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Le programme Territoires d’industrie

COUR DES COMPTES

Le programme Territoires d’industrie a été lancé en 2018 par le gouvernement pour mettre en place un cadre coopératif de soutien à l’industrie hors des métropoles, autour des villes petites et moyennes et dans les zones rurales. Ces aires comptent de nombreuses entreprises ou unités de production, avec une part de l’industrie dans l’emploi local nettement supérieure au taux national, de l’ordre de 25 %. Le programme visait à concilier la politique industrielle, centrée sur l’innovation et les stratégies de filières, et les objectifs de cohésion du territoire. Il s’agissait d’accompagner les projets locaux de réindustrialisation en favorisant l’accès prioritaire des entreprises et des collectivités aux services et aux financements proposés par l’État. Le programme tirait aussi les conséquences de la montée en puissance des collectivités territoriales dans le domaine du développement économique et de la réduction simultanée des moyens des administrations déconcentrées de l’État. Malgré l’absence d’une évaluation globale du dispositif, le gouvernement a décidé en 2023 de prolonger Territoires d’industrie jusqu’en 2027, tout en le faisant évoluer. Dans ce contexte, la Cour a réalisé une évaluation du programme sur 2018-2023, dont les principaux enseignements devront être pris en compte dans cette deuxième phase.

Un programme original associant politique industrielle et aménagement du territoire qui a évolué à l’occasion du plan de relance

Le dispositif Territoires d’industrie reposait sur trois piliers : la définition de bassins industriels (1), les 149 « territoires d’industrie » regroupant une ou plusieurs intercommunalités pour former des cadres de coopération entre les différents acteurs ; un « panier de services » mais aussi de financements (2), géré par les services de l’État et, surtout, des opérateurs de l’État tels que Bpifrance, la Caisse des dépôts, Business France et l’Ademe ; une gouvernance spécifique (3) organisée aux niveaux local, régional et national. Au lancement du programme, le gouvernement avait annoncé la mobilisation de 1,4 Md€ au profit des territoires labellisés, correspondant à un ensemble de dispositifs de droit commun de l’État et de ses opérateurs. Les actions nouvelles, donc les crédits nouveaux, y étaient marginaux. Ce premier temps a été marqué par la mobilisation des intercommunalités pour élaborer des plans d’action validés par les services déconcentrés de l’État, dans un certain flou doctrinal et conceptuel. L’épidémie de Covid-19 a ouvert un deuxième temps dans la mise en œuvre du programme, durant lequel son contenu a sensiblement évolué. La mise en œuvre des plans d’action, qui venaient pour la plupart d’être adoptés, a été brutalement ralentie. Dans le même temps, des dispositifs supplémentaires ont été lancés dans le cadre du plan de relance, en particulier des subventions directes aux entreprises avec le fonds d’accélération des investissements industriels dans les territoires, doté de 712 M€ par l’État et de 242 M€ par les régions.

Le programme Territoires d’industrie a-t-il permis de favoriser le dynamisme industriel des territoires labellisés ? Trois questions évaluatives aux réponses contrastées

Depuis son lancement, le programme Territoires d’industrie a mobilisé les acteurs et créé un espace d’échange. Son succès dépend de l’engagement volontaire des acteurs locaux, tandis que l'État joue un rôle d’animation. Lancé en 2020, le fonds d’accélération des investissements industriels s’est appuyé sur le programme et a renforcé sa dynamique grâce à une mobilisation rapide des acteurs locaux : bien que les Territoires d’industrie ne regroupent que 48 % des entreprises industrielles, ils représentent plus des deux tiers des projets financés, signe du renforcement de la coopération locale.

En revanche, la priorisation des financements annoncée à hauteur de 1,4 Md€ par le gouvernement en 2018 ne s’est pas produite, tant en nombre qu'en montant d'interventions, les opérateurs n’ayant pas donné une priorité aux Territoires d’industrie. Leur capacité à localiser précisément les projets qu’ils soutiennent devrait être améliorée. Le programme a pâti d’un suivi financier insuffisant et d’une faible association des régions au démarrage, même si leur implication s’est accrue avec la crise de la Covid-19, notamment via des cofinancements. Les collectivités locales labellisées ont cependant, davantage que les autres, augmenté leurs dépenses d’action économique.

Enfin, les impacts sur l’emploi industriel et les trajectoires des entreprises sont difficiles à mesurer, nécessitant plus de temps. De nombreux territoires d’industrie ne sont pas parvenus à enrayer le déclin des années précédentes et ont continué à détruire des emplois industriels : entre 2018 et 2023, les territoires d’industrie ont concentré 44 % des créations d’emplois industriels mais 71 % des destructions. En revanche, le nombre d’entreprises industrielles diminue un peu moins dans les territoires labellisés et leur situation financière y est en moyenne meilleure, ce qui pourrait être lié à une modernisation de l’appareil productif industriel.

Un cadre d’évaluation à construire dans la perspective d’une reconduction du programme

La nouvelle phase de Territoires d’industrie (2023-2027) a été lancée sans évaluation préalable de l’étape précédente et il n'existe toujours pas de dispositif d'évaluation ni d'indicateur spécifique pour mesurer l'atteinte des nouveaux objectifs fixés par l'État. La logique initiale, visant à territorialiser les politiques industrielles de l’État en s'appuyant sur les coopérations locales et les initiatives des entreprises, a prouvé son efficacité, bien que des ajustements significatifs soient nécessaires pour mieux mobiliser les opérateurs. Les décisions concernant l’avenir du programme devraient être basées sur une évaluation de ses effets, qui est quasiment inexistante aujourd’hui. Il est donc essentiel que la méthodologie d’évaluation, à établir, soit robuste et inclue l'ensemble des parties prenantes, y compris les acteurs privés. Une telle évolution serait cohérente avec les orientations politiques du programme et avec la décentralisation de certaines compétences exercées par des collectivités territoriales.

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