Une politique définie dans les années 2000, centrée sur les comportements
L’orientation fondamentale qui a été choisie dans les années 2000, et qui continue d’inspirer les pouvoirs publics, privilégie légitimement l’action sur les comportements des usagers de la route. De ce point de vue, l’apparition en 2003 du contrôle sanction automatisé a permis d’obtenir des résultats incontestables, à un coût maîtrisé. La baisse constatée de la vitesse moyenne sur les routes concernées par la limitation à 80 km/h de la vitesse maximale autorisée a également contribué à la sécurité des usagers.
Pertinent au fond, le choix d’une action prioritaire sur les comportements était cependant aussi un choix par défaut, qui reflétait les difficultés de l’État à agir directement sur d’autres facteurs, notamment les infrastructures routières, du fait de la segmentation des réseaux issue de la décentralisation.
Un modèle qui doit évoluer dans trois directions : clarification, différenciation, inclusivité
Si l’évaluation de la Cour conforte l’axe central de la politique de sécurité routière, elle conduit néanmoins à s’interroger sur la phase en « plateau » de ses résultats depuis 2013, la crise sanitaire et la chute corrélative du trafic routier rendant impossibles à interpréter les données en forte baisse de 2020 et 2021.
La Cour constate d’une part qu’au-delà du nombre de tués sur les routes, cette politique devrait mieux prendre en compte le nombre de blessés graves, qui s’accroît, le nombre de victimes parmi les populations vulnérables, plus nombreuses en raison de la mutation des mobilités (piétons et cyclistes), et l’évolution de la démographie (personnes âgées).
Par ailleurs, la priorité accordée aux contrôles automatisés doit aussi s’accompagner d’une présence maintenue des forces de sécurité au bord des routes et dans les flux de circulation, en particulier de la police nationale. Enfin, la politique de sécurité routière doit mieux intégrer les enjeux liés aux nouvelles mobilités et à la transition écologique, notamment dans les métropoles.
En facteur commun de ces constats, l’adhésion des citoyens à la politique de sécurité routière doit être renforcée.
La nécessité d’un renouvellement conceptuel et pratique
La comparaison avec d’autres pays européens met en évidence les avantages des stratégies globales, qui cherchent à agir simultanément sur les comportements, les véhicules et l’infrastructure, en partageant la conception et la mise en œuvre des politiques avec le plus grand nombre possible d’acteurs (« système sûr », promu par le Forum international des transports). L’approche française gagnerait à s’appuyer sur les réussites de terrain, en associant plus étroitement les collectivités territoiriales à l’action de l’Etat.
Enfin, pour réorienter la politique française vers une approche plus cohérente et mieux partagée, il est indispensable d’adapter sa gouvernance, et d’accroître sa dimension interministérielle. Le ministère chargé des transports devrait y jouer un rôle accru, aux côtés du ministère chargé de l’intérieur.