L’enjeu de l’approvisionnement en eau potable
La régie dessert fin 2021 une population estimée à plus de 108 000 habitants, en croissance rapide et constante du fait de l’attractivité économique du territoire frontalier suisse, à la fois dans le canton de Vaud et dans le canton de Genève. Selon les projections figurant dans le plan local d’urbanisme intercommunal, le territoire pourrait atteindre 120 000 habitants dès 2030 et jusqu’à 150 000 en 2040.
Dans ces conditions, l’approvisionnement en eau constitue un enjeu majeur. D’ores et déjà, la satisfaction des besoins des usagers n’est obtenue que par l’achat de plus d’un million de m3 (pour 7 millions distribués) auprès d’opérateurs suisses.
Un programme ambitieux de recherche de fuites a, d’ores et déjà, permis d’économiser plus d’un million de m3 depuis 2018 (l’équivalent de plus de 18 000 habitants). Mais des marges de progrès existent encore, que ce soit par une meilleure détection des fuites en aval des compteurs grâce à une meilleure réactivité permise par la télérelève (plus de 250 000 m3, l’équivalent de 5 000 habitants), ou par des mesures renforcées d’incitation aux économies d’eau (l’équivalent de 10 000 habitants pour une réduction de 10 %).
Toutefois, le territoire devra consolider et diversifier sa production d’eau, pour faire face non seulement à un besoin global en hausse mais également aux variations conjoncturelles des besoins et des capacités, notamment en fonction des conditions météorologiques.
Pour cela, le principal investissement envisagé consiste à relier le captage de Pougny (situé au sud du territoire), actuellement sous-exploité, au centre et au nord du territoire, dont les besoins sont élevés. Ce projet est néanmoins conditionné par le bilan de son impact environnemental sur la zone Natura 2000 qu’il traverse, qui, à ce jour, rend incertain sa concrétisation. De ce fait, l’approvisionnement en Suisse devra également être renforcé dans le cadre d’un partenariat avec les services industriels de Terrainte et Environs (SITSE), Canton de Vaud et, à titre secondaire, les Services industriels de Genève.
Ce programme d’investissement est ambitieux mais soutenable dans le cadre d’un budget qui dégage actuellement une très forte capacité d’autofinancement, d’un taux d’endettement très faible offrant de réelles capacités d’emprunt et des évolutions envisagées par la REOGES, notamment concernant les tarifs (+ 2,4 % par an en moyenne jusqu’en 2032).
La nécessité de financer des investissements pour l’assainissement des eaux usées
Concernant l’assainissement, le choix de recourir aux deux tiers à l’exportation des effluents vers les Services industriels de Genève a été fait en 2009, du fait de débits des cours d’eau insuffisants. Cette solution reste pertinente et suffisante pour absorber une hausse prévisible des quantités, et le projet de construction d’une station au sud du territoire reliée directement au Rhône demeure également une alternative envisageable quoique coûteuse.
En revanche, les obligations de mise aux normes et de renforcement des réseaux pèsent lourdement sur l’équilibre financier à long terme de ce budget, dont la situation s’est déjà dégradée depuis 2018.
Le programme envisagé par la REOGES conduirait à un niveau d’endettement structurellement haut, a fortiori en tenant compte d’une part incompressible de dépenses d’investissement, que ce soit pour le renouvellement du réseau ou la mise aux normes des installations. La REOGES doit donc, dès à présent, identifier les solutions alternatives qui pourraient être mobilisées en cas d’évolution défavorable de la situation financière.
Une gestion interne perfectible
La REOGES s’est dotée des principaux outils de gestion et de pilotage nécessaires et assume l’essentiel de ses missions de manière opérationnelle.
Toutefois, la gestion des ressources humaines n’a pas suffisamment fait l’objet de délibérations du conseil d’administration pour les différents régimes mis en place. Face notamment à des difficultés structurelles de recrutement, la REOGES doit anticiper davantage l’évolution de ses effectifs, de ses compétences et leurs conséquences financières. La prévention des conflits d’intérêt est également insuffisante, tout comme le contrôle de l’usage des véhicules par les agents, ce qu’elle doit corriger rapidement.
Enfin, même si les marchés publics les plus importants ont suivi les procédures prévues par la réglementation, les achats de moindre valeur sont la plupart du temps réalisés sans respecter les principes de publicité et de mise en concurrence imposées, ce qui expose la REOGES à un risque. Elle est invitée à renforcer son organisation en la matière, en premier lieu en assurant un contrôle et un suivi exhaustif des achats en fonction de leur nature.
RECOMMANDATIONS
- Recommandation n° 1 : Intégrer, en lien avec la CAPG, les enjeux et objectifs du SDAGE à la convention d’objectifs de la REOGES, et les assortir d’indicateurs de réalisation et de résultat suivis régulièrement.
- Recommandation n° 2 : Renforcer, sous forme d’une délibération, les dispositions internes de prévention des conflits d’intérêt, en organisant un déport ou l’absence de participation à toute prise de décision en cas de risque d’interférence entre un intérêt public et un intérêt privé.
- Recommandation n° 3 : Conduire une étude des consommations par abonné, le cas échéant par un échantillon des principaux consommateurs permettant de développer des mesures ciblées en faveur des économies d’eau, et rendre compte de leurs résultats.
- Recommandation n°4 : Limiter l’inscription de crédits pour dépenses imprévues aux cas et aux montants autorisés par la réglementation et expliquer, lors du vote du compte administratif, tous les écarts entre la prévision et l’exécution.
- Recommandation n° 5 : Produire une prospective financière alternative pour le budget annexe assainissement, pouvant être mobilisée en cas d’évolution défavorable de la situation financière.
- Recommandation n° 6 : Produire une projection financière des charges de personnel tenant compte de l’évolution attendue des effectifs, des salaires de base et du régime indemnitaire, cohérente avec la prospective financière de la régie.
- Recommandation n°7 : Délibérer systématiquement en conseil d’administration sur l’ensemble des questions relatives à la gestion des ressources humaines.
- Recommandation n°8 : Définir une nomenclature par famille homogène d’achats et suivre le montant des achats selon cette dernière, afin de déterminer la procédure réglementaire nécessaire.
- Recommandation n°9 : Recourir à la procédure conforme à la réglementation pour les achats supérieurs aux seuils de publicité et mise en concurrence préalables.
- Recommandation n°10 : Assurer une mise en concurrence, même pour les achats inférieurs aux seuils de procédure formalisée, afin de respecter les obligations légales.