SYNTHÈSE
Enercal, société néo-calédonienne d’énergie, a été créée en 1955, sous le statut de société d’économie mixte, dans le cadre de la loi du 30 avril 1946 relative au développement économique de l’outre-mer, pour mener à bien la construction du site hydroélectrique de la Yaté et d’en assurer son exploitation. En 1972, la Nouvelle-Calédonie a confié à Enercal la concession de transport d’électricité sur l’ensemble du territoire et la gestion du système électrique. La société assure, par ailleurs, par concession, la distribution d’électricité dans 27
communes, hors Nouméa. Enercal est aujourd’hui une entreprise intégrée qui assure la production, le transport et la distribution d’électricité.
La Nouvelle-Calédonie, qui a bénéficié en 2008 du transfert des titres de l’État, est l’actionnaire majoritaire avec 54,4% du capital.
Enercal détient 75% du capital de Prony Énergies, qui exploite une centrale électrique au charbon, destinée notamment à l’alimentation de la distribution publique. Enercal est, par ailleurs, actionnaire à hauteur de 40% de Nouvelle-Calédonie Énergie, qui porte le projet de centrale pays au gaz.
La Nouvelle-Calédonie déroge sensiblement au modèle ultramarin d’intégration verticale transport/distribution, dit de « l’acheteur unique », en raison de la présence de deux opérateurs de distribution. Ce modèle est régulé à travers la règlementation mise en place : le consommateur calédonien, particulier ou professionnel, n’a pas la possibilité de choisir son fournisseur sur le marché de la distribution d’électricité et ne peut passer directement un contrat de fourniture avec un producteur. Le client est obligé d’acheter au concessionnaire de distribution sélectionné par la commune de son lieu de résidence à un prix de vente fixé par le gouvernement. Par ailleurs, la production d’électricité est soumise à une autorisation du gouvernement et les contrats d’achat à son agrément.
Le nouveau paradigme des énergies renouvelables
Le schéma de transition énergétique (STENC) adopté par la Nouvelle-Calédonie prévoit, à l’horizon 2030, l’alimentation à 100% de la distribution publique par des énergies renouvelables. Le développement des énergies intermittentes et de la filière photovoltaïque constituent un changement de paradigme pour le système électrique et un enjeu majeur pour son gestionnaire, concessionnaire du réseau de transport, en termes d’adaptation et de sécurisation du réseau. La commission de régulation de l’énergie souligne le caractère capitalistique des moyens de production qui constitueront le système électrique et qui nécessiteront des investissements importants.
Un projet insuffisamment porté par l’actionnaire de référence
La gouvernance de la société est marquée par une double ambiguïté, avec la présence au sein du conseil d’administration de l’opérateur concurrent de distribution, EEC, et l’identité
entre l’actionnaire de référence et le régulateur du système électrique, la Nouvelle-Calédonie.
Engie, maison mère d’EEC, détient 10,7% du capital social d’Enercal, ainsi qu’un siège au conseil d’administration. Par ailleurs, Eramet, actionnaire de référence de la SLN, client et prestataire d’Enercal, détient 16,3% du capital, ainsi qu’un siège d’administrateur.
La présence au sein du conseil d’administration d’Enercal du second opérateur de distribution, qui constitue selon l’autorité de la concurrence un risque d’atteinte à la concurrence, affecte la bonne gouvernance de la société.
En métropole, la fonction de régulation du système électrique est assurée par la commission de régulation de l’énergie, autorité administrative indépendante. Celle-ci est chargée d’une mission de régulation des réseaux et des marchés permettant le développement d’une concurrence au bénéfice du consommateur final. La commission de régulation de l’énergie transmet aux ministres chargés de l'économie et de l'énergie ses propositions motivées de tarifs réglementés de vente d'électricité. En Nouvelle-Calédonie, cette fonction de régulation est assurée par le gouvernement.
La chambre recommande à Enercal de formaliser sa stratégie, de la décliner en objectifs opérationnels quantifiés et mesurables, et d’en confier la validation et le suivi au conseil d’administration ou à un comité stratégique créé en son sein. Elle recommande à Enercal de valoriser ses modèles d’affaires, en tenant compte des évolutions et des changements liés notamment au développement des énergies renouvelables.
La chambre invite par ailleurs la société, en relation avec la Nouvelle-Calédonie, à concrétiser la mise en place des schémas directeurs du transport et de la distribution.
Une fragilité inhérente au système tarifaire
La délibération du 5 mars 2012 relative au système électrique de la Nouvelle-Calédonie pose le principe que les tarifs de vente d’électricité applicables à la sortie des réseaux de transport et de distribution, qui reflètent les coûts réels de l’électricité, doivent permettre aux opérateurs d’assurer leurs missions. Elle prévoit cependant que pour éviter ou atténuer une augmentation des tarifs publics de l’électricité, le gouvernement peut recourir au versement d’une compensation financière au gestionnaire du réseau public de transport. Alors que les tarifs de l’électricité n’ont pas été révisés depuis 2008, aucune compensation financière n’a été accordée à Enercal depuis 2014. Cette dernière estime à 843 MF CFP le défaut de rémunération attendue au titre de l’exercice clos le 30 juin 2018.
Cette situation constitue un facteur de fragilité pour la société qui affecte la lisibilité de ses perspectives financières. La chambre s’interroge, par ailleurs, sur le caractère certain de cette créance et sur le bien-fondé de son inscription dans les comptes. Le résultat net de la société, retraité du changement de comptabilisation des amortissements, s’établit 1 382 MF CFP au 30 juin 2018, soit 4,5% du chiffre d’affaires. Enercal est cependant confrontée à des variations conjoncturelles de ses recettes non récurrentes, hors distribution publique (hydraulicité de Yaté, ventes « à bien plaire » aux métallurgistes). Ce résultat doit, par ailleurs, être apprécié en tenant compte des réserves quant à la prise en compte de la composante de stabilisation dans le chiffre d’affaires, soit un montant de 843 MF CFP au titre de l’exercice 2017-2018.
L’analyse de la trésorerie à un niveau infra annuel fait ressortir une mobilisation importante du découvert bancaire autorisé sur le premier semestre 2016 et une détérioration sur la période la plus récente. Si l’endettement de la société apparaît maîtrisé, bien qu’en augmentation sur le dernier exercice examiné, il doit être mis en perspective avec les investissements à venir.
Le rapprochement de ces éléments d’analyse de référentiels pertinents permettrait de positionner la société en termes de performance financière.
Le plan stratégique de la société prévoit l’estimation et la proposition au conseil d’administration d’une nouvelle trajectoire financière. Les changements à venir, tels que décrits précédemment, rendent l’exercice indispensable pour la gouvernance de la société. Cette trajectoire financière doit être la traduction des objectifs et des moyens définis conjointement
entre la société et l’actionnaire de référence, dans le cadre du système tarifaire.
En matière de gestion des ressources humaines, la chambre recommande l’élaboration d’une trajectoire pluriannuelle d’effectifs, prenant en compte les contraintes de redéploiement et les besoins de compétences liés à la nouvelle donne énergétique.