La définition et le déploiement réussi d’une doctrine de l’accompagnement social dans la branche famille
Tous les échanges entre les collaborateurs des services sociaux et les bénéficiaires ne relèvent pas de l’accompagnement. Il se caractérise par un suivi dans la durée, par des travailleurs sociaux spécialisés, de publics jugés prioritaires. Tout l’enjeu est donc de définir de manière pertinente qui doit être ainsi accompagné et comment. Plus de 16 000 travailleurs sociaux interviennent en matière d’accompagnement social dit « généraliste » dans les départements et 1 700 sont présents dans les Caf. Leur mission inclut l’aide aux démarches administratives, l’accès aux droits sociaux, l’appui à la gestion du budget et l’insertion socio - professionnelle. Cela représente un coût annuel direct, pour les Caf et les départements, qui est supérieur à 1,2 Md€. La branche famille a choisi, dans une démarche d’ « aller-vers », de proposer une assistance accrue à une minorité soit (3%) de ses foyers allocataires. Ils ont été sélectionnés au regard de vulnérabilités particulières : 150 000 familles ont été suivies, dans ce cadre, par les 101 Caf en 2022. Elle a réalisé un important travail de formalisation du processus métier de l’accompagnement social dans les Caf : publics visés, déroulement et contenu de cet appui ou encore nature du travail social. La diffusion de cette doctrine a reposé sur le déploiement et l’appropriation par les travailleurs sociaux d’un système d’information dédié. Il a non seulement permis d’objectiver et de mesurer l’activité d’encadrement, mais aussi de déterminer des objectifs chiffrés dans ce domaine. La branche a réussi, à cet égard, le pilotage de sa stratégie. Les départements doivent quant à eux accueillir de façon inconditionnelle les publics. Or, ils peinent à définir plus précisément, parmi ce flux soutenu, les situations nécessitant une assistance et la nature de celle-ci. Dans la plupart des cas, ils n’ont pas formalisé de cadre et n’ont pas d’objectifs chiffrés.
Une mise en œuvre inaboutie du fait de lacunes du pilotage et d’une intensité limitée de l’accompagnement
Dans la branche famille, l’affectation des travailleurs sociaux ne tient pas suffisamment compte de la charge de travail. Dans les départements, les systèmes d’information pour suivre la mise en œuvre de l’accompagnement social souffrent de difficultés techniques et d’un défaut d’appropriation. Dès lors, cette activité, dans les départements, peine à être documentée précisément, et a fortiori pilotée. Des outils de travail harmonisés et opérationnels doivent être mis en place durant toutes les étapes clefs du processus : du diagnostic initial à l’établissement de son bilan. Distinguer des publics nécessitant une prise en charge plus soutenue implique d’être en mesure de les recevoir fréquemment : la CNAF estime que 8 à 10 rendez-vous annuels peuvent être nécessaires. Malgré cela, l’intensité de l’assistance proposée par les Caf demeure faible. De même, les travailleurs sociaux dans les départements ne parviennent pas à proposer un accompagnement suffisant aux bénéficiaires. Dans les départements comme dans les Caf, cela résulte, d’une part, de difficultés à pourvoir les postes de travailleurs sociaux, et d’autre part, du faible nombre de rendez-vous moyens assurés par les professionnels. Face à ces constats, un changement des pratiques professionnelles, en particulier en ce qui concerne les systèmes d’’information, le rôle de l’encadrement intermédiaire, et la culture du reporting, doit être envisagé. Ces évolutions devraient non seulement figurer parmi les priorités des administrations employeurs, mais également être largement abordées lors de la formation initiale des travailleurs sociaux.
Une mesure insuffisante des effets de l’accompagnement social
La mobilisation de moyens supérieurs à un milliard d’euros justifierait la mise en place d’un mécanisme régulier de suivi et de mesure des effets produits par ces interventions, dont ne disposent ni les départements ni les Caf. Ils n’assurent pas de suivi attentif des trajectoires des personnes accompagnées une fois sorties des dispositifs d’aide. Ces acteurs n’ont, en outre, pas d’outils de mesure réguliers de la satisfaction des travailleurs sociaux et des personnes prises en charge. Au total, les expériences réalisées montrent qu’il est possible de définir, de piloter, et d’évaluer le travail d’accompagnement social, malgré la diversité des situations et la dimension humaine de l’échange. Lorsqu’un cadre a été mis en place, il convient ensuite de veiller à sa bonne mise en œuvre et à son déploiement. Cela implique de résoudre de manière cohérente l’équation qui lie les personnels affectés, la nature du soutien attendu, et la cible de publics visés.