la mobilisation de moyens financiers de l’ordre de 15
M€
sur trois ans. Cet
investissement est toutefois intervenu alors que les besoins n’étaient pas
connus précisément, les pouvoirs publics ne disposant pas d’une vision
consolidée de l’état de déploiement de ces dispositifs ni, lorsqu’ils existent,
de leurs modalités de fonctionnement, de la typologie des familles prises en
charge ou des parcours de soins mis en œuvre. Il conviendrait que l’
étude
nationale, prévue dans les prochains mois afin de mieux appréhender les
besoins
77
, dresse aussi un bilan des résultats obtenus en matière de qualité
de prise en charge au regard de
l’effort
financier consenti, afin de formuler
des objectifs opérationnels précis à l’intention des ARS.
B -
Des tensions démographiques persistantes
et une mauvaise répartition des moyens
Des tensions sont mises en avant dans la plupart des spécialités de la
périnatalité par les professionnels du secteur, malgré des situations
contrastées entre disciplines et secteurs d’exercice
-
en ville ou à l’hôp
ital -
ainsi
que
des
évolutions
d’effectif
significatives.
Les
présents
développements n’abordent pas le cas des psychiatres, spécialistes de
l’adulte ou de l’enfant, dont les enjeux en matière démographique et de
parcours de soins ont fait l’objet de rapp
orts récents de la Cour des comptes
78
.
1 -
Des tendances contrastées pour les gynécologues
La gynécologie médicale assure le suivi des femmes tout au long de
leur vie et la gynécologie obstétrique est relative à des actes chirurgicaux
comme l’accouchement. Alors que les difficultés se concentrent sur l’accès
aux gynécologues médicaux (- 43 %
de l’effectif entre 2012 et 2022 après la
suppression de cette spécialité du cursus universitaire entre 1984 et 2003), la
77
Instruction interministérielle du 18 juillet 2023 relative à la déclinaison, pour 2023,
de la stratégie des 1 000 premiers jours
de l’enfant.
78
Cour des comptes,
La pédopsychiatrie : un accès et une offre de soins à réorganiser
,
juin 2023 et
Les parcours dans l’org
anisation des soins de psychiatrie
, février 2021.
COUR DES COMPTES
58
situation est plus favorable pour les gynécologues obstétriciens. Selon la
Drees, leur nombre s’établissait à 5
636 en 2022, soit près de 40 % de plus
qu’en 2012. Depuis 2017, l’effort de formation a été soutenu. Le volume des
postes ouverts au concours de l’internat, intégralement pourvus chaque année
,
s’est accru de 10
%, soit un peu plus que pour les autres spécialités médicales.
Ces évolutions recouvrent cependant une réalité hospitalière
préoccupante, confirmée par une récente enquête du collège des
enseignants en gynécologie-obstétrique et du collège national des
gynécologues-obstétriciens français
79
. Le nombre de gynécologues
obstétriciens apparaît en tension « sévère » ou « modérée à sévère » pour
respectivement 40 % et 48 % des maternités, représentant 22 % et 27 %
des accouchements. En effet, alors que les maternités de type 3 ou réalisant
plus de 2 000 accouchements par an ne connaissent pas, en règle générale,
de tension marquée, 72 % des maternités de type 1 et 31 % des maternités
de type 2 subissent des tensions « sévères »
, qui peuvent être à l’origine de
fermetures partielles temporaires
d’activité.
Au plan géographique, la prévalence de ces difficultés apparait
moins importante en Île-de-France (18 % de maternités en tension
« sévère »), que dans les autres régions (plus de 45 %, y compris dans la
moitié sud de la France, réputée plus attractive).
2 -
Une progression du nombre de pédiatres, mais des tensions
pour les néonatalogistes
En 2022, la France comptait 8 682 pédiatres selon la Drees, en
progression de près de 17 % depuis 2012. Cette évolution a notamment
concerné les salariés hospitaliers (+ 32 %), dont la part dans le total de cette
spécialité s’est accrue (54
% en 2022, contre 48 % en 2012).
Au sein de cette spécialité, les pédiatres néonatologistes
80
restent
cependant peu nombreux, de l’ordre de 1
500 en 2022, même si les pouvoirs
publics tentent depuis quelques années de renforcer l’attractivité de cette
activité. Depuis 2017 et la réforme du troisième cycle des études de médecine,
la
néonatalogie fait partie intégrante du diplôme d’études spécialisées de
pédiatrie et constitue une option « sur-spécialisante » de la formation. Le
nombre de postes ouverts est en progression ces dernières années (342 places
au titre de l’année univer
sitaire 2022-
2023, contre 336 l’année précédente)
.
79
CNGOF,
Pérennité des équipes, quel avenir pour la continuité des soins en
gynécologie-obstétrique ?
Rapport 2022 de la commission démographie.
80
Les néonatologistes sont des pédiatres surspécialisés dans la prise en charge des enfants
dans les 28 jours suivants leur naissance,
qu’ils soient nés
prématurément ou à terme.
UNE OFFRE DE SOINS INADAPTÉE ET PEU EFFICIENTE
59
Ces mesures sont toutefois insuffisantes, 75 % des postes en
néonatologie n’étant finalement pas pourvus. La situation contribue à renforcer
les tensions au sein des maternités. Selon la société française de néonatologie
81
,
au moins un poste de pédiatre néonatologiste est vacant dans 73 % des
maternités de type 3 et deux ou plus sont vacants dans 46 % des structures de
type 2b. De ce fait, 72 % des maternités de type 3 et 80 % des services de type
2b rencontrent des difficultés pour assurer la permanence des soins.
3 -
Un nombre particulièrement faible de chirurgiens-pédiatres
La chirurgie pédiatrique est une spécialité sensible dans les prises en
charge périnatales. Généralement distingués entre spécialistes des prises en
charge viscérales ou orthopédiques, les chirurgiens pédiatres peuvent aussi
être compétents dans un champ comparable à celui de l’adulte, correspondant
alors à une surspécialisation pédiatrique (chirurgie cardiaque infantile,
urologie, etc.). Leur spécialisation peut aussi être appréhendée en fonction
de leur capacité à opérer l’enfant dès la période néonatale, et notamment dans
la période suivant immédiatement la naissance.
Cette spécialité est particulièrement en tension sur le plan
démographique. En 2022, seuls 362 chirurgiens pédiatres exercent sur
l’ensemble du territoire national. Leur densité, au regard du nombre de
patients potentiels apparaît comme une des plus faibles de l’ensemble des
spécialités médicales et chirurgicales. Le nombre réduit de places
proposées à l’internat chaque année (33 en 2023, 29 en 2022) et l’absence
de la spécialité au concours de la procédure d’autorisation d’exercice pour
les médecins à diplôme étranger
82
, constituent des freins. L’effectif de
chirurgiens pédiatres s’est certes accru de 37,1
% entre 2012 et 2022, mais
cette évolution a surtout profité aux établissements de taille importante.
Les services de chirurgie pédiatrique existants sont fréquemment
confrontés à des difficultés pour as
surer l’ensemble des prises en charge et
garantir la permanence des soins, du fait des tensions sur les personnels et
des places disponibles. Les transferts régionaux, voire inter-régionaux, de
petits patients ne sont pas inhabituels. En pratique, et à déf
aut d’effectif
suffisant sur l’ensemble du territoire, une partie de la prise en charge
chirurgicale des enfants est réalisée par des chirurgiens spécialistes de
l’adulte, ce que des textes récents
viennent encadrer
83
.
81
SFN,
Qualité des soins et sécurité des nouveau-nés requérant des soins critiques :
état des lieux en 2023
, septembre 2023.
82
Arrêté du 20 avril 2023 portant ouverture des épreuves de vérification des
connaissances mentionnées à l’article L. 4111
-2-I du code de la santé publique.
83
Article D. 6124-286 du code la santé publique
.
COUR DES COMPTES
60
4 -
Un effectif de sages-femmes libérales en forte augmentation
En 2022, la France comptait 23 764 sages-femmes tous modes
d’exercice confondus,
dont près de 60 %
à l’hôpital (contre 73
% en 2012).
Alors que leur nombre avait déjà doublé entre les années 1990 et 2010,
celui-ci a continué à croître de près de 3 % par an
84
. Cette évolution tient
principalement au maintien, depuis le milieu des années 2000
, d’un seuil
élevé d’admission dans la profession
. Selon la Drees, le nombre de sages-
femmes devrait continuer à augmenter de 24 % par rapport à 2021 à
l’horizon 2050
, à comportement et législation constants. Le nombre de
salariés resterait stable, et l’exercice libéral ou mixte progresserait de 70
%.
Depuis une vingtaine d’années, le métier de sage
-
femme s’est
diversifié et leur rôle s’est
élargi. La réglementation a évolué dans le sens
d’une plus grande autonomie de leur exercice. Aux termes de plusieurs
modifications du code de la santé publique, l’exercice de leur profession
englobe désormais, au-
delà de l’accouchement, le suivi des gross
esses, y
compris la réalisation des échographies, mais aussi celui de la santé des
femmes tout au long de leur vie
85
.
En contrepartie d’une régulation du
conventionnement des sages-femmes qui limite les installations en secteur
libéral dans les zones qualifiées de « surdotées »
par l’
agence régionale de
santé,
à l’exception des sages
-femmes échographistes, ces dernières ont
obtenu un élargissement de leur champ d’intervention et une
importante
revalorisation de leurs actes
par l’assurance maladie
.
Ce
tte orientation a perduré. L’avenant
n° 6 à la convention nationale
organisant les rapports entre les sages-femmes libérales et l'assurance
maladie, conclu le 12 décembre 2022, soutient la pratique de
l'accouchement en maison de naissance ou dans le cadre de la location de
plateaux techniques en établissement de santé
86
. Dernière évolution en
date, l’avenant
n° 7 introduit une aide forfaitaire pour soutenir les sages-
femmes qui exercent une part de leur activité
à l’hôpital et prévoit une
revalorisatio
n de l’activité libérale, notamment dans les zones où elles sont
les moins nombreuses
87
.Ces évolutions ont eu un impact sur la répartition
de la profession entre la ville et l’hôpital.
Selon la Drees, le nombre de
84
M. Anguis et al.,
Quelle démographie récente et à venir pour les professions
médicales et pharmaceutiques ?,
Les dossiers de la Drees, n° 76, 2021.
85
Suivi gynécologique de prévention et d'interruptions volontaires de grossesse,
assistance médicale à la procréation, prescription de dispositifs médicaux et de
médicaments, prescription et administration de vaccins aux termes des articles L. 4151-
1 et s. du code de la santé publique.
86
Il a été approuvé par l’a
rrêté du 24 mars 2023.
87
Il a été approuvé par l’a
rrêté du 23 août 2023.
UNE OFFRE DE SOINS INADAPTÉE ET PEU EFFICIENTE
61
sages-femmes libérales est passé de 3 890 à 8 347 entre 2012 et 2022,
l’exercice conjuguant ville et hôpital concernant près d’un tiers d’entre
elles. Parallèlement, le nombre de professionnels exerçant exclusivement à
l’hôpital s’est réduit de 5
%, à 13 538 en 2022. Cette profession est à ce
titre identifiée comme l’une des priorités des établissements de santé
publics en matière de recrutement, bien que la situation apparaisse
contrastée selon les établissements
88
.
5 -
Des infirmières-
puéricultrices dont l’expertise
est insuffisamment reconnue
Le nombre d’infirmières puéricultrices,
des femmes à 98,5 %
, s’est
accru de près de 20 % au cours de la dernière décennie, pour atteindre
19 173 en 2021 selon la Drees, les deux-
tiers exerçant à l’hôpital.
Depuis la réforme intervenue en 2008, elles constituent les seules
professionnelles de santé paramédicales formées spécifiquement à la pédiatrie
–
et par conséquent, à la néonatologie
–
l’article R.
4311-13 du code de la
santé publique leur reconnaissant en la matière une priorité d’action.
Elles ne figurent cependant pas parmi les professionnels dont la
présence est quantitativement réglementée dans les secteurs liés à la
naissance, à l’exception des soins intensifs et de la réanimation
néonatale.
Le code de la santé publique prévoit à cet égard une substitution possible
par une infirmière dite « expérimentée en néonatologie », sans toutefois
définir cette notion en termes de compétences ou de
durée d’exercice à
justifier
89
.
Cette situation contraste avec l’esprit de la réforme de la
formation des infirmières puéricultrices, dans
un contexte où l’évolution
des pratiques médicales conduit à prendre en charge une part accrue de
nouveau-nés fragiles.
88
Fédération hospitalière de France,
Enquête de situation RH
, avril/mai 2022.
89
L
’article D.
6124-56 du code de la santé publique prévoit, dans les unités de
néonatologie, la présence continue d'au moins un infirmier ou une infirmière, spécialisé
en puériculture ou « expérimenté en néonatologie », pour six nouveau-
nés. L’article D.
6124-61 prévoit aussi la présence permanente d'au moins un infirmier ou une infirmière,
spécialisé en puériculture ou « expérimenté en néonatologie », pour deux nouveau-nés
hospitalisés en réanimation néonatale et pour trois nouveau-nés hospitalisés en soins
intensifs de néonatologie.
COUR DES COMPTES
62
6 -
Prendre la mesure de l’ensemble des enjeux démographiques
En définitive, la démographie des professionnels de la santé
périnatale est en progression (gynécologues obstétriciens, pédiatres, sages-
femmes, infirmières puéricultrices), dans un contexte de baisse de la
natalité. Toutefois, des difficultés sont régulièrement soulignées par les
professions concernées et les établissements qui les emploient.
D’abord
,
malgré l’augmentation de leur effectif global, certaines
spécialités médicales demeurent en forte tension. C’est notamment le cas
des chirurgiens pédiatres, dont le nombre est trop faible. La croissance des
effectifs de certaines professions recouvre par ailleurs des disparités en
termes de spécialisation :
malgré la progression de l’effectif global de
pédiatres
90
, le nombre de néonatologistes demeure ainsi restreint.
Ensuite, la répartition de certaines professions est déséquilibrée sur
le plan territorial comme pour l
es modes d’exercice
. Selon le rapport
précité de l’Igas,
la densité des chirurgiens pédiatres est près de trois fois
supérieure à La Réunion
qu’en
Centre-Val de Loire
ou qu’en Bourgogne
-
Franche-Comté.
La
diminution des effectifs à l’hôpital au profit de l’exercice libéral,
comme c’est le cas pour les sages
-femmes, peut expliquer les tensions
rencontrées par certains établissements.
Les aspirations des nouvelles générations de professionnels
médicaux sont aussi en cause.
D’après
le Collège national des
gynécologues et obstétriciens français (CNGOF), parmi les internes de
gynécologie-obstétrique, seulement la moitié envisage de participer à des
activités de garde de nuit et de week-end au cours de leur exercice
professionnel. Un travail analogue, effectué en 2022 par la société française
de néonatologie auprès de 721 médecins de la spécialité, souligne que les
trois-quarts des plus jeunes répondants (docteurs juniors) souhaitent
réduire le nombre de gardes
qu’ils
effectuent, voire ne pas en assurer
91
.
Ainsi, l’évolution globale des effectifs des métiers de la périnatalité,
dans un contexte de baisse de la natalité, ne doit pas occulter les tensions
liées à des défis démographiques spécifiques. Les pouvoirs publics doivent
poursuivre les efforts d’augmentation des effectifs de spécialités lorsqu’ils
sont nécessaires, mais également encourager des répartitions plus équilibrées
entre les territoires et entre les modes d’exercice libéral et hospitalier.
90
La densité de pédiatres
en France est l’une des plus faibles des pays de l’OCDE
en
2018, même à système de prise en charge des enfants équivalent. Igas,
La pédiatrie et
l’organisation des soins de santé de l’enfant en France
, mai 2021.
91
Société française de néonatalogie,
Qualité des soins et sécurité des nouveau-nés
requérant des soins critiques : état des lieux en 2023
, septembre 2023.
UNE OFFRE DE SOINS INADAPTÉE ET PEU EFFICIENTE
63
C -
Une offre de soins périnatals à planifier de façon globale
Une stratégie
de planification et de pilotage de l’offre de soins
fait
défaut, 25 ans après l’entrée en vigueur d
es décrets de 1998. Une telle
approche
, qui pourrait s’intégrer dans la nouvelle stratégie de
santé pour la
période 2023-2033, devrait concerner de manière coordonnée la
prévention, l’accouchement, les soins à la mère et au nouveau
-né, le retour
à domicile
, en tenant compte de l’évolution du nombre de naissances et de
leur répartition sur le territoire.
1 -
Un préalable : disposer de meilleures données
sur les professions liées à la naissance
Les pouvoirs publics doivent se donner les moyens de suivre
précisément, pour chaque bassin de population, comme de manière
consolidée
, non seulement les effectifs et le lieu d’
exercice, mais aussi le
type d’activité, les postes réellement vacants,
la stabilité des équipes, le
niveau de recours à l’intérim
ou encore le taux de recours à des praticiens
à diplôme étranger.
L’ensemble de ces données devrait être connu et
analysé de façon permanente pour assurer la continuité des soins et pour se
donner les moyens d’une politique de formation adaptée, à même de
répondre aux besoins de la population. À cet effet, il conviendrait que les
établissements transmettent, au moins une fois par an, à l’ARS
le résultat
d’indicateurs
à définir par les autorités sanitaires comme cela est en train
de se faire pour l’activité de chirurgie.
Concernant la formation, il doit être tenu compte du fait que
l’activité de ces professionnels ne se résume pas
à la naissance et que les
besoins de formation doivent être évalués dans leur ensemble. Les besoins
de procréation médicalement assistée doivent entrer en ligne de compte
dans l’appréciation des besoins de formation
pour les gynécologues
obstétriciens, la
prise en charge de l’extrême prématurité pour les
néonatologistes, etc.
Pour les sages-
femmes, l’allongement
de cinq à six ans de la durée
de leurs études à partir de la rentrée 2024 aura pour conséquence une
« année blanche » en 2028-2029 en termes
d’arrivée sur le marché du
travail de nouvelles sages-femmes diplômées. Cette année supplémentaire
d’études peut aussi avoir une incidence sur l’attractivité de la profession
dans un contexte où, à la rentrée 2022, près de 20 % des places en
deuxième année étaient restées vacantes et où les formations dispensées à
l’étranger attirent de plus en plus d’étudiantes françaises, notamment en
Belgique où la formation est de quatre ans.
COUR DES COMPTES
64
2 -
La nécessité d'une offre de soins plus sûre et plus efficiente
a)
Réformer les conditions techniques de fonctionnement
des activités de la naissance
Alors que les réformes relatives aux autorisations en matière de
soins critiques adultes et pédiatriques ont déjà abouti, celle des
autorisations en périnatalité, toujours encadrées par les décrets de 1998, est
à la peine
, malgré l’obsolescence unanimement reconnue de ces textes.
L
’absence de consensus des parties prenantes sur certains points
-clés de la
réforme, ainsi que la priorité donnée au traitement des conséquences de la
crise sanitaire n’ont pas permis à ces travaux d’aboutir.
Comme
déjà
décrit
supra
,
l’offre
de
maternités
s’est
significativement contractée et la taille des structures a beaucoup
augmenté.
Les exigences minimales d’effectifs de médecins et de sages
-
fe
mmes, associées à des paliers d’activité dont le plus important a été fixé
à 2 500 accouchements par an
92
, ne sont plus adaptées à un contexte dans
lequel beaucoup de maternités en réalisent plus de 3 000, voire 4 000
93
.
Par ailleurs, ce cadre règlementaire ne prend pas en compte les
besoins relatifs à la prise en charge des urgences gynéco-obstétricales dans
le cadre des activités non programmées de la maternité autres que celles en
salle de naissance, les médecins anesthésistes étant de surcroit appelés à
intervenir dans les autres services d’urgence de l’
hôpital. Les normes
d’effectif minima
l définies au titre de la néonatologie
94
mériteraient d’être
revue
s à l’aune d’une
évolution des pratiques médicales depuis 1998 ayant
conduit à une prise en charge accrue, dans les unités de soins intensifs de
néonatologie et de réanimation néonatale, de l’extrême prématurité et des
pathologies graves de la période néonatale.
b)
Garantir des exigences équivalentes pour la prise en charge
de la mère à celles existant pour
l’enfant
La révision des conditions techniques de fonctionnement des unités
d’obstétrique doit s’accompagner d’un enrichissement de la stratégie de
gradation des soins qui anime la prise en charge globale du couple mère-enfant.
92
Article D. 6124-44 du code de la santé publique.
93
En 2021, 61 maternités réalisaient plus de 3 000 accouchements annuels, dont 14 plus
de 4 000.
94
Articles D. 6124-56 et s. du code de la santé publique.
UNE OFFRE DE SOINS INADAPTÉE ET PEU EFFICIENTE
65
La logique qui a inspiré les textes de 1998 conduit à une orientation
vers une structure de rang supérieur en cas de risque pour l’enfant
.
Cependant, toutes les structures dont la maternité bénéficie d’un niveau de
qualification supérieur ne proposent
pas toujours l’offr
e garantissant une
complète sécurité des prises en charge pour la mère, notamment sur le plan
des soins critiques. Il serait donc utile de cartographier les capacités en
soins des établissements accueillant une maternité concernant les soins
critiques comme les activités de recours pour la mère (réanimation adulte,
cardiothoracique,
neurochirurgicale…)
afin
de
permettre
des
conventionnements obligatoires inter-établissements pour les maternités
présentant un niveau d’équipement insuffisant.
c)
Anticiper
l’évolution de l’activité des maternités les plus fragile
s
La priorité donnée aux enjeux de qualité et de sécurité des soins,
dans un contexte d’indicateurs périnata
ls dégradés, tout comme les
tensions démographiques observées pour la plupart des professions de la
périnatalité, appellent une action volontariste des pouvoirs publics dans le
pilotage de l’offre de soins.
Les fermetures de maternités et la réorganisation locale de l’offre de
soins qu’elles appellent doivent être préparées pour que les
reports
d’accouchement vers d’autres maternités du territoire
soient coordonnés et
accompagnés, si nécessaire,
d’une augmentation des
capacités
d’accueil
.
À cette fin, une revue
régulière de l’activité
des maternités paraît devoir
être conduite pour identifier lesquelles sont les plus en tension, par exemple
à l’aune
de leur fréquence de fermeture dans
l’accueil de
s parturientes, de
leurs difficultés à assurer la permanence des soins, ou encore de leur
recours à l’intérim
. En particulier,
il conviendrait d’assurer un c
ontrôle
resserré des maternités
dont l’activité est inférieure au seuil réglementaire
de 300 accouchements par an
et d’inciter à leur transformation en centre
périnatals de proximité. Il convient en particulier de faire cesser sans délai
l’activité des str
uctures ne permettant pas de garantir la sécurité et la qualité
des prises en charge, comme la Cour l’a déjà appelé de ses vœux
95
.
95
Cour des comptes,
Les maternités
, communication à la commission des affaires
sociales du Sénat, décembre 2014 (disponible sur www.ccomptes.fr).
COUR DES COMPTES
66
En outre, les maternités réalisant moins de 1 000 accouchements
annuels, qualifiées dès 2007 de « vulnérables » par la Fédération
hospitalière de France (FHF)
96
,
devraient faire l’objet d’une vigilance
accrue. L’
Académie nationale de médecine suggère
d’adopter
ce nouveau
seuil réglementaire pour obtenir ou renouveler une autorisation
d’obstétrique
97
.
Une
analyse
associant
les
établissements,
les
professionnels de santé, les dispositifs spécifiques régionaux en périnatalité
et les représentants des usagers du territoire, permettrait de qualifier la
nature, provisoire ou structurelle, des difficultés rencontrées,
d’identifi
er
les actions à conduire
et de qualifier précisément les conséquences d’une
éventuelle restructuration pour les patientes et pour les établissements de
santé du territoire. Au-delà de
l’échelon ministériel
qui doit continuer
d’apporter
une aide méthodologique à la démarche
, afin d’en garantir une
déclinaison territoriale harmonisée, ces réflexions sont à conduire sous
l’égide des
agences régionales de santé
, mieux à même d’appréhender les
enjeux locaux de prise en charge.
d)
Maîtriser l’impact
des fermetures de structures
pour les populations concernées
Une réduction
de l’offre de soins conduir
ait à une augmentation des
temps de trajet nécessaires pour rejoindre la maternité lors de
l’accouchement.
Ce phénomène
est source d’inquiétude légitime
pour les
familles, avec la crainte de risques accrus pour le nouveau-né
98
.
Face à cette difficulté, le dispositif « engagement maternité »
permet, au moins pour les naissances à terme,
d’assurer la prise en charge
hôtelière de la mère dans les jours préc
édant l’accouchement, et son
remboursement par l’
assurance maladie.
96
Fédération hospitalière de France,
Atlas hospitalier et médico-social :
plan d’action
pour développer le service public
, 2007.
97
Académie de médecine,
Planification d’une politique en matière de périnatalité en
France : Organiser la continuité des soins est une nécessité et une urgence
, février 2023.
98
Il a été démontré qu’un temps de trajet de plus de 30 minutes et une distance plus
importante sont associés à un résultat plus défavorable pour le nouveau-né. K. Aoshima
et al.,
Neonatal mortality rate reduction by improving geographic accessibility to
perinatal care centers in Japan
, J Med Dent Sci., 2011, 58 (2), 29-40. ; S. Paranjothy et
al.,
Perinatal outcomes and travel time from home to hospital: Welsh data from 1995 to
2009
, Acta Paediatr., 2014, 103 : e522
–
7 ; M. Levaillant et al.,
In France, the organization
of perinatal care has a direct influence on the outcome of the mother and the newborn :
Contribution from a French nationwide study
, Int J Gynaecol Obstet, 2023 Jul 24.
UNE OFFRE DE SOINS INADAPTÉE ET PEU EFFICIENTE
67
Le dispositif « engagement maternité »
Ce dispositif est, depuis 2022, accessible aux femmes enceintes
domiciliées dans les communes les plus éloignées d’une maternité
99
. Les
textes imposent aux hôpitaux de proposer aux femmes résidant à plus de 45
minutes de trajet qui le sollicitent, un hébergement de proximité pour les
cinq derniers jours de leur grossesse, dans des locaux aménagés sur site à
cet effet ou dans un hôtel partenaire. En cas de grossesse pathologique, la
prestation d'hébergement peut être proposée à tout moment de la grossesse,
sans que la limitation à cinq nuitées ne soit opposable. Sa nécessité et sa
durée sont laissées à l'appréciation médicale. Cette prise en charge, qui
couvre aussi les frais de transport engagés, pourrait concerner chaque année
entre 12 000 et 26 000 femmes, pour un coût de 10
M€
selon l’estimation
du ministère chargé de la santé.
Néanmoins, il peut être difficile d
’anticiper
l’état de l’offre en la
matière, que ce soit en termes de places disponibles au sein des
établissements de santé ou des hôtels conventionnés, aucun dispositif
d’évaluation périodique n’ayant été prévu malgré le caractère obligatoire
des nouvelles dispositions règlementaires.
L
’impact des
potentielles fermetures de maternités appelle un effort
accru
des
pouvoirs
publics
dans
la
définition
de
solutions
d’
accompagnement.
Le rapport de l’Assemblée nationale sur la mortalité
infantile suggère en ce sens de renforcer significativement les dispositifs
d’hébergement à proximité des maternités et de communiquer auprès de la
population sur les bénéfices de ce dispositif
100
. La définition d’une stratégie
d’hébergement et de transport des femmes sur le point d’accoucher, pour
les femmes accouchant à terme comme avant le terme et éventuellement
dans l’urgence, et des pères, apparaît ainsi nécessaire.
e)
Faire évoluer l’off
re de soins consacrée aux nouveau-nés les plus fragiles
Afin de remédier aux tensions constatées sur l’offre de réanimation
néonatale, il conviendrait
de mieux l’adapter
aux bassins de population. Un
dispositif de surveillance des taux d’occupation
des lits de réanimation
néonatale gagnerait à être déployé afin d’anticiper, le cas échéant,
l’organisation des transferts inter
-établissements.
99
Décret n° 2022-555 du 14 avril 2022.
100
Phillipe Juvin et Anne Bergantz,
Mission flash sur la mortalité infantile
, commission
des affaires sociales, Assemblée nationale, XVIe législature, 20 décembre 2023.
COUR DES COMPTES
68
Par ailleurs, compte tenu de l’hyperspécialisation que certaines
pathologies ou malformations justifient, une
organisation de l’offre de
soins concernant la prise en charge chirurgicale des malformations
congénitales des nouveau-
nés pourrait être envisagée afin d’améliorer les
pronostics concernant les cas plus rares et complexes. Alors que certaines
chirurgies
néonatales
urgentes
doivent
être
traitées
sur
place
(malformations de la paroi abdominale, occlusions néo-
natales…)
, les plus
complexes pourraient être orientées vers des structures préalablement
identifiées et reconnues au titre de leur expertise particulière.
f)
Redonner de l’attractivité à l’exercice en salle de naissance
Redonner de l’attractivité suppose de rompre un cercle vicieux
: les
pénuries de personnel dans certains établissements rendent plus difficiles
les conditions de travail, accroissant le
nombre de gardes et d’astreintes et
décourageant d’autres professionnels d’exercer en maternité. Outre le
renforcement de l’offre de formation,
il convient de mieux valoriser
l’exercice en maternité.
Les possibilités pour les sages-femmes libérales de travailler à
l’hôpital
pourraient être assouplies. Par ailleurs, une initiative intéressante,
jusqu’à présent développée exclusivement dans un cadre libéral, pourrait
réintégrer l’exercice hospitalier, celui des maisons de naissances.
Les maisons de naissance
Expérimentées à partir de 2015 et pérennisées depuis 2021
101
, les
maisons de naissance sont placées sous la responsabilité exclusive de sages-
femmes libérales. Elles permettent aux femmes dont la grossesse présente
a
priori
un risque limité d’accoucher dans
un environnement moins
médicalisé et de bénéficier d’un accompagnement personnalisé selon un
principe d’une sage
-femme pour une parturiente. Le déploiement de ces
structures qui
contribue à diversifier l’offre obstétrique, n’a toutefois pas
vocation à pallier la fermeture des petites maternités. En effet, l'un des
critères de sécurité exigé pour autoriser leur ouverture consiste en leur
localisation à proximité immédiate d'une maternité, avec laquelle elles
passent convention afin d’organiser les re
lations avec les équipes médicales
et d’établir les modalités de transfert éventuel et d’information réciproque.
101
L'expérimentation des maisons de naissance, réalisée sur la base d’un cahier des charges
établi par la HAS en septembre 2014, a été autorisée par la loi n° 2013-1118 du
6 décembre 2013 et le décret n° 2015-937 du 30 juillet 2015. Leur pérennisation est le fruit
de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021.
UNE OFFRE DE SOINS INADAPTÉE ET PEU EFFICIENTE
69
En 2023, neuf structures réalisent chaque année environ 800
accouchements. I
l s’agit
donc
d’une offre encore très restreinte. Leur
développement à venir (27 projets de création en cours, dont 3 en cours
d’instruction par les
agences régionales de santé) pose toutefois question.
Il paraî
t peu cohérent d’affecter dans ces structures une seule sage
-femme
à l’accompagnement de chaque accouchement
à bas risque quand, dans
l’établissement partenaire et la plupart des autres maternités, les sages
-
femmes
doivent
prendre
en
charge
simultanément
plusieurs
accouchements, dont certains à plus fort risque. Une telle situation revient
à renforcer encore l’attractivité de l’exercice libéral, au détriment de
l’activité hospitalière.
Il pourrait être préférable de généraliser le développement d
’
unités
« physiologiques » au sein des maternités. Ces espaces, consacrés à un
accouchement le plus naturel possible, permettent de proposer aux femmes
souhaitant accoucher sans anesthésie péridurale un accompagnement plus
personnalisé. Une telle évolution offrirait aux sages-femmes hospitalières,
conformément à leurs aspirations, l’opportunité d’alterner entre une
acti
vité classique en salle de naissance et une forme d’exercice leur
permettant de consacrer plus de temps à chaque parturiente, dans un
exercice pleinement autonome.
Les conditions d’une meilleure attractivité
relèvent aussi des
établissements, auxquels il appartient par exemple de favoriser le travail en
équipe, d’organiser les gardes de telle sorte que l’exercice
respecte
davantage les contraintes familiales,
qu’il
permettre des formations plus
fréquentes ou encore
qu’il
protocolise mieux les prises en charge. Pour être
pleinement efficaces, ces mesures nécessitent, en parallèle, de mieux
réguler l’installation des sages
-femmes en cabinet libéral.
II -
Une contribution insuffisante de la protection
maternelle et infantile à la politique de périnatalité
Créée à l’issue de la seconde guerre mondiale pour lutter contre une
mortalité infantile endémique, la protection maternelle et infantile (PMI)
est une institution originale relevant des départements. Pionnière en
matière de prévention et de repérage précoce des vulnérabilités, elle
propose une approche globale de la prise en charge, à la fois sanitaire et
sociale, individuelle et collective. Sa place dans le système de santé,
plusieurs fois réaffirmée par la loi, avait conduit les pouvoirs publics à en
faire un acteur-clé du plan périnatalité 2005-2007.
COUR DES COMPTES
70
Reposant sur un maillage territorial gage de proximité (en 2021,
4 360 points de consultation fixes, dont plus de 1 800 consacrés aux
consultations prénatales et postnatales), la PMI intervient principalement
sous forme de consultations ou de visites à domicile pour lesquelles aucune
avance de frais n’est nécessaire. Bien que toutes les familles puissent y
accéder sans conditions de ressources, elle joue de ce fait un rôle
particulièrement important pour les plus vulnérables.
A -
Des fragilités connues aux conséquences défavorables
pour la périnatalité
L’enquête de la Cour relative à la santé des enfants
102
avait souligné
la diminution, entre 2016 et 2019, des actions individuelles et collectives
des services de PMI à destination des enfants. Cette tendance est plus
marquée encore s’agissant de l’activité
orientée vers les femmes enceintes
et les mères, la diminution du nombre de naissances vivantes en France sur
la même période ne suffisant pas à expliquer cette situation.
Selon
l’e
nquête annuelle « Aide sociale » de la Drees, les médecins
ou sages-femmes de PMI auraient réalisé en 2019 un peu plus de 300 000
consultations, en recul de près de 10 % par rapport à 2016. Le nombre de
femmes ayant consulté au moins une fois a diminué de 20 % et le nombre
de visites à domicile de 15 %
. Le nombre d’entretiens prénatals précoce
serait resté stable autour de 44 000, soit 6 % des naissances vivantes en
2019, ratio éloigné de la cible de 20 % établie par les pouvoirs publics. Les
actions collectives des PMI à destination des femmes enceintes et des
mères
103
ont reculé de près d’un tiers entre 2016 et 2019, 45
% pour les
séances de préparation à la naissance.
Plusieurs rapports, dont celui de la députée Michèle Peyron
104
, ont
souligné les multiples facteurs explicatifs d’une telle évolution
: difficultés
démographiques et d’attractivité pour les professionnels de santé,
insuffisance des investissements consentis par les pouvoirs publics,
hétérogénéi
té des niveaux d’engagement
de certains départements ou
encore système de gouvernance inadapté. La plupart des acteurs interrogés
par la Cour ont aussi insisté sur le déplacement progressif du centre de
gravité de l’activité de la PMI vers ses missions soc
iales, en particulier
celles relatives aux modes de garde et à la protection de l’enfance.
102
Cour des comptes,
La santé des enfants
, communication à la commission des affaires
sociales d
e l’Assemblée nationale, décembre 2021 (disponible sur
www.ccomptes.fr).
103
Séances de préparation à la naissance et
à l’allaitement,
groupes de parole autour de
la parentalité, groupes parents-enfants.
104
Michèle Peyron,
Pour sauver la PMI, agissons maintenant !
, rapport au Premier
ministre, mars 2019.
UNE OFFRE DE SOINS INADAPTÉE ET PEU EFFICIENTE
71
L’analyse comparative des niveaux d’effectif et d’activité de sages
-
femmes et de puéricultrices des services de PMI par rapport aux normes
établies par le code de la santé publique j
usqu’en 2022
105
illustre ce
glissement. En 2019, plus du tiers des départements ayant répondu à
l’enquête annuelle de la Drees présentait un volume d’activité inférieur à
la norme s’agissant des consultations infantiles, cette part atteigna
nt près
de 70 %
s’agissant des consultations prénatales, alors que les effectifs de
sages-femmes et de puéricultrices étaient conformes aux normes, une
majorité de départements dépassant même les niveaux attendus
106
.
B -
Des progrès récents mais encore insuffisants
1 -
Une mobilisation autour de la stratégie nationale de prévention
et de protection de l’enfance
difficile à mesurer
La stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance 2020
-
2022 (SNPPE) a apporté une première réponse aux difficultés de la PMI, avec
la mise en place progressive de contrats locaux tripartites entre le préfet,
l’
agence régionale de santé et le département. Ces conventions triennales
reposent sur la définition d’objectifs opérationnels assortis de cibles de
progression nég
ociées avec chaque territoire et conditionnent l’allocation de
moyens financiers pour les exercices suivants. Parmi les « objectifs
fondamentaux » définis dans ce cadre, quatre concernent plus spécifiquement
la période périnatale et comportent des cibl
es ambitieuses au titre de l’entretien
prénatal précoce, des visites à domicile et des consultations infantiles
107
.
La plupart des services de PMI se sont progressivement mobilisés
autour de cette démarche, sept départements seulement
n’ayant pas conclu
de telles conventions à fin 2022.
Néanmoins, ils n’ont pas tous adopté
l’intégralité des objectifs fondamentaux relatifs aux enjeux de périnatalité,
en dépit de leur caractère obligatoire. En 2023, il restait difficile pour la
direction générale de la santé (DGS) de mesurer précisément ce
phénomène, les tableaux de bord contractuellement prévus au titre de
l’année 2021 n’étant disponibles que pour 80 des 95
signataires, la collecte
pour l’exercice 2022 n’étant pas achevée
. Les cibles de progression
définies par les départements au titre des objectifs retenus apparaissent
parfois en-deçà des ambitions nationales.
105
Articles R. 2112-5 et s. du code de la santé publique.
106
Drees, enquête Aide sociale ; Insee, estimations provisoires de populations au 1
er
janvier 2020 (résultats arrêtés fin 2021) ; Insee, statistiques de l'état civil en 2018.
Champ : France métropolitaine et Drom (hors Mayotte).
107
Annexe n° 6.
COUR DES COMPTES
72
L’analyse des résultats atteints localement se heurte à plusieurs
écueils. Le caractère échelonné, depuis 2020, de la signature des
conventions, et p
ar conséquent, de la mise en œuvre des actions afférentes,
ne permet pas de disposer d’une vision consolidée des progrès accomplis.
Par ailleurs, les données transmises ne sont pas toujours exhaustives et
fiables, ce qui oblige la DGS à les compléter par celles de la Drees au titre
de son enquête annuelle « Aide sociale ».
2 -
Une loi relative à la protection des enfants
dont l’effectivité reste à garantir
La loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants a rénové
le cadre de la gouvernance des
services de PMI dans le sens d’un
renforcement de leurs missions sanitaires. Il est ainsi prévu que leurs
missions soient désormais guidées par des priorités pluriannuelles
déterminées par l’État au titre de la stratégie nationale de santé,
en
concertation avec les représentants des départements.
Ces priorités n’ont
toutefois pas encore été arrêtées.
La nouvelle loi prévoit le r
emplacement des normes d’activité
par
des objectifs nationaux de santé publique
108
tout en préservant les normes
minimales d’effectif. Ces dernières, inchangées depuis 1992, pourraient
être actuali
sées et complétées par celles relatives à l’effectif de médecins.
Toutefois, faute de décret précisant ces paramètres, ces dispositions ne sont
toujours pas effectives.
Même après la parution des précisions réglementaires attendues,
resteront les sujets d
e l’insuffisante fiabilité des données d’activité
produites par les départements et de la prévalence du non-respect des
normes, la réforme n’ayant prévu ni mécanisme de sanction ni dispositif
d’évaluation périodique. En outre, la démographie des médecins d
e
services de PMI reste préoccupante. Afin que les nouvelles normes
d’effectif ne restent pas inopérantes, il conviendrait de
rapprocher la
rémunération des médecins de la fonction publique territoriale de celle des
médecins hospitaliers tout en valorisant les parcours professionnels par
l’organisation de passerelles entre secteurs d’exercice
, ainsi que le
recommandait la Cour en 2021
109
.
108
Article L. 2112-4 du code de la santé publique.
109
Cour des comptes,
La santé des enfants
, communication à la commission des affaires
sociales de l’Assemblée nationale, décembre 2021 (disponible sur
www.ccomptes.fr).
UNE OFFRE DE SOINS INADAPTÉE ET PEU EFFICIENTE
73
III -
Des moyens de coordination des soins
périnatals à optimiser
La prise en charge du suivi de la grossesse, de
l’accouchement
et de
la période postnatale fait intervenir, successivement ou simultanément,
plusieurs professions de santé exerçant en ville, dans des services de PMI
ou dans des établissements de santé, publics ou privés. Cette spécificité,
qui peut rendre le parcours de soin périnatal difficile à appréhender pour
les couples attendant un enfant ou les jeunes parents, appelle à renforcer
leur coordination et à accompagner les femmes intéressées.
A -
Une adaptation nécessaire des structures de coordination
1 -
Les dispositifs spécifiques régionaux en périnatalité :
un instrument à rationaliser
Les 36 dispositifs spécifiques régionaux en périnatalité (DSRP)
existant en France en décembre 2022 constituent un levier pour décloisonner
les acteurs de la périnatalité, notamment hospitaliers et libéraux. Institués dans
le cadre du plan périnatalité 2005-2007 puis réformés en 2019, les DSRP sont
des structures spécialisées de coordination et d’expertise. Partenaires des
agences régionales de santé qui les financent, ils interviennent à la fois auprès
de ces dernières et de l’ensemble des professionnels de santé périnatale
installés dans les territoires qu’ils couvrent.
Leurs missions, confirmées en 2023
110
, sont diverses. Les DSRP
contribuent à la déclinaison locale des parcours de soins périnatals et de
ceux concernant
les femmes en demande d’
interruption volontaire de
grossesse
, ainsi qu’à
la mobilisation des acteurs de la périnatalité sur des
sujets identifiés par les autorités sanitaires, comme la coordination du
dépistag
e des troubles de l’audition
ou de la trisomie 21. Ils offrent un
appui méthodologique aux maternités pour tirer les conséquences des
événements indésirables graves
qu’elles constatent ou pour former les
professionnels de santé. Les DSRP sont aussi impliqués dans
l’animation
des réseaux de suivi des enfants vulnérables (RSEV), l
’orientation des
transferts maternels et néonata
ls et, pour plus de la moitié d’entre eux, dans
des actions spécifiques en faveur des femmes victimes de violences.
110
Instruction
n° DGOS/R3/DGS/SP1/2023/122
du
3 août 2023
relative
à
l'actualisation des missions des dispositifs spécifiques régionaux en périnatalité. Cette
instruction s’est substituée à celle du
3 juillet 2015.
COUR DES COMPTES
74
Afin de réaliser ces missions, les DSRP ont bénéficié de 18
M€
en
2021, mis à leur disposition à partir du F
onds d’intervention régional (F
IR)
géré par les agences régionales de santé. C
et effort financier s’est accru
depuis 2016 mais reste modeste. Compte tenu du rôle des DSRP en matière
de périnatalité, une vigilance particulière est nécessaire pour garantir
l’efficacité et l’efficience de ces structures.
L’organisation des DSRP,
pilotée par les agences régionales de
santé,
mériterait d’être optimisée. Alors que plusieurs régions, couvrant des
territoires parfois très vastes comme la Nouvelle-
Aquitaine ou l’Occitanie,
ne comptent qu’un seul réseau périnatal, l’
Île-de France et Auvergne-
Rhône-Alpes présentent un maillage infra-départemental. Afin de limiter
le risque d’une couverture tantôt trop large pour
garantir une réelle action
de proximité, tantôt insuffisamment déconcentrée pour permettre des
économies d’échelle, il conviendrait de rendre l’organisation des DSRP
plus homogène
en retenant un modèle unique d’organisation, qui pourrait
épouser les front
ières des anciennes régions administratives, comme c’est
le cas en Bourgogne-Franche-Comté ou en Grand-Est, et en appliquant
pour l’Île
-de-France la logique de zones à laquelle répondent déjà plusieurs
DSRP. Il conviendrait aussi d’assurer une couverture i
ntégrale du territoire
par les réseaux de suivi des enfants vulnérables, certaines régions comme
les Hauts-de-France ou la Nouvelle-Aquitaine en étant dépourvus.
En second lieu, dans un contexte où les autres acteurs chargés de la
coordination des professionnels se sont multipliés dans la période
récente
111
, les instructions ministérielles successives en ont insuffisamment
précisé les champs de responsabilité respectifs.
2 -
Des collectifs de professionnels de santé à impliquer davantage
Eu égard à la diversité et à la complexité des parcours que peuvent
emprunter les femmes enceintes, les mères et leurs nouveau-nés selon leur
niveau de risque médical ou de vulnérabilité, la coordination des
professionnels
de santé qui interviennent en ville, à l’hôpital ou en
PMI
constitue un enjeu central.
111
Dispositifs d’appui à la coordination, communautés professionnelles territoriales de
santé, dispositifs dédiés à la prise en charge des femmes victimes de violences, notamment.
UNE OFFRE DE SOINS INADAPTÉE ET PEU EFFICIENTE
75
Créées en 2016 par la loi de modernisation de notre système de santé
sur le modèle des anciens pôles de santé et réaffirmées en 2019 par la loi
relative à l'organisation et à la transformation du système de santé
112
, les
communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) offrent un
cadre permettant
l’exercice coordonné
sur un même territoire de
l’ensemble des acteurs sanitaires et médico
-sociaux
113
, regroupés autour
d’un projet
de santé commun
, validé par l’
agence régionale de santé. Elles
ne prodiguent pas de soins.
Ces structures restent encore peu nombreuses, loin de l’objectif
d’une généralisation sur le territoire avant la fin de l’année 2023.
Une
dynamique
est
certes
enclenchée
depuis
fin
2021,
427 étaient
opérationnelles en avril 2023, couvrant 54 % de la population. La
couverture apparaît contrastée selon les régions, la Normandie, la
Nouvelle-Aquitaine et la Corse étant faiblement, voire non-dotées. De
surcroît, comme le relève une étude réalisée en 2023
114
, les CPTS
éprouvent des difficultés à structurer leur dialogue
avec l’hôpital
et à
fédérer une masse critique de professionnels de santé sur le territoire, au-
delà des porteurs de projets.
Parmi les CPTS opérationnelles, toutes ne développent pas des actions
consacrées au suivi des femmes enceintes et des familles
115
. Il est difficile
d’identifier celles qui le font ou qui pourraient être en mesure de le faire, en
l’absence d’analyse nationale des actions mises en œuvre. Un partage des
bonnes pratiques mis
es en œuvre par les CPTS les plus impliquées en matière
de coordination des parcours de soins périnatals
pourrait inciter à leur
développement. Il serait aussi utile de favoriser l’adhésion aux CPTS des
établissements de santé et centres de PMI du territoire.
S’agissant des modalités selon lesquelles les soins sont prodigués,
l’expérimentation des équipes de soins coordonnées autour du patient
(Escap), qui doit être engagée dans le domaine de la gériatrie, offre des
perspectives intéressantes pour une application aux parcours de soins
périnatals en ville. Le dispositif vise à favoriser une prise en charge
pluriprofessionnelle et coordonnée autour de personnes âgées présentant
des facteurs de risques particuliers, mobilisation permettant de réévaluer
périodiq
uement l’é
tat clinique des patients éligibles et
d’adapter en
conséquence la suite de leur parcours de soins.
112
Articles L. 1434-12 et s. du code de la santé publique.
113
Praticiens de premier et second recours, exerçant seuls ou en groupe, établissements
hospitaliers ou du secteur médico-social et social.
114
M-H. Certain, A. Lautman, H. Gilardi, Rapport « Tour de France des CPTS »,
Bilan
et propositions pour le déploiement et le développement des communautés
professionnelles territoriales de santé
, 28 juin 2023.
115
Annexe n° 7.
COUR DES COMPTES
76
Un dispositif analogue pourrait être expérimenté pour les femmes
enceintes présentant des facteurs de risques particuliers, somatiques ou
psychiq
ues, détectés par exemple dans le cadre de l’entretien prénatal
précoce. Pourrait être mobilisé autour d’elles un socle de professionnels de
santé composé au minimum du médecin traitant, d’un gynécologue
-
obstétricien et d’une sage
-femme, qui pourrait être complété le cas échéant
par d’autres praticiens.
Un outil numérique pourrait être mis à disposition
des patientes, intégrant des fonctionnalités de prise de rendez-vous, de
téléconsultation, et interopérable avec
Mon espace santé
.
3 -
Un principe d’unité
de lieu à développer
Comme
la
Cour
le
recommandait
en
2021,
l’exercice
pluriprofessionnel coordonné des soins de ville gagnerait à être organisé
dans un lieu unique afin d’être plus facilement
identifiable par les patients
et de gagner en efficacité et en efficience. Proposées au titre de la santé des
enfants, ces regroupements physiques pourraient inclure les soins,
somatiques ou non, dispensés aux parturientes et aux jeunes parents. Il
s’agirait ainsi, là où c’est possible
et en fonction de besoins définis par
chaque territoire, d’adosser une telle logique à des structures existantes,
telles que les maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP), tout en y
favorisant l’implantation de sages
-femmes.
B -
Des dispositifs perfectibles
d’accompagnement
individuel des patients
1 -
Un repli prématuré du programme d’accompagnement
du retour à domicile
Depuis 2010, l’assurance maladie met en œuvre le programme
d’accompagnement du retour à domicile (Prado)
« maternité »
afin d’organiser,
en lien avec l’offre de ville, la sortie de l’hôpital lorsque la parturiente n’a pas
subi de complication. Prado
contribue à répondre aux recommandations de la
Haute autorité de santé
en matière d’organisation du retour à domicile des mères
et de leurs nouveau-nés
116
, après une durée de séjour standard
117
ou plus
116
HAS, Recommandation de bonne pratique,
Sortie de maternité après accouchement :
conditions et organisation du retour à domicile des mères et de leurs nouveau-nés
, mars 2014.
117
Une durée de séjour standard est de 72 à 96 heures après un accouchement par voie
basse et de 96 à 120 heures après un accouchement par césarienne.
UNE OFFRE DE SOINS INADAPTÉE ET PEU EFFICIENTE
77
précoce. Selon une étude récente
118
, les mères et les enfants bénéficiant de ce
dispositif sont moins souvent réhospitalisés au cours du premier mois suivant la
sortie de maternité (- 14,4 % et - 6,3 %, respectivement).
Malgré c
es avantages, l’
assurance maladie a décidé de limiter Prado
aux sorties précoces. C
e repli s’est accentué
avec les réaffectations de
personnels pendant la crise sanitaire. Alors que le programme a concerné
plus d’une naissance sur deux jusqu’en 201
9, il ne concerne plus que 11 %
de la population potentiellement éligible en 2022. Cette situation se
distingue nettement des dispositifs Prado hors maternité, qui ont tous repris
leur expansion après la crise sanitaire.
Pour justifier cette évolution, l
’assurance maladie constate que près
de 80 % des femmes ayant accouché en 2021 bénéficient du suivi post-natal
à sept jours, recommandé par la Haute autorité de santé et considère que les
services de PMI ou les CPTS peuvent se substituer à Prado. Sur le premier
point, compte tenu des résultats durablement médiocres de la France en
matière de santé périnatale, le ratio de 80 %
de femmes bénéficiant d’un
suivi post-natal à sept jours devrait constituer un plancher. Or cette part
s’érode depuis 2020 et e
st tombée à 78,7 % en 2022. Pour 23 % des CPAM
qui ont abandonné le service relatif aux sorties standards en 2021 ou dont
l’activité en la matière représentaient moins de 10
% des adhésions totales
à Prado, le ratio est même inférieur à 70 %. Sur le deuxième point, les
services de PMI ne peuvent assurer le relai escompté compte tenu de leurs
difficultés actuelles et les autres dispositifs de coordination, notamment les
CPTS, en sont encore à leurs débuts (cf.
supra)
.
En définitive, il conviendrait de surseoir à la disparition du dispositif
Prado « maternité », y compris pour l
es sorties standards, jusqu’à ce que
d’autres leviers de coordination des parcours de soins périnata
ls aient
démontré leur efficacité en la matière.
2 -
Des modalités d’accompag
nement individuel à clarifier
La complexité inhérente aux parcours périnatals, même coordonnés
entre professionnels de santé,
suppose d’accompagner les patientes
pour
les orienter au mieux et prévenir ainsi les ruptures de suivi dans leur prise
en charge.
118
A. Caron, A. Rousseau, A-C. Brisacier, L. Courouve, L. Gaucher,
Planification des
retours à domicile après la naissance :
évaluation clinique et économique du suivi d’un
million de dyades mère
–
enfant pendant un an
, Pari(s) Santé Femmes, Collège national
des gynécologues et obstétriciens français, janvier 2023.
COUR DES COMPTES
78
C’est tout l’enjeu
de la création du référent « parcours périnatalité »
(Répap), expérimentation lancée en 2021 et consistant à proposer à toutes
les femmes enceintes et aux couples un accompagnement personnalisé
pendant la grossesse
et jusqu’
aux trois
mois de l’enfant
. Distincts des
consultations de suivi de grossesse et ne donnant pas lieu à la réalisation
d'actes de soins, les entretiens conduits par le référent permettent de guider
le couple dans son parcours de soins, de répondre à ses questions et de le
conseiller. Ce référent peut être choisi parmi les professionnels de santé
volontaires intervenant dans le champ de la périnatalité
à l’hôpital, en ville
ou au sein d’un service de PMI
- le référent pouvant alors effectuer
parallèlement le suivi médical - ou être un professionnel du secteur
médico-social ou encore un médiateur en santé.
Ce dispositif rencontre des difficultés, comme en atteste son
démarrage plus lent qu’escompté (
630 femmes incluses dans le programme
au 31 juillet 2022, au lieu des 3 000 envisagées à cette date). Le rapport
d’étape rédigé en septembre 2022 constate notamment
que les référents
permettent aux femmes accompagnées de mieux comprendre leur parcours
mais il relève aussi une mobilisation variable, ceux exerçant en ville étant
les moins dynamiques. Par ailleurs, tous les territoires expérimentateurs
font part de la réticence de certains professionnels de santé libéraux à
adresser les femmes enceintes
qu’ils suivent vers un référent lorsqu’ils ne
le sont pas eux-mêmes, par crainte de perdre ce suivi.
Cette expérimentation soulève une question de cohérence avec
l’émergence concomitante du rôle de la sage
-femme dite « référente »,
consacrée par
la loi du 26 avril 2021 relative à l’amélioration du système
de santé
et dont les missions semblent recouvrir l’essentiel de celles
assignées au Répap
119
. Il paraît contradictoire de promouvoir, d’une part,
un dispositif d’accompagnement
périnatal auquel peut contribuer une
variété importante d’acteurs, dont les sages
-
femmes et, d’autre part, de
consacrer ces dernières en tant que référentes uniques.
Ces limites semblent avoir été identifiées par le gouvernement, la
Direction générale de la santé ayant annoncé en avril 2024 que
l’expérimentation Répap ne ferait pas l’objet d’une généralisation
« en
l’état
»
.
119
Avenant n° 6 à la convention nationale des sages-femmes conclu le 22 décembre 2022.
UNE OFFRE DE SOINS INADAPTÉE ET PEU EFFICIENTE
79
__________ CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS __________
L’organisation de
s soins et la qualité des prises en charge jouent un
rôle décisif dans la prévention des risques et dommages en matière de santé
périnatale, notamment lors de l’accouchement et des suites de la
naissance. Pou
rtant, l’offre de soins repose aujourd’hui sur d
es bases
règlementaires qui ne correspondent plus aux enjeux actuels découlant des
évolutions récentes de l’organisation des maternités et des techniques de
prise en charge des nourrissons. Son évolution apparaît insuffisamment
pilotée, tant du point de vue de la démographie des professionnels de santé
concernés
, trop peu nombreux à l’hôpital,
que de la cartographie des
maternités, dont l’
évolution est imparfaitement anticipée et accompagnée.
En outre,
l’implication
des services de protection maternelle et
infantile (PMI) dans la politique de périnatalité reste trop modeste du fait
de fragilités structurelles qui tardent à être traitées. La coordination des
soins périnatals représente un enjeu central dont les moyens de mise en
œuvr
e doivent être optimisés.
Au total, en réponse à la deuxième question évaluative, l’organisation
des soins n’a pas suffisamment évolué depuis 2016 dans un sens favorisant
l’amélioration de la sécurité et de la qualité des prises en charge périnatales.
Le repli prématuré du Prado « maternité », affaiblit la logique
d’accompagnement des parents, objet de la quatrième question évaluative.
En conséquence, la Cour formule les recommandations suivantes :
2.
pour
chacune
des
maternités
pratiquant
moins
de
1 000
accouchements par an, conduire au niveau régional une revue
périodique de l’activité, prenant en compte la qualité et la sécurité des
soins et en tirer des conséquences sur l’opportunité et les conditions
de la poursuite de leur activité (ministère du travail, de la santé et des
solidarités) ;
3.
revoir les décrets fixant les normes de fonctionnement des unités
d’obstétrique et de néonatologie afin de mieux prendre en compte la
concentration de l’activité dans les plus importantes d’entre elles dans
un cadre de gradation des soins, ainsi que les conséquences d’une
prise en charge plus précoce des prématurés (ministère du travail, de
la santé et des solidarités) ;
4.
c
onforter le programme d’accompagnement du retour à domicile
co
nsacré à l’obstétrique (Prado
« maternité ») tant que des dispositifs
alternatifs plus efficaces n’auront pas été déployés, notamment en
faveur des femmes les plus vulnérables (Cnam).
Chapitre III
Une politique publique portant
sur un domaine trop étroit
L’accroissement des facteurs de risques, ainsi que le décalage
grandissant observé entre l’organisation sanitaire et médico
-sociale en
vigueur et les enjeux actuels de la périnatalité, constituent autant de
difficultés auxquelles les pouvoirs publics doivent appréhender.
Ce chapitre répond aux deux dernières questions évaluatives
présentées en introduction du rapport : «
En quoi les mesures de prévention
primaire et secondaire des risques pouvant affecter la santé des mères et
des enfants et le développement des enfants ont-elles effectivement permis
de réduire les cas de morbidité grave et de mortalité à la naissance et au
cours de la première année de vie ?
» et «
En quoi l’accompagnement des
parents, avant ou apr
ès l’accouchement, permet
-il une meilleure
prévention de la souffrance psychique, en particulier de la dépression du
post-partum, et des troubles de la relation entre les parents et les enfants,
ainsi que des violences et maltraitances sur les enfants ? ».
Comme le chapitre précédent, il contribue aussi à répondre à la
deuxième question évaluative :
«
Dans quelle mesure l’évolution de
l’organisation des soins a
-t-
elle permis d’améliorer la sécurité et la qualité
des prises en charge et donc de réduire la mortalité périnatale, la mortalité
maternelle et la morbidité maternelle sévère de manière pérenne ? »
En réponse à ces questions, l
’analyse de la structuration de la
politique conduite en la matière offre un premier éclairage (I). La portée
des mesures de prévention périnatale est insuffisante (II) tandis que
l’accompagnement parental pourrait faire l’objet d’adaptations
(III).
COUR DES COMPTES
82
I -
Un volontarisme renouvelé mais des écueils
dans les stratégies récentes
Depuis plus de 50
ans, la politique de périnatalité mise en œuvre par
les pouvoirs publics ambitionne d’améliorer l’offre de soins et de
développer l’accompagnement des parents dès la période prénatale. Alors
qu’elle était structurée autour de plans stratégiques
spécifiques, cette
politique
s’est ensuite estompée,
avant de regagner en visibilité dans la
période récente. Toutefois,
l’efficience des moyens financiers qui y sont
consacrés pose question et
l’éparpillement dans divers documents
stratégiques des mesures mises en œ
uvre,
de même que l’absence
d’objectif de santé publique
, nuisent à la mobilisation des acteurs de la
périnatalité.
A -
Une moindre efficience de la dépense publique
consacrée à la politique de périnatalité
Les dépenses publiques associées à la période périnatale incluent la
maternité
120
et les soins prodigués aux jeunes enfants jusqu’à la fin de leur
première année de vie. Les dépenses de sécurité sociale associées au risque
maternité sont suivies par l’assurance maladie dans le cadre de sa cart
e
annuelle des dépenses de santé et plus ponctuellement par la Drees à
l’occasion de ses travaux sur les comptes de la santé. En revanche,
aucun
suivi consolidé, y compris les soins prodigués au jeune enfant, n’est assuré.
La diversité des acteurs et des sources de financement, la dispersion et,
parfois, l’indisponibilité des informations nécessaires, rendent difficile une
telle reconstitution.
À partir des données disponibles, la Cour a estimé les dépenses
engagées au titre de la politique de périnatalité en 2021 à 9,3
Md€
, contre
8,5
Md€
en 2016. Cet accroissement contraste avec le recul de la natalité
et la faiblesse des résultats observés au plan sanitaire.
120
S
uivi de la grossesse et de ses complications, séjours en maternité et soins jusqu’au
douzième
jour après l’accouchement
.
UNE POLITIQUE PUBLIQUE PORTANT SUR UN DOMAINE TROP ÉTROIT
83
Graphique n° 5 :
synthèse des dépenses relatives à la politique
de périnatalité (en
Md€
)
Sources : Cnam, cartographie des pathologies et des dépenses de l'Assurance Maladie (tous
régimes confondus) et ATIH
Stables jusqu’en 2020, l
es dépenses remboursées par l
’
assurance
maladie associées à la maternité
se sont accrues en 2021 pour s’établir à
9,1
Md€
, soit 7 240 euros par parturiente. Elles se concentrent
principalement sur les prestations en espèces (42 %), en particulier les
indemnités journalières versées en lien avec la maternité et les congés pour
adoption et paternité (3,2
Md€
), et sur les hospitalisations (42 %). Les soins
de ville représentent 1,4
Md€
en 2021 : les principaux postes sont associés
aux soins réalisés par les sages-femmes, les chirurgiens-dentistes et les
autres professionnels de santé (524
M€
), aux médecins (295
M€
) et aux
actes de biologie médicale (311
M€
).
Au-delà du séjour en maternité, les dépenses hospitalières des
nouveau-
nés de moins d’un an incluent les séjours en
médecine, chirurgie
et obstétrique (MCO) ainsi que les consultations externes. En 2021, elles
représentaient 240
M€
.
À ces dépenses en établissement devraient être ajoutées les soins
dispensés en ville, les dépenses de prévention institutionnelle, le financement
par le Fonds d’intervention régional (FIR) d’actions ciblées sur la péri
natalité
ainsi que l’activité périnatale des services de PMI. Néanmoins, il n’a pas été
possible de consolider ces chiffres, en raison de leur indisponibilité ou des
difficultés à isoler la maternité et la toute petite enfance.
COUR DES COMPTES
84
B -
De nouvelles ambitions au champ trop limité
1 -
La nouvelle dynamique des « 1 000 premiers jours »
La stratégie des « 1 000 premiers jours », faisant suite aux premiers
travaux sur le sujet à compter des années 1980, poursuit
l’
objectif de réunir
les conditions nécessaires à la santé
de l’enfant
pendant la période qui va
de la grossesse de la mère au troisième anniversaire
de l’enfant
pour
contribuer à
sa future santé d’
adulte.
En 2019,
une commission d’experts a été chargé
e de formuler des
recommandations au titre de
l’accompagnement des parents,
des situations
de vulnérabilité, des congés de naissance et de
l’accueil du jeune enfant
.
Cette commission a rédigé un rapport en 2020
121
dont les pouvoirs publics
ont cherc