Le centre hospitalier Annecy-Genevois (CHANGE) est un établissement public de santé situé sur deux sites (Annecy et Saint-Julien-en-Genevois). Au 31 décembre 2019, l’établissement avait une capacité de 1 430 lits et places avec un effectif de 4 042 agents dont 423 médecins.
Une activité plutôt dynamique mais des choix stratégiques discutables
L’établissement a mis en place un projet stratégique sur la période 2014-2018, prolongé jusqu’en 2019 dans l’attente de la finalisation du nouveau projet 2020-2024. La mise en œuvre du projet s’est accompagnée d’un suivi insuffisant, ce qui peut expliquer que les objectifs aient été atteints diversement.
Au crédit de l’établissement, le fonctionnement médical sur deux sites est désormais effectif pour la quasi-totalité des spécialités, permettant de dynamiser l’activité sur le site de Saint-Julien. L’activité de médecine, chirurgie, obstétrique est en croissance (+ 18,4 % du nombre de séjours entre 2014 et 2019) avec une plutôt bonne maitrise de la durée moyenne des séjours et du taux d’occupation des lits.
Des points restent toutefois à améliorer comme un plus grand recours à la chirurgie ambulatoire ou la couverture des besoins médicaux du bassin Bellegarde/Pays de Gex. De plus, certaines activités sont en difficulté. C’est le cas des soins de suite et de réadaptation, de la psychiatrie et des secteurs de prise en charge des personnes âgées dont le nombre de lits et leur taux d’occupation ont nettement diminué du fait principalement de la difficulté de recruter des personnels.
L’établissement a été un des premiers à prendre en charge et accueillir des patients atteints de la Covid19. Il a su adapter ses organisations, notamment pour porter à 60 lits le plateau technique de réanimation.
Par ailleurs, le bilan du projet stratégique fait apparaitre deux faiblesses majeures.
Tout d’abord, le système d’information médical n’a pas permis d’atteindre l’objectif du dossier patient unique. La coexistence de plusieurs logiciels complexifie la tâche des personnels de santé et aboutit à une faible satisfaction des utilisateurs.
Ensuite, le projet immobilier, qui conduit à une augmentation de 40 % de la surface du bâtiment sanitaire du site d’Annecy, a été adopté sans validation de l’ARS, sur la base d’un plan de financement irréaliste, et sans prise en compte suffisante des besoins et de l’évolution des pratiques médicales. L’établissement se retrouve aujourd’hui en difficulté pour porter financièrement de tels investissements et doit revoir la phase 2 du projet, l’obligeant à adapter son organisation aux nouveaux bâtiments.
Une situation financière très dégradée
La situation financière du CHANGE apparait fragile dès le début de la période contrôlée (2014) et ne fait que se dégrader jusqu’en 2019, du fait de la progression rapide des charges de personnel et du poids croissant des dépenses d’amortissement. Le taux de marge brute est inférieur au niveau de référence et aux objectifs fixés dans le PGFP.
Le niveau de la marge est insuffisant pour couvrir les remboursements des annuités de la dette et surtout financer le niveau très élevé des investissements, portés par le projet immobilier massif de l’établissement. Ainsi, entre 2014 et 2020, l’épargne dégagée par le CHANGE (136 M€), une fois déduit le remboursement des emprunts (78 M€), s’est avérée nettement insuffisante pour financer les dépenses d’investissements de 288 M€. L’établissement n’a pu que recourir massivement à l’emprunt (158 M€), les subventions reçues et les produits de cessions restant très limités. Le niveau d’endettement est aujourd’hui très élevé, atteignant des seuils d’alerte et compromettant les marges de manœuvre du CHANGE pour ses futurs projets.
La crise sanitaire n’a pas bouleversé la situation financière. Les surcoûts et pertes de recettes, estimés en 2020 à environ 17 M€ (16 M€ de surcoûts, 7 M€ de pertes de recettes mais 6 M€ d’économies sur les activités médicales en retrait), ont été pris en charge pour la totalité par les sommes reçues dans le cadre des mécanismes nationaux de compensation.
Une gestion empreinte d’irrégularités
En matière de gestion des ressources humaines, l’enjeu essentiel pour l’établissement concerne l’attractivité et la fidélisation du personnel. En effet, le CHANGE pâtit d’un contexte local défavorable en raison de la proximité de la Suisse où les salaires proposés sont plus de deux fois supérieurs aux salaires français. La difficulté de recrutement conduit pour certaines activités, telle que la gériatrie, à ne pas pourvoir les postes vacants et à devoir fermer des capacités d’accueil pour les patients.
Pour faire face à ces contraintes, le CHANGE avait instauré des primes pour le personnel non médical, avec un coût élevé (environ 5 M€), et sans que des résultats concrets n’aient pu être identifiés. Ces primes avaient de surcroit un caractère irrégulier. Pour le personnel médical, l’établissement a utilisé le temps de travail additionnel en contournant la règle pour négocier de fait des contrats plus intéressants pour les médecins et faire face ainsi à la pénurie de ressources humaines dans certaines spécialités.
L’établissement doit donc mener d’autres actions pour répondre à l’enjeu de l’attractivité. Les pistes envisagées telles que la gestion prévisionnelle des métiers et des compétences, l’amélioration de l’accueil, le soutien au logement ou la création de places de crèches, doivent être poursuivies.
S’agissant de la gestion de la commande publique, si la stratégie et l’organisation en matière d’achats n’appelle pas d’observations particulières, de graves défaillances ont été relevées pour certains marchés. Des atteintes aux règles de mise en concurrence ont été constatées pour des prestations d’assistance à maitrise d’ouvrage (pour plus de 730 k€) et pour des opérations liées à la construction d’un bâtiment de soins de suite et de réadaptation et de soins de longue durée (pour plus de 53 M€). Dans les deux cas, les manquements relevés ont conduit à avantager la société retenue.
RECOMMANDATIONS
- Recommandation n° 1 : Faire aboutir le processus de contractualisation avec les pôles d’activités dans le cadre de l’élaboration du nouveau projet d’établissement.
- Recommandation n° 2 : Renforcer la fréquence de réalisation des audits de sécurité des systèmes d’informations.
- Recommandation n° 3 : Se conformer à la règlementation concernant le versement d’indemnités pour temps de travail additionnel au personnel médical.
- Recommandation n° 4 : S’assurer de l’effectivité des dispositifs de contrôle interne relatifs au respect des obligations de computation des seuils de commande publique.