Sort by *
Publications

Publications

Centre hospitalier de Vichy (Allier) - Cahiers thématiques

CRC AUVERGNE-RHÔNE-ALPES

La chambre régionale des comptes Auvergne Rhône-Alpes a réalisé un contrôle des comptes et de la gestion du centre hospitalier de Vichy sur la période 2016-2023. Un premier rapport a été publié le 19 octobre, traitant de la gouvernance, de l’activité, de la gestion des ressources humaines, de la gestion budgétaire et comptable et de la situation financière du centre hospitalier. Le contrôle a également permis d’aborder deux sujets sensibles pour le centre hospitalier : l’accueil et le traitement des urgences d’une part, et la gestion des systèmes d’information d’autre part. C’est l’objet de ce présent rapport.

  • Premier cahier : l’accueil et le traitement des urgences

D’un point de vue démographique, le bassin de vie de Vichy est caractérisé par un vieillissement de la population prononcé, avec près de 15 % d’habitants âgés de 75 ans et plus en 2019, contre une proportion de moins de 10 % à l’échelle de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Ce territoire présente également une certaine fragilité d’un point de vue social (avec des taux chômage ou de bénéficiaires du revenu de solidarité active plus marqués qu’à l’échelle régionale) comme sanitaire, avec notamment une proportion de personnes reconnues en affection de longue durée nettement supérieure à celle constatée au niveau régional.
Ces différents facteurs influent de façon négative sur l’activité aux urgences.  Notamment, un patient accueilli aux urgences sur quatre est âgé de 75 ans et plus, proportion qui implique une plus grande lourdeur des prises en charge pour les équipes et des temps d’attente nettement plus longs. Elle contribue à expliquer un taux d’hospitalisation très important après passage aux urgences : 32 % durant les quatre premiers mois de 2023 contre 21 % pour des établissements comparables.

Des urgences connaissant une saturation chronique et des équipes fragilisées

Malgré des flux de patients stables sur la période (hormis la période de crise sanitaire), le service des urgences de l’hôpital de Vichy est régulièrement saturé. Cette saturation se matérialise notamment par le taux d’occupation de son unité d’hospitalisation de courte durée (UUCD) qui peut atteindre près de 200 % en période hivernale.

Faute d’unité de type post-urgences, le service est en effet amené jouer le rôle d’une unité-tampon pour les patients en attente d’hospitalisation. Cet encombrement chronique de l’activité du service des urgences pèse sur le plan de charge des équipes qui doivent continuer à s’occuper des patients hospitalisés dans le service, y compris ceux en attente d’un lit d’aval. Bien que des renforts temporaires puissent être mobilisés, les soins à prodiguer, notamment pour les patients âgés, sont d’autant plus lourds qu’ils s’effectuent dans et dans des locaux ne facilitant pas la surveillance visuelle et dans des conditions dégradées : brancards dans les couloirs, box sans fenêtre et sans sanitaires.

Pour faire face au surcroît d’activité, les équipes soignantes et médicales des urgences sont d’autant moins armées qu’elles sont elles-mêmes fragilisées. C’est particulièrement le cas des équipes médicales, dont l’effectif permanent n’excédait pas quatorze emplois équivalent temps plein (ETP) en 2022, en dessous de l’effectif cible.

Pour faire face à l’insuffisance de ressources médicales permanentes, l’hôpital a recours à des contrats de gré à gré pour des missions courtes, des missions d’intérim, ou encore des médecins étrangers engagés dans un parcours de formation pour obtenir l’autorisation d’exercer en France. La fragmentation des équipes médicales, composée d’un important volet de médecins de passage au surplus diversement formés, n’est toutefois pas sans incidence sur le fonctionnement du service et la qualité du dialogue médical entretenu avec les médecins des étages, pourtant essentielle dans le processus d’orientation des patients.

Une situation qui désorganise l’ensemble de l’hôpital et altère la qualité et la sécurité des prises en charge des patients

Si le service des urgences se trouve en difficulté, il entraine également une désorganisation de l’activité des services d’hospitalisation en aval.

L’établissement connait, de fait, une saturation chronique de ses lits d’hospitalisation lui imposant d’activer en permanence depuis le mois de novembre 2021, des lits surnuméraires. Entre le 1er janvier et le 31 mai 2023 ce sont ainsi en moyenne 132 lits surnuméraires par mois qui ont été mobilisés par l’hôpital pour accueillir les patients en provenance des urgences. Ces procédures dégradées conduisent à accueillir les patients dans des chambres dédoublées voire triplées, quand ce n’est pas dans les couloirs, à l’instar du service des urgences (« lits-porte »).

L’encombrement chronique de l’unité d’hospitalisation de courte durée et des lits d’aval pourrait traduire un déficit en lits, notamment pour le service de soins de suite et de réadaptation et l’unité de soins de longue durée dont les capacités ont été récemment réduites de 25 lits.

La saturation chronique du service des urgences comme des services d’aval désorganise l’ensemble de l’hôpital et altère, au-delà de la qualité de leur prise en charge, la sécurité des patients. La sécurité des prises en charge est plus particulièrement mise à mal pour les patients hébergés en attente d’hospitalisation aux urgences, en raison notamment d’une dissociation entre le service des urgences qui héberge le patient et le service d’aval qui en a la responsabilité. Cette dissociation entrainant des failles dans le dispositif de surveillance médicale, de façon accusée les jours fériés et les week-ends.

De la même façon, les tensions existantes entre le service des urgences et les étages entrainent des défauts de coordination et des ruptures de dialogue préjudiciables pour le patient. Ces carences et défaut de coopération dans la prise en charge des patients, peuvent se traduire dans les évènements indésirables graves associés aux soins signalés par l’hôpital attestant, de la fragilité des procédures et du suivi médical pour ces patients et qui étaient évitables.

Une situation qui doit conduire, en interne, à sécuriser les procédures et à impliquer plus fortement l’ensemble de l’hôpital dans la régulation des flux de patients non programmés

La sécurisation des procédures, plus spécifiquement pour les malades hébergés aux urgences en attente d’hospitalisation, est indispensable pour assurer la sécurité de la prise en charge des patients, qu’il s’agisse de l’organisation de la surveillance médicale les weekends et jours fériés par un dispositif d’astreinte adapté, ou de la qualité des articulations et du dialogue médical entre le service des urgences et les services d’aval. Par ailleurs, il convient d’impliquer plus fortement l’ensemble des services de l’hôpital dans la régulation des flux de patients non programmés. Cette implication doit notamment trouver une traduction dans l’engagement des services à réserver des créneaux pour des consultations spécialisées en urgence ou semi-urgence. Elle peut également se manifester par un accès facilité aux examens d’imagerie et de biologie, dont les modalités d’accès et les délais d’obtention des résultats peuvent se traduire par des temps d’attente considérablement allongés pour les patients des urgences, particulièrement préjudiciables pour les patients âgés. Cette mobilisation plus forte des services des étages doit aller de pair avec une plus grande structuration de l’organisation des équipes des urgences et notamment la réalisation de transmissions médicales systématiques entre le médecin coordonnateur de nuit et celui de jour.

Et qui doit conduire, en externe, à mobiliser des leviers et renforcer des coopérations pour mieux répondre aux besoins du territoire et de sa patientèle âgée

Alors que le territoire de Vichy présente des caractéristiques qui l’exposent plus que d’autres à des risques d’hospitalisation évitables, les coopérations qu’entretient l’hôpital avec la médecine de ville restent très insuffisantes pour réguler le flux des patients non programmés. La faiblesse des coopérations ville-hôpital se traduit tant par une permanence des soins peu articulée avec l’activité de l’hôpital que par des outils de régulation peu mobilisés pour prévenir les passages aux urgences (hotline gériatrique, annuaire des spécialistes à destination des professionnels de santé de ville). Dans ce contexte, l’hôpital gagnerait à renforcer ses coopérations et à développer des dispositifs spécifiques pour prévenir les passages aux urgences des publics âgés (hotline gériatrique à renforcer, équipe mobile de gériatrie intervenant sur l’extérieur, infirmiers de nuits mutualisés avec les EHPAD…).

Enfin au-delà de la restauration d’une partie de ses capacités en lit, l’hôpital de Vichy aurait intérêt à davantage investir les projets de dispositifs de coopération susceptibles d’offrir une alternative à l’hospitalisation complète, et à accompagner plus et mieux les retours à domicile des patients fragiles.

  • Second cahier : les systèmes d’information

Le système d’information du centre hospitalier de Vichy, outil essentiel pour la délivrance des soins et pour le fonctionnement quotidien de l’établissement, est composé de plus de 140 applications dont 40 destinées au domaine médical et d’une infrastructure technique repartie entre deux salles d’hébergement située dans l’enceinte de l’hôpital. L’hôpital dispose d’une direction des systèmes d’information de 15 personnes.

Une gouvernance fragile

L’hôpital de Vichy dispose de son propre schéma directeur du système d’information. Mais ce schéma est modeste, se cantonnant à reprendre les grandes lignes de celui porté par le groupement hospitalier de rattachement, les systèmes d’information étant au nombre des fonctions devant être mises en commun dans le cadre d’un groupement hospitalier de territoire. Le schéma du CH de Vichy ne comprend pas de construction stratégique déclinant les projets d’évolution des systèmes d’information lui étant spécifique. Il ne couvre pas l’ensemble des projets impliquant une dimension informatique, notamment les télécommunications et le biomédical. Le CH de Vichy doit donc d’élaborer un plan pluriannuel exhaustif d’évolution de son système d’information, incluant tant une déclinaison de la stratégie de convergence préconisée par le groupement hospitalier que les projets propres à son système d’information.

Par ailleurs, le dossier patient informatisé (DPI), qui ne figurait pas parmi les projets prioritaires du schéma directeur, a été lancé par le groupement hospitalier de territoire à la faveur de financements octroyés dans le cadre du programme « Hôpital numérique ouvert sur son environnement ». Confronté aux contraintes d’un grand nombre d’établissements fédérés utilisant des systèmes d’information hétérogènes, le groupement a réduit ses ambitions de convergence, au choix d’un logiciel de gestion du dossier patient identique pour chaque établissement, sans réelle synergie entre les différents DPI déployés. Rapidement développé à Vichy, le nouveau DPI engendre une surcharge de travail pour le personnel médical, contraint d’utiliser désormais plusieurs outils du fait de pertes de fonctionnalités au regard de l’ancien logiciel. Une consolidation du projet s’avère dès lors nécessaire.

Une modernisation et meilleure maîtrise nécessaires du système d’information

L’hôpital de Vichy manque de connaissances précises de son patrimoine informatique. L’absence de cartographies détaillées, décrivant tant le patrimoine applicatif que l’infrastructure technique, et le manque d’exhaustivité de l’inventaire matériel ne permet pas à l’établissement de disposer d’une vision complète des équipements informatiques déployés. L’amélioration de la connaissance de son système d’information doit lui permettre d’évaluer le niveau d’obsolescence des composants, en sorte d’en programmer le renouvellement.

Le système de redondance entre les deux salles hébergeant le système d’information et le stockage d’une sauvegarde dans chacune de ces deux salles permettent à l’hôpital de Vichy de disposer de la capacité à assurer la continuité et la reprise d’activité. Il conviendrait cependant de mettre en place une troisième copie sur un site distant, pour pallier un incident potentiel venant impacter les deux sauvegardes stockées sur le même site. Les récents incidents et exercices menés par l’hôpital ont démontré la nécessité d’établir un plan de réponse exhaustif en cas de crise.

Une sécurité informatique à conforter

Sur le plan de la gouvernance de la sécurité informatique, plusieurs instances ont été créées, tant auprès du groupement de territoire qu’à l’hôpital de Vichy, avec une identification des moyens humains mobilisés. Mais la fréquence des réunions en est encore faible et irrégulière au regard, notamment, des enjeux liés à la cybercriminalité. Une réelle synergie reste à créer entre le responsable de la sécurité des systèmes d’information, nommé auprès du groupent hospitalier et le référent sécurité désigné par l’hôpital de Vichy.

Le groupement hospitalier de territoire a élaboré une politique générale de la sécurité des systèmes d’information. Ce document est décorrélé de celui tenu par l’hôpital de Vichy, datant de 2014. Ce dernier doit donc procéder à l’actualisation de la politique de sécurité de ses systèmes d’information, en s’appuyant sur les principes retenus par la politique arrêtée au niveau du groupement hospitalier de territoire, ainsi que sur une cartographie des risques contextualisée à l’établissement vichyssois.

Applicable depuis 2018, le Règlement général sur la protection des données personnelles (RGPD) renforce les obligations des responsables de traitement, instaurant des sanctions significatives en cas de non-respect des obligations. Dans ce cadre, un délégué à la protection des données a été nommé auprès du groupement de territoire pour l’ensemble des établissements membres, tandis qu’un référent RGPD a été identifié au niveau de l’hôpital de Vichy. Néanmoins, depuis le départ de l’ancienne responsable du système d’information, ce relais n’est plus assuré, et les efforts de l’hôpital Jacques Lacarin consentis en vue d’une mise en conformité au RGPD s’avèrent encore très modestes : le registre des traitements est incomplet, et les analyses d’impact concernant le traitement de données sensibles ne sont pas réalisées. De telles carences présentent un double risque, de sécurité pour les patients et au plan juridique pour l’établissement, justifiant l’engagement au plus vite un plan d’actions pour y remédier.

RECOMMANDATIONS
Premier cahier : l’accueil et le traitement des urgences

  • Recommandation n° 1. : Fiabiliser les données d’activité recensées et transmises aux autorités sanitaires, notamment en matière de classification clinique des malades aux urgences (codification CCMU).
  • Recommandation n° 2. : Consigner les notes de service relatives à la prise en charge et la gestion des flux de patients non programmés, dans un guide de procédure dédié aisément accessible par les professionnels.
  • Recommandation n° 3. : Donner une priorité d’accès pour les patients des urgences aux examens d’imagerie (IRM, scanner) et de biologie.
  • Recommandation n° 4. : Réserver des plages de consultations spécialisées non programmées pour les patients des urgences.
  • Recommandation n° 5. : Assurer des relèves médicales systématiques entre les médecins coordonnateurs de nuit et de jour.
  • Recommandation n° 6. : Sécuriser les procédures relatives aux patients hébergés aux urgences, en attente d’une hospitalisation.
  • Recommandation n° 7. : S’assurer d’une tenue régulière des comités de retour d’expérience pour les urgences, structures mobiles d’urgence et de réanimation et unité d’hospitalisation de courte durée.

Second cahier : les systèmes d’information

  • Recommandation n° 1. : Centraliser les compétences informatiques au sein de la direction des systèmes d’information.
  • Recommandation n° 2. : Formaliser et valider un schéma directeur exhaustif, comprenant une déclinaison opérationnelle.
  • Recommandation n° 3. : Consolider la formalisation des cartographies, de l’inventaire et des procédures relatives aux dotations informatiques afin de mieux maîtriser les infrastructures et le parc matériel du système d’information.
  • Recommandation n° 4. : Elaborer une stratégie pluriannuelle de renouvellement du matériel informatique, incluant tant le parc de périphériques que les composants techniques de l’infrastructure.
  • Recommandation n° 5. : Consolider la documentation concernant l’état et la gestion des applicatifs.
  • Recommandation n° 6. : Finaliser la stratégie de sauvegarde en y intégrant une externalisation des sauvegardes et formaliser des plans de continuité et de reprise d’activité adaptés.
  • Recommandation n° 7. : Actualiser la politique de sécurité des systèmes d’information de l’hôpital de Vichy.
  • Recommandation n° 8. : Construire un plan d’audit pluriannuel dans une optique d’amélioration continue de la sécurité du système d’information.
  • Recommandation n° 9. : Créer et réaliser un plan de mise en conformité au règlement général de protection des données.

À lire aussi

Les autres publications qui pourraient vous intéresser :