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Province Nord (secteur du nickel) (Nouvelle-Calédonie)

CTC NOUVELLE-CALÉDONIE

Rapport d'observations définitives - La chambre territoriale des comptes de la Nouvelle-Calédonie a examiné la gestion de la province Nord à compter des exercices 2016 pour ce qui concerne le secteur du nickel.

SYNTHÈSE
LA STRATEGIE NICKEL DE LA PROVINCE NORD : LA QUESTION DE LA MAITRISE DE LA GOUVERNANCE DE LA RESSOURCE
Une stratégie sur le nickel vague et non formalisée
Les interventions de la province Nord dans le secteur du nickel s’appuient sur la doctrine nickel revendiquée par son président comme le socle stratégique de la collectivité. Dans ses réponses, la province a précisé que la doctrine nickel a été validée en congrès FLNKS en février 2015 à KAALA-GOMEN et qu’elle repose sur trois axes principaux : « la maîtrise de la ressource, l’arrêt des exportations de minerai brut (sauf pour les entreprises calédoniennes offshore) et la volonté de parvenir à obtenir que la STCPI devienne majoritaire à 51 % dans la SLN ». La chambre constate que si le troisième axe est clair dans ses objectifs (l’obtention de la majorité au capital de la SLN), en revanche, la formulation des deux premiers ne permet pas d’appréhender de façon concrète le périmètre exact des objectifs. En effet, la maîtrise de la ressource est un objectif formulé de façon générale, sans indication des moyens à activer ni des objectifs sous-tendus. De même, la formulation de l’axe concernant les exportations donne lieu à interrogation sur le périmètre de l’arrêt des exportations. Si le troisième axe relatif à la participation majoritaire au capital de la SLN est explicite dans la formulation de l’objectif final, il laisse dans le silence les moyens juridiques et financiers pour y parvenir, la STCPI n’ayant pas la disponibilité financière pour porter sa participation à ce niveau ; et surtout, les conséquences qu’une telle participation aurait dans le pilotage d’une société (SLN) qui pourrait avoir besoin du concours financier de son actionnaire majoritaire en cas de retournement du marché.

La doctrine exposée par la province Nord étant d’une formulation vague qui ne relève pas de la détermination d’un programme stratégique, la chambre a demandé à la collectivité la transmission du ou des documents formalisant la doctrine nickel afin d’obtenir des précisions sur les objectifs et les moyens formulés à son appui. La province a indiqué qu’elle ne faisait pas l’objet de formalisation par des documents spécifiques.

La chambre constate l’absence de sollicitation de l’assemblée de la province Nord dans la définition de la stratégie nickel de la province. L’ensemble des documents transmis à la chambre à l’appui de ses positions stratégiques sont définis et portés par l’exécutif. Les compétences exercées par la province dans le domaine du nickel relevant pour une très large part de  l’assemblée provinciale qui attribue, renouvelle et retire les titres miniers, la chambre considère dès lors que cette dernière est légitime à participer à la validation de la stratégie nickel défendue par son président.

Compte-tenu du caractère imprécis et vague dans la formulation de la doctrine nickel dont se revendique la province Nord, il est nécessaire pour la collectivité de définir plus précisément les objectifs qu’elle poursuit et les modalités pour y parvenir tout en associant l’assemblée provinciale à la réflexion et à la validation de la doctrine nickel. La chambre a donc formulé une recommandation en ce sens.

L’objectif affiché pour la participation majoritaire au capital d’usines on shore et offshore : la perception des dividendes par la collectivité publique

La province Nord fonde la participation au capital des sociétés sur l’argument d’un retour des dividendes vers les finances publiques. Or, la chambre constate que dans la pratique, la province Nord qui participe au capital de la SOFINOR à hauteur de 85 %, n’a jamais fait remonter jusqu’à elle les dividendes que la SEM a perçus sur le nickel. De surcroît, elle est appelée à venir en soutien financier de la SOFINOR et de la SMSP face aux difficultés qu’elles traversent. La chambre constate donc que le modèle économique sur lequel repose une partie de la doctrine nickel – le retour des dividendes vers la collectivité publique – n’est pas confirmé dans la pratique, les participations de la province Nord dans le secteur industriel du nickel se traduisant par une appropriation des bénéfices par la SOFINOR et une socialisation des pertes par la province Nord.

Ainsi, s’agissant des dividendes en provenance de la SLN, la chambre relève l’absence de remontée vers la province Nord des sommes perçues par la STCPI et redistribuées à la SOFINOR.
Depuis la création de la STCPI, celle-ci a perçu un montant total de dividendes en provenance de la SLN de 47,5 Md F CFP entre 2001 et 2018 (et de 4,5 Md F CFP en provenance  d’ERAMET). Les dividendes ont été conservés par la SOFINOR et ont servi à couvrir les dépenses courantes et les dettes de la SOFINOR et de la SMSP. Les dividendes perçus par la SOFINOR en provenance de l’usine de Corée, pour 9,8 Md F CFP entre 2009 et 2018, ne sont pas remontés de la SMSP vers la SOFINOR et ensuite vers la province Nord, comme cela aurait pu être le cas selon le modèle théorique de la stratégie défendue par la collectivité. Dans les faits, la SMSP les a utilisés pour le règlement des dettes souscrites auprès de l’AFD et de la BPCE dans le cadre de sa participation au financement de l’usine du Nord et pour ses besoins de fonctionnement.

Si elle n’a perçu aucun dividende, la province Nord a en revanche injecté des financements publics dans les sociétés qui étaient supposées lui faire remonter des dividendes, socialisant ainsi les pertes sans partage des bénéfices avec la collectivité. La province Nord a apporté son soutien financier à la SMSP qui, à deux reprises, a sollicité son aide en raison de ses difficultés à faire face à ses engagements de remboursement des prêts bancaires. Ce soutien financier a pris la forme de deux enveloppes financières de 1,2 Md F CFP et de 5,2 Md F CFP accordées en 2016. S’y ajoute le poids croissant des engagements hors bilan souscrits par la province Nord dans le cadre des garanties d’emprunt, la collectivité ayant apporté sa caution aux prêts contractés par la SMSP auprès de l’AFD et de la BPCE.

Au final, les retours financiers liés à la participation de la province Nord dans l’industrie du nickel se composent des emplois et de l’irrigation du tissu économique par ces usines à travers le recours à la sous-traitance et l’achat des biens et services.

Les conséquences économiques d’une application de la doctrine nickel sur les exportations : l’arrêt de 70 % des volumes actuellement exportés vers le Japon et de 60 % des volumes exportés vers la Chine

La doctrine nickel, selon la formulation transmise à la chambre (arrêt des exportations de minerai brut sauf pour les entreprises calédoniennes offshore), suppose – en l’état actuel de la capacité de production de ces entreprises – l’arrêt total des exportations vers le Japon sans réorientation possible de ces flux vers la Corée, l’usine de la SMSP et de POSCO n’étant pas en capacité de traiter un montant supérieur à 3,8 millions de tonnes.

Le niveau actuel des exportations vers la Corée est de 3,2 millions de tonnes, ce qui laisserait une marge d’achat de 600 000 tonnes à réorienter des flux japonais (1,9 million de tonnes en 2018) vers les flux coréens soit seulement 30 %. L’application stricto sensu de la doctrine nickel aux volumes exportés vers le Japon suppose l’abandon de 70 % des exportations de minerai vendu au Japon ce qui aurait des répercussions économiques sur les entreprises concernées (les petits mineurs) à défaut d’alternatives.

A l’heure actuelle, techniquement, il n’existe pas d’autre usine offshore que l’usine de Corée capable de valoriser le type de minerai vendu aux fondeurs japonais, la seule autre usine offshore étant le partenariat développé par la SMSP avec l’usine chinoise de YICHUAN. Cette usine pour laquelle un avant-projet de contrat a été signé par la SMSP et son partenaire chinois le 22 mars 2018 ne peut valoriser que du minerai d’une teneur comprise entre 1,4 et 1,7 %, soit une teneur beaucoup plus basse que le minerai vendu au Japon. Si la SMSP a engagé des pourparlers avec d’autres entreprises chinoises pour développer d’autres joint-ventures à l’avenir, ces usines ne concernent pas le minerai de teneurs moyennes. Le volume exporté vers le Japon n’entre donc pas dans le champ du minerai que la SMSP pourrait valoriser dans une négociation avec ses partenaires chinois afin de créer des usines offshore. La stratégie de développement d’usines offshore est bâtie sur des teneurs de minerai basses, ce qui explique que la SMSP n’ait pas donné suite à la proposition de la SLN de lui céder un million de tonnes de minerai moyennes teneurs.

Pour autant et malgré ces considérations, la province Nord indique, dans ses prises de position, que les mineurs calédoniens devraient orienter leurs ventes vers l’usine de Corée et non vers le Japon. La province Nord considère que le minerai exporté vers le Japon étant de teneurs équivalentes à celui destiné à l’usine de Corée, il est donc transparent pour les mineurs exportateurs de vendre au Japon alors que l’usine de Corée garantit le versement du même prix d’achat et que par ailleurs cette réorientation du minerai se traduirait par un retour de la rente métallurgique vers la Nouvelle-Calédonie.

Selon l’analyse effectuée par la chambre sur les conséquences de l’application de la doctrine nickel sur les minerais moyennes teneurs actuellement exportés vers le Japon et les conséquences de l’application de la conception juridique défendue par la province Nord s’agissant du schéma minier (maintien uniquement des clients traditionnels), il en ressortirait alors le résultat suivant :
- l’interdiction de 70 % des volumes actuellement exportés vers le Japon (volumes au 31 décembre 2018), seul un volume de 30 % étant « absorbable » par l’usine offshore de Corée ;
- l’interdiction de 60 % des volumes actuellement exportés vers la Chine (volumes au 31 décembre 2018, puisque l’usine YICHUAN ne peut être approvisionnée qu’à hauteur de 600 000 tonnes par an ; or les volumes actuellement exportés vers la Chine sont de 1,5 millions de tonnes ;
- si on tient compte des volumes autorisés à l’exportation en avril 2019 par le gouvernement, le chiffre est bien plus élevé : l’arrêt total des exportations concernerait 79 % des volumes
actuellement autorisés vers la Chine et 81 % des volumes autorisés vers le Japon.

Sur les enjeux juridiques, la province Nord rappelle régulièrement le code minier de la Nouvelle-Calédonie et le schéma minier concernant le maintien des exportations vers les clients traditionnels à des niveaux sensiblement équivalents. La lecture des textes par la province Nord, dans le prolongement de sa doctrine nickel, la conduit à considérer que le principe est l’interdiction des exportations de minerai brut alors que l’autorisation des exportations reste l’exception.

La province Nord décline son interprétation de la réglementation dans le cadre des avis exprimés par son président en tant que membre du Comité du Commerce Extérieur Minier (CCEM) mais également dans le cadre des contentieux portés devant la juridiction administrative relatifs aux arrêtés gouvernementaux autorisant certaines cessions de minerai en Chine et au Japon.

Dans le cadre du CCEM, la province Nord a ainsi émis un avis défavorable aux demandes portées par les sociétés autres que NMC. Ce fut le cas le 7 avril 2016 pour la demande de la société SMGM, le 16 août 2017 dans le cadre de la demande d’autorisation d’exportation de minerai vers plusieurs sociétés chinoises, portée par l’entreprise SMGM et le 14 mars 2018 pour la demande d’autorisation d’exportation déposée par la SLN au bénéfice de la société japonaise PAMCO ainsi que le 23 janvier 2019 pour la demande d’exportation de la SLN à destination du Japon et de la Chine, pour une durée de dix ans.

Les demandes portées en 2018 et en 2019 par la société NMC dans laquelle la province Nord est indirectement représentée à travers la SMSP, filiale de la SOFINOR recevront un avis favorable de la part de la province et du gouvernement pour l’exportation de minerai basses teneurs vers la Chine. La chambre relève que l’usine YICHUAN n’était pas une entreprise détenue par des intérêts calédoniens et qu’il est donc inexact de présenter celle-ci comme étant une usine calédonienne offshore. Les négociations en vue d’une participation de la SMSP à hauteur de 51 % dans l’usine YICHUAN sont en cours depuis plus de deux ans. En outre, une des conditions pour la mise en place de la joint-venture avec YICHUAN réside dans la sécurisation par la SMSP de son engagement d’approvisionner l’usine chinoise à hauteur d’une quotité (600 000 tonnes) durant 25 ans, dont elle ne dispose pas à l’heure actuelle. Des négociations sont en cours entre la SMSP et la SLN afin de parvenir à sécuriser l’achat par la SMSP de la quotité nécessaire à l’usine chinoise. Il était donc prématuré à ce stade de considérer que l’exportation vers l’usine YICHUAN entrait dans le cadre de la doctrine nickel. De plus, la rente métallurgique dont la province Nord considère qu’elle fonde sa position, n’est pas partagée par l’usine YICHUAN avec la SMSP.

La province Nord a porté devant le juge administratif l’arrêté en date du 27 octobre 2015 par lequel le gouvernement avait autorisé la société Maï Kouaoua Mines à céder du minerai de basses teneurs en nickel à destination de la Chine. La présentation des dispositions réglementaires du code minier par la province Nord dans la logique de la doctrine nickel (arrêter l’exportation des minerais non valorisés par une usine offshore) n’a pas été retenue par le juge d’appel, la province Nord n’ayant pas produit d’autre argument que la possibilité dans un avenir non déterminé d’exploiter ce minerai par des usines calédoniennes.

Par jugement rendu le même jour, le 7 juin 2018, la cour administrative d’appel de Paris rejetait également l’autre demande portée par la province Nord que soit annulé l’arrêté du 3 novembre 2015 modifiant l’arrêté du 31 mars 2015 par lequel le gouvernement a autorisé la Société des Mines de la Tontouta à céder du minerai à destination du Japon. A l’évidence, la réglementation actuelle n’offre pas le support juridique permettant de décliner l’axe de la doctrine nickel dédié à l’exportation. La lecture des dispositions du code minier et du schéma ne permet pas de déduire qu’il existe aujourd’hui des dispositions normatives permettant juridiquement d’écarter toute demande d’exportation vers des usines off-shore.

La prise de participation majoritaire au capital de la SLN

Les collectivités calédoniennes sont indirectement représentées au capital de la SLN par le truchement de leurs sociétés d’économie mixte respectives (SOFINOR pour la province Nord, SODIL pour la province des Iles et PROMOSUD pour la province Sud) au sein de la Société Territoriale Calédonienne de Participation Industrielle (STCPI). La province Nord et la province des Iles sont représentées au sein de la STCPI via la SAS NORDIL, composée à 75 % de la SOFINOR et à 25 % de la SODIL. NORDIL possède 50 % des participations dans la STCPI, PROMOSUD 50 %. La STCPI possède 34 % du capital de la SLN (ERAMET 56 %, NISSHIN STEEL 10 %, l’Etat ayant une action) et 4 % du capital d’ERAMET.

La revendication de la province Nord est de porter le niveau de participation de la STCPI à 51 % du capital de la SLN. La province Nord considère que le fait de ne détenir que 34 % du capital de la SLN ne permet pas à la STCPI de faire valoir son point de vue quant à la stratégie industrielle. La province met ainsi en avant deux arguments principaux à l’appui de sa revendication : protéger la SLN d’une OPA agressive d’une part et peser sur les choix de gestion de la société d’autre part. S’agissant de ce dernier argument, la chambre relève que la STCPI, avec une participation à hauteur de 34 % dans le capital de la SLN, dispose d’une minorité de blocage et qu’elle a donc, juridiquement, la capacité de peser sur les décisions de la société. Interrogée sur la mise en oeuvre de ce pouvoir de blocage par la STCPI, la province Nord a indiqué que la STCPI « n’a jamais utilisé son pouvoir de blocage ».

La revendication d’une participation majoritaire au capital de la SLN devrait s’accompagner de la possibilité de jouer le rôle d’actionnaire majoritaire non pas seulement au titre de la maîtrise des choix de gestion que cette position confèrerait mais également en termes de conséquences financières pour l’actionnaire majoritaire. La chambre relève que la province Nord argumente sa position sur les avantages pour les provinces de « monter au capital » de la SLN (via la STCPI) afin de sécuriser son capital de la prédation de sociétés étrangères et afin de pouvoir maîtriser les choix de gestion et le domaine minier de la SLN. En revanche, aucune analyse n’accompagne la position de la province Nord concernant les conséquences financières inévitables auxquelles conduirait une telle prise de participation majoritaire lorsqu’il faudrait accompagner la filiale dans les périodes de cycle bas. La STCPI et les membres qui la composent ne disposent pas de la surface financière permettant de venir en aide à la SLN en cas de difficulté.

C’est d’ailleurs ce qui a été observé lorsqu’en 2015, la SLN, confrontée à une trésorerie négative, s’est tournée vers ses actionnaires. Le groupe ERAMET a effectué plusieurs avances auprès de la SLN, ce qui n’a pu être le cas de la STCPI. L’Etat a alors proposé de prêter à la STCPI la somme nécessaire pour que cette dernière puisse participer aux côtés d’ERAMET au soutien financier de la SLN. La chambre observe que lorsqu’il s’est agi de faciliter les modalités de cette aide que l’Etat se proposait de mettre à la disposition de la SLN, la province Nord a refusé de valider le dispositif juridique qui aurait pu permettre cette cession. La SOFINOR n’a pas été en mesure à travers NORDIL et la STCPI, de jouer son rôle d’actionnaire au moment où la SLN a rencontré des difficultés, la province Nord lui ayant demandé de ne pas le faire. Cette épisode illustre l’absence de disponibilité financière des collectivités publiques représentées au sein de la STCPI, exposant la SLN à un risque financier important au cas où la STCPI deviendrait son actionnaire majoritaire sans surface financière lui permettant d’absorber les chocs cycliques et ce alors que la société est le premier employeur de l’île. Cet épisode illustre également la dépendance, de facto, de la province Nord vis-à-vis de l’Etat pour trouver les moyens financiers
nécessaires à la réalisation de ses projets et de ses positions. Au final, il apparaît que la revendication de la province Nord de porter sa participation au capital de la SLN à un niveau majoritaire ne peut être pensée sans référence aux moyens de l’Etat. La chambre a recommandé à la province Nord d’évaluer les aspects financiers de sa revendication relative à la participation majoritaire dans le capital de la SLN.

Par ailleurs, la chambre relève que dans le schéma mis en place par l’accord du 17 juillet 2000, les parties signataires – dont la province Nord – étaient convenues que les administrateurs représentant la STCPI au conseil d’administration de la SLN ne pourraient être membres du congrès ou d’une assemblée provinciale. En revanche, aucune condition n’encadrait les conditions dans lesquelles les provinces seraient indirectement représentées au conseil d’administration d’ERAMET, la seule règle posée étant quantitative (deux administrateurs au conseil d’administration d’ERAMET représentant la STCPI). ERAMET rémunère la participation de ses administrateurs par la distribution de jetons de présence. La chambre relève que la participation au conseil d’administration d’ERAMET, pendant la période du contrôle, de M. Louis MAPOU et M. Philippe GOMES viole les dispositions du paragraphe I (6°) de l’article 196 de la loi organique n°99-209 organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie qui interdisent à un élu provincial d’être membre d’une société visée à l’article 53 de la loi organique dès lors que ces fonctions sont rémunérées.

LA PARTICIPATION DE LA PROVINCE NORD A L’ELABORATION D’UNE STRATEGIE NICKEL A L’ECHELLE DU PAYS

Le consensus sur la nécessité de disposer d’une stratégie nickel à l’échelle du territoire

Les réunions du comité des signataires des accords de Nouméa donnent lieu à l’examen de la thématique « nickel ». La chambre relève que si la nécessité de doter le territoire d’une stratégie nickel est partagée par l’ensemble des acteurs, la province Nord y inclus, ces travaux n’aboutissent pas, quels que soit l’enceinte, le format, la méthodologie et les thématiques de travail arrêtés.

Jusqu’à décembre 2012, le comité des signataires avait organisé les travaux d’élaboration d’une stratégie industrielle dans le cadre du comité stratégique industriel dont l’animation avait été confiée à Mme Anne DUTHILLEUL. Mis en place en 2010, afin d’élaborer le schéma stratégique industriel auquel renvoie le schéma minier, ce comité s’est réuni à échéances régulières jusqu’à 2012. Le rapport final ne donne finalement pas lieu à l’adoption d’une stratégie industrielle commune.

Lors de la réunion du comité des présidents le 22 mars 2013, il est revendiqué un format plus étroit des discussions afin d’avancer plus efficacement. Le comité des signataires du 3 octobre 2014 a décidé de relancer les travaux sur la définition d’une stratégie nickel en structurant les travaux dans leurs thématiques et l’enceinte de discussion. L’élaboration de la stratégie nickel doit s’organiser autour de quatre thématiques : la gestion et valorisation des ressources minières, les exportations de minerai brut, la gouvernance des entreprises minières et métallurgiques et la contribution du nickel à la richesse présente et future de la Nouvelle-Calédonie ; un cinquième thème dédié aux enjeux socio-économiques et environnementaux, sera ajouté par le comité des signataires réuni le 7 novembre 2016. Il a été décidé d’organiser les débats, sous l’égide du haut-commissaire, dans le cadre du comité des présidents, élargi
aux signataires des accords de Nouméa.

La fixation, en vain, d’une obligation de résultat
Le comité des signataires du 6 février 2016 fixe une obligation de résultat à parvenir à une position partagée pour la prochaine réunion des signataires. Mais les partenaires n’y parviennent pas. Si le comité des signataires fixe une obligation de résultat à ses participants et organise les débats dans le cadre du GTPS, ce dernier se positionne comme une simple enceinte de débats. La chambre relève le paradoxe entre le message politique délivré par le comité des signataires qui assigne à ses membres une obligation de résultat, alors que dans le même temps l’enceinte chargée d’organiser les débats indique qu’elle n’est pas un lieu de négociation. S’ils ne parviennent pas à s’entendre sur une stratégie globale sur le secteur, et particulièrement sur les exportations, les membres du GTPS sont parvenus à débloquer quelques dossiers ponctuels sur des problématiques sensibles (le concours des mineurs à l’approvisionnement de
l’usine de Corée, les négociations sur le report de l’échéance prévue à avril 2019 pour reconnaître le domaine minier). Les travaux ont surtout permis aux participants de partager une expertise commune sur les fondamentaux du secteur.

Une contribution active de la province Nord aux travaux sur l’élaboration de la stratégie pays
La province Nord a très régulièrement adressé au haut-commissaire des contributions sur les thématiques présentées lors des travaux du GTPS. L’examen des relevés du GTPS ainsi que les présentations effectuées par la DIMENC révèlent que les débats, animés par le haut-commissaire, s’articulent principalement entre d’une part l’Etat et la DIMENC qui présentent les problématiques et les pistes à explorer, et d’autre part, la province Nord qui effectue des contrepropositions et donne son avis.

La gestion et la valorisation des ressources minières est une thématique qui a donné lieu à un positionnement politique fort de la province Nord dès la mise en place du GTPS. En particulier, l’enjeu du retrait possible des titres miniers est sensible, la province Nord considérant que la procédure prévue par le code minier permettrait de lutter contre le « gel » des titres miniers d’une partie du domaine. La province Nord s’est positionnée de façon active dans le suivi de la réforme des dispositions réglementaires du code minier, transmettant plusieurs contributions écrites au haut-commissaire et à la DIMENC. Opposée au report de l’application de l’article 131-12 alinéa 5 du code miner, elle a finalement accepté une solution
de compromis consistant à clarifier les termes du code minier par l’introduction de définitions permettant de sécuriser le niveau de connaissance des ressources et à prendre en compte des problématiques spécifiques de chaque concession et de chaque mineur.

Par ailleurs, la province Nord considère « primordial que les décideurs publics puissent disposer d’une estimation des réserves nickel-métal ». La question de l’articulation entre la gestion des titres miniers et la compétitivité des entreprises est régulièrement rappelée par la province Nord qui avance ce critère comme devant être pris en compte dans la stratégie future du pays. La chambre relève que ce faisant, la province Nord n’explicite pas les critères qu’elle entendrait voir mis en oeuvre pour l’appréciation de la compétitivité des entreprises. Or il est indispensable de sécuriser les critères mis en oeuvre pour l’attribution, le maintien et le retrait des titres en cas de difficultés financières d’une entreprise minière et métallurgique et donc de sécuriser ce qui est entendu par « la compétitivité de l’opérateur sur le marché du nickel ». La chambre a donc recommandé à la province Nord de préciser le critère de la compétitivité
des entreprises dans le cadre de la gestion des titres miniers.

L’INTERVENTION DE LA PROVINCE NORD DANS LE NICKEL EN TANT QU’ACTIONNAIRE PUBLIC
Les suites données aux observations de la chambre sur l’intervention de la province Nord dans le groupe SOFINOR/SMSP
Lors de son contrôle précédent, la chambre relevait la forte hausse des garanties accordées par la province. A l’occasion du présent contrôle, il est relevé qu’une garantie d’emprunt a été attribuée par la province Nord à l’autre créancier de la SMSP, la BPCE, pour le financement de l’usine du Nord. La province Nord a accordé deux garanties d’emprunt aux créanciers de la SMSP : la première garantie porte sur un emprunt de 6,6 Md F CFP que la SMSP a contracté auprès de l’AFD pour le financement de la participation de la SMSP à la construction de l’usine du Nord ; la deuxième concerne un emprunt octroyé par le groupe BPCE-BRED pour le financement de l’usine du Nord.

Lors du contrôle précédent, la chambre avait examiné le respect par la province Nord des ratios prudentiels prévus par l’article 182 de la loi organique du 19 mars 1999. Elle attirait l’attention de la province sur les risques de dépassement du ratio relatif à la division du risque, les engagements pris au titre de la SMSP réduisant les marges de manoeuvre de la collectivité pour garantir de nouveaux emprunts. La chambre constate lors de son contrôle actuel que les deux premiers ratios sont respectés (capacité de garantie et partage du risque), mais que le ratio concernant la division du risque, bien que respecté, est proche du plafond, au profit de la SMSP.

S’agissant du degré d’information de l’assemblée plénière sur la situation des sociétés dans lesquelles la province détient une participation majoritaire, la chambre avait relevé lors de son précédent contrôle qu’à défaut d’avoir fixé un cadre préalable à ses interventions, les présentations demeuraient disparates quant à leur contenu, à la fois sur le périmètre et sur le degré de précision des informations données à l’assemblée délibérante, notamment dans le volet financier. La chambre constate que depuis son dernier contrôle, la situation de la SOFINOR a donné lieu à la présentation du bilan d’activité et financier. Elle relève cependant qu’aucune présentation n’est intervenue en 2016 s’agissant de la SOFINOR alors que cette année-là, l’exécutif a présenté à l’assemblée plénière deux délibérations l’invitant à lui accorder deux enveloppes financières pour 6,4 Md F CFP. L’assemblée plénière ne disposait donc d’aucun éclairage lorsqu’en décembre, elle a voté la deuxième enveloppe financière. La séance de présentation intervenue en 2017 a donné lieu à un rapport sur la SOFINOR mais qui présentait sa situation financière de 2015. Celle de 2018 a donné lieu à une présentation sommaire de la situation de la SOFINOR d’autant plus inexplicable que la société avait perçu un montant conséquent de la part de la province Nord.

La chambre relevait lors de son contrôle précédent qu’au vu des enjeux importants notamment au regard des engagements hors bilan souscrits au titre du groupe SOFINOR/SMSP, la province Nord devrait s’interroger sur le positionnement et le niveau de l’expertise à mettre en place. Elle recommandait à la province Nord de renforcer le suivi de ses engagements hors bilan et de se doter d’une expertise interne chargée de l’évaluation de ces risques et de leur impact financier sur le budget de la collectivité dans une perspective pluriannuelle. La province Nord a enclenché en 2017 une démarche visant à se doter d’outils de suivi du risque hors bilan.

La participation de la province Nord au capital de la société actionnaire de l’usine du Sud
L’usine du Sud appartient à la société Vale Nouvelle-Calédonie (Vale NC) dont les actionnaires sont la société VALE BRESIL (80,4 %), le consortium japonais SUMIC (14,6 %) et les provinces
représentées dans la SAS SPMSC à hauteur de 5 %.

Lors de son contrôle précédent, la chambre constatait qu’aucune présentation analogue à celle qui est faite pour les SEM dans lesquelles la province détient la majorité du capital n’est effectuée alors qu’il s’agit de la plus importante participation au capital d’une société détenue par la province Nord, avec 786,2 MF CFP, devant la SOFINOR. La province Nord indique avoir fait appel à un prestataire en 2017 afin de construire un outil de suivi du hors bilan. La chambre prend acte du progrès que constitue le projet de mettre en place une cellule dédiée au suivi des engagements hors bilan. Elle relève que les réflexions n’ont concerné à ce stade que les SEM alors que la province Nord est engagée dans la SPMSC et indirectement dans d’autres sociétés du secteur (SMSP, NORDIL, STCPI) qui justifient que le périmètre de cette cellule concerne l’ensemble des engagements hors bilan dans les sociétés dans lesquelles la province participe directement au capital (SOFINOR et SPMSC) et celle dont les engagements souscrits pourraient impacter financièrement la province (au titre notamment d’emprunts garantis par la province – comme c’est le cas de la SMSP – ou d’intérêts stratégiques pour la province, comme c’est le cas de NMC fortement endettée et confrontée à des nantissements qui pourraient conduire la province Nord à intervenir auprès de la SMSP).

Le caractère irrégulier de la participation de la province Nord à l’usine du Sud
La province Nord se fonde sur deux arguments pour fonder sa participation à l’usine du Sud : les compétences attribuées par la loi organique n°99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie d’une part et l’appartenance de la ressource nickel au pays d’autre part. La chambre ne partage pas cette analyse. La loi organique n’offre pas la base juridique permettant de justifier la participation de la province Nord dans une société située hors de son territoire, concernant une usine qui n’a aucun lien direct ou indirect avec ce dernier, les employés et les entreprises sous-traitantes de l’usine n’étant pas situées sur son ressort.

Les provinces sont tenues, à l’instar de toute collectivité locale, de respecter le périmètre géographique de leur ressort, dans l’exercice de leurs compétences, sauf à démontrer que l’intervention hors de leur territoire s’exerce dans le respect de l’intérêt local. Sous réserve de l’appréciation souveraine des tribunaux, la participation de la province Nord au capital d’une usine située loin de son territoire géographique, sans lien avec sa population et ses entreprises, ne présente pas d’intérêt local pour cette dernière et ses habitants. La province Nord indique que les retombées économiques de l’usine du Sud consistent essentiellement en sa contribution fiscale dans la quote-part de dotation du territoire pour la province Nord, ainsi que les parts salariales dépensées dans le Nord. Le fait que l’usine paie des impôts que la Nouvelle-Calédonie redistribue notamment vers les provinces ne saurait justifier l’existence d’un impact économique direct de l’usine du Sud vers la province Nord. Par ailleurs, le fait que cette intervention soit effectuée à un niveau ultraminoritaire (5 %) confirme qu’il ne s’agit pas d’intervenir en vue de réaliser un intérêt public ou pour couvrir la carence de l’initiative privée. Par ailleurs, s’agissant de l’argument relatif à l’appartenance de la ressource nickel au pays, la chambre relève qu’en toute logique, si la province considère que la ressource appartient à l’ensemble du territoire, c’est au niveau de la Nouvelle-Calédonie que devraient se structurer les interventions dans le secteur.

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