Les bénéfices importants attendus par le ministère de la santé
La notion de pratique avancée correspond à l’élargissement et à la transversalité des compétences et des responsabilités. Pour prétendre à cet exercice, en ville ou en établissement de santé, les infirmiers doivent disposer d’une ancienneté de pratique de trois ans, puis avoir suivi une formation complémentaire d’une durée de deux années de niveau master, dans l’une des cinq « mentions » retenues par le législateur : pathologies chroniques stabilisées, oncologie et hémato-oncologie, maladie rénale chronique, dialyse et transplantation rénale, psychiatrie et santé mentale, urgences. Bien qu’ouverte à l’ensemble des professions paramédicales, la pratique avancée n’est encore organisée que pour les infirmiers. Une large autonomie est conférée aux « infirmiers de pratique avancée » (IPA) dans l’exercice de leurs compétences, sous réserve qu’ils travaillent sous la coordination d’un médecin. Pour autant, les textes qui définissent les prérogatives des IPA ne mentionnent ni les missions, ni les fonctions qu’ils sont appelés à assumer et qui, pourtant, sont présentées comme la justification essentielle de ce nouveau statut. Le ministère de la santé attend beaucoup des IPA : faciliter l’accès aux soins en répartissant de manière différente la charge de travail entre les infirmiers et les médecins dont la démographie est sous tension, améliorer la prise en charge des maladies chroniques dans le contexte du vieillissement de la population et proposer aux infirmiers de nouvelles perspectives de carrière.
Des obstacles puissants
Le ministère s’était fixé une cible de 3 000 IPA formés ou en formation d’ici à 2022 et, à terme, de 6 000 à 18 000 IPA en exercice. Or, en 2021, seuls 581 IPA étaient diplômés et 1 366 en formation. Plusieurs freins s’opposent au déploiement de la pratique avancée : les réticences des médecins constituent le plus fondamental d’entre eux. Le parcours de soins de référence demeure celui de la relation première entre le patient et un médecin généraliste, garant de sa bonne orientation dans le système de santé et rémunéré à l’acte. Or, lorsque des IPA sont installés en ville, les médecins refusent trop souvent, par méconnaissance ou par crainte de concurrence, d’orienter vers eux des patients atteints de pathologies chroniques, dont l’état de santé relèverait d’un suivi par ces professionnels paramédicaux, Actuellement, le modèle économique ne permet pas aux IPA libéraux de vivre de leur activité, alors même qu’ils ont consenti un effort de formation important - les études, qui s’inscrivent dans un cadre de formation continue, étant onéreuses. En outre, les médecins collaborent de manière plus naturelle avec des assistants médicaux, ou avec des infirmiers salariés par des associations, dont le champ de compétence et le modèle économique ne constituent pas un facteur de concurrence directe pour les professions médicales.
De récentes évolutions structurantes
Face à ces freins, le ministère a envisagé des inflexions : permettre un « accès direct » des patients aux IPA sans passer par un médecin et accorder aux IPA un droit de première prescription. Une loi récemment promulguée a tranché en faveur de ces évolutions. Toutes les difficultés ne sont pas encore résolues. Il revient au ministère de définir des guides ou des référentiels précisant les missions des IPA, ou bien, sur le modèle de certains pays étrangers, de prévoir des formations complémentaires préparant les IPA au droit de prescrire en première intention. Les obstacles rencontrés par les IPA reflètent les limites de la conception du système de santé français, encore trop marqué par l’exercice isolé de la médecine de ville. Cette conception doit évoluer pour que la coopération entre professionnels de santé devienne la pratique générale, alors que l’offre de soins de ville continue à se rétracter et que de nombreux patients n’ont pas de médecin traitant.