La délégation de la gestion suppose un contrôle de la part de la collectivité délégante sur l’entreprise délégataire. Jusqu’à maintenant le contrôle a été essentiellement technique. Le suivi financier continu de la DSP reste encore largement défaillant.
L’eau produite est de très bonne qualité. Le rendement du réseau, de 73 %, reste un des meilleurs en Martinique mais en dessous des obligations de résultat fixées par le contrat de 81 %, pour l’ensemble de la période jusqu’en 2014. Le départ des communes de Lamentin et de Saint-Joseph permet de ne pas comptabiliser les pertes sur réseau au-delà des compteurs de vente en gros. Le rendement doit mécaniquement augmenter de 4 % en 2015. Malgré cela, l’objectif est limité à 75 % dans le nouveau contrat. Un objectif souhaitable serait de 80 % dans la configuration actuelle du réseau et de la vente en gros.
Le prix de l’eau en Martinique est l’un des plus chers de France avec une facture annuelle moyenne de 352 € (pour 120 m3) hors assainissement, comparé à une moyenne nationale de 240 €. Avec le contrat de 2015, le prix pour les consommateurs particuliers a diminué, au détriment des gros consommateurs (entreprises et collectivités). Au total, sur la période 2009-2015, le prix de l’eau potable aura augmenté du double de la moyenne nationale. Le nouveau contrat instaure, quant à lui, une augmentation du prix de l’assainissement collectif de 26 %. Ainsi pour l’usager des services d’eau potable et d’assainissement collectif, l’augmentation sur la période 2009-2015 aura atteint près de 30 % et de 2014 à 2015, 8,5 %. La part des charges de personnel est un des éléments explicatifs du prix de l’eau.
S’agissant du service d’eau potable, une des attributions essentielles du délégataire est l’entretien et le renouvellement du réseau. Le contrat de 2003 y avait ajouté un fonds de travaux spécifique au déplacement des canalisations et à l’amélioration du réseau. Une part importante des travaux a donc été confiée au délégataire à un prix fixé d’avance, sans possibilité d’adaptation aux prix du marché. Malgré l’importance des sommes dépensées, le renouvellement du réseau est faible puisqu’il stagne à 0,3 %, correspondant à un renouvellement complet au bout de 350 ans. Le renouvellement des compteurs a été également insuffisant, ce qui a donné lieu à une demande de pénalité du SICSM à la SME de plus de 550 000 € à la fin de l’année 2015. En outre, les documents permettant le suivi de ces travaux, le compte annuel de résultat d’exploitation (CARE) et le rapport annuel du délégataire (RAD) se révèlent invérifiables et incohérents. Si, dans le contrat de 2015, le fonds de travaux de déplacement a été supprimé, le fonds de travaux pour le renouvellement est conservé.
Les comptes présentés par le délégataire ne présentent pas la réalité des coûts du service rendu à l’usager. Une annexe explicative est fournie à l’appui des CARE mais les dispositions qui s’y trouvent, au demeurant peu explicites, ne peuvent pas s’appliquer à la délégation. Une partie importante des charges comptabilisées sont des charges indirectes, c’est-à-dire communes à différents contrats détenus par la SME et répartie en fonction de la valeur ajoutée de chaque contrat.
Plus le contrat est bénéfique pour l’entreprise, plus les charges mises à la charge du délégant et donc des consommateurs, sont importantes.
Ainsi, pour la seule année 2014, il apparaît que la délégation qui lie la SME avec le SICSM a supporté plus de 500 000 € de charges indirectes de personnel au-delà de la proportion de charge indirecte annoncée par l’entreprise au moment de la soumission de son offre. D’autres charges apparaissent anormalement imputées au compte de la délégation, comme la garantie de continuité ou des provisions pour créances douteuses qui paraissent excessives. Les résultats affichés dans les CARE sont donc bien en dessous de la profitabilité réelle du contrat.
S’agissant de l’assainissement, l’accès au service d’assainissement collectif est restreint puisqu’il ne concerne que 40 % des habitants du périmètre du SICSM. La qualité de l’assainissement est médiocre avec près d’un tiers des stations d’épuration qui dysfonctionnent, du fait de la vétusté de certaines installations dont la responsabilité incombe au SICSM mais, aussi, du fait du défaut d’entretien réalisé par le délégataire.
Le nouveau contrat signé en mars 2015, outre l’augmentation très importante des tarifs, prévoit un fort accroissement des charges comptabilisées. Cette augmentation concerne notamment l’évacuation des boues des stations d’épuration, dont le traitement est assuré exclusivement par l’unité de compostage « Terraviva », exploitée également par la SME pour un coût important alors même que l’équipement a été financé à 50 % par des financements publics.
Le SICSM doit résolument mettre en œuvre la perception de la taxe sur les abonnés raccordables mais non raccordés. Il doit mettre en œuvre le raccordement d’office qui, seul, permettra d’atteindre l’objectif d’un taux de raccordement de 80 % en 2020.