Une fusion imposée par la loi, mais une intercommunalité qui tarde à s’organiser
Au 1er janvier 2017, conformément aux dispositions de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRé, les communautés de communes (CC) Cœur d’Estuaire (12 628 habitants) et Loire et Sillon (24 910 habitants) ont fusionné, dans des délais contraints et sans réelle volonté, pour constituer une seule intercommunalité nouvelle, la « communauté de communes Estuaire et Sillon »(CCES).
De nombreuses compétences lui ont été transférées, dont celle de l’enfance jeunesse. Or cette dernière rencontre des difficultés d’organisation et affiche un coût deux fois supérieur à celui initialement calculé par la commission d’évaluation des charges transférées (CLECT). La CCES doit s’interroger sur le niveau de service qu’elle est en mesure d’offrir à sa population pour un coût supportable.
S’agissant des différents projets stratégiques qui doivent guider et encadrer son action, la CCES plus de six années après sa création, n’a finalisé que son projet de gouvernance. Elle se doit d’enfin finaliser les autres dans les meilleurs délais.
La chambre invite par ailleurs la CCES à refonder son schéma de mutualisation, permettant de constituer des services communs à l’échelle de tout le territoire intercommunal.
Une information budgétaire claire, mais une fiabilité des comptes à améliorer
La CCES doit mettre en ligne à destination du citoyen ses principaux documents budgétaires et financiers afin de satisfaire aux prescriptions légales. La fiabilité de ses comptes est perfectible sur trois points : la CCES doit constituer une provision obligatoire pour risques contentieux, mettre en œuvre un plan de contrôle de ses régies, et un échéancier organisant les modalités de remboursement d’avances budgétaires et de trésorerie consenties par le budget principal aux budgets annexes « Déchets » et « Immobilier d’entreprises ».
Des finances saines, sous la menace de la fermeture de la centrale de Cordemais
La situation financière de la CCES a été marquée par la fermeture, en 2017 et 2018, de deux unités de production d’électricité au fioul de la centrale de Cordemais qui a généré des pertes de ressources fiscales notables. En 2021 au surplus, le produit des impôts locaux s’est dégradé, en raison d’une disposition fiscale de l’État conduisant à réduire de moitié la valeur locative des établissements industriels. En contrepartie, la CCES a perçu de l’État des recettes dites de compensation qui ont crû très fortement, passant de 0,6 M€ en 2017, à 5,7 M€ en 2021.
Les charges de gestion sont en progression plus forte que celle des produits (10,9 % pour les charges contre 1,1 % pour les produits), caractéristique d’un « effet ciseaux ». Les charges totales de personnel ont en particulier progressé de 2 M€ entre 2018 et 2019 (+ 40 %), notamment du fait de la prise de compétence « Enfance jeunesse », laquelle devra être ajustée aux moyens financiers de la CCES.
Malgré la compensation de l’État, la probable fermeture complète de la centrale de Cordemais va entraîner à la fois des pertes de recettes fiscales pour la CCES, mais touchera aussi tout le tissu économique. Elle affecterait 400 emplois directs, 400 emplois indirects (sous-traitants de rang 1) et 400 emplois induits, soit 1 200 emplois au total. Dès lors la politique d’investissement de la CCES et les charges de fonctionnement qui en résultent, devront être réajustées à l’aune de ce nouveau contexte.
Les ressources humaines : la hausse des effectifs, l’importance des contractuels
Sur la période, les effectifs ont connu un renouvellement de près de la moitié des agents communautaires. Les emplois ont crû tant en matière budgétaire (+ 95 postes) qu’en effectifs pourvus (+ 37 équivalent temps plein travaillé- ETPT), notamment en raison de la prise de compétence « Enfance jeunesse ». Les contractuels (+ 26 ETPT) augmentent plus que les titulaires (+ 11 ETPT).
La CCES doit supprimer l’attribution irrégulière, à certains de ses agents, de trois jours de congés annuels en plus des 25 jours maximaux légaux, et doit prendre une nouvelle délibération en matière d’indemnités horaires pour travaux supplémentaires (IHTS), conforme à la réglementation en vigueur.
La nécessaire mutualisation du service de la commande publique à l’ensemble des communes membres
L’établissement a fait preuve de pédagogie auprès des élus et des services opérationnels, par la diffusion de la règlementation de la commande publique (CP) et diverses actions de formation. Le service mutualisé de la CP possède les ressources internes nécessaires pour étendre ses activités à tout le territoire. La chambre relève toutefois des délais de paiement excessifs, qui exposent la CCES au risque de paiement d’intérêts moratoires. En outre le service devra veiller à déterminer plus sûrement les procédures de marchés publics à utiliser (cas du marché de travaux de la jussie, requalifié en marché de prestations de services).