Les premiers succès de la stratégie nationale pour l’intelligence artificielle
Les premiers résultats de la stratégie nationale pour l’intelligence artificielle commencent à se dessiner dans plusieurs directions. La France est ainsi passé de la treizième place dans le Global AI Index publié en septembre 2024 à la cinquième en septembre 2025. En matière de recherche et formation en intelligence artificielle, le pays se hisse au troisième rang mondial. Plus de 4 000 chercheurs français travaillent aujourd’hui sur l’IA. L’industrie française a enregistré des progrès en termes de compétitivité et d’attractivité, avec l’émergence d’une dizaine d’acteurs dans des domaines très variés. Le nombre de startups françaises en IA a doublé depuis 2021 : plus de
1 000 d’entre elles sont actives dans ce domaine en 2025 et elles ont levé près de 2 Md€ de fonds en 2024.
La France se positionne au premier rang en Europe, Royaume-Uni inclus, en termes d’IA générative. La France est aussi le premier pays européen en nombre de projets d’investissement étrangers dans l’intelligence artificielle,
et le premier hébergeur européen de centres de recherche et de décision des leaders mondiaux de l’IA.
La France est toutefois désormais confrontée au défi d’accélérer le déploiement de l’intelligence artificielle et de faciliter son appropriation dans tous les champs du savoir, de l’économie et de la société.
Les limites et les angles morts de la politique publique en faveur de l’IA jusqu’ici
L’enjeu de la massification et de l’accompagnement de la diffusion de l’intelligence artificielle au-delà du cercle des spécialistes – dans les entreprises, au sein des administrations publiques, auprès des étudiants et des citoyens – a jusqu’à présent trop peu retenu l’attention, alors qu’il était au cœur des ambitions affichées dans le cadre de la deuxième phase de la SNIA et que les années 2023-2025 étaient critiques en la matière.
La priorité que constitue le soutien à la demande des entreprises en solutions d’intelligence artificielle n’a bénéficié que de dispositifs très modestes, et l’accélération et la massification escomptées de la diffusion de l’intelligence artificielle dans l’économie n’ont pas eu lieu.
Le retard pris en matière d’adaptation à l’IA de l’ensemble des formations initiales et continues n’a pas non plus été rattrapé, alors qu’il s’agit d’un domaine où les enjeux sont considérables et les risques élevés : des chantiers incontournables concernant l’école et l’université restent à concevoir et mettre en œuvre. La transformation de l’action publique par l’intelligence artificielle est restée, elle aussi, très décevante : en dépit d’initiatives ponctuelles, l’administration se retrouve globalement en retard.
Enfin, les actions à destination des territoires et d’un public large n’ont pas non plus constitué une priorité de la SNIA jusqu’à présent, alors qu’elles apparaissent d’autant plus nécessaires que les impacts liés à cette technologie à usage général s’accélèrent, s’intensifient et se généralisent.
Renforcer la gouvernance de la politique publique pour réussir le changement d’échelle
Alors qu’une troisième phase de la stratégie nationale a été lancée en février 2025, plusieurs préalables doivent être remplis pour réussir le changement d’échelle qu’exige la révolution de l’intelligence artificielle. La Cour appelle en particulier à renforcer le pilotage interministériel de la politique publique de l’IA, avec la constitution d’un véritable secrétariat général à l’IA rattaché au Premier ministre, mieux intégrer les enjeux de soutenabilité des finances publiques et d’efficacité de la politique de l’IA, procéder à une évaluation approfondie des résultats des précédentes phases de la stratégie nationale et s’inspirer des meilleures pratiques à l’étranger, mieux s’articuler avec l’échelon européen, mobiliser plus fortement les territoires et redéfinir le partage des rôles avec le secteur privé.
Capitaliser sur les succès pour viser des transformations et des impacts plus structurels
Les succès des deux premières phases de la stratégie nationale pour l’intelligence artificielle doivent également être approfondis. La Cour identifie cinq axes clés sur lesquels les efforts engagés depuis 2018 doivent être accentués. Ces axes d’approfondissement visent à ancrer l’écosystème d’excellence de la formation-recherche-innovation en IA, renforcer les capacités de calcul en opérant un changement de paradigme, amplifier les transferts vers l’industrie et renforcer la filière de l’IA, mettre l’intelligence artificielle au service du bien commun et renforcer la confiance et la sécurité et, enfin, mieux répondre aux enjeux liés aux besoins énergétiques, à la frugalité et à la soutenabilité de l’IA.
Elargir le champ à cinq défis critiques pour l’IA de demain
Cinq défis critiques ont été insuffisamment pris en compte jusqu’à présent et doivent être replacés au cœur de la politique publique de l’IA dans les prochaines années. Ainsi, il faut adapter la formation dans tous les secteurs et anticiper les mutations du marché du travail, favoriser l’accélération de l’adoption des usages de l’intelligence artificielle par les entreprises, investir sur la donnée, son accès, sa qualité, sa protection et son stockage souverain, construire une ambition réaliste en matière de composants et mieux intégrer les enjeux « habilitants » comme l’énergie ou la connectivité, et faire de l’IA un levier de qualité, d’efficience et d’efficacité de l’action publique.
La Cour des comptes formule dix recommandations dont la mise en œuvre permettrait de capitaliser sur les premiers succès et de dépasser les limites et insuffisances identifiées.


