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La réforme du 100% santé

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La réforme du 100% santé consiste en la définition d’un panier de biens dans les champs dentaire, optique et des audioprothèses, pour lequel les assurés sociaux titulaires d’un contrat de santé responsable et solidaire n’ont aucun reste à charge à régler après remboursement de leurs dépenses par l’assurance-maladie obligatoire et leur complémentaire santé. D’un point de vue technique, la réforme s’est traduite par une refonte de la nomenclature des biens relevant des trois secteurs et par une révision des garanties des contrats de santé. Un an après le lancement de la réforme, et un début de mise en œuvre largement perturbé par la crise sanitaire, un premier bilan a été complexe à dresser. Dans le rapport publié ce jour à la demande de la commission des affaires sociales du Sénat, la Cour des comptes constate que la réforme, qui portait une forte ambition d’amélioration de l’accès financier aux soins, semble avoir trouvé au moins en partie son public, mais que son coût est difficile à maîtriser.

Une volonté d’agir sur les renoncements aux soins

Cette réforme se justifiait par les importants restes à charge pesant sur les ménages et qui pouvaient limiter leur recours à ces soins. Ces restes à charge étaient toutefois bien plus faibles en optique que pour les soins dentaires et les audioprothèses, du fait notamment de l’existence d’offres sans reste à charge en optique avant même la réforme. S’agissant des prothèses dentaires et auditives, le dispositif du 100% santé est venu supprimer les restes à charge sur des équipements déjà consommés par une partie de la population. En optique, le choix a été fait de créer une offre sans reste à charge, d’un niveau de prix très inférieur à celui des équipements qui étaient - et demeurent  - majoritairement consommés. Les assurés ne disposant d’aucune couverture complémentaire ne sont cependant pas concernés par le remboursement intégral, bien que leur renoncement aux soins soit plus élevé que les autres. La création de la complémentaire santé solidaire, intervenue en parallèle de la réforme du 100% santé, a notamment pour objectif de remédier à cette situation.

Des résultats inégaux selon les secteurs

Dans le secteur dentaire, le panier sans reste à charge représente une part très majoritaire des actes prothétiques réalisés (55% %), ce qui se traduit par une diminution globale des restes à charge pour les ménages. Elle s’accompagne d’une hausse conséquente du nombre de patients en 2021 (5,16 millions contre 4,4 en 2020 et 4,75 en 2019), sans qu’il soit possible d’isoler l’effet de la réforme d’un effet rattrapage lié à la crise sanitaire. En audiologie, le panier sans reste à charge représente, fin 2021, 40 % des aides auditives et se conjugue avec une forte hausse du nombre de patients (0,7 millions contre 0,45 millions en 2020). En optique, le panier sans reste à charge demeure très peu choisi, exception faite des bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire auxquels des possibilités limitées sont offertes. La réforme se traduit même, à rebours de son objectif, par une augmentation des restes à charge, l’instauration d’un panier de soins remboursés à 100% s’accompagnant d’une diminution des remboursements par l’assurance maladie des équipements du panier libre et, pour les organismes complémentaires, par la diminution du plafond de prise en charge des montures.

Des leviers à mobiliser afin d’amplifier le déploiement de la réforme

Plusieurs difficultés sont de nature à freiner le recours aux soins que la réforme cherche pourtant à promouvoir. La mise en place de la réforme a tout d’abord été perturbée par la crise sanitaire. Selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) en 2021, seules 53% des personnes interrogées répondaient la connaître. Par ailleurs, les contrôles des pratiques des professionnels menés par l’administration ont fait apparaître certains comportements visant à dévaloriser le contenu des paniers sans reste à charge. L’absence de tiers-payant intégral, malgré l’obligation posée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, peut également expliquer certaines difficultés de patients confrontés à des problèmes de trésorerie. Enfin, faute de questionnaire d’évaluation, il demeure délicat de déterminer si les paniers du 100 % santé répondent effectivement aux besoins de la population.

Un coût incertain, une réforme difficilement pilotable

Le coût prévisionnel de la réforme établi par la direction de la sécurité sociale s’élevait à près de 170 M€ annuels - prévision qui reposait toutefois sur des hypothèses optimistes en matière de recours au panier 100 % santé en optique. L’absence de réel partage des informations disponibles entre le ministère, l’assurance maladie obligatoire, les complémentaires santé et les professionnels rend difficile, non seulement l’estimation ex ante, mais plus encore le suivi ex post du coût de la réforme - qui a, en outre, été affecté par la crise sanitaire. De fait, la consommation de soins constatée en 2021 s’éloigne des prévisions et les dépenses de l’assurance maladie se révèlent plus faibles qu’anticipé, notamment en raison d’une moindre consommation d’équipements d’optique relevant du panier 100 % santé. À partir de ses propres données, l’assurance maladie complémentaire fait état d’un surcoût, lié d’une part au dynamisme des audioprothèses et d’autre part à des économies en optique inférieures aux prévisions. L’absence d’outil permettant de réguler la dépense, n’est pas de nature à faciliter le respect des trajectoires de dépenses initiales et pourrait par conséquent aboutir à un surcoût pour les assurés.

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La réforme du 100% santé - Nos rapports en 180 secondes (ou presque)

À la demande du Sénat, la Cour a réalisé le bilan de la réforme dite du 100% santé.

De quoi s’agit-il ?

Avant la réforme, quand on devait se faire poser une couronne ou un implant dentaire, acheter des lunettes ou des prothèses auditives, on pouvait avoir d’importants « restes à charge » – c’est-à-dire d’importantes sommes à payer, non remboursées par la sécurité sociale ou par la mutuelle. Ces restes à charge pouvaient conduire les personnes les plus fragiles financièrement à retarder leurs soins, voire à y renoncer.

Pour permettre à tous de se soigner, la réforme du 100% santé a donc cherché à plafonner les prix et à organiser les prises en charge respectives de la sécurité sociale et des mutuelles de manière à réduire à zéro ces restes à charge.

Pour ce faire, des offres ou « paniers 100% santé » ont été définis, sur la base de spécifications techniques pour les lunettes et les appareils auditifs et de matériaux pour les prothèses dentaires.

Les patients restent, bien évidemment, libres de choisir des biens en-dehors de ce panier, mais dans ce cas, ils n’ont aucune garantie que leurs soins seront pris en charge à 100%.

Quel bilan en tirer ?

La réforme a pleinement été mise en œuvre au 1er janvier 2021. Elle a donc été percutée par la crise sanitaire. Des soins qui auraient dû être réalisés en 2020 ne l’ont été qu’en 2021, ce qui a rendu complexes les comparaisons que la Cour a souhaité mener sur ces deux années.

Par ailleurs, les campagnes de communication de l’assurance maladie ont elles-mêmes été réalisées pendant cette période peu propice. Elles n’ont donc pas permis de faire suffisamment connaître la réforme.

Enfin, les professionnels de santé n’ont pas tous joué le jeu. Des contrôles menés par les services de la répression des fraudes ont témoigné de difficultés : soit que ces professionnels ne présentaient pas l’offre aux patients, soit qu’ils la présentaient en des termes peu favorables.

Pour autant, les premiers résultats sont plutôt positifs : les objectifs que s’étaient fixés le gouvernement sont globalement atteints. Une part importante de patients choisit maintenant les biens du panier 100% santé : ils sont 55% en dentaire, 40 % pour les audioprothèses, en revanche, en optique, ils ne sont que 12%, alors que la cible était de 20%. Autre indicateur, le nombre de patients bénéficiant de soins dentaires et d’audioprothèses est en hausse, même si ce constat devra être confirmé dans la durée. Là aussi, c’est, moins vrai en optique, ce qui témoigne d’un échec, au moins relatif, de la réforme.

Cet échec risque, d’ailleurs, d’avoir des conséquences sur l’équilibre financier de la réforme. En particulier, les mutuelles pourraient être plus fortement mises à contribution qu’initialement envisagé, ce qui pourrait se traduire par une hausse de leurs tarifs.

Alors que faire ?

La Cour recommande de communiquer davantage pour mieux faire connaître le 100% santé et de multiplier les contrôles auprès des professionnels, de manière à permettre à l’ensemble de la population de bénéficier pleinement de cette réforme. Elle préconise aussi d’utiliser tous les leviers de régulation à la disposition des pouvoirs publics afin d’en maîtriser le coût.

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